Casse Ton Cliché : "C'était mieux avant, c'est mieux ailleurs"

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Casse Ton Cliché

La rédaction

Cinquante d’un coup !

Ou plus exactement cinquante-quatre élèves, à s’être initié au journalisme. Entre les cours, les devoirs à la maison, les DST, les examens blancs, les sorties et voyages scolaires, ces courageux issus des classes de seconde, première et terminale ont encore trouvé un peu d’énergie pour participer à la réalisation de Casse Ton Cliché. Un grand bravo à eux !

Lecteurs, nous vous laissons tout le loisir de découvrir l’identité de nos rédacteurs en herbe, au fil des pages.

Pour son premier numéro officiel, Casse Ton Cliché s’est fait sur la base du volontariat, sur le temps libre de chacun, entre octobre dernier et mars 2023 Des travaux en classe et des rencontres au sein des clubs ont également fait l’objet d’une publication.

A tous ceux qui ont donné de leur temps, savoir, regard mais aussi de leursmoments de vie,contacts etphotos, que ce soit parmi l’équipe pédagogique, les familles des élèves ou les personnes extérieures au lycée, un immense merci ! Aux observateurs qui s’étonneraient de voir le nom de l’auteure de ces mots apparaître de temps à autre au cours de leur lecture, n’y voyez pas une tendance égomaniaque mais plutôt une nécessité de « combler les trous » dans notre maquette, couplé à un souci d’honnêteté intellectuelle

Une reconnaissance toute particulière est à adresser à M. Poher et à M. Khallouk, pour leur confiance aveugle tout au long de l’élaboration du projet. Il en est de même pour l’accord de financement de cette impression papier, qui donne toute sa dimension au travail fourni par les élèves cette année

La formule de ce premier numéro de Casse Ton Cliché est simple : des reportages, enquêtes, interviews en lien, de près ou de loin, avec le thème que les membres de la rédaction ont choisi de décortiquer, mais aussi des fun facts à picorer, un sondage à dévorer, des énigmes à ruminer et des cadeaux à croquer

Notez ! La version web du journal contient deux pages supplémentaires inédites, dans lesquelles la création artistique et littéraire est valorisée.

Pour en savoir plus, il vous suffit de scanner le QR Code ci-dessous

Pas mieux !

En février2020, France Culture diffusait une émission de radiointitulée« C’étaitmieuxavant etçafait2 000ans que ça dure ! » Si le sujet n’est pas neuf, il a au moins le mérite de faire couler beaucoup d’encre, et notamment la nôtre. A cette locution commune, la rédaction a ajouté le tout aussi célèbre « c’est mieux ailleurs ». L’occasion était trop belle pour ne pas faire d’une pierre deux coups. De la régression des droits des femmes à travers le monde, à l’évolution de la démocratie en France, en passant par divers faits de société et autres grands enjeux environnementaux, les rédacteurs de Casse Ton Cliché ont proposé, à qui mieux mieux, des sujets en lien avec lesproblématiquesdenotreépoqueetleursinterrogations personnelles.

Avant, ailleurs, ici, maintenant, pire, trop, pas assez… Les efforts d’observation et d’objectivité ont, espéronsle, désarmé ce réflexe, tout humain, qui est de juger pour s’affirmer Dans le doute, les interlocuteurs sollicités, is-

Entre quat’z’yeux

La gauche, obsolescence (dé)programmée

Un goût amer Alpha, génération désenchantée ?

sus de tous horizons, ont contribué à tracer le sillon nécessaire à l’ouverture d’esprit, chez les jeunes têtes en construction.

« C’était mieux avant, c’est mieux ailleurs » … De notre cliché de prédilection, il en ressort un élan. Celui de l’échappée belle d’un présent qui saisit au cœur et au corps, vers des réalités passées, déformées, fantasmées. Ouvrir le champ des possibles apaise l’angoisse de vivre dans un monde imparfait, au sein duquel les marges de manœuvre de tout un chacun sont limitées. Ce qui séduit dans l’avant ou l’ailleurs ne serait alors pas tant le « mieux » que « l’idée du mieux », tel un refuge salvateur Tel un instinct aussi, faisant écho à la clairvoyance des mots d’Albert Camus : « Ce monde, tel qu’il est, n’est pas supportable. J’ai donc besoin de la lune ou du bonheur, ou de l’immortalité, de quelque chose qui soit dément peut-être, mais qui ne soit pas de ce monde ».

Intouchable

Nostalgie,quandtunoustiens…

Samuel Lelouch & Noé Manwaring-Favennec Artus Huet François Hollande nous a reçu pour un entretien exclusif. Le 7e président de la Ve République s’exprime sur la gauche, ses valeurs et sa conception de la politique. Page 6

Dune Gaget, Ferdinand Jeampy-Capdenat & Lucas Robinson

Sondage exclusif réalisé au sein de l’EIB. Les élèves du lycée croient-ils en l’avenir ? Quels sont leurs inquiétudes, leurs frustrations ? Découvrez les réponses à ces questions et à bien d’autres encore. Page 11

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La nostalgie, ce mal du siècle. Oui, mais lequel ?

Louis Georges, professeur d’histoire-géographie et Pierre Soubiale, professeur de philosophie, s’interrogent. Entretien croisé. Page 26

Avril 2023
N°1
« C’était mieux avant, c’est mieux ailleurs »
L’édito

Au pays du Soleil-Levant, bien se nourrir s’apprend tous les jours à l’école. Véritable fierté de l’archipel, le repas scolaire contribue au maintien d’un indice très bas de l’obésité, défiant ainsi la tendance mondiale

Un bon élève. Alors que la Fédération mondiale de l'obésité affirme, si les gouvernements n’agissent pas, que plus de la moitié de la population sera en surpoids ou obèse d’ici 2035, le Japon affiche le taux d’obésité leplusbasparmi41paysdéveloppésdel’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) Plus particulièrement, le pourcentage d’enfants âgés de 5 à 19 ans en surpoids ou obèses s’élève à seulement 14,42% contre 30,09% en France, selon un rapport de l’UNICEF datant de 2019

Le secret de ce phénomène ? Le déjeuner scolaire, appelé« Kyushoku ».Eneffet,contrairementauxpays occidentaux où les élèves peuvent apporter leur lunch ou encore rentrer chez eux le midi, les enfants japonais doivent tous, dès le primaire, manger des repas préparés et supervisés par des nutritionnistes, au sein de l’école

Le moment du repas, un apprentissage commun

Au Japon, la pause déjeuner est ainsi considérée comme un cours de 50 minutes environ. Le but ?

Apprendre à devenir responsable, à avoir une bonne

connaissance des bienfaits de tel ou tel aliment, valoriser l’importance des plats faits à la main et favoriser la convivialité Lorsque la cloche sonne, une moitié de classe enfile blouse, masque, bonnet. Elle apporte et sert les plats delacuisinedel'écoleauxautrescamarades,encharge de la disposition des tables Avantlerepas,chacunsedoitremercierlesnourritures en prononçant« いただきます» (itadakimasu) La fin du déjeuner est ponctuée d’un « ごちそうさまでし た » (gotchisousamadeshita), signifiant merci. Après avoir mangé, les enfants rangent, ramènent les casserolesaux cuisines etnettoient la salle. Illeur reste ensuite 15 minutes de temps libre avant la reprise des cours

Une alimentation saine

Le menu du déjeuner scolaire change tous les jours et donc comprend une grande variété de plats. De nombreuses écoles privilégient les ingrédients locaux. Les repas sont bien équilibrés, composés de légumes, riz, poisson, fruits, etc.

Soutiennutritionnelindispensablepourceuxquisautent le petit-déjeuner, le « Kyushoku » a également l’avantage de ne coûter que 5 000 ¥ (35 euros)par mois. Un faible tarif, dans la lignée de l’initiative dont le déjeuner scolaire tire son origine… En 1889, une école primaire municipale de la ville de Tsuruoka situé au nord du Japon, avait offert gratuitement des onigiri, c’est-à-dire des boulettes de riz enveloppées dans une alguenori,dupoissongrilléetdeslégumesmarinés,aux enfants défavorisés.

Zoé Pariente – Tale2

Au Brésil, l’obsession du corps « parfait »

Sport, injection et bistouri… Pour coller aux canons de beauté du pays, les Brésiliens sont prêts à tout. Quitte à céder, sans complexes, au chant des sirènes de la chirurgie esthétique

Ipanema, findécembre, 35° Le va etvientdesvagues couleur émeraude taquine le sable fin, avec un bruit léger de clapotis La plage est comme mouchetée par les corps athlétiques des Brésiliens, qui sont autant de grains de beauté savamment entretenus sous le soleil de plomb Baignade tonifiante, pratique sportive intense, bronzage au millimètre Au Brésil, le corps est un investissement et son culte, totalement assumé. Être séduisant y est même un droit humain. C’est aussi un critère déterminant pour accéder à la réussite sociale et professionnelle, surtout pour les femmes Le Graal ? Un corps ferme, une taille de guêpe, des cuisses et des fesses toniques pour les femmes ; des muscles bien définis et des abdos en béton pour les

hommes. Des traits dits « germaniques » quidiffèrent des canons européens, plébiscitant plutôt les corps fins.

Pour se conformer aux attentes de la société, les Brésilien(ne)s n’hésitent pas à recourir, dès 14 ans pour certain(e)s, à la chirurgie plastique. Injection de botox dit « préventif », correction des oreilles, liposuccion, rhinoplastie, mammoplastie ou encore lipofilling fessier (Brazilian Butt Lift) Le nombre d’interventions dansle payss’élève à environ 13% du marché mondial, faisant du Brésil l’un des leaders du secteur, avec les Etats-Unis

Un secteur qui ne connaît pas la crise, si l’on en croît la stabilité du nombre de demandes post Covid-19.

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Sophie Gigou – Tale4

Egypte : l’héritage culturel, un moyen de finir le mois

Au pied des pyramides, objets souvenirs et balade en chameau sont proposés au forcing aux touristes. Nécessité fait loi.

Plus de 14 millions de visiteurs chaque année. Les pyramides de Gizeh sont l'un des sites touristiques les plus populaires au monde. Au pied de Khéops, Khephren et Mykérinos, édifiées il y a plus de 4 500 ans, les nuéesde touristes fraîchement arrivés sont vite sollicités par les locaux.Proposition de visites guidées, promenade à dos de chameau, vente de pacotilles… Tout est prétexte à achat, à pourboire. Face à ce flot d’offres parfois étouffant, Magda, guide touristique depuis bientôt 25 ans, explique : « L’héritage culturel égyptien est un moyen pour beaucoup de se faire de l’argent. La préoccupation première, c’est de boucler les fins de mois. Transmettre autour de la grandeur de notre histoire vient en second plan ».

En Egypte, environ 3 millions de personnes vivent de l’industrie du tourisme, soit près de 13% de la population active. Avec un taux de pauvreté de 32,5% en 2018, ce qui constitue l’un des principaux secteurs économiques du pays offre maints petits boulots. En dehors des grandes villes, bien que l’école soit obligatoire jusqu’à 16 ans, beaucoup d’enfants la quittenttôtpour travailler, aider leurs parents dans leur métier, conduire des tuk-tuk Si elle est cachée aux yeux des touristes, à l’instar du mur construit pour dissimuler les bidonvilles près des pyramides de Saqqarah, la misère existe bel et bien. « Mais c’est comme ça, on fait avec, commente Magda On y va pour la visite ? »

International Avril 2023
« Kyushoku », ou les vertus du déjeuner scolaire japonais
La règle d’or du « Kyushoku » ? Tout le monde metla main à la pâte

Thomas Funkleder – Tale1

Gaz russe : une dépendance qui inquiète

Enjeu géopolitique complexe, le gaz en Europe est au cœur des préoccupations

Bilan de la situation.

propres ressources au sein de leur territoire. Pressée de suivre l’exemple des Etats baltes, la ministre des Affaires étrangères allemande, Annalena Baerbock se heurte de son côté à la prudence d’Olaf Scholz, chancelier allemand En effet, si l'Europe cherche à se détacher de la Russie pour former une union solide qui s’oppose à la guerre, elle pourrait devoir se rendre partiellement dépendante d'un autre partenaire historique, les États-Unis. De plus, les 27 pourraient devoir chercher de nouveaux partenaires économiques et diplomatiques, dans les pays membres de l’OPEP notamment, mais plus récemment aussi en Algérie, bénéficiant ainsi du contexte d’apaisement des relations entre Paris et Alger.

L’émancipation en faveur du développement durable ?

Cette volonté d'autonomie des membres de l'Union européenne à l’égard du gaz russe est également soutenue par la cause écologique, que cela soit dans le milieu politique ou social. Pour la ministre des Affaires étrangères allemande précédemment citée et membre du parti écologique de son pays, cette prise d'autonomie vis à vis de la Russie ne serait pas synonyme d'une nouvelle dépendance à d'autres puissances étrangères mais serait au contraire un premier pas vers une transition énergétique en faveur du développement durable.

Politique étrangère de l’UE : l’impossible consensus ?

Entre souveraineté nationale et européenne, comment la politique étrangère s’organise-elle dans une Union européenne de plus en plus divisée ?

Certains affirment que la création d’une politique étrangère européenne unilatérale est impossible, à l’instar d’Hubert Védrine, homme politique français et ministre des Affaires étrangères sous le gouvernement de Lionel Jospin, pour qui elle « est une illusion ». Et pourtant…

Une certaine politique étrangère

Avec son entrée en vigueur en 2009, le traité de Lisbonne a introduit une politique de sécurité et de défense commune (PSDC) Un vrai tournant qui a permis à l’Union Européenne (UE) de se doter d’un Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Celui-ci est nommé à la majorité qualifiée renforcée par le Conseil européen, avec l’accord du président de la Commission. Il faut donc que sa nomination soit approuvée par 72% des Etats membres représentant 65% de la population de l’Union Européenne. L’objectif ? Permettre aux 27 de l’UE de se coordonner en matière de politique extérieure.

Entre système d’alliance, partenariat économique, peur des populations, montée en puissance des lobbies et engagement face aux enjeux écologiques, la dépendance face au gaz russe inquiète et partage.

Et pour cause ! Le gaz représente environ un quart de la consommation énergétique de l’Union européenne (UE). Il est notamment utilisé pour le chauffage ou pour produire de l’électricité.

Bien que certains Etats membres produisent euxmêmes du gaz, à l’image des Pays-Bas ou de la Roumanie, cette production reste trop faible pour couvrir les besoins de l’ensemble des ménages et des entreprises. L’Union européenne doit donc aller chercher cette énergie ailleurs, et surtout en Russie. En 2020, plus de 43% du gaz importé sur le territoire provenait ainsi de ce grand voisin. Mais pourquoi et comment l’Europe cherche-t-elle à se défaire de cette dépendance historique ?

L’exemple des pays baltes

Si l’Europe cherche à rompre avec l’avant, c’est dans le but de trouver mieux ailleurs. Actions militaires en Géorgie en 2008, annexion de la Crimée en 2014, guerre en Ukraine depuis le 24 février 2022 Le désir d'autonomie concernant le gaz cherche à se construire en opposition à la politique agressive de la Russie, en la privant d’une partie importante de son économie. Des initiatives ont déjà été amorcées, notamment dans les trois états baltes que sont la Lituanie, l'Estonie et la Lettonie.

Totalement dépendante des ressources en gaz de la Russie jusqu’en 2014, la Lituanie a mis en place, à la suite de l’annexion de la Crimée, le projet « Indépendance » dans le but de diversifier ces approvisionnements.

Grâce à un contrat avec la Norvège, Vilnius peut désormais comptersur la présence d’un terminalgazier à Klaïpeda, réduisant sa dépendance au gaz russe à 30%.

À la suite de l'invasion de l'Ukraine en février 2022, la Lettonie et l’Estonie ont emboîté le pas à leurs voisins en cherchant en implémentant un nouveau terminal gazier entre la Finlande et Tallinn, capitale de l’Estonie, ainsi qu'en se reposant davantage sur leurs

Autre exemple avec le Danemark, lequel implémente depuis 20 ans des parcs éoliens sur le territoire marin et terrestre, créant le parc éolien le plus important au monde par habitant. Les Danois ont ainsi réussi le double pari de réduire par trois leurs émissions de CO2 et de se couper des importations étrangères en termes d'énergie. Néanmoins, cette politique environnementale entraîne des dégradations sur l’écosystème marin.

De même, toujours sur ce territoire, l’'île de Samsø exemplifie la volonté de cette politique écologiste, étant parfaitement autonome pour ces3 700 habitants, grâce à l’utilisation des énergies renouvelables et locales. Ces cas restent cependant très isolés dans une EuropequichercheavanttoutàseséparerdelaRussie pour des raisons politiques et à dresser de nouveaux partenariats pour répondre à la peur des populations de ne plus pouvoir se chauffer.

Ces résolutions multilatéralistes ont soulevé d’importantes contestations d’activistes engagés, telle que Greta Thunberg Une dépendance relocalisée

Si le fait de prendre ses distances vis-à-vis du gaz russe s'inscrit dans des enjeux diplomatiques complexes et multiscalaires où les points de vue divergent, les mesures de l’UE prennent avant tout la forme d’un embargo politique où la dépendance est relocalisée CertainsontpucroireàuneouvertureversuneEurope plus autonome et puissante, tentant de reconvertir ses énergiesdansunedémarchedavantageresponsablede l'environnement.

Le bilan de la situation est tel que la mondialisation se trouve être à l’origine de cette interdépendance, à laquelle il est difficile de renoncer, au profit d’une souveraineté responsable : la délocalisation des ressources énergétiques varie selon les alliances politiques et commerciales mais n’est jamais remise en question.

L’hiver dernier, les populations européennes ont craint des coupures de courant, n’étant pas loin de se projeter dans la dystopie du roman de science-fiction Ravage de Barjavel, où la disparition de l’électricité mène au naufrage d’une société mature . La hausse des prix en termes d’énergie, le dérèglement climatique grandissant ainsi que le retour de la conflictualitéàl'échelleglobalen’aidepasàsedéfaire d’un certain pessimisme.

Dernier exemple en date ? Les sanctions à plusieurs reprises de l’invasion russe en Ukraine, sur un plan économique, social ou politique.

Mais si l’Union européenne est une institution supranationale, de nombreuses compétences découlent de la souveraineté de chaque État. Il n’existe donc qu’une certaine politique étrangère européenne. Celle-ci n’est que partielle. En effet, elle permet aux pays de s’affirmer ensemble face aux grandes puissances sur la scène internationale tout en permettant aux Etats de garder leur souveraineté nationale, comme ce fut le cas en 2003. La France s’opposait alors radicalement à la guerre d’Irak en posant son droit de véto au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations-Unies (ONU) contre l’intervention proposée par les Etats-Unis et soutenue par plusieurs membres de l’UE.

La création d’un corps diplomatique

Depuis 2019, les fonctions au poste de Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité sont exercées par l’énigmatique Espagnol Josep Borrell. Les vives critiques qui se sont abattues sur lui en octobre dernier, à la suite d’un discours au cours duquel l’homme politique avait comparé l’Europe à un « jardin » et le reste du monde à une « jungle » montrent bien la portée diplomatique des propos de ce représentant de l’UE, qui créent un vrai conflit diplomatique Le renforcement des compétences de l’Union et, a fortiori, d’une diplomatie européenne reste effectivement sous le joug de ses membres Preuve en est l’inauguration d’une Académie diplomatique européenne, en 2022, permettant de former 42 jeunes diplomates européens dedemain,issusdesÉtatsmembres,depayscandidats à l’adhésion à l’UE, de Géorgie ou des institutions européennes, aux politiques étrangères et aux problématiques de demain

International Avril 2023
Casse Ton Cliché
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Josep Borrell à la Commission européenne ©Dati Bendo

Sij’étais une femme en…

Selon un rapport publié en février 2023 par la Fondation Jean Jaurès et l’association féministe Equipop, les droits des femmes régressent partout dans le monde. Les affirmations ci-dessous font état de la lutte pour l’égalité des genres. A toi de retrouver la nationalité des opprimées...

1/ Depuis 2021, je ne peux plus poursuivre d’études après la sixième. Je suis…

2/ En 1962, je faisais partie des 9 femmes sur 10 qui ne savaient pas lire. Je suis…

3/ Petite fille, je peux être mariée de force dès l’âge de 10 ans. Je suis…

4/ Je fais partie des 80% des femmes de mon pays à être exclues du marché du travail. Je suis…

5/ J’ai le droit de voter depuis 1893. Je suis…

6/ Je gagne en moyenne 24% de moins en revenu salarial qu’un homme. Je suis…

7/ Je dispose d’un congé menstruel depuis 1947 mais c’est à mon employeur d’en choisir la durée. Je suis…

8/ Avec 56 semaines au cours desquelles je touche 80% de mon salaire, mon pays a la palme du congé maternité le plus long. Je suis…

9/ Je dispose de 0 jour de congé maternité rémunéré. Je suis…

10/ Dans mon pays, 87% des femmes sont victimes d’excision. Je suis…

11/ J’ai le droit de vote depuis 1971. Je suis…

12/ Je peux conduire depuis 2018. Je suis…

13/ Il m’est permis d’ouvrir un compte à mon nom depuis 1965. Je suis…

A. Afghane

B. Saoudienne

D. Française

E. Soudanaise

F. Algérienne

G. Française

H. Américaine

I. Suisse

J. Indienne

K. Japonaise

L. Néo-Zélandaise

M. Suédoise

N. Egyptienne

Inaya Omari – Tale 4

Droit à l’IVG : attention, fragile !

Chaque année, plus de 25 millions d’IVG dangereuses sont pratiquées. Etat des lieux d’un droit interdit, restreint ou menacé à travers le monde. (Source : LeMonde)

En Europe

A Malte, en Andorre et au Vatican, l’avortement est proscrit.

Depuis 2020, la Pologne interdit pratiquement tous les avortements, sauf en cas de danger pour la mère, pour le fœtus ou en cas de viol ou d’inceste. La possibilité d’y recourir en cas de malformation du fœtus a été interdite en 2022.

Ariane Renaudin – 1ère3

En Iran, « le goût amer de la censure »

Le 16 septembre 2022, Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans est morte après avoir été arrêtée par la police des mœurs. Dénoncée par une vague de contestations durement réprimée, la restriction des libertés perdure toujours.

Peur d’une amende, peur d’une arrestation, peur d’une peine de prison… C’est sur ce sentiment que le gouvernementiranien joue depuis plus de 40anspour restreindre les libertés des hommes et surtout des femmes dans le pays. Depuis six mois pourtant, une jeune génération se soulève, au prix de milliers d’arrestations, de centaines de morts et d’une vingtaine d’exécutions. Depuis la prise du pouvoir par l’ayatollah Ruhollah Khomeyni en 1979, les apparences des femmes et des hommes sont surveillées en Iran. Une police des mœurs a été officiellement fondée en 2005. Cette dernière est notamment chargée de veiller à l’application de la loi de 1984, toujours en vigueur et qui rend le port du voile obligatoire. Cette règle n’est cependant que la

pointe de l’iceberg d’une discrimination institutionnalisée, où les droits des femmes sont bafoués et leurs libertés brimées MamaniFardad,86ans,avécutoutesavieàTéhéran Elle raconte : « A l’époque de la révolution, j’étais professeur de la philosophie. Il y a eu une purification culturelle des enseignants nuisibles à la mentalité du régime. J’ai été obligé de démissionner après vingt ans dans l’éducation nationale C’est tout un projet de vie et l’amour d’enseigner librement qui m’a été confisqué. Je n’oublierai jamais le goût amer de la censure et de l’obligation de rester au foyer. Je soutiens toutes les femmes qui, aujourd’hui, se battent pour leurs libertés »

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En Irlande, le droit à l’IVG existe seulement depuis 2018, suite à un referendum. Dans les faits, 1 médecin généraliste sur 10 accepte de le pratiquer.

De même, en Italie, si l'IVG est légale depuis 1978, 64,6% des gynécologues faisaient toujours jouer, en 2020, leur clause de conscience.

En France, un projet de loi permettant d’inscrire dans la Constitution la liberté pour les femmes de recourir à l’avortement est en cours. Une révision constitutionnelle qui a peu de chances d’aboutir néanmoins, si l’on en croit les juristes interrogés

Dans le reste du monde

Aux Etats-Unis, l’arrêt de la Cour suprême Roe v. Wade, légalisant l’avortement en 1973, a été révoqué en juin 2022. A l’heure actuelle, l’avortement est interdit dans une vingtaine de pays. Il est accessible uniquement en cas de danger pour la vie de la femme dans une quinzaine de pays Parmi les avancées, la Nouvelle-Zélande a dépénalisé l’IVG en 2020 ; la Colombie en 2022 ; la Thaïlande l’a décriminalisé en 2021. Au Mexique, un arrêt de la Cour suprême a déclaré inconstitutionnelle la pénalisation de l’avortement en 2022 Le Bénin a légalisé l’IVG à l’automne de la même année.

International Avril 2023
« Le Point Le Poing » ©David Rito

Assemblée nationale, la foire d’empoigne ?

Récemment, les débats à l’Assemblée nationale ont fait couler beaucoup d’encre. Michel Winock, historien spécialiste de l'histoire de la République française et des mouvements intellectuels contemporains, nous éclaire sur les us et coutumes de cette arène politique.

Casse Ton Cliché (CTC) : Quel code de conduite les députés doivent-ils respecter au sein de l’Assemblée nationale ?

Michel Winock : Il existe un règlement pour chacune des deux assemblées, Assemblée nationale et Sénat. Règlement susceptible de modifications. Deux types de fautes sont sanctionnés : l’absentéisme et les écarts de comportement dans les débats. Ces écarts sont de divers ordres… Outrances verbales et insultes, gestes déplacés (par exemple faire un salut nazi pour fustiger l’extrême droite), accoutrements indignes de la fonction (tel le port d’un maillot de football ou d’un gilet jaune), paroles ou gestes sexistes, propos racistes (comme ce fut le cas du député Rassemblement National (RN) Grégoire de Fournas qui s’était écrié dans l'hémicycle « qu'il retourne en Afrique », alors que s'exprimait le député La France Insoumise (LFI) Carlos Martens Bilongo, le 3 novembre dernier).

L’élu coupable d’un mauvais comportement est normalement sanctionné par le président de l’Assemblée. Quatre sanctions graduées existent : le rappel à l’ordre, qui est un simple avertissement de la part du président, sans sanctions immédiates ; le rappelà l’ordre avec inscription au procès-verbalquand il s’agit d’un deuxième avertissement et qui entraîne la privation pendant un mois d’un quart de l’indemnité parlementaire ; ensuite, la censure avec suspension pendantun mois de la moitié de l’indemnité parlementaire et enfin la censure avec exclusion temporaire, frappant un comportement violent, injurieux, menaçant. Cette dernière sefaitjusqu’au15ejourdeséancequisuitlasanction,aveclaprivationdelamoitié de l’indemnité pendant deux mois.

CTC : L'agitation à l'Assemblée nationale est-elle une tradition typiquement française ?

Michel Winock : Non. Dans toutes les assemblées parlementaires, les débats sont troublés ou interrompus par la véhémence des orateurs, les interruptions, les apostrophes, les ricanements, etc. Le président ou la présidente a pour devoir de maintenir l’ordre afin de permettre la discussion. D’où résulte l’importance de la personnalité qui préside, qui ne doit pas manquer d’autorité.

L’histoire du Parlement français est ponctuée de séances houleuses, voire tumultueuses. L’une des plus violentes se situe en novembre 1947, au début de la Guerre froide, au moment où le chef de gouvernement désigné, Robert Schuman, s’est présenté devant l’Assemblée. Les membres du Parti communiste français (PCF) l’ont pris à partie d’une manière extrêmement violente, jusqu’à le traiter de « boche » et de « casque à pointe », parce que Schumann, né et vivant en Lorraine après son annexion par l’Allemagne, avait la nationalité allemande en 1914.

Le tumulte parlementaire avait pour fond un mouvement social de grande ampleur où l’on crut voir des « grèves insurrectionnelles ». Les troubles avaient atteint un tel niveau que le président Edouard Herriot a dû faire évacuer la salle. On pourrait citer aussi le débat mémorable sur l’IVG en 1975, au cours duquel les adversaires du projet de loi humilièrent la ministre Simone Veil. La loi fut votée par un renversement de majorité : les députés de la gauche se substituant aux députés de la droite hostiles.

L’agitation à l’Assemblée traduit le plus souvent de vives tensions sociales, politiques, religieuses dans la société. Dans le premier exemple que j’ai donné, c’estla bataille idéologique entre communistes etanticommunistes ;dansle second

la dimension religieuse est implicite dans le rejet de l’IVG, l’influence de la doctrine catholique est manifeste.

CTC : Cette émulation politique est-elle saine pour la vie démocratique ?

Michel Winock : Il y a lieu de ne pas confondre le débat démocratique, dans lequel partisans et adversaires échangent leurs arguments contradictoires selon les règles de la civilité et de la modération, avec les batailles oratoires où l’on tente de disqualifier ou de faire taire son adversaire par les vociférations.

La critique argumentée est au contraire une émulation politique. Cependant, il faut savoir que le gros travail sur les projets et propositions de lois se fait dans les commissions. Dans celles-ci, plus restreintes que l’hémicycle, les échanges sont beaucoup plus apaisés ; les antagonismes s’y expriment de manière plus calme. Notons aussi dans les débats de l’hémicycle la volonté de certains élus de se montrer, de parader, de faire leur publicité personnelle à l’adresse de leurs électeurs. Hier, ils tenaient à ce que leurs interruptions figurent dans le Journal Officiel.Aujourd’huilatélévisionincitelesélusàpersonnaliserleurcomportement politique.

CTC : Selon vous, quels sont les événements qui incarnent le plus la vie démocratique au sein de l'Assemblée.

Michel Winock : Le plus grand moment, à mon sens, de la vie démocratique au sein de l’Assemblée, qu’on appelait alors la Chambre des députés, se situe pendant la Première guerre mondiale.

De 1915 à 1918, la vie démocratique a gardé ses droits : les gouvernements successifs comme les chefs des armées ont été passibles de la critique. Georges Clemenceau lui-même, président du Conseil surnommé plus tard le « Père la Victoire », a dû régulièrement rendre des comptes de son action devant les chambres et leurs commissions.

En juin 1918, alors que la contre-offensive allemande était devenue menaçante après la paix séparée des Russes, un grand débat a eu lieu sur les mérites et les torts du commandant en chef le général Foch. Nombre de parlementaires voulaient le remplacer Clemenceau, qui le défendait, a été harcelé mais a tenu tête en argumentant, toujours prêt à laisser son poste à la tête du gouvernement si une majorité le voulait. C’est avec la confiance votée par le Parlement que « le Tigre » a pu gagner la guerre.

Ce jour-là… Simone Veil et le débat sur l’IVG

Dans un longentretien avec lajournaliste Annick Cojean,paru dans Le Monde en 2005, Simone Veil étaient revenue sur les attaques qu'elle a subies à l’Assemblée nationale en 1975, lors des débats sur la dépénalisation de l’avortement. Elle disait : « Je savais […] que les attaques seraient vives, car le sujet heurtait des convictions philosophiques et religieuses sincères. Mais je n'imaginais pas la haine que j'allais susciter, la monstruosité des propos de certains parlementaires ni leur grossièreté à mon égard. Une grossièreté inimaginable. Un langage de soudards. Car il semble qu'en abordant ce type de sujets, et face à une femme, certains hommes usent spontanément d'un discours empreint de machisme et de vulgarité ».

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Politique Avril 2023
Casse
©Plantu

La gauche : obsolescence (dé)programmée

L’ancien président de la République François Hollande nous a accordé un entretien pour nous parler des valeurs de la gauche et de leur ancrage dans le monde d’aujourd’hui Rencontre.

Casse Ton Cliché (CTC) : Pour vous, qu’est-ce que la gauche ?

François Hollande : La gauche, c’est un mouvement politique qui rassemble des sensibilités qui peuvent être différentes, mais qui ont toutes pour vocation de changer l’organisation de la société, dans un sens de justice entre les générations, les catégories sociales et les territoires. La gauche n’est pas simplement une classification. C’est un état d’esprit, c’est une culture et c’est un vote.

En termes de valeurs, c’estlagauche quia porté les conquêtes sociales etsociétales les plus importantes de notre pays, au nom de la liberté, de la vie publique et des libertés privées : disposer de son corps, choisir son orientation, ne pas accepter les atteintes à la dignité. C’est-à-dire finalement, ne pas accepter la reproduction des inégalités, à l’école ou dans le monde du travail.

Est-ce que la gauche, pour reprendre l’expression d’un président de droite, a « le monopole du cœur » (Valéry Giscard d’Estaing lors du débat télévisé d’entre-deux tours de l’élection présidentielle de 1974, ndlr) ? Non. Le cœur est heureusement celui de tous les individus, il n’y a pas de raison de dénier à la droite la générosité. Justement la gauche n’est pas seulement l’attitude individuelle d’avoir de la compassion, de l’attention aux autres… C’est un mouvement collectif.

CTC : Auriez-vous des exemples, justement, de mesures sociales importantes instaurées grâce à la gauche ?

François Hollande : Historiquement, il y a eu tout ce qui pouvait réglementer le travail, c’est-à-dire dire éviter le déséquilibre entre le capital (ceux qui détiennent les moyens de production) et le travail (les salariés).

Cela s’est d’abord traduit par des protections contre le travail des enfants, avec des temps de travail limités, puis par les revendications sur les congés payés du Front populaire en 1936, les 35 heures avec la loi Aubry en 2000, la retraite à 60 ans sous le gouvernement de Pierre Mauroy en 1983. Ce qui était très important, c’était la conquête du temps.

CTC : Selon vous, existe-t-il un âge d’or de la gauche ?

François Hollande : Non, iln’y a pas d’âged’or de la gauche au sens où elle aurait été au pouvoir pendant longtemps. Certes, sous la Ve République, François Mitterrand a pu faire deux septennats mais il y a eu deux cohabitations : il a dirigé pendant 10 ans le pays mais sur deux législatures. A quoi s’ajoute mon quinquennat. Autrement, toutes les périodes de la gauche ont été assez courtes…

Le Front populaire n’a duré que deux ans, de 1936 à 1938 à l’issu de leur victoire aux législatives

Sur le plan électoral, il y a sans doute eu un âge d’or, dans le sens où la gauche a été capable de fidéliser les catégories populaires. Ce qu’elle a perdu au fil du temps au bénéfice, hélas, de partis populistes d’extrême droite, notamment.

Les idées de gauche ne sont plus aussi majoritaires qu’elles pouvaient l’être il y a encore trente ou quarante ans parce qu’il y a des problématiques actuelles sont beaucoup plus difficiles à régler pour la gauche, même si elles restent à sa portée

Des questions de sécurité face au terrorisme, à la délinquance ou des questions d’immigration, sujets sensibles quinécessite defaire preuve d’humanité, d’accueil, mais aussi de maitrise, de cohésion de la société.

C’est plus dur aussi parce que la mondialisation a pris des formes plus brutales

dans la compétition économique, avec l’émergence de pays qui ont des coûts de main-d’œuvre beaucoup plus bas que les nôtres, ce qui ne favorise pas toujours le progrès social dans notre propre pays ou en Europe.

CTC : Le Parti communiste français (PCF) est-il un parti d’extrême gauche ?

François Hollande : Non. Et le PCF ne s’est jamais défini lui-même en tant que tel. Il aspirait à des transformations plus profondes. Le PCF s’est toujours voulu parti de gouvernement. D’ailleurs, il a gouverné ponctuellement avec d’autres forces de gauche : à la Libération, avec François Mitterrand et avec Lionel Jospin en 1997. Cela n’a pas forcément duré mais il était là

CTC : On constate ces dernières années une importante montée des extrêmes. Le futur est-il voué au radicalisme ?

François Hollande : Quand les partis classiques sont faibles, aussi bien à droite qu’à gauche, comme c’est le cas aujourd’hui, les formes de radicalité trouvent davantage de possibilités d’expansion. D’une certaine façon, le Rassemblement National (RN) mange une grande partie de l’électorat de droite mais, comme c’est un parti d’extrême droite, il n’est pas forcément reconnu comme pouvant gouvernerlepays.Cequiexpliquepourquoiilyatoujoursunvotecontrel’extrême droite au deuxième tour de l’élection présidentielle, même s’il est de moins en moins efficace.

EtquantàlagauchequifaitlaplaceàLaFranceinsoumise(LFI),c’estprécisément parce que le Parti socialiste (PS) est faible. LFI fait aujourd’hui face à la difficulté d’apparaître comme une force de gouvernement. Or, tout le problème dans l’électionprésidentielle,c’estderéussiràconvaincreau-delàdevotreproprecamp, d’aller jusqu’à 51%.

CTC : Vous dites que le Parti Socialiste est faible… Comment l’expliquer ?

François Hollande : D’une part, cela tient à l’usure. Le PS a gouverné, ce qui l’a placé face à des critiques liées à sa propre action. D’autre part, le parti n’a pas su renouveler ses visages. La politique, c’est une organisation, des idées mais aussi une incarnation. Lorsqu’il n’y a pas assez d’incarnation, les électeurs peuvent se tourner vers d’autres partis.

CTC : La politique peut-elle être aussi bien incarnée par un homme que par une femme ?

François Hollande : La distinction entre les genres est aujourd’hui tombée. Le fait qu’une femme puisse être présidente de la République n’est plus du tout un tabou pour beaucoup. Il n’y a plus de réticence. Par exemple, Marine le Pen ne souffre pas d’être une femme dans la vie politique. Ce n’est pas un argument qui pourrait lui être opposé, et heureusement ! Je ne pense pas qu’une femme au pouvoir fasse débat en France. Il en est de même pour l’orientation sexuelle d’un candidat qui n’aurait aucune influence sur le vote.

CTC : Les citoyens votent-ils plus pour la personnalité d’un(e) candidat(e) que pour les idées qu’il (elle) porte ?

Politique Avril 2023
Casse Ton Cliché Dune Gaget – Tale4, Ferdinand Jeampy-Capdenat – Tale3 & Lucas Robinson – Tale1
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François Hollande : Dans une élection présidentielle, il vaut mieux être soutenu par un grand parti et porter des idées mais, à un moment, la force que représente la crédibilité d’une personne, sa capacité à convaincre, peut être un élément de vote

CTC : La capacité d’un candidat à gouverner est donc un critère déterminant du vote des électeurs ?

François Hollande : Bien sûr ! Cette crédibilité est un élément important, qui a plutôt bénéficié au président actuel, par rapport à Marine Le Pen, au deuxième tour des présidentielles. Au-delà des idées, une partie de l’électorat considérait que Marine Le Pen n’avait pas toutes les capacités pour diriger et qu’Emmanuel Macron en avait davantage.

CTC : La répartition des pouvoirs au sein de la Ve République est-elle démocratique dans ses fondements ? Nous pensons notamment au recours des gouvernements à l'article 49.3 de la Constitution, qui donne la possibilité au Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, d’engager la responsabilité du Gouvernement sur le vote…

François Hollande : La Ve République est un système hybride, à la fois présidentiel (puisque le chefde l’état est élu au suffrage universel) et parlementaire (puisque d’une majorité se dégage un premier ministre) Ce système a fortement renforcé l’exécutif. Le 49.3 est devenu un article scélérat et apparaît comme antidémocratique. Il est cependant prévu dans la Constitution, en étant limité dans son usage.

Si l’on ne veut pas qu’il y ait de pressions sur le Parlement, il faut un régime présidentiel. En Allemagne et en Espagne, par exemple, qui sont des régimes parlementaires, le Premier ministre peut mettre en cause son gouvernement pour une question de confiance, mettre en place une motion de censure… Tout ce qui n’existe pas dans un régime présidentiel.

CTC : Lors de votre élection, vous étiez favorable au scrutin proportionnel pour les législatives. Y-a-t-il un manque de représentativité de la population au sein de l’Assemblée ?

François Hollande : Lors de mon élection, je considérais qu’une part des sensibilités politiques n’était pas représentée à l’Assemblée nationale Aujourd’hui, elles y sont en masse. Dans le système politique actuel, je pense que la proportionnelle n’aboutit à rien d’autre que ce que l’on voit aujourd’hui. En revanche, la question de la représentativité va bien au-delà des sensibilités politiques.Est-cequel’Assembléereprésentelescatégoriessociales,lesterritoires, suffisamment fidèlement ? En tout cas, ce n’est pas lié à un problème d’âge car aujourd’hui, la moyenne d’âge des députés est bien plus basse que ce qu’elle n’a été. Pour autant, est-ce que la jeunesse se sent représentée ?

Ensuite, il y a une partie de la population ouvrière, employée, issue de l’immigration qui peut se sentir mal représentée. Alors comment faire ? On ne va pas faire de quotas. Sur le plan de la parité femmes/hommes, il y a déjà eu des progrès. Cependant, il est important pour les partis politiques de se renouveler.

C’estauxgrandesformationsd’allerchercherdescandidat(e)sreprésentantlepays.

CTC : Nous avons beaucoup parlé d’incarnation d’idées et de valeurs Considérez-vous incarner, vous-même, les valeurs du PS ?

François Hollande : J’ai tenté de le faire oui (rires) Mais quand on gouverne, on doit aussi intégrer des réalités qui vous frappent.

En tant que président de la République, j’ai dû affronter une crise financière et économique avec le chômage, qui obligeait à mettre en place des formes de soutien avec les entreprises, afin que ces dernières puissent créer de l’emploi, et ce n’est jamais facile à faire accepter à un électorat socialiste.

En effet, pourquoiaider les entreprises à un momentoù les salariés ont aussibesoin d’un soutien en termes de pouvoir d’achat ? C’est pourtant ce qui permet de créer des emplois.

Ensuite, du fait des attaques terroristes, je n’avais pas prévu dans mon programme de faire trois lois surla sécurité etleRenseignement. Celafaitpartie de ceque toute force politique, de gauche ou de droite, doit accepter. Même si, à mon avis, il est plus douloureux pour la gauche d’être confronté à la dureté des temps, de pouvoir garder ses valeurs tout en corrigeant quelquefois des éléments programmatiques.

CTC : Les crises unissent-elles, aussi bien les citoyens entre eux que les citoyens au représentant de l’Etat ?

François Hollande : Durant les grandes crises, il y a toujours une unité autour du président de la République. On l’a vécu au moment du terrorisme, aussi pendant la crise sanitaire. C’estun momentoù l’on se ditqu’ilfautqu’ily enaitun quidécide. C’est la tâche du président, aussi du Parlement, dans son devoir de contrôle. Dans ces crises-là, une union se forme. Mais dès que la crise se termine, assez logiquement, les manifestations ou les clivages reprennent.

CTC : Sur quels points le clivage se fait-il en politique ?

François Hollande : Le clivage se faitd’abord surles questions de société, comme on l’a vu avec le mariage pour tous en 2013. Cela a été plus difficile que beaucoup l’avait imaginé, avec une forte réaction de la droite. Un autre clivage réside dans le fait de donner des libertés aux entreprises, ou à

l’inverse des droits aux travailleurs. Il est nécessaire de trouver des compromis. Le troisième clivage, à mon avis le plus important, se trouve dans la répartition des richesses.

Comme je le dis souvent, si vous voulez savoir qui est de gauche et qui est de droite, vous parlez des impôts, c’est assez facile (rires) Non pas que les gens de gauche veulent payer des impôts, mais ils pensent que ces derniers permettent une redistribution. D’autres disent, à droite, qu’il faut baisser les impôts pour créer de la richesse, et ainsi améliorer le sort de tous.

Vous voyez, les idées peuvent se contredire quelques fois, mais c’est un bon clivage.

CTC : Malgré ces clivages très marqués, parvenez-vous à vous reconnaître dans certaines valeurs dites « de droite » ?

François Hollande : De l’extrême peut-être pas non… Mais lorsque la droite parle de sécurité, pourquoi dirions-nous que la gauche serait pour le désordre ou le laxisme ? Quand la droite parle de la nation, il n’y a non plus aucune raison de lui laisser ce thème.

Nous sommes des patriotes. Même si on est ouvert au monde, même si on est Européens, on considère que la France a un message particulier à livrer et que nous devons porter une cohésion entre nous.

CTC : Pensez-vous que les valeurs de gauche ont évolué avec le temps ?

François Hollande : Les politiques ont évolué. Les valeurs, elles, demeurent. Prenons l’exemple du climat, un thème très important qui mobilise beaucoup les jeunes… Sur ce sujet, les valeurs sont communes. Que l’on soit de droite ou de gauche, nous sommes tous concernés par les catastrophes climatiques

Donc, les valeurs demeurent mais les politiques doivent forcément prendre en compte les enjeux. En l’occurrence, les enjeux climatiques vont obliger à travailler différemment, à adopter peut-être des modes de décision plus locaux ou à mettre en place une solidarité internationale beaucoup plus forte. Il est nécessaire de s’ajuster à cet enjeu-là.

CTC : Pour conclure et faire honneur au titre de notre journal, pouvez-vous nous faire partager un cliché sur la politique que vous n’aimez pas ?

François Hollande : Je n’aime pas le cliché qui dit que les politiques sont tous pourris, qu’ils sont tous là pour la place. Cela déshonore la fonction d’élu en tant que représentant du peuple et qui se confrontent à la gestion, à l’organisation du pays.

CTC : Et un cliché que vous aimez ?

François Hollande : Que j’aime ? « Ce sera forcément mieux demain » D’une certaine façon, c’est un cliché mais c’est une espérance. Il y a beaucoup de gens qui ne pensent plus que ce sera mieux demain.

Si l’on veut redonner un sens à la politique, une confiance dans le vote qui permet le changement, il faut redonner confiance dans le progrès.

Le progrès, ce n’est pas simplement les technologies, l’économie… C’est aussi l’idée que la vie peut être meilleure

Mise en perspective : le recours au 49.3 dans la Ve République

Source : Assemblée nationale

Le 16 mars dernier, Elisabeth Borne a usé une 11e fois de l’article 49.3, ndlr Page 7

Politique Avril 2023

Alexandre Louchene-Vergote – 2de4

Trésors de la démocratie…

La démocratie, toujours gagnante ? Remplissez la grille de mots croisés ci-dessous, puis élucidez l’énigme à suivre. Elle vous mènera à la prochaine étape de la chasse au trésor qui se tient dans l’enceinte du lycée avec, au bout du chemin, une récompense à la clé.

La démocratie en mots croisés (étape 1)

Horizontal

3. Prend le pouvoir au Chili par un coup d’Etat en 1973

6. Lorsque des partis appartenant à des courants politiques différents se succèdent au pouvoir

7. Possibilité pour un groupe de citoyens européens de proposer une modification de la législation européenne

8. Un des deux mots à son origine

10. Auteur de La Démocratie en Amérique

13. Fleur portée par les militaires qui ont renversé la dictature salazariste

15. Le pouvoir qui fait les lois

Vertical

1. Si le Parlement vote une telle motion, le gouvernement est obligé de démissionner

2. Lieu de sa première expérience

3. Monarchie où le pouvoir du roi est contrôlé par le gouvernement

5. Célèbre temple grec

9. Assemblée du peuple dans les cités grecques et notamment à Athènes, réservée en principe aux seuls citoyens

11. Père de l’expression “government of the people, by the people, for the people”

12. Sous la Restauration, il a eu une grande réflexion politique sur la liberté des Anciens et des Modernes

14. Vote par lequel on déclare ses opinions

Sauras-tu résoudre l’énigme ? (étape 2)

Trois syllabes : A la fois figue et raisin – Thomas Hobbes n’aurait pu faire sans et le Petit Chaperon rouge a dû faire avec – Il est entre 1 et 3 Qui suis-je ?

Œillet sur calçada portuguesa ©Marie-Line Darcy

Ton Cliché Politique Avril 2023
Casse
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Pop culture : le vent en poupe

La pop, toujours populaire ? Né dans les années 1960, le phénomène n’en finit pas de faire des émules. Quand les aînés le revisitent avec nostalgie, les jeunes se l’approprient avec frénésie. Retour sur la dimension intemporelle du hasbeen, à travers cinq objets culte.

Le Rubik’s cube

Le « casse-tête » par excellence et l’emblème des années 1980 ! Le Rubik’s, c’est 6 couleurs, 6 faces, 54 carrés et 43 milliards de milliards de combinaison possible. 1 personne sur 5 s’y est déjà essayée, au risque d’y laisser quelques nerfs Même son créateur, le Hongrois Ernő Rubik, a eu besoin d’un mois de pratique intensive pour en venir à bout.

Créé en 1974, le Rubik’s a été l’objet le plus vendu de l’histoire, avant que l’iPhone ne le dépasse.

Le record mondial est détenu depuis 2018 par le Chinois Yusheng Du, avec un temps de 3,47 secondes.

Les vinyles

Le disque microsillon a vu le jour aux Etats-Unis, en 1948. Lancé par Columbia Records, il se décline en 45 ou 33 tours, remplaçant ainsi le « gramophone » 78 tours, inventé par l’ingénieur germano-américain

Emile Berliner, à la fin du XIXe siècle En France, c’estlamaisonPathéquifavoriseledéveloppementdu vinyle après-guerre.

Dans les années 1980, la galette noire est remplacée par les cassettes audios et les CD, bien qu’il reste prisé chezlescollectionneurs.Leretourengrâcesefaitdans les années 2000 Les raisons ? Le charme de l’objet devenu vintage, la précision du son et le grésillement particulier qui accompagne le rituel de la platine.

Les consoles de jeu vidéo rétro

Exit Xbox et tutti quanti ! Les consoles de jeux rétroNintendo NES, Super Nintendo, Sega Genesis et Sony PlayStation pour ne pas les citer - reviennent en force. Ces bécanes des années 1980 et 1990 retrouvent aujourd’hui leurs utilisateurs d’antan. Ces petits devenus grands ont à cœur d’initier les nouvelles générations aux jeux qui ont bercé leur enfance. Pour répondre à cette demande, les fabricants produisent des versions mises à jour des consoles rétro Business is business

Le pin’s Qui n’en a pas eu un au moins une fois dans sa vie ? Petit insigne métallique se fixant sur les vêtements ou les accessoires, le pin’s est apparu dans sa forme contemporaineauXXesiècle.Idéalpourpersonnaliser son look dans un monde de plus en plus uniformisé, le pin’s refait fureur auprès des jeunes. Groupes de musique, personnages de dessins animés, slogans politiques . L’épinglette est à la fois un objet fashion et un outil d’expression discret mais visible, et surtout temporaire Pour reprendre le fameux adage, on peut changer d’avis comme de pin’s.

Les appareils photos Polaroïd

« Clic, clac, merci Kodak ! » Retour à l’instantané

avec les appareils photos Polaroïd. Populaire dans les années1970 et1980, la photo dite analogique revienten force. Plus réelle et palpable que le cliché numérique, la photo Polaroïd, une fois prise, est immédiatement imprimée. Ici, pas de possibilité de recommencer, pas de filtre niretouche.Lesmoments de vieimparfaits sont immortalisés dans la convivialité et souvent l’autodérision.

En publiant des photos de photos sur les réseaux sociaux, les jeuness’approprient aussi l’objet avec leurs codes de sociabilité actuels. Vintage meets hype.

Hygge : mode d’emploi

Les repas en famille, les discussions près du feu de cheminée, le bonheur de déguster une boisson chaude dans son fauteuil … Au Danemark, tous ces petits plaisirs portent un nom : le hygge.

Prononcez « hugueu » ! Le mot désigne le sentiment de bonheur éprouvé au sein d’une atmosphère chaleureuse et réconfortante, souvent chez soi. Historiquement, le terme fait référence au sentiment de survie et de sécurité des Danois face au reste du monde, lors des nombreusesdéfaites duDanemarkau XIXe siècle. Aujourd’hui, le hygge s’avère être un véritable art de vivre, qui permet aux populations du Norddevivrel’hiver–extrêmementlong–plutôtque de le subir. Les journées ne durant que sept heures environ, les Danois passent donc beaucoup de temps chez eux, en quête d’un effet cocon.

Un fauteuil confortable, des bougies aromatiques, un plaid douillet ou une paire de chaussettes en laine…

Tous les moyens sont bons pour favoriser cette sorte d’optimisme quotidien. Activités tricot et jeux de société en toutgenre,avec famille etamis, ne sontpas en reste. Et ça marche ! Le Rapport mondial sur le bonheur (WHR) de l’ONU, le Danemark est aujourd’hui, le 2e pays le plus heureux du monde, derrière la Finlande. La France, quant à elle, est 20e sur 146. Copier les ambassadeurs du bien-être que sont les pays nordiques est cependant plus facile à dire qu’à faire. Dans une société anxiogène, si la recherche d’un safe space présage de doux moments, garde au repli sur soi. Entre camper son espace personnel et déserter la réalité, la frontière est parfois ténue.

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SMS, la mort de la langue française ?

Si la question taraude les amoureux des mots, les linguistes, eux, sont plutôt sereins. Souvent critiqué pour son manque de grammaire et d'orthographe correcte, qui serait le reflet de la négligence et de la paresse des utilisateurs, le langage SMS fait débat.

Et pourtant… Ce moyen rapide et pratique de communiquer par texto, avec abréviations, acronymes et émoticônes en tout genre, est bien plus que ça.

Sans être une sténographie stricto sensu, le langage SMS permet en effet d’écrire des messages plus rapidement, dans un contexte informel, tout en développant sa créativité

Selon l’étude « sms4science », menée d’abord en Belgique puis à l'université Paul Valéry Montpellier III, le langage SMS ne contribuerait pas à l’appauvrissement de la langue française mais au contraire à son enrichissement.

Son utilisation constitue même, selon les linguistes, une occasion supplémentaire de pratiquer l'expression écrite. Agglutinations (« jte » pour « je te »), suppressions de fins de mots muettes (« avez-vou ? » pour « avez-vous »), phrases sémantisées… Le SMS est un langage du ludique mais aussi de l’émotionnel. Parmi les mots les plus utilisés, on retrouve « je » et « je t’aime ». Pour envoyer un message clair à son interlocuteur, la ponctualité est également beaucoup sollicitée.

Côté orthographe, pas d’impact. 48% des mots sont d’ailleurs écrits selon les règles traditionnelles. Si le nombre de SMS a reculé du fait des messageries instantanées, l’outil a encore des jours devant lui. L’année 2022 célébrait ses 30 ans. L’occasion se passe de mots…

Société
2023
Avril
Louis Berton & Emmanuel Dumontet – Tale5

Joséphine Assouline – Tale5

Egalité homme-femme au travail : la France à la traîne

Selon l'INSEE, 42% des femmes âgées de 25 à 64 ans étaient diplômées du supérieur, contre 37% des hommes, en 2020 Elles ne représentaient cependant que 43% des cadres et 26% des dirigeants dans les entreprises de plus de 250 salariés. Directrice de la Scandinavie dans une banque transnationale, Saraï Assouline nous fait partager son expérience d’un milieu professionnel majoritairement masculin.

Casse Ton Cliché (CTC) : Trouver sa place dans un monde d’homme, est-ce facile ?

Saraï Assouline : Jepensequelaclépourtoutefemme qui souhaite briser le plafond de verre est de ne pas se poser la question. Je ne me suis jamais pensée comme une femme au milieu d’un monde d’hommes.

J’ai cependant rencontré des incidents durant ma carrière. La discrimination des femmes n’a pas cessé etestencoreprésente.Cependant,ilfauts’yconfronter etne pas l’accepter, comme toutautre problème. Je me souviens par exemple, lors d’un rendez-vous important de ma carrière, un chef d’une firme transnationale m’a posé une question à laquelle j’ai répondu spontanément. Un manager assis à ma droite m’a prise le bras et m’a dit de me taire en chuchotant. Ma réaction a immédiatement été de lui répondre en haussant la voix, devant tout le monde, de ne plus jamais me dire quoi faire.

CTC : La situation dans la sphère professionnelle évolue-t-elle ?

Saraï Assouline : La situation évolue mais pas assez vite. Les quotas se sont instaurés dans les entreprises (La loi Copé-Zimmermann, adoptée en 2011, oblige les entreprises à nommer 40% de femmes dans les comités d’administration des grandes entreprises. De son côté, la loi Rixain impose un quota de 40% de femmes au sein des "comex"des entreprises de plus de 1.000 salariés, d'ici 2030, ndlr). De même, l’écart des salaires entre les hommes et les femmes s’est restreint carlesentreprisesdoiventfourniràl’Etatlerevenudes employés.

Parfois, forcer l’égalité par la réglementation est une mesure positive car cela montre un avancement Néanmoins, cela n’est pas toujours respectée. Dans mon métier, nous ne sommes que deux femmes sur le trading floor, face à 500 hommes.

CTC : Y a-t-il une différence entre Scandinavie et France ?

Saraï Assouline : Oui Au Danemark, j’ai travaillé chez Nordea, la plus importante banque de Scandinavie. Il y a autant de femmes que d’hommes à la tête de la firme Pas du fait de quotas ou de réglementation mais simplement parce que les femmes et les hommes ont les mêmes compétences. La question de l’égalité de ne se pose jamais auDanemark,laréticence envers lepouvoir des femmes est inexistant et le rapport au travail est différent. Au Danemark, tous les employés quittent leur lieu de travail vers 16h, peu importe la place dans la hiérarchie salariale et les employés fournissent des résultats tout aussi admirable. Les femmes peuvent alors se mouvoir vers des postes à hautes qualifications car elles ont le temps pour leurs enfants, pour des activités. Le débat de l’égalité naît avec l’absence de bonnes conditions de travail et la socialisation.

Handicap en France : les chiffres clés

Premier motif de discrimination en France, devant l’état de santé et l’origine, les personnes ensituationde handicap souffrentdumanquede mesures facilitant leur inclusion dans la société

En France

80% des handicaps sont invisibles.

12 millions de Français environ sont touchés par un handicap, soit 17% de la population.

1,5 million de personnes sont atteintes d’une déficience visuelle. 850 000 personnes ont une mobilité réduite.

* : données provisoires

Source : État 4001, bases historiques de crimes et délits enregistrés par la police et la gendarmerie, entre 2018 et 2022 - SSMSI, bases statistiques des mis en cause/victimes de crimes et délits enregistrés par la police et la gendarmerie, entre 2018 et 2022

Oui, les violences augmentent toutes… ou presque

Les premiers chiffres de la criminalité et de la délinquance, constatées en France en 2022, montrent des indicateurs quasi-totalement en hausse.

Le verdict est sans appel. Le 31 janvier 2023, le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) a publié une première photographie de l'insécurité et de la délinquance en 2022. Les résultats de l'enquête de victimation "Cadre de vie et sécurité" réalisée par l'Insee et les résultats d'une enquête de victimisation européenne, les faits de délinquance augmentent Sur l'année 2022, les chiffres sont en hausse par rapport à 2021 pour les homicides (+8%), les coups et blessures volontaires sur personnes de 15 ans ou plus (+15%), le nombre de victimes de violences intrafamiliales (+17%), les violences sexuelles

(+11%), les escroqueries (+8%), les usages de stupéfiants (13%).

La tendance avait cependant déjà été observée avant la crise sanitaire. Sur le terrain, même son de cloche « Le confinement a eu un effet, particulièrement sur les violences intra-familiales même si elles existaient déjà beaucoup, mais pas sur la violence en général », déclare Clarisse Serre, avocate pénaliste Les vols sans violence contre des personnes, les cambriolages, vols de véhicules et vols dans les véhicules font exception au mouvement global. Ils ont progressé en 2022 mais leur nombre reste inférieuràcequiétaitconstatéavantlacrisesanitaire.

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Environ450000enfantshandicapéssontscolarisésen France dont 380 000 en milieu ordinaire 18% des personnes en situation de handicap sont au chômage,soitdeuxfoisplusquelamoyennenationale. Le travail à temps partiel estdeux fois plus important par rapport au tout public 67% des personnes handicapées disent éprouver des difficultés dans leurs déplacements du fait d'infrastructures peu accessibles. Grenoble est la ville la mieux classée Aix-Marseille, Paris et Nice sont en fin de liste.

2%desplacesdeparkingsontdestinéesauxpersonnes à mobilité réduite.

Seules 9 stations du métro parisien sur 300 sont accessibles, soit 3% Le réseau de bus l’est à 70%.

Dans le monde

L’Italie et la Suède sont les pays européens qui détiennent la palme d'or en matière d'inclusion éducative, depuis plus de 40 ans Skellefteå (Suède) a remporté en 2023 le prix européen de l’Access City Award qui récompense les villes les plus accessibles en Europe. Cordoue (Espagne) et Ljubljana (Slovénie) sont 2e et 3e En Hollande, quasiment 100% des quais du métro et des gares sont accessibles aux personnes atteintes d’un handicap.

New York fait partie des villes où l’on trouve la plus grande proportion d'hôtels accessibles aux fauteuils roulants (36%).

Société Avril 2023

Tout à fait faisable

« Vivre une semaine sans nouvelle technologie, c’est : »

Absolument impossible

Résultats du sondage « Jeunesse et insouciance », réalisé au sein du lycée EIB Etoile. Les graphiques ci-dessus montrent que les garçons jugent tout à fait faisable le fait de vivre une semaine sans nouvelle technologie (77,3%). A l’inverse, les filles ont plus de mal à se projeter dans cette situation (60,2%).

Noé Manwaring-Favennec & Samuel Lelouch – Tale5

Alpha, génération désenchantée ?

Jeunesse et insouciance, un vaste sujet… Désireux de connaître le ressenti des élèves de l’EIB, nous avons réalisé un sondage à l’échelle du lycée. Voici les résultats.

En 2020, l’institut IFOP, en collaboration avec La Tribune et Europe 1, dévoilait un sondage exclusif surles 18-30 ans*, leurs craintes etleurs espoirs.Globalement, ces derniers restaient confiants dans l'avenir. Mais le choc de la Covid-19 bouleversait profondément leur entrée dans la vie et leur vision du monde. Trois ans plus tard, et à notre petite échelle de l’établissement, nous nous sommes également penchés sur le sujet En tout, quinze questions ont été soumises à la totalité des élèves au débutdes cours enclasse entière, parle biais d’un site Internet créé spécifiquementpour cette étude.Laconclusionà retenir ? Demanière globale, les jeunes vont bien, même s’ils demeurent préoccupés

Le système scolaire facteur de frustrations

Le système scolaire français, en comparaison d’autres pays (nordiques, anglosaxons), a été évoqué dans le sondage. Résultats ? A 63,3%, les élèves jugent – surtout les Premières et les Terminales – qu’il y a trop d’heures de cours et pas assez d’activités intra scolaires. 14,8% pensent que le système est trop uniforme et ne prend pas assez en compte les individualités, 9,6% que les savoirs sont trop théoriques et pas assez concrets. Enfin, seuls 12% considèrent que le système scolaire en France propose des méthodes d’apprentissage et d’analyse qui préparent fondamentalement à l’enseignement supérieur

Une génération qui se pense sacrifiée ?

Evoqué précédemment, le sondage IFOP de 2020 révélait que 54% des sondés pensait qu'à la faveur de la crise sanitaire, les jeunes générations étaient sacrifiées au profit des Français les plus âgés, avec 35% respectivement « plutôt d'accord » ou « plutôt pas d'accord ». Nos résultats montrent que les 15-18 ans du lycée ne se considèrentpascommeunegénérationsacrifiéeà43,4%(34,8%de« oui » ;21,7% ne savent pas)

De même, à la question « considérez-vous votre génération comme plus insouciante que les deux générations précédentes (ces 50 dernières années) ? », on enregistre 50,2% de « oui », 39,7% de « non » et 10,1% de « ne sait pas » Interrogés sur la raison principale du manque de sérénité chez les adolescents, les élèves de l’EIB, tous niveaux confondus, ont placé la peur de se tromper de voie professionnelle en premier (34,8%), le manque de temps et/ou de sommeil en deuxième (33,3%), le manque de contrôle par rapport à leur avenir en troisième (21,3%) et l’actualité en dernier (10,5%). Fait intéressant : le manque de temps et/ou de sommeil arrive en tête chez les Premières et les Terminales (respectivement 34 et 41%, contre 25% chez les Secondes).

En ce qui concerne le problème principal auquel leur génération va être confrontée dans un futur proche, les jeunes de l’EIB ont répondu l’environnement (53,4%), puis la baisse du niveau culturel et intellectuel (29%), le creusement des écarts de richesse (14,8%) et enfin, le système des retraites (2,8%). Des chiffres en adéquation avec une étude réalisée en 2021, approuvée par la revue The Lancet Planetary Health. Menée par des chercheurs d’universités britanniques, américaines et finlandaises et financée par l’ONG Avaaz, l’étude s’appuyait, sur un sondage réalisé la même année par l’institut Kantar auprès de 10 000 jeunes âgés de 16 à 25 ans dans dix pays, du Nord comme du Sud 59 % des sondés déclaraient être « très » ou « extrêmement inquiets » du changement climatique,

tandis que 45 % affirmaient que l’anxiété climatique affecte leur vie quotidienne de manière négative, qu’il s’agisse de dormir, de se nourrir, d’étudier, d’aller à l’école ou de s’amuser 75% des jeunes interrogés lors de cette étude jugeaient même « l’avenir effrayant ».

Néanmoins, à la question « pensez-vous qu’un jeune adulte a moins d’opportunité de s’épanouir aujourd’hui qu’il y a 30 ans ? », les élèves de l’EIB ont répondu « non » à 60,5% et « oui » à 27,7%. 86,3% se jugent également privilégiés.

L’avenir, relativement enthousiasmant

Au chapitre des points positifs, il y en a plusieurs… Pour 43,4% des élèves, le fait de devenir adulte constitue un futur enthousiasmant plein de nouvelles expériences et découvertes. 24,3% ont du mal à se l’imaginer, 18% le considèrent comme une source d’angoisse et 14,2% comme un passage obligé.

71,9% des sondés pensent également avoir le droit à l’erreur dans la vie, 50,7% se disent compris et soutenus par leurs aînés (contre 32,8% de non).

Pas de grande rupture entre les générations donc. Pas d’envie de révolte non plus. A la question portant sur Mai 68, seulement 8,2% ont affirmé que l’événement les faisait rêver. 41,8% restent songeurs, 36,3% ne le connaissent pas et 13,3% se disent de glace.

Le chiffre chou

A la question « qu’est-ce qui est le plus important pour vous dans la vie ? », l’indépendance arrive en tête (33,3%). Vient ensuite l’argent (22,8%), puis le temps pour soi (22,3%) et enfin l’amour (21,5%). Néanmoins, d’irréductibles sentimentales règnent chez les Terminales. Près de 49% des filles interrogées ont choisi l’amour comme priorité (contre 19% des garçons). Le romantisme n’est pas mort, et on adhère !

* Enquête menée auprès d'un échantillon de 1017 personnes représentatif de la population française, âgée de 18 à 29 ans.

Société Avril 2023
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Louis Declerck – 1ère3

100 % Made in France

Gage de qualité pour les consommateurs, écoresponsable, le Made in France est en plein essor.

Dans l’Hexagone ou à l’étranger, le Made in France a la cote. Origine France Garantie (OFG), Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV) ou encore France Terre Textile (FTT)… Les labels se multiplient pour valoriser le savoir-faire d’une industrie française privilégiant l’éthique et les normes sociales Une démarche qui répond aux enjeux environnementaux et économiques actuels, tout en créant de l'emploi sur le territoire français. Une démarche devenu aussi argument de vente, qui plaît également aux consommateurs, quitte à payer un peu plus cher. Et ça marche ! Le salon du Made in France, en novembre 2022, Porte de Versailles, comptait cette année plus de 1000exposants,contreprèsde850l’annéeprécédente.

Plan France Relance

Afin de renforcer cette dynamique, le gouvernement a lancé le plan France Relance, en 2020. Avec un budget de 100 milliards sur deux ans, dont 40% financés par des fonds de l'Union Européenne, l’objectif est de faire bénéficier les entreprises d'aides financières pour les encouragerà investir en France, à innoveretà créer des emplois locaux, à hauteur de 160 000. Au total, 700 projets ont été sélectionnés. Parmi les bénéficiaires, on

trouve la marque Maillot Français qui fabrique des tenues de sport dans des matières écoresponsables. 93 clubs de sport ont déjà passé commande à sa manufacture, basée à Perpignan.

Autre exemple avec Le SlipFrançais, partenaire de 80 ateliers de confection dans l’Hexagone.

Guillaume Gibault est le fondateur de la marque créée il y a plus de dix ans et le président du groupe Façon

De Faire, fondé en 2020. Cette plateforme rassemble aujourd’hui tous les acteurs de l’industrie du textile et de la mode engagés pour le 100% Made in France, avec plus de 220 ateliers à son compteur. En mars 2023, M. Gibault évoquait dans les médias l’impact de la digitalisation et de la crise du Covid sur le secteur du textile, représentant 100 000 emplois aujourd’hui contre 600 000 dans les années 1990.

Envie d’ici, le phénomène de relocalisation

D’autres marques françaises plus anciennes sur le marché font, elles aussi, le pari du Made in France, en relocalisant leur système de production sur le territoire et en Europe. C’est le cas de Mauboussin, qui produisait encore près de 75% de ses bijoux en Asie, en 2014. Depuis 2018, 98% de sa production est réalisée en Europe, dont 70% en France. Le PDG de la marque, Alain Némarq, a déclaré à l’époque que « cette décision était une volonté politique pour améliorer le service, diminuer les coûts logistiques et bénéficier d’un temps de production plus court ». Malgré une main-d'œuvre plus chère, la hausse des coûts de transport depuis l'Asie fait repenser les industriels à deux fois, faisant de la France un espace de production compétitif.

Le tableau n’est cependant pas tout rose. Le pays doit poursuivre ses efforts pour moderniser son économie, favoriser l'innovation, la formation professionnelle et promouvoir la recherche et le développement afin de consolider sa position sur le marché européen. Le Made in France a encore du pain sur la planche.

Lucie

– 2de2

Consommation : qui achète le plus de quoi ?

Fun facts des pratiques de consommation à travers le monde.

La Moldavie est le pays qui consomme le plus d'alcool, avec 16 litres par habitant en 2016

En dehors de la grande distribution, le plus gros consommateur de champagne au monde n’est autre que le Moulin Rouge, situé dans le 18ème arrondissement de Paris. 630 000 spectateurs sirotent 240 000 bouteilles tous les ans. En moyenne, cela fait 658 bouteilles débouchées chaque jour.

Les Américains sont les plus gros consommateurs de parfum Avec ses 12 kilos par habitant et par an, la Finlande est le premier consommateur de café sur le globe. Les Suisses sont les plus gros mangeurs de chocolat, avec 9 kilos par an et par habitant

Les Kiribati, Etat archipélagique de l’océan Pacifique, sont les plus gros consommateurs de tabac au monde. 48% des hommes sont fumeurs. Ils sont suivis à égalité de l’Indonésie (47%) et du Laos (47%). Chez les femmes, les pays les plus impactés sont le Groenland (44%), la Bulgarie (28%) et la Grèce (27%).

En France, 2,7 kilos de Nutella sont consommés chaque seconde, soit 230 tonnes de Nutella et 1 million de pots par jour. Autrement dit, chaque année, il se consomme 84 000 tonnes de Nutella dans l'Hexagone, 26% du total mondial ! Les autres grands adeptes de la pâte à tartiner sont les Allemands et les Italiens

Enfin, après être devenue une star aux Etats-Unis, Sophie la girafe fait des ravages au Japon Le jouet préféré des bébés est vendu dans 600 boutiques

Vêtements d’occasion : quand le populo devient populaire

Selon les derniers chiffres, 7 Français sur 10 achètent des vêtements de seconde main. Goût pour le vintage, conscience écologique ou encore nécessité… Etat des lieux d’une pratique de consommation dépoussiérée et décomplexée.

Une montée en flèche. Avec une hausse de 12% de chiffre d’affaires mondial par an, selon une étude réalisée par le Boston Consulting Group en 2020, le marché de la seconde main explose, à tel point qu’il devrait atteindre plus de 60 milliards de dollars, d’ici 2025

Astuce mode, nécessité économique ou scrupule écologique ? Un peu des trois…

De tout temps, le pouvoir d’achat a été la raison principale du recours à la seconde main, s’adressant à la base aux acheteurs à faibles revenus. Coïncidence ou non Vinted,ledeuxièmesited’e-commercepréféréenFranceetquiycomptabiliseplus de 19 millions d’utilisateurs – sur plus de 65 dans 16 pays – a vu le jour en 2008, année de la crise financière.

Si la conscience écologique et la raréfaction des matières premières est également au cœur des préoccupations, force est de constater chez le consommateur type (une femme dont l’âge est compris entre 18 et 34 ans), représentant 57% du total, un penchant pour l’achat d’occasion.

Un mode de consommation, une mode de consommation… De nos jours, la tendance repose d’abord sur le fait d’acheter à moindre coût mais aussi de chiner des pièces vintage prisées. Preuve en est l’attrait pour le luxe de seconde main, représentant 16 milliards d’euros à l’échelle mondiale. Un goût décomplexé, 82% des acheteuses n’hésitant pas à déclarer qu’elles n’auraient pas acheté le produit neuf si elles ne l’avaient pas trouvé en seconde main.

Conscientes du vent en train de tourner, certaines marques de prêt-à-porter telles H&M, Caroll, Bréal et bien d’autres encore, développent corners et reprises de vêtement en magasins ou sur Internet.

Dans l’histoire, un seul perdant, qui en incarne bien d’autres : Emmaüs. En mars 2023, l’association solidaire lançait une campagne publicitaire afin d’inciter les Français à donner leurs habits plutôt que les revendre Comme quoi, et pour reprendre les mots de l’écrivain et académicien Erik Orsenna, «la pauvreté n'a pas de limite : on trouve toujours quelqu'un de plus pauvre que les pauvres »

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2023
Economie Avril
Camille Barbe – Petite main

Retraites, la réforme qui passe mal

Le recul de l’âge de la retraite de 62 à 64 ans suscite un grand mouvement de contestations. FrançoisXavier Martin, professeur de Sciences Economiques et Sociales à l’EIB, nous éclaire sur le sujet.

Casse Ton Cliché (CTC) : Comment fonctionne le système de cotisation des retraites en France ?

François-Xavier (FX) Martin : Le système de retraite en France est un système par répartition basée sur une solidarité intergénérationnelle : les cotisations des travailleurs prises sur leurs revenus financent les pensions des retraités au même moment. Il a été mis en place à la suite de la mauvaise expérience des systèmes par capitalisation (où chacun épargne pour lui-même auprès d’une banque) qui ont fait faillite, suite à la crise de 1929. Le système de retraite français a été mis en place en 1945, avec la création de la Sécurité sociale.

En2021,laSécuritésocialeadépensé345milliardsd’eurosdepensionsderetraite, soit 14,7 % du PIB.

CTC : Notre système souffre-t-il la comparaison avec d'autres pays ?

FX Martin : En 2021, la Sécurité sociale a dépensé 345 milliards d’euros de pensions de retraite, soit 14,7% du PIB Chaque pays a construit son système selon son histoire et sa culture. Les comparaisons sont difficiles car les modes de calcul de la retraite sont complexes et différents selon les pays.

Le régime peut se calculer en annuités, comme en France, en points, comme en Allemagne ou sous forme des comptes notionnels, comme en Italie ou en Suède.

Faceauvieillissementdémographiquequiaugmentelesdépenses(plusdepensions à verser aux « anciens ») et qui diminue les recettes (moins de « jeunes » actifs cotisants), les pays ont mis en place ces dernières années des réformes qui ont toutes eux le même résultat : la baisse des pensions des retraités

En Allemagne, la pauvreté des plus âgés se développe à grande vitesse depuis la réforme de 2014. D’après Eurostat, en 2017, le taux de pauvreté des plus de 65 ans était de 17% en Allemagne, contre 7,8% en France. De manière générale, les retraités allemands touchent moins de la moitié de leur dernier salaire contre les trois quarts en France.

CTC : Économiquement, la réforme est-elle absolument nécessaire, comme l’affirme le gouvernement ?

FX Martin : Le président a le mérite d’avoir été transparent pendant la campagne présidentielle de 2022 : « C’est simple, si nous ne réglons pas le problème des retraites, nous ne pouvons pas investir pour le reste ». Ainsi, la réforme devrait permettre au gouvernementde débloquer environ 9milliards par an d’ici2027pour financer les baisses d’impôts sur les entreprises et des investissements dans la transition écologique et la modernisation des services publics (écoles, hôpitaux).

Il ne s’agit donc pas de « sauver le système de retraite » mais bien de faire des économies ! D’ailleurs, le dernier rapport du Conseil d’Orientation des Retraites (COR)n’atiréaucunsignald’alarmeàproposd’unepossible«faillite»dusystème de retraite.

CTC : Concrètement, qui va être impacté par la réforme ?

FX Martin : Les réformes des retraites pénalisent toujours ceux qui vont avoir une vie active discontinue, soit les moins qualifiés tels les travailleurs précaires qui

enchaînent les contrats courts, les femmes qui ne pourront atteindre les 42 années de cotisations, les actifs ayant un travail pénible et qui meurent plus tôt A 62 ans, 25% des plus pauvres sont déjà morts… à 64 ans, on passe à 30% Enfin, il y aura aussi les futurs travailleurs âgés qui peineront à garder et à trouver un emploi En 2021, 56% des 55-64 ans étaient en emploi contre 81,8% des 25-49 ans.

CTC : Pourquoi ce besoin cyclique de réformer le régime des retraites ?

FX Martin : Conjoncturellement, parce que les gouvernements cherchent souvent des sources de financement pour leurs politiques. Structurellement, cela vient de la croissance démographique. La population mondiale connait un vieillissement démographique dû à la hausse de l’espérance de vie et la baisse de la natalité. Ainsi, il faut financer de plus en plus de pensions avec de moins en moins de cotisants. En 1950, 4 actifs finançaient la pension d’un retraité en France, aujourd’hui le ratio de dépendance est de 2,7 et il sera inférieur à 2 en 2050. Les premières réformes ont augmenté la durée de cotisation (de 37,5 à 40 ans lors de la réforme Balladur en 1993 et de 40 à 42 ans lors de celle de Fillon en 2003) puis on a augmenté l’âge légal (de 60 à 62 ans avec la réforme Woerth de 2010). Ces réformes ont entrainé les plus grandes mobilisations collectives connues en France depuis 1990… mais elles ont toutes passé l’épreuve législative des parlements !

CTC : Quelles autres solutions sont-elles potentiellement possibles pour que le régime des retraites ne pèse pas massivement sur les générations présentes et futures ?

FX Martin : Pour augmenter le montant global des cotisations, il faut plus de cotisants et donc créer davantage d’emploi et lutter contre le chômage. On peut aussi rajeunir la population active en ayant davantage recours à la main-d’œuvre immigrée, comme l’on fait les Allemands.

De plus, en augmentant les salaires, on augmente aussi les cotisations versées (car c’est un taux pris sur une somme). Il faut donc augmenter la productivité (la richesse créée par travailleur) et/ou mieux répartir les gains de productivité entre travail et capital car ils ont tendance depuis la fin des années 1970 à être absorbé par le second. C’est donc une solution technologique mais aussi politique Par exemple, les pouvoirs publics pourraient investir plus massivement dans la recherche-développement, notamment dans le secteur de l’environnement et y soutenir les créations d’emploi. Ainsi, on ferait « une pierre, deux coups » On sauve les retraites et la planète !

CTC : Selon vous, qu’est-ce que la justice sociale ?

FX Martin : La justice sociale est un concept qui vise à assurer l'égalité des chances pour tous, indépendamment de leur origine et je pense, en effet, que tout le monde doit avoir droit aux mêmes opportunités dans la vie. Je n’aime pas qu’on croit que la justice sociale, c’est « prendre aux riches pour donner aux pauvres ». Par définition, la justice sociale doit profiter à tous : il faut donc trouver un consensus sur ce qu’est une redistribution juste et efficace des ressources.

Ton Cliché Economie Avril 2023
Casse
©Le Parisien / Fred Dugit Sofia Cornu – Tale5
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Antonin Lecocq – 1ère4

La vie sauvage marine va-t-elle disparaître ?

Les océans couvrent plus de 70% de la surface de la Terre et abritent une grande variété d'espèces vivantes. Cependant, l'impact de l’homme a un effet dramatique sur la vie sauvage marine, dont 87% des espèces sera menacée d'extinction d'ici 2100.

Poissons, coraux, mollusques et crustacés Les espèces sont toutes concernées. Selon une étude publiée dans la revue Nature Climate Change en août 2022, dans les cas où le réchauffement climatique dépasserait les 3°C, 87% de la vie des océans disparaîtront d'ici la fin du siècle. Si la limitation à moins de 2 °C est atteinte, alors ce risque d'extinction diminuera de 98%.

La pollution est l'un des principaux facteurs qui contribuent à la dégradation de la faune et de la flore marine. Les activités industrielles, les pratiques agricoles, les déversements d'hydrocarbures dans les océans affectent directement les organismes marins et leurs habitats. Les produits chimiques tels que les métaux lourds et les produits chimiques organiques persistants peuvent s'accumuler dans les tissus des animaux marins et perturber leur croissance et leur reproduction.

Côté déchets plastiques, « même s’il n’y a pas de forte dégradation des espaces de plongée, il est de moins en moins rare de trouver des bouteilles ou des sacs en plastique dans l’océan », témoigne Emmanuel L.

Salomon, moniteur de plongée à l’île Maurice. L'acidification des océans est un autre facteur qui contribue à la dégradation de la faune et de la flore marine. Elle est causée par l'augmentation de la concentration de dioxyde de carbone (CO2) dans l'atmosphère. Lorsque le CO2 se dissout dans l'eau de mer, il forme de l'acide carbonique, qui abaisse le pH de l'eau. Parmi les premiers touchés ? Les coraux, qui abritent près de 2 millions d’espèces différentes. A l’heure actuelle, 20% des récifs mondiaux ont disparu – dont 14% entre 2009 et 2018 – et 50% restent gravement menacés.

Multiplier les zones protégées

Malgré ces facteurs de dégradation, la communauté scientifique atteste des efforts réalisés ces dernières années pour protéger les écosystèmes marins et les espèces marines. Ils sont néanmoins insuffisants. En 2010, les États membres des Nations unies s’étaient engagés, lors de la Convention sur la diversité biologique, à protéger 10% des zones marines et

côtières d’ici 2020 grâce à la mise en place d’aires marines protégées. Selon le Marine Conservation Institute, ces dernières ne couvrent aujourd’hui que 5,3% de la surface de l’océan. Seulement la moitié des aires marines protégées sont suffisamment restrictives pour être efficaces. Afin de réellement protéger la biodiversité, la plupart des scientifiques estiment que les aires marines hautement protégées devraient couvrir entre 30 et 50% de la surface de l’océan. Pour cela, une seule solution : réduire la pression humaine.

En Amazonie, la flambée du paludisme

Au Brésil, déforestation et exploitation minière jouent un rôle dans la propagation du paludisme.

La déforestation, facteur d’accroissement du risque de propagation des maladies transmises par les moustiques ? C’est ce que les dernières études scientifiques soutiennent. Sous la présidence de Jair Bolsonaro entre 2019 et 2022, la forêt amazonienne a en effet connu une pression croissante de l'industrie minière, augmentant la vulnérabilité de ses habitants à l’égard des maladies

A titre d’exemple, au premier semestre 2020, 43% de la déforestation a eu lieu dans le Pará, un État au nord du Brésil. Or, le taux de transmission du paludisme dans les zones d’exploitation minière de la région a augmenté de 17,8% au cours de cette même période Ce taux pourrait cependant être bien plus élevé, étant donné que nombre de cas ne sont pas signalés. De façon plus générale, les maladies transmises par les moustiques ont augmenté de 32% par rapport à

2019 dans la région de Tapajós. Sur les territoires autochtones du pays, ce taux a augmenté de 46,7%. La raison ? Les conditions dans les camps miniers clandestins, qui font partie intégrante du problème. En effet, si les vastes terres transformées en zones de pâturages pour le bétail favorisent la propagation du paludisme, ce sont les petites parcelles de terres déboisées à des fins d’exploitation minière illégale qui posent un risque plus élevé de transmission de la maladie. Elles génèrent les conditions idéales pour la reproduction du moustique Anopheles, à l’origine du paludisme

Au lendemain de son élection en janvier 2023, le président Lula s’était engagé à atteindre zéro déforestation d’ici 2030. Un mois plus tard, cette dernière baissait de 61% Une bouffée d’air pour le poumon de la planète.

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Pollution : dates et chiffres clés

Retour sur les heures sombres du monde contemporain.

Les chiffres

Les plus gros pollueurs en Europe sont l'Allemagne (839,7 Mt) et la France (454,8 Mt).

Les trois pays émettant le plus de dioxyde de carbone sont la Chine, les États-Unis et l’Inde

La canne à sucre est la plantation qui détruit le plus de biodiversité dans le monde.

Les dates

5 décembre 1952 : Pendant 4 jours, un brouillard hautement toxique recouvre Londres. Le nombre de décès causés par The Great Smog est estimé à 12 000.

10 juillet 1976 : A Seveso en Italie, un réacteur de synthèse explose, contaminant 1 500 hectares dans la banlieue de Milan 600 gros animaux meurent et 1 288 personnes sont intoxiquées

2 décembre 1984 : A Bhopal en Inde, une fuite de 40 tonnes de gaz toxiques d’une usine de pesticides provoque, dans les trois premiers jours, environ 8 000 morts En 20 ans, le bilan est estimé à plus de 20 000. 26 avril 1986 : Le réacteur n°4 de la centrale de Tchernobyl, à une centaine de kilomètres de Kiev, explose au cours d'un test de sûreté. Des éléments radioactifssontrejetésdansl’atmosphère,contaminant jusqu'aux ¾ de l'Europe mais surtout l'Ukraine, le Bélarus et la Russie. Si le bilan est difficile à chiffrer, les autorités estiment que les humains ne pourront pas vivre à Tchernobyl en sécurité avant 24 000 ans.

11mars2011 :Un tsunamiconsécutifà unséisme met hors service les systèmes de refroidissement de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, Selon l’ONU, aucun décès ni cancer n’est, à ce jour, directement imputable aux radiations

Environnement Avril 2023
Maia Croese – 2de2

Dune Gaget – Tale4

« Twomorrow » ou l’aventure version écolo

Le 11 janvier 2023, nous recevions Célia Poncelin et Léo Primard, créateurs de « Twomorrow »

Parcourant l’Europe il y a deux ans à bord de leur van, ils sont allés à la découverte de solutions innovantes pour lutter contre le dérèglement climatique. Ils nous ont raconté leur voyage.

Casse Ton Cliché (CTC) : Quelles leçons tirez-vous de votre voyage ?

Léo Primard : Pour moi, c’est que l’humain s’adapte beaucoup trop vite, à tout. Je me suis dit, à un moment, que j’en avais marre du van. Nous étions tombés dans une routine alors que nous faisions un voyage au cours duquel nous changions d’endroit tous les jours. En fait, j’ai eu l’impression que l’on avait du mal à retrouver la beauté de la nouveauté au quotidien.

Célia Poncelin : Moi, je trouve que l’action motive beaucoup Faire des choses, voir qu’il y a des solutions pour lutter contre le dérèglement climatique, cela redonne de l’espoir. De nos jours, les médias traitent beaucoup des problèmes mais un peu moins des solutions, alors qu’elles existent. Si j’avais un message à faire passer, c’est que l’on peut tous s’engager à son niveau, surtout que vous êtes une génération qui est, je pense, très sensibilisée aux problématiques du climat.

CTC : Quelle rencontre a été la plus marquante ?

Léo Primard : La rencontre la plus sympa était avec un couple, Andrea et Martin, qui avait fondé Sensoneo, un logiciel pour une gestion intelligente des déchets basée sur les données, à Bratislava (Slovaquie). Ils nous ont accueillis chez eux après l’interview, nous ont invités à un barbecue, végétarien bien sûr. Nous avons passé la soirée à discuter avec eux. C’était très inspirant. Nous nous sommes aussi un peu reconnus en eux, mais dans trente ans. C’est une rencontre qui nous a fait du bien. Et la pire…

Célia Poncelin : Le pire de nos rencontres, je pense, ce sont avec les gens qui étaient conscients des enjeux climatiques mais qui ne voulaient pas pour autant changer leur quotidien, afin de ne pas bousculer leur confort. Ce qui peut être dur à avaler pour nous qui avons l’impression de jouer notre futur et celui de nos enfants.

CTC : En quoi votre vision du monde a-t-elle changé depuis votre voyage ?

Léo Primard : J’ai appris que l’écologie n’est ni un droit, ni un devoir, ni un choix. On a le privilège d’avoir le temps de se renseigner et de l’argent à consacrer à ces sujets. La question de la justice sociale m’a également frappé. J’ai l’impression qu’il n’y aura pas de victoire écologique sans changement social ou de rééquilibre des ressources. Enfin, je trouve que l’on sensibilise beaucoup les gens qui le sont déjà au détriment de ceux qui ne le sont pas. Il est difficile de sortir de ce cercle.

CTC : Vous avez créé un média, écrit et publié un livre… Des projets futurs ?

Célia Poncelin : Le projet à moyen terme, c’est de travailler sur un documentaire, le livre et le podcast n’étant pas forcément accessibles à tous. Nous aimerions faire connaître le documentaire aux entreprises, moins sensibilisées. C’est là que l’on peut avoir un impact.

Léo Primard : Passer au cinéma ou à la télé donne également de la visibilité et décuple drastiquement l’impact que notre expérience peut avoir.

Célia Poncelin : J’espère que dans dix ans, on n’existera plus. Cela voudra dire qu’il n’y aura plus besoin de nous.

Léo Primard : Enfin, qu’on existera mais que l’on ne fera plus ce job-là ! (rires)

CTC : Pour conclure, quelle idée reçue sur l’écologie pouvez-vous nous faire partager ?

Léo Primard : Pas mal, ça (rires)… 54% des gens pensent que la fumée qui sort desréacteursetcentralesnucléairessontdelapollution,alorsquec’estdelavapeur d’eau. C’est un des clichés qui étonne le plus et qui montre bien la désinformation autour du sujet. Au final, le nucléaire est l’une des énergies les moins carbonées.

Célia Poncelin : Pour ma part, je trouve que l’on parle beaucoup de l’impact carbone de la boîte mail, en fait minime. Il me semble important de comprendre les ordres de grandeur Par exemple, 80% de l’empreinte due au numérique a déjà été dépensée avant même que vous ne touchiez votre téléphone. Finalement, réfléchir à l’achat d’un appareil est bien plus efficace que de trier ses mails.

What ? Road trip, média indépendant et livre auto-édité, Twomorrow est aussi un jeu de mot.

Cela veut dire « deux demains » : celui où nous avons le pouvoir d’agir contre le changement climatique, et celui où nous le subissons.

Décryptage des problématiques, interviews de fondateurs d’entreprise, carnet de voyage… Ce tour d’Europe des solutions au changement climatique nous permet de faire un tour d’horizon d’un sujet, abordé ici différemment

Why ? Pour faire réfléchir de manière positive sur le futur et encourager les actions individuelles ou collectives. Parce que ça urge.

L’objectiffixéparlesAccordsdeParisen 2015 était de limiter le réchauffement climatique à +2°C par rapport à l’ère pré industrielle. Selon le dernier rapport du GIEC, nous sommes déjà à +1,1°C. L’objectif est d’arriver à 2 tonnes de CO2 émis par an et par personne d’ici à 2050. En France, nous sommes à 11 tonnes ; la moyenne mondiale est à 4,4.

Who ? Un jeune couple découvert lors de cette interview. Nous en profitons donc pour mette sous les projecteurs Malika Favre, la dessinatrice de la couverture du livre (cicontre) qui travaille entre autres pour Vogue, le New York Times ou le New Yorker, dont nous sommes complètement fans.

Where ? Le voyage s’est fait dans 26 pays dont 6 hors Union européenne, sur une distance de 20 000 km. Le podcast se retrouve sur Spotify et Deezer. Le livre se commande sur le site twomorrow-project.com.

When ? L’expérience a eu lieu entre avril et septembre 2021. Le projet peut se découvrir à tout moment sur le compte Instagram @twomorrow_project. Page 15

Environnement Avril 2023
Casse Ton Cliché

Inaya Omari – Tale4

Namene, la lampe solaire à l’objectif zéro kérosène

De nos jours, la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre place les sources d’énergies renouvelables au centre des discussions Créé en 2017, l’entreprise Namene Solar Energy entend éradiquer les lampes à kérosène au profit des lampes solaires Son fondateur et président directeur général, Patrick Lagrange, nous explique le projet.

CTC : Sur le terrain, comment travaillez-vous ?

Patrick Lagrange : Nous nous concentrons sur les zones rurales, qui sont les moins développées et touchons ainsi ceux qui se trouvent tout en bas de la pyramide des richesses

Nous avons des partenaires de distribution locaux dans des centres communautaires, afin d'aider à livrer nos lampes dans les communautés du dernier kilomètre difficiles à atteindre. Notre personnel sur place aide à déployer rapidement nos lampes auprès de milliers de nouveaux clients chaque semaine, afin de rapprocher l'accès universel à l'énergie, une lampe solaire à la fois

Promouvoir le tourisme durable de l’outre-mer, un vrai défi

Zoom sur une affiche de marketing territorial, réalisée dans le cadre du thème de géographie, « Sociétés et Environnements, des équilibres fragiles », en classe de seconde Bravo à Alma Carroz-Gribot & Abigail Larsen.

Casse Ton Cliché (CTC) : Qu’est-ce que Namene ?

Patrick Lagrange : Le mot « namene » se traduit par « nouvelle aube ». Nous avons choisi ce nom pour notre entreprise car nous connaissons le rôle important que joue l'énergie solaire dans la transition vers une nouvelle ère pour notre approvisionnement énergétique.

Notre entreprise, Namene Solar Energy, a été créée à Londres en 2017. Nous fabriquons des lampes à énergie solaire dans le but d’éradiquer les lampes à kérosène, très nocives pour l’environnement et la santé des utilisateurs. Notre objectif est donc d’en finir avec les combustions inefficaces et coûteuses des ménages

l'éclairage d'abord, avec nos lampes solaires primées, la cuisson et le chauffage ensuite, avec des poêles efficaces).

Nous souhaitons contribuer à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), adoptés en 2000 par l’Organisation des Nations Unies (ONU), qui concernent la santé, l’éducation, l’accès aux énergies propres, la réduction de la pauvreté, la croissance économique et l’action climatique.

CTC : Quels sont les dangers du kérosène ?

Patrick Lagrange : Ils sontmultiples. D’une part, pour la planète, ces lampes produisent des quantités monstrueuses de CO2 et d’autre part, elles représentent un danger pour la santé des utilisateurs, souvent des enfants. C’est une substance irritante dangereuse pour la peau, qui peut bloquer les voies respiratoires et endommager la vue des utilisateurs.

Un enseignant a d’ailleurs témoigné sur le sujet : « C’est très facile de reconnaitre les enfants qui ont fait leurs devoirs à la lueur d’une lampe à kérosène. Le matin, ils toussent, ils ont les yeux rouges et le teint cireux ».

A titre d’exemple, au cours de l’année 2021, Namene Solar Energy a distribué pasmoins de 600 000 lampes dans trois pays d’Afrique : la Zambie (400 000), la Namibie (150 000) et le Zimbabwe (50 000). Elles sont distribuées dans des écoles, des foyers et parfois mêmes des hôpitaux.

CTC : Concrètement, comment cela fonctionne ?

Patrick Lagrange : Une lampe se compose d’un panneau solaire intégré, d’un support détachable et d’une sangle pour la tête. La batterie possède jusqu’à 15 heures d’autonomie en une seule charge. Elle possède trois réglages de lumière Elle est portable, légère et rotative à 360° Les gens peuvent l’utiliser jour et nuit.

CTC : Les lampes sont-elles financièrement abordables ?

Patrick Lagrange : Les lampes sont absolument abordables, le but étant de ne pas priver les pays les plus pauvres de la possibilité de s’en procurer. Elles sont au prix de 2,50 dollars, au lieu de 15 dollars. C’est 60% de moins que le prix du marché.

CTC : Votre prochain objectif ?

Patrick Lagrange : Nous avons pour l’instant réalisé notre objectif d’apport de 2 millions de lampes. Le prochain est plus ambitieux. Il s’agit de fournir 20 millions de lampes principalement aux pays d’Afrique mais aussi d’Asie.

Namene Solar Energy en chiffres

L’entreprise est présente dans 44 pays. Depuis sa création, les lampes auraient contribué à l’économie de CO2, à hauteur de 160 000 tonnes Les utilisateurs économisent en moyenne 390 dollars sur leur consommation d’énergie.

Pour le prochain numéro de Casse Ton Cliché (2023-2024)

Nous recherchons des idées de projet en faveur de la lutte pour la protection de l’environnement

Reportage photo, action au lycée, initiative atypique…

Venez-nous en parler !

Environnement
Avril 2023
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Electra Dumeur – 2de4

Progrès de la médecine : les dates clés

Retour sur les fantastiques progrès de la médecine.

Avicenne insistait sur l'importance de l'observation et de l'expérimentation. Il y envisageait déjà notamment la chirurgie du cancer

1545 : Ambroise Paré remplace le traitement des blessures par balles, habituellement soignées par application d'huile bouillante, par de la térébenthine Il met également au point la ligature des vaisseaux sanguins pour prévenir l'hémorragie durant les amputations

1628 : « Découverte » de la circulation sanguine par l’Anglais William Harvey – mise en évidence par la médecine chinoise dès 2 600 av. notre ère – et du rôle central du cœur dans le corps

1784 : Le chimiste Antoine Lavoisier parvient à découvrir et comprendre le système de la respiration.

1796 : Edward Jenner inocule la variole, une technique qui remonte à la Chine ancienne.

Grégoire Becquaert – 1ère2 & Maxime

Becquaert – 1ère4

Les bienfaits du High-tech

Gain de temps, d’argent et d’énergie, les nouvelles technologies ont révolutionné le monde. Notre top 3 des inventions du XXe siècle

L’ordinateur : Avant les ordinateurs, tous les calculs étaient faits à la main et tous les dossiers étaient en physique. L’ordinateur a permis d’énormément simplifier les choses, notamment au travail Fun fact… Le mot ordinateur date de 1955. Il fut inventé par Jacques Perret à la demande du responsable publicité d'IBM qui voulait un nom pour communiquer sur le « calculateur », traduction littérale du mot « computer ».

6500 av. notre ère : Acte chirurgical le plus ancien connu à ce jour, la trépanation consiste à percerla boîte crânienne pour pouvoir soulager le cerveau d’une pression, en cas d’hématome par exemple.

1600 av. notre ère : Le papyrus Edwin Smith inclut des éléments antérieurs de plus de 1 000 ans. Son texte expose les méthodes pour fermer les blessures par des sutures, notamment crâniennes et l'utilisation du miel pour prévenir les infections.

IVe siècle av. notre ère : Texte attribué au médecin grec Hippocrate, le serment éponyme est considéré comme le fondement de la déontologie médicale en Occident, où le bien du patient est au centre de tout.

1025 : « Le Canon de la médecine » (Al-Quanum fi alTibb), encyclopédie en cinq volumes rédigée par le médecinperseIbnSina,connusouslenomd’Avicenne en Occident, est achevé. L’ouvrage a constitué la base de l'enseignement médical durant plus de 700 ans.

1895 : Première radiographie réalisée par l’Allemand Wilhelm Röntgen, qui lui vaudra le prix Nobel de physique en 1901.

1954 : Première réussite d’une greffe d’organe avec la transplantation d’un rein, par l’Américain Joseph Murray La première greffe de cœur est réalisée en 1967, en Afrique du Sud, par le Pr Christian Barnard.

1969 : Introduction de l’IRM (Imagerie par Résonance Magnétique) dans le monde médical

2008 : Premier cas probable de guérison du VIH grâce à une greffe de moelle osseuse. A ce jour, seuls trois cas ont été recensés. Les patients, atteints de cancers du sang, ont bénéficié d'une greffe de cellules souches qui a renouvelé en profondeur leur système immunitaire. Leur donneur présentait également une mutation rare d'un gène dit CCR5, connue pour empêcher l'entrée du VIH dans les cellules.

Le GPS : Mis en place par le département de la Défense des États-Unis à des fins militaires à partir de 1973, le système GPS avec 24 satellites est totalement opérationnel en 1995.

Dans les années 1990, Garmin est une des premières marques à commercialiser le système de géolocalisation et développe des récepteurs spécialisés dans divers domaines : navigation maritime, automobile, aviation, randonnée.

Les drones : Ils ont révolutionné le monde car ils ont ouvert de nouvelles opportunités pour les industries telles que l'agriculture, la cartographie, l'inspection, la surveillance, la photographie aérienne, la livraison, l'analyse environnementale, et bien d'autres.

Les drones ont permis d'accéder à des endroits difficiles d'accès, de réduire les risques pour les travailleurs, d'améliorer la précision des mesures et de capturer des images de haute qualité

Meryl Lorougnon – 1ère3

Paléovirus, quésaco ?

En retraçant l’existence des virus pour mieux en déterminer leur âge et l’intégration au génome humain, la paléovirologie entend avoir un coup d’avance sur les maladies à venir.

Saviez-vous que le coronavirus a 2 000 ans et qu’il a mortellement sévi en Asie de l’Est ? Cette information, relayée dans les médias en août 2021, c’est à la paléovirologie que nous la devons, plus précisément au directeur du laboratoire en biologie de l’évolution de Tucson (Arizona, USA), David Enard. Cette découverte de taille a permis aux chercheurs d’en savoir plus sur le SRAS-CoV-2, de la même famille du coronavirus.

Science, ou plutôt étude d’anciens virus, le domaine est « un carrefour de disciplines, explique Lucie Étienne, chercheuse CNRS au Centre international de recherche en infectiologie sur le campus de l’ENS de Lyon, dans le magazine Sciences & Vie. La paléovirologie est l’étude du passé et de l’évolution. Elle nous permet de mieux comprendre le présent et de mieux nous préparer à l’avenir ! »

La discipline fait appel à trois domaines : l’étude d’échantillons, la paléovirologie indirecte et l’analyse phylogénétique, histoire évolutive d'une espèce.

A savoir… Les virus ne sont pas toujours néfastes et peuvent être bénéfiques pour l’espèce humaine en apportant des modifications génétiques positives, améliorant ainsi le système immunitaire des générations suivantes. Un exemple ? Le syncytial, la protéine nécessaire à la formation du placenta, est d’origine virale.

Avec le réchauffement climatique, l’étude des paléovirus est aussi pertinente que nécessaire. Ainsi, au nord de la Russie, suite au dégel du pergélisol liée au réchauffement climatique, une épidémie d’antharax avait causé l’hospitalisation de 72 personnes dans une communauté d’éleveurs, la mort d’un garçon de 12 ans et de 2 300 rennes.

Côté sécurité, les risques sont contrôlés avec protocole sanitaire très stricte et labos hautement protégés. Chaque étude et chaque virus découverts doivent être déclarés et validés par un comité de sécurité et de surveillance. Entrées et sorties sont protégés par de nombreux sas. A moins d’une brèche

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2023
Sciences Avril

Les questions pas si bêtes

Beaucoup trop trottent dans notre tête

par la pressiondu doigt. Plusexactement, le téléphone capte le toucher par une modification de la capacité électrique de l’écran.

Oliana Ducos-Nourisson – 2de2

Peindre le monde en blanc permettrait-il de lutter contre le réchauffement climatique ?

Oui et non. Le réchauffement de la planète se fait par l’absorption du rayonnement solaire par la surface de la Terre. Une partie de ce rayonnement est réfléchie vers l’espace, une autre est de nouveau renvoyé par l’atmosphère vers la Terre. La proportion de flux lumineux absorbée par la Terre est numérisée par les scientifiques sous le nom d’albédo, compris entre 0 et 1. Or, l’absorbance du rayonnement lumineux dépend de la couleur de la surface : plus elle est blanche, plus l’albédo sera proche de 1, et plus la surface est sombre, plus il sera proche de 0.

Le problème, c’est que la Terre est constituée aux 3/4 d’eau, qui, à cause de sa profondeur, prend une couleur très sombre. L’albédo de la Terre est aujourd’hui estimé à 0,3 Ainsi, peindre toute la surface terrestre en blanc causerait une augmentation de l’albédo.

D’après plusieurs recherches, un mètre carré de toiture blanchie réfléchirait suffisamment de lumière pour éviter l'émission de 64 kg de CO2, du fait des économies en climatisation. Néanmoins, de nombreux scientifiques s’opposent à cette théorie, en supposant que si tout le sol était recouvert de blanc, le rayonnement serait renvoyé en trop forte proportion vers l’atmosphère. Résultat ? Un échauffement massif des atomes de carbone, non sans conséquences Pourquoi nos ongles poussent-ils ?

A priori, les ongles n’ont pas beaucoup d’utilité. Ils ne sont ni très solides, ni très longs, ni tranchants. Les ongles sont plus un fait d’évolution de l’espèce, des restes de griffes animales qui servaient à déchiqueter les proies. Néanmoins, ils protègent les extrémités des mains et des pieds des chocs, et la peau, plus délicate à cet endroit. Ils facilitent également la prise et la manipulation d’objets, comme passer un fil dans une aiguille ou peler une orange.

En moyenne, les ongles de mains poussent à 3,5 mm par mois, contre 1,5 mm pour les pieds. A savoir : ceux de la main dominante poussent légèrement plus vite, car ils sont davantage impactés par les chocs du quotidien, qui stimulent la circulation sanguine et l’apport en nutriments.

Peut-on avoir trop de sang dans le corps ?

Oui ! Cela s’appelle hypervolémie. Le fait que le sang se charge en excès dans les tissus peut conduire à un gain de poids rapide, un gonflement des jambes ou des chevilles, ou encore une diminution du volume des urines. Cette condition physiologique peut conduire à une défaillance cardiaque. Pour y remédier, de nombreux traitements chimiques existent. Il est également possible de retirer une partie du sang par phlébotomie. Un cas légèrement différent existe : la maladie de Vasquez, ou polycythémie. La moelle osseusesurproduiticidesglobulesrouges,desglobules blancs, ou des plaquettes. L’excès de plaquettes s’avérant très dangereux, il faut donc s’assurer de prendre des anti-coagulants régulièrement. Encore peu connue, cette maladie nécessite un traitement à vie.

Comment l’écran du téléphone enregistre-t-il quand on touche l’écran ?

C’est grâce à la variation du champ électrique causée

En effet, le corps humain possède une charge électrique. Au repos, l’écran tactile, composé de plusieurs couches de verrerie, possède une tension parfaitement uniforme. Lorsque le doigt (chargé positivement) touche l’écran (chargé négativement), la charge négative est attirée par la charge positive, ce qui conduit à une modification du champ électrique, à l’endroit de cette pression. En Physiques, on parle de capteur capacitif mobile : la pression du doigt rapproche localement l’écran du capteur, ce qui crée une variation dans la tension, le courant passant plus facilement. Puis, grâce à un processeur, les coordonnées du point de contact sont déterminées. Enfin, un autre logiciel effectue l’action demandée, comme ouvrir une application ou jouer à un jeu. De plus, vous avez dû le remarquer, il est plus compliqué d’interagir avec l’écran avec les doigts mouillés… L’eau modifie la tension sur la surface de l’écran et l’éparpille. Comme l’eau n’a pas de forme fixe, la tension qui la traverse est irrégulière, ce qui fait que le téléphone enregistre un mouvement assez erratique : le téléphone enregistrera donc un mouvement qui n’est plus complètement celui du doigt.

Pourquoi les doigts se fripent dans l'eau ?

Pour pouvoir mieux attraper les objets ! Avoir « les doigts de Mémé » est une fonctionnalité du corps. En effet, il a été prouvé que les doigts se fripant suite à une immersion prolongée dans l’eau viennent d’une réaction du système nerveux. Les vaisseaux sanguins dans les bouts des doigts deviennent plus fins, ce qui conduit à une diminution du volume de la peau et donne cette texture qui fait toujours son petit effet, notamment chez les enfants.

Pourquoi entend-on le bruit de la mer dans un coquillage ?

En réalité, le bruit que l'on entend à l'intérieur d'un coquillage est celui de la circulation sanguine.

Le coquillage agit comme une caisse de résonance en amplifiant le bruit du sang qui circule dans les vaisseaux de l’oreille. Ce bruit ressemble à un bourdonnement régulier que l’on peut faire varier en éloignant et approchant le coquillage de son oreille.

C’est cette modulation qui donne l’impression d’entendre des vagues. Même résultat avec un bol Pourquoi la coriandre, ça passe ou ça casse ?

Les personnes qui détestent la coriandre possèdent dans leurs gènes une variante d'un récepteur olfactif quelesautresn'ontpas.Sionacerécepteurdansnotre répertoire, la coriandre va avoir une odeur et un goût de savon Selon les différentes régions du monde, 10 à 20% de la population déteste la coriandre. Par exemple, la coriandreseraitbeaucoupplus détestée en Asie qu’en Amérique du Sud.

Que se passe-t-il quand on fait craquer ses doigts ?

C’est un bruit qui en agace plus d’un… Nos articulations sont lubrifiées entre elles par le liquide synovial, qui est rempli de petites bulles de gaz. Ce sont ces dernières qui, en explosant lorsque l’on fait craquer ses articulations, émettent le fameux son Il faut alors attendre environ une demi-heure pour qu’elles réapparaissent.

Pourquoi toucher son nombril, ça fait bizarre ?

Point extrêmement sensible, le nombril fait le lien entre l'intérieur et l'extérieur du corps Le toucher stimule non seulement la peau qui le recouvre mais envoie aussi un signal aux fibres profondes qui alignent la cavité abdominale interne sur la moelle épinière. Etla moelleépinière relaie les signauxvenus de la vessie et de l’urètre, ce qui donne cette sensation d’inconfort

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Expérience de Schrödinger : chacun cherche son chat

Un chat peut-il être à la fois en vie et mort ? Au XXe siècle, les physiciens théoriciens et quantiques se posent la question. Deux camps s’affrontent : Bohr & Heisenberg contre Schrödinger & Einstein.

L’interprétation de Copenhague

Certains éléments, lorsqu’ils sont mesurés apparaissent tantôt comme des ondes, tantôt comme des particules Pour Bohr, ces éléments sont les deux à la fois. Cela peut paraître contre intuitif mais, selon lui, lorsqu’on mesure un élément, alors telle ou telle caractéristique apparaît. L’électron devient alors une onde ou une particule. C’est donc le fait de mesurer l’élément qui détermine s’il est onde ou particule. Avant cela, il est dans une superposition des deux états. L’expérimentateur vient perturber le système. Il y a donc une limite à ce que nous pouvons connaître sur un élément.

Cependant, tous les physiciens ne sont pas d’accord avec cette théorie. Einstein pense par exemple que les particulesnesontpasrégiespardesprobabilitésetque la théorie de Bohr est incomplète. N’étant pas non plus satisfait par cette dernière, Schrödinger cherche à montrer son absurdité, avec son fameux chat.

Le chat de Schrödinger

Schrödinger décrit une situation hypothétique, où un chat se trouve dans une boite avec une fiole de poison de cyanure qui se brisera et tuera le chat uniquement si un atome radioactif se désintègre. La vie du chat dépend entièrement de la désintégration potentielle de l’atome. D’après l’interprétation de Copenhague, le chat serait à la fois mort et vivant. Ce ne serait que lorsqu’on ouvre la boite que le chat deviendrait un des états. Une logique qui n’a donc pas de sens pour Schrödinger, car un animal réel est soit mort, soit vivant. Pour Einstein, cette hypothèse soulève bien des questions auxquelles il n’a pas de réponses… Qui (ou quoi) peut réaliser l’observation ? L’observateur doit-il être humain ? Le chat peut-il s’observer luimême ? Faut-il une conscience ? Etc. Une autre approche est suggérée en 1957

Des mondes multiples

Hugh Everett propose en effet l’hypothèse suivante : pourquoi l’Univers ne se séparerait-il pas en deux, avec le chat mort dans un monde et vivant dans un autre ? En réalisant l’observation, nous ne faisons que choisirl’undesdeuxmondesidentiques,àl’exception de l’état du chat. À chaque fois qu’un tel événement se produit, l’Univers se scinderait en deux, ce qui, au fil du temps, créerait un nombre infini de mondes parallèles. D’où la théorie moderne des « multivers », expliquant, d’après certains scientifiques, pourquoi l’Univers est si hospitalier et permet la vie.

Cette théorie alimente beaucoup de fictions car elle séduit le public. Mais comment ne pas l’être ? Une infinitédeTerresavecuneinfinitédevous,sansqu’ils soient vraiment vous Vous êtes stupéfait ? Rassurezvous Selon Bohr, « quiconque n’est pas choqué par la théorie quantique, ne l’a pas comprise ».

2023
Sciences Avril

Arthur Brault-Garin – 1ère3

«

Le sport est-il un « miroir grossissant » d’enjeux politiques plus vastes ? François-René Julliard*, historien spécialiste de l’histoire et des cultures des Etats-Unis, nous éclaire sur la question.

Casse Ton Cliché (CTC) : En 2022, la Coupe du monde de football au Qatar a relancé le fameux débat autour de la dimension politique du sport. D’un point de vue d’historien, qu’en est-il ?

François-René (FR) Julliard : Le sport a toujours eu une dimension politique, mais pas nécessairement de la même manière selon les époques. En Grèce antique, le vainqueur d’une épreuve aux Jeux olympiques renforçait le prestige de la cité dont il était issu. Aujourd’hui, ce prestige peut se retrouver, à des échelles différentes : le sportif peut représenter une ville, un Etat…mais les formes de la politisation se sont complexifiées. Il suffit de penser à des stratégies comme le boycott ou l’usage de la scène sportive comme une tribune politique, pour faire passer des messages. On peut penser par exemple au genou en terre du footballeur américain Colin Kaepernick pour critiquer la condition des Noirs aux Etats-Unis.

CTC : « Le sport est politique » … Qu’entend-on par-là ?

FR Julliard : Fondamentalement, le sport de haut niveau est politique dès lors que des athlètes représentent des entités politiques (villes, Etats, groupements d’Etats) au sein de compétitions où ces entités politiques sont elles-mêmes en compétition les unes contre les autres. Pour paraphraser Clausewitz, le théoricien prussien de la guerre au début du XIXe siècle, le sport est la continuation de la politique par d’autres moyens. On retrouve, sous une forme euphémisée, les conflits de puissance, pour la puissance, que l’on voit à l’œuvre sur la scène géopolitique.

CTC : Quels autres aspects de la société le sport cristallise-t-il aujourd'hui ?

FR Julliard : Le sport est ce que le grand sociologue Marcel Mauss appellerait un « faitsocial total» : il embrasse, sousune forme spécifique, tous les aspects donnés d’une société.

Pour prendre le cas de l’environnement, c’esteffectivementune préoccupation qui, dans le sport, est relativement nouvelle. Et l’on voit bien qu’il est de plus en plus difficile pour des villes de faire accepter à leurs populations l’accueil d’un mégaévénement comme les Jeux olympiques, étant donné les coûts écologiques importantsquecelaengendre.LescritiquesautourduprojetdeParis2024illustrent bien cela. De ce point de vue, les préoccupations majeures d’une époque donnée se reflètent dans le domaine du sport. Le sport offre un miroir grossissant des problématiques contemporaines.

CTC : Des exemples de compétitions où la dimension politique a pris le pas sur la dimension sportive ?

FR Julliard : Cela dépend de quel point de vue on se place. Pour un sportif qui participe à une compétition donnée, il est difficilement imaginable que la dimension politique éclipse totalement la dimension sportive, à moins d’une annulation. Cela a par exemple été le cas des Jeux olympiques de Moscou en 1980 pour les athlètes étatsuniens. Et l’on peut aussi dire que dans les représentations collectives contemporaines,ces Jeuxrestentcomplètementassociés aumouvement de boycott initié par les Etats-Unis pour protester contre l’invasion soviétique de l’Afghanistan, donc à un fait politique.

CTC : Le sport a-t-il déjà fait avancer le monde là où les politiques ont échoué ?

FR Julliard : On peut penser au défilé des deux Corée sous une même bannière

lors de la cérémonie d’ouverture de plusieurs Jeux olympiques, comme ceux de Pyeongchang en 2018. Le CIO présente cela comme le symbole d’un dialogue possible par le sport. Cependant, cet exemple a ses limites puisque ce rapprochement n’a pas de traduction hors du monde du sport, et encore est-ce seulement le temps d’une cérémonie.

CTC : En quoi le sport est-il un élément du soft power des puissances ?

FR Julliard : Le soft power sportif passe en particulier par les plus grandes compétitions internationales : Coupe du monde de football et Jeux olympiques. Il est beaucoup moins en jeu dans des sports très nationaux, comme le football américain par exemple.

Il faut faire la démonstration de sa supériorité sportive sur une scène mondiale, là est l’essentiel. L’un des exemples les plus célèbres est la rivalité entre les EtatsUnis et l’URSS au temps de la guerre froide. Aux Jeux olympiques, les tableaux des médailles étaient scrutés. Il y a une mise en équivalence implicite entre performances sportives d’un côté et qualité d’un modèle de société de l’autre.

CTC : L'importance grandissante accordée aux performances sportives et aux résultats explique-t-elle en partie l'utilisation de dopants, contribuant à mettre dos à dos sport d’avant vertueux et sport d’aujourd’hui vicié ?

FR Julliard : C’est certain. Mais l’usage de produits dopants est ancien dans le sport de haut niveau. Le vainqueur du marathon de 1904, à Saint-Louis (Missouri), Thomas Hicks, s’était dopé à… la strychnine, c’est-à-dire de la mort aux rats. On croyait à l’époque, à tort, que cela pouvait améliorer les performances. Il ne faut pas imaginer un âge d’or duquel le sport aurait été chassé.

Au XIXe siècle aux Etats-Unis, des propriétaires organisent des combats de boxe où s’affrontent des esclaves noirs, ceci donnant lieu à des paris d’argent. Cela n’est pas particulièrement vertueux.

CTC : Dans le sport, pourquoi cette obsession des records battus, du palmarès, du "toujours plus ?" Qu'est-ce que cela traduit de nos sociétés ?

FR Julliard : Cela traduit le fait que nos sociétés sont « futuristes » au sens où, malgré les inquiétudes – écologiques notamment – qui pèsent sur l’avenir, elles voient celui-ci comme la promesse d’améliorations, ce qu’au XIXe siècle on appelait (et qu’on appelle encore) le « progrès ».

CTC : Un cliché sur le sport que vous n'aimez pas ? Que vous aimez ?

FR Julliard : Ledébatsurquiest« lemeilleur del’histoire, le «GOAT» (Greatest of all time) a fini, en tant qu’amateur de sport, par me lasser profondément. En ce qui concerne la seconde partie de votre question, j’aime beaucoup cette phrase pleine d’humour du journaliste vedette américain Howard Cosell (1918-1995) : « Je crois à tous les clichés : je suis un fan de sport ». Cela dit bien à quel point le sport est une machine à produire des clichés et des mythes.

*François-René Julliard est auteur de la thèse « Cette médaille est pour l’Amérique noire » – Les athlètes olympiques noirs américains, entre excellence sportive et lutte pour l’égalité (1896-1984).

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Sport Avril 2023
Casse Ton Cliché
Le sport est-il politique ? » : l’éternel débat

Victoria Attias – 2de2

Le tennis selon Pioline

Coup droit, revers, volée… Si le vocabulaire du tennis est connu de tous, les aficionados sont de moins en moins nombreux Ancien n°5 mondial, vainqueur de la Coupe Davis en double en 1996 et 2001, Cédric Pioline nous parle de l’évolution du monde du tennis et de sa pratique.

public. Lesmédias s’ysontintéressés de plusprès,doncles sponsors, donc les spectateurs.

A cela se rajoute Serena Williams, LA figure emblématique du tennis féminin, récemment retraitée, qui a beaucoup contribué à populariser le tennis féminin.

CTC : Comment a évolué l’intérêt des jeunes pour le tennis ?

Cédric Pioline : Lorsque j’ai démarré, il n'y avait pas beaucoup d'offres de pratiques sportives. Aujourd'hui, les jeunes sont très sollicités et c'est dur de se déterminer Concernant le tennis, la Fédération Française de Tennis (FFT), qui est la deuxième fédération sportive en France, perd de plus en plus ses licenciés Il y a une déperdition de pratiquant(e)s. (Ils sont 950 000 aujourd’hui contre 1,3 million en 1991. En 2017, 64 % des pratiquants affirmaient qu’ils jouaient depuis plus de 10 ans et 45 % depuis plus de 20 ans, ndlr)

Emma Leroy-Lemonnier – 2de3 Les fun facts des JO

Des « saviez-vous… ? » en pagaille.

1 Les cinq anneaux du symbole olympique, conçus par Pierre de Coubertin, cofondateur des Jeux Olympiques modernes, représentent les cinq continents habités du monde.

2. Les six couleurs – bleu, jaune, noir, vert, rouge et le blanc de l’arrière-plan –ont été choisis en l’honneur du drapeau de chaque pays qui contient au moins l’une d’entre elles.

Casse Ton Cliché (CTC) : Le monde du tennis a-t-il changé par rapport à l’époque où vous jouiez ?

Cédric Pioline : Oui, cela a beaucoup évolué en 15-20 ans du point de vue de la puissance de jeu, du matériel et des outils mis à disposition des joueurs La récupération et les méthodes d'entraînement sont aujourd’hui beaucoup plus modernes.

CTC : A l'inverse, qu'est-ce qui n’a pas évolué ?

Cédric Pioline : Pas mal de choses. Le tennis est un des seuls sports majeurs qui n'a pas fait évoluer ses règles, jusque-là. Les dimensions du terrain, les règles de base - être très bon physiquement, maîtriser son jeu - sontles mêmes.Les formats de tournois n'ont pas changé non plus. Il y a toujours 128 joueurs sélectionnés dans les Grands Chelems.

CTC : Quid de la place des joueuses professionnelles ?

Cédric Pioline : Depuis 2005, il y a eu quelques évolutions. D’abord avec la parité du prize money, la somme gagné en cas de victoire d’un tournoi du Grand Chelem. Cette égalité hommes/femmes a été un pas en avant qui a été important ! Et puis, je pense que le tennis féminin a beaucoup évolué dans la capacité des joueuses à produire un jeu d’avantage performant et spectaculaire et donc à renforcer l'attrait du

Le tennis est un sport très technique, compétitif et difficile à apprendre. Il faut maîtriser la raquette, la balle et les gestes pourpouvoir s'amuser.L’apprentissageestlong.Sur leparcours,denombreuxjeunessedisentquec’esttropdur et préfèrent faire autre chose comme du foot, de l'équitation, de la danse C’est-à-dire quelque chose de plus accessible, de plus ludique dont ils récoltent une satisfaction immédiate. Cela produit un effet écrémage.

CTC : Un match de tennis, cela se gagne comment ?

Cédric Pioline : Plus on a un certain niveau, plus le tennis est un sport qui devient mental et stratégique Condition physique et qualité de l’entraînement prédominent pour tous.

En général, un match de tennis se joue sur trois points. Avec l’expérience, on apprend à savoir quel point est clé, va faire basculer le match dans un sens ou un autre.

CTC : Que pouvez-vous dire aux jeunes qui souhaitent devenir de grands joueurs de tennis ?

Cédric Pioline : Pour réussir, il faut beaucoup de travail et de persévérance. Il faut s'accrocher, essayer de savoir où on veut aller pour ensuite déterminer le comment.

« J'aimerais », c'est du conditionnel… « J'aimerais être sur un central de Roland Garros » La vraie question, c’est « comment je vais faire ? » « Quels sont les ingrédients de la réussite ? », « Est ce qu'il faut que je sois plus fort physiquement ? », « Est ce qu'il faut améliorer mon coup droit ? », « Est-ce que je dois mieux gérer mon stress ? » etc. C’est ainsi qu’on y arrive, étape par étape !

3. Le Comité International Olympique a annulé les Jeux Olympiques en 1916, 1940 et 1944 en raison des Première et Seconde guerres mondiales.

4. Les médailles « d’or » sont en fait constituées d’au moins 92,5% d’argent pour une question de sécurité. Les dernières médailles avec 100% d’or ont été décernées en 1912.

5. Les JO existent depuis 1896 mais il a fallu attendre 1900 pour voir le premier athlète noir y participer et gagner une médaille la même année. Son nom ? ConstantinHenriquez, d’origine haïtienne

6. Les femmes ont le droit de participer aux Jeux Olympiques depuis 1900

7. Tarzan lui-même a participé à la compétition. Johnny Weissmuller, ancien athlète devenu acteur et ayant interprété douze films de Tarzan,a en effetremporté cinq médailles d’or en natation dans les années 1920.

8. Le médaillé olympique le plus âgé est OscarSwahn, un Suédois. Ila remporté sa dernière médaille à l'âge de 72 ans

En terre d’escrime…

Pratique martiale de l’Egypte antique, l’escrime s’est codifiée au fur et à mesure des siècles. Fleuret, épée, sabre... De nos jours, chaque arme a ses propres règles et stratégies.

L'équipement nécessaire comprend une veste blanche, un protège-bras, des chaussettes à hauteur des genoux, un gant, un pantalon et des vêtements électriques. Selon les armes, la pratique de l’escrime varie. Le fleuret consiste à toucher avec la pointe de la lame la partie supérieure de l'adversaire, bras et tête exceptés, avec des règles de priorité. Avec l'épée, on peut toucher toute la surface du corps, y compris les chaussures. Enfin, le sabre consiste à toucher l'adversaire soit par le côté de la lame, soit par la pointe tout en respectant les règles de priorité. Selon les statuts des grands tournois établis par la fédération internationale, un

maximum de 4 tireurs par pays peut participer. Je suis sabreuse et, bien que je vive en France, je représente le Danemark sur la scène internationale. C'est une grande expérience d'être la seule sabreuse danoise parmi tous les autres escrimeurs danois masculins. Je participe actuellement au championnat du monde dans la catégorie descadets,pourladeuxièmefois Cettefois-ci,jemesensbeaucoupmieuxpréparé. L’escrime ne demande pas seulement beaucoup de préparation physique, mais aussi du mental et de la stratégie. C'est vraiment formidable de pouvoir se mesurer aux meilleurs cadets de l'escrime dans le monde. Page

Avril 2023
Sport
Abigail Larsen – 2de2
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Côme Boutet – 1ère4

L’art, un marché dans le coup

Grande figure du marché de l’art, Jean-Pierre Osenat officie en tant que commissaire-priseur depuis plus de cinquante ans. Créateur de la maison de vente Osenat à Fontainebleau, président du Syndicat des Maisons de Ventes Volontaires (Symev), il nous parle de son métier.

Casse Ton Cliché (CTC) : Comment devient-on commissaire-priseur ?

Jean-Pierre Osenat : Pour être commissaire-priseur, il est nécessaire d’avoir une licence de droit ou encore une licence d’art. Je suis personnellement passé par l’école du Louvre. On doit ensuite passer un examen oral, réputé comme difficile, pour commencer un stage d’une durée de trois ans Il faut ensuite passer à nouveau un examen oral qui permet d’obtenir le titre de commissaire-priseur

Le métier est difficile d’accès et la réglementation actuelle ne facilite pas le renouvellement de ses membres. Aujourd’hui de nombreux anciens aspirants deviennent antiquaires, finissent expert dans un domaine et travaillent parfois dans une maison de vente

Le nombre de commissaires-priseurs en France est aujourd’hui aux alentours de 500. Ils gèrent 30% du marché de l'art, les gens allant plutôt voir un antiquaire ou le vendant sur des sites comme EBay ou Leboncoin.

CTC : Comment le métier a-t-il évolué ces dernières années ?

Jean-Pierre Osenat : Avant, il était nécessaire d’acheter ou de créer une maison d’étude. Cependant en 2000, le gouvernement anglais a impulsé la création d’une loi sur la libre circulation des objets d’art dans l’Union européenne. Autrefois considéré comme ministériel et parfois héréditaire, le métier a alors radicalement changé. Il fut divisé en deux, entre commissaires-priseurs judiciaires prenant en charge les ventes consécutives à des liquidations de société, saisies ou faillites et commissaires-priseurs volontaires, vendant des objets d’art. Les commissaires-priseurs eurent pour obligation de devenir plus pointus. Cette loi permit également l’apparition de grandes firmes comme Sotheby’s ou Christie's.

CTC : Quelles sont les qualités nécessaires pour être un bon commissairepriseur ?

Jean-Pierre Osenat : Il faut avant tout être passionné et social. Une personne asociale et fermée d’esprit aura de nombreuses difficultés, et puis il est aussi important d’être de bonne humeur.

Le métier de commissaire-priseur est l’équivalent du médecin généraliste chez les professionnels de santé… L’une de ses compétences les plus importantes est de déterminer quand l’intervention d’un spécialiste est nécessaire. Il est également important de rester modeste et de s’adapter à la psychologie du client. C’est aussi un métier qui nécessite de l’expérience.

CTC : Quel est l’ampleur de l’impact d’Internet sur le marché de l’art ?

Jean-Pierre Osenat : Internet est responsable de l’un des grands bouleversements dans le métier. Ce dernier s’apparentait avant à celui d'antiquaires. Les objets étaient à peine présentés lors des ventes aux enchères. La délocalisation des commissaires-priseurs et de leur clientèle, causée par Internet, a changé la nature des ventes. Avant, un commissaire-priseur à Marseille vendait des objets possédés par des Marseillais à des Marseillais. Aujourd’hui, par des plateformes en ligne

comme Drouot Live ou Invaluable, il est possible d’avoir accès à une clientèle internationale. Cela a une incidence sur la façon dont on présente l’objet vendu. Avant, les clients pouvaientvoir les œuvres Maintenant, ilestimportantd’être très précis dans la description de l’objet, certains clients achetant parfois sans même avoir physiquement vu l’œuvre.

CTC : La crise du Covid-19 a-t-elle eu un impact sur le marché de l’art ?

Jean-Pierre Osenat : Il y a un changement de la nature des clients depuis la pandémie, les gens achètent de plus en plus en ligne. Il y a aussi eu une vague d'intérêt pour l’art, intérêt qui n’a pas baissé pour le moment.

L’impact de la crise économique est cependant très minime En effet, dans un marché classique, la moyenne de prix des objets vendu est de 50 euros. Dans des marchés beaucoup plus fermés comme celui de l’investissement commençant à partir de 100 000 euros, l’impact y est important.

CTC : Concrètement, qui achète le plus ?

Jean-Pierre Osenat : Alors que le marché était auparavant très américain, il y a aujourd’hui de plus en plus d’Italiens ou encore d’Allemands. Il y a également une clientèle chinoise qui n’achète, en revanche, que de l’art chinois. Près de 50% de la clientèle est internationale.

CTC : Le marché de l’art connaît-il des modes ?

Jean-Pierre Osenat : Le marché de l’art est extrêmement vivant, le mobilier classique desannées1950,par exemple,intéresse énormément. L’artabstraitprend également de plus en plus d’importance depuis 20 ans. Il est donc très difficile de spéculer sur un marché aussi volatile, les gens n’achètent donc pas une œuvre comme un investissement.

CTC : Quels sont les stéréotypes les plus vivaces par rapport au métier de commissaire-priseur ?

Jean-Pierre Osenat : J’aime le fait que l’on voit les commissaires-priseurs comme des passionnés. A contrario, je déteste l’idée du commissaire-priseur prétentieux et là pour l’argent. Nous sommes avant tout des antiquaires avec un marteau

CTC : Un « Adjugé ! » insolite ?

Jean-Pierre Osenat : En octobre dernier, une dame est venue nous voir pour vendre son vase chinois qu’elle pensait sans valeur et qu'elle aurait pu mettre sur EBay. Estimé à 2 000 euros, il a finalement été vendu à près de 9 millions d’euros. Il y a aussi la fois où j’ai vendu l’un des chapeaux de Napoléon 1er. Il fut acheté par un Coréen pour la somme de 1,8 millions d’euros. Celui-ci l'avait acheté pour le mettre dans une vitrine à l’entrée de son usine de poulet afin de montrer à ses employés que les Coréens allaient conquérir le monde, comme l’a fait Napoléon.

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Arts Avril 2023
Casse Ton Cliché

Camille Barbe – De son nom de scène

Les fun facts du monde du théâtre

Trois coups frappés sur le plancher, attention du public, lever de rideau

L’expression « faire un four » fait référence aux bougies illuminantla salle. Si une pièce accueillaitpeu de visiteurs, on économisait l’éclairage et la salle était plongée dans le noir

Avec 25 places, 16m², une scène de 2m², La Petite Loge, dans le 9e , est le plus petit théâtre du monde

Si elle est considérée comme l’une des plus grandes comédiennes du XIXe siècle, Sarah Bernhardt était aussi très engagée. Elle prit la défense de Dreyfus aux côtés de Zola, fut une ardente défenseuse du droit de vote des femmes et de l’abolition de la peine de mort.

Toujours au XIXe siècle, le boulevard du Temple était appelé le « boulevard du crime » Un sobriquet dû, non pas au côté malfamé de l’endroit mais aux pièces de théâtre qui s’y jouaient, des mélodrames se terminant toujours par un méfait.

En 1897, personne ne croyait au succès du Cyrano d’

La devise de la Comédie-Française, créée en 1680, est « Simul et singulis », qui signifie « être ensemble et rester soi-même ».

En 1919, le Palace Théâtre, ancêtre du Mogador, a été inauguré par le président américain Woodrow Wilson, présent à Paris pour signer le traité de Versailles.

Le vert est une couleur maudite au théâtre. La superstition viendrait du fait que les costumes, teintés au vert-de-gris, contenant de l’oxyde de cuivre ou de cyanure, toxique, empoisonnait au sens propre les acteurs

Souhaiter« merde » à un acteurpour luiporter chance ferait référence à l’arrivée des spectateurs devant le théâtre. Qui dit fiacres, dit chevaux. Et qui dit chevaux dit crottin. Beaucoup de crottin, en cas de succès. Le paradis est le dernier étage d’une salle de théâtre (également appelé « poulailler »).

Culture : l’accès des jeunes démocratisé

En France, l'accès aux arts a longtemps été influencé par le milieu social. Lancé en 2017, le pass Culture a pour ambition de remédier à cela.

L’accès des jeunes à la culture avance. Tarifs réduits, classes de découverte, centres culturels pour les jeunes… Initiatives et projets pullulent. L’objectif ? Briser les barrières économiques qui empêchaient auparavant les jeunes de milieux moins favorisés d'avoir accès à la culture. Briser les barrières sociales aussi.

Lancé en 2017, le pass Culture fait partie des mesures phares du gouvernement pour remédier au problème. Généralisédepuis mai2021,2,8 millions de jeunes en ont déjà bénéficié. Le principe est simple : tous les élèves de 15 à 17 ans bénéficient depuis 2022 d’un crédit leur permettant d’accéder à des biens et des services culturels : places de cinéma, concert, théâtre, billets d’entrée de musée, livres, etc. Le montant ? 20 euros pour les jeunes de 15 ans ; 30 pour les jeunes de 16 et 17 ans. Les jeunes de 18 ans bénéficient de leur côté d'un crédit de 300 euros, sur 2 ans.

Acheté par 56% des jeunes – avec une prédominance demangasàhauteurde50%,lelivreémergecomme la première industrie culturelle à bénéficier du pass.

Mais le cinéma et les spectacles ne sont pas en reste, avec 17% des dépenses. La troisième place revient aux instruments de musique.

Sur le terrain de l’éducation artistique et culturelle (EAC), l’ambition estdeporter à 90%la partd’élèves bénéficiant d’au moins une action chaque année à l’horizon 2026.

Depuisle1erjanvier2022,unepartcollectiveduPass Culture est aussi directement distribuée aux établissements publics et privés sous contrat. Elle permet aux professeurs d’organiser des activités artistiques et culturelles. Chaque classe dispose d’un budget de 800 euros en moyenne pour financer des sorties culturelles ou accueillir au sein des établissements des acteurs culturels

Si, dans les années 2000, les lycéens recevaient un petit chéquier de réduction pour les livres, le cinéma, les spectacles et les musées, le pass Culture s’adapte mieux à l’envie et au besoin des jeunes. Ces derniers peuvent se faire plaisir comme ils l’entendent.

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SMILE, la pièce à ne pas manquer

Le coin expo

Quelques idées pour la saison printemps-été Chagall, Paris-New York : Expo immersive inédite dans endroit insolite. On ne se lasse ni du lieu – une ancienne fonderie –, ni du travail de l’artiste – de la poésie p(eint)ure

Jusqu’au 7 janvier 2024 à l’Atelier des Lumières, 38 rue Saint-Maur, 75011 Paris

Tarif jeune : 11 euros

Pastels, de Millet à Redon : Un peu de douceur dans ce monde de brute. Et de créativité ! Chaque jeudi soir de 18h à 21h30, huit étudiants des Beaux-Arts de Paris créent un dessin panoramique au pastel de 10 mètres de long. Rendez-vous galerie Seine (Niveau 0). Jusqu'au 29 juin 2023 au musée d’Orsay, 1 Rue de la Légion d'Honneur, 75007 Paris Entrée libre pour les moins de 25 ans.

Matisse. Cahiers d’art, le tournant des années 30 : Une panne d’inspi, les US, Tahiti au Kodak et Lydia au fusain… Retour dans les années 1930 d’un Matisse en crise et plus génial que jamais. A noter : plusieurs œuvres, très rarement exposées en France, sont réunies pour l’occasion Jusqu’au 29 mai 2023 au musée de l’Orangerie, Jardin des Tuileries, Place de la Concorde, 75001 Paris Entrée gratuite pour les moins de 26 ans.

Chris Killip : Ou les insignifiants magnifiés. Cette rétrospective remet au goût du jour les photos de l’artiste britannique qui, dans les années 1960, « shootait » les gens du nord de l’Angleterre. Du frontal délicat. Un clic qui claque.

Jusqu’au 6 mai 2023 à la galerie Magnum Photos, 68 Rue Léon Frot, 75011 Paris. Entrée gratuite.

Zidane, un portrait du XXIe siècle : 17 écrans géants pour un match à 360°. Du souffle, des frappes, des frasques et du chant. Un instant foot vécu à travers un grand joueur, à l’unisson

Jusqu’au 7 janvier à la Cité de la Musique-Philarmonie de Paris, 221 avenue Jean-Jaurès, 75019 Paris

Tarif 12-25 ans : 6 euros.

Avril 2023
Arts
©Culturespaces / Eric Spiller Chloé Perrone et Elsa Perez – 1ère3

Ferdinand Jeampy-Capdenat – Tale3

Moderniser les classiques…

Ancien élève de l’École du Théâtre national de Strasbourg, Sébastien Pouderoux est sociétaire de la Comédie-Française depuis 2019. Il nous livre sa vision du théâtre et de son métier d’acteur.

Casse Ton Cliché (CTC) : Selon vous, qu’est-ce qu’un classique ?

Sébastien Pouderoux : Un classique de théâtre, ce sont les grands auteurs : Marivaux, Molière, Shakespeare Puis, il y a les auteurs grecs antiques Dans les textes classiques, il y a un mélange de hasard et de génie. Leurs auteurs sont des gens qui ont réussis à poser des questions toujours d’actualité.

Du point de l’acteur, ce qui fait l’intérêt de jouer un rôle, c’est lorsqu’on a l’impression que l’auteur parle de choses qu’on peut connaitre. En plus, s’il a une manière profonde, belle et intelligente de parler de ces choses que nous pouvons connaitre, c’est à mon avis ce qui peut en faire un classique.

CTC : Quel regard portez-vous sur l’évolution du théâtre ?

Sébastien Pouderoux : Ça dépend Je trouve que l’art de la mise en scène, par exemple, est un art qui se périme très vite.

Aujourd’hui, il y a une démarche hybride. Avant, en France, on adaptait assez peu des romans On était encore marqué par le culte du texte.

La mise en scène etla façondonton présente lesœuvres se renouvèle énormément, plus que dans d’autres arts, j'ai l’impression. Le spectacle vivant, c'est forcément très changeant au fil des époques.

CTC : Pensez-vous que le fait de réactualiser un classique, c'est changer une œuvre ?

Sébastien Pouderoux : C’est vrai que j'ai un peu du mal avec la problématique de moderniser, pas moderniser. Mais c’est parce qu’il y a une sorte de ringardise qui enrobe le théâtre. Spécialement à la Comédie Française, puisque c’est une institution où l’on a fait, pendant tout un temps, des spectacles dans une sorte de respect de l’époque à laquelle les textes avaient été écrits.

Dans d’autres théâtres, on essayait des choses Je pense à Patrice Chéreau, à son Phèdre avec des costumes très actuels.

Je ne pense pas qu’on puisse faire quelque chose d’artistiquement intéressant en ayantà cœur dedépoussiérerune pièce ou de la réactualiser. En revanche, chercher à comprendre, ressentir et montrer au spectateur ce qu’une œuvre peut avoir d’actuel, dans les problèmes qui se posent aux personnages représentés, est une bonne démarche. Si on joue encore Racine aujourd’hui, c’est parce que les questions d’amour et de pouvoir sont indémodables

La question est aussi de savoir où se situe le respect d’une œuvre En France, on a un peu ce sentiment que les textes appartiennent aux gens, que ça fait partie du patrimoine. Surtout pour des auteurs comme Molière, on ne peut pas faire n’importe quoi.

Personnellement, je ne suis attaché aux mots que dans la mesure où ils expriment une pensée, une manière de voir des choses. Par exemple, pour ce qui est de Tchekhov,quiestvraimentun auteurclassique, ilyades traductions quime posent un problème parce qu’elles donnent le sentiment qu’il a écrit une langue très travaillée. Or, ce n’est pas du tout le cas. C’est une langue qui puise dans son quotidien, dans les mots qu’il a entendus. Donc, faire entendre la langue de Tchekhov, pour moi, n’a aucun sens.

CTC : A l’inverse de Shakespeare, par exemple ?

Sébastien Pouderoux : Shakespeare a une manière extrêmement précise de formuler les choses avec beaucoup de poésie Je me méfie toujours un peu des gens qui parlent de la langue de l’auteur. Ce sont des gens qui ont essayé de trouver la manière la plus précise d’exprimer la pensée des personnages qu’ils voulaient représenter. C’est ça qu’il faut respecter avant de respecter la langue. Ça ne mène pas à grand-chose de bien dire les mots. Il faut que ça résonne avec autre chose. Ce ne sont pas juste des mots…

CTC : En France, le rapport rapport vis-à-vis des classiques est assez sacralisant. Ce genre d’attitude face aux œuvres, ça peut en brider le potentiel ?

Sébastien Pouderoux : C’est une bonne question. C’est un petit peu comme lorsqu’on estface à une personne. Le théâtre est un travailde lucidité. Si on est trop dans la déférence, l’obséquiosité, la précaution, si on est trop intimidé, quelque part, on peut passer à côté de la rencontre. Or, quand on s’intéresse à un auteur, on essaie de le rencontrer vraiment. Je pense qu’il ne faut pas craindre les classiques.

CTC : A la Comédie Française, comment fait-on perdurer les classiques ?

Sébastien Pouderoux : On ne cherche pas autre chose que les autres théâtres. C’est vrai qu’on fait un théâtre de répertoire dans la Grande Salle à Richelieu. Mais aujourd’hui,ony afaitrentrer des textescomme Les Damnés deVisconti, quin’ont pasdevaleurlittéraire.Onalavolontédefaireentendrecertainsauteursclassiques, mais aussi de faire résister des façons de faire du théâtre d’aujourd’hui.

CTC : Une mise en scène contemporaine d’un classique qui vous a marqué ?

Sébastien Pouderoux : Celle d’Oncle Vania la pièce de Tchekhov, par Luk Perceval. Il s’affranchissait complètement du texte. Il y a aussi les premières mises en scènes de Thomas Ostermeier, notamment Maison de Poupées Extraordinaire ! Il avait entièrement changé la fin et je trouvais que c’était une lecture géniale de la pièce.

CTC : Quel regard portez-vous sur l’idée selon laquelle le comédien serait le pantin du metteur en scène ?

Sébastien Pouderoux : C''est une grande question, la liberté de l’acteur. Le rapport avec le metteur en scène est un combat. Arriver à aimer la liberté de l’acteur est un vrai travail. Il y a un deuil à faire entre ce qui existe dans la tête du dramaturge, de l’ordre de l’idéal, et ce qui se produit sur scène.

Le théâtre est souvent perçu comme un truc de ringards, parce que les moyens y sont plus limités. C’est sûr que tu ne peux pas faire Avatar sur une scène Mais la force du théâtre est justement la puissance de suggestion. Ce sont les acteurs qui donnent à voir des mondes par la puissance des mots qu’ils disent.

Je pense qu’on a quelque chose d’irremplaçable, même lorsque l’écart se creuse avec le cinéma. La pauvreté de cet art en fait la richesse. Page 23

Théâtre Avril 2023
Casse Ton Cliché

Victoria Attias – 2de2

Du bon ciné pour voyager…

Moments d’évasion garantis avec notre top 10 des films à voir et à revoir

Babel, González Iñárritu (2006)

En plein désert marocain, un coup de feu retentit. Un couple de touristes américains au bord du naufrage, deux enfants quituentle temps, unenounoumexicaine au pied du mur, une adolescente japonaise en mal d’amour paternel.. Tous se retrouvent liés et chacun, face à sa solitude.

Lost in translation, Sofia Coppola (2003)

Bob Harris (Bill Murray), acteur sur le déclin, se rend à Tokyo pour tourner un spot publicitaire. Il rencontre Charlotte (Scarlett Johansson), une jeune Américaine, incertaine de son avenir. Ensemble, ils explorent la ville. Un choc des cultures entre deux âmes au diapason, le temps d’un instant. Un film d’une délicatesse in(dé)finie.

It’s a wonderful life, Frank Capra (1946)

Bedford Falls, la veille de Noël 1945 George Bailey (James Stewart) est sur le point de se suicider, poussé au désespoir par une vie de sacrifice L'apprenti-ange

Clarence,chargédeluivenirenaide,letransportedans une réalité parallèle dans laquelle il n’a jamais existé

Back to the Future, Robert Zemeckis (1985)

Le jeune Marty McFly (Michael J. Fox) se retrouve à tester l’invention de son ami le Dr Emmett Brown (Christopher Lloyd) : une DeLorean modifiée qui permet de voyager dans le temps Direction l’année 1955, où Marty se retrouve face à un père introverti, martyrisé par ses camarades et une mère émoustillée par le bel inconnu qu’est son fils. Premier volet d’une

sagadevenueculte,lefilmestaujourd’huiunemblème de la pop culture.

Eat Pray Love, Ryan Murphy (2010)

Après un divorce difficile, Liz Gilbert (Julia Roberts) décide de prendre une année sabbatique et de changer de vie. Commence alors un voyage initiatique entre l’Italie, l’Inde et Bali, qui lui fait dépasser les frontières du monde et les siennes Un film inspiré du roman éponyme.

The Secret Life of Walter Mitty, Ben Stiller (2013) Employé du magazine Life, le rêveur Walter Mitty (Ben Stiller) est en charge de la photo de la dernière couverture du numéro papier avant le passage au tout numérique. Mais le négatif n°25 a disparu. Une seule solution : parcourir le globe à la recherche de Sean O’Connell, auteur dudit cliché, pour le récupérer Pride and prejudice, Joe Wright (2005) Dans un petit village d'Angleterre, sous le règne de George III, Mrs. Bennet veut marier ses filles afin de leur assurer un avenir serein. L'arrivée de Mr. Bingley et Mr. Darcy plonge Jane (Rosamund Pike) et Elisabeth (Keira Knightley) dans des affaires de cœur. Mais les émotions ne sont pas si simples à décrypter La dernière adaptation du roman de Jane Austen.

Mary Poppins, Robert Stevenson (1964)

Rien ne va plus dans la famille Banks. Ayant eu raison d’une énième nanny, les enfants de M. Banks et de son épouse, suffragette active, Jane et Michaël, passent

une annonce tout à fait fantaisiste pour trouver une nouvelle nurse. Apparaît alors Mary Poppins (Julie Andrews), portée par le vent d'Est. Cette dernière entraîne les petits dans un monde merveilleux où le thé se prend en lévitation, où les peintures sont des récréations, où les ramoneurs dansent sur les toits et où leur père, enfin, leur montrent qu’il les aime.

Côté série…

Mixte, Marie Roussin (2021)

En septembre 1963, le lycée Voltaire devient mixte et accueille des filles pour la première fois de son histoire. Elles sont 11 au total : une vraie révolution, au cours de laquelle il va falloir apprendre à vivre ensemble.

Peaky Blinders, Steven Knight, Toby Finlay (2013) Dans l’entre-deux-guerres, les voyous du gang des Peaky Blinders font régner la terreur dans les quartiers populaires de Birmingham, non sans être confrontés à des indépendantistes irlandais, ou à la Mafia italienne. Une série à l’esthétique visuelle aiguisée.

Chloé Luzzatto-Giuliani & Bianca Sabelström-Lenne – 1ère1

Costumes d’époque, une question de couleur

Pour faire vrai au cinéma, tout est dans le détail. Gare aux robes flashy en plein XVIIIe siècle ou à la surdose de bleu avant 1140. Pour débusquer les anachronismes du grand écran, retour sur les symboles des couleurs à travers le temps

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la mode est dans le rouge. Vestes, brassières, tabliers et jupes prennent des tons couleur vermeil. Attribut des puissants au Moyen-Age, elle détonne du jaune, symbole du mensonge et de l’hypocrisie à partir du XIIIe siècle

De quoi être vert… En parlant de cette couleur aux pigments instables, difficiles à fixer chimiquement, sa cote monte et descend selon les époques. Incarnation de la folie, de la mélancolie ou du hasard, le vert est aujourd’hui symbole de vie, d’espérance et de liberté. C’est à n’y voir que du bleu. Désagréable, dévalorisant sous l’Antiquité, l’azuré peine à être maîtrisé. Puis, fin XIIe siècle, le bleu est partout, lancé par la Vierge, repris par les Rois puis toute la société. Couleur pacifique, elle est aujourd’hui la préférée des Occidentaux. Autre symbole de royauté

etdeliturgie :leviolet.Sachez-le,danslelangagedes fleurs, le violet est symbole d’amour caché De quoi avoir le rose aux joues… qui, ironie de l’histoire, est la couleur des hommes jusqu’à ce que La Pompadour s’en entiche au XVIIIe siècle. Le coloris pastel est alors associé à la féminité, voire à la mièvrerie Il faut attendre que Marilyn Monroe la twiste dans les années 1950 puis que les punks la boostent dans les années 1970, pour que les femmes ne finissent pas marron. Autrefois délaissé car associé au sale, le brun esttoujours un malaimé. Toutle contraire dublanc comme neige. Symbole de pureté, de sagesse, de paix et de beauté, la nuance est loin d’être une bête noire. Indémodable, intemporel et unisexe aujourd’hui, le champchromatiqueobscurétaitsouventl’apanagedu mauvais La couleur est annoncée !

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Arnaud Llinares – 1ère3

L’essentiel de l’effet spécial

Rétrospective d’unetechniquestar…

1896 : Le Français Georges Méliès invente le trucage par arrêt de caméra. L’illusionnisme au cinéma est né. En 1902, il crée le premier film de science-fiction, Le voyage dans la lune.

1933 : Sortie du King-Kong de Cooper et Schoedsack. Naissance du « stop motion » et de l’animatronique.

1940 : Les « meilleurs effets visuels » deviennent une catégorie récompensée aux oscars.

1977 : Pour Star Wars, George Lucas fonde la société Industrial Light and Magic (ILM). Maquettes et incrustations sont l’une des clés du succès.

1993 : Sortie de Jurassic Park Des marionnettes robotisées sont mêlées à des effets numériques.

1995 : Les studios Pixar produisent Toy Story, le premier long métrage d’animation en images de synthèse.

2001 : Un budget de 93 millions est mobilisé pour Le Seigneur des anneaux : La Communauté de l'anneaux. Le réalisateur fait usage de la prévisualisation numérique pour adapter chaque scène au préalable. 2009 : Sortie d’Avatar, de James Cameron, composé de 70% d'images de synthèse pour 30% de prises de vue réelles.

Demain : L’innovation qui reste aujourd’hui absente est celle du film immersif complet, où les effets spéciaux simuleraient les sens. La technique s’en rapprochant le plus aujourd’hui est la technologie VR.

Cinéma Avril 2023
Les Adieux à la Reine © Carole-Bethuel / Ad Vitam Distribution

Quizz litt’

Réponds aux questions et viens vérifier auprès de moi si tu as bon. Il y a une petite récompense à la clé pour les trois premiers…

Livres

Avril 2023

©Folio

4) Où est Lol ?

a. Dans l’histoire d’Internet

b. Dans l’océan Indien

c. Dans le champ de seigle

5) Qu’est-ce que tient dans sa main la Princesse avant de regarder le tableau ?

a. Une aiguille

b. Un ruban

c. Un fil

©Folio

1) Divine et Notre-Dame sont…

a. Place Jean-Paul II

b. Place du Marché aux Fleurs

c. Place Pigalle

2) Dans la serre, Renée pense à son…

a. Silvère

b. Hippolyte

c. Lazare

3) Qu’est-ce que fait la Marquise à table ?

a. Elle écrit

b. Elle mange

c. Elle dort

6) Pourquoi le poète ne doit-il pas regarder derrière ?

a. Car il n’y avait plus rien

b. Car il n’y a plus rien

c. Car il n’y aura plus rien

7) Quel est l’adjectif formé à partir de la dernière lettre du nom des auteurs dans l’ordre du questionnaire ?

a. TASSEE

b. SERREE

c. LASSEE

Une phrase, un ouvrage

Top 10 non exhaustif des livres à bouquiner, au gré des envies

Nil, Lynne Matson : 365 jourspour s’échapper d’une île… Le compte à rebours a déjà commencé.

Chagrin d’école, Daniel Pennac : « Ce sera noté, m’sieur ? (Et comment !) »

La passeuse de mot, Jennifer & Alric Twice : Et si les mots avaient des pouvoirs ?

Tout le bleu du ciel, Mélissa Da Costa : Émile n’a plus beaucoup de temps à vivre. Il décide de finir sa vie avec une inconnue à bord d’un camping-car.

De pierres et d’os, Bérangère Cournut : Comment s’en sortir seule sur la banquise avec des chiens affamés ?

Nous les menteurs, E.Lockhart : « Je crois que c’est pour ça qu’ils sont revenus. J’avais besoin d’eux ».

La promesse de l’Aube, Romain Gary : C’est l’histoire d’un fils et de sa mère... En fait, c’est plus l’histoire d’une mère et de son fils.

Il est grand temps de rallumer les étoiles, Virginie Grimaldi : Et si un road trip entre filles résolvait tous les problèmes ?

La Montagne magique, Thomas Mann : Lorsque « le monde d’en haut » envoûte « la vie d’en bas ». Gone, Michael Grant : Des enfants de moins de 15 ans livrés à eux-mêmes… Que se passera-t-il quand leur anniversaire arrivera ?

©Folio

Chloé Guyennon-Faris – 2de1

La musique… des maths et rien de plus !

Pour les savants, une partition n’est pas seulement un langage dont l’interprète doit se saisir.

Elle s'oppose à la musique populaire. La « musique savante » ou « grande musique » est associée aux mathématiques dès l’Antiquité. Au Vie siècle avant notre ère, elle est même considérée par Pythagore, père de la théorie musicale, comme étant une science mathématique au même titre que l'arithmétique, l'astronomie et la géométrie. C'est à lui que l’on doit la compréhension des fréquences, c'est-à-dire des différentes hauteurs qui sont symbolisées par les notes de musique.

Contrairement à la littérature ou à la peinture, la musique peut se traduire en équations et en graphiques. En 480, Boèce, philosophe, politicien et musicien romain, écrit De Institutione Musica, un traité de musique dans lequel il compare la« musiquesavante »auxmathématiques,enappliquantdesgénéralitésarithméti-

ques aux diverses parties de la gamme, en passant par des calculs de demi-tons. Un ouvrage parmi tant d’autres sur le sujet.

Parmi les théories les plus connues sur la musique, on trouve l’harmonie des sphères, d’origine pythagoricienne. Pline l’Ancien l’a utilisé dans son Histoire naturelle, Cicéron aussi dans son fameux Songe de Scipion

En bref, elle repose sur l’idée que les distances entre les planètes sont réparties selon des proportions musicales, les distances entre les planètes correspondant à des intervalles musicaux. Chez Boèce, par exemple, la Lune est représentée par la note Ré, Mercure Do, Saturne Mi… Aujourd’hui, la recherche a prouvé que les planètes émettent des vibrations, des sons Les Anciens avaient donc bien l’oreille musicale.

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« J’y étais » : Hiroshima, 6 août 1945

Les 6 août 1945, les Américains lançaient la première bombe nucléaire sur la ville japonaise d’Hiroshima, faisant entre 68 000 et 140 000 morts, selon les estimations. Des chiffres si connus, tellement entendus, qu’ils peinent à représenter l’horreur vécue par les « hibakusha », les victimes atomisées. En 2020, 136 682 personnes reconnues par ce statut étaient encore en vie. Mon grand-père, Fred Hasewaga, 93 ans, est l’un d’entre eux. Parce que le temps passe et que la mémoire s’efface, il nous raconte son histoire pour l’arracher à l’oubli.

CTC : As-tu compris ce qu’il se passait ?

Fred Hasegawa : Non. Je pensais que la réserve de gaz de la station avait explosé, et j’avais peur que les autresréserves,quiétaientunpeuplusloin,explosent, elles aussi, à cause de l’énorme chaleur.

A ce moment-là, je ne pensais pas qu’il s’agissait d’une bombe américaine, et encore moins nucléaire

Pour être franc, je n’avais pas du tout le luxe ni l’intérêt de m’en préoccuper. J’étais complètement sonné. La station était partiellement détruite. A l’intérieur, énormémentdepersonnes étaientblessées, en train de mourir, à cause des débris de verre.

C’était le chaos complet. Les cris fusaient, les gens couraient ou, au contraire, restaient immobiles. Et moi, j’étais là.

CTC : Qu’est-ce qui fait que tu as survécu ?

Fred Hasegawa : Déjà, la station était protégée par une colline assez pentue qui a dévié le souffle de la bombe nucléaire. Si j’avais été plus proche, je serais mort, c’est certain. Je n’avais que 15 ans, j’étais tout seul et j’étais profondément terrifié. Je ne pouvais plusprendrededécisionrationnelle,alorsjesuisresté, sans doute à cause de tous ces cris.

Parpeur,jesuisallédansles toilettesdelastation.J’ai fermé la porte et j’ai ouvert à plein débit le robinet du lavabo. Je me suis mis en dessous, pour avoir un peu moins chaud et j’ai laissé l’eau couler sur moi. Je ne sais pas combien de temps je suis resté ainsi. Peut-être quatre ou six heures A ce moment-là, j’ai perdu la notion du temps J’avais simplement, profondément peur.

rappelle plus son nom.

Quand je suis arrivé chez moi, la ville, qui était en périphérie d’Hiroshima, était intacte Ma famille était saine et sauve. Mon père était parti pécher ce matinlà. Les rescapés étaient pour la plupart déjà arrivés. J’ai aidé comme j’ai pu les gens, dont certains étaient intégralement brûlés, même les cheveux. Des respirations difficiles et lentes, des visages gonflés, des amputés C’était comme une vision de l’enfer. Moi, j’ai seulement perdu mes sourcils.

CTC : As-tu eu la haine contre les Américains ?

Fred Hasegawa : Je n’ai jamais pensé en ces termes. Notamment parce que je suis né à Maui, une île d’Hawaï donc je suis de nationalité américaine. Avec ma famille, nous sommes arrivés au Japon quand j’avais trois ans. Et quand la guerre commence, nous sommes des êtres humains, puis des animaux. Nous nous battons les uns contre les autres, puis nous essayions de sauver notre peau. Pas de colère ni de rancœur.

Fred Hasewaga, le jour où il a été reconnu « hibakusha »

CTC : Comment as-tu vécu la guerre ?

Fred Hasegawa : En1945, j’avais 15ans. Je travaillais à Matsuda Factories. C’était une usine de voitures qui avait été transformée en usine de production, pour participer à l’effort de guerre. Je fabriquais des pistons pour les moteurs d’avions. J’assemblais aussi certaines pièces de fusils. Avec mes amis, je travaillais tous les jours pendant neuf heures. En temps normal, j’aurais dû être à l’école. Mais c’était la guerre et nous devions tous travailler à l’usine, à tour de rôle. La moitié de la classe étudiait pendant un temps, puis on échangeait avec l’autre moitié.

J’avaisaussiunautretravailquiétaitd’aiderlesadultes à raser des maisons pour empêcher un potentiel feu de se propager. Nos maisons étaient principalement faites de bois et de papier, qui brûlent très bien. Comme les Américains utilisaient des bombes incendiaires, cela causait beaucoup de dégâts. Finalement, nos efforts auront été vains, face à la bombe atomique.

J’allais aussi parfois récupérer du métal qui traînait çà et là parmi les décombres des maisons brûlées. Nous les fondions ensuite pour faire des munitions. Ça me faisait sortir un peu de l’usine. A l’époque, nous n’avions pas grand-chose à manger. Le Japon était très pauvre.

CTC : Que s’est-il passé lorsque la bombe a explosé ?

Fred Hasegawa : Le matin du 6 août, je suis allé tôt à l’usine, comme d’habitude Là, les dirigeants nous disent de rentrer chez nous car ils leur manquent certaines grosses pièces. Je suis donc retourné à la station de train pour rentrer chez moi. Elle se trouvait en bordure d’Hiroshima, à 2km de là où la bombe a explosé. Tout était tranquille, tout allait bien. Et puis, d’un coup, un sifflement très court, et une lumière très très forte (Il mime le ciel qui s’illumine avec ses mains grandes ouvertes).

La puissance de l’onde de choc était tellement violente qu’elle m’a fait décoller du sol et m’a propulsé contre un mur. J’avais beaucoup de difficulté à respirer, mes oreilles me faisaient excessivement mal. (Les problèmes d’audition sont une de ses séquelles, ndlr).

J’étais éraflé de partout. J’ai ressenti une chaleur immense, intenable.

Aujourd’hui, je pense que le fait de n’avoir subi presqu’aucune radiation est lié à ce lavabo de la station de train. Il y avait aussi beaucoup de vent, ce qui a quasiment dissipé le gaz radioactif. Quand je suis sorti, il n’y avait pas trop de risques. Ceux qui étaient vraiment en danger étaient ceux qui ne s’étaient pas protégés comme moi du gaz radioactif. Moi, je l’ai fait par hasard.

Du stress post-traumatique au traumatisme générationnel

Au cours de cette enquête, j’ai interrogé ma mère pour avoir plus de précisions sur les souvenirs, quelquefois flous, de mon grand-père. Nous en sommes venus à évoquer l’odeur des cadavres calcinés. Ma mère m’a expliqué que l’une des rares fois où elle a vu son père dans une colère noire, c’était lorsque sa mère a brulé du poulet en préparant le repas Mon grand-père a alors commencé à crier sur toute sa famille et est parti en claquant violemment la porte Il est allé voir son frère, qui avait vécu Hiroshima avec lui. Il est revenu un peu plus tard, il s’est excusé mais le poulet a été définitivement banni de la maison.

Par effet de domino, ma mère aussi ne peut pas supporter cette odeur, qu’elle a associée à celle de corps calcinés.

L’odeur, un symptôme d’intrusion de l’état de stress post-traumatique (ESPT)

Dôme de Genbaku, mémorial de la Paix à Hiroshima

CTC : Qu’as-tu fait ensuite ?

Fred Hasegawa : Après m’être un peu calmé, j’ai décidé de rentrer à la maison, située à 22 km, parce que je ne voulais pas inquiéter mes parents encore plus J’ai marché le long des rails du chemin de fer du côté bordé de pierres. C’était le seul endroit où il n’y avait pas de flammes. Je passais devant les maisons soufflées et brûlées par l’explosion. Le néant, voilà ce que je voyais. Une fine pluie noire me tombait dessus. La ville entière était recouverte par cette espèce de douche de cendres humaines. A ce moment-là, j’étais juste… perdu, hébété. L’odeur des cadavres brulés étaient trop pour moi. Je m’arrêtais souvent pour vomir.Encoreaujourd’hui,jenesupporteplusl’odeur du grillé.

A un moment, je suis passé à côté de mon école, qui était très proche de l’épicentre, à environ 600 mètres Je n’ai pas pu aller plus loin, il n’y avait que des flammes pures. Je suis allé voir ce qui restait de l’école. Mon meilleur ami était en sang, allongé sur le sol, brûlé sur une grande partie de son corps. Je l’ai mis sur mon dos, en allant le plus vite possible pour lui faire recevoir des soins en urgence, à l’hôpital de la Croix-Rouge, mais il était déjà mort. Je ne me

Selon le dossier consacré aux symptômes du stress posttraumatique(SPT),disponiblesurlesiteduministèredes Armées, les odeurs font partie des symptômes, dits d’intrusion. Les souvenirs olfactifs, auditifs ou encore sensitifs associés à l’événement traumatique peuvent « envahir » la personne qui présente un ESPT. « De manière générale, ces intrusions provoquent une profonde détresse et, parfois, d’autres émotions telles que le chagrin, la culpabilité, la peur ou la colère, peuton lire. Les souvenirs et les rappels de l’événement traumatique sont très désagréables et engendrent généralement une détresse immense. C’est pourquoi les sujets ont tendance à éviter les situations qui éveillent le souvenir du traumatisme ».

Le traumatisme générationnel

Cette notion de psychogénéalogie a été introduite dans les années 1970 par Anne Ancelin Schützenberger, psychologue, psychothérapeute et universitaire française. Elle se fonde sur l’idée que les individus peuvent souffrir de blessures familiales antérieures, souvent passées sous silence Un héritage familial lourd à porter. Il peut s’agir d’une guerre, d’une migration, d’un accident, d’un crime, etc.

Lorsquelatransmissiondestraumasseréaliseentredeux générations qui cohabitent, on parle d’intergénérationnel. On le distingue du transgénérationnel qui fait état d’une transmission entre deux générations éloignées, qui ne se connaissent pas.

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Histoire Avril
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Nostalgie, quand tu nous tiens…

Mal du pays, regret mélancolique, désir insatisfait… La nostalgie est véritablement le mal du siècle. Oui, mais lequel ? Pierre Soubiale, professeur de philosophie et Louis Georges, professeur d’histoire-géographie à l’EIB nous éclairent sur la question. Entretien croisé.

Casse Ton Cliché (CTC) : Etymologiquement, la nostalgie signifie la douleur du retour. Comment la considérer sous un jour philosophique et historique ?

Pierre Soubiale : Partons d’une définition simple : la nostalgie appartient au genre du souvenir. Pour autant, tout souvenir n’est pas nostalgique. Ce qui caractérise le souvenir nostalgique, c’est une douleur, un regret et cette idée selon laquelle on ne peutpas revivreun passémais seulementle faire revivre par le biais de la mémoire Cela implique l’idée d’une perte.

Louis Georges : Il est intéressant de voir qu’il y a une vraie évolution conceptuelle du terme, raconté par le psychiatre et psychanalyste André Bolzinger dans son ouvrage Une Histoire de la nostalgie, publié en 2007 Historiquement,leterme« nostalgie »estrécent.Iln’existepasdanslevocabulaire antique et ne fait pas partie des notions hippocratiques de l’antiquité. En effet, ce mot date de l’époque moderne. Il décrit d’abord une notion médicale et classificatoire dans l'organisation des troubles des humeurs et des théories des humeurs. La nostalgie est surtout une sous-section de la mélancolie qui, elle, est une notion antique.

Pierre Soubiale parlait de perte dans un sens temporel. Or, au sens médical du XVIIesiècle,lanostalgieest unepertespatiale.C’estunmaldupaysetdelapatrie, en anglais homesickness. Il sert d’abord à désigner le « mal suisse ». L’expression fait référence aux gardes du Vatican qui venaient de Suisse et devaient vivre toute leur vie à Rome, induisant pour eux une perte de l’origine.

La nostalgie se fonde en effet sur cette vieille idée de l’origo (origine en latin), c'est-à-dire le fait de définir l’identité d’un individu par son lieu d’origine Idée qui a totalement disparu à l’époque contemporaine. Jusqu’au XVIIIe siècle, on est d’abord défini par là d’où l’on vient.

La nostalgie, c’est donc l'aspect identitaire d’être déraciné et l’idée de ne pas pouvoir faire retour vers la patrie d’origine

Pierre Soubiale : Si je peux me permettre une incise, je dirais que l’on ne peut pas revivre le passé mais simplement le faire ressusciter dans la mémoire. Donc, il semble qu’il y ait une différence avec l’espace car ici le retour est possible. Dans l'espace, je peux aller d’un point A à un point B puis du point B revenir au point A, comme le cas typique d’Ulysse revenant à Ithaque.

Dans l’espace, le changement n’est pas définitif De ce point de vue-là, l’espace serait moins ce à travers quoi ont lieu les changements que ce qui nous permet de nous opposer aux changements eux-mêmes

Je rebondis sur ce que disait Louis Georges… En fait, il n'y a jamais vraiment de retour à l’état initial puisque le lieu auquel je reviens n'est plus le même. Moimême, j’ai changé. Ainsi, il n’y a jamais de retour initial car le temps fait que les changements sont tous un peu irréversibles, même dans l'espace

C’est pourquoi le retour peut être vécu comme une déception et donne une impression d’inachevé. En effet, là où le retour neutralise l'aller dans l’espace, il le prolonge dans le temps.

Moi cela me fait penser aux amants qui veulent revivre leur histoire d’amour. On dit souvent que c’est du réchauffé. Or il faut se méfier parce qu’on ne revit jamais la même histoire. Nous ne sommes plus les mêmes, il y a une histoire à réinventer. Il y a toujours quelque chose d’inachevé dans le retour, car le temps fait que les changements deviennent toujours irréversibles.

Louis Georges : L’exemple des deux amants m’évoque le livre de l’écrivain et philosophe danois Søren Kierkegaard, La Reprise, publié en 1843, qui essaie de penserlanostalgiecommeunmoteurdelarelationamoureuse.Est-cequelareprise d’une relation estl’espoir d’un retour vers l’amour premier, idéalisé ou simplement la répétition d’unéchec ?Pour Kierkegaard,lanostalgie amoureuse esttrompeuse : elle applique à l’être aimée un sublime qui relève pour lui de la foi. Au final, c’est une vision assez pessimiste de l’amour terrestre, faillible et fini : l’histoire d’amour est un aller sans retour.

Du point de vue de l’histoire conceptuelle, il est intéressant de voir que, dans la notion historique de nostalgie du XVIIe siècle, le mal est précisément de penser qu’il n’y a pas de retour possible. Le sentiment de fatalité désigne un état psychologique : le fait d’être affligé par l’idée d’un retour impossible vers le pays d’origine.

CTC : Comment la nostalgie évolue-t-elle par rapport au(x) temps ?

Pierre Soubiale : Le sentiment nostalgique, cette idéalisation du passé, allant aussi avec une forme de révolte contre le présent, est très liée à la modernité. Le propre de cette dernière est un peu son auto-détestation.

Typiquement, le romantisme désigne cette nostalgie répandue dans plein de domaines : politique, littéraire, artistique… C’est une révolte contre la modernité mais plus précisément contre la modernité capitaliste. C’est ce que Max Weber appelait « un désenchantement du monde ». La quantification du monde, la mécanisation du monde, le fait d’avoir un autre regard sur la nature qui n’est plus la nature aristotélicienne, animé, vitaliste, est vu et vécu comme un désenchantement Le romantisme est aussi une réaction contre la dissolution du lien social, l’atomisation de la société que l’on retrouve en 1857 dans le poème de Charles Baudelaire, La Cloche fêlée, dans lequel le poète déplore cette absence de collectivité et de communication.

La modernité engendre une perte qui n’est pas remplacée. C’est la disparition d’un monde et il y a une révolte qui se met très rapidement en place dans ce « siècle du spleen » Par conséquent, le sentiment nostalgique va valoriser un passé idéalisé. Au XIXe siècle, le philosophe allemand Adam Müller, précurseur du romantisme en économie, fait par exemple une apologie de la propriété féodale. De ce point de vue-là, je pense que notre époque est très romantique et très nostalgique. Ce désir de retour à la nature me paraît être un des avatars les plus contemporains et les plus marquants de la nostalgie.

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Casse Ton Cliché Manège à l’Hôtel de Ville ©David Rito Artus Huet – Tale2

Louis Georges : La nostalgie rompt le lien des sociétés à leur propre temps. S’il faut parler de l’évolution du terme, au XIXe siècle, siècle des révolutions, il y a un retournement total de la temporalité, auparavant stable et cyclique. Le passé des populations n’inspire plus la compréhension du futur. C’est ce que les sociologues désignent sous le terme d’expérience et d’horizon d’attente.

« Le passé n’éclairant plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres », célèbre citation d’Alexis de Tocqueville, éclaire également bien ce fait.

Cette notion de régime d’historicité, désignant la relation d’une société particulière avec son temps, a été inventée par l’historien allemand moderniste et contemporanéiste Reinhart Koselleck.

La distinction entre le passé et le futur est, à mon sens, la condition de l’émergence de la nostalgie au sens temporel A partir du moment où le passé est loin, on peut commencer à le regretter Il n’est plus présent du tout, il est devenu inatteignable.

Il me semble que le romantisme, c’est l’expression de ce fantasme d’un passé idéalisé et construit ; un passé imaginé parce que, justement, on ne l’a plus sous les yeux

CTC : Qu’en est-il de l’ailleurs ? La nostalgie se ressent-elle partout pareil ?

Louis Georges : Au Japon, par exemple, la vision du passé et du patrimoine est très différente. On peut même se demander si la notion de nostalgie s’y applique vraiment parce que le passé a toujours une forte présence

Si vous regardez les monuments japonais, les temples en particulier, leur construction en bois fait qu’ils ne sont pas pérennes. Or le fait de les reconstruire n’enlève rien à leur authenticité, à leur historicité. Par exemple, le sanctuaire impérial d’Ise-Jingu est reconstruit tous les 20 ans. Dans le cadre conceptuel, le bâtiment est toujours le même depuis des siècles. Le passé reste ici vivant. Il est actualisé à travers des rituels.

La nostalgie est-elle une notion qui peut être sortie de l'Europe ? Je ne sais pas, car la notion fait référence à une coupure, une distinction du passé et du présent, qui procède d’une histoire et d’un cadre européen.

Pierre Soubiale : Essayons de psychologiser la notion. Si la nostalgie est le sentiment de la perte et de la dépossession, inscrite de manière inconsciente chez tout individu, elle peut être liée à la recherche du bonheur. La nostalgie serait alors un état de plénitude que l’on aurait tous déjà connu dans notre histoire individuelle etqui,finalement,auraitlaisséunemarquequel’onchercheraitàrestaurer,envain C'estun thème propre à la psychanalyse, faisantappelà cesentimentd’unité connu durant l’enfance. On retrouve cette idée-là dans le livre du psychologue et psychanalyste autrichien Otto Rank, disciple de Sigmund Freud, Traumatisme de la naissance (1928). L’auteur défend que le traumatisme de la naissance est celui delaperted’unpremierobjet,lamère, « la maison-mère », quiàsontourfaitnaître l’angoisse.

Y a-t-il une nostalgie structurante chez l’être humain ? Je ne sais pas, car le sentiment nostalgique est conscient. Il y a une aspiration à retrouver un état perdu. De plus, en psychanalyse, guérir, c’est renoncer à la douleur de la perte, l’accepter et avec elle, accepter l’impossibilité du retour

Louis Georges : Cela pose en tout cas une question conceptuelle : la nostalgie estelle un trouble, une anomalie ou est-elle une composante d’un fonctionnement « normal » ?

CTC : La nostalgie est-elle forcément une idéalisation du passé ?

Louis Georges : La nostalgie n’est pas forcément une langueur. Elle peut être un moteur d’action. Pour l’architecte Eugène Viollet-le-Duc, la nostalgie revêt une dimension créatrice. Dans la philosophie du patrimoine, restaurer un bâtiment, ce n’est pas le restaurer comme il était dans le passé mais comme il aurait dû être dans le passé.

De même, pour l’historien Jules Michelet, « aller aux archives, c’est aller au tombeau pour faire renaître les morts ». Avoir mal à son passé permet de le faire revivre mais pour lui redonner une actualité.

Pierre Soubiale : Peut-on faire complètementabstraction de ses intérêts du présent quand on se rapporte au passé ? Cela rejoint une question plus générale : Ne peuton qu’être heureux au passé, là où il est plus dur de l’être au présent ? Le philosophe allemand Arthur Schopenhauer soutient que l’on prend conscience de la valeur des choses par l’expérience de leur perte. Là, il peut y avoir un risque d’idéalisation du passé

CTC : Peut-on être à la fois nostalgique et ancré dans le présent ?

Louis Georges : Depuis le début du XXe siècle, il est acté pour les historiens que l’intérêt de l'étude du passé se fait en rapport avec le présent. Le passé n’existe que par rapport au présent.

D'autre part, il me semble que, derrière la notion de nostalgie, il y a un aspect mythologique. La nostalgie créée forcément son propre mythe. De l’émotion nostalgique découle la création d’un discours sur le passé qui n’a rien à voir avec le passé lui-même. Nous ne sommes pas nostalgiques du passé mais plutôt de notre idée du passé.

Pierre Soubiale : Cela revient aux différentes définitions du mot histoire.

Louis Georges : Oui. Koselleck construit la distinction entre les sens de l’histoire, il distingue en allemand les mots Historie (récit de l’histoire) et Geschichte (étude

de l’histoire). La nostalgie ne se nourrit-elle que de l'aspect récit, en laissant complètement de côté la dimension étude du passé, très formelle et très codifiée ? C’est peut-être en tous cas les restes du besoin de la présence d’un récit historique, social, politique ou individuel.

CTC : La nostalgie peut-elle être instrumentalisée ?

Pierre Soubiale : La nostalgie est par exemple une composante assumée du roman national, narration romancée qu'une nation offre de sa propre histoire et qui participe à l'identité nationale

Louis Georges : Dans le roman national, l’idée est alors supérieure aux faits. La nostalgie revêt ici une dimension très politique.

Pierre Soubiale : Par exemple, dans son manuel pour les écoliers Français, qui a servi pendant plus de 50 ans dans les écoles entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, l’historien Ernest Lavisse commence ainsi : « Tu dois aimer la France car la Nature l’a faite belle et l’Histoire l’a faite grande ».

Cela en dit long sur la volonté d’inculquer le sentiment patriotique aux jeunes Français, au détriment de la véracité historique.

Louis Georges : Pour tenter de comprendre la résurgence du populisme en Occident, des historiens* travaillent aujourd’hui sur ce que l’on appelle « la maladie du récit », à savoir les discours politiques alimentés par une certaine histoire des pays. La nostalgie du passé devient alors une valeur refuge exploitée par certains dirigeants. Ces derniers, comme Donald Trump, vantent la restauration d’un passé révolu, et peu importe s’il était moins glorieux qu’ils veulent bien le dire. Quand la nostalgie est collective, elle peut devenir une arme très efficace pour conquérir le pouvoir ou le conserver.

* Nostalgie, histoire d’une émotion mortelle, Thomas W. Dodman, Editions du Seuil, 2022.

« Saudade » du Portugal, un sentiment intraduisible

Emblème de l’âme portugaise, le mot « saudade » a probablement comme origine le substantif latin solitate, impliquant dès l’origine la notion de ‘seul’.

Intraduisible en français, la « saudade » est une émotion très profonde, complexe, où se mêlent mélancolie, nostalgie et espoir. Comme un mot qui vous échappe jusqu’à ce que le sentiment vous trouve.

Une certaine relation au temps est également en jeu. Selon l’écrivain portugais contemporain Eduardo Lourenço, la « saudade » est une manière « d’être présent dans le passé, ou d’être passé dans le présent ».

Dans son article « L’intraduisible en question : l’étude de la saudade » (2006), Adelino Braz parle, quant à lui, d’une « tension entre contraires ». « Enigmatique, elle participe à la fois de la mélancolie en ce qu’elle se réfère à un passé révolu, et de la nostalgie dans la mesure où elle rappelle ce passé, à travers un lieu et un contexte déterminés, prolongeant un moment passé dans le temps jusqu’à le faire advenir présent. La saudade devient alors ce sentiment qui, de façon paradoxale, fait demeurer ce qui n’est plus, pour mieux faire retour vers l’éternité », précise-t-il

Dans son ouvrage Idées reçues sur le Portugal (2007), Pierre Léglise-Costa ajoute à sa définition de la « saudade » « une pulsion créatrice ».

« Bonheur hors du monde » pour le grand poète portugais du XVIe siècle Luís de Camões, la « saudade » est, selon l’écrivain mythique du XXe siècle Fernando Pessoa, « la poésie du fado » Colonne vertébrale de cette musique traditionnelle signifiant « destin », plus spécifiquement du mélancolique fado vadio de Lisbonne - qui diffère du fado, plus joyeux, de Coimbra - la « saudade » est un des thèmes de prédilection des fadistes, ces hommes et femmes chantant leur Moi, accompagnés à la guitare portugaise.

Laissons donc le mot de la fin à la célèbre chanteuse Amália Rodrigues, qui décrivait comme une « épine amère et douce » la délicate complexité de la « saudade », et l’heureuse tristesse d’en être piqué

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Idées

Les meilleures écoles sont-elles à l’étranger ?

Etudier à l’étranger, miroir aux alouettes ou option à considérer pour bénéficier d’une formation de qualité ? Didier Chaulier, fondateur du cabinet de conseil orientation Orin, ancien professeur de Sciences Economiques et Sociales et ancien proviseur du lycée EIB, répond à nos questions

Casse Ton Cliché (CTC) : Avons-nous à rougir de nos grandes écoles et universités, comparé à l’international ?

Didier Chaulier : NON ! Nous n’avons pas à rougir de nos formations d’excellence. Nous formons d’excellents chercheurs, ingénieurs, managers… La recherche française reste une recherche de qualité reconnue au niveau international. Mais, évidemment, reste le problème de son financement. En revanche, en ce qui concerne la compétitivité des universités et grandes écoles françaises, tout dépend des critères utilisés pour les classements. Par exemple, le classement de Shangaï, sans entrer ici dans les détails, prend en compte la taille des établissements. C’est pour cela que les regroupements et la création de pôles comme les Universités Paris Cité, Sorbonne Université, PSL… ont entrainé des remontées dans ce classement. Par ailleurs, si nous prenons le classement des formations en Management du Financial Times, on retrouve 4 Masters in Management français dans le Top 10 mondial…

Notre système permet de faire parfaitement réussir nos excellents étudiants. Nos écoles de commerce, d’ingénieurs sont très recherchées par les étudiants étrangers. Là aussi, la question est ailleurs : ils sont formés en France. Pourquoi un certain nombre d’entre eux partent-ils ensuite faire de la recherche autre part ?

CTC : Dans quels domaines la France est-elle à la traîne ou excelle-t-elle ?

Didier Chaulier : Le retard de la France n’est pas là où nous l’attendons. Je ne reviendrai pas sur la reconnaissance internationale de nos formations d’excellence. Mais les autres ? L’écart s’est créé et continue de se creuser entre une « élite scolaire » et les autres. « L’élite scolaire » est la face visible de l’iceberg. Nous avons tout intérêt à communiquer, au niveau international sur l’excellence de ces formations. Mais à côté de cela, au niveau national, nous manquons de personnes dans différents secteurs d’activité comme l’hôtellerie-restauration ou l’artisanat, par exemple. Ce n’est pas un problème de formation mais de reconnaissance sociale, dont la rémunération est un des aspects.

CTC : Quid des fameuses mathématiques mises en avant par le classement de Shanghai ?

Didier Chaulier : Comme dans tous les classements, la question des critères se posent. Nos élèves sont « mauvais en maths », si l’on prend les résultats du programme PISA de l’OCDE.

Pourtant nous avons régulièrement des lauréats de la médaille Fields, la plus prestigieuse récompense en mathématiques avec le prix Abel, considérée comme équivalente à un prix Nobel Ce fut le cas, encore en 2022, avec un pur produit de notre système éducatif français… 6 médaillés Fields français sur les 20 dernières années : aucun pays n’a fait mieux : pas mal pour des « nuls en maths » (11 « médaillés Fields » sont d'anciens élèves de l'École normale supérieure (ENS) de Paris. Ceci ferait de l’ENS la première institution du palmarès si le classement portait sur l'établissement d'origine des médaillés et non le lieu d'obtention. Au total, on compte 15 Français médaillés, ndlr).

CTC : Les universités et grandes écoles françaises font-elles rêver les étudiants étrangers ?

Didier Chaulier : Oui ! Certaines pour la qualité et la reconnaissance de leur diplôme - les grandes écoles de commerce parisiennes parexemple, d’autres pour leur nom et leur histoire, comme La Sorbonne

CTC : A l’issue du secondaire, est-il mieux d’aller étudier directement à l’étranger ou de rester en France ? Que permettent l’un et l’autre ?

Didier Chaulier : Il n’y a pas de bons ou de mauvais parcours. Un bon parcours, c’est celui où vous réussissez, que ce soit en France, en Classe Préparatoire aux Grandes Ecoles (CPGE), en université, en Bachelor Universitaire de Technologie (BUT)…, ou à l’étranger. Un « bon » parcours doit reposer sur : a. les appétences ; b. les compétences ; c. les attendus

En revanche, le choix d’un parcours d’études à l’étrangerme semble être personnel et familial. Enfin, attention, le choix doit être positif, réfléchi et doit s’inscrire dans une stratégie d’orientation. On ne va pas à l’étranger par défaut.

Une Américaine à Paris

Professeur d’anglais au lycée EIB Etoile, Effie Gonis a fait ses études aux Etats-Unis et en France. Elle nous parle de son vécu des deux systèmes universitaires.

« J’ai effectué mon bachelor de Littérature comparée en Californie, dans une université publique, avec un semestre d’échanges en France. Une fois à Paris, je me suis inscrite en Master avant de retourner aux Etats-Unis pour un PhD à Harvard Au bout de trois ans, je suis revenue en France en 2017 afin de poursuivre mon travail de thèse.

Sur les différences entre le système américain et le système français, je dirai déjà que le niveau du premier n’est pas meilleur. Les élèves sont certes très bons. Cependant, ce qui fait le prestige des universités n’est pas la qualité d’enseignement des professeurs mais plus ce qu’ils peuvent apporter à l’université en tant que chercheurs. Les grands noms sont très recherchés et les universités – Ivy League en tête – ont les moyens de les engager De manière générale, la compétition interuniversitaire est énorme aux Etats-Unis

Pour revenir à l’enseignement, certaines choses sont identiques, telles que les amphis bondés. A l’inverse, le domaine littéraire est beaucoup plus dévalorisé aux US qu’en France. Dans l’Hexagone, l’attitude des élèves de licence est beaucoup plus timide en classe et la dimension professionnalisante du rapport avec les professeurs n’intervient qu’au niveau Master.

L’une des grandes différences est aussi, à mon sens, le fait que les études supérieures aux Etats-Unis sont plus considérées comme un moment dédié à la découverte de soimême, qui on est et qui on veut être. Partir loin peut être l’occasion de sortir de sa zone de confort, de rencontrer des gens de milieux très différents et de voir à quel point on est capable de se débrouiller seul. »

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Casse Ton Cliché Education Avril 2023
Camille Barbe – Génération Klapisch

Stanislas Lecocq – 1ère4 & Arnaud Llinares – 1ère3

Enseignement : quel modèle envier ?

Selon le classement PISA de l’OCDE, l’école française, si elle produit de très bons élèves, reste l'une des plus inégalitaires au monde, avec un niveau d’indiscipline préoccupant. Mais de quel modèle étranger la France peutelle s’inspirer ? Décryptage de quatre systèmes d’enseignement, parmi le top 10.

La Chine

Elle est la meilleure élève du Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves (PISA) de 2018, publiée tous les trois ans, qui évalue depuis 2000 les compétences en sciences, mathématiques et compréhension de l'écrit des élèves de 15 ans

En Chine, l’éducation est au centre des priorités. La clé de la réussite ? Des formations de qualité pour des enseignants très valorisés par la société, avec des salaires attractifs mais aussi des investissements dans les établissements en difficulté

Le système éducatif chinois étant très compétitif, les élèves passent de nombreuses heures en classe - 35 heures chaque semaine, plus les cours particuliers et les activités extra-scolaires - et ont beaucoup de devoirs à faire à la maison.

Exigence de résultats et discipline font loi.

A noter : 1/5e des enfants du pays sont scolarisés dans le privé. Une école internationale coûte en moyenne 20 000 euros par an et peut aller jusqu’à 35 000 euros.

Le Canada

6e au classement, le Canada place la réussite du plus grand nombre et « l'apprentissage par résolution de problèmes » au centre de son fonctionnement Cette

manière d’apprendre, en place depuis les années 1980, met les élèves face à des problèmes assez complexes, pas forcément en rapport avec ce qu'ils viennent d'assimiler en classe. Ils doivent être capables de mobiliser plusieurs compétences simultanément.

Il n’y a pas de culture du contrôle. La finalité de l’enseignement n'est donc pas le résultat mais bien l'apprentissage

De même, lorsque des élèves sont en difficultés, le budget et le personnel sont renforcés. Au Québec, il n’est pas rare de voir orthophonistes, éducateurs, psychologues et conseillères d'orientation parmi le personnel encadrant.

La Finlande

Le pays des Mille lacs est souvent considéré comme l'un des meilleurs systèmes éducatifs au monde. 7e au classement, l'éducation en Finlande est gratuite et obligatoire pour tous les enfants âgés de 6 à 16 ans. Liberté créative et développement de l'autonomie des enfants dès le plus jeune âge sont les maîtres-mots, le tout appliqué sur un volume horaire d’une vingtaine d’heures par semaine seulement Il n’y a pas de notes ni de devoirs. Côté programmes, ces derniers sont le plus souvent croisés entre les matières, instaurant entre des profs,

formés tout au long de leur carrière, un travail en collaboration. Le système scolaire finlandais est aussi profondément animé d'un objectif d'égalité des chances. Il n'est cependant pas dépourvu d'élitisme. La sélection à l'entrée du secondaire, des universités est forte, et se fait sur tests.

La Pologne

Depuis 2012, la Pologne est entrée dans le top 10 du classement PISA. Le « miracle polonais » est dû à la réforme du système éducatif menée en 1999, qui prévoyait l’introduction des collèges là où le système comprenait avant huit années d’école primaire et quatre années de lycée. Initiation au raisonnement critique et analytique, hausse du budget à l’éducation et décentralisation ont fait le reste

En effet, les enseignants sont libres de choisir méthodes et supports pédagogiques, du moment que les objectifs sont atteints.

Plusieurs ombres au tableau à l’horizon 2023 cependant… D’une part, ladite réforme a été détricotée depuis l'arrivée du parti conservateur au pouvoir D’autre part, le système éducatif est devenu très concurrentiel, avec une obsession des classements entre écoles et régions.

Enseignement supérieur : un désengagement de l’Etat ?

En octobre 2022, un collectif de plus de 1000 enseignants-chercheurs du supérieur dénonçait le désengagement moral et financier de l’Etat, deux ans après l’adoption de la loi de programmation de la recherche (LPR). Didier Chaulier, fondateur du cabinet conseil d’orientation Orin, ancien professeur de Sciences Economiques et Sociales et ancien proviseurdulycéeEIB,faitunemiseaupoint.

Casse Ton Cliché : Quid du désengagement de l’Etat dans l’enseignement supérieur ?

Filières littéraires, la voie de garage ?

La mauvaise réputation des humanités n’a rien de nouveau sous le soleil…

Selon le journal l’Etudiant, 62% des élèves de seconde souhaitaient s’orienter, en 2018, vers la spécialité « maths » Parmi les autres options, une délaissée Humanité, Littérature et Philosophie (HLP) n’attirait en effet que 3% des jeunes

Ce délaissement teinté de mépris est-il propre à la génération Alpha ? Selon Lilah Pinto-Kadouri, élève en master 1 à La Sorbonne, les littéraires étaient déjà discriminés avant la réforme du bac.

En effet, les filières littéraires sont traditionnellement bien souvent déconsidérées, synonymes d’un choix par défaut ou d’une orientation offrant peu d’opportunités. Selon Didier Chaulier, fondateur du cabinet conseil d’orientation Orin, ancien professeur et directeur du lycée EIB, cette mauvaise réputation « remonte à très loin. Avant les baccalauréats S, ES et S, il y avait les baccalauréats C, D, B et A. Le choix se faisait par défaut : si on ne pouvait pas faire C, on faisait D, sinon B et ainsi de suite.

A cette époque, être dans un bac littéraire A ne signifiait pas qu’on était bon en Lettres mais qu’on n’était pas bon en maths. Pour mémoire, au début du XXe siècle, la référence était les Lettres. Les choses évoluent en permanence. »

Danslemondeactuel,lesprofilshumanistessontplus recherchés par les recruteurs, en quête de profils de qualitévoired’excellence. « Si vous voulez obtenir un poste de manager par exemple, il vous sera demandé d’avoir des capacités de management, des capacités humaines », précise Didier Chaulier.

Les spécialités littéraires sont-elles en passe de se débarrasser de leur spectre funeste ? Les appétences pour telle ou telle matière vont-elles cesser d’être mises dos à dos ? Les mots de l’astrophysicien et chercheur au CNRS Roger-Maurice Bonnet qui, en 2002, disait « Le XXIe siècle sera humaniste, ou ne sera pas » donne envie d’y croire. Ce dernier est déjà bien entamé.

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Didier Chaulier : Le débat est ici complexe car l’État investit beaucoup, notamment financièrement, dans l’enseignement supérieur, et dans l’enseignement en général.

La massification scolaire a entrainé une augmentation du nombre de bacheliers, donc du nombre d’étudiants dans le supérieur. Les taux de réussite du nouveau baccalauréat général ne font que conforter cela. Plus d’étudiants, plus d’enseignants, plus de locaux, plus, plus, plus… plus de dépenses… Notre système n’a pas pris en compte cette évolution.

Au début du XXème siècle la différence, entre les diplômés et les non diplômés, commençait dès la fin du primaire, puis ce fut à la fin du collège, puis du lycée… Quand vous passez de 30% d’une génération au niveau bac, à 80% ou plus, l’impact sur le financement du supérieur est évident… D’autant plus quand les générations concernées par cette évolution sont celles du baby-boom… Pour être clair, je ne pense pasqu’ilyaitunelogiquedélibéréededésengagement, moral ou financier, il y a un problème de financement des priorités. Sans rentrer dans un autre débat, la question serait peut-être finalement : « Dans quelle société souhaitons-nous vivre ? »

Education Avril 2023
Hannah Dalby – 2de2

« Défense de filmer » : l’ouïe acérée

Révéler sans montrer, pour protéger… Tel est le projet du podcast « Défense de filmer », lancé par Brut en 2021. Du harcèlement au Sénat à l’esclavage moderne, en passant par les nettoyeurs du web, la journaliste Clémence Olivier nous emmène dans les coulisses de ce média à éthique sans étiquette.

Casse Ton Cliché (CTC) : Expliquez-nous le concept de « Défense de filmer » ?

Clémence Olivier : « Défense de filmer » est un podcast journalistique d’enquête hebdomadaire, produit avec le média Brut et le studio de podcast Paradiso Médias, diffusé exclusivement sur Spotify. Le point de départ a été de se dire qu’on voulait faire entendre des histoires qu’on ne pouvait pas montrer. C’est à dire donner la parole à des personnes quin’accepteraientpasd’être filmées, soitparceque le sujet est trop intime, soit parce que leur témoignage pourrait les mettre en danger. Pour donner un exemple, l’enquête sur les personnes LGBTQIA+ au Qatar a permis de dévoiler des témoignages rares et presque impossibles à obtenir, car la surveillance des autorités est très importante dans l'Émirat. Et les relations entre personnes de même sexe peuvent valoir la prison voire la peine de mort.

CTC : En quoi le podcast est-il innovant ?

Clémence Olivier : Je pense que son innovation tient à sa forme. On y trouve à la fois un dialogue entre un journaliste de Brut et un journaliste qui a mené l’enquête, mais aussi des éléments de reportages, des interviews, des récits. Quant aux enquêtes, elles se distinguent, par leur longueur, de celles que l’on peut retrouver à la radio. Aujourd’hui, il est relativement rare de consacrer 20 minutes à une enquête journalistique en format radio, même si le format existe. Je pense notamment à l’émission « Interception » sur France Inter

CTC : Racontez-nous la genèse d’une émission type ?

Clémence Olivier : Pour le choix des sujets, il y a plusieurs étapes. L’équipe de journalistes/producteurs de Paradiso Media dont je fais partie se réunit pour proposer des sujets. Comme dans une conférence de rédaction d’un média traditionnel, nous débattons des sujets proposés, de leur intérêt, s’ils correspondent à l’angle du podcast. Nous les proposons ensuite à Brut et à Spotify.

Une fois que tout le monde est d’accord, le journaliste va alors mener l’enquête, chercher et contacter les personnes qu’il souhaite interroger, les enregistrer avec son micro, ou dans nos studios. Cette étape peut prendre beaucoup de temps, plusieurs semaines voire plusieurs mois en fonction des sujets. Il faut trouver les bons témoins, qu’ils acceptent de parler, vérifier les informations et effectuer des recherches pour agrémenter l’épisode.

Une fois la matière sonore récoltée, le journaliste nous livre une première version du script de son épisode. Après relecture, ce dernier est envoyé à Brut pour aval S’ensuit l’enregistrement des éléments off du podcast en studio avec l’enquêteur et un journaliste de Brut. Enfin, un réalisateur les récupère et compose l’épisode en suivant le script. Il ajoute les musiques, supprime les respirations, les bruits de bouche, rajoute des sons d’ambiance, etc.

CTC : Quels sont les avantages et les inconvénients de travailler sur ce type de format ?

Clémence Olivier : Il n’est pas toujours simple d’anticiper notre programmation. Le temps de l’enquête est parfois aléatoire, il faut savoir s’adapter, décaler un épisode si besoin. Il y a donc des moments calmes et des moments d’activité intense.

Niveau avantage, le format offre beaucoup de possibilités. Il est possible de mener

des enquêtes sur des sujets très variés et de travailler les sujets en profondeur, de laisser les gens s’exprimer longuement. C’est un vrai luxe.

CTC : Que pensez-vous de la pratique du métier de journaliste aujourd'hui ?

Clémence Olivier : Je pense que c’est un métier qui, de prime abord, peut faire rêver mais qui est souvent très difficile car c’est un métier de contraintes. Les journalistes commencent tôt, finissent tard, travaillent le week-end et ne comptent pas leurs heures. Les jeunes journalistes peinent souvent à obtenir un contrat durable en début de carrière et nombreux peinent à vivre de cette activité. Cela est lié à la situation économique des médias qui du coup embauchent peu ou à des prix parfois très bas. Cela précarise la profession.

Cela étant dit, je trouve que c’est un métier fabuleux et nécessaire. Le journaliste a selon moi une mission d’intérêt général : informer le grand public, décrypter la société et le monde en mouvement, dénoncer les dérives, combattre les fausses informations.

CTC : Que pensez-vous de l'importance grandissante des nouvelles technologies et d'Internet dans le domaine de la presse ? Est-ce la condition sine qua non pour atteindre un public jeune ?

Clémence Olivier : Il me semble qu’il est aujourd’hui indispensable d’être présent surInternetetles réseaux sociaux en tantque média afin de toucherun jeune public moins consommateur de presse, de radio ou de télévision. Le vrai défi, selon moi, est de réussir à proposer des formats innovants, adaptés à ces plateformes mais qui ne bradent pas pour autant l’information.

CTC : Un cliché sur le métier que vous aimez ? Que vous n'aimez pas ?

Clémence Olivier : Le cliché que j’aime, c’est le côté baroudeur, curieux. Même si tous ne traversent pas la planète, je crois que la plupart ont cette envie de raconter le monde et une curiosité pour les autres.

Le cliché que je n’aime pas, c’est celui du journaliste menteur, dont la parole serait dictée par le gouvernement ou je ne sais quel lobby.

Tous les journalistes ne sont pas irréprochables mais la très grande majorité tâche d’effectuer leur travail au mieux, de peser les mots, de vérifier les informations. Le manque de confiance dans la presse me désole.

CTC : Un moment dans votre carrière où vous vous êtes fondamentalement dit "le journalisme, c'est ça" ?

Clémence Olivier : Je pense à l’épisode de « Défense de filmer » sur les modérateurs sur les réseaux sociaux. Je raconte comment ces hommes et ces femmes, qu’on appelle les nettoyeurs du web, passent leur journée à supprimer les vidéos violentes. J’ai donné la parole à plusieurs d’entre eux qui m’ont raconté la difficulté de leur profession si nécessaire, pourtant méconnue et mal considérée. En expliquant le rôle des plateformes, des sous-traitants et la réalité de leurs conditionsdetravail,j’aieulesentimentd’avoirétéparticulièrementutile.J’espère avoir ouvert les yeux de quelques auditeurs.

Retrouvez « Défense de filmer » sur Spotify toutes les semaines en accès libre

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Médias Avril 2023
Casse Ton Cliché Louise Miniconi – 2de2

En visite chez Mallory Gabsi

Il vient tout juste d’être auréolé d’une première étoile au guide Michelin 2023

Elu également Jeune Chef de l’année et récompensé par le prix "Grand de demain" du guide France Gault & Millau, Mallory Gabsi nous parle de sa vision de la gastronomie. Une rencontre entre voisins, entre deux services.

Dans un futur proche, il est question d’ouvrir un restaurant éphémère l’été prochain et peut-être faire l’ouverture du festival de Cannes. J’aimerais aussi développer ma friterie « 140° » sur Paris, hors de Bruxelles

CTC : Pour en revenir au thème du journal, de quel type de gastronomie vous inspirez-vous ?

Mallory Gabsi : En général, je ne regarde pas ce que font les autres, je fais ce qui me passe par la tête.

Par contre, si je découvre un certain aliment en voyageant ou en allant dans un autre restaurant, cela me donne envie de le travailler.

Par exemple, j’adore la cuisine libanaise Sur certains plats de mon restaurant, nous mettons des épices du Liban, sans pour autant proposer des plats typiques du pays.

Vin en biodynamie… Un nouveau souffle sans soufre

Selon les derniers chiffres de 2020, 17% des vignes sont cultivées en bio, avec une croissance de 22% par rapport à 2019 Éric Billhouet, qui a repris la gestion de l’entreprise familiale en 2007, fait partie de cette nouvelle génération en quête de naturel Direction le domaine de Garancille,aucœurdela Charente

Il incarne la huitième génération de l’entreprise familiale, créée en 1775 Depuis 2010, Éric Billhouet est à la tête du domaine de Garancille, une exploitation viticole de 65 hectares, située sur l’une des terres les plus prestigieuses de la Charente : la Grande Champagne « A l’origine, la maison ne produisait que du cognac », explique-t-il. La crise du spiritueux à la fin des années 1990 amène le père d’Éric Billhouet, Henri, à diversifier la production Merlot, Cabernet Sauvignon et Sauvignon gris s’ajoutent sur les coteaux pour produire des vins rouge, blanc, rosé et même pétillants. Il y a dix ans, Éric Billhouet repense totalement sa manière de traiter la vigne, éprouvée par plus d’un siècle d’utilisation de fongicides et d’insecticides. Cette viticulture, dite conventionnelle, privilégie en effet le soufre (ou sulfites) pour tuer certaines levures et bactéries (mildiou, oïdium, botrytis) jugées indésirables et protéger le vin de l’oxydation Si les vignerons utilisent ce produit depuis 1850, une génération grandissante d’exploitants mise, depuis les années 2010, sur l’agriculture raisonnée et la biodynamie.

Casse Ton Cliché (CTC) : Comment vous est venu l’envie de cuisiner ?

Mallory Gabsi : C’est assez simple, j’aimais beaucoup regardermesgrands-parentscuisineràlamaisonquand j’étais petit. Souvent, quand mes parents et ma famille discutaient,jepréféraistournerdanslescasserolesavec ma mamie, qui n'était pas cuisinière mais qui m’a quand même appris à manier les différents outils, à connaitre et à aimer la cuisine.

CTC : Expliquez-nous votre parcours…

Mallory Gabsi : J’ai commencé la cuisine à l’école hôtelière quand j’avais 12 ans, c’était mon choix. J’ai changé plusieurs fois d’école, je me suis fait virer, puis j’ai commencé à faire des stages.

C’est d'ailleurs grâce aux stages que j’ai vraiment pris goût à la cuisine. J’ai arrêté l’école un an en avance pour travailler dans des restaurants étoilés. Le but était de me construire un bon CV sans nécessairement avoir besoin de diplôme. J’ai alterné dans plusieurs grands restaurants en France et en Belgique. Top chef est ensuite arrivé assez vite, ce qui m’a permis d’appréhender une dimension complètement différente de la cuisine dont j’avais l’habitude.

CTC : Quels conseils donneriez-vous à des jeunes qui aspireraient à devenir chef ?

Mallory Gabsi : Si je peux prodiguer des conseils simples, ce serai déjà de ne pas être timide ou gêné de faire le choix de ce métier. Peu importe la voie que l’on choisit, il faut s’écouter, essayer d’être le meilleur et toujours avoir confiance en soi. Sans non plus prendre la grosse tête !

Il faut aussi, je pense, écouter les conseils des autres, les observer, sans jamais faire comme eux.

CTC : Quels sont vos projets futurs ?

Mallory Gabsi : Ici, rue des Acacias, c’est un restaurant qui marche très bien, avec une équipe jeune, passionnée et motivée donc c’est déjà une grosse responsabilité pour moi. Des projets futurs, il y en a plein, mais je veux y alle doucement. Après tout, je n’ai que 26 ans.

CTC : Une culture culinaire préférée ?

Mallory Gabsi : Je ne pense pas que certains pays cuisinent mieux que d’autres. Mais c’est vrai que j’aime beaucoup la cuisine espagnole, avec les tapas. Tous ces pays où tu vas mettre de la cuisine au milieu de la table, où tu partages plein de petits plats avec les autres, j’aime beaucoup. J’adore aussi toute la cuisine du Moyen-Orient et aussi la cuisine asiatique

CTC : De bonnes adresses à nous conseiller dans Paris ?

Mallory Gabsi : Dans le quartier, il y a un nouveau restaurant qui a ouvert, ça s’appelle Vive (62 avenue des Ternes, 75017 Paris). C’est du poisson hyper qualitatif, c’est vraiment bon Côté cuisine d’ailleurs, je recommande le restaurant thaïlandais Moom Mam (19 rue de Mogador, 75009 Paris). C’est délicieux

Adresse : Mallory Gabsi, 27 rue des Acacias, 75017 Paris.

Horaires :dumardiausamedi12h15à13h15|19h30 à 21h15 A partir du 8 mai 2023, le restaurant sera ouvert du lundi au vendredi inclus et fermé le samedi. Rens. & réservations : www.mallory-gabsi.com

De l’éco-pâturage à l’apiculture

A Garancille, le modèle est à la fois simple et innovant : Éric Billhouet s’est associé à un fermier du coin qui amène paître sur les parcelles ses moutons nains. De voraces moutons d’Ouessant, assez petits (50 cm) pour passer sous les fils sans s’y frotter ce qui abîmerait la récolte future et tout aussi léger, évitant ainsi le tassement des sols « L’éco-pâturage permet de désherber et de fertiliser les sols de façon neutre, sans ajout de produits chimiques, sans aucun coût et dans un rapport solidaire avec un autre agriculteur. Résultat ? Un équilibre sain des sols et la production de vins naturels »

Certifié Haute Valeur Environnementale (HVE) depuis 2017 sur l’intégralité de son vignoble, Éric Billhouet vise pour 2023 la certification Agriculture Biologique (AB).

Plus de 800 arbres ont également été plantés depuis le début d’année sur la propriété afin de développer la biodiversité. L’entreprise entend aussi réduire son empreinte carbone en ne se déplaçant qu'en Charente. Enfin, la part belle est faite à l’apiculture Éric Billhouet en est convaincu : « si les abeilles de ses ruches produisent du miel, c’est qu’elles sont heureuses. Si elles sont heureuses, c’est que l’environnement est salutaire et donc, que je fais bien mon travail ». A noter : le miel bio est seulement vendu aux clients venant sur place et les revenus sont versés à une association. Et des clients, il y en a. L’œnotourisme représente actuellement 15% du chiffre d’affaires du domaine.

2023
Gastronomie Avril
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Souvenirs, souvenirs...

Au cours de l’année, les élèves de M. Bissonnet, professeur de lettres, ont travaillé sur Sidoet Les vrillesdelavigne , de Colette La consigne ? Racontez un souvenir heureux de votre enfance à la manière de l’écrivain. Morceaux choisis.

Les inspirés Avril 2023
Casse Ton Cliché
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Panorama des expressions du monde

Nos reporters en herbe ont traqué les formules insolites auprès de leurs camarades. Place à la récolte.

Lang may yer lum reek. : « Que ta cheminée fume longtemps » (Ecossais)

Souhait traditionnel écossais pour la longévité et la prospérité. Si la cheminée marche longtemps, la famille se réunissant autour vivra en bonne santé et heureuse pendant de nombreuses années. L'expression fait référence à l'importance de la cheminée dans les maisons écossaises traditionnelles, qui était le centre de la maison et fournissait chaleur et nourriture.

Alexandre Maclean

équilibrée, où l'esprit et le corps sont en harmonie. Pour cela, évitez le stress et cultivez des émotions positives !

Kalisté Jomin

הסאב הזיא (Eize bassa) : « Quelle tristesse / Quel ennui » (Hébreu)

Expression de l'exaspération, de la déception ou de la frustration face à une situation désagréable, un imprévu ou un contretemps.

Noam Kriss

In bocca al lupo : « Être dans la gueule du loup » (Italien)

Les Italiens l’utilisent normalement pour se souhaiter bonne chance, particulièrementavantun examen ouun événementimportant. On yrépond « crepi il lupo », ce qui, dans ce contexte, signifie « merci ».

Ewan Battersby-Tosi

Es het so langs s het : « Il est aussi longtemps qu'il est » (Suisse-Allemand)

Cette expression est utilisée pour signifier que quelque chose va durer aussi longtemps qu'il le faut. Elle souligne l'importance de la patience et de l'endurance dans la vie, et encourage les gens à être persévérants et à ne pas abandonner face aux obstacles.

Alrick Servais

No hay mal que por bien no venga : « Il n'y a pas de mal qui ne vienne pour un bien » (Espagnol)

Mêmelessituations lesplus difficilespeuventfinalementconduireàquelquechose de positif. L’expression encourage les gens à être optimistes et à voir les défis comme des opportunités pour grandir et évoluer

Elie Surman

Векживи,век учись (Vek zhivi, vek uchis) : « Vis pendant un siècle, apprends pendant un siècle » (Russe)

Voici un encouragement à la persévérance dans l'apprentissage et la formation tout au long de la vie. Elle signifie que l'on devrait toujours chercher à apprendre de nouvelles choses et à acquérir de nouvelles compétences, même à un âge avancé.

Alexandre Reynaud-Lacroze

窍不通 (yī qiào bù tōng): « Je ne sais pas » (Mandarin)

En français, traduire par “c’est du chinois”. Cette expression est toujours amusante à expliquer à un natif. En plus, il est facile de l’utiliser en situation réelle pour accentuer le fait que tu ne comprends VRAIMENT rien à quelque chose.

Ești varză : « Vous êtes un chou » (Roumain)

En Roumanie, si vous n’avez aucune connaissance sur un domaine particulier, on vous dira « vous êtes un chou » Si l’équivalent est une expression affectueuse en français, dans ce cas-ci, la signification est péjorative.

Ghorboonet Beram : « Je t’aime » (Persan)

Mais très très très fort. Se dit dans un cadre familial, particulièrement à ses enfants.

Lily Danai & Leily Fleury

Jakkai trou met wolf se vrou : « Le renard épouse la femme du loup » (Afrikaans)

Se dit lorsqu’il pleut et que le soleil brille en même temps.

木漏れ日(Komorebi): Intraduisible (Japonais)

Côme Boutet

Ce mot fait référence à la lumière du soleil qui filtre à travers les feuilles des arbres mais laisse entendre que la beauté infinie de la nature est destinée à être appréciée, même dans ses moindres détails.

Côme Boutet

Le prochain numéro du journal du lycée (2023-2024) sera consacré au cliché suivant : « Homme au boulot, femme aux fourneaux »

Nous recherchons déjà des rédacteurs, dessinateurs, photographes, ainsi que des bonnes idées Rejoignez l’équipe !

Dar um jeito : « Trouver un moyen » (Portugais)

On va trouver une solution ! L’expression est fortement utilisée au Brésil. Elle souligne l'importance de la créativité et de l'ingéniosité dans la résolution de problèmes

Ruben Duarte e Silva Romud

Νους υγιής εν σώματι υγιεί (Nous ygiis en somati ygiei) : « Un esprit sain dans un corps sain » (Grec)

Une phrase souvent utilisée pour souligner l'importance d'une vie saine et

The end Avril 2023
Casse Ton Cliché
Raining cats and dogs ©Babel
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