Tu souris, tu accélères

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Tu regardes la route, parfois tu plisses le front, tes yeux sont bruns, souvent ils s’assombrissent. Les yeux de Roberstein sont bleus. Le verre est bleu. Tu l’as cassé. Le whisky mouillait le tapis. Toi si adroit d’habitude tu as fait tomber le verre. C’est étonnant qu’il ne soit pas cassé. J’essuie la table avec une serviette. Roberstein te verse à boire à son tour. Peut-être n’avez-vous pas encore parlé de moi.

2 Nous étions au bord de la forêt, toi en tweed, moi en astrakan. Nous marchions sous le ciel déchiré par les branches. Déjà je voulais le printemps. L’éclatement soudain des bourgeons. Le vert tendre. Parfois j’ai envie du rouge de l’automne. Roberstein est venu en novembre, j’étais enrhumée, j’avais le nez enflé, les lèvres sèches. Je me trouvais très laide. Souvent je ne m’aime pas, ça n’arrange rien. Tes mains sur le volant, immobiles. Ton visage impassible. Je n’ai rien fait, je ne t’ai pas quitté. J’ai obéi sans protester quand tu m’as dit qu’on partait en voyage. J’ai bouclé les bagages. D’habitude tu te fâches si je me trompe en lisant les cartes. Aujourd’hui nous n’avons pas décidé où nous allons. C’est toi qui as dit simplement, On part. J’étais derrière la fenêtre

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