Zibeline l'hebdo cult' #14

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CULTURE LOISIRS TÉLÉ ciné

L’hebdo Cult’ N°14

Les étudiants africains jugés indésirables

FRAC sans FRIC

une politique publique

14.12 > 21.12.2018

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L 18754 - 14 - F: 2,50 €


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sommaire 14

société (P.4-8) Les frais universitaires des étrangers La pollution des métaux lourds dans l’océan Atelier « Education à la presse » avec les élèves du lycée Victor Hugo (Marseille)

Cité Queer (P.11)

SOS Homophobie

Politique Culturelle (P.9-10)

Les FRACs, histoire d’une politique publique Forum du Prix littéraire des lycéens et apprentis de la Région Sud

événements (P12-13) Entretien avec Christian Mazzuchini Opéra jazz Marius et Fanny Rendez-vous de demain avec Pierre Dantin, Pr. Didier Blaise et Claude Onesta

Matta, El ya olvidado ejercicio de la caballeria aventurera, 1985 © ADAGP, Paris,

2018. Collection Frac Paca

CRITIQUES (P.14-19)

Festival Dansem, la Criée, les Bernardines, le théâtre Joliette, le théâtre Marie-Jeanne, Domaine de Fontblanche, le Bois de l’Aune, les Salins, les 13 Vents

au programme de la semaine Spectacle vivant (P.20-25)

Musiques (P.26-27)

Mamiwata d'Astrid Bayiha © Antonio Carola

Arts Visuels (P.28-29)

CONSEILS TÉLÉVISION (P.30-31) CINÉMA (P.32-35)

Evénement : ciné-rencontre à la Maison Jean Vilar Retour : Festival Tous Courts Critiques : Leto ; Nous les coyotes ; The Bookshop

PHILOLITTÉ (P.34-37) Leto, de Kirill Serebrennikov © Bac Films

Livres de la semaine : Le Meurtre du Commandeur livre I et II ; Route 62 Philo Kakou Feuilleton littéraire d’Eduardo Berti, sixième épisode


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société

Etudiants indésirables L’appel « Contre l’augmentation sans concertation des frais d’inscription annuels pour les étudiants étrangers » mobilise les Universités. Une hausse massive qui tombe comme un couperet sur des étudiants en cours de cursus, et symbolise à la fois le rejet des « étrangers non-européens » et la volonté d’en finir avec l’enseignement supérieur public

-DR ©X Anou chka Stevellia

Saga DR r Mbengue X-

© os eir Camyll Med a Lima de

DR X-

Chiffres et Déclarations Frais d’inscription

Nombre d’étudiants en France

Européen

Non Européen

Licence

170 €

2770 €

Master

243 €

3770 €

Doctorat

380 €

3770 €

Sélection par l’origine

Emmanuel Macron veut accroître le nombre d’étudiants étrangers en France, mais en choisissant leur origine (mars 2018) : « La France devra accroître le nombre d’étudiants étrangers sur son territoire et le nombre de ceux qui viennent des pays émergents doublera ». Edouard Philippe le met en œuvre (novembre 2018) : « Les étudiants indiens, russes, chinois seront plus nombreux et devront l’être. » et « la campagne de communication ciblera davantage les pays émergents (Chine, Inde, Vietnam, Indonésie) ».

2 551 000 (8 fois plus qu’en 1960, pour 10 fois plus de bacheliers) dont 343 000 étudiants étrangers (soit 12% des étudiants) dont 280 000 étudiants « extra-européens » dont 142 000 étudiants africains francophones

Budget mensuel des étudiants

Revenu mensuel moyen : 850 euros (composé de revenu du travail, aide des parents, aide sociale dont APL, bourses) 1 étudiant sur 5 vit en-dessous du seuil de pauvreté 1 étudiant sur 2 travaille, dont 1 sur 2 plus d’un mi-temps L’INSEE considère que travailler pendant ses études réduit de 43% les chances de réussite aux examens 1 étudiant sur 5 saute un repas par jour pour des raisons économiques 1 étudiant sur 3 déclare avoir des dépenses incompressibles supérieures à ses revenus


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Les freins économiques des étudiants Comment vivent les étudiants étrangers en France ? Plus mal encore que les autres...

L

a Lettre ouverte à Edouard Philippe, écrite par Sagar Mbengue, circule sur les réseaux sociaux, mailing lists et plateformes d’étudiants et de militants. La jeune étudiante sénégalaise y détaille son quotidien d’étudiante, étrangère et précaire : l’obligation de travailler systématiquement durant l’année scolaire et tout l’été pour financer sa scolarité et payer à temps son loyer : son VISA étudiant ne lui permet de travailler que 60% du temps légal, elle en utilise chaque heure possible. « Cette situation ne concerne pas que les étudiants étrangers : une majorité d’étudiants recourt aujourd’hui à un petit boulot, et c’est aussi cela que je voulais faire comprendre.» L’appauvrissement des étudiants en France est en effet généralisé (voir ci-contre).

Au prix fort Prospère Tiaya Tiofack a soutenu une thèse en Musique et Littérature cette année à AMU (Aix Marseille Université). Tout comme lui, Anouchka Stevellia

Moussavou Nyama consacre sa thèse de littérature comparée, entre autres, à Leonora Miano et à l’écriture mémorielle. Arrivés respectivement du Cameroun et du Gabon via l’organisme Campus France, ils ont dû, comme leur camarade sénégalaise, s’acquitter de frais de dossier onéreux avant de régler les droits d’inscription français. La note est déjà salée, et ils savent qu’ils n’auraient certainement pas envisagé leurs études en France si les frais d’inscription annoncés par la nouvelle mesure étaient en vigueur. Les bourses pour les étudiants étrangers ne commencent qu’en Master, seuls « les meilleurs bacheliers étrangers des lycées français de l’étranger » ont droit à des bourses dès la Licence, et pour résider en France les étudiants étrangers doivent prouver « qu’ils disposent de moyens de subsistance suffisants », sans lesquels leur VISA leur est retiré... Ainsi, pour Sagar, la hausse des frais d’inscription menace de s’ajouter à une addition déjà lourde : son master s’annonce déjà touché par la mesure. « Ce serait complètement inenvisageable, pour moi, de payer de tels frais. Je compte déjà tout au centime près. Mon père gagne l’équivalent de 1700 euros par mois, et nous sommes cinq enfants. Impossible. » Inscrite au sein du cursus Sciences et

Rassemblement du 1er décembre devant la Préfecture de Marseille © X-D.R

Humanités, elle n’envisage pour le moment pas d’autre perspective : « L’enseignement en France est d’une qualité incomparable. J’ai appris tellement de choses, que j’aimerais mettre à profit plus tard. En travaillant pour les droits des femmes au Sénégal, par exemple. » Camylla Lima de Medeiros, militante au collectif « Agir », consacre quant à elle sa thèse à l’écriture exilique et rencontre de nombreux migrants, comme elle. Elle s’estime chanceuse : « Je suis dans un entre-deux plus confortable : migrante, mais sans VISA étudiant puisque j’ai épousé un Français. J’aurais eu beaucoup de mal à rassembler les frais nécessaires si j’avais dû, mais je pense avant tout à ceux qui sont dans une situation plus précaire que moi, et que cette mesure exclura complètement. Ils font déjà face à beaucoup de freins économiques supplémentaires : le Français Langue Etrangère à valider, les logements rarement accessibles avant le Master...». Tous les étudiants se réjouissent de la mobilisation qui prend forme. Pour Sagar « ce serait tout simplement inhumain que la loi passe ». ENTRETIENS RÉALISÉS PAR SUZANNE CANESSA

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société

Une rupture anticonstitutionnelle Professeur de littérature comparée à AMU, Alexis Nouss est auteur de La Condition de l’exilé

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Zibeline : Le traitement des étudiants extra-européens par l’Université a-t-il à voir, selon vous, avec la question migratoire ? Alexis Nouss/Nuselovici : Le traitement par les États européens des migrants reflète toujours le traitement de leur propre population vulnérable, précaire, démunie, à l’intérieur même de leurs frontières. Le migrant est un sujet politique, comme l’a été le citoyen au XVIIIe siècle, ou le prolétaire au XIXe siècle. À travers ce sujet politique, comme dans un prisme, se reflètent les problématiques sociétales : l’emploi, le logement, la citoyenneté, l’écologie… La question migratoire est un indice du malaise des sociétés démocratiques européennes. C’est pourquoi il faut ré-humaniser la figure du migrant, notamment en appelant le migrant un « arrivant » ou un « exilé ». Redonner une subjectivité, une personnalité à ces migrants. La condition de l’exilé, c’est la condition humaine. La réalité des migrants vient toucher une des vocations de l’Université : l’hospitalité. Au Moyen-âge, le « collège » était le lieu où venaient se loger les étudiants qui venaient d’autres origines. L’Université changera-t-elle radicalement de visage si cette mesure est entérinée ? J’enseigne la littérature comparée et je cherche avant tout, dans ma pédagogie, à dé-nationaliser le littéraire. Accueillir des étudiants venus d’horizons culturels et littéraires différents est absolument indispensable. Mes cours comportent un tiers d’étudiants étrangers. Lorsqu’on enseigne la traductologie, on conçoit la traduction en tant qu’opération langagière en dehors de ses incarnations linguistiques, comme on pense la musique en dehors des instruments. La présence d’étudiants issus d’espaces linguistiques divers nous permet un approfondissement de notre enseignement. Au Canada, en Grande-Bretagne, où j’ai également enseigné, nous sommes privés de cette diversité-là. C’est également capital pour la recherche : les étudiants extra-européens ont d’autres manières de considérer le savoir, et le rapport entre le savoir et la réalité. La manière dont on pense le corps en Asie et en Afrique est

totalement différente. Le corps est devenu une référence centrale en sciences humaines et sociales ; avec le féminisme, le post-colonialisme. La recherche a besoin de ces regards différents sur le monde. Tout comme elle a besoin de regards issus de classes sociales différentes. L’ouverture à toutes les classes sociales a toujours été la vocation de l’Université en France. Opérer une sélection pour n’accueillir que ceux qui peuvent payer ne constitue pas un changement : c’est une rupture ! Anticonstitutionnelle, puisque l’enseignement public à tous les degrés, et sa gratuité, sont inscrits dans la Constitution.

De surcroît, il est évident que si on commence ainsi par les étudiants extra-européens, on en viendra très rapidement aux étudiants européens, puis aux étudiants français. On a là une illustration du libéralisme, inspiration politique du Gouvernement actuel. L’université n’est pas un marché. C’est un lieu de transmission de savoir et d’apprentissage de la pensée critique. Le fonctionnement interne de l’Université, c’est la critique permanente. Considérer que cet espace peut être traité comme les autres espaces soumis au commerce, à l’industrie, relève d’une incompréhension radicale de ce qu’est l’Université. S.C.

Terrifiant de cynisme  Maître de conférences en lettres modernes, Mathieu Brunet est créateur du cursus Sciences et Humanités à AMU Zibeline : La déclaration d’Edouard Philippe le 19 novembre vous a-t-elle surpris ? Mathieu Brunet : Non, tout ça était parfaitement prévisible. La note de Robert Gary-Bobo* qui avait fuité dans les Macron Leaks expliquait déjà clairement qu’il fallait en finir avec l’enseignement supérieur public. Plus récemment, une tribune parue dans Le Monde, début novembre, préconisait le relèvement modéré des frais d’inscription pour tous. Mais une hausse frontale de tous les frais d’inscription aurait certainement provoqué une colère plus grande et plus visible. Le Premier ministre concentre donc la mesure sur les « étrangers non-européens » et fait passer cela dans un programme appelé Bienvenue en France ! C’est terrifiant de cynisme, de naïveté sans doute aussi : les étudiants africains francophones, qui constituent une part importante de nos étudiants étrangers, vont voir un nombre considérable de portes se fermer. Les personnels des Universités ont-ils été consultés ? Jamais. Cette mesure n’a fait l’objet d’aucune concertation, d’aucun vote ! Aucun texte officiel n’a été produit, mais cette augmentation

annoncée est d’ores et déjà en ligne sur le site de Campus France, alors que les inscriptions pour 2019/2020 vont commencer... Que vont pouvoir faire les étudiants qui veulent s’inscrire ? Parcoursup était également passé en force, avec les résultats que l’on connaît… Cela s’ajoute aujourd’hui à l’agacement collectif. Les réactions sont, heureusement, assez nombreuses dans la communauté universitaire, à tous les niveaux : quelques présidents d’Université sont montés au créneau, publiquement, et bien sûr l’ensemble des syndicats. C’est une mesure qui fait l’objet d’un rejet et d’un scandale assez largement partagés par mes collègues, et encore plus intense de la part des étudiants. Y compris les étudiants français, qui savent que, s’ils ne sont pas concernés, les suivants le seront certainement. Plusieurs universités sont en grève et le mouvement se répand. S.C.

* Robert Gary-Bobo, économiste à l’École nationale de la statistique et de l’administration économique, préconisait au candidat Emmanuel Macron, en 2016, d’augmenter fortement les frais d’inscription universitaires afin d’« instaurer la sélection mine de rien »


Impropre à la consommation

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L’ampleur inouïe de la pollution marine étudiée par les scientifiques

C

et été, la goélette de l’Expédition 7e Continent a entrepris une tournée de port en port dans les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie, pour sensibiliser à chaque étape les vacanciers aux enjeux de la préservation des mers et océans et de la biodiversité marine. Qu’est-ce que le 7e Continent ? Un vortex de déchets produits par l’activité humaine, une « soupe de micro-plastiques », qui s’accumule sur d’immenses surfaces et tourbillonne en gyre, drainée par de forts courants océaniques. Cinq gyres principaux ont été repérés, donc cinq continents de plastique, dans l’Atlantique Nord, l’Atlantique Sud, l’Océan Indien, le Pacifique Nord et le Pacifique Sud. Plusieurs fois la taille d’un pays comme la France, avec une masse bien plus élevée que celle du plancton. En Méditerranée, mer quasiment fermée, il n’y a pas de gyre permanent, mais des tourbillons ponctuels et une accumulation de détritus considérable. Nos millions de tonnes de déchets plastiques, rejetés directement ou acheminés par les rivières, les alimentent jour après jour. Filets de pêche, bouteilles, sachets, gobelets, brosses à dents... Certains matériaux, plus denses que l’eau, coulent et tapissent les fonds marins. D’autres flottent à la surface. Ils se désagrègent lentement : 100 ans pour un briquet Bic, plus encore pour l’emballage des packs de bière ou les flacons de shampooing. Poissons, tortues, oiseaux marins les avalent. Ils sont impossibles à digérer et poursuivent leur parcours mortel dans la chaîne alimentaire.

Dégradé, le plastique est plus toxique L’Expédition 7e Continent est une association à but non lucratif, reconnue d’intérêt général, qui s’attelle à faire connaître l’ampleur inouïe de cette pollution. Elle s’appuie sur un volet scientifique pour comprendre dans quelle mesure ces débris de plastique affectent les milieux

Microplastiques © Expédition 7e Continent - Vinci Sato

marins. À cette fin, des équipes pluridisciplinaires de chercheurs -océanographes, biologistes, chimistes, écologues, physiciens, mathématiciens...- sont chargés de collecter des données et de les analyser. Ils comparent leurs relevés de terrain avec des observations par satellites, étudient la dérive des particules en s’appuyant sur des modélisations informatiques. On leur doit une étude publiée fin novembre*, qui confirme la présence de fortes concentrations de métaux lourds sur différents échantillons prélevés lors de l’expédition menée dans le gyre de l’Atlantique Nord en 2015. Plus importantes que dans les emballages plastiques neufs. Le processus de dégradation renforce la concentration d’arsenic, titane, nickel ou cadmium... Des substances dont les conséquences sur l’environnement et la santé humaine sont aussi lourdes que leur nom. Pensez-y lorsque vous mangerez votre prochain sandwich au thon, bien emballé dans son papier cristal à usage unique : les poissons situés en haut de la chaîne alimentaire sont les plus contaminés.

Forcément, ils ont eux-mêmes avalé des animaux plus petits, chargés de métaux lourds, nanoparticules et perturbateurs endocriniens, et stockent ces « adjuvants de saveur » dans leur chair grasse. Nous vous en parlions dans le Zib’12 (lire sur journalzibeline.fr) : il est absolument crucial de réduire notre empreinte écologique sur terre comme en mer. La Région Paca est un mauvais élève du tri et du retraitement : nous devons absolument exiger des pouvoirs publics qu’ils accélèrent la mise en place d’un circuit efficace. Avant tout, nous devons organiser nos vies de façon à émettre le moins de déchets possibles, si nous voulons éviter que la poubelle Méditerranée ne se remplisse jusqu’à la gueule. GAËLLE CLOAREC

* Article en anglais publié sur sciencedirect. com : Trace metals in polyethylene debris from the North Atlantic subtropical gyre (CNRS - IRD - Université de Rennes 1)


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société

Ateliers D d’éducation à la Presse

epuis le début de l’année scolaire, en coproduction avec le Mucem et la scène nationale du Merlan à Marseille, les journalistes de Zibeline interviennent en milieu scolaire, depuis le primaire jusqu’au Lycée. Il s’agit, dans le cadre d’un dispositif du ministère de la Culture, d’amener les jeunes à poser un regard critique sur la fiabilité de leurs sources d’information. Transformés pour un temps en journalistes, ils écrivent des articles et réalisent des interviews, que vous pourrez visionner sur journalzibeline.fr. Le premier atelier étant achevé, vous trouverez ici leur première critique, écrite à plusieurs mains et sous l’œil de leur enseignante Clémentine Dautremer.

Phèdre pour tous

A

ttendez avant de sauter cet article ! Nous sommes la classe de seconde 1 du Lycée Victor Hugo à Marseille. Nous allons vous parler de la pièce Phèdre ! que nous avons vue sur la scène nationale du Merlan le 15 novembre. Avant la représentation, les journalistes de Zibeline avaient organisé des ateliers d’éducation à la presse, ce qui nous a permis d’interviewer l’acteur, le régisseur et la programmatrice du Théâtre du Merlan. Et d’assister à la pièce. Il s’agissait d’une mise en abyme, une comédie écrite à partir de la tragédie de Jean Racine, interprétée par Romain Daroles, et écrite et mise en scène par François Gremaud. La pièce était très originale : l’acteur, seul en scène, accueillait le public comme pour une conférence, et s’adressait directement à nous, brisant le quatrième mur. Il expliquait les alexandrins, les mythes de la famille de Thésée et de Phèdre, et puis peu à peu il entrait dans l’histoire.

Aboudou Benamir, 2nd 1 et Romain Daroles, au théâtre du Merlan © Marc Voiry

Tout seul, il incarnait tous les personnages qu’il représentait simplement en changeant son livre Phèdre ! de place sur son visage pour qu’il devienne une barbe, une couronne, une mèche de cheveux... Il était très expressif et n’arrêtait pas de bouger, parvenant à faire tous les personnages, même les féminins. C’était dynamique et donc les spectateurs restaient concentrés. Pourtant pas de décor, pas de costume ! il était habillé normalement et sur scène il n’y avait qu’une table très simple. Mais l’histoire, très ancienne, était intéressante : avec cette obsession étrange d’une

femme envers son beau-fils, il parvenait à nous faire voyager jusque dans l’Antiquité, tout en nous rappelant des règles de grammaire, et en faisant des blagues. Ainsi, sans réellement de moyens, ce Phèdre ! peut toucher tout le monde, même les jeunes ! On vous le recommande, même si les blagues et les jeux de mots sont un peu limite : Thésée taisez-vous, ce n’est pas très drôle ! ABDAR, ALEXANDRE, CHAÏMA, NASREDINE, YACINE ET L’ENSEMBLE DE LA CLASSE


politique culturelle

FRAC, histoire d’une politique publique Le Fonds Régional d’Art Contemporain expose à Marseille l’histoire de sa collection, en commençant par les chefs-d’œuvre de sa première période, de 1983 à 1999. L’occasion de faire le point sur une politique d’acquisition

L

es FRAC ont été créés en 1982 par les Régions et l’État pour constituer et diffuser des collections d’art contemporain. Doté dans les premières années de budgets d’acquisition importants (entre 800 000 et 1 million de francs par an), le FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur a pu acquérir des œuvres majeures, et mener dans le même temps une politique de soutien aux artistes émergents. « Une politique inenvisageable aujourd’hui : avec nos budgets d’acquisition actuels, il nous serait impossible d’acheter un Soulages, explique Pascal Neveux, directeur du FRAC. Actuellement nous avons 230 000 euros de budget d’acquisition, et nous nous concentrons sur des artistes français émergents. Face à l’argent des Fondations, qui peuvent revendre les œuvres acquises, nous ne faisons pas le poids sur le marché de l’Art. »

Fric Frac

et qu’on n’expose jamais ? En fait cette collection, avec ses 1300 œuvres de 560 artistes, avec ses redites et ses manques, ses orientations dans le temps, dit aussi le goût d’une époque, d’un moment. C’est toujours, historiquement, intéressant ». Et en effet les œuvres exposées sur le grand plateau du FRAC racontent une histoire. Celle de l’amour des grands formats et de la peinture : pas de photographie dans ces premières années, de la

© Lett Terreneuve

Car le principe de l’inaliénabilité est à l’œuvre dans toutes les collections publiques : toute acquisition, par achat ou donation, ne peut être revendue. Ainsi les FRAC, qui possèdent des trésors, sont paradoxalement pauvres : « Depuis 1983 nous avons acquis des œuvres pour l’équivalent actuel de 5 millions d’euros. La dernière estimation, faite en 2011, estime la collection à 25 millions d’euros, ce qui a certainement augmenté depuis. » Mais Pascal Neveux n’est pas pour autant contre le principe de l’inaliénabilité : « Il faudrait y réfléchir collectivement, tous les FRAC ensemble. En dehors de l’insuffisance de nos budgets d’acquisition nous avons un problème de stockage du Fonds. Mais je ne pense pas qu’il faudrait vendre nos chefs-d’œuvre, même si cela nous permettrait de mener une véritable politique de soutien à la création d’aujourd’hui. Peut-être, davantage, vendre certaines pièces qui font doublon

figuration souvent, du motif, quelques sculptures de matière brutes... et très peu de femmes ! « Cela aussi, nous voulions l’exposer comme un fait historique. Dans les années 80 les femmes représentaient 20% des acquisitions. La saison dernière la parité était totale, et nous avons exposé plus de femmes que d’hommes. » D’autres changements ? « Oui, le FRAC PACA s’est toujours orienté vers les artistes Français, en particulier en raison de la richesse de la Région. Aujourd’hui cette tendance est devenue la norme. 67% des œuvres sont des œuvres d’artistes français, par soutien à l’émergence mais aussi parce que les grands artistes internationaux sont trop chers pour nous ».

Le fric, c’est chic

Pourtant ce sont encore les FRAC et le réseau public en France qui découvrent

et légitiment nombre d’artistes, faisant monter leur côtes... ce dont seul le marché privé de l’art profite. Aujourd’hui ces Fonds, financés au départ à parité par l’État et les Régions, relèvent majoritairement du financement régional. Le FRAC PACA n’est pas le plus mal loti en termes d’acquisitions (230 000€ pour une moyenne nationale en dessous de 190 000€), mais le prix moyen de ses acquisitions est de 4000 euros : les rares artistes qui en bénéficient ne peuvent pas en vivre... Ainsi Rodolphe Huguet, qui a bénéficié d’une résidence du FRAC en partenariat avec la Tuilerie Monier, où il a fabriqué des œuvres fascinantes -tuiles éclatées évoquant des visages mitraillés, embarcation échouées, sacs abandonnés. Son travail sur ce matériau protecteur qui ne fait plus abri entre en résonnance prémonitoire avec l’effondrement des immeubles, la fin de l’Aquarius, le climat social. Pourtant l’artiste vit du RSA et travaille dans une grange retapée en Franche Comté. Le FRAC lui consacre une grande exposition et va acquérir quelques œuvres, mais cette légitimation ne lui permettra de sortir de la précarité que si ses œuvres attirent l’œil des marchands et des fondations. Voire si elles deviennent l’objet de la lutte spéculative entre Pinault et Arnault. Doit-on vraiment le lui souhaiter ? AGNÈS FRESCHEL

Chefs d’œuvre et documents de 1983 à 1999 Rodolphe Huguet Bon vent jusqu’au 24 fevrier 2019 Visite des expositions en preview, guidée par Pascal Neveux, sur la webtélé Zibeline

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10 politique culturelle

Lycéens, à vos lectures ! Le Prix littéraire des Lycéens et des Apprentis de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, depuis 15 ans, met en contact les jeunes et les auteurs, pour une découverte réciproque

L

a Région SUD a été une des pionnières dans les actions destinées à la lecture pour les lycéens avec le concours d’une Agence Régionale du Livre (ARL) très active. Dès le début il s’agissait de développer une familiarité, une connivence avec les auteurs contemporains vivants, en pleine activité. En accord avec la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles), les enseignants, les bibliothécaires, ainsi que les Académies d’Aix-Marseille et de Nice, l’ARL a amené tous les acteurs du livre à coopérer dans le but de sensibiliser les jeunes à la lecture, et de leur faire découvrir les différents métiers de la chaîne du livre. Un dispositif pensé et mis en place lors des mandatures précédentes par Michel Vauzelle, et poursuivi dans une belle continuité par Christian Estrosi et Renaud Muselier sur tout le territoire régional. Ainsi trois grands rendez-vous, organisés par la Régie culturelle régionale, ont lieu tous les ans : une trentaine de lycées sont convoqués à deux Forums de rencontre avec les auteurs de la sélection de l’année, puis à la cérémonie de la remise des Prix. Chaque année 6 romans et 6 BD sortis l’année précédente sont sélectionnés par un comité de spécialistes et proposés à la lecture des lycéens. Qui doivent tout lire pour décerner leur prix ! Ce qu’ils font, régulièrement, avec une pertinence toujours soulignée, en particulier par les auteurs qui apprécient toujours de se trouver confrontés à leur œil neuf et à leur exigence parfois décalée.

Premier Forum

Le premier acte de l’année 2018/2019 s’est tenu le 5 décembre à St Maximin dans la salle de spectacle du pôle culturel La Croisée des Arts avec 250 élèves venus de différents lycées et de 2 CFA. Les échanges furent chaleureux comme toujours, sous la houlette de Pascal Jourdana, directeur artistique de La Marelle,

© Chris Bourgue

Maison des projets d’auteurs. Avec des élèves motivés, enthousiastes de rencontrer et questionner 3 romanciers et 4 auteurs de BD (la moitié de la sélection de l’année). Comme souvent les questions ont concerné la genèse et la fabrication des livres. Sur les 3 BD, un seul album a été fabriqué par un duo ; c’est L’homme aux bras de mer, scénario de Simon Rochepeau et dessin de Thomas Azuélos. Le premier raconte la lente maturation du scénario durant 4 ans par des discussions régulières avec des visiteurs de prison puis la rencontre du dessinateur sur une proposition de l’éditeur. L’album n’est finalement sorti qu’un an et demi après, car Thomas Azuélos voulait trouver « le dessin juste » au-delà du fait de simplement « savoir dessiner ». Les deux autres volumes sont le fait d’auteurs-dessinateurs : Gabrielle Piquet a recherché un dessin anonyme pour ses personnages, avec des yeux cachés par des lunettes rondes ; Timothé Le Boucher a vu son dessin se densifier à mesure qu’avançait l’histoire. Les deux auteurs dessinateurs insistent sur le rapport texte/image, différent à chaque nouvel album. Quant aux romanciers, ils sont préoccupés par la nécessité de trouver le rythme. Delphine Coulin cherche à déclencher l’émotion, dans Une fille dans la jungle,

en montrant des adolescents migrants qui veulent rejoindre l’Angleterre ; Brigitte Giraud s’est attachée à trouver le bon narrateur pour son récit, Un loup pour l’homme, qui retrace de façon romancée le terrible parcours de son père enrôlé avec tant d’autres jeunes hommes dans un combat qu’ils croyaient juste, en Algérie ; quant à Frédéric Viguier, il brouille les pistes avec humour en déclarant écrire son roman en 10 jours une fois qu’il a trouvé la première phrase ! Curieux des motivations des auteurs, les lycéens leur demandent s’ils veulent changer le monde ? « Ouvrir les consciences » répondent-ils. C’est sans doute aux jeunes de le changer !

Lycéens, à vos claviers !

Et à leur tour d’écrire : depuis l’an dernier il a été proposé aux élèves des lycées participants de s’essayer à l’écriture sous la forme d’un concours de nouvelles ; le thème de cette année est « Derrière la porte ». Le lauréat ou la lauréate sera désigné(e) lors de la remise du prix aux auteurs en mai. CHRIS BOURGUE

Le premier Forum des lycéens et des apprentis a eu lieu le 5 décembre à Saint-Maximin. Le prochain se tiendra le 6 février à Gap prix.livre-paca.org


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Entretien avec Lilian Rivière, le co-délégué régional de l’association en PACA

Cité Queer

SOS Homophobie : prévenir, militer et soutenir Zibeline : Comment peut-on expli- lesbophobie est le prolongement du quotidien contre ces agressions ? quer l’augmentation des violences sexisme. Sur le fond, la question est Quelles sont vos propositions ? homophobes ? celle de l’invisibilisation des femmes On ne réclame pas de nouvelles lois. On Lilian Rivière : Il est difficile de tout ex- d’une manière générale. Nous nous de- demande juste que les existantes soient pliquer et de désigner une seule cause. mandons toujours si nous ne reprodui- correctement appliquées. De l’accueil Nous partons du principe que plus de sons pas les mêmes schémas au sein de au commissariat, où la plainte doit être visibilité entraîne plus d’agressions. Or la communauté LGBT. Mais on ne veut enregistrée avec le motif d’homophobie, on assiste à un phénomène de libération pas non plus tomber dans le travers qui jusqu’à l’instruction de cette plainte par de la parole, à tous les niveaux. On dé- serait de dire « il nous manque telle ou des magistrats qui font bien leur travail. nonce des violences via les réseaux so- telle minorité ». On fait le travail avec les Il est également primordial de mettre ciaux, les victimes se sentent un peu plus gens qui sont là. D’ailleurs, nous avons enfin en place une véritable politique de en confiance pour raconter leur histoire. besoin de plus de militants. prévention, pour agir dès l’école. Quand De plus, faire trainer un débat des élèves participent à des comme celui sur la PMA tend ateliers contre les discrimià infuser dans la société des nations, on arrive même en propos homophobes. deux heures à déconstruire Y aurait-il donc un lien entre certains préjugés. C’est peutla banalisation des comporêtre le seul moment de leur tements homophobes et les vie où ils vont parler avec des tergiversations des gouverpersonnes LGBT. nements sur la mise en place Quels sont les autres axes d’indes droits ? tervention de l’association ? C’est une évidence. L’impuNos trois piliers sont : prénité est globale. D’un côté, cervenir, militer et soutenir. En dehors du milieu scolaire, on tains responsables politiques tiennent des propos homo- Pride 2018 à Marseille. Lilian Rivière entouré par Véronique Godet et Joël Deumier, respectivepropose également des formaphobes sans être inquiétés. De ment vice-présidente et président nationaux de l'association © Thomas Leroy tions aux adultes qui reçoivent l’autre, des personnes se disent « on s’en Vos chiffres indiquent une agression tous du public. En ce qui concerne le soutien, fiche puisque même les politiques se le les trois jours. C’est sidérant. nous avons une ligne d’écoute anonyme permettent ». Comme les victimes ne Cela sera forcément un peu plus en 2018. et gratuite, ouverte tous les jours. Cela portent pas toujours plaintes, les agres- Il y a une prise de conscience depuis la va du réconfort à l’accompagnement seurs sont peu poursuivis. rentrée mais il aura fallu que des agres- juridique. Côté revendications, nous Quels sont les publics LGBT les plus sions se passent à Paris et qu’un respon- sommes en ce moment très pointilleux touchés ? sable associatif en soit la cible pour que sur la PMA. Nous demandons à l’exécutif La majorité des agressions physiques que le sujet surgisse dans l’espace public. Au- de ne plus reculer sur le calendrier et de nous recensons sont commises sur des delà de la sidération, il faut qu’on pose ne pas relancer un débat de société déjà hommes gays. La violence subie par les les bonnes questions. Et ce n’est pas de tranché par une opinion favorable. Nous personnes trans est plus sourde. C’est savoir qui sont les agresseurs, comme sommes très attentifs au traitement du une transphobie ordinaire voire insti- ont tenté de détourner le débat certains sujet par les médias qui ont tendance à tutionnelle. Mais notre démarche est hommes et femmes politiques. S’ils met- inviter systématiquement un opposant, de tout englober sans faire de focus ni taient un peu le nez dedans, ils verraient parfois un médecin, mais rarement les victimiser une population spécifique. que ce ne sont pas forcément des gens personnes concernées. ENTRETIEN REALISÉ PAR LUDOVIC TOMAS On parle très peu des lesbiennes… soi-disant issus de l’immigration ou qui Notre antenne à Marseille était consti- habitent en banlieue. La seule question tuée l’an passé de 90% de femmes. La est : comment lutter durablement au sos-homophobie.org/PACA


12 événements

Dans le rêve de l’autre L’équipe de Zou Maï Prod reprend Gens d’ici, rêves d’ailleurs au Bois de l’Aune. Une forme de théâtre participatif assez unique dont nous parle le concepteur et acteur Christian Mazzuchini

© Richard Patatu

Zibeline : Comment est né le concept des Gens d’ici ? Christian Mazzuchini : Les premiers Gens d’ici datent de 1987. Lors des tournées avec des compagnies, j’ai traversé la France, plusieurs fois, mais je me suis aperçu que je ne connaissais personne dans les endroits où je revenais jouer, et je me suis dit que c’était un peu paradoxal pour nous acteurs qui parlons pour les autres et au nom des autres, d’en être coupés. J’ai eu alors envie de créer une aventure où je puisse en même temps rencontrer les gens de la ville et les inviter à venir prendre la parole sur scène quand je joue et même me couper pendant que je joue. Qui sont ces gens qui sont conviés au spectacle, comment sont-ils recrutés ? Cela commence par ceux qui nous accueillent dans les théâtres, des directeurs aux personnes qui font le ménage, ensuite il y a ceux dont on parle dans la ville, des figures, des gens un peu en marge ou dans un certain état poétique. Ce qui m’intéresse c’est de donner un coup de projecteur à des gens qu’on ne connaît pas trop, dont on a entendu parler, qu’on a vus, mais dont on ignore le jardin secret. Il y a un petit 11 000 personnes qui sont intervenues dans les Gens d’ici, en

France et un peu à l’étranger, souvent à la suite de mes « tchatchades » : je leur explique qui je suis, le projet, je leur donne des bribes de texte en même temps, sans qu’ils s’en aperçoivent, cela donne un effet très curieux, soudain, ils constatent : « c’est dingue, ça peut être aussi simple que ça le théâtre ! » Cela commence là aussi. Les langues se délient vite, se découvrent passions et jardins secrets… Une manière d’intégrer le réel dans l’art ? Pour un théâtre citoyen ? Il y a cette possibilité fabuleuse d’ouvrir les portes à des choses complètement dingues. Oui, le théâtre est un endroit où la parole revit, celle du citoyen, de tout le monde est importante, même à cet endroit-là et pas seulement celle des acteurs des artistes. Ce qui m’intéresse ici, c’est qu’il s’agit de personnes qui n’ont jamais mis les pieds dans le théâtre, qui n’ont aucun code. Qu’ils y interviennent, c’est magnifique. Ils restent aussi naturels que dans la réalité ? Oui, comme dans la vraie vie, c’est le but du jeu aussi. Brièvement, voici le pitch du spectacle : ça se passe dans une maison de repos pour artistes sans œuvre, des gens qui sont déjà bien « collés au plafond », il y a un directeur, un intendant,

une infirmière, et un ancien acteur qui se trimballe et à qui on fait croire qu’il est toujours sur scène. Il raconte sa vie, par fragments, et il est rattrapé par des hallucinations de gens qu’il a vus, qu’il a croisés dans sa vie et qui font partie du rêve de ce vieil acteur. Ses rêves deviennent alors le rêve de tous. Chaque intervenant choisit la teneur de ce qu’il va raconter, comme il y a peu de répétitions, la spontanéité la fraîcheur restent intactes. C’est l’invention d’une forme nouvelle d’écriture théâtrale ? Oui peut-être, mais c’est surtout un hymne au plaisir et à la joie d’être ensemble, de bousculer les lignes des représentations théâtrales traditionnelles… Je ne suis pas tout seul il y a Maryline Le Minoux qui m’accompagne, une cinquantaine d’intervenants par soir… On essaie de trouver un équilibre entre intime, spectaculaire en préservant une esthétique de la surprise. Le travail avec Michel Bellier, auteur du texte, est absolument passionnant, il est rare d’avoir la confiance d’un auteur, qui me laisse retoucher ses textes ; j’ajoute des additifs, les lui renvoie, il les retravaille à son tour. Un côté comédie italienne ? Il y a un clin d’œil à ça, mais on peut aussi songer à la rencontre des Pieds Nickelés avec les Marx Brothers ! Il est vrai qu’il y a beaucoup de la comédie italienne, c’est très fellinien. Le réel qui vient s’immiscer dans le quotidien, et d’un seul coup devient plus délirant que la fiction. Cette aventure redonne un sens au métier d’acteur, permet d’éviter l’entre-soi. D’un seul coup le rêve d’un seul devient le rêve de tous. Passé, présent, futur, tout se mélange en une histoire de synchronicité à laquelle chacun peut prendre part. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR MARYLINE COLOMBANI

Gens d’ici, rêves d’ailleurs 19 au 21 décembre Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 88 71 74 80 boisdelaune.fr


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Quand Pagnol s’enjazze Créé en 2007 à l’opéra de Marseille, Marius et Fanny, opéra jazz de Vladimir Cosma composé d’après l’œuvre de Pagnol, revient à ses origines grâce à Marseille Jazz des cinq continents !

L

a trilogie de Pagnol est inséparable du paysage marseillais, les touristes cherchent sur le vieux port les traces de l’histoire de Marius et Fanny, se donnent rendez-vous au Bar de la Marine, la partie de cartes, ou celle de pétanque ont laissé des expressions indissociables du « folklore local ». Le tour de force est de garder la dimension populaire dans une forme qui utilise la musique contemporaine de l’auteur de La gloire de mon père, mêlant jazz et music-hall. Populaire et savante à la fois, la composition de Vladimir Cosma s’attache à cette histoire d’amour emblématique de la ville ouverte sur l’appel du large. Une nouvelle distribution succède à celle de la création, où l’on comptait Roberto Alagna qui déclara à propos de l’œuvre : « Des imbéciles ont dit que c’était une opérette. Pas du tout, c’est un très grand opéra, très difficile à chanter. Cosma a fait un très grand travail, il y a ici du Puccini. » Quoi qu’il en soit, plus de trente musiciens et chanteurs seront sur scène, apportant un ensemble de personnalités fortes, capables d’endosser, en échappant à toute mièvrerie facile, les rôles du jeune Marius

fois primée (prix spécial Théâtro Alla Scala à Milan, 1er prix au concours Mihail Jora 2011…), André Minvielle, percussionniste, chanteur pratiquant la « vocalchimie », mélange de scat, blues, rap, que les voiles partant au loin font rê- parfois accompagné de vielle à roue et ver, de la charmante Fanny dont la té- autres instruments, lorsque son portenacité saura dompter le temps, Hono- voix n’est pas une bouteille en plastique ! rine, sa mère, la poissonnière, À leurs côtés, l’une des meilleures haute en couleur, César, formations jazzvocal d’Eupère de Marius, prorope, les Voice Messenpriétaire du célèbre gers, et le merveilleux orchestre du Bar de la Marine, et tous les perNDR Bigband de Hamburg, sonnages « sesans compter condaires » le crooner et dont les figures dotées comédien à la de noms savoix profonde, voureux nourTom Novembre. rissent encore Le tout sous la l’imaginaire des houlette du comsantonniers -Espositeur lui-même, Vla ara dim cartefigue, le capitaine Vladimir Cosma. Mararm ir C osma eM © Jean-Christoph du ferry-boat (prononcer seille, ville-monde, ville-jazz, ferry-boîte), Monsieur Brun, le intemporelle… Une image que l’on Lyonnais, vérificateur des douanes et aimerait agissante et pas seulement à victime préférée des joueurs de cartes, l’opéra ! MARYVONNE COLOMBANI Panisse, maître-voilier du Vieux-Port, soupirant de Fanny, malgré leur difféMarius et Fanny rence d’âge… On entendra par exemple 20 & 21 décembre Hugh Coltman, Victoire du Jazz vocal Silo, Marseille 2017, Irina Baïant, jeune soprano moult 09 70 25 22 12 silo-marseille.fr

Rebonds de la performance

L

e cycle des Rendez-vous de demain proposés par Thierry Fabre et l’IMéRA (Institut d’études avancées d’Aix-Marseille Université), qui accueille en résidence des chercheurs et artistes au Théâtre du Gymnase, se saisit d’un nouveau thème, plutôt inattendu : le sport ! Pourtant, Marseille ne se contente pas d’entretenir une fameuse équipe de football ; la cité phocéenne abrite aussi un vivier de chercheurs focalisés sur ce champ d’explorations, dont beaucoup travaillent à la Faculté des Sciences du sport. C’est le cas de l’un des intervenants, Pierre Dantin, vice-doyen de ladite faculté, directeur du Laboratoire

Management, Sport, Santé d’Aix-Marseille Université, et responsable du programme Rebond réalisé avec l’Institut Paoli-Calmettes. L’objectif du centre de cancérologie est d’amener les patients à rebondir après leur maladie, via ce parcours « d’onco-coaching » qui prend la performance sportive comme source d’inspiration. Nul doute que Pierre Dantin saura nous expliquer de quoi il retourne précisément. En dialogue avec lui, Claude Onesta, longtemps entraîneur de l’équipe de France de handball, et lui aussi investi dans le programme Rebond, de même que Didier Blaise, Chef du département d’onco-hématologie de

l’Institut. Ce n’est pas Thierry Fabre qui devrait cette fois animer les échanges, mais Nancy Cattan, chef de rubrique Santé à Nice-Matin. GAËLLE CLOAREC

Le prochain Rendez-vous de demain portera sur le cerveau, sans que l’on ne connaisse encore les intervenants, et aura lieu le 5 février.

Sport, santé et performance. Apprendre à guérir ? 18 décembre Théâtre du Gymnase, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net


14 critiques

Les mondes flottants d’Astrid Bayiha

U

n fond mouvant d’ondes aquatiques bleutées est projeté au lointain. Le plateau est épuré. Seul un lit d’hôpital blanc occupe de manière décentrée le côté jardin. L’espace vide proposé laisse place à l’imaginaire, aux fantasmes, aux chants des divinités. La metteure en scène et comédienne Astrid Bayiha invite le spectateur à une plongée atemporelle dans l’univers de la créature vaudou, Mamiwata, sirène envoûtante, monstre de femme fascinant de douceur et de démesure. La puissance du mythe est interrogée et placée en regard de tous les déséquilibres humains. La fille de l’eau est aussi celle qui se réfugie dans sa bulle pour échapper au monde de la norme. L’univers psychiatrique, convoqué aussi bien dans la scénographie que dans le texte, questionne nos rapports à la folie. Les grandes passions humaines sont-elles porteuses de pulsions de vie ou de mort ? Peut-on aimer l’Autre sans lui arracher le cœur ou l’étrangler dans le désordre des corps jouissants ? Comment les mythes opèrent-ils à l’intérieur de chacun de nous ? Que nous disent-ils de nos rêves et de nos cauchemars ? Le propos de la pièce est foisonnant et l’on sent que dans l’écriture de son texte Astrid Bayiha a souhaité le point d’interrogation.

© Antonio Carola

Tout questionne en effet dans cette proposition. De l’alternance entre monologues métaphoriques, danse, chant et dialogues plus crus à la superposition des mondes psychiatriques, oniriques et mystiques : les angles sont multiples pour interroger. Le désir des artistes est de nous convier à un spectacle pluridisciplinaire dans lequel l’Afrique résonne de ses contes et abreuve par son imaginaire rendu visible les questionnements contemporains. L’intime de la proposition est servi par deux comédiens et

une comédienne-danseuse. Les fragilités humaines mises en scène auraient été mieux servies dans une salle favorisant la proximité avec le public. Le théâtre du Gymnase semblait trop étendu pour que les spectateurs puissent plonger pleinement dans ces mondes flottants et polysémiques. DELPHINE DIEU

Mamiwata a été présenté du 5 au 7 décembre par La Criée, Marseille, accueilli par le Théâtre du Gymnase

Dansem en rond

N

acera Belaza, programmée par Dansem dès ses débuts confidentiels, est devenue une star de la danse contemporaine. Pourtant elle tourne en rond, au sens propre, et se répète ; reprenant le geste des derviches tourneurs elle travaille sur les infimes variations de vitesse et d’ampleur, une bouche qui s’ouvre, les bras qui s’étendent, la lumière qui passe de l’obscurité Nacera Belaza, La Nuit © David Balicki à la pénombre. Quelque chose de nouveau s’esquisse, à la fin de La Nuit, l’infime variation qu’il cherche, mais la mais faut-il qu’elle se renouvelle ? Le transe de l’épuisement. Si l’on compare, geste est d’une épure rare. comme leur succession dans la même soiNot about everything de Daniel Line- rée y invite, ses gestes sont moins purs, han est radicalement éloigné. Pourtant et plus rapides. Plus variés, éclairés, athlui aussi propose 35 minutes de rotation létiques, ironiques. Plus essoufflants, car sur lui-même. Or, ce n’est pas la pureté, en plus de tourner à toute allure il parle,

par-dessus sa voix off en écho. Et il dit que sa danse n’a pas de propos : ni terrorisme, ni mort, ni Derrida, ni derviche, ni chorégraphie, ni art, ni ennui, ni direction, ni transcendance, ni doppelgänger. Il dit, tout au bout de la pièce et de l’épuisement, que sa danse ne parle pas de lui, qu’elle est lui. Un essentialisme chorégraphique ? AGNÈS FRESCHEL

Le festival Dansem se poursuit jusqu’au 15 décembre à Montévidéo, Marseille


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Commerces humains

T

ous sont devant un mur d’obscurité. Les ombres tâtonnent et cherchent leur chemin. Les personnages sont d’abord des voix et des pas perdus. Le texte, projeté en fond de scène, devient le mur ou l’inverse. Son apparition centrale s’incrustant sur la paroi devient la seule lumière. La poésie de Bernard-Marie Koltès se redécouvre dans un sur-titrage qui relève plus du décor et de l’installation visuelle. La coexistence ou la collision entre la pièce jouée en chinois cantonais et l’image du texte crée l’étincelle qui donne souffle et vie à cet univers de violences sociales, d’exclusion, de colonialisme. Superposant leurs esthétiques, leurs références et leurs codes, l’Occident et l’Asie dialoguent et se font écho pour porter avec justesse le propos du dramaturge. Les huit comédiens et la musicienne offrent avec énergie et générosité une traversée dans les commerces humains les plus universels, les plus sordides comme les plus touchants. Le jeu est posé, intelligent et d’une grande sensibilité. La scénographie présente un espace à la fois cohérent et multiple qui permet aux comédiens de défendre avec nuance et force le parcours des personnages. Le travail du metteur en scène Franck Dimech

© Carmen So

avec les comédiens asiatiques prend tout son sens : faire entendre, en changeant de perspectives, cette pièce qui parle de nous maintenant. Car Quai Ouest est un hangar désaffecté mais aussi bien le purgatoire. C’est aussi l’espace béant des abandons, des échoués, des déSOLés. Un homme riche débarque ici pour mourir et échapper aux affaires qui tournent mal. Son arrivée dans le microcosme des « miteux » intensifie la mécanique des transactions humaines. Ici, tout se

monnaie. L’économie monstrueuse des échanges se déplie lentement en quête. Chacun des personnages effectuant une évolution qui est une traversée ou le désir de celle-ci. C’est aussi la recherche d’une issue de secours ou d’une simple trace qu’on voudrait laisser de notre passage. DELPHINE DIEU

Quai Ouest a été donné au Théâtre des Bernardines à Marseille du 4 au 9 décembre

Contes arctiques

L

a conteuse Dominique Rousseau devait raconter l’histoire d’Uinigumasuituk, jeune femme inuit qui ne voulait pas se marier et devint déesse des eaux. Mais, surprise ! En lieu et place de ce mythe, elle a donné trois courts récits à ses jeunes auditeurs, confortablement installés dans le Petit Théâtre de La Criée, fraîchement réouvert après travaux, et rempli jusqu’en haut des gradins. La dispute de Tirigagnok le renard blanc, qui voit dans l’obscurité et peut chasser dans la nuit polaire, avec son compère le corbeau, lequel préfère le jour, car il se fait mal aux pattes en atterrissant sur la banquise dans le noir. Les deux animaux vivent « au début du monde, les mots sont encore magiques », souffle la conteuse, tandis que la nuit et le jour clignotent dans les têtes enfantines, au rythme vif du dialogue entre les deux protagonistes. La contrebasse de l’artiste grince, résonne et craque comme les blocs de glace qui s’entrechoquent sous l’effet du dégel au printemps. Un kayak se transforme en oiseau et vole au-dessus des eaux. Des grands-mères très sportives chassent la

baleine. On apprend au passage bien des choses utiles à la vie en zone arctique : pour avoir des chaussettes en peau de lapin bien chaudes, il vaut mieux mettre la fourrure à l’intérieur. Celle du loup borde les capuches, car c’est la seule qui ne gèle pas. Les tendons de caribou sont utilisés pour coudre les kamiks (bottes polaires), car ils gonflent avec l’humidité et colmatent les trous d’aiguilles. Troisième histoire : un chasseur s’endort en attendant que le phoque pointe son nez pour respirer dans une anfractuosité de la glace. L’ourse survient, le tire dans sa tanière, et s’endort. La contrebasse vibre, mimant le gros ronflement de la maman, les petits grognements des oursons, les pas précautionneux du héros qui cherche à s’esquiver discrètement... Tout le monde soupire, suspendu à ses cordes, et aux lèvres de la narratrice. GAËLLE CLOAREC

Inuk a été donné le 9 décembre à La Criée, Marseille


16 critiques

L’art du loufoque

I

ls ont survécu à leur incroyable odyssée au cœur de Musée Haut, Musée Bas de Jean-Michel Ribes, et n’ont pas perdu le goût de la discussion. Les voici tenant des Conversations intelligentes, au cours desquelles ils passent à la moulinette de l’humour, de l’absurde, du contre-pied, de l’insolence potache les remuements du monde, depuis le prix du carburant et des taxes (sujet on ne peut plus d’actualité) au terrorisme, en passant par les constipations de la tante russe de Limoges, au coût de la dette ou à une approche particulière du sport dont l’enjeu est un ballon rond, l’idéal étant de retirer le ballon pour éviter toute friction et qu’enfin joueurs et assistance se consacrent à des choses plus importantes et dénuées de violence… En un dialogue rythmé, scindé par des « poses muséales » (« Tu me fais une sculpture ? / Et toi tu me fais une peinture ? » arrêt sur image), ou de courtes sorties, Sulki (Romain Cottard) et Sulku (Damien Zanoly) interprètent avec une fine et malicieuse intelligence le texte décalé de Jean-Michel Ribes, qui signe une mise

© Giovanni Cittadini Cesi

en scène sobre et efficace. La banalité prend un tour épique, l’étrange naît de l’ordinaire, le quotidien flirte avec l’absurde, l’humour sème au cours de ces joutes oratoires sa charge corrosive sur les pouvoirs, qu’ils soient étatiques, religieux, familiaux. Les idées reçues en

prennent pour leur grade et la réalité est balayée par la verve cocasse de ces « œuvres d’art » aux costumes savamment complémentaires (de Juliette Chanaud). La langue précise, élégante ne cesse de se remettre en question, de même que la teneur et l’élévation des échanges, que les deux personnages jugent, déplorant parfois une « baisse de niveau ». Le tour d’esprit évite l’engoncement dans un discours sérieux, même à propos des sujets les plus graves, et rebondit avec légèreté en pirouettes subtiles. La profondeur est suggérée, cela suffit. Descendus de leur piédestal, les deux personnages opposent idées et opinions, dénoncent les intégrismes ou font leurs courses avec le pape, offrent le rire et l’intelligence comme affirmation de liberté contre la morgue de toutes les pensées uniques, qu’elles soient snob ou totalitaires… MARYVONNE COLOMBANI

Le spectacle Sulki et Sulku ont des conversations intelligentes a été joué du 6 au 8 décembre au Bois de l’Aune, Aix-en-Provence

Science en scène

L

’équipe jeune et dynamique des Treize minutes Marseille, ces conférences « nerveuses, variées, inattendues » sur des sujets scientifiques, a investi cette année le cadre chaleureux du Théâtre Joliette. Les éditions précédentes avaient lieu à la Bibliothèque de l’Alcazar depuis 2013, avec à chaque fois un grand succès public. Sans que la jauge ne soit plus importante, ils bénéficient dans ce théâtre professionnel de meilleures conditions : un plateau technique, des régisseurs... C’est donc tout sourires qu’ils ont présenté six chercheurs de différentes disciplines, chacun disposant de 13 minutes chrono pour s’exprimer. Pas facile de faire vibrer l’assistance avec les sujets parfois austères des « sciences dures ». Certains se tirent mieux que d’autres de l’exercice de vulgarisation, maniant l’humour avec légèreté, comme Kévin Perrot, venu parler de l’ordinateur le plus lent du monde, construit en Lego. Ou

Laurent Régnier, abordant le théorème d’incomplétude de Godel : « Une théorie mathématique ne peut pas démontrer qu’elle est cohérente. Comme un individu ne peut pas démontrer qu’il n’est pas fou ». C’est une historienne, comme souvent, qui a livré l’allocution la plus vivante. Giulia Bonacci s’intéresse au reggae, genre musical tout fraîchement inscrit sur la Giulia Bonacci © Hélène Boyer liste du patrimoine culturel immatériel de l’Humanité par l’Unesco. sur scène aux côtés des orateurs, pour Elle a expliqué avec clarté la façon dont traduire à toute vitesse leurs propos parces chansons chaloupées véhiculent la fois nébuleux, jeux de mots compris : mémoire de l’esclavage, les liens entre une sacrée performance ! GAËLLE CLOAREC l’Afrique et les Caraïbes, et les séquelles du commerce triangulaire qui perdurent aujourd’hui. La 6e édition des Treize minutes Un grand bravo, surtout, aux interprètes Marseille a eu lieu le 4 décembre en langue des signes qui se relayaient au Théâtre Joliette, Marseille


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Vertige de la liberté

E

st-ce une intuition qui lance Clara à la recherche d’une femme, une inconnue, dont elle retrouve la carte d’électrice au nom d’Anna Girardin, au milieu de babioles insignifiantes dans un sac à main, après la mort de son père ? Curieuse de savoir qui elle est, parce que son père a gardé ce sac à la cave toutes ces années, elle part à la rencontre de celles qui portent ce nom, dont elle a retrouvé la trace. Parallèlement à cette quête intime, se dévoile l’histoire d’une femme, perpétuellement en déplacement, dont la vie est rythmée par « les hôtels, les amis virtuels et les histoires d’un soir ». Les discussions qu’elle aura avec les uns et les autres seront autant de cailloux semés sur le chemin de la vérité, indices révélateurs d’une vie de fuite faite d’oublis et de reconstructions fragiles. Anne Théron met en scène la pièce écrite à sa demande par Alexandra Badea, texte dense qui interroge les relations mères-filles, et plus largement la

place de la femme au sein d’une société qui la définit avant tout comme mère. La grand-mère et la mère qui affrontent ici leur destin ont failli, elles n’ont pas pu assumer cet amour trop lourd à donner à une enfant, ont refusé le sacrifice au bénéfice d’une sensation de liberté, devenue finalement lourde à porter. Pour dévoiler ce récit kaléidoscopique © Jean-Louis Fernandez quatre actrices formidables : Liza Blanchard (Clara, la fille), Nathalie interposé, opérant un va-et-vient haleRichard (Anna, la mère), Maryvonne tant entre mensonges et vérités. Schiltz (Margaux, la grand-mère) et Ju- Clara ira jusqu’au bout, « parce que la route dith Henry (toutes les Anna rencontrées). est belle ». Le clap de fin ne dit pas autre À ces quatre voix qui tissent le fil de quêtes chose, mais ceci est une autre histoire... DO.M. identitaires différentes se mêlent celles des hommes (Yannick Choirat, Alex Descas, Wajdi Mouawad et Laurent Poitrenaux) rencontrés par la « vraie » À la trace a été joué les 6 et 7 décembre Anna depuis sa fuite, présents par écran au Théâtre Les Salins, Martigues

Être princesse, quel cirque !

© Laurent Alvarez

V

ous croyez entrer dans une salle de théâtre, et voilà l’espace totalement modifié, voilages bleus et structure aérienne, gradins de bois disposés en cercle, le cirque fuyant les extérieurs a trouvé un toit ! Chaleur accueillante, même un peu trop pour certains, le

malaise vagal d’un spectateur interrompra le spectacle qui reprendra en douceur, laissant percevoir le caractère ténu des frontières entre l’art et le réel. On avait pourtant pénétré dans un univers sucré entre barbe à papa bleue, petite liqueur d’ambre et escarpolette romantique où se balançaient deux amoureux de Peynet. Douceur sirupeuse dans laquelle on ne s’endormira pas ! Un accord de guitare basse scelle avec l’ombre le début de l’enchaînement déjanté de vignettes et de courtes saynètes où les contes sont détournés avec jubilation. Ici une Belle au Bois Dormant attend le bisou qui va la réveiller, là, la Princesse au Petit Pois devient fakir et s’étire en somnambule sur un lit recouvert d’une forêt de pointes acérées sur lesquelles se plantent les pommes jetées du sommet du chapiteau par une Blanche-Neige que le fruit n’a guère endormie et qu’elle a croqué avec ravissement avec son Prince en acrobaties équilibristes sur un trapèze à grand ballant… Une princesse s’égare dans les gradins, appuis légers et fermes sur les

spectateurs, équilibres improbables sur les rebords des marches, puis une Petite Sirène ondule dans son numéro de cerceau. Les princesses se laissent aller à des conversations chuchotées que transmet une bande magnétique qui s’enroule autour de verres à pieds. Se murmurent des confidences, rappelant tous les nondits, de la ménopause aux tristesses de celle qui fut autrefois une princesse… Prouesses physiques, portés, élans, acrobaties, risque, évolutions étonnantes, vertiges, s’orchestrent en un rythme souple qui enchaîne vignettes visuelles et sonores, avec une partition où le chant s’épanouit en polyphonies délicieuses, jouant sur les mots et les harmonies. Les lapins « Playboy » (sic) soulignent la volonté de décalage où drôlerie et cruauté parfois se jouent des codes. Malicieux et jubilatoire à souhait ! MARYVONNE COLOMBANI

Le spectacle Les Princesses a été donné les 7 et 8 décembre au Théâtre Durance, Château-Arnoux


18 critiques spectacles

Un Kung-Fu qui frappe fort

«

Voilà ce qu’il s’est passé », cette petite phrase, scandée, assenée -pour raconter en effet comment les choses se sont déroulées lorsque Dieudonné Niangouna a fondé avec sa compagnie Les Bruits de la Rue (ceux des bombes et des rafales de kalachnikovs pendant la guerre civile du Congo) le festival Mantsina à Brazzaville (en 2004)-, le comédien la répète autant de fois qu’il lui faudra pour relater les réactions, toutes négatives, méfiantes ou moqueuses, des édiles locaux, des fonctionnaires de l’Institut français, des voisins de quartier... Raconter ; conter ; exposer. L’auteur explique les faits : enfant rêveur, il se faisait régulièrement battre à coup de chicotte à l’école ; enfant imaginatif, il s’embarquait joyeusement dans les centaines de films qu’il voyait en famille ; enfant candide, il croyait dur comme fer qu’il partirait apprendre le kung-fu au temple Shaolin, pour jouer ensuite dans les films que produirait son père. Tout ne s’est pas passé exactement comme prévu, mais Niangouna est bien là, seul

sur scène, fantastique diffuseur d’énergie, faisant le pont entre Afrique et Occident, le français comme vecteur, l’amour du cinéma comme terreau de récits à porter au théâtre. Passeur d’histoires, celles du 7e art vers le plateau, passeur de passion, il a proposé dans un appel à participation lancé en amont de la re-création de sa pièce Le Kung-Fu de tourner, avec © Christophe Raynaud de Lage les moyens du bord, une scène de leur que la fidélité, où l’imaginaire soudain film préféré à des amateurs volontaires. se concrétise, où on s’approprient les Et donc, sur un carré de drap tendu sur héros -où finalement tout est possible. une structure d’échafaudage, passent des Même de monter sur scène, lire et crier images des Demoiselles de Rochefort, Fi- avec Niangouna, lors d’un mémorable ght club, Laurence anyway (les habits qui moment improvisé avec les lycéens vetombent du ciel), Un homme et une femme nus en nombre partager ce pur moment (un couple mûr s’embrasse et tournoie de théâtre. ANNA ZISMAN sur la plage de Palavas-les-Flots)... Les histoires se croisent, aléatoires, les seLe Kung-Fu a été recréé du 4 au 7 conds, troisièmes degrés s’ajoutent au décembre à Montpellier au Théâtre premier, dans un hommage à l’invention des 13 vents, où Dieudonné Niangouna qui célèbre autant la réinterprétation est l’un des artistes associés

Les Ours-Vautours

D

es ours-vautours qui « creusent des gratteciels », bien étrange comme entrée en matière ! Le groupe belgo-néerlandais De Beren Gieren (Les Ours Vautours), coup de cœur de Charlie Jazz, donnait un large aperçu de son nouvel opus, Dug Out Skyscrapers © Gregoire Verbeke au Moulin à Jazz de Vitrolles. Un archet passages où se décuple la puissance des glisse sur le rebord d’une cymbale… son interprétations au cours desquelles les distendu ourlant d’un fil la profondeur instruments rivalisent de virtuosité : du silence. Le piano ose quelque notes, élégantes et poétiques envolées du piano hésite, comme le pinceau d’un peintre (Fulco Ottervanger), stupéfiantes imentre le plein et le vide du tableau, notes provisations de la contrebasse (Lieven perlées émergeant de larges nappes so- van Pée), époustouflantes variations de la nores planantes. La musique épouse batterie (Simon Segers). Les morceaux, l’ampleur des paysages de montagnes présentés avec humour, convient le pupeuplées de brumes. Rythmes ostinato, blic à l’effort de traduction, les images phrasé envoûtant, que viennent éclairer « pèsent » littéralement, on découvre des de lumineuses fulgurances. L’ensemble personnes « non confiançables »… Les pioffre une palette nuancée où la com- rouettes ironiques pimentent certains plexité délicate des cadences s’accorde passages tandis que les tempi se coulent aux mouvements intimes comme aux dans le souffle de l’inspiration. La matière

sonore sculptée passe d’un registre à l’autre, usant de ruptures brusques ou d’insensibles transitions. La contrebasse de la « Valse des promesses tristes » herse les lignes mélodiques, pendant que le piano lyrique joue en échos oniriques et que les pulsations percussionnistes aiguisent leurs syncopes sur la base des trois temps… Puis le monde se déplace, la mesure quitte le swing jazzique pour celui de la salsa… « Groove cubain » qui rejoint les sources multiples du trio, entre écriture classique et contemporaine. « Un jour provisoire » autorise un « atterrissage en douceur », sourit le pianiste pour conclure le concert. Épure rythmique, sens quasi minéral du trait qui s’enveloppe de douceur… Un bis généreux est accordé à une assistance conquise, « destination de vacances », rêve tangible… MARYVONNE COLOMBANI

De Beren Gieren s’est produit le 8 décembre au Moulin à Jazz, dans le cadre de Charlie Jazz à Vitrolles


19

De l’insurrection populaire

L

e premier film d’Eisenstein, La Grève, inspiré de l’endiguement tsariste d’une grande grève de 1905, a été réalisé en 1924, et a connu une date de sortie très proche de son deuxième opus, Le Cuirassé Potemkine. Si ce 2e long-métrage a connu une postérité plus importante, La Grève fait montre elle aussi d’une inventivité formelle prodigieuse, à laquelle se greffe intelligemment la musique élaborée par Vadim Sher et Alvaro Bello Bodenhöfer. Exécutée par les deux musiciens sur un coin de la scène, cette partition s’avère très inventive, dans sa façon d’anticiper les montées et baisses de tension, et surtout de coller au réel -un bruit de clochette ou les harmonies d’un orgue de barbarie ou d’un accordéon- ou lorsqu’elle s’adonne au figuralisme -les roulements de tambour collent aux rouages de l’usine, une descente de gamme imite une descente d’escalier… On se surprend souvent à décoller les yeux de l’écran pour observer les changements d’instruments : Vadim Sher

© A. Schlemmer JF Poche

exploite tous les possibles du piano et de l’orgue Farfisa, quand Alvaro Bello Bodenhöfer épaissit constamment le dispositif à coup de guitare électrique, de guitare synthé et de percussions. Et quand la sauvagerie des images cède la place à l’horreur pure, le silence se fait, parfois. Notamment lors de la scène de la chute de l’enfant, seul personnage à avoir fait l’objet d’un temps d’observation tranquille, attendri, du cinéaste. Car, comme Vadim Sher le rappellera en début de représentation, le cinéma d’Eisenstein, et La Grève en particulier, n’est pas un cinéma de caractères : le personnage central du film, son objet

et son cœur battant n’est rien d’autre que la masse populaire. D’où la gène, tangible, que l’on pourra ressentir lorsque le musicien comparera ces images à celles des gilets jaunes qui défilent sur BFM TV, ou illustrera dans sa musique même -avec un talent certain- l’envie prêtée à Eisenstein de « tout casser ». Comme la scène d’égorgement d’une vache, symbolisant la mise à mort du peuple, n’avait su toucher que le public bourgeois d’alors -les paysans et les ouvriers n’y voyant qu’une scène du quotidien-, une telle lecture et une telle transmission de l’œuvre pourra sembler au mieux déplacée. SUZANNE CANESSA

Ciné-concert donné le 2 décembre à la Criée, Marseille

Le cabaret du Mauvais genre La nouvelle création de Leda Atomica Musique rend hommage à la chanson française interlope

© Thomas Sanna

I

maginez un duo improbable entre Cruella d’Enfer et Morticia Addams. Il y a la blonde platine, Danielle Stéphan et il y a la brune, Marie Démon. Deux femmes dans la force de l’âge, semblant sortir d’un marché aux puces, avec leur chariot à provisions. Au piano, Martial Paoli paraît tout aussi allumé. C’est parti pour une heure de récital, enchaînant les chansons à la gloire des paumés, des faibles et des tordus. Au commencement,

il y a ce spermatozoïde, véritable héros, élu parmi 300 millions de concurrents, pour donner la vie. Des vies pas toujours dans les clous. Comme cette toquée qui accuse à tort de vol la bonne de la famille. Pire, elle aurait poussé à l’eau son petit frère, mort de noyade. Ce n’est pas de sa faute, elle « aime faire du mal ». Et d’avouer : Ça tourne pas rond dans ma p’tite tête, la chanson de Francis Blanche. Celles de Brigitte Fontaine, Richard Dubelski, Anne Sylvestre sont également convoquées. Car le mauvais genre à la sauce Leda Atomica, c’est la déviance assumée voire revendiquée. Ici un cha-cha-cha à la gloire de l’égoïsme, là le portrait d’une concierge décadente. « Que la vie est belle depuis que je ne réfléchis plus ! ». Une abdication ? Certainement pas. Face aux dégâts causés par un système médiatique qui procède à la « céphalotomie » des masses, souffle un vent de contestation, avec des slogans révolutionnaires comme « Tout le pouvoir au peuple » et « La propriété, c’est du vol ». Ici, on aime les gens de peu. Avec

Ça fait grincer des dents, de Jean-Marc Le Bihan, sont célébrés les damnés des trottoirs, du sans-domicile à la prostituée. Il n’y a bien que les puissants, harceleurs et oppresseurs, qui méritent le mépris. Ou ceux qui décrètent l’inégalité des droits. « Ne pleure pas si papa et maman sont des ordures » dit un refrain qui fait écho à l’hypocrisie de la loi officialisant le droit à l’adoption pour les couples homoparentaux, toujours difficilement appliquée. À l’approche de Noël, on égratigne au passage les jouets outrageusement genrés. Le parti des p’tits lapins, d’Henri Tachan, nous rappelle enfin qu’une société est souvent jugée à la manière dont elle traite les animaux. « Le bonheur est une illusion », déclarent nos meneuses de revue. Mais d’ajouter : « La plus essentielle de toutes ». Pas si mauvais genre que ça. LUDOVIC TOMAS

Mauvais genre été joué les 6 et 7 décembre au théâtre Marie-Jeanne, à Marseille, dans le cadre du festival les Z’Inos


20 au programme spectacles bouches-du-rhône

Tempête !

Lamento de Livia

© Gaëlle Simon

Non, je n’irais pas chez le psy

© Elodie Deceuninck.

© Isa Fournier

« Nous sommes de cette étoffe dont les rêves sont faits... » La pièce testament de Shakespeare est montée une nouvelle fois par Irina Brook, mais cette fois-ci dans une version « italian lounge », dans laquelle Prospero est un ex roi de la pizza, et Miranda a des lunettes noires de starlette. Des tempêtes de l’âme à la réconciliation, une adaptation en forme de comédie romanesque, festive et légère, aux couleurs de conte de fées, rythmée par des airs entêtants de mandoline.

Nouvelle coqueluche de l’humour belge, Manon Lepomme ne va pas chez le psy car elle préfère déballer ses histoires sur scène et en public ! Entre autres choses, sa gourmandise, les hommes, l’Alzheimer de ses grands-parents, son ancien métier de prof d’anglais et ses élèves. Répartie dévastatrice, autodérision sans limite et spontanéité déconcertante dans ce one woman show qui a fait salle comble en 2017 au Off d’Avignon.

18 au 22 décembre Les Bernardines, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net

16 au 21 décembre La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

D’après une histoire vraie

L’histoire vraie dont il est question est celle d’une ronde soudaine et improvisée par un groupe d’homme à Istanbul, à laquelle le chorégraphe-musicien-plasticien-performeur Christian Rizzo a assisté. C’est à partir de ce souvenir marquant qu’il a imaginé ce spectacle, sorte de rituel dansé masculin, célébrant, jusqu’à la transe, le plaisir d’être et de danser ensemble. Entre folklore méditerranéen, danse contemporaine et rock tribal. 21 décembre Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org

10 danseurs revisitent 25 ans de créations de la chorégraphe Martine Pisani, artiste dont la marque de fabrique est un théâtre dansé sans artifice, proposé par des interprètes aux présences simples, qui s’adressent d’égal à égal aux spectateurs, avec humour et élégance. Loin du best of ou de la commémoration, ce spectacle, co-réalisé avec Marseille Objectif Danse, est un condensé d'histoire chorégraphique, qui se réinvente au présent..

18 au 21 décembre Théâtre Joliette, Marseille 04 91 90 74 28 theatrejoliette.fr

Ouate else ? Cantonnier, bouliste, chauffeur de la RTM, footballeur, Kamel enchaine les personnages, les blagues et les situations cocasses, de Rio de Janeiro à Marseille, en passant par Paris, tout en conversant allègrement avec ses spectateurs, sans omettre de les chambrer ! Un humoriste qui revendique de surfer à fond sur la vague des clichés marseillais, l’une des recettes de son succès. © Margarida Ribeiro

© Marc Domage

Undated

18 décembre Théâtre Joliette, Marseille 04 91 90 74 28 theatrejoliette.fr

Premier volet du triptyque « Héroïnes » imaginé par Lucile Jourdan, metteure en scène et actrice, autour de l’addiction au féminin, projet artistique pour lequel elle a passé commande à 3 auteurs. « Lamento de Livia » a été écrit par Sabine Tamisier, un texte dans lequel elle brosse le portrait d’une femme, dont la vie va être fracassée, lentement mais sûrement, par l’alcool. Un portrait de femme sous influence, distillé avec force et poésie.

18 décembre Théâtre Toursky, Marseille 0 820 300 033 toursky.fr


21

au programme spectacles bouches-du-rhône

Tout neuf !

Épouse-moi (tragédies enfantines)

À nos morts © Lionel Blancafort

Le Théâtre L’Astronef accueille, dans l’enceinte du Centre Hospitalier Édouard Toulouse, l’hommage du hip-hop aux tirailleurs étrangers ayant combattu pour la libération de la France, dans le cadre du Centenaire de la Première Guerre mondiale. Ces soldats sénégalais, maliens, ivoiriens, burkinabés, malgaches, marocains, algériens, tunisiens, indochinois, antillais, camerounais, tchadiens... Trop souvent oubliés, ils sont célébrés par la Cie Mémoires Vives.

La Cie Minute Papillon invite les tout-petits (à partir de 24 mois) à la découverte du chant lyrique. Une façon ludique d’apprendre à écouter les œuvres de Mozart, Bach, Tchaïkovski, Rossini... L’initiation est facilitée par un soin tout particulier apporté au décor et à l’éclairage. Mention spéciale à l’inventivité de Jean-Luc Priano, concepteur d’instruments, notamment un gros crocus capable de se déployer !

Écrite au rythme de résidences de recherche depuis un an, la pièce concoctée par la Cie Demesten Titip poursuit son exploration du thème du désir et autres transgressions en un ensemble de portraits qui permettent d’en aborder les diverses facettes. Évocation des choix de vie, par le biais d’une création kaléidoscope qui rend compte de la modernité et de l’inconnu qui habite chacun d’entre nous. (lecture sur plateau au 3bisf, création à La Criée)

26 février au 9 mars 2019 La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

© X DR

21 décembre L’Astronef, Marseille 04 91 96 98 72 astronef.e-monsite.com

Parade des lanternes Jusqu’au 20 décembre, les Vitrollais-es sont invités à participer à des ateliers de fabrication de lanternes en osier et papier, auprès de différentes structures du secteur éducatif, social et associatif. Ces luminaires seront utilisés à l’occasion du solstice d’hiver, le 21 décembre, pour une grande parade en musique. Le départ se fera à 18h, sur le Parvis de l’Hôtel de Ville. 21 décembre Divers lieux, Vitrolles 04 42 02 46 50 vitrolles13.fr

© DR.

20 décembre 3bisf, Aix-en-Provence 04 42 16 17 75 3bisf.com

Peau d’âne

Quatre membres de la Cie Hangar Palace interprètent tous les rôles du conte de Perrault, mâtiné de comédie musicale avec les chansons de Jacques Demy. Christine Gaya, Cathy Ruiz, Julien Asselin, JeanLouis Kamoun sont dirigés avec un humour décapant par Caroline Ruiz. L’infidèle fidélité au texte, joyeusement iconoclaste, établit d’emblée une complicité malicieuse avec le public.

Edmond 80 changements de décor, douze comédiens interprétant plus de 30 personnages… pour une telle démesure, seul celui qui affronta les cents à la Porte de Nesle peut être de taille ! et pour l’écrire le jeune auteur de 34 ans Alexis Michalik, qui dans sa pièce évoque Edmond Rostand dans le Paris de 1897, en quête de l’œuvre qui le révèlera. Seul le titre est certain, Cyrano de Bergerac ! La pièce aux 5 Molières 2017 débarque au Jeu de Paume.

21 décembre Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr © Alejandro Guerrero

© Michel-Gabriel Duffour

18 décembre Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr

18 au 22 décembre Jeu de Paume, Aix-en-Provence 08 2013 2013 lestheatres.ne


22 au programme spectacles bouches-du-rhône

Thyeste Eugenio

L’histoire d’un roi © Jean-Louis Fernandez

© X-DR

© Compagnie (1)PROMPTU

Thomas Jolly met en scène la tragédie romaine antique de Sénèque, grand texte fascinant de cruauté qui raconte le crime fondateur de la dynastie maudite des Atrides. Adultère, infanticide, cannibalisme… la vengeance fratricide d’Atrée est brutale, terrifiante, monstrueuse. Avec les comédiens de sa Cie La Piccola Familia, Thomas Jolly (qui interprète Atrée) s’appuie sur la puissance du verbe pour « représenter l’irreprésentable ». 19 & 20 décembre Théâtre Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 les-salins.net

19 décembre Théâtre de L’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr

Entrelacs

Le bruit des arbres qui tombent

© Sonia Garcia Tahar

20 au 22 décembre Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 preljocaj.org

Plus bête la vie Il se pourrait qu’un jour les chances s’inversent et que ce ne soit plus les lapins qui subissent les assauts des chasseurs, c’est en tout cas ce qu’espère la petite Margot. Daniel Bessaih propose une comédie déjantée dans laquelle on croise un lapin en colère, (si si si !), un loup visiblement perturbé et deux sangliers qui ne sont pas de très bonne humeur. Entre les comportements humains et ceux des animaux, les différences se font bien minces, le tout dans une mise en scène d’Éric Fanino. 16 décembre Maison du Peuple, Gardanne 06 18 81 97 10 ville-gardanne.fr

Quoi de plus triste, pour un clown, que de perdre son rire ? C’est ce qui arrive à Eugenio, à qui ses amis vont essayer de rendre la joie de vivre et l’envie de… faire rire à nouveau les spectateurs sous le chapiteau ! Jen Rival (chanteuse et comédienne) et Nicolas Méheust (multiinstrumentiste) mettent en musique, et en jeu, le dessin animé de Jean-Jacques Prunès adapté de l’album de Lorenzo Mattotti et Mariane Cockenpot (Seuil jeunesse). Dès 3 ans.

La pièce de la Cie Anima Théâtre commence dès l’entrée du théâtre, dès la vision d’un fil rouge, par terre, qu’une comédienne invite les tout-petits à suivre… et qui mène à un cocon douillet, vaste étendue molletonnée remplie de coussins. C’est là, sous un entrelacs de fils parlants, chantants, chuchotants, et entourés d’objets insolites et colorés, que se tissent des liens, tout en douceur et poésie. Dès 18 mois. 16 décembre Théâtre La Colonne, Miramas 04 90 50 66 21 scenesetcines.fr

Au sein d’une humanité chancelante, une femme et trois hommes, dont les trajectoires de vie vont se croiser, tentent de construire une histoire commune. Dans l’univers intime et singulier, très visuel, de Nathalie Béasse, c’est par la danse et le rythme que les quatre interprètes vont affronter la matière, sur de la musique mais aussi des textes, tels des bribes de vie, de Shakespeare, Duras, Stein et des poèmes et chants d’Indiens d’Amérique du Nord.

© Jérôme Blin

Emilie Lalande poursuit sa carrière de jeune chorégraphe en s’attachant aux récits de nos enfances. Après un superbe Pierre et le Loup, elle adapte le génial film d’animation de Paul Grimault d’après le contre de Jacques Prévert, Le Roi et l’Oiseau. Le conte chorégraphié nous rappelle que l’inhumanité des puissants peut leur être fatale et que l’amour et la liberté sont une source inépuisable de joie.

18 décembre Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 theatre-arles.com


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au programme spectacles bouches-du-rhône vaucluse alpes

Comme chaque année depuis 15 ans, les arts de la rue insufflent la féerie dans les rues et sur les places de la ville d’Arles. Pour l’ouverture et la clôture de la manifestation, place aux spectacles grandioses en extérieur : dans leur boîte à musique aérienne, les acrobates-danseurs-musiciens du Theater Tol ouvrent les festivités, transformant les cieux arlésiens en un ballet magique ; tout aussi impressionnant, Ôkto, de la Cie Cercle de Feu, célèbre la pyrotechnie sous toutes ses formes. Mais le public pourra aussi découvrir des petites formes tout aussi alléchantes, avec les Cies Gandini Juggling, Bitume Palace, Qui Bout !, Arthéma, Cycloplume…

©Photo Raphaël Gilles © Design Racasse Studio

Cowboys

A vélo vers le ciel © Theater Tol

Drôles de Noëls Le petit chaperon rouge Julien Gelas adapte et met en scène le conte le plus fameux de la culture enfantine. Mais il le dote de plus de ruse, une compétence bien utile face au grand méchant loup. En tirant l’histoire vers l’esprit de notre temps, il pose une question fondamentale : comment être bon sans se laisser duper par ceux qui voudraient abuser de cette bonté ? Création tout public, à voir en famille.

Sortie de résidence au Théâtre des Doms, pour cinq cow-boys (et girls) emmenés par Delphine De Baere. Fruit d’une écriture collective misant sur le burlesque, la trame du spectacle conduit ces jeunes gens à agir « comme si la guerre grondait tout autour, sourde et répandue sur le monde telle une gigantesque nappe de pétrole ». Il va s’agir de combattre des ennemis et une morale pas tout à fait imaginaires. 20 décembre Théâtre des Doms, Avignon 04 90 14 07 99 lesdoms.be

© Yannu

21 au 24 décembre Divers lieux, Arles Droles-de-noels.fr

Les Princesses

19 au 21 décembre Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 chenenoir.fr

L’association Perspective Nevski, dirigée par Sandrine Roche, a entamé une recherche sur la croyance, suite à une série de rencontres menées dans toute la France avec des enfants, du CE1 à la 3e. « Du Père Noël à Dieu, en passant par le foot, Zorro, Johnny, la politique… » Une dizaine de danseurs, comédiens et musiciens esquissent le premier jet d’un spectacle en devenir, dont la mouture finale est prévue aux Halles en 2020.

19 décembre La Garance, Cavaillon 04 90 78 64 64 lagarance.com 20 décembre Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 theatredeshalles.com

© Laurent Alvarez

Un spectacle destiné plus particulièrement aux adolescents, à partir de 12 ans. La metteure en scène Émilie Leroux a été attirée par les thèmes forts du texte, signé Élizabeth Gonçalves : « la transmission des traditions familiales, l’école, les rapports femme/homme, la pauvreté, la maltraitance ». Le point de vue est celui d’une fillette, à laquelle ses parents immigrés souhaitent donner un avenir meilleur que le leur... sans vraiment l’écouter.

Croizades

Sandrine Riche © Caroline Ablain

© Jessica Calvo Ruiz

La migration des canards

Les Princesses d’aujourd’hui sont bien plus gaillardes que celles des décennies passées. Vues par le Collectif Cheptel Aleïkoum, elles sont incarnées par de « belles acrobates musclées, qui n’ont pas besoin de princes pour s’envoyer en l’air ». Du cirque intelligent et débordant de vitalité, pimenté par une musique rock’n’roll jouée en direct. Dès 9 ans. 18 au 20 décembre La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu


24 au programme spectacles alpes var alpes-maritimes hérault

Le Fils

Le grand orchestre de poche

Des chaises, des sceaux, des paillettes et du faux sang ; cinq comédiens. Voilà de quoi embarquer pour Troie, et retour à Ithaque. La jeune metteuse en scène Pauline Bayle propose un diptyque somptueux d’invention, où la simplicité des moyens découvre la force magnifiquement évocatrice du texte et des images. Guerre, courage, passion, fantaisie. Tout est prêt pour le voyage. (3h30 avec entracte)

© Blandine Soulage

Elle est pharmacienne, elle a tout ce qu’il lui faut, mais pas plus. Catholique, par habitude. Et elle commence à militer, par ennui, par curiosité, parce que ça lui tombe entre les mains, pour les mouvements anti IVG et mariage pour tous. Histoire d’une radicalisation terrible de simplicité, née du désir premier d’exister. Texte de Marine Bachelot Nguyen, porté haut par Emmanuelle Hiron, seule en scène.

© FMdF

© Thierry Laporte

Iliade / Odyssée

21 & 22 décembre Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr

20 décembre Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 theatre-du-brianconnais.eu

18 décembre Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com

Songe ! Injonction à rêver ? Cri émerveillé de surprise ? Le titre, déjà, invite à s’approprier ce texte phare et monstre de Shakespeare, Songe d’une nuit d’été, que Florence Lavaud a adapté pour un interprète (Jérémy Barbier d’Hiver) et trois musiciens (batterie, basse, guitare). C’est en famille qu’on vient vivre l’épopée, en danse, vidéo, théâtre, musique, performance... Expérience féérique.

© Charles Zang

La comédienne et dramaturge Emmanuelle Hiron a suivi, pendant plus d’un an, le quotidien de la médecin gériatre Laure Jouatel, dans un EHPAD près de Rennes. Elle y a filmés les résidents, et recueilli leur parole. Sur scène, elle se mue en Laure Jouatel, redit ses doutes, offre un témoignage de l’intérieur. Sur un écran, la parole et les visages des « vieux invisibles ». Beau et nécessaire. (lire journalzibeline.fr) 21 décembre Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 theatre-du-brianconnais.eu

BP Zoom

© DR

© Francois Langlais

Les Résidents

Il a joué partout (et encore aujourd’hui) son Monsieur Mouche. Le clown Thomas Garcia revient, cette fois avec deux musiciens (Karim Malhas et Joris Barcaroli) ; trio de choc, ukulélé en bandoulière. Le concert pour lequel ils se sont tant préparés a lieu ce soir, et tout vire au fiasco ! Le pupitre s’effondre, les corps vacillent, les temps se mélangent les pinceaux, les disputes fusent. Grand moment burlesque pour toute la famille !

18 décembre Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com

Mister B, le petit malin pince-sans-rire (Bernie Collins) et Mister P, le grand naïf (Philippe Martz) tournent depuis 20 ans dans le monde entier. Pour fêter cette double décade, ils proposent un florilège de leurs meilleurs numéros. Du talent à l’état pur, qui fait rêver et rire. Leurs histoires sans parole (ou presque) incarnent un cirque poétique et follement drôle, tout en maitrise acrobatique. 16, 19, 21 & 22 décembre Le Cratère, Alès 04 90 14 26 06 lecratere.fr


au programme spectacles hérault 25

Vertikal

Recréation d’une mémorable prestation (en 2001 au Festival d’Avignon), l’adaptation d’À la recherche du temps perdu de Proust par (et avec, seul en scène) Serge Maggiani et Charles Tordjman (mise en scène) a tout de l’événement théâtral. Spectacle en deux temps (« Combray » et « Les intermittences du cœur »), deux moments interprétés dans un vertige de proximité et de profondeur.

21 & 22 décembre Chapiteau, Domaine d’O, Montpellier 0 800 200 165 domainedo.fr

© Laurent Philippe

Je poussais donc le temps...

Chaque hiver en décembre, les élèves de formation professionnelle du Centre des arts du cirque Balthazar à Montpellier expérimentent le passage entre formation et scène publique dans le chapiteau du Domaine d’O. Énergie et fraicheur, volonté de montrer du nouveau, souci d’assurer ses classiques, tout concourt à découvrir de beaux artistes prometteurs. L’école fête cette année ses 20 ans. Le hip hop, danse née des trottoirs urbains, est viscéralement attaché au sol, au contact avec le bitume. Mourad Merzouki, après son succès mondial Pixel où il projetait les danseurs dans un univers 3D et virtuel, pénètre dans la dimension verticale. Dans un dispositif conçu par la Cie Retouramont et la scénographie de Benjamin Lebreton, les 10 interprètes se confrontent à l’envol, sanglés dans des baudriers. Leur nouvel élément est le mur, pour une pièce entre cirque et danse.

© Eric Didym

© Corinne Gal

Rêves lucides

Je poussais donc le temps avec l’épaule 17 au 19 décembre Église Saint-Félix, Domaine de Bayssan, Béziers 04 67 28 37 32 sortieouest.fr

18 au 20 décembre Le Corum, Montpellier 0 800 600 740 montpellierdanse.com

Willy Wolf

Le Cirque Poussière

© La Contrebande

© Renaud Dupré

Histoire d’une mouette...

21 & 22 décembre Théâtre Jean-Claude Carrière, Domaine d’O, Montpellier 0 800 200 165 domainedo.fr

Au Bar du théâtre Jean Vilar, tous les spectacles sont gratuits. Projets associatifs, concerts, projet participatif, et aussi un spectacle Jeune public. Ce sera l’Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler, adapté du délicieux ouvrage de Luis Sepúlveda. Une mouette arrive à bout de force sur le balcon où trône Zorbas le chat. Elle pond son dernier œuf et fait promettre au félin de prendre soin de l’oiseau à naître... Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler 19 & 20 décembre Théâtre Jean Vilar, Montpellier 04 67 40 41 39 theatrejeanvilar.montpellier.fr

Entre clins d’œil au passé et pied de nez au présent, le Cirque Poussière est un enchantement de l’instant, un music-hall de poche, une opérette rêvée... Les 4 circassiens-musiciens opèrent sur un plateau circulaire surélevé, manège aux souvenirs. Distributions de numéros plein d’adresse (jonglage, acrobaties, voltige,...), enchantement garanti.

© Vincent d'Eaubonne

Difficile, lorsqu’on est un as de la voltige, d’échapper à la tentation du toujours plus de risque, d’explorer la limite entre maitrise et folie. La Cie de cirque La Contrebande (venue présenter son Bal Trap en 2017), creuse cette fois la frontière entre exploit et absurde flirt avec le danger. Willy Wolf était un cascadeur, mort en sautant du pont de Nantes au début du XXe siècle, devant son public avide de sensations. L’histoire d’un funeste engrenage du toujours un peu plus (loin, haut,...).

20 au 22 décembre Domaine de Bayssan, Béziers 04 67 28 37 32 sortieouest.fr


26 au programme musiques bouches-du-rhône vaucluse

Kid manoir

Verdi !

© X DR

La comédie musicale de Guillaume Beaujolais, Fred Colas et David Rozen nous entraîne dans un jeu interactif animé par Malicia, la « forcément sublime » qui guide quatre nouveaux candidats dans le Palais oublié de l’antique cité de Tanis. À la clé, le trésor du Kid Manoir. Mais rien ne se passe comme prévu, une momie surgit de nulle part et l’histoire déraille entre malédictions, trahisons et sarcophages. De l’amour, de la danse, du chant, de la fantaisie, du mystère… ingrédients bienvenus pour les fêtes !

20 décembre Temple Grignan, Marseille 06 98 62 00 13

Kid Manoir, la malédiction du pharaon 20 & 21 décembre Odéon, Marseille 04 96 12 52 70 odeon.marseille.fr

18 décembre Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence 08 2013 2013 lestheatres.net

16 décembre Abbaye Saint-Victor, Marseille 06 66 12 45 11

Noël Baroque

© DR.

Chants traditionnels, César Franck, Gioacchino Rossini, Wolfgang Amadeus Mozart, Jean-Sébastien Bach, tous chantent Noël. Et pour servir son esprit, conjuguent leur talent les superbes musiciens que sont Lucile Pessey (soprano), Catherine Bourgeois (mezzo), Jean-Christophe Born (ténor), Mickaël Piccone (baryton), Freddy Eichelberger (orgue). Délicieux moments à partager, d’Exultate Jubilate à Amazing Grace...

Catherine Bourgeois © Franck Martinet

Gayané Hovhannisyan © X DR

16 décembre Pic-Télémaque, L’Estaque 04 91 43 10 46 ensemble-telemaque.com

Quarante musiciens d’exception, des instruments anciens, la patine originelle des pièces orchestrales, le Cercle de l’Harmonie dirigé avec passion par son jeune et talentueux chef Jérémie Rhorer nous emporte dans l’univers des opéras de Verdi, airs de Rigoletto, Il Trovatore, La Traviata, avec Vanina Santoni (soprano), Saimir Pirgu (ténor), Gabriele Viviani (baryton). Immanquable recette !

Les amis de Saint-Victor chantent Noël

Concert de Noël harmonie de l’Estaque

La qualité du Chœur lyrique des Enfants de l’Estaque, (composé d’enfants et d’adultes) dirigé par la cantatrice Gayané Hovhannisyan n’est plus à démontrer. L’art lyrique y devient culture populaire, grâce à une éducation musicale exceptionnelle. Cette année, il fête Noël au Pic-Télémaque pour le plus grand bonheur de tous !

Un programme de haute volée est prévu au Temple Grignan, grâce à l’Ensemble Gyptis. Trois grandes œuvres sacrées des XVIIe et XVIIIe siècles seront interprétées avec une intelligente et élégante passion, le Stabat Mater d’Antonio Caldara, la Messe Brève d’Antonio Lotti et le Veni Sancte Spiritus et Ave Verum de Mozart. Partitions exigeantes d’une délicate spiritualité.

Jérémie Rhorer © Luc Braquet

© X DR

Ensemble Gyptis

L’Ensemble Horae (fondé en 2016) nous entraîne dans un programme empli de surprises et de beautés servies par Marion Schürr (soprano), Corinne Bernard (traverso), Nicolas Loth (clavecin), Marie-Pierre Filloux (basse de viole). Bach et Purcell seront accompagnés d’autres compositeurs pour notre plus grande joie. 16 décembre Église de La Tour d’Aigues 06 42 46 02 50 festival-durance-luberon.com


27

au programme musiques bouches-du-rhône vaucluse hérault

Ici-Bas

Du rock pour petits et grands avec Enfantillages 3, onzième album déjanté de l’hyperactif Guillaume Aldebert. Un succès fou depuis plus de dix ans pour le malicieux artiste qui entretient un relation fidèle avec son public intergénérationnel. Sous des mots à l’apparence juvénile et des mélodies joyeuses, Aldebert n’infantilise jamais ses jeunes fans. Des textes intelligents, poétiques et engagés, pour un concert aux allures de fête endiablée.

© Agathe Poupeney

Dans le cadre du Festival de Radio France et Montpellier, l’opéra-comique d’Offenbach dont le livret, inspiré de la pièce d’Alfred de Musset, fut composé par son frère aîné, Paul de Musset, nous lance à la suite de Fantasio (Rihab Chaieb), un étudiant enclin au spleen qui se travestit pour prendre la place du bouffon de la cour. L’amour s’en mêle et réussira à triompher des embûches de classe. L’Orchestre National Montpellier Occitanie, dirigé par Pierre Dumoussaud, accordera sa brillante palette à la mise en scène de Thomas Jolly.

21 décembre au 6 janvier Opéra Comédie, Montpellier 04 67 601 999 opera-orchestre-montpellier.fr

18 décembre Théâtre Molière-Sète, Sète 04 67 74 02 02 theatredesete.com

Brocante Sonore

Sandro Zerafa Quartet

Guitariste maltais expatrié à Paris depuis plusieurs années, Sandro Zerafa propose en 2017 More Light, un quatrième album au jazz poétique et lumineux paru chez Jazz&People. Accompagné de Yonathan Avishai au piano, Yoni Zelnik à la basse et Lukmil Perez Herrera à la batterie, Zerafa sert en quartet neufs compositions au groove léger, sur une ligne mélodique claire qui flirte avec élégance entre tradition et modernité. 15 décembre Le Moulin à Jazz, Vitrolles 04 42 79 63 60 charlie-jazz.com

16 décembre (14h30 et 18h) Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 les-salins.net

Concert insolite à l’Autre Scène, bric-àbrac de ferrailles et de tuyaux, les neufs musiciens de Zic Zazou font de la musique avec ce qui leur passe sous la main. Des ouvriers du son experts dans les perceuses, les tuyaux d’arrosages, les bouteilles de verre ou les alarmes à incendie. Un joyeux remue-ménage enchanté par la magie du détournement qui, loin de faire grincer les oreilles, les fait plutôt tinter de jolies mélodies. Un spectacle qui plaira aux petits comme aux grands.

© Ville de St Dié des Vosges

Fantasio

© Oliver Degrabriele

Pascal Amoyel © DR

16 décembre Théâtre du Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 theatredubalcon.org

Gabriel Fauré préférait entendre sa musique chantée par des amateurs plutôt que par des voix lyriques. Le projet Ici-Bas invite des chanteurs qui viennent des univers de la chanson, du jazz, de la pop, Élise Caron, Piers Faccini, John Greaves, Kyrie Kristmanson, Himiko Paganotti, Rosemary Standley pour servir avec toute leur sensibilité les mélodies où résonne la poésie de Verlaine, Gauthier, Hugo… dans les arrangements de Baum soutenus par Simon Dalmais (piano), Anne Gouverneur (violon), Maëva Le Berre (violoncelle), Olivier Mellano (guitare et direction musicale).

© Vincent Capraro

Les enfantillages d’Aldebert

On dit qu’il a cinquante doigts. Le pianiste Pascal Amoyel revient au théâtre du Balcon avec sa verve et sa virtuosité époustouflante, qui font de chaque concert un spectacle où comédie et musique se mêlent. Bach, Mozart, Haendel ouvrent la porte des œuvres de Beethoven, que l’on n’entendra plus jamais de la même manière après l’enquête palpitante menée au cœur de ses 32 Sonates pour piano !

© Haruko Maeda

Opus 110

21 décembre L’Autre Scène, Vedène 04 90 31 07 75 operagrandavignon.fr


28 au programme arts visuels var bouches-du-rhône

Denis Rouvre Des portraits de stars aux anonymes « à la vie ordinaire et aux destins extraordinaires », les photographies de Denis Rouvre questionnent la puissance et la fragilité de l’homme. Le Liberté expose sa dernière série consacrée aux sumo, dont les canons esthétiques sont à l’antipode des codes de la virilité occidentale, à l’occasion du Théma « Mon corps, j’adore ». Derrière l’impassibilité de leurs visages, la fatigue laisse imperceptiblement des traces. M.G.-G. jusqu’au 25 janvier Le Liberté scène nationale, Toulon 04 98 00 56 76 theatreliberte.fr

Sumo © Denis Rouvre

Estonian Modern Nous tenons l’occasion rare de rencontrer le savoir-faire estonien en matière de design. Rendez-vous bien sûr au « Corbu » avec deux expositions. À l’appartement 556, une sélection de mobilier et objets contemporains et au MaMo, une présentation historique de pièces des années 30 qui évoqueront le lien avec l’architecte de la Cité Radieuse. Pop-up store de Noël dans la galerie Kolektiv 318. C.L. 15 décembre au 15 janvier Unité d’Habitation Le Corbusier, Marseille 04 13 63 52 79

une création de Johanna Tammsalu, exposition Estonian Modern, galerie Kolektiv 318, Marseille. Photo Courtesy Kolektiv 318

Se mettre en 5 Et ce sera la Der des Der...Avant de baisser définitivement le rideau, une des dernières galeries historiques de Marseille se met en 4..., en 5 : Julien Blaine, Charles Dreyfus, Vincent Friot, Patrice Lerochereuil et Wilfrid Rouff tireront les dernières cartouches à défaut du feu d’artifice. Vernissage en beauté et performance vendredi 14/12 à partir de 19h. C.L. 14 décembre au 9 janvier Galerie Jean-François Meyer, Marseille 04 90 33 95 01 marseilleexpo.com

Charles Dreyfus © Jean-Claude Marut

Fos-sur-terre Le territoire de Fos-sur-Mer a fait l’objet de maintes études dont certaines à travers l’œil des photographes. Sept étudiants de l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles retournent sur les pas de leurs aînés -Baltz, Davies, Garnell, Basilico – pour en renouveler l’approche et le regard. Projet mené avec l’Artothèque Intercommunale de Miramas. Vernissage le 14/12, conférence de Raphaële Bertho le 15. C.L. 15 décembre au 7 janvier Centre Culturel Marcel Pagnol, Fos-sur-Mer 04 42 11 01 99 Fos © Jullian Grollinger, ENSP/Arles


au programme arts visuels bouches-du-rhône alpes-maritimes hérault 29

Eiji Ohashi Si Eiji Ohashi découvre la photographie à 20 ans, ce n’est qu’à 55 ans qu’il s’y consacrera pleinement, d’abord à travers une série sur les distributeurs de boissons dont est tirée l’exposition Roadside Lights présentée en partenariat avec la Galerie &col119 à Paris. Ses clichés remettent en cause les valeurs de la société japonaise en se focalisant sur la recherche de confort et de facilité toujours plus vive chez ses compatriotes. M.G.-G. Roadside Lights 14 décembre au 16 février Galerie Marianne Cat, Marseille 04 91 55 05 25 © Eiji Ohashi, Courtesy Galerie &co119

Déclics Niçois 2e édition de ce festival pensé pour tous les publics, avec conférences, expositions, (en plein air ou en intérieur), lectures, concours photographiques et animations autour de l’image. À noter la présentation d’une partie de l’immense corpus de la photographe découverte par hasard, après sa mort (en 2009), Vivian Maier, nourrice professionnelle, et observatrice compulsive du quotidien. Projection d’un film documentaire sur sa mystérieuse vie le 12 janvier. jusqu’au 20 janvier Parc Phœnix, Nice declicsnicois.com

© collectif photon

Antigone Julien des Monstiers et Ken Sortais ont travaillé de concert sur cette exposition, pensée entièrement sur mesure, faite de pièces inédites réalisées pour ce projet et parfois même produites à quatre mains. Un contrepoint visuel coloré, à taille humaine et mythique, au quartier éponyme montpelliérain. Les deux artistes ont reçu le Prix Coup de Cœur des membres de Mécènes du sud Montpellier-Sète en 2017. jusqu’au 16 février Mécènes du Sud, Montpellier 04 34 40 78 00 mecenesdusud.com

Soirée Coup de Cœur 2017 © Elise Ortiou-Campion

Alexandre Hollan Le musée Fabre présente pour la première fois, au sein de sa collection contemporaine, la donation d’une centaine d’œuvres (peinture et art graphique) faite par le peintre hongrois Alexandre Hollan en 2017. Depuis les années 80, l’artiste trouve dans la garrigue languedocienne le cadre de l’expression du lien originel entre l’Homme et la Nature, dont il restitue dans son œuvre les silences et les vibrations. L’Invisible est le visible jusqu’au 10 mars Musée Fabre, Montpellier 04 67 14 83 00 museefabre.montpellier3m.fr Dans l’arbre, 2011, acrylique sur toile 180 x 180 cm


Les films à ne pas louper cette semaine Le rebelle de King Vidor dimanche à 00h30 Il était une fois en Amérique de Sergio Leone lundi à 20h50

petit

écran

La grande attaque du train d’or de Michael Crichton lundi à 20h55 Lola de Jacques Demy lundi à 21h Runaway train d'Andrey Konchalovsky lundi à 22h40 Journal d’une femme de chambre de Luis Buñuel mardi à 00h20 Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau mercredi à 20h55 Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire de Felix Herngren mercredi à 23h10 L’inconnu du Nord Express d’Alfred Hitchcock jeudi à 20h55 Possessions d'Eric Guirado jeudi à 21h Une femme disparaît d’Alfred Hitchcock jeudi à 22h35

Dracula l’éternel dimanche à 14h Après Tarzan la semaine dernière, la Galerie France 5 poursuit l’exploration d’icônes populaires en ce mois de décembre : place à Dracula, comte des Carpates, archétype du vampire moderne depuis son invention par Bram Stoker en 1897. Emmanuelle Nobécourt analyse les origines du mythe, et son incursion dans le champ de la littérature au début du XIXe siècle. À l’issue d’un séjour effectué par de jeunes Anglais romantiques sur les rives du lac Léman, parmi lesquels Mary Shelley et Lord Byron, ont émergé deux figures complémentaires : le vampire, rentier profiteur qui se repaît du sang des autres, contre Frankenstein, le robot laborieux ! Le documentaire évoque aussi une résurgence du spirituel face à la révolution industrielle, et les multiples avatars du vampirisme à travers les époques, qui devint même instrument de propagande militaire pendant la guerre de 14-18.

Hommage à Maryse Condé dimanche à 12h Figure de la littérature caribéenne, l’auteure guadeloupéenne Maryse Condé est la lauréate 2018 du Prix de la Nouvelle Académie de littérature. Venue chercher son Prix Nobel alternatif de littérature le 9 décembre à Stockholm, on la retrouve dès midi dans l’émission Page 19 de Daniel Picouly, qui visite l’écrivaine dans sa maison de Gordes, dans le Vaucluse, où elle a trouvé refuge aux côtés de son époux Richard Philcox, qui est aussi son traducteur. À 22h40, le documentaire de Jérôme Sesquin, Maryse Condé, une voix singulière, retrace le parcours de l’artiste, de la Guyane à New York, en passant par Paris. Elle y évoque aussi son combat pour la littérature créole, et en faveur de la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’Humanité. À 23h35 enfin, La Vie sans fards est la captation d’un spectacle d’Eva Doumbia, adaptation de l’autobiographie éponyme de Maryse Condé, parue chez Grasset, en 2012.

État de santé : tensions aux urgences dimanche à 20h30 Ce n’est plus un secret, les urgences sont saturées. Un afflux annuel de plus de 20 millions d’entrées, qu’elles ne peuvent plus absorber : deux patientes sont décédées l’an dernier, faute de soins dans des couloirs débordés ; mal aiguillée par le service téléphonique du SAMU de Strasbourg, une jeune femme a succombé à un infarctus. En plateau, l’animatrice Elizabeth Martichoux analyse les raisons de la saturation, en compagnie de l’invitée Agnès Ricard-Hibon, chef de service du SAMU SMUR Val d’Oise et praticienne. Des reportages détaillent le fonctionnement du 15, et égrainent les préconisations : la présence permanente d’un médecin généraliste en salle de réception des appels, ou encore une gestion informatisée des lits, comme à Poitiers.

Infrarouges, Petits arrangements avec Noël mardi à 23h25 L’esprit de Noël vu par une ancienne réalisatrice de Strip-Tease, ça a le fumet de la dinde aux marrons, l’expression d’une jubilation non feinte, mais aussi d’une certaine mélancolie. Pour l’émission belge, Lorène Debaisieux avait réalisé des épisodes devenus longs métrages (Une affaire de justice ; J’habite chez mon chien). Elle s’était aussi intéressée aux dysfonctionnements familiaux, à la paternité, aux questions de genre… Ici, sans voix off et avec pudeur toujours,


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elle suit la mission d’un Père Noël en tournée, accompagné de son Lutin, au sein de familles respectueuses des traditions. On capte aussi les émotions au sein de tribus recomposées à base de complexes dîners familiaux démultipliés, les espoirs mis dans les préparatifs… Une belle façon d’attendre le Réveillon, tout en demi-teintes.

L’argent de la neige jeudi à 20h30 Pascal Carcanade et Laurent Cibien analysent de quelle manière les stations de ski se sont métamorphosées en 50 ans, créant de véritables « parcs d’attractions », zébrant nos montagnes de remontées mécaniques, sous le règne du tout marketing. L’aménagement de la montagne est un savoir-faire qui se transmet, et la guerre économique fait rage entre la France, la Suisse, l’Autriche, à la conquête de nouveaux marchés. En premier lieu : la Russie, qui défriche actuellement le Nord Caucase, dans la lignée des JO d’hivers de Sotchi. Forte de son Plan Neige établi dans les années 60, la France exporte en masse son modèle de domaine skiable, via la Compagnie des Alpes, filiale de la Caisse des dépôts. Vertigineuses sont les visites de sites vierges en passe d’être construits, tout comme la fuite en avant qui conduit aujourd’hui à créer des pistes de ski jusqu’en Afrique du Sud. En Russie, le sport d’hiver devient une arme géopolitique : « faites du ski, pas la guerre » !

Le grand échiquier jeudi à 21h Du neuf avec du vieux ? France 2 ressort des cartons Le grand échiquier, émission phare des années 70 et 80, alors présentée par Jacques Chancel. Anne-Sophie Lapix prend les rênes de ce nouveau rendez-vous culturel, qui vient épauler l’hebdomadaire Stupéfiant de Léa Salamé, toujours cantonné en deuxième partie de soirée le lundi. Invités de la première émission, Daniel Auteuil, l’ex-danseuse étoile et directrice du Ballet de l’Opéra de Paris Aurélie Dupont, le ténor Roberto Alagna et la soprano Aleksandra Kurzak devraient nous faire partager à leur tour leurs coups de cœur. L’émission se tiendra en direct depuis le Palais des BeauxArts de Lille, avec le concours de l’Orchestre National de Lille dirigé par Alexandre Bloch.

Au clair de la lune, El Baile jeudi à 01h40 Librement inspiré du spectacle Le Bal de Jean-Claude Penchenat, qui avait été porté sur grand écran par le cinéaste Ettore Scola en 1983, El Baile en est une adaptation transposée dans le contexte argentin par la chorégraphe Mathilde Monnier et l’écrivain Alan Pauls. La pièce convoque le tango sous toutes ses formes, mêlé de milonga, de danse contemporaine, d’électro et même de rap. Chorégraphie et bande sonore invitent aussi la samba, la techno, la cumbia… La truculence déjà présente dans l’œuvre originelle est quant à elle intacte, comme les évocations historiques et sociales, qui parsèment en toile de fond cette évolution des rituels de

danse individuelle et collective depuis les années 70. La captation du spectacle a été réalisée en novembre 2017, au Théâtre National de Chaillot.

Hitchock/Truffaut vendredi à 0h10 David Fincher, Wes Anderson, Martin Scorsese ou encore Olivier Assayas le confessent en préambule : l’ouvrage Le cinéma selon Hitchcock publié par Truffaut en 1966 les a bouleversés, confortant parfois une vocation alors naissante. Kent Jones détaille cette série d’entretiens menés par François Truffaut avec le maître du suspens. Hitchcock a alors 63 ans, et vient d’achever Les Oiseaux, son 40e film ; deux fois plus jeune, Truffaut a déjà gagné le respect de la profession, après seulement deux longs-métrages. L’entretien durera 8 jours, ce documentaire en retrace les thématiques fortes, présentant des archives d’époque et extraits de films émaillant les propos échangés. En toile de fond, une époque charnière du 7e Art, où les critiques des Cahiers du cinéma se muaient en cinéastes de la Nouvelle Vague. Une seule envie à l’issue du visionnage : se replonger dans la filmographie du cinéaste britannique ! Ça tombe bien, Arte propose un cycle spécial jusqu’à début janvier… JULIE BORDENAVE

Et aussi… Monuments sacrés samedi à 20h50 Les amoureux du chemin de Compostelle dimanche à 21h45 Sergio Leone, une Amérique de légende dimanche à 22h45 La guerre du n°5 lundi à 15h50 Les paradis naturels de Russie lundi à 19h L’Australie et l’art du pistage mardi à 15h45 Infrarouge, le cercle des petits philosophes mardi à 00h Le monde selon Xi Jinping mardi à 20h50 Freddy Lim, un député métalleux au parlement taïwanais mardi à 23h15 Le chimpanzé est un homme comme les autres mercredi à 15h40 Investigations : enquête aux Caraïbes mercredi à 20h55


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critiques cinéma

Entre ombres et lumières L

e Festival Tous Courts a ouvert sa 36e édition devant une salle comble le 4 décembre au cinéma Le Cézanne à Aix. En apéritif, avant que ne se déploie la foisonnante programmation de la semaine, 6 courts hors compétition échantillonnant l’extraordinaire variété formelle du genre. Dans l’ordre d’apparition à l’écran, EX de Jacques Monory, intégré à la série de ses peintures de 1968, intitulées MEURTRES. Hommage à ce peintre-cinéaste mort en octobre dernier à travers ce film dit expérimental. Montage d’images personnelles ou d’archives, photos ou vidéos, en monochromie bleue. Sous la pulsation de la batterie de Daniel Humair, la révolution cubaine, les manifestations collectives, les parties privées, les crashes d’avions et d’automobiles, la course effrénée d’un homme dans la ville et un colt récurrent. Convulsions du siècle, pulsations, composition entre trajectoires et chutes. Du bleu bien noir ! Puis, de la figuration narrative de Monory, on est passé à la fantaisie surréaliste des Portugaises Alice Eça Guimãres et Monica Santos. On se souvient d’Amelia et Duarte. Les réalisatrices y racontaient la

De la joie dans ce combat, de J-G Periot © Les films Pelléas

fin d’une relation amoureuse, combinant images réelles et animations. Mêmes procédés de magiciennes et même inventivité dans le court suivant : Entras sombras. En Noir et blanc cette fois. Dans la lignée des grands polars hollywoodiens. Sauf qu’ici c’est l’homme qui est « fatal », entraînant une employée de la Banque du Cœur dans un casse et une fuite. Le cœur, accessoire précieux déposé dans des coffres forts, à l’abri des affres de l’Amour, se vole malgré tout. L’amour et ses complications quand on a 17 ans, qu’on n’est pas sérieux, qu’on subit l’autorité de parents qui font ce qu’ils peuvent, c’est le propos d’Amir et Léa, qui met en scène le premier choix d’adultes de ce couple : garder l’enfant qu’ils ont conçu et ou opter pour l’avortement. Un film un peu maladroit mais touchant écrit à 7 dans le cadre des Ateliers de la CinéFabrique, école nationale supérieure de Cinéma impliquée dans la formation de Jeunes dans les quartiers sensibles, réalisé par Charlene Favier. Enlevé, politiquement incorrect, et irrésistiblement drôle, Kleptomami de Pola Beck bouscule le mythe de la mère parfaite. Pour convaincre un agent de sécurité

qui l’a surprise à voler dans le supermarché en utilisant la poussette dans laquelle un bambin rose et rieur devient complice de sa madrée maman, la protagoniste fera le récit sans concession du calvaire de sa grossesse, des horreurs de l’accouchement et du post-partum ! Petit bonheur d’animation : Fire in Cardboard du néozélandais Phil Brough, enchaînement gaguesque d’un incendie dans une ville en carton jusqu’à une chute inattendue qui « noie le poisson ». Et grand bonheur avec De la joie dans ce combat, documentaire bouleversant de Jean-Gabriel Périot : un chœur amateur de banlieue, des portraits en gros plans sur fond noir, filmés dans la respiration du chant lyrique de Thierry Escaich, entre peur et affirmation de soi, parole individuelle et collective. La musique comme le cinéma, moyen de résister et de sortir de l’isolement ! ELISE PADOVANI

Le festival Tous Courts s’est tenu du 4 au 8 décembre à Aix-en-Provence


au programme cinéma 33

More Moreau D

epuis cet été, Jeanne Moreau a élu domicile à la Maison Jean Vilar. Sa voix si particulière et reconnaissable entre toutes remplit le premier étage de l’Hôtel de Crochans dans l’exposition qui lui est consacrée, « Je suis vous tous qui m’écoutez - Jeanne Moreau une vie de théâtre ». La commissaire Laure Adler a conçu un parcours tout en sons (interviews, tirades captées sur scènes), diffusés dans l’ensemble de l’espace très finement scénographié par Nathalie Crinière. Axée sur la carrière théâtrale de la comédienne, l’exposition se décline aussi en plusieurs soirées cinématographiques, élaborées avec l’association étudiante Les nuits des CinéFils et Filles et le cinéma d’art et essai Utopia d’Avignon. Cette nouvelle programmation débutera le 18 décembre, avec la projection de l’ultime film d’Elia Kazan, Le Dernier Nabab (1976), où Jeanne Moreau interprète une comédienne venue tourner un film hollywoodien supervisé par le grand producteur bientôt déchu au nom prédestiné : Monroe Stahr (Robert de Niro). Ce n’est certes pas son plus grand rôle sur la pellicule, mais quel plaisir de retrouver ce casting éblouissant autour de la comédienne française (Robert Mitchum, Tony Curtis, Jack Nicholson...), dans une histoire qui raconte le cinéma des années 30, ses turpitudes, sa folie, son magnétisme, sa force, son art... Depuis la mort de sa femme, Monroe s’est lancé à corps perdu dans le travail. Il est le meilleur producteur d’Hollywood, le plus brillant, sincèrement passionné par le septième art. Un jour, sur un plateau de tournage, il rencontre la jeune Kathleen, qui ressemble follement à sa femme. Il succombe, malgré sa fidélité à celle qu’il aimera à jamais. Mais l’idylle tourne court, ça n’était qu’un fantasme, une image de romance, le laissant désespéré face à ceux qui veulent le pousser dehors. Peinture mélancolique d’un monde disparu, l’âge d’or du cinéma d’Hollywood, d’après le livre posthume de Scott Fitzgerald, avec un De Niro impressionnant de charisme, séducteur et cassant à la fois. En première partie de soirée, Emmanuel Ethis, sociologue de la culture, spécialiste

Le Dernier Nabab © MCMLXXVI by Gelderse Maatschappij

de l’étude des publics, au cinéma et dans les grands festivals tels ceux d’Avignon et de Cannes, animera une rencontre : « Quand le cinéma se met en scène ». Que raconte le cinéma lorsqu’il parle de lui-même ? Comment se représente-t-il et comment se réinvente-t-il perpétuellement en puisant dans sa propre histoire ? Une invitation à partir à la redécouverte du cinéma, par ce que le cinéma lui-même produit comme récit. La Maison Jean Vilar et Utopia ont souhaité impliquer l’association étudiante Les Nuits des Cinéfils et Filles afin de réunir des publics venus de différents horizons. Les trois acteurs culturels avignonnais souhaitent ainsi faire découvrir aux nouvelles générations le parcours libre et indépendant de Jeanne Moreau

à travers une grande œuvre cinématographique. À la fin de la rencontre, on pourra échanger autour d’un verre. ANNA ZISMAN

18 décembre rencontre à 19 h et échange à 20 h autour d’un apéritif à la Maison Jean Vilar, Avignon projection et présentation du film à 21 h au cinéma Utopia, Avignon La prochaine soirée se déroulera en février, en présence de Laure Adler, avec la projection de Moderato Cantabile de Margueritte Duras. jusqu’au 13 avril « Je suis vous tous qui m’écoutez Jeanne Moreau une vie de théâtre » 04 90 86 59 64 maisonjeanvilar.org


34 au programme cinéma

Leto

Film de la semaine

L

e cinéaste russe Kirill Serebrennikov, dont le film Le Disciple était sélectionné à Un Certain regard en 2016, aurait dû être à Cannes au dernier festival pour présenter Leto, qui y a été distingué pour sa musique (prix Cannes Soundtrack). Mais le réalisateur était assigné à résidence depuis plus d’un an, accusé de détournement de fonds par le gouvernement russe. Il attend toujours le verdict de son procès… « Je fais ce film à la fois pour et à propos d’une génération qui considère la liberté comme un choix personnel, et comme le seul choix possible. Dans le but de capturer et de souligner la valeur de cette liberté. » Inspiré par l’histoire de musiciens qui ont réellement existé, Leto nous plonge dans un Leningrad des années 80, en un superbe noir et blanc satiné, strié, hachuré, teinté de rouge dans quelques folles séquences oniriques. Une histoire d’amour, de copains, de fous de rock occidental. Mike Naumenko (Roman Bilyk) et sa femme, l’irrésistible Natacha (Irina Starshenbaum) rencontrent le jeune et talentueux musicien Viktor Tsoi (Teo Yoo). Mike veut le guider, Natacha l’embrasser. Du début à la fin, on

Film de la semaine

Leto, de Kirill Serebrennikov © Bac Films

est saisi par l’énergie qui se dégage de ce groupe de jeunes ; ils ont trouvé par la musique le moyen d’échapper à la chape de plomb qui pèse sur le pays. Les jeunes filles refoulées à l’entrée du Club Rock rentrent par la fenêtre et si on n’a pas le droit de se lever, ni de danser, pendant les concerts, les chansons de Kino et Zoopark éclatent dans leurs yeux. Les scènes sur la plage sont éblouissantes et on n’a qu’une envie, c’est de sauter dans les vagues ou de chanter avec eux,

comme lorsque dans un bus, les passagers se mettent à entonner The Passenger d’Iggy Pop. « Cela n’existe pas et cela n’a jamais existé » nous rappelle à plusieurs reprises un personnage conteur. Et pourtant si ! Et durant deux heures, on est sur un nuage, on a envie d’y rester. ANNIE GAVA

Leto, de Kirill Serebrennikov, est sorti en salles le 5 décembre (2h06)

Nous, les Coyotes

Nous, les coyotes de Marco La Via et Hanna Ladoul © Noodles / Studio Orlando

L

a route 66 bordée d’une plaine à touffes rases, les palmiers ouvrant la perspective de routes droites en caméra embarquée dans de grosses voitures

américaines, la plage, les collines, San Monica, le Pacifique, les touristes en chemises à fleurs… Sans y être jamais allés on connaît tous Los Angeles où naissent

les mythes hollywoodiens et les lieux communs ! Nous, les Coyotes de Marco La Via et Hanna Ladoul, comme tant d’autres films avant lui, prend cette cité épuisée de fictions pour cadre et parcourt sa géographie urbaine, mais il le fait par ses marges, en se décentrant. Du point de vue des « coyotes », que la cité a exclus de son territoire et qui errent à la recherche de nourriture ou d’un abri. Les vrais coyotes qui apparaissent en ombres chinoises quand la nuit vient, et, métaphoriquement, ces jeunes attirés par le rêve californien qui se heurtent à une société fermée, dure, dans laquelle, si on n’a pas de réseaux, il est bien difficile de se faire une place. Où on « esclavagise » les stagiaires avec un sourire blanchi. Où on arnaque les innocents, propose des taudis indignes aux arrivants. Rien de clinquant dans cette ville-là. Ce qui


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The Bookshop

Film de la semaine

H

ardborough, Suffolk. Un village côtier paisible. La mer, la plage, les champs, la forêt. Du bleu, du vert, du gris. Un paysage romantique où on se promène solitaire, drapé de capes et d’écharpes de laine. On est en 1959. Florence Green (Emily Mortimer), jeune veuve de guerre, grande lectrice, décide d’ouvrir une librairie dans une maison abandonnée au centre du village : la Old House. Malgré le scepticisme des habitants, le manque d’argent, l’hostilité de Violet Gamart (Patricia Clarkson) qui veut y installer un centre d’art et surtout affirmer son pouvoir sur le territoire. Voilà le pitch de The Bookshop, le dernier film, tourné en anglais, par la plus internationale des réalisatrices catalanes : Isabel Coixet, qui adapte ici un roman à succès de Pénélope Fitzgerald. Propos ténu, tenant en quelques mots. Caractères stéréotypés se définissant dans la grande tradition romanesque. Une héroïne pure, idéaliste, porteuse d’un projet positif pour la collectivité. Des forces d’opposition conservatrices, méprisantes, manipulatrices, incarnées par une Méchante, un Cynique au double jeu, un Banquier et un Avocat rangés

irradie, outre le soleil californien poudrant la photo du film, c’est l’amour et la jeunesse de Jake et Amanda saisis en plans rapprochés dans leurs joies et leurs déceptions passagères. Lui, tatoué, rieur, tendre, le joint en poche, a abandonné son petit boulot de serveur dans l’Illinois pour la suivre. Elle, fille de la bourgeoisie, est en rupture avec sa famille voyant d’un mauvais œil la « cool attitude » de Jake, taxé de loser. Jake, qui, facteur aggravant, aime la poésie française en général et Francis Ponge en particulier. Ce ne sont pas des Rastignac. Devant le panorama de L.A. vue de haut, ils rêvent d’un bonheur paisible. Lui aurait un magasin de surf, elle travaillerait comme assistante de direction. Ils auraient un appartement avec une piscine sur le toit. Une quête d’émancipation sans agressivité. Pour l’heure, les galères s’enchaînent dans la Cité des Anges

The Bookshop d'Isabel Coixet © Lisbeth Salas / Capelight Pictures

du côté des puissants. Des auxiliaires sympathiques : un vieux reclus misanthrope (subtilement interprété par Bill Nighy), ami de la jeune femme par affinités et admiration et une fillette maline mais pauvre. Entre les deux, le chœur des villageois, cancaniers, spectateurs ou relayeurs du drame qui se noue. Pourtant rien de simpliste dans ce film

d’une nuit à la suivante. 24 heures sans sommeil ! Mais le désenchantement ne tient pas sur leur jeunesse et leur amour. Il coule et disparaît. Le scénario est ténu, centré sur ce jeune couple désarmant, la narration, linéaire. Ce film américain à petit budget, à résonnances autobiographiques, tourné en 20 jours par des Français dans la veine du cinéma indépendant, présenté à l’ACID au Festival de Cannes 2018, ne manque pas de charme. Qualité des acteurs (Morgan Saylor et McCaul Lombardi) et sincérité des réalisateurs qui, on le sent, s’incluent dans le Nous du titre.

intelligent et sensible, qui a obtenu trois Goyas (meilleur film, meilleure réalisatrice, meilleur scénario adapté) et aurait pu en obtenir un quatrième pour le travail remarquable du directeur de la photographie : Jean-Claude Larrieu, maître es lumière, es couleurs. Du détail des motifs du tissu d’une robe aux larges frondaisons jouxtant le ciel. La réalisatrice s’est dite concernée par le personnage de Florence parce qu’elle incarne un courage simple face aux « prédateurs », au matérialisme, à la bêtise, parce qu’« elle est femme et porte une vision ». Celle d’un monde rendu meilleur par la littérature, enrichi ou bousculé par les histoires. Pas étonnant que Bradbury et son Fahrenheit 451 reviennent en motif récurrent : l’imagination du classique de science-fiction rejoignant la réalité de la librairie condamnée. Pas étonnant non plus que Lolita, le roman sulfureux de Nabokov, secouant l’hypocrisie puritaine, précipite la défaite de Florence. Une défaite toute relative car il y aura bien transmission, continuité du rêve et de la narration comme le révèlera un épilogue à découvrir. E.P.

ELISE PADOVANI

Nous, les coyotes, de Marco La Via et Hanna Ladoul est sorti en salles le 12 décembre (1h27)

The Bookshop de Isabel Coixet sortira le 19 décembre (1h53) Il a été présenté en avantpremière à CineHorizontes le 12 novembre


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Peindre l’idée

«

Je veux que tu fasses mon portrait », dit l’homme sans visage au protagoniste du dernier roman de Murakami, brillante épopée intérieure en deux tomes, Le Meurtre du Commandeur. L’homme est peintre, épris de musique, le défi lancé au prologue trouve son écho dans le rappel des mots de Debussy, « Jour après jour, je persiste à créer du rien »… Le narrateur, portraitiste à succès, vient d’être quitté par sa femme après six ans de mariage. Il nous entraîne dans son errance sans but au volant de sa Peugeot 205 rouge avant son installation dans la vieille maison perdue dans la montagne d’un immense peintre japonais, Tomohiko Amada, que lui loue son fils, un ami de longue date. Abandonnant l’art alimentaire du portrait, le personnage tente de renouer avec une peinture personnelle, mais ses débuts sont difficiles, seul le néant répond à ses attentes, sans que l’envie de peindre ne s’éteigne. La découverte au grenier d’un tableau de Tomohiko Amada, Le Meurtre du Commandeur, va bouleverser son quotidien.

Quel secret se dissimule dans cette œuvre qui évoque le Don Giovanni de Mozart mais aussi renferme sans doute des clés à propos de la vie du grand peintre ? Autre énigme, son lointain voisin, Wataru Menshiki dont le nom signifie « épargné par les couleurs », qui lui demande de réaliser son portrait. Les détails les plus terre à terre, description des voitures, préparation des repas, jouxtent les considérations à propos du « nihonga » et de l’art occidental, de l’opéra, du processus de la création artistique… Rêve ou réel ? Les frontières s’estompent. Le surnaturel devient une source puissante de retour sur soi, d’analyse. Les tableaux portent en eux une énergie, une capacité

de fascination qui pousse leurs admirateurs à se dépasser, à chercher de nouveaux aspects de vérité. On se laisse guider par l’auteur avec passion, dans les méandres les plus improbables de ce conte moderne fantastique où mythes de l’Occident et du Japon se mêlent en un syncrétisme qui détourne les codes, traverse tous les arts… « La réalité ne se limite pas à ce qui est visible ou pas », et l’art permet de le découvrir… MARYVONNE COLOMBANI

Le Meurtre du Commandeur, volume 1 (Une Idée apparaît) et 2 (La Métaphore se déplace) Haruki Murakami, traduction Hélène Morita éditions Belfond, 23.90 € le volume

Ecorchés vifs

M

oins connue que la légendaire Route 66, la Route 62 en Californie sert de décor et de fil conducteur au roman d’Ivy Pochoda, ex Newyorkaise installée à Los Angeles. Il y a du vécu dans cette longue traversée du désert peuplée d’âmes esseulées, fracassées, déboussolées et violentes. Chaque situation dramatique, chaque dialogue percutant fourmillent de détails qui rappellent à notre souvenir une société qui laisse sur le bas-côté de la route une humanité réduite à être l’ombre d’ellemême. Qui ne s’est pas égaré un jour dans les bas-fonds de New York, Los Angeles ou Chicago ne peut s’imaginer pareil désespoir : misère, ivresse, drogues, braquages,

deals de psychotropes, gangs, mineurs en déshérence, pousseurs de caddy encombrés de bric-à-brac, etc. Et dans ce paysage de désolation, soudain au matin, dans un embouteillage, un homme court, nu, sans but. C’est le début d’une incroyable chevauchée racontée par Ivy Pochoda, qui croise les destins de ses héros en malmenant la chronologie des événements. On suit chaque personnage de court chapitre en court chapitre comme de petites nouvelles, à nous ensuite de recoudre les fils du maillage distendu. Tony, Britt, Ren, Blake sont tous en quête d’amour, de reconnaissance, de liberté ou d’une mère… Tous sont en rupture avec leur vie d’avant dont l'auteure nous livre seulement

quelques indices éparpillés. Seul le désert demeure, immuable, et cette putain de Route 62 qui sépare les beaux quartiers des rues crasseuses de Downtown. Cette Amérique coupée en deux est dépeinte avec un style acerbe mais drôle, une écriture fine qui capte l’infime, ongles crasseux, mince filet de douche, maigreur cachée… L’auteure met à nu le vernis superficiel des villes mirages sans néanmoins épargner ses héros fatigués, addicts aux stup’, prompts à toutes les bassesses et même aux meurtres. Des faubourgs proprets de Los Angeles à la communauté New Age, elle décrit le même monde désenchanté et fait de Los Angeles la cité des anges déchus. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Route 62 Ivy Pochoda, traduit de l’américain par Adélaïde Pralon Liana Levi, 22 €


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«Cacou » ; en provençal, celui qui se la pète, qui fait le fanfaron. En grec Kakou est le génitif de kakos, mauvais, laid. Donc Philo Kakou, la philosophie du mauvais !

Philo Kakou

R

etour sur Aristote, qui nous a fait sortir de la contem- – bon, des potes en toge comme lui - il va répertorier les 134 plation platonicienne pour rentrer dans l’observation constitutions des cités grecques ! des choses mêmes. Il ne s’agit plus de dire que les so- Alors soyons kakou, soyons mauvais et scolaires et passons phistes sont des beaux parleurs et nous embrouillent, par les fameuses 4 causes pour celles et ceux qui ne mais de s’intéresser à l’art oratoire. Finie la malédics’en souviennent pas. Soit une statue. Déjà Platon tion platonicienne de l’art et du théâtre, Aristote l’aurait brisée en morceaux et se serait servi du va prendre à bras le corps le théâtre et définir marbre pour sa salle de bain puisque c’est une dans La Poétique les fondements de la repréœuvre d’art, qui donc ne sert à rien, et ne fait sentation, de l’émotion du spectateur et cette que recopier le réel qui est lui-même une cofameuse catharsis, purgation de l’âme. Et au pie d’un original perché dans le ciel des idées ! diable ce mépris du sensible, des objets de la Soit une statue, quelle est sa cause se demande nature, des comportements humains. Aristote Aristote. « Eh, c’est facile c’est le sculpteur bava être un encyclopédiste et répertorier tout ça. nane ! » Oh là ! pas si simple, il y a 4 causes, le C’est le début du travail universitaire. sculpteur n’est que la cause efficiente ; ensuite il y © TnK1PrdZ a la cause matérielle qui est le marbre ; puis la cause À la volonté d’absolu de Platon il répond philosophiquement par la curiosité de la singularité. « Quelle est l’idée d’arbre formelle qui est la forme de la statue ou ce que ça représente. qui rend compte de tous les arbres ? », se demandait Platon. On Et enfin, le plus important, la cause finale, qui est ce en vue de quoi la statue est faite : la gloire, l’argent… s’en fout dit Aristote, on va répertorier tous les arbres. « Quel est le meilleur gouvernement ? » s’interroge Platon dans Alors vive la finalité, beau sujet pour la semaine prochaine ! RÉGIS VLACHOS les Lois. On s’en tape aussi dit Aristote. Avec ses collaborateurs


38 feuilleton littéraire

Deux peintres épisode 6 : Un secret résumé de l'épisode 5 Il y a plus d’un siècle à Cstwertsbourg, en Allemagne. Herr Koch, peintre sans succès et veuf depuis peu, vit avec sa fille Astrid une existence routinière qui va être bouleversée quand il découvre qu’on le confond avec la célébrité locale, le peintre Fischer. Et en effet les ressemblances sont incroyables ! Koch, troublé, est assailli par des questions obsédantes qui le ramènent à ses échecs et à ses doutes d’artiste… Se renseignant sur son double, il franchit peu à peu les limites qui l’autorisent à se faire - sans aucune peine passer pour lui.

Ed ua rdo

Bert i©

ue loq ob Mon Dorothée Billard/

L’auteur Eduardo Berti, né en Argentine, habite en France depuis vingt ans. Membre de l’Oulipo, il a publié des nouvelles, des petites proses et des romans, dont L’Ombre du Boxeur et Le Pays imaginé. Après Une présence idéale (Flammarion, 2017), son premier roman écrit en français, il publie en 2019 Un padre extranjero (Un père étranger).

en co-production avec La Marelle

L

e valet avait ouvert la porte d’une manière machinale tandis que Koch cherchait son chemin et essayait de montrer une attitude naturelle dans cette maison inconnue. Après une douzaine de pas, Koch avait vu deux portes qui lui avaient paru familières. Bizarrement, il commençait à marcher comme s’il connaissait la maison. Il ne le savait pas encore, mais le foyer de Fischer était presque identique au sien. Ainsi, il avait reconnu sans peine la chambre conjugale, presque une copie de sa chambre de veuf, et il s’y était replié un moment afin de reprendre son souffle loin du valet. Puis soudain il avait vu la porte. Une porte qui n’existait pas chez lui, une porte un peu trop monumentale, mettant trop en évidence que derrière elle pouvaient se cacher des trésors. L’ayant ouverte, il s’était trouvé face à un escalier étroit et en pente abrupte vers le centre de la terre ou, disons, vers une sorte de cave austère et humide. L’escalier était en béton solide. Ses marches, trop petites, ne permettaient de poser les pieds que de travers. La cave, plus que d’une cave, avait l’air d’un tombeau. Koch s’apprêtait à remonter quand il discerna plus loin un autre escalier, en bois celui-là. Ni cave ni tombeau, cette chambre souterraine ressemblait à un couloir dissimulé entre deux escaliers. Après être entré dans cette maison, après avoir pris la place de Fischer dans la vie de Gretchen, après tant de choses, il s’était dit qu’un escalier de plus ne changeait rien, mais il était au contraire en train de faire

une découverte prodigieuse car l’escalier menait à une chambre secrète où il y avait des dizaines, des centaines de tableaux entassés et à la fois rangés de façon quasi obsessive. Tous de taille similaire, ils exhibaient des paysages et portaient la signature de Fischer, si indiscernable de la sienne. La production de Herr Fischer, découvrait Koch, n’était pas si modeste. Son double peignait ou avait peint avec fougue, sauf qu’il était froidement sage au moment de choisir ce qu’il donnait à voir au public. Comment expliquer cela ? Ou bien Fischer mettait en vente ce qu’il tenait pour le meilleur de sa production, tout en gardant les toiles qu’il estimait les moins réussies. Ou bien il gardait pour lui les tableaux qu’il aimait le plus parce qu’il n’avait pas la force de s’en séparer, parce qu’il pensait que les acheteurs pour la plupart ne méritaient pas ses chefs-d’œuvre, ou par simple stratégie : une fois connu et célébré pour ses peintures un peu moins bonnes, il frapperait une deuxième fois (depuis la vieillesse ou depuis l’immortalité) avec une vague de tableaux encore plus formidables. Herr Koch avait lu pas mal de romans et nouvelles, de Balzac à Henry James, qui parlaient de peintres un peu maniaques ou excentriques (il avait même illustré pour le magazine de Leipzig une traduction du Chefd’œuvre inconnu) et il se peut que ces lectures aient trop enflammé son esprit. Et si Fischer, tout simplement, choisissait de manière arbitraire les peintures qu’il donnait à voir ? Et s’il y avait derrière tout cela rien de plus que la misérable loi de l’offre et de la demande ?


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Au fond, ces questions spéculatives étaient secondaires. Rien d’autre n’impressionnait Herr Koch que le fait d’avoir accès aux tableaux. Il avait déjà scruté deux paysages de Fischer dans la galerie de Windmüller, mais cette fois-ci il en avait devant lui une quantité abondante et pouvait se former une véritable idée sur son adversaire. Parmi les Fischer il y avait une trentaine de paysages tellement semblables à certains paysages de Koch que quelqu’un aurait aisément conclu que les deux peintres étaient des bons amis qui passaient souvent des week-ends ensemble, sauf qu’au lieu d’aller à la pêche, à la chasse ou en randonnée plus ou moins sportive, ils s’installaient côte à côte, avec leurs tréteaux, et s’amusaient à peindre des paysages analogues, comme deux fenêtres situées si près l’une de l’autre qu’elles offrent la même vue. Bien entendu, ces « tableaux jumeaux » révélaient, après une longue analyse, des nuances presque imperceptibles. Or, y avait-il une loi ou une logique dans leurs nuances ? Et, en dehors de ça, il fallait compter aussi les peintures uniques, sans équivalent dans l’œuvre moins abondante de Koch. Des tableaux que lui, Koch, n’avait pas encore peints, mais qu’il concrétiserait un jour ? Pendue au mur le plus propre de cette cachette, une carte de l’Allemagne semblait avoir souffert d’une large éruption d’épingles. Près d’elle, un vieux cahier dans lequel Herr Fischer – c’était facile à déduire – signalait les endroits qu’il avait déjà peints et qui correspondaient aux marques un peu militaires des épingles. Un cahier d’inspecteur, avait songé Koch. Quel genre de bureaucrate de la peinture était capable de signaler comme objets d’une décision définitive les endroits déjà parcourus, incapable de concevoir qu’il pouvait y retourner à la recherche d’une autre lumière, qu’il pouvait les revisiter la nuit ou le matin, en hiver ou au printemps ? Quel cerveau était assez peu imaginatif pour considérer la réalité comme une affaire solide et immuable ? Fischer voulait copier fidèlement, sans le moindre ajout, la réalité. Ironie amère : Koch, en revanche, en voulant imaginer ou créer avec plus de fantaisie, ne faisait que copier par accident un autre peintre et, pire encore, le copier « sans succès ».

les vieilles dalles du sol en séries de huit, douze, quinze, les comparant entre elles, les comparant mentalement avec ses toiles à lui. Le bilan était frustrant : une frustration assez proche de celle qu’il éprouvait devant ses propres peintures. Subitement, il voyait que Gretchen avait raison d’être peu impressionnée par l’œuvre de Fischer. Plus au courant des dernières vagues (et des dernières écoles, que Koch ignorait), plus cultivée que la moyenne à Cstwertsbourg, elle parlait avec une certaine condescendance des paysages de son adversaire. Et rien qu’en faisant cela, elle condamnait du même coup les paysages de Koch. Les cloches d’une église voisine venaient de retentir si fort qu’on les entendait depuis la cave. Dans un acte réflexe, Herr Koch avait regardé sa montre (c’était tard, Astrid allait s’inquiéter), puis il avait pris cinq paysages de Fischer, un peu au hasard. Il avait besoin de ces tableaux. Ce qu’il se disposait à faire était puéril et honteux, mais il avait besoin de prendre quelque chose de Fischer. Il était sur le point de regagner la rue avec les tableaux choisis quand il entendit des pas très rapides. Le valet semblait s’approcher avec un regard de méfiance ou d’inquiétude. Mais non. Fausse alarme. Inutile de dissimuler les peintures. – Je vous préviens, Herr Fischer. Il fait froid. Comme toute réponse, il avait esquissé un geste évasif. En effet, il faisait froid. Et le froid, comme une bonne gifle, le ramenait à la réalité. Il était Koch à nouveau. Il savait qu’il lui fallait une demi-heure pour aller à l’autre bout de la ville. Presque minuit, les rues paraissaient endormies et il rentrait en faisant des cercles, comme perdu. – C’est lui le voleur, c’est lui… Koch parlait seul, à voix haute, et recevait ici et là des réponses : le cri lointain d’un chat, le regard d’un pauvre mendiant ou son image, un peu imprécise et enfin différente de celle de Fischer, dans les vitrines des boutiques.

Au début, Koch avait été précautionneux avec les toiles de Fischer, mais ensuite il les avait disposées sur

La suite du feuilleton dans le prochain numéro...



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