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Forage Wallonie
Au sein du Cluster Entreprises Complémentaires, on retrouve la fédération « Forage Wallonie», qui défend les intérêts de toutes les entreprises de forage actives en Wallonie. Jacques Vercruysse, le président, nous a expliqué le rôle de la fédération et les enjeux liés aux différents métiers de cette discipline.
Jacques Vercruysse, quels sont les métiers que l’on retrouve dans votre fédération ?
Quatre métiers sont liés au forage : la géothermie (aspect énergétique), les puits d’eau, la reconnaissance géologique et les piézomètres pour tout ce qui est lié à l’environnement. La plupart des foreurs wallons sont actifs dans ces quatre professions. Chaque métier a sa propre utilité avec différentes petites nuances. Dans tous les cas, nous réalisons des forages verticaux atteignant une profondeur de 2-3 mètres à 250300 mètres.
Depuis quand votre groupement existe-t-il ?
Au départ, une asbl a été créée par quelques foreurs essentiellement issus de la province du Luxembourg. Elle était donc rattachée à la Chambre du Luxembourg. En 2016, l’asbl en tant que telle a été dissoute pour se transformer en une association au sein du Cluster Entreprises Complémentaires. C’est à ce moment-là que j’ai été sollicité à la présidence de l’association. Rappelons que les foreurs wallons existent partout en Wallonie, pas que dans la province du Luxembourg. Notre visibilité serait meilleure au travers d’une fédération de métiers indépendante d’une province quelconque.
« La géothermie profonde est l’une des alternatives pour remplacer une partie du nucléaire. »
Vous êtes combien de membres ?
Une dizaine. Il n’y a pas beaucoup d’acteurs en Région wallonne. En Flandre, vous pouvez multiplier ce chiffre par cinq. Le marché de la géothermie, par exemple, y est beaucoup plus développé. En effet, à partir de 2023, on ne pourra plus vendre de chaudières au gaz et aucun raccordement au gaz naturel ne sera autorisé pour les nouveaux bâtiments. Il restera donc les pompes à chaleur ou autres méthodes pour se chauffer à l’électricité ou au bois. La Flandre a donc beaucoup plus de projets. À Bruxelles, il y en a pas mal également, toute proportion gardée. Dans cette Région, les permis sont également assimilables à une classe 3.
La situation est donc fort différente d’une région à l’autre.
En Wallonie, la législation est plus tolérante avec des délais plus éloignés dans le temps. Les projets de géothermie sont donc encore assez peu nombreux. De plus, nous avons souffert de la crise sanitaire avec des investissements retardés. Mais depuis le mois de novembre 2021, on constate un boum des demandes. Les gens n’investissaient pas dans ce type de projet tant que les prix de l’énergie fossile n’avaient pas atteint un seuil critique. Or, ils l’ont atteint avec les prix qui ont explosé, encore

aggravés par la guerre en Ukraine : x 2 pour l’électricité et le mazout et x3 pour le gaz. Par contre, les prix pour réaliser les sondes géothermiques avec des tuyaux en polyéthylène ont augmenté dans des moindres proportions, 10 à 15 %. Pour le moment, nous sommes donc débordés de demandes.
Le secteur se porte donc bien.
Pour la géothermie, oui ça reprend. Concernant les puits d’eau, nous avons eu une forte demande suite aux trois années de sécheresse, mais l’année 2021 a été catastrophique vu qu’il n’a fait que pleuvoir. Pour les piézomètres liés à l’environnement, ça reste stable dans le temps. Mais la création du fonds fédéral Premaz pour financer l’assainissement des sols pollués à cause des citernes à mazout va sans doute donner un boost à ce métier.
On a quand même l’impression que ce secteur du forage est encore sousexploité en Wallonie et relativement peu connu. Vous confirmez ?
La géothermie n’est pas peu connue, elle est méconnue. Il y a une confusion dans l’esprit des gens entre cette discipline et les capteurs géosolaires ou serpentins horizontaux dans les jardins que beaucoup d’architectes appellent « géothermie ». Ce n’est pas du tout la même chose. Ces capteurs exploitent l’énergie du soleil stockée à 2-3 mètres sous la surface terrestre, c’est donc lié aux saisons. Pour la géothermie (ndlr: du grec géo/la terre et thermos/la chaleur), on parle d’énergie qui vient du centre de la terre. Ce n’est donc plus du tout lié aux saisons. La géothermie est un sésame pour la basse énergie.
Le rôle premier de votre fédération est de faire du lobbying auprès des pouvoirs publics. Qu’en est-il à ce sujet ?
Au sein de la Confédération, nous avons également un partenariat très fort avec la CCW qui nous a notamment permis de passer, pour la géothermie, à un permis de classe 3 au lieu de classe2 qui était beaucoup plus contraignant. C’est l’un des résultats de notre lobby. En contrepartie, un agrément a été instauré pour les foreurs souhaitant exercer leur métier en Région wallonne. Cet agrément permet de garantir que l’entreprise dispose du matériel adéquat et du personnel qualifié. Une autre certification existe également : la certification Rescert. Celle-ci n’est pas très populaire en Wallonie et prête à discussion, mais elle est pourtant nécessaire pour faire bénéficier les clients bruxellois des (maigres) primes qu’ils pourraient obtenir.
Pour le reste, les pouvoirs publics lançant des projets ne sont pas très réactifs. Si je prends les cahiers des charges par exemple, ce sont toujours des forages limités à 100 mètres de profondeur avec un permis de classe 2. C’est un copier-coller de ce qui existait voici des années, mais ces cahiers ne sont plus en accord avec la législation en vigueur et sont devenus obsolètes, il faut les remettre à jour !
La géothermie utilise l'énergie qui vient du centre de la terre.
La Wallonie a lancé son plan de relance post-covid et inondations, mais il n’y a pas grand-chose pour nous, alors que nous proposons des systèmes énergétiques adaptés au 21e siècle qui misent sur le renouvelable.
À rajouter que la géothermie, profonde cette fois, est l’une des alternatives pour remplacer une partie du nucléaire, mais on ne pousse pas dans ce sens. Chaque grosse ville devrait avoir sa centrale géothermique. C’est le cas de Munich qui est alimentée par ce type de centrale.
Dernière question. Quels sont vos objectifs et ambitions à la tête de la fédération ?
La première ambition est de bien suivre l’évolution de la législation et des directives qu’on va nous imposer pour nos métiers. Nous voulons être un partenaire des pouvoirs publics afin de réaliser le travail ensemble.
La deuxième concerne la géothermie ouverte. Il faut savoir qu’il y a deux types de géothermie : la géothermie fermée classique et la géothermie ouverte. Ce deuxième système consiste à extraire de l’eau avec un puits et ensuite, après passage dans la pompe à chaleur, réinjecter l’eau dans la même nappe, mais à une certaine distance de puits d’extraction. Ce type de géothermie exige actuellement un permis de classe 1 dont la demande varie entre un an et un an et demi, ce qui est beaucoup trop long. De plus, ça coûte très cher, environ 100.000 € pour avoir le permis. Notre demande est d’alléger la procédure et de réduire les coûts. À Bruxelles, c’est une technique qui commence à se propager, mais à l’échelle de quartiers ou de très grandes bâtiments (Tour & Taxis par exemple). En Wallonie, à part l’hôpital Bavière le long de la Meuse à Liège, il n’y en a pas en fonction.
Enfin, nous aimerions plus de primes aussi pour favoriser le recours à la géothermie.•