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La rédaction 85

Casse Ton Cliché

L’enfer,c’estlesautres

Responsable de projet & rédactrice en chef : Camille Barbe, professeure

Rédacteurs : Terminale : Alanna Black, Alma Carroz-Gribot, Electra Dumeur, Chloé Guyennon-Faris, Célénie Jaegler, Arthur Kidd, Violette Louzier, Alexandre MacLean, Morgane Maucorps, Alrick Servais, Eugénie Catz Parizot, Lucie Chopelin, Ruben Di Stefano, Antoine Jacheet, Dana Nikoukhah, Anthony Yehia, Kenza Alao, Elie Surman, Adrien Guebey, Yannaty Correia, Rose Bertrand, Ina Penone, Sienna Serfaty, Stella Scuotto, Oliana DucosNourisson, Romane Perche, Victoria Attias, Lou Vonnet, Stanislas Bogner-Leclère, Gabriel Nghiem, Eya Frikha, Enzo Lin, Wendy Su, Sarah Cornu, Ethel Amor, Halima Adren, Rosanna Pergament Première: Diane Le Bloas, Alexander Ly, Antonin Perche, Arthur Brun, Antoine Lazuttes, Julie Stark, Emilie Weil, Aksel Fenouil, James Lin, Naomi Pirron, PierreLouis Forêt, Adrien Mazières, Margaux Meyer, Yolla Edde, Amy Ndong, Vanina Blondeau, Victoria Petit, Francisco Ludena, Manon Chevallet, Emmy Mateos, Kristjan Blondal, Chloé Robinson, Valentine Lescure, Capucine Darmouni, Alice Salla, Marie Gagliardi, Maxence Le Bris-Barbleu, Romain Ducos, Charlie-Rose Amico-Gas, Sofia Zunico-Cucalon, Elsa Martignoni, Justin Issa-Beyem, Eve Cuvelier.

Seconde : Eleonora Sophie Orso, Anaïs Boom, Judith Zhang, Marina Mendiharat, Anyssa Bhayat, Alix Leroy, David Burcea-Catuneanu, Leonardo Bellocchio, Elia Bronner-Duboisset, Gabriel Costa, Lucie Dourver Gabrielle Lanher-Jules, Zoë Gilles, Sofia George.

Illustrateurs : Amy N’Dong, Léa Kahvecioglu Sont promues pour l’année 2025-2026… Rédactrice en chef adjointe : Emmy Mateos Directrice artistique : Amy Ndong

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L’édito

C’est un aphorisme, plus qu’un cliché. Néanmoins, lorsque la question du thème du 3e numéro de ce journal s’est posée, il nous a semblé que l’affirmation sentencieuse « L’enfer, c’est les autres » était tout aussi intéressante à détricoter qu’une énième banalité. 1944. Huis Clos, pièce en un acte écrite par Jean-Paul Sartre, est jouée pour la première fois au théâtre du Vieux-Colombier, à Paris. Trois personnages - Garcin, Estelle et Inès - se retrouventpris au piège d’un procèsau cours duquel chacun juge, etest jugé. En guise de torture, le regard de l’autre qui, comme un miroir tendu vers leur atrocité, porte la prunelle dans la plaie Là résiderait la souffrance ultime, à laquelle il serait impossible d’échapper.S’agissantd’individus enconstruction- donc influençables - tels que les jeunes générations, le propos sartrien fait sens. Harcèlement scolaire banalisé, réseaux sociaux saturés, démocratie désincarnée… Plus que jamais, la nécessité d’un cadre, qui soit protecteur et non

carcan, se fait sentir Et avec lui, le besoin de lois pour ceindre sans étouffer, de contrepouvoirs pour limiter sans enfermer, de savoirs éclairés pour contenir sans figer. Equilibreutopiqueinatteignable ? Peut-être…Au quotidien, l’autre est bien souvent un poids qui nous empêche de respirer Pourautant, vivre dans la solitude, coupé du monde, n’est pas une solution viable. Pointe alors l’idée de la nécessité des autres pour prendre conscience de son existence, se construire, se remettre en question, faire ses choix et finalement grandir Courage pour les uns, fatalité pour les autres, se confronter aux yeux-miroirs offre un reflet à sa propre intériorité, constituée de laid mais aussi de beau Celui en face devient ainsi un prisme pour mieux s’assumer, au lieu de se subir ; pour mieux s’apprivoiseretse libérer. Alors, à l’inverse de laparole d’un Garcin gagné par l’effroi, « tous ces regards, qui me mangent… », finissent enfin par nourrir

Remerciements : Un grand bravo aux élèves qui ont participé à l’édition du journal de cette année - entre devoirs, leçons, DST et épreuves du Baccalauréatpour la qualité de leur travail. A tous ceux qui ont donné leur temps, savoir, regard, moments de vie mais aussi contacts et photographies, que ce soit parmi l’équipe pédagogique, les familles des élèves ou les personnes extérieures au lycée, un immense merci ! Une reconnaissance toute particulière est à adresser à M. Poher, M. Khallouk et Mme Pion pour leur soutien dans ce projet. Il en est de même pour l’accord de financement de cette impression papier, qui donne toute sa dimension à notre travail à tous.

La collab’… A Vienne, l’empreinte des absents

Les classes d’Allemand

Claudia Schanze-Cervantes, professeure, a emmené ses élèves sur les pas des juifs de Vienne. Enquête. Pages 5 & 6

Quizz… Quel hateres-tu ?

Ina Penone & Sienna Serfaty

A toi de te tester afin d’identifier ton côté obscur... Introspection. Page 11

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Entretien croisé

La pièce en son théâtre : Entrée en scène, levée de mots !

Roman Zeller & Lily-Iole Yandle-Gamerre

FranckBessonnatetDavidBissonnet,professeursde Lettres à l’EIB Etoile, discutent dramaturgie. Page 25

Pour
en
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En Syrie, les Alaouites à l’heure des représailles

Depuis la chute du régime de Bachar al-Assad en décembre 2024, la communauté alaouite est la cible de violences et d’exactions Grégoire Caston, professeur d’histoire-géographie à l’EIB et diplômé en relations internationales, fait le point sur le sujet

Casse Ton Cliché (CTC) : Qui sont les Alaouites ?

Grégoire Caston : Les Alaouites forment un groupe ethnoreligieux qui représente environ 15% de la population syrienne. Ils vivent essentiellement dans la région littorale du pays, où ils sont majoritaires. Leur religion, que l’on rapproche souvent de l’islam chiite, présente des traits très singuliers : ils sont même considérés comme hérétiques par de nombreux musulmans. Longtemps marginalisés, ils voient leur statut s’améliorer sous le mandat français (1920-1946) : la puissance coloniale, pour asseoir son pouvoir, favorise les particularismes (diviser pour mieux régner !) et accorde aux Alaouites un territoire autonome. En 1970, Hafez al-Assad, un Alaouite, prend les rênes de la Syrie et instaure un régime autoritaire fondé sur des réseaux de fidélité, notamment au sein de sa communauté. Son fils, Bachar, lui succède en 2004.

CTC : Que se passe-t-il pour eux aujourd’hui ?

Grégoire Caston : Depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre 2024 après une décennie de guerre civile,

les Alaouites sont la cible de violences. En mars 2025, une rébellion menée par des partisans de l’ancien régime éclate sur la côte syrienne.

La répression, menée par des groupes armés liés au nouveau gouvernement, donne lieu à des massacres de civils, majoritairement alaouites. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, plus de 1 600 personnes ont été tuées. Des vidéos authentifiées par Le Monde confirment l’implication directe de forces progouvernementales.

La chute du régime a provoqué un vide sécuritaire, favorisant l’émergence de violences entre les communautés. Les Alaouites sont montrés du doigt, car, aux yeux de nombreux Syriens, ils sont associés à la dictature et à ses crimes, ce qui les expose à des représailles. Cette minorité se trouve donc dans une position très vulnérable, dans un climat d’instabilité et de fragmentation du pays.

Le président de la Syrie, Ahmed al-Charaa, s’est engagé à poursuivre les responsables de ces massacres mais certains doutent de la volonté et de la capacité de cet ancien combattant djihadiste à mettre fin aux

Tourisme de masse… Sites, souk and seum

Secteur important de l’économie mondiale pour les uns, source d’ouverture et d’échanges culturels pour les autres, le tourisme n’en finit plus de séduire le monde. Trop de monde…

Les blanches montagnes de l’Himalaya, le Mont Fuji en fleurs, Santorin et ses toits bleutés Derrière ces sites qui sonnent comme autant d’aventures que d’exotismes, se cachent une réalité pesante La pression accrue du tourisme de masse et ses effets

En effet, 95 % des 1, 4 milliards de touristes dans le monde n'explorent que 5 % des régions du globe. Conséquence ? Les lieux les plus visités, à bout de souffle, voient leur équilibre menacé, entre dégradation des sites emblématiques, augmentation des prix entraînant l’exode des habitants et écosystèmes locaux en péril…

Au Machu Picchu, le million de visiteurs annuel a provoqué l’usure des sentiers et l’affaiblissement des fondations de la cité Inca A Venise, les 5 millions de

touristes déséquilibrent l’écosystème de la lagune et saturent les ruelles de la Sérénissime. A Lisbonne, près de 30 % des habitants ont déserté le centre-ville en dix ans

Afin de juguler le flux de personnes, certains pays prennent des mesures drastiques. En Thaïlande, certaines plages sont fermées au public, en raison de la destruction des coraux et de la faune marine Venise a, quant à elle, introduit une taxe d’entrée de 5 euros depuis 2024. Ailleurs, sont imposés des créneaux horaires et visites en nombre limité

La solution demeure toutefois une prise de conscience collective, mettant en avant le « bien voyager », afin d’articuler ouverture sur le monde avec préservation du monde.

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règlements de compte.

CTC : D’autres communautés sont-elles menacées ?

Grégoire Caston : Oui, c’est un risque réel pour les nombreuses minorités syriennes. Fin avril, des tensions communautaires ont de nouveau dégénéré dans la région de Damas, ciblant cette fois la communauté druze. Les chrétiens et les Kurdes expriment également des inquiétudes face à la montée des tensions.

CTC : Les instances internationales peuvent-elles intervenir pour apaiser la situation ?

Grégoire Caston : L’ONU a condamné les violences et appelé à des enquêtes pour identifier et poursuivre les responsables. Toutefois, sa capacité d’action reste limitée. Déjà, durant la guerre civile syrienne (2011–2024), la communauté internationale n’avait pas su protégerles civils des exactions commises par le régime al-Assad et l’Organisation État Islamique. Aujourd’hui, l’attention médiatique et les efforts diplomatiques sont accaparés par d'autres crises majeures, telle en Ukraine.

Kenza Alao – Tale3

L’excision, qu’est-ce que c’est ?

Mutilation génitale féminine (MGF), l’excision est pratiquée dans 31 pays et touche 230 millions de femmes dans le monde. Environ un quart d’entre elles ont moins de 15 ans

L’excision estune mutilation qui consiste en l’ablation totale ou partielle des organes génitaux féminins extérieurs, ou toutes autres lésions de ces organes pour des raisons non médicales.

Beaucoup relient cette pratique aux traditions culturelles et religieuses ayant cours en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient En effet, l’excision est associée à la pureté, à la chasteté et constitue un rite de passage à l'âge adulte. Mais le fait que la pratique se fassedeplusenplustôt,avantl’âgedecinqans,dénote une volonté de contrôle de la sexualité des femmes

Si l’acte mutilateur est majoritairement pratiqué à l’étranger, la France n’est pas à exclure des territoires concernés par cette MGF

Entre 60 000 et 125 000 femmes excisées en France

Dans l’Hexagone, l'étendue actuelle du phénomène n'est pas précisément connue, les derniers chiffres remontant à 2004 et ne concernant que les femmes majeures.Lenombredefemmesexciséesprésentessur le territoire s’élève officiellement à 60 000 mais pourrait atteindre le chiffre de 125 000. Cela s’expliquerait, entre autres, par la féminisation de la populationmigrante Unehausseàl’imagedeschiffres mondiaux, en augmentation de 15% par rapport à 2016. Certains pays enregistrent néanmoins une baisse significative,commelaSierraLeoneoùlepourcentage d'adolescentes de 15à 19 ansayantsubiune mutilation génitale a chuté en 30 ans de 95% à 61%, mais aussi l'Ethiopie, le Burkina Faso, le Kenya.

Pour rappel, en France, la loi punit l’incitation et la pratique de l’excision par des peines allant de cinq à trente ans de prison et une amende comprise entre 100 000 et 150 000 euros. La loi s'applique à l'acte commis à l'étranger si la victime est française ou si, étrangère, elle réside habituellement en France.

Casse Ton Cliché

Kenza Alao – Tale3

Mariama Djelo Barry ou la lutte contre l’excision

Formée à la faculté de médecine de Bucarest, gynécologue obstétricienne à Conakry à partir de 1975, ancienne ministre des Affaires sociales, de la Promotion féminine et de l’Enfance sous le régime d’Alpha Condé, Mariama Djelo Barry est devenue une figure emblématique de la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants en Guinée. Récit d’un combat.

Casse Ton Cliché (CTC) : Comment a commencé votre engagement contre l’excision ?

Mariama Djelo Barry : Il a d’abord commencé avec ma pratique de la médecine. J’étais gynécologue obstétricienne en Guinée. Lorsque les parents accompagnaient leurs filles en état d’hémorragie ou au moment de l’accouchement d’une grossesse précoce, nous, les médecins, étions parfois obligés de pratiquer une épisiotomie ou une césarienne. J’expliquais aux parents ces actes médicaux et j’en profitais également pour les informer sur l’impact et les conséquences de l’excision Ensuite, par le biais du Comité Interafricain sur les pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes et des enfants (IAC), créé en 1984 à Dakar au Sénégal, nous avons élargi notre campagne, à l'issue d'un séminaire international sur les mutilations génitales féminines (MGF) et à la demande des Nations Unies

Aujourd’hui, l’IAC possède des comités nationaux dans 29 pays De l’excision, nous sommes également passés au mariage précoce puis au tabou matrimonial, etc.

Le but est avant tout d’informer mais aussi d’éduquer.

En Guinée, nous avons pu mener une large campagne sur le territoire national, financée d’abord par le fond des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) puis par le fond des Nations Unies pour la population (UNFPA) Nous avons mis en place la cellule de coordination sur les pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes et des enfants

De même, nous avons réussi à obtenir qu’une loi soit votée en 2010, interdisant la pratique de l’excision, ainsi que plusieurs arrêtés des ministères. Ces derniers encouragent à présent l’abandon de cette pratique par le personnel médical et dans les domiciles.

CTC : Pourquoi cet engagement dans la lutte contre l’excision ? Cela est-il lié à une expérience personnelle ?

Mariama Djelo Barry : J’ai été confrontée très tôt, lors de mes gardes à l’hôpital, aux accidents liés à l’excision. Des hémorragies, des états de choc, voire des anémies à la suite de cette pratique… C’est ce qui m’a conduite à me lancer dans les campagnes d’information, d’éducation et de sensibilisation sur l’excision et également sur d’autres actes traditionnels ayant un impact sur la santé de la reproduction. J’ai moi-même subi une excision en bas âge, un âge où l’on ne demande pas l’avis de l’enfant, où ce sont les parents qui décident.

CTC : Quelle a été la plus grande difficulté rencontrée au cours de votre carrière, de votre combat ?

Mariama Djelo Barry : Nous avons dû demander de l’aide auprès de la Banque mondiale pour que les exciseuses puissent avoir des actifs financiers et une source

de revenus. Parce que cette pratique est quand même une source de revenus. Chaque fille doit apporter quelque chose : des denrées alimentaires, de l’argent... Les exciseuses ont un poids social incontestable. Elles sont respectées, reconnues dans leur village. Ce qui est malheureux, c’est qu’elles sont devenues des « sérés », c’est-à-dire membre d’un groupe social à part entière

Le système fonctionne ainsi : quelqu’un excise sa fille, l’ensemble des membres du groupe y contribue et chacun est encouragé à refaire la même chose. Le but est de récupérer lescontributionsqu’ilalui-même donnéavant. On s’estdoncretrouvé dans un tourbillon que l’on n’avait pas prévu.

Il a encore fallu une large campagne d’éducation et de sensibilisation pour convaincre ces femmes de renoncer à leur pratique

CTC : Selon vous, quelle est la plus grande action que vous avez eu à mener ?

Mariama Djelo Barry : Organiser des « vacances sans excisions ». Il fallait encadrer les jeunes filles et les parents car les auteurs des mutilations génitales profitaient généralement des vacances scolaires pour les pratiquer. On expliquait les conséquences de la pratique mais aussi la possibilité de transmission d’infections sexuellement transmissibles (IST) Nous avons aussi créé des « cases d’initiation sans excision » dans le but de sensibiliser les jeunes filles au respect, à la tolérance, à la gestion du foyer, etc. Le but est de fournir un accompagnement culturel sans excision, dans certaines régions.

CTC : Aujourd’hui, où en est la lutte contre l’excision en Guinée ?

Mariama Djelo Barry : Aujourd’hui, nous avons une brigade qui nous aide à traquer les violeurs et les exciseuses, afin qu’ils soient poursuivis en justice. Ce n’est pas du tout facile car cette pratique s’est ancrée dans la tradition. Si l'excision est interdite par la loi depuis plus de 20 ans et passible d'une peine allant jusqu'à cinq ans de prison, près de 95 % des femmes ont subi cette mutilation génitale à l’heure actuelle Selon moi, notre lutte a été efficace dans le sens où, avant, 100% des femmes étaient excisées en Guinée. Cela parait peu en regardant les chiffres mais, dans la réalité, c’est énorme. Le taux est même de 92% dans certaines régions, ce qui est déjà un acquis même si insuffisant.

CTC : Êtes-vous toujours activement militante dans ce combat ?

Mariama Djelo Barry : Oui, je suis et resterai toute ma vie de celles et ceux qui combattent les violences faites aux femmes, qui protègent autant que possible les enfants mais aussi la santé de la reproduction. Aujourd’hui, la campagne continue. Elle durera tant qu’il y aura des gens qui pensent que l’excision est la meilleure façon de maîtriser la sexualité de l’enfant Parce que c’est d’abord cela, l’origine de cette pratique.

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Couverture partielle du livre autobiographique de Mariama Djelo Barry, Ma vie, mon parcours, publié aux éditions L’Harmattan Guinée, en 2023

Casse Ton Cliché

Zoë Gilles – 2de1

A l’international, la montée des souverainismes

Docteure en sciences politiques, diplômée de l'Institut d'études politiques (IEP) de Paris, enseignante à Sciences Po Paris, et actuellement présidente du Think Tank AfricanSecuritySectorNetwork , Niagalé Bagayoko partage son expertise sur la question du souverainisme dans le monde.

Casse Ton Cliché : Depuis une dizaine d’années, on observe une montée en puissance des discours souverainistes sur tous les continents. Comment expliquez-vous ce phénomène ?

Niagalé Bagayoko : Partout dans le monde, la montée en puissance des discours s’est développée de manière concomitante, avec des revendications de plus en plus nationalistes, patriotes et souverainistes, qui ont pour corollaire et origine partielle l’échec des mouvements politiques se réclamant du libéralisme démocratique. Dans tous les pays, il y a eu, au sein des opinions publiques, ce sentiment que les élites politiques et sociales s’étaient renduescoupables d’un échec non avoué, dans leur incapacité à tenir leurs promesses d’amélioration de la condition individuelle et collective de leurs concitoyens. Ce mouvement a touché non seulement les classes politiques mais aussi, à mon avis, toutes les organisations internationales et multilatérales faisant la promotion de cette vision démocratique et libérale des relations internationales.

CTC : Pensez-vous que le retour des idées souverainistes ait un lien avec les grandes crises récentes, comme la pandémie, les guerres ou les difficultés économiques ?

Niagalé Bagayoko : Pour ce qui est des difficultés économiques, je dirai oui mais de manière contrastée. Très clairement, il y a eu des gagnants et des perdants de la mondialisation libérale. Parmi les perdants, nous pouvons citer l’Afrique mais aussi l’Europe ou les Etats-Unis, même si cela ne s’est pas perçue dans les équilibres macro-économiques. Plus précisément, dans les pays africains, il y a eu une incapacité à faire émerger de manière massive un développement pour les catégories le plus défavorisées. Dans les pays européens et nord-américains, il y a eu un déclassement des catégories sociales qui avaient été les grandes bénéficiaires des Trente Glorieuses, notamment.

CTC : Comment distinguez-vous le souverainisme du nationalisme dans le discours politique contemporain ?

Niagalé Bagayoko : Le souverainisme renvoie davantage à l’affirmation des Etats, entantquetel,dansleurrôlesurlascèneinternationaleetàlafaçondontilsdoivent faire prévaloir leurs propres intérêts avant tout, par rapport à leurs partenaires internationaux, sans que ceux-ci ne puissent prétendre à la moindre ingérence dans leurs affaires intérieures. Le nationalisme renvoie davantage au sentiment de fierté quelescitoyensd’unpaysressententparrapportàleurhéritagehistorique,culturel, linguistique, religieux. Il consiste à affirmer une unité de toutes les communautés qui se reconnaissent, justement, dans ce récit national.

CTC : Dans quelles régions du monde le souverainisme prend-il des formes spécifiques ?

Niagalé Bagayoko : La relation Afrique-Etats-Unis est, par exemple, très intéressante La déclinaison du slogan America first de Donald Trump correspond presque mot pour mot au slogan utilisé depuis cinq ans par le Mali. Là, le message politique est teinté de l’idée que toutes les décisions ne doivent être prise qu’à l’aune des intérêts de l’Etat malien et de la volonté de son peuple.

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De manière générale, le précurseur de tous ces mouvements souverainistes est Viktor Orban, Premier ministre de Hongrie et dans la droite ligne duquel se trouve Giorgia Meloni, Présidente du Conseil des ministres d’Italie. Parmi ceux que je viens de vous citer, les approches des uns et des autres sont similaires aussi bien dans la rhétorique que dans les prises de position adoptées.

CTC : Quel rôle jouent les anciennes puissances coloniales dans l’alimentation ou la contestation de ces logiques souverainistes dans les pays du Sud ?

Niagalé Bagayoko : L’anticolonialisme ou les mouvements décoloniaux participent de ces logiques ultra-souverainistes et nationalistes. Cependant, à mon sens, je pense que c’est une erreur de considérer que c’est le cœur du problème. Dans les sociétés africaines, il y a toujours eu une revendication de certains courants politiques - plutôt de gauche d’ailleurs - qui ont dénoncé de manière récurrente et acharnée le poids de l’héritage colonial et surtout sa survivance, aujourd’hui qualifiée de néocolonialisme A travers le souverainisme, ce qui est rejeté de nos jours est beaucoup plus large Il s’agit plus d’une remise en cause du modèle démocratico-libéral que j’évoquais au début de l’entretien, considéré comme étant imposé de l’extérieur, précisément par un grand nombre d’acteurs ayant été des puissances coloniales. L’héritage colonialiste est une partie du phénomène mais il ne faut absolument pas réduire ce dernier uniquement à cela

CTC : Est-ce le modèle démocratico-libéral qui est rejeté ou ceux qui le prônent ?

Niagalé Bagayoko : Les deux. D’un point de vue politique, le modèle s’incarne dans le régime démocratique, considéré comme ayant failli à sa mission. On considère aujourd’hui que des élites nationales ont contribué à dévoyer ce modèle en l’instrumentalisant à leur profit et en marquant leur désintérêt envers la réussite des politiques prônées officiellement en matière d’éducation, de développement, de sécurité, etc

Ce sentiment de trahison de la part des élites, engagées à instaurer la démocratie, peut être réversible si un certain nombre d’entre elles parvient à mettre en œuvre des politiques inclusives, permettant par exemple d’élargir l’accès aux plus hautes fonctions. A ce sujet, le Sénégal constitue un exemple très intéressant car le système politique y a été mis à bas dans un cadre démocratique, contrairement aux coups d’état qui se sont produits dans d’autres pays présents sur le continent

En revanche, il est important de préciser que le modèle démocratique ne garantit pas le triomphe du libéralisme, d’un point de vue sociétal. Le parti de gauche des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité (PASTEF) dont est issu Bassirou Diomaye Faye, président depuis avril 2024, est ultraconservateur sur le plan sociétal, même si très progressiste sur le plan économique.

CTC. Le souverainisme redéfinit-il les rapports de force à l’international ?

Niagalé Bagayoko : Si les Etats-Unis et la Chine conservent leur statut de grande puissance, l’Europe fait en revanche l’objet d’un rejet massif et depuis longtemps. Sur les grands dossiers du moment, sa voix n’est pas écoutée. L’Europe ne s’est pas rendue compte qu’elle avait perdu son influence, sa puissance mais aussi, et de plus en plus, son soft power On assiste aujourd’hui à une mise à nue de rapports qui se sont définis et mis en place au cours des dix dernières années.

Niagalé Bagayoko sur le plateau débat de « Décrypter l’Afrique », mai 2024 ©Capture d’écran/Niagale-bagayoko.fr

Casse Ton Cliché

A Vienne, l’empreinte des absents

En collaboration avec Claudia Schanze-Cervantes, professeure d’allemand

DianeLeBloas,AlexanderLy,AntoninPerche – 1ère2,ArthurBrun – 1ère4,AntoineLazuttes,JulieStark&EmilieWeil-1ère6

En janvier dernier, les élèves de l’EIB, de classe d’allemand, sont allés à Vienne. Un voyage scolaire qui a été l’occasion de découvrir un musée méconnu mais dont l’existence est fondamentale pour comprendre un pan douloureux de l’histoire de la ville : le musée juif.

Il se situe juste derrière le Mémorial de la Shoah, dans l’impasse d’une petite rue longeant la Judenplatz. Au musée juif de Vienne, il est question du passé. D’un passé en particulier, si difficilement assumé. De l’Holocauste d’abord. Et de l’histoire des juifs de Vienne, du Moyen Age à nos jours, en général. Présente depuis très longtemps mais souvent mise sur le ban de la société, la communauté juive de Vienne est marquée par les tragédies, les discriminations et les oppressions vécues depuis le début de leur implantation en Autriche. Dans la partie du musée dédiée à la Shoah, des photos, lettres et objets personnels matérialisent l’horreur de la Seconde guerre mondiale vécue par près de 200 000 juifs viennois, soit 10% des habitants de la ville.

Dans les archives et témoignages exposés, le visiteur apprend comment, durant l’Anschluss de 1938, incorporant l'Autriche à l'Allemagne nazie, les juifs se sont fait humilier, persécutés et déportés. Certains ont réussi à se cacher et même à cacher une synagogue datant de 1816, impossible à brûler.

Voir les noms des milliers de juifs déportés, les objets laissés derrière eux, les lettres écrites dans l’urgence au détour d’une visite guidée, suscite un mélange de tristesse et de révolte chez les rédacteurs en herbe que nous sommes. Des sentiments quiperdurentdevantle mémorialde la Shoah,à quelques pas du musée.

Entrée du musée juif de Vienne - DR

Du musée au mémorial, il n’y a qu’un pas

Au milieu d’une place paisible se dresse l’œuvre de la sculptrice britannique Rachel Whiteread, inaugurée en 2000 et dédié aux 65 000 Juifs autrichiens assassinés par les nazis entre 1938 et 1945. Le mémorial ressemble à une immense bibliothèque où les noms de tous les juifs disparus sont inscrits. Les livres gravés dans le gris du béton armé sont retournés de façon à ce que leur tranche ne soit pas visible. Une manière de symboliser les histoires de vie inachevées, perdues dans les camps de concentration. « L’enfer, c’est les autres » … Cette phrase célèbre de Jean-Paul Sartre dans sa pièce Huis Clos résonne ici particulièrement. Dans la Vienne des années 1940, « les autres » ont, à travers l’antisémitisme, créé un véritable enfer pour la communauté juive.

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Les préjugés, la haine et l’exclusion systématique ont conduit à des souffrances immenses, ont détruit des milliers de vies

Après la guerre, l’impossible retour

La guerre n’a pas d’excuse. Et la guerre n’est pas une excuse Notamment pour l’Autriche. En effet, le musée montre comment, après 1945, lacommunauté juive de Vienne a dû se reconstruire tout en étant toujours rejetée par la société, sans possibilité de récupérer ses biens et richesses spoliés illégalement quelques années plus tôt « Les autres » ont continué à renier cette partie de la population et à nier les actes cruels dont ils ont été les auteurs Dans cette page d’histoire, « les autres » sont des hypocrites. « Les autres » abîment la mémoire.

Le mémorial de la Shoah sur la Judenplatz- DR

Restitution… La rédemption ?

Enmai2022,unarticledelaRadioTélévisionSuisse(RTS)titrait :« L’Autriche, modèle de restitution de l’art spolié par les nazis ». Longtemps critiqué pour son travail de mémoire tardif sur son rôle dans l’holocauste - la théorie officielle présentant l’Autriche comme la victime d’Hitler - le pays a adopté en 1998 une loi instituant une commission spéciale rassemblant une dizaine de chercheurs. Sa mission ? Inspecter les collections publiques afin d’identifier les objets et œuvres d'art spoliés, puis les restituer aux victimes ou à leurs descendants

Selon les derniers chiffres, la commission a permis, en vingt ans d’existence, de restituer environ 12 000 objets d’art, dont des grands tableaux signés Klimt ou Schiele Un travail salué par l'Israelitische Kultusgemeinde Wien (IKG), organisation représentant les juifs d'Autriche.

Reste à ouvrir le débat sur les œuvres spoliées qui sont aujourd'hui la possession d'institutions et de personnes privées. « Chacun doit faire quelque chose pour que naisse une prise de conscience et que chaque personne possédant une collection ou quelques tableaux se demande : qu'est-ce que j'ai à la maison ? Est-il possible que ce soit entré injustement en ma possession et que je doive donc faire quelque chose ? », commentait Erika Jakubovits, membre de l’IKG, dans l’article en question.

Selon un rapport du Congrès américain, environ 600 000 œuvres d'art ont été volées par les nazis entre 1933 et 1945, dont un tiers rien qu'en Allemagne et en Autriche.

A l’heure actuelle, en Europe, les commissions pour la restitution des biens et l’indemnisation des victimes de spoliations antisémites (CIVS) créées depuis 1999 en Autriche, en France, en Allemagne et aux Pays-Bas, œuvrent ensemble dans le cadre de la Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 Chaque année, un membre du réseau européen des CIVS en assure le pilotage. La France assure actuellement la présidence pour une durée d’un an, jusqu’à l’été 2025

Aksel Fenouil – 1 ère2, James Lin & Naomi Pirron - 1ère4

L’histoire d’un musée d’histoire

Margarita Godina, conférencière au musée juifdeVienne,répondànosquestions

Casse Ton Cliché (CTC) : Pouvez-vous nous parler de l’histoire du musée juif de Vienne ?

Margarita Godina : En 1895, un musée juif fut fondé à Vienne : une première dans le monde ! L'association de parrainage était composée d'un groupe de citoyens juifs viennois. La collection était axée sur la culture et l’histoire de cette communauté dans l’Empire austrohongrois, en particulier à Vienne et en Galicie. La collection de l’entre-deux-guerres reflétait également le nouveau débat politique de l’époque à travers des objets sionistes. En 1938, ce musée a été fermé par les nationauxsocialistes,immédiatementaprèsl’Anschluss.En1939, la collection fut transférée au Musée d'ethnologie et dans d'autres institutions viennoises. A l’époque, le département d’anthropologie du Musée d’histoire naturelle de Vienne a par exemple utilisé une partie des collections pour l’exposition de propagande antisémite « L’apparence physique et mentale des Juifs »

Au début des années 1950, la majorité des fonds a été restitués à l'IKG de Vienne. Certains ne l'ont été que dans les années 1990. Cependant, plus de la moitié des objets sont toujours portés disparus – il est difficile de déterminer s’ils ont été délibérément détruits ou volés. De temps à autre, des objets autrefois inventoriés au musée juif sont identifiés sur le marché de l'art et des antiquités. Les objets survivants, prêtés de manière permanente par la communauté juive de Vienne à ce qui est aujourd'hui le Musée juif de la ville, constituent un fond unique au sein de la collection. En 1986, deux semaines après la victoire électorale de Kurt Waldheim à la présidence de l’Autriche, le maire Helmut Zilk a annoncé la fondation d’un musée juif à Vienne, lors de l’ouverture de l’exposition « Vienne 1900 », au Musée d’art moderne de New York. En 1988, le Musée juif de la ville de Vienne a été fondé et le 7 mars 1990, la première exposition a eu lieu dans un lieu temporaire – l'ancienne salle de banquet de la communauté israélite dans la Seitenstettengasse

Casse Ton Cliché (CTC) : Quelle est la mission du musée ?

Margarita Godina : Aujourd’hui, le musée conserve l’une des plus grandes et des plus importantes collections de judaïca au monde – l’héritage de la troisième plus grande communauté juive d’Europe avant la Shoah.

Le Musée juif de Vienne se conçoit comme un lieu de diversité urbaine. À travers ses expositions, ses programmesculturelsetéducatifs,ilreflètelarichesse de la vie et des cultures juives, passées et présentes. Il explore l’histoire des relations entre les populations juives et non juives, et aborde des thématiques telles que l’identité, l’inclusion et l’exclusion.

La Shoah, en tant que rupture majeure dans l’histoire juive, se reflète à la fois dans l’histoire de nombreux objets, dans la collection muséale et dans les expositions elles-mêmes. Le musée juif est ainsi un lieu de mémoire qui établit des liens avec la vie juive contemporaine. Dans sa mission de transmission, il s’engage contre l’antisémitisme, contre toute forme de discrimination et pour une société tolérante, pluraliste et démocratique.

CTC : Comment le musée collecte-t-il les objets et les récits ?

Margarita Godina : Le musée juif de Vienne abrite diverses collections dont les origines, la diversité des objets et la provenance diffèrent.

Lors de la fondation du musée actuel en 1988, la Ville de Vienne a acquis la collection Max Berger. Parallèlement, elle a commencé à constituer sa propre collection, la collection JMW. Depuis 1992, le musée conserve en dépôt permanent la collection de la Communauté israélite de Vienne (IKG).

La même année, il a également reçu en dépôt permanent la collection Sussmann, appartenant à la Fondation Anni et Heinrich Sussmann. En 1993, Martin Schlaff a fait don de sa collection d’Antisémitica à la Ville de Vienne pour le musée et un an plus tard, en 1994, la collection Stern a été acquise.

CTC : Quels sont les moments les plus importants de l’histoire juive à Vienne et comment les objets du musée en témoignent-ils ?

Margarita Godina : Il y avait trois communautés juives à Vienne. Les expositions de notre musée sont consacrées aux périodes suivantes : le Moyen Âge (XIIIe-XVe siècles), les XVIIe-XVIIIe siècles, les XIXe-XXIe siècles. C'est une très longue histoire qui heureusement ne s'arrête pas et malgré le fait que la troisième communauté ait été presque détruite pendant la Shoah, elle a survécu. Bien sûr, la Shoah est une période dont on parle beaucoup. Mais il est également important pour nous de dire que l’histoire des juifs n’a pas commencé au XXe siècle.

Les communautés juives jouent un rôle majeur depuis des siècles. Et pour essayer de comprendre toute la catastrophe qui s'est produite en Autriche, il est important, à mon avis, de regarder dans l'histoire des première et deuxième communautés.

Les objets que nos conservateurs utilisent pour raconter cette histoire peuvent être complètement différents, de simples objets du quotidien aux documents d’archives en passant par les jouets pour enfants et les carreaux de synagogue. Un Hanoukka fabriqué à partir de capsulesde bouteilles, trouvé dans un camp de transit abandonné n’a pas moins de valeur pour nous que la vaisselle de la famille Rothschild.

CTC : Pouvez-vous nous parler d’une exposition particulièrement marquante ?

Margarita Godina : L’exposition qui m’a le plus impressionnée ? « La troisième génération ». Elle portait sur les petits-enfants des personnes ayant survécu à la Shoah. L’exposition présentait de nombreuseshistoirestrèspersonnellesdefamillestrès différentes, issues de pays divers. Ces petits-enfants ont grandi dans des cultures variées, parlent différentes langues… Pourtant, ils sont liés par une expérience historique commune et par des histoires familiales similaires. C’était un projet profondément psychologique. Mais il ne s’agissait pas de vidéos documentaires ou de documents d’archives : toutes ces histoires étaient racontées à travers des œuvres d’art ou des objets ayant appartenu aux familles.

Elèves de Tale – Classe Allemand

Art dégénéré : l’histoireen rappel

L'expression allemande « Entartete Kunst », qui signifie « Art dégénéré », a été utilisée par les nazis en Allemagne, dans les années 1930, afin de désigner l’art considéré comme inacceptable par le régime.

L’art classique et réaliste, symbole de la beauté et la force de l’Allemagne Pour le IIIe Reich des années 1930, s’en est fini de l’art moderne ! Cubisme, dadaïsme, expressionnisme ou encore surréalisme… Les partisans d’Hitler exècrent ces formes d’art considérées alors comme bizarres, chaotiques et contraires aux valeurs allemandes. « Dégénéré »… Le mot, lâché et lâche, désigne alors les œuvres jugées contraires à l’idéal esthétique nazi. En 1937, le régime organise une grande exposition à Munich appelée « Entartete Kunst ». Son but ? Ridiculiser les artistes modernes en exposant leurs œuvres de manière désordonnée, sans cadre, avec des commentairesmoqueurs,oumêmedanslenoir.Parmi les artistes exposés au ridicule et à la moquerie : Matisse, Kandinsky, Chagall, Otto Dix et tant d’autres…

En Allemagne, les artistes accusés de faire de l’ « art dégénéré » sont également interdits d’exposer et de vendre leurs œuvres. Certains fuient leur pays d’origine pour des terres de liberté, d’autres sont arrêtés. Leurs œuvres, quant à elles, sont détruites ou vendues à l’étranger.

« L’hommage au peuple de couleur »

Parmi les œuvres considérées comme dégénérées par lerégimenazi? Hommage au peuple de couleur, peint par Otto Freundlich en 1935. Exposé en 1937, elle scandalise en raison de son message d’égalité des peuples.Ilenestdemêmepoursonstyleabstrait,avec ses formes géométriques et ses couleurs vives Du fait de son engagement contre le régime à travers ses peintures, Otto Freundlich sera envoyé au camp d’extermination de Majdanek en 1943.

Dans les années 1930, les œuvres de Van Gogh sont aussi victimes de la censure nazie. Parmi lesquelles le portrait de la tenancière d’un café de la gare d’Arles, L'Arlésienne, de 1888. Les couleurs donnant au personnage un teint maladif suscite le rejet.

Le Bauhaus aujourd’hui banni ?

La censure de l’art, plus jamais ? Pas si sûr… Preuve en est le parti d'extrême droite allemand Alternative für Deutschland (AfD) qui, de nos jours, s’oppose au mouvement Bauhaus. Le Bauhaus, de l'allemand Bau, « bâtiment, construction », et Haus, « maison », est une école d'architecture et d'arts appliqués, et un mouvement fondé en 1919 à Weimar en Allemagne par l'architecte Walter Gropius.

Au Parlement de la région de Saxe-Anhalt, HansThomas Till Schneider, député d’extrême-droite de l’AfDamêmerécemmentdéclaré:«Ils'agitenréalité d'unevisiond'horreur,d'uneviedansunespaceréduit.

Le Bauhaus ne peut donc pas nous servir de modèle mais seulement d'aberration historique ».

Préserver cette collection, l’étudier, la rendre accessible au public et ainsi transmettre l’histoire juive de Vienne à un large public constitue une mission essentielle du musée. Son histoire confère au musée juif une responsabilité particulière envers la société viennoise ainsi qu’envers toutes les personnes juives qui peuvent y trouver des points de référence, pour leur propre histoire et identité. Page 6

L’AfD s’oppose ainsi aux célébrations prévues pour le centenaire du mouvement artistique en 2025 et dénonceuneglorificationunilatéraledesoninfluence. En ciblant le Bauhaus, le parti politique d’extrêmedroite exprime dangereusement une envie de retour aux « valeurs traditionnelles allemandes ». Cette stratégie politique vise à polariser l'opinion publique en opposant les valeurs modernistes à une vision conservatrice de la société.

Elleillustre égalementunecontinuitéinquiétantedans la stigmatisation de l'art moderne par des idéologies autoritaires, le tout au mépris de la liberté artistique et d’expression régissant nos sociétés. Tragiquement, l’histoire tend à se répéter.

Maquette du musée juif de Vienne ©Julie Stark

Diplomatie… Aller vers l’autre

Ambassadeur de France en Indonésie, au Timor Oriental et auprès de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), Fabien Penone nous explique sa conception de la diplomatie.

Casse Ton Cliché (CTC) : En quoi consiste la fonction d'ambassadeur ?

Fabien Penone : Un ambassadeur de France a pour mission de représenter son pays auprès d’un Etat ou d’une organisation internationale, d'y promouvoir les intérêts de la France et d'y défendre ceux des Français. Il est aussi chargé de rendre compte aux autorités françaises etd'analyser les évènements qui se produisentdans le pays dans lequel il est envoyé. Concrètement, le travail consiste à entretenir et développer dans la durée les liens bilatéraux au niveau politique, en matière de défense et dans les domaines économique, culturel, éducatif et scientifique. Cela implique de se rendre le plus possible sur le terrain, de parcourir le pays dans lequel on est affecté, pour y rencontrer les autorités etlespopulations locales, mais aussipour lancerdes projets concrets de coopération.

Pour les ambassadeurs qui traitent des questions multilatérales au sein des organisations internationales, par exemple les Nations Unies ou l’Union européenne, l’objectif est aussi de défendre les intérêts de la France en négociant des textes. Cela requiert également des qualités d’écoute et d'analyse pour trouver des accords, dégager des compromis, quand les intérêts divergent.

CTC : Quels sont les défis spécifiques, les complexités auxquels un ambassadeur de France est confronté quand il doit représenter son pays ?

Fabien Penone : Unambassadeuratoujoursàl’espritlesintérêtsdesonpaysmais, pour les promouvoir efficacement, il doit aussi savoir s’adapter à l’administration, à la culture etaux réalités du pays dans lequelilesten poste. La création de réseaux entre les responsables politiques, entre les administrations, entre les sociétés civiles de son pays et de celui dans lequel il sert est particulièrement importante. Le principal défi est de chercher, notamment dans des circonstances difficiles, des convergences de vues, des terrains d’entente, des projets communs avec les responsables du pays dans lequel vous êtes affecté.

Les contextes géopolitiques instables affectent bien sûr le travail car il faut redoubler d’efforts pour expliquer les positions et les priorités nationales, y compris sur des conflits ou des sujets qui peuvent paraître éloignés ou moins prioritaires pour les interlocuteurs. Chercher des terrains d'entente, cela ne veut bien sûr pas dire faire preuve de faiblesse ; c'est apprécier ce qui est réaliste, ce qui peut être obtenu sans renoncer à ses intérêts majeurs, à ses objectifs principaux. Lorsqu’un négociateur parvient à convaincre un partenaire étranger sur un sujet difficile, sur lequel ses vues sont a priori éloignées des siennes, il a rempli sa mission.

Naturellement, dans une zone de conflit, l'impératif de la sécurité est au cœur des préoccupations d'un ambassadeur, en particulier pour apporter à la communauté française présente sur le territoire concerné l'assistance et la protection nécessaires.

CTC : Dans le contexte de compétition d’influences en Asie du Sud-Est, quel rôle la France, dont vous êtes le représentant, peut-elle jouer ? Quelles sont aujourd’hui les priorités de la France en Indonésie ?

Fabien Penone : En Asie du Sud-Est, comme dans le reste du monde, la France promeut le multilatéralisme et le respect du droit international. La défense de ces

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principes, notre approche non confrontationnelle et notre volonté de développer des relations partenariales et respectueuses de la souveraineté de chaque Etat nous permettent de renforcer nos coopérations avec les autres pays

Avec l'Indonésie, nous célébrons, cette année, le 75ème anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques bilatérales. Nous avons une excellente relation de dialogue politique et en matière de défense et de sécurité. Nous cherchons désormais à approfondir et à diversifier notre partenariat. Je pense aux enjeux globaux, pour œuvrer ensemble à la lutte contre le changement climatique, à la protection de l'environnement, mais aussi pour créer des opportunités de développement durable et de coopération économique.

Je pense aussi au domaine des industries culturelles et créatives, où nous avons lancé de nouveaux projets en matière de cinéma, de mode ou de jeux vidéo par exemple, et aux coopérations entre établissements d’enseignement supérieur et de recherche, qui permettent de rapprocher les jeunes générations.

CTC : Quelle a été la situation la plus difficile à gérer depuis votre arrivée ?

Fabien Penone : La guerre en Ukraine, les crises du Proche-Orient et les rivalités dans l’Indopacifique ne cessent de redessiner le paysage géopolitique mondial, aujourd'hui marqué par la résurgence de conflits de tous types. La France et l’Indonésie ont en partage un très grand nombre de principes et de valeurs, dont l’attachement à un ordre multilatéral fondé sur des règles. C’est pourquoi nos vues convergent sur la plupart des dossiers internationaux. Il va de soi que nos positions ne sont pas toujours identiques mais nous échangeons très régulièrement sur les situations de crise.

CTC : Quel est, selon vous, le plus grand enjeu géopolitique en Asie dont on parle encore trop peu en Europe ?

Fabien Penone : Comme d’autres régions du monde, l’Asie est confrontée au défi de la cybersécurité. Les cyberattaques, la fraude, l’usurpation d’identité numérique se multiplient, dans un phénomène qui dépasse les frontières et qui affecte les gouvernements comme les citoyens.

Un des enjeux majeurs pour l’Asie est de pouvoir assurer son développement économique à long terme. Dans les années à venir, cela passera toujours plus par l’économie numérique et l’intelligence artificielle. La mise en place de cadres juridiques et la création d'infrastructures permettant d'éviter de nouveaux conflits tout en protégeant la croissance seront donc particulièrement nécessaires.

CTC : Le thème du journal de cette année s'intitule "L'enfer, c'est les autres"... Pour un ambassadeur, l'enfer, c'est quoi ?

Fabien Penone : Comme vous le savez, la phrase de Sartre pose la question fondamentale de la construction par chacun de ses relations avec les autres : comment s'exposer et aller vers autrui, comment dépasser la violence qui peut naître du premier contact et créer la confiance ? Pour un diplomate, l’altérité, le rapport à l’autre et à l’étranger sont évidemment au cœur de son métier. L’enfer pour un ambassadeur, ce serait de ne plus avoir cet autre avec lequel interagir et construire, cet autre avec lequel on apprend aussi à mieux se connaître.

Casse Ton Cliché
©Fabien Penone
Pierre-Louis Forêt – 1ère4, Adrien Mazières – 1ère5, & Margaux Meyer – 1ère 3

Extrême-droite en Europe : la vox populi(ste) monte

Roumanie, Allemagne, Portugal, Belgique… L’extrême-droite gagne toujours plus de terrain dans les pays membres de l’Union Européenne. Les dates clés d’un phénomène qui ne date pas d’hier.

2005 : Le Traité constitutionneleuropéenestrejeté par référendum en France et au Pays-Bas. Une victoire pour les extrêmes eurosceptiques, et le début d’une longue dégradation de l’image de l’Europe.

2008 : La crise financière met à mal les populations La droite radicale fustige le néolibéralisme

2010 : Entrée du Jobbik, parti d’extrême-droite ouvertement xénophobe et nationaliste, créé en 2003, au parlement hongrois Avec 16,67 % des voix remportéesauxlégislatives,leJobbikobtient47sièges à l'Assemblée nationale Plusieurs thèses de ce parti ont depuis été reprises par Victor Orban, actuel premier ministre, reconduit en avril 2022, pour un 4e mandat consécutif, après l’écrasante victoire de son parti Fidesz, aux législatives.

2015 : Crise migratoire en Europe L’arrivée en Allemagne de plus d’un million de réfugiés, principalement des Syriens, renforce la popularité du parti d’extrême-droite Alternative pour l’Allemagne (AfD). Ce dernier obtient des sièges au sein de 8 des 16 parlements régionaux du pays. L’année suivante, le parti obtient 12,6 % des voix aux élections fédérales.

2016 : Le Brexit est voté au Royaume-Uni, porté par un mouvement souverainiste et populiste d’ampleur

Amy

Ndong – 1

2017 : Le Parti autrichien de la liberté (FPÖ) remporte 26,86 % des voix aux élections législatives Lors des dernières élections de septembre 2024, le parti d’extrême-droite remporte 29% des votes.

2017:LacandidateduRassemblementNational(RN), Marine le Pen, arrive au second tour des élections présidentielles en France, avec 21,30 % des voix. Il en est de même en 2022, avec 23,15 % des votes. Des chiffres qui marquent l’ancrage du Rassemblement National comme force politique de premier plan.

2019 : Avec plus de 3,5 millions de votes et 15 % des voix, le parti d’extrême-droite Vox, fondé en 2013, passe de 24 à 52 sièges au Parlement espagnol

2022 : Arrivée au pouvoir en Italie de Giorgia Meloni, chef du parti national conservateur Fratelli d’Italia, en coalition avec un autre parti d’extrême droite, la Ligue de Matteo Salvini, et le parti conservateur Forza Italia

2023 : Aux Pays-Bas, le Parti de la liberté (PVV) arrive en tête aux législatives. Le chef de ce parti d’extrême droite, Geert Wilders, conclut en mai 2024 un accord de coalition avec 3 partis de droite. En Slovaquie, le Premier ministre nationaliste Robert Fico (parti Smer-SD) revient au pouvoir.

ère3 Jeunesse et politique… Je t’aime, moi non plus

Les jeunes,nide droite, nidegauche.Si les 18-30ans sont 58 % à éprouver de la curiosité pour la chose publique, 64% des 18-24 ans ne se reconnaissent aucune proximité avec un parti ou une tendance politique. L’une des raisonsde cette « désaffiliation » ? Une crise de confiance vis-à-vis du fonctionnement politique actuel pour cette génération, certes désenchantée mais résolument engagée. Le détournement des formes traditionnelles d’engagement politique ne témoigne pas pour autant d’un désintérêt des jeunes pour les sujets sociétaux. L’écologie, de l’accueil des personnes exilées, de la lutte contre la précarité ou encore pour la défense des personnes LGBTQ tiennent la jeunesse à cœur.

Autre temps, autre mode. En 2023, la forme d’engagement la plus répandue chez les jeunes s’est faite via les réseaux sociaux. En effet, 40% d’entre eux ont signé une pétition ou défendu une cause sur internet, un blog, un réseau social, cette année-là Autre prisme d’implication dans l’espace public ? Le monde associatif.

Selon le baromètre 2025 de France Bénévolat réalisé avec l’IFOP, 25% des 15-34 ans ont déclaré donner de leur « temps, gratuitement pour les autres ou pour contribuer à une cause ». Des chiffres révélateurs d’une envie« d’engagements directs ouoccasionnels, souventmotivéspar desprojets concrets etdes causes spécifiques », selon le sondage

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En Finlande, le Parti des Finlandais, formation d’extrême droite arrive deuxième aux législatives. Il est actuellement est membre de la coalition au pouvoir, formée par le conservateur Petteri Orpo. En Suède, le parti d’extrême droite Démocrates de Suède (SD), arrivé deuxième aux législatives de 2022, n’a pas de représentant au gouvernement, mais est étroitement associé à ses décisions.

2024 : Au Portugal, le parti d’extrême droite Chega (Assez) renforce son statut de 3e force politique du pays, passant de 12 à 50 députés, avec un score de 18,1% aux législatives du mois de mars En Allemagne, l’AFD finit avec 20,8% aux élections fédérales

Adrien Guebey – Tale2 L’extrême-droite, entre médias clash & réseaux lisses

Décomplexée, la présence de l’extrême-droite dans la sphère médiatique et numérique n’est plus à démontrer.

Rendre « acceptable » le discutable. Tel est le fer de lance de l’extrême-droite.

Lors des élections législatives de juin 2024, une enquête de Mediapart révélait que 45 candidats du RN avaient tenu des propos discriminatoires sur les réseaux sociaux. Plusieurs d’entre eux ont malgré tout été élus.

La tendance aux propos « limite » concerne les réseaux sociaux mais pas seulement… Dans les médias de l’empire Bolloré particulièrement, ces derniers saturent l’espace. Sans les cautionner, on les commente. L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), quant à elle, les condamne régulièrement. Ainsi, entre 2012 et 2024, le groupe Bolloré a été condamné 52 fois, majoritairement pour des propos polémiques et discriminatoires

A titre d’exemple, en janvier 2025, CNews a vu son amende de 200 000 euros confirmée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Le polémiste d’extrême-droite Eric Zemmour avait qualifié, en septembre 2020, sur la chaîne de télévision, les mineurs migrants isolés de « voleurs », « assassins » et « violeurs ».

Paradoxalement et en dehors des « sorties de route », c’est sur les réseaux sociaux que les candidats des partis d’extrême-droite se montrent plus lisses. Jordan Bardella, le candidat le plus partagé lors des élections européennes de 2024, comptabilise 2 millions d’abonnés sur TikTok. Il y allie proximité, humour, lifestyle Un exemple de « fascisme cool », pour reprendre l’expression de l’historien Pierre Boucheron.

©David Rito
©Amy Ndong – 1ère 3

Eleonora Sophie Orso – 2de1

Sandro

Gozi

: « L’Europe, une chance de dépasser nos enfermements »

Député au sein du groupe démocrate RenewEurope et membre actif du Parlement européen, l’Italien Sandro Gozi nous explique sa vision de la politique dans son pays et à l’échelle de l’UE

Casse Ton Cliché (CTC) : Comment expliquez-vous la montée de l'extrêmedroite en Italie, symbolisée par l’ascension de Giorgia Meloni ? Ce choix des Italiens est-il cohérent par rapport à l'histoire politique du pays ?

Sandro Gozi : La montée de l’extrême droite en Italie s’explique par un ensemble de facteurs… Une perte de confiance dans les institutions démocratiques, une fatigue à l’égard de la politique traditionnelle mais aussi la montée en puissance des populismes via les réseaux sociaux, qui offrent des canaux de diffusion immédiats à des discours simplistes mais émotionnellement puissants. Ce n’est pas le fruit d’un seul moment ou d’un seul gouvernement, mais d’une crise de fond.

Giorgia Meloni a su exploiter ce contexte en réactivant des réflexes identitaires et souverainistes. Mais ce choix reste paradoxal au regard de l’histoire politique italienne. L’Italie a été l’un des piliers de la construction européenne. Elle a inscrit l’ouverture et la démocratie au cœur de sa reconstruction après la guerre. J’ai moi-même, en tant que ministre chargé des affaires européennes sous Matteo Renzi, puis Paolo Gentiloni, porté cette vocation européenne du pays, en défendant une Italie protagoniste en Europe. Aujourd’hui, ce cap est remis en cause et c’est une régression.

CTC : Giorgia Meloni est arrivée au pouvoir en 2022, avec des priorités comme la gestion de l'immigration. Quelles sont ses mesures « phares » ?

Sandro Gozi : Meloni a fait de la politique migratoire un instrument de communication. Parmi ses mesures phares, il y a l’accord avec l’Albanie pour externaliser les procédures d’asile, qui a d'ailleurs été retoqué par la Justice italienne et qui se heurte à des obstacles juridiques majeurs. Cela soulève des questions sur sa conformité avec le droit européen et les principes fondamentaux de l'asile. Parmi ses autres mesures, il y a la réduction des protections pour les mineurs étrangers non accompagnés et les restrictions imposées aux organisations non gouvernementales (ONG) qui sauvent des vies en Méditerranée. Ce sont des choix symboliques mais inefficaces sur le fond. En réalité, ces politiques attisent la peur, criminalisent la solidarité et renforcent les divisions au sein de la société italienne. Elles tournent le dos à une gestion européenne, humaine et responsable des migrations que nous, au sein de Renew Europe, défendons au Parlement européen. L’immigration estun défi européen. Le traiter par des slogans nationaux, c’est condamner l’Europe à l’impuissance.

CTC : Le gouvernement Meloni a adopté une position souvent critiquée par les institutions européennes. Comment voyez-vous l’avenir de l’Italie au sein de l’Union Européenne ?

Sandro Gozi : Oui, il y a un vrai risque de détachement. Le gouvernement Meloni joue sur un double discours : il accepte les milliards du plan de relance européen, mais sape régulièrement les principes qui fondent l’UE : l’État de droit, la solidarité, la coopération

Lorsque l’Italie remet en cause le rôle de la Cour de justice, refuse les mécanismes de relocalisation des migrants ou s’aligne sur les gouvernements les plus eurosceptiques, elle s’éloigne de l’esprit du projet européen. Or l'Europe a besoin d'une Italie qui participe pleinement à son projet, non d'une Italie qui négocie en

solitaire et bloque en commun. Il ne faut pas se contenter d’être en Europe : il faut faire l’Europe.

CTC : En France comme en Italie, les partis d’extrême-droite connaissent une ascension remarquable, avec le Rassemblement National en France et Fratelli d’Italia en Italie. Selon vous, qu’est-ce qui lie ces deux mouvements ?

Sandro Gozi : Ces deux mouvements partagent une même matrice idéologique : nationalisme, autoritarisme, méfiance envers l’Union Européenne, obsession identitaire. Ils surfent sur les peurs, désignent des boucs émissaires et prétendent incarner la volonté du peuple contre des élites supposées corrompues. Mais ils n’ont aucune réponse réaliste à offrir dans un monde interdépendant.

Giorgia Meloni et Marine Le Pen ont des styles différents, mais des stratégies convergentes : dédiabolisation en façade, radicalité en profondeur. Ce qui est inquiétant, c’est la normalisation de leur discours.

CTC : Quel est l’état de la relation entre la France et l’Italie ? Quelle vision est possible pour ces deux pays aux cultures très proches ?

Sandro Gozi : Malgré les tensions politiques ponctuelles, les relations francoitaliennes restent fondées sur une proximité historique, culturelle et économique. Le Traité du Quirinal, accord visant à renforcer les relations bilatérales, signé en 2021 et pour lequel j’ai beaucoup œuvré, a ouvert la voie à une coopération structurée dans des domaines clés : défense, innovation, jeunesse, transition énergétique.

Aujourd’hui, il faut redonner de la vigueur à ce partenariat. Je crois que la France et l’Italie peuvent porter ensemble un nouveau pacte de compétitivité pour l’Europe,investirdanslasouverainetétechnologique,proposerunagendacommun sur la réforme des institutions européennes. Nous avons besoin d'une Europe qui avance à travers des coalitions d’ambition. La France et l’Italie doivent être des acteurs majeurs.

CTC : Le thème de notre journal s’intitule « L’enfer, c’est les autres ». Pour vous, homme politique, qu'est-ce que l’enfer ?

Sandro Gozi : LorsqueSartre écrit« L’enfer, c’estles autres », ilne s’agitpas d’un simple rejet de l’altérité. Il parle d’enfermement, de regard figé, de situations où l’on est prisonnier de l’image que l’autre renvoie de nous. C’est une vision profondémentpessimiste des relations humaines. Pour moi, l’enfer, c’estjustement de renoncer à l’autre. C’est de céder à la peur, au repli, à l’hostilité. C’est de faire de l’altérité une menace plutôt qu’une richesse. C’est ce que fait l’extrême droite, lorsqu’elle construit son discours sur la méfiance, les murs, l’exclusion.

À l’inverse, je crois à une politique qui bâtit des ponts, cherche la rencontre, la coopération, la co-construction. Faire société, c’est le socle de toute civilisation. Et faire société à l’échelle européenne, c’est le plus grand défi de notre génération.

C’est pourquoi je me bats au parlement européen, en tant que député transnational, pour un projet fondé sur la solidarité, le dialogue et la responsabilité.

L’Europe, ce n’est pas l’enfer… C’est la chance historique de dépasser nos enfermements

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Casse Ton Cliché

Harcèlement

Société

scolaire ou la violence normalisée

Le harcèlement en milieu scolaire est « le fait, pour un élève ou un groupe d’élèves, de faire subir de manière répétée à un camarade des propos ou des comportements négatifs, voire violents ». Derrière cette simple définition se cache cependant une dure réalité.

« J’étais tellement obnubilée par l’idée de le protéger des autres que je n’ai pas pensé à le protéger de luimême. » Ces mots poignants sont ceux de la mère de Lucas, 13 ans, qui a mis fin à ses jours en janvier 2023 aprèsdesmoisdeharcèlementscolaire.Dansunelettre laissée à ses proches, il écrivait ne plus supporter les moqueries, les humiliations. Son histoire a bouleversé la France mais elle n’est pas un cas isolé. Plus de 600 000 élèves victimes de harcèlement scolaire

En 2024, 611 358 élèves ont été victimes de harcèlement en France, soit près d’un sur dix. Et cette violence, loin d’être toujours visible, s’intensifie avec les réseaux sociaux. Ce qui se passait autrefois dans la cour de récréation continue désormais dans les téléphones, jusque dans l’intimité des chambres. « Avant, quand je rentrais chez moi, je pouvais souffler. Aujourd’hui, les insultes me suivent partout », raconte Emma, 14 ans.

Le harcèlement scolaire prend des formes multiples, qu’elles soient verbale, physique, psychologique ou numérique. Insultes, moqueries, coups, vols, rumeurs, exclusions… La violence s’installe souvent dans la durée, sans que la victime puisse se défendre. Ce n’est pas un simple conflit mais une pression constante, un rapport de force injuste et destructeur. Dans bien des cas, la victime finit par se sentir coupable de ce qu’elle subit.

Entre pression, peur et silence

Mais comment en arrive-t-on là ? Pourquoi certains élèves deviennent-ils harceleurs ? Il ne s’agit pas toujours de méchanceté pure. Souvent, c’est le groupe qui pousse. La peur d’être rejeté, l’envie d’être populaire, l’imitation du meneur… Autant de mécanismes psychologiques qui banalisent la violence. « Je ne voulais pas qu’on se moque de moi, alors j’ai suivi les autres », confie Thomas, 16 ans. À cet âge, le regard des camarades pèse parfois plus que celui des adultes.

Le problème, c’est aussi le silence. Celui des témoins qui préfèrent détourner les yeux. Celui des victimes qui n’osent pas parler. Et celui des adultes qui minimisent ou passent à côté. « J’ai tout dit à mon prof principal, mais il a pris ça à la légère. J’avais l’impression d’être invisible », se souvient Léa, harcelée pendant un an au lycée.

L’importance de la prévention et de la responsabilisation

Pourtant, des solutions existent. La prévention est la clé. Dès l’école primaire, il faut apprendre l’empathie, le respect, la solidarité. Il faut aussi former les enseignants,renforcerlesdispositifsd’écoute,créerun climat scolaire bienveillant. Des programmes comme « Non au harcèlement » vont dans ce sens : ils permettent aux élèves de devenir acteurs du change-

Le prochain numéro de Casse Ton Cliché sera consacré à « Tout ce qui brille n’est pas d’or »

ment, en créant des groupes de soutien et de vigilance. Les harceleurs doivent, eux aussi, être pris en charge. Pas seulement punis, mais responsabilisés. Leur faire comprendre l’impact de leurs actes est essentiel. Sur les réseaux sociaux, les plateformes ont un rôle crucial à jouer : signalement plus rapide, modération efficace, suppression des contenus haineux. Cela demande cependant une vraie coordination entre l’école, les familles, les institutions et les acteurs du numérique.

Non, le harcèlement scolaire n’est pas une fatalité

Le harcèlement scolaire n’est pas une fatalité. Il est le résultat de mécanismes sociaux et psychologiques qu’il est possible de déconstruire. Pour cela, il faut cesser de fermer les yeux. Il faut oser écouter, croire, agir.

Parce que derrière chaque élève harcelé, il y a une histoire, une souffrance. Et parfois, un silence de trop.

Qui contacter face à une situation de harcèlement ?

Le 30 18 est la plateforme d’appel pour signaler les cas de harcèlement et de cyberharcèlement : 100% anonyme, gratuit et confidentiel. Disponible 7j/7, de 9h00 à 23h00

L'application 3018 peut être téléchargée sur les plateformes habituelles iOS et Google Play

Cyberharcèlement : ce que dit la loi

Le cyberharcèlement est défini comme des actes répétés visant à intimider, insulter, menacer ou humilier une personne via des outils numériques, tels que les réseauxsociaux, lesmessageries ou les forums. La loi française prévoit des sanctions sévères pour ces comportements.

L’article 222-33-2-2 du Code pénal punit le harcèlement moral, y compris lorsqu’il est commis en ligne, de jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Si les faits impliquent plusieurs personnes agissanten groupe ou si la victime est mineure, la peine peut être portée à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Ce dernier cas s’applique souvent à ce que l’on appelle le « raid numérique », où une foule coordonnée s’acharne sur une victime via les réseaux sociaux.

L’article 226-1 protège la vie privée et interdit la diffusion de contenus (photos, vidéos, messages) sans le consentement de la personne concernée, avec des peines pouvant aller jusqu’à un an de prison et 45 000 euros d’amende. Par ailleurs, l’article 222-17 sanctionne les menaces de mort ou d’atteinte grave à l’intégrité physique.

Enfin, la loi Avia de 2020 impose aux plateformes numériques de retirer les contenus manifestement illicites dans un délai de 24 heures après leur signalement. Cette obligation responsabilise les géants du numérique et offre aux victimes un moyen de faire cesser rapidement la diffusion de contenus nuisibles. DR

Société

Quel hater es-tu ?

Conflit d’opinions, envie de se défouler, détestation gratuite, mal être… Toutes les excuses sont invoquées pour justifier les propos haineux sur Internet. Le supposé viscéral devient alors viral. A toi de te tester pour comprendre la ou l’une des sources de ta hargne…

1. Quelqu’un que tu n’apprécies pas poste sur sa story Instagram qu’il a été accepté à l'université de tes rêves où, toi, tu as été refusé…

♦ Tu likes pour ne pas faire mauvaise impression mais tu grognes intérieurement.

♠ Tu te dis : « pfff, je suis sûr qu’il n’aura même pas son diplôme… »

❤ Tu réponds à sa story en lui précisant dans quelle université tu as été accepté

♣ Tu scrolles vite en maugréant : « pourquoi pas moi ? »

�� Tu te dis : « je suis nul de toute façon »

2. Tu croises dans la rue une ancienne pote qui a grave « glow up »

�� Tu l’ignores, la regardes mal et tu te dévalorises après

♠ Tu lui dis : « Tu as fait refaire des trucs ou c’est juste le maquillage ? »

♣ Tu te compares instantanément et tu vas acheter les mêmes habits qu’elle.

♦ Tu lui fais un compliment et puis, quand tu rejoins tes amis, tu leur dis qu’elle était super moche.

❤ Tu te recoiffes discrètement et tu parles de toi

3. Une célébrité poste une photo ultra retouchée. Ta réaction ?

❤ Tu te dis :« Franchementje suis beaucoup plus naturelle et100 fois plus belle »

♠Tu commentes : « Tu l’a fait où ton BBL ? Pour que j’aille voir un autre chir ? »

♣ Tu likes et tu te regardes dans le miroir en faisant la moue.

�� Tu commentes : « Retouché ? » mais tu retouches aussi tes photos.

♦ Tu commentes : « » mais tu l’envoies à ton groupe de potes pour te moquer.

4. En soirée, quelqu’un monopolise la discussion avec ses histoires. Ta réaction ? …

❤ Tu lances une anecdote pour recentrer l’attention sur toi

♠ Tu l’écoutes tout en le ridiculisant à coup de punchlines

♣ Tu prends note en silence, frustré de sa vie de fou.

♦ Tu rigoles à ses anecdotes et, quand la personne part, tu dis aux autres qu’il raconte trop sa vie

�� Tu te dis que toi aussi tu devrais faire quelque chose de ta vie

5. Un(e) ex(e) te réécrit sur Insta

❤ Tu racontes à tout le monde que c’est sûrement parce que tu es inoubliable.

♠ Tu le/la bloques.

�� Tu réanalyses toutes tes photos pour comprendre ce qui l’a fait revenir

♦ Tu lui réponds mais tu le/la critiques avec tes potes.

♣ Tu likes son message pour montrer que tu t’en fiches… mais c’est pas vrai

6. Ton camarade reçoit des félicitations devant tout le monde

♣ Tu applaudis mais repenses à toutes les fois où, toi, t’as bossé dans l’ombre

♠ Tu dis : « Bravo, pour une fois que tu bosses ! »

❤ Tu lances un : « C’est bien, moi aussi on m’a félicité, mais bon »

♦ Tu lui dis : « Bravo ! » Puis tu l’ignores toute la semaine

�� Tu souris mais tu te dis que t’es vraiment nul, comparé à lui

7. Une pote commence à percer sur TikTok

♦ Tu likes en disant « Trop belle ! » mais tu dis à d’autres gens qu’elle s’expose trop.

♣ Tu te dis qu’elle a juste eu de la chance

❤ Tu te lances à ton tour avec un compte « bien meilleur ».

♠ Tu commentes avec un faux compte « C’est qui ? Elle a rien de spécial ! »

�� Tu te demandes si, toi, t’aurais osé, mais t’as pas assez confiance

Tu as un maximum de… tu es :

♦ Le hater hypocrite : Toujours un like à la main avec un jugement en tête. Tu souris devant, mais tu balances en DM. Tu maîtrises l’art du « faux soutien »

♠ Le hater rageux : Tu critiques tout, tout le temps. Les autres ont forcément eu de la chance, ou triché. En vrai, t’es juste en colère…

❤ Le hater mégalo : Dans ta tête, t’es le ou la main character. Tu détestes pas les autres, tu t’aimes juste un peu trop, toi. Et ça se voit.

♣ Le hater envieux :Tutecompares,tuteronges,tusouffresensilence.Lesuccès des autres, c’est ton pire cauchemar.

�� Le hater insecure : T’as pas besoin de détester les autres, tu te détestes déjà assez pour deux. T’es dur envers toi-même et un peu avec les autres aussi Page 11

Entreprise : quand la grossesse gêne

Malgré un droit protecteur tout au long de la maternité, la grossesse constitue le troisième motif de discrimination cité par les femmes, selon la 10e édition du Baromètre du Défenseur des droits de 2020. Barbara Genicot, responsable de l’Equité stratégique France, Benelux, Italie et Suisse à BNP Paribas, nous explique l’importance pour les entreprises de considérercemomentclédelaviedeleurs salariées.

Casse Ton Cliché (CTC) : Qu’en est-il de la question de la maternité dans le monde de l’entreprise ?

Barbara Genicot : Bien qu’il existe des lois antidiscrimination permettant de protéger les femmes enceintes, je pense que, dans la pratique, les entreprises doivent être vigilantes et implémenter en leur sein des mesures permettant de s’assurer de l’égalité de traitement hommes femmes, en particulier dans le contexte de la maternité. En effet, il est important que tout le monde soit bien au clair sur ce qui est attendu des managers, et que l’exemple soit donné tout en haut. Une femme qui annonce sa grossesse à son employeur est vulnérable, et va scruter les réactions de son responsable. Il est, selon moi, capital que tous les managers soient sensibilisés à leur rôle et à ce que l’entreprise attend d’eux dans ces circonstances. Idem en ce qui concerne le retour du congé maternité, la rémunération variable de la femme étant partie en congé maternité etc Plus les règles sont claires et les managers conscients de ce que l’entreprise attend d’eux, moins il y a de risques de mauvaises surprises et d’impacts désastreux nuisant à la réputation de cette dernière

CTC : Tomber enceinte, est-ce un handicap professionnel ?

Barbara Genicot : Alors que cela ne devrait pas l’être, cela reste malheureusement encore souvent le cas. Une femme enceinte, ou même susceptible de tomber enceinte, peut être écartée des projets considérés comme les plus intéressants. Si cela peut parfois reposer sur des critères factuels d’absence lors du congé maternité, cela reste souvent la conséquence de clichés ou stéréotypes qui pourraient par exemple amener à considérer qu’une jeune maman sera trop souvent absente ou pas assez disponible. Les conséquences du congé maternité restent visibles longtemps. Ce dernier, moment charnière, représente souvent un décrochage dans les carrières des femmes, dans la progression salariale ou en termes de parcours, par rapport aux collègues masculins. Et malheureusement, l’écart qui se crée à ce moment de la carrière des femmes reste difficile à rattraper.

Société

CTC : A quel moment de la vie professionnelle des femmes un enfant est « le plus handicapant » ?

Barbara Genicot : Je suppose qu’il n’y a pas de règle générale. Cela dépend principalement du manager de la femme en question et du cadre mis en place par l’entreprise, au sens large, pour gérer le congé maternité et surtout le retour de congé maternité.

Cela étant dit, j’aurais tendance à considérer que c’est plus difficile en début de carrière, ayant eu moins l’occasion de faire ses preuves et de prouver sa valeur ajoutée. Quand on a plus d’expérience, que l’on a déjà plus prouvé à son employeur sa valeur pour l’entreprise, il est probablement plus aisé de poser ses exigences et de mettre en place toutes les conditions pour que la reprise lors du retour se passe au mieux.

CTC : Avez-vous des exemples d’entreprises qui ont adopté une politique interne d’accompagnement des femmes en passe de devenir mère ?

Barbara Genicot : Denombreusesentreprisesontmis en place des programmes de diversité.

La communauté des investisseurs juge par ailleurs de plus en plus que la diversité est un facteur clé dans la réussite d’une entreprise

Les entreprises sont désormais souvent évaluées sur ce qu’elles mettent en œuvre à cet égard. La manière de gérer les congés maternité est un des éléments clé des politiques en matière de diversité de genre. En France, par exemple, je pense que la plupart des entreprises du CAC 40 ont pris des mesures. Je peux citer le cas de BNP Paribas qui a mis en place des entretiens systématiques lors du retour de congé maternité, des procédures de revue des rémunérations variables des femmes étant partie en congé maternité afin de s’assurer qu’elles ne soient pas pénalisées, des mesures d’accompagnement pour les jeunes mamans (garde d’enfants, malades à domicile, etc…)

CTC : Concrètement, que reste-t-il à faire ?

Barbara Genicot : Il reste beaucoup à faire. Les progrès actés en termes de traitement égalitaire hommes-femmes restent fragile, comme on a pu le voir avec le Covid19, qui a malheureusement mené à un bond en arrière pour de nombreuses femmes dans le monde.

Par ailleurs, même si de nombreuses choses ont été misesenœuvre,ellespeuventencoreparfoisdépendre du bon vouloir du responsable hiérarchique de la femme en congé maternité. Il reste donc crucial de convaincre l’ensemble de la communauté des vertus de la diversité et du besoin d’assurer un traitement équitable aux femmes enceintes

La plupart des pays développés souffrent déjà d’une baisse importante de la natalité, et d’un manque de bonnes ressources. Il est donc important pour les entreprises de ne pas se priver des talents que représentent les femmes en âge de devenir maman et, pour la société dans son ensemble, de favoriser au mieux la natalité

Ce que dit la loi…

En Europe, l’article 2 du Traité sur l’Union européenne reconnaît le principe de nondiscrimination et l’égalité entre les femmes et les hommes comme valeurs fondamentales.

L’article 157 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne établit le principe de l’égalité de rémunération sans discrimination fondée sur le sexe.

En France, l’article 225-1 du Code pénal indique que «constitueunediscriminationtoutedistinctionopérée entre les personnes physiques » sur le fondement d’un critère prohibé tel que le sexe, la situation de famille et la grossesse.

L’article L.1132-1 du Code du travail pose le principe de non-discrimination selon lequel aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte

Blondeau – 1ère5 & Victoria Petit – 1ère2

Maternité au travail : fun facts & chiffres clés

Tour d’horizon du monde des nourrissons.

Les chiffres

En France

840 000 bébés sont nés en 2023, selon les chiffres de l’INSEE.

97 % des femmes actives travaillent jusqu’au congé maternité. Celui-ci dure 16 semaines pour le 1er et 2e enfant, 26 semaines pour le 3ᵉ enfant et 46 semaines en cas de naissances multiples.

Depuis 2016, 87 % des employeurs doiventaménager les postes des salariées enceintes.

Moins de 25 % des pères prennent la totalité de leur congé paternité.

Dans le monde

83 % des pays garantissent un congé maternité payé. 97 % le garantissent au moins 14 semaines ; 7 % offrent moins de 12 semaines.

50 % des mères retrouvent un emploi dans l’année suivant la naissance de leur enfant.

La durée moyenne de reprise du travail après la naissance est de 5 mois dans les pays développés

En Europe, 1 femme sur 3 interrompt ou réduit sa carrière après un accouchement.

Dans le monde, le coût des crèches est très variable…

En Suisse, comptez 2 695 €/mois en moyenne, soit 67 % du salaire moyen ou 30 % après aides.

Au Royaume-Uni, comptez 1 329 €/mois, jusqu’à 16 000 €/an, soit 40 % du revenu moyen.

À New York, le coût d’une crèche peut atteindre jusqu’à45 490 $/an(~43 000 €),26 %durevenud’un couple, 53 % pour un parent seul.

Les fun facts

En France

Le congé maternité a été instauré en 1909 et n’était pas rémunéré. Une femme sur deux estime que la maternité nuit à sa carrière (Ifop – 2022).

Dans le monde

Certains pays ont adopté des politiques remarquables

EnSuède,uncoupleayanteuunenfantdisposede480 jours de congé parental. Les pères doiventprendre au moins 90 jours. En Islande, le refus du père de prendre un congé est mal vu socialement.

En Norvège, un « bonus bébé » est offert par certaines municipalités, en bons d’achat et/ou aides. En Allemagne, il existe des salles d’allaitement dans certaines entreprises.

En Finlande, 95 % des employeurs proposent un retour aménagé Les parents disposent à la naissance de leur enfant de Baby boxes contenant vêtements, couette, matelas, etc.

Au Danemark, plus de 90 % des enfants vont en crèche avant 3 ans.

Anaïs
Vanina
La députée Gilda Sportiello avec son bébé, dans l’hémicycle du Parlement Italien, juin 2023. ©Instagram
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Travailler

pour vivre ou vivre pour travailler ?

Le monde du travail, en pleine mutation ? A l’heure des évolutions technologiques, écologiques, sociales et économiques, il n’est plus question pour les jeunes générations de subir le travail. Il s’agit de se l’approprier.

Sur les réseaux sociaux, tout semble simple : « Fais ce que tu aimes et tu ne travailleras jamais un seul jour de ta vie. » En coulisses, la réalité du marché du travail est un peu moins instagrammable.

Aujourd’hui,lemondedutravailavanceaurythmedes reconversions professionnelles constantes, des révolutions numériques, et des quêtes de sens personnelles. Pour les jeunes, il ne s'agit plus de trouver un chemin tout tracé, mais d'apprendre à tracer le sien. Bonne nouvelle ! Les opportunités n’ont jamais été aussi nombreuses. Moins bonne nouvelle Il va falloir apprendre à changer souvent de direction, avec souplesse et inventivité.

Changer de métier : un must de nos jours

C’est un fait : une seule carrière, c’est terminé ! Selon une étude menée en Grande Bretagne en 2023, un actif sur deux changera d’emploi ou de secteur au moins trois fois au cours de sa vie. Chez les jeunes diplômés, c’estbienplusrapideencore SelonLinkedIn,unjeune professionnel change d’entreprise tous les 2 à 3 ans en moyenne. Résultat ? Il ne s’agit plus de « trouver sa

voie » mais de savoir construire un chemin modulable, au fil des compétences, des envies et des contextes économiques parfois capricieux. S'adapter, se former en continu, oser bifurquer deviennent de « vraies » compétences clés

Et, contrairement aux idées reçues, la génération Z ne se tourne pas les pouces « Le travail reste une valeur essentielle pour elle », précise Brice Teinturier, directeur général délégué d'Ipsos. En effet, 84 % des jeunes sondés affirment avoir le « goût du travail ». Julia de Funès, sociologue et philosophe, va dans le même sens : « Ce n'est pas parce qu'on a un nouveau rapport au sens du travail qu'on travaille nécessairement moins ou moins bien. »

Quand l’épanouissement passe avant le salaire

« Trouver un métier qui a du sens ? Oui. Payer son loyer avec ce sens et sans l'aide des parents ? Plus compliqué. », témoigne un futur bachelier de l'EIB.

C’est bien ce sens du travail qui prime chez la Génération Z. Selon une enquête de Ressource Solution datant de 2023, 73% des jeunes interrogés

Anyssa Bhayat & Alix Leroy – 2de4

Quand Paris met le spleen

La Seine, l’amour, la tour Eiffel, les croissants… Depuis toujours, Paris alimente l’imaginaire des touristes Jusqu’à ce que la réalité reprenne ses droits…

Entre balades à Montmartre et décors de cartes postales, les attentes des 50 millions de touristes annuels affluant dans la Ville Lumière sont élevées. Pourtant, ces visiteurs sont souvent déçus à leur arrivée, influencés par une image de Paris véhiculée par les films, comme Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain, et séries à succès, telles Emily in Paris

La vision idéalisée de la capitale ? Romantique, chic et poétique, avec pour emblèmes la tour Eiffel ou encore le Sacré-Cœur. Une touriste venue d’Écosse avec son conjoint, affirme qu’elle a « toujours voulu venir à Paris ».

Mais cette vision romancée contraste souvent avec la réalité que découvrent les visiteurs. En effet, comme toute grande ville, Paris a aussi ses problèmes. Si la capitale figure en tête des classements des villes les plus visitées, elle est aussi régulièrement classée

parmi les plus grossières. Le comportement des Parisiens est souvent critiqué, ces derniers étant peu prompts à prêter main forte et à parler anglais Interrogée, une touriste allemande exprime sa surprise après avoir pris les transports en commun : « ça ne marchait juste pas […] on n’a pas eu d’aide ». Les touristes sont égalementchoqués par la saleté des rues ou les prix élevés de la nourriture

Cette déception face à la jungle parisienne a même donnélieuàuntroublepsychologique:le«syndrome de Paris ». Ce choc brutal touche surtout les touristes japonais, désorientés par leur séjour dans la capitale. Nausées, vomissements, anxiété, état dépressif voire hallucinations… Ce syndrome, forme extrême de déception, symbolise le fosséentre fantasme etréalité parisienne. Pour qui sait les voir, les zones d’ombre de la Ville Lumière ont néanmoins leur charme… Page 13

seraient enclins à moins bien gagner leur vie si cela leur permettait d’avoir un emploi plus épanouissant. Conséquence ? Ils sont nombreux à privilégier entreprises, start-ups, ou encore entrepreneuriat. Mais une autre tendance émerge Aujourd’hui, une partie des jeunes préfère alterner entre périodes de travail intense et pauses dédiées à des projets personnels. L’idée n’est plus forcément de faire carrière dans une seule entreprise, mais de construire un parcours à épisodes, au gré des envies.

Il s’en dégage une « conception polycentrique de l’existence », analyse Dominique Méda, auteure du livre Les générations entretiennent-elles un rapport différent au travail ? « La famille, les relations sociales et amoureuses, les loisirs, l’engagement militant sont aussi prioritaires que le travail. Les jeunes recherchent une cohérence entre les différents aspects de leur vie, ce qui les amène parfois à préférer l’insécurité. »

Le monde du travail n’est plus un chemin tout tracé, mais une carte à redessiner à chaque étape, au cours desquelles il faut apprendre à jongler entre passion, formation, reconversion et, accessoirement, subsister

Francisco Ludena – 1ère7

Cancel culture : la solution ?

BILLET D’HUMEUR. « A way of behaving in a society or group, especially on social media, in which it is common to completely reject and stop supporting someone because they have said or done something that offends you ». Telle est la définition de la cancel culture, donnée par le Cambridge Dictionary Cette pratique est de plus en plus populaire, notamment chez les jeunes générations, et souvent associée aux mouvements wokistes, les mouvements de l’éveil. Il s’agirait donc là de s’éveiller, de dénoncer les problèmesactuelsdesociétéetdeleséradiquer,depair avec ceux qui les perpétuent. Exclusion sociale, insultes, boycotts Tous les moyens sont bons pour s’opposer au soi-disant mal en société.

Le fait de rejeter ce qui déplait s’y ancre. Est-ce donc là la solution ? Se créer une bulle utopique où tout le monde partage les mêmes idées, les mêmes convictions, les mêmes goûts ?

« Je ne sais qu’une chose, c’est que je ne sais rien » Platon,àtraverscettephrase,montrelavoie Lesavoir, la bien-pensance universelle n’existe pas. N’est-ce donc pas inutile de chercher si désespérément à les posséder ?

Toutefois, il est indéniable qu’il y a des tensions, des oppositions idéologiques. Certains commettent des actes méprisables, haïssables. Faut-il les exclure, fautil à notre tour les mépriser ? Comprendre, éduquer demande un effort ; condamner est plus facile Ainsi, il faut accueillir, dialoguer, expliquer et être patient. Il faut chercher à faire voir aux autres ce qu’ils ne voient pas, ce que l’on ressent, les enjeux de leurs actions, leurs conséquences. Même s’il ne s’agit pas pour autant de tout accepter.

Image libre de droit
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Métiers manuels et d’artisanat… En finir avec les coups de patte

Traiteur, pâtissier, ébéniste, maçon… Alors qu’un sondage IFOP, réalisé en 2023, pointe le fait que 73% des Français sont attirés par des métiers à dimension manuelle ou alliant dimension manuelle et intellectuelle, travailler de ses mains tend à être dévaloriser dans l’inconscient collectif. Loin de l’IA et des nouvelles technologies, les métiers manuels et d’artisanat offrent pourtant aux travailleurs en quête de sens, carrières solides, formations accessibles et rémunérations attractives.

Un moyen « triste » pour survivre… Déjà en Grèce antique, les citoyens avaient en aversion les métiers manuels. Considérant ces derniers comme des activités avilissantes pour l’homme, l’élite de la Cité leur préférait les activités intellectuelles. Le labeur physique a plus ou moins conservé cette mauvaise réputation jusqu’à nos jours.

Pourtant, les métiers manuels et d’artisanat ont aujourd’hui le vent en poupe car perçus comme utiles, variés, épanouissants et relativement bien rémunérés. En effet, selon un sondageOpinionWay de2023, 37 % des salariés français envisageraient une reconversion vers des métiers « de la main et de l’humain ». L’une des raisons ? Une quête de sens professionnel, à l’heure de l’IA et des nouvelles technologies qui remettent en question le concept d'une carrière linéaire et suscitent des doutes sur le modèle traditionnel du salariat.

Peu d’offres et une forte demande

En outre, les métiers manuels connaissent un renouveau, porté par des secteurs en forte demande

Par exemple, le secteur du bâtiment recherche activement des professionnels qualifiés, avec près de 73 800 postes disponibles en 2023. De même, le métier de couvreur compte seulement 27 000 professionnels en France. Réchauffement climatique oblige, installer toitures adaptées, capteurs solaires et isolateurs thermiques est une activité d’avenir, en lien avec l’écologie. En 2024, plusieurs métiers de l’automobile figurent parmi les plus difficiles à pourvoir, selon France Travail. En effet, le métier de mécanicien reste très demandé et offre des débouchés variés : garages, industries aéronautique, ferroviaire, construction navale

Formations accessibles et salaires attractifs

Pour les jeunes qui souhaitent se diriger vers les métiers « de la main », les formations et parcours sont très accessibles avec, à la sortie, des salaires attractifs. En effet, le Certificat d’Aptitude Professionnelle (CAP) est une formation de deux ans qui permet d’acquérir des compétences techniques spécifiques pour le métier choisi, par exemple plombier

Adults only : En vacances, les petits sont de trop

Pleurs stridents, livre éclaboussé, glace fondue sur les transats… Pour les adultes en quête de calme et de détente, les vacances entourés d’enfants, c’est non

L’enfer, ce sont les gosses. Dans le secteur du tourisme, une nouvelle tendance se dessine : le concept « adults only » ! Le principe est simple… Il s’agit d’interdire les réservations aux adultes avec enfants, que ce soit en camping, hôtels de luxe ou encore chambres d’hôtes. Exit les petits, place aux grands ! L'idée s'est bien développée en Allemagne, en Angleterre ou encore en Espagne, où l’on compte une centaine d’établissements.

En France, « adults only » peine à séduire cependant. En effet, les sites spécialisés ne recensent qu'une dizaine d’établissements proposantce concept, sur17 000. Parmi les raisons invoquées se dégage le fait que la société est encore profondément axée sur la famille

Ceux qui n’ont pas d’enfants ou qui n’apprécient leur présence, sont mal vus.

Le concept est également à la limite de la légalité, le Code Pénal reconnaissant comme discrimination toute distinction faite sur le physique, l’ethnie ou l’âge, et est punie de 45 000 euros d’amende et trois ans d’emprisonnement. « Ce n’est pas de la discrimination, c’est notre business. Si ça marche c’estsuper. Une fois qu’ils ontgoûté au camping sans enfants, les touristes ne veulent pas retourner dans un autre », affirme Stuart Coe, gérant du camping Château de Lacompté. Discours sectaire ou prêche pour une nouvelle paroisse ? Page 14

Autre possibilité : le baccalauréat professionnel, formation de trois ans, qui permet une spécialisation plus poussée et ouvre la voie à des études supérieures, tout comme le Brevet de Technicien Supérieur (BTS) Ce diplôme permet d’approfondir ses connaissances techniques et d’accéder plus facilement à des postes avec plus de responsabilités, plus rapidement. Une option particulièrement utile pour les métiers du bâtiment et de l’énergie.

Côté rémunérations, les salaires peuvent varier de 1700 à 3500 euros par mois, en fonction de l’expérience et du secteur d’activité Pour les artisans indépendants, le chiffre peut atteindre environ 5000 euros

Manon Chevallet – 1ère6 Faux riches : Derrière le luxe,l’arnaque

Ils affichent une vie de rêve et font grand déballage de leur fortune. Derrière les apparences des « faux riches » se cachent cependant bien souvent des arnaqueurs.

Son but ? Séduire pour extorquer. Le faux riche est un escroc qui met en scène, souvent sur les réseaux sociaux, une vie de luxe pour manipuler son entourage ou encore de strictes inconnu(e)s. Voitures de sport, voyages de rêve, vêtements de luxe : tout est minutieusement orchestré pour faire croire à une réussite éclatante. Mais derrière cette façade dorée, il n’y a bien souvent que du vide ou des dettes. Pourtant, l’escroquerie fonctionne parce qu’elle exploite des failles humaines profondes, comme l’admiration pour la richesse, l’obsession de la réussite rapide, ou encore le besoin affectif

En janvier 2025, les médias avaient largement relayé l’histoire d’Anne et du faux Brad Pitt. Sur Instagram, cette femme de 53 ans s’était laissée bernée par des messages en rafale, des photos et autres vidéos truquées, au point d’avoir envoyé près de 800 000 euros à l’homme qui se faisait passer pour la star hollywoodienne.

Sur les réseaux sociaux, il est essentiel de rester vigilant et de mettre à profit, littéralement, le fameux adage : « Si c’est flou, c’est qu’il y a un loup ! »

Image libre de droit
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Francisco Ludena – 1ère7

Le protectionnisme selon Trump

François-Xavier Martin, professeur de Sciences Economiques et Sociales à l’EIB, fait le point sur la politique économique de l’actuel président des Etats-Unis.

Casse Ton Cliché (CTC) : Qu'est-ce que le protectionnisme en économie ?

FX Martin : Le protectionnisme, c’est une politique économique qui cherche à protéger les entreprises nationales de la concurrence étrangère. Concrètement, cela passe par des droits de douane, des quotas, des normes techniques strictes, ou encoredesaidespubliquesauxentreprisesexportatrices.L’objectifestdepréserver l’emploi, soutenir certaines industries et rééquilibrer les échanges internationaux. Historiquement, il revient souvent en période de crise, comme dans les années 1930. S’il peut offrir un répit à court terme, le protectionnisme a aussi des effets négatifs directs, tels des prix plus élevés, moins de choix pour les consommateurs ; et à long terme, des mesures de rétorsion qui entrainent une guerre commerciale et un recul du commerce international.

CTC : Quelle est la politique économique de Donald Trump depuis son élection en 2024 ? Diffère-t-elle de celle de sa première élection ?

FX Martin : Lors de son premier mandat (2017-2021), Donald Trump avait lancé la politique du « America First » : hausse des droits de douane sur les produits chinois, mexicains ou européens, forte baisse des impôts sur les entreprises - le taux est passé de 35 % à 21 % - et allègement des réglementations notamment dans les hydrocarbures et la finance. En 2024, il durcit encore ce cap, avec une taxe minimum de 10 % sur toutes les importations, du jamais vu depuis 1909.

CTC : Le protectionnisme de Donald Trump a-t-il eu des effets durables sur la compétitivité des entreprises américaines ?

FX Martin : À court terme, certains secteurs comme la sidérurgie ontprofité d’une bouffée d’oxygène. Mais à long terme, cela a pénalisé d’autres industries, comme l’automobile ou le bâtiment, à cause de la hausse des coûts des matières premières. Les incertitudes commerciales ont aussi freiné les investissements nationaux et étrangers. En outre, selon la Réserve fédérale (Fed), les ménages américains ont dû payerenviron800dollars deplus par an.Finalement, lesgains sontminimes, ciblés et aucun des problèmes structurels de l’économie américaine, comme la perte de compétitivité, les inégalités sociales grandissantes ou encore la dépendance aux importations asiatiques, ne sont résolus.

CTC : Quelles conséquences les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine ont-elles ?

FX Martin : Dès 2018, Trump a lancé une guerre commerciale avec la Chine, avec plus de 360 milliards de dollars de droits de douane. Pékin a répliqué avec des mesures similaires et, ainsi, les échanges bilatéraux se sont réduits… A titre d’exemple, les exportations américaines vers la Chine ont chuté de près de 20% entre 2017 et 2019. Certains secteurs américains, comme l’agriculture, ont été très durement touchés. En outre, les chaînes de production ont bougé… mais pas forcément aux États-Unis : Nike est allé au Vietnam, Apple en Inde. L’effet de relocalisation attendu est resté très limité.

CTC : Les mesures protectionnistes de Donald Trump ont-elles renforcé ou affaibli le rôle du dollar dans le commerce international ?

FX Martin : Le dollar est resté très solide car la confiance mondiale dans la monnaie américaine repose surtout sur la taille de l'économie américaine et la stabilitédesesinstitutionsfinancières.NonsurlaqualitédesrésidentsdelaMaison

Blanche. Ainsi, environ 90 % des transactions mondiales restent en dollar et ce dernier est toujours la principale monnaie de réserve des banques centrales. Il constitue 60 % des réserves mondiales. Néanmoins, les initiatives d’émancipation du dollar continuent à se multiplier, poussées par la Chine, la Russie ou l’Iran Le but est de développer des alternatives au dollar dans certains échanges stratégiques.

CTC : La politique protectionniste de Donald Trump a-t-elle révélé des divisions internes dans l’Union Européenne (UE) ?

FX Martin : Oui, certains pays européens comme l’Allemagne ou les Pays-Bas voulaient privilégier la négociation et éviter l’escalade commerciale, ces pays étant fortement exportateurs. D'autres, comme la France ou l’Italie, étaient plus enclins à adopter une posture plus ferme face aux États-Unis, notamment avec la proposition de taxation des GAFAM.

Enfin, certains pays d’Europe de l’Est, comme la Pologne, ont privilégié un rapprochement stratégique avec les États-Unis, du fait de leurs problèmes liés à la guerre entre l’Ukraine et la Russie. Cela a souligné, une fois de plus, l'absence de politique commerciale extérieure vraiment unie en Europe.

CTC : Quel est l’impact sur des secteurs stratégiques français, aéronautique et luxe en tête ?

FX Martin : En 2019, les États-Unis ont imposé 7,5 milliards de dollars de droits de douane sur des produits européens, à la suite d’une décision de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) contre Boeing. Les Etats-Unis avaient octroyé des subventions illégales au constructeur aéronautique. Ainsi, il y a eu des taxes de 10 % sur les avions Airbus, mais aussi de 25 % sur le vin, le fromage, etc. En revanche, le secteur du luxe est moins directement touché car il est toujours peu sensible à la conjoncture : les riches ont toujours assez d’argent pour consommer avec ostentation… et c’est donc encore mieux si c’est plus cher ! La France a participé activement aux négociations via l'UE afin de limiter les sanctions. Le Président Macron a appelée constamment à la désescalade commerciale.

CTC : Pour résumer, l'économie selon Trump, est-ce l’enfer ou le paradis ? Pour qui ?

FX Martin : La politique économique de Trump a pu créer un sentiment de reprise et de fermeté les premiers mois de son mandat mais les déséquilibres de fond restent entiers, voire aggravés : déficit public grandissant, perte de compétitivité, élargissement de la fracture sociale. En 2024, pourtant, le milliardaire américain avait récupéré une économie en bonne forme : croissance de près de 3%, faible chômage, inflation descendante.

Les ménages américains déjà échaudés par l’inflation voient encore leur pouvoir d’achat rogné par les prix plus élevés dus aux tarifs douaniers. Or, le principal moteur de la croissance américaine reste la consommation. Selon des économistes de Goldman Sachs et JP Morgan, une récession pourrait arriver dès l’an prochain et l’inflation devrait repartir à la hausse. Enfin, à plus long terme, les coupes funestes dans les dépenses publiques instiguées par Elon Musk, notamment dans les domaines de la santé ou de la recherche, vontsaper durablementles fondements de l’économie américaine en réduisant sa capacité à produire efficacement et à innover

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Casse Ton Cliché
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Arthur Kidd – Tale2

Emmy Mateos – 1ère2

Les COP en quête d’un nouveau souffle

A l’approche de la COP30, les Etats font grise mine quant à leurs objectifs de lutte contre le réchauffement climatique

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1992. Rassemblant 179 Etats à Rio de Janeiro, lors d’une conférence internationale de l’ONU, le Sommet de la Terre est reconnu comme un des premiers engagements mondiaux pour le développement durable. Il adopte trois conventions internationales : la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), la Convention de la diversité biologique (CDB) et la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD) signée en 1994.

De ces trois conventions vont découler 3 COP, dépendant chacune d’une convention internationale

Environnement

spécifique.

Tout d'abord, la COP Climat - la plus médiatisée et connue du grand public - a lieu tous les ans, depuis 1995. Elle a pour but de lutter contre le dérèglement climatique en se focalisant sur l’avancement de chaque nation dans leurs actions. De même, elle permet la prise de nouveaux engagements à l’échelle nationale et internationale.

De son côté, la COP Biodiversité, organisée tous les deux à trois ans, dépend de la CDB. Elle a pour objectif de protéger la biodiversité et d'utiliser les ressources naturelles de façon durable. De plus, elle tente de défendre les droits des communautés locales, souvent les plus touchées par la dégradation de la nature.

Enfin, la COP désertification a lieu tous les deux ans. Elle lutte contre la dégradation des terres etencourage une gestion durable des sols, surtout dans les zones arides.

Comment fonctionnent les COP ?

Les COP invitent la participation de 197 parties soit 196 pays et l’Union Européenne (UE). A l’exception de la COP Biodiversité, les Etats-Unis n’y participent pas. Chaque pays envoie une délégation d’experts, de ministres, de diplomates pour les représenter. De même, on retrouve des observateurs de différents profils, tels ONG, sociétés civiles, chercheurs, collectivités locales, entreprises privées et organisations internationales. Ces derniers n’ont pas de droits décisionnaires mais participent activement. Pour finir, les médias sont aussi présents et peuvent participer aux débats

Chaque COP dure en moyenne 10 à 14 jours. La première semaine est consacrée à la phase technique, au cours de laquelle les diplomates et scientifiques posent les bases, négocient les textes et débattent des pointsdedésaccord.Lasecondeestlaphasepolitique. L’objectif est de confirmer puis signer les accords

finaux. Cette phase est menée principalement par les délégations d’Etats, mais peut aussi mener à l’intervention des médias et ONG.

Un impact fluctuant

Depuis leur création, certaines COP ont eu plus d’impact que d’autres.

La plus décisive reste encore à ce jour la COP21 Climaten2015,dontlesAccordsdeParisontdécoulé. L’objectif principal ? Limiter la hausse de température en-dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et, si possible, de 1,5°C en réduisant les émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Chaque pays doit se fixer des objectifs nationaux à réévaluer tous les cinq ans. De même, les accords permettent un soutien financier aux pays en développement face aux effets du changement climatique. Ces accords obligent les pays à une transparence de suivi et communication de leurs objectifs. Seuls le Yémen, la Libye et l’Iran n’ont pas signélesAccordsen2015.Deleurcôté,lesEtats-Unis se sont retirés des Accords en 2025, pour la deuxième fois.

En ce qui concerne la COP Biodiversité, on relève la COP15 de Montréal, en 2022, qui a fixé l’objectif de protéger 30% des terres et océans pour 2030. De même, la COP15 Désertification s’est donné comme objectif de restaurer 50 millions d'hectares de terre dégradés pour 2030.

A quand la prochaine COP Climat (COP30) ? La date est fixée à décembre 2025 et se tiendra à Belém, au Brésil. Les principaux enjeux seront, pour les pays, de faire état de l’avancement de leurs objectifs fixés lors des Accords de Paris. Les prévisions actuelles tablent cependant sur une augmentation des températures de 2,6°C et non une baisse

Dernier fer de lance ? La préservation des forêts tropicales, sujet essentiel pour l’Amérique du Sud.

Pollution : A qui la faute ?

Emissions de gaz à effet de serre, déforestation, pollution plastique et perte de terres fertiles… C’est un fait, la planète va mal. Mais à qui incombe la responsabilité ?

Selon le Global Carbon Project de 2023, la Chine est le plus grand pollueur avec 28% des émissions globales. Les Etats-Unis arrivent en deuxième position, avec environ 15% ; l’Union Européenne (UE) en troisième, avec environ 8%. Soit, tout confondu, près de la moitié des émissions globales sur la planète Malgré les difficultés, la France vise haut, espérant atteindre un net-zéro avant 2050. L’Hexagone a aussi promis de réduire ses émissions par 40% avant 2030. Si, depuis 1990, l’empreinte carbone française a baissé de 13%, elle est néanmoins bien en dessous des prévisions sur 40 ans. 32% des objectifs ont ainsi été réalisés en 87% du temps prévu. Le Haut Conseil pour le climat, instance consultative

indépendante créé en 2018, a insisté sur les incohérences politiques et le manque de mesures prises par la France, à ce sujet. Un état de fait pointé du doigt par la Cour européenne des droits de l’homme, en 2022

Lors de son évaluation en 2018, la Commission européenne avait, de son côté, déjà soulevé le manque d’articulation dans plusieurs États-membres entre différents échelons de gouvernance, le faible montant des ressources allouées, le manque de synergies entre services de secours et organismes publics en charge de l’adaptation et enfin, la prise en compte insuffisante des populations les plus vulnérables.

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Kristjan Blondal – 1ère6

Valentine Lescure – 1ère6 & Chloé Robinson – 1ère2

A Copenhague, l’énergie éolienne inspire

Au cours de leur voyage scolaire à Copenhague, encadré par Jérémy Derny, professeur documentaliste et David Bissonnet, professeur de Lettres, les élèves de l’EIB ont eu l’occasion de faire une visite en bateau du parc éolien de Middlegrunden, situé à 3 km de la capitale du Danemark. Son fondateur et dirigeant, Hans Christian Soerensen a parlé du fonctionnement de l’énergie sur ce petit territoire à la recherche de l’auto-suffisance.

Casse Ton Cliché (CTC) : Pourquoi le Danemark a-t-il choisi d’investir dans l’énergie éolienne plutôt qu’une autre ?

Hans Christian Soerensen : AuDanemark,toutd’abord,leventestleplusprésent. C’est même la seule source d’énergie dont nous disposons. Avec les avancées technologiques néanmoins, nous installons néanmoins beaucoup de panneaux photovoltaïques sur les toits – ce que nous ne pouvions pas faire il y a 25 ans

CTC : En ce qui concerne les éoliennes, en mer ou sur terre ?

Hans Christian Soerensen : ÀCopenhague,leséoliennesontétéinstalléesenmer, par manque de place. Il était impossible d’installer des turbines près du lieu de vie des gens. Sur terre, on trouve la majorité de ces dernières sur la côte ouest du Danemark, moins peuplée

CTC : Pensez-vous que l’énergie éolienne, ou plus généralement l’énergie verte, pourrait devenir la seule source d’énergie utilisée au Danemark ?

Hans Christian Soerensen : Cela dépend de comment vous définissez énergie verte. Aujourd’hui, notre système d’énergie est basé sur l’export-import, parce qu’on ne peut pas la stocker. Et il faut utiliser l’électricité dès lors qu’elle est produite De nos jours, le Danemark exporte à la Norvège et à la Suède, dès lors que l’on produit plus que l’on consomme En Norvège, plus de 90 % de leur électricité est basée sur l’hydroélectricité. En effet, il est plus facile de stocker l’eau en formant tout simplement des barrages En cas de besoin, la Norvège nous fournit de l’électricité, ainsi qu’à l’Allemagne, moyennant une majoration de 20% par rapport à la production de notre propre électricité. C’est la raison pour laquelle le Danemark pratique actuellement des tests sur “l’énergie à X”, c’est-à-dire d’utiliser de l’électricité provenant des éoliennes afin de produire du gaz artificiel. Dans le futur, ce type de produit pourrait être utilisé dans le secteur automobile ou aéronautique. J’ajoute que le gaz est aussi facilement stockable, notamment dans le sol et nous évite la dépendance aux éléments, soleil et vent en tête CTC : En dehors de l’énergie verte, que fait Copenhague pour atteindre la neutralité carbone ?

Hans Christian Soerensen : À l’heure actuelle, de gros changements sont en cours dans le secteur de l’automobile, notamment électrique Le réseau actuel autour de Copenhague n’est pas assez puissant. Dans les petits villages situés à 30 km de la ville, les citadins ayant acheté une résidence secondaire se retrouvent autorisés à recharger leur véhicule seulement pendant des heures spécifiques. Dans le cas contraire, ils n’auraient pas assez d’énergie pour faire à manger ou encore chauffer la maison.

L’éolienne danoise en chiffres

En 2023, l'éolien produisait 57,6 % de l'électricité du Danemark. Le pays a joué un rôle pionnier dans le développement de cette technique. Cette haute proportion d'énergie intermittente est rendue compatible avec la demande, grâce aux capacités de régulation apportées par les barrages hydroélectriques de la Norvège et de la Suède, et aux nombreux câbles sous-marins d'interconnexion qui relient le Danemark à ces deux pays.

Sur le segment des éoliennes en mer, le pays tient le 3e rang de l'UE, avec 15,6 % de la production et 13,4 % de la puissance installée, derrière l'Allemagne et les Pays-Bas. Avec 1 227,3 W/habitant, soit 2,52 fois la moyenne de l'UE, derrière la Suède et la Finlande, le Danemark.

Lors de sa construction en 2000, Middlegrunden était le plus grand parc éolien en mer du monde, avec 20 éoliennes et d'une totale capacité de 40 MW. La ferme fournit environ 4 % de l’électricité de Copenhague Ce projet est un exemple d'énergie éolienne communautaire. Le parc est détenu à 50 % par les 10 000 investisseurs de la coopérative éolienne de Middelgrunden et à 50 % par la société de services publics municipale.

Copenhague, vue du bateau. ©Electra Dumeur – Tale2
– Tale2

Bhayat – 2de4

Hypersensibilité… Le syndrome princesse au petit pois ?

Capacité accrue à percevoir ce qui se passe en soi ainsi qu’à ressentir les stimuli de manière plus intense, que ce soit sur le plan des émotions, de l’environnement ou des relations humaines, l’hypersensibilité n’est pas si simple à comprendre au quotidien. A toi de tester tes connaissances sur le sujet !

1. L’hypersensibilité est une maladie

Vrai Faux

2. Il existe une hypersensibilité sensorielle.

Vrai

Faux

3. L’hypersensibilité ne dépend que d’un facteur génétique.

Vrai

Faux

4. Beaucoup d’individus sont atteint d’une forme d’hypersensibilité.

Vrai

Faux

5. Les hypersensibles sont insupportables.

Vrai

Faux

6. L’hypersensibilité peut être un atout.

Vrai

Faux

Bhayat – 2de4

Energie nucléaire, la bonne idée ?

Souvent évoquée dans les débats, l’énergie nucléaire est aujourd’hui au cœur des controverses, certains pays se tournant vers d’autres sources. Aperçu des avantages et inconvénients de l’atome

Inconvénient 1 : Le prix

L’énergie nucléaire a des coûts initiaux très élevés, notammentpour laconstruction etla maintenancedes centrales. Elle est donc, à court terme, plus coûteuse que d’autres sources comme le solaire ou l’éolien.

Inconvénient 2 : Les déchets

L’uranium utilisé dans la génération de l’électricité produit des déchets dont environ 4% sont hautement radioactifs et peuvent donc poser des problèmes de santé. Le bon stockage de ces déchets est donc indispensable dans l’utilisation du nucléaire

Inconvénient 3 : Les accidents

Même s’ils sont extrêmement rares, les accidents de fusion nucléaire produisent de dégâts immenses, à l’image de Tchernobyl ou Fukushima. Dans les pays

où l’énergie nucléaire est utilisée, des mesures de sécurité et d’urgence sont donc nécessaires et une priorité.

Avantage 1 : Elle ne pollue pas (ou peu) Contrairement à d’autres sources d’énergie, l’énergie nucléaire ne pollue pas l’atmosphère car elle ne rejette pas de gaz à effet de serre (ou très peu). Un atout majeur, réchauffement climatique oblige

Avantage 2 : La quantité d’énergie produite L’énergie nucléaire est une source fiable qui fonctionne tout le temps et ne dépend pas de facteurs météorologiques. Elle produit aussi beaucoup d’énergie, plus que certaines énergies vertes comme le solaire ou l’éolien. Un atout important dans un monde aux besoins énergétiques grandissants.

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Résultats :

1. Faux ! L’hypersensibilité est une nature, une façon d’être et de percevoir le monde, non une pathologie.

2 Vrai ! Certains individus sont très sensibles aux sons, odeurs, aux textures… Ces personnes peuvent par exemple ne pas supporter certains tissus, certaines odeurs qui amènent à de l’inconfort.

3 Faux ! Même si certaines études avancent l’idée qu’un allèle pourrait être à l’origine de l’hypersensibilité, d’autres facteurs comme l’éducation, les traumatismes ou la société sont en cause

4 Vrai ! Selon des estimations, environ 20% de la population mondiale serait atteinte d’hypersensibilité.

5 Vrai et Faux ! Être hypersensible ne veut pas dire qu’un individu est particulièrement insupportable. Si son comportement peut surprendre quelquefois, l’hypersensible est tout à fait fréquentable.

6 Vrai ! Les hypersensibles sont souvent plus attentifs au monde qui les entoure. Ils peuvent souvent percevoir des détails invisibles pour les autres, ils apprécient plus la beauté de l’art et ont une empathie plus importante.

Capucine Darmouni – 1ère3 & Alice Salla – 1ère1

Jeu : Quand Chat GPT hallucine

Terme employé dans le domaine de l’IA, l’hallucination est l’idée que de fausses réponses, certifiées, soient prodiguées, notamment par Chat GPT

De nos jours, l’intelligence artificielle est utilisée dans de nombreux domaines. Chat GPT est par exemple le meilleur allié des étudiants en matière de travaux à rendre. Vraiment ? Depuis le début de son utilisation, des chercheurs ont pu constater un taux d’erreur moyen supérieur à 60%.

En lui demandant de résoudre un exercice de mathématiques assez simple, Chat GPT nous a fourni une réponse surprenante. Le problème ci-dessous contient une simple erreur de calcul malgré un résonnement abouti.

Enoncé du problème

Le loyer annuel d’un appartement coûte 7 600 euros à la signature du bail, en 2008. Chaque année, le loyer annuel augmente de 1,8% jusqu’en 2015

Modélisons le prix des loyers annuels par une suite numérique géométrique (Un) ; Notons vo le loyer annuel payé en 2008. Étant donné un entier naturel n, on note vn, le prix du loyer annuel (en euros) pendant l'année (2 008 + n). Donc le premier terme vo = 7 600 euros. Calculez le terme v, correspondant à l'année 2015.

V7 = V0 x q7 = 7600 x (1,018)7

Calcul : (1,018)7 ~ 1,1382

V7 ~ 7600 x 1,1382 ~ 8650,32

Résultat arrondi à l’unité : V7 = 8650 euros.

ChatGPTcommetuneerreuràlafin,lorsqu’ileffectue la multiplication, la partie la plus simple de l’exercice. Désormais, à vous de trouver la bonne réponse et de vous rendre compte qu’il est important de réfléchir par soi-même.

Tours de refroidissement d’une centrale nucléaire Image libre de droit

Casse Ton Cliché

Marie Gagliardi – 1ère3

Natation : Fabien Gilot, le (re)converti

Nageur français spécialiste des épreuves de sprint en nage libre, Fabien Gilot est multiple médaillé mondial, olympique et européen. Aujourd’hui retraité, celui qui fut aussi le capitaine de l’équipe de France de natation lors des JO de Rio en 2016 nous parle de son parcours et de sa vision du sport.

Casse Ton Cliché (CTC) : Vous avez été nageur professionnel pendant une vingtaine d’années… Qu’est ce qui a été le plus difficile dans la pratique de votre sport ?

Fabien Gilot : Le plus difficile quand tu es jeune c'est la compréhension et l'appréhension de la discipline. Dans le sport de haut niveau, il faut apprendre à faire aussi des choses que tu n'aimes pas. Quand tu échoues, par exemple, il ne faut pas laisser l'émotionnel prendre le dessus. Il faut tout de suite repartir mais ça se travaille. La discipline passe aussi par le travail sur sa récupération, son hygiène de vie, son assouplissement. Si tu y travailles très jeune, c'est une arme redoutable

CTC : Gérer la pression, est-ce que cela s’apprend ?

Fabien Gilot : Bien sûr ! L’accompagnement d’un préparateur mental est aussi important qu’un entraîneur sportif, un médecin, un kiné ou un préparateur physique. Je pense évidemment qu'il y a des gens qui ont une prédisposition à supporter la pression naturellement et mieux que les autres. Mais ça s’apprend !

CTC : Est-il plus facile de gérer une défaite ou une victoire ?

Fabien Gilot : Le problème avec moi, c'est que j'affectionne l'échec et que je redoute cruellement la victoire… L'analyse et l’introspection dans la victoire est moins objective. On a tendance à omettre l’analyse de beaucoup d’aspects essentiels effacés par l’enthousiasme. Certaines victoires peuvent faire autant de mal que certaines défaites.

CTC : Quelles sont les conséquences sur la vie privée quand on pratique le sport à haut niveau ?

Fabien Gilot : Je pense qu'il y a un âge pour tout… Quand tu es jeune, tu as peutêtre tendance à te concentrer un peu plus sur ta carrière. Ce qui est certain c'est qu’être avec quelqu'un qui n’évolue pas dans le monde du sport de haut niveau est plus complexe. La vie est réglée et réglementée autour du sport.

CTC : Le monde du sport de haut niveau est-il un monde de rivalité ?

Fabien Gilot : Je pense que c'est avant tout un combat contre soi-même. La défaite apporte deux déceptions :celle d'avoir perdu carla personne en face aété plus forte ce jour-là. Celle-ci se digère un petit peu plus facilement. La deuxième qui est d’avoir perdu en laissant l'adversaire prendre le dessus, est plus difficile à encaisser. Mais c'est une courbe d'apprentissage qui est très intéressante et qui permet de se construire en tant qu’individu.

CTC : Le doute est-il un ennemi ou un moteur ?

Fabien Gilot : Je pense que c'est plutôt un allié qui peut revêtir une dimension positive Je pense que le doute est sain. Sans remise en question, sans réflexion un

petit peu profonde, on ne peut pas progresser. En tant que sportif, reproduire uniquement ce que l'on faisait les années précédentes ne nous invite plus à progresser donc il faut continuellement se réinventer pour continuer d'exister.

CTC : Comment avez-vous vécu votre reconversion à la fin de votre carrière ?

Fabien Gilot : Aujourd'hui, je possède une société d’assurances qui emploie 80 personnes. C’est une reconversion que j’ai préparé en amont. Je suis totalement épanoui dans ce que je fais. J'étais arrivé au bout de mon histoire. J’avais fait 4 JO, j'avais 32 ans etmon corps étaiten train de me dire stop. C'estdéjà très beau d'avoir duré aussilongtemps ! Ensuite, j'avais le souhaitd'aller m'amuser dans autre chose, pour me découvrir, me rechallenger. C’est la raison pour laquelle je ne suis pas entraîneur de natation.

CTC : Y a-t-il forcément un moment de flottement après un moment de gloire et de popularité intense ? Comment traverse-t-on cette phase ?

Fabien Gilot : Bien sûr ! Les grandes victoires cachent souvent des grands moments de solitude derrière. En cas de défaite, c’est pire ! Mais cela fait partie du jeu. Chaque athlète, à un moment donné, est confronté à un choix : soit il trouve des excuses, soit il trouve des solutions après l’échec qu’il a vécu

Sur le plan de la médiatisation, redevenir un peu plus monsieur-tout-le-monde ne m’a pas dérangé. Cela m’a permis de faire ce que je veux.

Quand je nageais, j’avais en réalité surtout compris - et pour le moment cela s’avère, bien que j'ai une petite fille de 5 ans, un bonheur incroyable – que je ne retrouverai pas les mêmes émotions dans la vie « civile ».

L’adrénaline ressentie après une grande histoire, après un titre olympique, c'est tellement fort, tellement intense qu’à ce jour, je n'ai rien croisé de tel !

CTC : Selon vous, quel cliché est à déconstruire sur les sportifs de haut niveau ?

Fabien Gilot : Aujourd’hui, on a la possibilité de faire un double parcours, c'est-àdire de faire des études de très bonne qualité et de mener une carrière de sportif à côté. Les gens n'imaginent pas à quel point il faut intellectualiser la performance sportive et tout ce qui engendre une médaille. Oui il y a l'entraînement ! Mais il y a la physio, la biomeca, la mécanique des fluides, l'aspect psycho… Aujourd'hui, les sportifs qui gagnent des médailles sont des sportifs qui sont intelligents car capables d'être acteurs dans leur préparation. Voilà pour le cliché à déconstruire !

CTC : Pour les athlètes de haut niveau, l’enfer, c’est quoi ?

Fabien Gilot : La définition de l'enfer pour un athlète, c'est la blessure partielle qui oblige à s’arrêter pendant plusieurs mois. Surtout, c’est la blessure qui fait que tu ne seras plus jamais le même athlète. L’enfer d’un sportif, c'est ça !

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Fabien Gilot aux Championnats du monde de Barcelone, août 2013 - DR

Maxence Le Bris Barbleu – 1ère7 & Emmy

Mateos – 1ère2

A l’EIB Etoile, le Mölkky charme

Inspiré du kyykkä, un ancien jeu traditionnel de lancer de quilles, le mölkky trouve ses origines en Finlande, au Moyen Age. En 1996, l'entreprise finlandaise Tuoterengas réinvente le jeu en simplifiant ses règles et en créant des quilles numérotées. Au cours de la semaine culturelle qui s’est déroulée en janvier 2025 à l’EIB, nous avons eu l’occasion d’en savoirplus,grâceàYannRayjal,professeur d’EPS à l’EIB et champion d’Europe et de Francedeladiscipline.

Casse Ton Cliché (CTC) : Présentez-vous…

Yvan Rayjal : Je suis professeur d’EPS en Première et en Terminale à l’EIB et au lycée d'Edgar Poe. Je fais du Mölkky depuis 15 ans. En compétition, j'ai gagné quelques titres depuis 2014 dont deux fois celui de champion d'Europe, une fois champion de France individuel et une fois vicechampion du monde.

CTC : Comment avez-vous découvert ce sport ?

Yvan Rayjal : En 2013, un de mes amis est revenu de Finlande et m'a dit : « Tiens j'ai découvert une activité, ça va te plaire ! ». J'ai essayé et j’en suis tombé amoureux tout de suite. Par la suite, j’y ai beaucoup joué.

CTC : Quelles sont les compétences nécessaires pour être un bon joueur de Mölkky ?

Yvan Rayjal : Je dirais, la concentration. C’estaussiun jeu d’adresse. Il faut être de nature adroite. C'est un jeu très tactique, plus que la pétanque car il faut atteindre 50 points sans le dépasser. Le tout en veillant à ce que l’adversaire n’arrive pas à 50 avant. Il faut alors mettre en place des stratégies mathématiques pour l'emporter. Pour finir, cela nécessite beaucoup d'entraînement, c’est comme dans les autres activités… Plus tu t’entraînes, plus tu progresses.

CTC : Quel est votre plus belle performance ?

Yvan Rayjal : Mon plus beau souvenir est la finale perdue du championnat du monde en 2021 à Samoëns, dans les Alpes. Les équipes étaient de 4 contre 4. Nous étions en finale dans un match dantesque, devant 500 spectateurs en tribunes. Il y avait un soleil lumineux accompagné des montagnes

C’est un souvenir mémorable malgré la défaite. Ce match-là reste encore dans la tête de beaucoup de joueurs et joueuses de Mölkky, car c'était un match hors du temps, tant la dramaturgie était présente.

CTC : Combien de temps par semaine vous entraînezvous ?

Yvan Rayjal : Je me suis beaucoup entraîné. En 2019, j'ai mis en place le record du monde de lancer de

Mölkky en une heure. Lors de cette épreuve, j’avais donc une équipe de 25 personnes avec moi et pendant 60 minutes, j’ai fait que lancer, lancer, lancer et lancer.

J’avais quelqu'un qui me fournissait en lanceur et plein de gens qui relevaient les quilles à 8 mètres de distance. Pour cet événement-là, je me suis entraîné six heures par semaine.

Depuis un an, je joue moins et d’ailleurs mes performances s’en ressentent

CTC : Comment le Mölkky pourrait-il se développer pour être mieux connu ?

Yvan Rayjal : J’appartiens à la fédération française de Mölkky qui est un axe de développement de l’activité. De plus, il faut le faire connaître dans le cadre scolaire, comme au cours de cette semaine culturelle à l’EIB

Sinon, en Ile de France, il y a 5 clubs de Mölkky, dont un seul à Paris qui ne compte que 25 adhérents. C’est bien peu !

CTC : Pourquoi les Parisiens n’accrochent-ils pas plus, selon vous ?

Yvan Rayjal : Nous sommes géolocalisés dans un endroit hivernal. En ce moment, il fait froid et le Mölkky, c’est une activité d'extérieur. De plus, c’est une activité à très faible dépense énergétique, un peu estampée apéro, associée à l'été et au bord de mer. Il est donc important de communiquer au maximum, de rendre l’activité ludique, même sielle l’estdéjà par nature.Leproblèmeestqu’un tournoideMölkky dure une journée et une partie 10 minutes. Il faut donc être motivé et mobilisé.

CTC : L’enfer, pour un joueur de Mölkky ?

Yvan Rayjal : L'enfer, c'est de perdre une partie importante sur trois ratés consécutifs et là, la partie s'arrête. C'est en quelque sorte un peu comme les tirs au but au foot. Il y a une équipe qui saute de joie et l'autre qui, malheureusement, n'a plus que ses yeux pour pleurer.

Comment jouer au Mölkky ?

Préparation : Disposez les quilles numérotées de 1 à 12 en triangle à 3-4 mètres des joueurs.

But du jeu : Atteindre exactement 50 points.

Début du jeu : Un joueur lance le Mölkky - le bâton enbois-pourfairetomberlesquilles.Uneseulequille tombée… Les points inscrits sur la quille ; Plusieurs quilles tombées… Le nombre total de quilles tombées, pas leur somme.

Règles importantes : Les quilles tombées doivent être à plat sur le sol pour compter. Relevez les quilles tombées là où elles tombent.

Tour de jeu : Chaque joueurjoue à tour de rôle. Si un joueur rate en ne faisant tomber aucune quille trois fois d'affilée, il est éliminé.

Fin de la partie : Si un joueur dépasse 50 points, son score redescend à 25. Le premier joueur à atteindre exactement 50 points gagne

Stella Scuotto – Tale3

Sport collectif : la balle dans la plaie

Pour certains élèves, le sport collectif est un espace de partage et d’épanouissement. Pour d’autres, c’est le moment redouté chaque semaine, source de moqueries et d’exclusion. Le sport d’équipe à l’école est-il un véritable terrain d’apprentissage ou un champ de bataille silencieux ?

La coopération, la compétition et l’esprit d’équipe A l’école, l’Education Physique et Sportive (EPS) et plus particulièrement les sports collectifs sont censés transmettre des valeurs positives aux élèves Néanmoins, pour les « nuls », basketball, volleyball, ultimate ou encore relais peuvent devenir une souffrance

Point de vue du prof vs. Point de vue de l’élève

Selon M. Lefranc, professeur d’EPS à l’EIB, l’intérêt du sport collectif est bel et bien de développer l’entraide, de favoriser le mélange entre élèves, en les séparant de leurs amis pour qu’ils apprennent à travailler avec d’autres.

C’est aussi un moyen de valoriser l’acquisition d’une culture sportive. « Par exemple, on ne fait pas de musculation pour devenir balaise en six semaines mais pour apprendre quoi faire en salle, en dehors du cadre scolaire », précise le professeur

Du côté des élèves, Oliana, en terminale pense que « l’EPS nous apprend à communiquer avec les autres »

Elle illustre son propos avec le volleyball : « Le but n’estpas defaire la passequinous meten valeur,mais celle qui permet à notre coéquipier de construire une bonne attaque. » Elle insiste sur le changement de perspective que cela impose ainsi que sur les compétences de compréhension et d’adaptation développées, utiles dans la vie professionnelle et sociale.

Le sport collectif apprend aussi à être fair-play et à se dépasser tout en gardant une attitude positive.

L’antichambre de la loose

Le sport collectif peut être une véritable épreuve pour certains. Être choisi en dernier, subir les moqueries, recevoir des critiques sur ses performances ou ne pas oserprendrelaballeparpeurdefaireéchouerl’équipe ne sont pas choses faciles… Cela peut mener à une perte de confiance en soi et à une démotivation

M. Lefranc insiste : « Il n’y a pas de nuls en sport, seulement des moins bons qui, avec des efforts, s’améliorent peu à peu. »

Certes, le problème ne vient pas du sport lui-même mais de l’attitude de certains camarades.

Pour rendre le sport collectif plus inclusif, il faut valoriser la participation plutôt que la victoire. Comme le rappellent plusieurs enseignants, la note en EPS est individuelle : elle ne dépend pas du résultat des matchs mais de l’implication, du progrès et du comportement tenu tout au long du cycle. La performance ne fait donc pas tout.

Des enjeux à hiérarchiser

Humilier un camarade pour une passe ratée n’a aucun sens. Ce n’est pas lui qui ruine votre note. Et, soyons honnête, il ne s’agit pas de la finale de la Coupe du Monde, mais d’un match amical entre camarades. Le plus important est que chacun progresse à son rythme, dans la bienveillance.

DR
Photo ibre de droit

Oliana Ducos-Nourisson – Tale4

La folie Fisher

Retour sur la légende controversée des échecs

1972. La Guerre Froide a commencé il y a 15 ans mais la rivalité entre l’URSS et les Etats-Unis ne se manifeste pas qu’avec des armes de guerre. Cette année-là, Robert James Fischer, dit Bobby Fischer, devient champion du monde d’échecs lors du « match du siècle » opposant les soviétiques, rois de la discipline, et le génie américain.

Du loisir à l’obsession

Né le 9 mars 1943 à Chicago, Fischer grandit dans une Amérique où les échecs sont peu présents. Pourtant, à l’âge de six ans, sa sœur lui offre un jeu d’échecs et il se retrouve fasciné par ce jeu de stratégie.

Au fur età mesure des années, l’obsession grandit chez Fisher. Même lui retirer son échiquier ne sert à rien, il vit échecs. À douze ans, il bat déjà des maîtres. À quinze, il devient le plus jeune grand maître international de l’histoire à l’époque.

En quelques années, Fischer n’est plus un prodige, il est un phénomène. Il incarne le rêve américain dans un domaine jusqu’alors dominé par les Soviétiques, où chaque victoire est une démonstration idéologique. Mais Fischer n’est pas seulement un champion. Il est aussi un personnage énigmatique, à la limite de l’obsessionnel.

Il étudie les parties pendant des heures, dissèque les stratégies adverses, exige des conditions de jeu presque maniaques. Il apprend le russe pour avoir accès à une panoplie de ressources beaucoup plus importante.

Le « match du siècle »

Le 11 juillet1972,àReykjavik, en Islande, s’ouvreun affrontement qui dépasse largement le cadre d’un échiquier. Le « match du siècle », c’est l’Américain Fischer contre le Soviétique Boris Spassky. C’est surtout l’Ouest contre l’Est, le capitalisme contre le communisme. Depuis 1948, les Soviétiques règnent sans partage sur le monde des échecs, considérant ce jeu comme un symbole de leur supériorité intellectuelle et culturelle. Fischer, en solitaire, va briser cette hégémonie. Pourtant, le match manque de peu d’être annulé. Capricieux, paranoïaque, imprévisible, Fischer pose des exigences farfelues, allant jusqu'à refuser de jouer la deuxième partie. Il se plaint des caméras, de l’éclairage, du bruit des spectateurs. Finalement, il revient, et là, c’est un choc : il terrasse Spassky avec des coups d’une audace et d’une précision redoutables.

Quand il remporte le match, Fischer devient champion du monde, mais surtout un héros national. Il a infligé à l’URSS une défaite symbolique. Les échecs, jusque-là perçus comme un domaine d’élite, deviennent aux États-Unis un phénomène populaire.

Entre isolement et paranoïa

Après avoir conquis le trône mondial, Fischer s’efface. Il disparaît presque totalement de la scène publique, refusant de défendre son titre en 1975 face à Anatoli Karpov. Il exige des modifications absurdes aux règles du championnat du monde, que la Fédération internationale refuse. Fischer se retire, furieux, estimant être victime d’un complot. C’est le début d’une longue descente dans l’ombre. Fischer refuse de jouer le jeu médiatique. Il évite les interviews, se coupe progressivement de ses amis, de sa famille, de tout ce qui ne relève pas des échecs. Son comportement devient de plus en plus instable. Fischer est persuadé que le gouvernement américain le surveille, que les Soviétiques veulent l’assassiner, que les journalistes manipulent ses propos. Pour lui, tout devient conspiration.

Les spécialistes évoquent aujourd’hui la possibilité de troubles mentaux non diagnostiqués, peut-être des formes de paranoïa aiguë ou de troubles obsessionnels. Là où il analysait autrefois les parties adverses avec une précision terrifiante, il se met à décortiquer les discours politiques, les articles de journaux y voyant des messages codés, des attaques déguisées. Fischer commence à proférer des déclarations délirantes. À ses yeux, tout le monde est contre lui.

En 1992, il refait surface pour disputer un match revanche contre Spassky, en Yougoslavie, alors sous embargo de l’ONU. Ce retour lui vaut une mise en accusation du gouvernement américain pour violation des sanctions. Poursuivi, traqué, il s’exile, errant de pays en pays. Il trouve finalement refuge en Islande, le pays de sa gloire passée, où il mourra en 2008, seul, à 64 ans Un chiffre équivalent au nombre de cases sur l’échiquier.

Vivre le handisport

Au cours de la semaine culturelle qui s’est déroulée au mois de janvier 2025 à l’EIB, les élèves de seconde ont eu l’occasion de tester toutes sortes d’activités sportives. Le handisport figurait parmi ces dernières. Retour d’expérience.

TEMOIGNAGE. Participer à une expérience visant à faire connaître les difficultés des sportifs aveugles… Rien de moins facile. Durant l’activité proposée, les participants étaient par binôme sur une piste d’athlétisme, l’un avec un masque de sommeil sur les yeux, l’autre le guidant et les deux reliés par une corde A la personne non masquée de marcher au même rythme que le non voyant et de lui indiquer les directions. Courirensembleleplusrapidementpossibletoutenrestantsursalignedecourse Plus facile à dire qu’à faire.En effet, l’expérienceen tantque coureur aveugle défie nos cinq sens et nous oblige à placer notre confiance dans les mains du guide. Si la piste semble dégagée et les conditions météorologiques relativement bonnes, rien n’y fait… On a toujours la peur, en courant, de rentrer dans un mur ou un poteau. Cette sensation, si inhabituelle pour les voyants, est pourtant le quotidien des

personnes non-voyantes

Participer à cette expérience nous a permis de mieux comprendre le courage et la régularité nécessaires aux sportifs handisports. Derrière chaque performance se cachent une confiance totale, un travail d’équipe exceptionnel et une cohésion qui force le respect. Chaque pas, chaque course, chaque compétition est le fruit d’une longue préparation et d’un dépassement de soi permanent.

Cela nous rappelle que le sport n’est pas seulement une question de performance physique mais aussi d’adaptation, de solidarité et de volonté.

À travers cette immersion, nous avons pris conscience de l’importance de rendre le sport accessible à tous, de soutenir les initiatives d’inclusion, et surtout de porter un regard différent sur le handicap et le handisport. En somme, il marque une prise de conscience durable sur la force de ces athlètes hors du commun Page 21

Bobby Fisher à Leipzig, en 1960. Source : Wikipedia
Boris Spassky et Bobby Fischer à Reykjavik en 1972 pour le titre de champion du monde d'échecs ©Olimpiu Di Luppi / Twitter
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Romain Ducos – 1ère3

Plus fou que le fou…

Au musée du Louvre, un fou peut en cacher un autre.

Du 14 octobre au 3 février 2025 s’est tenue au musée du Louvre l’exposition « La Figure du Fou, du MoyenÂge aux Romantiques ». Le parcours proposait une exploration fascinante de la représentation de la folie dans l'arteuropéen, depuis leXIIIᵉ siècle jusqu'auXIXᵉ siècle. A travers une centaine d’œuvres mêlant sculptures, objets d'art, manuscrits enluminés, dessins, gravures, peintures et tapisseries, l’exposition retrace l'évolution de la perception de la folie au fil des siècles. De figure ambigüe à anti-roi

Dès l’entrée, le visiteur est plongé dans l’univers médiéval, période durant laquelle la figure du fou occupe une place ambiguë. Souvent perçu à travers le

Arts

prisme des Écritures saintes, le fou est associé à l’absence de foi, assimilé à l’insensé mentionné dans les psaumes bibliques. Cependant, le Moyen Âge reconnaît aussi les « fous de Dieu », des individus qui embrassent une forme de folie mystique par leur dévotion extrême, parmi lesquels Saint François d'Assise. La renonciation de ce dernier aux biens terrestres ainsi que son mode de vie ont souvent été interprétés comme une folie sacrée.

Vient ensuite la représentation de la folie dans la littérature chevaleresque Dans les romans courtois, elle est souvent liée à l’amour passionnel. Dans l’exposition, le thème est magnifiquement illustré par des ivoires finement sculptés et des enluminures précieuses. Perceval, Lancelot ou encore Tristan sombrent dans la folie amoureuse à travers l’expression intense de leurs sentiments.

Au fil du temps, le fou devient une figure emblématique des cours royales. Apprécié pour son humour et son franc-parler, il pouvait exprimer des vérités que nul autre n’osait prononcer. Ses attributs distinctifs sont minutieusement décrits dans l’exposition : la marotte, l’habit mi-parti, le capuchon à grelots, ainsi que le pain ou le fromage, chacun ayant une signification précise.

La marotte, petite réplique du fou lui-même, incarne l’inversion du pouvoir : le fou se présente comme un anti-roi, jouant un rôle critique et subversif. L’habit mi-parti, aux couleurs contrastées, symbolise l’ambivalence de la folie, oscillant entre sagesse et absurdité. Les grelots du capuchon attirent, quant à eux, l’attention par leur bruit, renforçant l’aspect exubérant et imprévisible du personnage. Enfin, le

pain ou le fromage, aliments simples et populaires, soulignent le lien du fou avec le peuple, loin des fastes aristocratiques.

Le fou ou l’effet miroir

Parmiles œuvres présentées, l’une des plus frappantes estsansdoute La Nef des Fous,deHieronymusBosch, vers1500.Cetableauallégoriquereprésenteunbateau peuplé de personnages grotesques et égarés dans un voyage sans but. Il reflète une société en pleine mutation où la folie devient l’incarnation des dérives de l’âme humaine et des désordres du monde. Cette même métaphore a été reprise par Sébastien Brant dans son ouvrage satirique La Nef des fous (1494), ainsi que par l'humaniste érudit Erasme dans L’Éloge de la Folie (1511)

Dédiée aux représentations de la folie aux XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles, périodes durantlesquelles le regard sur les fous change radicalement, l’exposition a mis en exerguel’essordesinstitutionsasilairesàcetteépoque charnière. La folie n’est plus seulement un sujet de divertissementoude réflexion morale ;elle devientun objet d'étude et de contrôle social. Les portraits de fous réalisés par des peintres comme Goya, avec sa série sur les aliénés, perturbent autant qu’ils fascinent. Autrefois libre de circuler et de jouer son rôle dans la société, le fou devient une figure enfermée, étudiée et qui fait peur. Loin d’une simple galerie de portraits grotesques, le musée du Louvre offre une réflexion subtile sur l’histoire de la folie et ses multiples facettes. Au visiteur de se confronter au miroir, plus ou moins déformant.

Au cours de la semaine culturelle qui s’est déroulée au sein de l’EIB Etoile, l’atelier Street art, organisé par FrançoisXavier Martin, professeur de SES, a permis aux élèves de découvrir cet art, longtemps stigmatisé. Replay…

Il y a des silences qui crient plus fort que des discours. Pendant longtemps, les graffitis, les pochoirs et les fresques ont été ces cris muets, étouffés par l’indifférence. Le street art est né là où personne n’écoutait : dans les marges, au pied des immeubles, sur les trains en gare. Quand les autres regardaient sans voir. Dans les années 1970, à New York, les premiers tags apparaissent sur les rames de métro.Desjeunessouventrejetés,stigmatisés,utilisentlaruepourexister.Ilsn’ont ni galerie, ni média, ni espace pour parler. Alors, ils écrivent leurs noms, leurs colères, leurs rêves. Ils redessinent les murs d’une ville qui les ignore. Pour eux, le regard des autres est un fardeau, une exclusion permanente. Ils créent pour se libérer. Très vite, cette forme d’expression traverse les frontières. À Paris, Londres, Berlin, Buenos Aires ou au Cap, des artistes s’emparent des murs pour raconter une autre histoire. Une histoire qu’on ne voit pas dans les musées. Une histoire brute, vivante, engagée.

Pierre, brique, béton… Aujourd’hui, le street art est partout. À Paris, le XIIIe arrondissement est devenu un véritable musée ouvert… D’immenses fresques colorées, signées Shepard Fairey, INTI ou Seth, attirent les regards et les objectifs. À Berlin, la East Side Gallery, vestige du Mur, est recouverte d’œuvres engagées. À Bristol - la ville natale de l’illustre Banksy - les murs se font tantôt manifestes, critiques ou hommages

Critique de la marchandisation de l’art, hommage aux soignants durant la pandémie Eternellement, l’art reste un miroir tendu à la société.

Derrière chaque peinture murale, ily a un regard :celuide l’artiste, mais aussicelui des passants. Le street art oblige à voir, à réfléchir. Il interroge notre manière de vivre ensemble, de juger, d’exclure, de se méfier des différences. Il parle des inégalités, du racisme, de la solitude, de la peur mais aussi de la beauté, de l’espoir et de la liberté.

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Rue de Lisbonne ©Camille Barbe
Charlie-Rose Amico-Gas – 1ère5 Street art : casser le mur

Traffic d’œuvres d’art : Estampillé “faux”

Troisième commerce illicite mondial après les armes et la drogue, le trafic d'œuvres d'art est estimé à 10 milliards de dollars annuels, selon l'UNESCO. Pauline De Smedt, aujourd’hui conseillère en art indépendante et experte en arts décoratifs des XXe et XXIe siècles après une expérience de 20 ans chez Christie’s, partage son regard averti sur les pratiques du système mais aussi sur la lutte contre les fraudes artistiques.

Casse Ton Cliché (CTC) : Combien d’œuvres illégalement acquises sont actuellement en circulation sur le marché de l'art ?

Pauline De Smedt : Tout dépend de ce que l’on entend par « illégalement acquises ». S’agit-il d’œuvres volées, issues de spoliation, imitées ou achetées avec de l’argent sale ? En réalité, aujourd’hui, il y a relativement peu d'œuvres volées ou spoliées en circulation sur le marché officiel.

Dès qu’une œuvre est volée, elle est généralement répertoriée dans des bases de données, ce qui rend sa revente très difficile. Elle se retrouve alors bloquée dans le marché noir. Avec les outils d’information actuels, une œuvre de valeur qui réapparaît après une disparition soulève immédiatement des soupçons. Surtout, lorsque sa provenance est incertaine, elle perd sa valeur A une époque, l'information circulait moins, donc tout ce marché pouvait exister bien plus facilement. N’importe qui pouvait se faire avoir en achetant un tableau volé sans le savoir

CTC : Quels sont les moyens de lutte contre ce type de trafic ?

Pauline De Smedt : Il existe des organismes comme l’Art Loss Register, basé à Londres, qui recense uniquement les biens spoliés. Les professionnels ont aussi une obligation légale de vérifier la provenance d’une œuvre avant de la vendre. Ce devoir de vigilance est de plus en plus encadré juridiquement. En cas de manquement, leur responsabilité peut être engagée. Une grande importance est donc accordée aux comités de validation des artistes, qui font autorité.

CTC : Comment reconnaître un faux en art ?

Pauline De Smedt : Tout dépend de la nature de l’œuvre. Un tableau ne s’examine pas comme un meuble ou un vase. Premièrement, sa date est cruciale. L’expert peut dater les pigments mais si l’œuvre est récente, cela n’a aucun intérêt. Pour un tableau du XXe siècle, la datation des pigments ne suffit pas. L’œil de l’expert est essentiel. Après des années à observer des œuvres d’un même artiste, ce dernier développe une reconnaissance intuitive. Un faux peut être repéré par le style, la touche - la manière de peindre - ou des détails comme les proportions ou les matériaux utilisés.

Certains faussaires imitent des œuvres existantes, d’autres inventent des pièces qui n’ontjamais existé, ce quiles rend plus difficiles à détecter. La signature peutaussi être un indice… Parfois elle authentifie l’œuvre, parfois elle est ajoutée pour tromper

Ensuite, la toile, le châssis - c’est-à-dire le montant en bois sur lequel la toile est clouée - ou les pigments sont analysés de façon scientifique. Par exemple, certains artistes utilisaient un type de bois spécifique pour leurs châssis à une certaine période. Mais l’expertise n’est pas une science exacte. Il y a parfois des querelles entre experts car certains critères restent subjectifs.

CTC : Avez-vous eu affaire à des œuvres problématiques, qu’elles soient fausses ou spoliées, qui vous ont marquée ?

Pauline De Smedt : Souvent. La proportion de faux est énorme, surtout pour les œuvresimportantes.Parexemple,ilm’estarrivédedevoirretirerunlotd’unevente car le propriétaire avait menti sur sa provenance.

Diane Le Bloas : Un type d’art ou un pays de provenance est-il particulièrement estampillé « faux » ?

Pauline De Smedt : Cela dépend de l’artiste. Certains faussaires sont actifs dans des pays spécifiques mais on ne peut pas généraliser.

Par exemple, il y a eu un cas de faux meubles attribués à Jacques Adnet, un architecte, décorateur et designer français du XXe siècle. C’est l'une des plus habiles supercheries connue dans le marché de l'art contemporain. Pendant plus d'une décennie, un réseau d'Europe de l'Est a inondé le circuit de reproductions parfaites des créations les plus prestigieuses de ce décorateur. Ces artisans falsificateurs s'étaient spécialisés dans les pièces haut de gamme - mobilier en cuir, parchemin et autres matériaux nobles - dont ils maîtrisaient les techniques de fabrication.

Ce qui rendit cette tromperie particulièrement pernicieuse fut son caractère systématique. En produisant de nombreuses pièces similaires, les faussaires créèrent un effet de validation mutuelle : la répétition des mêmes modèles finit par convaincre les experts de leur authenticité. L'apothéose de cette mystification fut atteinte lorsqu'une monographie de référence, éditée par Alain-René Hardy, utilisa inconsciemment l'un de ces faux en couverture de son ouvrage, authentifiant ainsi involontairement l'ensemble de la production frauduleuse.

Il fallut dix années d'enquête à l'Office Central de Lutte contre le Trafic des Biens Culturels (OCBC) pour démanteler ce réseau, confisquer les œuvres et les retirer du marché

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Casse Ton Cliché
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Diane Le Bloas – 1ère2

Chloé Robinson – 1ère2

Captivante Big Mother !

Dans un monde où mensonge et vérité ne font plus qu’un, la démocratie n’est plus qu’une façade

CRITIQUE. Big Mother scrute et contrôle tout. Comme le laisse poindre la vision poussée de Mélodie Mourey, créatrice de la piècede théâtre Big Mother qui se joue au théâtre des Béliers Parisiens, nos choix ne sont plus les nôtres mais ceux induits par une manipulation de masse. Une question se pose : Pouvons-nous échapper à l'emprise de cette machine à broyer les esprits, dont nous faisons partie ?

Un thriller journalistique palpitant

Big Mother parvient immédiatement à percuter son public, non seulement grâce à une intrigue captivante mais aussi en abordant une problématique ancrée dans les préoccupations contemporaines.

Grâce au dynamisme de l’histoire et des acteurs constamment en mouvement, incarnant plusieurs personnages à la fois, Mélodie Mourey mélange les genres et maintient le spectateur en haleine, donnant l’impression d’assister à un film. Malgré la prévention faite sur ce sujet inquiétant du big data – colonne vertébrale de la pièce – la créatrice n'oublie pas d’y mêler humour et amour, pour plus de légèreté.

Scène

Résultat ? 1h40 de totale immersion et une plongée dans un tourbillon théâtral, mêlant flashbacks et multiples lieux. De quoi faire valoir à la pièce cinq nominations aux Molières en 2023, dont ceux de meilleur spectacle et meilleure mise en scène

Dérives et dangers du big data

Fiction, Big Mother nous incite néanmoins à réfléchir aux dangers grandissants et aux dérives potentiellesthéories du complot et fake news en tête - liés au big data, qui consiste à remettre nos données entre les mains d'entreprises pour mieux influencer nos choix et nos opinions.

Dans ce contexte, l'organisation de l'espace médiatique oscillant entre liberté, contrôle et propagande, émerge comme un enjeu majeur à l'ère des médias de masse.

Face à ces défis, le métier de journaliste se retrouve de plus en plus menacé. La pièce laisse une véritable empreinte car, une fois le théâtre quitté, la vigilance quant aux cookies des sites web s’en trouve accrue Il faut dire que l'intrigue de la pièce se déroule aux États-Unis, berceau des géants du numérique, tels que les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), des entreprises omniprésentes dans le paysage technologique mondial.

Mélodie Mourey s'inspire d’ailleurs de scandales marquants, tels que l'affaire Edward Snowden qui a révélé l'ampleur de la surveillance de masse par les agences gouvernementales, ou encore le scandale de Cambridge Analytica, renvoyant à l’exploitation des données personnelles de 87 millions d’utilisateurs de

Facebook afin d’influencer l'élection présidentielle de Donald Trump en 2018 Dans Big Mother, susciter la peur par la force et le mensonge, non. Alerter et éveiller les esprits par le rire et la fiction, oui !

« Passeport » … Destination humanité

Et si votre vie ne tenait plus qu’à un bout de papier ?

CRITIQUE. Avec sa nouvelle pièce à succès Passeport, Alexis Michalik frappe fort. A notre époque où les frontières se durcissent autant que les cœurs, le metteur en scène nous entraîne dans un voyage mêlant humanité, humour et urgence. Présentée pour la première fois en 2023 au théâtre de la Renaissance, la pièce aborde des thèmes d’actualité tels que l’immigration et la solidarité dans une (en)quête d’identité. Le spectateur suit les destins croisés d’Issa, un jeune migrant érythréen amnésique retrouvé dans la jungle de Calais après avoir été passé à tabac et celui de Lucas, un policier né à Mayotte et adopté par un couple Français métropolitain, qui s’occupe de maintenir la sécurité au sein de la jungle. Un jour, Lucas disparait.

S’ensuit la découverte du mystérieux lien unissant ces deux jeunes hommes à la vie semée d’embûches Une fois remis sur pied, Isaa est prêt à tout pour obtenir un titre de séjour. Cependant, amnésie oblige, il doit inventer une histoire pour justifier sa demande d’asile. Il raconte alors qu’il fuit la guerre et la misère dans

l’espoir de rejoindre la France, où il rêve d’une vie meilleure.

Bien que fictive, cette histoire s’inscrit dans un contexte réel. En 2023, selon le ministère de l’Intérieur, plus de 167 000 demandes d’asile ont été enregistrées en France. Un chiffre en hausse constante depuis plusieurs années.

Côté mise en scène de la pièce, Passeport rime avec fluidité, grâce à un jeu de lumières et un dispositif scénique ingénieux, typique de Michalik. En effet, les éléments du décor se transforment, passant de camp de réfugiés à bureau administratif en un clin d’œil. L’une des séquences les plus marquantes reste celle du passage enmer :unescène sans eau, mais portéepar lapuissance du jeu d’acteur de Jean-Louis Garçon et une bande-son immersive. Le décor minimaliste et les costumes, sobres, servent le propos avec une grande justesse

A travers cette dernière création, Alexis Michalik reste fidèle à son style : narratif et profondément humain. Avec Passeport, il confirme son talent pour faire du théâtre un miroir de notre époque et une œuvre aussi poignante qu’actuelle.

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Casse Ton Cliché

Roman Zeller – 1ère3 & Lily-Iole Yandle-Gamerre – 1ère7

La pièce en son théâtre… Entrée en scène, levé de mots !

Derrière la mise en scène d’un texte se jouent de nombreux choix et questionnements. Franck Bessonnat et David Bissonnet, professeurs de Lettres à l’EIB Etoile, s’emparent du sujet. Entretien croisé.

Casse Ton Cliché (CTC) : Est-il possible d’adapter une pièce de théâtre en dehors des intentions de l’auteur ?

David Bissonnet : Je pense qu'il y a une différence à faire entre le texte théâtral et le théâtre en tant qu'art vivant, art de la scène. Depuis le XXe siècle, on considère, notamment grâce à la pensée d'Antonin Artaud, que le metteur en scène est un artiste à part entière. Finalement, le texte n'est pas premier Selon lui, tous les arts - la scénographie, le costume, la musique, et bien sûr le jeu de l'acteur - ont une place finalement aussi importante que le texte, voire plus. De nos jours, je pense que la question : « peut-on trahir un texte ? » se pose toujours néanmoins

Dans ce cas-là, il vaut mieux parler d’interprétations du metteur en scène, du comédien, tout comme nous le faisons en classe lorsque nous analysons des écrits Au théâtre, le fait que le metteur en scène et le comédien réfléchissent sur le texte mais aussi justifient leurs propres interprétations à partir de leur lecture, est très important. Finalement, toute interprétation est bonne tant qu'elle peut se justifier. L’idée de trahison intervient peut-être au moment où la justification n’est plus possible.

Franck Bessonnat : Je suis particulièrement sensible à la notion d'intention de l'auteur parce qu'en réalité, le texte est effectivement le fruit d'une intention qui s’incarne, prend corps mais aussi s’évapore De fait, lorsqu’un metteur en scène s'empare du texte, il se l'approprie aussi.

J'aime beaucoup les propos de David Bissonnet sur Artaud Le métier de metteur en scène est très récent. Quand il est créé au XIXe siècle, le fait de se détacher de la figure de l'auteur est vraiment un changement majeur dans l'art théâtral. Pourtant, des auteurs récents, comme Koltès, ont eu des mots très durs sur la mise en scène ; Koltès compare cette dernière à un crabe pouvant phagocyter, anéantir, gâcher, étouffer le théâtre

Sur scène, il y a toujours un équilibre à tenir car il faut aussi servir le texte. C'est peut-être ça, la limite : non pas se servir dans le texte ou se servir du texte pour sa gloire personnelle, mais essayer d'être au service d’une œuvre, plus grande que soi, en gardant cette humilité. Mais sans la sacraliser à tout prix Sinon, cela conduit à une espèce d’immobilisme. S’il a besoin de son ego, de mettre de lui, le metteur en scène doit être avant tout un lecteur attentif, comme les autres. Un herméneute qui interprète ce qui est caché.

David Bissonnet : Ce que tu as dit sur l’intention s'évaporant dans le texte est très intéressant. Cela rejoint un peu la pensée d'Anne Ubersfeld, historienne du théâtre Selon elle, le texte théâtralestun texte à trous, incomplet, quine peutêtre complété que par la représentation, la mise en scène, le jeu. Effectivement, combler ces trous avec honnêteté nécessite de respecter aussi la structure de l’œuvre d’un auteur.

CTC : Pour un metteur en scène, comment faire pour être à la hauteur des attentes de chacun par rapport aux mots qu'ils ont lus ? En est-il seulement question ? Le rôle du metteur en scène n’est-il pas, au contraire, de confluer l'imagination du lecteur ou au contraire de la choquer ?

Franck Bessonnat : Très bonne question ! Certes, je ne suis pas metteur en scène mais je crois que l'erreur dans cet exercice est justement de vouloir satisfaire les imaginations de tout le monde. Il faut, au contraire, savoir parler à une autre imagination tout en étant fidèle à la sienne. A mon sens, l’enjeu est de proposer une lecture propre, personnelle afin de toucher d’autres personnes

On peut tout à fait apprécier un travail de mise en scène qui ne suive absolument pas notre lecture de la pièce. Cela peut même l'éclairer.

David Bissonnet : C’est également la raison pour laquelle nous allons au théâtre ! Pour voir d'autres interprétations. Être constamment dans la fidélité au texte n’apporte aucune surprise.

CTC : Comment s'éloigner du texte tout en mettant en avant son essence ?

Franck Bessonnat : C’est très compliqué. Une œuvre littéraire a toujours deux pôles : un ancrage contextuel qui peut tenir à la personne, à un événement vécu par l'auteur et une dimension universelle, qui doit dépasser cela. C’est ce qui fait la différence entre une œuvre littéraire et un écrit qui sombre dans l'oubli.

Au théâtre, l'enjeu est donc d'aller chercher cette partie universelle faisant que les pièces nous intéressent encore. Le piège est de chercher à tout prix la modernisation. Dire d’une pièce qu’elle est désuète, c’est souvent ne pas l’avoir comprise Si un metteur en scène s’empare d’une pièce, c’est qu’il a la conviction qu’elle intéresse les gens, au-delà de la modernisation formidable que l'on va en faire, n'est-ce pas ? Reste à travailler sur ce qui dépasse les circonstances de création de la pièce. Pas forcément évident !

CTC : Faire ressortir des éléments cachés de l’œuvre sans la dévoyer, la déformer, est-ce une option ?

Franck Bessonnat : Cela peut fonctionner. Tout dépend des pièces. Il faut également énormément de délicatesse, sans oublier de faire confiance à l'auteur. Il faut faire confiance au public aussi et ne pas moderniser à tout va Il y a quelques années, j'avais vu au Théâtre National Populaire (TNP) de Lyon, une pièce à la mise en scène complètement ratée… C'est la seule fois où je suis parti avant la fin J’en ai assez honte mais c'était intenable !

David Bissonnet : Le public est vivant aussi, autant que les acteurs ! Les spectateurs ont tout à fait le droit de partir et de s'exprimer

CTC : L'illusion théâtrale est-elle un passage obligé ?

DavidBissonnet:Denosjours,lethéâtrenelarechercheplustellement,demanière générale Beaucoup de metteurs en scène ont d’ailleurs tendance à l'exposer en plein visage du spectateur, en faisant le choix d’un plateau entièrement nu, sans décor, par exemple. Pour eux, c'est une manière de nous dire qu’il n’y a pas besoin de faire croire à un appartement, une époque car la réalité se situe ailleurs. Pour moi, au théâtre, elle se situe dans la présence de l'acteur : la voix, le corps qui est

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Scène

là et qui interprète, qui est présent. C’est cela qu'on vient chercher au théâtre

Franck Bessonnat : Tout à fait ! Evacuer l’illusion scénique permet de tourner la focale vers autre chose. C’est essentiellement théâtral ! Le dénuement de la mise en scène permet aussi de mettre en valeur le texte

David Bissonnet : Pourreveniràvotrequestionsurlecinéma,lethéâtreaccapare aussi sa technique Beaucoup de spectacles font intervenir des vidéos projetées, etc. Par exemple, le metteur en scèneSimonGosselin avaitmonté, ily a quelques années, Le Passé de Leonid Andreïev. Dans son adaptation, il privait volontairement le spectateur de l'accès à ses acteurs en fermant son décor mais en se servant de la vidéo. Dans cette pièce-là, il y avait une sorte de datcha, de maison aux murs fermés. Le spectateur ne voyait que les fenêtres et les silhouettes mais avait accès à l’intérieur de la maison par le biais de la vidéo. Comme une façon de nous mettre à distance, de nous pousser en dehors de l’intimité des personnages tout en nous en donnant un accès restreint.

Franck Bessonnat : C'est comme une dramaturgie de la

David Bissonnet : frustration. C'était exactement ça ! C'était très intéressant et en même temps, très intense dans l'émotion, du fait de ne pas pouvoir atteindre

les personnages. Une vraie catharsis !

CTC : Pour finir, avez-vous des exemples de mises en scène qui vous ont fait redécouvrir une pièce de théâtre ?

Franck Bessonnat : Faire redécouvrir, je ne sais pas si j'irai jusque-là mais j'avais vraiment été bouleversé, dans le bon sens du terme, par le Malade imaginaire au théâtre de Paris, mis en scène et par Daniel Auteuil qui tient d’ailleurs le rôle éponyme Ce n'est pas du tout ma pièce préférée, loin de là d'ailleurs. Mais j’ai passé un bien meilleur moment que je n'imaginais. J'ai complètement oublié que j'étais devant Daniel Auteuil ce soir-là

J’ai également trouvé son approche extrêmement belle, à la fois sobre et élégante. J'ai retrouvé le comique de Molière et j’ai beaucoup ri !

J'’ai été d’autant plus agréablement surpris parce que je partais avec beaucoup de craintes. Je pars toujours avec certaines craintes quand je vais voir une adaptation d'une grande pièce Mais on va aussi au théâtre pour se mettre en danger

David Bissonnet : Pour ma part, je n’ai pas d’exemple en tête. J'ai tendance à préférer aller voir au théâtre des créations véritables de textes contemporains ou d’adaptations d’un roman. Cela se fait beaucoup aussi dans la création. Mais c'est une question de goût !

Elia Bronner-Duboisset – 2de4

Eriq Ebouaney, théâtrophile

Acteur de cinéma mais aussi de théâtre, Eriq Ebouaney joue, entre deux tournages, dans la pièce « Edmond » d’Alexis Michalik, au théâtre du Palais-Royal. Il nous livre son regard sur son métier.

CTC : Cinéma, théâtre… Entre les deux, est-ce que votre cœur balance ?

Eriq Ebouaney : Le cinéma et le théâtre sont deux prismes différents. Au cinéma, l’ordre de tournage des scènes dépend des décors. Il y a plusieurs prises et c’est le metteur en scène qui choisit celle qu’il garde. Super jeu ou pas, la prestation peut être coupé au montage et ça, c’est frustrant. Le théâtre se joue en direct. Si on se plante, on ne peut pas revenir en arrière. On sent également le public réagir instantanément. Pour un acteur, c’est plus vivant. Il est possible de tenter de nouvelles choses chaque soir.

CTC : Qu’aimez-vous particulièrement dans le théâtre ?

Eriq Ebouaney : Remonter sur scène entre deux tournages me fait du bien. Je teste des émotions, je travaille ma mémoire . Je joue dans une pièce avec plusieurs distributionsdepuisseptans–j’aiarrêtédecompterauboutde500représentations. Je retourne dessus dès que je peux.

CTC : Quel rôle rêveriez-vous d’incarner ?

Eriq Ebouaney : Je n’ai jamais joué du Shakespeare mais j’aimerais bien. Le personnage de Iago dans Othello, en particulier. Il y a aussi Art de Yasmina Reza et Cyrano de Bergerac, qu'on ne me proposera sûrement jamais, mais que j’adorerais jouer. C’est un très grand rôle.

CTC : Quels sont les problèmes du théâtre aujourd’hui ?

Eriq Ebouaney : Il y a eu des grosses baisses de subventions. Que ce soit dans le cadre du théâtre public ou privé, monter un spectacle avec plein d’acteurs est très difficile. Le ministère de la Culture a baissé le budget. (ndlr : Le spectacle vivant est impacté par les 150 millions d’euros d’économies au ministère de la Culture La chute des subventions régionales pour la culture est évaluée à près de 66 millions d’euros) Comparé au cinéma, le théâtre rapporte moins. Mon salaire est par exemple est divisé par 10.

CTC : Donc, le vrai problème à l’heure actuelle, c’est l’argent ?

Eriq Ebouaney : Ilya toujours eudesproblèmesd’argentmais quand l’Étatcoupe les aides aux compagnies de théâtre, c’est pire. Surtout sans prévenir, comme cela a été le cas avec le nouveau ministère. Heureusement, en France, l’intermittence existe. Même avec peu d’heures, les comédiens peuvent avoir un revenu. Il existe une compagnie, le Jeune Théâtre National (JTN) qui place directement les jeunes diplômés dans des troupes. Du coup, ils travaillent dès la première année.

CTC : Une différence entre théâtre et cinéma ?

Eriq Ebouaney : La différence, c’est le public. Le théâtre ne laisse pas le droit à l’erreur. Au cinéma, si une scène est ratée, on coupe et on refait. Il y a moins d’enjeux immédiats. J’aid’ailleurs remarqué que les fins de tournages français sont ponctuées d’un : « on s’est bien marré » et sur les tournages américains, plutôt d’un : « on a bien bossé ». Page 26

©Kriss Dewitte

Victoria Attias – Tale4

Top10 des films et séries

Douze jurés sont chargés dedécider siun jeunehomme accusé de meurtre mérite la condamnation à mort. Au départ, tous, sauf le 8e juré, croient fermement à sa culpabilité.Cependant,cedernierremetenquestionles preuves et demande à discuter davantage. Ce simple échange fait peu à peu ressortir les préjugés, frustrations et colères personnelles de chacun, transformantcetteréunionenunvéritableaffrontement psychologique.

Pour le pire et pour le meilleur, James Brooks (1997)

Cinéma

Melvin Udall, écrivain misanthrope et maniaque, vit une existence solitaire à New York, fuyant les interactions humaines. Sa routine est bouleversée lorsqu'il doit s'occuper du chien de son voisin Simon, hospitalisé après une agression. En parallèle, il tisse des liens avec Carol, une serveuse compatissante qui accepte ses manies et particularités. Ces rencontres vont progressivement briser son isolement

Samba, Eric Toledano et Olivier Nakache (2014)

Portrait d’un immigré sénégalais, vivant en France depuis dix ans et enchaînant les petits boulots précaires. Menacé d’expulsion, Samba croise la route d’Alice, une cadre supérieure en pleine crise de burnout, qui cherche à se reconstruire à travers son engagement dans une association d’aide aux sanspapiers.

West Side Story, J. Robbins et R. Wise (1961)

Ou l'affrontement entre deux gangs rivaux: les Jets, principalement composés d'Américains d'origine européenne, et les Sharks, un groupe d'immigrants portoricains. Ils dominent le quartier de West Side à New York. Au cœur de ce conflit naît une histoire d’amourtragiqueentreTony,ancienmembredesJets, et Maria, la sœur du chef des Sharks. Leur amour est étoufféparlahaine,lespréjugésetlaviolencedeleurs clans respectifs.

Roméo + Juliette, Baz Luhrmann (1996)

LA réinterprétation moderne de la célèbre tragédie de William Shakespeare. L’intrigue se déroule à Verona Beach, un quartier où règne la violence entre deux familles ennemies, les Montaigu et les Capulet. C’est là, au milieu de cette guerre familiale, que Roméo et Juliette, malgré l’interdiction de leur amour, tombent éperdument amoureux. Leur passion, bien que

sincère, est écrasée par les rancœurs et les conflits hérités, les poussant à fuir un monde qui les rejette. L’enfer sur terre, version famille…

Les séries :

Outer Banks (2020)

Un groupe d’adolescents, les Pogues, se retrouvent pris dans un conflit social intense avec les Kooks, les jeunes riches de la région. Tandis que John B. cherche à résoudre le mystère de la disparition de son père et d’un trésor caché, les tensions entre les deux groupes exacerbent les conflits et les trahisons.

Breaking Bad (2008)

L’histoire de Walter White, un professeur de chimie qui, après un diagnostic de cancer en phase terminale, choisit de se lancer dans la fabrication de méthamphétaminepourgarantirl’avenirdesafamille.

The Office (2005)

Ce programme suit les employés de Dunder Mifflin, une entreprise de papier, à travers un faux documentaire. Michael Scott, le directeur, tente désespérément de se faire aimer, mais ses efforts génèrent des tensions. La série explore les conflits de personnalité et l'ennui au travail.

The White Lotus (2021)

Ou la vie de vacanciers et du personnel d'un hôtel de luxe à Hawaï. Une semaine de vacances idyllique entre égoïsme, non-dits familiaux et mépris de classe.

The Bear (2022)

Carmy, jeune chef prodige, reprend le restaurant familial après le suicide de son frère. Entre deuil, chaos en cuisine et tensions d’équipe, il tente de remettre de l’ordre dans un univers à bout de souffle. Dans cette cuisine bouillante, les autres ne sont pas un soutien, mais une épreuve.

Quand

l’

autre

est un enfer fictionnel : « Faire une Daniel Day-Lewis »

Il arrive parfois qu’acteur et personnage ne fassent plus qu’un

Qui est Daniel Day-Lewis ? Daniel Day-Lewis est un acteur anglais né en 1957, souvent décrit comme un des plus grands acteurs de l’histoire du cinéma. Célébré aux Oscars, BAFTA ou encore des Golden Globes, il pratique le method-acting, c'est-à-dire que, pour préparer son rôle, il « devient » son personnage dans la vie afin de s’en s'imprégner et le découvrir.

Pourquoi l’expression « faire une Daniel Day-Lewis » ? Daniel Day-Lewis est célèbre pour l'implication extrême et constante qu'il accorde à ses personnages, les longues recherches qu'il entreprend et le temps de préparation qu'il exige pour ses rôles, au point de mettre en danger sa santé. D'où le fait qu’il soit très sélectif

Par exemple, pour le tournage du Dernier des Mohicans, il a vécu seul comme un ermite en pleine nature dans l'Alabama, durant plusieurs semaines. Daniel DayLewis a appris à manier le tomahawk, construire des canoës, puis pister, tuer et dépecer des animaux S'il ne chassait pas, il ne mangeait pas

D'autres acteurs qui ont succombé à leurs personnages ? De nombreux acteurs connus, tels que Joaquin Phoenix pour le rôle de Johnny Cash dans Walk the line a dû être interner en hôpital psychiatrique à la fin du tournage

Récemment Austin Butler pour son rôle d'Elvis n’a pas pu retrouver sa voix après le tournage et parle avec la tonalité et l’accent d’Elvis Presley.

Du côté des actrices, des femmes comme Marion Cotillard pour son rôle dans La Môme, Margot Robbie pour son rôle de Harley Quinn ou encore Natalie Portman, sont également allées au bout d’elle-même Durant les dix mois qui ont précédé le tournage de Black Swan, Natalie Portman s’est, en effet, entraînée tous les jours pendant cinq heures, sous la tutelle de plusieurs professeurs et répétitrices professionnelles, dont Mary Helen Bowers, une ancienne ballerine du New York City Ballet. Grâce à une formation extrêmement exigeante, l’actrice est devenue une véritable danseuse classique en un temps record.

Affiche du film Samba
Douze hommes en colère, Sidney Lumet (1957)
Détail de l’affiche du film LedernierdesMohicans , avec Daniel Day-Lewis - DR
Julie Stark – 1ère6

Zunico-Cucalon – 1ère3

Camus & le Nobel : le prix d’une chute

Se voir décerner le Prix Nobel de Littérature à 44 ans, voilà de quoi combler un écrivain ! Pour Albert Camus, il en fut tout autrement…

Le 17 octobre 1957, Albert Camus, écrivain français d'origine algérienne, reçoit le coup de fil qui va bouleverser sa vie L'Académie suédoise vient de lui décerner le prix Nobel de Littérature. À 44 ans, il devient l'un des plus jeunes lauréats de l'histoire à se voir décerner le prestigieux prix. Une consécration qui, paradoxalement, marquera le début d'une période de profond malaise pour l'auteur de L'Étranger Fils d’une femme analphabète, élevé dans la pauvreté à Alger, Camus s’est toujours méfié des honneurs. Ce Nobel le prend au dépourvu : « Ce n’est pas une récompense, c’est un enterrement », confie-t-il. Il pense que d’autres, comme Malraux ou René Char, le méritaient davantage. Lui doute de sa légitimité, conscient qu’il n’a plus publié de roman depuis La Chute, un texte sombre né d’une profonde crise personnelle.

Dans les cafés de Saint-Germain-des-Prés, ses proches observent un changement radical. Camus, autrefois si prompt à la discussion passionnée, s'enferme dans un mutisme inquiétant. La presse internationale s'arrache ses moindres déclarations. On attend de lui qu'il soit la conscience morale de son époque, un rôle qui l'étouffe progressivement

La guerre d'Algérie accentue ce malaise. Déchiré entre ses origines pied-noir et ses convictions humanistes, Camus se trouve isolé sur l'échiquier intellectuel français.

Sa position nuancée lui attire les foudres, tant de la droite colonialiste que de la gauche anticolonialiste. Son célèbre « En ce moment, on lance des bombes dans les tramways d'Alger. Ma mère peut se trouver dans un de ces tramways. Si c'est cela la justice, je préfère ma mère » résume ce dilemme insoluble. Sartre et les intellectuels engagés ne manquent pas de pointer du doigt ce qu'ils considèrent comme une « désertion » morale. Le Nobel devient alors un argument supplémentaire pour discréditer celui qui fut pourtant l'une des figures majeures de la Résistance intellectuelle pendant l'Occupation. Isolé, incompris, l’écrivain reconnu se sent en marge du cercle d’intellectuels parisiens. Ce prix le consacre mais l’enferme aussi dans une figure officielle, qu’il rejette. Pour Albert Camus, ce qui devait être son plus grand honneur s'est transformé en un véritable enfer personnel, faisant de lui la victime de sa propre réussite.

DR

Jury au prix Goncourt... le choix impossible ?

Mettre vingt personnes d’accord sur le choix du meilleur livre pour le Goncourt des lycéens, un enfer ? Pas si sûr…

TEMOIGNAGE. Ce n’est un secret pour personne, élire un prix Goncourt des lycéens ne se fait pas à l’unanimité.

En tant que membre aux 3 étapes de sélection de ce jury, avec des gens de plus en plus convaincus par les romans qu’ils défendent, même constat Impossible, à première vue, de faire un choix ! Alors, pourquoi le roman Madelaine avant l’aube, de Sandrine Collette, a-t-il gagné ?

Tout d’abord, il a fallu bien argumenter son choix favori et trouver des compromis. Je crois que si nous avons choisi Madelaine et pas un autre, c’est d’abord parce que ceux qui l’avaient lu ont (presque) tous eu un coup de cœur sur le livre et ont su le défendre devant les autres jurys.

En fait, le roman Madelaine avant l’aube s’est un peu choisi seul : c’est parce que nous avons été emportés par ce roman surprenant que nous avons su le défendre avec tant de passion. Notre plaisir de lecture a transparu immédiatement.

Nous avons choisi ce roman pour ses personnages uniques, quisontrestés avecnous après avoir refermé

le livre et qui nous ont fait réfléchir à ce que pouvait être la cruauté humaine, à ses causes, que ce soit une enfance malheureuse, un sentiment d’impunité, ou encore une absence d’empathie.

Ces personnages nous ont aussi fait voir la force de l’amour, familial ou romantique, qui garde les personnages en vie et humains, même pendant des crises météorologiques et sociales extrêmes.

La plongéedans lescampagnes françaises reculéesde l’Ancien Régime, cette campagne hostile, froide, a couronné le tout. Finalement, je dirais que c’est l'originalité de la narration, la facilité de lecture et la belle plume de l’autrice qui nous ont convaincus d’élire Madelaine aux délibérations nationales et, si le choix a été dur à faire, il a néanmoins été assumé. Et puis, quelle belle sensation que celle de se réunir autour d'une passion commune, de débattre en respectant les opinions des autres et de faire l’effort collectivement, de trouver un compromis et de s’y tenir. Nous avons choisi le livre, à vous maintenant d’aller le lire Madelaine est au CDI, dédicacée par l’autrice !

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Elsa Martignoni – 1ère1

Le Goncourt : chiffres & fun facts

Pour tout savoir sur le prix qui désigne, chaque année, « l’incontournable » livre en librairie

Le prix Goncourt voit le jour en 1903 grâce à Edmond Goncourt.

Son objectif ? Récompenser chaque année le meilleur roman d’imagination.

Le prix Goncourtestconsidéré comme le prix littéraire français le plus ancien et le plus prestigieux.

Le jury ? 10 académiciens se réunit au restaurant Drouant à Paris pour y parler de l’actualité littéraire. Les délibérations se font de septembre à novembre.

La récompense ? Le gagnant du bandeau rouge est récompensé d’un chèque… d’une valeur de 10€. Mais le Goncourt offre surtout la garantie de voir ses ventes exploser. En effet, on estime en général que la nomination au prix Goncourt d’un roman multiplierait ses ventes… par 10. Entre 2018 et 2022, les prix Goncourt se sont vendus à en moyenne 508 000 exemplaires par an ! Pour un livre de 20€, cela représente déjà 1.1 million d’euros pour une année

La mise en valeur médiatique dont bénéficie l’auteur joue aussi sur l’attention portée au reste de sa bibliographie.

De la triche ? Le prix Goncourt ne peut pas être attribué deux fois à un même auteur. Toutefois, il y eut une exception : Romain Gary l’a reçu deux fois, la deuxième fois sous le pseudonyme d’Emile Ajar. Une supercherie qui ne sera découverte qu’après sa mort en 1980.

Un seul Goncourt ? Le prix a 6 déclinaisons… Le Goncourt des lycéens, de la poésie, du premier roman, des détenus, de la biographie et, enfin, le Goncourt et parité

Parité ? Depuis la création du concours, 106 des lauréats sont masculins contre seulement 13 lauréates

Un sujet qui relance régulièrement le débat de la parité au sein de la sélection.

Le grand record de ventes ? C’est le Goncourt de Marguerite Dumas qui, en 1984, a généré le plus de ventes : 1,63 million d’exemplaires de L’Amant.

Le dernier Goncourt ? Houris, de Kamel Daoud

Albert Camus ©France Culture

Lou Vonnet – Tale2 « J’aime pas lire ! »

Combien de fois ces mots sont-ils sortis de la bouche d’un enfant ?

Livres

Longtemps considérée comme une activité enrichissante noble, la lecture est devenue pour de nombreux adolescents une corvée scolaire. Selon une étude du Centre National du Livre (CNL) parue en 2023, près d’un jeune sur deux déclare ne lire que rarement- voire jamais - pour le plaisir ;19 % des jeunes de 7 à 19 ans déclarent ne pas aimer lire, et cette proportion atteint 31 % chez les 16-19 ans.

Un goût pour la lecture devenu amer

Mais que s’est-il passé pour que la lecture devienne une activité redoutée ? Deux raisons principales D’une part, l’apparition des écrans, vus comme plus divertissants et moins fatigants que les livres D’autre part, la lecture scolaire vue comme imposée et souvent loin des goûts personnels des jeunes, ce qui crée une distance entre les jeunes et les livres.

En effet, les œuvres littéraires étudiées en classe, souvent « vieilles » de plusieurs siècles, sont parfois perçues comme déconnectées des préoccupations des jeunes, rendant l’expérience de lecture bien fastidieuse. Et lorsque chaque lecture est suivie d’un examen, le livre estalors lu de manière académique et moins pour le plaisir

Les écrans, eux, offrent une forme de divertissement instantané et accessible : les réseaux sociaux et les jeux vidéo répondent à un besoin immédiat de gratification, ce qui rend les jeunes moins enclins à s’investir dans une activité qui exige du temps et de l’engagement. En moyenne, les adolescents et jeunes adultes de 15 à 24 ans passent environ plus de 5 h 00

par jour sur les écrans, contre seulement 28 minutes par jour à la lecture de livres.

Les jeunes et la lecture… La guerre des Rose ?

Malgré ce désintérêt grandissant, de nombreuses initiatives récentes cherchent à réconcilier les jeunes avec la lecture. Les clubs dédiés, souvent proposés dans les collèges et lycées, permettent de créer un espace où l’on peut échanger sans pression sur des livres choisis ensemble, comme le club de la revue littéraire à l’EIB Etoile

Paradoxalement, ce sont parfois les réseaux sociaux eux-mêmes qui donnent envie aux jeunes de lire. Le phénomène #BookTok, né sur TikTok, en est un bon exemple : des millions de jeunes découvrent des romans dans des vidéos souvent faites par d’autres adolescents. Certains titres comme Le Fabricant de larmes ou La sélection sont devenus des best-sellers uniquement grâce à leur viralité sur ces plateformes. De même, Instagram ou YouTube, avec les communautés de Bookstagram ou Booktube, participent à créer une forme de lecture plus communautaire, en partageant des citations ou en faisant des résumés des romans destinés aux adolescents et jeunes adultes. Enfin, des projets pédagogiques comme les rencontres avec des auteurs ou des sorties au salon du livre, par exemple, permettent aux élèves d’entrer dans les textes autrement. N’oublions pas… 84 % des jeunes déclarent aimer lire selon le CNL, malgré les défis auxquels la lecture est confrontée.

Le lu de Lou

1 phrase, 1 ouvrage… Notre top 10 des livres à bouquiner, au gré des envies, sur le thème « l’enfer, c’est les autres »

Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce : L’enfer, ce ne sont pas des cris, mais les silences d’une famille au sein de laquelle chaque parole révèle des non-dits.

Enfer, Dante Alighieri : Parmi les damnés, chaque faute est condamnée par le regard des autres.

L’Homme qui rit,Victor Hugo :Nédifférent, ilauraitpuêtre unique mais ils l’ont rendu monstrueux…

Divergente, Veronica Roth : Quand on vit dans un monde où chaque individu est classé pour être contrôlé, comment faire pour exister et savoir qui l’on est ?

Huis Clos, Jean-Paul Sartre : Impossible de fuir l’effet miroir

It ends with us, Colleen Hoover : Parfois, l’enfer prend le visage de celui qu’on

aime et le courage, celui de partir pour se sauver soi-même.

L'Étranger, Albert Camus : « J'ai compris alors qu'un homme qui n'aurait vécu qu'un seul jour pourrait sans peine vivre cent ans dans une prison. »

13 Reasons Why, Jay Asher : Ce ne sont pas des monstres tous droits sortis de l’enfer qui ont tué Hannah, mais l’indifférence des hommes.

Thérèse Raquin, Zola : L’impuissance face à deux amants qui s’abîment dans la culpabilité d’un meurtre qu’ils ne peuvent partager sans se détruire.

Le Fabricant de larmes, Erin Doom : Dans cet orphelinat où les murs semblent étouffer ses larmes, il lui fabrique des pleurs qu’elle doit garder en silence. La poésie de deux âmes perdues à la recherche d’une échappatoire

Tenter de faire aimer la lecture aux jeunes, une illusion perdue ?
Photo du film adaptation du roman Justelafindumonde , de Xavier Nolan ©Shayne Laverdière – Sons of Manual
Lou Vonnet – Tale2

Du Vietnam à la France

Combat idéologique entre le Nord communiste et le sud pro-occidental, la guerre du Vietnam (19541975) a consumé les populations. A l’issue du conflit, près de 1 million de personnes ont fui leur pays. Parmi eux, une Sud-Vietnamienne et son mari, originaire du Nord... Témoignage.

Casse Ton Cliché (CTC) : Vous êtes née et avez grandi au Vietnam. Que pensezvous de cette guerre, que vous avez vécue ?

Sylvia Nghiem : Je trouve cette guerre complètement stupide ! A l’époque, on parlait de son utilité. Or, une guerre n’est jamais utile, ni inutile. C’est juste la lutte d’une idéologie contre une autre idéologie. Et utiliser la violence comme moyen de lutte, je trouve ça tellement lamentable, du fait des 2 millions de morts des deux côtés Il était possible, si les dirigeants avaient voulu, de négocier, d’éviter, d’arrêter tout ce massacre.

CTC : En 1975, vous aviez 31 ans. En quoi consistait votre quotidien après la chute de Saigon, capitale de la république du Viêt Nam (Viêt Nam du Sud), prise par l’armée du Vietnam du Nord ?

Sylvia Nghiem : Quand l’armée populaire vietnamienne est arrivée le 30 avril 1975, notre monde a basculé. Le changement fut total. Fini la liberté d’expression, de penser, de se déplacer ! Tout a été réprimé. Nous étions surveillés sans arrêt. Il y avait des îlotiers dans chaque quartier qui étaient chargés de surveiller les moindres faits et gestes des habitants, leurs arrivés, leurs départs. Du coup, un esprit de délation s’est développé. On ne pouvait plus faire confiance à qui que ce soit, ni à nos amis, ni à nos parents.

Il y a aussi eu le changement de monnaie. Il a fallu échanger notre argent, se débrouiller avec la nouvelle monnaie… Acheter quelque chose signifiait, pour les autorités, avoir encore de l’argent. Cela finissait par se savoir. S’ensuivait alors la dénonciation au chef de quartier. Pour avoir de l’essence ou de la nourriture par exemple, il fallait avoir des bons de rationnement, faire la queue tous les jourspour obtenir un peu de riz…

Côté vie professionnelle, mon mari - qui était professeur - a été obligé de suivre des « formations politiques » pour apprendre les nouvelles directives du gouvernement. Dans son école, il fallait qu’il enseigne tout ce qu’il avait appris, même si ses convictions étaient différentes. Évidemment, par force, il fallait jouer le jeu mais ce n’était pas facile.

CTC : Comment est-ce que les communistes traitaient ceux qui essayaient de s'enfuir clandestinement du Vietnam ?

Sylvia Nghiem : En cachette, évidemment, tout le monde ne pensait qu’à une chose. Les sudistes organisaient leur fuite clandestine tandis que les nordistes étaient toujours là, à épier, à espionner. Grâce à la corruption, ils arrivaient à retrouver et à démanteler les réseaux des passeurs qui, eux, devaient payer le silence des soldats nordistes. Une fois que ces derniers avaient empoché les sous, ils attendaient au coin du point de ralliement et ils choppaient tout le monde. C’est comme ça que mon mari s’est fait prendre à plusieurs reprises. Il a été plusieurs fois emprisonné.

CTC : Finalement, comment avez-vous fui le Vietnam pour la France ?

Sylvia Nghiem : Mon mari répète souvent qu’il a pu venir en France grâce à moi. J'étais professeur de français dans un lycée français à Saïgon, idem pour ma mère. Avec tous les collègues vietnamiens, nous avons demandé l’aide de la France et une autorisation de visa pour enseigner là-bas. Au bout de trois ou quatre ans, nous l’avons obtenu mais cela a été très difficile. Si la France nous reconnaissait comme ayant rendu service à l’Education nationale, côté vietnamien, cela trainait beaucoup. A force de négociations, nous avons pu partir légalement et en sécurité.

CTC : Comment s’est passée votre arrivée en France ?

Sylvia Nghiem : Notre arrivée en France a été une véritable bouffée d'oxygène ! C'était la bouffée de liberté qui nous manquait depuis des années, depuis ce fameux 30 avril Nous avons finalement pu respirer, dire, dormir - mais dormir vraiment ! Enfin, nous n’étions plus surveillés ! Les premières années, nous avons été accueillis par l’association France terre d’asile Dans le groupe de personnes que la France a réussi à sauver, il y avait des enseignants, du personnel médical, des gens qui travaillaient dans les administrations françaises à Saigon.

Nous avons vécu dans un centre d’hébergement un certain temps, on nous a aidés à avoir nos papiers…qu’on a obtenus relativement facilement car nous étions tous francophones. Nous cherchions à obtenir la nationalité française, non seulement pour nous intégrer, mais aussi pour pouvoir travailler afin, enfin, de pouvoir vivre correctement. Le plus important était de prouver notre reconnaissance au pays qui nous avait accueillis. Dans le groupe de Vietnamiens que nous avons rencontrés, ils y avaient ceux qui étaient déjà, dans leur tête, préparés à leur vie en France et ceux qui n’étaient pas francophones. Ces boat people, catapultés dans l’Hexagone, voulaient juste fuir le régime. Ils auraient pu aller n’importe où, c’était égal.

CTC : Avez-vous été victime de discrimination ?

Sylvia Nghiem : Pas beaucoup. Cependant, les non-francophones avaient beaucoup de mal à s’intégrer.

CTC : Vous n’avez jamais envisagé de repartir vivre au Vietnam ?

Sylvia Nghiem : Non. Même pas pour du tourisme car ça me ferait trop mal au cœur. Je ne voudrais pas revivre des souvenirs qui remonteraient à la surface. Je veux aussi pouvoir garder les images du Vietnam que je connais car le pays n’est plus du tout le même aujourd’hui Il n’y a plus cette sérénité, ce calme, ce respect mutuel. J’ai plutôt l’impression que l’appât du gain, des biens matériels, est dominant. Je préfère regarder des vidéos. Cela me rappelle mon pays et c’est suffisant

Casse Ton Cliché
Sylvia et Toan Thanh Nghiem ©Gabriel Nghiem
Gabriel Nghiem – Tale1

d’écran de l’entretien “Fundador

Gabriel Costa – 2de1

Armando Ribeiro : Un homme en résistance

Le 25 avril 1974, le Portugal se libérait de l’Estado Novo et de la dictature salazariste, en place depuis 1932 Fondateur du groupe de résistance armée LUAR, Armando Ribeiro comptait parmi les combattants de l’oppression. A 82 ans et cinquante ans après la révolution des Œillets, il se souvient de ces années de lutte.

« Il n’y avait pas de liberté. Même le fait d’y penser, c’était risqué ». Le Portugal, l’Estado Novo… Entre 1932 et 1974, le pays est rongé par la dictature corporatiste et nationaliste initiée par António de Oliveira Salazar, Premier ministre du régime. « Ce n’était pas une dictature, c’était une tyrannie. Les gens vivaient dans la peur permanente d’être arrêté par la police politique, la PIDE, qui contrôlait tout. La seule chose que les Portugais avaient le droit d’aimer, c’était le football et le fado (ndrl : musique traditionnelle portugaise). On ne savait même plus ce que voulait dire ‘exprimer une opinion’ », explique Armando Ribeiro, ancien combattant du régime

Dès 1964, à seulement 20 ans, le jeune Portugais quitte son pays opprimé avec un passeport spécial, obtenu dans le cadre de ses études. Officiellement, il s’agit de les finir en France. En réalité, Armando Ribeiro fuit un régime autoritaire qu’il refuse de servir et un service militaire d’une durée de quatre ans Depuis 1961, les guerres coloniales portugaises mobilisent les forces armées sur plusieurs terrains indépendantistes rattachés au vaste empire colonial : l’Angola, la Guinée-Bissau et le Mozambique

France, instinct et résistance

Une fois arrivé en France, Armando Ribeiro décide qu’il ne peut pas rester sans rien faire. Pour lui, rejoindre la résistance contre la dictature portugaise n’est pas une décision réfléchie mais un acte d’instinct, dicté par un profond rejet du régime de Salazar. Très vite, il s’engage dans la résistance. Il aide à faire de faux papiers, ce qui lui vaut le surnom du « faussaire » (O falsificador) par la PIDE. Il organise également des réunions clandestines, distribue des journaux interdits et participe à la fondation d’un mouvement pour défendre les droits des Portugais exilés : Liga de União e de Acção Revolucionária (LUAR). Avec d’autres jeunes, il devient la voix de ses compatriotes en France. Parfois, Armando Ribeiro va jusqu’à infiltrer des bâtiments liés au régime ou encore transporter des armes L’une de ces actions clandestines l’amène à parcourir 3 000 kilomètres afin d’aller chercher des armes à Prague, destination Portugal « On savait qu’on risquait gros mais on ne pensait pas à ça sur le moment », précise-t-il. « Gros », c’est la prison. « Gros », c’est la torture.

Du fait de son engagement dans la résistance, Armando Ribeiro vit caché pendant six ans. « En France, c’était plus facile mais il fallait faire attention tout le temps. On risquait de se faire attraper par la police politique portugaise, même à l’étranger ». Malgré les risques encourus, ilpersiste. Aujourd’hui, le combattantne garde que des souvenirs positifs de cette période. « Même les moments durs sont de bons souvenirs. J’étais jeune et j’adorais ça. Ce n’était que du bonheur. Pas un sacrifice mais plutôt une bonne expérience. »

25 de abril : a Revolução dos Cravos

Et puis un jour, tout change. Le 25 avril 1974, la dictature tombe Lisbonne et d’autres points stratégiques du pays voient poindre les militaires membres du Mouvement des Forces Armées (Movimento das Forças Armadas), ou MFA – ces célèbres capitaines d’avril – venus renverser le régime, alors aux mains de Marcelo Caetano, président du conseil Les habitants accueillent cette révolution en fleur dans la liesse et, symbole oblige, avec des œillets. Le seul rouge – ou presque – à jaillir dans la capitale, a une odeur de printemps

Quand il apprend la nouvelle de la révolution, Armando Ribeiro est à la frontière de l’Espagne et du Portugal. Aujourd’hui encore, à 82 ans, l’émotion est telle qu’il n’arrive toujours pas à l’expliquer. A la suite de la libération, le résistant travaille aux côtés du nouveau Premier ministre, Vasco Gonçalves, l’un des grands acteurs de la révolution. Mais le 11 mars 1975, le coup d’Etat manqué du général Spinola, autre acteur de la révolution, remet en question les avancées du pays vers la démocratie et les rêves de certains. Armando Ribeiro comprend que les choses ne vont pas changer comme il l’espérait. Il décide alors de s’installer définitivement en France. « Je n’avais plus envie de revenir vivre là-bas », dit-il

Aujourd’hui, l’ancien résistant continue de croire que la liberté est fragile. « La liberté, ça se gagne. Mais ça peut aussi se perdre, si l’on n’y fait pas attention ». Pour lui, la Révolution des Œillets reste un symbole fort de la démocratie. Sempre

Armando Ribeiro, fondateur de Liga de União e de Acção Revolucionária (LUAR), groupe de resistance armée, combattant la dictature de Salazar, au Portugal –Capture
da LUAR conta tempos de resistência armada à ditadura”©Cristina Branco/RFI
Carte d’identité d’Armando Ribeiro, obtenue après la Révolution des Œillets

François-René Julliard - Historien

Quand racisme et sport ne font plus qu’un…

En novembre 2024, François-René Julliard, historien et auteur de la thèse «Cettemédailleestpourl’Amérique noire» – Lesathlètesolympiquesnoirsaméricains,entreexcellencesportiveetluttepourl’égalité(1896-1984), est venu parler aux Terminales de Culture Générale, de son travail. Il résume ici son sujet de recherche.

Pour les groupes qui subissent des discriminations raciales, le sportdevientun outild’affirmation, à partir de la fin du XIXe siècle. Aux États-Unis, des éducateurs physiques et des journalistes noirs américains considèrent que l’activité physique doit fournir à la classe moyenne noire les ingrédients nécessaires à une vie active et disciplinée

Le sport est investi d’une puissance politique, qu’il s’agisse de le penser comme une préparation à la vie professionnelle ou bien, lorsqu’il s’agit des plus grands champions noirs, comme une vitrine des capacités physiques de toute une communauté. Il est uninstrumentdeluttecontre leracismeet,espère-t-on, un prélude à l’acquisition de droits politiques – les Noirs américains vivent alors sous le régime de la ségrégation et une grande partie d’entre eux sont privés du droit de vote, dans le sud du pays. Cette approche optimiste et volontariste de la question raciale est ainsi résumée par le journaliste noir A. S. « Doc » Young en 1967 : « On ne saurait dire à quel

point les sportifs noirs héroïques ont été importants pour la cause de l’égalité raciale dans ce pays. Chaque fois qu’un raciste encourage une équipe intégrée dans ce pays, il perd un peu - même si c’est la plus petite partie - de son racisme. »

Cette croyance se renforce encore dans les années 1930, quand quelques athlètes d’élite accèdent au statut de champions d’envergure nationale, dont la notoriété dépasse celle de la communauté noire. Aux Jeux Olympiques, c’est bien sûr Jesse Owens qui en est l’exemple le plus célèbre. La presse noire présente ses quatre médailles d’or conquises dans l’Olympiastadion de Berlin 1936, devant les dignitaires nazis, comme la preuve éclatante de l’excellence sportive noire et de la fausseté des théories sur la supériorité de la « race » aryenne. Les membres de la minorité stigmatisée expriment très souvent une fierté collective face aux performances de tel champion ou de telle championne, car ils se sentent représentés de façon très favorable. Il arrive aussi que

les athlètes eux-mêmes revendiquent ce sentiment d’appartenance de façon spectaculaire. C’est le cas de Tommie Smith et de John Carlos.

Lors des Jeux de Mexico 1968, ils lèvent silencieusement un poing ganté de noir sur le podium du 200 mètres pour protester contre la condition noire aux États-Unis. Leur geste est aussi une façon de remettre en cause la croyance dans l’efficacité de la vitrine olympique : la contestation favorise le changement politique plus sûrement que les prouesses sportives. Pour cet acte, Smith et Carlos sont exclus du village olympique et du reste de la compétition, une sanction particulièrement sévère

La Charte olympique n’imposant pas de barrière en fonction de la couleur de peau, on constate pourtant combien les Jeux sontsusceptibles de devenir un lieu de rivalité entre des discours raciaux antagonistes. Les Jeux Olympiques deviennent alors une arène censée apporter des preuves à l’appui d’une opinion ou d’une autre.

Justin Issa-Beyem – 1ère5

La Sagrada Familia, une œuvre vivante

Etat des lieux du projet abyssal d’Antoni Gaudí…

Tout commence en 1882. Tout, c’est ce chantier titanesque qui fascine par sa démesure et sa beauté, encore aujourd’hui. Depuis 143 ans, la Sagrada Família est une œuvre en construction, au cœur de Barcelone. La fin des travaux est prévue pour 2026. Une date symbolique : elle marquera les 100 ans de la mort d’Antoni Gaudí, architecte moderniste catalan. Ce visionnaire a consacré plus de 40 ans de sa vie à cette basilique. Il a d’ailleurs entièrement dédié les dernières années de sa vie à ce projet, vivant presque sur le chantier. Ce qui rend la Sagrada unique, c’est aussi son financement. Aucun soutien public. Aucun budget d’État. Juste la foi des donateurs et les billets des millions de visiteurs qui viennent admirer ce chefd’œuvre inachevé.

Chaque année, près de 4,7 millions de visiteurs viennent s’en imprégner. La basilique vit aussi au rythme des habitants, notamment lors de la Festa Major d’octobre… Un moment festif lors duquel des concerts font vibrer tout le quartier de la basilique Avec ses 4 500 m² de surface au sol, soit un peu plus de la moitié d’un terrain de foot, la basilique impressionne autant par sa grandeur que par le soin apporté à chaque détail.

Et que dire de sa hauteur, colossale ? À 172 mètres, elle deviendra bientôtle plus hautédifice religieux du monde. Au total, le projet comprend 18 tours À ce jour, 9 sont déjà construites ; les autres s’élèvent lentement…

Chaque façade raconte une histoire : La Nativité, la Passion et la Gloire. Ces trois grands récits sont

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sculptés dans la pierre avec une force puissante. Mais le monument n’est pas qu’un rêve figé. En 1936, un incendie a ravagé sa crypte. Un rappel brutal que même les plus grands symboles ne sont pas à l’abri des drames mais qu’ils ne sont pas non plus hors du temps

Le 16 octobre 1968, les sprinteurs américains Tommie Smith et John Carlos faisaient scandale en tendant leurs poings gantés de noir sur le podium de la finale du 200 m des Jeux de Mexico ©Capture écran
Sagrada Familia – Image libre de droit

Stanislas Bogner-Leclère – Tale4

La solitude : enfermement ou espace de liberté ?

Pierre Soubiale, professeur de philosophie à l’EIB Etoile, répond à nos questions

Casse Ton Cliché (CTC) : Faut-il séparer solitude et isolement ?

Pierre Soubiale : Les deux concepts doivent distingués. S’ils onten commun dedésigneruneforme de séparation d’avec les autres, cette séparation n’est pas de même nature dans les deux cas.

Disons que, dans le cas de l’isolement, la séparation est plutôt physique : être isolé, c’est être séparé d’autrui par un obstacle physique, lequel m’empêche d’être en rapport avec lui. C’est ce que suggère l’étymologie du terme (isolement est dérivé d’isola, île). La solitude, quant à elle, serait plutôt d’ordre psychologique : elle désigne le sentiment qu’à le moi de ne pas être en rapport avec autrui.

C’est pourquoi, si l’isolement peut produire la solitude, il ne le fait pas nécessairement. Par exemple, durant le confinement, les réseaux de communication ont permis aux personnes isolées de « se sentir moins seules » ; inversement on peut ressentir de la solitude bien qu’on ne le soit pas, tels les débarqués d’une grande ville où ils ne connaissent personne.

CTC : Être seul, est-ce véritablement possible ?

Pierre Soubiale : Oui, et on ne le comprend justement bien qu’en reprenant notre distinction entre solitude et isolement. On peut par exemple éprouver de la difficulté à s’isoler des autres. Ici, l’isolement est possible, mais ne va pas soi :pour être réellement seul, il faut aller là où il n’y a personne

Toutefois, la dimension vraiment problématique de la question surgit quand on interroge la possibilité d’être seul, mais dans la perspective de la solitude : peut-on réellement avoir le sentiment d’être séparé des autres quand tant d’outils sont là pour communiquer ?

Oui encore une fois, à condition de comprendre qu’il ne suffit justement pas de communiquer pour entretenir une relation épanouissante avec d’autres. À cetégard, ilvaudraitla peinede réfléchir à l’hypothèse d’un éloignement paradoxal des individus à l’heure de l’hypercommunication – comme si cette dernière supplantait d’autres modalités de mise en rapport, plus authentiques, avec autrui ; ainsi la conversation.

CTC : Etes-vous d’accord avec le fait que, comme dit

Pierre

Appartient-il à autrui de me rendre meilleur ?

Tout dépend, bien sûr, de ce que l’on entend par « rendre meilleur ». L’expression semble avoir différents sens, et il faut choisir : devenir meilleur, est-ce devenir plus intelligent ? plus moral ? plus séduisant ? plus drôle ?

On trouvera peut-être une solution en s’étonnant du présupposé de la question, celui d’après lequel nous aurions à « devenir meilleurs ». Une telle idée suggère en effet qu’il appartiendrait à l’essence humaine de n’être jamais réellement figée, comme si notre nature, justement, n’avait rien à voir avec une « nature » proprement dite, laquelle risquerait toujours d’être stable, car donnée une fois pour toute. Nature vient de nascor, « naître » en latin S’il nous appartient de devenir meilleurs, c’est donc que tout individu ne réalise pas immédiatement tout ce qu’il peut être, et qu’il a pour tâche de s’accomplir. Ce qui, en un premier temps, semble requérir autrui : on songe au thème de l’éducation qui, dès les premiers âges de la vie, met bien en jeu la perfectibilité humaine. Pourtant, l’éducation vise certainement moins à nous améliorer qu’à nous humaniser ; ce n’est, semble-t-il, qu’une fois l’humanisation accomplie que la question de l’amélioration se pose : parvenu à l’âge adulte, il appartient à tout individu, même parfaitement éduqué, de parfaire son humanité. Comment ? En accomplissant, autant que possible, l’essence humaine, c’est-à-dire la liberté : on devient meilleur

à mesure que l’on gagne en autonomie, et donc que l’on se personnalise. Or là aussi, autrui intervient. Il y a peu de chance, en effet, que le désir d’accomplissement naisse spontanément : très souvent, le besoin de progresser naît d’un obstacle, lequel nous amène à douter de ce que l’on tenait pour acquis. Or il revient très souvent à l’autre – volontairement comme le faisait Socrate ; involontairement, dans le cas d’une déception amoureuse – de produire cet obstacle, propre à nous faire réfléchir. Par la difficulté qu’il a fait surgir, autrui fait douter, et questionne. Mais qui dit questionnement, dit surtout discours : si Sartre a bien vu que l’on se mire dans les yeux d’autrui, on ira plus loin en suggérant que c’est d’abord le discours d’autrui qui, fut-il exprimé par un regard, constitue le véritable « médiateur entre moi et moi-même ».

Toutefois, s’ilappartienttoujours à l’autre de déclenchernos premiers questionnements, il revient à chacun, devenu adulte, d’être à l’initiative de son propre doute. Car ils sont aussi nombreux ceux qui, par leur discours, cherchent à nous aliéner ; ainsi les flatteurs qui, plutôt que de chercher à nous rendre meilleurs, nous prennent au piège de la complaisance narcissique Autrui se révèle donc définitivement ambigu : ami et ennemi de ma liberté, il conspire à me rendre autre que moi-même, autant qu’il est l’auxiliaire de mon devenir moi-même.

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Descartes, la solitude permet la liberté de pensée ?

Pierre Soubiale : Absolument. C’étaitdéjà même l’idée d’Antisthène, pour qui une solitude volontaire devient lavertudusage,sachantavoircommerceaveclui-même avant tout autre. À condition de dépasser la peine vulgaire que l’on éprouve rapidement à être seul, la solitude est la voie de la liberté de pensée - qui exige réflexion, et donc retour sur soi - et du bonheur - qui consisteàpasêtreéthiquementaliénéàautrui,enfaisant dépendre son bonheur de l’amour, du pouvoir ou de la gloire, ou des rapports que l’entretient avec n’importe qui, n’importe quand, à propos de n’importe quoi

CTC : La libération par la solitude a-t-elle une limite ?

Pierre Soubiale : De fait, autrui est une figure ambiguë qui, si elle incarne le risque du plus grand des divertissements, est aussi la condition de ma liberté de pensée. La solitude du sujet méditant est donc au moins limitée par la nécessité d’échanger ses pensées avec d’autres, comme les maîtres, que ceux-ci soient de chair ou de papier.

Pierre Soubiale

La banalité du mal

Retour sur une théorie qui, à sa sortie, a fait grand bruit

La théorie de la « banalité du mal » fut développée par Hannah Arendt dans son livre Eichmann à Jérusalem, paru en 1963. Missionnée par The New Yorker pour assister au procès du criminel nazi Adolf Eichmann, Arendt y prend le contrepied de l’idée selon laquelle les atrocités commises par le régime nazi aient été systématiquement le fait d’individus foncièrement diaboliques.

Ce à quoi, à l’époque, tout le monde semblait pourtant s’attendre. La capture d’Eichmann devait avoir été celle d’un monstre : haut fonctionnaire du troisième Reich, son rôle avait été d’organiser les convois de déportation vers les camps d’extermination – ce que seul un individu foncièrement pervers pouvait avoir fait.

Ce ne fut pourtant pas l’avis d’Arendt, aux yeux de qui l’accusé se révéla très vite insignifiant, voire parfaitement médiocre : bien loin d’incarner la figure du diable ou d’un psychopathe, Eichmann paraissait tout à fait...banal.

D’où l’idée d’une « banalité du mal », qu’on comprendrait évidemment mal en supposant que c’est le mal commis, qui est banal. La thèse suggère en réalité que, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce sont parfois des personnes parfaitement ordinaires« banales »-quicommettentlesplusgrandesatrocités. On en trouve la raison dans un mécanisme psychologique, celui de la « soumission à l’autorité », théorisé au même moment par le psychologue américain Stanley Milgram. Face à une figure d’autorité, par exemple, un supérieur hiérarchique, les individus tendent à exécuter n’importe quels ordres en opérant un transfert de responsabilité, ce qui les conduit à se décharger de tout souci des conséquences. Ce qui semble bien avoir été le cas d’Eichmann, qui n’eut de cesse, durant son procès, de prétendre n’avoir fait qu’exécuter des ordres. La thèse d’Arendt reçue cependant de nombreuses critiques. Parmi elles, on trouve notamment celles des historiens qui, correspondance à l’appui, démontrèrent le caractère franchement meurtrier de l’accusé.

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- Ami du bien

Le mentor, une figure à double tranchant

« Un bon maître a ce souci constant : enseigner à se passer de lui » Journal , André Gide.

Le mentor, figure tutélaire et guide, incarne à la fois l’espoir d’un accomplissement et le risque d’une influence ambivalente : s’il peut apporter du soutien et ouvrir une voie d’épanouissement lors de l’apprentissage, cette relation de mentorat peut également imposer le danger d’une dépendance ou d’une reproduction de schémas limitante. Ce rôle de guidance peut faciliter l’intégration sociale et enrichir les connaissances mais également freiner le développement personnel du mentoré.

Ainsi, le choix du mentor revient à s’exposer à une arme à double tranchant, capable de façonner ou de briser, d’émanciper ou d’enfermer.

Un besoin de validation lors des étapes clés

Le besoin d’être accompagné par un mentor se fait souvent ressentir lors des grandes périodes de transition d’une vie. Pendant ces moments de bouleversements comme une entrée au travail, une séparation ou un changement de pays, non seulement

la structure de vie se transforme, mais il s’opère un véritable travail de construction identitaire. C’est dans ces moments cruciaux que la confirmation et la validation d’un mentor peut grandement favoriser le développement intérieur.

Traverser la rivière

Par ailleurs, le mentorat n’est qu’une relation passagère et temporaire, ce qui ne diminue en rien son importance. Par analogie, on pourrait comparer le mentor avec une personne qui aide à traverser une rivière. Ainsi, le but du mentorat est bien de permettre au mentoré de devenir autonome.

L’enjeu majeur de la relation est de créer un espace de transition, de développement personnel et de transformation. Cette notion d’espace transitionnel développé par Winnicott, psychanalyste britannique, souligne le fait que cet espace transformatif permet au mentoré de s’exprimer sans crainte de sanctions ou de récompenses. Le mentor, quant à lui, sert de guide et

Le syndrome de Diogène

Chez les personnes atteintes de ce trouble, impossible de faire du tri.

Il touche 1 personne sur 2000 en France. Relativement rare, le Syndrome de Diogène est un trouble du comportement qui manifeste par une grande négligence du domicile, une hygiène corporelle déficiente, un isolement social très important, un déni des réalités et une accumulation d'objets sans intérêt ou sans valeur, ce qu'on appelle la syllogomanie.

Il touche en majorité des personnes de plus de 65 ans, mais il existe aussi des cas chez des plus jeunes. Des études ontpermis d’observer queplus de femmes que d'hommes sont concernées par ce syndrome. Les causes ? Elles sont multiples. En effet, cette pathologie est souvent liée à un traumatisme de l'enfance ou à un brusque changement de situation de vie. D'après les chercheurs, les jeunes développent davantage un Syndrome de Diogène lorsque ce der-

nier est associé à une psychose, un trouble dépressif ou obsessionnel-compulsif (TOC).

A contrario, chez les personnes plus âgées, il est plus souvent associé avec des types de démence Alzheimer ou fronto-temporale Il existe également des formes atypiques du syndrome. L’individu peut alors présenter une obsession pour la propreté et le rangement. Les personnes atteintes peuvent passer des heures à nettoyer, à désinfecter ou à réorganiser leurs affaires. Elles peuvent être extrêmement perfectionnistes et ressentir une grande détresse si leur environnement n'est pas parfaitement propre et ordonné. Cela amène alors une personne à un état de contrôle et d’hygiène excessive. Dans l’un et l’autre cas, un bon accompagnement social et médical est nécessaire.

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permet au mentoré d’organiser ses pensées, ce qui est une phase importante du développement de soi.

Mais que se passe-t-il lorsque le mentoré, au lieu de construire ses propres repères, intériorise ceux de son mentor ? Lorsque le mentor devient source unique de validation, au point que son regard conditionne l’évolution, les choix, les doutes et les élans du mentoré ? Dans ces cas-là, l’espace de transition est un lieux de de confusion identitaire. Le mentoré ne devient pas luimême : il devient le reflet de l’autre.

Derrière les termes rassurants de « guide », « tuteur », se cache une hiérarchie implicite. Le mentor sait, le mentoré apprend. Le mentor possède, le mentoré désire. Cette asymétrie, si elle n’est pas questionnée, peut glisser vers une dynamique de domination. Le mentor peut projeter ses attentes, ses désirs ou ses frustrations surle mentoré. Ilpeutinconsciemment, ou non, imposer un modèle de réussite, d’identité et de trajectoire à suivre. Le risque est alors que la relation ne serve plus le développement de l’un, mais le pouvoir de l’autre

Stanislas Bogner-Leclère – Tale4 Le groupe ou l’effet domino

« Si tu le fais, je suis chaud aussi ! »

La dynamique de groupe inclut tous les changements de comportement ou attitude en lien avec l’interaction d’un groupe, allant d’un groupe restreint à la foule. La dynamique du groupe est affectée en premier lieu par le phénomènedu conformisme, quiest de se mettre en accord avec un groupe de manière à, dans le cas extrême, agir et penser comme le groupe. Par exemple, dans un environnements supposé calme, comme le CDI ou encore une salle de classe pendant un cours, il suffit qu’une poignée bavarde pour que d’autres s’y mettent et que se propage un grand brouhaha ambiant.

Du conformisme à la déresponsabilisation

Au sein d’un groupe, plus il y a de nombre, moins il y a de responsables… Tout le monde délègueconsciemment ou pas - sa responsabilité aux autres autour de lui. Le groupe n’est cependant pas un problème pour ceux qui y sont affiliés, au contraire, ils sont au paradis !

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Lucie Dourver & Gabrielle Lanher-Jules –

Le doute ou créer son propre enfer

Eric Mele, psychiatre à l’Institut Curie, nous éclaire sur le sujet

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Casse Ton Cliché (CTC) : Est-il normal de douter ?

Eric Mele : Le doute fait partie intégrante de ce que nous sommesen tantqu’êtreshumains etpensants. Son absence serait synonyme d’une forme de toutepuissance telle que l’on peutla retrouver chez certaines personnalités pathologiques, comme les personnalités paranoïaques par exemple, volontiers convaincues qu’elles ont toujours raison.

Le doute constitue un mécanisme adaptatif qui permet,

Psychologie

lorsqu’il n’est pas trop envahissant, de prendre les décisions les plus adaptées face aux situations auxquelles nous sommes confrontés dans notre quotidien. Il permet de moduler les réponses que nous apportons aux multiples sollicitations que nous rencontrons, en évitant de prendre des décisions trop hâtives que nous risquerions de regretter après-coup. Cependant, chez certains sujets, leur propension à douter avant, pendantou après toute action, y compris dans les situations les plus simples, peut s’avérer un réel handicap, les entravant dans leur vie quotidienne tout en générant beaucoup d’anxiété.

« Ai-je bien fait de dire cela ? Ai-je bien agi ? Puis-je m’autoriseràpensercequejepense,àmelivreràtelle ou telle action ? » Toutes ces questions peuvent s’avérer torturantes et parfaitement stériles lorsqu’elles envahissent tout l’espace psychique d’un sujet, le privant de toute spontanéité dans sa vie quotidienne, pouvant alors se transformer en enfer.

CTC : A partir de quand le doute devient-il névrotique ?

Eric Mele : Le doute et le manque de confiance en soi qui lui sera souvent associé peuvent être considérés comme pathologiques lorsqu’ils sont omniprésents chez un sujet, sans nuance possible, de façon intense et permanente. Ils viennent alors caractériser le

fonctionnement psychique de la personne concernée. Ils pourront participer à un trouble de la personnalité du registre névrotique, voire à un authentique trouble névrotique, dont le sujet aura la conscience douloureuse de son caractère inadapté, sans pouvoir lutter utilement contre cette anomalie de son fonctionnement psychique

CTC : Quid du syndrome de l’imposteur ?

Eric Mele : Le syndrome de l’imposteur, décrit à la fin des années 70 au siècle dernier par des psychologues américaines, constitue une entité nosographique dont l’intérêt comme la pertinence clinique et psychopathologique sont contestés. En effet, les symptômes qui sont censés le caractériser sont présents dans de nombreux troubles psychiquescertains troubles anxieux, de la personnalité ou de l’humeur, comme la dépression, dont la perte de l’estime de soi constitue un symptôme essentiel. Il apparaît peu utile de vouloir individualiser un tel syndrome dont le caractère transnosographique* s’oppose à l’utilisation d’un modèle unique et par trop limitatif.

*Présence de symptômes peu caractéristiques et pouvant être très différents les uns des autres. La transnosographie, méthode d'analyse des maladies mentales, s'écarte des classifications diagnostiques traditionnelles.

Vivre le deuil

Pourtant universelle, la mort reste un tabou en Occident, ce qui rend difficile le « dire son chagrin » Des étapes du deuil qui, pourtant, sont essentielles

« J’avais l’impression que tout le monde reprenait sa vie, sauf moi. » Cette phrase, souvent répétée par ceux qui traversent un deuil, résume une sensation profondément humaine : celle d’être figé dans la douleur pendant que le monde continue de tourner. Perdre un proche c’est plus qu’affronter une absence ; c’est faire face au silence, à l’incompréhension, et souvent, à la solitude. Dans nos sociétés occidentales, le deuil reste un sujet mal abordé. On tolère une courte période de tristesse, quelques jours, parfois quelques semaines, puis on attend que la personne endeuillée passe à autre chose. Le deuil devient alors un poids intérieur, quelque chose à gérer seul, discrètement, presque honteusement. Dans les témoignages, les pensées sont partagées : nombreux sont ceux qui disent avoir rapidement ressenti que leur chagrin dérangeait. Que les silences étaient pesants. Que les maladresses du type « Tu vas t’en remettre », « Il est mieux là où il est » faisaient plus mal que de ne rien dire. Cette difficulté à vivre le deuil ne tient pas uniquement à l’intensité de la perte, mais aussi à un manque de place laissée à la douleur dans l’espace public.

En Occident, la mort est souvent médicalisée, cachée. Les rituels funéraires sont courts, codifiés, parfois impersonnels. Une cérémonie, des fleurs, quelques jours de congé, puis le silence. La mort, pourtant universelle, reste un tabou moderne. Dans d’autres cultures, la relation à la mort est bien différente. En Asie ou en Afrique, le deuil est vécu dans la durée, partagée dans la collectivité, porté par des rituels profondément ancrés.

En Afrique de l’Ouest, par exemple, les funérailles peuvent durer plusieurs jours, rythmées par des chants, des pleurs collectifs et des repas partagés. L’émotion y est libre, visible et assumée. Elle n’est pas considérée comme une faiblesse mais

comme une étape essentielle de la guérison. Dans les cultures bouddhistes, la mort est abordée comme un passage, non une fin. Des rituels précis permettent de guider l’esprit du défunt, tout en accompagnant les vivants dans leur cheminement. Le deuil devient un processus collectif, encadré, reconnu. Le simple fait de pouvoir pleurer ensemble, de parler de la personne disparue, de garder sa mémoire vivante, apaise la violence du manque. Ces pratiques ne suppriment pas la douleur, mais elles offrent un espace pour l’exprimer, et donc pour la transformer.

En Occident, à l’inverse, l’individualisation de l’expérience du deuil renforce l’isolement. On parle plutôt de « travail de deuil », comme s’il fallait être efficace danssapeine,commes’ilyavaitunebonnemanièredesouffrir.Cependant,chaque deuil est singulier, et parfois, il ne passe pas. Il se transforme. Il s’apprivoise, lentement, et souvent grâce aux autres. Heureusement, les mentalités évoluent. Les réseaux sociaux permettent aujourd’hui à beaucoup de partager leur douleur, de rendre hommage publiquement à un proche, de trouver du soutien. Des groupes de parole, des associations, des espaces de recueillement se multiplient. La parole se libère, surtout chez les jeunes générations, qui osent dire leur chagrin, leur colère, leur vulnérabilité. Une nouvelle forme de deuil émerge : plus visible, plus sincère, moins honteuse.

Le deuil ne sera jamais facile. Il restera un arrachement, un bouleversement. Mais il n’a pas à être vécu seul. Car si l’enfer peut être les autres, leur absence dans ces moments-là peut l’être encore plus. Et c’est souvent dans la présence discrète, dans l’écoute silencieuse, dans le simple fait d’être là, que commence une reconstruction

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Sarah Cornu – Tale4

Eve Cuvelier – 1ère5

Une journée à Bétharram

Située dans les Pyrénées-Atlantiques, Notre-Dame de Bétharram est l’objet de plus de 200 plaintes d’anciens élèves déposées contre des religieux de la congrégation, des membres du personnel laïc et des élèves, pour des faits supposés commis principalement dans les années 1990. Une source anonyme, qui a compté parmi les élèves dans les années 1980, nous a fait le récit du quotidien des pensionnaires de l’institution. Reconstitution d’une journée « type » …

7h00. L’agitation vient briser le calme des dortoirs des garçons. Il y a encore quelques minutes, les élèves étaient dans leur lit, endormis profondément. Mais quand le réveil sonne, pas question de traînasser : on se lève rapidement. Le surveillant rentre dans le dortoir Silence. Il claque des doigts. Toute la rangée de droite court ouvrir les fenêtres de son côté, avant de rejoindre rapidement sa place.Silence.Deuxièmeclaquementdedoigts.Auxélèvesdelarangéedegauche, cette fois-ci, de cavaler pour ouvrir les fenêtres adjacentes à leur côté du dortoir Puis, eux aussi, retournent « au piquet », droits comme des « i », devant leurs lits. Claquement de doigts. Qui marque le début des 25 minutes réglementaires dont les pensionnaires disposent pour faire leur toilette au lavabo du grand dortoir. Puis, chacun doit border son lit, à cadence quasi militaire, sans parler Qui transgresse les règles reçoit un châtiment physique, « toléré » à l’époque. 7h30. Rangés en ligne, les élèves partent en étude 8h00. Direction le réfectoire, où les premières paroles de la journée commencent à être échangées jusqu’à 8h20. Les élèves ont ensuite 10 minutes pour rejoindre leur salle de classe 8h30. Début des cours, pour une durée de 4h00, entrecoupée d’une pause de 10 minutes A ce moment-là de la journée, les élèves se ruent dans la cour, située derrière le perron, où le courrier reçu par La Poste est distribué. Certains se précipitent sur les enveloppes, symboles de vie extérieure. D’autres - ceux à qui personnes n’écrit - restent en retrait, sur le côté. Au cas où. 10h45. Reprise des cours. 12h30. Réfectoire Les élèves ont 30 minutes pour manger tous ensemble, avant de retourner en pause, pendant 1h00. La cour baigne dans la chaleur du Sud-Ouest, accompagnée de l’odeur fraîche du Gave de Pau, la rivière se trouvant à proximité. L’ambiance est calme. Les élèves en profitent pour se jouer, se parler… D’autres sont convoqués par certains professeurs. 14h00. Fin de la pause de midi. Les élèves retournent en cours. Le bâtiment est vaste. Dans les couloirs, ils marchenttouten chuchotant avec leurs camaradesmais seulement si les surveillants les plus sévères ne sont pas là. Les bruits de pas se superposent et résonnent entre les murs. Dans les salles de classe, les attendent leurs pupitres en bois. Une fois installés, il arrive que l’élève du fond, côté mur, fasse refléter le soleil, avec un petit miroir qu’il cache d’ordinaire dans sa poche, sur un camarade qui, aveuglé, le presse d’arrêter. La porte s’ouvre. Silence. Les élèves se lèvent en hâte. Salut au professeur, qui

s’assied derrière son bureau et observe les élèves, muets Début du cours. Le professeur se lève et appelle un élève au tableau afin qu’il récite la leçon du dernier cours.

17h00. Pause de 30 minutes.

17h30. Temps d’études de 2h00. Les élèves se prêtent à des imbécilités pour faire rire leurs camarades mais pas trop. Ne pas dépasser une certaine modération Surtout avec le mauvais surveillant.

19h30. Direction réfectoire pour les collégiens. Dernier repas de la journée. L’hiver, il fait déjà nuit. Des petits jeux de table. Concentrés, des enfants regardent au fond de leur verre pour essayer de voir son numéro, et donc l’âge qui leur est attribué. « 9 ? T’es le plus jeune, va remplir le pichet ! »

Les assiettes se vident et les derniers plateaux se posent. Direction dortoir. Les pensionnaires passent aux toilettes, se brossent les dents et se mettent au lit 21h00. Extinction des feux. Quelquefois, du chahut. Malheur à celui qui se fera attraper par le surveillant.

La lune se faufile dans les stries du volet en bois. Des élèves s’endorment facilement ; d’autres un peu moins. Et, il y a ceux qui sont toujours dehors, frissonnant.

« Le goulag des Pyrénées »

Connu en Pyrénées-Atlantiques pour sa rigueur et sa réputation élitiste, NotreDame de Bétharram a également accueilli les élèves perturbateurs de la région, pour les « redresser » Ce qui a valu à l’établissement, composé de 500 élèves chaque année, le surnom de « goulag des Pyrénées ».

Le Séminaire de Bétharram, Pyrénées, France – Carte postale
Vue de la chapelle historique de la ville, au bord de la rivière – Image libre de droit

Zoë Gilles & Sofia George – 2de1

Brexit : quid des étudiants étrangers ?

Depuis le Brexit, partir étudier au Royaume-Uni est devenu un véritable parcoursducombattantpouruneuropéen.

Démarches plus complexes, frais de scolarité qui ont flambé et programmes d’échange comme Erasmus+ remaniés.. Pour partir étudier au Royaume-Uni, le Brexit a changé la donne. Conséquence : les mobilités vers le Royaume-Uni sont en forte baisse et de nouvelles destinations séduisent les jeunes qui souhaitent étudier en anglais.

Des chiffres en chute libre

Depuis la sortie officielle du Royaume-Uni de l’Union européenne en 2020, le nombre d’étudiants européens inscritsdanslesuniversitésbritanniquesachutédeplus de 37 %.

Les Français restent parmi les nationalités les plus représentées, mais eux aussi sont moins nombreux : de près de 14 000 avant le Brexit, ils sont passés à 10 305 en 2022-2023, soit une baisse de 26 %. L’Allemagne et l’Italie enregistrent des reculs encore plus importants. En 2019, près de 30 000 étudiants européens effectuaient un échange académique au Royaume-Uni dans le cadre d’Erasmus+. Deux ans plus tard, ils n’étaient plus que 12 000. Résultat : le Royaume-Uni est passé de la troisième à la septième place des destinations Erasmus+ en Europe, dépassé par la Pologne et le Portugal.

Des frais de scolarité qui augmentent

Autre conséquence directe du Brexit : les frais de scolarité. Avant, les Européens payaient les mêmes tarifs que les Britanniques. Désormais considérés comme étudiants internationaux, ils doivent débourser entre 14 000 et 46 000 euros par an selon les établissements. Un frein pour beaucoup. Sarah A., 19 ans, confie : « Mon rêve, c’était d’étudier à Londres, mais avec les frais et les démarches, j’ai dû renoncer ». Elle a finalement choisi de partir aux Pays-Bas. Le visa est devenu obligatoire pour les séjours de plus desixmoisetcoûteplusde900euros.Ilfautégalement prouver disposer de ressources suffisantes - plus de 16 000 euros pour Londres - et présenter un test d’anglais officiel comme l’IELTS ou le TOEFL.

Ces contraintes expliquent l’évolution des mobilités : alors qu’avant 70 % des étudiants partaient à l’année, ils ne sont plus que 50 % à faire ce choix, privilégiant des échanges d’un semestre, qui ne nécessitent pas de visa.

La fin d’Erasmus+ et des aides limitées ?

Le départ du Royaume-Uni du programme Erasmus+ a aussi marqué un tournant. En 2019, plus de 10 000 étudiants français en bénéficiaient pour financer leur séjour. En 2023, ils n’étaient plus que 1 857. Les universités françaises peuventencoreutiliser unepartie des fonds Erasmus pour envoyer des étudiants au

Grandes Ecoles

Royaume-Uni, mais les aides sont désormais très limitées : environ 700 euros par mois.

Des coopérations qui persistent malgré tout Malgré les difficultés, les universités britanniques cherchent à maintenir leurs relations avec les établissements européens. « Depuis le Brexit, l’attitude des universités au Royaume-Uni est très positive. Elles sont bien plus enclines à promouvoir les mobilités età renforcerles partenariats »,noteAna Delgado, directrice des relations internationales de l’université de Navarre en Espagne. Certaines universités françaises, comme Lyon II, ont même transformé leurs anciens accords Erasmus en partenariats bilatéraux.

Les destinations alternatives en plein essor

Face à ces obstacles, les étudiants européens se tournent vers d’autres pays anglophones plus accessibles. L’Irlandeattire de plus enplus grâce àses frais raisonnables et son statut de membre de l’UE. Les Pays-Bas proposent également de nombreux programmes en anglais pour des frais allant de 6 000 à 12 000 euros par an. Les pays nordiques (Suède, Finlande, Danemark) offrent, eux, des cursus en anglais souvent gratuits pour les Européens.

Léna R., 20 ans, a choisi cette option : « Je voulais étudier en anglais mais rester dans l’UE. J’ai choisi l’Université de Maastricht, aux Pays-Bas. C’était beaucoup plus simple administrativement ».

Une mobilité européenne globalement en baisse Il faut aussi souligner que, partout en Europe, les mobilités ont diminué ces dernières années. De plus de 335 000 étudiants partis en échange en 2019, ils n’étaient plus que 275 000 en 2021. La pandémie de Covid-19 et la crise économique ont freiné de nombreux projets. « Beaucoup d’étudiants renoncent à une mobilité parce qu’ils pensent qu’ils ne vont pas pouvoir subvenir à leurs besoins sur place », explique Dorothée Orjol-Sousa, responsable mobilité sortante de Lyon II.

Le Royaume-Uni toujours prisé par les étudiants internationaux

Si les étudiants européens sont moins nombreux, le Royaume-Uni reste très attractif pour d’autres nationalités. Entre 2017 et 2021, le nombre d’étudiants chinois a bondi de 41 %, atteignant plus de 151 000 personnes. Les étudiants indiens sont passés de 20 000 à 126 000 sur la même période. Le Nigeria, le Pakistan et le Bangladesh figurent aussi parmi les principaux pays d’origine des étudiants étrangers au Royaume-Uni.

Bilan

Partir étudier au Royaume-Uni après le Brexit reste possible, mais demande aujourd’hui beaucoup plus d’argent et d’organisation qu’avant. Pour les jeunes quisouhaitentune formationen anglais sans se ruiner, l’Irlande, les Pays-Bas ou encore les pays nordiques apparaissent désormais comme des solutions à privilégier.

Stéphanie Pichard – Responsable Counseling Enseignement supérieur…

To do or not to do? Not to do!

Apprentis candidats aux plus hautes sphères de l’éducation internationale, voici un petit florilège des attitudes, comportements, mots et expressions à ne surtout pas utiliser dans vos dossiers… Un résumé non exhaustif d’années d’expérience plus ou moins prolixes mais toujours prometteuses, joyeuses et surtout porteuses de grands projets.

A ne pas faire

Lettres de motivation : Pour commencer, les expressions et mentions rédhibitoires, déjà aperçus, sont à éviter : « Depuis tout petit… » ; « J’ai toujours voulu » ; « It’s not afraid me » (véridique)

Parler de son cheval (voire de son poney), de ses animaux domestiques, adorer les « nouvelles cultures » ou encore utiliser une double nationalité pour prétendre être très intéressé(e) par des études à l’étranger, est proscrit. Il en est de même sur le fait d’ « admirer Ronaldo » pour espérer étudier au Portugal. N'exagérez pas non plus le trait : « j’ai adoré mon stage à la Poste », « j’ai trouvé ma vocation au service juridique des impôts », « j’ai su que je voulais devenir dentiste quand on m’a posé des bagues »…

En savoir un peu trop avant d’avoir commencé des études : « j’ai géré un portefeuille de clients pendant mon stage », « j’ai vendu plusieurs appartements et j’aiadoréça »,« j’airédigédesnotesdesynthèsepour le CEO »…

Nepas ensavoirassez…« je parle français etanglais fluidivement », « je me suis renseigné sur le programme mais pas vraiment… », « ah bon c’est en espagnol en Espagne ? »

A l’oral et aux entretiens devant un jury : Premier conseil N’inventez pas de réponses, c’est la pire des situations, ce n’est jamais un souci de répondre que vous ne savez pas.

En visio, il est parfaitement rédhibitoire d’avoir quelqu’un d’autre que vous dans la pièce L’élève qui regarde au-dessus de l’écran avec un air hésitant en attendant une réponse très souvent aléatoire d’un participant, certes de bonne volonté mais qui manque sûrement de spontanéité, a toutes les chances d’être recalé…

Prévoyez une connexion correcte et faites un essai : il n’y a rien de pire que de voir un élève trop près, trop haut, trop bas de l’écran etpire, qui pense qu’on lit sur les lèvres car le son n’est pas connecté…

Les réponses ou les présentations qui méritent une mention spéciale

« Dans mon école, ils faisaient tout pour nous difficiliter la vie »

« ça me dérange pas d’aller à l’université » (motivé mon gars)

« Au lycée, je comprends les cours alaisement » (en même temps, je comprends ce qu’il veut dire … ☺)

« Je suis passionné par ce qui m’intéresse. »

« Je suis de ouf motivé. »

« Je suis prêt à aller en Grande-Bretagne, depuis deux ans je fais du coréen et du japonais. »

« Pour aller à l’étranger, je fais de l’anglais, on sait jamais. »

« Vasco de Gama est le directeur de la faculté »

« Il faut être empathique parce que si on est sympathique, c’est pas bon. »

« J’aidécouvertle métier enaccompagnantma grandmère chez le véto. »

« J’aimais bien la moi d’il y a deux ans »

Et pour les bilingues…

“I depose my dossier to study with you” (niveau C1 d’anglais…. annoncé) ; “I discovered I zozotais”; “I obtain my bac with a nice mention.”

Image libre de droit
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Emmy Mateos – 1ère2

Les vins de Bordeaux dans le jus ?

Ludovic Paternotte, Directeur Grand Compte Vins & Champagnes Thiénot Francefaitlepointsurlesujet.

Casse Ton Cliché (CTC) : En 2024, les vins de Bordeaux ont affiché leurs pires résultats de vente depuis 1991. Ce phénomène de désamour est-il conjoncturel ou témoigne-t-il d’un bouleversement plus profond ?

Ludovic Paternotte : Les raisons sont multiples. Tout d’abord, la baisse des ventes est liée à la tendance de dé-consommation de vins de la population, du fait des sanctions sur l'abus d'alcool et des préoccupations liées à la santé. La relation à l'alcool a changé En dix ans, la consommation de vin rouge a par exemple baissé de 30%. La population n’a plus l’habitude de consommer du vin à chaque repas, comme cela pouvait être le cas dans les années 1960.

De plus et de manière générale, les vins de Bordeaux ne se sont pas beaucoup remis en cause ces soixante dernières années Les viticulteurs ont joué sur la force de l’appellation et sur un marché à l'export, qui reste marqué par une forte dynamique. Le secteur n’a donc pas forcément anticipé l’évolution de la consommation française. Donc, il n’a pas non plus tellement fait évoluer les profils de ses vins.

CTC : Le phénomène est-il propre à Bordeaux ou au vin en général ?

Ludovic Paternotte : Comme pour le Bordeaux, la vallée du Rhône méridionale et le Languedoc sont fortement impactés. D’autre part, d’autres régions répondent plus aux profils consommateurs aujourd'hui : la région du Beaujolais avec le Gamay, pour son aspect agréable en bouche, très fruité et avec des rapports qualité-prix qui sont aussi attractifs. On retrouve aussi la Loire et les vins blancs en général. Ceci s’explique par le fait que ce vin est plus facile d'accès et ne nécessite pas forcément une grande connaissance pour en profiter. De plus, les repas « déstructurés » type apéro dinatoire favorise la consommation de blanc, tout comme le fait de manger au restaurant.

CTC : Dans un article du Monde publié récemment, Anabelle Cruse-Bardinet de Château Corbin, grand cru classé de Saint : « On croise les gens déçus par le bordeaux, son côté prétentieux. L’étiquette a été galvaudée, on a multiplié les noms de châteaux, le vignoble a trop grossi, passant de 70 000 à 120 000 hectares en quarante ans, et on n’a pas été très bons au niveau interprofessionnel ». Êtes-vous d'accord avec ce constat ?

Ludovic Paternotte : En effet, la surdimension de Bordeaux est une réalité. Elle s’explique par le désir de

répondre à un besoin et à un marché international grossissant, notamment du fait de la consommation chinoise (sans succès).Cependant, je ne dirais pasque l’étiquette est galvaudée. Bordeaux reste une valeur sûre, des qualités sûres, malgré les différentes époques et attentes du consommateur. Pour moi, Bordeaux n’est pas du vin de mode, c’est un vin dans le temps: une référence avérée.

CTC : La terre et les vignes sont-elles appauvries aujourd'hui dans le Bordeaux ? Dans quelle optique sont les nouvelles générations qui reprennent le flambeau ?

Ludovic Paternotte : Oui, forcément, les vignes du bordelais sont depuis longtemps travaillées, la terre est donc appauvrie. Malgré un travail des vignes difficile, on retrouve tout de même une volonté des nouvelles générations de vignerons de diversifier, d’entretenir les espaces français tout comme le fait de reprendre le flambeau de l’exploitation familiale. Ce travail dans les vignes permet aussi pour beaucoup un retour aux sources afin de se régénérer. On relève une philosophie dans la fabrication du vin. Combinée aux nouvelles techniques, la culture de la vigne et la fabrication du vin sont moins aléatoires Il n'y a plus de mauvais vins : ça aussi, c'est une force.

Cave, Pauillac – Image libre de droit

CTC : Quid de l’attrait pour la biodynamie ?

Ludovic Paternotte : Je dirais que le consommateur classique n'a pas d'attente par rapport à la biodynamie d’un vin. Il n’est pas dans cette réflexion, puisque le vin n’est pas un produit hygiénique. C'est un instant de plaisir

Mais la biodynamie est à respecter car elle est très très dure en termes de culture

CTC : Une question pour finir : pour une récolte ou un viticulteur, qu'est-ce que l'enfer ?

Ludovic Paternotte : L'enfer, c'est l'événement climatique Le passage de la grêle, l'évolution climatique, des chaleurs trop importantes l'été, un manqued'eau,unoragedegrêle,dugeltardif,ça,c'est l'enfer pour un vigneron.

CTC : Un exemple d'année noire dans le Bordelais ?

Ludovic Paternotte : Typiquement l’année dernière, du fait de la présence de champignons qui a été très forte et difficile à contenir. D’ailleurs, 2024 est la plus faible récolte de vins de Bordeaux.

L’année 1974 aussi fut catastrophique à Bordeaux Mais la région a toujours réussi à s'en sortir après les années de récoltes un peu terribles

Chloé Robinson – 1ère2

SaQuaNa : la zen attitude

Que se passe-t-il pour un chef, une fois des étoiles obtenues au Michelin ? Alexandre Bourdas, propriétaire du restaurant SaQuaNa, à Honfleur, partage son expérience.

CTC : Obtenir des étoiles au Michelin, était-ce votre objectif suprême en tant que chef ?

Alexandre Bourdas : Non, ce n'était pas l’objectif. Quand nous sommes arrivés à Honfleur avec mon épouse, nous venions du Japon où j'avais été pendant trois ans chef-directeur d’un restaurant trois étoiles Michelin Ma femme gérait la salle. À notre retour, nous voulions simplement ouvrir un petit restaurant. De cette période nippone est venue l'inspiration pour le nom du restaurant : SaQuaNa signifie "poisson" en phonétique japonaise, mais s'écrit normalement avec un K et nous avons plutôt fait un jeu de mots, pour donner "saveur, qualité, nature". De fil en aiguille, de client en client, nous avons obtenu la première étoile en deux ans - alors que l’on proposaitdes plats très populaires- puis, trois ansplus tard, la deuxième. Mais les étoiles n’étaient pas le but. Même le lieu n'était pas dans les critères habituels du Michelin.

CTC : Qu’est-ce que ces étoiles ont signifié pour vous ?

Alexandre Bourdas : C’est une reconnaissance pour une forme de cuisine et un établissement. C’est aussi uneconsécrationdenotrepersonnalité,denotrevision sur la restauration C’est très gratifiant.

CTC : En 2020, vous changez votre formule de restauration avec une offre plus accessible. Cela traduisait-il une volonté de se détacher de la pression « Etoilé au Michelin » ?

Alexandre Bourdas : Je n’ai pas redonné les étoiles, j’ai juste continué à travailler. En 2020, j’ai eu envie de faire le restaurant que vous voyez aujourd’hui, alors je l’ai fait ! Le guide Michelin est venu et a constaté que j’avais changélerestaurant,quinerentraitpluspoureuxdans les critères des étoiles Michelin. De toute façon, je ne voulais pas être un « vieux chef étoilé » C’estgénérationneletjevoulaislaissermaplace,faire autre chosedansla cuisine, de façondifférente. Jesuis un fou de la pâtisserie et de la boulangerie… Le restaurant actuel est parti de ma vision du concept « lieu de vie ». J’aimais bien l’image du bistrot dans les villages où il se passe toujours quelque chose C’est la raison pour laquelle nous sommes ouverts du matin jusqu’au soir à présent… Le matin, les gens viennent chercher leur viennoiserie à la boulangerie mais peuvent aussi boire un café, prendre un petit déjeuner. Le midi, c’est le menu du jour ; l’après-midi et tard le soir, le salon de thé et enfin, le soir à la carte. Avant, nous faisions 50 couverts ; maintenant, environ 200, voire 250 De 12, nous sommes passés à une équipe de 17 personnes. Il a fallu rééquilibrer. En adéquation avec le concept, j'ai aussi arrêté de poster sur les réseaux. J'ai pris cette décision car je ne suis plus en accord avec cette façon de communiquer, je ne m'y retrouve pas. Les réseaux sociaux sont très loin de l'idée que je me fais de la liberté et du rapport aux autres. Enfin, j’ai voulu effacer mon nom du lieu pour que les gens puissent se dire que SaQuaNa, c’est tout un concept.

Cave à Vin à Margaux Avec Fûts De Chêne – Image libre de droit
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L’entrée du restaurant SaQuaNa, place Hamelin, à Honfleur.

Dans la cité

A la place de l’autre : en quête de cash, enquête de sens

Être confronté aux sollicitations et collectes des dons dans la rue agace souvent les citadins que nous sommes. Mais qu’en est-il pour celui ou celle en face ? Témoignage d’une quêteuse

RETOUR D’EXPERIENCE. La veille, 23h30 : Tellement excitée d’être demain matin ! Demain, pour la première fois, je vais vraiment agir pour les autres. Pas juste faire un don, mais donner de moi-même, de mon temps, pour une bonne cause. Je veux aider et récolter un maximum d’argent. Je vais me coucher tôt pour être en forme et pouvoir quêter dans les meilleures conditions.

Le lendemain, 10h30 : Allez, on s’entraîne à dégainer son meilleur sourire pour attirer les gens ! Personne ne résiste à quelqu’un de poli et souriant qui demande de l’argent pour la bonne cause, non ? Je suis tellement impatiente d’agir pour une cause qui me tient à cœur : Alzheimer. Depuis que j’ai appris que mon grand-père en souffrait, je me sens tellement impuissante. Récolter des dons me donne au moins l’impression d’être un peu utile. Et qui sait, peut-être qu’un jour, ils trouveront un traitement

11h15 : Je pars de chez moi, remplie d’excitation, de joie… et de stress. C’est la première fois que je sors de ma zone de confort. Moi, la grande timide, je vais devoir parler à des inconnus. L’angoisse. Mais bon, on se rappelle pourquoi on fait ça.

11h40 : Dix minutes de retard. Je me présente, j’enfile ma chasuble, je prends mon urne à deux mains. On commence en douceur, j’observe la responsable pour comprendrecommentçamarche.Etdèsquejemesens prête, je prends mon envol vers l’inconnu, pleine d’entrain.

11h50 : Dix minutes. Il n’aura fallu que dix minutes pour qu’une boule me monte à la gorge, que mes yeux s’humidifient, et que ma petite sensibilité refasse surface. Pourquoi on me traite comme ça ? On dirait que ma seule présence fatigue le monde entier. Il ne me regarde même pas. Comme si j’étais invisible. « Je n’ai pas de monnaie » l’excuse préférée. Franchement, autant dire que tu ne veux pas donner. Parce que même quand je leur propose un terminal de paiement, leur carte bancaire disparaît aussi, magie ! Et encore, je fais partie des chanceuses qui ne se sont pas fait insulter. Mais pourquoi tant de froideur ? Je suis là pour aider, pour eux… et on me regarde comme une mendiante sans but ? Je savais que le monde pouvait être dur, mais je ne pensais pas qu’il l’était à ce point.

12h30 : Ça fait presque une heure que j’accumule les

Manon Chevallet – 1ère6 & Emmy Mateos – 1ère2

Métro : Les 10 commandements

Si l’enfer est pavé de bonnes intentions, le pavé de l’enfer qu’est le métro en est souvent dénué. Les préceptes de l’usager courtois, nous te proposons d’explorer

Tu ne hurleras point ta conversation, même si ta vie passionne sûrement toute la rame.

Tu ne feras point profiter les autres de tes odeurs, ni par excès de parfum, ni par absence de savon.

Tu n’oublieras pas ton bagage, car il pourrait paralyser le métro pendant des heures.

Tu ne glisseras point la main dans la poche d’autrui, même si la tentation est grande.

Tu ne t’assoirais pas sur un strapontin lorsque le métro est bondé, à moins que tu sois prêt à risquer la foudre des passagers.

Tu ne prendras pas la ligne 6, la ligne sauna ou la 13, la ligne de l'enfer

Tu ne laisseras pas ton animal de compagnie sans laisse

Tu ne commettras point l'erreur de prendre le métro de 8 à 10 heures et de 17 à 19, sous peine de subir la chaleur et l'inconfort d'une rame pleine.

Stalingrad, Barbes Rochechouart et Jaurès, tu éviterassituteinsàtaluciditéetàtonporte-monnaie.

Les passagers tu ne bloqueras pas, à droite sur l'escalator tu resteras. Page 39

vents et les « je suis pressé(e) ». Je suis à deux doigts d’abandonner. À quoi bon continuer si personne ne veut de moi ? Et là, petit miracle. Une fillette, trois ans peutêtre, me tape sur l’épaule : « Je peux donner un peu d’argent,madame?»Moncœurfond.Peut-êtrequetout n’est pas perdu. Il reste des gens bien. Des enfants bien élevés. Des adultes compatissants. Alors je me ressaisis. 13h20 : J’ai repris. Et j’ai appris : ne pas se laisser atteindre par les autres. Avancer droit devant. Ne pas se focaliser sur ceux qui ignorent, mais sur ce que moi, je fais. Et ce que je fais, c’est une bonne action. Ce que je fais, c’est pour mon papi. Finalement, j’ai réussi à récolter pas mal d’argent. Et j’ai relativisé : on a tous déjà été la personne pressée, fatiguée, pas dispo. On a tous déjà mis un vent sans s’en rendre compte. Ça ne fait pas de nous de mauvaises personnes. Juste… des humains.

Gagliardi – 1ère3 Dans la tête de Winnie

Les chiens aussi ont la vie dure

Biipppp, biipppp ! 6h30… Le réveil de mon humain sonne enfin. Oreilles dressées, étirements façon yogaposture du chien tête en bas, et sautillements devant la porte d'entrée ... C'est le moment ! La laisse ? Check L'humain pyjamalhabillé? Check. Mon pipi du matin ?

Check to be

Le pire des sens… Dehors, mes pattes propres touchent le bitume sale. Festival de textures ! Chewing-gum collants, mégots de clopes poisseux, asphalte crottée... MON territoire, souillé. Surtout, ça pue, dans cette atmosphère de rien qu'est le petit matin. Les humains, ça n'a pas l'air de leur perturber la truffe, ce fumé ? Je lève la mienne, ne tenant plus l'apnée. Tiens, un sac plastique qui danse au vent !

L’art du marquage Pipi, pipi, pipi ! Vite ! Le poteau électrique ? Déjà pris. L’arbre du square ? Trop fréquenté. La roue d'une voiture garée la ? Humm tentant, mais j’ai mon honneur à préserver. Finalement, je choisis LE spotparfait:un petitbuisson discret mais stratégique. Juste avant de l'arroser de mon engrais homemade, mon humain tire déjà sur la laisse : « Allez Winnie, dépêche-toi ! ». Sacrilège ! Les intrus Concentré, je me positionne. Un pigeon me fixe. Provocation. Ce volatile me sous-estime clairement. Je suis sur le point de lui montrer qui est le patronquand...BAM!Unhumainauxpiedsfluo,poils de mollets apparents et soufflant très fort, passe en trombe et manque de me piétiner. Cette espèce est décidément très bizarre... 6h 50. Retour à la niche Pipi accompli ! Comme d'habitude, je me suis fait tout petit. J'ai essayé d'aller vite et de ne pas trop salir. Mon humain est content. Il se sert un café. Et mon petit déjeuner ?

Image libre de droit
Marie
Winnie Gagliardi - DR

Les inspirés

Halima Adren – Tale6 & Rosanna Pergament – Tale4

Micro-couloir

… Ce truc qui plombe votre journée

Vous aussi, vous en avez forcément un en tête…

« Quand t’arrives juste 2 minutes en retard et que Grishka te colle un billet de retard, même si le prof est pas encore là. »

« Quand Monsieur Derny t’exclut du CDI parce que t’as parlé, alors que t’étais juste en train d’expliquer un exo à ton pote. »

« Les surveillants qui te regardent mal pendant les DST comme si t’étais un tricheur né, alors que t’as même pas encore ouvert ta trousse. »

« Quand un prof te parle à 20 cm de ton visage et que son haleine c’est café froid + clope + stress »

« Quand t’essaies de bosser tranquille au foyer et que ça sent un mélange de traiteur chinois et de burger. »

« Les gens qui poussent tout le monde pour entrer dans la classe alors que le prof est même pas encore là. »

« Quand t’es KO le matin et que ton pote arrive tout excité à 8h. »

«Lesgensquitefontunrésuméde30minutesdeleurrêvebizarrealorsquetoit’essayaisjuste degratter10minutesdepaixavantlecours.»

« Quand tu participes sérieusement et que t’as quelqu’un qui souffle genre tu l’as dérangé dans son sommeil. »

« Quand ton voisin te demande de copier sur toi, et quand tu dis non il te traite de radin du savoir. »

« Quand tu lèves la main depuis 10 minutes et que le prof interroge toujours les mêmes. »

« Quand tu veux bosser au CDI mais y’a toujours le même groupe derrière qui rigole en criant toutes les deux minutes. »

« Quand on fait une activité en classe et qu’on te colle avec les deux mecs les plus insupportables de ta classe. »

«Quandtonpoteditàvoixhautetanotealorsquet’avaisclairementditdepasladire.» « Quand t’es malade, tu viens quand même, et le prof te sort ‘t’as pas l’air motivé aujourd’hui’. »

« Quand t’as un exposé à deux et que ton binôme commence par ‘bon j’ai rien prépar’ »

« Quand on te parle super mal au secrétariat alors que t’es malade et que tu veux rentrer chez toi. »

« Quand Madame Jamie te prend ton téléphone alors que tu voulais juste vérifier en quelle salle tu étais. »

Oliana Ducos-Nourisson – Tale4

Dystopie rêvée

Que l’on serait bien !

: un lycée sans profs

Lundi matin. Les couloirs sont calmes, les escaliers un peu trop vides. Pas de « Dépêchez-vousd’allerencours! »Pasdeprofs.Nullepart.Trèsvite,lesrumeurs fusent : ils sont en grève générale ? En séminaire secret de réforme de l’Éducation nationale ? Ou peut-être ont-ils tous abandonné face à nos copies du dernier bac blanc de physique ?

En tout cas, après 20 minutes d’attente devant les salles, la moitié des élèves partent. Direction chez eux, au parc, au G20, peu importe tant que c’est loin de cet absurde vide pédagogique. Ceux qui restent s’organisent. D’abord, c’est la fête : pauses illimitées, partages d’écran à tout-va, plus personne pour confisquer les téléphones, on mange au CDI. Un élève - qu’on ne nommera pas mais qui traîne souvent avec les terminales spé NSI - réussit à hacker le compte Pronote d’un prof. À partir de là, c’est la folie : les notes s’envolent, des 20 apparaissent par magie, les pires élèves se retrouvent mention très bien en échange d’un pain au chocolat de la boulangerie d’en face, et un élève de première est même devenu « prof principal » d’une classe de terminale. Tout ça sans compter les nombreuses absencesdésormais justifiées et les dispenses de sport qui apparaissent plus vite que les médecins ne peuvent les faire.

Mais sans cours, tout dégénère. Les salles sont prises d’assaut : une devient salle de karaoké, une autre un casino clandestin, et une dernière est réservée à ceux qui veulent « méditer » - spoiler : ils dorment. Le labo PC est devenu une piste de Just Dance, mais pour ça il n’y avait pas eu besoin d’attendre la disparition des profs. Un groupe tente un cours d’histoire-géo improvisé, mais ça se transforme rapidement en débat sur « Est-ce que l’apéro est un héritage culturel ? » On pensait avoir tout vu jusqu’à ce que quelqu’un change la sonnerie pour passer du Jul. Mais vers la fin de la journée, quelque chose change. L’ambiance retombe. On commence à se demander : est-ce que c’est ça, un lycée sans profs ? Une récré géante, sans fin… mais sans but non plus ? On tourne en rond. Les débats absurdes n’amusent plus, les 20 sur Pronote ne veulent plus rien dire, et même les pains au chocolat perdent de leur saveur. Certains reviennent en salle de classe, juste pour s’y poser. D’autres ouvrent leurs cahiers, sans trop savoir quoi en faire. Et le lendemain, à 8h pétante, quelques élèves attendent debout, devant les portes. Finalement on attend que quelqu’un nous rappelle pourquoi on est là.

Parce qu’un lycée sans profs, ce n’est pas vraiment la liberté, c’est juste un endroit où plus rien n’a de sens

©Léa Kahvecioglu

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