L'ARCHITECTURE D'AUJOURD'HUI
HORS-SÉRIE
PROJECTS
ANNE DÉMIANS LES DUNES
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Avant-propos Foreword
La genèse d’un modèle Un conte russe, contemporain, raconte l’intrigue de L’Ermite et Sixdoigts*. Le premier, un brin solitaire, aguerri par les années. Le second, un tantinet naïf et surtout horriblement marqué par une difformité qui lui vaut son risible surnom. À mesure des chapitres, le lecteur comprendra que les deux protagonistes sont bel et bien plumés. En fait d’humains, il s’agit de deux gallinacés qui, confrontés au monde terrible de l’élevage en batterie, ne rêvent que d’une chose: la liberté. La fable se veut, sur quelques dizaines de pages, la belle métaphore d’une vie actuelle emprunte de productivisme.
Jean-Philippe Hugron
De réminiscences littéraires en souvenirs cinématographiques, il est possible d’aller vers d’autres batteries… plus tertiaires. M. Hulot, par exemple, hébété face à une multitude de cases – des bureaux – abritant, chacune, un employé modèle ou encore, Brazil, ce film de Terry Gilliam où, sur la lancinante musique d’Aquarela do Brasil, des cols blancs se rendent, selon une cadence militaire, à leur dur labeur. Le travail – cette torture, d’un point de vue étymologique – est donc associé à une absence de liberté, à un asservissement contre-productif appelant les plus folles expérimentations : des
poules avec un air de Mozart ? Ecouter mieux pour pondre plus ! Toutes ces tentatives finissent par se frotter à l’ère numérique. Pourquoi donc, dans ce contexte, s’évertuer à concevoir des bureaux ? L’homme reste un animal social et plus la société s’émancipe de contingences matérielles, plus il a besoin d’espaces concrets autorisant la rencontre et l’échange. C’est aujourd’hui le pari de Société Générale. Pour aller de l’avant, il ne fallait ni bureau paysagé, ni bureau cloisonné, pas même un open-space ! Bref, d’un saut dans l’inconnu, sont nées Les Dunes d’Anne Démians, un modèle désormais offert au monde bancaire.
From literary reminiscing to memories from films, we move on to other more tertiary batteries. M. Hulot, for example, dazed by the number of compartments – offices – each housing a model employee, or even Brazil, the film by Terry Gilliam in which white-collar workers walk to a military step as they head off to their hard labour. Work, believed etymologically to be tied with torture, is therefore associated with an absence of freedom, a counter-productive form of enslavement, resulting in the craziest of experiments: chickens on a Mozart tune? Better listening for better production! All
these attempts end up being at odds with the digital era. So, in this context, why strive to design offices? Humans are social animals and the more society frees itself of material contingencies, the more it needs tangible spaces that allow meetings and interaction. Société Générale has made this their commitment. To forge ahead, they had no need for landscaped, partitioned, or even open-plan offices! In short, they have leapt forward into the unknown with Les Dunes, designed by Anne Démians, a model now open to the world of banking.
* L'Ermite et Sixdoigts, Victor Pelevine, Actes Sud, octobre 1997.
English
Emergence of a model A contemporary Russian tale tells the story of Hermit and Six Toes*. The former, a little solitary, hardened by the years. The latter, slightly naïve and horribly scarred by a deformity that gave him his ridiculous nickname. As the chapters progress, the reader understands that the two characters are of a feathered variety. Instead of being human, they are in fact two chickens faced with the dreadful world of battery farming, who dream of one thing only: freedom. The ten-page fable is meant to be a good metaphor of modern life with an emphasis on high productivity. * “Hermit and Six Toes”, from 4 by Pelevin, New Directions (2001)
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Architecte diplômée en 1990, Anne Démians est à la tête de l’agence Architectures Anne Démians, située à Paris. Elle partage son temps entre la conception et la réalisation d’ouvrages de nature et de destinations différentes, ses contributions à des projets théoriques ouvrant sur de nouveaux modèles de construction et d’assemblages fonctionnels, comme à de nouvelles formes de villes et ses participations à différents groupes de recherche sur le développement durable, l’aménagement du territoire et l’innovation. Anne Démians graduated in 1990 and is currently running Architectures Anne Démians office, located in Paris. She shares her time between the design and production of constructions of different types and purposes. Her sustained contributions to theoretical projects are open to new construction models and functional assemblies, as well as new forms of cities. She is involved in various research groups on sustainable development, urban planning and innovation.
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Éditorial Une nouvelle référence
A new benchmark
L’opération des Dunes émerge d’un parcours construit sur une unique obsession : élargir le plus possible les champs d’application de mes réalisations pour qu’elles résultent directement des transformations rapides de notre société. Achevée fin 2016, cette œuvre est construite avec différents partenaires. Ils sont ingénieurs, paysagistes, designers, graphistes et, bien sûr, acteurs en ressources humaines. Les Dunes s’intéressent aux nouveaux espaces du travail et la société du numérique s’invite dans le projet, en même temps que s’y installe la construction fractionnée et interactive des attentes. En effet, le programme et les attentes de Société Générale se sont enrichis au fil de l’avancée des études. L’intérêt que je porte à la fois à l’histoire et à la technique me permet d’aborder la commande avec une toute nouvelle manière de faire, la société de l’instantané et du virtuel ayant inspiré ces valeurs fondatrices du projet et qui ne peuvent être issues que de la demande. À travers le monde, l’économie numérique questionne l’architecture du XXIe siècle et cette opération est certainement une des réponses à cet enjeu : « Quelle architecture pour ce genre nouveau ? » L’architecture des Dunes s’impose comme une nouvelle référence en matière d’espaces et de management, tant sur le plan éthique que sur celui de la représentation. Les économies de moyens et la stratégie mise en place dans les espaces productifs des Dunes marquent définitivement une rupture franche avec les modèles américains en général, et plus particulièrement ceux, plus récents, d’Apple et de Google. Ici l’opérationnel est immédiatement connecté au théorique. La ville mutable, l’environnement et l’énergie, valeurs on ne peut plus théoriques aujourd’hui malgré les incitations à faire, sont prises en compte dans toutes les dimensions de cette opération qui refuse les images trop rapides et vides de sens émises, un peu partout, sur le sujet.
English
Anne Démians
As a project, Les Dunes developed within a narrative built on the sole preoccupation of broadening as much as possible the application fields of my designs, to ensure they are a direct result of the rapid transformations of our society. Completed in late 2016, this work was built with different partners. They were engineers, landscape architects, designers, graphic designers and, of course, human resources people. Les Dunes focused on new workspaces and the project involves digital society. At the same time, fragmented and interactive construction is introduced to match requirements. Both the programme and Société Générale’s needs developed as the studies progressed. My interest in both history and technology enabled me to approach the commission with a completely new method. The instantaneous and virtual nature of society inspired these fundamental founding values of the project, which could not have resulted from the brief. All over the world, the digital economy is questioning 21st-century architecture and this project is certainly one of the ways of meeting the challenge of: “What architecture should we have for this new genre?” Les Dunes’ architecture stands out as a new benchmark in terms of space and management, both on the ethical and representational level. The economy of means and strategy implemented in the productive spaces of Les Dunes definitely mark a clear break with American models in general, and more specifically, the recent ones of Apple and Google. Here the operational is immediately connected to the theoretical. The changing city, the environment and energy, values which couldn’t be more theoretical today, despite encouragement to take action, are taken into consideration in every dimension of this building project, which rejects the quick and meaningless images broadcast almost everywhere on the topic.
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REGARDS CROISÉS
Sommaire
VIEWPOINTS
Table of contents
Un ferment d’urbanité, carte blanche à Jean-Louis Subileau
A catalyst for urban development, carte blanche to Jean-Louis Subileau Une partition architectonique, carte blanche à Ignacio Prego
Architectonic partitioning, carte blanche to Ignacio Prego Entre continuité et variations, carte blanche à Simon d’Hénin
Between continuity and variety, carte blanche to Simon d’Hénin L’ère digitale, matière d’espace, entretien croisé entre Anne Démians et Françoise Mercadal-Delasalles
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Space in the digital era, interview with Anne Démians and Françoise Mercadal-Delasalles
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L E P R O J E T PAYS AG E R T H E L A N D S CA P E P R O J E C T
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LES ENJEUX DU PROJET
Écrin paysager
THE PROJECT’S AMBITIONS Les Dunes, totem tangible à l’ère virtuelle
Les Dunes, a tangible icon in a virtual era Un pari sur l’intelligence collective, entretien avec Frédéric Oudéa
A gamble on collective intelligence, interview with Frédéric Oudéa L’humain augmenté, entretien avec Françoise Mercadal-Delasalles
Greater humanity, interview with Françoise Mercadal-Delasalles
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Landscaped surroundings
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Le paysage or et argent d’une banque, entretien avec Jean-Marie David
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A bank with a gold and silver landscape, interview with Jean-Marie David
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Focus : Un paysage en interaction avec l’architecture
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56-59 PORTFOLIO
Focus: Landscape interacting with architecture
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Flex office et mutabilité Flexible office and mutability
24-31 PORTFOLIO
Interface et échelles
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Interface and scales
02
INTERIOR DESIGN
LE PROJET ARCHITECTURAL THE ARCHITECTURAL PROJECT Matières d’architecture
Architectural material
32 33
La troisième voie, entretien avec Anne Démians
34 39
The third method, interview with Anne Démians Eiffage Construction, par-delà Les Dunes, entretien avec Olivier Berthelot
Eiffage Construction, beyond Les Dunes, interview with Olivier Berthelot
A M É N AG E M E N T I N T É R I E U R Exceptions françaises, harmonie d’ensemble French exceptions, overall harmony
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Les résonances de Christophe Pillet Echoes of Christophe Pillet
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Jeux d’écriture, entretien avec Ruedi Baur Creative writing, interview with Ruedi Baur
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66-69 PORTFOLIO 40 41
Design et numérique Design and digitization
42-49 PORTFOLIO
Revue de détails Details
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Un ferment d’urbanité
Carte blanche
Jean-Louis Subileau
Anne Démians poétise le quotidien, humanise le système productif, subvertit en douceur les contraintes de l’organisation contemporaine du travail. Les Dunes, son « campus tertiaire » à Val-de-Fontenay, le démontre avec élégance.
Quand la forme de la ville alentour est faible, l’architecture, pour exister, doit créer son propre paysage. Quand il n’y a pas de vie dans le contexte urbain, il faut trouver l’urbanité à l’intérieur du programme. Tels sont ici, selon moi, les deux paris gagnés par Anne Démians.
Le monde de l’immobilier nomme « campus », pour les ennoblir, les gros ensembles horizontaux de bureaux prisés par les entreprises pour y rassembler des milliers d’emplois hier exercés dans des tours à la gestion trop onéreuse. Anne Démians a su déjouer les pièges de ce « produit » immobilier. Son campus est l’un des plus digestes que j’aie vus. Un prodige de légèreté par rapport à d’autres réalisations récentes, le campus SFR à la Plaine Saint-Denis, ou le Balardrome à Paris, par exemple, forteresses fermées à la ville qui les entoure.
Le flux des travailleurs et les visiteurs entrent dans le campus de façon très fluide par un bel espace d’accueil transparent ; ils se répartissent sans heurt dans les trois immeubles disposés suivant un plan strict et apaisant, en traversant de beaux jardins qui laissent découvrir les deux niveaux de fonctions collectives : le rez-de-chaussée et un premier sous-sol largement ouvert sur la lumière. Celui-ci s’organise autour d’une large rue desservant des lieux collectifs, restaurants d’entreprise, cafés, salles de coworking, espaces de sports et de jeux. Fluidité là encore, générosité.
Le mérite d’Anne Démians est d’autant plus grand que Les Dunes sont posées dans un lieu dur, anonyme, qui ne répond à aucun plan d’urbanisme apparent, et dans un environnement de médiocres bâtiments de bureaux génériques. Le matin où j’ai visité cette réalisation architecturale de premier ordre, si, au hasard de ma pérégrination, mon attention n’avait été attirée par une architecture singulière à la douce apparence, je n’aurais sans doute trouvé Les Dunes qu’après une bonne demi-heure d’errance, bien qu’elles soient situées à quelques 200 mètres de la gare du RER.
Anne Démians sait rendre vivable, naturelle, apaisée, l’ambiance d’une organisation du travail où doivent désormais coexister l’individualisation des tâches (pas de poste de travail attitré, de simples casiers à l’étage où chacun prend son matériel personnel, avant d’aller s’asseoir à une place libre, connecté à ses chefs et ses collègues grâce à un système de géolocalisation) et le travail collaboratif en espaces partagés. La lumière du jour arrive partout. Les espaces sont légers, silencieux, meublés avec goût, dans un style retenu. On peut sortir sur le balcon revêtu de bois.
Je sais qu’Anne Démians, lorsqu’elle a conçu cet ensemble, a pensé les généreux espaces d’équipement et de déambulation pour qu’ils soient ouverts sur la ville et à ses habitants. Délicat et poreux, son campus n’est pas mutique ; il laisse apercevoir la vie collective depuis l’extérieur. Cependant il reste introverti et fermé par des grilles à son environnement. Un jour peut-être, je le souhaite, la société redeviendra plus paisible, moins obsédée par le tout sécuritaire. Alors toute la vertu du concept d’Anne Démians, aujourd’hui bridée, pourra se révéler. Les Dunes deviendront un ferment d’urbanité le jour où le centre d’importance métropolitaine qui s’édifie à Val-de-Fontenay sera enfin doté du grand plan d’urbanisme qu’il mérite. Grand Prix de l’Urbanisme 2001, Jean-Louis Subileau a notamment dirigé, de 1982 à 1986, la Mission de coordination des grandes opérations d’architecture et d’urbanisme de l’État et, à partir de 1998, il a assuré la maîtrise d’ouvrage de grandes opérations d’aménagement comme celle d’Euralille (1998-2010). Il crée Une Fabrique de la Ville en 2008, une structure qui accompagne les maîtres d’ouvrage publics ou privés dans le développement de grands projets territoriaux et dans le montage de projets urbains complexes.
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Anne Démians brings poetry to everyday life, humanizes the productive system, gently undermines the constraints of contemporary work organization. Les Dunes, her “tertiary campus” in Val-deFontenay (East of Paris), is an elegant demonstration of this. The property world uses the word “campus” to ennoble the large horizontal office complexes valued by companies as locations for thousands of employees, previously grouped in towers whose management was too costly. Anne Démians eluded the traps of this real-estate “product”. Her campus is one of the most palatable I have seen. It is lighter than other recent designs, such as the SFR campus in Plaine Saint-Denis, or the Balardrome in Paris; fortresses shut off from the city surrounding them. Anne Démians’ achievement is all the more impressive in that the setting for Les Dunes is a hard, anonymous site that has no apparent urban development plan, and is situated in an environment of mediocre generic office buildings. The morning I visited this first-rate architectural design, if, by chance, my attention had not been drawn by a remarkably pleasant-looking structure as I wandered around, I would probably only have found Les Dunes after an hour of walking, despite it being located just 200 metres from the RER railway station.
When the surrounding suburb’s shape is weak, architecture must create its own landscape to exist. When there is no life in the urban context, urban life should be sought within the programme. Here, Anne Démians has succeeded on both counts. A very smooth flow of workers and visitors enters the campus by a clear reception area; and spreads effortlessly among the three buildings arranged to a strict yet relaxing plan, crossing beautiful gardens, from which you can see the two levels of shared functions: the ground floor and the first underground level open to natural light. This is centred on a large street serving the collective areas, company restaurants, cafés, co-working rooms, sports and games areas. Again there is great flow and generosity. Anne Démians knows how to make the atmosphere liveable, natural, and restful, with a work organization in which individual tasks (no appointed workstation, plain lockers upstairs, from which the staff take their personal equipment before sitting down in a free area, connected to their bosses and colleagues via a geopositioning system) must now coexist with collaborative work in the shared spaces. Natural light penetrates everywhere. The spaces are bright, silent, and furnished with taste in a restrained style. You can go out on the timber-clad balcony.
I know that when Anne Démians designed this complex, she imagined generous facilities and walking areas, to open it up to the city and its inhabitants. Her campus is sensitive and porous, but does not stand mute; it gives a glimpse of collective life from the outside. However, it remains inward-looking and closed off from its surroundings by fences. One day, I hope, society will become more peaceful and less obsessed with making everything secure. Only then will the full virtue of Anne Démians’ currently contained concept be revealed. Les Dunes will become a catalyst for development the day that the major metropolitan centre being built at Val-de-Fontenay is finally given the large urban development plan it deserves. Grand Prix de l’Urbanisme 2001, Jean-Louis Subileau led the Mission de coordination des grandes opérations d’architecture et d’urbanisme de l’État from 1982 to 1986, and, from 1998, managed large development projects such as Euralille (1998-2010). He created Une Fabrique de la Ville in 2008, an organization assisting public and private clients in the development of large regional projects and setting-up complex urban projects.
Carte blanche
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A catalyst for urban development
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Une partition architectonique
Ignacio Prego
A l’approche des Dunes, la première sensation est celle de l’évidence. Évidence dans la manière dont les volumes ont pris place dans la ville mais aussi, et surtout, évidence dans la manière dont les personnes circulent avec fluidité vers et dans ce nouveau lieu de vie. Dans le parti de composition volumétrique, l’alternance des pleins et des vides est presque équivalente, et tisse ainsi un rapport de perméabilité simple, direct et dynamique avec son environnement. Ce nouveau campus tertiaire ne se présente pas comme une forteresse dominatrice repliée sur elle-même, mais au contraire comme l’installation d’un dispositif relationnel, ouvert et bienveillant.
Carte blanche
La singularité des silhouettes courbes, le jeu des transparences visuelles, la profondeur des enveloppes dédoublées, le rythme des écritures, le choix des matériaux, tous les éléments de la syntaxe architecturale convergent vers une cohérence globale qui se décline depuis la posture urbaine jusqu’au détail constructif. Avant toute chose, le principe structurel, noyaux/façades, transforme ici la contrainte en un potentiel de flexibilité total. On est également frappé par l’impression d’une forme de retenue, d’une maîtrise raisonnée de la partition architectonique. En contrepoint avec l’ampleur du dispositif, la réduction essentialiste du nombre de matériaux et des modes d’assemblage, la modularité assumée apportent une sérénité globale qui
participe d’une perception apaisée et qualitative de cette très forte densité. Et sans doute dans cette recherche s’inscrit la légère inclinaison des façades dont on comprend qu’il s’agit bel et bien d’une stratégie perceptive primordiale pour ce projet qui qualifie les espaces en creux en les ouvrant sur le ciel autant qu’elle atténue les rapports de frontalité qu’on aurait pu subir dans cette organisation parallèle. En fait, on se sent transporté vers un véritable lieu qu’on ne saurait trop situer dans l’espace et le temps. Personnellement, j’ai eu une sensation quelque peu japonaise. Est-ce la présence du lattis bois, des patios végétaux en creux, du graphisme général des percements et des sérigraphies, ou le côté quelque peu futuriste de ces façades d’une grande finesse technique ? Je ne saurais le dire mais c’est peut-être aussi le nivellement général de la rue extérieure qui donne ce sentiment de belvédère urbain, d’espace suspendu. Malgré les évolutions parfois difficiles de nos modes de production, toujours plus rapides et morcelés, ce projet démontre la capacité toujours renouvelée de l’architecture à innover autant qu’à transmettre son potentiel d’évocation. C’est aussi une affirmation, à l’ère de la dématérialisation numérique, du besoin fondamental d’espaces réels pour que les hommes et les femmes puissent s’approprier leur manière de réinventer le présent. La réponse architecturale à cette évolution trouve son expression dans le traitement
des espaces de travail mais aussi dans celui des lieux aussi informels qu’essentiels offerts à la convivialité, la détente ou la restauration. Pour ce faire, un espace intérieur de dimension très urbaine réinterprète le thème du passage ou de la galerie couverte, y compris dans sa dimension commerciale, pour rassembler, additionner tous ces petits moments personnels dans une fusion collective presque monumentale. Cette séquence communautaire se pose en contrepoint des espaces situés en étage, organisés de part et d’autre d’une colonne vertébrale technique, selon des principes de forte flexibilité dont l’objectif vise à redéfinir les configurations quotidiennes selon la nature même des projets. Et c’est bien ici que se situe l’enjeu majeur : face à la révolution numérique, et la disparition spatiale que cette dématérialisation porte en elle, quelles sont les valeurs que l’architecture est encore en mesure d’offrir et défendre pour résister à sa propre disparition ? Associé avec Jean Bocabeille de l’agence [BP] Architectures de 1999 à 2011, Ignacio Prego fonde alors l’agence Ignacio Prego Architectures (IPA) avec Rémi Souleau et Benoît Meriac. Ils y développent des projets variés, avec une prédilection pour les opérations mixtes aux enjeux programmatiques complexes demandant une approche rigoureuse et pragmatique.
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As you approach Les Dunes you realize how natural it feels. The volumes fit seamlessly into the city, and there is a natural flow of people in and around this new living space. In the volumetric composition, there is a similar alternation of full and empty spaces. This creates a simple, straightforward, active relationship with the environment. This new tertiary campus is neither inwardlooking nor a domineering fortress. On the contrary, it is open and generous as a relational installation. The originality of the undulating lines, the grading of visual transparency, the depth of the double skins, the rhythm of the narrative, the choice of materials, all the elements of this architectural syntax converge to form a coherent whole that varies from urban posture to constructive detail. The structural principle, with core and façades, turns structural constraints into the potential of complete flexibility. You are struck by the impression of a form of restraint and well-thought out control of the architectonic partitioning. In constrast with to the size of the scheme, the essentialist reduction of the quantity of materials and methods of assembly, as well as the avowed modularity, offers complete tranquillity contributing to the calm qualitative perception of this highly dense
group. The slight angle to the façades is probably part of this approach, which we understand to be well and truly crucial to the perceptive strategy of this project, defining sunken spaces by opening them to the sky, and similarly softening the frontal relationships that could have been experienced in this parallel organization. In fact, we feel transported to a real place that is difficult to situate in space and time. Personally, my feeling leans towards a hint of the Japanese. Does this stem from the wood laths, the planted patios in the sunken areas, the general graphic details of the openings and screen printing, or the slightly futurist look of the sensitive yet highly technical façades? I could not say, but perhaps the overall levelling of the street outside is what gives you the feeling of an urban belvedere and of suspended space. Despite the sometimes difficult changes in our increasingly fast and piecemeal production methods, this project demonstrates architecture’s continuing ability to innovate and communicate its suggestive power. In a period of digital dematerialization, it is also a statement of the fundamental need for real spaces that women and men can take possession of in their own way and the need to reinvent the present. This development finds an architectural solution in the handling of work spaces, but is also expressed
through basic informal areas where time can be spent together, relaxing or enjoying food in the restaurant. To achieve this, a highly urban space reinterprets the walkway and indoor arcade, including from a commercial point of view, to bring together and add up all these little personal times to create a collective bond verging on monumental proportions. This community sequence acts as a counterpoint to the spaces located on the upper storeys, organized on either side of a technical backbone, following strong flexibility principles whose goal is to redefine daily configurations in keeping with the nature of the projects. This, of course, is where the key challenge lies: faced with the digital revolution and dematerialization-induced vanishing spaces, what values can architecture still offer and defend in order to counter its own decline? A founding partner with Jean Bocabeille of the [BP] Architectures French practice from 1999 to 2011, Ignacio Prego then founded Ignacio Prego Architecture (IPA) with Rémi Souleau and Benoît Meriac. They develop various projects, with a preference for mixed-use operations with complex programmatic issues requiring a rigorous and pragmatic approach.
Carte blanche
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Architectonic partitioning
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Entre continuité et variations
Simon d’Hénin
Carte blanche
En tailleur dans un fauteuil d’espace collectif, ordinateur sur les genoux, je regarde les images des Dunes et j’écris ces quelques lignes. Mise en abîme ; anticiper les nouvelles formes de l’activité (plutôt que du « travail » ?), c’est aussi explorer un nouveau rapport à l’espace. L’architecture s’inscrit sur une parcelle mais transforme les alentours. Cette symbiose nécessite de concevoir la porosité, l’échange entre l’intérieur et l’extérieur. Ouverts et fermés, les espaces des Dunes évoquent les définitions topologiques d’ensemble qui présentent canoniquement ces caractéristiques ; l’ensemble tout entier, et l’ensemble vide. Le site, les bâtiments, les bureaux, le mobilier, chaque échelle devient un motif en soi, avec cette même question du tout qui se réplique ; espace dans l’espace, dimension fractale. Comme dans l’ensemble de Julia ou d’autres figures mathématiques, la frontière devient alors non lisible, imperceptible au sens premier. La répétition d’un motif détermine bien le pavage du plan, la rationalisation et la trame fine des espaces, 1,35 mètres. Mais ses caractères réversibles et optionnels favorisent la fluidité, le passage, le franchissement. Suis-je plutôt à l’intérieur ou à l’extérieur ? Suis-je partout ou suis-je nulle part ?
Je suis là où mon activité me porte. Le passage en mode projet, en mode agile, propose une nouvelle hiérarchisation des espaces. Nouvelles équipes, nouveaux rythmes, nouvelles contingences, je suis libre d’investir tous les espaces et de les modeler selon mes besoins. Les outils me permettent même de cultiver mon don d’ubiquité numérique. Je m’inscris sur le site tout entier et bien au-delà, je suis actif partout. En contrepartie, mon bureau n’est plus ma seule adresse à l’intérieur du bâtiment, cet ajout marquant à mon identité. Mes habitus de travail personnels superposent une trame informelle à celle de l’organisation et obligent à une déqualification. Des espaces sans usage attitré apparaissent, maillent le plan. Je les habite de quelques instants à quelques heures, les adapte, les transforme, y laisse parfois une trace et les transmets. Appropriation temporaire avant requalification, voire abandon, utilisation non plus étiquetée, mais changeante, j’investis les interstices et le vide. Je suis actif aussi nulle part. Les unités de temps, de lieu et d’action sont modifiées. Je stationne moins, je circule. L’offre globale de services me permet de me projeter dans n’importe quel espace. Bouger, changer, partager. Echanger. Dans
la création, fluidifier est vain s’il ne s’agit que de favoriser le mouvement. Construire de la collaboration, c’est à la fois promouvoir le déplacement, et précipiter la rencontre, proposer une circulation aisée et des espaces de traverse en contrepoint. C’est aussi, paradoxalement, m’assurer personnellement des bases solides qui me permettent de me déployer. Je ne peux être partout et nulle part en même temps. Je suis en équilibre, à la fois ancré et flottant, dans l’espace et dans l’usage. La continuité est une notion mathématique qui, intuitivement, supprime le seuil, le saut, l’écart, mais n’empêche pas la variation, l’obstacle, le grain. J’explore les frontières entre ouvert et fermé, entre intérieur et extérieur, entre plein et vide. Je suis actif en continuité. Titulaire d’un magistère de mathématiques appliquées et diplômé de l’ENSCI-les ateliers, Simon d’Hénin a été, de 2004 à 2006, directeur artistique des entreprises Umae et Ethnik dans le domaine du design équitable. Il a collaboré avec le designer Jean-Marie Massaud de 2006 à 2014. Il est aujourd’hui designer indépendant et enseignant à l’Ecole nationale supérieure de création industrielle (ENSCI) et au Centre Michel Serres pour l’innovation.
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Between continuity and variety
The architecture fits the plot, but transforms the surroundings. This symbiosis requires the ability to imagine porosity and interior and exterior interaction. Both open and closed, Les Dunes’ spaces conjure up the complex’s topological definitions, which canonically present the group as a whole and also empty. With the site, buildings, offices, and furniture, each scale becomes a motive in itself, addressing the “whole” that responds with a space within space, a fractal dimension. As with the Julia set or other mathematical shapes, the boundary becomes unreadable, imperceptible in the strictest sense. The repetition of a motif determines the paving of the plan, the rationalization and the fine layout of the spaces; 1.35 metres. However, its reversible and optional nature favours flow, passages, crossing. Am I inside or outside? Am I everywhere or nowhere? I am in the place that my activity takes me to. The passage from “project” mode to
“agile” mode suggests a new levelling of spaces. New teams, new rhythms, new contingencies, I am free to occupy all the spaces and to adapt them to my needs. The tools even allow me to cultivate my gift of digital ubiquity. I belong in the whole site and well beyond, I am active “everywhere”. In return, my office is not my only “address” inside the building, this addition significant to my identity. My personal working habits superimpose organization on an informal layout and require declassification. Spaces without appointed use appear, meshing the plan together. I occupy them for a few minutes to a few hours, adapt them, and transform them, sometimes leaving something behind and then passing them on. Temporary occupation before reclassification, or even desertion, use no longer labelled, but changing; I occupy the gaps and empty spaces. I am also active “nowhere”. The time, place and action units have been modified. I stay still less, I move about. The provision of general services means I can imagine myself in any space. I can move, change, share and interact. Fluidification is futile in the creation if it only favours movement. Building
collaboration involves both promoting movement and precipitating meetings; offering easy circulation and through spaces as a counterpoint. Paradoxically, it also involves personally ensuring there are sound reasons for my deployment. I cannot be “everywhere” and “nowhere” at the same time. I am balanced, both anchored and floating, in space and use. “Continuity” is a mathematical idea that intuitively eliminates the threshold, jump, and gap, but does not prevent variation, obstacle, or granularity. I explore the boundaries between “open” and “closed”, between “interior” and “exterior”, and between “full” and “empty”. I am “continuously” active. Applied mathematics and ENSCI-les ateliers graduate, Simon d’Hénin was the artistic director of Umae and Ethnik, both working in the fair-trade design field, from 2004 to 2006. He collaborated with designer Jean-Marie Massaud from 2006 to 2014. He is now an independent designer and teacher at the Industrial Design National School (ENSCI) and the Michel Serres Centre for Innovation.
Carte blanche
I am writing these few lines sitting crosslegged in an armchair in the common area, laptop on my knees, looking at pictures of Les Dunes. Mise en abyme: anticipating new forms of activity (rather than “work”?) also explores a new relationship with space.
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L’ère digitale, matière d’espace Jean-Philippe Hugron
De l’anti-campus à la révolution numérique, Anne Démians, architecte, et Françoise Mercadal-Delasalles, directrice des Ressources et de l’Innovation du Groupe Société Générale, abordent, à travers l’exemple des Dunes, la fin d’un modèle vertical. « L’ère digitale induit, d’un point de vue social, l’horizontalité, laquelle implique de travailler de manière flexible. La traduction spatiale de cette nouvelle organisation est l’espace partagé », assurent-elles.
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L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI Comment s’est déroulé le concours des Dunes ? Comment vous, architecte et maître d’ouvrage, avez-vous vécu cette étape du projet ? ANNE DÉMIANS Je n’avais, a priori, aucune chance de gagner. Face à moi, il y avait des équipes internationales renommées. J’étais la petite nouvelle, celle que l’on n’attendait pas mais qui pouvait éventuellement répondre aux idées pionnières de Françoise Mercadal-Delasalles. J’ai donc pris le parti de revendiquer un projet sur-mesure. J’ai souhaité remettre en cause les standards tertiaires d’autant plus que nous n’avions, pour programme, que trois feuilles et que le projet managérial n’était pas encore défini. Voilà qui nous laissait un peu de liberté. Il s’est alors passé quelque chose de rare, lors d’un concours ; j’ai en effet compris plus tard que ma vision architecturale rencontrait les nouvelles visées managériales liées au développement de l’ère du numérique. Ces deux projets se sont finalement enrichis mutuellement. FRANÇOISE MERCADAL-DELASALLES Il faut également replacer ce projet dans un processus plus vaste d’optimisation initié en 2008 par Société Générale. La question des économies s’est dès lors posée avec, pour obsession, le coût de l’immobilier. Pour autant, dès lors que nous lancions un nouveau projet pour rééquilibrer la présence
du Groupe sur le territoire francilien, l’effort de rentabilité ne devait pas donner naissance à une architecture déshumanisée faite de murs rideaux et de façades miroitantes. Par ailleurs, ce projet à Val-de-Fontenay devait accompagner, sinon incarner, la transition numérique du Groupe. Nous avions compris que ce processus était plus vaste encore puisque corrélé à une autre transition, cette fois-ci anthropologique. En effet, avec l’accès à l’information pour tous via le numérique, c’est la distribution du pouvoir qui évolue. Le téléphone que nous tenons dans la main en est, entre autres, l’un des responsables. Il appelle, en tout cas, une remise en question des organisations îlotées et hiérarchiques. La tour de bureaux et ses dérivés, dans ce contexte, se révélaient être l’avatar des frontières et de la verticalité. Val-de-Fontenay, dans son horizontalité, devait porter, dans son essence, la transition numérique. Il fallait que ce projet puisse accompagner ce profond bouleversement dans les relations humaines. AA Face à ces attentes, comment avezvous, Anne Démians, approché le sujet ? AD Il s’agissait tout d’abord d’installer un campus mais Val-de-Fontenay n’est pas Oxford. Il y avait malgré tout la possibilité, à cet endroit, de se référer à ces grands espaces de banlieue et donner corps à un véritable paysage. J’ai donc pensé un rêve pour 5 500 personnes plutôt qu’une vision
architecturale d’un monde comptable. Toutefois, le dessin que je proposais, avant d’être onirique, s’avérait pragmatique. Je suis partie dès le début à la chasse aux mètres carrés inutiles. L’efficacité du projet que je présentais était imparable. D’autant plus que j’avais mis en avant des aspects économiques de prime importance. Parmi eux, l’inefficacité d’un campus et, notamment, le fait qu’il s’agit là d’un immobilier difficilement cessible au prix du marché. Il était alors question de placer les curseurs dans le bon sens. In fine, j’ai fait la promesse d’un « anti-campus ». Voilà qui a sans doute séduit le jury. AA Société Générale n’attendait-elle pas justement un campus ? Quelle est votre vision de cet immobilier tertiaire défendu depuis des années comme le modèle le plus efficace ? FMD Ce bâtiment se devait d’être un creuset, un lieu promettant une plus grande liberté dans l’univers de travail. Il devait être aussi un outil aux dimensions inédites pour une banque qu’un campus n’aurait probablement pas permis. AD Google et Apple ont longtemps servi, en la matière, de modèle. Il semble que ces compagnies ont basculé dans une spirale négative. Leur puissance les amène non plus à innover mais à démontrer leur pouvoir et à faire étalage de leurs richesses. Les Dunes sont à l’inverse de cette position. 13
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Les Dunes sont une exégèse sur les moyens. Elles représentent un projet simple, frugal et vertueux. Il n’y avait besoin, pour être efficace, ni de dépenses somptuaires, encore moins de gesticulation. Ce projet est un réceptacle de vie. Il s’agissait, avant tout, de remettre en cause des habitudes. AA Ce projet, comme vous l’affirmez, porte la transition numérique de la banque. N’y-a-t-il pas une contradiction entre la dématérialisation des données, la virtualisation des relations et la création d’une architecture tangible ? FMD Plus on digitalise, plus on semble virtualiser les relations et plus, dans ce cas, on engendre probablement la confusion. L’ancrage physique, dans ce contexte, n’en est que plus nécessaire et l’architecture joue un rôle d’accompagnement plus important encore. En d’autres termes, la dématérialisation a pour étrange conséquence d’augmenter notre désir, sinon notre besoin d’ancrage physique. L’ère du numérique appelle donc la création de lieux totems à même de fédérer des communautés.
L’ère digitale, matière d’espace
AD J’aime parler de la « physicalité » de la matière. Ce n’est pas là une question de couleur ou de texture. C’est ce qui permet, bien au-delà, à La répétitivité est chacun de pouvoir gage de calme, prendre son essor d’autant plus dans un dans un espace pour contexte périurbain le faire sien. Il nous a fallu en conséquence travailler le confort de l’usager et, surtout, transposer une notion de domesticité à un espace de travail. AA Comment incarner, par l’architecture, cette nouvelle ère digitale ? FMD L’enjeu des Dunes n’était pas de traduire littéralement cette nouvelle ère digitale en arborant ses artefacts. Il nous a paru évident que la technologie devait être, au contraire, systématiquement cachée. Il s’agissait davantage de faire montre d’une hyperflexibilité. AD Quand j’ai présenté le projet lors du concours, j’ai avancé les trois points structurants qui me semblaient majeurs pour la réussite de cette opération : la technologie des fluides, incluse dans les dispositifs constructifs (donc non visible), la lumière
comme cette relation indispensable à l’assimilation du rythme du temps et des saisons, et les correspondances subtiles entre l’intérieur et l’extérieur, sources de tous les réflexes de complicité voulus entre les usagers des Dunes. Les Dunes devaient, en outre, proposer une multiplicité de territoires et d’îlots dessinés à partir de points de vue différents, ancrés dans la culture digitale, afin de satisfaire un impératif de flexibilité passive (parce que statique) et d’interchangeabilité active (parce que dynamique) des activités. AA Qu’implique donc l’ère digitale en termes d’espaces ? FMD L’ère digitale induit d’abord, d’un point de vue social, l’horizontalité, laquelle implique à son tour de travailler de manière flexible. La traduction spatiale de cette nouvelle organisation est l’espace partagé. AA Espaces partagés et banque font-ils bon mariage ? FMD La sécurité a toujours été une préoccupation majeure des banques, qui à l’ère digitale prend une nouvelle dimension : la sécurité des données. Néanmoins, si autrefois nous pouvions montrer dans nos installations, voire dans nos architectures, une forme d’enfermement sur nous-mêmes, l’hypermobilité contemporaine se traduit à la fois dans les méthodes, les espaces et les relations de travail. Pour le formuler autrement, il serait inenvisageable d’ériger aujourd’hui des barrières au sein même d’une banque. Au contraire, pour que la flexibilité opère, il faut promouvoir le partage d’information, d’expérience et d’idées dans des espaces propices à la co-création. AA Comment avez-vous, in fine, porté ce projet ? FMD La révolution numérique transforme les codes du savoir et du pouvoir. En règle générale, un programme immobilier d’une telle ampleur appelle bien des consensus qui, à mesure du temps, peuvent appauvrir l’ambition d’origine. Ici, nous avons été plus loin et avons dépassé nos objectifs. Il y a avait, outre l’enjeu géographique d’un déplacement vers l’est, celui de proposer plus de mobilité et de collaboratif à nos équipes. Une méthode projet particulièrement innovante a permis d’enrichir ce lieu pour en faire un lieu de vie, d’échanges à la main des collaborateurs.
AA En quoi l’ère digitale consiste-t-elle ? FMD L’ère digitale permet la mise en commun des idées. De l’intelligence collective naît quelque chose de plus grand. Aussi, nous avons mis en place un comité de pilotage horizontal réunissant les équipes de l’immobilier, des ressources humaines, de la communication, et un comité des utilisateurs. Ensemble, nous formions une véritable communauté qui a inventé ce lieu jusqu’à son nom : Les Dunes. Il est le fruit d’une « co-création », d’un concours auprès de l’ensemble des collaborateurs du groupe. Tout le monde utilise ce nom depuis, y compris à l’étranger ! AD Effectivement, à aucun moment, aucun d’entre nous ne s’est montré directif dans l’assemblage des paramètres du projet. L’intention était bien de libérer les idées et la parole afin de faire vivre les certitudes comme les doutes. La base même du projet le permettant. AA Ce projet n’était-il pas, au départ, une prise de risque ? AD J’aurais dû être censurée dès le concours, notamment pour l’esthétique que j’ai proposée. L’efficacité de mes plans autant que le grand nombre d’espaces ouverts et filants ont interrogé. L’expression sobre se fondait quant à elle sur l’alignement et la répétition. Il y avait donc dans l’état embryonnaire du projet des éléments d’appel à la reconquête d’espaces indéterminés, que le commanditaire a perçus immédiatement. La proposition ne relevait ainsi pas de tracés fonctionnels habituels, mais suggérait davantage la mise à disposition d’espaces. Il y avait donc un danger, à mon sens, à proposer un système répétitif car il pouvait sembler monotone. À mes yeux, la répétitivité est gage de calme, d’autant plus dans un contexte périurbain où la ville peut se montrer bavarde et parfois même vulgaire. FMD C’est aussi l’audace d’une institution ! Nous avons réussi à faire évoluer un projet pour nous l’approprier complètement. Nous voulions mettre en exergue la vitalité du corps social de Société Générale et Les Dunes sont, in fine, un espace dédié à l’intelligence collective.
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Space in the digital era
L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI How did the Les Dunes competition unfold? How did this stage of the project pan out for the architect and the client? ANNE DÉMIANS In principle, I had no
chance of winning. I was up against internationally renowned teams. I was the new girl, the one no one was expecting, but who might be able to respond to the pioneering ideas of Françoise MercadalDelasalles. So I chose to advocate a customized project. I wanted to question tertiary standards, especially since we only had a three-sheet brief and since the management of the project had not yet been defined. This left us a little freedom. Then something quite unusual happened in a competition; I understood much later that my architectural vision met with the new managerial aims linked to development in the digital era. In the end, the two projects were mutually enriching. FRANÇOISE MERCADAL-DELASALLES
You also need to resituate this project in the much broader context of the optimisa-
From anti-campus to digital revolution, architect Anne Démians and Group Head of Corporate Resources and Innovation at Société Générale Françoise Mercadal-Delasalles consider the end of the vertical model in the example of Les Dunes. “From a social point of view, the digital era leads to horizontality and this implies working in a flexible manner. The spatial interpretation of this new organisation is shared space“, they say.
tion process initiated in 2008 by Société Générale. The question of economies was raised, with an obsession with the cost of real estate. Consequently, when we launched a new project to balance out our locations in the region of Paris, we had no intention of seeing the effort to improve profitability result in a dehumanised architectural structure made of curtain walls and mirror façades. Moreover, this project in Val-de-Fontenay aimed to facilitate, if not embody, the group’s digital transition. We understood that this process was even greater, since it correlated with another transition, this time anthropological. With everyone able to access digital information, power distribution had to develop. The smartphone we all carry is one of the reasons for this. In any case, we needed to question hierarchical and insular organizations. The office tower and its by-products turned out to be the manifestation of restrictions and verticality. In essence, in its horizontality, Val-de-Fontenay needed to focus on digital transition. The project
had to support this profound change in human relationships. AA Anne Démians, in the face of these expectations, how did you approach the subject? AD Initially, we needed to create a campus,
but Val-de-Fontenay is not Oxford. Despite this, we were able to refer to these large outlying spaces to create a real landscape. So, I imagined a dream location for 5,500 people, rather than an architectural vision of a world of finance. However, the drawing I proposed turned out to be more pragmatic than dreamlike. Right from the start, I looked to eliminate pointless spaces. The efficiency of the project I was presenting was implacable. Especially since I highlighted all the economic aspects of major importance. Among them was the inefficiency of the campus and, in particular, the fact that this real estate would be difficult to transfer at market price. It was about setting things straight. In the end, I promised an “anti-campus”. That is probably what appealed to the jury.
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AA Did Société Générale not expect a campus? What is your vision of this service sector real estate, defended for years as the most efficient model? FMD This building had to be a melting
pot, a place promising greater freedom in the working world. It also had to offer the bank new dimensions that a campus would probably not have permitted.
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AD Google and Apple have long served
as models in this area. However, it would appear that these companies are on a downward spiral. Their strength no longer encourages them to innovate, but to illustrate their power and show off their wealth. Les Dunes are quite the opposite. They are a critical interpretation of resources. They represent a simple, frugal and virtuous project. There was no need for extravagant expenses to be efficient, and even less so for gesticulation. This project is a living receptacle. First and foremost, we needed to question habits. AA You say that this project focuses on the bank’s digital transition. Isn’t there a contradiction between the dematerialization of data, the virtualization of customer relationships and the creation of tangible architecture?
FMD The more you digitize, the more
relationships are detached from reality and, in this instance, the more confusion is likely. Our need for a physical anchor becomes greater in this context and architecture plays an important role in achieving this. In other words, dematerialization has the strange consequence of increasing our desire, if not need, for a physical foothold. Therefore, the digital era calls for the creation of iconic landmarks that represent and unite communities. AD I like to refer to the “physicality” of material. This is not a question of colour or texture. It far exceeds this, enabling each person to develop within a space he can make his own. Consequently, we had to work on user comfort and, particularly, adapt the idea of domesticating a workspace. AA How do you embody this new digital era in architecture? FMD The challenge of Les Dunes was not
to literally translate this new digital era by displaying its artefacts. On the contrary, it was obvious to us that technology should be concealed. It was more about demonstrating great flexibility.
AD When I presented the project for the competition, I suggested three structuring points that seemed key to the success of this building project: fluid technology, included in the construction systems (therefore not visible), lighting as an essential relationship to assimilating the rhythm of time and seasons, and the subtle correlation between interior and exterior, from which stem the desired reflexes linked to the closeness of Les Dunes’ users. Furthermore, Les Dunes had to offer a wide choice of areas and islands designed from different viewpoints, anchored in the digital culture, to satisfy the need for passive flexibility (static) and active interchangeability (dynamic) of activities. AA So what does the digital era imply in terms of spaces? FMD From a social point of view, the digital
era leads to horizontality and this implies working in a flexible manner. The spatial interpretation of this new organisation is shared space. AA Do shared spaces and banking mix well? FMD Security has always been our major
concern in banking and this has taken on a new dimension in the digital era: data
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intelligence. In addition, we set up a horizontal steering committee uniting our real estate, human resources, and communications teams, as well as users’ committee. Together, we formed a real community and we invented this site and even its name: Les Dunes. It was a “co-creation”; the fruit of the combined effort of the group’s employees. Since then everyone has used this name, even internationally!
FMD It is also the audacity of an institution! AD It is true that not once did any of us
AA In the end, how did you manage this project? FMD The digital revolution has altered
codes of knowledge and power. As a general rule, such an ambitious building programme requires many forms of consensus, which over time can weaken the original goal. Here, we have taken things much further and well exceeded our objectives. Besides the challenge of the geographic relocation to the East, we also had to offer greater mobility and group work to our teams. A particularly innovative project method enabled us to enhance this site to make it a shared living space accessible to employees. AA What was it? FMD The digital era allows us to share ide-
as. Greater things result from collective
The proposal did not make a survey of the usual functional layouts, but was more about making spaces available. In my opinion, therefore, there is a danger in offering a repetitive system, since it could seem monotonous. In my eyes, repetitiveness guarantees calm, particularly in a peri-urban context in which the city can be excessive and sometimes even vulgar.
prove directive in the bringing of the parameters of the project together. The intention was to allow freedom of ideas and speech to become conscious of certainties as well as doubts. The very foundations of the project enabled this.
We also succeeded in developing a project we could take possession of entirely. We wanted to highlight the vitality of Société Générale’s social body and, in the end, Les Dunes is a space dedicated to collective intelligence.
AA Was there not an element of risk in starting this project? AD I ought to have been censured at the
competition for the aesthetics I proposed. The effectiveness of my plans as well as the great number of open and running spaces raised questions. As for the simple expression, it was based on alignment and repetition. So, in the embryonic stages of the project, there were elements calling for the recovery of indefinite spaces that the commissioner immediately perceived.
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security. However, although in the past we did tend to shut ourselves away in our installations, or in our architectural structures, contemporary hypermobility is expressed in methods, spaces and work relationships. In other words, it would be unthinkable these days to build barriers inside a bank. On the contrary, we must promote the sharing of information, experience and ideas in spaces conducive to co-creation.
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01 Les
enjeux du projet
The project’s ambitions
Jean-Philippe Hugron
Les Dunes, totem tangible à l’ère virtuelle Open-space(s) : anglicisme, voire barbarisme, pour définir une organisation spatiale où des bureaux – généralement regroupés en nombre – ne sont séparés par aucune cloison. Bref, des employés mis en batterie. Que l’un caquette ou que l’autre roucoule, peu importe ! Ce modèle a désormais fait son temps. Aujourd’hui, la révolution numérique amène chacun à recréer une bulle, casque audio sur les oreilles, dans un univers où la nuisance est partagée. En outre, la technologie bouleverse les comportements. Qu’un téléphone soit désigné aujourd’hui comme un « mobile » illustre, à lui seul, ce changement. Plus encore, les relations humaines se sont progressivement virtualisées et les réseaux
sociaux se dessinent à coup de clics. Quel avenir, dans ce contexte, pour une construction, incarnation de ce monde tangible ? « Nous avons, plus que jamais, besoin de lieux totems à même de fédérer toutes les communautés », répond Françoise MercadalDelasalles, directrice des Ressources et de l’Innovation du Groupe Société Générale. Plus qu’une adresse, il fallait donc une architecture à même d’engager le Groupe dans une transformation sociétale sans précédent. Toutefois, lors du concours pour ce nouvel ensemble immobilier à Val-de-Fontenay, le projet managérial n’était pas défini. Il est progressivement né avec Les Dunes pour, in fine, faire corps avec elles. Les trois
immeubles du projet devaient accueillir de nouvelles façons de travailler. Loin des modèles caricaturaux importés directement de la Silicon Valley, il fallait mettre en œuvre le « flex office », l’adapter à un contexte urbain et paysager et, enfin, aux besoins d’une banque. Il n’y avait donc là aucune évidence. Il fallait, à partir d’une page blanche, faire montre d’ambitions mais aussi d’intuition... voire même de provocation. Retour sur les enjeux d’un projet avec ses commanditaires et son architecte.
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English
Les Dunes, a tangible icon in a virtual era Open space is the generic term used to define any floor plan or offices - generally a number of workspaces – that make use of large open spaces eliminating walls or partitions. In short, battery employees, regardless of whether they cluck or chatter. This model has had its day. Today, the digital revolution has resulted in everyone living in their own bubble, isolated from a world of shared noise by headphones. Furthermore, technology has changed behaviour completely. The fact alone that a telephone is now referred to as a “mobile” illustrates this change. Furthermore, human relationships have gradually become virtual and social media are designed in
a few clicks. In this context, what future is there for a construction that embodies this tangible world? “Now more than ever, we need iconic landmarks that represent and unite communities”, says Françoise Mercadal-Delasalles, Group Head of Corporate Resources and Innovation at Société Générale. More than a location, an architectural project was required capable of engaging the Group in an unprecedented societal transformation. However, the managerial project was not defined in the competition for this new property complex in Val-de-Fontenay. It gradually came to light with Les Dunes, ultimately aligning itself to the project.
The three project buildings had to cater to new ways of working. In contrast to some models aping Silicon Valley, a “flexible office” had to be introduced and adapted to an urban and landscape context, as well as the bank’s requirements. There was nothing obvious in this. It required starting from scratch, demonstrating ambition, but also intuition, and even provocation. With its commissioners and architect, we take a closer look at the challenges of the project.
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PART 1 ENJEUX Un pari sur l’intelligence collective
Entretien
Choix par anticipation, Les Dunes sont « la quintessence de notre conception de l’innovation ; un espace totalement dédié à l’intelligence collective », assure Frédéric Oudéa, Directeur général de Société Générale. Ou comment l’architecture porte la transformation d’une banque.
Les enjeux du projet
L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI Quel rôle joue l’architecture pour une banque en ce début de XXIe siècle marqué par la plus grande dématérialisation ? FRÉDÉRIC OUDÉA Avec l’arrivée des nouvelles technologies, les comportements de nos clients ont évolué et notre réseau de banque de détail a entamé un programme de transformation en profondeur qui allie le digital et l’humain pour mieux répondre à leurs besoins. Mais c’est pour l’ensemble des métiers du Groupe que le numérique est une formidable opportunité de réinventer la relation client, en embarquant tous les collaborateurs dans cette transformation. Ainsi, Les Dunes ont été conçues comme un véritable technopôle, incarnation de cette transition numérique et de la place de Société Générale dans l’ère du digital. AA Quels étaient, et sont, les enjeux du projet des Dunes pour Société Générale ? FO Depuis 1995, Société Générale poursuit une stratégie d’implantation consistant à être présente en Ile-de-France sur deux sites principaux : La Défense et Val-de-Fontenay. Le site des Dunes répond au besoin opérationnel de rééquilibrer ces deux sites. Le deuxième enjeu est financier. Ce projet contribue à la rationalisation des frais de fonctionnement de Groupe, de nombreux locaux étant loués à La Défense. Enfin, ce projet très innovant dans son architecture,
mais aussi dans les espaces de travail et les outils digitaux à la disposition des collaborateurs, répond à un enjeu d’attractivité pour satisfaire nos besoins de recrutement et de rétention des meilleurs talents, notamment dans le domaine des technologies de l’information.
les locaux Société Générale qu’à l’extérieur, avec le développement du télétravail et des nouveaux outils. Ce site accueillera aussi dans les prochaines semaines des startups internes et externes sur un plateau de plus de 1 000 m2, pour permettre à nos équipes de s’ouvrir à l’écosystème digital.
AA Dans quelle mesure Les Dunes pouvaient-elles constituer un risque ? FO En décidant d’investir en dépit d’un contexte difficile, nous avons fait le choix de la performance, de la différenciation et d’un esprit pionnier. Le projet immobilier lancé il y a plusieurs années a évolué progressivement vers un projet d’entreprise beaucoup plus large, rejoignant la transformation numérique du Groupe.
AA Quels sont, enfin, les prochains défis immobiliers et architecturaux qui attendent désormais Société Générale ? FO Je citerai notre projet de Londres. 3 000 collaborateurs se retrouveront en 2019 à Canary Wharf. L’ensemble de nos équipes jusque-là dispersées dans la capitale britannique occupera sept des 26 étages du nouvel immeuble en construction du 1, Bank Street. On retrouve dans ce projet les mêmes objectifs de travail collaboratif, de mobilité, pour créer un environnement de travail stimulant et ouvert.
AA Dans quelle mesure ce projet s’adresset-il, plus largement, au monde bancaire ? FO Au-delà du monde bancaire, Les Dunes préfigurent le mode de travail collaboratif de demain. Elles sont véritablement la quintessence de notre conception de l’innovation ; un espace totalement dédié à l’intelligence collective, un environnement stimulant, un carrefour d’open-technologies ouvert sur le monde. Nous allons déployer au sein des Dunes des modes de management plus horizontaux et permettre à chacun de choisir son espace de travail en fonction de ses besoins du moment, aussi bien dans
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EUX DU PROJET A gamble on collective intelligence
Interview
L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI What role does architecture play in a bank that is greatly affected by dematerialization as this 21st century gets underway? FRÉDÉRIC OUDÉA With the advent of
information technology, our customers’ behaviour has changed and our retail banking network has begun to implement far-reaching changes combining digital and human services to better meet their requirements. However, digital services are also a wonderful opportunity to reinvent customer relationships for the whole of the Group, bringing all our employees on board in this transformation. So, Les Dunes were designed as a real technological park, embodying this digital transition and Société Générale’s status in the digital era. AA What were - and are - the challenges of the Dunes project for Société Générale? FO Société Générale has been pursuing
an expansion strategy, in which we will be located on two main sites in Île-deFrance: La Défense and Val-de-Fontenay. Les Dunes site meets the operational requirement of balancing out both sites. The second challenge is financial. This project contributes to the rationalization of the Group’s operational costs, since a large number of La Défense premises
are rented. Lastly, this project is highly innovative in its architecture, as well as the work spaces and digital tools made available to our employees. It meets the challenge of being attractive, which will in turn help us to recruit and keep the most talented employees, particularly in information technology.
with their requirements at a given time, both inside Société Générale premises, and outside with the development of teleworking and new tools. In a few weeks, this site will also cater to internal and external start-ups, with a 1,000 sq metre open space. This will enable our teams to pave the way towards a digital ecosystem.
AA In what respect could Les Dunes be a risky investment? FO By deciding to invest, in spite of a
AA What are the next real-estate and architectural challenges expected by Société Générale? FO I would say our project in London.
difficult context, we have chosen performance, to differentiate our bank and to be pioneering. The real estate project launched a few years ago gradually developed to become a much larger company project, echoing the digital transformation of the Group. AA In what way is this project directed more broadly at the world of banking? FO Beyond the world of banking, Les
Dunes prefigure the collaborative work methods of the future. They are truly the quintessence of our idea of innovation: a space dedicated entirely to collective intelligence, a stimulating environment, a crossroads of open technology with an international outlook. We are going to implement more horizontal management methods in Les Dunes, so that each person can choose their own workspace in line
3,000 employees will work from Canary Wharf in 2019. Our teams have been spread throughout London up until now. They will occupy seven of the 26 storeys of the new building under construction on 1, Bank Street. This project has the same goals of collaborative work, mobility and a more stimulating and open environment.
The project’s ambitions
English
Banking on the future, Les Dunes are “the quintessence of our idea of innovation, a space dedicated entirely to collective intelligence”, says Frédéric Oudéa, Chief Executive Officer of Société Générale. Or how architecture can lead to the transformation of a bank.
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L’humain augmenté Entretien
Les enjeux du projet
Selon Françoise MercadalDelasalles, directrice des Ressources et de l’Innovation du Groupe Société Générale, la stratégie de digitalisation de la banque a pour objectif de « libérer l’intelligence collective », un enjeu incarné par Les Dunes.
L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI Pouvez-vous nous expliquer la stratégie de digitalisation de Société Générale, notamment son origine, son contenu et ses objectifs ? FRANÇOISE MERCADAL-DELASALLES Pour Société Générale, la révolution numérique remet l’humain au centre. Cette révolution fait que l’accès à la connaissance, la mobilité et l’instantanéité refondent nos relations humaines, à la fois pour nos clients et pour nos collaborateurs. Le numérique est une formidable opportunité pour réinventer, intensifier la relation avec nos clients. La multiplication des canaux et la digitalisation augmentent considérablement le nombre de contacts, qui deviennent plus rapides, plus fluides, plus faciles Les Dunes se et plus interactifs. Dans veulent le symbole ce nouveau paradigme, de l’innovation la relation humaine est et de la augmentée du digital et transformation nous nous engageons du Groupe. résolument dans une transformation majeure qui doit nous permettre d’aller plus loin en proposant des services répondant aux attentes de nos clients. La valeur ajoutée de ce couplage de l’humain et du digital sera un facteur de différenciation déterminant. Notre approche consiste à changer la relation à l’intérieur de l’entreprise, en libérant l’intelligence collective, pour mieux servir nos clients, sur le principe de la symétrie des attentions.
AA Société Générale se distingue-t-elle des autres banques en la matière ? Si oui, comment? FMD Depuis plusieurs années, nous avons pris le virage du digital à bras-le-corps et sommes en pleine phase d’accélération dans notre transformation digitale ; elle mobilise toute l’entreprise, dans tous ses métiers et ses géographies. Cette transformation s’appuie sur une stratégie d’innovation ouverte et connectée aux écosystèmes de la créativité numérique du monde entier. Nous avons reçu le 3e prix des Trophées du eCAC40 2016 qui récompensent les grandes entreprises du CAC40 pour leur maturité digitale. Ce classement salue notre transformation en profondeur et place Société Générale à la première place des banques et des institutions financières les plus digitalisées. Nous pensons que c’est en créant les conditions de l’innovation et de l’agilité, en libérant l’intelligence collective, en s’ouvrant à l’extérieur que nous pourrons faire la différence sur les moyens et longs termes. Nous allons poursuivre cette aventure numérique avec humilité, confiance et énergie, au service de nos clients. AA De quelle manière Les Dunes incarnent et portent cette stratégie de digitalisation ? FMD Les Dunes se veulent le symbole de l’innovation et de la transformation du Groupe. Le projet architectural d’Anne Démians, dans son horizontalité, dans sa fluidité, dans la diversité de ses espaces, procure une
atmosphère différente, propice à la mobilité et l’échange mais aussi à la simplicité. L’ensemble immobilier incarne l’ère digitale, c’est-à-dire l’ère de l’humain augmenté. Nous nous sommes inspirés des entreprises les plus innovantes et attractives du marché et nous avons retenu les principes qui correspondaient à notre culture. Ce projet, résolument digital, comprend 14 000 m2 d’espaces collectifs connectés, mixant des équipes « tech » et des métiers, pour créer un terreau technologique, capable de développer les synergies et de faire germer des innovations : data, sécurité, architecture SI… AA Quelles sont les prochaines étapes de ce processus ? FMD Nos équipes ont récemment emménagé dans ce lieu unique et elles se le sont très vite approprié. Nous déployons des modes de management plus horizontaux et cherchons à permettre à chaque collaborateur, au travers du Flexwork, de choisir son espace de travail en fonction de ses besoins du moment, aussi bien dans les locaux Société Générale qu’à l’extérieur, avec le développement du télétravail et des nouveaux outils. Les Dunes accueilleront bientôt des startups internes et externes sur un plateau de plus de 1000 m2, afin de permettre à nos équipes in situ d’échanger avec l’écosystème digital.
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Greater humanity Interview
L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI Could you explain Société Générale’s digital strategy, its origin, content and goals? FRANÇOISE MERCADAL-DELASALLES For Société Générale, the digital revolution refocuses on people. This revolution means that access to knowledge, mobility and instantaneousness are rebuilding human relationships, both for our customers and staff. Digital technology is a wonderful opportunity to reinvent and create a stronger relationship with our customers. Growth in the number of channels and digitization considerably increases the number of contacts, which are much faster, easier and more interactive. In this new paradigm, human relations are supplemented by digital ones and we are resolutely committed to a major transfomation that will enable us to take things a step further by delivering services that meet the expectations of our customers. The added value of linking people with digital technology will be a decisive differentiating factor. Our approach is to change relationships inside the company, by liberating collective intelligence to serve our customers better, based on the principle that if you look after your employees they will look after your customers. AA Can Société Générale be distinguished from other banks in this matter? If so, how? FMD For several years, having followed this direction, we have tackled the question
of digital technology head on and we are currently accelerating our digital transformation; it is mobilising the whole company, in all its professional sectors and geographical locations. This transformation relies strongly on an open innovation strategy connected to digital creativity ecosystems throughout the world. We received third prize in the eCAC40 2016 trophies awarded to large firms of the CAC40 for their digital maturity. This ranking comes in recognition of our in-depth transformation and has earned Société Générale a position as a leader of the most digital banks and financial institutions. We believe that, by creating the conditions for innovation and agility, by liberating collective intelligence and maintaining an international outlook, we can make a difference in the long and medium terms. We are going to continue this digital adventure with humility, confidence and energy, to serve our customers. AA In what way does Les Dunes embody and drive this digital strategy? FMD Les Dunes aims to symbolize the Group’s innovation and transformation. In its horizontality, flow and diversity of spaces, Anne Démians’ architectural project procures a unique atmosphere, favouring mobility and discussion, but also simplicity. All the furniture epitomizes the digital era, that is to say the era of augmented humanity. We took inspiration from the most innovative and attractive companies on the market and we retained the principles that tallied with our
culture. This boldly digital project comprises 14,000 sq metres of connected collective spaces, mixing “tech” teams and banking professions to create a technological breeding ground for interaction, that will drive innovation: data, security, IS architecture, etc. AA What are the next steps in this process? FMD Our teams recently moved into this unique site and they were very quick to take possession of it. We are implementing more horizontal management methods and seeking, through Flexwork, to enable each person to choose their own workspace, in line Les Dunes aims to with their requirements symbolize the Group’s at a given time, both innovation and inside Société Générale transformation. premises, and outside with the development of teleworking and new tools. Soon Les Dunes will cater to internal and external start-ups, with a 1,000 sq metres floor. This will enable our teams on site to interact with a digital ecosystem.
The project’s ambitions
English
According to Françoise Mercadal-Delasalles, Group Head of Corporate Resources and Innovation at Société Générale, the bank’s digital strategy aims “to liberate collective intelligence”, a challenge epitomized by Les Dunes.
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« Les patios : le paysage file dans les perspectives horizontales, s’enfonce dans le creux des jardins où s’épanouissent des végétaux persistants. Autour de ces jardins, des espaces évolutifs et partagés suggèrent de travailler autrement. Intérieurs et extérieurs sont liés. »
En g l i s h “The patios: the landscape extends in horinzontal perspectives, disappears into the sunken garden areas where evergreen plants thrive. Changing shared spaces around theses gardens suggests a different way of working. The interior and exterior are linked.”
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En g l i s h « L’accès au site se résout par un ouvrage autonome ouvert de toute part, grande pergola revêtue de verre et de claustras. Une grande suspension sinusoïdale permet de libérer l’espace de toutes contraintes acoustiques et d’éclairages encombrants et bavards. »
“The entrance to the site is a stand-alone construction open on all sides; a large glass and claustra covered pergola. A great sinusoid suspension relieves the space of any acoustic constraints and unwieldy overstated lighting.”
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En g l i s h “I propose a succession of living sequences: work times, acting spaces, calming gardens and transparency, as well as views from above.”
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« C’est une succession de séquences vivantes que je propose. Des moments de travail, des espaces agissants, des jardins apaisants et des transparences, en contre-plongées ».
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« C’est un bâtiment paysage. Le paysage file dans des percées visuelles horizontales de l’espace à travers des ouvrages formant trois plis et des vallons. Respiration d’une organisation rationnelle et poétique. » En g l i s h
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“It is a landscaped building. The landscape extends horizontally, visually opening up the space through the constructions, forming three folds and valleys. It forms a breathing space in a rational and poetic organization.”
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Le projet architectural
The architectural project
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Jean-Philippe Hugron
Matières d’architecture Trois feuilles tout au plus en guise de programme. Laconisme fortuit ou bien concision comme gage de liberté ? Anne Démians, face à quelques majors de l’architecture rompues à l’exercice du grand complexe tertiaire, n’avait, de surcroît, rien à perdre ; l’audace pouvait donc être de mise. L’enjeu était, après tout, de penser un projet innovant, plus encore, un dessin aussi lyrique que fonctionnel en mesure de préfigurer l’organisation future de Société Générale. À l’heure d’une révolution numérique à même de bouleverser les habitudes, il s’agissait de saisir cette opportunité pour repenser le rôle de l’architecture autant que celui d’une banque. Ce défi, face à la virtualité du monde
informatique mais aussi face à l’abstraction comptable de l’univers bancaire, appelait le développement de nouveaux espaces ainsi que l’appréciation nouvelle du thème de la matérialité d’une construction. Dans ce contexte, Anne Démians aime évoquer « la physicalité de la matière ». À première vue, le néologisme peut paraître redondant. Il n’en est rien. Il s’agit en fait de souligner l’importance, au-delà des aspects techniques et esthétiques, de la matière en tant qu’ancrage dans la réalité car, plus que jamais, il est nécessaire de constituer des repères tangibles. C’est donc l’image d’une architecture enracinée dans son territoire qui a été privilégiée. Une architecture qui, à elle
seule, forme un paysage capable d’étonner et, plus encore, de fédérer une communauté. Quand l’ambition de Société Générale était de porter une intelligence collective, Anne Démians se montrait en mesure d’orchestrer des espaces pouvant accueillir des équipes nombreuses et changeantes à mesure des projets. In fine, il s’agissait de créer une architecture aussi flexible que fluide et d’offrir un « réceptacle de vie ».
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English
Architectural material No more than three sheets by way of a brief. Was this fortuitous brevity or concision offering freedom? Anne Démians had nothing to lose competing with major architects well-experienced in presenting large tertiary complexes, so a bold approach was important. After all, the challenge was to think of an innovative project, and more still, a design as lyrical as it was functional, capable of prefiguring the future organization of Société Générale. In a period of digital revolution that is changing habits completely, we need to seize the opportunity to rethink the part played by architecture, as well as the role of the bank. Faced with the virtual nature of
the computerized world and the financial abstraction of the banking world, the brief called for the development of new spaces as well as a new appraisal of the material aspects of construction. In this context, Anne Démians likes to refer to “the physicality of material”. At first glance, the neologism might appear redundant. However, it is not. In fact it underscores the importance of material, beyond its technical and aesthetic features, as a grounding in reality, since, now more than ever, we need tangible references. So, she favoured the image of architecture with a foothold in its region – architecture that on its own creates a landscape, capable of surprising,
and even federating a community. When Société Générale’s ambition focused on collective intelligence, Anne Démians showed herself capable of organising spaces that could host the various teams that are formed depending on their projects. Ultimately, it was about creating flexible flowing architecture and offering a “living receptacle”.
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La troisième voie
Entretien
Le projet architectural
Après deux ans d’études et trois ans de travaux, Anne Démians livrait, en novembre 2016, le nouveau campus Société Générale à Val-de-Fontenay. Un site accueillant 5 500 personnes dans une configuration de travail qui échappe aux conformismes comme aux tendances.
L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI Entre 2011 et 2016, vous avez dessiné et bâti pour Société Générale pas moins de 130 000 m2 sur un terrain environné d’édifices peu organisés entre eux et sans grande qualité. Pourtant, à l’époque du concours, n’aviez-vous pas répondu à côté de la question, avec un projet que vous dites être « sans queue ni tête » ? ANNE DÉMIANS Bordée d’un côté par le RER et, de l’autre, par la large avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny, la parcelle n’appelait en rien le projet que j’ai proposé. On l’attendait davantage sur un terrain plus traditionnel de cour-jardin, close et plantée, entourée de bâtiments assemblés en angles rentrants et se refermant sur un espace urbain confisqué. Je n’en fis rien et m’en éloignai très vite, en ouvrant complètement l’espace sur ses deux bouts. Ce n’est pas tant un projet « sans queue ni tête » qu’une réalisation sans début, ni fin. En effet, à y regarder de près, ce sont des constructions linéaires, mises les unes à côté des autres et tranchées net quand elles tutoient les limites du terrain, sans autre forme de composition ou de finition. Il y en a trois, en vis-à-vis, qui produisent deux jardins longs. AA Trois bâtiments et un paysage ? AD Non, plutôt un bâtiment-paysage. Dessiné sur mesure pour Société Générale,
le projet de Val-de-Fontenay sort les bâtiments d’une lecture d’îlots. Il est produit comme un vrai paysage, avec des ouvrages formant trois plis et des vallons ensemencés. Un tout. AA Un paysage très géométrique tout de même ? AD Le paysage file dans les perspectives horizontales, s’enfonce dans les creux des jardins qui rejoignent la rue basse et trouve son équilibre dans les respirations qu’on lit à travers les nombreuses vues que produit paradoxalement un dispositif rigide en apparence. La géométrie n’empêche en rien l’organisation poétique des espaces, surtout quand vous avez la chance qu’un talent comme celui de Pascal Cribier vous l’organise. AA Mais ces plis sur le terrain ? Une inspiration divine ? AD Partant de l’idée que le plissement délicat d’une feuille formerait des ondes sinusoïdales d’amplitudes proches, je me mis donc à reformater les reliefs du terrain à partir de trois fréquences sinusoïdales comparables. Les inflexions étaient tendues et étirées vers le haut jusqu’à ce qu‘elles contiennent la totalité des cibles immobilières fixées par le programme. Il n’y a rien de divin là-dedans.
AA Un programme, c’est bien aussi des mètres carrés ? AD J’ai en effet installé près de 77 000 m2 de surfaces libres, émergeant au-dessus du sol, puis 13 000 m2 à l’horizontale et pas moins de 40 000 m2 pour rassembler les stationnements, en occupant, d’un bord à l’autre, la totalité de la surface du terrain. Les édifices émergeants collectionnent les espaces exclusifs pendant que la plateforme inférieure regroupe les espaces partagés. AA Chacun fait donc un peu ce qu’il veut, chez vous ? AD Les gens sont devenus plus autonomes. On pense qu’ils deviennent plus responsables si on propose une plus grande liberté d’action et de décision. Si j’ai pu anticiper la démarche, je me suis contentée, par la suite, de l’accompagner, en diversifiant les lieux d’activités et d’isolement, et de faire en sorte qu’ils soient lisibles et accessibles, sans produire de nuisances. AA À vous entendre, ça semble simple. AD En fait, ce n’est pas aussi élémentaire. Car à bien regarder les espaces situés dans les superstructures, ils ne se présentent pas seulement comme de simples bureaux. On constate que les espaces sont optimisés avec deux fois plus de surface de réunion qu’on en trouve dans les standards habituels. Le flex
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successivement, la variété et le foisonnement des usages. C’est ce qu’il faut comprendre pour appréhender ce lieu transversal.
AA En haut, dans les longs immeubles en forme de nefs, je vois, mais en bas, dans cette immense plateforme, toute plate ? AD D’abord, elle n’est pas toute plate, mais horizontalement constituée à partir de percées visuelles fonctionnelles vertigineuses vers le haut, au droit des escaliers circulaires et du pavillon d’accueil. C’est, en effet, plus bas, sur cette plateforme, de part et d’autre de l’axe est-ouest, que les espaces de travail à plusieurs s’interconnectent, se mutualisent.
AA Mais quel intérêt ? AD Nous sommes, avec un tel dispositif et un tel management des personnes, dans une économie évidente de surfaces et de moyens. Tout cela change les atmosphères et j’ai dû avant tout dessiner une architecture qui réponde davantage à une demande qu’aux configurations fermées d’une offre.
AA C’est donc bien une plateforme d’échanges ? AD Tout s’exerce, ici, plus collectivement que là-haut, dans les étages. La spécificité de base des équipements, des salons et des restaurants, la géométrie que je leur ai dessinée, favorisent, alternativement et
AA Vous utilisez, à ce titre, le terme de chronotopie. Qu’entendez-vous par là ? AD J’emploie souvent, c’est vrai, ce terme de chronotopie pour designer l’économie d’espace que peut produire l’alternance et la succession des usages dans un même lieu, à condition que ce lieu soit construit de telle façon qu’il puisse tout encaisser.
AA Et vous avez trouvé ça toute seule ? AD Le projet l’avait suggéré en son temps (celui du concours). Société Générale, avec Françoise Mercadal-Delasalles, le comprit immédiatement, s’en empara pour le travailler et le configurer à sa main. J’ai intégré une dimension irrationnelle dans le projet, c’est-à-dire que je ne me suis surtout pas appliquée à reproduire ce qui est d’usage dans le milieu immobilier. C’était un projet
en rupture. Françoise Mercadal-Delasalles parle de « dimension disruptive ». Par cela elle veut dire un élément capable, au niveau managérial, de faire changer les habitudes en interne. Cette rupture avec les codes de l’immobilier correspondait à son désir de changer les façons de travailler. AA C’est pour cela qu’on entend dire que cet ensemble serait la transcription la plus aboutie d’une culture numérique du travail ? AD Ce que je sais, et apparait aujourd’hui sur le site, c’est la réussite d’un système horizontal qui va à contrario des immeubles tertiaires, classiques et verticaux, comme les tours. On a parlé de paysage et de transversalités fonctionnelles juste avant. Or, c’est bien cela la configuration du numérique : faciliter les déplacements en pleine visibilité, faire que les regards se croisent et que les esprits suivent, travailler sur des thèmes communs mais en covisibilité afin de rendre les réponses plus efficaces, plus vérifiables. AA Oui, mais où se situe l’architecture dans tout cela ? AD L’architecture des Dunes revisite la notion de campus en la déplaçant vers un espace qui n’est pas banal, là où le rapport entre l’espace et le déplacement signifie véritablement quelque chose. Le paysage
The architectural project
office a tout bousculé. On occupe désormais l’espace qui est libre. L’idée du bureau affecté à un individu se perd et cette disposition est relayée par l’architecture. Les très larges cadrages extérieurs s’apparentent à ceux des équipements contemporains. Il s’agit donc bien là de remettre du confort, de la lumière et de la convivialité dans le travail, de reformater des lieux traditionnellement occupés par des activités individuelles et de favoriser les complicités d’étages. Un brin pas évident, tout de suite.
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produit par les nefs forme une pièce urbaine dont l’unité et la cohérence restent accessibles. Bien que ne pouvant pas s’appréhender d’un seul regard, tellement la pièce est grande, c’est une succession de séquences vivantes que je propose. Des moments de travail, des espaces agissants, des jardins apaisants et des transparences en contre-plongées dans les cathédrales de liaison.
Le projet architectural
AA La géométrie, voire même la répétitivité, est une caractéristique de cette réalisation… AD La répétitivité permet une certaine sobriété, ainsi qu’une réduction des coûts. Mais au-delà de la question du coût, avec la répétitivité on est dans la poésie. C’est quelque chose qui se réfère à la possibilité de hiérarchiser, où un ordonnancement subtil peut s’installer. AA Et cette idée de plisser une feuille pour en faire un projet ? AD Ici, la source est moins émotive. Elle est plus scientifique, plus biologique, plus mathématique, plus fortuite. Plus près de la structure d’une molécule ou d’une sinusoïde que d’une œuvre de Dali, c’est une nouvelle façon de faire qui s’appuie sur un parallèle entre un état normal (la feuille à plat) et sa déformation (le pli). L’observation, satisfaisante ou pas, du résultat, faisant le reste.
AA Une sinusoïde en bois, n’est-ce pas une forme nouvelle assortie d’un effet de mode ? AD Vous évoquez le bois. Comprenez donc que, comme un paysage qui se découvre, vallon après vallon, colline après colline, Les Dunes forment un paysage ondoyant et réglé. La vigueur du dessin du sol fait pousser les arbres. L’idée d’utiliser le bois vient de là et non des obligations vertes qu’on nous oppose à longueur de temps comme s’il s’agissait de sauver la planète à chaque coin de rue. L’essentiel pour cela est ailleurs. AA Oui, mais le bois était-il indispensable ? AD Le bois, ici, est un élément qui structure le projet et construit son image. Considéré comme la matière générique des immeubles, il s’étire jusqu’au dernier lacet du campus, tisse le lien entre les jardins bas et les jardins hauts, le sol minéral et les façades. C’est sa matérialité qui illustre tout ce que nous avons dit avant, à propos des nouvelles manières d’entrevoir le travail de demain. Il suggère le rapprochement plus que tout autre matériau.
à droite ou à gauche n’ont pas plus de résistance au temps et au carbone qu’une planchette de cagette de légumes. A Val-deFontenay, ce qui est posé, c’est autre chose. AA Mais c’est bien du bois ? AD Oui, mais c’est un bois de synthèse, reconstitué à partir d’une pâte épaisse, issue de bois ayant déjà eu une première vie. C’est une matière nouvelle pour nous, mais qu’on utilise au Japon depuis plus de trente ans. Elle se broie industriellement et se reforme à partir d’une substance collante ne montrant aucune trace de pétrole. Montée enfin autour d’un profil en aluminium extrudé, micro rayé, pour créer l’adhérence entre l’un et l’autre, elle m’a permis de travailler sur des portées se situant entre 4 et 7 mètres, sans que j’ai eu besoin de points intermédiaires. C’est dire la résistance du matériau à la déformation et au temps. On peut donc parler, ici et sans autre forme d’écologie recyclée, de produit recyclé recyclable.
AA Mais ce bois, à vous écouter, ce n’est pas vraiment du bois ? AD L’important dans cette affaire est d’éviter de tomber dans les discours opportunistes sur la nécessité de construire en bois pour se montrer responsable. Les bois utilisés
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The third method
Interview
L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI Between 2011 and 2016, you designed and built no less than 130,000 sq metres for Société Générale, on a plot of land surrounded by poorly organised buildings of little quality. Yet, at the time of the competition, did you not sidestep the question with a project that you referred to as “having neither head nor tail”? ANNE DÉMIANS Lined on one side by the
Custom-designed for Société Generale, the Val-de-Fontenay project avoids reading the buildings as an urban block. It is produced like a real landscape, with constructions forming three folds and planted valleys. It creates a whole.
RER and on the other by the large Avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny, the plot did not call for the project that I suggested in any way. You would have expected a more traditional enclosed and planted courtyard and garden plot surrounded by buildings assembled with a re-entrant angle on a repossessed urban space. I made no case of this and distanced myself very quickly, opening the space completely at either end. It is not so much a project “having neither head nor tail”, but a creation without a beginning or an end. If you look closely, we have linear constructions placed sideby-side, cut clean when they approach the edges of the plot, without any other form of composition or finish. There are three of them, facing each other, producing two long gardens.
perspectives, disappears into the sunken garden areas that meet the lower street and are balanced out in the open areas that can be read through the many views produced paradoxically by an apparently rigid arrangement. The geometry in no way prevents the poetic organisation of spaces, particularly when you are lucky enough to have someone as talented as Pascal Cribier to organise it.
AA Three buildings and a landscape? AD No, more a landscaped building.
AA All the same it is a very geometrical landscape, isn’t it? AD Landscape extends in horizontal
AA What about the folds on the land? Was this divine inspiration? AD Beginning with the idea that the
delicate fold of a leaf creates sinusoid waves of similar ranges, I therefore began to re-format the plot’s contours using three comparable sinusoidal frequencies. The modulations were stretched and drawn upwards until they contained all the property development targets set out in the programme. There’s nothing divine in this.
AA Isn’t a programme also about square metres? AD It is true that I established nearly 77,000
sq metres of open areas, emerging above the ground, then 13,000 sq metres of horizontal space and no less than 40,000 sq metres in all in parking lots, by occupying the whole of the plot’s area from one end to the other. The emerging buildings bring together the exclusive spaces, while the lower platform unites shared spaces. AA So with you, everyone does a little of what they want? AD People have become more self-
sufficient. We believe that they become more responsible if you offer them greater freedom of movement and decisions. Although I anticipated the approach, afterwards I contented myself with providing assistance, by diversifying the number of places for activity and isolation, to make them readable and accessible, without causing inconvenience. AA Listening to you, it sounds simple. AD It is not as straightforward as all that. If
you look closely at the spaces located in the superstructures, they have nothing of the appearance of ordinary offices. Spaces are optimised with twice the amount of meeting space breaking with usual standards.
The architectural project
English
After two years of study and three years of work, Anne Démians’ new Société Générale campus in Val-de-Fontenay was completed in November 2016. On this site, 5,500 people will enjoy a work layout far removed from current trends.
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The flex office idea changed everything. You now occupy the space that is free. The idea of an office given over to an individual is on its way out and this is relayed in architecture. The very large exterior frames are similar to those of contemporary facilities. This means reintroducing comfort, light and a friendly work atmosphere and designing places traditionally occupied by individual activities and favouring collaboration on all floors. It’s not that simple straight off the cuff. AA At the top of the long buildings in the shape of sheds I have a good view, but what about down below in this massive flat platform? AD First of all, it isn’t all flat, but horizontally
composed of functional visual openings rocketing upwards, at the circular stairs and the reception pavilion. It is via this low platform that team workspaces interconnect and are shared, on either side of the east to west road. AA You could therefore call it an interaction platform? AD Everything here has a more collective
nature than on the upper floors. The basic specificity of the facilities, lounges and restaurants, and the geometry that I designed, alternatively and successively favour variety and a wealth of uses. This is what you must understand to experience this transversal site. AA In this respect you refer to the chronotopic approach. What do you mean by this? AD It is true that I often refer to the
chronotopic approach, which matches the circumstances. It refers to the economy of space that the alternation and succession of uses on the same site can produce on condition that the site is built in such a way that everything is taken in.
Le projet architectural
AA How is this interesting? AD With such a scheme and such
people management, we are obviously economizing on areas and resources. All this changes the atmospheres and what I had to do primarily was design architecture that matched a request more than the closed configuration of a tender. AA And you came up with this all by yourself? AD It was suggested by the project
at the time (for the competition). So-
ciété Générale, with Françoise MercadalDelasalles, immediately understood this, taking possession of the idea, working on it and configuring it in their own way. I integrated an irrational dimension in the project, meaning that I endeavoured not to reproduce standard use in property development. This project broke away from that. Françoise Mercadal-Delasalles talks of a “disruptive dimension”. By this she means an element capable of changing habits internally on a managerial level. Being at odds with the property development codes matched her desire to change the way we work. AA Is this why people say that this complex is the best designed transcription of a digital culture at work? AD What you see on the site today is the
success of the horizontal system that contrasts with standard vertical tertiary buildings such as towers. This is what digital configurations are all about: making movements easier and more open, ensuring that people’s eyes meet and that minds follow, and working on common themes but with co-visibility to make solutions more effective. AA But what about the architecture in all this? AD Les Dunes’s architecture re-examines
the idea of the campus by resituating it in an unusual space, where the relationship between space and movement really means something. The landscape produced by the sheds creates an urban piece whose unity and coherence remain accessible. Although you cannot take it all in at once, since it is so large, I propose a succession of living sequences: work times, acting spaces, calming gardens and transparency, as well as views from above in the linking cathedrals. AA Geometry, and even repetitiveness, is a characteristic of this production. AD The repetitiveness allows for simplicity,
as well as a reduction in costs. However, we create poetry with repetitiveness and this has no bearing on cost. It is about creating priorities, where a subtle organisation can be established. AA And what about the idea of folding a sheet to create a project? AD Here, the source is less emotional. It is
more scientific, biological, mathematical and fortuitous. Closer to the structure of a molecule
or of a sinusoid than a work of art by Dali, it is a new method that is based on a parallel between a normal state (flat sheet) and its deformation (the fold). The observation of the result, whether satisfying or not, achieves the rest. AA Isn’t the wooden sinusoid a new fashionable shape? AD You refer to the wood. You will
appreciate then that like a landscape that unfolds, valley after valley and hill after hill, Les Dunes forms an undulating ordered landscape. The robust manner in which the ground is designed means trees can grow. The idea of using wood stems from this and not from “green” obligations that are put to us endlessly, as if we could save the earth on every corner of every street. The important issues are elsewhere. AA Yes, but surely the wood was essential? AD Here, wood is an element that gives
structure to the project and builds the image. Thought of as the buildings’ generic material, it extends to the last bend of the campus and creates a link between the upper and lower gardens, the mineral ground and the façades. Its materiality illustrates everything that we’ve said before about new ways of apprehending work in the future. It suggests reconciliation more than any other material. AA Listening to you, you would think it wasn’t really wood? AD It is important here not to lapse into
opportunist speeches on the need to build with timber to show that you are environmentally responsible. The timber used on a variety of sites is no more time and carbon resistant than a small board from a vegetable crate. In Val-deFontenay, it is something else. AA But is it wood? AD Yes, but it is synthetic wood, reconstituted
from a thick paste made of wood that had already had a life. It is a new material for us, but it has been used in Japan for more than 30 years. It is industrially shredded and re-formed from a sticky substance with no use of petroleum. Mounted around a finely scratched extruded aluminium profile to ensure adherence to each other, it enabled me to work with bands of between 4 metres and 7, without which I would have needed intermediary points. This goes to show how strong and weather resistant the material is. We could talk of a recyclable recycled product here using no other form of recycled ecology.
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The architectural project 39
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Eiffage Construction, par-delà Les Dunes
Entretien
Mené par Eiffage Construction, le projet des Dunes fut l’occasion de déployer l’organisation spécifique aux chantiers hors normes mise en place par l’entreprise. Entretien avec Olivier Berthelot, directeur d’Eiffage Construction Grands Projets.
Le projet architectural
L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI Comment avez-vous approché le projet des Dunes ? OLIVIER BERTHELOT Je dirige une filiale dédiée à la réalisation des opérations d’envergure. Pour Les Dunes, comme pour tous nos projets, nous avons mis en place une organisation à la mesure des enjeux de l’opération, Les Dunes sont un en prenant soin de ensemble immobilier préserver des circuits de haut de gamme, décision courts. Nous avec une image forte voulons toujours être et une technicité au plus près du terrain. très élevée. C’est la caractéristique principale de notre organisation. Nous pouvons ainsi créer plus facilement une dynamique globale de projet et résoudre rapidement tout problème qui pourrait se présenter. De ce mode de fonctionnement est né un équilibre entre, d’une part, les délais impartis et, d’autre part, les enjeux architecturaux et techniques. AA Quels étaient, aux Dunes, les principaux défis ? OB Les Dunes sont un ensemble immobilier
haut de gamme, avec une image forte et une technicité très élevée. Nous devions satisfaire un promoteur exigeant et un maître d’ouvrage utilisateur très attentif à la performance de son futur outil de travail. Enfin, d’un point de vue humain, nous mobilisions, au plus fort du chantier, 700 personnes, ce qui en faisait alors l’un des plus grands chantiers parisiens. Mais ce projet était à la mesure de notre Groupe, et nous avons relevé l’ensemble de ces défis. AA Quels étaient, à cette époque, vos autres réalisations ? Quels sont aujourd’hui vos projets ? OB Au moment où nous démarrions le projet des Dunes, nous achevions la tour Majunga, à La Défense, pour le compte d’Unibail et nous engagions les études pour la rénovation de la Grande Arche de La Défense dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP) – que nous réalisons à présent. Nous réalisons également deux importantes opérations de restructuration à La Défense : l’immeuble Window, pour Groupama, et l’immeuble Carré Michelet, pour Eurosic.
AA Les grands projets étant rares, comment une entreprise comme Eiffage Construction s’adapte-t-elle à un carnet de commandes élastique ? OB Les grands projets sont effectivement moins fréquents, mais sont aussi plus longs ! Cela nous offre une vision à moyen terme de notre activité. Cependant, nous menons en parallèle un rigoureux travail d’anticipation pour sélectionner les opérations très en amont. Notre expertise en rénovation nous permet également de diversifier notre carnet de commandes. Mais de façon plus générale, nous restons attachés aux fondements d’Eiffage Construction Grands Projets, à savoir l’expertise et la capitalisation des expériences. Aussi, nous ne souhaitons pas diminuer la granulométrie des projets que nous abordons. C’est ainsi que nous restons pertinents dans notre domaine et sommes aptes à proposer à nos clients les réponses les plus performantes.
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Eiffage Construction, beyond Les Dunes
Interview
L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI How did you approach Les Dunes project? OLIVIER BERTHELOT I manage a sub-
sidiary dedicated to the construction of large-scale projects. For Les Dunes, we implemented an organisation that was in keeping with the challenges of the project, as we do with all our projects, taking care to maintain short decisionmaking processes. We wanted to be as closely involved as possible. This is the main characteristic of our organization. This means that we can easily create a general project dynamic and quickly solve any problem that could arise. This operating method results from a balance between the assigned deadlines, on the one side, and the architectural and technical challenges, on the other. AA What were the main challenges at Les Dunes? OB Les Dunes was a high-end technically
advanced property development with a strong image. We had to satisfy a demanding property developer and a client and user scrupulous about the performance
of their future working environment. Finally, as for manpower, we had 700 people on site during the busiest period of construction, making it one of the largest constructions sites in Paris. However, this project was the right size for our Group and we met these challenges together. AA What other constructions were you working on at this time? What are your projects today? OB When we started Les Dunes, we were
finalising the Majunga tower, in La Défense, on behalf of Unibail and we were also beginning studies for the renovation of the Grande Arche de La Défense, within the framework of a public-private partnership (PPP), which we are currently working on. In addition, we are working on two major building projects restructuring La Défense: the Window building, for Groupama, and the Carré Michelet building, for Eurosic. AA With large projects few and far between, how does Eiffage Construction adapt to such a flexible order book? OB Large projects are indeed less frequent,
but they take much longer! This offers us a medium-term vision of our business. However, at the same time we rigorously plan our work ahead to select building projects at very early stages. Our renovation expertise also means that we Les Dunes was a highcan diversify end technically advanced our contracts. property development However, more with a strong image. generally, we We had to satisfy a still attach imdemanding property portance to developer and a client the fundamenand user scrupulous tal values of about the performance expertise and of their future working capitalising on environment. experience we have at Eiffage Construction Grands Projets. In addition, we do not wish to diminish the granular nature of the projects we undertake. This is how we remain relevant in our field and are capable of offering our clients the highest performing solutions.
The architectural project
Managed by Eiffage Construction, Les Dunes project was the opportunity to implement an organization specific to such unusual construction sites. Interview with Olivier Berthelot, Eiffage Construction Grands Projets Director.
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Revue de détails
Details
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Accès parvis > niveau RER
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Coupe transversale 1. Balcon 2. Local vélos 3. Cafétéria 4. Patios 5. Halls double hauteur 6. Parking
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Etages flex work R+1/ R+8
< Accès rue intérieure av de Lattre de Tassigny Parking
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« C’est une réalisation sans début ni fin. Ce sont des constructions linéaires mises les unes à côté des autres et tranchées net quand elles tutoient les limites du terrain. » En g lis h “It is a design without a beginning or an end. These are linear constructions placed side-by-side, cut clean when they approach the edges of the plot.”
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Revue de détails
Plan de l’entresol 1. Accès avenue de Lattre de Tassigny 2. Rue intérieure 3. Plateau innovation 4. Restaurants 5. Bistro 6. Business Center, Auditorium 7. Patios 8. Forum
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« Cette disposition permet des orientations est-ouest des bureaux, des jardins dans une disposition nord-sud, l’ouverture sur la ville. »
Eng lis h “This arrangement creates East to West orientations for the offices, the gardens having a North to South plan, opening up to the city.”
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Plan du niveau rez de parvis N
Details
1. Accés pavillon d’entrée 2. Local vélos 3. Cafétéria 4. Halls double hauteur 5. Bureaux
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Revue de détails 46
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Coupe
Élévation
coupe
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+ Niveau Fini + Niveau Fini
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Détail balcon
Plan
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Details
1. Caillebotis galvanisé 2. Vêture bois composite 3. Isolation laine de roche 4. Bardage alucobond 5. Tube acier inox larmé 6. Vitrage 7. Portillon vitré accès passerelle 8. Garde-corps vitré 9. Tube acier inox satiné 10. Plats acier inox satiné 11. Platelage bois composite 12. Caillebotis galvanisé 13. Trumeau béton
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Revue de détails
En g l i s h « Le clos couvert en aluminium marque une brillance tandis que les lames verticales extérieures sont en bois serti d’aluminium. C’est ce décalage entre ces deux matières qui crée l’épaisseur de la façade. Derrière, de grandes baies vitrées 4X3 assurent de larges cadrages sur les jardins. »
“The enclosure covered in aluminium is shiny, while the vertical exterior laths are of wood swaged in aluminium. It is the difference between these two materials that creates the materiality of the façade. Behind this, the 4X3 windows offer a large framed view of the gardens.”
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Coupe coupe
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Coupe
coupe
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Élévation élévation
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Détail façade
Détail pied defaçade
Détail pied de façade 9. Coursive en caillebotis Détail pied defaçade 10. Cadre en aluminium anodisé poli 2. Vêture en panneaux alucobond 9. Coursive en caillebotis 1. Plafond Isolation lainede deroche roche 1. Isolation laine Coursive en caillebotis 11. Double9.vitrage menuiserie aluminium 3. rayonnant, bacs métalliques perforés 12. 120 mm enanodisé 4. 10. Lame Cadrebois en aluminium poli anodisé poli 2. Vitrage Vêture panneaux alucobond alucobond 2. Vêture enen panneaux 10. Cadre aluminium bois fixe sur muret béton 5. Trumeau beton 11. Lame Double vitrage menuiserie aluminium 3. Plafond rayonnant, bacs métalliques perforés 3. Plafond rayonnant, bacs métalliques perforés13. 11. Double vitrage menuiserie aluminium 14. 6. plancher technique 12. Luminaire Lame boislinéaire 120 mmencastré 4. Faux Vitrage 4. Vitrage 12. Lame de bois 120 mm 15. sur plots 7. en caillebotis 13. Dalles Lame bois fixe sur muret béton 5. Coursive Trumeau beton 5. Trumeau béton 13. Lame bois fixe sur muret béton 16. de façade ende béton préfabriqué 8. de bois composite 14. Pied Luminaire linéaire encastré 6. Lame Faux plancher technique 6. Faux plancher technique 14. Luminaire linéaire encastré 17. Etanchéité 15. Dalles sur plots 7. Coursive en caillebotis 16. Pied de façade en sur béton préfabriqué 8. Lame de composite 7. Coursive enbois caillebotis 15. Dalles plots 17. Etanchéité 8. Lame de bois composite 16. Pied de façade en béton préfabriqué
Details
Détail façade 1. Isolation laine de roche Détail façade
17. Etanchéité
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Le projet paysager The landscape project
Jean-Philippe Hugron
Écrin paysager
Le projet paysager
Le nom « Les Dunes » évoque à lui seul un paysage. Telle une étrange topographie, les plis dessinés par ces trois immeubles de bureaux forment un lointain écho au relief d’un désert, sinon aux éminences de sable d’une plage. Ces trois éléments surgissant du sol sont, par ailleurs, visibles de loin. Ils marquent l’horizon de la première couronne et signalent désormais Val-de-Fontenay. L’ambition d’Anne Démians n’était pourtant pas la visibilité ; que le projet signale sa présence au loin n’était pas l’intention d’origine. En revanche, qu’il s’adresse aux alentours l’était davantage. « Il y avait la possibilité, à cet endroit, de se référer à ces grands espaces de banlieue et de donner corps à un véritable
paysage », affirme-t-elle. Pour parfaire ce dessin, l’architecte s’est approchée de Pascal Cribier, paysagiste, et de Jean-Marie David, ingénieur agronome. Si le premier s’était montré réservé quant à l’idée d’intervenir sur ce site, le second avait su l’en convaincre ; le défi s’avérait somme toute stimulant. Et pour cause, il s’agissait de réaliser dans un univers plutôt dense de bureaux un paysage foisonnant. Plus encore, le désir était de tromper l’œil par le végétal en vue d’agrandir visuellement le parvis d’entrée. S’il était difficile, pour des raisons techniques, de mettre en œuvre ce souhait, le duo n’en a pas moins procédé à un séquençage de plantation. Des végétaux or et argent – qui défient les conventions
du paysagisme qui interdisent usuellement (arbitrairement ?) de mêler teintes jaunes et grises – se suivent et dessinent différents plans successifs, donnant au site toute sa profondeur. En outre, le duo s’est évertué à penser d’autres interventions, ici et là, pour répondre au programme architectural et le compléter par quelques aménagements paysagers. L’enjeu était après tout d’imaginer une nouvelle façon de travailler. Un jardin avait, dans ce contexte, toute raison d’être.
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The name “Les Dunes” evokes a landscape. Like a strange topography, the undulating design of these three office buildings echoes the distant rolling desert hills and sandy mounds on beaches. These three buildings emerging from the ground are also visible from a distance. They mark the horizon of the immediate suburbs of Paris and now point to Val-de-Fontenay’s location. Yet, Anne Démians did not aim to achieve visibility; that the building should stand out from a distance was not her original intention. On the other hand, addressing the surroundings was. “We were able to create a reference to these large outlying spaces to create a real
landscape”, she says. To perfect this design, the architect got in touch with landscape architect Pascal Cribier and agricultural engineer Jean-Marie David. Although the former expressed some reserve as to the idea of intervening on this site, the latter found reasons to convince him; when all was said and done, the challenge was stimulating. There was good reason for this. They needed to create a lush landscape in a fairly dense world of offices. Moreover, there was the desire to use plants to trick the eye into believing the entrance square was bigger. For technical reasons, it was difficult to achieve this. Nevertheless, the duo undertook to sequence the planting.
Gold and silver plants – which run in the face of landscaping conventions which usually (arbitrarily) do not allow a mix of yellow and grey shades – follow each other and create different successive plans offering depth to the whole site. Furthermore, they strove to think of other interventions here and there, in answer to the architectural programme, supplementing it with a few landscape designs. After all, the challenge was to imagine a new way of working. A garden had every reason to exist in this context.
The landscape project
English
Landscaped surroundings
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Le paysage or et argent d’une banque
Entretien
Au lieu d’un parvis, Pascal Cribier (1953-2015), paysagiste, et Jean-Marie David, ingénieur agronome, ont imaginé un paysage de la plus grande richesse. Retour sur les essences d’un projet.
L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI Comment avez-vous abordé ce projet ? JEAN-MARIE DAVID Pascal Cribier était à l’origine assez frileux à l’égard de cette commande. L’idée qu’un bois synthétique puisse être mis en œuvre sur les façades le hérissait. Chargé du domaine rationnel, j’ai donc réussi, à force d’explications, à l’enthousiasmer pour cette commande qui nous a offert, in fine, nombre de défis techniques.
Le projet paysager
AA À quels défis techniques faites-vous référence ? JMD Sur les perspectives du projet, surgissait d’un parvis minéral toute une végétation. Il n’y avait pourtant pas assez d’épaisseur de terre. Nous devions donc imaginer des jardinières afin de mettre en œuvre la promesse faite lors du concours. AA Quelles ont été vos intentions pour ce projet paysager ? JMD L’essentiel du travail portait sur la réalisation de ces jardinières que nous devions répartir le plus harmonieusement possible. Nous avons progressivement compris que ces éléments feraient disparaître le parvis et qu’ils devaient alors marquer des circulations et les allées. C’est à ce moment que le talent de Pascal Cribier est intervenu, dans le dessin des jardinières, leur rythme, leur relation avec les bâtiments, les motifs du béton des allées... En ce qui concerne le paysage, nous voulions donner une impression de richesse dans un espace somme toute réduit. Nous avons alors imaginé notre intervention comme
une succession de plans afin de donner à ce parvis plus de profondeur. Nous pouvions rendre ainsi l’espace plus grand qu’il ne l’est et varier les perceptions en alternant les couleurs et les rythmes des plantations des jardinières. AA Outre le parvis, votre intervention portait sur différents patios. Quel a été votre parti paysager pour ces cours intérieures ? JMD Nous voulions créer, dans ces patios, des espaces de rencontre, de travail et de détente. Nous avons imaginé une intervention qui s’inscrit dans un registre inspiré des vacances. Ce serait un mensonge d’affirmer que nous avons recréé un univers semitropical mais nous avons souhaité donner cette impression grâce à des fougères un peu rustiques, dont les troncs velus rappellent un sous-étage de forêt équatoriale, associées à des grands arbustes à feuillage large et persistant, comme les Eriobotrya (le néflier du Japon). Nous pouvions planter ici de telles espèces puisque nous sommes entièrement protégés des vents et que le bâtiment dégagera un surplus de chaleur essentiel à cette végétation. L’objectif était de sortir de l’ambiance de travail pour favoriser un sentiment d’évasion, tout en restant homogène avec le bâtiment d’Anne Démians. Ce n’est qu’assez tard que j’ai compris à quel point les patios étaient importants aussi dans l’animation de la circulation de la rue « basse ». Évid emment, tout cela n’avait pas échappé à Pascal Cribier.
AA Quelles espèces avez-vous privilégiées sur le parvis ? JMD Nous avons travaillé des cultivars peu courants en mettant en œuvre une déclinaison de végétaux dorés et argentés selon trois thèmes successifs. Le premier interprète la biodiversité au moyen d’essences locales ou nationales formant une composition d’arbustes et de couvre-sols verts. Le deuxième se distingue par des couvre-sols gris argenté associés à des arbres au feuillage jaune, enfin le troisième joue la partition inverse avec des couvre-sols à feuillage jaune associés à des arbres à feuillage gris argenté. L’alternance de ces trois thèmes permet d’augmenter la profondeur ressentie en créant des plans successifs. AA Comment sélectionnez-vous vos sujets ? L’âge fait-il la qualité ? JMD Les architectes rêvent généralement de sujets imposants car ils sont à même de donner à un projet toute sa légitimité lors de l’inauguration. Or, choisir des sujets plus matures pose généralement un problème logistique de transport mais aussi de plantation… et donc de financement. Ceci étant dit, nous regardons, l’âge d’un arbre, ses dimensions et sa force. Si la reprise des végétaux trop gros est difficile et lente, nous les associons à des sujets plus petits, de la même espèce, qui, cinq ans plus tard, doubleront de taille quand les autres, plus anciens, n’auront que peu évolué. Mêler les âges donne à l’ensemble paysager une présence dès la création tout en sachant que les plus petits sujets assureront la durabilité des aménagements créés.
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A bank with a gold and silver landscape
Interview
L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI How did you approach this project? JEAN-MARIE DAVID Originally, Pascal
Cribier was fairly cautious about this commission. The idea of synthetic wood being used on the façades had him bristling. Charged with the rational side, I succeeded in explaining this commission to him and in exciting his enthusiasm. In the end it provided us with a number of technical challenges. AA What kind of technical challenges come to mind? JMD The prospect emerged of a project
with a mineral plaza covered with plants. However, we didn’t have enough soil depth to achieve this. So we had to design planters to implement the promise made during the competition. AA What were your intentions for this landscape project? JMD Most of the work focused on the
creation of these planters which we had to distribute as harmoniously as possible. We gradually came to realise that these elements would hide the plaza and that they therefore had to indicate traffic flow and paths. This is when Pascal Cribier’s talent intervened in the design of the planters, their regularity, their relationship with the buildings, the concrete patterns of the paths, etc. For the landscape, we wanted to achieve the impression of lush vegetation in an area that was limited. So we designed our intervention as a succession of plans to give this plaza
greater depth. We could make the space larger than it was and vary perception by alternating colours and the predictability of the plants in the planters. AA Aside from the plaza, you also contributed to various patios. What landscape options did you choose for these indoor courtyards? JMD We wanted to create meeting,
working and relaxation spaces with these patios. We imagined a holiday-inspired intervention. It would be a lie to say that we recreated a semi-tropical world, but this is the impression we hoped to create using slightly hardy ferns, whose hairy trunks evoke the underlying growth of the rainforest, combined with large evergreen shrubs with large leaves and trees such as the Eriobotrya (Japanese loquat). These species could be planted here, since these areas are completely protected from the wind. The building will also radiate the extra heat essential to these plants. The aim was to escape from the work atmosphere to offer a breather, while remaining consistent with Anne Démians’ building. It was only later that I understood how important the patios were in bringing life to the “lower” street flow. Obviously, none of that escaped Pascal Cribier. AA What species did you choose for the plaza? JMD We worked with uncommon cultivars,
working with a variety of gold and silver plants using three successive themes. The first interprets biodiversity using local or
national species, creating a composition of shrubs and green ground cover. The second has characteristic silver-grey ground cover, combined with yellow leaved trees. The third has the opposite effect with yellow ground cover and silver-grey leaved trees. The alternation of these three themes increases the feeling of depth by creating successive plans. AA How did you select your plants? Does age mean quality? JMD Architects generally dream of large
plants, since they give the project legitimacy when it is inaugurated. Opting for mature plants generally creates logistics problems in relation to transport, but also planting and therefore finances. This said, when we look at trees we focus more on their size and strength. If the larger plants find it difficult or are slow to take root, we combine them with smaller ones of the same species, which will double in size five years later, when the other older ones will have scarcely changed. We chose to mix ages to give the landscape group stature from the moment it was created, in the full knowledge that the smaller plants will guarantee the longevity of the spaces we have developed. The landscape project
English
Instead of a plaza, Pascal Cribier (1953-2015), landscape designer, and Jean-Marie David, agricultural engineer, thought up a particularly lush landscape. A closer look at the essences of this project.
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A landscape interacting with architecture
Un paysage en interaction avec l’architecture
Le projet paysager
Le rapport entre architecture et paysage est ténu dans un projet. L’un et l’autre s’unissent harmonieusement sur les premiers dessins puis peuvent parfois entrer en concurrence et l’architecture, à terme, finit souvent par prendre le pas sur le paysage. Qu’en estil aux Dunes ? « En fonction de l’évolution du projet, nous avons traité et décliné des solutions zone par zone en concertation permanente avec les architectes, une méthode extrêmement interactive, du moins beaucoup plus que sur d’autres projets où le paysagiste marque son empreinte sur la création architecturale », répond Jean-Marie David. Il en a résulté une intervention plus modeste et plus souple, ce qui n’était pas sans déplaire à Pascal Cribier, malheureusement disparu le 4 novembre 2015, à Paris. « L’un de ses grands talents était de ne pas se laisser enfermer par les contraintes mais de les transformer en atouts. En vingt-cinq ans de collaboration avec lui, je l’ai toujours vu procéder ainsi. Certes, Il s’agissait de la barre des Dunes était placée assez prolonger, par le haut, il nous était demandé de créer végétal, un parti des ambiances de travail quelque peu architectural. inédites. Nous avons essayé de les poétiser en fournissant aux collaborateurs de Société Générale des espaces de qualité leur permettant de s’évader du quotidien. En un mot, d’être “aussi” en dehors de leur ordinateur. C’était là notre défi », conclut JeanMarie David. En résumé, il s’agissait de prolonger, par le végétal, un parti architectural.
English
Focus
In a project, the relationship between architecture and landscape is tenuous. They are harmoniously united in the first drawings and then often compete with each other, with the architecture finally taking over from the landscape. What about Les Dunes? “As the project developed, we created a variety of area by area solutions constantly cooperating with the architects; an extremely interactive method, or at least much more so than for other projects in which the landscape architect adds We were asked his signature to the architectural to create rather creation”, says Jean-Marie David. unusual work The result is a more modest and atmospheres. versatile intervention that Pascal Cribier, who passed away in Paris, on 4 November 2015, really liked. “One of his great talents was not to be held back by constraints but to turn them into strengths. In the 25 years that we worked together, he always took this course of action. Admittedly, Les Dunes was an ambitious project. We were asked to create rather unusual work atmospheres. We tried to make them more poetic by providing the staff of Société Générale with good quality spaces where they could escape from their daily routines. In one word, our challenge was also to enable them to get away from their computer. In short, it was a botanical extension of the architectural viewpoint”, says Jean-Marie David. It was a question of extending the architecture by the use of plants.
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The landscape project 55
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Flex office et mutabilité
Flexible office and mutability
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Interior design
Aména gement intérieur Jean-Philippe Hugron
Exceptions françaises, harmonie d’ensemble Une architecture adaptée à la révolution numérique... encore fallait-il l’accompagner, outre d’un paysage, d’un aménagement intérieur. Voilà qui signifiait penser des dispositifs à même d’engager de nouvelles façons de travailler. En d’autres termes, cette approche nouvelle consiste à changer la relation à l’intérieur de l’entreprise, en libérant l’intelligence collective. Pour ce faire, il fallait bien sûr du mobilier adapté mais aussi créer des atmosphères propices à la mobilité, à la rencontre et à l’échange. Si l’enjeu des Dunes était notamment la flexibilité, tout devait être pensé pour se montrer souple et modifiable sans jamais heurter l’harmonie originelle d’un ensemble. Dès lors,
Anne Démians, plutôt que de concevoir à elle seule une œuvre totale, s’est adressée à plusieurs spécialistes : Christophe Pillet pour l’architecture intérieure, Patrick Norguet pour le mobilier et enfin Ruedi Baur pour la signalétique. C’était donc, pour l’architecte, l’occasion de mettre en application cet esprit collaboratif que Les Dunes voulaient ouvertement incarner. Dans ce contexte, aucune intervention n’est venue se superposer aux autres, pas plus qu’elles n’entrent en concurrence avec l’architecture du site. Au contraire, toutes ont été pensées en complémentarité d’un projet architectural afin d’en souligner les qualités. Enfin, il fallait aussi travailler la grande échelle d’un complexe
réunissant, sur trois longs immeubles de bureaux, plus de 5 500 personnes. Cela signifiait trouver des moyens de faciliter l’orientation mais aussi l’appropriation d’espaces désormais offerts à de multiples usages tout au long de la journée. Bref, l’ambition était d’innover et, plus encore, de trouver, au-delà d’exemples importés, souvent éprouvés et parfois caricaturaux, un modèle collaboratif à la française.
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English
French exceptions, overall harmony Architecture fine-tuned to the digital revolution, but where, in addition to the landscape, interior design was of prime importance. It required thinking of systems that would inspire new ways of working. In other words, this new approach involved changing the relationship with the company’s indoor spaces, by liberating collective intelligence. To achieve this, it required suitable furniture, and also the creation of atmospheres conducive to movement, meetings and discussions. The challenge of Les Dunes was flexibility; everything had to be flexible and modifiable, without damaging the original harmony of the whole. Consequently,
instead of designing the whole construction herself, Anne Démians called upon several specialists: Christophe Pillet for the interior design, Patrick Norguet for the furnishings and lastly, Ruedi Baur for the signage. For the architect, Les Dunes provided an opportunity to openly embody and apply this collaborative spirit. In this context, no intervention superseded any other, nor did any compete with the site’s architecture. Quite the opposite, everything was thought out to complement the architectural project and emphasise its qualities. Large-scale work was also required on this complex, uniting over 5,500 people in three long office buildings.
This meant finding the resources to facilitate aspects but also the appropriation of spaces now destined for multiple uses throughout the day. In short, the goal was to innovate and, further still, to find a French-style collaborative model, beyond the often well-tried and sometimes caricatured imported examples.
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Les résonances de Christophe Pillet
Entretien
Pour que Les Dunes soient innovantes, encore fallait-il penser, en plus de son architecture, un aménagement à la hauteur. Christophe Pillet, architecte d’intérieur, a développé une « troisième voie » mêlant codes tertiaires et domestiques.
Aménagement intérieur
L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI Dans quelle mesure cette commande a-t-elle été différente des autres ? CHRISTOPHE PILLET En règle générale, nous intervenons dans des espaces vierges pour lesquels nous pensons une histoire nouvelle. Ici, nous sommes arrivés une fois le projet architectural fini. Nous nous sommes alors demandé si notre mission ne se réduirait pas à une problématique de mobilier. En fait, non. Il s’agissait bel et bien d’aménagement intérieur. Malgré tout, nous ne souhaitions pas apporter une couche supplémentaire à un dessin déjà très affirmé, en somme faire un projet dans le projet. Aussi, il ne fallait pas un architecte d’intérieur mais un scénographe. C’est en ces termes que nous avons pensé une intervention dont l’objectif serait de révéler davantage l’architecture originale des Dunes. AA Comment avez-vous, dans ce contexte, approché l’architecture d’Anne Démians ? CP La qualité des Dunes réside dans son évanescence. La lumière y est floue et diffuse et il fallait par endroits atténuer des jours un peu durs. Nous avons donc dû intervenir de manière discrète, sans rompre les perspectives si caractéristiques du projet, en mettant en œuvre des écrans et des estompes qui agissent comme des calques. In fine, nous avons opéré un travail en creux et témoigné ainsi d’un devoir de réserve. Nous ne devions rien ajouter ; il n’y avait finalement qu’à manipuler des éléments existants.
AA L’ambition était à l’innovation. Comment avez-vous abordé ce thème ? CP Il s’agissait effectivement de produire des bureaux dits de nouvelle génération sans reprendre les codes tertiaires usuels. Il fallait donc produire des moments de vie pour des employés passant parfois plus de temps sur leur lieu de travail que chez eux. Ce projet devait proposer un modèle alternatif. Il ne s’agissait pas de renier l’intégralité du vocabulaire tertiaire ni être exclusivement dans un registre domestique. Nous devions trouver une troisième voie. Et pour cause, Les Dunes comprennent des lieux de vie, des lieux publics et des lieux d’intimité. Toutefois, plus qu’à partir de fonctions, nous avons raisonné à partir de comportements. Voilà qui implique de prendre en compte les usages à différents moments de la journée. AA Comment avez-vous imaginé ce style et cette unité ? CP Nous avons pensé un ensemble de dispositifs en résonance avec Les Dunes. Nous avons joué, en résumé, une même partition. Nous n’avons jamais figé des espaces, encore moins dans une hiérarchie où les matériaux auraient pu avoir un rôle distinctif. Qui plus est, Les Dunes ne sont pas pensées pour être un espace de représentation. Aussi, nous avons travaillé avec plus de souplesse selon une seule et unique narration.
AA Comment avez-vous mis en œuvre cette souplesse ? CP La position d’un canapé ne doit pas décider de la configuration d’un espace. Le mélange que nous avons souhaité a été pensé pour éviter toute dégradation. Trop souvent, un élément rapporté ou déplacé vient endommager un ensemble. Ici, tout est facilement transposable ailleurs sans que cela ne vienne atténuer l’ambition d’origine. Il nous fallait être le plus flexible possible pour prévoir toutes les évolutions futures. Pour ce faire, nous avons mis en place les germes d’un désordre pensé. AA Votre projet prône-t-il alors la répétition ? CP Prenons un exemple. À côté du jardin, il y a un bar. Nous avons évité de mettre pléthore de tables et de chaises. Nous avons décidé de positionner là une poutre de gymnastique. Voilà une sorte de ready made ! A côté de choses très dessinées, nous avons choisi de détourner des objets pour donner corps à un cabinet de curiosités. A terme, ces éléments serviront de repères et de signaux. Nous avons également disposé un kiosque, une mappemonde, des troncs d’arbre… en vue de créer, finalement, un joyeux bazar discipliné, loin de toute répétition.
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Echoes of Chrisophe Pillet
Interview
L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI In what way was this commission different from others? CHRISTOPHE PILLET As a general rule, we
intervene from scratch in empty spaces, for which we think up a new story. Here, we came on board when the architectural project was finished. We asked ourselves if our task was not just a question of furnishing. But it was not. It well and truly meant interior design. Despite everything, we didn’t want to add an additional layer to a drawing that already made a statement; in short, to create a project within a project. So it didn’t need an interior designer but a scenographer. Thinking of it in this way, we imagined an intervention that would be more revealing of the original architecture of Les Dunes. AA In this context, how did you approach Anne Démians’ architecture? CP The quality of Les Dunes lies in its
evanescence. The light there is subdued and diffuse and, in places, we needed to soften the rather harsh daylight. So we were obliged to intervene in a discreet fashion without breaking the perspectives so characteristic of the project, by establishing screens and bending, with the effect of layers. In the end, we carried out recessed work, in deference to the architecture. We were not to add anything; in the end, all we had to do was work with the existing elements.
AA The goal was to innovate. How did you go about this? CP We were looking to produce new
generation offices without using the usual tertiary codes. So we had to produce life moments for employees who sometimes spend more time at the office than they do at home. This project had to offer an alternative model. We could not go back on the whole of the tertiary vocabulary, nor stick exclusively to a home register. We had to find a third method. There was a reason for this. Les Dunes has living spaces, public spaces and private spaces. However, instead of working with functions, we reasoned in terms of behaviour. This meant taking different uses into consideration at different times of the day. AA How did you imagine this style and unity? CP We thought up a group of schemes that
echoed with Les Dunes. In short, we were singing from the same hymn sheet. We never froze the spaces, and even less so in a hierarchy in which materials could have a distinctive role. Furthermore, Les Dunes was not designed to be a representation space. We also worked with greater flexibility to a unique narrative. AA How have you achieved this flexibility? CP The position of a sofa should not decide
the layout of a space. The mix we wanted
was designed to avoid any form of later damage. Very frequently, an item that is added or moved can spoil the whole interior. Here, everything is easily adapted elsewhere, without this diluting the original ambition. We needed to be as flexible as possible to anticipate any future changes. To achieve this, we sowed the seeds of planned disorderliness. AA Does your project advocate repetition? CP Let us consider an example. There is a
bar beside the garden. We avoided placing too many tables and chairs here. Instead, we decided to position a gym beam here, as a sort of ready made! Alongside highly designed items, we chose to divert the purpose of certain items to give rise to a cabinet of curiosities. In the end, these items will act as landmarks and signs. We also have a kiosk, a world map, tree trunks and others, with a view to creating a happy yet controlled jumble of items, with no repetition.
Interior design
English
In addition to its architecture, Les Dunes required equally effective interior design to innovate. Interior designer Christophe Pillet developed a “third method” blending service sector and domestic codes.
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Jeux d’écriture Entretien
Des chiffres... et des lettres ! Si Les Dunes accueillent une partie des services de Société Générale, elles se révèlent être aussi un monde de lettres. Le mérite en revient à Ruedi Baur, designer, qui a fait intervenir dans ce sanctuaire comptable calligraphes et graffeurs. L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI Dans quelles circonstances est né votre projet aux Dunes ? RUEDI BAUR Anne Démians est venue nous chercher car elle considérait que la signalétique pouvait jouer sur la manière dont chacun pourrait percevoir l’espace et le pratiquer. Toutefois comment éviter une forêt de panneaux qui affectent généralement ce genre de lieu ? Comment conserver toute l’humanité d’un parti architectural sensible ? Il nous fallait être juste et rendre notre intervention la plus discrète possible.
Aménagement intérieur
AA Une signalétique discrète, n’est-ce pas là un oxymore ? RB Nous sommes dans des bureaux où chacun finira, après quelques temps, par savoir s’orienter sans l’aide d’aucune signalétique. Nous voulions donc développer une esthétique minimale en accompagnement du projet architectural. Nous avons dès lors souhaité inscrire nos interventions dans une problématique de différenciation en vue de rendre intelligible l’ensemble des cheminements. En somme, nous voulions apporter une aide à l’orientation naturelle. AA Quel a donc été votre parti graphique ? RB Nous sommes dans un univers comptable fait de chiffres et de nombres. Aussi, l’écriture s’est révélée être le contrepoint évident d’un monde mathématique et abstrait. Elle est à la fois fonctionnelle et lyrique. Nous avons dès lors fait travailler
des calligraphes du monde entier. Tous sont porteurs de la poésie du geste et de l’écrit. Nous avons ainsi proposé à Kaixuan Feng, Myoung Heui Ryu, Michel d’Anastasio, Abdollah Kiaie, Evgeny Tkhorzhevsky et Achyut Palav, tous reconnus dans leur pays d’origine, d’intervenir sur différents secteurs de la rue intérieure. Toutes les calligraphies ont été réalisées à la main sur des supports transparents. Les ombres portées autant que les visions au verso, en miroir, renforcent l’aspect tridimensionnel de l’espace. Enfin, un détail, et non des moindres : tous les textes retranscrits – a priori incompréhensibles par les usagers des Dunes – sont traduits sous forme de petites légendes. AA Voilà pour les circulations horizontales. Quel dispositif avez-vous pensé pour les circulations verticales ? RB Ces poèmes calligraphiés viennent croiser des textes plus longs retranscrits à l’aide de nos caractères latins. Tous indiquent les montées d’ascenseurs. Ils débutent aux sommets des bâtiments pour descendre d’étage en étage jusqu’au niveau de la rue intérieure. Cette proposition n’est pas sans s’inscrire dans la continuité du travail réalisé dans le cadre de Mons, capitale européenne de la culture en 2015. Nous avions, à cette occasion, réalisé avec l’auteure Karelle Ménine une installation intitulée « la Phrase ». Il s’agissait en fait d’un poème de 10 km de long. Ici, nous avons choisi des textes de Jules Verne, de
Daniel Defoe ou encore de Georges Sand, entre autres. Karelle Ménine est à l’origine de cette sélection. Différents peintres en lettres ont réalisé ces grands murs d’écriture. AA Votre intervention porte également sur les parkings ? RB Le souhait du commanditaire était initialement de faire travailler des graffeurs dans le parking. Nous avons repris ce désir comme élément de notre parti-pris visuel signalétique. Cet exercice devait permettre de distinguer visuellement chaque rangée et de faciliter le repérage visuel. Après le concours, OnOff, Stoul, Takt et Sueb/3HC, Riofluo et Romain Froquet ont été retenus pour développer des œuvres devant être réalisées sur piliers et murs, voire sur certaines places de parking. La signalétique, encore une fois, accompagne discrètement ces interventions. AA De manière générale, comment abordez-vous votre travail dès lors qu’il est intimement lié à une architecture ? RB Nous travaillons toujours en bonne intelligence. Nous sommes là pour soutenir l’architecture et non pour un geste artistique. Nous devons avant tout répondre à un besoin et à un usage. Nos propositions aux Dunes peuvent largement en témoigner.
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Creative writing Interview
L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI How did your project at Les Dunes come about? RUEDI BAUR Anne Démians came looking
for us, because she felt that signage would play an important role in the way people perceive the space and use it. Yet, how do you avoid the usual pile of panels that generally affect such sites? How can you maintain the humanity of a sensitive architectural viewpoint? We just needed to make our intervention as discreet as possible. AA Isn’t discreet signage an oxymoron? RB We are in offices where, after some
time, everyone will get to know their way round without any signs. So we aimed to develop minimal aesthetics in keeping with the architectural project. Consequently, we chose to ensure that our interventions served to mark differences and to make all the corridors more intelligible. In short, we wanted to provide natural guidance. AA What was your graphic position? RB We are in a world of finance where
numbers and figures are important. So, writing stood as an obvious counterpoint to an abstract mathematical world. It is both functional and lyrical. So we called on international calligraphers, whose writing gestures are particularly poetic, to work on the project. We asked Kaixuan Feng, Myoung Heui Ryu, Michel d’Anastasio, Abdollah Kiaie, Evgeny Tkhorzhevsky
and Achyut Palav, all well-known in their countries of origin, to intervene in different areas of the indoor street. All the calligraphy was hand- lettered on transparent media. The shading and the mirror verso views strengthen the three-dimensional side of the space. Finally, an important detail is that all the writing transcribed – in principle incomprehensible to Les Dunes users – is translated in the form of small captions. AA This is for the horizontal circulation. What system did you devise for the vertical circulation? RB These calligraphed poems interconnect
with longer texts written using our Latin characters. They all show the elevator controls. They start at the top of the buildings going down floor by floor until they reach the indoor street level. This proposal is in keeping with the work carried out in Mons, European Capital of Culture in 2015. For the occasion, we created an installation with author Karelle Ménine called “la Phrase”. In fact it was a ten kilometre-long poem. Here, we chose the writings of Jules Verne, Daniel Defoe and even Georges Sand, among others. Karelle Ménine was behind the selection. Different sign painters created these large walls of writing. AA Did you also intervene in the car parks? RB The commissioner initially wished to
get street artists to work in the car park. We used this intention as an element of
our visual signage choice. The aim was to be able to visually distinguish each row and make visual identification easier. Writing stood as an After the competition, obvious counterpoint OnOff, Stoul, Takt and to an abstract Sueb/3HC, Riofluo mathematical world. and Romain Froquet were selected to develop their creations on pillars, walls, and even certain parking lots. Again, signage was used discreetly to back these interventions. AA In general, how do you approach your work when it is closely connected to architecture? RB We always work in close collaboration.
We are there to support architecture and not to do something innately artistic. We must primarily answer a need and a use. Our proposals for Les Dunes are very much a demonstration of this.
Interior design
English
Numbers and letters! Although Les Dunes will house a section of Société Générale’s services, letters have turned out to have their place here. Designer Ruedi Baur can be credited with this, since he asked calligraphers and street artists to intervene in this financial sanctuary.
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BUSINESS CENTER_
HALL_
RESTAURANT_ TAURANT_ T
PATIO_ ATIO_ A
HALL_
AGENCE DU FUTUR_
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ESCALE_
ESPACE JEUX_
HALL_
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KIOSQUE À MUSIQUE_ ESPACE MUSÉAL_
KIOSQUE À MUSIQUE_
PROXIMIT_
PLATEAU INNOVATION_
PATIO ATIO _ A
Design et numérique Design and digitization
La rue des curiosités
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La rue des curiosités A street of curiosities
« Les espaces de travail accompagnent l’aménagement du numérique. En fait, cette voie du numérique c’est croiser des moments intenses de travail avec des moments de détente. Les espaces sont changeants dans leur destination. La rue des curiosités permet d’articuler et de ponctuer la flexibilité des espaces par des thématiques qui rassemblent plusieurs usages. »
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“The work spaces simplify the use of digital facilities. In fact, the choice of digital technology overlaps times of intense work with relaxation. The purpose of the spaces is constantly changing. The street of curiosities connects and intersperses the flexibility of the spaces by themes incorporating several uses.”
HALL_
BUSINESS CENTER_
PATIO_ ATIO_ A
BUSINESS CENTER_
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ENTREE DE LATTRE DE TASSIGNY_
HALL_
BISTRO_
En g l i s h
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Design et numérique
« Pourquoi sortir les textes des ouvrages et venir les placer dans un espace physique, qu’il soit privé ou public ? Pourquoi venir enrichir une signalétique en puisant pour cela dans les œuvres des siècles passés ? Pourquoi composer un texte nouveau courant entre les étages, en écoute de leur structure et de leur caractère ? Parce que la littérature est un patrimoine commun, qui chemine avec nous comme nous cheminons avec elle. Parce que le mur est un espace d’expression ancestral, un espace juste. Et parce que la rencontre des deux est une alliance prodigieuse. »
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“Why take texts from books and place them in a private or public physical space? Why enhance signage by drawing from books of bygone era? Why write new words running between floors, by being attentive to their structure and character? Because literature is a common legacy, that wends its way with us, as we wend our way with it. Because the wall is a space of ancestral expression; an unbiased space. And because the meeting of the two is a wonderful union.”
Design and digitization
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FIC H E T EC H NIQ U E Maître d’ouvrage : Société Générale Maître d’ouvrage mandataire : Sogeprom Maître d’œuvre : Anne Démians, architecte Équipe du projet : Martin Mercier, Alain Sabounjian (concours), Jack Weinand (études et chantier), Malik Darmayan,Gabriel Ober, Francesco Girardi, Minsu Lee, Maïté Casas, David Dahan, Igor Sanchez BET économiste : Mazet et Associés BET façades et structure : VP & Green BET fluides et éléctricité : Egis BET cuisiniste : Gaury HQE : Alto Ingénierie Fabricant bois composite : Sekisui Surface : 130 000 m² Budget : 210 millions d’euros Label HQE : Excellent Certification Leed : Gold Bâtiment BBC
R EM ER C I E M E NT S Art scénique et belles ventelles Dans le cinéma, le réalisateur d’un film est nommé par une société de production qui accepte de produire un film. Le réalisateur, ainsi appelé, assure la responsabilité d’ensemble de la création artistique du film. C’est lui qui, à l’instar de l’architecte, a l’idée générale du projet. Très souvent, le réalisateur a un style et un univers spécifiques. Ces éléments sont mis au service du film et portés, tout au long du tournage, par des hommes et des femmes dont l’énergie et la disponibilité font la réussite (ou pas) de l’œuvre définitive. Ils sont directeur de production, scripte, régisseur, chef opérateur, photographe de plateau, opérateur images ou ingénieur du son, perchman, chef-décorateur, ensemblier, accessoiriste, costumier, monteur son, mixeur, étalonneur, projectionniste, machinistes, parfois même cascadeur. Dans l’architecture, et dans des circonstances favorables, c’est à peu près pareil. L’architecte, missionné pour réaliser l’ouvrage qu’il a formalisé, petit à petit, au cours de ses études, s’entoure de toutes les disciplines qui conduisent son scénario vers une réalité lisible et préhensible. Il s’attache les services d’ingénieurs, d’acousticiens, d’économistes, de designers, de graphistes pour parfaire son œuvre, mais ce sont d’abord et surtout ses architectes qui font le succès ou l’échec de l’opération. Car si les premiers s’affairent, avec fermeté et conscience, dans une spécialité, les architectes, eux, sont présents depuis l’esquisse jusqu’au retrait des derniers engins de nettoyage sur site. Gardiens du temple, ils passent leur temps à assurer la synthèse des ouvrages, à considérer que rien ne s’échappe du cadre fixé par le script, à provoquer des situations favorables, à défier souvent la tentation de la nonchalance, à dispenser copieusement l’efficacité de leurs intuitions ou à énoncer tous les registres d’une perception personnelle de l’espace qu’un simple plan ne peut jamais donner. Ce sont Jack Weinand (directeur d’études), Martin Mercier (directeur de projet), Alain Sabounjian, Malik Darmayan, David Dahan, Joseph Morvillier, Gabriel Ober, Francesco Girardi, Igor Sanchez, Minsu Lee et Maïté Casas, qui auront, sans la moindre économie de temps, ni d’opiniâtreté, déployé leurs talents respectifs sur Les Dunes, depuis 2011, année phare de mes recherches sur les nouveaux espaces du travail. Ils ont, comme des chefs opérateurs, comme des scriptes, comme des monteurs, des producteurs ou des étalonneurs l’auraient fait, encadré les règles de conduite du projet, pour l’emmener avec exactitude et sacrifice jusqu’à l’aboutissement achevé de ses appétits. Anne Démians, novembre 2016
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© Carole Barriquand
Les Dunes Fontenay-sous-Bois (94) Siège social Société Générale Cinq bâtiments pour une shon totale de 88 289 m² Maître d’ouvrage : Société Générale Promoteur : Sogeprom Architecte : Architectures Anne Démians
Eiffage Construction, filiale du Groupe EIFFAGE, 3 e acteur français et 5e européen dans le secteur du BTP et des concessions, intègre les métiers complémentaires de l’aménagement urbain, la promotion immobilière, la construction, la maintenance et les travaux services.
© Carole Barriquand
Son entité Eiffage Construction Grands Projets, dédiée aux chantiers d’exception, a mené à bien la construction du nouveau siège de Société Générale.
www.eiffageconstruction.com
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