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Les meilleures écoles sont-elles à l’étranger ?
Etudier à l’étranger, miroir aux alouettes ou option à considérer pour bénéficier d’une formation de qualité ? Didier Chaulier, fondateur du cabinet de conseil orientation Orin, ancien professeur de Sciences Economiques et Sociales et ancien proviseur du lycée EIB, répond à nos questions
Casse Ton Cliché (CTC) : Avons-nous à rougir de nos grandes écoles et universités, comparé à l’international ?
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Didier Chaulier : NON ! Nous n’avons pas à rougir de nos formations d’excellence. Nous formons d’excellents chercheurs, ingénieurs, managers… La recherche française reste une recherche de qualité reconnue au niveau international. Mais, évidemment, reste le problème de son financement. En revanche, en ce qui concerne la compétitivité des universités et grandes écoles françaises, tout dépend des critères utilisés pour les classements. Par exemple, le classement de Shangaï, sans entrer ici dans les détails, prend en compte la taille des établissements. C’est pour cela que les regroupements et la création de pôles comme les Universités Paris Cité, Sorbonne Université, PSL… ont entrainé des remontées dans ce classement. Par ailleurs, si nous prenons le classement des formations en Management du Financial Times, on retrouve 4 Masters in Management français dans le Top 10 mondial…
Notre système permet de faire parfaitement réussir nos excellents étudiants. Nos écoles de commerce, d’ingénieurs sont très recherchées par les étudiants étrangers. Là aussi, la question est ailleurs : ils sont formés en France. Pourquoi un certain nombre d’entre eux partent-ils ensuite faire de la recherche autre part ?
CTC : Dans quels domaines la France est-elle à la traîne ou excelle-t-elle ?
Didier Chaulier : Le retard de la France n’est pas là où nous l’attendons. Je ne reviendrai pas sur la reconnaissance internationale de nos formations d’excellence. Mais les autres ? L’écart s’est créé et continue de se creuser entre une « élite scolaire » et les autres. « L’élite scolaire » est la face visible de l’iceberg. Nous avons tout intérêt à communiquer, au niveau international sur l’excellence de ces formations. Mais à côté de cela, au niveau national, nous manquons de personnes dans différents secteurs d’activité comme l’hôtellerie-restauration ou l’artisanat, par exemple. Ce n’est pas un problème de formation mais de reconnaissance sociale, dont la rémunération est un des aspects.
CTC : Quid des fameuses mathématiques mises en avant par le classement de Shanghai ?
Didier Chaulier : Comme dans tous les classements, la questions des critères se posent. Nos élèves sont « mauvais en maths », si l’on prend les résultats du programme PISA de l’OCDE.
Pourtant nous avons régulièrement des lauréats de la médaille Fields, la plus prestigieuse récompense en mathématiques avec le prix Abel, considérée comme équivalente à un prix Nobel Ce fut le cas, encore en 2022, avec un pur produit de notre système éducatif français… 6 médaillés Fields français sur les 20 dernières années : aucun pays n’a fait mieux : pas mal pour des « nuls en maths » (11 « médaillés Fields » sont d'anciens élèves de l'École normale supérieure (ENS) de Paris. Ceci ferait de l’ENS la première institution du palmarès si le classement portait sur l'établissement d'origine des médaillés et non le lieu d'obtention. Au total, on compte 15 Français médaillés, ndlr).
CTC : Les universités et grandes écoles françaises font elles rêver les étudiants étrangers ?
Didier Chaulier : Oui ! Certaines pour la qualité et la reconnaissance de leur diplôme - les grandes écoles de commerce parisiennes parexemple, d’autres pour leur nom et leur histoire, comme La Sorbonne
CTC : A l’issue du secondaire, est-il mieux d’aller étudier directement à l’étranger ou de rester en France ? Que permet l’un et l’autre ?
Didier Chaulier : Il n’y a pas de bons ou de mauvais parcours. Un bon parcours, c’est celui où vous réussissez, que ce soit en France, en Classe Préparatoire aux Grandes Ecoles (CPGE), en université, en Bachelor Universitaire de Technologie (BUT)…, ou à l’étranger. Un « bon » parcours doit reposer sur : a. les appétences ; b. les compétences ; c. les attendus
En revanche, le choix d’un parcours d’études à l’étrangerme semble être personnel et familial. Enfin, attention, le choix doit être positif, réfléchi et doit s’inscrire dans une stratégie d’orientation. On ne va pas à l’étranger par défaut.
Une Américaine à Paris
Professeur d’anglais au lycée EIB Etoile, Effie Gonis a fait ses études aux Etats-Unis et en France. Elle nous parle de son vécu des deux systèmes universitaires.
« J’ai effectué mon bachelor de Littérature comparée en Californie, dans une université publique, avec un semestre d’échanges en France. Une fois à Paris, je me suis inscrite en Master avant de retourner aux Etats-Unis pour un PhD à Harvard Au bout de trois ans, je suis revenue en France en 2017 afin de poursuivre mon travail de thèse.
Sur les différences entre le système américain et le système français, je dirai déjà que le niveau du premier n’est pas meilleur. Les élèves sont certes très bons. Cependant, ce qui fait le prestige des universités n’est pas la qualité d’enseignement des professeurs mais plus ce qu’ils peuvent apporter à l’université en tant que chercheurs. Les grands noms sont très recherchés et les universités – Ivy League en tête – ont les moyens de les engager De manière générale, la compétition interuniversitaire est énorme aux Etats-Unis
Pour revenir à l’enseignement, certaines choses sont identiques, telles que les amphis bondés. A l’inverse, le domaine littéraire est beaucoup plus dévalorisé aux US qu’en France. Dans l’Hexagone, l’attitude des élèves de licence est beaucoup plus timide en classe et la dimension professionnalisante du rapport avec les professeurs n’intervient qu’au niveau Master.
L’une des grandes différences est aussi, à mon sens, le fait que les études supérieures aux Etats-Unis sont plus considérées comme un moment dédié à la découverte de soimême, qui on est et qui on veut être. Partir loin peut être l’occasion de sortir de sa zone de confort, de rencontrer des gens de milieux très différents et de voir à quel point on est capable de se débrouiller seul. »
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Casse Ton Cliché
Stanislas Lecocq – 1ère4 & Arnaud Llinares – 1ère3
Enseignement : quel modèle envier ?
Selon le classement PISA de l’OCDE, l’école française, si elle produit de très bons élèves, reste l'une des plus inégalitaires au monde, avec un niveau d’indiscipline préoccupant. Mais de quel modèle étranger la France peutelle s’inspirer ? Décryptage de quatre systèmes d’enseignement, parmi le top 10.
La Chine
Elle est la meilleure élève du Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves (PISA) de 2018, publiée tous les trois ans, qui évalue depuis 2000 les compétences en sciences, mathématiques et compréhension de l'écrit des élèves de 15 ans
En Chine, l’éducation est au centre des priorités. La clé de la réussite ? Des formations de qualité pour des enseignants très valorisés par la société, avec des salaires attractifs mais aussi des investissements dans les établissements en difficulté
Le système éducatif chinois étant très compétitif, les élèves passent de nombreuses heures en classe - 35 heures chaque semaine, plus les cours particuliers et les activités extra-scolaires - et ont beaucoup de devoirs à faire à la maison.
Exigence de résultats et discipline font loi.
A noter : 1/5e des enfants du pays sont scolarisés dans le privé. Une école internationale coûte en moyenne 20 000 euros par an et peut aller jusqu’à 35 000 euros.
Le Canada
6e au classement, le Canada place la réussite du plus grand nombre et « l'apprentissage par résolution de problèmes » au centre de son fonctionnement Cette manière d’apprendre, en place depuis les années 1980, met les élèves face à des problèmes assez complexes, pas forcément en rapport avec ce qu'ils viennent d'assimiler en classe. Ils doivent être capables de mobiliser plusieurs compétences simultanément.
Il n’y a pas de culture du contrôle. La finalité de l’enseignement n'est donc pas le résultat mais bien l'apprentissage
De même, lorsque des élèves sont en difficultés, le budget et le personnel sont renforcés. Au Québec, il n’est pas rare de voir orthophonistes, éducateurs, psychologues et conseillères d'orientation parmi le personnel encadrant.
La Finlande
Le pays des Mille lacs est souvent considérée comme l'un des meilleurs systèmes éducatifs au monde. 7e au classement, l'éducation en Finlande est gratuite et obligatoire pour tous les enfants âgés de 6 à 16 ans. Liberté créative et développement de l'autonomie des enfants dès le plus jeune âge sont les maîtres-mots, le tout appliqué sur un volume horaire d’une vingtaine d’heures par semaine seulement Il n’y a pas de notes ni de devoirs.
Côté programmes, ces derniers sont le plus souvent croisés entre les matières, instaurant entre des profs, formés tout au long de leur carrière, un travail en collaboration. Le système scolaire finlandais est aussi profondément animé d'un objectif d'égalité des chances. Il n'est cependant pas dépourvu d'élitisme. La sélection à l'entrée du secondaire, des universités est forte, et se fait sur tests.
La Pologne
Depuis 2012, la Pologne est entrée dans le top 10 du classement PISA. Le « miracle polonais » est due à la réforme du système éducatif menée en 1999, qui prévoyait l’introduction des collèges là où le système comprenait avant huit années d’école primaire et quatre années de lycée. Initiation au raisonnement critique et analytique, hausse du budget à l’éducation et décentralisation ont fait le reste
En effet, les enseignants sont libres de choisir méthodes et supports pédagogiques, du moment que les objectifs sont atteints.
Plusieurs ombres au tableau à l’horizon 2023 cependant… D’une part, ladite réforme a été détricotée depuis l'arrivée du parti conservateur au pouvoir D’autre part, le système éducatif est devenu très concurrentiel, avec une obsession des classements entre écoles et régions.
Enseignement supérieur : un désengagement de l’Etat ?
En octobre 2022, un collectif de plus de 1000 enseignants-chercheurs du supérieur dénonçait le désengagement moral et financier de l’Etat, deux ans après l’adoption de la loi de programmation de la recherche (LPR). Didier Chaulier, fondateur du cabinet conseil d’orientation Orin, ancien professeur de Sciences Economiques et Sociales et ancien proviseurdulycéeEIB,faitunemiseaupoint.
Casse Ton Cliché : Quid du désengagement de l’Etat dans l’enseignement supérieur ?
Hannah Dalby – 2de2
Filières littéraires, la voie de garage ?
La mauvaise réputation des humanités n’a rien de nouveau sous le soleil…
Selon le journal l’Etudiant, 62% des élèves de seconde souhaitaient s’orienter, en 2018, vers la spécialité « maths » Parmi les autres options, une délaissée Humanité, Littérature et Philosophie (HLP) n’attirait en effet que 3% des jeunes

Ce délaissement teinté de mépris est-il propre à la génération Alpha ? Selon Lilah Pinto-Kadouri, élève en master 1 à La Sorbonne, les littéraires étaient déjà discriminés avant la réforme du bac.
En effet, les filières littéraires sont traditionnellement bien souvent déconsidérées, synonymes d’un choix par défaut ou d’une orientation offrant peu d’opportunités. Selon Didier Chaulier, fondateur du cabinet conseil d’orientation Orin, ancien professeur et directeur du lycée EIB, cette mauvaise réputation « remonte à très loin. Avant les baccalauréats S, ES et S, il y avait les baccalauréats C, D, B et A. Le choix se faisait par défaut : si on ne pouvait pas faire C, on faisait D, sinon B et ainsi de suite.
A cette époque, être dans un bac littéraire A ne signifiait pas qu’on était bon en Lettres mais qu’on n’était pas bon en maths. Pour mémoire, au début du XXe siècle, la référence était les Lettres. Les choses évoluent en permanence. »
Danslemondeactuel,lesprofilshumanistessontplus recherchés par les recruteurs, en quête de profils de qualitévoired’excellence. « Si vous voulez obtenir un poste de manager par exemple, il vous sera demandé d’avoir des capacités de management, des capacités humaines », précise Didier Chaulier.
Les spécialités littéraires sont-elles en passe de se débarrasser de leur spectre funeste ? Les appétences pour telle ou telle matière vont-elles cesser d’être mises dos à dos ? Les mots de l’astrophysicien et chercheur au CNRS Roger-Maurice Bonnet qui, en 2002, disait « Le XXIe siècle sera humaniste, ou ne sera pas » donne envie d’y croire. Ce dernier est déjà bien entamé.
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Didier Chaulier : Le débat est ici complexe car l’État investit beaucoup, notamment financièrement, dans l’enseignement supérieur, et dans l’enseignement en général.
La massification scolaire a entrainé une augmentation du nombre de bacheliers, donc du nombre d’étudiants dans le supérieur. Les taux de réussite du nouveau baccalauréat général ne font que conforter cela. Plus d’étudiants, plus d’enseignants, plus de locaux, plus, plus, plus… plus de dépenses… Notre système n’a pas pris en compte cette évolution.
Au début du XXème siècle la différence, entre les diplômés et les non diplômés, commençait dès la fin du primaire, puis ce fut à la fin du collège, puis du lycée… Quand vous passez de 30% d’une génération au niveau bac, à 80% ou plus, l’impact sur le financement du supérieur est évident… D’autant plus quand les générations concernées par cette évolution sont celles du baby-boom… Pour être clair, je ne pense pasqu’ilyaitunelogiquedélibéréededésengagement, moral ou financier, il y a un problème de financement des priorités. Sans rentrer dans un autre débat, la question serait peut-être finalement : « Dans quelle société souhaitons-nous vivre ? »
« Défense de filmer » : l’ouïe acérée
Révéler sans montrer, pour protéger… Tel est le projet du podcast « Défense de filmer », lancé par Brut en 2021. Du harcèlement au Sénat à l’esclavage moderne, en passant par les nettoyeurs du web, la journaliste Clémence Olivier nous emmène dans les coulisses de ce média à éthique sans étiquette.
Casse Ton Cliché (CTC) : Expliquez-nous le concept de « Défense de filmer » ?
Clémence Olivier : « Défense de filmer » est un podcast journalistique d’enquête hebdomadaire, produit avec le média Brut et le studio de podcast Paradiso Médias, diffusé exclusivement sur Spotify. Le point de départ a été de se dire qu’on voulait faire entendre des histoires qu’on ne pouvait pas montrer. C’est à dire donner la parole à des personnes quin’accepteraientpasd’être filmées, soitparceque le sujet est trop intime, soit parce que leur témoignage pourrait les mettre en danger. Pour donner un exemple, l’enquête sur les personnes LGBTQIA+ au Qatar a permis de dévoiler des témoignages rares et presque impossibles à obtenir, car la surveillance des autorités est très importante dans l'Émirat. Et les relations entre personnes de même sexe peuvent valoir la prison voire la peine de mort.
CTC : En quoi le podcast est-il innovant ?
Clémence Olivier : Je pense que son innovation tient à sa forme. On y trouve à la fois un dialogue entre un journaliste de Brut et un journaliste qui a mené l’enquête, mais aussi des éléments de reportages, des interviews, des récits. Quant aux enquêtes, elles se distinguent, par leur longueur, de celles que l’on peut retrouver à la radio. Aujourd’hui, il est relativement rare de consacrer 20 minutes à une enquête journalistique en format radio, même si le format existe. Je pense notamment à l’émission « Interception » sur France Inter
CTC : Racontez-nous la genèse d’une émission type ?
Clémence Olivier : Pour le choix des sujets, il y a plusieurs étapes. L’équipe de journalistes/producteurs de Paradiso Media dont je fais partie se réunit pour proposer des sujets. Comme dans une conférence de rédaction d’un média traditionnel, nous débattons des sujets proposés, de leur intérêt, s’ils correspondent à l’angle du podcast. Nous les proposons ensuite à Brut et à Spotify.
Une fois que tout le monde est d’accord, le journaliste va alors mener l’enquête, chercher et contacter les personnes qu’il souhaite interroger, les enregistrer avec son micro, ou dans nos studios. Cette étape peut prendre beaucoup de temps, plusieurs semaines voire plusieurs mois en fonction des sujets. Il faut trouver les bons témoins, qu’ils acceptent de parler, vérifier les informations et effectuer des recherches pour agrémenter l’épisode.
Une fois la matière sonore récoltée, le journaliste nous livre une première version du script de son épisode. Après relecture, ce dernier est envoyé à Brut pour aval S’ensuit l’enregistrement des éléments off du podcast en studio avec l’enquêteur et un journaliste de Brut. Enfin, un réalisateur les récupère et compose l’épisode en suivant le script. Il ajoute les musiques, supprime les respirations, les bruits de bouche, rajoute des sons d’ambiance, etc.
CTC : Quels sont les avantages et les inconvénients de travailler sur ce type de format ?
Clémence Olivier : Il n’est pas toujours simple d’anticiper notre programmation. Le temps de l’enquête est parfois aléatoire, il faut savoir s’adapter, décaler un épisode si besoin. Il y a donc des moments calmes et des moments d’activité intense.
Niveau avantage, le format offre beaucoup de possibilités. Il est possible de mener des enquêtes sur des sujets très variés et de travailler les sujets en profondeur, de laisser les gens s’exprimer longuement. C’est un vrai luxe.
CTC : Que pensez-vous de la pratique du métier de journaliste aujourd'hui ?
Clémence Olivier : Je pense que c’est un métier qui, de prime abord, peut faire rêver mais qui est souvent très difficile car c’est un métier de contraintes. Les journalistes commencent tôt, finissent tard, travaillent le week-end et ne comptent pas leurs heures. Les jeunes journalistes peinent souvent à obtenir un contrat durable en début de carrière et nombreux peinent à vivre de cette activité. Cela est lié à la situation économique des médias qui du coup embauchent peu ou à des prix parfois très bas. Cela précarise la profession.
Cela étant dit, je trouve que c’est un métier fabuleux et nécessaire. Le journaliste a selon moi une mission d’intérêt général : informer le grand public, décrypter la société et le monde en mouvement, dénoncer les dérives, combattre les fausses informations.
CTC : Que pensez-vous de l'importance grandissante des nouvelles technologies et d'Internet dans le domaine de la presse ? Est-ce la condition sine qua non pour atteindre un public jeune ?
Clémence Olivier : Il me semble qu’il est aujourd’hui indispensable d’être présent surInternetetles réseaux sociaux en tantque média afin de toucherun jeune public moins consommateur de presse, de radio ou de télévision. Le vrai défi, selon moi, est de réussir à proposer des formats innovants, adaptés à ces plateformes mais qui ne bradent pas pour autant l’information.
CTC : Un cliché sur le métier que vous aimez ? Que vous n'aimez pas ?
Clémence Olivier : Le cliché que j’aime, c’est le côté baroudeur, curieux. Même si tous ne traversent pas la planète, je crois que la plupart ont cette envie de raconter le monde et une curiosité pour les autres.
Le cliché que je n’aime pas, c’est celui du journaliste menteur, dont la parole serait dictée par le gouvernement ou je ne sais quel lobby.
Tous les journalistes ne sont pas irréprochables mais la très grande majorité tâche d’effectuer leur travail au mieux, de peser les mots, de vérifier les informations. Le manque de confiance dans la presse me désole.
CTC : Un moment dans votre carrière où vous vous êtes fondamentalement dit "le journalisme, c'est ça" ?
Clémence Olivier : Je pense à l’épisode de « Défense de filmer » sur les modérateurs sur les réseaux sociaux. Je raconte comment ces hommes et ces femmes, qu’on appelle les nettoyeurs du web, passent leur journée à supprimer les vidéos violentes. J’ai donné la parole à plusieurs d’entre eux qui m’ont raconté la difficulté de leur profession si nécessaire, pourtant méconnue et mal considérée. En expliquant le rôle des plateformes, des sous-traitants et la réalité de leurs conditionsdetravail,j’aieulesentimentd’avoirétéparticulièrementutile.J’espère avoir ouvert les yeux de quelques auditeurs.
Retrouvez « Défense de filmer » sur Spotify toutes les semaines en accès libre
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Casse Ton Cliché
Adrien Guebey & Alexandre RaynaudLacroze – 2de2
En visite chez Mallory Gabsi
Il vient tout juste d’être auréolé d’une première étoile au guide Michelin 2023
Elu également Jeune Chef de l’année et récompensé par le prix "Grand de demain" du guide France Gault & Millau, Mallory Gabsi nous parle de sa vision de la gastronomie. Une rencontre entre voisins, entre deux services.
Dans un futur proche, il est question d’ouvrir un restaurant éphémère l’été prochain et peut-être faire l’ouverture du festival de Cannes. J’aimerais aussi développer ma friterie « 140° » sur Paris, hors de Bruxelles
CTC : Pour en revenir au thème du journal, de quel type de gastronomie vous inspirez-vous ?
Mallory Gabsi : En général, je ne regarde pas ce que font les autres, je fais ce qui me passe par la tête.
Par contre, si je découvre un certain aliment en voyageant ou en allant dans un autre restaurant, cela me donne envie de le travailler.
Par exemple, j’adore la cuisine libanaise Sur certains plats de mon restaurant, nous mettons des épices du Liban, sans pour autant proposer des plats typiques du pays.
Lou Billhouet – 2de2
Vin en biodynamie… Un nouveau souffle sans soufre

Selon les derniers chiffres de 2020, 17% des vignes sont cultivées en bio, avec une croissance de 22% par rapport à 2019 Éric Billhouet, qui a repris la gestion de l’entreprise familiale en 2007, fait partie de cette nouvelle génération en quête de naturel Direction le domaine de Garancille,aucœurdela Charente
Il incarne la huitième génération de l’entreprise familiale, créée en 1775 Depuis 2010, Éric Billhouet est à la tête du domaine de Garancille, une exploitation viticole de 65 hectares, située sur l’une des terres les plus prestigieuses de la Charente : la Grande Champagne « A l’origine, la maison ne produisait que du cognac », explique-t-il. La crise du spiritueux à la fin des années 1990 amène le père d’Éric Billhouet, Henri, à diversifier la production Merlot, Cabernet Sauvignon et Sauvignon gris s’ajoutent sur les coteaux pour produire des vins rouge, blanc, rosé et même pétillants. Il y a dix ans, Éric Billhouet repense totalement sa manière de traiter la vigne, éprouvée par plus d’un siècle d’utilisation de fongicides et d’insecticides. Cette viticulture, dite conventionnelle, privilégie en effet le soufre (ou sulfites) pour tuer certaines levures et bactéries (mildiou, oïdium, botrytis) jugées indésirables et protéger le vin de l’oxydation Si les vignerons utilisent ce produit depuis 1850, une génération grandissante d’exploitants mise, depuis les années 2010, sur l’agriculture raisonnée et la biodynamie.
Casse Ton Cliché (CTC) : Comment vous est venu l’envie de cuisiner ?
Mallory Gabsi : C’est assez simple, j’aimais beaucoup regardermesgrands-parentscuisineràlamaisonquand j’étais petit. Souvent, quand mes parents et ma famille discutaient,jepréféraistournerdanslescasserolesavec ma mamie, qui n'était pas cuisinière mais qui m’a quand même appris à manier les différents outils, à connaitre et à aimer la cuisine.
CTC : Expliquez-nous votre parcours…
Mallory Gabsi : J’ai commencé la cuisine à l’école hôtelière quand j’avais 12 ans, c’était mon choix. J’ai changé plusieurs fois d’école, je me suis fait virer, puis j’ai commencé à faire des stages.
C’est d'ailleurs grâce aux stages que j’ai vraiment pris goût à la cuisine. J’ai arrêté l’école un an en avance pour travailler dans des restaurants étoilés. Le but était de me construire un bon CV sans nécessairement avoir besoin de diplôme. J’ai alterné dans plusieurs grands restaurants en France et en Belgique. Top chef est ensuite arrivé assez vite, ce qui m’a permis d’appréhender une dimension complètement différente de la cuisine dont j’avais l’habitude.
CTC : Quels conseils donneriez-vous à des jeunes qui aspireraient à devenir chef ?
Mallory Gabsi : Si je peux prodiguer des conseils simples, ce serai déjà de ne pas être timide ou gêné de faire le choix de ce métier. Peu importe la voie que l’on choisit, il faut s’écouter, essayer d’être le meilleur et toujours avoir confiance en soi. Sans non plus prendre la grosse tête !
Il faut aussi, je pense, écouter les conseils des autres, les observer, sans jamais faire comme eux.
CTC : Quels sont vos projets futurs ?
Mallory Gabsi : Ici, rue des Acacias, c’est un restaurant qui marche très bien, avec une équipe jeune, passionnée et motivée donc c’est déjà une grosse responsabilité pour moi. Des projets futurs, il y en a plein, mais je veux y alle doucement. Après tout, je n’ai que 26 ans.
CTC : Une culture culinaire préférée ?
Mallory Gabsi : Je ne pense pas que certains pays cuisinent mieux que d’autres. Mais c’est vrai que j’aime beaucoup la cuisine espagnole, avec les tapas. Tous ces pays où tu vas mettre de la cuisine au milieu de la table, où tu partages plein de petits plats avec les autres, j’aime beaucoup. J’adore aussi toute la cuisine du Moyen-Orient et aussi la cuisine asiatique
CTC : De bonnes adresses à nous conseiller dans Paris ?
Mallory Gabsi : Dans le quartier, il y a un nouveau restaurant qui a ouvert, ça s’appelle Vive (62 avenue des Ternes, 75017 Paris). C’est du poisson hyper qualitatif, c’est vraiment bon Côté cuisine d’ailleurs, je recommande le restaurant thaïlandais Moom Mam (19 rue de Mogador, 75009 Paris). C’est délicieux



Adresse : Mallory Gabsi, 27 rue des Acacias, 75017 Paris.
Horaires :dumardiausamedi12h15à13h15|19h30 à 21h15 A partir du 8 mai 2023, le restaurant sera ouvert du lundi au vendredi inclus et fermé le samedi. Rens. & réservations : www.mallory-gabsi.com
De l’éco-pâturage à l’apiculture
A Garancille, le modèle est à la fois simple et innovant : Éric Billhouet s’est associé à un fermier du coin qui amène paître sur les parcelles ses moutons nains. De voraces moutons d’Ouessant, assez petits (50 cm) pour passer sous les fils sans s’y frotter ce qui abîmerait la récolte future et tout aussi léger, évitant ainsi le tassement des sols « L’éco-pâturage permet de désherber et de fertiliser les sols de façon neutre, sans ajout de produits chimiques, sans aucun coût et dans un rapport solidaire avec un autre agriculteur. Résultat ? Un équilibre sain des sols et la production de vins naturels »
Certifié Haute Valeur Environnementale (HVE) depuis 2017 sur l’intégralité de son vignoble, Éric Billhouet vise pour 2023 la certification Agriculture Biologique (AB).
Plus de 800 arbres ont également été plantés depuis le début d’année sur la propriété afin de développer la biodiversité. L’entreprise entend aussi réduire son empreinte carbone en ne se déplaçant qu'en Charente. Enfin, la part belle est faite à l’apiculture Éric Billhouet en est convaincu : « si les abeilles de ses ruches produisent du miel, c’est qu’elles sont heureuses. Si elles sont heureuses, c’est que l’environnement est salutaire et donc, que je fais bien mon travail ». A noter : le miel bio est seulement vendu aux clients venant sur place et les revenus sont versés à une association. Et des clients, il y en a. L’œnotourisme représente actuellement 15% du chiffre d’affaires du domaine.