Zibeline l'Hebdo Cult' 21-22-23 (numéro triple)

Page 1

L’hebdo Cult’ 21-22-23

Etienne Daho visite Jeanne Moreau à Avignon

Les engagements de Renaud Muselier pour la culture

2€50

L 18754 - 21 - F: 2,50 € - RD

CULTURE LOISIRS TÉLÉ ciné

08.02 > 01.03.2019

ZIBELINE


sommaire 21 22 23

politique culturelle (P.4-9) Le Cube du Théâtre Vitez Les engagements de Renaud Muselier pour la culture La Déviation, un lieu à défendre

Cité Queer (P.10-11)

Phia Ménard à Marseille, Berre et Vitrolles La Nuit des idées à la Maison Jean Vilar

Avignon, ville d'exception(s)

événements (P12-21) Étienne Daho à la Maison Jean Vilar Le Café Zimmermann a 20 ans Festival Mars en Baroque Entretien avec Christian Ubl Festival Les Suds en hiver La fin de l’homme rouge d’Emmanuel Meirieu Ceci n’est pas ! À l’ombre de... de la Cie Lunasol (Une nuit) de la Cie Folie kilomètre

Saison Sèche - Cie Non Nova © Jean-Luc Beaujault

CRITIQUES (P.22-31)

Festival Parallèle, BIAC, le Merlan, la Criée, l’Espace Julien, le Mucem, le Fest’Hiver, le Théâtre Durance, Cie La Hurlante à Montpellier, Opéra de Toulon, Festival de Toulon, La Seyne-sur-Mer, le Liberté

au programme de la semaine Spectacle vivant (P.32-43) Musiques (P.43-46) Arts Visuels (P.48-50) Farci.e, Sorour Darabi © Mehrdad Motejalli

ARTS VISUELS (P. 51-52)

Muséonérique au Muséum d’Histoire Naturelle Cinq, Sophie Calle

CONSEILS TÉLÉVISION (P.54-55) CINÉMA (P.56-59) Événements : Festival La Première fois, Cycle Almodovar au Mucem Critiques : Une intime conviction, La chute de l’empire américain

PHILOLITTÉ (P.43-47) Livres de la semaine : Algeroid, Mauvais œil, Du Big Foot au Yeti, anthropologie de l'imaginaire Philo Kakou Feuilleton littéraire de Mathilde Ramadier, deuxième épisode

Chapelle de la Vieille Charité à Marseille, Rachel, Monique, Sophie Calle © Nathalie Ammirati


edito

Carence d’humanité

L

a menace de disparition d’un journal n’est jamais une bonne nouvelle. Surtout lorsqu’il a pour nom l’Humanité. Le quotidien fondé par Jean Jaurès en 1904, contraint de se déclarer en cessation de paiement, est aujourd’hui placé sous la protection judiciaire d’un tribunal de commerce. La presse papier est en crise, on le sait. Et la situation de l’Humanité pourrait être celle de bien d’autres publications si elles n’étaient pas liées à de puissants groupes capitalistiques dont l’investissement, à perte, dans le secteur de l’information, ne vise qu’à fabriquer de la pensée unique. L’Humanité, lui, est indépendant, des financiers comme des vendeurs d’armes. Dans la presse quotidienne nationale, il est le seul exemple avec La Croix. Dans nos régions, il y a aussi La Marseillaise, autre quotidien aux difficultés chroniques, qui vient de dépasser son objectif de 75 000 euros de dons via une plateforme de financement participatif pour lancer la refonte de ses outils numériques. L’Huma a été porteur de tous les combats d’émancipation, de justice sociale, de solidarité internationale. Sa fête, en septembre aux portes de Paris, rassemble des centaines de milliers de personnes dans un joyeux magma politique, culturel et festif qui donne tout son sens au mot populaire. Oui, l’Huma joue un rôle singulier dans le paysage médiatique car il est l’un des rares à faire réellement vivre le débat d’idées. Pas de ces débats dont les contours sont cadenassés et les conclusions pré-écrites. En réalité, le pluralisme de la presse dérange. Et l’État, dont le rôle serait de prendre ses responsabilités pour l’assurer, aide paradoxalement davantage les titres qui n’en ont pas besoin. Car au-delà de handicaps structurels ou liés au marché, ce sont bien l’État et les banques qui créent les conditions de l’asphyxie de l’Humanité : au sortir des états généraux de la presse, en 2015, un million

ZIBELINE L'HEBDO CULT' CULTURE

LOISIRS

TÉLÉ

CINÉ

Directrice de publication Agnès Freschel

Édité à 20 000 exemplaires par Zibeline

Rédaction : journal.zibeline@gmail.com

Imprimé par Rotimpress Imprim’vert - papier recyclé

LUDOVIC TOMAS

Maquette : © Alouette sans tête Photo de couverture : © Michel Flandrin. Radio France

Hebdomadaire paraissant le vendredi

BP 90007 13201 Marseille Cedex 1 Dépôt légal : janvier 2008 ISSN 2491-0732

d’euros lui a été retiré quand d’autres accédaient à des aides publiques. Du côté des banques, aucune n’a souhaité accompagner les besoins du journal. Les tenants du système, confortés par quelques experts auto-désignés et squatteurs des plateaux de télé, diront qu’il s’agit là de titres symboles d’un autre temps et qu’il faut s’adapter au nouveau monde. Désignent-ils ainsi celui qui, de Bolsonaro à Trump, de Poutine à Erdogan, de Macron à Merkel, voit dans le néo-libéralisme débridé le secret d’un ruissellement à succès ? Un journal est avant tout écrit par des femmes et des hommes qui décrivent des faits et les analysent au regard de leur sensibilité au monde, de leur rapport à l’humain et à la planète. L’Humanité apporte une voix dissonante dans le concert des faiseurs de guerre et des casseurs de droits. Récemment, son directeur se faisait quasiment exclure d’un débat télévisé sur les Gilets jaunes car il refusait d’aborder le mouvement par le prisme exclusif de la violence, préférant parler du fond revendicatif. Y a-t-il anecdote plus parlante pour comprendre le glissement du traitement journalistique des chaînes d’information en continu ? Dans un même mouvement, les responsables communistes, y compris celles et ceux élus à l’Assemblée comme au Sénat, sont « exclus » des grand-messes médiatiques. Invisibles ceux qui, dans l’opposition, appartiennent pourtant au premier parti de France en nombre d’adhérents, comme l’a dernièrement affirmé la commission nationale des comptes de campagne. À l’heure où des coups sont méthodiquement portés aux principaux conquis sociaux issus de la Résistance et du mouvement ouvrier, tous imprégnés de la sensibilité communiste, la classe dominante semble vouloir également effacer des antennes leurs héritiers, toujours actifs et bien vivants.

Commerciale Rachel Lebihan rachel.zibeline@gmail.com

Administration admin@journalzibeline.fr contact@journalzibeline.fr

04 91 57 75 11

Chargée des abonnements Marine Jacquens mjacquens.zibeline@gmail.com

07 67 19 15 54

06 46 11 35 65

RETROUVEZ TOUS NOS CONTACTS SUR JOURNALZIBELINE.FR


4

politique culturelle

Vitez au Cube L’Université d’Aix Marseille se dote d’un complexe de salles de spectacles sur son site d’Aix-en-Provence et y installe le Théâtre Vitez, juste à la frontière de la fac de lettres. Rencontre avec Agnès Loudes, qui dirige l’association avec Louis Dieuzayde

© Opération Campus

Zibeline : Quel est le statut du Théâtre Vitez et comment est-il né ? Agnès Loudes : Il est né en 1992 et c’est une association, en lien depuis le début avec l’université. C’est important parce que dès le départ c’est un projet de personnes, pas celui d’une institution. À l’époque Jack Lang avait les deux ministères, l’Éducation et la Culture, et ce genre d’aventure pouvait éclore. Et dès 1994 la Ville d’Aix, le Département et la Région sont entrés au financement aux côtés du Ministère. Pourquoi un tel succès ? Modeste quand même, les financements n’étaient pas lourds, ça a marché avec des bénévoles, des contrats aidés... Mais même si l’époque donnait plus facilement sa chance aux nouveaux projets, le Théâtre Vitez a tenu grâce à la singularité de Danielle Bré, qui était à la fois une artiste et une universitaire, c’est-à-dire

une comédienne et metteure en scène, et aussi une pédagogue et une chercheuse. Ce projet singulier s’inscrivait dans un mouvement plus général, le théâtre était entré dans les facs dans les années 70, avec la création de théâtres universitaires. Mais il n’avait pas forcément cette préoccupation têtue d’un rayonnement réciproque entre l’art et la recherche. Avec Danielle Bré, et Pierre Volx qui a cofondé l’association, le lien était naturel. Et il n’était pas question d’enseigner le théâtre sans la pratique. Est-ce une chose acquise, aujourd’hui ? Dans la nuance pas tout à fait ! mais ça va mieux. En 1992 l’enseignement théâtral était rattaché au département de Lettres. Aujourd’hui il est rattaché à celui des Arts, cela change tout au niveau de l’appréhension de la pratique. Mais il y a toujours dans l’enseignement des Lettres, et parmi les chercheurs, un

champ théorique détaché de la pratique qui considère le théâtre comme de la littérature, et étudie les textes hors des scènes. À côté de cela Danielle Bré a mis en place une formation professionnalisante, un DEUST. Il existe des formations d’acteurs, dans les Conservatoires, les Écoles Supérieures... Oui mais Danielle Bré était persuadée qu’il fallait faire du théâtre dans les facs. Le Théâtre Vitez est attaché à ça : la formation y est liée à la recherche, c’est un lieu d’application, une forme de labo, comme en sciences, où on étudie, on fabrique, on recherche. Avec nos têtes ET nos corps. Et c’est bien vu, de faire ça dans une fac ? Oh, les praticiens du corps continuent à être vus comme des hurluberlus par certains chercheurs du texte... mais ce n’est pas grave ! Quand le ministère de la Culture a confié à Danielle Bré un


Au programme de la semaine

Le pas de Bême

amphithéâtre de la Fac en 1993, « pour voir » lui ont-ils dit, c’était aussi parce que la Culture ne voulait pas financer directement l’Université. Les champs restent voisins, un peu méfiants, et c’est constructif. Il y a d’autres lieux comme ça, hybrides, la Vignette à Montpellier par exemple, mais ils sont historiquement dirigés soit par un universitaire, soit par un professionnel de la culture. Nous, après Danielle Bré -qui reste conseillère artistique à la programmation- on a imaginé une direction à deux têtes : Louis Dieuzayde est un enseignant chercheur, je suis la cultureuse... Et aujourd’hui directrice d’un lieu de spectacle digne d’une scène conventionnée... Oh non, doucement, je ne dirige pas la Cube ! On y est logés, hébergés, et nous occupons la salle au 4/5e... C’est-à-dire ? Que l’Université se réserve le droit de programmer dans ces murs, qui sont les siens. Cela fait 25 ans, bien avant la fusion des Universités, que l’idée de construire un théâtre dans la Fac revient régulièrement dans les contrats État/Région. L’Opération Campus a enfin permis sa réalisation. Le personnel technique et le matériel sont à l’association, la Fac a besoin de nous pour programmer, mis le Cube lui appartient. Il y a donc une salle de 200 places... 187. Et une salle de répétition, une salle de musique de 200 places très bien insonorisée et vraiment jolie... Mais nous ne sommes pas les seuls habitants du Cube, on y trouve des services dédiés au personnel, la médecine préventive... nous partageons l’espace, dans l’idée d’un lieu intermédiaire entre la fac et la ville. La programmation garde-t-elle les mêmes axes ? Oui, même si on va pouvoir développer, en particulier grâce à des résidences. Nos axes sont clairs : les compagnies de la région et les gens sortis des écoles supérieures, les productions repérées par le réseau Traverses dont nous faisons partie activement même si nous sommes, économiquement, le plus petit producteur... et le théâtre de texte. Pourquoi ? C’est historique, cela correspond à la recherche qui est souvent liée aux textes, mais on peut aussi programmer du cirque qui parle, comme à la soirée d’ouverture ! En dehors de cette programmation professionnelle nous produisons 3 spectacles d’étudiants par an, avec des metteurs en scène professionnels recrutés par la Fac. Et à côté de cela il y a une vraie programmation, avec comité de sélection, des pratiques amateures. Celles des étudiants, mais aussi des adultes et des lycéens. Et les étudiants viennent au théâtre ? Oui, mais pas seulement. Avant les travaux nous avions 8000 entrées par an, dont 6000 étudiants. Et là, les prochaines représentations au Cube affichent complet... Quels sont aujourd’hui vos financements et comment ontils évolué ? Ils restent très modestes pour une salle de théâtre... et ont plutôt tendance à baisser à la marge. La DRAC nous apporte

Adrien Béal s’inspire de l’œuvre de Michel Vinaver, L’Objecteur (écrit en 1951), qui évoque le refus d’obéir d’un jeune militaire, Julien Bême, qui, un jour d’exercice, s’assoit et pose son fusil au sol. Ici il s’agit d’un adolescent qui, bien que bon élève, rend des feuilles blanches à chaque devoir sur table. L’auteur met en scène cette désobéissance et en interroge les conséquences, ainsi que notre perception des « modèles », avec la Cie Théâtre Déplié. 13 février Théâtre Vitez, Aix-en-Provence 04 13 55 35 76 theatre-vitez.com

Le Pas de Bême © Martin Colombet

La dispute

Les étudiants du secteur théâtre d’AMU s’emparent de deux courtes pièces en un acte, La dispute de Marivaux et Nœuds de Ronald David Laing, le pionnier du mouvement de l’antipsychiatrie au Royaume-Uni, dans une mise en scène de Grégoire Ingold. Une exploration des géométries du désir qu’aiguisent les regards des deux dramaturges. 26 février au 2 mars Théâtre Vitez, Aix-en-Provence 04 13 55 35 76 theatre-vitez.com

65 000 euros et l’Université 43 000 en numéraire, plus 150 000 estimés pour nous héberger. Avec délégation de personnel ? Non, c’est l’association qui paye tout le personnel. La région nous donne 40 000 euros, mais a supprimé sans compensation 12 000 euros qu’elle nous donnait sur la ligne de la vie étudiante. Pour le Conseil départemental, c’est pareil, on a perdu 18 000 euros sur les actions éducatives, il nous reste 48 000 euros sur les 60 000 d’il y a quelques années. La Ville d’Aix quant à elle nous donne en tout 50 000 euros, plus 20 000 euros attribués directement aux artistes sur des aides aux projets. Vous ne vivez que de cela ? On a un peu d’argent de l’ONDA, et de la billetterie, pas beaucoup car les places sont très peu chères. Le budget total de l’association est de 350 000 euros, sans augmentation prévue avec ce nouveau lieu. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL

5


6

politique culturelle

Les changements de la politique culturelle régionale

Renaud Muselier, Président de la Région Sud, a présenté ses vœux à la Culture à la Collection Lambert à Avignon. Et annoncé quelques changements. Entretien

Zibeline : Pourquoi présentez-vous vos vœux à la Culture à Avignon et pas, comme traditionnellement, au Conseil Régional à Marseille ? Renaud Muselier : Pour deux raisons : d’abord, je voulais que ces vœux se tiennent dans un bâtiment culturel. La Collection Lambert est aujourd’hui, grâce à la donation faite à l’État et à l’implication financière des collectivités publiques, un lieu remarquable qui témoigne de la richesse de l’art contemporain. Nous allons d’ailleurs lancer en 2019 un Parcours de l’Art contemporain qui permettra de mettre en valeur l’incroyable richesse de notre région dans ce domaine, dans tous les départements, et pour les 5 millions d’habitants de ce territoire. La deuxième raison ? Eh bien, je suis le Président de la Région, et justement la culture est présente sur tout le territoire. C’est pourquoi j’avais tenu à ce que la Conférence permanente des Arts et de la Culture se tienne à Mougins, dans les Alpes-Maritimes. Les Assises se sont tenues à Marseille, et le Vaucluse, avec les Chorégies et le Festival d’Avignon comme fleurons, est emblématique de la culture dans le monde. Je suis Marseillais, et Marseille est la capitale régionale, mais je veux faire savoir que je suis attentif à tout le territoire que je préside. À propos des Assises de la Culture qui se sont tenues en novembre, vous y avez écouté les acteurs culturels et annoncé un certain nombre de mesures. Qu’en est-il aujourd’hui ? La Culture est pour nous une priorité, elle est une réponse à la crise que traverse notre pays. Elle nous permet de forger une communauté humaine, à travers

les projets culturels mais aussi à travers nos traditions. Grâce à la culture on peut se sentir à la fois différents et unis. Pour ceux qui sont sûrs de sa valeur et de sa portée universelle, elle est un vecteur d’ouverture à l’autre. Mais elle peut au contraire se dresser comme un mur infranchissable si elle est sectaire. Ceux qui veulent l’entourer de fils de fer barbelés auront toujours tort. Et la première des actions que nous devons avoir en termes de politique culturelle, c’est de garantir la liberté de création. Est-il suffisant de le proclamer et quels sont les moyens que vous lui donnez ? Le proclamer est toujours important. Nous avons fait barrage à l’extrême droite il y a trois ans et je n’oublie pas le rôle déterminant des acteurs culturels durant l’entre-deux tours des régionales.

Quant aux moyens, dès la première année, nous avons augmenté le budget de la Culture de 10%, et depuis nous l’avons sanctuarisé. Dans un contexte budgétaire restreint c’est un effort considérable. Lors des Assises, les acteurs culturels ont formulé un certain nombre de demandes. Par exemple, celle de plus de clarté dans les attributions de subventions, sur leurs montants et sur les critères d’attribution. Les montants sont publics, il s’agit seulement de mieux communiquer pour que l’information soit disponible pour chacun. Quant aux critères, à budget constant les augmentations que nous opérons entraînent forcément des baisses. Nous devons faire des arbitrages, nous essayons de le faire en toute clarté et sans clientélisme.

À Marseille, la Déviation sur la Si l’acquisition du lieu devrait se concrétiser, la levée de fonds reste nécessaire

I

maginer un lieu associatif de création et de recherche artistique, autogéré par un collectif d’artistes bénévoles, pouvait déjà relever de l’utopie. Mais à Marseille, où l’évidence est souvent contredite, ce lieu existe depuis bientôt quatre ans. « À notre arrivée, il n’y avait ni eau chaude, ni électricité », raconte Malte Schwind, metteur en scène allemand et cofondateur de la Déviation.

Il en fallait des convictions et de la folie pour transformer cette ancienne usine des hauteurs de l’Estaque en espace de résidence permanente ouvert au public. Plutôt que de s’orienter vers un squat à la pérennité incertaine, les initiateurs du projet décident d’additionner leurs loyers respectifs (3000 euros) pour ouvrir un lieu à réhabiliter. Aujourd’hui, ce sont les cotisations des résidents, des membres actifs, des adhérents et les recettes de la guinguette qui assurent le financement du lieu qui dispose de trois pôles consacrés aux arts vivants, visuels et à la musique. Mais depuis quelque temps, c’est une ambition nouvelle qui motive le collectif : acheter la Déviation.


7

© JP Garufi

Les acteurs culturels ont souligné que les projets culturels qui auparavant trouvaient des financements complémentaires dans la politique de la ville, ou l’éducation, ou l’aide à l’emploi culturel, se trouvaient aujourd’hui privés de ces ressources. Et que, globalement, les opérateurs importants avaient été davantage soutenus sous votre mandature, au détriment des plus petites structures. Nous sommes transparents, et je me suis engagé à trouver des ressources complémentaires dans ces domaines, et à motiver mes arbitrages. Mais je ne peux pas compenser les baisses globales du Ministère, ni celles des Départements ou de certaines Villes. Eux-mêmes d’ailleurs ont leurs raisons face à la baisse des dotations. Je ne peux pas me substituer aux défaillances de la Ville de Marseille ou du Département des Bouches-du-Rhône. Quels seront donc les nouveaux projets en 2019 ?

Eh bien, le Parcours de l’Art contemporain par exemple, qui trouvera son point d’orgue à la Collection Lambert. Les Chorégies d’Orange fêteront cette année leurs 150 ans, grâce à la Région. Les 10 millions de déficit ont été résorbés, nous avons répondu à l’appel de l’État qui demandait un financement de notre part, et n’a d’ailleurs pas augmenté le sien. En matière de production, le Pôle Théâtre et l’ExtraPôle poursuivront-ils leur travail de mutualisation ? Oui. Ils ont prouvé leur efficacité en permettant, par exemple, que Thyeste soit joué dans la Cour d’Honneur l’été dernier. Cette année, nous élargissons le dispositif à l’opéra. Pour la première fois les quatre opéras de la région -Marseille, Toulon, Nice et Avignon- vont produire ensemble une forme jeune public et un opéra en mutualisant les coûts. Ce qui va permettre de créer ensemble un opéra (La

Dame de Pique, mis en scène par Olivier Py, NDLR) qu’aucun d’entre eux n’aurait pu produire seul. Dans cette même logique de mutualisation à l’échelle régionale, j’ai reçu avec plaisir et intérêt le courrier du réseau Traverse en décembre. En 2019, leur Fonds de coproduction mutualisé accompagnera deux projets. Si le réseau Traverse le souhaite, nous soutiendrons leur mécanisme de coproduction. Vous avez parlé également d’un soutien au financement participatif ? Oui, nous allons innover en mettant en place notre propre dispositif, avec la plateforme KissKissBankBank. C’est un drôle de nom mais ça marche bien paraît-il. Quel sera le rôle de la Région ? Nous voulons aider les acteurs culturels à faire connaître leurs projets. Nous allons proposer à ceux qui seront retenus dans ce cadre un financement additionnel. Nous serons la première Région à déployer ce genre de démarche. D’autres mesures ? La généralisation de l’e-PASS jeunes, avec des journées de médiation afin que les structures culturelles puissent faire connaître leur offre, et que ce pouvoir d’achat culturel que nous offrons aux lycéens bénéficie aux librairies, aux théâtres et aux cinémas indépendants plutôt qu’aux chaînes ! ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL

lors de la cérémonie des vœux au monde culturel le 23 janvier, à la Collection Lambert, Avignon

bonne voie « Au début, quand le propriétaire nous a annoncé son désir de vendre, nous n’étions pas dans cette logique », reconnait Malte Schwind.

Pour une propriété d’usage Mais l’idée a fini par faire son chemin et l’expérience du Mietshsäuser Syndikat depuis les années 80 outre-rhin a dessiné un mode de pensée et d’action alternatif. Ce système, qui repose sur la solidarité des usagers pour lever des fonds, vise à « remettre en question la propriété privée au profit d’une propriété d’usage pour tous » tout en freinant « la spéculation immobilière » et « la gentrification ». En France, le principe, très peu développé, est porté par une fédération nationale sous l’acronyme Clip. Il existe trois structures dont l’exemple marseillais, les deux autres étant dans le Perche. Parmi les avantages du dispositif, une assurance collective sous forme de transfert solidaire de fonds d’une structure à une autre

en cas de difficultés. Pour acquérir la Déviation, un peu plus de 440 000 euros sont nécessaires, frais de notaire compris. Il n’en manque que quelques milliers aujourd’hui. Quel est le secret ? Après une volte-face des banques, les artistes ont opté pour le microcrédit à très faible taux d’intérêt, auprès de particuliers, grâce auquel ils ont d’ores et déjà collecté 80 000 euros qui s’ajoutent aux 50 000 issus des campagnes de financement participatif et des soirées de soutien. Tout récemment, une bonne âme s’est engagée à prêter 150 000 sur cinq ans. Au final, « il reste 125 000 euros à trouver, non pas pour acheter mais pour étaler le plus possible les crédits. Cela revient à 25 000 euros par an pendant cinq ans, soit 1 000 euros par membre actif annuellement. Cela paraît jouable ». L’optimisme et la détermination déplacent des montagnes. LUDOVIC TOMAS

Pour aider à la réalisation du projet : ladeviation.org


8

politique culturelle

Avignon, ville d’exception(s) C’est le slogan de la Ville et en matière de théâtre, il lui colle à la peau, jusque dans son événement Fest’Hiver

L

es théâtres « historiques » d’Avignon (Le Balcon, Le Chêne Noir, Les Carmes, Les Halles et Le Chien qui fume) forment un groupe, autoproclamé Les Scènes d’Avignon, qui au fil des années, de désaccords en réconciliation, a préservé une place particulière. Ils sont tenus par les artistes fondateurs du Off en 1966 et 1967 (Gérard Gélas) ou leurs descendants (Sébastien Benedetto, fils d’André auquel cette édition rend hommage, mais aussi Alexandra Timár ou Julien Gélas), complétés par des metteurs en scène installés là depuis 35 voire 45 ans (Gérard Vantaggioli 1973, Alain Timár et Serge Barbuscia 1983). Ces entreprises de théâtre vivent en bonne partie des recettes générées lors du Festival Off et ils perçoivent aussi des subventions publiques, bien qu’ils possèdent leurs murs qu’ils transmettent à leurs enfants comme un bien privé. Une aberration ? Non, une exception. Si chacun de ces théâtres a son esthétique et son économie propre, nul doute que leur politique de création, de programmation et de soutien aux compagnies locales relève du service public, et qu’ils animent à l’année, et à perte, une ville qui aime le théâtre jusqu’au plus froid de l’hiver.

Ce qui persiste La Ville d’Avignon, en accueillant leur conférence de presse et en subventionnant Fest’Hiver -à peine, 5000 € en tout, mais elle aide par ailleurs chacune de ces salles-, reconnaît les particularités de cet événement, et les acteurs interrompent les applaudissements à la fin pour signaler qu’ils joueront dans le Off et que : « si le spectacle vous a plu n’oubliez pas d’en parler autour de vous...». Des rituels « privés » qui ne persistent guère qu’à Avignon ; le Théâtre des Halles est le seul à appartenir au Réseau Traverse qui regroupe aujourd’hui presque toutes les scènes publiques régionales : les autres « historiques » vivent un peu

La Révérence, Cie Artscénicum © Jérôme Quadri

en autarcie, le regard tourné vers Paris plutôt que vers la région qu’ils habitent. C’est cela aussi, l’exception avignonnaise : ces « historiques » qui sont nés contre le Festival d’Avignon, dans un mouvement de contestation, se sont regroupés en laissant dehors les théâtres ouverts après 1983, qui se heurtent à l’absence de financement public, quelle que soit la pertinence et l’impertinence de leur programmation. C’est le cas de La Manufacture, de Golovine ou d’Artéphile par exemple : qu’importe leur qualité, ils sont arrivés après, dans une ville qui ne peut dépenser plus, parce que la culture -théâtre et patrimoine- fait vivre son économie (privée) mais qu’elle pèse lourd dans ses finances (publiques). D’autres arbitrages possibles, fondés sur le projet d’intérêt public et non la règle du premier arrivé ? Il se trouve que les spectateurs sont là, exclusivement avignonnais l’hiver, et passionnés. Ce qu’on leur propose témoigne d’une diversité d’esthétique qu’on peine à voir ailleurs, de l’opérette marseillaise à la poésie sonore, en passant par du divertissement féministe, du théâtre réaliste et documentaire, ou des créations par des

compagnies vauclusiennes de textes de Catherine Verlaguet (Cie Éclats de scène) ou de Soie, adaptation du chef d’œuvre d’Alessandro Baricco (Olivier Barrère).

Diversité d’esthétiques L’ouverture de Fest’Hiver s’est faite avec l’extravagant et délicieux Détachement International du Muerto Coco et ses Lectures (z) électroniques au Théâtre des Halles. La compagnie internationale mais néanmoins marseillaise (le propre de l’exception phocéenne ?) a proposé à un public médusé sa poésie sonore animée par les sons incongrus de jouets d’enfants. Un régal, intelligent, intime, décalé, que le public a su goûter. Les mêmes spectateurs, ou à peu près, se retrouvaient le lendemain aux Carmes. La Compagnie du I (Avignon) proposait un récital parodique, le retour de Carmen de la Canciòn sur la scène : les trois femmes, la diva étant entourée d’une traductrice empressée et d’une musicienne atterrée, jouaient une partition un peu indécise. Car si la chanteuse se laissait applaudir après Carmen ou Fiever comme dans un véritable tour de chant, le comique fondé sur l’agitation de ses


CRÉA | Aymeric Duchemin | adgraph.fr

comparses et ses références hispaniques outrées empêchait l’émotion musicale, sans parvenir non plus au comique recherché. Un trio qui gagnera sans doute à construire des moments aux tonalités plus décidées, successives plutôt que superposées. Au Balcon De Gaulle tirait Sa révérence. La Cie Arscénicum reprenait la création qu’elle avait proposée au Off 2018. François Cottrelle, toujours impressionnant, interprète le Général/ Président lors de sa fuite en mai 68 à Baden Baden. Quelques heures historiques pour un théâtre documentaire mais surtout politique, qui ne cache rien des errements de l’homme qui envisage très sérieusement l’emploi de la force militaire, et s’oppose à un Cohn-Bendit surgi du public. La pièce de Philippe Chuyen remet en cause la Ve République et sa fausse démocratie parlementaire, son incompréhension du peuple. Formellement elle repose sur un parti-pris réaliste, agrémenté d’images d’archives, mais elle sait aussi prendre de la distance, jouer à jouer, faire des entorses habiles au quatrième mur. Et François Cottrelle, sans singer le général, a comme lui la voix qui se brise, le ventre proéminent et la phallocratie naturelle.

Ailleurs Durant la même semaine la jeune compagnie avignonnaise Deraïdenz présentait sa nouvelle création de marionnettes (magnifiques) au petit théâtre Transversal et les Hivernales programmaient Hiverômomes pour des publics scolaires de tous âges : Grrrrr au Théâtre Golovine, une petite forme sur les monstres pour les tout-petits, Aérien de Melissa Von Vépy, pour les ados, dans leur théâtre dont ils seront bientôt délogés sans solution de repli... Le Festival d’Avignon, le 5 février comme tous les premiers mardis du mois, organisait une rencontre avec un artiste qui sera programmé cet été : Roland Auzet, compositeur et metteur en scène, venait parler de son projet Nous l’Europe ou le banquet des peuples. À la Maison Jean Vilar on fêtait le 31 janvier La Nuit des Idées. Plus de 650 personnes venues entendre Olivier Py déclamer ses sonnets néoclassiques et intimes, évoquant l’exil (introduction à la thématique du Festival d’Avignon 2019 : l’Odyssée), ou suivre les danseurs du Conservatoire et les étudiants de théâtre dans leurs propositions impromptues... Quant aux acteurs de Paroles de Gonz’, ces mecs mis en scène par Nadjette Boughalem à partir de paroles recueillies lors d’ateliers d’écriture à Avignon Extra muros, ils renouvellent le Théâtre Populaire : ils en sont enfin non plus les spectateurs, mais les acteurs et les personnages, qui disent leur révolte, l’oppression économique, politique, religieuse, jusqu’au refus de l’assignation genrée. Encore une exception avignonnaise, sur laquelle Zibeline reviendra bientôt. AGNÈS FRESCHEL

Théâtre

LA FIN DE L’HOMME ROUGE D’après le roman de Svetlana Alexievitch, prix Nobel de Littérature 2015 Mise en scène Emmanuel Meirieu Avec Stéphane Balmino, Evelyne Didi, Xavier Gallais, Anouk Grinberg, Jérôme Kircher et Maud Wyler

Mardi 26 février 20h30 THÉÂTRE DE L’OLIVIER | Istres 04 42 56 48 48 | www.scenesetcines.fr Licence 3-1064783


10 actualité culturelle lgbt du sud-est

À la Criée Olivier Py a fait vivre Miss Knife, et Phia Ménard débarque avec un ouragan féministe. Le théâtre, originellement interdit de femmes, vit une révolution anthropologique

Cité Queer

Sur les planches, l’assignation vole en éclats

O

n n’en a plus vraiment conscience mais à leur création, Antigone, Électre, Juliette, Miranda et même Lysistrata étaient jouées par des hommes. Quand Shakespeare invente le mythe de l’amour impossible, c’est un travesti qui joue la jeune fille. Et la grève du sexe imaginée par Aristophane pour obtenir la paix est menée par des hommes travestis portant masques, devant un public exclusivement masculin : les femmes étaient interdites de scène et de public dans cette Grèce antique qui a inventé le théâtre. Le travestissement sur les scènes ? Il n’était pas qu’un moyen de pallier l’absence des femmes : Shakespeare, Sophocle, Aristophane recrutaient des acteurs « féminins », et plaçaient la question du travestissement (dans Comme il vous plaira ou La Nuit des Rois), et du pouvoir masculin (dans Antigone ou Lysistrata) au centre de leurs pièces. Inventaient même Tirésias, le mythe de la transexualité réversible. Car évidemment, le recours à des acteurs travestis, et féminins, posait la question de l’assignation. Notre répertoire en est marqué, et la question « trans » revient en force aujourd’hui sur les scènes, éclairée par les travaux théoriques sur le genre et la possibilité, légale et médicale, de la transition.

Éviter les pièges La richesse de la question LGBTQI+ est la multiplicité, non close, des lettres. Les cisgenres travestis, les transgenres stealth (les furtifs, soit les transgenres dont on ne voit plus, socialement, le genre de naissance), les transgenres ostensibles ont chacun leur histoire, hétéro, homo ou bi, qui les regarde, tout comme les lesbiennes et les gays ont un rapport à leur identité de genre qui peut varier dans le temps et individuellement : si la révolution anthropologique de genre que nous vivons a un avantage, c’est bien de donner à chacun la liberté de devenir qui il est, sans essentialisme. Or certains trans ou certains gays regrettent que le travestissement -ou l’esprit backroom années 80 qui symbolise encore l’homosexualité au cinéma- fasse office de représentation populaire de la question queer. Si on peut l’y réduire, le

Saison Sèche - Cie Non Nova - © Jean-Luc Beaujault

travestissement est historiquement le mode de la représentation théâtrale du genre, et il fut, à une époque très récente, le seul moyen de changer de place assignée. Plus grave encore, il est des féminismes cruellement excluants. On connaissait celui qui refuse aux lesbiennes le droit de porter la question féministe au prétexte qu’elles sont minoritaires et n’aiment pas les hommes, donc ne comprennent pas l’oppression masculine. Plus ambigu est celui qui accuse les gays de ne pas voir les femmes, et franchement odieux celui qui, cet été, quand il a comptabilisé les femmes artistes programmées au Festival d’Avignon, a classé Phia Ménard dans la colonne


11 « homme ». Le combat contre le patriarcat est la base même du combat féministe, mené par des femmes, lesbiennes, bi ou hétéro, des hommes à la sexualité tout aussi diverse, et même des croyantes portant voile parfois. Reconstruire un féminisme fondé sur la concordance des luttes inclut, forcément, d’écouter les LGBT. Trans et cisgenres.

Phia Ménard féministe Saison sèche de Phia Ménard est un des plus beaux, des plus forts, des plus justes spectacles que l’on a pu voir sur les scènes ces dernières années. Dans L’Après midi d’un Foehn, à destination du jeune public, elle faisait danser des marionnettes de plastique pour dire -sur la musique emblématique de Debussy qui a permis à Nijinski de placer la question du désir au centre de la danse moderne- la légèreté et l’envol des corps, leur malléabilité, leur matière. Dans Saison sèche elle place aussi la question politique du genre dans le mouvement, la matière et la dramaturgie. Sept femmes y sont confrontées à une boite de scène blanche dont le plafond s’abaisse, les maintenant à plat ventre ou courbées jusqu’à ce qu’elles se soumettent à l’assignation genrée, se castrent douloureusement de leur féminité, endossent des attitudes viriles et martiales, crient, s’affrontent, détruisent la maison qui pisse de ses ouvertures triangulaires des menstrues noires. En une heure effrénée Saison sèche dit tous les ravages que les sociétés reproduisent depuis des siècles en contraignant les femmes à la soumission, la discrétion et l’hystérie, et les hommes à la compétition, la violence et à la loi. Elle dit, mieux que tous les mots, comment nos gestes, nos pas de l’oie, nos dos courbés, nos coups de feu, nos coups de poing, nos chevelures, nos costumes, nos attributs, notre manière de bouger seul ou d’attraper le mouvement de groupe, comment tout cela est lié à notre genre social qui, décidément, a peu à voir avec nos organes sexuels de naissance.

d’Avignon. Un des plus grands festival de théâtre du monde. Il fait cela, il est applaudi, compris, admis, et avec lui toute la question LGBTQI+ fait un bond en avant dans le combat contre un patriarcat dominant. Qui ne pourra plus jamais être comme avant, n’en déplaise aux féministes qui ne veulent pas associer leur voix à celle, trop étrange ou trop séduisante, des Queer. AGNÈS FRESCHEL

à venir Saison Sèche 28 février au 2 mars La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com L’Après-midi d’un Foehn 26 février Théâtre de Fontblanche, Vitrolles 04 42 02 46 50 vitrolles13.fr 27 février Forum de Berre 04 42 10 23 60 forumdeberre.com 1er mars Théâtre Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr

Miss Knife au phallus La démarche d’Olivier Py est tout autre. Elle est celle d’un homme, cisgenre, homosexuel, qui assume d’aimer, par moments travestis, être une femme. Et son récital, Les premiers adieux de Miss Knife, est formidable. Intrinsèquement d’abord, parce que ses musiciens, un quatuor de jazz très mélodique, sont merveilleux, chacun virtuose et tous à l’écoute. Parce Miss Knife chante très bien, juste et avec émotion et nuance, même si le timbre de voix n’est pas toujours des plus agréables. Et surtout parce que les chansons sont très bien écrites : on y retrouve la puissance d’écriture lyrique des pièces de théâtre, la dérision, mais avec plus d’intimité, de confidence, et moins de méchanceté envers les « trouducs » dont il parle ailleurs. Mais l’essentiel n’est pas là. Dans la salle de la Criée, debout, le public applaudissait Olivier Py habillé en femme, ou plutôt en dragqueen, talons hauts, faux cils, aigrette démesurée, robes et bas à paillette. Qui faisait admirer le décolleté plongeant de son dos, s’allongeait et battait des jambes en disant « j’adore faire ça ». Disait « y a-t-il encore des hétéros de base dans la salle ? » et répliquait aux femmes qui levaient la main « non une femme n’est jamais de base ». Cet homme qui se travestit en gardant son phallus – elle s’appelle Miss Knife tout de même- est le directeur du Festival

Création

La Poursuite du Cyclone Kevin Jean MERCREDI 27 FÉVRIER 2019 À 19H30 JEUDI 28 FÉVRIER 2019 À 20H30 - THÉÂTRE D’ARLES + d’infos sur www.theatre-arles.com / 04 90 52 51 51


12 événements

Daho raconte Moreau Le chanteur est venu spécialement à Avignon visiter l’exposition consacrée à la comédienne dont il était très proche à la fin de sa vie dans ses souvenirs, c’est dans Viva Maria !, de Louis Malle. « Peut-être pas son meilleur film… Mais pour moi, c’était un personnage presque mythologique. » Croisée une première fois sur un plateau à Canal+ (« Elle s’est dirigée vers moi, m’a pris par les épaules et m’a dit : je vous aime beaucoup »), une deuxième à la projection du film Clean, d’Olivier Assayas ; la troisième rencontre sera déterminante. Elle a lieu un soir de juin 2008, pendant l’Obsession Tour. « Jeanne est venue me voir à l’Olympia. Je l’ai repérée au premier rang du premier balcon, en face de moi. La voir danser debout sur Epaule Tatoo, c’était quelque chose », se souvient-il, les yeux pétillants. Le concert terminé, la comédienne chanteuse le félicite dans sa loge, particulièrement touchée par son interprétation de Sur mon cou, extrait du Condamné. « Faisons l’intégralité de l’œuvre ensemble », lui lance le musicien, sans avoir imaginé une seconde plus tôt qu’il prononcerait cette phrase.

Jeanne Moreau, Etienne Daho, Le Condamné à mort, 2011 © C. Raynaud de Lage

«

Il n’est pas de hasard, il est des rendez-vous, pas de coïncidences. » Ce 23 janvier, Etienne Daho avait rendez-vous avec celle qui, dans les dernières années de sa vie, bouleversera la sienne : Jeanne Moreau. L’auteur de Tombé pour la France s’était promis de visiter, dès sa tournée terminée, l’exposition que la Maison Jean Vilar, à Avignon, consacre à l’actrice. Ce qu’il fit, le surlendemain même du dernier concert de son Blitz Tour, à Berlin. Comme il le chante dans Ouverture (album Corps et armes, 2000), cette date ne peut être une « coïncidence ». C’est en effet l’anniversaire de Moreau, disparue le 31 juillet 2017, à 89 ans. Pendant plus d’une heure, Daho s’immerge dans un parcours de photographies, d’enregistrements sonores, de documents écrits, de vidéos. « C’est une belle expo, très bien documentée. J’ai appris des choses », dira-t-il en sortant,

visiblement ému. Dans la dernière salle, il prend un casque et visionne un extrait du Condamné à mort, l’adaptation en lecture concert du long poème de Jean Genet que Jeanne et lui ont joué dans la fameuse Cour d’Honneur du Palais des Papes, lors du festival en 2011. C’est d’ailleurs son témoignage qui clôt pratiquement l’exposition. « C’est une journée très particulière », reconnaît Etienne, regardant les gros flocons de neige qui viennent de fendre le ciel d’Avignon.

Un personnage mythologique Dans sa jeunesse, Etienne Daho découvre Jeanne Moreau par la musique. « J’avais deux albums à la maison, que j’écoutais beaucoup, à côté de ceux du Velvet Underground et d’Iggy Pop. Elle a une voix qui pique, au spectre extrêmement bien équilibrée et d’une grande justesse. » La première fois qu’il voit l’actrice à l’écran,

Une amitié fusionnelle La suite est une histoire d’amitié fusionnelle. « Les élans sont des choses qui ne se maîtrisent pas. On s’appelait tous les jours, on se comprenait. Nous faisions partie de la même famille d’esprit, partagions certaines valeurs. La même exigence de mettre notre travail au centre et de le faire avec le cœur et aussi cette sensation qu’on est là pour faire quelque chose d’utile aux autres. » Pour Le condamné, « c’est elle qui m’a encouragé sur le fait que je pouvais donner chair à ce texte. On a mis un an à préparer le spectacle, on a laissé infuser. Mais on a enregistré les chansons en une prise. J’amenais la musique, elle amenait le théâtre. Chacun curieux du monde de l’autre. Elle aimait l’idée d’être la chanteuse d’un groupe de rock. » Même si, malgré le souhait initial d’Etienne, Jeanne ne s’est pas laissée


C R É AT I O N !

E X P O P H OTO VERNISSAGE PROJECTION RENCONTRE

L A F R A N C E V U E D ’ I C I #2 Paul Ar naud / Loïc Bonnaure / Jean-Robert Dantou / Jacob Chetrit / Raphaël Helle / Géraldine Millo / Anne Rearick / Frédéric Stucin / Patrice Terraz... Un projet ImageSingulières & Mediapart © P a t r i c e Te r r a z

convaincre de chanter les vers de Genet. Au moment de la répétition à Avignon « il y a avait une grande excitation. Elle était chez elle, elle déclamait des tirades de ses années au côté de Jean Vilar et Gérard Philippe. On était tous amoureux d’elle ». Après Avignon une tournée avait finalement suivi. « Quand on montait sur scène, je la tenais par le bras et l’amenais jusqu’à son pupitre. J’attendais 20 minutes dans le noir avant de démarrer. J’avais toujours peur du premier son qui allait sortir de ma bouche. Au fur et à mesure des représentations, elle me mettait en avant », témoigne le musicien. Leur plus grande satisfaction ? « Avoir amené vers le monde un texte initialement tant rejeté, l’avoir rendu universel. » Et Daho de confier : « Jeanne voulait qu’on refasse des choses ensemble ».

Administrateur du Fonds A-t-il envie d’écrire une chanson sur son amie disparue ? « Pas pour l’instant. Elle est déjà présente dans beaucoup de choses ». À commencer par sa propre existence : « Jeanne est une personnalité qui vous change. Je ne suis plus la même personne. Un peu comme après avoir rencontré Gainsbourg ». C’est quotidiennement que l’auteur-compositeur-interprète pense à l’icône du théâtre et du cinéma français. À double titre. « Elle m’avait dit qu’elle voulait que je jette un œil sur ses affaires mais était restée très vague ». À la lecture du testament, il est désigné comme administrateur et ambassadeur parmi les trois personnes qui gèrent le Fonds Jeanne Moreau auquel l’actrice sans ayants droit a légué l’ensemble de ses droits moraux, matériels et de ses biens. Parmi les missions de ce qui deviendra une fondation, l’accès des enfants fragilisés au théâtre et au cinéma. Pas certain d’être à la hauteur de la dernière volonté de son amie, il finit par accepter la tâche, une fois rassuré sur la compatibilité avec son emploi du temps chargé. Mais reste surpris de la confiance qui lui a été accordée. « Je ne suis qu’une relation de la fin de son parcours », raconte-t-il avec l’humilité qui le caractérise. Ni hasard, ni coïncidence.

JEU. 10 & VEN. 11 JANVIER > 20H30 ± 1h15 Tar ifs : 15 / 10 / 5 / 3 €

≥ 12 ans

MARDI 26 FÉVRIER 2019 19h

> O U V E R T U R E D E L’ E X P O S I T I O N (entrée libre)

19h30 > PROJECTION LA FRANCE VUE D’ICI - LE FILM

LUDOVIC TOMAS

± 3 0 m i n / Gratuit sur réservation

20h

> VERNISSAGE & RENCONTRE avec les photographes et le réalisateur

L’exposition « Je suis vous tous qui m’écoutez ». Jeanne Moreau, une vie de théâtre se poursuit jusqu’au 13 avril à la Maison Jean Vilar, à Avignon 04 90 86 59 64 maisonjeanvilar.org

infos & réservations > avenue Raimu, Marseille 14e > 0 4 9 1 1 1 1 9 2 0 / w w w. m e r l a n . o r g


14 événements

Éternelle jeunesse baroque ! L’ensemble de musique baroque Café Zimmermann

montre quelque chose d’humainement très profond. Tout s’imbrique, et la démarche de s’interroger sur l’univers qui entoure les monceaux de parZibeline : Un peu d’histoire… l’ai pas choisi titions dont on dispose, Pablo Valetti : Notre ensemble tient au départ, le en enrichit son nom du Café de Leipzig, tenu par clavecin m’a été Gottfried Zimmermann dans les années proposé par mes énormément la 1730, où se retrouvaient amateurs de parents, mais par lecture et donc café et mélomanes pour écouter le Colle- la suite j’ai adhéré à l’interprétation. Il y a d’ailleurs un son gium Musicum dirigé principalement cet instrument et à son Cé line Frisc llot Café Zimmermann… par ses instigateurs, G. P. Telemann et répertoire, et je me trouve h © Jean-Baptiste Mi P.V. : Nous sommes tous formés J. S. Bach. Le Café Zimmerbien dedans. mann était l’équivalent P.V. : Je fais du violon de manière mécanique et virtuose, on se d’une académie en « normal » pour ainsi focalise parfois tellement sur la technique Italie. Comme les dire, orchestre que l’on oublie le sens, et l’interprétation réunions sociales symphonique, dans la musique baroque est le princiétaient intermusique de pal. C’est pourquoi c’est une musique qui dites dans la chambre, mu- reste très actuelle par sa capacité à nous rue, on allait sique contem- amener à nous poser des questions, afin au café pour poraine… mais de concevoir son interprétation. parler philosotrès centré sur L’intégrale qui paraît pour les vingt ans phie, partager la musique clas- traduit une évolution… des opinions, tesique en général. Céline Frisch : Oui il y a une évolution, nir des conversaLa particularité technique, on était plus jeunes, cela s’endu répertoire ba- tend. Un type d’énergie a changé, on est tions intellectuelles. 20 ans, un ensemble roque est qu’il n’est plus homogènes, avec un discours plus t composé de solistes vequ’en partie un répertoire, commun, plus construit, plus évident. illo Pab te M lo Val etti © Jean-Baptis nus d’horizons divers. Un semais c’est aussi, surtout, une À nos débuts, notre réflexion était plutôt démarche que l’on adopte au cours des de l’ordre de l’intuition, avec de l’énergie cret de longévité ? P.V. : Sans doute parce que nous n’avons études sur la musique baroque : étude du qui débordait. Nous sommes plus prépas le quotidien d’un orchestre sympho- contexte de cette musique, de la culture cis, nous réussissons mieux nos idées. nique… D’autre part, les grandes diffé- de l’instrument à l’époque, des techniques La célébrité de Café Zimmermann vous rences de nationalités, de coutumes, de jeu, des méthodes d’apprentissage… enferme dans un répertoire ? Des end’âges (25 à 30 ans d’écart entre les plus Tout a évolué, de la manière de jouer aux vies de contemporain ? jeunes et les plus anciens du groupe) instruments eux-mêmes qui ont été mo- Pablo Valetti : On est connus dans un constituent un enrichissement pour difiés. La musique au XVIIe, au XVIIIe certain répertoire, on y est attendus, et il chacun, nous aident à chercher à com- était écrite dans un certain contexte phi- a toujours cette préoccupation de remplir prendre les autres, à se poser des ques- losophique, esthétique, technique, qui les salles. On a une envie d’ouverture en tions sur soi… Pourquoi le choix du ba- lui donne du sens. Il ne s’agit pas de effet, il faut que la rencontre se fasse. On roque aujourd’hui ? reconstituer un son, mais d’essayer de est en contact avec Musicatreize, avec Céline Frisch : C’est d’abord lié au par- connaître les différents contextes. Avant des compositeurs contemporains… On cours personnel de chacun. Nous nous Beethoven, un compositeur n’était pas ouvre d’autres portes ! ENTRETIEN RÉALISÉ PAR sommes rencontrés, pour une partie un artiste qui écrivait pour l’humanité, MARYVONNE COLOMBANI d’entre nous, à la Schola Cantorum de il écrivait pour le dimanche, pour sa foi Bâle qui est justement un lieu d’ensei- peut-être, il était « au service de », il écrignement et de recherche autour de ce vait pour quelqu’un, sur commande. Malrépertoire. Chacun a eu une histoire un gré tout, ces compositeurs font passer peu différente. Pour ma part, mon ins- des choses très profondes : la musique trument a déterminé le répertoire. Je ne de Bach, trois siècles plus tard, nous

fête ses vingt ans. Un bref retour en compagnie de ses deux fondateurs, la claveciniste Céline Frisch et le violoniste Pablo Valetti


15

Dans l’intimité de la famille Bach Le concert de Café Zimmermann, donné au théâtre Armand dans le cadre des Scènes intérieures du Festival International de Musique de Chambre de Provence à l’occasion de son vingtième anniversaire, suivait un programme original, qui tranchait avec les autres manifestations proposées dans les autres structures. Ici, la formation en quatuor -Céline Frisch (clavecin), Pablo Valetti (violon), Petr Skalka (violoncelle), Karel Valter (flûte)- s’attachait à nous faire entrer dans l’intimité de la famille Bach. Céline Frisch et Pablo Valetti nous en livraient les clés : « C’est le flûtiste qui nous a proposé ce programme, il est parti de l’idée d’un recueil quasiment familial, imaginer la famille Bach qui se réunit, prend des partitions et s’arrange avec les instruments qu’elle a sous la main pour jouer. La majorité des pièces de ce concert sont des arrangements, à part celle de Carl Philipp Bach et L’Offrande

Musicale qui sont jouées dans leur forme originelle. Sinon, pour le reste du programme, on voit la flûte prendre la partie de chant des cantates, l’orgue être remplacé par le clavecin… L’aria et la fugue sont des transcriptions de Mozart de pièces de Jean-Sébastien Bach, compilation d’un certain nombre d’adagios et fugues. L’idée de base c’est la famille Bach qui partage un moment de mu- © Aurélien Gaillard sique avec un florilège d’œuvres On se laisse donc porter par l’interprédomestiques. Un concert très intime donc. tation fluide, intelligente et sensible des On sait qu’elle se réunissait très réguliè- musiciens, leur jeu aérien et profond, rement et faisait de grandes fêtes où l’on et leur fantaisie sur scène qui rend huchantait et buvait jusqu’à très tard… il mains les géants ! M.C. paraît qu’en début de soirée ils chantaient les chorals comme ils sont, mais qu’en fin de soirée les paroles étaient un peu moins Concert donné le 31 janvier au Théâtre vertueuses ! Ils se livraient alors à des Armand, Salon-de-Provence, dans le cadre des improvisations… Ces grands musiciens Scènes intérieures du Festival International de Musique de Chambre de Provence savaient aussi s’amuser ! »

lourdes castro ombres & compagnie

Commissariat: Anne Bonnin

ulla von brandenburg l’hier de demain

17 février → 2 juin 2019 Musée régional d’art contemporain Occitanie / Pyrénées-Méditerranée 146 avenue de la plage, Sérignan mrac.laregion.fr

Commissariat: Sandra Patron


16 événements

Mars (en baroque), et ça repart ! Jean-Marc Aymes, le Concerto Soave et leurs invités proposent une dix-septième édition ambitieuse Des concerts…

aux transcriptions et improvisations et à la naissance du Le grand Bach constitue un fil rouge du festival : Un Art de Sturm und Drang. la fugue traverse le magnum opus du cantor à la lumière des autres grands noms du contrepoint sous les doigts, à l’orgue et … et des conférences aux clavecins, de Jean-Luc Ho et Jean-Marc Aymes (le 3 mars Mars en baroque joint cette année plus que jamais le geste à 17h, au Temple Grignan). Bach Remixed, également donné à la parole musicale. Plusieurs conférences auront lieu tout au long du festival : Jean Duron présentera l’œuvre au Temple Grignan (le 21 mars à 20h), réorchestrera pour les flûtes à bec de Michaël Form et le d’André Campra (le 26 février à 18h30 aux clavecin de Dirk Börner des pages Archives Départementales) ; Jean-Marc écrites par le compositeur pour Aymes explorera, sous un angle mud’autres instruments. Les élèves sicologique cette fois, l’œuvre du CNSMD de Lyon présende Frescobaldi et de Bach (le teront ses transcriptions 28 février à 19h à la Salle de concertos italiens Musicatreize) ; Yves Re(le 20 mars à 20h à la chsteiner traitera de Salle Musicatreize). l’art baroque de la Le Papa Bach de transcription (le 16 l’Ensemble Artimars à 17h à la Bifices présentera bliothèque de l’Alcal’œuvre du compozar) ; le même lieu siteur tutélaire du accueillera Patrick point de vue de ses Barbier qui y aborpropres enfants (le dera également les 24 mars à 17h à la deux grandes figures Friche de la Belle de vénitiennes de ViMai). Plusieurs exvaldi et de Caldara (le traits du Petit Livre 22 mars à 17h) ; Lionel d’Anna Magdalena sePons proposera quant à ront enfin joués par les lui un portrait de Marseille élèves du CNRR de Marseille à l’ère baroque (le 26 mars à à la Mairie des 1er et 7e arron18h au Musée d’Histoire de MarVi ola ine dissements (le 31 mars à 17h). seille). Des concerts exceptionnels, Co ch ard aur et H S Les répertoires français et italiens destinés aux personnes hospitalisées, l h éloï e Rü se G aillard aulin , ensemble Amarillis © P ne seront pourtant pas en reste : le récimais accessibles à tous, seront donnés à la tal très féminin de l’Ensemble Amarillis et de la Timone et à l’Hôpital Nord (les 18 et 19 mars à 14h). soprano Hasnaa Bennani honorera ses pages les plus luxu- Enfin, pour la première fois, des masterclasses, dirigées par rieuses (le 8 mars à 20h aux Archives Départementales). Les Sandrine Piau et María Cristina Kiehr seront ouvertes graFêtes vénitiennes d’André Campra seront données à la Criée tuitement aux étudiants et aux professionnels du chant du en version concert : María Cristina Kiehr, entre autres so- 11 au 14 mars. Le répertoire baroque demeurant, malgré sa listes, entonnera sur scène avec le Concerto Soave ce bel et constante évolution, une affaire de transmission ! SUZANNE CANESSA rare opéra-ballet (le 9 mars à 20h). L’équipe mettra également à l’honneur Pergolèse et Scarlatti (le 15 mars à 20h30, à l’Eglise de Saint Mitre Les Remparts). Elle reprendra du service sous la baguette de Joël Suhubiette pour le célèbre Magnificat de Vivaldi, en compagnie du Chœur de chambre Les Éléments (le 23 mars à 20h30 à l’Eglise des Chartreux). Plus transversaux, les programmes de l’organiste Paul GousMars en baroque sot, le 26 mars à 20h à l’Abbaye de Saint-Victor, et du concert 26 février au 31 mars Astralis rassemblant le Concerto Soave et Musicatreize sur Divers lieux, Marseille leurs terres, le 29 mars à 20h, s’attaquent respectivement 04 91 90 93 75 marsenbaroque.com


17

Un diptyque hybride et incandescent Le chorégraphe Christian Ubl crée un va-et-vient entre la danse, la parole et la musique dans sa nouvelle création Langues de feu & Lames de fond co-écrite avec Lucie Depauw. Rencontre avant la première à Klap Zibeline : Vous présentez Langues de feu et Lames de fond comme deux poèmes-documentaires chorégraphiques. Expliquez-nous… Christian Ubl : C’est une rencontre entre l’auteure Lucie Depauw qui détermine son écriture comme un poème-documentaire, et moi qui suis chorégraphe. On crée une pièce qui vacille entre l’exploration du corps, quand le mot ne suffit plus et que le corps peut nous éclairer, ou rendre plus mystérieux ou rendre une force autre que le mot. Qui peut le prolonger ou l’éclairer autrement. Ces poèmes-documentaires ont été écrits pour la pièce. On a travaillé ensemble sur les manières d’aborder le thème du feu, de la contestation incendiaire. Également sur l’eau, avec la question de la Méditerranée et de la prise de décision de l’homme quand il doit la traverser pour atteindre une terre incognita. Cette collaboration a commencé à Actoral en 2016, à l’invitation d’Hubert Colas, et s’est poursuivie avec ce diptyque. Quelles sont les relations entre les modules, le premier étant traversé par le feu de la révolte, le second par l’eau ? Le fil, ce sont les deux éléments car l’un ne va pas sans l’autre. Le feu c’est l’idée de la révolte, du changement. Dans l’eau aussi il y a cette espèce de révolte et de sacrifice : quoiqu’il arrive, je dois traverser. Au début, je fais le rituel de Tarek Bouazizi qui s’est immolé en Tunisie, à mes côtés la danseuse porte le texte. Ce sont les paroles d’une femme qui évoque le feu intérieur, celui qui brûle en elle, et le feu extérieur de la société. Dans Langues de feu je suis Tarek et le feu, inversement dans Lames de fond je suis celui qui raconte la traversée du point de vue de celui qui s’engage, et la danseuse est l’eau. On est en dialogue. Mais la forme

© Marc-Antoine Serra

est plus complexe : elle incarne à la fois le corps qui est dans l’urgence, dans la tempête, et le personnage d’une ministre anti-immigration qui s’est mise dans la peau d’un migrant… Comment s’articulent et s’équilibrent le geste et la parole ? Le texte et le geste peuvent s’accorder comme s’opposer, cela dépend. On est en recherche d’un équilibre entre corps et mots : parfois je danse sur le texte, accompagné sur Le Sacre du printemps, une musique historique comme l’est déjà le Printemps arabe. Dans Lames de fond, c’est une création live de Fabrice Cattalano qui m’accompagne sur scène. Les deux poèmes s’enchaînent l’un l’autre car c’est la dramaturgie qui amène le lien. On est dans quelque chose de poétique, ou de plus engagé ou de plus politique mais toujours profondément humain. C’est le hasard de la vie qui m’a fait rencontrer Lucie Depauw et m’a donné envie de faire cette pièce, de me déplacer. On a pensé faire entendre le texte en

voix off mais c’était trop figé. On prend le risque de porter le corps et la parole par deux personnes. Les arts visuels ont toujours occupé une place importante dans votre travail : ici, font-ils jeu égal avec la danse et le texte ? L’idée était d’avoir un tiers de texte, un tiers de danse, un tiers d’arts plastiques et musique. Cela parait rigide mais je voulais conserver un équilibre et une limpidité ! Il fallait que chacun trouve sa place. J’ai donc travaillé avec Claudine Bertomeu, architecte-plasticienne marseillaise, pour réfléchir de manière plus large sur les matériaux que je manipule, sur les couleurs qui créent des paysages. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Langues de feu/Lames de fond 1er et 2 mars Klap Maison pour la danse, Marseille 04 96 11 11 20 kelemenis.fr


18 événements

Des Suds en hiver et en Le festival de musiques de monde arlésien change de visage et de saison

D

ouble nouveauté pour Suds à Arles : une édition hivernale et un changement de direction. Entretien avec le successeur de Marie-José Justamond, Stéphane Krasniewski Zibeline : Comment vivez-vous ce passage de flambeau ? Stéphane Krasniewski : Je suis arrivé il y a 15 ans à Suds. C’est quelque chose qu’on prépare depuis longtemps avec Marie-José Justamond qui a toujours eu une manière très collaborative de travailler. Je le vis donc comme une évolution de mon poste, de ma position, sachant que Marie-José est passée à la présidence de la structure. On est sur une transition en douceur. Pourquoi les Suds en Hiver ? Pour au moins trois raisons. La première, c’est de rendre visible le travail d’action culturelle que l’on mène tout au long de l’année auprès du public scolaire qu’on ne peut pas mobiliser pendant les vacances d’été. La deuxième raison est de retisser du lien de proximité avec le territoire en faisant découvrir les musiques du monde à un public local dans des lieux plein de charme et souvent méconnus par les

Paul Wamo © Eric Châlot

habitants eux-mêmes, comme le Château de Tarascon ou l’église Saint-Marcellin à Boulbon. La troisième raison est d’œuvrer à la saisonnalité de notre territoire qui a une offre culturelle très dense l’été mais plus démunie en hiver. Le traditionnel Revivre du festival est donc abandonné ? Tout part du Revivre dont le principe était d’organiser un concert au cœur de l’hiver et une fête avec tous ceux qui avaient contribué au succès de l’édition précédente. L’événement a eu plusieurs formes et a évolué en s’adressant à un public de plus en plus large, jusqu’à nous donner l’envie de faire une version hivernale des Suds. Mieko Miyazaki et Suizan Lagrost © Kramer Oneill

Comment développez-vous vos propositions dans un contexte général de contraintes budgétaires ? Je suis convaincu que si on ne se développe pas, on régresse. Et se développer permet aussi de convaincre de nouveaux partenaires, de créer de nouvelles dynamiques et de renforcer l’existant. Le Conseil régional a d’ailleurs réaffirmé son soutien. Tout cela repose aussi sur la mobilisation de nos équipes et de leurs compétences. C’est une charge de travail supplémentaire. Dites-nous quelques mots sur la programmation musicale. On démarre avec une création de Paul Wamo, Marseillais originaire de Nouvelle-Calédonie, porte-parole talentueux de la culture kanak. Autre création, Ô Sud, de Xavier Rebut, accompagné de trois musiciens italiens qui ont collaboré avec la grande Giovanna Marini et qui revisitent un répertoire de chants d’Italie du Sud. On accueille également un duo nippo-français très rare, avec Mieko Miyazaki, joueuse de koto (cithare japonaise) et Suizan Lagrost au shakuhachi (flûte japonaise). Le Chœur battant, c’est le résultat de l’action menée avec le conservatoire du Pays d’Arles et 200 élèves de classes élémentaires de l’intercommunalité qui ont travaillé avec Emmanuelle Bunel et son Trio Âman autour de chants de la Méditerranée. On réinvite Bachar Mar Khalifé, puis on clôture par une rencontre entre


transition guitares manouche et flamenca avec Antoine Boyer et Samuelito. Comme toujours aux Suds, il n’y a pas que de la musique… On va mettre en avant le travail effectué par la Radio des Suds, antenne éphémère participative du festival, animée par Antoine Chao, qui donne à un jeune public prioritaire un espace pour s’exprimer, se former et vivre le festival de manière intense, à travers le medium de la radio. C’est pour nous une manière de rendre visible une partie du public qui n’a pas accès aux médias en les rendant acteurs de l’actualité. Il y a aussi deux projections : l’une d’Impulso, le film sur la danseuse de flamenco Rocio Molina, avec qui on a un lien fort ; l’autre de The music of strangers projet qui rassemble plusieurs artistes importants

des musiques du monde autour du violoncelliste Yo-Yo Ma. Y aura-t-il une touche personnelle dans le prochain festival cet été ? Je m’inscris dans une certaine continuité. Je vais respecter les fondamentaux posés à la création du festival, parce qu’il n’y a aucune raison d’y toucher. Ma sensibilité s’exprimait déjà auparavant. Si évolution il devait y avoir, elle se fera naturellement, en fonction des créations musicales, de l’état du monde, de l’évolution des goûts des spectateurs qu’on essaie toujours d’anticiper en les accompagnant vers les découvertes. Ca ne dépendra pas de la personnalité du directeur. Que peut-on d’ores et déjà annoncer ? Ibrahim Maalouf avec le Haïdouti Orkestar pour un concert festif entre

musique des Balkans et orientale avec une vingtaine de musiciens sur scène. Il y aura également une journée consacrée aux femmes engagées et à l’Afrique avec Fatoumata Diawara et l’Angolaise Pongo, ancienne chanteuse de Buraka Som Sistema, qui a cartonné aux Transmusicales de Rennes et la djette kenyane Kampire que l’on verra sûrement partout. Je peux vous annoncer en avant-première Bobby McFerrin ! ENTRETIEN REALISÉ PAR LUDOVIC TOMAS

Les Suds, en hiver 2 au 10 mars Tarascon, Boulbon, Arles, Fontvieille, St-Martin-de-Crau, St-Pierre de Mézoargues 04 90 96 06 27 suds-arles.com


20 événements

Arles à l’ombre des surréalistes Entre paradoxe et ambiguïté, le rêve et l’imaginaire au cœur de la création

M

etteure en scène italienne, Simona Acerbi, a quitté son pays natal pour s’installer à Arles. Créatrice de la Cie LunaSol, spécialisée dans le théâtre d’ombre, elle initie en 2017 À l’ombre de…, un ensemble de propositions artistiques de format court. Au programme, danse, théâtre, exposition, concert. Après À l’ombre de Vincent (Van Gogh) et À l’ombre de Camille (Claudel), voici Ceci n’est pas ! À l’ombre de… Un clin d’œil à René Magritte pour une édition tournée vers le surréalisme, dans ses dimensions philosophique et artistique. « Ce mouvement nous intéresse car il recherche dans l’inconscient les matériaux de la création, en refusant ce qui appartient à la raison. Les surréalistes pensent que l’inconscient peut être créateur. Ils placent le rêve et l’imaginaire au cœur de leur création. Le surréalisme évoque en même temps la continuité et la rupture, la logique et l’incohérence », explique Simona Acerbi. Celle-ci propose plusieurs mises en scène. Avec Paradoxe d’une communication, une œuvre en deux volets, elle décline par le théâtre puis par la danse

Les Amants, René Magritte (1928), huile sur toile. Museum of Modern Art, New York

le tableau de Magritte Les amants. Dans La condition humaine, performance de théâtre d’ombres sur une musique de Boris Bruguière, elle unit les images et les mots dans une même danse, pour conter de manière poétique nos âmes. Pour C Surréaliste !, la metteure en scène invite six personnes d’un Esat (établissement et service d’aide par le travail) à devenir les acteurs d’une conférence théâtralisée décalée. Dans Les Egos-armés, la plasticienne Corinne Sérapion enchaîne performance et atelier interactif

à travers son « laboratoire exquis », destiné aux enfants comme aux adultes. Enfin, la poésie de l’ensemble Les Mimitraillettes viendra clore en musique la manifestation. L.T.

Ceci n’est pas ! À l’ombre de… 15, 16 et 17 février Espace Van Gogh, Musée départemental Arles antique, Art et Gourmandise, Arles 06 03 02 77 29 compagnie-lunasol.fr

Oserez-vous vous mouiller ?

D

epuis 2011, la Folie Kilomètre s’illustre dans des propositions originales pour l’espace public. On a notamment pu croiser le collectif marseillais lors de transhumances picturales au Frioul durant le festival MIMI (2011 à 2013), de balades littéraires le long du GR2013 (2017, 2018), ou encore avec Rivages, drive-in mobile pour bords de ville, spectacle itinérant à suivre depuis sa voiture. Lauréats d’un concours lancé par le Plan Rhône, les artistes du collectif inventent cette fois un scénario original pour sensibiliser à la menace d’inondation, considéré comme le premier risque naturel en France, comme

l’a encore démontré la mémorable crue du Rhône de 2003. Sur le fil de la réalité, (Une nuit) propose au public d’éprouver une situation de crise. Réunis pendant 17h, le groupe de spectateurs devra accepter de se laisser aller à l’inconnu, d’expérimenter son rapport au risque, à la gestion de crise, aux relations de groupe, à l’arpentage de territoire… Objectif : « s’immerger dans des enjeux réels, environnementaux et techniques, portés par une mise en récit artistique et sensible. » Pensée avec l’aide d’un comité scientifique composé de chercheurs, gestionnaires, animateurs et techniciens, la proposition s’étoffera d’interventions documentaires

et de surprises artistiques, en collaboration avec de nombreux complices. Première étape : deux représentations à Arles, les 22 et 23 février. (Une nuit) sillonnera d’autres communes traversées par le Rhône ou la Saône jusqu’en avril : Salaise-sur-Sanne le 2 mars, Chalonsur-Saône les 22 et 23 mars, Villeurbanne les 29 et 30 mars et Valence les 12 et 13 avril. JULIE BORDENAVE

(Une nuit) 22 et 23 février Arles (de 18h à 10h le lendemain) 04 91 77 14 53 collectif@lafoliekilometre.org billetweb.fr/une-nuit


LE TARTUFFE de Molière

E

mmanuel Meirieu a fait de l’adaptation de romans et d’essais d’auteurs contemporains à la scène sa spécialité. Après De beaux lendemains (Russell Banks), Des hommes en devenir (Bruce Machart) ou encore Mon traître (Sorj Chalandon) -accueilli en octobre dernier au théâtre de l’Olivier-, entre autres, il adapte sept témoignages issus de deux œuvres de l’écrivaine et journaliste biélorusse Svetlana Alexievitch, La supplication (JC Lattès) et La fin de l’homme rouge (Actes Sud). À travers ces personnages, c’est la fin de l’utopie communiste qu’il met en scène, en s’attachant plus aux émotions qu’aux faits historiques, récits portés par les écrits du Prix Nobel de littérature en 2015. Si Svetlana Alexievitch s’acharne à garder vivante la mémoire de la tragédie qu’a été l’URSS depuis quarante ans, c’est par le biais de ses « romans de voix » dans lesquels les femmes et les hommes sont des témoins brisés, « voix suppliciées des Goulags, voix des survivants et des bourreaux », voix de celles et ceux qui ont vu partir leurs rêves en fumée. Dans chacun de ses spectacles il fait des personnages de livres « des hommes de chair et d’os, des êtres vivants, humains, [qui] crèvent le quatrième mur pour se confier à nous, partager leurs émotions. Pour se réparer et nous réparer. » Face au public, seuls en scène, Stéphane Balmino, Evelyne Didi, Xavier Gallais, Anouk Grinberg, Jérôme Kircher et Maud Wyle feront se succéder les émotions, celles que S. Alexievitch fait entrer dans l’Histoire pour regarder « le monde avec les yeux d’une littéraire et non d’une historienne ». Des paroles vraies, authentiques, sensibles qui ravivent l’utopie. Spectacle coproduit par le dispositif ExtraPôle Région Sud.

1 & 2 MARS I 20:30

ENTREMETS ENTREMOTS THÉÂTRE NONO I Dîner-spectacle

22, 23, 29 & 30 MARS 5 & 6 AVRIL I 20:30

En partenariat avec Marseille Provence Gastronomie 2019

LE MISANTHROPE de Molière

ÉCOLE LE CERISIER I Théâtre

3 & 4 MAI I 20:30

© Cordula Treml

L’homme rouge est tombé

ÉCOLE LE CERISIER I Théâtre

DO.M.

La fin de l’homme rouge 26 février Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr

Pôle C réation Européen Suds de

des

35 Traverse de Carthage 13008 marseille Réservations : 04 91 75 64 59 reservation@theatre-nono.com © X-D.R.


22 critiques spectacles

Création radicale Retour sur quelques propositions du festival Parallèle, entre danses rituelles et cuiseurs à riz

L

a femme nue traverse la scène en faisant la roue, un rire diabolique. L’homme s’engloutit dans une vulve géante : les scènes d’ouverture et de conclusion de HooDie (mot anglais signifiant sweat-shirt à capuche) sont les plus évocatrices de la première création d’Oliver Muller. L’acte de s’encapuchonner est ici un désir de dissimulation et de disparition autant que de protection. Mais le lien avec le travail de recherche sur la sorcellerie, à l’origine du spectacle, n’est pas si évident, si ce n’est des objets disposés de manière totémique. Ardu. On passe de la sorcellerie aux danses amérindiennes avec The jaguar and the snake d’Amanda Piña. Ou quand la colonisation et la mondialisation déciment les cultures traditionnelles. Assis en cercle, les spectateurs assistent à une hypnotique cérémonie, entre chamanisme ancestral et performance contemporaine. La chorégraphe, entourée de Lina Maria Venegas et Yoan Sorin, incarne des êtres mythologiques aux mouvements ralentis. Des créatures constituées à la fois d’attributs humains, animaux et végétaux. Tour à tour menaçantes et dociles, elles dévorent fleurs, plumes, cheveux comme contraintes d’absorber une partie d’elles-mêmes. La musique produite en direct par les machines de Christian Müller crée progressivement un sentiment d’oppression. Quand les personnages crachent du sang, on devine que c’est celui de leur propre massacre. Mais aucun impérialisme ne pourra au final totalement anéantir une culture protégée par les divinités de la nature. Longuet.

Transe C’est une autre forme de sujétion qu’exprime Farci.e. Un corps tout fin avance comme désarticulé, hésitant. Sorour Darabi prononce un timide « bonsoir », la seule parole jusqu’au « merci » final. Avec la même incapacité à se mouvoir avec assurance, le jeune chorégraphe iranien ne parvient pas à boire convenablement. La bouteille rencontre avec difficulté sa bouche. Une fois avalée, l’eau

Olivier Muller, HooDie © Laurent Paillier

est recrachée, se déversant sur une pile de texte dont l’encre finira par baver. Attablé, il ingurgite et régurgite littéralement des morceaux de papiers jusqu’à en donner la nausée. Le texte est broyé, mâché, lapé, utilisé comme une simple éponge, avec lequel il se frappe le visage. Avec ce solo, Darabi, artiste queer de culture farsi (langue qui n’a pas de marqueurs genrés), interroge la double question du genre et du langage. Il expose ici sa confrontation violente aux normes qu’il a dû ingurgiter en s’installant en France. Saisissant. Dans Lignes de conduite, la chorégraphe Maud Blandel s’intéresse à l’évolution de la tarentelle, danse de transe du sud de l’Italie, de ses origines païennes à sa dimension touristico-festive, en passant par sa récupération par l’Église. Quatre danseuses évoluent sous une imposante cloche qu’elles baissent d’un cran avant chaque nouvelle pièce. La cadence de leurs pas accélère au rythme du carillon. Leur danse, entêtante et rigoureuse, est en parfaite une osmose. Mais le collectif se décompose, au profit de l’individu, comme obéissant à de nouvelles exigences. Celle du spectacle qui prend l’ascendant sur le sacré. Entraînant.

Humiliation Avec Cuckoo, Jaha Koo raconte l’histoire d’une humiliation, celle de la Corée du Sud, passée sous les fourches caudines du FMI au moment de la crise économique asiatique de 1997. Cuckoo, c’est la marque, née de cette crise, de cuiseurs à riz. Trois modèles sont les co-interprètes de la pièce. Ils parlent, se lancent des injures, entrent en compétition. À travers son parcours, celui de proches, l’auteur -qui lui a choisi l’exil- dresse le portrait d’une génération sacrifiée par les politiques menées ces vingt dernières années. Un état des lieux d’une société sous la pression, où un suicide toutes les 37 minutes est à déplorer. Captivant. LUDOVIC TOMAS

Le festival Parallèle a eu lieu du 26 janvier au 3 février dans différents lieux de Marseille et de la région


23

Chabadabada circassien

L

a Compagnie réunionnaise Cirquons Flex revient au Bois de l’Aune dans le cadre de la Biac, avec sa toute nouvelle création. Le 2 février, « bébé » avait trois jours. Fragile, selon les artistes, mais déjà d’une superbe maîtrise. Un mât chinois s’élève au milieu d’une scène circulaire, enserrée dans la forme d’un chapiteau à ciel ouvert au cœur de la salle du théâtre du Jas de Bouffan où la Cie a déjà interprété avec brio De l’autre côté, Dobout en bout, Points de suspension, La pli i donn. À l’art du cirque et aux voltiges acrobatiques époustouflantes s’ajoute la marque de fabrique de Cirquons Flex qui consiste à proposer une narration servant de fil conducteur, pour lier en une même tension histoire et préoccupations contemporaines. Le « conte poétique acrobatique » qu’est Appuie-toi sur moi met en scène deux personnages, lui (Vincent Maillot) et elle (Virginie Le Flaouter), qui ignoreront toujours le nom de l’autre, tout en l’affublant d’une possible appellation, Loup, Hérodote... Leur histoire commune se

pas forcément. Si chacun porte un récit particulier, la communication entre eux ne passe pas par les mots ; seuls les gestes évoquent luttes, réconciliations, rires, interrogations, émulation… Tout un langage qui a pour unique grammaire celle des corps. Évolutions souples, portés hallucinants de précision, éblouissantes voltiges au mât chinois… Seule la confiance en l’autre, nécessaire, vitale, bouleversante, permet ces équilibres improbables, ces chutes maîtrisées, ces envols tournoyants autour du mât en un manège où tout semble sans cesse devoir se rejouer. La trompette de Vincent Maillot rejoint les compositions de Sébastien Huaulmé, et ourle de poésie la mise en scène intime et théâtrale de Gilles Cailleau. MARYVONNE COLOMBANI

© Laura Perrin

raconte à deux voix, en des points de vue et appréciations parfois diamétralement opposés. On est au bord de la mer ; il l’y a trouvée ; elle ignore d’où elle vient, mais se laisse soigner par cet être aux comportements qu’elle ne comprend

Appuie-toi sur moi a été donné du 31 janvier au 2 février au Bois de l’Aune, Aix-en-Provence, dans le cadre de la Biac

Déséquilibre

L

a base du plafond s’écroule, ABASEDOTETODESABA en portugais, le titre du spectacle en forme de palindrome en dit la forme circulaire, et le rapport à une verticalité qui s’effondre. Ce duo de cirque proposé par Liz Braga et Pedro Guerra (compagnie Franco Brésilienne Na Esquina) repose sur un déséquilibre : le porteur, costaud, muet, à la présence massive et au regard tendre, semble attendre la petite acrobate aux longs cheveux roux, qu’il soulève, élève, observe sans l’étreindre. Elle, bavarde, évolue aussi sur son cerceau aérien, puis s’appuie à nouveau sur lui dans un numéro de main à main qui tourne en rond, sur la poussière ocre qu’ils répandent avec leurs pieds. Elle dit les repères qui disparaissent, la dictature qui s’installe dans son pays devenu lointain, le plafond qui s’écroule, l’impossible retour. Elle chante aussi, en portugais, sa saudade, la chanson de sa

© Rafael Camisassa

grand-mère, un combat de femmes. Elle tresse ses cheveux puis elle s’en cache les yeux, aveuglée, tâtonnante, et disparaît dans les cintres. Lui l’attend encore. On sent entre eux comme une relation suspendue, un ciel qui tarderait à se montrer parce que le plafond vient juste de s’ouvrir. Les mots s’immiscent sans liant dans ce duo circulaire où celle qui s’élève et parle a les yeux rivés vers le sol où il reste cloué, muet, même si lui seul regarde l’autre, et le ciel. Un déséquilibre volontaire ? AGNÈS FRESCHEL

ABASEDOTETODESABA a été donné le 23 janvier au Théâtre de Fontblanche, à Vitrolles, le 29 janvier au Théâtre Vitez, à Aix, le 1er février à la Salle de l’Huveaune, à La Penne-sur-Huveaune, et le 3 février au Comoedia, à Aubagne dans le cadre de la Biac


24 critiques spectacles

Regarde les hommes se relever

E

n préambule, Alexandre Fray prend la parole pour détailler quelles sont les spécificités de l’acrobatie qui ont guidé la création de Rare Birds : « un processus, un mouvement qui se transforme en autre mouvement, une métamorphose incessante ». C’est ainsi que le directeur artistique a conçu cette nouvelle pièce, s’incluant dans les recherches autour du porté acrobatique menées depuis 15 © Slimane Brahimi ans par sa compagnie Un loup pour l’homme. Pour réinsuffler de l’aléa- bras, mais bien pour les six acrobates toire dans la mise en jeu d’un vocabulaire -une femme et cinq hommes- d’explocorporel très technique, Rare Birds laisse rer un large panel de possibles : contreaux artistes le soin d’inventer chaque soir balancé, escalade, porté sur le dos, les leur manière de rallier une figure impo- pieds, à califourchon, tunnel de corps, sée, à la manière de musiciens de jazz chemin de mains… Au cœur du plateau rejoignant un appel au thème. Les règles du Merlan, transfiguré pour l’occasion académiques du main à main s’estompent. en piste circulaire cernée de gradins, les Il ne s’agit plus seulement pour un por- figures s’enchaînent puis mutent, tour à teur de soutenir son voltigeur à bout de tour individuelles ou collectives. Dans le

silence complet, seul subsiste l’ahanement des corps, qui s’ébrouent de manière drôle ou un brin brutale. Parfois soutenu par quelques notes de musique, l’effort se fait ludique, gracieux, toujours saisissant et inclusif. Dans ce spectacle en quadrifrontal, les corps du public constituent la toile de fond, ondulant de concert pour suivre au plus près les évolutions des acrobates sur la piste. La simplicité du dispositif met en exergue le suc de la discipline : des individus jouant sur leurs différences et leurs complémentarités pour trouver le juste point d’équilibre. JULIE BORDENAVE

Rare Birds se jouait les 31 janvier et 1er février au Théâtre du Merlan, Marseille, dans le cadre de la Biac

L’imagination au pouvoir !

M

olière de la Révélation masculine 2007, Julien Cottereau revient dans la région avec son spectacle Imagine-toi (créé en 2006) et embarque le public dans un univers où se fondent tous les registres avec une fluidité confondante. Clown, mime, bruiteur, l’artiste armé de son seul petit micro de tête, qui amplifie à loisir certains effets sonores, rend palpable l’invisible : le monstre féroce qui semble l’avoir chassé d’un paradis, et le condamne au balayage et au nettoyage (vous ne vous attaquerez plus aux vitres de la même manière après !), le joueur de balle, le quémandeur à une porte close, l’amoureux transi, le chevalier intrépide, le dresseur de chien… Le voici comme surpris de découvrir face à lui la foule de spectateurs. Jubilation d’une innocence primordiale retrouvée. Au royaume du « comme si », chaque geste, souligné par des sons cocasses, crée un sens, donne vie à l’improbable, rend visible un univers dans lequel les mots, devenus inutiles, cèdent la place aux bonheurs infinis de la fantaisie. Un chewing-gum qui se

colle sous une chaussure devient objet de curiosité, se transforme en instrument de musique, en corde à sauter, avant d’être mâché consciencieusement. Le quotidien se réenchante, point de départ de tous les possibles. Une balle caoutchouteuse est renvoyée par divers membres de l’assistance, dont certains © X-D.R. sont conviés sur scène et se prêtent au jeu avec un exceptionnel talent : l’une suit le mime dans sa danse et ses rêves, un autre dribble au foot avec enthousiasme, un autre encore endosse le rôle du méchant qui retient prisonnière la charmante danseuse… passages inénarrables de bonne humeur et de complicité potache qui s’enchaînent sur des jingles de western. Lunaire dans son costume de Pierrot au pantalon trop court, Julien

Cottereau pose son regard d’enfant sur le monde avec finesse et poésie. Rarement une telle osmose entre un artiste et le public a été aussi sensible à Velaux. C’est une assemblée debout qui ovationne le poète qui se livre à une course cycliste d’anthologie. Magique ! MARYVONNE COLOMBANI

Imagine-toi a été joué le 1er février à l’Espace NoVa, Velaux, dans le cadre de la Biac


Egaré dans les limbes

SAISON VI 2018-2019

SCÈNE CO NVENTIO NNÉE

THÉÂTRE JOLIETTE

EXPRESSIO NS ET ÉCRITURES

LENCHE+MINOTERIE

CO NTEMPO RAINES

ART ET CRÉATIO N

07, 08 & 09 mars

Cinq courtes pièces, variations sensibles sur l’amour un projet orchestré par Pierrette Monticelli & Haïm Menahem

© Clement Debailleul

A

près une soirée au Mucem en ouverture, la Criée accueillait le seul spectacle exclusivement magique de cette Biennale. Œuvre de la Cie 14:20, qui forme de nombreux auteurs à la magie nouvelle au CNAC de Châlons-enChampagne depuis une quinzaine d’années, Wade In The Water se présente comme une sombre digression autour du deuil. Dans un intérieur domestique, un jeune homme s’apprend condamné. Son chemin vers le Royaume des Morts se heurte au quotidien partagé avec son père et sa compagne. Enserré entre la chambre et la cuisine, le huis clos plonge peu à peu vers le surnaturel, en route vers la lente acceptation. Lente, le mot est faible ! Passé la découverte d’un univers singulier et envoûtant -esthétisme léché, longs fondus au noir entre chaque scène, musique originale d’Ibrahim Maalouf-, l’ennui guette. La qualité de jeu corporel des acteurs est soutenue, mais les redondances sont légion, et la contemplation hypnotique finit par tourner en rond. Basée sur les étapes jalonnant le processus de deuil, la trame narrative semble servir d’alibi pour déployer les effets magiques -une chaise qui se casse au ralenti sur un coup de colère, un corps qui se dédouble pour symboliser une confusion mentale, une lévitation pour lâcher prise…- et n’évite pas toujours l’écueil du sensationnalisme. La magie nouvelle, qui se propose d’irriguer la création contemporaine, est encore une jeune discipline. Son surgissement sur les scènes de théâtre peine pour l’instant à explorer d’autres champs que l’expression d’un trouble de perception de la réalité. On verra alors Wade In The Water comme un exercice de style proposant un panel bluffant de possibilités magiques ; et c’est déjà un bonheur de voir s’incarner l’impossible par des effets totalement maîtrisés, à défaut des qualités théâtrales attendues. JULIE BORDENAVE

Wade in the water se jouait du 29 au 31 janvier à la Criée, Marseille, dans le cadre de la Biac

L’amour en [courtes] pièces www.theatrejoliette.fr - 04 91 90 74 28

poésie sonore

MARS

« ET SI VOUS Y CROYEZ ASSEZ, PEUT-ÊTRE IL Y AURA UN PONEY. »

danse

Détachement International du Muerto Coco

IMAGO-GO

[lodudo] producción

VEN 01 MARS 21:00

VEN 08 MARS 21:00

musique

LE VOYAGE SUPERSONIQUE

théâtre clown

LE POIDS D’UN FANTÔME

Cie Inouïe Thierry Balasse

Cie Voix Off

MER 20 MARS 16:00

JEU 14 MARS 19:00 théâtre

LAÏKA

Ascanio Celestini David Murgia

MAR 26 MARS 21:00

musique

PÉPLUM

Fantazio & Théo Ceccaldi

VEN 29 MARS 21:00

CHÂTEAU–ARNOUX SAINT–AUBAN 04 92 64 27 34 WWW.THEATREDURANCE.FR


26 critiques spectacles

Sculpter les nuages

«

Vous entendez les oiseaux ? Cela veut dire que le spectacle a commencé ». Les jeunes spectateurs deviennent attentifs. Devant eux, un énorme cube de mousse enserrée, on ne sait par quel miracle, dans des parois constituées de filets… Samuel Watts entre en scène portant un sac à dos jaune lumineux, se saisit d’un fragment de mousse échappé de cette banquise nuageuse, le modèle, le caresse. Mots murmurés, et le morceau devient animal familier posé sur son épaule. De petits éléments de cette matière volatile se voient ainsi sculptés pour être ensuite installés précautionneusement dans le sac. Puis le danseur ouvre les deux battants du cube, libérant cette blancheur tremblotante et onctueuse qui conserve sa forme géométrique. L’homme plonge avec délectation dans cet amoncellement crémeux, se laisse porter par ce gâteau géant, s’y niche comme dans un igloo, en détache de larges parcelles qu’il dessine à l’emporte-pièce avec son manteau manié comme une immense truelle. Nuages,

pas sans évoquer une bataille géante de polochons ! La bande-son (Simon Muller) jongle entre sons réels et musique baroquisante, tandis qu’à la fin de cette merveilleuse demi-heure magique l’artiste revient avec un petit personnage, tête de marionnette née de la mousse du bain, qui permet des adieux tout doux. Après la représentation, au moment du goûter offert par le théâtre (que des produits locaux et savoureux !), est offert à chacun un petit recueil de trois adorables « histoires que l’on peut lire après le spectacle », composées par Thomas Gornet, Marie Nimier et Alexandra Lazarescou. Quel beau prolongement à ce poème vivant de Johanny Bert, Le Petit Bain ! © Jean-Louis Fernandez

masques ludiques, murs fragiles, sentiers, chemins… l’espace n’est plus que mouvements changeants. Enfin, s’enfermant dans cet univers de jeux, l’artiste fait naître une pluie diluvienne de flocons dans une orgie gestuelle qui n’est

MARYVONNE COLOMBANI

Le petit bain a été joué le 30 janvier au Théâtre Durance, Château-ArnouxSaint-Auban, le 26 janvier au Cratère, scène nationale d’Alès, le 6 février à La Garance, scène nationale de Cavaillon

Fougues de rue

A

ller à la rencontre du public. Cela semble presque être un pléonasme lorsqu’il s’agit d’évoquer le spectacle vivant. Et pourtant. Il y a des degrés, une échelle des rencontres très ample entre scène et spectateurs. La Cie La Hurlante en a fait un préalable à toutes ses créations. Le travail porté par Caroline Cano puise son inspiration à la source des espaces et thématiques qu’elle investigue, pour les rendre réinventés, malaxés, poétisés, au cœur même des lieux et des existences qu’elle traverse. L’échange est alors direct, physique. La langue et le jeu infusent et s’implantent dans des périmètres où ils parlent plus fort à ceux qui les reçoivent, public d’habitants et spectateurs. Après les stupéfiants Je vous l’avais promis, vu à l’ESAT La Bulle bleue, et Regards en biais joué à la ZAT 2018 (à lire sur journalzibeline. fr), c’est dans le quartier Lemasson, toujours à Montpellier, que cette fameuse rencontre s’est faite. L’auteure a recueilli une multitude d’histoires, puisant dans

les récits d’enfances nomades, celles qui composée en direct par Adil Kaced. Les transitent de foyers en familles d’accueil, mots sont crus et beaux. L’écriture de de centres fermés en prison, et reCano est lyrique, elle s’envole à l’astour à la case départ. Le persaut des barres d’immeubles, sonnage d’Icare (Hugo d’où des familles sortent Giordano) revient les têtes pour attradans son quarper ces morceaux tier. Il est jeune, de théâtre viet pourtant, vant. Il croise c’est comme des figures si déjà plus extraites de rien n’était son enfance comme (incarnées avant. Ses copar les très pains ne sont bons Gregory plus là depuis Nardella et Nalongtemps, plus thalie Aftimos), personne ne semble fripées, adoucies. Il le reconnaître. Alors il doit fuir encore. Elles, Fou gues court, toujours ; il fuit ses garderont les lieux et sa , Hugo Giordano © AZ souvenirs, il cherche à les retroumémoire. ANNA ZISMAN ver. Il va, il vient, aux aguets. Il déclame son court passé en regardant le public à hauteur d’yeux, l’entraîne de rues en Fougues a été joué dans le quartier rues, accompagné par la musique, idoine, Lemasson à Montpellier, le 2 février


Cornillon-Confoux | Fos-sur-Mer | Grans | Istres | Miramas | Port-Saint-Louis-du-Rhône

THÉÂTREDuDEréel RÉCIT à la scène Théâtre Humour

RÉCITS DE MON QUARTIER COLLECTIF GENA Le Théâtre de Fos | Fos-sur-Mer • Mardi 5 mars 20h30 Durée 1h20 | De 3€ à 12€

Récit d’une correspondance

PRISON POSSESSION L’ENTREPRISE CIE Espace Robert Hossein | Grans • Ven. 8 mars 20h30 Durée 1h | De 3€ à 12€

Théâtre

LE DERNIER CÈDRE DU LIBAN CIE L’ENVERS DES RÊVES Le Théâtre de Fos | Fos-sur-Mer • Samedi 16 mars 20h30 Durée 1h25 | De 4€ à 15€

Théâtre

SANS LAISSER DE TRACE… Du 26 février au 31 mars 2019

MARS EN BAROQUE

Festival d’Art et de Musique Baroques à Marseille 17e édition

CIE LA LANGUE PENDUE Théâtre de l’Olivier | Istres • Mercredi 20 mars 20h Durée 1h10 | De 3€ à 12€

Théâtre

LAÏKA Théâtre La Colonne | Miramas • Mercredi 27 mars 20h30 Durée 1h10 | De 3€ à 12€

Théâtre Humour

DEUX MÈTRES DE LIBERTÉ Dans l’Atelier du Musicien

RÉDA SEDDIKI Espace Gérard Philippe | Port-Saint-Louis-du-Rhône Vendredi 5 avril 20h30 Durée 1h15 | De 3€ à 12€

Théâtre

F(L)AMMES Face à leur destin MADANI COMPAGNIE Théâtre La Colonne | Miramas • Samedi 6 avril 20h30 Durée 1h40 | De 3€ à 12€

Renseignements et réservations : www.scenesetcines.fr (e-billet) MARSENBAROQUE.COM

Une programmation de Jean-Marc Aymes, Concerto Soave

Licence 3-1064783


28 critiques musiques

Princier

P

our sa première production lyrique en 2019, l’Opéra de Toulon programmait le célèbre Turandot de Puccini, dernière pièce théâtrale du transalpin qui n’eut pas le temps d’en achever la composition, terrassé par la maladie. Dans la version donnée, c’est le final complété par Luciano Berio qui a été préféré à celui d’Alfano pour son aspect suspendu et donc plus ouvert. Portée par un décor unique qui reliait les trois actes dans un lieu atemporel, marqué par la froideur d’une architecture révélant les stigmates d’un faux béton brut de décoffrage, la mise en scène était rehaussée avec goût par les lumières et la vidéo, jouant habilement de l’effet de contraste entre le clair et l’obscur pour mettre en relief le duel entre les deux personnages centraux. Ce décor offrait en outre l’avantage d’une double mise en abyme plutôt astucieuse. D’un côté, le rond central qui surplombait le balcon était le lieu de l’apparition vidéo des visages décapités des prétendants de la princesse, éclairés comme ceux d’une lune. On pouvait y voir un clin d’oeil au film Le Voyage dans la lune de Méliès en 1902, mais aussi au

© Frédéric Stéphan

déclin d’une forme artistique ayant atteint son apogée par la naissance du 7e art, comme si la forme opéra assistait ici elle-même à son propre étiolement. De l’autre, les chanteurs de l’opéra assistaient au drame en position de spectateurs, investissant la scène et le balcon qui la surplombait, renvoyant aux spectateurs présents l’image de leur propre statut. Vocalement, la partition était servie

par une distribution où brillaient le ténor dramatique Amadi Lagha (Calaf) grâce à un timbre puissant et gorgé de brillance, ainsi qu’Adriana Gonzalez (Liù), soprano lyrique aux aigus chatoyants. Malgré un vibrato trop ample, la prima donna Gabriela Georgieva (Turandot) campait son personnage avec autorité. Ce plateau, complété par des choeurs impeccables et un orchestre rutilant, était dirigé avec maestria par Jurjen Hempel, nous faisant regretter l’inachèvement de l’ouvrage. ÉMILIEN MOREAU

Turandot a été donné du 25 au 29 janvier à l’Opéra de Toulon

Battle Royale

Quatuor Ebene © Julien Migno

D

ans le cadre de sa programmation L’Hivernal, le Festival de Musique de Toulon et sa Région accueillait le Quatuor Ébène qui fêtera l’an prochain ses 20 années d’existence, dans un programme titré De Vienne à Paris. Judicieusement conçu, le programme mettait en lumière les oeuvres composées par Beethoven d’une part et par Ravel ensuite. Il était aussi l’occasion pour les musiciens de briller dans un répertoire dans lequel ils excellent, celui

du français notamment, mais aussi de roder un début d’intégrale du viennois qu’ils enregistreront bientôt pour le 250e anniversaire de sa naissance. La lecture qu’ils ont donné de son Quatuor à cordes n° 4, op. 18 en do mineur était des plus éloquentes, soulignant la perfection formelle de l’œuvre. Après un premier mouvement en forme allegro de sonate au caractère viennois très affirmé, venait l’écriture en fugato de l’Andante. Leur maîtrise des dynamiques atteignait des sommets dans le menuet tandis qu’ils restituaient toute la fougue beethovenienne dans l’Allegro final : un classique sans faute. Le contraste avec le Quatuor à cordes en Fa majeur du natif de Ciboure était on ne peut plus saisissant. Délaissant la tonalité pour une modalité libératrice, Ravel s’y affranchit également des codes du classicisme en bouleversant la forme et le

contenu, concevant sa formation comme un orchestre en miniature et jouant sur les timbres. Pierre Colombet, Gabriel Le Magadure, Marie Chilemme et Raphaël Merlin y tiraient de leurs instruments la palette sonore idéale pour une musique très picturale. Concluant le concert par un retour au classicisme avec l’ultime Quatuor à cordes n° 16, op. 135 en fa majeur, les interprètes ont remis à l’honneur son exceptionnelle créativité grâce à leur complicité, à l’image de l’usage dramatique du silence dans le premier mouvement et du moment de grâce méditative qu’ils nous offraient dans le 3e mouvement avec l’assurance des plus grands. Une merveille. E.M.

Concert donné le 31 janvier à l’Eglise Saint-Paul, à Toulon, dans le cadre du Festival de Musique de Toulon et sa région


29

La terre en partage

C

e n’est pas parce qu’il se nomme Cantu Nustrale que ce bel ensemble s’enferme dans une corsitude étroite ! Le chant est ici tissé d’Histoire, d’évocations. Le quintette vocal et instrumental mené par ses deux fondateurs, Christian Ngo Degiovanni (seconde, terza, contre-chant, guitare) et Jean-Mathieu Colombani (basse, présentation), offrait à la Seyne-sur-Mer un concert dense qui s’attachait à présenter un florilège des divers courants de la musique vocale corse. On écoute des paghjelle, construites classiquement sur des distiques (« paghju », paire). La voix centrale, « a siconda », qui appelle et donne la mélodie principale, s’enracine sur la basse, socle du chant, et s’orne des mélismes et envolées libres de la terza… On apprend à reconnaître les lieux, les villages, les régions, par le « versu » (forme) utilisé : ici, le « versu

longu » nous conduit à Orezza et le « versu mozzu » dans la région de Corte ; là, on arpente les rues de Bustinicu à la suite d’un amoureux éconduit (Fiore), ou l’on part en transhumance au-dessus de Canale di Verde (Biasgina)… Autre polyphonie, le madrigal (madricale) s’enracine dans la période baroque qui offre le thème de la chasse détournée par la contemplation d’une nymphe endormie, dans Eramu in campu… Les voix des cinq interprètes se conjuguent avec une souple élégance, se paillettent d’échos, jonglent entre profondeur et légèreté avec une subtile aisance. L’un des nombreux points d’orgue du spectacle sera sans doute la composition contemporaine profane, Fiure, qui évoque les figures des êtres chers qui ne sont plus, simples reflets sur des photos jaunies. La gravité s’irise d’élans aériens, bouleversante d’émotion

contenue. Cette intensité perdure au cœur des chants sacrés, issus des messes de Rusiu et de Sermanu (deux hauts-lieux du chant en Corse). La guitare entre en scène, pour l’une des dernières compositions du groupe, Umanita. Le thème de la fraternité se décline ensuite avec les « classiques » Catena (L’estaca) de Lluis Llach, Bella Ciao, ce chant des mondines, devenu symbole de résistance. Le public reprend en chœur la mélodie irlandaise de L’arranciaghju (l’oranger), sourit à l’interprétation potache de Sole mio, et se lève pour le Diu vi Salve Regina. Quel voyage ! AGNÈS FRESCHEL

Concert donné le 20 janvier, l’église Notre Dame de la Mer, à La Seyne-sur-Mer (organisé par l’Association des Concerts Seynois)

Victor Solf, prêcheur divinement rock

L

e 30 janvier, c’était HER sur la scène enfumée de l’Espace Julien. Le genre de concert qui rappelle que la musique live mérite bien le sacrifice d’affronter les bourrasques glacées d’un morne soir d’hiver pour se rendre le nez dans l’écharpe jusqu’à la salle. Ils furent nombreux d’ailleurs, les courageux, pour la venue du magnétique Victor Solf. Magnétique c’est le mot, envoûtant même, tant la présence scénique du susnommé est écrasante. Rappelons qu’à la base HER c’est un duo amical, duo réduit à un depuis la disparition de Simon Carpentier, et que l’énergie de lion avec laquelle Solf assure le spectacle délivre un message clair : quitte à être celui qui reste, il faut assurer le show pour deux. Nimbé d’un halo de lumière © Julot Bandit blanche et habillé de l’incontournable costard sur mesure, le chanteur a ouvert la soirée sur le très white-gospel We choose, plongeant l’assistance dans un silence de cathédrale alors que sa voix puissante emplissait tout l’espace. Un moment d’atmosphère suspendue qu’on retrouvera plus tard avec l’interprétation pudique de Shuggie et son émouvante litanie de « spend some more time with you / ‘cause I need it »,

titre explicitement dédié à Simon. Le reste du concert a égrené la plupart des morceaux de l’album, dévoilant parfois quelques surprises comme une perle à venir, Silence, ou l’admirable reprise de Sam Cooke et son Change is gonna come. D’un bout à l’autre, Victor Solf s’est fait l’avatar d’une pop-soul urbaine et élégante, fort d’un charisme qui n’aura échappé à personne. Paumes levées vers le ciel plus que de raison, son attitude théâtrale de preacher fiévreux aura mis le public en transe. À moins qu’il ne s’agisse de ses très sulfureux déhanchés qui n’ont rien à envier à ceux d’Elvis Presley. C’était l’avant-dernier concert de HER, qui a fini son aventure au Zénith de Paris le 2 février. Car en effet, maintenant que l’album éponyme est terminé (Victor Solf avait promis à son copain de le mener au bout), d’autres voies s’ouvrent à celui qui désormais s’appellera Victor S. ELLORA POSSENTI

Le concert de HER a été joué à l’Espace Julien, Marseille, le 30 janvier. Première partie assurée par Martin Mey.


30 critiques

Tohu-bohu numérique

E

xit le Festival numérique annuel, bienvenue au Liberté Parallèle, Biennale des imaginaires numériques ! Depuis que la scène nationale de Toulon a rejoint la plateforme CHRONIQUES coordonnée par Seconde nature et Zinc, le principe d’explorer les croisements entre « réalité sensible et réalité numérique » est identique mais il s’étoffe de propositions produites, coproduites ou inédites. Installations, spectacle, sieste musicale, table-ronde, concert, DJ Set, vidéos, projection, atelier sculptures/ vidéos irriguent tous les espaces du théâtre et au-delà au Télégraphe. De ce tohu-bohu technologique, on retiendra l’expérience en réalité virtuelle La vingt-cinquième heure, dans la peau de Thomas Pesquet, documentaire réalisé par Pierre-Emmanuel Le Goff et Jürgen Hansen aux effets vertigineux ! Sans onirisme mais tout aussi anxiogène, l’installation monumentale Automatic War d’Alain Josseau met à mal le pouvoir de l’image et de l’information en continu dans un triple dispositif de

Sci-Fi Trilogy, In the future they ate from the finest porcelain © X-D.R.

maquettes, d’écrans et de journal télévisé reconstitué. Réflexion amèrement factuelle sur les guerres « en circuit fermé qui se jouent sous nos yeux » impuissants. Autre proposition cinglante signée de la réalisatrice Larissa Sanssour, SCI-FI TRILOGY, qui tire sa force de l’interaction entre le genre SF et la pensée politique. Si son court-métrage A Space Exodus revisite le mythe de la conquête de l’espace en réactivant des scènes de 2001, l’Odyssée de l’espace et du premier alunissage américain, c’est pour travestir la « réalité » en plantant le drapeau

palestinien. La Palestine, également au cœur de Nation Estate où l’artiste imagine un État palestinien sous forme de gratte-ciel luxueux à la lisière de Jérusalem… Côté scène, le chorégraphe Hiroaki Umeda fait sensation dans son solo While going to a condition par ses oscillations fusionnelles avec l’image et le son technologiques. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Le Liberté Parallèle, Biennale des imaginaires numériques a eut lieu du 30 janvier au 3 février au Liberté, scène nationale de Toulon

Déconstruire le discours sur le sauvage

L

e rappeur Abd Al Malik a grandi à Strasbourg dans une « banlieue chaude », où « des curieux venaient observer la cité en bus, sans descendre, à travers les vitres ». C’est avec une émotion particulière qu’il est venu présenter, au Mucem, le film Sauvages, au cœur des zoos humains, dont il a enregistré la voix off. Un long métrage Bruno Victor-Pujebet, Pascal Blanchard, Abd Al Malik © G.C couvrant la période 1820-1940, durant question une vision du monde basée sur laquelle l’Occident colonisateur exhiba la hiérarchie entre les races, validée par des personnes arrachées à leur pays, en le discours scientifique, orchestrée par commercialisant leur « exotisme ». Selon le pouvoir et les élites. Le rouleau comPascal Blanchard, historien co-auteur du presseur de la « civilisation » s’est ainsi documentaire avec le réalisateur Bruno servi d’une vitrine populaire pour mettre Victor-Pujebet, 35 000 indiens, abori- en scène le sauvage, afin de légitimer gènes, ou encore pygmées -mais aussi son exploitation, son oppression, voire bretons ou irlandais- ont alors été ex- son extermination. Impossible de ne pas posés aux regards de plus d’un milliard penser au nouveau président du Brésil, de visiteurs. « On devenait raciste sans le Jair Bolsonaro, qui poursuit dans cette savoir, en allant pique-niquer au Jardin voie et s’apprête à faire main basse sur d’Acclimatation. » les territoires autochtones dans la forêt Difficile à cette époque de remettre en amazonienne, pour les « rentabiliser ».

C’est l’urgence de tirer des leçons du passé face à ces méthodes toujours d’actualité qui a poussé Abd Al Malik a participer au projet. La prise de conscience que ce discours construit, fait de mépris et de rejet, intériorisé par les concernés euxmêmes, peut être déconstruit, le conduit à employer le mot de « guérison ». Un processus salvateur qui opère lorsque les êtres humains sont mis face à leur histoire : si les artistes et les historiens n’avaient pas fait ressurgir les archives concernant les zoos humains, nous y aurions beaucoup perdu en lucidité, donc en capacité à changer les choses. « Pourquoi n’ai-je pas vu ces images avant, s’est demandé Bruno Victor-Pujebet en les découvrant, pourquoi ne me les a-t-on pas montrées à l’école ? » GAËLLE CLOAREC

Le film Sauvages, au cœur des zoos humains (2018), a été projeté le 1er février au Mucem, Marseille, dans le cadre des journées « Sortir de l’oubli ».


Scène 55 // Mars

#DANSE

1er MARS

INTRODANS #THÉÂTRE

5 MARS

UNE POIGNÉE DE GENS... VÉLO THÉÂTRE

VOTRE

#MUSIQUE

9 MARS

SAISON

YOUN SUN NAH #THÉÂTRE

15 MARS

L’ENVERS DU MUSIC-HALL

DANIÈLE LEBRUN / COMÉDIE-FRANÇAISE

2019

#THÉÂTRE

16 MARS

CE QUE J’APPELLE OUBLI

DENIS PODALYDÈS / COMÉDIE-FRANÇAISE #MARIONNETTE

DU 22 AU 30 MARS

PRINTEMPS DE LA MARIONNETTE BILLETTERIE : SCENE55.FR // 04 92 92 55 67

Expositions | Spectacles Sessions de pratique partagée avec les artistes Centre Hospitalier Montperrin Aix-en-Provence www.3bisf.com

LIEU D’ARTS CONTEMPORAINS RÉSIDENCES D’ARTISTES CENTRE D’ART

CHUTE DE CIVILISATION


32 au programme spectacles bouches-du-rhône

Épouse-moi-Tragédies enfantines

Un amour impossible

Deux comédiens, un acrobate, un vidéaste et un graphiste pour cette création aux Bernardines, du théâtre filmé et projeté en direct qui permet à Mo, jeune homme africain qui comme tant d’autres rêve d’un ailleurs plus hospitalier, de se lancer dans un périple, à la fois réel et fantastique, sur le plateau mais aussi dans l’apesanteur des écrans. Un conte-poème, joyeux et triste, signé Marie Vauzelle et Selman Reda. 22 février au 2 mars Les Bernardines, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net

© Maryline Jacques

L’entre-deux

Marionnettiste et plasticienne, Élise Vigneron nous a émerveillés en 2016 avec Anywhere et sa marionnette de glace, un spectacle qui tourne toujours à l’international. Sa nouvelle création invite le public à se déplacer dans le théâtre, « aux lisières du plateau, un entre-deux où l’on fait d’étranges découvertes », pour une déambulation vers la fragilité des êtres et des choses. Ile, tours, château, destin, un théâtre d’objet nourri de l’univers fantastique de Maeterlinck et d’extraits de La mort de Tintagiles. 26 au 28 février Le Gymnase, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net

Pauline Goerger et sa toute récente compagnie crée en 2018 Les Grimaçants s’intéresse au langage pour le dénuder et mettre à jour « …ce qu’on ne veut pas voir, qu’on ne veut pas se dire. Et trouver les chemins pour le dire ». À l’issue d’une « résidence de confection » d’une semaine dans la salle de Lenche organisée par le Théâtre Joliette, elle présentera une étape de travail de sa prochaine création L’entre-deux. Une tentative, à travers la recherche d’une nouvelle écriture théâtrale, d’ouvrir de nouveaux horizons. Entrée libre sur réservation. 22 février Théâtre Joliette, Marseille 04 91 90 74 28 theatrejoliette.fr

© Elisabeth Carecchio

L’enfant

Bulle Ogier et Maria de Medeiros, dans une mise en scène de Célie Pauthe pour cette adaptation, par Christine Angot ellemême, de son livre autofictionnel Un amour impossible. Un livre qui raconte l’histoire d’une fille violée par son père et d’une mère, amoureuse de son mari, qui détourne les yeux. Entre reproches féroces d’un côté et culpabilité rongeante de l’autre, une tentative, à travers le prisme du social et de l’intime, de se comprendre et de se reconstruire entre mère et fille.

28 février au 1er mars Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org

Tartuffe Le Cerisier, c’est l’école internationale des arts et des écritures de la scène, ouverte en 2017 par le Théâtre Nono, qui s’adresse à de jeunes comédien.nes entre 18 et 26 ans. Dix d’entre eux.elles se confrontent à la pièce « anti-dévots » de Molière, écrite entre 1664 et 1669, où « l’hypocrisie comme art social d’une époque » résonne plus que jamais aujourd’hui dans notre société du paraître.

© Cordula Treml

26 février au 9 mars La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

Mo

© Eddie Pearson

« Un kaleïdoscope autour du désir comme outil de transgression » tel est, après La gentillesse en 2016, le fil conducteur de cette nouvelle création de Christelle Harbonn. Une pièce qui s’est écrite au cours de plusieurs résidences d’écritures et de recherches de plateau, inspirée par la structure dramaturgique de L’éveil du printemps de Wedekind, et par la lecture de Le Maître et Marguerite de Boulgakov. L’amour et son paradoxe, entre dépendance et libération, « une fiction d’aujourd’hui, qui vacillera entre rêves et réalités ».

1er & 2 mars Théâtre Nono, Marseille 04 91 75 64 59 theatre-nono.com


Les NouveLLes Hybrides Saison 2018/2019

Rencontres littéraires

Mécanique Librement inspiré par le célébrissime roman de Burgess Orange mécanique, adapté en 1971 de façon retentissante au cinéma par Stanley Kubrick, Anima Théâtre a porté son attention sur la fascination particulière que la violence peut exercer sur les adolescents, cette période de la vie où il s’agit de trouver à la fois qui l’on est et une place au sein de sociétés pas très accueillantes. Violence gratuite et violence motivée, une mise à distance et en question par la marionnette, une invitation à l’échange et au débat, à partir de 13 ans.

Luberon et Pays d’AixMarseille

1er & 2 mars Théâtre Fontblanche, Vitrolles 04 42 02 46 50 vitrolles13.fr

Da Capo En neuf tableaux, la Cie ITEM offre un duo chorégraphique et théâtral qui initie le public (accessible aux enfants à partir de 3 ans) à la relation entre les corps et les objets. La danse de Daphné Abécassis et Pauline Meguerditchian (ou Valène Roux Azy) s’entremêle à la présence de gros ballons blancs, de livres, rencontre une mouche provocante (née de la fantaisie d’Offenbach ?) sur les musiques de Vivaldi, Marin Marais, Aphex Twin, Maurice Ravel, Kronos Quartet…

Emmanuel Adely, Alban Lefranc, Emmanuelle Heidsieck, Arno Bertina, Ian Monk, Yannick Grannec, Dominique Manotti, Joël Baqué, Lucy Mushita, Marc Alexandre Oho Bambe, Kidi Bebey Les NouveLLes Hybrides

© Camille Metari

04 90 08 05 52 www.lesnouvelleshybrides.com

13 février Théâtre Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr

Fabien Traditionnellement, le théâtre Comoedia programme le 28 février, jour anniversaire de la naissance de Marcel Pagnol, une pièce de l’auteur aubagnais. L’intrigue de la pièce de cette année se déroule au Luna Park, où le photographe Fabien exerce. Un ensemble de personnages « monstres de cirque » y évoluent : le nain hongrois, le « Captain », un géant de 2m30, l’« homme-oiseau », la « femme à barbe », mais aussi une patineuse, un acrobate… Avec la complicité de Nicolas Pagnol, la Cie Dans la cour des grands, mise en scène par Marc Pistolesi fait revivre cette pièce oubliée depuis 1956. 28 février Théâtre Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr


34 au programme spectacles bouches-du-rhône

Feu !

The Great Tamer

© Kim Weber

La sortie de résidence, l’an dernier au 3bisf, avait remporté les suffrages (lire journalzibeline.fr). Voici la mouture définitive de Feu !, par la Cie Les Estivants, pièce déjantée qui aime à se jouer des codes, les retourner, les titiller, les bousculer, les inverser… Une œuvre qui nous parle du théâtre, de ses illusions, de la création, tout aussi nécessaire que difficile, dans une mise en scène de l’auteure, Johana Giacardi.

© Julian Mommert

© JFMphotographie

Hugo au bistrot

Et si Victor Hugo revenait aujourd’hui ? Si on le croisait par hasard au bistrot, quelle saveur prendraient alors ses mots, ses pensées ? Jacques Weber redonne vie au poète et polygraphe, s’empare de ses textes et les porte dans un café, sur une adaptation de Christine Weber. Magali Rosenzweig donne la réplique à l’écrivain, la littérature quitte les salons pour se confronter au réel. Une rencontre vivifiante !

28 février 3bisf, Aix-en-Provence 04 42 16 17 75 3bisf.com

Mon traître

Un plateau qui devient un champ de blé après une nuée de flèches, une scène dont le cadre brut semble recouvert de feuilles de charbon, les fantômes de Niel Armstrong, des Parques, d’Atlas ou de Narcisse hantent les lieux sujets à toutes les anamorphoses. Cruauté, légèreté et onirisme se conjuguent dans l’évocation des grands peintres, Botticelli, Raphaël, El Greco, Rembrandt, Magritte… Dimitris Papaioannou nous offre un univers peuplé de symboles, bouleversant de beauté. 27 et 28 février Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence 08 2013 2013 lestheatres.net

27 février au 2 mars Jeu de Paume, Aix-en-Provence 08 2013 2013 lestheatres.net

Yannick Grannec

28 février & 1er mars Théâtre du Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 88 71 74 80 boisdelaune.fr

Yannick Grannec © Bruno Charoy Pasco

Emmanuel Meirieu adapte et met en scène deux romans autobiographiques de Sorj Chalandon, Mon traître (2008) et Retour à Killybegs (2011). Le choc de la trahison (Denis Donaldson, leader de l’IRA, avait trahi tous ses compagnons de route, dont celui qui pensait être son meilleur ami) est rendu par une écriture libératrice. Pas de jugement, mais un constat, bouleversant dans son implacable netteté. (Attention, déconseillé aux moins de 12 ans)

Les six interprètes du Ballet Preljocaj Junior offrent cette année des extraits des Quatre saisons d’Angelin Preljocaj sur la musique de Vivaldi dans les costumes « POF » (Prototypes d’Objets en Fonctionnement) et la « chaosgraphie » de l’artiste plasticien Fabrice Hyber. Nous sommes conviés à un spectacle de virtuosité jubilatoire et de liberté baigné des lumières de Patrick Riou.

© Jean-Claude Carbonne

©Mario Del Curto

Les quatre saisons

27 février au 2 mars Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 preljocaj.org

Les Nouvelles Hybrides poursuivent leur exploration de la littérature contemporaine en invitant l’auteure Yannick Grannec, qui, lors d’un entretien animé par Maya Michalon, abordera les thèmes de son dernier roman, Le Bal Mécanique (Anne Carrière, 2016). Suivra un moment musical Cinq jours de Paul Klee de Claire-Mélanie Sinnhuber pour soprano, harpe et alto par Brigitte Peyré (soprano) et l’ensemble Musiques Présentes. 1er mars Médiathèque des Carmes, Pertuis 04 90 08 05 52 lesnouvelleshybrides.com


au programme spectacles bouches-du-rhône 35

To Da Bone

Mina est une petite fille qui aime les mots, « comme des trésors, des îles mystérieuses à découvrir, qui lui donnent la liberté d’inventer sa vie et de concevoir un univers, […] de grandir ». Son père, Babou, ne sait ni lire ni écrire, mais il sait raconter, et tous deux passent leur journée à discuter. La comédienne et metteure en scène Dominique Sicilia aborde tout en douceur l’amour des mots, pour les enfants dès 7 ans.

1er mars Maison du Peuple, Gardanne 04 42 65 67 00 ville-gardanne.fr

13 février Théâtre Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 theatre-semaphore-portdebouc.com

20 février Théâtre Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 les-salins.net

Maintenant demain

Swift !

Verino

© Pascalito

Luc Langevin © Yann Orhan

Avec une aisance jubilatoire, Verino saisit l’absurde du quotidien, et le transcrit en une écriture serrée portée par un jeu d’une grande finesse. Stand-up hors normes où l’improvisation rend chaque spectacle unique. Celui de Velaux est une version enrichie où foisonnent les saynètes drolatiques qui passent notre monde au scalpel de l’humour. Attention aux zygomatiques !

1er mars Espace Nova, Velaux 04 42 87 75 00 espacenova-velaux.com

À partir des Voyages de Gulliver de Jonathan Swift, la compagnie Skappa ! & Associés s’engouffre dans les traces laissées dans les villes par les humains, des pistes imaginaires pour conduire à la découverte de l’Autre. Embarquement pour un voyage aux proportions démesurées où l’ombre et la lumière seront les compagnons de route d’un personnage, sorte de Gulliver moderne, confronté à la naissance d’un monde rapide et surprenant.

Télépathie, téléportation, lévitation, mais aussi poésie et mentalisme sont au cœur du deuxième spectacle de l’illusionniste québécois Luc Langevin. Ce showman hors pair, charmeur et beau parleur, devenu une référence en matière de magie nouvelle, bluffe aussi bien les rêveurs que les cartésiens ! 27 & 28 février Théâtre Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 les-salins.net

© Christophe Loiseau

© Claudine Vigneron

Spécialisé dans les danses post-Internet, le collectif (La)Horde a transposé le jumpstyle sur une scène. Cette danse très physique née en Belgique et aux Pays-Bas à la fin des années 90 a connu un pic de popularité dans les années 2000 grâce à YouTube. To Da Bone réunit une dizaine de jumpers du monde entier, repérés et recrutés grâce à leurs vidéos, qui, silencieusement ou sur une musique électro hardcore, pointent et cognent leurs pieds sur le sol avec une belle énergie.

© Eclosion 13

Ma grand-mère s’appelle Bœuf…

La Cie Tara Théâtre invite le jeune (et celui qui l’est moins) public à son « théâtre noir de marionnettes » avec l’histoire de Luc qui est injustement accusé de vol. Les héros sont ici confrontés aux injustices et le spectateur suit avec délectation les méandres de l’intrigue forte en suspense et en rebondissements.

© Tom de Peyret

La trouvaille de Luc

1er mars Théâtre Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 theatre-semaphore-portdebouc.com


36 au programme spectacles bouches-du-rhône vaucluse

Je demande la route

The Great disaster

C’est son parcours que Roukiata Ouedraogo raconte dans ce spectacle, de son Burkina Faso natal jusqu’aux scènes de théâtre et à France Inter. Avec beaucoup d’humour et d’autodérision elle évoque les décalages culturels entre l’Afrique et la France, mais aussi des sujets plus graves comme l’excision, qu’elle a subie à 3 ans, ou l’immigration, la santé et l’éducation. 2 mars Espace Pièle, Cornillon-Confoux 04 90 55 71 53 scenesetcines.fr

© Laurent Gros - Erick Priano

Et quelle utopie ! La vie en collectivité, le mieux vivre ensemble, l’idée d’un partage des richesses et d’un moyen d’en profiter… À l’heure des grands débats organisés un peu partout dans le pays, celui-là relève du projet révolutionnaire ! Les personnages imaginés par la Cie Gravitation, disséminés dans le public, provoquent une parole passionnante.

© Cie Gravitation

Roukiata Ouedraogo © Fabienne Rappeneau

Monsieur Kropps, l’utopie en marche

1er mars Alpilium, Saint-Rémy-de-Provence 04 90 92 70 37 mairie-saintremydeprovence.fr

Giovanni Pastore était plongeur à bord du Titanic, il y nettoyait les 3177 cuillères à dessert des passagers de première classe. Il ne sera pas comptabilisé parmi les victimes. Le texte de Patrick Kermann, mis en scène et joué par Olivier Barrère, fait parler Giovanni du fond de la mer, pour conjurer l’oubli, pour évoquer sa vie et celle des humains, migrants comme lui, qu’il a côtoyés, dans une langue poétique et truculente. 1er & 2 mars Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 theatredeshalles.com

Un amour de Camus

27 & 28 février Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 theatre-arles.com

Sept reines…

© Carla Neff

En résidence de création au Théâtre d’Arles depuis la saison dernière, le danseur et chorégraphe Kevin Jean revient avec ce spectacle qui y sera créé. « Comment détruit-on un monde ? », « Ça prend combien de temps ? » C’est avec la rage et l’énergie d’un cyclone qu’il veut envisager le monde d’après son passage, « plus juste, inclusif, égalitaire, tolérant, bienveillant », imaginant une danse-manifeste comme une pensée en mouvement.

Soirée en deux temps autour d’Albert Camus avec Raphaël Enthoven. Après une lecture de Noces, « invraisemblable poème en prose que rien n’égale, dans l’œuvre du maître, hormis quelques fragments du Premier homme », le philosophe donnera une conférence sous forme de commentaires.

Raphael Enthoven © DR

© Kevin Jean

La poursuite du cyclone

21 février Théâtre du Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 chenenoir.fr

Et si les rôles étaient inversés ? Si les sirènes (d’Alexandrie) succombaient au chant d’amour des marins, et pas le contraire ? C’est le postulat de départ du texte de Martinage dont s’empare le collectif avignonnais le Bleu d’Armand dans cette nouvelle création. Entre la Bretagne, où elles migrent à la saison des amours, et l’Égypte où les femmes-poissons déplorent le suicide d’une de leurs reines au fil des étés, « abattue par l’hiver breton et l’impossible amour », la pièce questionne la féminité, ses attributs et ses fantasmes. Sept reines, épopée d’un crachin d’amour 1er mars Théâtre des Carmes, Avignon 04 90 82 20 47 theatredescarmes.com


37

au programme spectacles vaucluse

Les contes de ma Mère l’Oye Comment j’ai dressé un escargot…

© DR

© Quatuor Anches Hantées

Il y a des oiseaux dans l’aquarium Elle aime les bielles, la tôle découpée, les engrenages et les tiges d’acier. Mais elle les agrémente de plumes de paon, de cygne ou d’oie, et anime ses sculptures mécaniques-organiques avec de mini-moteurs. Magali Rousseau, artiste en compagnonnage cette année au sein du Vélo Théâtre, y expose ses créations poétiques, inspirées de spectacles. Entrée libre, sur réservation.

© Magali Rousseau

Charles Perrault inspire décidément les créateurs contemporains. Le conteur Jean Manifacier, accompagné du Quatuor Anches Hantées, propose d’initier les jeunes générations à la musique classique par le biais de ses histoires intemporelles. Et personne n’est exclu ! Le spectacle, étant mimé, est accessible pour les sourds et malentendants. À partir de 7 ans.

De la rencontre à la relation amoureuse, puis l’histoire d’un couple, jusqu’au divorce, le texte de Matéi Visniec se fait loufoque et poétique, toujours extravagant et décalé. Serge Barbuscia le met en scène, avec Salvatore Caltabiano dans le rôle de Gérard, un écrivain racontant les épisodes, fétichiste et mystérieux (dresser un escargot pour…), de son histoire d’amour passée avec Madame, avant de réaliser que son inspiration était en elle…

17 février au 29 mars Vélo Théâtre, Apt 04 90 04 85 25 velotheatre.com

2 mars L’Autre Scène, Vedène 04 90 31 07 75 lautrescene.com

Comment j’ai dressé un escargot sur tes seins 1er & 2 mars Théâtre du Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 theatredubalcon.org

Périple Entrelacs

L’adversité, ça soude une équipe. On peut dire que les femmes adeptes du ballon rond ne manquent pas de ce type de stimulant ! Il s’agit de s’imposer face aux joueuses adverses, mais également, de manière plus diffuse, de résister aux préjugés sur le football au féminin, qui ont la peau dure. La pièce chorégraphique de Mickaël Phelippeau dévoile le sens du rythme et la puissance de jeu de douze d’entre elles. 16 février L’Autre Scène, Vedène 04 90 31 07 75 lautrescene.com

© Eric Pierron © Sonia Garcia Tahar

© Philippe Savoir

Footballeuses

Conçu et interprété par Claire Latarget, Virginie Gaillard et Mathieu L’Haridon, Entrelacs est un parcours artistique destiné aux tout-petits, à partir de 18 mois. L’influence de Louise Bourgeois s’y fait sentir, notamment dans son rapport aux textiles, au tissage, et son approche des liens familiaux. Parents bienvenus. Suivez le fil ! Dans le cadre des Dimanches de Greli-Grelo.

12 & 13 février Vélo Théâtre, Apt 04 90 04 85 25 velotheatre.com

Le périple, c’est celui d’Eva Perón, ou plutôt celui de son corps embaumé après son décès à 33 ans, des suites d’un cancer foudroyant. Une chorégraphie butô signée Lorna Lawrie (assistée de Carole Tricard) lui rend hommage, comme le peuple argentin éploré le fit en 1952. Très engagée auprès des descamisados (sans chemises), elle avait une telle aura que son cadavre fut dérobé par la dictature militaire qui renversa son président d’époux. 22 février Vélo Théâtre, Apt 04 90 04 85 25 velotheatre.com


38 au programme spectacles alpes bouches-du-rhône var

Et si vous y croyez assez...

Eh bien, dansez maintenant

© Carole Filiu Mouhali

La rage des petites sirènes

Le Détachement International du Muerto Coco annonce d’entrée de jeu la couleur : ceci n’est pas un spectacle. Non, c’est une « investigation documentaire » imprégnée, comme toujours avec cette compagnie, de poésie sonore. Le parcours personnel de Raphaëlle Bouvier vers la magie. La « vraie », avec ses rituels performatifs, aussi bien que la « fausse », prestidigitatrice.

Les marionnettistes du Rodéo Théâtre proposent une délicieuse virée en compagnie de sœurs sirènes et leur chat sirène. Cette odyssée sous-marine, émaillée de rencontres, les amènera à s’interroger sur l’identité, et à découvrir que la différence n’empêche pas de s’apprécier. Un spectacle avec de vrais morceaux de claquettes dedans. À voir en famille dès 6 ans.

8 & 9 mars Théâtre Massalia, Marseille 04 95 04 95 75 theatremassalia.com

Alexandra Cismondi danse sa propre histoire, celle d’une fillette divisée entre deux camps familiaux, qui, devenue femme, tente d’opérer sa « réunification ». Dirigée par Émilie Vandenameele, sur une chorégraphie de Sidney Leoni, elle rassemble sa part « ritale » et sa part française, rapproche sa bourse démunie de son bagage aisé, relie son vécu à Toulon avec ses souvenirs de Limoges...

Europe connexion

© Guillaume Ducreux

Quatorze

Dans le cadre de ses Traversées dans les communes des Hautes-Alpes, le Briançonnais propose une pièce de Vincent Franchi, sur un thème trop peu traité par le monde de la culture. Le monologue d’un lobbyiste (Nicolas Violin, très bon), chargé de défendre l’industrie des pesticides auprès des instances européennes, qui va connaître -tardivement et sans remise en question de son mode de vie- une prise de conscience inusitée, dans un métier où la morale est un frein.

Mélancolie(s) Le collectif In vitro, adepte d’un théâtre très vivant, dirigé par la metteure en scène Julie Deliquet, fait résonner le monde d’aujourd’hui à travers cette adaptation de deux œuvres majeures d’Anton Tchekhov : Ivanov et Les trois sœurs. Une adaptation nourrie d’improvisations, qui désacralise le texte (« même si tous les mots sont de Tchekhov, ou presque… »), où le cinéma fait son apparition, et qui prolonge la réflexion du collectif sur la disparition d’un monde et ses illusions. © Roxane Samperiz

Aborder la guerre de 14-18 par l’humour, il fallait oser ! C’est le pari de la Cie Cassandre, qui s’attaque aux racines de la grande boucherie. En remontant 38 jours avant son déclenchement, concentrés en deux heures de spectacle historique. Six comédiens incarnent de multiples personnalités de l’époque, ayant participé à l’engrenage fatal : généraux, dignitaires, journalistes... Dans un clin d’œil appuyé aux insuffisances du « devoir de mémoire » officiel.

28 février au 2 mars Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr

26 février, La Grave 27 février : Villard St-Pancrace 28 février : Guillestre 1er mars : L’Argentière-La Bessée Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 theatre-du-brianconnais.eu

© Simon Gosselin

Et si vous y croyez assez, peut-être il y aura un poney 1er mars Théâtre Durance, Château-Arnoux/Saint-Auban 04 92 64 27 34 theatredurance.fr

26 février La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu

© DR

2 mars Usine Badin, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu

1er & 2 mars Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr


39

au programme spectacles var

Bajazet

© Vincent Pontet

Jamais seul Un théâtre qui fait irrésistiblement penser à la chanson d’Alain Souchon sur la foule sentimentale, aussi bien qu’à la poésie de Jacques Prévert... Quinze comédiens interprètent une quarantaine de personnages englués dans leur quotidien, entre liste de courses et désamour ravageant. Patrick Pineau met en scène un texte de Mohamed Rouabhi qui ne cède pas au désespoir, et lui oppose une féroce énergie vitale.

26 février Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com

Sur la route de Poucet

1er & 2 mars Châteauvallon - Scène Nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com

« Tu n’as pas de consistance, tu es un être hybride et flasque ! » assène son ami de 30 ans au pauvre Ivan (Jean-Pierre Darroussin). En cause, un tableau entièrement blanc acheté par Serge (Charles Berling), pomme de discorde autour de laquelle ils vont se déchirer, avec le troisième protagoniste, Marc (Alain Fromager). Selon Yasmina Reza, il n’y a pas d’amitié qui tienne lorsqu’il s’agit d’apprécier (ou de déprécier) l’art contemporain !

© Svend Andersen

© Eric Miranda

La pièce en alexandrins de Jean Racine, jouée en virtuoses par les acteurs de la Comédie-Française, dirigés par Éric Ruf. Démesure des sentiments dans l’atmosphère explosive d’un sérail... un grand classique riche en intrigues amoureuses et politiques entremêlées. La rivalité de frères ennemis est basée, selon la formule consacrée, sur une histoire vraie : le fratricide ordonné en 1635 par le sultan ottoman Mourad IV.

Art

15 février Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 carreleongaumont.com

Ils ont survécu à l’Apocalypse. Pour aller à la rencontre d’autres rescapés, le collectif de circassiens québécois Machine de cirque rivalise d’ingéniosité et de talent : haute voltige, acrobatie, jonglerie… Une performance en constante accélération, d’une précision extrême, dont l’humour réjouit le cœur des pauvres humains soumis à la loi de gravitation.

© DR.

27 février Théâtre du Rocher, La Garde 04 94 08 99 34 ville-lagarde.fr

Une version moderne du Petit Poucet, mais façon thriller. L’ogre est un homme d’affaires insatiable, tandis que le héros, hanté par la culpabilité, mange des champignons hallucinogènes... Si la musique tire vers l’Amérique des 70’s, avec ses airs de guitare planante, la chorégraphie est inspirée du hip-hop, et le mélange des genres brouille un peu plus la frontière entre le Bien et le Mal. À partir de 10 ans. 1er mars Pôle Jeune Public, Le Revest-les-Eaux 04 94 98 12 10 polejeunepublic.fr

© Darek Szuster

Machine de cirque

Scénariste, romancier, dramaturge... Il aura fait ses preuves dans tous les styles, l’auteur italien Tonino Guerra. Mais c’est à ses talents de poète que Beatrice Baruffini et Agnese Scotti rendent hommage, dans ce spectacle destiné au jeune public, de 4 à 7 ans. Rico et Zaïra sont au soir de leur vie, mais ils n’ont jamais vu la mer : tous deux décident, main dans la main, de cheminer jusqu’à elle.

© Arnaud Bertereau

Le voyage

1er mars Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 carreleongaumont.com


40 au programme spectacles alpes-maritimes gard

Le récital des postures

La Cie Introdans, venue des Pays-Bas, mêle la danse au jeu d’acteur, sous l’influence de ses fondateurs, Ton Wiggers et Hans Focking, venus des deux disciplines. Six pièces courtes de son répertoire seront interprétées par les membres de la troupe, chacune dans un univers particulier : le hip-hop, les chansons cubaines, le swing ou encore la musique néerlandaise.

LoDka Ah, la Russie, ses oligarques, sa vodka... et ses clowns. Vous aviez adoré le Slava’s snowshow ? Revoici la Famille Semianyki, dotée d’un humour corrosif et d’une vitalité à toute épreuve, qui sillonne la planète de succès en succès. Pas de barrière de langue, leur éloquence ne recourt pas aux mots. LoDka (barque, en russe), c’est une métaphore de la vie humaine : nous sommes tous sur le même bateau, et pour le maintenir à flot, il vaut mieux se serrer les coudes !

© DR

Het Debat, Takademe, Malasangre, Three, Ella, Black Cake 1er mars Scène 55, Mougins 04 92 92 55 67 scene55.fr 2 mars Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com

Anthologie du cauchemar

2 mars Forum Jacques Prévert, Carros 04 93 08 76 07 forumcarros.com

13 & 14 février Odéon, Nîmes 04 66 36 65 00 theatredenimes.com

© Dominique Houcmant GOLDO

La Cie (1)Promptu transpose cette pièce, musicale avant tout, en une chorégraphie qui, en plus des thèmes sonores associés à chaque personnage, leur offre un mouvement de danse. Pierre sautille, l’Oiseau est rapide comme le vent, le Grand-père a la tremblote, le canard marche avec des palmes, et le loup... est puissant, troublant... Une jolie façon de pénétrer dans l’univers de la danse. Dès 6 ans.

© Jean-Claude Carbone

© Karl Biscuit

27 février Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com

Yasmine Hugonnet réinvente son corps, qu’elle façonne et détourne comme autant de sculptures vivantes. À la manière d’un Xavier Leroy, autre chorégraphe danseur qui ploie des membres pour se transformer en quelque chose qui ne ressemble presque plus à un homme, la danseuse suisse se métamorphose en une farandole de poses, de personnages, de formes qui peu à peu la racontent et la dévoilent.

Blockbuster

Pierre et le loup

Lorsque la Cie Système Castafiore se lance dans une anthologie, cela ne peut pas être banal. Dans la foulée d’une résidence au Théâtre de Grasse, la nouvelle création pour cinq danseurs de Marcia Barcellos (chorégraphie, costumes) et Karl Biscuit (musique, vidéos, mise en scène) tourne autour du cauchemar, cette expression onirique de nos angoisses et de nos désirs les plus secrets.

© Anne-Laure Lechat

Het debat © Hans Gerritsen

Introdans

Voilà un O.T.N.I (objet théâtral non identifié) ! Le Collectif Mensuel, avec Nicolas Ancion à l’écriture, a puisé dans plus de 160 films cultes la matière de son Blockbuster, montage de quelque 1400 séquences en une folle histoire pleine de courses poursuites, de trahisons... Cinq comédiens et musiciens s’emparent de tous les personnages (Stallone, Sean Penn, Julia Roberts...), bruitages et doublage compris. Une pièce-film avec des enjeux bien ancrés dans le réel : scandales financiers, insurrection populaire... Drôle et politique. 20 au 22 février Théâtre Bernadette Lafont, Nîmes 04 66 36 65 00 theatredenimes.com


41

au programme spectacles hérault bouches-du-rhône

Romances inciertos, un autre Orlando Le Groenland

Benoît Lambert (CDN Dijon), régulièrement accueilli au Cratère, se promène entre répertoire classique et pièces contemporaines. Ce texte de Marivaux est l’un des plus joués, et sa fraicheur, sa subversion (les femmes sont aux commandes) n’ont pas fini de nous séduire. Le metteur en scène offre ici à 4 jeunes comédiens en contrat de professionnalisation d’endosser les premiers rôles, aux côtés d’aînés qui les guident dans les dédales du marivaudage.

Elle part. Loin. Vers le froid. Le Groenland... Une fuite ? Une mère part, un soir, en emmenant sa fille. Monologue déchirant, porté par Florie Abras, le texte de Pauline Sales est une confidence sur le besoin de transmission, doublé par la difficulté d’être. Anna Zamore met en scène une langue intime et universelle, où les mots sont empoignés comme une matière vivante, face au public, sans subterfuges. La nouvelle création de la Cie montpelliéraine Les Grisettes.

© Marc Ginot

Trois personnages, trois enveloppes, trois approches musicales et physiques, trois histoires de corps, interprétées par le fabuleux François Chaignaud, danseur et chorégraphe, dans une mise en scène de Nino Laisné, accompagné par des musiciens de l’Opéra Orchestre national de Montpellier. Travestissements, métissages (musicaux, culturels), « mini-épopées dont les héroïnes jouent des rôles qui ne sont pas les leurs ». Une splendeur. (lire journalzibeline.fr) 19 février Le Cratère, Alès 04 66 52 52 64 lecratere.fr

12 au 16 février Le Cratère, Alès 04 66 52 52 64 lecratere.fr 1er mars Théâtre de la Colonne, Miramas scenesetcine.fr

20 & 21 février Théâtre Jean-Claude Carrière, Domaine d’O, Montpellier 0 800 200 165 domainedo.fr

Singspiele

Les idées grises

© Laurent Philippe

Il y a peu, le Cratère présentait un duo père/fils (Des gestes blancs). Satchie Noro et Yumi Rigout sont mère et fille. mA, pour Maman, pour « espace entre » aussi, dans cette langue japonaise qu’elles partagent. Entre cirque, danse classique, aïkido, elles s’imbriquent, se mesurent, s’épaulent, évaluent ce qui les sépare et les rapproche : un homme a disparu.

13 & 14 février Le Cratère, Alès 04 66 52 52 64 lecratere.fr

© S. Rouaud

mA

David Mambouch, seul sur scène, fait défiler les visages sur sa figure, qu’il ne dévoilera jamais. Une série de masques, de costumes, convoque une pléiade de personnages. On en reconnaît certains, les autres sont anonymes. La gestuelle s’adapte à l’enveloppe. Et c’est un panorama du monde, le nôtre, singulier et pluriel, que présente la chorégraphe Maguy Marin. (création sonore : David Mambouch)

Bastien Dausse et François Lemoine (Cie Barks) créent un monde où les repères ont changé. Le haut n’est plus au-dessus de leur tête, le bas n’existe plus. Entre cirque et illusion d’optique les deux acrobates inventent un western contemporain où réel et irréel ne sont pas là où on les attend. Qu’il est bon de laisser un peu de côté nos réflexes cartésiens, d’accepter l’absurde, de partir à la rencontre d’autres valeurs... (à partir de 6 ans)

© Daniel Michelon

© V. Arbelet

© Nino Laisné

Le jeu de l’amour et du hasard

12 au 14 février Théâtre des 13 vents, Domaine de Grammont, Montpellier 04 67 99 25 00 13vents.fr 27 & 28 février Théâtre Jean-Claude Carrière, Domaine d’O, Montpellier 0 800 200 165 domainedo.fr


42 au programme spectacles hérault

Usure

Dans la farine invisible de l’air

Un corps qui s’use... Cela semble d’emblée négatif, surtout s’il s’agit de celui d’un danseur. Brahim Bouchelaghem, prodige du hip hop passé chez Merzouki et Attou, désormais chorégraphe à la tête de la Cie Zahrbat, s’affronte à ce dilemme. Entouré de six interprètes, il questionne le passage du temps, qui, s’il est destructeur, peut aussi être abordé comme une révélation qui permet de multiplier le processus créatif. Danse de jouvence...

Dernière création de la Cie Doré (Montpellier), constituée de cinq doux dingues, autrement dit des clowns. La gueule enfarinée, ils ne sont pas pour autant des naïfs. Plutôt des poètes de la vie contemporaine, la tête en l’air, le corps arrimé au rythme d’une musique très présente (composée par Fixi), véritable sixième personnage de ce chœur tendre.

© STOMP

Stomp

14 février Le Kiasma, Castelnau-le-Lez 0 800 600 740 montpellierdanse.com

C’est une expérience quasi spirituelle que d’assister à une performance de Stomp. Cette compagnie américaine de percussion électrise le public depuis 1991 (20 000 représentations pour 15 millions de spectateurs !). Les 8 Stompers, à la fois musiciens, danseurs, clowns, sont mis en scène par Luke Cresswell et Steve McNicholas, qui distillent leur puissance et leur folie entre humour et virtuosité. Une symphonie pop et tribale.

Du vent dans la tête

© JeanHenri

La fresque

Les cours d’écoles maternelles sont souvent de haut lieux philosophiques. Il en passe des questions, des concepts, dans la tête des bouts de choux pendant la récré. Serge Boulier (Bouffou Théâtre) et ses marionnettes (avec Nathalie le Flanchec) restituent ces problématiques enfantines à hauteur de toutes les oreilles (dès 4 ans). Peut-on arrêter le cours du temps en fixant l’horloge sans ciller ?

Chorus Line / Titans La venue en France du performeur et chorégraphe grec Euripides Laskaridis constitue en soi un événement tant ses passages sont rares chez nous. Il présente, au Centre chorégraphique, une étape de travail de sa future création (Chorus Line, restitution publique d’une recherche sous forme d’atelier pour jeunes danseurs), et, en co-accueil avec Montpellier danse, Titans, un duo (avec Dimitris Matsoukas), succession d’images choc, où les titans olympiens n’ont qu’à bien se tenir. Attention les yeux !

21 & 22 février Théâtre Jean Vilar, Montpellier 04 67 40 41 39 theatrejeanvilar.montpellier.fr

Titans © Elina Giounanli

© Jean-Claude Carbonne

2 & 3 mars Le Corum, Montpellier 0 800 600 740 montpellierdanse.com

En évoquant un conte inspiré des récits chinois, Angelin Preljocaj entraine ses dix interprètes dans une chorégraphie tout en finesse et sensualité : l’histoire d’un amour fantasmé, qui mêle merveilleusement le rêve et la réalité. Le chorégraphe dessine, avec les pas des danseurs, les cheveux des femmes, une histoire traditionnelle qui réveille nos désirs et nos questions d’aujourd’hui. Sur la musique de Nicolas Godin (groupe Air), et dans les costumes d’Azzedine Alaïa. 19 & 20 février Le Corum, Montpellier 0 800 600 740 montpellierdanse.com

18 février, Chorus Line 21 février, Titans ICI, Centre chorégraphique, Montpellier 04 67 60 06 79 ici-ccn.com

14 & 15 février Théâtre Jean Vilar, Montpellier 04 67 40 41 39 theatrejeanvilar.montpellier.fr


43

au programme spectacles hérault musiques bouches-du-rhône alpes-maritimes

Campana Titoune et Bonaventure Gacon ont joué plus de 300 fois leur magnifique spectacle Matamore, duo tant inégal que complémentaire (il est colossal et débonnaire, elle est minuscule et mutique), très haut en émotion et finesse. Leur nouveau spectacle Campana (avec un autre duo, les multiinstrumentistes Thomas et Bastien) continue sur le fil : entre numéros à couper le souffle (trapèze, portés ahurissants) et petits riens qui font que ces virtuoses évoquent nos vies à tous. (lire journalzibeline.fr)

Aujourd’hui, Sauvage Les créations du chorégraphe Fabrice Lambert prennent place et sens dans un espace très plastique, très mouvant aussi. Les lumières de Philippe Gladieux ont le don d’animer les scénographies enchantées de ses spectacles (pour celui-ci, Shahalladyn Khatir a conçu une sorte de ciel protecteur au-dessus des 8 interprètes). Claude Lévi-Strauss est convoqué, inspirant ce dernier opus de sa Pensée sauvage... 15 février Théâtre Molière, Sète 04 67 74 02 02 theatredesete.com

© Pascal Gely

Quelle chance de pouvoir assister à ce spectacle ovationné partout où il se joue... Porté par le désir et l’engagement du metteur en scène Benjamin Lazar, du directeur musical Florent Hubert et de la sublime comédienne Judith Chemla il est à la fois musique, théâtre intime, lecture attentive du classique de Verdi, fidèle aux origines et d’une modernité sans affects. C’est d’une évidence et d’une beauté qui bouleverse tous les aprioris. Une véritable redécouverte de l’expérience du spectacle vivant. 20 & 21 février Théâtre Molière, Sète 04 67 74 02 02 theatredesete.com

Quand j’étais petit je voterai En 2002, suite au séisme provoqué par l’arrivée de Le Pen au deuxième tour des présidentielles, Boris Le Roy publiait ce roman, à destination des futurs électeurs, nos enfants. Repris sous forme théâtrale, le spectacle (à partir de 8 ans) évoque l’élection des délégués de classe. C’est drôle, mais aussi très instructif. C’est bon, de refaire le monde, avec le regard d’adolescents... Mise en scène Émilie Capliez, avec Simon Pineau et Elsa Verdon ou Cloé Lastère.

Percussions en folie

© DR

28 février, Maison pour Tous François Villon, Montpellier 04.67.45.04.57 23 mars, Maison pour Tous Marie Curie, Montpellier 04.67.75.10.34 29 mars, Maison pour Tous Georges Brassens, Montpellier 04.67.40.40.11 theatrejeanvilar.montpellier.fr

19, 20, 22 & 23 février Espace Chapiteau, Frontignan 04 67 74 02 02 theatredesete.com

© Guillaume Durieux

Alter (Didier Chaix) et Go (Philippe Goudard), clowns patentés, ont voulu pour cette pièce revenir au terreau de la création : l’improvisation. Explorer leur imaginaire d’acteur, le faire entrer en collusion avec celui du public. Au fil des rencontres et des représentations, le spectacle évolue et se recompose. Un projet Hors des murs, pour mieux provoquer les croisements. (Réservations directement auprès des Maisons pour Tous)

Traviata, vous méritez un avenir meilleur

© Philippe Laureneon

© Marc Ginot

Genre de clown

20 février Centre culturel Léo Malet, Mireval 04 67 74 02 02 theatredesete.com

L’ensemble Polychronies se dédie à l’art de la percussion et offrira un spectacle consacré à cet art particulier avec des partitions aux noms évocateurs, Emmanuel Séjourné (Tribus Martiennes), Pierre Jodlowski (24 loops), Aïko Miyamoto (Cinabres), Thierry de Mey (Musique de tables), Manfred Amadeus Menke (Eine Kleine Tishmusik) et Rupert Kettle (Dining Room Music). Florent Fabre (directeur artistique), Bernard Boellinger, Bernard Pereira, Mathieu Schaeffer, s’y livreront avec appétit. Miam ! 9 février Foyer de l’Opéra, Marseille 04 91 55 11 10 / 04 91 55 20 43 opera.marseille.fr


44 au programme musiques bouches-du-rhône vaucluse

Renaud Capuçon et les Lausanne Soloists

Nemanja Radulović

Nemanja Radulovic © DR

Avant-première

Le violoniste atypique Nemanja Radulović revient à l’Opéra de Marseille qu’il a déjà conquis par sa virtuosité, ses audaces, et sa manière d’aborder les œuvres les plus éclectiques avec la même pertinente profondeur. Accompagné de l’ensemble Double Sens, il donnera sa lecture de Jean-Sébastien Bach, Vivaldi, Tchaïkovsky, Dvořák, Khatchatourian, Chostakovitch, Rimski-Korsakov…

Ce nouvel instrument avait séduit Mozart et fit rapidement la conquête de l’orchestre. Son succès ne s’est pas démenti depuis, la clarinette trouve dans les œuvres du XXe et du tout jeune XXIe une place de choix. L’ensemble Musicatreize dirigé par Roland Hayrabédian lui rend hommage avec Florent Pujuila (clarinette) sur un programme éclectique qui offrira entre autres pépites deux avant-premières de Vincent Trollet et Adrien Trybucki, ainsi qu’une création de Tapio Tuomela. L’instrumentiste se livrera à des improvisations après l’interprétation de pièces de Donatoni et Denisov.

C’est l’aube des années folles, la femme est modèle, inspiratrice, ange, démon, interprète et muse. L’art se pense autrement, confronté aux progrès techniques et aux autres cultures de l’Afrique ou de l’Extrême Orient. Entre Modigliani, Vuillard, Foujita, Satie, Debussy, Ludivine Gombert (soprano), Maya Berdieva (piano) et Catherine Michaud (conférencière) offrent un panorama d’une subtile finesse auquel s’ajoute la délicieuse dégustation de chocolats d’Aline Géhan, chocolatier à Avignon. Bon, c’est la Saint Valentin !

Magdalena Kozena & Orchestra

Magdalena Kožená © CEMA Oleg Rostovtsev

12 février Opéra, Marseille 04 91 55 11 10 / 04 91 55 20 43 opera.marseille.fr

Léopold (Grégory Benchenafi), maître d’hôtel à l’Auberge du Cheval Blanc, est éperdument amoureux de sa patronne, Josepha (Jennifer Michel) qui n’a d’yeux que pour l’avocat Guy Florès (Marc Larcher). L’arrivée de Bistagne (Antoine Bonelli) qui vient, accompagné de sa fille Sylvabelle (Charlotte Bonnet), pour une histoire de brevet plagié, va bouleverser tout cela. Bref, cela se termine par des mariages, opérette oblige, sous la direction musicale de Bruno Conti ! 23 & 24 janvier Odéon de Marseille 04 96 12 52 70 odeon.marseille.fr

L’Orchestra of the Age of Enlightenment dirigé par Giovanni Antonini vient pour la première fois au GTP avec la “Cecilia Bartoli tchèque”. La voix bouleversante de la mezzo Magdalena Kozena se glissera dans les partitions de Gluck, à la foisonnante virtuosité, puis de Mozart dont l’incroyable Parto parto de La Clémence de Titus (composé pour voix de castrat). Le concert s’achèvera sur sa Grande Symphonie en sol majeur (n° 40) à la grâce mélancolique. 15 février Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence 08 2013 2013 lestheatres.net

10 février Scène 55, Mougins 04 92 92 55 67 scene55.fr

Femmes, je vous aime

15 février Salle Musicatreize, Marseille 04 91 00 91 31 musicatreize.org

L’auberge du cheval blanc

Le violoniste virtuose que l’on ne présente plus, Renaud Capuçon, et son Guarneri del Gesù de 1737 poursuit sa tournée accompagné de l’ensemble qu’il vient récemment de créer avec ses meilleurs étudiants de la Haute École de Musique de Lausanne où il enseigne. Le premier concert de cette jeune et brillante formation des Lausanne Soloists est réservé au GTP, sur un programme qui met en valeur les cordes avec les trois concertos pour violon de Bach puis la Sérénade pour cordes en ut majeur de Tchaïkovski.

14 février (19h et 20h30) Musée Angladon, Avignon 04 90 14 26 40 operagrandavignon.fr

Nuit hongroise L’une des meilleures formations de Hongrie, l’Orchestre Symphonique Alba Regia accompagnera pour ce concert exceptionnel des solistes hors pair, le ténor virtuose Benjámin Beéri, et les deux incroyables violonistes que sont les sœurs Amira et Mariam Abouzahra (âgées de 10 et 12 ans). Au programme, Ruralia Hungarica op.32 de Dohnányi, Mazeppa de Liszt, les Danses hongroises de Brahms, les Danses de Marosszék de Kodály sous la direction de Dániel Dinyés. 22 février Opéra Confluence, Avignon 04 90 14 26 40 operagrandavignon.fr


au programme musiques hérault alpes-maritimes bouches-du-rhône 45

Zakouska

Big Bang Music

Dans cet opéra bouffe de Donizetti, le thème du vieux barbon qui épouse une jeunette et s’oppose aux intérêts amoureux de sa famille est traité avec humour, accumule les situations cocasses dans une mise en abyme jubilatoire du théâtre. Le riche et presque septuagénaire Don Pasquale (Bruno Taddia) ne décolère pas de voir son unique héritier Ernesto (Edoardo Milletti) épris d’une jeune veuve sans fortune Norina (Julia Muzychenko). Il fait appel à son ami, le Docteur Malatesta (Tobias Greenhalgh) pour trouver une solution… Tout finira « bien » sous la direction musicale de Michele Spotti. 20 au 26 février Opéra Comédie, Montpellier 04 67 601 999 opera-orchestre-montpellier.fr

Ça décoiffe sur scène avec ce Big Band et ses vingt musiciens prêts à faire trembler les murs du théâtre Toursky. Crée en 2015, ce groupe XXL réunit des jazzmen confirmés accompagnés des étudiants du Conservatoire de Marseille. C’est donc tout un régiment de cuivres bien affûtés qui s’attaquera aux légendes du genre, du cool jazz de Quincy au hard-bop d’Horace Silver, en passant par l’explosif Buddy Rich. Une soirée qui s’annonce très funky.

© V.Lutz

Don Pasquale

© Jeremy Martineau, Le Voleur d'Ames

Derrière ce drôle de nom se cache un quatuor -deux femmes et deux hommes- réuni autour d’un même amour des cultures méditerranéennes. En découle un troisième album, La Criée, qui s’écoute comme un carnet de route un peu malmené par les rencontres et les voyages. D’un port à l’autre, de Marseille à Athènes, leur musique s’est ainsi enrichie de tout un folklore européen qu’ils transmettent par la voix, accompagnés des violons, des guitares et de l’accordéon. 1er mars Cité de la Musique, Marseille 04 91 39 28 28 citemusique-marseille.com

La Carrière du libertin

1er mars Théâtre Toursky, Marseille 04 91 02 58 35 toursky.fr

Gurdjieff Project

1er au 5 mars Opéra de Nice 04 92 17 40 79 31 opera-nice.org

Le duo d’Opus Neo présente Gurdjieff Project, hommage au susnommé compositeur et spiritualiste Georges Ivanovitch Gurdjieff. À partir des volumes musicaux écrits par ce dernier dans les années 1920 au cours de voyages à travers le monde, Ivana Grahovac et Olivier Maurel jouent au violoncelle et au piano des compositions contemplatives. Elles racontent l’histoire de ce personnage atypique baigné par les arts sacrés d’Égypte, d’Asie centrale et du Tibet. 2 mars Cité de la Musique, Marseille 04 91 39 28 28 citemusique-marseille.com

Connu pour son jeu passionné et langoureux, le saxophoniste improvisateur polonais Maciej Obara vient charmer le public du Moulin à Jazz avec son nouvel opus, signé chez ECM. À la tête d’un quartet avec Dominik Wania au piano, Ole Morten Vaagan à la contrebasse et Gard Nilssen à la batterie, le groupe -moitié norvégien, moitié polonais- élabore un jazz profond et feutré, nourri par la beauté des paysages scandinaves.

© Urszula Tarasiewicz

Inspiré d’un corpus de huit gravures du peintre anglais William Hogarth, intitulé La Carrière du Débauché, The Rake’s Progress (La Carrière du libertin) d’Igor Stravinsky évoque les étapes de la déchéance d’un jeune homme crédule, Tom Rakewell (Julien Behr) entraîné par son diabolique serviteur, Nick Shadow (Vincent Le Texier). Il abandonne sa fiancée, Anne Trulove (Amélie Robins), dilapide sa fortune et joue son âme aux cartes en une partition riche de subtiles ambiguïtés dirigée par Roland Böer dans une mise en scène de Jean de Pange.

© X DR

Amélie Robins © A. Faucheur

Maciej Obara Quartet

2 mars Le Moulin à Jazz, Vitrolles 04 42 79 63 60 charlie-jazz.com


46 au programme musiques bouches-du-rhône vaucluse alpes

Renaud Garcia-Fons

The Yellbows

© Solene Person

Klarthe Trio

© Facenda © DR.

Le virtuose de la contrebasse à cinq cordes pose ses mélodies à Paris, sa ville natale, en s’inspirant du livre de Romain Gary, La vie devant soi. David Venitucci à l’accordéon et Stephan Caracci au vibraphone et à la batterie, complices en innovation, complètent ce trio jubilatoire qui nous emporte dans un Paris cosmopolite et tolérant, où se mêlent le jazz, le musette et même des grooves actuels.

Le Klarthe Trio s’attaque aux plus grands de la musique classique, armés d’une clarinette, d’un hautbois et d’un basson. Plus d’une fois primés pour leur indéniable virtuosité, Julien Chabod, Marc Lachat et Guillaume Bidar abordent avec brio des thèmes familiers comme La Traviata et Don Giovanni de Verdi, ou des variations sur Là ci darem la mano de Mozart. Un concert organisé dans le cadre de l’opération « Les mercredis du Conservatoire ».

27 février Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 scenesetcines.fr

2 mars Centre départemental, Rasteau 04 90 33 97 32 auditoriumjeanmoulin.com

Kami Octet

Piadas dei Gigants

Dans son quatrième album Koya, le musicien, chanteur et compositeur malien Abou Diarra, joueur de kamele n’goni (sorte de luth), donne à son blues mandingue des tonalités moins traditionnelles. Sur des arrangements de Nicolas Repac, guitariste et bricoleur de samples aux grooves électros, et les timbres bluesy de l’harmonica de Vincent Bucher, son instrument à 12 cordes, au lieu des 6 habituelles, se transforme en harpe, basse ou percussions. 1er mars Forum de Berre 04 42 10 23 60 forumdeberre.com

KamiOctet © Burlo Jack

© Victor Delfim

Abou Diarra

Manu Théron © Cie du Lamparo

Écrit comme une histoire, celle de l’exil d’un personnage parcourant des territoires imaginaires, Spring Party est le premier album de la formation Kami Octet. Grand ensemble de huit musiciens organisés dans la tradition des orchestres de jazz et de free music, le groupe propose des compositions aussi puissantes qu’aériennes, structurées autour d’une rythmique narrative millimétrée, qui laissent la place à des espaces sonores amples et poétiques.

15 février Forum de Berre 04 42 10 23 60 forumdeberre.com

1er mars La Garance, Cavaillon 04 90 78 64 64 lagarance.com

Quartet déjanté à l’élégance toute rétro, nœuds papillons et cravates bien ajustés, derbies aux pieds, les truculents Yellbows ont quitté le bayou et débarquent avec leur humour et leur attirail de curieux instruments. Un bluegrass rafraichissant et joyeux qui ne se prive pas d’emprunter au blues, au jazz, au folk et rock pour secouer tout ça et en faire un détonant mélange. De quoi swinguer jusqu’à l’aube !

Les cinq artistes de la Cie du Lamparo, Damien Toumi (chant, tambour sur cadre), Geoffroy Dudouit (chant), Guillaume Maupin (chant), Manu Théron (direction artistique, chant, tambour sur cadre) et Thomas Georget (chant), mettent leurs pieds dans ceux des géants, Pasolini, Kerouac, Rimbaud, en une polyphonie populaire et savante qui nous entraîne dans les terres fertiles des musiques occitanes où l’on croise la poésie de Roland Pécout, génial marcheur et militant des renouveaux de la culture et de la langue occitanes. À découvrir grâce au Festival de Chaillol ! 21 février, Église, Aspremont 22 février, Église, Espinasses 23 février, Église, Saint-Bonnet 24 février, Église, Baratier festivaldechaillol.com



48 au programme arts visuels bouches-du-rhône

Jeanne Susplugas Premier volet de deux chapitres successifs, à Marseille puis à Istres, Désordre 1 s’inspire des dispositifs plastiques de Jeanne Susplugas, qui interroge la place de l’individu dans la société, notamment dans l’espace familier de la maison, pour l’immerger dans des installations in situ. Sous couvert de l’humour et avec une fine approche de la séduction des matériaux, l’artiste montpelliéraine nous rappelle que les apparences sont parfois trompeuses… M.G.-G. jusqu’au 11 avril Château de Servières, Marseille 04 91 85 42 78 chateaudeservieres.org

Flying house © Jeanne Susplugas

Collection Divers Comme l’hiver n’est pas encore terminé, cette Collection Divers constitue un bon motif pour rester au chaud. Avec les œuvres de A.J. Chaton, A. Accorsi, C. Boursault, N. Ravaud, A. Gérard, L. Sabatté, E. Galtier & H.A. Watling, réunies sans thématique commune mais autour de leurs singularités. C.L. jusqu’au 2 mars Galerie Porte-Avion, Marseille 04 91 33 52 00

Eva Galtier & Hazel Ann Watling, Flora, 2017, diptyque acrylique sur polyester imprimé, (100x80cm) x2. Photo courtesy artistes/galerie Porte-Avion

La France vue d’ici #2 Le second volet du projet porté par Images singulières et Mediapart (Zib’12) développe la thématique de la jeunesse, de l’enfance jusqu’au travail en passant par l’école, à travers le regard d’une dizaine de photographes. Une autre manière de répondre à la question « à quoi ressemble la société française contemporaine ? » par la diversité des approches visuelles. M.G.-G. 26 février au 30 juin Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org

© Géraldine Millot

Agnès Jouhandeaux « Où se trouve le Cent-yeux Argus aujourd’hui ? ». Et quid de Narcisse, Vénus et autres figures mythologiques ? Agnès Jouhandeaux revisite les mythes anciens pour leur offrir une approche plus actuelle. Sous les apparences des mises en scènes, la photographe interroge notre rapport au monde, entre individuel et universel. C.L. Mythologie jusqu’au 23 février Galerie La Fontaine Obscure, Aix-en-Provence

Argus © Agnès Jouhandeaux


au programme arts visuels bouches-du-rhône vaucluse var 49

Fondation Vasarely 1966 : Victor Vasarely ébauche un projet plastique et architectural comme une œuvre d’art total. Janvier 2019 : fin des travaux de restauration du bâtiment aixois. Proposant des documents d’archives et photographiques exceptionnels, l’exposition retrace l’histoire de ce projet unique rendu à l’identique aujourd’hui au public. C.L. Une œuvre manifeste restaurée, 1973-2019 8 février au 31 mars Fondation Victor Vasarely, Aix-en-Provence 04 42 20 01 09 fondationvasarely.org

Relevés dans le cadre de la restauration de l’intégration ALOM, 2018. crédit Fondation Vasarely

À l’est de Bamako « Que sont devenus les étudiants maliens formés en ex-URSS ? » s’interroge Françoise Huguier, commissaire de l’exposition À l’est de Bamako et responsable d’un workshop aux Rencontres de la photographie de Bamako en 2017. Ce sont ainsi 6 photographes maliens qui, plongés dans l’histoire, ont enquêté et témoignent des années 1960 à travers une moisson de documents, archives, portraits et photographies. M.G-G. 8 février au 4 mai Fondation Blachère, Apt 04 32 52 06 15 fondationblachere.org © Seyba KEITA

Jean-Jacques Surian Ceci n’est pas une rétrospective mais quand même... Le visiteur enjoué pourra découvrir une large sélection d’une œuvre prolixe depuis les années 60 qui se veut libre, humoristique ou impertinente, licencieuse parfois, nonobstant qu’il y croise Velasquez, Millet, Van Gogh ou des références à la Bible. C.L. Le désordre du temps jusqu’au 31 mars Centre d’Art Sébastien, Saint-Cyr-sur-Mer 04 94 26 10 20 saintcyrsurmer.fr Jean-Jacques Surian, Ruth et Booz, 2018, technique mixte sur toile, 200x300cm

Thèm’Art 2019 Quatorze plasticiens concourent au Prix Thèm’Art qui sera remis le 22 février en présence de la plasticienne Véronique Schwob. Initiée par le philosophe Philippe Granarolo, l’exposition-concours s’accompagne d’un colloque, « Crises », avec comme invité d’honneur le philosophe, essayiste et compositeur français Vincent Cespedes. Et trouve un écho dans une programmation spécifique au cinéma Le Rocher : Ulysse et Mona, Un beau voyou, La Chute de l’empire américain. M.G.-G. 22 février au 3 mars Galerie G., La Garde 04 94 08 98 00 ville-lagarde.fr

Artistes Thèm'Art © X.D-R


50 au programme arts visuels alpes-maritimes gard hérault

Dérobées & Tainted Love / Club Edit À l’invitation de la Villa Arson, Flora Moscovici et Linda Sanchez ont croisé leurs pratiques de la lumière, de la couleur et des matériaux pour créer, in situ, l’installation Dérobées dans la Galerie Carrée. Parallèlement, une trentaine d’artistes investissent les Galeries du Patio et Cyprès pour une plongée dans l’univers du clubbing, proposant ainsi une version « Club Edit » de l’exposition Tainted Love produite au Confort moderne à Poitiers en 2017. M.G.-G. 8 février au 26 mai Villa Arson, Nice 04 92 07 73 84 villa-arson.org

TAINTED LOVE - Nicole Wermers, The Viloet Revs, 2016 Emilie Pitoiset, Tainted Love 2017. Confort Moderne. Photo Pierre Antoine

Daniela Montecinos

Quand la peinture interroge la photographie...et réciproquement. Jusqu’à présent consacrée à la photographie, la galerie menée par Patrice Loubon innove en invitant en chaque début d’année un médium autre. Les peintures et dessins de Daniela Montecinos (conçus à partir de photographies) inaugurent ce nouveau créneau où s’invite notre fascination pour les images. C.L. Ceci n’est pas une photo jusqu’au 2 mars Galerie Negpos, Nîmes 04 66 76 23 96 negpos.fr

Daniela Montecinos, Trésor 1, huile/toile, 30 x 40cm, 2019 (en cours). Photo courtesy D. Montecinos/Negpos

Laura Lamiel Depuis une quarantaine d’années, Laura Lamiel recompose une réalité plastique, en livrant des installations apparemment minimalistes, mais qui incidemment déjouent notre perception du réel. Marie Cozette, nouvelle directrice du Crac de Sète, assure le commissariat de l’exposition, qui présente des œuvres récentes ou crées spécifiquement pour Les yeux de W, invitation à un voyage optique et intérieur. A.Z. 16 février au 19 mai Centre régional d’art contemporain, Sète 04 67 74 94 37 crac.laregion.fr Laura Lamiel, Popote, 1997-2019, Bois, bois laqués, matériaux divers – 243 x 243 x 243 cm. Photo : Aurélien Mole / Courtesy Marcelle Alix, Paris.

Mrac Le Mrac continue son œuvre de mise en lumière fine et généreuse d’artistes reconnus mais forcément connus du « grand public ». Lourdes Castro est l’une des grandes figures de l’art portugais contemporain, encore largement méconnue en dehors de son pays. Ombres & Compagnie retrace son parcours, des années 50 à 90, dont son encyclopédie des ombres, qu’elle appelle ses Albums de Famille. Ulla von Brandenburg nous entrainera dans une mise en scène quasi théâtrale à l’échelle du lieu (L’hier de demain). A.Z. 17 février au 2 juin Musée régional d’art contemporain, Sérignan 04 67 17 88 95 mrac.laregion.fr Lourdes Castro, Sombra Projectada de Micheline Presle, 1965. Peinture à l’huile sur « ciré » noir, 89 x 130 x 2 cm. © Museu Coleção Berardo.


critiques arts visuels

Chimères numériques La Fabulerie ajoute des écrans au Muséum d’histoire naturelle

L

e Muséum d’histoire naturelle de Marseille fêtera bientôt son bicentenaire. Pour « réveiller les collections » de ce vieux monsieur, La Fabulerie, tiers-lieu du numérique installé depuis 2010 à côté du commissariat de Noailles, a eu carte blanche. On peut accéder jusqu’au 24 février au fruit de ce travail, dans une exposition temporaire au premier étage du Muséum. Muséonérique invite petits et grands à découvrir la face cachée de l’institution, dont on ne voit habituellement qu’une infime partie : le travail patrimonial, les différents métiers, les imposants fonds (1 % desquels seulement sont couramment exposés). L’occasion Oeils de verre utilisés en taxidermie © G.C. d’apprendre que le Muséum national, Sur un mur de pixels, un ours noir raconte à Paris, s’est lancé dans un vaste pro- l’histoire de son espèce, qui aujourd’hui gramme de numérisation des collec- fouille les poubelles d’Amérique du Nord. tions d’histoire naturelle en France, qui Sa voisine, une marmotte, est perturcommencera par les herbiers, particu- bée par le réchauffement climatique, lièrement fragiles, avant de passer aux le puma concolor couguar est officielautres secteurs. lement considéré comme disparu. La Le numérique viendrait donc à la res- chute de la biodiversité est terriblement cousse des établissements de conserva- déprimante, mais plus encore si l’on doit tion, pour appuyer leurs missions de pré- en passer par un écran énergivore pour servation, faciliter l’accès des publics à se « reconnecter à la nature ». Dans l’un leurs trésors... et permettre, comme c’est des dispositifs audio, un taxidermiste de le cas dans les musées d’art et d’histoire, Sologne, M. Walter, évoque son métier, de commercialiser plus facilement des qu’il exerce « pour que les gens connaissent produits dérivés ? Nous n’en sommes pas leur faune et la respectent ». L’ambition est encore là, peut-être, mais le visiteur qui que le jeune visiteur, sortant du Muséum, pénètre dans les beaux murs du Palais sache si l’animal furtivement croisé lors Lonchamp est toutefois très vite amené à d’une balade nocturne était une fouine, se poser des questions. Car La Fabulerie, ou une martre. en acteur convaincu que l’avenir est là, Ainsi encouragé, on quitte vite les aniintercale des écrans entre les animaux maux parlants pour se replier... vers les empaillés et les outils des taxidermistes. vitrines les plus classiques de l’exposiC’est ludique, « interactif », on s’instruit tion. Un squelette de kangourou quasans effort. De sympathiques lunettes sté- siment dans la position du Penseur de réoscopiques installées à hauteur d’enfant Rodin attire l’œil, de même que la poésie côtoient d’esthétiques modèles anciens en négatif des empreintes moulées de la de téléphones en bakélite, où l’on peut plus grande à la plus petite - éléphant, coller son oreille pour écouter, grâce à zèbre, autruche, tortue...-, et même les la technologie moderne, des voix péda- crottes d’espèces de nos contrées. Renard, gogiques fort agréables. sanglier, lapin... Tous savoirs qui étaient Las ! C’est un indicible sentiment de tris- extrêmement utiles à nos prédécesseurs, tesse qui s’invite de manière inattendue. intelligence collective malheureusement

en voie de perdition. On se prend à rêver, comme M. Walter, de sorties en forêt, le shirin-yoku prescrit par les médecins japonais pour leurs patients stressés, et on se jure que ce week-end, on ira voir par soi-même si il y a encore des écureuils dans les calanques. Avant de partir, pour laisser une chance au numérique, on tente un petit jeu. Dommage ! Si l’on s’amuse volontiers à composer, sur une tablette, une chimère au corps de scarabée, avec une tête de cétoine dorée, des ailes de cigales et des pattes de bousier, on découvre avec déplaisir que le résultat final peut vous être envoyé par mail... seulement si l’on accepte de recevoir « les actualités liées aux activités culturelles du Muséum et de La Fabulerie ». Il aurait été souhaitable de pouvoir dissocier les deux, comme cela devrait être systématiquement le cas en matière de collecte de données... Mais que fait donc la Cnil* ? GAËLLE CLOAREC

Commission nationale de l’informatique et des libertés

*

jusqu’au 24 février Muséonérique Muséum d’histoire naturelle, Marseille 04 91 14 59 50 culture.marseille.fr

51


52 critiques arts visuels

Les histoires de Sophie Sophie Calle fait une première halte remarquée à Marseille en glissant ses petits cailloux simultanément dans cinq musées.

«

Devenue artiste par hasard » comme elle le confesse, Sophie Calle a fait de sa vie une œuvre, repoussant toujours plus loin les limites de l’intime. Elle en déroule le fil de manière fragmentaire et vit cette première expérience comme une simulation : « Je n’ai jamais exposé dans un musée français hors de Paris, ni à Lyon ni à Grenoble, sauf une fois au Frac Marseille. Là où je me suis le plus rapprochée d’une exposition de ce nom, c’était au musée Fabre à Montpellier mais ce n’était pas une exposition monographique ». Native de Nîmes où elle aime se ressourcer, elle entretient un lien privilégié avec la région : après Arles, Avignon, Lacoste, Aix, « à Marseille je suis passée de rien à cinq d’un coup ! » s’exclame-t-elle en riant. Sa présence est donc un événement pour ceux qui ne connaissent pas son art du récit fondé sur une fiction personnelle : ils pourront suivre le parcours sans sens giratoire obligatoire car chaque halte est distincte l’une de l’autre. Les amateurs éclairés, eux, retrouveront des morceaux de vie

Histoires vraies, Sophie Calle © Nathalie Ammirati

déjà dévoilés sous d’autres latitudes et dans différentes configurations, Sophie Calle ayant tenu à construire elle-même les expositions selon les espaces et mêler productions anciennes et inédites. Comme une invitation à relire son histoire à l’ironie déstabilisante.

Sophie Calle cinq sur cinq ! Exceptée dans l’exposition Voir la mer au musée Borély qui « n’a rien à voir avec [sa] vie », toutes les œuvres mises en situation tricotent des bouts de sa vie sentimentale, familiale, amicale à partir de nombreux textes, de photographies et de vidéos. D’objets aussi, qui lui ont appartenu (ou non ?), mis en scène au musée Grobet-Labadié exceptionnellement

ouvert pour l’occasion. Tel le Petit Poucet, elle a dispersé dans les salons, l’antichambre et le boudoir petits mots, vêtements fétiches, photographies, mobilier que l’on repère à l’aide d’un jeu de piste textuel délicieux à lire. Partout la mort rôde, la perte, la souffrance : celle de ses parents qui « ont mis trois mois à mourir », celle de son chat dont elle a conservé une touffe de poils, celle de sa tante centenaire qui a brodé ses initiales sur un drap exposé à la vue de tous. Comme son propre matelas de jeune fille à moitié cramé jeté à terre dans une alcôve. Aucun prénom n’est dissimulé, ni celui de Valentine sa tante, ni celui de sa mère « appelée successivement Rachel, Monique Szyndler, Calle, Pagliero, Gonthier,

Que faites-vous de vos morts ?

T

elle est la question qu’en 2017 Sophie Calle a posée aux Sophie Calle était invitée à parler le 24 janvier dernier à la visiteurs de son exposition Beau doublé M. le marquis librairie Maupetit. Et des raisons de cette question-titre. Soau musée de la Chasse et de la Nature (Paris). Durant les phie Calle à Marseille : un événement ! Le public était donc quatre mois de l’exposition, ce ne sont pas moins de très nombreux, la salle d’exposition de la librairie seize livres d’or qui ont été remplis par d’anolittéralement envahie, pour rencontrer cette artiste mondialement reconnue, qui s’est livrée nymes mains. Des réponses, laconiques parfois, parfois cyniques, le plus souvent émouavec beaucoup de naturel (et un humour cervantes et sincères. Bribes d’histoires intimes, tain, malgré la gravité du propos) au jeu des petits bouts de vie que l’artiste a sélectionquestions-réponses. À l’époque où on lui a nés, scannés et agencés dans un livre d’arproposé d’investir le musée de la Chasse et tiste tout récemment paru. Ces déclarations de la Nature, elle songeait à tout arrêter : anonymes y côtoient quelques textes et des son père était mort un an plus tôt, elle était en panne d’inspiration, de désir. Or ce lieu photographies de Sophie Calle : clichés en noir et blanc de pierres tombales, pris pour la poétique l’a séduite, lui a donné envie de s’y So ph me plupart dans un cimetière californien en 1978, qui faufiler et d’y rendre hommage à ses chers dispaie C u l alle © J n-Marie P ea portent étrangement les mots « mother » « father »… rus, son père, mais aussi des amis, et son chat Souris plutôt que les noms des morts ensevelis. Ses toutes pre- (sic). Elle vient d’ailleurs de faire graver un triple vinyle : plus mières photos, a-t-elle précisé. C’est de ce livre d’abord que de 30 titres composés et interprétés par des pointures de la


Sindler » à laquelle elle consacre un requiem à la chapelle de la Vieille Charité. Petit rappel de son exposition éponyme à l’église des Célestins dans le cadre du Festival d’Avignon 2012, augmentée ici de girafes empaillées, preuves de son goût totalement assumé pour la taxidermie. D’ailleurs, n’at-elle pas acheté une girafe à la mort de sa mère, ne l’a-t-elle pas installée dans son atelier et baptisée « Monique » ? Par contre on ne connaitra pas les prénoms des stambouliotes filmés près du Bosphore qui réservent à sa caméra leur premier regard sur la mer car l’artiste s’est concentrée sur leurs visages, leurs émotions et le bruit des vagues. Disséminés avec malice entre une assiette décorée, un vase précieux, des miniatures en verre, les films de Voir la mer marquent une rupture stylistique dans son travail. Mais ont-ils vraiment « rien à voir avec [sa] vie » ? Rien n’est moins sûr. Tout, dans cette profusion protéiforme, est intrinsèquement lié et le moindre détail a son importance : la couleur des rideaux qui dissimulent ses photographies accrochées dans les collections du musée des Beaux-arts, le choix des tiroirs ouverts dans les vitrines du Muséum d’histoire naturelle, le mot « Souci » finement brodé, lumineux en néon, photographié… Partout Sophie Calle livre ses états d’âme sans fausse pudeur, sans faux-semblant, sans fard. Une autofiction troublante dont la force tient, justement, dans sa sincérité. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

jusqu’au 22 avril Cinq – Sophie Calle Parce que, Musée des Beaux-Arts Voir la mer, Palais Boréli Le chasseur français, liberté surveillée, À l’espère, Muséum d’Histoire naturelle Histoires vraies, Musée Grobet-Labadié Rachel, Monique, Chapelle de la Vieille Charité musees.marseille.fr

chanson française et internationale en souvenir de Souris ! Pour elle, le mur (sur lequel elle installe ses textes, ses photos) c’est le père ; le livre, c’est la mère. Des deux, elle dit avoir un égal besoin. Les ayant perdus, à sa manière, elle les fait revivre. Par l’acte artistique, qui est tout –elle insiste là-dessus - sauf une thérapie. Et ce faisant, elle interroge chacun sur son rapport à ses morts, à la mort. FRED ROBERT

Sophie Calle était invitée à la librairie Maupetit (Marseille) le 24 janvier, en prélude à la première exposition marseillaise de l’artiste. Huit œuvres (dont deux toutes nouvelles), cinq lieux où elle s’est « glissée en essayant de ne pas les abîmer » (lire ci-dessus)

Que faites-vous de vos morts ? Sophie Calle (et des visiteurs du musée de la Chasse et de la Nature) Éditions Actes sud, 32,50 €


Les films à ne pas louper cette semaine Les saphirs de Wayne Blair dimanche 10 février à 20h55 Les noces rouges de Claude Chabrol lundi 11 février à 20h55

petit

écran

Zazie dans le métro de Louis Malle lundi 11 février à 21h L’enfant d’en haut de Ursula Meier mercredi 13 février à 20h55 La cérémonie de Claude Chabrol dimanche 17 février à 20h50 Le boucher de Claude Chabrol lundi 18 février à 20h55 Clérambard d’Yves Robert lundi 18 février à 21h Juste avant la nuit de Claude Chabrol lundi 18 février à 22h25 Gloria de John Cassavetes mercredi 20 février à 20h55

Vasarely, l’illusion pour tous dimanche 10 février à 9h25 Ce riche documentaire s’ouvre sur l’inauguration du portrait de Pompidou à Beaubourg en 1977, réalisé par Vasarely. L’Op Art - art optique - est alors partout : en vitrine, dans les galeries… La réalisatrice Catherine Bénazeth retrace la biographie de ce « Warhol à la française », né en Hongrie en 1906, et qui aurait nourri sa fascination pour les séries en observant la manière dont sa mère rangeait les confitures ! Contemporain des constructivistes, le peintre nourrit une appétence pour l’art social. Après des débuts dans la publicité, il trouve peu à peu son vocabulaire, inspiré de motifs puisés dans son environnement (galets de plage, carreaux de faïence du métro…), avant de publier Le Mouvement, véritable manifeste de l’art cinétique, en 1955. L’évocation du travail mené

Testostérone : une hormone pas si « mâle » samedi 9 février à 22h25 La testostérone aurait un impact sur l’implantation des cheveux, la pilosité faciale, les muscles… et l’humeur. Son importance est toutefois controversée ces derniers temps. Kirsten Esch fait un point sur l’état des recherches en Europe. Si le présupposé lien de l’hormone à l’agressivité n’est pas avéré, l’hormone renforcerait en revanche les liens de solidarité, afin de consolider les liens pro-sociaux. Plus troublant : la relation supposée entre testostérone et prédisposition à l’autisme. Le documentaire alerte aussi sur les risques liés au dopage à la testostérone dans le milieu sportif, mais aussi à sa mise en vente libre sur les réseaux sociaux. Arte enfonce le clou avec la diffusion le lendemain du documentaire La fabrique d’Arnold Schwarzenegger, à 23h10. Un rapport de cause à effet ?

avec les architectes est passionnante. Seul témoignage encore visible de son utopique Cité polychrome du bonheur : le Centre Architectonique d’Aix-en-Provence, dont l’exposition Fondation Vasarely, une œuvre manifeste restaurée célèbre l’historique jusqu’au 31 mars. (voir P.49)

porteur. On le renomme Abdul, suite à sa conversion à la religion musulmane. 35 ans plus tard, ayant bénéficié d’un programme de réconciliation mis en place par les deux pays, José peut enfin retrouver une famille qui le croyait mort.

Abdul et José

Les parcs naturels… en minuscule

dimanche 10 février à 22h25

lundi 11 février à 19h

À travers l’incroyable parcours de José, les réalisateurs Luigi Acquisto et Lurdes Pires retracent une réalité méconnue de l’occupation du Timor par l’Indonésie. En 1978, José, alors âgé de neuf ans, survit au crash d’un avion, et se fait kidnapper par un bataillon indonésien dans les montagnes. Aux côtés d’autres garçons raptés, José est alors contraint de travailler comme

Vraie bouffée d’air avec cette mini-série consacrée à trois des plus beaux parcs nationaux français. Chaque soir jusqu’à mercredi, la caméra de Laurent Frapat nous plonge dans trois biotopes très différents. Premier volet ce lundi avec le massif des Ecrins, perle entre Alpes du nord et Alpes du sud réunissant plus de 150 sommets culminant au-delà de 3 000m d’altitude.


55

Un véritable « Himalaya français » selon Gaston Rebuffat. La série se poursuit avec le Mercantour mardi, puis la Guadeloupe mercredi. Originalité : en guise de mini intermèdes, des insectes de synthèse échappés du film Minuscule 2 – Les mandibules du bout du monde (en salles depuis le 30 janvier) s’invitent dans les paysages, pour de courts sketches animés incrustés dans les prises de vue réelles.

Sauvetage en mer de Timor jeudi 14 février à 20h55 Le dilemme aurait pu trouver sa place dans un film de Ruben Östlund (Snow Therapy ; The Square) : faut-il tenter de sauver les 40 passagers d’une embarcation à la dérive en pleine mer, au risque de se mettre soi-même en péril ? Bâtie comme un thriller psychologique, cette courte série australienne met en scène une famille australienne et une famille irakienne dans un éprouvant face-à-face. Le réalisateur Glendyn Ivin a à cœur d’évoquer la position radicale de son gouvernement vis-à-vis des réfugiés gagnant les côtes australiennes via l’Indonésie, tout en évitant le manichéisme dans l’auscultation des motivations de chacun de ses protagonistes. Arte diffuse en une soirée la totalité des 4 épisodes de 52 minutes.

Beauté fatale jeudi 14 février à 21h45 À Wallis et Futuna, les rondeurs excessives sont un canon de beauté chez les femmes, quitte à mettre en danger leur santé. La malbouffe ne permet plus d’honorer la convivialité culinaire issue d’une culture ancestrale. Multiplication des maladies respiratoires et cardiovasculaires, problèmes de fertilité et cancers ont mené l’hôpital à ouvrir un service dédié, pour aider les jeunes Wallisiennes frappées d’obésité morbide, qui s’accentue après le mariage. La réalisatrice Mélanie Dalsace récolte des témoignages, s’invite dans les séances hospitalières et esquisse une analyse sociologique. En une île soumise aux tempêtes ravageuses, les concepts de fertilité et de survie sont primordiaux : pour enfanter et pallier les catastrophes naturelles, le corps de la femme se doit d’apparaître comme fort et résistant.

Palace of soul vendredi 15 février à 0h45 Avec cette série documentaire, Aline Afanoukoé revient sur les grandes heures de l’émission américaine Soul Train, qui fit les honneurs à la soul et au funk. Coup d’envoi à 0h45 avec un gros plan sur Stevie Wonder, compositeur du célèbre Superstition chez Motown, qui brûlait la piste de l’émission dès janvier 1973. Suivront dans les autres épisodes diffusés jusque tard dans la nuit : Michael Jackson, Aretha Flankin, James Brown, Al Green ou encore Barry White.

Le troisième monde jeudi 21 février à 20h55 France Ô nous propose une plongée dans l’histoire de l’archipel des Kerguelen, situé à une semaine de navigation des côtes réunionnaises. Isolées en plein Océan Indien entre l’Australie, l’Afrique du Sud et l’Antarctique, ces îles font partie des Terres australes et antarctiques françaises depuis leur découverte en 1772 par Yves de Kerguelen, qui les surnomme alors « le troisième monde ». Le réalisateur Robert Genoud s’empare de son sujet par un aspect sombre de la colonisation : dans les années 1930, sept pêcheurs de langoustes Bretons et 42 Malgaches sont abandonnés sur l’île Saint-Paul par les baleiniers français qui les employaient. Quelques décennies plus tard, c’est Nicolas Dupont-Aignan qui, candidat à la présidentielle de 2017, propose de faire de ce territoire aride un lieu d’exil pour djihadistes français de retour de Syrie… JULIE BORDENAVE

Et aussi…

Capitaine Thomas Sankara dimanche 10 février à 14h Femmes du chaos vénézuélien mardi 12 février à 20h30 USA, la loi des armes mardi 12 février à 20h50 La France de l’entre-deux guerres mardi 12 février à 21h Ma mère, le crabe et moi mercredi 13 février à 21h Néo-fascistes, populistes : faut-il en avoir peur ? mercredi 13 février à 21h Paul Auster, le jeu du hasard mercredi 13 février à 22h35 Yalta, le crépuscule des géants jeudi 14 février à 23h40 Jeanne Moreau l’affranchie lundi 18 février à 15h30 Les superpouvoirs de l’urine samedi 16 février à 22h20 Pyongyang s’amuse mardi 19 février à 22h45 Je dis donc je suis mardi 19 février à 23h40 Populisme, dégagisme, les démocraties en crise mercredi 20 février à 21h High energy, Le disco survolté des années 80 vendredi 22 février à 22h30


56 au programme cinéma

C’est toujours La première fois ! Cela fait maintenant 10 ans que l’équipe du festival La première fois, engagée et pleine d’énergie, nous propose des premiers gestes de cinéma documentaire. Mehran Tamadon, invité d’honneur

Bassidji, de Mehran Tamadon © Aloest distribution

Cette année, la manifestation qui se déroulera dans plusieurs lieux à Marseille, du 26 février au 3 mars, invite le cinéaste iranien Mehran Tamadon dont le film Bassidji, qui pose la question de comment filmer celui qu’on considère comme l’ennemi, fera l’ouverture au Gyptis le 26 février à 20h. Le lendemain à 14h, il animera une master class à l’Alcazar et on pourra voir à La baleine son dernier film, Iranien. Invité d’honneur, Mehran Tamadon a droit à une Carte Blanche :

Effervescence espagnole

D

e Pepi, Luci, Bom et autres filles du introduira le cycle, avant la projection de quartier, film de 1980, on garde en Parle avec elle (2002), éblouissant mélo mémoire une scène étonnante de qui remporta l’Oscar du meilleur scéjouissance urinaire. Un scénario corrosif, nario. S’ensuivra un concert de Borja donc, pour ce roman-photo punk signé Flames (poésie et chants espagnols). Le 8 Pedro Almodóvar, cinéaste phare de la mars, pour la Journée internationale des Movida espagnole, période d’intense créativité et de renouveau culturel qui suivit la mort de Franco. Le réalisateur aurait déclaré* que la meilleure façon de prendre une revanche sur l’époque franquiste était d’en nier jusqu’à l’existence, ce qu’il fit en répertoriant les interdits soudainement levés : drogue, adultère, « perversions sexuelles », bref, tout Tout sur ses femmes de Sergio G. Mondelo © Groupuscule ce qui serait susceptible de chambouler droits des femmes, on pourra voir Volver l’institution du mariage et de la famille. (2005), autre pépite, avec une Penelope Les productions ultérieures d’Almodóvar, Cruz en grande forme. Pedro Almodóvar auquel le Mucem consacre un temps aime ses actrices, et grâce au documenfort, sont moins torrides, mais gardent taire de Sergio G. Mondelo, Tout sur ses la trace de cette effervescence native. femmes, projeté en première partie de William Benedetto, directeur du cinéma soirée, on saura tout (ou presque), sur sa L’Alhambra, a conçu une programmation relation à elles. Le moment musical se déclinée en quatre temps, tous impré- fera en compagnie de la chanteuse Sylgnés de chaleur madrilène. Le 1er mars, vie Aniorte Paz. Le vendredi suivant, le critique du Monde Thomas Sotinel le duo terrible d’Attache-moi !, Victoria

Abril et Antonio Banderas, devrait nous convaincre qu’il n’a pas pris une ride depuis 1990. Un DJ set signé Cosmic Fuzzi introduira et conclura la fête. Le 22 mars, pour terminer le cycle, le Mucem s’exporte hors-les-murs jusqu’à l’Estaque, avec le fameux film des origines, Pepi, etc., sur l’écran de l’Alhambra, précédé d’un concert de Nicolas Cante. Précisons que chaque soirée permettra de se restaurer sur place, dans une ambiance de cabaret, avec tapas (et peut-être sangria ?). Notez également qu’une programmation parallèle aura lieu au Vidéodrome 2, à La Baleine et au cinéma Le Prado, en collaboration avec CinéHorizontes. GAËLLE CLOAREC

* à lire dans l’Encyclopædia Universalis

1er, 8, 15 & 22 mars Almodóvar ¡ Popular, intimista y extravagante ! Mucem, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org


57

Les premiers films Parmi les 300 reçus, 15 films ont été

sélectionnés, venus de Chine, du Maroc, d’Algérie, de Belgique, de France, de Suisse, d’Israël. Ils racontent un monde déchiré, nous parlent de lutte, comme La bonne éducation de Yu Gu ou Jess, vent de face de Sophie Glanddier. Du temps et de la mémoire comme Nulle part avant d’Emmanuel Falguières. Certains sont présentés pour la première fois comme En parler de Charlène Biju où elle interroge la relation avec ses parents ; Borhom Hakini de Brahim Waabach, un film né d’un désir de se réconcilier avec l’enfant que le cinéaste a été. Sisyphe de Driss Aroussi, une méditation sur la vie et la mort, au milieu du Sahara marocain. Ces films et bien d’autres seront projetés au Vidéodrome 2, le partenaire « historique » du Festival et pour cette

CRAC – Centre Régional d’Art Contemporain Occitanie / Pyrénées Méditerranée à Sète

édition, il y aura une deuxième fois ! En effet, les 2 et 3 mars, on pourra retrouver ces premiers gestes de cinéma, en continu, à la Brasserie Communale, un nouveau lieu du Cours Julien où on pourra aussi « voir Noailles » avec l’AARSE et … « Écouter la plaine » avec le collectif Copie Carbone. Une édition anniversaire qui va nous réserver de beaux moments. ANNIE GAVA

La Première fois 26 février au 3 mars divers lieux, Marseille festival-lapremierefois.org

Exposition du 16 février au 19 mai 2019

Laura Lamiel Les yeux de W

Centre Régional d’Art Contemporain Occitanie / P yrénées-Méditerranée – Sète

26 quai Aspirant Herber F-34200 Sète +33 (0)4 67 74 94 37 – crac@laregion.fr crac.laregion.fr Ouvert tous les jours de 12h30 à 19h (sauf le mardi) et le week-end de 14h à 19h – Entrée libre et gratuite

Popote , 1985. Photo: Aurélien Mole / C ourtesy Marcelle Alix, Paris.

le film qui l’inspire : Avant l’aurore de Nathan Nicholovitch, la rencontre salvatrice d’un prostitué et d’une petite fille au Cambodge, le 27 à 20h30. Le 28 à 17h 30, le film qui l’a marqué : Je suis le peuple d’Anna Roussillon, un dialogue complice que la réalisatrice a établi avec un paysan égyptien qui suit les bouleversements de son pays, par la lucarne de sa télévision. À 20h30, un film qu’il trouve incontournable, - à juste titreun témoignage fondamental sur la place singulière du cinéma dans la société iranienne, Close up d’Abbas Kiarostami. Pour ces rendez-vous avec ce cinéaste iranien, essentiel, il est conseillé de réserver.


58 au programme cinéma

La Chute de l’empire américain

La chute de l'empire américain, Denys Arcand © Jour2Fête

I

ntroduire Spinoza, Nietzsche, Platon, Aristote, Schopenhauer et les impératifs kantiens dans les dialogues d’un polar, c’est forcément décalé et hilarant. Se servir de la philosophie pour justifier des choix scénaristiques, c’est même bigrement malin. La malice est sans doute ce qui caractérise La Chute de l’empire américain, dernier opus de Denys Arcand. Le réalisateur canadien avait marqué les eighties avec Le Déclin de l’Empire américain (1985), film générationnel où il se moquait des valeurs et des idéologies de baby boomers trop gâtés en pleine crise de maturité. Œuvre suivie en 2003 par Les Invasions barbares, un film aussi drôle mais plus grave puisqu’on y retrouvait Rémy, le prof d’économie canadien, « socialiste voluptueux » en train de mourir à l’heure d’un bilan pas toujours positif. Du Déclin à la Chute, le titre de ce petit dernier semblerait indiquer une suite et une fin à ce qui pourrait être une trilogie de la Comédie humaine selon Arcand. Malgré les nombreux clins d’œil aux films précédents, il n’en est rien. On quitte ici les Bourgeois universitaires pour la Marge : un intello déclassé, une

call girl, des requins de la finance internationale, un ex-taulard rugueux et bougon, ex-motard, devenu spécialiste d’« optimisation fiscale », et interprété par Rémy Girard, le Rémy de la Chute et des Invasions. En toile de fond, la misère sociale : des Inuits dormant sur les trottoirs québécois, la soupe populaire pour les naufragés du système. Pierre-Paul -deux apôtres en un seul prénom !- est docteur en philosophie, plus intelligent que la moyenne, donc… pauvre. Le monde appartient aux crétins, c’est sa conviction ! Chauffeur-livreur, il aide dans son temps libre les plus démunis comme il peut. Témoin d’un hold-up qui tourne au carnage, son dilemme ne dure guère : il récupère les sacs d’argent sale, abandonnés au milieu des cadavres. Des millions de dollars qu’il va devoir faire circuler dans les circuits internationaux pour les blanchir et échapper à la justice. Pour s’atteler à la tâche, Pierre-Paul (incarné par Alexandre Landry), Rémy, son ancienne compagne (comptable de métier), son nouvel Amour, une escorte incarnée par la ravissante et talentueuse Maripier Morin, un ex-client de cette

dernière, avocat libidineux et sans scrupules, vont former une drôle d’équipe. Occasion de revoir quelques rudiments en évasion fiscale et de faire rebondir une action soutenue par l’enquête de deux flics (Maxim Roy et Louis Morissette), un duo mixte, digne des innombrables séries du genre qui nourrissent notre imaginaire télévisuel. Car Denys Arcand n’évite pas les clichés, il les utilise, les met dans la perspective mythologique de notre époque. Les intentions bonnes et mauvaises se mélangent, le fric sale fait dans l’humanitaire. La candeur de Pierre-Paul sert la forfaiture. Les vers de Racine deviennent un appât pour se prostituer et la morale est sacrément brouillée. L’Empire de Trump et consorts n’en finit pas de chuter et de brouiller les codes. ELISE PADOVANI

Film de la semaine

La chute de l’empire américain, de Denys Arcand, sortira le 20 février (2h09)


philolitté

Une intime conviction

Profonde Alger Film de la semaine

L

e premier film d’Antoine Raimbault est le fruit d’une obsession : celle du cinéaste pour la célèbre « Affaire Viguier », qui a vu juger deux fois Jacques Viguier pour le meurtre de sa femme, encore portée disparue à ce jour. Cette recherche assidue de la vérité dans les moindres recoins des faits et des suppositions est de toute évidence une matière cinématographique inépuisable. Elle ne peut alors que se voir mise à mal quand la justice rappelle son bon droit à exclure toute imagination d’un verdict, et tout jugement d’un procès. Une intime conviction se situe en permanence sur cette tension, qu’elle exacerbe et dont elle fait sa raison d’être. Marina Foïs incarne la part fictive de l’affaire : elle est plus que convaincante en jurée du premier procès, certaine de l’innocence de l’accusé et de plus en plus convaincue de la culpabilité d’un des témoins. Elle épluche les conversations de chacun d’eux, mis sous écoute, et découvre non sans vertige les rouages d’une vaste machination. Ou comment plusieurs proches de la victime, persuadés de la culpabilité de Viguier malgré une remarquable absence de preuve, ont pu échafauder une série de faux témoignages et autres suppositions pour le faire inculper. Face à elle, Olivier Gourmet incarne Eric Dupond-Moretti, le défenseur aguerri et sentencieux de la présomption d’innocence, qui n’est pas non plus dépourvu d’ambiguïté. Son goût du sang n’a d’égal qu’un désir de pureté et de cloisonnement qui ne semble jamais réellement en adéquation avec le monde dans lequel il évolue. Sa scène de plaidoirie, très belle, a pourtant quelque chose d’inquiétant dans son désir de désamorcer tout ce qui a eu lieu jusqu’alors. Entre les deux camps, Raimbault semble avoir choisi : c’est presque dommage. SUZANNE CANESSA

Une intime conviction, de Antoine Raimbault, est sorti le 6 février (1h50)

A

bed Abidat, fondateur des Éditions Images Plurielles, poursuit son exploration de la ville d’Alger et publie un recueil de photographies d’un type particulier. Pour constituer Algeroid, l’artiste a sillonné la ville durant trois ans, avec un appareil Polaroïd : le modèle 330, datant de la fin des années 1960. Chaque personne photographiée s’est vue remettre le cliché instantané, Abed Abidat n’en conservant que le négatif, qu’il restitue sans le retoucher dans l’ouvrage. Son Alger, c’est donc avant tout une humanité frontale, qui se prête au jeu du portrait, le temps d’un échange de regards. Des hommes, pour la plupart (« Une photographe aurait pu aborder plus de femmes », précise-t-il) acceptent de poser dans leur cadre quotidien, droits devant l’objectif. Un poissonnier en marinière, un barbier en pleine action, un maraîcher rêveur, un flâneur des rivages... Quelques enfants aussi, de gracieuses fillettes et des petits très affairés, dans les rues de la ville blanche, souvent comparée à Marseille (« leur grand point commun, ce sont les immeubles délabrés »). Le procédé technique, qui produit des images légèrement saturées, aux rouges très rouges, aux sépias appuyés, et maintient les rayures et surexpositions du négatif, apporte un côté intemporel aux images. Ce chat qui joue dans des filets de pêche avec un poulpe plus gros que lui, ce bélier broutant de la paille dans une cagette en plastique, ce petit singe perché sur l’épaule juvénile de son maître ajoutent à l’impression d’éternité : ils auraient pu vivre au temps où la cité n’était qu’un comptoir phénicien en pays berbère. Alger la contemporaine a les racines profondes d’une ville fondée au IVe siècle avant notre ère, tout comme Massilia était une colonie grecque il y a 2 600 ans... et ce ne sont pas quelques antennes paraboliques défigurant les façades, ou des hordes de touristes pressés, qui les rendront superficielles. GAËLLE CLOAREC

Une intime conviction © Severine Brigeot

Algeroid Photos : Abed Abidat / Texte : Samir Toumi Éditions Images Plurielles, 25 €

59


60 philolitté

Pour une anthropologie de l’imaginaire

I

l est des catalogues qui dépassent largement leur fonction d’évoquer telle ou telle exposition, temporaire ou pas, et constituent par la teneur et la richesse de leurs articles scientifiques des points d’ancrage qui soulignent à quel point le savoir est mouvant, et que chaque « vérité » peut être remise en cause, par l’apport de nouveaux éléments, de nouvelles démarches, de nouveaux raisonnements, la mise en œuvre de nouvelles techniques… à partir de l’exposition Du Big Foot au Yeti, anthropologie de l’imaginaire qui a fait date au Musée de la Préhistoire de Quinson, un ouvrage de référence a été édité sous la direction de Gilles Boëtsch et Jean Gagnepain, reprenant les thèmes de l’exposition et rendant compte des actes du colloque

qui a eut lieu au Musée, « L’Humain, entre réalité et imaginaire » (1er juillet 2007). On y aborde les (n’oublions pas le pluriel !) arbres généalogiques de l’Homme et du genre Homo, la classification du vivant, la géographie des mythes des Hommes-sauvages de par le monde, la cryptoanthropologie, les cyclopes, le sens des mythes et leurs fondements… On sourit à l’évocation de l’imposture de Piltdown, et d’autres farces qui mirent les nerfs des archéologues et des préhistoriens à rude épreuve. Que diriez-vous si l’on dissimulait dans des strates de terres datées de milliers d’années des « preuves » de l’existence de telle ou telle espèce considérée comme plus récente ? On s’interroge à la suite de l’inégalable livre de Vercors, Les animaux dénaturés,

sur ce qui fait l’humain, depuis les codes de représentation des corps, à ceux des pensées, des sentiments, des aspirations métaphysiques. Ainsi, la représentation des Néanderthaliens n’a cessé d’évoluer au fil de notre appréciation subjective et de nos connaissances à leur propos. L’art pariétal et les sculptures qui sont parvenus jusqu’à nous permettent d’élaborer de premières définitions et d’évaluer le regard que l’être humain a porté sur luimême et ce qui l’entourait… La science et l’imaginaire se côtoient et s’enrichissent, mais aussi se confrontent. Et les offensives créationnistes pseudo-savantes sont abordées avec pertinence dans ce recueil dense et précieux. MARYVONNE COLOMBANI

Du Big Foot au Yeti, anthropologie de l’imaginaire, sous la direction de Gilles Boëtsch et Jean Gagnepain, Musée de Préhistoire des Gorges du Verdon, 8 €

Dans la nasse

U

ne couverture noir et blanc, un dessin original (on doit celui-ci à Olivier Bonhomme), telle est la très graphique signature d’EquinoX, une nouvelle collection de romans noirs dirigée par un fin connaisseur. Aurélien Masson a longtemps collaboré à la fameuse Série Noire (Gallimard) avant de prendre en charge EquinoX, « une collection noire qui entend gratter là où ça fait mal » et qui publiera en majorité des auteurs francophones. Parmi eux, Marie Van Moere dont Mauvais Œil est le deuxième roman, après un premier thriller très remarqué, Petite Louve, paru en 2014. Mauvais Œil donc. Le titre donne le ton. L’action, cette fois encore, se déroule en Corse, où l’auteure vit. Elle connaît bien cette île pleine de silence et de fureur, de violences et de comptes pas toujours réglés. Alors, dans le cadre somptueux du golfe d’Ajaccio et la touffeur caniculaire de juillet 2017, elle brode habilement une sombre histoire. Une histoire visiblement élaborée à partir de documents et d’affaires avérés, qui sonne vrai même si on est dans une fiction. Car les

une couverture idéale). Face à cette nasse de gros poissons, les flics ne savent pas toujours comment manœuvrer. Heureusement Cécile Stéphanopoli est là. Un personnage que cette Cécile : commissaire, lesbienne, elle est tendue comme un arc, pas toujours soignée, pas vraiment aimable mais terriblement compétente. À ses côtés ou face à elle, Marie Van Moere fait vivre toute une galerie de personnages saisissants par l’attention apportée aux détails, l’acuité des dialogues, les moments d’introspection auxquels tous, même les plus secondaires, ont droit. Le roman d’action prend ainsi une véritable épaisseur psychologique. méthodes des voyous corses et l’insigne collusion des hommes d’affaires locaux avec le milieu sont plus que vraisemblables. Et on ne s’étonne pas que les menaces et les morts s’enchaînent lorsque Toussaint Galea revient sur l’île, bien décidé à venger la mort de son associé Attilius Mattéi et à reprendre les rênes d’un certain nombre d’affaires, dont l’exploitation d’Acqua Gloria, une entreprise aquacole florissante (et

FRED ROBERT

Mauvais Œil Marie Van Moere éditions Les Arènes, collection EquinoX, 16 €


61

«Cacou » ; en provençal, celui qui se la pète, qui fait le fanfaron. En grec Kakou est le génitif de kakos, mauvais, laid. Donc Philo Kakou, la philosophie du mauvais !

Philo Kakou : Aristote et le pas fini !

O

Z © TnK1Prd

ui, on s’amuse beaucoup avec Aristote ces derniers temps. On lui a fait le coup du père Noël et de Charlie Hebdo ; mais on va essayer d’être un peu moins kakou en revenant aux fondamentaux de la philosophie : la métaphysique ! Finie la récré !

Rappel : Platon plantait un monde intelligible pour donner du sens aux choses sensibles ; Aristote lui met un crochet du gauche, genre « C’est quoi ces foutaises d’un monde séparé du nôtre ? », et va chercher l’intelligibilité dans les choses mêmes. Pour lui, l’intelligibilité est présente en chaque être. Ce qui est intelligible est la forme. C’est ce qui est en général. Par exemple la forme d’un chien est ce qui est commun à tous les chiens. Et le pas fini dans tout ça ? Eh bien ce n’est pas dans la métaphysique qu’on le trouve, mais dans la physique d’Aristote, ou philosophie seconde (vous avez compris j’espère quelle est la première !)

C’est donc dans la physique qu’il faut emboiter des sphères pour comprendre ce qu’est l’univers. Parlons plutôt du cosmos : c’est un ensemble clos de sphères emboitées qui part de la Terre et va jusqu’aux étoiles, planètes, Soleil. Le monde sublunaire, en dessous de la Lune est imparfait, parce que soumis à la corruption et au mouvement. Le monde supralunaire (au dessus de la Lune, hein, on a compris j’espère !) est au contraire incorruptible et soumis au seul mouvement circulaire. Et le pas fini alors ??? Eh bien c’est l’infini, quand à la Renaissance on passera du monde (ou du cosmos) à l’univers. La croyance tirait son sens dans un monde comme production de Dieu, parfaitement fini ; si l’univers est infini c’est que Dieu n’a pas fini son travail… Vous comprenez le truc… ? RÉGIS VLACHOS


62 feuilleton littéraire

Solal et la comète épisode 2: Ralentir résumé de l'épisode 1 Dans le métro, Solal, jeune étudiant en histoire, se retrouve captivé par une jeune femme se tenant sur le quai d’en face. C’est le coup de foudre. Après quelques minutes d’un intense jeu de regards, il court pour la rejoindre et saute dans son train. Mais elle descend à la station suivante sans qu’il s’en rende compte. Les probabilités pour qu’il la retrouve sont faibles... Mais il n’est pas du genre à renoncer.

Ma thil em deR amadier Chloé Guilh ©

Mathilde Ramadier débute ses études à l’école d’arts appliqués Olivier de Serres à Paris, puis obtient un master de philosophie contemporaine à l’École normale supérieure. Ses premiers romans graphiques paraissent en 2011.Elle publie aussi des essais libres.Vivant entre Berlin et Arles, ses sujets de prédilection sont l’écologie, le féminisme, la sexualité et les mutations du monde du travail.

en co-production avec La Marelle

S

a fréquence cardiaque ralentit tandis qu’il retrouve la surface de la terre. Les dernières gouttes de sueur perlent le long de son front. Il les essuie au bout de son nez, réajuste la capuche de son anorak pour se protéger du mistral. Déboussolé, Solal met quelques secondes avant de retrouver son chemin. Il tourne en face du théâtre, presse le pas malgré la soudaine lassitude venu l’alourdir. Il aurait bien besoin d’une sieste, mais Amir doit être en train de bouillir au magasin. Solal remonte la rue d’Aubagne sans faire attention aux détails auxquels il est d’habitude sensible. Il ne sourit pas à l’épicier du marché qui le salue au passage. Il ne regarde ni le ciel, ni ses pieds. Il avance. Il se demande en boucle ce qu’il aurait dû faire pour retrouver Madame Comète sur son quai à temps. Après deux cents mètres il aperçoit Amir qui fume une clope devant l’entrée du magasin face à un tas de meubles –un fauteuil Voltaire, une table basse en fer et une multitude de cartons de toutes tailles. « Excuse, Amir, j’ai eu... un problème de métro. - C’est bon, t’en fais pas, je suis de bonne humeur aujourd’hui. - Ah oui ? Alors laisse-moi te raconter la vérité ! - OK OK, mais seulement si tu m’aides à charger la camionnette, hein » répond Amir en désignant les meubles d’un coup de menton. Alors Solal lui raconte tout dans le menu détail avec enthousiasme, en Orphée revenu des enfers. À la fin du récit, Amir lui sourit. Il s’essuie les mains sur ses cuisses, sort

ses clefs de voiture, prêt à partir. « Allez, oublie-la va, t’en connaitras d’autres, des jolis flirts comme ça. Tu crois pas qu’elle t’aurait attendu sur le quai si elle avait eu si envie que ça de te rencontrer elle aussi ? » Solal ne dit mot. Amir cherche juste à l’aider, à sa façon. Alors il rentre accueillir la première cliente qui vient d’arriver, une dame discrète qui fouille dans le bac des cartes postales anciennes. La journée passe lentement. Les clients typiques défilent : des spécialistes d’antiquités avec qui il peut se risquer à parler histoire, des amateurs de brocante qui marchent au coup de cœur, des Parisiens qui ont lu quelque part qu’on pouvait trouver les mêmes objets qu’aux puces de Saint-Ouen mais moins chers... Le soir, une vieille dame aux cheveux soigneusement tirés en un chignon se dirige droit sur lui, la main tremblante sur sa canne. Solal sourit, demande s’il peut l’aider. Elle prend une grande inspiration et lui explique le plus sérieusement du monde qu’il faut absolument qu’elle retrouve une boule de cristal sur petits pieds dorés qu’elle avait vue sur une étagère, il y a quelques temps. « Sans elle, vous comprenez, je ne vois rien », assure-t-elle. Pourtant, elle ne porte pas de lunettes et semble bien voir où elle va, pense Solal, amusé. Il regarde sur les étagères où se trouvent la vaisselle et les bibelots, puis sur le long buffet vitré où sont exposées les curiosités, comme les canaris empaillés. « Vous l’avez vue quand, cette boule de cristal ? Il y a quelques semaines ? - Comment ?


63

- Vous l’avez vue il y a quelques jours ? C’était peut-être mon collègue qui était là ! - Nooon ! répond-elle. Il y a des années de cela ! Vous n’étiez peut-être même pas né ! » Puis elle se dirige vers la porte en ricanant. « Vous m’appellerez quand vous l’aurez retrouvée ! lance-t-elle encore. - Comment ? - Oh, vous saurez bien me trouver... » Et elle disparaît dans la nuit. Solal, les bras croisés derrière la caisse, pense alors à consulter une voyante : cette histoire loufoque de boule de cristal lui a donné envie d’essayer... Mais pour l’heure, il reste obsédé par cette rencontre qui n’a pas vraiment eu lieu –et qui aurait dû advenir, il en est certain. Il remet de l’ordre sur le comptoir, fait le tri dans la caisse, enlève les post-it qu’il avait collés partout, ce qui lui donne une idée : après avoir fermé, il ira scotcher une petite annonce avec son numéro sur les murs de la station de métro. La bonne vieille méthode, à l’ancienne, pour commencer sa quête. Il sort une pile de papier machine, un feutre noir et s’apprête à écrire, le poignet en lévitation au-dessus de la feuille. L’inspiration ne vient pas tout de suite. « Tu m’as foudroyé du regard et » Non, elle va me prendre pour un con. Solal raye sa phrase et froisse la feuille. « Tu étais là, seule dans ton manteau beige, j’ai couru pour te voir mais » Non, non, non, trop paternaliste. Il soupire, ferme les yeux, mâchonne le capuchon du feutre, qui sent fort la chimie. « On s’est regardés longtemps, on s’est souri, j’aurais aimé te rencontrer mais tu as filé comme une comète. C’était ici, sur ce quai, hier vers 12h52. Solal. » Et il note son numéro en prenant le soin de séparer chaque couple de chiffres par un tiret, pour être sûr que ce soit bien lisible. Il passe la feuille trois fois à la photocopieuse, attrape un rouleau de scotch, son anorak, les clefs et se sauve.

repasser et voir l’affiche. Alors qu’il marche d’un pas léger dans sa rue, son téléphone vibre. C’est Patrick. Il n’appelle jamais, sauf en cas de problème. C’est louche. La dernière fois c’était pour une fuite d’eau pour laquelle il ne voulait rien payer et avant cela, pour un courrier des flics qu’il attendait comme la peste et que Solal devait réceptionner à sa place. Six mois qu’il lui sous-loue sa chambre de bonne, il commence à le connaître, ce vieux parano. Solal décroche, retient son souffle. Il n’a vraiment pas besoin d’ennuis maintenant, on n’est que le 14 et il ne sait pas comment il finira le mois s’il doit payer une facture de plus. Patrick, qui s’encombre rarement de politesse, embraye immédiatement sur le vif du sujet : il a vu deux hommes avec des valises à roulettes dans la cage d’escalier, un qui descendait, puis un autre qui montait quelques minutes plus tard, un jour qu’il récupérait son courrier au rez-de-chaussée. Il a suivi le deuxième des yeux et vu d’en bas qu’il s’arrêtait sur le palier de l’appartement. Selon lui, une seule explication à ces va-et-vient inhabituels : Solal sous-loue en douce sur Airbnb. Ce dernier, croyant rêver, ne peut s’empêcher de pouffer. « Te fous pas de ma gueule, se défend Patrick. - Mais enfin c’est ridicule, je suis étudiant, je vis dedans. - T’es pas toujours là, tu vas voir ta famille, t’as des vacances. Et Bi-Bi machin, tous les jeunes font ça maintenant, j’ai vu un reportage. - Mais Patrick, c’est impossible de toute façon, l’appart est bien trop petit, et insalubre, tu le sais bien, depuis le dégât des eaux, ça pue. À ce sujet... - Écoute, j’ai pas le temps de discuter, et si c’est pour me rabâcher encore cette histoire de gouttes d’eau tu peux aller te chercher un appart ailleurs. » Solal laisse passer deux secondes, espérant que la colère redescende. « Tu fais tes affaires et demain tu te tires. »

Une heure plus tard, de retour à Noailles, il savoure son idée géniale. Il a pu scotcher ses affiches, personne n’a rien dit. Il a même croisé une dame de l’âge de sa mère qui l’a regardé tendrement. L’immense majorité des gens qui prennent le métro effectuent un trajet routinier : l’Inconnue va forcément

Suite du feuilleton dans le prochain numéro...



Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.