La représentation de la femme du nouveau millénaire véhiculée par les phénomènes littéraires féminins à l'échelle mondiale
L'amie prodigieuse d'Elena Ferrante offre une vision complexe et nuancée de la femme à travers les différentes expériences et parcours de ses personnages féminins. Les femmes de L'amie prodigieuse démontrent uneincroyableforceintérieureet résiliencefaceauxdéfisdela vie.Elles sont confrontées à des obstacles sociaux, économiques et familiaux, mais trouvent des moyens de s'affirmer et de persévérer malgré tout. De plus, le roman explore la complexité des relations entre femmes, mettant en lumière à la fois la solidarité et la rivalité qui peuvent exister entre amies, sœurs, mères et filles. Les liens entre Elena et Lila, en particulier, sont riches en nuances, avec des moments d'intimité profonde mais aussi de jalousie et de ressentiment. En outre, les personnages féminins luttent contre les attentes sociales restrictives qui leur sont imposées en tant que femmes. Elles aspirent à l'indépendance, àl'éducation et àl'épanouissement personnel, mais se heurtent souvent àdes barrières culturelles et économiques. Le roman explore les différentes facettes de la féminité, des attentes traditionnellesenmatière demariage et dematernitéaux désirs individuels decarrièreet d'autonomie. Les personnages féminins sont présentés dans toute leur diversité.
Las maravillas d'Elena Medel est un roman qui offre un aperçu de la vie à Madrid à travers les histoires de trois femmes de la classe ouvrière, très éloignées les unes des autres mais appartenant à la même lignée familiale. Bien que le sang soit le seul lien qui les unit à travers les hauts et les bas de la vie, c'est surtout leur condition de femmes qui les réunit dans un pays où le dogme catholique fait partie intégrante de la vie intime et sociale. En passant d'une génération à l'autre pour raconter les histoires de ces femmes, Elena Medel raconte au lecteur comment chacun des personnages féminins affronte quotidiennement son époque. Ce qu'elles ont en commun, c'est qu'elles ne se conforment pas à la norme, la première refusant de se marier, la deuxième refusant l'évidence de la maternité. Ces histoires d'émancipation soulignent également l'importance du manque d'argent qui détermine le destin d'une personne (pas d'éducation, un emploi précaire où l'on peut être remplacé par n'importe qui...). Le roman explore des thèmes tels que la pauvreté féminine, le déracinement, le féminisme, la maternité et la complexité des relations familiales.
Margaret Atwood est une écrivaine et critique littéraire canadienne ayant écrit plus de soixante livres, dont beaucoup interrogent la société sur des questions contemporaines, allant de la politique aux droits de l'homme. Ses livres sont très importants pour la communauté littéraire car ils sont souvent codifiés avec des prévisions d'événements futurs. Sa capacité à prédire lui permet d'imaginer des scénarios, souvent dystopiques, qui alertent les lecteurs sur l'avenir vers lequel nous nous dirigeons. Ses livres portent souvent des idées féministes extrêmement importantes telles que le droit d'avoir une voix sur son propre corps ou le droit au travail. L'iconique robe rouge et blanche que Atwood décrit dans son livre le plus célèbre, La servante écarlate, a même été portée lors des manifestations luttant pour le droit à l'avortement aux États-Unis. Malgré ses préoccupations pour la cause féministe, Atwoodesttroubléeparleterme"féministe".Eneffet,elleaccuseleféminismed'idéaliserlesfemmes plutôtquedelesrendreplushumaines,uneidéequ'elledéveloppedansson essai Suis-je une mauvaise féministe ? où elle écrit : « Ma position fondamentale est que les femmes sont des êtres humains, avec toute la gamme de comportements angéliques et démoniaques que cela implique, y compris les comportements criminels ». En soulignant les conditions terribles dans lesquelles les femmes doivent vivre, Atwood souligne les conséquences de pousser les sociétés patriarcales et puritaines à leurs extrêmes. Les conditions inhumaines qu'Atwood développe dans son livre soulignent la fragilité du rôle des femmes dans la société actuelle et à quel point tous les progrès que les femmes ont accomplis dans la société peuvent facilement être renversés. Cela montre pourquoi, en tant que société, nous ne pouvons jamais cesser de lutter pour les droits des femmes car dès que nous cessons de lutter, les progrès commencent à se détériorer. L'écriture d'Atwood offre une perspective nouvelle et cruciale sur les expériences des femmes, une perspective qui va au-delà des représentations idéalisées pour présenter une vision plus nuancée et humaniste. En affrontant des vérités inconfortables et en sondant
les profondeurs de l'injustice sociale, Atwood incite les lecteurs à revoir leur compréhension des dynamiques de genre et à rester vigilants dans la lutte en cours pour les droits des femmes. De cette manière, elle enrichit non seulement le paysage littéraire, mais catalyse également l'action collective vers un avenir plus équitable et juste pour tous.
Des œuvres qui se parlent et se complètent
Les œuvres d'Elena Ferrante, d'Elena Medel et de Margaret Atwood offrent trois perspectives uniques sur la condition féminine, connectant de manière complexe leur représentation au rôle des femmes dans la littérature mondiale et dans le monde lui-même. L'amie prodigieuse de Ferrante plonge dans l'intimité de Naples des années 50, offrant un portrait réaliste des luttes de deux amies pour l'indépendance et la réalisation personnelle dans un contexte de pauvreté et de tradition oppressive. Ici, la force et la résilience des femmes émergent à travers les défis quotidiens et les relations complexes, reflétant les aspirations et les contradictions de la féminité dans le contexte social et politique de l'époque. Dans Las maravillas de Medel, le roman espagnol révèle les vies interconnectées de trois femmes appartenant à des générations différentes, toutes luttant contre la pauvreté, le déclassement social et l'oppression patriarcale dans la Madrid contemporaine. À travers leurs expériences distinctes, Medel explore les implications de la pauvreté féminine, du déracinement etdelaquêted'émancipationdansunesociétéimprégnéedetraditionsetdenormesrestrictives.Enfin, La Servante écarlate d'Atwood présente une dystopie où les femmes sont réduites à des rôles de reproduction dans une société totalitaire dominée par des hommes extrémistes religieux. Atwood met en lumière les conséquences extrêmes de l'oppression des femmes, soulignant la fragilité des progrès réalisés dans l'égalité des sexes et la nécessité de rester vigilant dans la lutte pour les droits des femmes. Ensemble, ces œuvres explorent la complexité de la féminité, offrant une vision riche et nuancée des luttes, des aspirations et des relations des femmes dans le monde contemporain et audelà. En confrontant ces trois œuvres, nous voyons que chacune offre une perspective unique sur la condition féminine, mettant en évidence les luttes, les aspirations et la résistance des femmes dans des contextes différents. Malgré les différences de cadre et de ton, toutes célèbrent la force, la résilience et la diversité des expériences féminines, invitant les lectrices et les lecteurs à réfléchir à la complexité de la condition féminine et à l'importance de la solidarité dans la lutte pour l'égalité et la justice.
Ali Emre BUGAY, Eryn FLAMBERT, Emma KERMICHE, TerminalesUne vision démystifiée de la maternité à travers le monologue de Sofia dans le film Due partite
Due Partite est une comédie douce-amère sur le monde féminin. Cependant, derrière le rire que provoque le film se cache une réflexion sur la condition maternelle. La maternité, depuis toujours célébrée comme l'un des moments les plus sacrés et gratifiants de la vie d'une femme, est souvent enveloppée d'un voile idéal qui cache sa réalité la plus crue et désillusionnée. Cette illusion romantique est efficacement démasquée dans le monologue de Sofia, un personnage qui, avec franchise et brutalité, jette de la lumière sur la vraie nature de cette expérience. À travers ses paroles tranchantes et provocatrices, Sofia arrache le voile d'idéalisation qui entoure souvent la maternité, remettant en question les conventions sociales et culturelles qui la glorifient.
Eneffet, àtravers Sofia, qui seretrouveavecun enfant qu'ellene voulait pas, nous découvrons la réalité de la maternité, qui a contraint de nombreuses femmes à un avenir inévitable et malheureux. Elle déchire le voile idéal couvrant la condition maternelle en révélant ses aspects bestiaux et en insistant sur le sacrifice de sa propre liberté.
La réflexion de Sofia sur la maternité nous fait comprendre quel mythe entoure la grossesse, construit par la société. En effet, accoucher est le seul acte à pouvoir donner la vie. Ainsi, cet acte a été sacralisé par une société principalement machiste au point que les femmes n'étaient plus vues comme des êtres humains mais uniquement comme des mères. Par conséquent, les femmes ont été illusionnées avec cette vision magique et idéaliste de la maternité créée par la société, et ont donc été poussées à avoir des enfants. C'est cette vision que Sofia déconstruit à travers ses mots.
Sofia suggère que la maternité, loin d'être une expérience sublime, peut être vécue comme une forme de « barbarie », une expérience primitive et douloureuse mettant en lumière la condition humaine dans sa forme la plus élémentaire. Elle évoque la réalité de l'accouchement en dénonçant sa brutalité et en illustrant cette barbarie par le fait que « l’utérus doit s'ouvrir de dix, douze centimètres pour laisser passer la tête du bébé ». Elle démontre donc que l'accouchement est un acte qui a des conséquences physiques sérieuses sur le corps des femmes. De plus, le monologue révèle les aspects les plus perturbants et sombres de la maternité. En particulier, l'allaitement et donc le lait « qui sort du mamelon » est associé à celui d'une chèvre, et l'enfant est comparé à un Alien. Cette animalisation est également perpétrée par la société lorsque les femmes subissent par exemple des commentaires dégradants comme : « Elle a mis bas la dame ? ». Ainsi, la condition idéale de la maternité est en réalité annihilante et tragique. Ce rejet de l'image idéalisée de la maternité met en évidence l'effort de Sofia pour montrer la réalité crue de cette expérience.
Sofia critique la tendance de la société à idéaliser et romantiser la maternité, ignorant la réalité et les sacrifices que les femmes doivent affronter. En effet, elle pense que les femmes se soumettent à un lien avec un enfant qui les étouffe simplement pour répondre aux attentes de la société. Elle se base sur l'expérience de ses amies qui ont été contraintes par le fardeau de la maternité, l’une doit renoncer à jouer du piano, tandis que l'autre doit supporter d'être trompée. Sa référence à renoncer à jouer du piano suggère que la maternité peut limiter les opportunités et les intérêts des femmes, conduisant à une perte d'autonomie et d'accomplissement personnel. Ainsi, Sofia argue que les femmes doivent avoir le droit de poursuivre leurs talents et de jouir d'une pleine autonomie.
Sofia déchire le voile idéal entourant la condition maternelle en présentant les normes culturelles et de genre comme les racines du cycle tragique qui piège les femmes. Sa critique montre le besoin d'adopter une vision plus honnête et inclusive de la maternité, loin de la mystification et du romantisme qui ont historiquement défini la condition maternelle.
Damla DOGAN, Kallisté JOMIN, Faostina PELÉ-PAJANACCI 1eres