BOOK 2025 - ARCHITECTURES ANNE DEMIANS - REALISATIONS
LES ARCHITECTURES D’ANNE DÉMIANS
Anne Démians
partage son temps entre :
• La conception et la réalisation d’ouvrages de natures et de destinations différentes, à son atelier de la rue de Chabrol à Paris et sur ses chantiers, qu’elle parcourt régulièrement et personnellement, épaulée par une équipe pluridisciplinaire.
• Ses contributions assidues à des projets théoriques ouvrant sur de nouveaux modèles de construction et d’assemblages fonctionnels (Immeuble à Destination Indéterminée IDI) comme à de nouvelles formes de villes.
• Ses participations à différents groupes de recherche : sur le développement durable, l’aménagement du territoire et l’Innovation (RBR 2020-2050, dépendant du Plan Bâtiment Durable). Elle est membre fondatrice de la FOC (Force d’Optimisation Culturelle).
• L’enseignement à Rennes, Paris, Berlin, puis à l’Université Paris-Dauphine dans le cadre du Master Management de l’Immobilier.
Elle est membre élue à l’Académie des BeauxArts de l’Institut de France, membre du Conseil d’Administration de la Cité de l’Architecture et du Patrimoine.
PROJETS
Hôtel des beaux-arts - Boffrand HLU Lezennes
Maison de la Culture Arménienne La Matrice Vilnius
Carré Central – Saclay
L’A(s)nières
la Nef Notre-Dame
Hôtel-Dieu
IN&DI
Auteuil
Black Swans
CC Nice
Grand Nancy Thermal
Les Dunes
DISTINCTIONS
Chevalier de la légion d’honneur
Membre élue à l’Académie des Beaux-Arts de l’Institut de France
Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres
Finaliste pour le Grand Prix national de l’architecture
Dépose le label IDI (Immeuble à Destination Indéterminée) avec ICADE
Membre titulaire de l’Académie d’Architecture
Prix Le Soufaché
PORTRAIT
« Le travail d’Anne Démians, est au coeur de cette façon neuve de voir l’architecture. Elle mène des travaux synthétiques et fondamentaux qui s’inscrivent dans leur temps, avec un cadrage à la Dolan et l’énergie à la Banksy que quelques rares observateurs (journalistes, critiques, universitaires ou commanditaires) ont déjà décryptés » Anne Démians construit son parcours avec une unique obsession : celle d’élargir le plus possible les champs d’application de ses réalisations et de ses contributions pour qu’elles résultent instantanément des évolutions ultra-rapides de notre société.
C’est sa nature profonde, faite d’art, d’histoire et de technique, qui lui permet d’exercer sportivement ce métier, avec une nouvelle manière de faire, usant de réflexes qui tiennent d’une société coulée puissamment dans le numérique et dans l’instantané. Ce qui ne l’empêche pas de prendre le temps de resituer les fondamentaux, partout là où elle intervient, quelles qu’en soient les contingences.
Elle écrit, prend position, réalise, enseigne et apporte sa contribution à plusieurs groupes de travail sur la ville mutable, l’environnement et l’énergie, en refusant les images trop rapides, vides de sens, d’un environnement caricaturé et trop normé. Ces sujets retiennent particulièrement son attention depuis des années. Le texte « Embarquement immédiat » qu’elle rédige à la demande de Philippe Pelletier, président du Comité Stratégique du Plan Bâtiment Durable, en 2016, pour être présenté au Ministre de l’Ecologie, en dit long sur son engagement.
1/ FAÇON DE FAIRE ET REALISATIONS
En parlant aux maîtres d’ouvrage privés de la même manière qu’aux commanditaires publics, l’architecte affiche un degré d’exigence qui lui permet de produire des oeuvres que nous avons beaucoup de mal à estampiller (publiques ou privées) tant les différences sont faibles. Les arguments qu’elle développe et sa parfaite maitrise des techniques et des coûts de construction sont une des clés de son système de développement. La distance qu’elle met entre les mots et le chantier, comme celle qui consiste, pour elle, à transférer l’exigence des préoccupations publiques dans des réalisations privées, reste extrêmement réduite. On sait qu’elle construit comme elle parle, savamment et directement. On voit que ses oeuvres portent déjà sa façon de faire, nouvelle et déliée : 1/ Les Dunes pour la Société Générale, ou-
vrage livré en 2017, construit avec sa commanditaire en personne, un paysagiste, un designer et un graphiste, pour tout ce qui intègre des espaces du travail, mais d’un nouveau genre. C’est la société du numérique qui s’invite dans le projet en même temps que la construction, fractionnée et interactive, qu’elle dessine comme un prolongement des attentes. La réalisation des Dunes marque une rupture franche avec les modèles américains en général, et plus particulièrement ceux plus récents, d’Apple et Google. L’opérationnel est immédiatement connecté au théorique. La ville mutable, l’environnement et l’énergie, valeurs prises en compte comme économie de moyens dans toutes les dimensions de cette opération. Cette pièce urbaine est unique. Elle n’a, ni début, ni fin. Avec ses longs alignements parallèles, elle traite de la grande échelle en mettant en place un bâtiment paysage qui pallie au déficit d’urbanité du quartier dans lequel il s’insère.
2/ Le centre thermal pour la Métropole du Grand Nancy est un autre terrain de démonstration de sa façon de faire. Elle réalise, là, pour le compte de la puissance publique, une oeuvre qui voit le jour avec, encore, l’appui d’un groupement privé que forme un thermaliste et un grand constructeur national. L’ensemble thermal, comme elle l’a proposé prolonge une oeuvre inachevée, arrêtée en 1914, à la mort de son architecte. Ce projet est une occasion particulière de construire la ville sur la ville ; et la ville derrière la ville. Réduit à un vulgaire décor laissé à l’abandon, dès les années 70, ce trésor du patrimoine nancéen est repris, mis à jour, agrandi, modernisé et promu au rang d’évènement régional grâce à une combinaison d’énergies publiques et privées assez unique en son genre. Un savoir-faire récent, mené jusqu’au bout des choses avec beaucoup de conviction et de dextérité.
3/ L’ESPCI à Paris (Ecole Supérieure de Physique et de Chimie Industrielles) est une oeuvre contemporaine (en cours de travaux) qui s’appuie sur des fragments de bâtiments existants et sur les fondements solides de la pédagogie particulière de « l’Ecole des Nobels français ». C’est pour l’architecte qu’est Anne Démians, l’occasion de démontrer encore qu’un mariage entre un financement public (Ville de Paris) et une Ecole qui pratique une politique de recettes sur la mise à disposition de ses brevets est possible. Mais, qu’au-delà des possibilités financières avancées, le mélange détonnant public-privé peut produire une architecture de grande qualité, spécifique et désirée.
4/ L’Hôtel-Dieu de Paris, pièce urbaine unique et
homogène, pur produit de l’urbanisme et de l’architecture haussmannienne, dédiée à l’hospitalité et à la médecine. Une occasion rare encore dans l’art de la transformation des usages. Pièce maitresse de la modernisation portée par Martin Hirsch de l’APHP (Instance publique hospitalière), la section hospitalière sud de l’Hôtel-Dieu se transforme en un Institut de Recherche et d’Innovation Privé sur la Médecine, en salles de congrès et d’expositions, en commerces et points déjeuners. Une modernisation rendue possible par un accord financier entre une institution publique (APHP) et des acteurs privés (Novaxia et Amundi) dont l’architecte tire parti pour réaliser une œuvre encore particulière et moderniser une pièce patrimoniale de premier plan au bénéfice de la recherche sur la médecine au bénéfice du grand public.
5/ Porte d’Auteuil, assemblage unique de quatre pièces urbaines fabriquées à partir d’une mise en commun d’un outil de fabrication de projet approuvé et développé de façons personnelles par quatre architectes (A.Démians, F. Soler, F. Geipel, R. Ricciotti) dont elle assure le mandat, est encore le fruit d’un montage public-privé. Là, à Auteuil, exactement comme pour l’HôtelDieu, c’est l’introduction d’un acteur privé, Cogedim pour l’un, Novaxia pour l’autre, qui rend possible l’opération. Quand Martin Hirsch décide, en effet, de céder la partie sud de l’hôpital (qu’elle construira) pour financer la restructuration de la partie nord de l’Hôtel-Dieu, Cogedim fait de même en permettant, avec sa part d’opération privée, la réalisation des logements sociaux d’Auteuil dans les meilleures conditions possibles. Recherchant à traduire au mieux l’équilibre pourtant risqué qu’elle installe entre une architecture privée et une architecture publique, elle contribue à les tirer toutes les deux, simultanément, vers le haut.
6/ Les opérations particulières de logements qu’elle a réalisées et toutes celles qu’elle met aujourd’hui en chantier s’appuient toutes sur une même idée : donner aux gens le plus d’espace possible pour habiter et non plus seulement se loger. Auteuil, Asnières, Seine Rive-gauche, Ziegelwasser et les Black swans à Strasbourg s’intéressent à de nouvelles façons de construire mieux pour mieux vivre. Ce sont des operations qui élargissent le champ d’investigation sur la mixité et la réversibilité des espaces. Fabriquer, en quelque sorte, des espaces capbles, plutôt que des espaces définitivement affectés.
7/ Depuis, elle poursuit son positionnement en
France et à l’étranger à travers notamment le projet de la gare de Vilnius en Lituanie pour laquelle elle est co-lauréate.
2/ CONTRIBUTIONS THEORIQUES ET DIMENSION OPERATIONNELLE
Evaluant ses idées et ciselant ses intuitions, avant de les exposer, Anne Démians joue l’opérationnel immédiatement connecté au théorique. Car rien ne la contrarierait plus que de penser qu’elle ne pourrait pas réaliser les choses telles qu’elle les a pensées. Entre la théorie et la pratique, il y a chez Anne Démians, un écart si faible que tout semble s’exprimer en même temps et sans aucune différence visible.
Qui la connait, connait l’engagement qui la plonge dans les tribulations et les égarements d’une profession en pleine mutation. Les temps ont changé. Elle reprend prise sur l’espace défini et repense sa surface, ses limites, sa définition comme sa destination, en multipliant ses usages potentiels.
Les Black Swans à Strasbourg montrent que sa théorie sur l’Espace indéterminé est efficace puisqu’elle a convaincu Icade de construire l’idée qu’elle portait sur le plan urbain, sur la requalification des espaces domestiques comme la base d’une nouvelle esthétique compatible avec la variabilité des cycles économiques. La trame universelle qu’elle met au point et qui lui permet d’assembler différents programmes dans un même immeuble, confirme l’intitulé du label IDI (Immeuble à Destination Indéterminée), déposé officiellement en 2016.
On comprend qu’avec la réalisation de Strasbourg, livrée en 2019 et l’opération en cours d’Aubervilliers qu’elle réalise en ce moment aussi avec ICade, c’est d’environnement qu’on parle encore, puisque tout le projet, dans ses fondements de reconversion et dans la totalité de ses façades appropriées, se présente comme un défi au gaspillage de la matière et des énergies.
Un sujet qu’on retrouve dans les rapports de ses contributions à différentes commissions nationales.
Avec la Matrice, qu’elle a construit à la limite de Lille avec La Poste Immo, elle s’inscrit dans la politique du ZAN. La Matrice est l’unité de base dublicable selon les situations pour accompagner la réversibilité des usages
industriels. Véritable signal architectural, la Matrice rompt avec les codes classiques de ce type d’équipements.
3/ ENSEIGNEMENT DE L’ARCHITECTURE ET CONTIBUTIONS CITOYENNES
1/ Anne Démians enseigne l’architecture. Mais après avoir fait la professeure dans différentes école d’architecture (Paris, Rennes, Berlin) pendant des années elle a considéré qu’il était préférable d’enseigner l’architecture là où la discipline était totalement négligée, voire prise en otage. Ainsi a-t-elle décidé d’enseigner l’architecture aux promoteurs ou constructeurs en herbe, à Paris-Dauphine. En effet, en quoi servirait d’enseigner l’architecture seulement à des architectes pour en garantir un parfait développement, sain et désiré, si ceux qui passent les commandes en ont une ignorance totale ? C’est donc l’art de construire des architectures et leur environnement urbain et énergétiques qu’elle enseigne.
2/ Engagée dans la sauvegarde de l’environnement depuis des années (depuis 2006), elle est lauréate, en 2009, de la première session du concours Bas Carbone initié par EDF. Elle propose une nouvelle façon de construire des immeubles de logements économes en émission de carbone dans l’atmosphère. Ce Prix lui apporte une visibilité qui lui permet de prolonger son action. Ainsi, chargée par la commission Pelletier (RBR-2020-2050) de rédiger une synthèse sur la ville mutable, son manifeste « Embarquement immédiat » (2021) est remarqué, en grande partie, grâce aux solutions de partages énergétiques et aux pistes réalistes cherchant à diffuser les vertus d’une attitude durable et responsable, à l’échelle nationale.
En 2023, elle publie aux édition Le Moniteur «Rêver-Civilité», ou « La réversibilité des bâtiments pour une ville décarbonée », qui ouvre sur des solutions recherchées pour mieux construire en France, avec en point de mire une transversalité des expertises scientifiques et sensibles.
3/ Après avoir été membre du Conseil d’administration de l’école d’Architecture Paris Val-de-Seine, elle entre au Comité scientifique puis au Conseil d’administration de la Cité de l’Architecture et du Patrimoine (en octobre 2020) où elle œuvre successivement aux cotés de Marie-Christine Labourdette, Catherine Chevillot et aujourd’hui Julien Bargeton, contruisant ainsi un terrain d’action autour de
l’architecture, en tant que matériau générique constitutif de la ville moderne et du patrimoine. Anne Démians, joue en même temps sur plusieurs registres pour augmenter son sentiment d’être utile à un état des choses qui demande autre chose que des réponses uniques et isolées. Elle se glisse entre les sujets pour mieux révéler l’espace libre et expressif de l’architecture. Car, comme disait Jouvet, « l’acteur ne doit pas jouer la phrase, il doit jouer entre les phrases ».
Michèle Leloup, février 2024
L’ARCHITECTURE, UN ART D’ASSEMBLAGE
L’architecture s’affirme davantage aujourd’hui comme un art d’assemblage que comme un art de composition.
En effet, c’est par l’analyse et la synthèse de données liées à de nombreux supports comme l’histoire, le climat, la topographie d’un territoire, la culture régionale, l’économie circulaire ou l’équilibre social d’un contexte, qu’un projet d’architecture avance son véritable ancrage et sa vraie légitimité.
L’acte brut consiste simplement à construire. Puis il bascule, ou non, dans le registre plus sensible de l’architecture quand des assemblages bâtis sur le sens, apparaissent. Car le sens, en architecture, c’est ce qui acte l’acte de création. Quand, par opposition, c’est bien l’absence de sens et de créativité qui finit par reproduire, à l’infini, des modèles uniquement construits sur l’économie de la construction et de la promotion.
Une méthode
La méthode que j’emploie pour dessiner un projet, c’est celle qui s’appuie d’abord sur une résolution rationnelle des enjeux, à travers le programme, l’économie et les règles de la construction. Puis, de façon irrationnelle (mais indissociable de la première), c’est la pensée artistique qui fait tout basculer.
En quelque sorte, une addition complexe de données sensibles qui restent propres au projet dont j’ajuste l’assemblage en fonction des enjeux politiques et esthétiques.
L’architecture, qui reste un art unique d’assemblage, provoque alors curiosité, respect et émotion.
J’ai opté très tôt, pour ce que j’appelle le classicisme moderne, parce que le classicisme garantit à nos bâtiments cette intemporalité dont la période actuelle nous prive.
A titre d’exemple, j’ai choisi trois réalisations (que j’ai récemment livrées) et sept projets (que j’ai dernièrement dessinés) pour consolider mon propos et faire ainsi peutêtre mieux comprendre ma façon de penser et de construire mes projets
Les trois réalisations dont j’ai choisi d’évoquer, ici, la dimension politique, technique, économique ou esthétique de leur architecture, relèvent de contextes particuliers, très différents les uns des autres. Ce qui exclue automatiquement un quelconque risque de reconduction entre un
de mes projets et un autre. Évacuant ainsi la tentation du style. Elles sont les résultats de réflexions étrangères les unes aux autres et produisent évidemment des architectures différentes mais elles trouvent pourtant des analogies d’une réflexion plus large sur la ville qui se tisse de projet en projet.
Un premier exemple de réalisation : les Dunes
Pour la réalisation du siège de la Société Générale à Val-de-Fontenay, l’enjeu était double. Il nous fallait déplacer en une seule fois 5 500 personnes sur le site (Pour cela, 100 000 m² étaient nécessaires, construits sur une parcelle de 23 000 m²). Puis, intégrer une disposition managériale inédite, et de tout premier plan, pour faciliter l’introduction du numérique sur les plateformes de la banque.
Le système de développement horizontal fut préféré à la disposition verticale des espaces, plus favorable au travail collaboratif. Puis, à la figure classique de la cour carrée, entourée de 4 bâtiments, j’ai substitué celle plus moderne de 3 sillons parallèles, peu profonds et hauts sur leur crête. Cette pièce urbaine est unique. Elle n’a, ni début, ni fin. Par ses alignements, elle traite de la grande échelle en mettant en place un bâtiment paysage qui pallie au déficit d’urbanité du quartier dans lequel il s’insère.
Car, c’est bien de la mise en scène d’une amorce de territoire dont on parle, ici, et pas d’une réalisation totalement achevée et refermée sur elle-même.
Cette idée d’un tracé géométrique simple, constitué de parallèles, vient pourtant d’une pensée organique. Le tissu vivant qui l’inspire, c’est celui des Salins de Giraud en Camargue. Un espace naturel (la dune et la plage) qui accueille chaque été des estivants venus avec leurs caravanes, mais aussi des baraquements en tous genres faits de bric et de broc.
C’est une organisation urbaine, sauvage et spontanée, agissant en autogestion et qui se compose de deux ou trois alignements parallèles à la mer. Les espaces dégagés sont linéaires, plus ou moins encadrés par les logis de fortune. Et toute la communauté se règle sur ces espaces en long, tracés spontanément et sans hiérarchie entre la mer et la dune. Mais ne s’interdisant jamais cette liberté de franchir transversalement les lignes.
Les Dunes à Val-de-Fontenay s’inspirent de cette efficacité immédiate, sans hiérarchie de constructions, ni d’habitudes d’emplacements. C’est l’antithèse des modèles des années 70, statiques et fermés.
Deuxième exemple : les Black Swans
Un concours d’architecture européen a été lancé, en 2013, par la ville de Strasbourg et Icade. L’enjeu était double : il s’agissait de construire une surface d’environ 30 000 m² pour revitaliser l’ancien site industriel de la presqu’île André Malraux et renforcer l’axe de développement entre Strasbourg et Kehl. J’aurais pu, dans un premier réflexe, dessiner des architectures différentes qui auraient répondu très exactement aux différents programmes qu’on nous avait donnés (hôtel, bureaux, logements, résidences-service et commerces). Mais à cette diversité de fonctions, j’ai préféré y répondre par une structure type, unique qui pouvait se dupliquer sur tout le site, tout en ouvrant ses surfaces à des programmes différents. Les bases d’un assemblage vertical, à la fois flexible et réversible, étaient lancées. Un nouveau modèle de bâtiment voyait le jour et, avec lui, le développement d’une mixité parfaite qui pouvait coloniser tous les espaces des bâtiments.
Avec l’assentiment d’Icade, nous avons conjointement déposé le label de ces ouvrages, sous le qualificatif d’Immeubles à Destination
Indéterminée (IDI), en 2016. En effet, rien ne prédéterminait les éléments d’élaboration des immeubles. Et encore moins leur destination réelle. La contrainte économique était tenue. Les espaces produits pouvaient, sans supplément de prix, évoluer librement avec le temps. L’architecture, bien que reconsidérée dans son contenu, garderait ainsi toute la cohérence de son apparence d’origine.
Car, j’avais pris soin, au préalable, d’installer des dispositifs techniques et esthétiques qui garantissaient l’intégrité des ouvrages. Par exemple, une coursive généralisée sur tout le pourtour de la façade, des circulations verticales et une trame de construction, la même pour les différentes destinations de l’immeuble. J’avais voulu installer ce projet dans l’équilibre de deux temporalités : celle plus immédiate d’une réalisation installée dans un site et celle, plus longue, des évolutions qu’elle subirait sans remettre en cause l’intégrité de sa construction.
Alors, me direz-vous, pourquoi les Black Swans ? C’est simplement parce que le site est marqué par la présence de grands bassins sur lesquels
glissent très élégamment des cygnes blancs. L’élégance de ces oiseaux, rendus graciles par le port dressé de leur cou sur leur forme massive, m’avait inspirée. Avec le basculement des cygnes blancs du bassin André Malraux à Strasbourg en cygnes noirs tout droit sortis du film Black Swan d’Aronofsky, je révèle la dimension romantique de cet ancien site
industriel et, donc, j’attache plus directement cette réalisation à son site. Le noir, en effet, leur donnait plus de puissance émotionnelle et esthétique.
Troisième exemple : Auteuil
Là, à Auteuil, ou plus précisément au droit de la Place de la Porte d’Auteuil, il s’agit d’autre chose: autre contexte, autre projet. C’est une réalisation qui compte quatre bâtiments voulus comme autonomes par leur construction, mais étroitement liés par leur conception et la personnalité de leurs auteurs.
Je veux parler ici de Francis Soler et de Rudy Ricciotti qui avaient la charge de réaliser, chacun, 100 logements sociaux et de Finn Geipel et de moi-même qui avions la charge de réaliser, chacun, une centaine de logements en accession. Le tout avec une extrême densité, sur un site très en vue dans le 16ème arrondissement de Paris, frappé d’alignement sur le boulevard Suchet au titre du PLU. Travail prospectif, mais pas seulement, Auteuil est un assemblage très savant d’ouvrages disposés dans un parc. Par ailleurs, chacun des bâtiments apparait comme faisant partie d’un tout indissociable, pourtant composé d’architectures et d’écritures qui, bien que différentes, restent, étrangement et matériellement, voisines les unes des autres.
La raison ?
Cette capacité, pour chacun d’entre nous (les architectes) à nous inscrire dans une gamme de
matières et d’équipements de façade qui était la même pour nous tous, puis de nous renvoyer une interprétation différente du même catalogue de matières et d’assemblages. Puis de régler paradoxalement par un désalignement de mitoyennetés un problème de densité en proposant, du fait du décalage des bâtiments les uns par rapport aux autres, plus de surfaces de façade, donc plus de fenêtres et plus d’appartements.
Le résultat ?
Un plan de masse dense et aéré, tracé sur les axes cardinaux, présentant des bâtiments sans vis-à-vis. Et une force d’expression de façade avec le même niveau d’exigence pour le social et le privé. Puis, une alternance de pleins et de vides, entre un bâti et un paysage homogène qui court sur toute la parcelle à travers des cours, des places et un grand espace couvert qui marque le centre géographique et topographique de l’opération.
Architecture ? ou œuvre d’art ?
Monté sur pilotis, l’espace est dominé par un puit noir vertigineux qui s’échappe vers le haut et qui donne, à cet endroit où se croisent les axes de l’opération, une dimension matérielle et abstraite du point d’origine de l’opération, jamais proposée jusque-là dans une opération de logements.
Ce vide est une transposition des vides et des escaliers monumentaux des Palais et des Hôtels particuliers qui constituaient, à l’époque, le cadre des relations sociales. Les architectes modernes, se sont trop souvent perdus dans des espaces qui ne correspondent plus à rien et qui sont, de fait, délaissés ou vécus comme superflus.
Cette scénographie de l’espace donne à l’ensemble du vide un effet de mise en abyme qui démultiplie l’espace à l’infini. Cet espace qui fait totalement corps avec le bâtiment pose en effet la question de la limite entre la position de l’artiste et l’attitude de l’architecte.
Quatrième exemple : Nancy Thermal ou « Les Bains de Nancy »
Cette réalisation s’inscrit avec l’Hôtel-Dieu et l’ESPCI à Paris dans une dimension politique propre aux enjeux portés par ces différents projets. Ils ont fait l’objet d’une recherche pleine et aboutie entre un bâtiment appartenant au patrimoine des villes qui l’accueillent et la dimension contemporaine qui les caractérise.
Les Bains de Nancy révèlent la dimension
paradoxale de l’architecture des thermes de Nancy dans sa capacité à provoquer tout à la fois des sensations fugitives, par un éclat de lumière, un reflet singulier, un bouillonnement, mais également par la capacité de ces bâtiments à provoquer une sensation de durée, dans un espace-temps en suspension entre patrimoine et modernité.
La renaissance des thermes de Nancy s’inscrit dans une volonté politique forte portée par André Rossinot, ancien président de la Métropole et ancien maire de Nancy, pour revitaliser le territoire de la Lorraine, par le biais ici de la santé, du sport, du loisir, de l’art et de l’architecture. L’histoire de ce projet est émouvante…
Pourquoi des thermes à Nancy ?
Tout simplement, Louis Lanternier, architecteentrepreneur découvre une source thermale en 1908. Il décide de la présenter à l’exposition universelle de 1909 et devant ce succès populaire s’empresse de construire à partir et autour de cette source les thermes que nous connaissons. Malheureusement la guerre de 1914 interrompt le chantier. Depuis, cette œuvre inachevée a subi des dégradations pendant plus de 100 ans.
Un sauvetage en 3 actes :
Dans un premier temps, je décide de restituer l’intégrité urbaine et paysagère du bâtiment. Pour cela, je supprime l’ensemble des constructions parasites pour libérer de grandes plages paysagères entre les bâtiments existants et ainsi je relie le parc Sainte-Marie avec la ville. Le parc Sainte-Marie est un parc historique riche de la tradition horticole de Nancy. Je crée un lien fort entre architecture et nature.
ombrières que j’installe dans des cadres rythmés et horizontaux noirs.
Ici les volets ondulants sont l’expression contemporaine du paravent, du brise-soleil et permettent, aujourd’hui et dans le futur, de multiplier les usages. La complexité et la diversité des espaces du nouveau centre thermal qui abrite une résidence hôtelière, des salles médicales, des salles de soins, des salles de repos, des salles de massages, des bassins, sont ainsi unifiés dans une seule écriture rythmée et régulière pour créer une connivence avec l’architecture néo-classique de Louis Lanternier et la mienne.
Dans un deuxième temps, pour préserver ces grandes plages paysagères et pour installer les nouveaux espaces nécessaires à la renaissance des thermes, je prolonge les bâtiments existants par des bâtiments compacts.
Ainsi, dans un troisième temps, je prends le risque de confronter écriture patrimoniale et écriture contemporaine. A l’écriture blanche et verticale de Louis Lanternier, je juxtapose la mienne, noire et horizontale. Je complète cette œuvre inachevée par le négatif des bâtiments existants.
Deux architectures différentes qui se juxtaposent mais pas si incompatibles que cela. A la profondeur des ombres générées par les colonnades verticales blanches de Lanternier, je réponds par les profondeurs dessinées par les
5ème exemple : L’ESPCI / L’Ecole Supérieure de Physique et de Chimie Industrielles à Paris
L’enjeu de cette réalisation est exceptionnel. J’ai modernisé cette école dite des 6 Nobels, située sur la montagne Sainte-Geneviève, dédiée depuis 1882 à la connaissance et à la recherche scientifique, par une vision extrêmement sensible de l’espace, de nature à stimuler l’imaginaire spatial des chercheurs et des étudiants, en même temps que serait stimulé leur imaginaire scientifique. Puis, à provoquer des rencontres entre eux. Enfin à diffuser le savoir au sein de l’école et le porter à l’international.
C’est pour toutes ces raisons que vous verrez les bâtiments se développer dans une spirale qui s’enroule autour de deux jardins (jardin triangle-
rectangle et jardin des chercheurs) et qui se poursuit dans un mouvement ascensionnel au droit d’un escalier spectaculaire, vitré sur ses quatre côtés et ouvert sur les jardins de l’école.
Les laboratoires se déploient autour des jardins, espaces propices au calme. Les amphithéâtres qui restent les lieux majeurs de diffusion de l’état des dernières recherches, sont installés et ouverts sur la place Kastler.
Pourquoi un plan masse en forme de spirale ? La spirale, figure mathématique, est la métaphore de l’infini dans les domaines de la recherche et de la connaissance. La verticale de circulation (ou l’escalier) qui marque son aboutissement doit être suffisamment significative et marquante pour que cet espace de rencontre devienne l’axe principal de la convivialité productive qu’on était en droit d’attendre d’une telle Ecole.
Je souhaitais, en effet, inscrire ce lieu d’études et de recherches dans un espace équilibré au mieux entre la science et la spiritualité. Einstein disait que « l’imagination est plus importante que la connaissance car la connaissance est limitée, tandis que l’imagination englobe le monde entier, stimule le progrès et suscite l’évolution ». Mais cet espace devait être moderne. Et pour cela il fallait que l’Ecole s’exprime à travers des enchainements d’espaces limpides et compatibles avec la réflexion et l’imagination. Ce que je fis.
Deux écritures / une seule architecture
C’est aussi l’histoire d’une belle tentative : celle d’exploiter la piste d’une architecture de matières et d’espaces, susceptible de s’inscrire dans la durée, tout à la fois dans l’histoire des découvertes de l’Ecole mais aussi capable de porter les découvertes à venir. Il s’agissait là d’additionner deux écritures qui se sont exprimées avec un siècle d’écart. Elles ne forment plus aujourd’hui qu’une seule architecture, cohérente et forte de ses hybridations. Une architecture faite à partir d’une matière sombre et texturée, régulièrement percée par de belles ouvertures entrant en résonnance avec le socle vermillon de briques.
6ème exemple – Hôtel-Dieu de Paris
L’enjeu politique et urbain de la restructuration de l’Hôtel-Dieu est déterminant pour la revitalisation de l’île de la Cité. Il s’agit en effet de redéfinir la complicité urbaine avec les deux autres pièces majeures que sont Notre-Dame de Paris et le Palais de Justice, et d’installer l’Hôtel-Dieu comme le vaisseau amiral de l’APHP pour la recherche, l’innovation et l’application en médecine.
L’architecture de l’Hôtel-Dieu est savante, nourrie de références de la Renaissance Florentine. Arthur Stanislas-Diet a réalisé une pièce représentative de l’hygiénisme dans un dessin haussmannien. Ce dessin de façade est conservé strictement, affirmant sa valeur patrimoniale.
Il s’agit d’ouvrir l’Hôtel-Dieu sur son contexte immédiat et de créer des connexions avec l’ensemble des hôpitaux de Paris et à l’internationale en matière de recherche médicale. C’est ainsi que les surfaces au sud, seront principalement dédiées à un Institut de la recherche et à l’innovation, et au nord, au maintien des services médicaux.
Pour ouvrir l’Hôtel-Dieu sur son environnement, trois axes majeurs s’imposent sur un site qui s’élargit désormais à l’île Saint-Louis et au parvis de Notre-Dame de Paris.
1/L’axe est-ouest (l’axe institutionnel) démarre sur la place Dauphine et se poursuit, après avoir traversé le Palais de Justice de Paris, sur la Place de Lutèce pour aboutir sur le parvis du centre du Pôle Santé et Innovations.
2/L’axe nord-sud (l’axe historique) démarre avec le Parvis de Notre-Dame de Paris et se poursuit à travers le pavillon d’entrée avant d’enchaîner avec le grand jardin central de l’Hôtel-Dieu.
3/L’axe est-ouest (l’axe découverte et pause) traverse le site depuis la rue de la Cité vers la rue d’Arcole. Il donne accès à des espaces de découvertes gastronomiques et de pause-café.
Le jardin, une pièce centrale
Le jardin est surélevé et les cours anglaises existantes sont conservées pour préserver la dimension insulaire. A la fois connecté aux galeries par des passerelles et détaché par les cours anglaises, le jardin est comme une île au cœur de l’île de la Cité. Le jardin est pleinement appropriable par l’ensemble des usagers et relie naturellement l’aile institutionnelle à l’aile
hospitalière du futur Hôtel-Dieu. Le jardin devient une pièce supplémentaire de l’Ile de la Cité, en devenant accessible au public.
Par son agencement, il est l’occasion de renforcer la surprise d’un lieu inattendu en plein cœur de Paris. Il s’affirme comme la pièce maitresse de notre dispositif grâce à sa capacité de fédérer la multiplicité des usages dans un espace unique.
7ème exemple – La Nef de l’Hôtel-Dieu
L’incendie de Notre-Dame, survenu les 15 et 16 avril 2019 et qui détruisit sa charpente, sa flèche et ses superstructures en même temps qu’il entrainait de profonds dégâts sur sa charpente et sur son transept, a provoqué une profonde émotion tant à Paris, en France que dans le reste du monde. Chacun, à sa manière, réagit
La Nef est le récit d’une proposition destinée à tous, d’accès libre, qui répond à une mission d’intérêt public et que personne ne m’avait demandé. La Nef, moins mélancolique que romantique, est assurément de son époque. Avec le silence qui s’exprime au travers du dessin de son architecture, elle ouvre son grand espace classique aux pèlerins et aux visiteurs qui sont venus pour prendre le pouls de sa célébrissime voisine en souffrance : la
La Nef contribue à revitaliser l’île de la Cité au cœur de Paris. Le projet se veut témoin d’une esthétique nouvelle qui séduit par son inscription dans la ville, son histoire. Inscrite sur trois échelles identifiables, celle de l’HôtelDieu, celle de la cité et celle de Paris, la Nef contribue, par sa présence et son contenu, à remettre en scène la Cathédrale Notre-Dame de Paris. Passerelle idéale entre hier, aujourd’hui et demain, la Nef est une œuvre qui tisse un lien entre toutes les formes des architectures issues de l’histoire et celles qui, comme elles,
NF habitat Effinergie option Effinergie plus, NF habitat HQE, BBio max <20% de la valeur requise
POLYEDRES
Paris
Programme Maître d’ouvrage
Architecte mandataire
BET Economiste
BET Structure et Façade
BET Fluide et Électricité
BET HQE
Acousticien
SDP
Coût
Etat
Spécificités environnementales
95 logements
Vinci Immobilier
Architectures Anne Démians
Parica International
VP & Green
Alto Ingénierie
Alto Ingénierie
Jean-Paul Lamoureux
6 100 m²
14 M€ HT
Livré en 2014
NF Logement, Bâtiment Basse Consommation et Habitat & Environnement.
ZIEGELWASSER
Strasbourg
Programme Maître d’ouvrage
Architecte
Entreprise
BET Structure et Façade
BET Economiste
BET Fluide et Electricité
BET HQE
Acousticien
SDP
Coût
Etat
Spécificités environnementales
Résidence sociale de 295 logements
Adoma
Architectures Anne Démians
Pertuy Construction
VP & Green
Alain MAZET
Alto Ingénierie
Alto Ingénierie
Jean-Paul Lamoureux
6 000 m²
10 M€ HT
Livré en 2016
BBC, HQE, NF Logement.
M9D4
Paris
Programme
Maître d’ouvrage
Aménageur
Architecte mandataire
Entreprise
BET Economiste
BET Structure
BET façades
BET Fluides
Electricité
Signalétique
SDP
Coût
Etat
Spécificités environnementales
55 logements
Vinci Immobilier
SEMAPA
Architectures Anne Démians
Vinci Construction
Parica International
IOSIS
VP&GREEN
Parica International
Jean-Claude Chianale
4 500 m²
6,9 M€ HT
Livré en 2014
BBC, HQE, NF Logement.
BLACK SWANS, STRASBOURG CONSTRUCTION NEUVE TROIS
TOURS RÉVERSIBLES
Black Swans est la mise en pratique d’une réflexion théorique sur la ville portée par Anne Démians pour proposer des densités équilibrées attentives aux spécificités physiques, historiques, climatiques, sociales, économiques de Strasbourg. Cette réflexion intègre trois échelles complémentaires : celles du territoire, du quartier et du bâtiment.
Les Black Swans proposent une nouvelle esthétique basée sur le postulat que la ville doit être pensée comme un organisme vivant qui évolue avec ses usages. Les Black Swans marquent le point de départ d’une méthode pour une ville plus imaginative et plus spontanée. La méthode d’assemblage des paramètres est duplicable à d’autres sites, d’autres régions. Pour autant, le résultat esthétique des Black Swans est attaché à la spécificité de son ancrage dans cet ancien site industriel et ne peut être un modèle reproductible dans d’autres régions.
À Strasbourg, les Black Swans, première opération réversible en France, additionnent les avantages des logements et des bureaux pour établir une base commune de critères de qualité : les logements bénéficient de plus de hauteur, les bureaux profitent tous d’espaces extérieurs.
Ces espaces extérieurs, complétés par des brise-soleil mobiles, permettent de régler le degré d’intimité souhaité et de réguler les apports de lumière et de chaleur. C’est une tentative pour proposer une alternative verticale au rêve de la maison individuelle en proposant des logements ouverts sur le paysage, bénéficiant d’espaces extérieurs spacieux et situés à proximité de tous les services.
Les Blacks Swans sont constitués de trois bâtiments dont la destination n’est pas figée. L’acte de construire a été dissocié de la définition du programme afin de retarder l’affectation des espaces construits ; ces décisions, trop fluctuantes, étant assujettis à un marché immobilier volatil. Cela permet de regagner une liberté d’action pour révéler les forces spécifiques d’un territoire, les caractéristiques cachées d’un quartier, la face inédite de l’architecture. L’enjeu est de casser la ligne de produits préformatés (logements, bureaux, hôtels) au profit d’un support géométrique simple, poreux, hybride, modifiable et confortable. Il s’agit d’installer dans le temps long une nouvelle densité verticale qui rendrait compatibles les aspirations individuelles et les enjeux collectifs pour une ville décarbonée.
AUTEUIL, PARIS
CONSTRUCTION NEUVE DE 378 LOGEMENTS 50% SOCIAL, 50% ACCESSION
Eloge de la méthode
L’opération de la Gare d’Auteuil, livrée en 2019, est une pièce urbaine unique, inscrite dans la lignée des expérimentations qui ont marqué l’histoire du logement en France et fruit d’un concours international lancé par la Ville de Paris en 2008. Cette opération est réalisée par un « collectif d’auteurs » constitué de quatre architectes et un paysagiste : Anne Démians, Finn Geipel, Francis Soler, Rudy Ricciotti et Louis Benech.
En optant pour la fragmentation des volumes construits, les architectes ont accentué le caractère traversant de l’opération et apporté la possibilté de réaliser une véritable coulée verte. Dérogeant ainsi au plan local d’urbanisme qui réclamait l’alignement, ils ont offert un autre dispositif, plus perméable aux vues et à la respiration, dans un projet qui répond aussi aux impératifs de densité de la ville contemporaine.
Le caractère mixte de l’opération, 50% privé, 50% social, en fait par ailleurs un exemple d’équilibre. Sur le plan de la construction, les architectes ont pris le parti de rationaliser les moyens utilisés afin de garantir une performance économique.
Pour ce faire, ils vont définir une structure en béton à plateaux libres et mettre au point une « boîte à outils » dans laquelle chacun d’eux pourra puiser pour développer son projet et son écriture. Par cette homogénéité des matériaux et des gabarits, la démarche démontre que l’économie de moyens ne bride ni la diversité ni la qualité architecturale.
Francis Rambert
PARC D’AFFAIRES, ASNIÈRES-SUR-SEINE
CONSTRUCTION NEUVE DE 317 LOGEMENTS
Sur le flanc ouest du quartier, Anne Démians implante en force deux bâtiments en ciseaux au nord et au sud des logements étudiants et en accession conçus par Alfonso Femia. Impossible de ne pas remarquer ces deux vaisseaux vigoureux et rigoureux : dimensions de porte-conteneur de haute mer avec double châteaux en poupe et proue, plus haut au couchant qu’au levant, trame draconienne de la grille autoporteuse affichée en exosquelette qui surligne les niveaux d’appartements en strates alternativement noires et blanches ; couleurs en opposition maximale, signal et signature de l’opération. Flottent des souvenirs des « Highrise of Homes » de James Wines , ce projet prospectif (1981) d’une simple structure d’acier dans laquelle, d’étage en étage, se glissaient en tiroirs habitats traditionnels ou non débordant de loggias, terrasses et végétations plantureuses. Si ces dernières manquent ici et appellent l’initiative des habitants, le principe d’une stratification en bandes horizontales renvoie à l’échelle des appartements.
L’unité de l’opération fondée sur l’affirmation de la trame et l’alternance du blanc et du noir intègre la ponctuation et la modération de variations pacificatrices, en plan et en élévation. Contre l’image univoque et lisse des barres et des tours des années 1960, il y a le décalage de biais des masses bâties les unes par rapport aux autres, reliées par la présence quasi charnelle de l’espace public et des jardins. Pas d’alignement sec, mais des obliques discrètes et dynamiques. Chaque façade se creuse différemment. Non seulement la profondeur des balcons change suivant l’orientation – 1,80 mètre de large à l’ouest contre 0,70 mètre au nord – mais semble s’évider ou se projeter en façade selon sa couleur, ombreuse pour les uns, claire pour les autres. Le socle anthracite double hauteur avec l’étage qui le surplombe dessine une strate puissante sur laquelle se calent, plus modestes, celles des étages supérieurs.
La tour de R+17 à l’angle de l’avenue des Grésillons et de la rue Henri Bergson se découpe en décrochements propices à la double voire triple orientation de quelques appartements dont des duplex. Ses cinq derniers niveaux abandonnent l’alternance du blanc et du noir et se coiffent de ce seul dernier. En superstructure, la grille autoporteuse se poursuit et finit grignotée par le ciel. Ultime croisement de l’unité et de l’écart, les sérigraphies. Absentes sur le bâtiment nord, elles ornent les volets coulissants de celui sud. Toutes issues d’une adaptation des motifs de la ligne Folie du Jour de Pierre Frey , elles spécifient et identifient strate après strate le logis de chacun. Enfin, un troisième bâtiment de logements, de taille plus modeste (R+5), spartiate, habillé de pied en cap de noir lui aussi mais sans alternance de couleur complète l’opération vers l’est.
Jean-François Pousse
POLYÈDRES, PARIS
CONSTRUCTION NEUVE DE 95 LOGEMENTS
Je pense le mouvement qu’utilise le danseur comme le résultat d’un équilibre. En fait leur technique se ramène à deux actes : s’écarter d’une position d’équilibre et y retourner. Il s’agit d’un problème plus complexe que celui de se maintenir en équilibre qui relève de la structure musculaire du corps. Tomber et se ressaisir forment l’essence même du mouvement. A la suite de la chute du corps à terre, s’ajoute un retour à la position debout par un mouvement qui provoque l’espace. Chaque danseur est alors investi, dans le groupe, par une qualité qu’il ajoute au mouvement : le rythme.
La lumière, elle aussi, sculpte les danseurs. Elle dessine les espaces. Martha Graham fut, nous le savons, pionnière en matière de mouvement et de lumière. Et, avec elle, la scénographie de la danse contemporaine s’est principalement développée dans les jeux de lumière, souvent, même, dans des dispositions scéniques bien déterminées. Les plateaux sont libérés par les raies de lumière, libèrent des espaces éclairés entre les danseurs et les accessoires. Ce sont les danseurs qui s’inclinent, s’étirent, se penchent et se redressent. Ils esquivent les faisceaux, font varier les intensités sur le sol, les couleurs, grâce à la danse, sa mobilité, sa dynamique.
L’architecture est d’un ordre statique, par nature. La lumière ne l’est pas. Ici, la danse, prise comme mode de pensée et de philosophie, s’en trouve totalement inversée. Et la gravitation aussi. Mais la chorégraphie reste la même. Les danseurs sont au sol. Au nombre de trois. Ils se penchent et se creusent, sont rapides et puissants, esquivent de leur tête, la lumière. Combinant plusieurs enseignements, ils parviennent à une richesse de langage qui nourrit le ballet. Le poids et l’activité fonctionnelle des corps construits qui s’ordonnent dans des figures imposées, fabriquent des mouvements à facettes qui conduisent la lumière par « glissements » spontanés, prolongés jusqu’au sol. Le mouvement est un mouvement montant. Les faisceaux de lumière sculptent l’espace d’entre les danseurs. Eux, ne bougent pas. Ils campent une immobilité dynamique, comme l’exprimerait un « silence » de John Cage, pendant que la lumière tourne autour en gestes lents (la chorégraphie se joue sur 17 heures en été et sur 9 heures en hiver).
Les mouvements dispersés de la lumière n’ont aucune relation entre eux, comme les passages de l’ombre sur les parois, car « chaque pas a son importance et doit être dansé de manière totale pour être clair vibrant et expressif » (Merce Cunningham). Les faisceaux de lumière sculptent selon les heures du jour les volumes statiques, pour mettre en mouvement successivement les récepteurs des rayons du soleil, les loggias, situés sur chacune des faces des polyèdres.
Anne Démians
ZIEGELWASSER, STRASBOURG
CONSTRUCTION NEUVE D’UNE RÉSIDENCE
SOCIALE DE 295 LOGEMENTS
Ziegelwasser est une addition de contraintes, efficace, sévère, portée et simplifiée à l’extrême pour sortir le plus vite possible des petits logements de passage. Elle délaisse les signes d’une architecture confuse et inappropriée qui laisserait penser qu’on aurait débarqué « in situ », avec comme modèle d’expression, celui de la désolation.
Les deux ouvrages de Ziegelwasser sont formés autour d’un assemblage d’éléments réglés et standardisés. Les assemblages se réalisent à partir de pièces dont la géométrie est la même pour toutes les surfaces d’accueil des résidents. Elles sont empilées sur le principe de l’application stricte et fermée de répétitions actives, appliquées sur des formes élémentaires. Ici, il y a d’abord un jardin très vert, planté comme un parc rafraîchi par un plan d’eau. Ici, les gens sont accueillis comme dans une vraie résidence, avec un vrai accès et de vraies clôtures. Les halls sont soignés et ouvrent sur de belles circulations. Les chambres ou studios sont calibrés pour que l’espace soit efficace avec un minimum d’efforts techniques et constructifs.
La lumière est considérée comme la pièce maitresse du dispositif de vie. Car si l’intérêt économique du projet (il s’agit, là, d’une contrainte majeure pour espérer le réaliser), passe par une réalisation où les éléments constituant l’oeuvre ne peuvent pas beaucoup varier, on peut parier sur le fait que la lumière entrante (ou sortante) qui percute les ouvertures du projet peut, à charge restreinte, servir l’identité des bâtiments et garantir la confidentialité de leurs intérieurs. Elle est le variateur des humeurs de l’immeuble.
M9D4, PARIS
CONSTRUCTION NEUVE DE 55 LOGEMENTS
Cet immeuble d’habitation s’inscrit dans le quartier neuf de Masséna à Paris, dans un agencement simple. Sur une topographie contrastée, le terrain qui lui est réservé s’étire entre la rue Léo Frankel et la rue du Chevaleret. Ce site est privilégié et sensible. L’architecture de ce projet se nourrit des enjeux citadins et des directives urbaines de Bruno Fortier, architecte et urbaniste. L’organisation même du bâtiment met à profit le relief du site pour favoriser une fusion palpable entre la ville et les logements. Le socle, clairement dissocié des étages, se dresse sur deux niveaux différents de sol, permettant ainsi de rentrer dans un même soubassement les deux niveaux d’accès de la parcelle. Cette assise est minérale.
Les prolongements extérieurs aux pièces principales s’exposent au sud et à l’ouest. De grands lés d’acier, perforés de trous ronds dont les diamètres sont variables, changent la valeur habituelle qu’on donne au plan de la surface extérieure d’une façade. Suivant que l’on ouvre ou que l’on ferme les parois coulissantes, l’espace qui se situe entre le plan extérieur de la façade et les baies coulissantes de l’appartement se transforme, proposé « protégé » ou « exposé ». Le plan s’essaye à de nouvelles dispositions. Il regroupe l’ensemble des contraintes inertes, au centre de l’appartement et installe en façade toutes les surfaces actives. Pour créer le lieu hospitalier dont ce site avait besoin, plutôt ouvert aux échanges domestiques et pour lequel on pouvait penser qu’il était facile de proposer un modèle, il ne suffisait pas d’en référer aux classiques du genre, mais bien d’essayer de développer des dispositifs inédits et solides.
La réalisation s’est développée sur l’idée de couches successives, organisées en filtres sélectifs, tantôt intérieurs, pour autoriser la vie en site propre, tantôt extérieurs, pour proposer une succession de degrés de confidentialité autorisant une totale liberté de repliement sur elle-même ou d’ouverture sur la ville.
Le filtre 1 se matérialise par la première membrane, extérieure, qui protège l’ensemble de l’immeuble. C’est un drapé métallique tendu de bas en haut et percé d’ouvertures qui inscrivent les loggias dans la façade.
Le filtre 2 se matérialise par la loggia/balcon qui se place dans les l’espace de la construction entre l’espace extérieur et l’espace privé. C’est un espace fonctionnel qui prolonge l’espace de jour de l’appartement.
Le filtre 3 se matérialise par la bande active concentrant au coeur de l’appartement l’ensemble des pièces de services et d’accompagnement de l’espace de nuit. Sur l’ensemble des étages de l’immeuble, les pièces principales des logements s’ouvrent sur une exposition sud, sud/ouest, au droit de la rue Léo FRANKEL. Les chambres ouvrent leurs fenêtres au nord et au nord/est en direction des voies SNCF.
L’histoire de ce projet reste particulièrement atypique. Ici, à Nancy, sur l’Ile de Corse, les choses ne se sont pas déroulées comme elles auraient pu se passer. Car si l’ambition n’avait pas été inscrite dans le code génétique de ce projet, rien d’intéressant ne se serait fait. Car, tout autant insolite que savoureux, le côté sans histoire d’une affaire sans histoire s’est très vite transformé l’histoire singulière d’une affaire singulière.
Je me trouvais dans une ville portée par l’exigence d’un maire audacieux, André Rossinot, à deux pas de la Place Stanislas. J’avais la confiance de Philippe Bonnave, ancien Président de Bouygues Construction, mais je n’avais pas encore rencontré André Rossinot. C’est donc le 16 décembre 2010, que j’étais invitée à présenter ma première esquisse et ce fut, tout de suite, sur cet ouvrage, que les acteurs de cette opération se mirent d’accord. J’ai dessiné et porté un bâtiment compact qui serait immédiatement lu et compris, un ouvrage dont les façades étaient entièrement recouvertes d’acier inoxydable, percées par des baies oblongues, à l’intérieur desquelles les fenêtres étaient rondes comme des yeux. Au-dessus, j’y avais posé des paupières, en position relevée, signe d’une vigilance « orange » !
La grande densité du bâtiment est adoucie par la matérialité légère et fuyante de l’inox, ramenant, sur les surfaces exposées, les effets changeants du ciel et par des fenêtres dont le dessin est inédit. Ce bâtiment s’inscrit dans les inédits, d’une architecture actuelle et dans l’esprit de Nancy, quand elle invente une dynamique industrielle créative. Et comme à une question unique on doit rendre une réponse unique : ce bâtiment s’inscrit dans mon travail comme une pièce isolée, sans référence et sans précédent. Autant de raisons pour souligner aujourd’hui « l’impertinence fondée » de cet ouvrage.
Anne Démians
IN&DI, AUBERVILLIERS
CONSTRUCTION NEUVE DE BUREAUX RÉVERSIBLES EN LOGEMENTS
Un concours d’architecture a été lancé en 2019 par Icade à Aubervilliers. C’est un nouveau morceau de ville, qui se développe au sein d’un parc d’affaires de 60 hectares aux portes de Paris, dans le quartier des anciens Entrepôts des Magasins Généraux de Paris (EMGP), propriété historique d’ICADE. Situé à proximité immédiate de la place du Front Populaire, non loin du Campus Condorcet et desservi par le métro (ligne 12).
L’architecture de l’opération commence d’abord avec sa composition générale.
Deux pièces majeures assemblées dos à dos et dégageant un espace vacant, le jardin. Le jardin, ouvert au nord et au sud pour favoriser les courants d’air, est largement planté comme un piège à carbone. Ce jardin d’une seule pièce de 2 500 m² est un régulateur thermique et permettra d’absorber les eaux de fortes pluies.
IN&DI s’inscrit dans l’histoire industrielle du site à travers l’assemblage hybride d’entrepôts ou de halles au rez-de-chaussée, avec des bureaux dans les étages qui peuvent se transformer en logements. Le socle commun sur lequel s’assoient les deux « C » de bureaux en superstructure se compose de grands sheds qui, restitués, accueillent les commerces, les halls d’entrée et les restaurants ouvert au public. Ce socle contribuera à l’ouverture du projet et à l’animation du quartier. Les bureaux en superstructure se composent de figures en « C », l’une ouverte à l’est, l’autre à l’ouest, qui accueillent les surfaces utiles de l’opération. L’une comme l’autre se positionnent en surplomb des sheds qui constituent le socle de l’opération, sur ses limites extérieures.
2010-2014 SAUSSURE, PARIS
REZO, PARIS
CONSTRUCTION NEUVE DE BUREAUX
REZO s’inscrit dans la famille des bureaux blanc. Ce sont des espaces libres, en forme de plateaux où les murs ont été éliminés et qui peuvent tout accueillir, y compris ce à quoi ils ne sont pas destinés. La banalité du plan dans lequel ils s’inscrivent, s’apparente à celui d’un immeuble à la découpe, à partir duquel toutes les cessions au détail deviendront possibles. C’est, pour l’architecte, le moment de considérer sa mission comme hautement symbolique, pleinement détachée de l’acte lyrique et de tenter vaguement, avec dignité, une piste d’anonymat.
REZO est érigé dans le quartier Saussure à Paris, en éloge à la lenteur. Il est déposé là, fini et immobile, comme un objet industriel, en balcon, juste au-dessus des voies ferrées de Saint-Lazare, à hauteur de Pont Cardinet. La présence de REZO n’a rien d’incompatible avec l’esprit des bâtisses haussmanniennes.
Même compacité que ses voisines, même effacement de la partie sommitale, REZO construit un contrepoint à cette architecture attachée à ses programmes et apparaissant comme la capitulation définitive d’un genre altéré dont l’appauvrissement de l’écriture reste le reflet le plus flagrant du divorce accompli entre le dedans et le dehors.
REZO réunit, à lui seul, plusieurs singularités qui s’opposent pour mieux s’additionner, percutantes comme un oxymore.
Avec ses 130 mètres de long et ses 17 mètres de large, l’immeuble développe 2 000 m² par plateaux, éclairés par des fenêtres hautes de 1,80 mètre. Son gabarit, solide et trapu, est nuancé par la carapace qui le ferme de bas en haut. La performance de ce bâtiment (trois fois certifié) et son aspect propre participent à une recherche qui situe ses limites entre son dessin et son rendement, mettant en perspective toutes les raisons de sa forme.
LES DUNES, VAL DE FONTENAY
CONSTRUCTION NEUVE DU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
Anne Démians poétise le quotidien, humanise le système productif, subvertit en douceur les contraintes de l’organisation contemporaine du travail. Les Dunes, son « campus tertiaire » à Val-de-Fontenay, le démontre avec élégance.
Le monde de l’immobilier nomme « campus », pour les ennoblir, les gros ensembles horizontaux de bureaux prisés par les entreprises pour y rassembler des milliers d’emplois hier exercés dans des tours à la gestion trop onéreuse. Anne Démians a su déjouer les pièges de ce « produit » immobilier. Son campus est l’un des plus digestes que j’aie vus. Un prodige de légèreté par rapport à d’autres réalisations récentes, le campus SFR à la Plaine Saint-Denis, ou le Balardrome à Paris, par exemple, forteresses fermées à la ville qui les entoure.
Le mérite d’Anne Démians est d’autant plus grand que Les Dunes sont posées dans un lieu dur, anonyme, qui ne répond à aucun plan d’urbanisme apparent, et dans un environnement de médiocres bâtiments de bureaux génériques. Le matin où j’ai visité cette réalisation architecturale de premier ordre, si, au hasard de ma pérégrination, mon attention n’avait été attirée par une architecture singulière à la douce apparence, je n’aurais sans doute trouvé Les Dunes qu’après une bonne demi-heure d’errance, bien qu’elles soient situées à quelques 200 mètres de la gare du RER.
Quand la forme de la ville alentour est faible, l’architecture, pour exister, doit créer son propre paysage. Quand il n’y a pas de vie dans le contexte urbain, il faut trouver l’urbanité à l’intérieur du programme. Tels sont ici, selon moi, les deux paris gagnés par Anne Démians.
Le flux des travailleurs et les visiteurs entrent dans le campus de façon très fluide par un bel espace d’accueil transparent ; ils se répartissent sans heurt dans les trois immeubles disposés suivant un plan strict et apaisant, en traversant de beaux jardins qui laissent découvrir les deux niveaux de fonctions collectives : le rez-de-chaussée et un premier sous-sol largement ouvert sur la lumière. Celui-ci s’organise autour d’une large rue desservant des lieux collectifs, restaurants d’entreprise, cafés, salles de coworking, espaces de sports et de jeux. Fluidité là encore, générosité.
Jean-Louis Subileau
EQUIPEMENTS PUBLICS
ESPCI
Paris
Programme
Maître d’ouvrage
Maître d’ouvrage délégué
Entreprises
Architecte
ACMH
BET Structure et Façade
BET Fluides et Eléctricité
Economiste
Paysagiste
Acousticien
OPC/Moex
SDP
Coût
Etat
Spécificités environnementales
Ecole Supérieure de Physique et de Chimie Industrielles
RESTRUCTURATION ET EXTENSION DE L’ECOLE SUPERIEURE DE PHYSIQUE ET DE CHIMIE INDUSTRIELLES
J’ai voulu moderniser ses lieux dédiés depuis 1882 à la connaissance et à la recherche scientifique par une vision extrêmement sensible de l’espace, de nature à stimuler l’imaginaire spatial des chercheurs et des étudiants, en même temps que serait stimulé leur imaginaire scientifique. Puis, à provoquer des rencontres entre eux. Enfin à diffuser le savoir au sein de l’’école et le porter à l’international. C’est pour toutes ces raisons que vous verrez les bâtiments se développer dans une spirale qui s’enroule autour de deux jardins (jardin triangle-rectangle et jardin des chercheurs) et qui se poursuit dans un mouvement ascensionnel au droit d’un splendide escalier, vitré sur ses quatre côtés et ouvrant, sur deux d’entre eux, sur les jardins de l’Ecole. Les laboratoires devaient, dans mon idée, se développer alors autour des jardins, des espaces propices au calme. Et les amphithéâtres qui restent les lieux majeurs pour diffuser l’état des dernières recherches, sont installés et ouverts sur la place Kastler.
La spirale, figure mathématique, est la métaphore de l’infini dans les domaines de la recherche et de la connaissance. Je voulais que la verticale de circulation -ou l’escalier- qui marquerait son aboutissement soit suffisamment significative et marquante pour que cet espace de rencontre devienne l’axe principal de la convivialité productive qu’on était en droit d’attendre d’une telle Ecole. Mais plutôt que d’inspirations je parlerai d’attractivité. Je souhaitais, en effet, inscrire ce lieu d’études et de recherches dans un espace équilibré au mieux entre la science et la spiritualité. Einstein disait : « l’imagination est plus importante que la connaissance car la connaissance est limitée, tandis que l’imagination englobe le monde entier, stimule le progrès et suscite l’évolution. » Mais cet espace devait être moderne. Et pour cela il fallait que l’Ecole s’exprime à travers des enchainements d’espaces limpides et compatibles avec la réflexion et l’imagination. Ce que je fis.
A travers précisément ce que je propose. C’est à dire une architecture classée classique- contemporaine. Une architecture dont les bases sont solides et n’empêchent en rien l’adoption d’une nouvelle esthétique. Une nouvelle esthétique qui serait la parfaite synthèse de substances issues de la technique, de la science, de l’économie et de l’environnement, basculant dans une dimension esthétique concernée quand elle s’appose sur les façades de briques déjà en place sur la place Kastler, sur la rue Brossolette ou sur la rue Rateau. Il s’agissait là d’additionner deux écritures qui se sont exprimées avec un siècle d’écart. Elles ne forment plus aujourd’hui qu’une seule architecture, cohérente et forte de ses hybridations. Une architecture faite à partir d’une matière sombre et texturée, régulièrement percée par de belles ouvertures entrant en résonnance avec le socle vermillon de briques.
Anne Démians
MCA, ALFORTVILLE
CONSTRUCTION NEUVE DE LA MAISON DE LA CULTURE ARMÉNIENNE
Après les déluges et le génocide du vingtième siècle, les arches de la culture arménienne prennent racine là où les courants les ont portées, bien loin du mont Ararat pour certaines... Alfortville, port d’attache, devient ainsi terre d’accueil.
Une maison pour tous les Arméniens et les Alfortvillais trouve sa place à la confluence des rues de Rome, de Toulon et de Liège, en face de la place de l’Europe. Entre les cimes des arbres, on devine le volume translucide, un cube opalescent déposé ici par les remous de l’histoire, refuge paisible pour tous les exilés.
Annoncée par son parvis, la nouvelle Maison de la Culture Arménienne s’adresse aux passants par l’entremise d’un grand mur palimpseste qui se devine sous la façade diaphane. Témoin de l’histoire millénaire d’un peuple dont la mémoire doit être protégée, le mur d’entrée en béton estampé inscrit dans sa surface striée les graduations du temps. Mur cimaise et vitrine, la façade nord réunit la culture Arménienne ancestrale et contemporaine sur un même support.
Ses flancs sont des bibliothèques qui, de Sahak le Parthe (338-439) à Missak Manouchian (1906-1944) en passant par Khatchatour Abovian (1809-1848), invitent au voyage dans le temps. Nichés à l’abri du mur, on trouve des objets, des photographies d’Antoine Agoudjian, des écrans diffusant selon les expositions de la musique traditionnelle ou des films : « Sayat Nova », le film de Paradjanov (La couleur de la grenade), ou celui de Robert Guédiguian, « Le voyage en Arménie ». C’est par le foisonnement des œuvres, des époques et des lieux représentés que s’expose la maison aux Alfortvillais et à tous les Français. L’accueil de tous les publics a lieu dans l’épaisseur de ce mur portique. La richesse culturelle d’hier exposée sur sa face se trouve réactivée par le programme culturel d’aujourd’hui et de demain à l’intérieur.
Le projet est multiple par ses utilisateurs, ses fonctions et ses capacités d’adaptations. Pensé structurellement et fonctionnellement comme modulable, la trame de 6 mètres permet de cloisonner, décloisonner, re-cloisonner sans difficultés.
CARRÉ CENTRAL, SACLAY
CONSTRUCTION NEUVE DE BUREAUX RÉVERSIBLES EN LABORATOIRES SCIENTIFIQUES
Cette opération en construction neuve a été conçue pour une commercialisation en bureaux classique qui intègre les mesures conservatoires nécessaires pour sa transformation en laboratoires. Le bâtiment permettra de loger des start-up de laboratoire dans le domaine de la santé, gérées par l’opérateur international Biolabs. Le bâtiment sera équipé pour des activités de Chimie et Biologie NSB1 et NSB2.
Le projet s’inscrit dans le cadre d’une ZAC constituée de 4 ilots urbains conçus en collaboration avec 5 autres architectes, sous la coordination de l’agence Baumschlager Eberle. L’angle nordouest du site marque l’accès principal au bâtiment qui s’articule autour d’un noyau central. La distribution radiale équilibre la séparation en deux ailes aménageables en bureaux et laboratoires réversibles. Le rez-dechaussée largement vitré offre des percés visuelles vers le jardin en coeur d’îlot.
Le principe constructif est lisible en façade : la préfabrication est son alphabet, la trame sa ponctuation. L’exosquelette est composé d’une superposition de poteaux en « T » et de poutres. La dalle se raccorde à l’allège qui repose sur le corbeau des poteaux. L’assemblage s’apparente à un jeu de construction, dont la mise en oeuvre en filière sèche garantie une construction rapide, propre et silencieuse.
Les stores extérieurs sont disposés dans le prolongement des allèges qui se lisent comme des impostes. Le linteau des fenêtres est minimisé alors que leurs larges rebords en béton clair orientent la lumière en profondeur dans les espaces de bureaux. La présence des allèges offre un éclairement optimisé et permet la réversibilité en laboratoires. La façade se caractérise par la forte présence de l’exosquelette de béton préfabriqué bas carbone teinté dans la masse. Une trame plus fine de fenêtres se glisse au second plan et se dédouble dans les étages.
L’intégration du projet se fait en résonance dans le quartier Central. Il se synchronise sur le rythme initié par la résidence étudiante récemment livrée par l’agence Bruther et prolongé par les bureaux de Baumschlager Eberle. Les trois façades de même linéaire s’harmonisent en trois fois 8 trames de 8 mètres. La correspondance de la trame de ces architectures est « comme un long écho qui de loin se confond dans une profonde unité ». (Baudelaire)
CUISINE CENTRALE, PARIS
CONSTRUCTION NEUVE DE LA CUISINE CENTRALE DE PARIS XXE
La première intention est bien celle de « l’exemplarité » : réunir, au travers d’un volume unique, des sujets qui s’exprimeraient plus facilement dans le foisonnement de formes, de signes et de matières.
La nouvelle cuisine centrale du 20ème arrondissement de Paris est implantée dans un quartier résidentiel et sensible. L’enveloppe générale est lumineuse. Elle reste lisse et indifférente à toute sollicitation issue de l’évidence à afficher les écarts ; comme si toutes les aspérités, liées à l’expression de sa mission avaient été lissées ou oubliées. C’est une enveloppe cubique et diaphane, portée en creux par des ouvertures que dessinent des ombres colorées. Les cadrages sont choisis à partir des thèmes d’une cuisine industrielle. Ils exposent et insistent sur l’insertion d’un développement industriel, en milieu urbain dense, sans afficher de dégâts.
Certaines transitions, creusées au coeur des parois, apaisent les sensations brutales des murs à l’alignement. Le béton blanc et les fenêtres sérigraphiées s’excavent en renfoncements colorés. Une grille noire ouvragée clôture, rue Paul-Meurice, l’accès principal des camionnettes à la cour.
La cour, intériorisée comme un « réacteur culinaire » permet d’éviter toute résonance sur le quartier et empêche les diffusions d’odeurs tout autour. Le bâtiment se referme sur lui-même, mais n’oublie jamais d’ouvrir quelques perspectives choisies sur les angles possibles. La gestion des accès est une question essentielle pour son fonctionnement. De larges passages rue Paul Meurice permettent l’accès des camions de livraison, et un peu plus loin leur sortie.
La dimension paysagère se révèle par un traitement des toitures et s’offre à la vue du voisinage. Les bureaux de l’administration, les espaces de détente et de rencontre comme le restaurant et la salle de réunion sont largement ouverts sur le jardin suspendu.
CUISINE CENTRALE, NICE
CONSTRUCTION NEUVE
DE LA CUISINE CENTRALE DE NICE
La construction de la nouvelle cuisine centrale de Nice répond à l’ambition de la ville d’inscrire le développement de la vallée du Var dans une nouvelle cohérence urbaine et architecturale, tout en préservant la mémoire agricole de la vallée. La nouvelle cuisine centrale se développe à l’intérieur d’un ouvrage extrêmement regroupé, lisse et homogène, comme une grande demeure provençale. Elle abrite une complexité intérieure étonnante, née de l’assemblage précis d’un nombre conséquent de mécanismes fonctionnels très encadrés.
L’architecture générale de l’oeuvre s’accompagne d’un design d’apparence simplifié mais extrêmement soigné. La lecture homogène du projet abrite un espace intérieur composite. La programmation est très ambitieuse avec 30 000 repas par jour et une cuisine sous vide sans plastique, ce qui en fait la plus importante en France par son flux et son positionnement résolument environnemental.
Quant à la dimension territoriale, elle apparaît dans la mise en scène de la cuisine à travers le grand verger qui marque l’entrée du site. Mais aussi dans les vues choisies, offertes à tous ceux qui occupent l’étage, à travers le vide creusé dans les pentes du toit.
La cinquantaine d’arbres fruitiers du verger, plantée à l’alignement, apporte fraîcheur et favorise un appel à la réconciliation avec une agriculture de proximité. Les vues sur les collines de la plaine du Var constituent le certificat d’authenticité d’un équipement important, placé dans une complicité incontestable avec son site, sa ville et sa région.
LYCÉE HÔTELIER, GUYANCOURT
RESTRUCTURATION ET EXTENSION DU LYCÉE HÔTELIER DE GUYANCOURT
Le bâtiment existant frappe par sa puissance physique. L’intervention l’accepte pour l’accroître plutôt que de la diminuer. L’énergie du bâtiment sert à redonner vie au lycée hôtelier. L’enjeu était multiple. Il fallait redonner une visibilité urbaine pacifiée.
Les éléments parasites du bâtiment existant sont absorbés par un revêtement extérieur pour tout à la fois unifier et révéler la volumétrie imposante de l’édifice.
Au sud, trois larges ouvertures sont créées à rez-de-chaussée pour offrir des vues cadrées sur le jardin avec une ambiance favorisant la détente et la convivialité.
Au nord, de grandes galeries vitrées éclairent largement les cuisines et les salles de technologie.
Au sud comme au nord, ces dispositions proposent une expression contrastée entre les deux premiers niveaux et les étages supérieurs, correspondant aux différents rythmes de la vie du lycée.
Il fallait également lui redonner une visibilité d’accès et simplifier son fonctionnement.
Une immense place traverse de part en part le lycée pour lui donner un ancrage urbain et permet de distribuer l’ensemble des entités du programme. Enfin, il était nécessaire de rendre plus didactique et exemplaire l’enseignement hôtelier : une nappe technique en aluminium organise l’ensemble des cuisines sur un seul plateau et remet dans le bon ordre les contraintes techniques pour réduire les coûts de fonctionnement.
ARCHITECTURE CONTEMPORAINE ET PATRIMOINE
HÔTEL-DIEU
Paris
Programme
Maître d’ouvrage
Architecte mandataire
ACMH
Paysagiste
BET Structure, VRD BET Façade BET Méthode BET fluides, HQE BET Economiste
SDP Coût Etat
-1-
Mixte
Centre de recherche et d’innovation, auditorium, commerces et résidences Novaxia
Architectures Anne Démians
Pierre-Antoine Gatier
Grégory Tissot
Setec
VP & Green
Cicad
Oteis
Axio
20 000 m²
65 M€ HT
Etudes en cours
GRAND NANCY THERMAL
Nancy
Programme
Maître d’ouvrage
Maître d’ouvrage délégué
Architecte
ACMH
Architecte spécialiste thermes et piscines Constructeur
Promoteur
Exploitant/Entretien/Maintenance BET Structure
BET Fluides BET Façade
SDP
Coût Etat
-2-
Centre thermal Métropole du Grand Nancy Compagnie Européenne des Bains/Valvital
Architectures Anne Démians
Pierre-Antoine Gatier
Chabanne et Partenaires Bouygues Bâtiment Nord-Est Linkcity associé au Groupe Compagnie Européenne des Bains/Valvital
Groupe Compagnie Européenne des Bains/Valvital
Egis
Kéo
VP & Green
20 000 m²
80 M€ HT Livré en 2023
BOFFRAND
Paris
Programme Maître d’ouvrage Investisseur
Marque hôtellière Constructeur
Architecte mandataire
Architecte intérieur BET HQE
BET Fluides Paysage
SDP Coût Etat
-3-
Restructuration de l’ancienne école des beaux-arts en hôtel 4*
Linkcity
Groupe Pingat Property
Marriott International Bouygues Bâtiment Nord-Est
Architectures Anne Démians
Julie Fuillet Studios
ELAN
BET Pingat
SLAP Paysage
5 600 m²
15 M€ HT
Etudes en cours - APS
L’HÔTEL-DIEU, PARIS
RESTRUCTURATION ET EXTENSION DE L’HÔTEL-DIEU
Nous avons, avec Pierre-Antoine Gatier et Novaxia, été déclarés lauréats, de l’appel d’offres lancés par les Hôpitaux de Paris par les bons soins de Martin Hirsch, alors directeur général de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (APHP).
Le projet porte sur l’aménagement de la partie sud de l’Hôtel-Dieu, celle qui s’ouvre sur le Parvis de la Cathédrale NotreDame de Paris, alors que la partie nord hébergera les urgences, ses services actuels, et les modernise. Il s’agit de restructurer l’Hôtel-Dieu en renforçant l’accueil pour tous, notamment en installant un institut pour la recherche et l’innovation pour la médecine, tout en ouvrant ce site aux parisiens par l’installation de services. Compte tenu du contexte historique, il s’agit bien de faire bouger les choses sans faire trembler les murs. Nous avons donc cherché à équilibrer adroitement la structure historique des bâtiments existants avec un programme chargé de nouvelles destinations, nécessitant de nouvelles configurations d’espaces. Apparaissent alors des assemblages assez inattendus, qui projettent l’Hôtel-Dieu dans une modernité surprenante.
En cours d’étude, nous avons trouvé plus important d’ouvrir la cour qui donnait à l’ouest sur la rue de Lutèce plutôt que la façade sud, sur le parvis. L’objectif étant de renforcer l’axe institutionnel qui liait l’Hôtel-Dieu au Palais de Justice de Paris. La décision était délicate mais énonçait clairement une préférence pour un projet qui tutoierait le parvis de NotreDame sans vraiment s’ouvrir dessus
Toutefois, l’axe nord-sud resterait l’axe principal de la nouvelle composition, prenant naissance sur le parvis et se finissant sur l’escalier de la chapelle, placée tout au fond du jardin. Les espaces végétaux devenant minéraux, les espaces minéraux devenaient végétaux.
Le patrimoine pouvant très bien s’accommoder, voire s’enrichir, de la modernité.
NANCY THERMAL, NANCY
RESTRUCTURATION ET EXTENSION DES THERMES DE NANCY
Louis Lanternier, architecte-entrepreneur découvre une source thermale en 1908. Il décide de la présenter à l’exposition universelle de 1909 et devant ce succès populaire, entreprend de construire à partir et autour de cette source les thermes dont le chantier sera interrompu par la guerre de 1914. Depuis, cette œuvre inachevée a subi des dégradations durant plus de 100 ans. Une piscine municipale a été construite en 1970 devant l’entrée principale, des marées de voitures l’ont longtemps fait ressembler davantage à un centre commercial qu’à des thermes.
La rénovation des Thermes de Nancy a été pensé en 3 actes :
ACTE 1 : Dans un premier temps, il s’agit de restituer l’intégrité urbaine et paysagère du bâtiment. Pour cela l’ensemble des constructions parasites sont supprimées pour libérer de grandes plages paysagères entre les bâtiments existants. Le parc Sainte Marie est ainsi relié avec la ville.
ACTE 2 : pour préserver ces grandes plages paysagères et pour installer les nouveaux espaces nécessaires à la renaissance des thermes, les bâtiments existants sont prolongés par des bâtiments compacts.
ACTE 3 : Confrontation de l’écriture patrimoniale et contemporaine. A l’écriture blanche et verticale de Louis Lanternier à gauche, une écriture noire et horizontale est juxtaposée.
Impertinence : A l’étalement urbain j’ai répondu par la densité que j’apportais au projet des thermes au bénéfice des espaces verts.
Pertinence : Réponse volumétrique symétrique à partir de la porte principale dessinée par Louis Lanternier.
Impertinence : Par la rupture de syntaxe et de rythme de deux écritures en négatifs mais finalement complémentaires
Pertinence : architecture comme synthèse de paramètres objectifs (fonctionnement, économie,…), de paramètres techniques (thermique, solaire…), de paramètres subjectifs d’une dimension artistique qui permettent une connivence entre l’architecture néo-classique de Louis Lanternier et celle que j’ai dessiné.
Acte volontaire et assumé. Le résultat, légitimement attendu avec inquiétude puisqu’il questionnait le rapport entre patrimoine et modernité, devait se montrer particulièrement encourageant.
La dimension paradoxale de l’architecture des thermes de Nancy est révélée dans sa capacité à provoquer tout à la fois des sensations fugitives, par un éclat de lumière, un reflet singulier, un bouillonnement, mais également par la capacité de ces bâtiments à provoquer une sensation de durée, dans un espacetemps en suspension entre patrimoine et modernité.
Anne Démians
HÔTEL
BOFFRAND, NANCY
TRANSFORMATION DE L’ANCIENNE ECOLE DES BEAUX-ARTS EN HÔTEL4*
Nancy est la ville où l’art de vivre à la française a connu un épanouissement fertile, notamment avec l’éclosion de l’Art Nouveau. L’école régionale des beaux-arts et des arts appliqués a acquis une reconnaissance internationale grâce à ce mouvement qui a su conjuguer la peinture, la sculpture, les arts graphiques avec l’architecture, le design, les arts de la table et le paysage. Habiter les lieux, y résider pendant la nuit est une expérience en soi riche de cet imaginaire.
N
Nous avons axé notre projet sur les thématiques artistique, patrimoniale et paysagère. Il s’agit de savoir où situer les origines d’un bâtiment patrimonial pour le rendre à nouveau utile dans sa destination, pour le rendre à nouveau plus vivant. Il s’agit de concourir afin de lui rendre son appartenance à la collectivité, instaurer un nouvel équilibre économique, prolonger ses valeurs esthétiques, restaurer des dispositions émotionnelles, injecter de nouvelles dynamiques. La transformation d’un bâtiment ne permet pas de faire l’économie d’un diagnostic particulier. Elle nous oblige à des réflexions spécifiques et pertinentes, adaptées, d’une part, à ce qu’on trouve sur les sites et dictées, d’autre part, par tous les objectifs qu’on lui aura fixés.
Côté ville, le bâtiment est restitué dans sa géométrie d’origine, parce que le regard sur l’histoire ne gênait pas la destination de l’ouvrage et renforçait son inscription urbaine et patrimoniale.
Côté jardin, à l’expression maladroite du bâtiment qui a souffert dès l’origine de contraintes budgétaires et qui a plusieurs fois été transformé au fil du temps, une nouvelle écriture se juxtapose. Convaincus qu’à terme, conserver les stigmates des transformations successives allaient à l’encontre de la performance d’usage, nous accompagnons les besoins d’un hôtel qui instaure pleinement son attachement à la dimension paysagère, à l’art, sans renier ses origines patrimoniales.
INFRASTRUCTURE
LA MATRICE
Lezennes
Programme Maître d’ouvrage Entreprise mandataire
Architecte Paysagiste
BET Structure et Façade
BET VRD
BET environnement
BET structure béton
BET structure bois
SDP
Coût
Etat
Livraison 2025 -1-
Hôtel Logistique Urbain La Poste Immobilier GSE
Architectures Anne Démians
SLAP Paysage
VP & Green
Odissee TERAO SPIC
VIMEN
18 000 m²
27 M€ HT
GEDYMIN AND JAGELLON STATION
Vilnius (Lituanie)
Programme Maître d’ouvrage
Architecte
BET Structure et Façade
BET Environnement
SDP
Coût
Etat
Infrastructure de transport VILNIUS CONNECT
Architectures Anne Démians
VP & Green
OTEIS
NC NC 5ème
LA MATRICE, LEZENNES
CONSTRUCTION NEUVE D’UN HÔTEL LOGISTIQUEU URBAIN
Ce projet se situe dans la Zone d’Activités du Hellu à Lezennes, à proximité immédiate de Lille, sur le terrain d’un ancien centre de tri postal libéré progressivement de ses activités depuis 2009. La parcelle de 5 hectares disponible offre un potentiel de reconversion important, dans un secteur bénéficiant d’une politique de redynamisation urbaine portée par la Métropole Européenne de Lille (MEL).
L’un des enjeux forts du projet est de réaliser un bâtiment emblématique et adapté à la transformation des activités du Groupe La Poste, mais aussi et de contribuer à terme à désenclaver le quartier avec la création d’une nouvelle voie au cœur de la parcelle. Cet hôtel industriel abritera une activité logistique de 12 000 m² au sol environ, ainsi que des cellules d’activité en étage sur environ 6 000 m² (12 cellules de 500 m²). Il intégrera du stationnement accessible par des véhicules de 12 tonnes. Au terme des travaux, les espaces pourront s’ouvrir à des activités postales ou des entités externes.
La « matrice » est l’unité de base de 16 mètres de large, duplicable 12 fois dans ce projet. Elle est pensée pour accompagner la réversibilité des usages afin d’installer le bâtiment dans la durée. La superposition des fonctions permet d’anticiper l’évolutivité du bâtiment et de libérer de l’espace au sol, pour laisser la part belle à la revégétalisation du site et à d’autres programmes le cas échéant. L’organisation urbaine et la compacité du projet permettent ainsi de dégager 15% d’espace végétalisé en pleine terre, soit plus de 5 100 m², favorisant le retour de la biodiversité avec la plantation d’espèces végétales locales.
La cohérence architecturale est caractérisée par un rythme vertical, cinétique, en aluminium recyclé, qui contribuera à la régulation des apports de lumière et de chaleur. La structure est mixte, en béton et bois. Ce projet a également été retenu pour ses qualités fonctionnelles et d’optimisation dans la gestion des flux notamment.
La Matrice s’inscrit dans la politique de la démarche Zéro Artificialisation Nette (ZAN) et de limitation de l’étalement urbain. Cette plateforme, véritable signal urbain et architectural entouré de paysage, rompt avec les codes classiques de ce type d’équipements. A sa livraison en 2025, elle s’imposera comme une vitrine de la reconversion des friches industrielles, en faveur de l’écologie, de la ville décarbonée et du dynamisme territorial.
tion in winter.
Very high-performance monocrystalline silicon PV cells are integrated into anti-reflective glass tubes 20cm in diameter, integrated into the 16m high load-bearing structures protruding from the roof. LED ribbons are integrated into the glass tubes and will be the signal of the city: again «to give light», this time to the inhabitants of the city.
The project is equipped with 130 poles which each structure 20 glass tubes equipped with monocrystalline silicon PV cells. By integrating the
LANTERN
ARRIVALS
GEDYMIN AND JAGELLON STATION, VILNIUS (LITUANIE)
CONSTRUCTION NEUVE D’UNE INFRASTRUCTURE DE TRANSPORT
Quatre plans successifs et visibles composent l’ensemble du projet.
Le premier, le plus haut, est issu du dessin de la géométrie de la toiture plate de la gare. Aux 130 colonnes qui la portent sont rattachées 130 œuvres verticales composées de dispositifs thermiques et lumineux, s’appuyant, tous les deux, sur des technologies actuelles dont les performances sont vérifiées. Les ouvrages sont édifiés avec grande régularité sur des plans carrés. Ils sont construits avec de hauts tubes qui font office de capteurs thermiques sensibles au soleil et d’autres tubes tout aussi élancés qui diffusent de la lumière sur l’entièreté du site. Les tubes du premier registre (climat) alternant avec ceux du second registre (lumière) , c’est alternativement que l’énergie se manifeste au droit de l’immense champs des œuvres verticales, entrant ou sortant du champ des performances.
Le deuxième, intermédiaire et continu, se situe en balcon sur les voies. Un viaduc, où déambuler deviendrait une activité prisée. Une sorte de rue haute qui relierait, entre elles, les deux parties d’une ville que des voies ferroviaires ont trop longtemps séparées. L’esplanade est urbaine et vivante, culturelle et commerciale. Elle met en connexion deux altimétries de la même ville et surplombe les voies ferrées et les avant-toits qui recouvrent les quais des voyageurs. On s’y promène ou, retardé, on s’empresse de la traverser. On la désigne comme lieu de rendez-vous. On lui accorde le rang de belvédère sur un horizon d’acier, de ballaste et de bois.
Le troisième est celui de la représentativité de la gare, des quais abrités et des trains au départ ou à l’arrivée, celui des chefs de gare et des voyageurs du quai numéro 1. C’est le plan du parvis de l’ancienne et de la nouvelle gare. La référence absolue des altimétries de la nouvelle gare de Vilnius.
Le quatrième, le plus bas et le plus fonctionnel du point de vue du trafic des voyageurs, est celui des arrivées et des départs des voyageurs. D’accès direct depuis le parvis haut sur lequel s’ancre l’ancienne gare, il bénéficie d’une différence d’altimétrie significative entre le point bas de la Place actuelle et le parvis haut de la gare pour se constituer un accès de plain-pied et indépendant du plan supérieur, depuis l’espace public. La différence d’altitude des plans de référence dégage suffisamment de hauteur pour que se glisse transversalement, entre eux, la voie de desserte des voitures, des taxis et des autobus.
Les Bains de Nancy, Materia Nebulae Edition
Rêver-civilité, La réversibilité des bâtiments pour une ville décarbonée, Le Moniteur
L’architecture d’une confidence, Auteuil, 201 logements, par Anne Démians et Finn Geipel, architectes
Les Black Swans
Embarquement immédiat
Les Dunes, Hors-série A’A’, l’Arcihtecture d’Aujourd’hui
Quai Ouest
Rezo, à vitesse zéro
Marcelle sur une parallèle, Salins de Giraud & Val-de-Fontenay
La Poste neuve du Louvre, 1888-2012
CCXX, le réacteur culinaire
Antoine sur une ligne de myrrhe
Cache-cache, ou fées et gestes d’Acajou
REMERCIEMENTS
Dans le cinéma, le réalisateur d’un film est nommé par une société de production qui accepte de produire un film. Le réalisateur, ainsi appelé, assure la responsabilité d’ensemble de la création artistique du film. C’est lui qui, à l’instar de l’architecte, a l’idée générale du projet. Très souvent, le réalisateur a un style et un univers spécifiques. Ces éléments sont mis au service du film et portés, tout au long du tournage, par des hommes et des femmes dont l’énergie et la disponibilité font la réussite (ou pas) de l’œuvre définitive. Ils sont directeur de production, scripte, régisseur, chef opérateur, photographe de plateau, opérateur images ou ingénieur du son, perchman, chef-décorateur, ensemblier, accessoiriste, costumier, monteur son, mixeur, étalonneur, projectionniste, machinistes, parfois même cascadeur.
Dans l’architecture, et dans des circonstances favorables, c’est à peu près pareil. L’architecte, missionné pour réaliser l’ouvrage qu’il a formalisé, petit à petit, au cours de ses études, s’entoure de toutes les disciplines qui conduisent son scénario vers une réalité lisible et préhensible. Il s’attache les services d’ingénieurs, d’acousticiens, d’économistes, de designers, de graphistes pour parfaire son œuvre, mais ce sont d’abord et surtout ses architectes qui font le succès ou l’échec de l’opération. Car si les premiers s’affairent, avec fermeté et talent, dans une spécialité, les architectes, eux, sont présents depuis l’esquisse jusqu’au retrait des derniers engins de nettoyage sur site. Gardiens du temple, ils passent leur temps à assurer la synthèse des ouvrages, à considérer que rien ne s’échappe du cadre fixé par le script, à provoquer des situations favorables, à défier souvent la tentation de la nonchalance, à dispenser copieusement l’efficacité de leurs intuitions ou à énoncer tous les registres d’une perception personnelle de l’espace qu’un simple plan ne peut jamais donner.
Ce sont Jack Weinand, Alain Sabounjian, Marielle Kremp, Maïté Casas, David Dahan, Julien Michaud, Typhaine Blanchet, Susanna Moreno, Julia Ben Sadoun, Igor Sanchez, Georges Daou, Minsu Lee, Coline Jacquet, Sacha Grabowski, Caterina Parodi, Rachid Hentour, Thomas Gaborieau, Ariane Merle D’aubigné, Mathieu Rouveix, Charles Hortefeux, Martin Mercier, Malik Darmayan, Francesco Girardi, Juliette Mesnage, Antoine Leriche, Justin Meuleman, Déborah Cohen, Mathias Friedmann, Luca Muratorio, Julien Syras, Arnaud Sanson, Marcos Garcia Anitua, Irina Lopza, Silvio Evora, Elisabeth Ankou, Ahmed Elrazik, Victor BlondazGérard, Rik Wijgert, Elena Fasser qui auront, sans la moindre économie de temps, ni d’opiniâtreté, déployé leurs talents respectifs sur l’ensemble des projets de l’agence, qu’ils soient en cours d’étude ou livrés. Ils ont, comme des chefs opérateurs, comme des scriptes, comme des monteurs, des producteurs ou des étalonneurs l’auraient fait, encadré les règles de conduite du projet, pour l’emmener avec exactitude et sacrifice jusqu’à l’aboutissement achevé de ses appétits.
Anne Démians
Textes : Anne Démians, Francis Rambert, Michèle Leloup
Conception graphique : Architectures Anne Démians
Crédits images : Architectures Anne Démians
Crédits photographiques : Jean-Pierre Porcher, Laure Vasconi, Martin Argyroglo, Grégory Tachet, Nicolas Thouvenin, David Dahan,