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MENSUEL CULTUREL & CITOYEN DU SUD-EST DU 16.07.2016 AU 10.09.2016

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Directrice de publication & rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@gmail.com 06 09 08 30 34 Rédactrice en chef adjointe Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42 Secrétaire de rédaction Delphine Michelangeli d.michelangeli@free.fr 06 65 79 81 10

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WRZ-Web Radio Zibeline Marc Voiry marcvoiry@hotmail.com Directrice Commerciale Véronique Linais vlinais@yahoo.fr 06 63 70 64 18 La régie Jean-Michel Florant laregie@gmx.fr 06 22 17 07 56 Collaborateurs réguliers : Régis Vlachos, Dan Warzy, Frédéric Isoletta, Yves Bergé, Émilien Moreau, Christophe Floquet, Pierre-Alain Hoyet, Aude Fanlo, Thomas Dalicante, Marion Cordier, Marie Michaud, André Gilles Administration Axelle Monge admin@journalzibeline.fr Houda Moutaouakil contact@journalzibeline.fr

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SAISON 2016-2017 AUBAGNE

DIRECTEUR GÉNÉRAL MAURICE XIBERRAS

Opéras

Concerts

de l’Orchestre Philharmonique de Marseille

DIRECTION MUSICALE LAWRENCE FOSTER

SEPTEMBRE • Le 24 - DES CAILLOUX PLEIN LES POCHES De Marie Jones - Avec Eric Metayer et Elrick Thomas • Le 30 - OLIVIER LALAUZE SEXTET (lauréat 2015 de la Pépinière d’artistes) OCTOBRE • Le 4 - MON PÈRE, PAGNOL ET MOI Marco Paolo • Le 6 - CORINNE VANGYSEL 4TET THAT’S LIFE • Le 8 - LE DERNIER DES HOMMES Cie Cartoun Sardines • Le 14 - L’ÉTRANGE MONSIEUR EDGAR ALLAN POE Cie le Bruit des Hommes • Le 19 - VESTIAIRE NON SURVEILLÉ Peter Shub

NOVEMBRE • Le 3 - YVES JAMAIT JE ME SOUVIENS • Le 4 - INTERMÈDES MUSICAUX DE L’IIMM (Institut International des Musiques du Monde)

HAMLET

Ambroise THOMAS 23, 26, 29 OCTOBRE 2 NOVEMBRE

ANNA BOLENA

Gaetano DONIZETTI 30 OCTOBRE

• Le 9 - LE PRINTEMPS EST ENCORE LOIN D’Anca Visei L’Egrégore Théâtre

29, 31 DÉCEMBRE 3, 5, 8 JANVIER

• Du 17 au 20 - GRAINS DE SEL Le festival du livre et de la parole d’enfant

MARIA STUARDA

Gaetano DONIZETTI

LA CHAUVE-SOURIS Johann STRAUSS fils

• Le 27 - LES JEUNES SOLISTES DE PIANO CANTABILE

DECEMBRE • Le 3 - UN NOUVEAU DÉPART D’Antoine Rault Avec Corinne Touzet et Christian Vadim • Le 7 - CONCERT DE LA MUSIQUE DE LA LÉGION ETRANGÈRE

Direction musicale Łukasz BOROWICZ Soprano Diana DAMRAU Baryton-basse Nicolas TESTÉ Direction musicale Li BIAO Piano Fang YUAN

JEUDI 1ER DÉCEMBRE VENDREDI 2 DÉCEMBRE

Direction musicale Lawrence FOSTER Piano Inon BARNATAN

SAMEDI 7 JANVIER

Modeste MOUSSORGSKI

DIMANCHE 15 JANVIER

BORIS GODOUNOV

26, 29 MARS, 1 , 4 AVRIL

Direction musicale Lawrence FOSTER Soprano Ricarda MERBETH

Vincenzo BELLINI

DIMANCHE 22 JANVIER

I CAPULETI E I MONTECCHI 3, 5, 7, 9, 11 MAI

LAKMÉ

Léo DELIBES

Direction musicale Paolo ARRIVABENI Violon Dmitri MAKHTIN

DIMANCHE 26 FÉVRIER

8, 11, 14, 17 JUIN

Direction musicale Peter RUZICKA Piano Sophie-Mayuko VETTER Hautbois Armel DESCOTTE

Giuseppe VERDI

VENDREDI 10 MARS

Opérettes

VENDREDI 21 AVRIL

DON CARLO

15, 16 OCTOBRE

LA BELLE-HÉLÈNE

Jacques OFFENBACH 26, 27 NOVEMBRE

DÉDÉ

• Le 14 - DINGO DINGUE De Christian Mazzuchini Cie Zou Maï Prod

14, 15 JANVIER

• Le 22 - IL ÉTAIT UNE FOIS… LE PETIT POUCET Cie L’éternel été

DIMANCHE 6 NOVEMBRE

Concert du Nouvel An Direction musicale Jacques LACOMBE

• Le 10 - ROBYN BENNETT & BANG BANG

• Les 16 et 21 - LA NUIT, POESIES POUR LES TOUT PETITS Cie Tout Cour

Direction musicale Lawrence FOSTER Piano Boris BEREZOVSKI

14, 16, 19, 21 FÉVRIER

ER

• Le 26 - RÊVERIES Récital de piano d’Eric Astoul Cie le Conte en scène

MARDI 11 OCTOBRE

VENDREDI 18 NOVEMBRE

• Le 6 - LA DAME DE CHEZ MAXIM De Georges Feydeau Comédie d’un autre temps

• Le 30 - LOS ABRAZOS Cie Estro

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27, 29 SEPTEMBRE 2, 4 OCTOBRE

Direction musicale Bruno MANTOVANI Violon Da-Min KIM Direction musicale Krysztof PENDERECKI Trompette Anthony ABEL

DIMANCHE 21 MAI

Direction musicale Lawrence FOSTER Violon Arabella STEINBACHER Flûte Virgile ARAGAU

Henri CHRISTINÉ

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Théâtre Comœdia - Cours Maréchal Foch - Aubagne 13400 Tel : 04 42 18 19 88

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VIOLETTES IMPÉRIALES Vincent SCOTTO

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AUDITORIUM DU PHARO

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18/06/16

Franz LEHÁR


sommaire 98

SociÉtÉ

Entretien avec Christian Estrosi Conférence régionale sur les arts et la culture (P.6-7) Le climat : rapport du GREC-PACA (P.8)

Politique culturelle

Réseau Traverses Fusion Joliette-Minoterie et Lenche (P.10-11) MuCEM, Arts et Développement Etat d’urgence au cinéma Les Variétés (P.12-13)

© Jan Cyril Salemi

FESTIVALS

Cinéma (P.14) Musiques (P.15-26) Littérature, Arts de la rue (P.28-31)

Jan Garbarek, © Guri Dahl

critiques

Spectacles, musiques (P.34-48) Avignon In et Off, Châteauvallon, Montpellier, Marseille, Alès, Aix, Lambesc, Vitrolles, Arles

à l’église des Trinitaires, Charles Fréger, Amahage, Ashizawa, Oga, préfecture d’Akita. Avec l’aimable autorisation de l’artiste

au programme Musiques (P.32-33)

Badke, KVS © Danny Willems

cinéma [P.49-51] Arts visuels [P.52-62]

Rencontres d’Arles, Marseille, Avignon, Montpellier, Aix, Tarascon, Sète, Toulon

livres [P.63-68] patrimoine [P.70]

Musée des gueules rouges, Maison Jean Vilar


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Société

Où il n’est pas (assez) que À L’ISSUE DE LA PREMIÈRE CONFÉRENCE RÉGIONALE PERMANENTE SUR LES ARTS ET LA CULTURE, LE PRÉSIDENT DE LA RÉGION PACA EXPRIMAIT SA SATISFACTION, ET RÉPONDAIT À CERTAINES DE NOS INQUIÉTUDES

Zibeline : Est-ce que vous êtes content du comité directeur et est-ce qu’il réunit bien les gens que vous vouliez réunir ? Christian Estrosi : Tout le monde a répondu présent à l’appel, ceux qui incarnent le théâtre, la musique, le cinéma... toute la diversité culturelle et tout ce foisonnement qui fait que la terre de Provence-Alpes-Côte d’Azur a toujours été une terre de créativité, une terre d’innovation. Tous sont représentés aujourd’hui, et je serai d’ailleurs attentif à ce que personne ne soit laissé de côté. Je me rends compte que les musiques actuelles n’étaient pas assez représentées, il faut renforcer leur présence. Ce qui est ressorti de la rencontre de ce matin, de ce grand atelier culturel qui met en réseau ceux qui produisent et ceux qui diffusent aussi, montre que la dimension régionale est sans doute la bonne dimension. Les propos des interlocuteurs se recoupaient ce matin, autour de la force de résistance de

© Jan Cyril Salemi

Des promesses tenues

E

ntre les deux tours des élections régionales, le candidat Estrosi avait fait un appel au monde de la culture, assortissant cet appel de promesses : celle de garantir la liberté de création, c’est-à-dire, dans ses arbitrages, de ne pas faire de choix idéologiques ; celle de maintenir voire d’augmenter le budget régional de la culture au long de son mandat ; celle de mettre en place une Conférence Régionale Permanente des Arts et de la Culture, et de construire sa politique avec les artistes et acteurs culturels du territoire. Des promesses qui ont été tenues, mais dont il s’agit d’analyser les nuances. D’une part parce que l’augmentation du budget est relative, quelques centaines de milliers d’euros sur 53 millions précédemment alloués. Il s’agirait plutôt de parler d’une reconduction, même si celle-ci, dans un contexte économique difficile, représente un réel effort. D’autre part parce qu’une nouvelle politique culturelle s’axant vers d’autres priorités, en particulier la culture provençale, ces 53 millions redéployés aboutissent, pour certains dispositifs, à des baisses effectives. De même, la volonté de s’appuyer sur les « forces vives du monde de la culture » doit être relativisée : le Comité directeur réunit des structures de toute la Région, mais essentiellement de gros opérateurs, pas de compagnies indépendantes mais de grands festivals et des théâtres nationaux,

pas d’arts de la rue ni d’associations et peu d’art contemporain. Christian Estrosi le réaffirme avec force : « À aucun moment je n’interviendrai de façon partisane ». Mais l’accent mis sur la diffusion et la recherche de mécénat, le Plan patrimoine qui vient d’être adopté*, le choix de regrouper des opérateurs culturels d’envergure plutôt que des artistes et des compagnies est, de fait, une orientation politique qui, à budget constant, impactera sur la création contemporaine et la vie culturelle associative.

Intérêt particulier Les paroles échangées lors de la Conférence rendaient d’ailleurs peu compte de la diminution globale des moyens des associations culturelles, des compagnies et de la plupart des programmateurs. Les acteurs culturels réunis dans le comité directeur en ont certainement conscience, mais semblaient un peu aveuglés par l’intérêt de leur propre maison. Aux côtés d’un Président de Région qui affirme que « la culture doit être vigoureusement soutenue dans le contexte politique actuel », et que « la France est le pays le plus éclairé, dans ce domaine, de la planète », ils ne jouent pas le rôle qui pourrait être le leur, celui de donneur d’alerte. Olivier Py, qui a vu le budget du Festival d’Avignon baissé par le Grand Avignon, et rehaussé

par la Région, explique que c’est bien le Festival, la « culture associée à l’éducation », qui empêche ce coin de Vaucluse de s’abandonner tout à fait « à la haine de l’autre ». Bernard Foccroulle, qui a vu le budget du Festival d’Aix diminué, explique qu’il faut que le milieu s’interroge sur son incapacité à s’adresser à tous les publics. Charles Berling, qui a vu quant à lui son budget augmenter, se réjouit de sa propre situation, et explique que « l’écoute envers nous a changé ». Dominique Bluzet se réjouit également de la Présidence de Christian Estrosi, affirme qu’il lui apporte « la perspective politique nécessaire, celle dont nous avons besoin pour accompagner les artistes ». Quant à Anne-Marie Franon, qui représente les 32 théâtres du réseau Traverses qui ont vu pour 27 d’entre eux leur budget diminuer ou se maintenir à l’identique ou durant les deux dernières années (voir p10), elle se réjouit du « soutien à la diffusion ».

Quel fou pour le Président ? Dans la salle, les applaudissements se raréfient : mais qui va donc parler de ces lieux en train de mourir, de ces manifestations d’ores et déjà disparues, de ces associations à qui le Conseil Général des Bouches-du-Rhône demande de se produire gratuitement en haut de la Canebière,


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estion d’intérêt général la culture face au vote Front national. À votre sens, la culture a-t-elle une fonction politique ? Chacun s’est exprimé à ce sujet. Au moment où nous voyons la montée des populismes, des extrémismes, de l’obscurantisme partout en Europe et de l’autre côté de l’Atlantique, la culture peut être un moyen, dès lors qu’on lui permet de s’épanouir, de rassembler, de donner plus de cohésion économique et sociale. C’est un soutien à l’attractivité du territoire, c’est un soutien à la croissance et à l’emploi mais c’est aussi un message permanent qui permet à chacun d’avoir un regard sur soi, de méditer, de réfléchir à sa place dans la société, et de se responsabiliser. Voilà pourquoi je crois que l’État, les Collectivités publiques, notre Région, doivent se mobiliser. C’est en tout cas l’esprit dans lequel je souhaite que notre Conférence territoriale et régionale des arts de la culture travaille.

La démission de Sophie Joissains de son poste de vice-présidente déléguée à la culture, pose des problèmes d’interlocuteur : elle est remplacée par Chantal Eymeoud, vice-présidente en charge de l’économie. Donc une grosse charge. Est-ce que ça ne risque pas de gripper le circuit entre les associations, les services et les élus, en particulier pour les acteurs culturels de moindre importance que ceux qui étaient présents sur scène ce matin ? Je crois que vous mesurez suffisamment quelle est ma propre implication. J’ai décidé, malgré des arbitrages difficiles, que la Culture était une priorité, et que son budget serait relevé par rapport à l’effort de l’exécutif qui m’a précédé. Ainsi j’ai souhaité présider moi-même la régie culturelle, et être moi-même l’interlocuteur de tous ceux que nous avons rencontrés ce matin. Sophie a fait un choix entre sa ville et la région, sans doute a-t-elle d’autres objectifs,

je les respecte. J’avais une vice-présidente déjà très ouverte sur le monde culturel, en la personne de Chantal Eymeoud, qui avait en charge l’artisanat et l’entreprise. Je répartirai ces délégations vers d’autres élus pour qu’elle puisse se consacrer essentiellement à la Culture. Désormais c’est sa mission à mes côtés et avec le talent et l’engagement qu’on lui connait, sa proximité avec moi, je sais qu’elle sera pour moi d’une aide précieuse pour mener dans un esprit d’ouverture la politique culturelle de mon exécutif.

tout en diminuant leurs subventions de 20% ? Qui va rappeler à Christian Estrosi que sauver les gros opérateurs ne suffit pas, et qu’il doit jouer de son influence politique pour que les

collectivités cessent de demander toujours plus d’efforts à un secteur associatif à l’agonie, et à des maisons de théâtre qui n’ont plus les moyens de produire ?

Macha Makeïeff rappelle que « le diable est venu s’assoir sur le banc » et qu’il faut lutter avec les moyens de l’art, parce que « nos maisons sont des lieux poétiques dans cette crise morale ». Certes la liberté de création est un bien précieux. Mais, comme le faisait remarquer Christian Estrosi lui même, elle ne signifie rien sans les moyens de créer. Les politiques, explique la directrice de la Criée, ont besoin que les artistes « les accompagnent et les éclairent ». Dans la situation d’appauvrissement où ils sont aujourd’hui placés, ils ont tendance à faire allégeance, et à déclarer comme Irina Brook « ce que tu as dit Christian est parfait, on a besoin de la culture parce que la masse devient d’une idiotie dangereuse ». Voire. On a besoin de la culture et d’artistes qui savent s’engager au-delà de la défense de leur maison, et parler aux politiques de la santé du secteur dans son entier, et des enjeux sociaux et sociétaux qui en découlent.

Patrimoine et Tradition Alain Chouraqui Dominique Séréna

Président de la fondation du Camp des Milles Directrice et conservatrice en chef du Museon Arlaten

Arts plastiques, graphiques, visuels Sam Sourdzé Jean-Pierre Simon

Directeur des rencontres de la photographie d’Arles Directeur de l’École supérieure d’Art et de Centre national D’art de la Villa Arson

Arts du spectacle Dominique Bluzet Charles Berling Irina Brook Anne-Marie Franon Macha Makeïeff Olivier Py Angelin Preljocaj

Directeur des théâtres du Gymnase, des Benardines, du jeu de Paume et du Grand Théâtre de Provence Directeur du Liberté à Toulon Directrice du Centre National Dramatique de Nice Présidente du Réseau Traverses, Directrice du Théâtre Le Forum Directrice du Centre National Dramatique de Marseille, La Criée Directeur du Festival d’Avignon Directeur du Ballet Preljocaj et du Centre Chorégraphique National d’Aix-en-Provence

Musique Bernard Foccroulle Raphaël Imbert Max Tran-Ngoc André Gabriel

Directeur du Festival d’Aix Jazzman. Directeur de la Compagnie Nine Spririt Président de l’Union des Diffuseurs de Création Musicale (antenne PACA du printemps de Bourges) Musicien de traditions provençales

Livres Edition Françoise Nyssen Olympia Alberti

Directrice d’Actes Sud Ecrivaine

Cinéma Thierry Frémaux Andréa Ferréol Emmanuel Mouret

Délégué général du Festival de Cannes Actrice Réalisateur

PROPOS RECUEILLUS PAR AGNÈS FRESCHEL

AGNÈS FRESCHEL

*Plan de sauvegarde du petit patrimoine rural, et Plan de restauration des sites majeurs en vue de leur « mise en tourisme » à hauteur de 20% des projets privés, 30% pour les collectivités de plus de 10 000 hab. et 50% pour les collectivités de moins de 10000 hab.


8 société NP

Y aura-t-il de la neige

à Noël ?

MOINS DE NEIGE, PLUS DE CANICULES : C’EST CE QUE LES SCIENTIFIQUES PRÉVOIENT EN PACA À MESURE QUE LES OUTILS DE MESURE DE L’ÉVOLUTION DU CLIMAT S’AFFINENT

L

e réchauffement planétaire s’observe depuis les années 80, et ne fait que s’accélérer : les raisons de ce phénomène, clairement dû à l’activité humaine, ne font plus débat au sein de la communauté scientifique. Même si les zones tempérées du globe seront moins affectées que les pôles, elles subiront toutefois des conséquences graves. Le Groupe régional d’experts sur le climat en Provence-Alpes-Côte d’Azur (GREC-PACA) vient de publier un cahier thématique sur le changement climatique qui se dessine dans la région. Un territoire complexe, contrasté, avec ses littoraux, sa vallée du Rhône, ses massifs alpins ; vulnérable autant qu’attractif, toujours au bord du déséquilibre.

Summer is coming Le rapport du GREC-PACA est destiné aux élus et à leurs équipes, de façon à les informer de la manière la plus précise possible des enjeux liés au réchauffement sur leur secteur. En moyenne, d’ici la fin du siècle, on prévoit « selon les zones géographiques et les scénarios socio-économiques » une augmentation de +1,9°C à +5,5°C. « La canicule de 2003 deviendrait donc en région Provence-Alpes-Côte d’Azur un événement quasi normal, voire frais, dans la seconde moitié du XXIe siècle. » Il convient, de manière urgente, d’évaluer l’impact de cette courbe ascendante sur l’agriculture, la santé publique, la biodiversité. Pour paraphraser une série en vogue, l’été arrive, et il sera brûlant. Sec, aussi, dans la mesure où l’évaporation sera maximale, l’écart entre les précipitations allongé, et le manteau neigeux hivernal réduit à peau de chagrin sur les sommets. Houleux, enfin : les épisodes extrêmes sont à craindre, avec leur lot d’incendies et d’inondations en recrudescence. Lorsqu’on lui demande s’il est optimiste malgré tout, Philippe Rossello qui a coordonné le cahier thématique répond résolument « Oui, parce qu’il le faut ». Bien conscient que le message passe difficilement auprès de décideurs focalisés sur les échéances électorales, il perçoit toutefois davantage de dialogue ces dernières années, entre les laboratoires scientifiques, les collectivités, et la société civile. Avec le perfectionnement des outils -surveillance météorologique, spatialisation, modélisation

Evolution du climat pour 4 villes de PACA selon 3 scénarios RCP et 2 horizons futurs (2050 et 2100) - Source Joël Guiot, CNRS - illustration Philippe Rossello, GeographR

« La canicule de 2003 deviendrait donc en région Provence-Alpes-Côte d’Azur un événement quasi normal, voire frais, dans la seconde moitié du XXIe siècle. » et paléoclimatologie- s’affinent les diagnostics, qui permettent aujourd’hui, commune par commune, de « traduire la cartographie du climat à l’échelle locale »1. Même si certains, encore en plein déni, s’obstinent à acheter des canons à neige que les stations ne pourront plus utiliser d’ici 15 ans, beaucoup réalisent qu’il faut repenser l’occupation du territoire avant qu’il ne soit trop tard.

Anticiper et s’adapter Les solutions existent, pour anticiper l’évolution climatique et limiter les dégâts : préserver les zones agricoles et les espaces naturels, freiner drastiquement l’urbanisation galopante... reprochée notamment à Christian Estrosi, président de la Région PACA, sur sa circonscription niçoise, lors des inondations de l’automne 2015, directement liées à l’artificialisation des terres. Prévoir la salinisation des sols, la dégradation de la qualité de l’eau

douce, l’acidification de la mer Méditerranée, le développement des allergies, favorisées par l’allongement de la saison pollinique, celui des maladies tropicales, véhiculées par les moustiques.... Tout ceci peut et doit être pris en compte par les pouvoirs publics : la région PACA est « fortement émettrice de gaz à effet de serre par rapport aux moyennes nationales »2. Elle a aussi des atouts, notamment en ce qui concerne les énergies renouvelables. Et une grande marge d’amélioration, en particulier au niveau de ses industries et du réseau de transports en commun, qui doivent impérativement détrôner la voiture. Le rapport du GREC-PACA de mai 2016 est en accès libre sur Internet, tout comme celui qui l’avait précédé en novembre 20153. Il appartient à tous de s’en saisir : il est clair, accessible, destiné à faciliter les prises de décisions. Sur la dernière page figurent les coordonnées des chercheurs qui l’ont conçu. Selon Philippe Rossello, « Si les élus ou leurs services techniques veulent en savoir plus et nous appellent, ce sera gagné ». Si les citoyens appellent leurs élus pour en parler, ce sera encore mieux. GAËLLE CLOAREC

1 À 100 m près pour les températures, 1 km pour les précipitations 2 9,5 tonnes/an/habitant, contre 8,6 en moyenne nationale. Source : AirPACA, données 2012 3

Sur www.air-climat.org


Kellylee Evans. Photographie : Arnaud Compagne

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10 Politique Culturelle

Chemins de Traverses CE SONT 32 SCÈNES QUI SE SONT ALLIÉES EN PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR, POUR PENSER ET PESER ENSEMBLE. CE N’EST QU’UN DÉBUT, ET DÉJÀ UN COMBAT

«

Devant la fragilité de plus en plus grande des artistes et des acteurs culturels, la montée des nationalismes et des communautarismes, notamment dans nos villes et dans notre région, aujourd’hui 32 théâtres s’inscrivant dans des missions de service public (...) ont décidé de travailler ensemble dans le cadre d’un réseau de professionnels à vocation régionale dénommé Traverses » C’est ainsi qu’Anne-Marie Franon, directrice du Forum de Fréjus et Présidente du réseau, introduisait le propos. Sur scène, dans la salle du Bois de l’Aune à Aix le 16 juin, des directeurs mobilisés présentaient leur réalité économique, et un bilan de leurs activités impressionnant. Ainsi leur budget* cumulé s’élève à 45 millions d’euros (dont 75% de subventions et 25% de recettes propres et mécénat). Ils génèrent 332 emplois (en équivalent temps plein) pour une masse salariale de 16,5 millions d’euros. Ils proposent chaque année 871 spectacles, soit 1744 représentations, pour 410 447 spectateurs payants. Ils sont des acteurs essentiels de la vie économique du territoire, générant des activités

induites importantes (communication, restauration, tourisme, transports...) mais surtout, et c’est une de leurs spécificités par rapport aux festivals, accueillant un nombre très important de compagnies régionales : 32% des représentations sont proposées par des compagnies régionales, souvent coproduites (pour 553 000 €), et très souvent en résidence dans ces lieux (75% des résidences, soit 933 jours, sont destinés aux compagnies régionales dans le réseau). Car ces théâtres pluridisciplinaires se réunissent autour d’une charte, et d’une véritable conscience du service public : soutien aux artistes et aux compagnies régionales, mesures d’accompagnement et d’actions culturelles auprès du public, rapprochement pour produire et diffuser ensemble... le réseau sait qu’aujourd’hui, pour continuer à proposer une programmation ambitieuse qui concerne les citoyens et permette à la création d’exister ici, il faut « renouer le dialogue avec nos élus et l’État ». Présent dans la Conférence régionale (voir p6 et 7) nul doute qu’il en sera en acteur

essentiel, et que chaque théâtre parviendra à « garder sa spécificité tout en travaillant à une politique commune » (Agnès Loudes, Théâtre Vitez). Et que d’autres théâtres, en particulier dans le Vaucluse où Traverses est tout neuf, intègreront le réseau : les deux Centres dramatiques nationaux y seraient également, on l’assure, bienvenus.

S’associer pour résister ?

Un bel ensemble, donc, qui se décrit comme une force de proposition. Mais cette association de directeurs, qui ne sont pas vraiment des patrons, dissimulait assez mal d’autres raisons qui les rassemblent. En effet, lorsqu’on leur demanda qui parmi eux avait vu, depuis 2014 et ces chiffres, ses subventions augmenter, seules deux mains se levèrent ; trois autres pour annoncer que leur budget avait stagné ; pour tous les autres, il avait baissé, souvent « notablement ». Ce qui, chacun l’a dit, impacte avant tout la « marge artistique », les coûts fixes (salaires des permanents, fluides...) ne

Marseille est bipolaire ! LA MODE EST AU RAPPROCHEMENT/FUSION DES OPÉRATEURS. LA JOLIETTE-MINOTERIE EST INCITÉE PAR LA VILLE DE MARSEILLE ET LE DÉPARTEMENT 13 À ABSORBER LE THÉÂTRE DE LENCHE...

U

ne histoire de famille(s) ? Pierrette Monticelli et Haim Menahem ont commencé leur carrière de comédiens dans le petit théâtre du Panier, chez Maurice Vinçon, figure historique du théâtre Marseillais. Petit théâtre, mais assez gros budget : 645 000 € de subventions pour cette salle de 60 places, ses deux annexes, son temps jeune public, son festival amateur, et les compagnies en résidence. Mais patatras : après les élections, la subvention du Conseil général devenu Conseil départemental s’effondre. Le théâtre du Panier, longtemps soutenu par Jean Noël Guérini et par Lisette Narducci (maire de secteur), voit ses 250 000€ du CG devenir 74 000€ du CD... La Ville maintient ses 330 000 euros,

mais demande au théâtre de fusionner avec la Minoterie, pour former un Pôle Joliette. Ce qui peut être une bonne idée. Mais dans quelles conditions ? Le budget 2016 ne permet pas de payer jusqu’en décembre les 5 employés permanents du Théâtre de Lenche, et Maurice Vinçon ne veut pas laisser une dette à son repreneur, ni mettre son équipe au chômage partiel : même s’il n’y a plus d’activité au Lenche, il faut construire un projet commun.

Le Gyptis absorbé par La Friche, les Bernardines par le Gymnase, le Lenche par la Minoterie... La fin d’une certaine indépendance à Sous doté Quant aux Minotiers, ils sont un peu coincés : Marseille ?

les tutelles sont, disent-ils, très décidées, et incitatives. Or le travail formidable qu’ils font


11

Les scènes du réseau Traverses 04

Théâtre Durance, Château Arnoux ; Centre René Char, Digne les Bains

05

La Passerelle, Gap ; Théâtre du Briançonnais

06

Anthéa, Antibes ; Théâtre de Grasse ; Forum Jacques Prévert, Carros

13

3bisf ; Bois de l’Aune ; Jeu de Paume ; Théâtre Vitez, Aix-en-Pce ; Espace Nova, Velaux ; Le Cadran, Ensuès-la-Redonne ; Le Merlan, La Gare Franche, Les Bernardines, Le Gymnase, La Joliette-Minoterie, Théâtre Massalia, Théâtre Nono, Marseille ; Les Salins, Martigues ; Le Sémaphore, Port-de-Bouc ; Espace Gérard Philippe, Port-Saint-Louis ; Espace Robert Hossein, Grans ; Théâtre de l’Olivier, Istres ; Théâtre de Fos ; Théâtre de la Colonne, Miramas

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Le Carré, Sainte-Maxime ; Le Forum, Fréjus ; Théâtres en Dracénie, Draguignan ; PôleJeunePublic, Le Revest

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La Garance, Cavaillon

d’accueil de compagnies, plus d’argent consacré à la création, tout en veillant à diffuser ensuite ces créations, et en ayant un bon taux de remplissage. Du résultat. » disait Pierrette Monticelli (Minoterie). Didier le Corre (La Garance) précisait : « Les compagnies sont à bout de souffle, la tête sous l’eau. Il faut que nous les aidions. Or nous sommes aussi dans des problématiques de survie structurelles dues à nos baisses de budget, et aux exigences de résultat des tutelles. Il faut sortir du système libéral dans lequel le service public de la culture a été enfermé, et qui amène parfois à offrir au public des spectacles commerciaux, qui se vendent bien. Pour revenir au service public de la culture, il faut sortir du libéralisme pour entrer dans la coopération ». Et dans la lutte, sans doute... AGNÈS FRESCHEL

pouvant pas être diminués. Et impacte aussi tout ce qui relevait de démarche de voisinage, de pratique, d’ateliers et de rapport avec un public à conquérir et accompagner. « L’action culturelle, le travail avec le territoire, on connait, on fait ça naturellement, et c’est même très intéressant pour les artistes, ce rapport là, qui

est une demande relativement nouvelle des tutelles. Mais on n’est pas là non plus pour garantir la paix sociale, mais pour créer et diffuser des œuvres. Vers le plus de gens possibles, et le mieux possible. » (Elodie Presles, Théâtre Durance) « On nous demande toujours de faire plus, avec le même argent, voire moins. Plus d’actions culturelles,

à la Joliette depuis son ouverture est nettement sous doté : 980 000 € de subventions (dont 650 000 € de la Ville) pour ce théâtre à la programmation riche (et inspirée !), aux actions culturelles innombrables, (co)produisant toutes les créations qu’ils programment... La Région et ses maigres 55 000 €, l’État et ses encore plus maigres 54 000 € (+ 17 000 d’actions culturelles), n’ont pas augmenté leur subvention depuis 12 ans, et depuis leur déménagement à la Joliette c’est le statu quo pour un équipement nettement plus coûteux que leur Minoterie d’origine. De poste aidé en poste aidé, d’expédients en bouts de ficelle, ils s’en sortent, mais « l’équipe est à fond ». Or il leur faut aujourd’hui bâtir un nouveau projet applicable dès janvier 2017, reprendre le personnel du Lenche qui ne correspond pas forcément à leurs besoins... tout cela sans savoir ce qu’ils vont récupérer de leurs subventions : la totalité d’avant la baisse,

ou seulement des dettes et la masse salariale ? La question de la programmation se pose évidemment dans cette toute petite salle, qui ne peut compter sur des recettes. Continuer les résidences de compagnies, déployer l’action culturelle de l’autre côté du quartier, garder l’angle de l’enfance et des pratiques amateures : les Minotiers connaissent l’âme du Lenche, et ne veulent pas la changer. Mais ils veulent, avant tout, conserver dans leur budget les 40% de marge artistique nécessaire pour soutenir la création. Or on leur demande de construire un projet sans lever le flou sur son financement. Il ne faudrait pas que, pour sauver ce qu’il reste du Lenche, la Minoterie boive le bouillon.

*Les chiffres sont ceux de 2014 et concernent 29 théâtres sur les 32 Zibeline encart EPEM 2016.qxp_Mise en

SAM. 20 AOÛT, 21H TOUR ROYALE, TOULON DIM. 21 AOÛT, 19H ABBAYE DU THORONET

AGNÈS FRESCHEL

DIM. 11 SEPTEMBRE, 19H ABBAYE DU THORONET

www.lesvoixanimees.com


12 Politique Culturelle

Entre ciel et mer PARADE, LA NOUVELLE GRANDE EXPOSITION DU MUCEM (VISIBLE JUSQU’AU 24 OCTOBRE), TIENT DAVANTAGE DE L’INSTALLATION QUE DU PARCOURS CLASSIQUE QU’IMPOSE CE STYLE D’EXERCICE

La tartane marseillaise, XVIIIe siecle, Collection de la CCI Marseille Provence © F. Jonniaux-CCIMP

C’

est ainsi que la présente Stéphan Muntaner, artiste (même s’il s’en défend) chargé de la scénographie. Parade participe de l’acte poétique, nimbée dans une lumière dorée qui joue avec les ombres, laisse émerger les maquettes des navires qui avancent sur les eaux immobiles d’un long miroir. Défilé de mode sans distinction chronologique où les formes renflées, tendues, alanguies, élancées, jouant de la courbe et de la ligne droite, évoquent les multiples manières dont nous avons affronté les mers au cours des siècles, depuis le Moyen Âge. De grandes caisses ouvertes laissent échapper le flot des navires, galère sensile du XVIIe , trois-mâts, quatre-mâts, galiotes, bricks, yacht, cargos, paquebots, cuirassés, aviso à vapeur, pétroliers… reproductions fidèles, issues des collections de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Marseille (et pour une portion plus réduite des Musées de Marseille), fabriquées par maquettistes et charpentiers de marine, mais aussi par des « ship lovers » qui leur consacrèrent des centaines d’heures de travail et de passion. Impossible de donner une valeur marchande à de tels bijoux ! Ces maquettes ont été données à la CCI, legs de familles de modélistes ou dons de compagnies maritimes comme la Transatlantique, Fabre, British Petroleum, P.& O. On est subjugués par la précision, le souci du détail, la justesse des proportions de chaque modèle réduit ; une tartane marseillaise ouvre cette navigation muette tandis que, clinquant, un panneau lumineux invite à

suivre cette parade. Les deux commissaires de l’exposition, Patrick Boulanger, conservateur du Patrimoine à la Chambre de Commerce et d’Industrie Marseille-Provence, et Isabelle Marquette, conservatrice du patrimoine au MuCEM, sourient de notre étonnement quant à l’organisation de cette flotte hétéroclite : pas d’échelle commune, une tartane peut ainsi faire plus du double de la taille d’un cargo, pas de progression chronologique… Loin de la sage

Le MuCEM en août

H

ormis le FID Marseille - Festival International de Cinéma (lire ci-dessus et Zib 97), le festival Jazz des Cinq Continents (p12), et les « Séances de rattrapage » de films d’art et d’essai (p49), peu de choses figurent au programme du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée pendant le mois d’août. Après le 30 juillet, où se tiendra une master-class de jardinage consacrée au potager -malheureusement financée par la fondation Engie, précisons-le !-, on devra attendre le 26 août pour assister à l’ouverture de la saison culturelle du MuCEM. En introduction au temps fort Marseille Résonance, cette soirée Mistral de spectacles en plein air donnera l’occasion d’écouter des lectures, notamment avec la romancière Minna Sif, plusieurs concerts (Sibongile Mbambo, Perrine Mansuy, L’Anima Lotta

organisation traditionnelle, cette fête navale et aéronautique -un vol de biplans, zeppelins, hydravions et autres merveilles des débuts de la conquête des airs, surplombe, en une large courbe, le départ des premiers navires- séduit par sa variété, la beauté plastique des pièces, leurs rencontres, titille aussi les esprits ; seuls quelques navires sont l’objet d’explications, l’essentiel demande au visiteur de s’interroger, d’aller chercher des informations ailleurs, retenant les noms des navires ou de la gigantesque grue flottante « Goliath ». L’activité économique du port de Marseille est rendue sensible par l’abondance fiévreuse présentée. On regrette quand même l’absence de catalogue qui préciserait les enjeux, raconterait les destinées de ces bâtiments des mers et des airs autour desquels une partie de notre imaginaire s’est construite : carrière étonnante du Marseillois rebaptisé le « Vengeur-du-Peuple » à la suite de la révolte des Sections de Marseille contre la Convention, le Sphinx qui transporta l’obélisque de Louxor destinée à la place de la Concorde à Paris, le ferry-boat du vieux port ou encore les avions de la légendaire aéropostale et le souvenir de Mermoz ou Saint-Exupéry… Quelle invitation au voyage et quel bel hommage ! MARYVONNE COLOMBANI

jusqu’au 24 octobre MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org

et le DJ Big Buddha en trio), et de suivre la Compagnie Itinerrances dans un Inventaire des corps mouvementés réalisé par des danseurs tant professionnels qu’amateurs. Le temps fort se poursuivra jusqu’au 12 septembre, avec des tables rondes consacrées aux mythes et réalités de la cité phocéenne, des projections, et un nouveau chapitre du projet Marseille, un journal sonore, écrit cette fois en musique et vidéo par le compositeur italien Elio Martusciello, invité en résidence. La programmation complète sera disponible sur le site du musée à partir du 30 juillet. GAËLLE CLOAREC

MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org


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L’enfance de l’art D

es cris, des rires, des couleurs, de grandes bâches étalées au sol, et tout autour une centaine d’enfants qui peignent et s’amusent, avant de partir défiler avec leurs œuvres à bout de bras. Le mercredi 29 juin, l’association Arts et Développement organisait un atelier géant au pied du Fort Sain-Jean, au MuCEM. Pour l’association, ce type d’intervention est devenu un rendez-vous annuel depuis 2013. Cette structure, créée il y a 25 ans, tend à promouvoir l’accès et la pratique de l’art dans les quartiers les plus démunis. Depuis trois ans a lieu une rencontre avec un artiste renommé. Cette année, une dimension supplémentaire a été franchie : Stéphan Muntaner, scénographe de l’exposition Parade, à voir au MuCEM jusqu’au 24 octobre, a pleinement associé le travail des enfants à son œuvre (à lire page ci-contre). L’exposition rassemble des modèles réduits de navires anciens ou modernes. Le jour de l’atelier, les enfants se sont exprimés sur le thème de la mer et des bateaux. « Je vais sélectionner quelques-uns de leurs dessins, qui s’intégreront

État d’urgence R

assemblant usagers et amoureux de ce lieu unique, stratégique et porteur d’une certaine idée de la culture et du cinéma la soirée du 9 juillet a recueilli des adhésions et mobilisé les énergies pour sauver une structure sur laquelle plusieurs épées de Damoclès sont suspendues ! On connaît les difficultés financières du «patron» Galeshka Moravioff, et la façon dont il traite employés et distributeurs. Les réactions se sont multipliées : en janvier, grève du personnel des Variétés face aux retards récurrents du paiement des salaires, recours aux prud’hommes ; en mai, occupation des lieux parce que la société de Moravioff refusait de régler la part de billetterie pour le film de Nicolas Burlaud La fête est finie. La dette auprès de la Ville de Marseille, propriétaire des murs, ne cesse de croître, les contentieux de s’alourdir, de nombreux distributeurs échaudés ne confient plus leurs films au cinéma. Les salles du Groupe ont fermé les unes après les autres : celle de Lyon en 2009, le Melville à Rouen en 2014, Le St Lazare Pasquier en janvier 2016 et,

© J.C.S

à l’expo, explique l’artiste. Le contraste entre l’énergie de leurs réalisations, spontanées, colorées, et les maquettes, minutieuses, figées, m’intéresse beaucoup. » En marge de l’atelier, Stephan Muntaner a aussi interrogé les enfants sur leur rapport à la mer, au voyage. Le film qu’il en a tiré est également diffusé en continu lors de l’exposition.

Cette rencontre avec les artistes est l’axe du travail d’Arts et Développement. Chaque semaine, quatorze ateliers ont lieu au pied des barres, dans des cités de Marseille. L’association a également essaimé et initié une quarantaine de projets de ce type sur toute la France. « Nous mettons l’art au cœur du travail social », relève Patrice Boulan, le président. Une démarche d’échange, utile aussi aux artistes, comme Cécile Dauchez, intervenante depuis deux ans : « Sortir de l’atelier, avoir ce contact direct, élémentaire, est très précieux. » JAN-CYRIL SALEMI

La Parade des Enfants a eu lieu le 29 juin, au MuCEM à Marseille, en marge de l’exposition Parade de Stéphan Muntaner visible jusqu’au 24 octobre

PLUS D’UNE CENTAINE DE PERSONNES POUR PARTICIPER À L’AVÈNEMENT DE L’ASSOCIATION LES AMIS ET PARTENAIRES DU CINÉMA LES VARIÉTÉS le 7 juillet, le dernier bastion parisien : Cinéma La Bastille. Autant dire qu’il y a urgence pour que les institutions prennent des positions claires et que tous ceux qui tiennent à ce cinéma parlent d’une seule voix. L’association Les amis et partenaires des Variétés se devra d’être une force de proposition. Car défendre Les Variétés, ce n’est pas seulement défendre un lieu de diffusion, mais une conception de la culture et de la politique de la Ville ! Une conception fondée sur le partage, l’échange. Les événements organisés par l’équipe des Variétés, menée par l’héroïque duo Linda Mekboul et Anne Jeannes -rencontres avec les réalisateurs, expositions, promotion des cinéastes de la Région, accueil des festivals, des films fragiles qui ne trouvent guère d’écran ailleurs, éducation par l’image- répondent à cette idée-là ! De par sa position stratégique dans un centre ville paupérisé sur lequel « de grands projets » sont lancés, Les Variétés représentent un enjeu. Que faire de cette Canebière mondialement

connue ? Un nouveau Broadway, dans un fantasme passéiste si peu accordé à la réalité marseillaise ? La disparition de ce cinéma précieux, agora culturelle au cœur de la Ville, loin des paillettes d’une culture-pop corn serait une réelle perte pour Marseille ! Dans cet espace où tant de fois, à travers fictions et documentaires, on a parlé des luttes des David contre tous les Goliath du monde, l’émotion faisait trembler tous les discours. La soirée s’est poursuivie par un concert offert par le duo Catherine Vincent : une «fête» de naissance où affleurait l’angoisse de l’avenir. ÉLISE PADOVANI

L’association Les Amis et Partenaires des Variétés donne rendez-vous en septembre à tous ses adhérents et à tous ceux qui veulent la rejoindre. altra.voce@free.fr

Cinéma Les Variétés 0892 68 05 97 cinemetroart.com


14 festivals

ne envie de tourner à Marseille, un coup de cœur pour le roman éponyme de Maylis de Kerangal, le désir de filmer le risque, la liberté, la beauté de la jeunesse… Et puis la rencontre avec de jeunes Marseillais qui plongent régulièrement sur la Corniche, le travail avec eux dans le cadre d’une résidence d’écriture à Montevideo, un tournage qu’a suivi de près la productrice, Gaëlle Bayssière, le jeu de jeunes comédiens formés par Dominique Cabrera aux côtés d’ autres confirmés comme Aïssa Maïga, Lola Creton ou Moussa Maaskri, la composition musicale de Béatrice Thiriet… Et le film est là sur l’écran en plein air du Théâtre Silvain, entre terre et ciel, à quelques encablures de la Corniche où il a été tourné. « Les petits cons de la corniche. La bande. On ne sait les nommer autrement. Leur corps est incisif, leur âge dilaté entre 13 et 17 ans et c’est un seul et même âge, celui de la conquête… » (Maylis de Kérangal) Une bande des arrondissements Nord de la Ville s’est approprié ce bout de territoire dans les quartiers riches de Marseille, loin des combines et de la misère des cités. Des filles, des garçons, insouciants comme on peut l’être à 18 ans qui rient au bord des précipices, défient gravité et vertige, physique et métaphysique, en plongeant du haut des parapets.

Ce sont eux que filme la réalisatrice. Ce sont leurs corps qui se cherchent, s’élancent dans le vide, dansent sous l’eau. Ce sont leurs mains qui touchent, palpent un poulpe, se nouent ou se dénouent dans un ballet aquatique au ralenti. Sur leurs visages en gros plans se lisent la fureur de vivre, la tristesse quand ils évoquent certains souvenirs, la peur ou le vertige et la joie de les avoir vaincus. Et qu’importent les interdits, les rappels à l’ordre, les conseils de

monstres » sur un bleu presque abstrait, fond unique sur lequel ils se découpent. Le temps se distend. Ce temps qui suspend si bien le sien, de vol !

Le bleu et le noir

Le littoral, plus qu’un cadre, plus qu’une scène, devient matière et matrice prudence ! Ils se sentent immortels ! Parmi eux, Marco, le brun, mince et sec, chauffeur pour un caïd, et Mehdi, le blond tout en rondeur enfantine encore, soutien d’une mère abandonnée et d’un frère incarcéré. Puis, élément exogène, Suzanne, la jeune bourgeoise autochtone qui s’agrège au groupe après un rite initiatique, délaissant son baccalauréat et son cercle (des Nageurs), bastion de la bourgeoisie phocéenne pour ce cercle des... Plongeurs. La caméra d’Isabelle Razavet ne les lâche jamais, saisit le « Just Do it », l’envol de ces anges loin de la « fabrique des

Corniche Kennedy © Jour2fête

Just Do it U

Corniche Kennedy, présenté en première mondiale pour l’ouverture de la 27e édition du FIDMarseille, marque le retour de Dominique Cabrera à la fiction, après le documentaire autobiographique Grandir (2013)

On restera près de la mer. On n’entrera pas dans le quartier des Aygalades même pour raccompagner un mineur au sortir du commissariat. De la Corniche Kennedy aux Goudes, le littoral, plus qu’un cadre, plus qu’une scène, devient matière et matrice, un peu comme chez René Allio. Les points de vue s’y multiplient : plongées et contre-plongées pour ces plongeons audacieux. Géographie urbaine, romanesque et si cinégénique ! Extérieur jour, extérieur nuit, la réalisatrice nous entraîne dans le sillage du scooter chevauché par Mehdi (Alain Demaria), Marco (Kamel Kadri) et la jeune Suzanne (Lola Creton) dont le cœur bat pour les deux. Le rap pulse des mots écrits par Kamel Kadri qui rêve du grand large et de sirène à suivre. Le film d’apprentissage tourne à un Jules et Jim version teenager, le noir du polar et du drame affleurant sous tant de bleu. Car cette Corniche, ils ne sont pas les seuls à la sillonner ! Les adultes sont là aussi, en particulier la police qui surveille et veut arrêter des trafiquants de drogue avec qui Marco est lié. La commissaire (Aïssa Maïga), une fliquesse black, plus compréhensive et plus douce que son auxiliaire nerveux (Moussa Maaskri) issu des mêmes quartiers que ceux qu’il arrête, a remplacé le flic désabusé, Sylvestre Opera, du roman de Maylis. Avec Corniche Kennedy, Dominique Cabrera réalise un film solaire, presque camusien, la tendresse en plus. ÉLISE PADOVANI ET ANNIE GAVA

La programmation du FIDMarseille se poursuit jusqu’au 18 juillet 04 95 04 44 90 fidmarseille.org


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Du Jazz partout !

Jan Garbarek, le 22 juillet © Guri Dahl

L

a 17e édition du Festival Marseille Jazz des 5 continents marque une étape tristement historique puisqu’elle présente la dernière programmation de son directeur artistique, Bernard Souroque, décédé cet hiver. Ce dernier avait su poser en 15 ans, avec son fondateur Roger Luccioni, les bases d’un festival ambitieux et reconnu en France comme à l’étranger. Dès 2015, il avait tourné le Jazz des 5 continents vers toute la ville en multipliant les lieux de concerts tout en créant une saison d’été avec les rendez-vous de « Marseille Heure Jazz ». Cette orientation, forte de son succès, est reprise cette année. Ainsi, ce sont 4 lieux de spectacles que s’offre la 17e édition : la Friche de la Belle de Mai, le Théâtre Silvain, le MuCEM et bien sûr les jardins du Palais Longchamp. De nombreux rendez-vous gratuits sont prévus depuis le 2 juin à la fin du mois de juillet avec « Marseille Heure Jazz » dans différents quartiers marseillais : concerts

gratuits, projection de films, master class, rencontres expositions... (voir journalzibeline.fr). Mais venons-en à la programmation musicale que Bernard Souroque avait voulue comme un portrait du monde d’aujourd’hui, et que le nouveau directeur artistique, Stéphane Kochoyan, a fait sienne. En ouverture du festival, le 20 juillet, rendez-vous gratuit sur le toit de Friche de la Belle de Mai avec Ihan Ersahin, pour une rencontre autour de musiciens de haut vol confrontant leurs racines turques à la créativité de la scène underground. Lars Danielsson quant à lui sera accueilli pour une création inédite sur le jazz européen : European Sound Trend. Une première pour le festival qui se retrouve dans le rôle de créateur et de producteur. Parmi les têtes d’affiche incontournables, on trouve Jan Garbarek. Celui-ci s’est fait connaître sur la scène internationale dans les années 70, notamment par sa collaboration au quartet de Keith Jarret. Le « son Garbarek »,

reconnaissable entre tous, en fait une figure incontournable de la scène européenne. Également Didier Lockwood, que l’on ne présente plus, accompagné notamment par le pianiste italien Antonio Farao, et JeanPierre Como, pianiste qui revient pour son dixième opus Express Europa teinté de pop et de jazz avec entre autres invités Stéphano Di Battista. À signaler aussi, le retour de St Germain. Enfin, fidèle parmi les fidèles, Ibrahim Maalouf qui avant son concert rencontrera Ester Rada, la chanteuse originaire d’Ethiopie. Du chant encore avec les crooners Hugh Coltman, qui revisite les grands standards de Nat King Cole et Jamie Cullum pour l’Angleterre qui parcourt le monde depuis 10 ans en accumulant les récompenses. Mais aussi avec le prodige Jacob Collier qui fait partie des jeunes surdoués sur le plan vocal, découvert sur Youtube mais aussi par un certain Quincy Jones ! Signalé comme un temps fort et unique dans ce festival, l’hommage à Chet Baker Autour de Chet avec 4 trompettistes : Stéphane Belmondo, Eric Truffaz, Luca Aquino et Airelle Besson. Et au chant Hugh Coltman, José James, Camélia Jordana et Sandra Nkaké. À découvrir, Aron Ottignon, qui nous vient de Nouvelle Zélande et fait résonner jazz et worldmusic, Christian Scott, nouvelle coqueluche du jazz fusion aux frontières de la soul, du hip-hop et du rock ou Snarky Puppy, collectif de funk brut aux mélodies implacables laissant la part belle aux improvisations. Le temps d’une soirée au MuCEM, vous pourrez découvrir les jeunes talents que sont Onefoot, Minuit 10, Sarah Mckenzie ou Kyle Eastwood. L’occasion de constater une fois encore avec le Marseille Jazz des 5 continents, que la scène Jazz est vivante dans le monde entier : défendue par de jeunes interprètes, elle se décline en se métissant de pop, de rock, de musiques du monde et de références classiques, inventant toujours des mélodies qui seront nos standards de demain. FRANCK MARTEYN

Marseille Jazz des cinq continents 20 au 29 juillet Marseille 04 95 09 32 57 marseillejazz.com


16 festivals

Le tour du monde en huit jours

La 26e édition du Festival Danse, Musiques et Voix du monde de Martigues remodèle comme chaque année la ville et ses habitudes, rythmant le temps de ses rendez-vous, essaimant dans divers lieux de la Venise Provençale

A

u Village du Festival, musique douce, poèmes et chaises longues pour les Siestes du Bout du Monde, ateliers, itinéraires musicaux, tables rondes, édition spéciale gustative, tatouages, coiffure ethnique… il y en a pour tous les goûts. La salle du Grès accueille des stages de danse flamenca (niveau intermédiaire et avancé) avec la danseuse Maria Perez et le guitariste Manuel Gomez, tandis que la médiathèque Louis Aragon offre des stages de chant auprès des tsiganes « Romen » de Perm ; la place Mirabeau s’ouvre au Festival des Enfants (5 à 12 ans) avec ateliers de peinture, de dessin, de collages, de chant et de danses avec les artistes, s’enivre d’un cocktail de mots et d’idées, propose, avec l’association Esprit Carnets, la possibilité de réaliser son propre carnet du festival à l’instar des grands voyageurs; les après-midi se donnent rendez-vous au conservatoire de musique et de danse du Site Pablo Picasso pour des spectacles où les artistes nous permettent de mieux saisir leur univers. Un nouveau lieu, la chapelle de l’Annonciade, offre aux concerts son écrin intimiste. Les animations fleurissent,

El Ballet de Madrid-Compañia enclave español © Juan Berlanga y Abilio Bárcena

on danse avec le Grand Baléti de la Cité de la Musique ou El Mura y su tiembre latino de Cuba, on suit avec délectation les Grands Chambardements (sur les Trois Quartiers), avec les musiciens d’Alerte Rouge ou de Nice la Belle ; l’Orgue de barbarie apporte

son parfum nostalgique, et l’on se rend au Village au bord de la mer pour les concerts de Nux Vomica ou d’Entre 2 Temps… Enfin, le canal Saint-Sébastien entretient sa distance aquatique et quasi initiatique entre public et scène sur l’eau, pour les spectacles

La musique est une fête !

Lura © Krumah-lawson-daku

de la fête. 25 groupes, 250 artistes issus des quatre coins du monde et de nombreux invités prestigieux se relayeront cet été durant 14 jours dans un cadre exceptionnel. « Il est de notre devoir de continuer inlassablement à démontrer au plus grand nombre que la musique est un trésor commun, universel ; que la kora, le bouzouki, les variations modales de la musique arabe ou la signature rythmique de la sardane ne s’adressent pas aux seuls autochtones biberonnés à ces sonorités ». Pour le directeur artistique du festival, José Bel, ces évidences

M

anifestation éclectique, métissée, accessible et exigeante, en partie gratuite et itinérante : le festival de musiques du monde Fiest’A Sète, organisé par l’association Métisète, a 20 ans et continue de partager son goût

ne sont pas vaines à rappeler, lui qui préfère parler de musiques vivantes que de musiques du monde. Démarrage avec des escales musicales autour du Bassin de Thau (Balaruc-les Bains, Marseillan et Poussan) : une semaine de réjouissances musicales gratuites parmi lesquelles Antoine « tato » Garcia, le trompettiste nigérien Muyiwa Kunnuji, El Gato Negro ou le Nega Lucas quintet. Puis, le festival s’installera dès le 2 août dans son berceau historique, le majestueux et emblématique Théâtre de la Mer. L’amphithéâtre à ciel ouvert à flanc de corniche recevra durant une semaine des soirées thématiques où se succèderont les plus grands artistes internationaux et nouveau talents. Ainsi, on applaudira par soirée la violoniste chanteuse cubaine Yilian Canizares et la diva Omara Portuondo, Ilhan Ersahin et John McLaughlin, Bachar Mar-Khalifé


17 des ensembles traditionnels et trois concerts évènements : Dale Blake & the Gospel Life Rejoice, Le Condor (catalan) accompagné par l’incontournable et dynamique Capouliero, et El Ballet de Madrid-Compañia enclave español ! Originalité de cette année, la soirée d’ouverture ne se déroulera que la troisième journée du festival, le 26 juillet, rassemblant la quasi-totalité des ensembles traditionnels. Ne négligez pas les premiers jours, avec l’arrivée en joyeuse fanfare des groupes et le concert de celui que l’on a surnommé Golden Voice (Dale Blake) ! Deux pays nouveaux, les Îles Fidji et la Thaïlande, avec Vou dance Company de Suva et Chanthaburi de Chantaburi, rejoignent des territoires plus familiers du Festival, et les ensembles Ubuhle Be Afrika d’Afrique du Sud, Radost de Biélorussie, Tupa Marka du Chili, Naiden Kirov de Bulgarie, Lous Gaynuts des Landes, Identidad Perú du Pérou, les Tsiganes Romen de Russie, la Fanfare Ziveli Orkestar, et La Capouliero. La fin juillet sera sans conteste martégale ! (Songez à réserver rapidement !)

Cap sur l’Afrique

MARYVONNE COLOMBANI Calypso Rose © X-D.R.

P Festival de Martigues 24 au 31 juillet Martigues 04 42 49 48 48 festivaldemartigues.fr

en formule trio piano-basse-batterie suivi par Natacha Atlas, le tromboniste Fred Wesley et le guitariste blues Lucky Peterson, Ballake Sissoko & Vincent Segal et une carte blanche donnée à Pascal Comelade, la chanteuse lisboète Lura, Bonga, Omar Sosa & Gustavo Ovalles et le New York Salsa all stars. Et pour finir des tchatches musicales, des séances de cinéma, des expositions (JeanPierre Le Bail), des apéros (musicaux bien sûr) et des afters à la plage. DE.M.

Fiest’A Sète 12 juillet au 8 août 04 67 74 48 44 fiestasete.com

our sa 26e édition, le festival nomade de musiques du monde met à l’honneur, du 18 au 24 juillet, l’Afrique et les femmes sur les plus belles scènes du bassin de Thau, à Sète, Bouzigues, Villeveyrac, Montbazin, Mèze. Engagé dans une démarche de coopération, le Festival de Thau tisse des liens avec la création régionale en programmant trois concerts issus du centre de création +Le SiLO+ (Raizes, Beatik et Uéi), et un groupe de la région Languedoc-Roussillon en partenariat avec le festival ImageSingulières de Sète (Maudite Taraf en ouverture le 4 mai). Il organise aussi un stage avec l’école municipale de musique de Mèze et présente six Eco-Dialogues en entrée libre avec, entre autres, Fatima Bellaredj, Patrick Viveret, Michèle Rivasi… (rencontres proposées par Thierry Salomon inspiré par les thèmes du film Demain de Mélanie Laurent et Cyril Dion). Il développe également des actions d’éco-responsabilité, de sensibilisation au développement durable, et d’insertion sociale. Côté concerts, le Mali sera honoré avec la grande et magnifique chanteuse Roka Traoré, Bamba Wassoulou Groove qui croisera funk et bambara, et les Amazones d’Afrique -premier groupe malien

exclusivement féminin- qui élèveront leurs voix pour se mobiliser contre les violences faites aux femmes et promouvoir leurs droits. L’icône des Caraïbes Calypso Rose fera son retour pour la sortie de son nouvel album Far from home auquel un certain Manu Chao a participé. Le voyage se poursuivra en poésie avec le chanteur Piers Faccini, le groupe Sages comme des Sauvages, et Angélique Ionatos qui chantera et jouera en réponse à la situation de son pays (la Grèce). Sans oublier l’électropop envoûtante d’AaRON, la cumbia électro de Dengue Dengue Dengue, et pour finir Erik Truffaz en quartet. Joyeuse, éclectique et conviviale, cette 26e édition s’engage également pour la culture, l’art, l’environnement et les droits des femmes : un festival moderne, conscient et nécessaire ! DE.M.

Festival de Thau 18 au 24 juillet 04 67 18 70 83 festivaldethau.com


18 festivals

Avec Zik Zac, pas d’arnaque D

epuis deux décennies, le festival Zik Zac maintient le cap : offrir un panorama mondial des musiques actuelles, festives et populaires. Au fil des éditions et malgré des déménagements dans l’espace et le temps, l’ambition a pris de l’épaisseur. Le street art est venu étoffer une programmation musicale dense et exigeante, accompagnée d’un village alter-associatif. Un esprit Zik Zac est né, stimulateur de sens, voire de bon sens. Pour son 19e tome, le week-end aixois le plus chaleureux de l’année sera electro-pop avec l’incontournable General Elektriks, latino avec le sautillant El Gato Negro ou raï avec la grande Cheba Zahouania. Mais il sera surtout reggae avec un panel d’artistes qui en déclinent les grandes variantes actuelles. Plutôt roots avec Harrison Stafford & The Professor Crew, tendance rock hawaïen avec Mike Love, carrément dancefloor avec le dj Atili Bandalero ou Manudigital. Dans le registre décalé voire déjanté, la toy-pop Cleary ou le spoken world baroque de Goldenberg & Schmuyle. Zik Zac, c’est aussi le festival du métissage sonore, culturel. Les Brésiliens de Bnegão & Seletores de Frequência proposent une fusion urbaine mêlant rap, funk, hardcore,

General Elektriks © Tim Deussen

dub, afrobeat, jazz. Le rap sera également représenté au féminin avec Ladéa, artiste aixoise émergente et prometteuse. Charles X, lui, joue plutôt la carte de l’héritage. Celui de la grande tradition de black music qu’il réactualise par touches de hip hop ou d’électro. Mbongwana Star sont d’autres héritiers. Ceux du Staff Benda Bilili, groupe qui a révolutionné les musiques du monde, africaines en particulier. Nouveau concept pour cette formation qui expérimentent la jonction entre les transes mélodiques de la rumba congolaise, les pistes hypnotiques de l’électro

et des rugissements rock. À voir également, les sessions de live-painting avec les artistes de renommée internationale : Rnst, Pablito Zago, Remy Uno, Dire et Acet. Sans oublier une programmation jeune public. Le tout, entièrement gratuit. THOMAS DALICANTE

Zik Zac Festival 21 au 23 juillet Théâtre de verdure du Jas-de-Bouffan, Aix-en-Provence 04 42 63 10 00 zikzac.fr

ça va Jazzer à Toulon 2

pas non plus le guitariste Mike Stern et le saxophoniste Bill Evans, mythiques l’un et l’autre... Ces pointures ne devront pas occulter la présence d’artistes moins médiatisés quoique prometteurs, parmi lesquels les Calamity Sisters, ou le No Limit Jazz Quartet, qui rendra hommage à la grande Peggy Lee. Sachez également que du 19 au 21, il sera proposé aux spectateurs de jouer en scène ouverte, avec les professionnels. GAËLLE CLOAREC

China Moses © Sylvain Norget

7e édition, déjà, pour le Festival Jazz à Toulon qui revient cette année avec une bonne quinzaine d’artistes. Entièrement gratuite, la manifestation investira les places du centre-ville du 15 au 24 juillet, via des déambulations musicales en journée, des concerts à l’heure de l’apéritif et le soir. Didier Lockwood ouvrira les festivités, accompagné des Violons barbares (Mongolie, Bulgarie, France) et de Guo Gan, grand maître du erhu (instrument traditionnel chinois). Le 16, le quartet de Géraldine Laurent partira en quête de Charlie Parker, et le 18 les Boclé Brothers, avec leur Keltic Project, marieront cornemuse et jazz raffiné. Parmi les autres têtes d’affiche, le pianiste Philippe Duchemin (le 20), Robin Mc Kelle (le 21) ou encore China Moses le 22 (frissons garantis car, chacune dans leur style, ces deux chanteuses ont des voix exceptionnelles). Le concert « coup de coeur » du festival aura lieu le 24 juillet, avec le joueur d’harmonica Olivier Ker Ourio, en quartet. Mais la veille, on ne manquera

Jazz à Toulon 15 au 24 juillet 04 94 09 71 00

jazzatoulon.com


19

D’O, de musique et de films ertains vivent d’amour et d’eau fraîche, paraît-il. Pendant les chaleurs estivales du mois d’août, un tel programme est envisageable. Pour ceux qui voudraient le compléter par d’autres distractions, le Domaine d’O, à Montpellier, propose un festival en plein air où concerts et ciné sous les étoiles seront à l’affiche. Les Nuits d’O, entre le 18 et 27 août, accueilleront pendant six soirées des artistes sur un thème particulier. Avec lors de chaque soirée un film et de la musique. Le tout pour un prix très abordable, 7 €, tarif unique, clair de lune et voûte céleste inclus. Ouverture le 18 août, avec une nuit de la danse où se croiseront le Grand Orchestre de Montmartre (reprises et standards intemporels) et The Blues Brothers le film légendaire de John Landis. Place aux filles le lendemain (hommes toutefois tolérés dans l’assistance), avec le jazz-rock de Rose Betty Klub & The Girls, en concert sous la pinède, puis Mustang, le film de la jeune prodige franco-turque, Deniz Gamze Ergüven, projeté à l’amphithéâtre, et, à la nuit bien

Nach © Audoin Desforges

C

tombée, le concert sous chapiteau de Nach, de la dynastie des Chedid, fille de Louis et sœur de Matthieu. Le 20 août, un vent d’Italie soufflera sur le Domaine d’O : pour commencer sous les pins, l’Orchestra Bailam et Cia

Paradis sur terre I

maginez : 75 hectares de vigne, la douceur de la nuit provençale tombante, du bon vin qui coule à flots, et de la musique qui vient envelopper le tout quand s’allument les étoiles... Pendant trois jours, du 20 au 22 juillet, le domaine viticole de Château Paradis, au Puy Sainte-Réparade, portera plus que jamais bien son nom : le Festival Music en Vignes y battra son plein. Dès 19h30, le public pourra se retrouver pour déguster le breuvage issu du cru ainsi que se restaurer aux rayons du soleil couchant. Une fois les agapes consommées, avec modération, certes, l’heure viendra de passer aux réjouissances sonores, sans modération aucune. En ouverture le 20 juillet, le Béziers Rythm and Blues Band et ses rythmes soul et groove : déjà présente au festival en 2012, la formation héraultaise enchaînera reprises et standards des divas de la soul. Revisitant le répertoire des années 60 à nos jours, les musiciens interpréteront des classiques de Tina Turner, Aretha Franklin ou Janice Joplin. Le lendemain, groove encore, mais venu de Marseille cette fois-ci. Deux frères marseillais, nés dans les années 90 et biberonnés à la musique afro-américaine, ont créé King

Krab. Adolescents, Lucas s’empare d’une guitare, Adam d’une basse, et les frangins Derrez écument les soirées phocéennes. Sur scène, Lucas prend le chant et deux compères les rejoignent, Florent Sallen à la rythmique, Kevin Gelsi aux claviers et le quatuor diffuse énergie et bon son. Enfin, le 22, Coverqueen -groupe formé par Fred Caramia, chanteur passionné d’art lyrique, et son frère Alexandre à la batterie et au chœurs, avec Adrien Husson (guitare), Morgan Michaud (basse) et Raphaël Donadieu (clavier et chœurs)- rend hommage, avec des reprises étonnantes, à Queen et son leader mythique, Freddie Mercury. J.C.S.

Music en Vignes 20 au 22 juillet Château Paradis, Le Puy Sainte-Réparade 04 42 54 09 43 musicenvignes.fr

di canto Trallalero, chants polyphoniques des ouvriers gênois avec détours par le son de Balkans, suivi de Ciao Stefano, le film de Gianni Zanasi et clôture endiablée par le bal napolitain de Lalala Napoli. En deuxième semaine, on trouvera encore une nuit sauvage, le 25 août, avec le folk-rock de Rover et la projection des Combattants de Thomas Cailley. Le 26, nuit Arménie, au son jazz du Quartet André Manoukian, et des musiques traditionnelles de Djivani, entrecoupé par la projection du Voyage en Arménie de Robert Guédiguian. Et l’élite finale, le 27, avec la soirée First Class : soul-funk par Electro Deluxe, jazz-funk par Jacob Collier et les espions de Kingsman Services Secrets, le film de Matthew Vaughn. J.C.S

Les Nuits d’O 18 au 27 août Domaine d’O, Montpellier 0 800 200 165 domaine-do-34.eu


20 festivals

La Roque… à suivre… les yeux fermés ! L

e Festival International de Piano La Roque d’Anthéron, c’est un mois de bonheurs musicaux sur toutes les scènes, rayonnant, dans les Bouches-du-Rhône et le Vaucluse, autour du Parc de Château de Florans, cœur majestueux et incontournable de la manifestation, avec ses platanes et séquoias centenaires, sa formidable et impressionnante conque acoustique... On s’y rend les yeux fermés : aux grands concertos classiques avec orchestre, aux « Nuits » thématiques (Beethoven, Chopin, Mozart), récitals solistes, pianistiques, voire lyriques, musiques de chambre, concerts de jazz ou musiques anciennes avec clavecin… C’est à Rognes (carrières), Silvacane (abbaye), Gordes (terrasses), Mimet (château-bas), Lourmarin (temple), Cucuron (église), Lambesc (église), Aix (GTP, Musée Granet, Saint-Jean de Malte) et même à Marseille (Théâtre Silvain, Sacré-Cœur) pour une nouveauté en 2016 ! Une douzaine de scènes accueille de 200 à plus de 2000 personnes ! Et les affiches sont belles, uniques, les lieux magnifiques. L’instrument-roi est… le piano ! L’esprit ? Celui de partage, de la diffusion de musiques de haut-vol à destination d’un public populaire, des amateurs éclairés, passionnés, aux

Adam Laloum - Parc du Château de Florans © Christophe Grémiot

simples curieux qui, d’années en années, viennent gonfler les rangs des mélomanes. Ils sont plusieurs dizaines de milliers par an à courir les routes du Festival pour un succès renouvelé ! René Martin, son directeur artistique, convoque les plus grands solistes, poètes

et forçats des claviers, accomplis, star ou jeunes prodiges à découvrir, pour une émotion garantie. Sa programmation est large, riche et éclectique, pour tous les goûts… et toutes les bourses aussi ! C’est incontestablement un temps fort de la saison estivale en Provence-Alpes-Côte

L’Empéri fait SALON ! xit « Musique à l’Empéri » en 2016 ! Le festival estival change de nom. Plus lisible ?... il s’appelle désormais SALON... tout simplement ! Mais le Festival International de Musique de Chambre de

Provence conserve une programmation riche où l’excellence et l’amitié sont des vertus requises. Une trentaine d’artistes est invitée chaque année, depuis 1992, par son fameux trio originel, musiciens hors-normes :

© Dominique Coccitto

E

le clarinettiste Paul Meyer, le pianiste Éric Le Sage et le flûtiste Emmanuel Pahud. SALON occupe une place de choix dans le fleuron des propositions festivalières musicales en Provence à côté de l’opéra (Aix, Orange), du piano (La Roque d’Anthéron), de la musique ancienne (Le Thoronet)… car le collectif à l’affiche est composé de grands solistes internationaux, jouant dans les orchestres les plus fameux, et de jeunes talents en devenir. Aussi parce que les lieux choisis sont superbes, leur acoustique remarquable : le Château de l’Empéri et sa cour Renaissance, poumon du festival, l’Église Saint Michel, la Chapelle de l’Abbaye de Sainte Croix et le Théâtre Armand. Nouvelles formes et lieux donc, mais une programmation qui reste exceptionnelle autour, en 2016, des compostions de Beethoven ! On y entend l’intégrale de ses sonates pour violon et piano (au Théâtre Armand), des trios, quatuors, septuor, sonates pour violoncelle et piano, son quintette pour piano et vents...


X I ES R E N C O N T R E S G I O N O 2 0 1 6

GIONO, ROME & L’ITALIE

de Préhistoire des gorges du Verdon d’Azur : une manifestation parmiMusée les plus belles du monde Quinson – Alpes de Haute-Provence qu’il faut avoir vécue ! Et quand on y a goûté… on y revient ! ◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊ Compositeurs, chefs d’orchestre ou interprètes, le Festival de Piano invite les plus grands musiciens : Renaud Capuçon, MANOSQUE, Boris Berezovsky, Nicholas Angelich, Anne Queffélec, DU 3 AU 8 AOÛT 2016 Bertrand Chamayou, Barbara Hendricks, Grigory Sokolov, Adam Laloum, Arcadi Volodos, David Kadouch, Nikolaï Luganski, Abdel Rahman El Bacha, le Trio Wanderer, Baptiste Trotignon, Pierre Hantaï… C’est impossible à ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------résumer ou réduire… à moins d’égrainer une interminable litanie de noms aux affiches des quelques quatre-vingts du concerts des nuits d’été en PaysPeuple d’Aix. Lesméconnu compositeurs ? Musée de Préhistoire des gorges du Verdon Mexique précolombien C’est une palette de l’histoire de la musique de Mozart, Bach Quinson – Alpes de Haute-Provence ou Beethoven, Schubert, Liszt, Brahms ou Chopin, Tchaïkovski, ◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊ Rachmaninov, Prokofiev, Saint-Saëns, Debussy, Fauré, Ravel, jusqu’à Boulez ou Messiaen... Fidèle à son esprit d’ouverture, le Festival poursuit son action « Route de la Durance aux Alpilles », part à la rencontre du public dans quatorze villes et villages du département, accueille les jeunes pousses des Ensembles en résidence pour des concerts Organisation et renseignements Musée de Préhistoire: des gorges du Verdon Les Amis de Jean Giono ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Quinson – Alpes de Haute-Provence gratuits qui permettent, justement, d’élargir le cercle des Le Paraïs, Montée des Vraies Richesses 04100 Manosque amateurs de piano. Peuple méconnu du 04 92 87 73 03 – 06 37 55 73 18

Création A. Bauer, 04100 Manosque - 06 15 88 44 33 - Impression Rapid Compo, 04300 Mane

AU CŒUR

01 juin30 nov. 2016

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JACQUES FRESCHEL

THÉÂTRE d CONCERTS d LECTURES d CINÉMA CONFÉRENCES d DÉBATS d CAFÉ LITTÉRAIRE

Location et réservations : Office du Tourisme de Manosque 04 92 72 16 00 et Association des Amis de Jean Giono avec le soutien de Pierre Bergé -----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Peuple méconnu du 01 juinMexique précolombien 30 nov.

Muséede dePréhistoire Préhistoiredes des gorges Verdon Musée gorges dudu Verdon

Festival international de piano 22 juillet au 18 août 04 42 50 51 15 festival-piano.com

Musée de Préhistoire des gorges du Verdon Quinson– –Alpes Alpes Haute-Provence Quinson dede Haute-Provence Quinson – Alpes de Haute-Provence ◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊ ◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊

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01 juin30Peuple nov.méconnu du

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Peuple Peupleméconnu méconnududu ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Mexique Mexiqueprécolombien précolombien

01 01 juinjuin30 nov. 30 nov. 01 juin2016 30 nov. 2016

2016

J.F.

le musée du quai Branly le musée des Jacobins d’Auch En collaboration avec :

Festival International de Musique de Chambre de Provence 27 juillet au 6 août Salon-de-Provence 04 90 56 00 82 festival-salon.fr

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Graphisme - Merry Lau ; Impression - Imprimerie de Haute-Provence Photo - Luis Martin Martínez García ; © Salvamento arqueológico Puerto Altamira, INAH Tamaulipas.

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2016 Mexique précolombien

on - Imprimerie de Haute-Provence

Aux affiches, les pianistes Roger Muraro, Jean-François Zygel, Frank Braley, Béatrice Rana... à l’Empéri ou dans le cadre plus intimiste de la Chapelle de l’Abbaye de Sainte Croix… car on pourra, dès 12h, y priser quelques concerts matinaux. Les récitals de 18h sont toujours attendus à l’Église Saint Michel : ils permettent de découvrir de jeunes talents. Le 29 juillet un concert gratuit du guitariste Thibault Cauvin est programmé en première partie des « Nocturnes » organisées par la Municipalité, et, sur la scène du Château, chaque soir, on met en miroir Beethoven avec Mozart, Schubert, mais aussi Philippe Hersant... ou Mahler en clôture pour une transcription de sa 4e Symphonie.


22 festivals

Les 20 ans de Chaillol ! l n’a pas pris une ride le Festival de Chaillol ! Peut-être que son allure de jouvenceau est due à la pureté de l’air des cimes... ou causée par l’itinérance des affiches maillant les vallées alpines, protégeant de l’embonpoint... ? Vingt ans que la belle équipe soudée autour de Michaël Dian œuvre à l’alchimie de musiques portées par des artistes de tous univers avec un territoire montagnard ouvert sur le monde, ses courants, ses esthétiques, son histoire… L’esprit demeure, engagé, aventureux… la qualité des artistes également ! Dans un contexte économique où nombre d’espaces culturels sont menacés d’extinction, Chaillol garde la tête haute : « Désormais inscrit dans le paysage culturel haut-alpin, ayant acquis une légitimité et une reconnaissance nationales, le festival de Chaillol existe » comme le revendique son directeur artistique. Que de chemins parcourus en vingt ans ! « Nous n’avions rien d’autre qu’un désir ardent d’être en relation avec la musique, avec un territoire et ses habitants, de la manière la plus authentique possible » ajoute-t-il... Et ce lien s’avère, chaque saison, plus solide ! En 2016, près d’un mois durant, on sillonne les routes pour découvrir la richesse et la diversité du programme. Il y en a pour tous les goûts :

Balade musicale © Alexandre Chevillard

I

de la musique de Colombie refondue au son des jazz-bands américains par Cumbia Ya, le saxophoniste virtuose Joël Versavaud, la projection du film Henri Dutilleux, à portée de voix, la reprise de L’homme qui plantait des arbres, conte musical d’après Giono sur une partition de Georges Boeuf (Journées Sacem), le tango nuevo du bandonéoniste Victor Villena, Du piano !! par les superbes artistes Vanessa Wagner et Marie Vermeulin, les

concerts de l’Académie, leurs professeurs en résidence pour les stages (Musique française), À la croisée des rêves mêlant poésie et musique avec la chanteuse Françoise Atlan, le violoniste Colin Heller et le luthiste Moneim Adwan (au sortir de la création de son opéra Kalîla wa Dimna au Festival d’Aix !), Brooklyn sessions qui développe les plages d’un album de jazz enregistré par Simone Prattico (batterie), Acelino De

Éclectisme au cœur de l’été

Jan Heiting et choeur © Bertrand Périsson

L

e Festival Durance Luberon, même s’il a la particularité d’être actif à l’année, offre à l’été des moments précieux. Traversant les villages de la région Durance Luberon, un programme éclectique glisse de l’opéra au jazz, de la salsa à l’oratorio ou se rapproche de la mer en cultivant le goût de l’opérette marseillaise. Du 6 au 20 août, on visite la région en musique, Grambois, Mirabeau, Le

Puy Sainte-Réparade, Lauris, La Roque d’Anthéron, Saint-Estève sur Janson. Châteaux et domaines ouvrent leurs portes, parfois pour la seule fois de l’année, comme le château de Mirabeau ; on se retrouve sur une place de village (Grambois), dans la sérénité d’une abbaye (Silvacane) ; le théâtre de verdure de Saint-Estève-sur-Janson apporte sa fraîcheur… et les artistes talentueux comblent avec finesse et virtuosité les attentes des spectateurs les plus difficiles, soutenant sans peine la comparaison avec les prestigieux festivals internationaux qui hantent le sud en cette période de l’année. Ajoutez-y la convivialité unique des apéropéras ou des apérojazz, le repas thématique de Mirabeau, qui vous emportera cette année à Bali après la Parade Bali dans les rues du village, grâce aux sonorités complexes et luxuriantes du

gamelan. Mozart est au rendez-vous aux côtés de Rossini, Offenbach et Strauss, avec l’apéropéra où Virginie Fenu (soprano), Florent Leroux (baryton) et le virtuose piano de Vladik Polionov se jouent avec espièglerie des codes, et en costumes ! Raphaël Imbert et le Dancing Jazz Band Quartet puisent dans toutes les époques du jazz pour un parcours enlevé où saxophones, trombone, guitare, accordéon et batterie, se livrent à de somptueuses improvisations. Départ pour l’Amérique Latine avec l’orchestre de Salsa Diabloson, qui propose un stage d’initiation à la salsa l’après-midi précédant le spectacle, rencontre humaine et festive de haut vol ! Brigitte Peyré (soprano) et Murielle Tomao (mezzo-soprano) reviennent avec leur spectacle Les brigandes du château d’If, à voir ou revoir avec jubilation (à lire sur journalzibeline. fr). Enfin, une « grosse production » est au programme : Le Roi David d’Arthur Honegger,


DIDIER LOCKWOOD, LES VIOLONS BARBARES & GUO GAN - FAUT PAS POUSSER BAND - GÉRALDINE LAURENT 4TET « LOOKING FOR PARKER » - CÉSAR SWING - BOCLÉ BROTHERS « KELTIC PROJECT » - SYLVAIN LUC & LUIS SALINAS feat. ANDRÉ CECCARELLI & RÉMI VIGNOLO - 4TET PURE GETZ - PHILIPPE DUCHEMIN / SWING & STRINGS - KING DIDOU BLUES HARP - ROBIN MCKELLE - THE KRAKENS - CHINA MOSES - NO LIMIT JAZZ 4TET - MIKE STERN / BILL EVANS BAND feat. KEITH CARLOCK & DARRYL JONES - OLIVIER KER OURIO QUARTET « OVERSEA »

JACQUES FRESCHEL

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Festival de Chaillol 16 juillet au 12 août Hautes-Alpes 04 92 50 13 90 festivaldechaillol.com

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psaume symphonique en trois parties, d’après le drame de René Morax. Chœur, orchestre, récitant de l’ensemble Ad Fontes Canticorum, magistralement mené par Jan Heiting, l’interprètera dans l’écrin de l’abbaye de Silvacane. Cette œuvre saluée pour son caractère innovant en 1921 par la critique unanime et enthousiaste, frappe par son intense poésie. Que de belles découvertes ! Et ce grâce à une équipe de vrais bénévoles qui, année après année, animés de la même passion, de la même énergie, du même dévouement, portent le Festival qui fête sa 19e édition.

Festival Durance Luberon 6 au 20 août Grambois, Mirabeau, Le Puy Sainte-Réparade, Lauris, La Roque d’Anthéron, Saint-Estève sur Janson 06 42 46 02 50 festival-durance-luberon.com

©Rémy Donnadieu - Théâtre Toursky | Création graphique : Aymeric Duchemin > adgraph.fr

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DU 15/07 AU 24/07 2016

Agence

Paula (contrebasse) et Klaus Mueller (piano), Élodie Soulard à l’accordéon pour un récital courant de Bach à Bœuf (création d’une Partita), l’ensemble CBarré pour la création d’un opéra de chambre El Niño, d’après Garcia Lorca sur des musiques de Georges Crumb et Frédéric Pattar, mis en scène par Pablo Volo, le Quatuor Béla mêlant des univers classiques et contemporains, Fauré project où Simon Zaoui (piano) et ses partenaires nous invitent dans l’univers chambriste du compositeur, Syrinx qui s’articule autour de chants d’oiseaux et des traditions persane, précolombienne, médiévale, une belle Balade musicale en nature autour du thème de l’eau, la Soirée anniversaire avec Philip Bride et Michaël Dian (himself !) en duo violon/piano, le pianiste Jonas Vitaud en solo ou trio en compagnie de Julien Dieudegard (violon) et Noémi Boutin (violoncelle), pour finir avec la reprise de Jadayel fusionnant le langage contemporain (Quatuor Béla) et les traditions orientales (Duo Sabil).


24 festivals

Déjà Orphée charmait les bêtes... M

usique à la Ferme c’est d’abord un concept sympa ! Comme son nom l’indique, on assiste à des concerts de musique de chambre dans une ambiance bucolique et originale. De fait, les notes de Mozart et consort résonnent dans un espace inhabituel, puisqu’en la Chèvrerie Honnoré de Lançon-Provence, les bêtes manifestent leur présence odorante et sonore alors que les musiciens s’activent sur la scène dressée au fond de la grange. Depuis plusieurs années, les chèvres et poules sont, n’en doutant pas, devenues de redoutables mélomanes et font volontiers part de leur agrément à l’écoute des trios ou quatuors proposés à l’affiche. Une expérience à vivre… si ce n’est déjà fait ! D’autant que la 9e édition de Musique à la Ferme convoque une pléiade de talents : plus d’une vingtaines d’artistes de haut-vol qui constituent le fameux Trio Karénine, l’excellent Quintette à vents Artecombo, les musiciens de l’Ensemble Monsolo, les pianistes Célimène Daudet et Jérémie Honnoré (directeur artistique de la manifestation), la violoniste Amanda Favier, François Castang en luxueux récitant… Six grandes soirées proposent d’entendre, à coté de grands classiques de Schubert (La

Trio Karénine © Béatrice Cruveiller

truite en quintette), Ravel, Brahms, Dvorak (Dunky) en trios, Beethoven en sonate (7e op. 30 n°2)… la singularité d’écriture de la compositrice Mel Bonis, des pièces modernes signées Karol Beffa, Guillaume Connesson, une mise à l’honneur particulière du musicien Benoît Menut avec, entre autres, sa dernière création pour violon seul... Deux concerts « en famille » proposent aux petits et grands des Musiques de films et dessins animés ou l’incontournable Pierre et le loup de Prokofiev, transcrit pour quintette à vent et récitant. Des Siestes musicales permettent d’écouter gratuitement les répétitions des ensembles à la Médiathèque du Roulage,

alors qu’on découvre l’évolution de deux siècles de manufacture instrumentale au Centre Marcel Pagnol avec une exposition de pianos Erard. Et l’on viendra avec un peu d’avance aux concerts pour goûter aux « En-cas champêtres » proposés à base de fromages de chèvres… et de crus du terroir : festif ! JACQUES FRESCHEL

Musique à la ferme 18 au 26 juillet Lançon-Provence 04 90 42 74 76 musiquealaferme.com

Deux vieilles gardes, Delibes, production 2015 © Bernard Grimonet

Diableries au village

L’

Association L’Opéra au Village, outre sa belle programmation annuelle, propose chaque été un Festival qui déniche des perles rares du répertoire, exhume des partitions oubliées, offre à voir et entendre des spectacles

d’une qualité et d’une verve remarquables. Cette année, les diableries sont à l’honneur, pétillantes d’humour et de légèreté. Une opérette fantastique d’Offenbach sur un livret de Mestépès, Les trois baisers du diable raconte en un acte les démêlés de Gaspard qui tente de racheter son âme en damnant celle de Jeanne. Tentations, subterfuges, chantage… la machiavélique machination de l’adepte du diable échouera bien sûr. Autre rareté, Faust en ménage de Claude Terrasse sur un livret d’Albert Carré, « fantaisie lyrique » qui, dans certains airs, pastiche Gounod, le modèle du genre. Faust a pris de la bedaine et vit bourgeoisement avec Marguerite dont l’âme devient un enjeu : Méphisto, pour revenir en grâce, si l’on peut dire ainsi, auprès de son maître, doit lui livrer l’âme de cette dernière puisqu’il n’a pu donner celle de Faust. La belle consent à perdre son âme pour retrouver un Faust jeune, mais le suppôt du diable a perdu la main, rend un Faust retombé en enfance puis un Faust trop vieux… le tout

s’achève par une pirouette. Le diable en sera pour ses frais, dupe, à son habitude. Tour à tour, la place du Château de Pourrières (les 23 et 24 juillet) et le Château de Roquefeuille (les 26 et 27 juillet) accueilleront ce joyeux programme sous la direction précise et enlevée de Luc Coadou, dans une mise en scène de Bernard Grimonet. Les chanteurs, Claire Beaudoin, Thibaut Desplantes, Olivier Hernandez, Raphaël Pongy, Béatrice Giovanetti et Annabelle, seront accompagnés par le violoncelle de Virginie Bertazzon, la clarinette de Claude Crousier, l’accordéon d’Angélique Garcia et le piano d’Isabelle Terjan. Est-il besoin de souligner aussi et encore l’infatigable dynamisme des bénévoles sans qui rien ne serait possible ? MARYVONNE COLOMBANI

L’Opéra au Village 23 & 24 et 26 & 27 juillet Place du Château, Château de Roquefeuille, Pourrières 06 98 31 42 06 loperaauvillage.fr


Un été de délices musicaux

Requiem donné le 3 juillet 2016 à l’Abbaye du Thoronet © Bernard Vansteenberghe

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es Voix animées accordent leur virtuose talent aux répertoires pour voix les plus variés, de la Renaissance au contemporain, et offrent avec (déjà !) leur cinquième cycle Entre pierres et mer, rappelant la géographie des deux lieux de concerts du cycle, Toulon et l’abbaye du Thoronet. C’est une partie sensuelle et biblique que l’on entendra à la Tour Royale de Toulon (le 20 août) puis à l’abbaye du Thoronet (le 21 août) intitulée Cappella Sistina, et qui invite cinq chanteurs à interpréter le motet Sicut lilium de Palestrina extrait du Cantique des Cantiques, ce merveilleux poème d’amour que le roi Salomon composa dit-on pour séduire la subtile reine de Saba, et qui, au sein de l’Ancien Testament, prend le sens allégorique de l’amour qui relie Dieu aux hommes (pour simplifier). Ce concert permettra aussi d’écouter des motets de Jacobus Arcadelt, Francisco Guerrero, Jean Lhéritier, et une création de Léo Collin (avec le soutien de la Drac PACA et de la Sacem) qui présentera sa démarche lors d’un avant-propos dans la galerie supérieure de l’abbaye du Thoronet. Il faudra attendre septembre pour se sentir l’âme royale au Thoronet (le 11 septembre) avec le concert Musique pour les chapelles princières de l’Europe au XVIe. Un voyage par les cours de Paris, Munich, Rome, Venise et Madrid nous conduira au Stabat Mater de Giovanni Pierluigi da Palestrina, et à des motets de Josquin des Prés, Jean Mouton, Jacobus Vaet, Clemens Non Papa, Roland de Lassus, Tomas Luis de Victoria. Ce bel ensemble, conduit avec une sensible précision par Luc Coadou, présentera de nouveau la création de Léo Collin. N’oublions pas auparavant les concerts donnés dans le cadre de la Tournée Les Voix départementales, ni le spectacle Anges et Muses (Saint-Maximin-la-Sainte-Baume), ni le ciné-concert Charlot, Octave & Bobine au Festival du Rocher à Cotignac (le 29 juillet, lire le reste de cette programmation cinéma p50). Deux courts-métrages burlesques de Chaplin, Charlot s’évade et Charlot Policeman, seront « habillés » par les Voix Animées, qui se délectent à ornementer les ritournelles d’onomatopées et de cocasses bruitages !

DU 27 JUILLET AU 6 AOÛT 2016 SALON-DE-PROVENCE 24E ÉDITION LES MEILLEURS SOLISTES AU MONDE SE RETROUVENT À SALON

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MARYVONNE COLOMBANI

Entre pierres et mer 20 & 21 août et 11 septembre Toulon, Abbaye du Thoronet 06 51 63 51 65 lesvoixanimees.com

DIRECTEURS PARTENAIRES INSTITUTIONNELS ARTISTIQUES ERIC LE SAGE PAUL MEYER EMMANUEL PAHUD PARTENAIRES

MÉDIAS

MÉCÈNES


26 festivals

Rencontres au sommet M

usique pure ou liée à un « programme » ? Le combat d’un autre temps du musicologue Hanslick prend tout son sens si l’on pose ses valises et ses oreilles au cœur des Alpes de Haute-Provence et plus précisément dans la jolie cité de Forcalquier. Du 24 au 30 juillet, les Rencontres Musicales de Haute-Provence offrent un plateau où l’on s’aperçoit que la programmation ne doit rien au hasard mais a été réellement pensé artistiquement, ce qui n’est pas forcément le cas partout. Quand les sons prennent le relais des mots (Shéhérazade de Ravel), expriment l’inexprimable (Souvenirs de Florence de Tchaïkovski, Un Conte pour violoncelle et piano de Janacek…) en correspondance avec des œuvres où la signification, s’il y en a une, peut être soumise à de nombreuses interprétations (Fantaisie chromatique de Sweelinck, Sonate n°1 pour piano d’Ives…), il est temps de poser pour quelques jours ses valises entre le cloître du couvent des Cordeliers, la cathédrale de Forcalquier et le prieuré de Salagon à Mane. Ces lieux superbes accueilleront entre leurs murs historiques des interprètes de renom. Alexandre Tharaud, Pierre-Laurent Aimard, Frédéric Lagarde

Sextuor, Cloître des Cordeliers en 2015 © Zbinden

aux claviers, mais aussi Nicolas Dautricourt (violon), Jean-Guihen Queyras (violoncelle), Julien Hervé (clarinette), Sophie Cherrier (flûte), Salomé Haller (voix), sans oublier les croisements artistiques pertinents entrepris par ce festival, à découvrir, avec Raphaël Imbert (saxophone), Djamchid (zarb) et Maryam (chant) Chemerani. À travers un éclectisme de corpus ayant un réel sens artistique et soulevant de nombreuses questions, les sept moments musicaux programmés devraient être assurément d’intenses rencontres musicales. Une journée de musique de chambre pleine de surprises (le 24 juillet de 15h à 19h), cinq

soirées chambristes à faire rêver (25 au 29 juillet à 21h) où sera donné le Pierrot lunaire de Schoenberg mais aussi de très belles (et parfois rares) pièces de Kurtag, Amy, Ives, Debussy, Caplet, Boulez, Schumann, Liszt… avant un final qui promet, le 30 juillet : un conte jazz et persan qui accueillera également quelques interprètes de ces rencontres de haute volée. FRÉDÉRIC ISOLETTA

Rencontres musicales de Haute-Provence 24 au 30 juillet Alpes de Haute-Provence 06 60 79 34 24 rmhp.fr

Déclinaisons classiques à Bandol Rondeau pour un récital de clavecin qui jouera Bach, Royer et Rameau. Quai n°5 quant à lui bousculera les frontières musicales en mêlant, entre autres, Bach à la musique brésilienne... Et du jazz aussi, avec Note Forget pour une énergique performance d’improvisation en groupe. Le 8, Une nuit chez Musset verra se rencontrer Hélène Tysmann, qui jouera des œuvres Quatuor Anches Hantées © Romain Serrano de Chopin, et Francis Huster lassica Bandol fête cette année sa 2e qui récitera des extraits de pièces d’Alfred de édition. C’est donc un tout jeune festival, Musset en alternance. mais ambitieux et plein de promesses : en effet, Suivront, le lendemain, l’ensemble Les Voix ce ne sont pas moins de 70 compositeurs qui Animées, qui se caractérise par un chant figurent au programme et plus de 60 solistes d’ensemble animé par un subtil jeu du contreinvités, qui interprèteront des œuvres allant de point et de l’harmonie, et les deux formidables la Renaissance à la fin du XXe siècle. interprètes Laure Favre-Kahn et Caroline Le 6 août, le Quatuor Anches Hantées ouvre Sageman qui nous proposeront un duo de le festival, suivi de la projection d’un film de piano. 1925, Le fantôme de l’opéra avec Jean-Philippe Au rendez-vous également, l’incontourLe Trévou à l’orgue de cinéma. Puis, Jean nable Quatuor Zaïde qui collectionne les

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récompenses internationales. Le 11, Anja Linder à la harpe, Jean-Marc Foltz à la clarinette, et Patrick Poivre d’Arvor dans des extraits de L’insoutenable légèreté de l’être de Kundera donneront leurs Regards imaginaires ; on retrouvera le même soir Juliana Steinbach au piano. Le 12, le Quatuor Eclisses, qui donne un nouveau souffle à la guitare classique, sera aussi de la partie, suivi de l’extraordinaire accordéon d’Elodie Soulard qui interprètera Bach, Schubert ou Bério, entre autres. Enfin, le festival se terminera avec des airs de danse joués par les Percussions-claviers de Lyon, un concert de l’Ensemble Calypso composé de 3 chanteuses et un piano pour des mélodies et des airs d’ opéra, et l’Orchestre symphonique de l’Opéra de Saint-Etienne, dirigé par David Reiland, avec Patrick Messina à la clarinette. FRANCK MARTEYN

Classica Bandol 6 au 14 août Bandol 06 73 77 69 38 classicabandol.com


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En vente chez vos diffuseurs de presse


28 festivals

La botte de Giono film d’Alain Jaubert Giacomo Casanova, on pourra aussi effectuer une promenade musicale en passant d’église en église. Violon, harpe, mandoline et chansons napolitaines... gageons que l’enfant du pays aurait apprécié. Le 6 août, une conférence d’Édouard Schalchli, intitulée Aux mamelles de la louve, vous intéressera aux rapports entre l’écrivain et l’Église catholique. De même que celle, en images, consacrée par Michèle Ducheny et Gérard Amaudric au Voyage de Giono en peinture italienne. Le dimanche 7, on verra du cinéma aux Jardin du Paraïs (projection de l’incontournable Fellini Roma), et le 8 une dernière rencontre littéraire permettra d’échanger avec des écrivains italiens contemporains (Emiliano Amato et Corrado Ramella seront notamment présents). Giono au JO de Rome en 1960 © X-D.R

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es 11e Rencontres Giono auront lieu à Manosque du 3 au 8 août. Comme chaque année, s’y maintient une « une ligne de programmation rigoureusement consacrée à des thèmes inspirés par la vie, l’œuvre et l’imaginaire de Jean Giono » que l’on doit à l’association Les Amis de Jean Giono. En 2016, c’est autour de Rome et l’Italie que tourneront tables rondes, lectures, spectacles, projections, concerts, expositions et dialogues avec les écrivains invités. Car l’homme de lettres, d’origine piémontaise, a amplement puisé dans le riche terreau culturel de la péninsule italique. De Virgile à Machiavel, nombreux sont les auteurs italiens qui l’ont accompagné toute sa vie ; quant à la Ville éternelle, elle éveilla chez lui une passion perceptible « dans des œuvres et des textes qui ne sont pas les plus familiers à ses lecteurs, dont une pièce de théâtre consacrée à l’empereur Domitien ». Tout commencera en musique le 3 au soir, à la Chapelle de la Fondation Carzou, aux côtés de l’ensemble baroque Les Temps présents, qui interprètera des œuvres de Vivaldi et autres compositeurs moins célèbres des XVIe et XVIIIe siècles : (Merula, Falconiero, Selma). Les jours suivants seront l’occasion d’une multitude de rencontres, plus riches les unes que les autres. Avec Philippe Lardaud pour des lectures au théâtre Jean le Bleu, par exemple, ou bien avec André-Alain Morello qui donnera une conférence sur Giono romain. Le 4 août, place de l’Hôtel de Ville, se tiendra dans la librairie

Au Poivre d’Âne un Café littéraire avec Alain Jaubert, René Frégni, Laurent Fourcaut, Jacques Le Gall, Marie-Noël Paschal et Jacques Mény. On pourra également assister à la représentation de Domitien, dans une adaptation de François Rancillac. Ou encore visiter une exposition de photographies signées Agnès Durbet, petite-fille de Jean Giono (en présence de l’artiste, à 17h, Église Notre-Dame de Romigier). Le lendemain, on ne manquera pas la projection d’un entretien accordé par son grand-père en 1964, pour l’émission «Portrait-souvenir de Stendhal», au sujet de La Chartreuse de Parme, ni la conférence de Gérald Rannaud sur Les Italies de Stendhal et Giono. Que de résonances en effet dans les œuvres de ces deux géants de la littérature française ! Après le

GAËLLE CLOAREC

Rencontres Giono 3 au 8 août Divers lieux, Manosque 04 92 87 73 03 rencontresgiono.fr

© Céline Martinez

Fête avec -ou sans- mômes

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estimôme fête ses quinze ans à Aubagne fin juillet, avec une marraine aussi pétillante que pertinente, Nicole Ferroni. Sans nul doute, l’aubagnaise chroniqueuse de France Inter inaugurera et clôturera le festival avec l’humour et la finesse politique qu’on lui connaît ! Entre ses deux interventions, une foule de spectacles, concerts et ateliers devrait enchanter les « sédentaires des congés » du

secteur, et les touristes de passage en Provence. Même si, au grand regret de l’équipe organisatrice, l’association Art’euro, la manifestation est devenue payante pour cause de restrictions budgétaires, elle reste peu chère. « De 0 à 99 ans », petits et grands trouveront leur bonheur dans le parc Jean Moulin, aux côtés d’artistes prometteurs tels que Les Maraudeurs, as du bricolage en roulotte, ou chevronnés, comme le magicien Polonais Osvaldo Drevno. À découvrir également, le Duo Tobarich Pulsar, acrobates spécialistes des portés, venus du Chili. Ou encore La tente d’Edgar, spectacle interactif de la Cie La Trappe à Ressorts. On pourra aussi se régaler d’une partie de trollball, inspiré du football américain mais « tout droit sorti de l’univers de Tolkien », effectuer un Grand lâcher de petits bateaux sur l’étang, marcher

pieds nus dans un espace sensoriel, et suivre Rit, musicien inventif, dans son interprétation hilarante de Great Lonesome Cowboy de la chanson Hip’n Blues. Sans oublier d’aller voir un projet co-construit avec Art’euro pour Festimôme 2016, par la Cie Filet d’air, qui vous entraînera à bord du Transatlantique ou de l’Orient Express, à partir de photos anciennes et de récits de voyage. Saluons enfin la démarche de réduction de l’impact environnemental du festival, avec des achats de spectacles à consommation réduite, une prévention et gestion des déchets mise en place, de la vaisselle recyclable, des toilettes sèches, et des transports éco-responsables. G.C.

Festimôme 27 au 29 juillet festimome.fr


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Des rives poétiques L

a poésie comme un art de rue. Voilà en quelque sorte le pari initié par les organisateurs de Voix Vives de Méditerranée en Méditerranée. Tout autour des rivages de l’arc méditerranéen, ce festival se pose, pour quelques jours : mi-juin à Gênes, en Italie, début septembre à Tolède, en Espagne, ou en octobre à Ramallah en Palestine. À Sète, les poètes feront escale du 22 au 30 juillet. Ils seront une centaine, venus délivrer leurs rimes, leurs chants, leurs ondes poétiques. Pendant ces neuf jours, la ville se transformera en immense champ de mots : dans les rues, les parcs, sur les places, les plages ou les bateaux, lectures de textes, joutes verbales, en paroles simples ou en musique, envahiront l’espace, en accès gratuit (hormis les soirées concerts au Théâtre de la Mer). L’Orient n’est pas absolument Orient, Ni l’Occident, Occident. Car l’identité est plurielle, elle n’est pas citadelle ou tranchées

© E. Morère

dit la phrase du poète palestinien Mahmoud Darwish, citée sur la page d’accueil du site Internet de la manifestation. Elle résume l’intention du festival : faire se rejoindre toutes les Méditerranée. Celles bien plus paisibles, de la rive nord, et celles agitées, secouées de guerres ou de troubles, sur la rive Sud. Les deux sont en interaction, le chaos du Sud vient souvent bousculer la quiétude

du Nord. Le confort du Nord s’appuie aussi sur la misère du Sud. La poésie est un mode à la fois doux et violent, pacifique et révolté, pour dire ces maux qui rongent l’immense mer intérieure d’Europe, d’Afrique et d’Asie. Le programme de l’événement, ateliers d’écriture, rencontres avec les auteurs, scènes ouvertes, théâtrales ou musicales, est bien trop dense pour en proposer un aperçu exhaustif. Sachez seulement que fin juillet, la ville de Valéry et Brassens se couvrira de poèmes. Il n’y aura qu’à déambuler et se laisser porter. JAN-CYRIL SALEMI

Voix Vives de Méditerranée en Méditerranée 22 au 30 juillet Sète 04 99 04 72 51 voixvivesmediterranee.com

À Carro, sur la jetée… urant trois après-midi et deux soirées, Les Rendez-vous des quais s’installent à nouveau sur le port de pêche de Carro, quai Jean Verandy, pour une édition légèrement plus importante que les deux dernières, qui confirme ainsi la manifestation dans son statut de festival. Ce rendez-vous est né en 2014, de la volonté du Comité du patrimoine de Carro de faire mieux connaître à un public marseillais habitué des grands événements Martigues et sa région toute proche. C’est Sarah Valimamode et Esther Mosckovitch, créatrices de la salle de musique marseillaise U.Percut, qui s’occupent de la programmation musicale qui fait la part belle aux artistes de la scène Jazz et des musiques actuelles en live et en Dj set : le 29 juillet se succèderont L’Enfant loup, Dj qui fait partie du Collectif Mawimbi, Poirier, Dj/ producteur québécois et L’Amateur, Dj éclectique qui mixe pop et électro ; le lendemain place au groupe de rockabilly au nom prometteur, Marylin and the rockin bombs, et au duo explosif de sélecteurs de vinyles 50’s et 60’s, Tanguy Hey Mars et Mark Diabolik ; et le 31, pour le brunch du quai (petit déj, apéro, déj, goûter et re-apéro !), Malin Max et ses sets groovy, le duo Les Picons et Selecter The Punisher, pilier activiste de la scène funk hexagonale pour clôturer en beauté ! Sans oublier la mise en lumière et scénarisation du site par Florence Toranelli, et l’indispensable bistrot de plein air pour dégustations culinaires et vinicoles !

« L’envolée » - illustration Pascal Colrat -

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DO.M .

Les Rendez-vous du quai 29 au 31 juillet festesdecarro.fr u-percut.fr

FESTIVAL DE CHAILLOL 16 JUILLET > 12 AOÛT 2016

festivaldechaillol.com / 04 92 50 13 90


30 festivals

L’Europe en création à Marseille

Saffy Setohy © Jan Hendrickse

T

ravellings, le rendez-vous annuel européen de Lieux Publics et de la plateforme européenne In Situ à Marseille revient le 10 septembre pour sa 3e édition, dans différents lieux de la Cité des arts de la rue. La manifestation aura lieu en deux temps : de 15h30 à 19h30 chacun des 18 artistes invités, et accompagnés par In Situ, proposera un temps d’atelier, de rencontre ou de performance pour échanger avec le public sur leur création en cours ; puis, de 20h à 23h le collectif marseillais Rara Woulib proposera de revisiter son répertoire, ainsi que

son univers scénographique et musical, lors d’une soirée surprise où se mêleront chant, banquet, déambulations ! Parmi les compagnies françaises, le collectif GK pour Proust, qui interroge la liberté dans un monde ultra-connecté, l’association Roure qui propose, avec Fantômes, d’appréhender la mort, le collectif L’écumerie pour une étude sur le paysage, les interrogations de la Cie Adhok sur la jeunesse, et le Pudding Théâtre qui explore les flux migratoires dans des territoires sous tension. Venus du Royaume-Uni, Luke Jerram installera son parcours Sky Walk,

Kate Pendry sa cartographie nostalgique du territoire, et Saffy Setohy nous confrontera à notre environnement avec Light Field ; la Danoise Elle-Mie Ejdrup Hansen créera A European Symphony avec 2017 voix de personnes issues de toute l’Europe ; le Hongrois Bálint Tóth nous permettra de dépasser nos limites liées à l’acrophobie ; le collectif Néerlandais Walden interviendra écologiquement sur le paysage ; le Belge Koen De Preter transformera le lieu en un YoYoGi -inspiré du vrai Yoyogi Park à Tokyo- prêt à accueillir danseurs, musiciens, karatekas pour un immense rassemblement créatif ; l’Allemand Frank Bölter construira, avec des réfugiés légaux et illégaux, un camp pensé comme un lieu d’échange, dans lequel les maisons seront construites en papier grandeur nature avec la technique de l’origami… Tous ces points de vue, et d’autres encore, contribueront à n’en pas douter à enrichir le dialogue européen et unir ses peuples ! DO.M.

Travellings 10 septembre Cité des arts de la rue, Marseille 04 91 03 81 28 lieuxpublics.com

Dix ans de Désordre À

l’heure où nous écrivons ces lignes, sa programmation n’est pas encore bouclée, mais on sait d’ores et déjà que la 10e édition du festival Préavis de Désordre Urbain sera brûlante. Son fil rouge, les migrations des frontières (géographiques, sociales, artistiques), vient sinuer là où ça fait mal : dans nos existences inquiètes, notre vivre ensemble malmené en France, en Europe, dans le monde... et à Marseille. « Marseille, terre de migrants, terre d’accueil ? » Une évidence pas si évidente, qui se questionnera à travers un dispositif nomade, issu de La Friche pour aboutir au J4, en passant par les Réformés et le Vieux Port. On garde la formule des Morning Plexus, temps matinaux de rencontre et d’échanges avec les performeurs, et on l’assortit d’une scénographie conçue tout exprès pour l’événement. Un Check-point, « aménagé à l’aide de barrières de chantier et de tentes », servira de lieu de rendez-vous, partages et interaction avec le public, contrairement à l’usage policier, qui en

Dorothea Serror © RedPlexus

fait plutôt des sas décourageants, et souvent infranchissables. Itinérant et habité 24h sur 24, il accueillera également des banquets performatifs, en partenariat avec artistes et associations méditerranéennes. Une exposition rétrospective se prépare en complément du dispositif, revenant en photographie sur les neuf éditions précédentes. Parmi les artistes présents, « grands noms de la contre-culture contemporaine internationale

actuelle », on citera le Néerlandais Peter Baren, danseur et plasticien adepte des rituels, ou encore Dorothea Seror, danseuse et professeur d’art venue d’Allemagne. Son travail interroge ce qui est considéré comme des défauts corporels, dans leur dimension sociale et politique. Autres invités, le Polonais Dariusz Fodczuk, peintre, sculpteur et auteur de performances artistiques dans l’espace public, ainsi que Didier Manuel aka ODM Otomo, qui ouvrira le festival de manière sonore et visuelle. GAËLLE CLOAREC

Préavis de Désordre Urbain 6 au 17 septembre Marseille 04 95 04 95 34 redplexus.org


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Vive la nouveauté !

Célébrons la belle vie ! F

Le Tartuffe © Mathilde Delahaye

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n petit nouveau dans le paysage des festivals de notre région ! Le Figuière-Festival, que l’on doit aux organisateurs de feu le légendaire festival Off de danse de Montpellier, est invité par la famille Combard à s’installer dans le domaine viticole Saint-André de Figuière dont elle est propriétaire. C’est au cœur des vignes du massif des Maures que ce festival à taille humaine mêlera à l’artistique, la fête et le bon vin ! Au programme des réjouissances (outre des dégustations et quelques surprises), dès 19h30 tous les soirs, des formes contemporaines en théâtre, danse, musique et lors de performances et d’installations : la Cie Grand Magasin qui livre sa vision du travail dans D’orfèvre et de cochon et interprète quelques 25 chansons trop courtes ; Guillaume Bailliart, seul en scène, qui joue tous les personnages du

Tartuffe de Molière…(critique à lire sur journalzibeline.fr) ; le collectif suisse 2B Company qui offre un Récital surréaliste ; Fanny de Chaillé pour une Gonzo Conférence sur le rock avec Christine Bombal ; Babeth Joinet, avec sa Chorale Public formée par les spectateurs qui promet le plus grand et délirant des plaisirs… Et durant toute la durée du festival, The Wheels Orchestra qui propose un concert-installation de 30 magnétophones à bandes en tout genre, mythiques et légendaires… dans un chai ! DO.M.

aut-il angliciser notre langue pour faire valoir « l’art du bien vivre et la belle vie » proposés par un festival ? C’est ainsi que se présente Les Égarés à Jonquières, avec force « good life », qui mêle « musique, scénographie, œnologie, gastronomie, peinture et photographie » ! Depuis sa création en 2012, le festival n’a eu de cesse de faire renaître la gare désaffectée du village de Jonquières, et d’en faire le point d’ancrage de ces doux moments qui s’ouvrent cette année le 30 juillet vers 18h avec un apéro gourmand, avant d’accueillir à 20h et 22h la troupe de musiciens et chanteurs Les Faiseurs de tête dans un show intense et drôle, et entre les deux sessions la performance déjantée de majorettes délirantes. Le lendemain, dès 10h, les quais s’ouvrent au tango, aux claquettes, au graphisme, à la poésie, à l’improvisation théâtrale et aux séances de relaxation et massages… de quoi patienter jusqu’à l’arrivée de la Dj Barbara Power, dont le set sera mis en images par la taggueuse Elégante qui créera ainsi une œuvre éphémère Beau oui !. À 21h, cette 5e édition se clôturera en musique, sur les rythmes exotiques, de samba à bossa nova, de Kalakuta. DO.M.

Figuière-Festival 29 au 31 juillet Domaine Saint-André de Figuière, La Londe-les-Maures 04 94 00 44 70 figuiere-festival.com

Festival Les Égarés 30 & 31 juillet Ancienne gare, Jonquières nounconseil.com

Dans les rues de Pernes e festival des arts de la rue Font’arts, organisé par l’association Projecteur, a 20 ans et ça se fête : le centre ancien de Pernes-les-Fontaines s’apprête à accueillir une centaine de spectacles, du 5 au 7 août ! Parmi les compagnies présentes, beaucoup viennent de la Région PACA : les arlésiens de L’Eléphant Vert avec Traceurs ; Microfocus (Marseille) pour OUI ; Les Kaldéras et leur Wâgo (vaucluse) ; le TRAC (Théâtre Rural d’Animation Culturelle) qui entre en Résistance en Maquis Ventoux ; la poésie contemporaine et sonore du collectif marseillais Muerto Coco… Mais il y aura aussi la Cie L’Arbre à vache pour Mr et Mme Poiseau, la Cie

Mauvais Coton pour Culbuto et Mues, le concert atypique de la Cie Aquacoustique et ses musiciens immergés, Philippe Ségéric dans une respiration dansée avec sa vache, Les Frères Jacquart et leurs reprises décalées de tubes des années 80, les tambours de feu des espagnols Deabrubeltzak… Tous les jours, gratuitement, dès 16h ! DO.M.

Festival Font’arts 5 au 7 août Centre ancien, Pernes-les-Fontaines 04 90 61 31 04 fontarts.com

© Frédéric Charbonnel

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32 au programme musiques bouches-du-rhône alpes

vaucluse

Avignon Jazz Festival

2 au 14 août La Rotonde du Château, Simiane 04 92 75 90 14 festival-simiane.com

Festival flottant, Un Piano à la mer Mélangeant musique et théâtre, la Cie La Rumeur utilise un répertoire lyrique hors normes et une mise en scène tirée du théâtre de rue pour désacraliser le piano, l’Opéra et la musique en général. Pour sa 10e édition, le festival itinérant investit les plus beaux spots de la région : plage de Ste-Croix du Verdon, plage de Corbières et plage des Catalans à Marseille et plage du Cap Rousset à Carry. Venez écouter, entre autres, le « vaccin musical » d’Eldo Radio, le Piano in situ de Sylvain Griotto, le bal pop’ de Rodéo Spaghetti, le solo de François René Dûchable ou encore le duo formé par la vocaliste Cathy Heiting et le pianiste Jonathan Soucasse… 19 & 20 août, 2, 3, 9, 10, 16 & 17 septembre 06 46 13 39 93 larumeur.eu

7, 8, 9 & 11 août Château l’Empéri, Salon-de-Provence 04 90 56 00 82 mezzavocesalon.fr

La 25e édition d’Avignon Jazz Festival continue de se distinguer avec une programmation originale, concoctée par une bande de passionnés, donnée dans l’enchanteur Cloître des Carmes. Y seront invités la jeune pianiste et chanteuse Champian Fulton (30 juillet), Thibault Gomez en quintet et la trompettiste compositrice Airelle Besson (le 31), la danoise Sinne Eeg et Kyle Eastwood (le 3 août), qui présidera le jury du Tremplin Jazz d’Avignon (1 et 2 août). Le concours aujourd’hui incontournable pour les musiciens de jazz, en entrée libre, mettra en lice six formations européennes retenues sur 110 candidatures. 30 juillet au 3 août Cloître des Carmes, Avignon Tremplinjazzavignon.fr

Orchestre Français des Jeunes Au GTP, en fin d’été, depuis 2008 souffle un vent de jeunesse avec la résidence de musiciens âgés entre 15 et 25 ans qui intègrent l’Orchestre Français des Jeunes. Ils sont dirigés pour la deuxième année par l’Américain David Zinman, et donneront la Marche écossaise de Claude Debussy, la suite pour orchestre Appalachian Spring d’Aaron Copland, avant de terminer par la Symphonie n°4 de Gustav Mahler, accompagnés par la soprano Elsa Dreising.

1er septembre GTP, Aix-en-Provence 08 2013 2013 lestheatres.net

Sinne Eeg © Stephen Freiheit

L’association Mezza Voce met à l’honneur Giacomo Puccini, lors de cette11e édition, avec Les Jeunes talents lyriques en soirée d’ouverture le 7 août, la projection sur écran géant de Turandot, document rarissime de la RAI capté en 1958 avec le ténor Franco Corelli présenté par Jacques Bertrand (le 8), le grand concert de gala en costumes au cours duquel de grands solistes interprèteront des extraits d’opéras (le 9), et une représentation de La Bohème, spécifiquement adaptée au Château de l’Empéri par Elisabetta Brusa avec le ténor Diego Cavazzin, le baryton Carlo Morini et la basse Massimiliano Catellani (le 11).

Festival des Alpilles Boo Boo Davis à Montreux 2009 ©Lionel Flusin

Cette 34e édition met l’accent sur Les Musiques pour les rois, et propose un voyage musical dans les Cours européennes les plus brillantes du XIIIe au XVIIIe siècle. Au programme, les Ensembles Les Timbres et Harmonia Lenis pour la Cour d’Angleterre (2 août), Doulce Mémoire pour la chambre de François 1er (le 4), Les Paladins pour le Roi Louis XIV (le 8), Vox Suavis à la Cour d’Alphonse X Le Sage (le 12) et Artemandoline au Royaume de Naples et à la Cour d’Espagne (le 14). Du 1er au 15 août seront exposées des photos d’archives, réalisées par Anne-Marie Berthon et Jeanne-Marie Noël, des meilleurs moments du festival.

Festival d’art lyrique de Salon-de-Provence

L’Orchestre Français des Jeunes © Sylvain Pelly.

Les Timbres © Jeanne-Marie Noel

Festival de Simiane

Blues, son cubain et gospel s’emparent du 15e Festival des Alpilles dans trois communes du Parc Naturel Régional des Alpilles. Inspiré par l’identité agricole des villages accueillants selon un maillage culturel territorial exemplaire, en milieu rural, le Festival s’engage à programmer des « chants des champs » : musiques issues des travaux des champs des peuples de la planète. Au programme de ces trois temps fort qui font rimer culture et agriculture, Shaun Booker & Sean Carney et Boo Boo Davis (16 juillet à Lamanon), Soneros del Caribe (5 août à Maussane) et Kumbaya Choir (16 septembre aux Baux). 16 juillet au 16 septembre 04 90 54 85 65 festivaldesalpilles.fr


Musicales de la Font de Mai Après une ouverture théâtrale des Soirées d’été de la Font de Mai, le programme se poursuit en musique, avec toujours en toile de fond le massif du Garlaban dans un cadre champêtre à souhait. Fado portugais et rebetiko grec avec Kalliroi et le fadorebetiko (le 29), chants et danse d’Arménie avec le musicien marseillais d’origine arménienne Levon Minassian (le 30), Les Nuits vénitiennes de Vivaldi interprétées par l’Ensemble Musica Antiqua Mediterranea (le 31) et pour finir un double concert jazz, dans le cadre de Marseille Heure Jazz, par le trompettiste Christophe Leloil, et le Quartet Tzwing en première partie. 29 juillet au 1er août Domaine de la Font de Mai, Aubagne 04 42 03 49 98 tourisme-paysdaubagne.fr

Dub Station Vitrolles fait danser l’été ! Les 15 et 16 juillet, sous le soleil du domaine de Fontblanche, arrêt obligatoire à la Dub Station ! Sound system, ragga, hip-hop, ambiance dance-hall et pur son roots garantis, sur les pelouses du parc. Qui en prime se transformera en aire de bivouac pour ceux qui voudraient passer la nuit entière sous les étoiles. Au programme notamment, le 16, les Anglais Iration Steppas, les Ecossais Mungo’s Hi Fi, ou encore la projection de United for Jamaïca, le film réalisé par le collectif aubagnais Kabba Roots. 15 & 16 juillet Domaine de Fontblanche, Vitrolles 04 42 02 46 50 vitrolles13.fr

Là, c’est de la musique Pour sa 1re édition, ce festival vient porter une touche musicale pendant que tout Avignon s’enflamme de théâtre. Au programme, chaque jour, deux concerts, à 11h et 18h, et à 15h une sieste musicale, sorte de laboratoire sonore, via instruments ou récits, proposée par Bastien Lallemant. Parmi les artistes présents, la chanteuse marocaine à la voix veloutée Oum, le 16 juillet ; le son métissé de rythmes klezmer et africains de Piers Faccini, le 17 : le jazz de Méditerranée de Titi Robin, le 18 ; ou le blues amérindien de Pura Fe le 19.

festival de martigues 24 > 31 juillet 2016

16 au 19 juillet Collège Joseph Vernet, Avignon 09 80 97 06 37 lacestdelamusique.com

Résonances La 8e édition du festival Résonances investit comme chaque année les lieux prestigieux d’Avignon. Patrimoine et musiques actuelles seront au rendez-vous, avec du son électro ou hip-hop diffusé dans des espaces inattendus : le 21 juillet, au Musée du Petit Palais, concert de Maxence Cyrin, qui interprète Moby ou Daft Punk au piano ; le 22 au Musée Calvet, le projet rap 99 de Marc Nammour ; le 24 la dj berlinoise Cinthie au Quai des Allées. Enfin, tous les jours, à la Collection Lambert, Mimix proposera un atelier DJ et création électro pour les plus jeunes. 19 au 24 juillet Divers lieux, Avignon 06 03 34 78 97 festival-resonance.fr

25/07 dale blade & the gospel life rejoice 27/07 le condor & 100 danseurs et musiciens 30/07 ballet de madrid compañÌa enclave espaÑol ... et aussi, 8 jours de fête et de concerts dans toute la ville ! Infos & Réservations www.festivaldemartigues.fr / 04 42 49 48 48


34 critiques festivals

Avignon, premiers (re)tours Depuis le 6 juillet, Zibeline vit le festival Off. Premières critiques avant de replonger, jusqu’au 31, dans la cité du théâtre (à suivre sur journalzibeline.fr) Vivre avec son double

« Si une seule fois tu avais dit non, on en serait pas là ! ». Toute la pièce de Jean-Benoît Patricot réside sur ce « non » qu’une jeune femme abusée n’a jamais (su) prononcé. « Limitée » et désirable -les deux ne sont pas incompatibles-, elle ne savait pas qu’elle pouvait ne pas vouloir : « On ne dit pas non quand on aime ». On suit, un peu étranglés, le huis clos de ce procès dérangeant, au verdict indigne, d’une victime « consentante » qui, grisée par l’uniforme des gentils et par ce « roi du monde » qui la « torture de plaisir » -jusqu’à la « distribuer » en objet sexuel à ses collègues de caserne-, accepte l’inacceptable. Encore fallait-il comprendre l’interdit… Serge Barbuscia met en scène ce récit brûlant tiré d’un sordide fait divers, en se reposant exclusivement sur le talent de ses interprètes, Camille Carraz et William Mesguich, tous deux d’une justesse parfaite, chacun construisant les failles et les ambiguïtés

Autre témoignage bouleversant, saisissant d’émotions fortes, mais aussi rassérénant, qui combat le racisme universel et les clichés misérabilistes, plein d’espoir en la justice des hommes et leur capacité à se reconstruire. Going home, par le Théâtre National de Bruxelles, est le récit documentaire d’une migration à l’envers sous forme de conte-rock ; l’histoire d’une résilience singulière malgré les épreuves, les humiliations, les illusions d’un occident-sauveur ; le voyage initiatique d’un homme qui fuit la fatalité et nous invite à la fête, sans rien occulter. Michalak l’Ethiopien, adopté par une famille autrichienne, veut « voir du pays », et après quelques dégringolades personnelles (dettes/alcool/braquage/prison/ récidive), devient clandestin pour se retrouver, exilé -et heureux- sur sa terre natale. Entouré par deux très jeunes (et très doués) musiciens, son voyage (en vidéo) dans la beauté de la terre africaine et la grandeur de la communauté qui l’accueille, nous saisit de joie et de vérité.

© Gilbert Scotti

L’intimité violée

d’une humanité paumée. Chacun révélant son monstre. Glaçant et troublant. DELPHINE MICHELANGELI

DE.M.

PompierS au théâtre du Balcon jusqu’au 30 juillet

© Alexandre Meeus.

« C’est en fauchant qu’on devient grand »

Going home au théâtre des Doms jusqu’au 27 juillet

Gribouillage créatif

Un délice de fabrication artisanale à découvrir dès 5 ans. Dans Mange tes ronces, la Cie belge Brigand Rouge réussit à intégrer en live récit, comédie, ombres, musique, bruitages, douce folie et belle morale ! Deux formidables et énergiques manipulatrices-comédiennes d’ombres et collages animés, qu’elles actionnent à vue sur vidéo-projecteurs, nous régalent de l’histoire de ce petit garçon de la ville, Léopold, qui atterrit à la campagne chez sa grand-mère, pas piquée des vers la Mamie Ronce, et apprend à maîtriser sa peur de l’inconnu. Tout autant qu’à faucher les ronces, à aimer la soupe aux orties, le grand air, et cette grand-mère évidemment plus attachante qu’elle n’en a l’air. « Sachez ceci petits enfants : c’est en fauchant qu’on devient grand ». Une création délicieusement bucolique d’une tendresse infinie ! DE.M.

Des petits gribouillis timides que Lilian Matzke du Théâtre Désaccordé recueille auprès des très jeunes volontaires présents (dès 1 an) sur une feuille transparente, émerge l’exploration en douceur d’un monde graphique à l’imagination débordante. En convaincant l’auditoire de sa langue natale allemande (mêlée à de l’approximatif gremeuleu tout aussi intuitif pour les petits enfants), tout l’art de la « traitologie », cette science inventée par la compagnie pour décrire l’abstraction du trait enfantin (et pas que !), est présent, sensible, inventif et accessible. Une petite pièce délicate comme une plume (jouée deux fois par jour) qui laisse le public bouche bée devant les aventures d’un minuscule personnage tiré par un fil (on pense à La Linea) qui se balade grâce à un inventif castelet à hauteur d’enfant dans un monde de cabosses, de boucles et de rêves en couleur. DE.M.

Mange tes ronces au théâtre des Doms jusqu’au 27 juillet

En traits mêlés à la Maison du théâtre pour Enfants, jusqu’au 27 juillet


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de Off Conte à croquer

© Mathieu Castelli

Un décor efficace (un mur d’ampoules clignotant au rythme des pulsions de l’histoire), des acteurs drôles et énergiques (Mélaine Catuogno, Sarah Nedjoum et Julien Perrier, issus du Conservatoire d’Avignon), une mise en scène burlesque et solide (Frédérique Richaud) : tous les ingrédients nourrissent cette nouvelle adaptation jeune public de la Cie Éclats de Scènes, qui échappe de peu, par sa conviction, à la chute étonnamment précipitée de cette pièce signée Catherine Anne. Deux sœurs ogresses vénéneuses à souhait (cousines probables de Barbe Bleue ?),

empêchent l’entrée de la cité des merveilles où est supposée attendre leur cadette, Annabelle, future mariée de Louis Beaugosse, impatient et transi (et né en Tabouanie, tiens tiens…). Que lui est-il arrivé ? À elle, et à ses autres prétendants, tous mystérieusement disparus ? Une intrigue entre conte et farce autour de la dévoration et de l’interdit, rondement menée et appétissante ! DE.M. Ah ! Annabelle à la Maison du théâtre pour Enfants, jusqu’au 27 juillet

4 pièces dansées de choix hommes qui pleurent… De la grâce, Une femme au soleil de Perrine Valli (en partenariat avec la Sélection suisse en Avignon) en regorge ! (Très bien) Inspirée par le tableau d’Edward Hopper, la chorégraphe crée un pas de quatre autour du désir, d’une sensualité contagieuse. De merveilleux et langoureux préliminaires vécus au ralenti par deux couples en état d’apesanteur, d’une précision gestuelle magistrale, qui s’enroulent de plaisir, alanguis, hypnotisant, en symbiose parfaite. L’éloge fascinante de la lenteur et du 7e ciel ! DE.M.

AU, Só20, Boys don’t cry et Une femme au soleil aux Hivernales jusqu’au 20 juillet

AU © Jean Barak

Au CDC, les pièces s’enchaînent toutes les 2 heures dans un rythme soutenu et vivifiant. Accompagnés par Seb Martel (à la cythare), Kylie Walters et Christian Ubl ouvrent la journée avec AU et offrent une leçon d’originalité, en mêlant à leur tiers-paysage et leurs pas dynamiques un doux et dingue vagabondage fantaisiste autour de la notion d’identité (elle est Australienne, il est Autrichien). Tous les trois sont drôles, précis et fins ; la variation textuelle autour de l’Au/o amuse, aussi, mais convainc moins. En co-réalisation avec les Doms, le touchant Claudio Bernardo a écrit dans Só20 une sensible et sincère partition autour de son histoire, liant forcément vie privée et artistique. Le chorégraphe brésilien revient sur son chemin de danse, avec une nostalgie palpable sur le temps qui passe, 20 ans de passions et de collaborations, et se donne entier pour faire briller la flamme qui l’anime encore. Un magnifique palimpseste de gestes et de souvenirs qu’il effeuille, généreux, en belle intimité. Boys don’t cry de la Cie Divergences est un tonnerre ! De sons (batterie à fond les ballons, bouchons d’oreille recommandés), de baguettes (qui voltigent dans tous les sens), de corps (performance très virile de Sylvain Huc et Pierre-Michaël Faure). Un combat de testostérone où les deux « coqs », toujours sur les starting-blocks pour se mesurer, évitent la caricature, sauvés par le propos sur le genre… Sueur, énergie -voire brutalité, c’est aussi la question posée sur la masculinité- et au final tonnerre d’applaudissements pour une création très sonore à qui manque juste un poil de grâce pour que s’épanouisse la fragilité des

Fétide folklore Au théâtre des Halles, l’Autre compagnie (Toulon) reprend Le Mois de Marie, un voyage vers le racisme ordinaire de deux vieilles femmes des Alpes bavaroises, signé Thomas Bernhard. Dans une scénographie épatante des ateliers Sud Side, deux acteurs travestis (Frédéric Garbe, le metteur en scène, et Gilbert Traïna) sont plantés dans le sol, bustes monstrueux et géants veillant sur une vallée miniature. Un petit train parcourt les champs, et les deux géantes avec leur fichu échangent des horreurs, sur les Turcs, la spéculation, la morale, les curés. L’attaque est féroce, la caricature menée avec précision et drôlerie, et le rire éclate, le travestissement des acteurs et le décalage des échelles dynamitant avec joie le folklore étouffant de cette vallée bavaroise trop verte... dont le racisme, le nazisme même, est aussi rapproché du nôtre, lorsque les deux acteurs esquissent une farandole à galoubet... Ce Mois de Marie est précédé de L’Imitateur, où Pascal Rozand égrène une séries de faits divers mortels qui eux aussi s’étonnent que ces paysages si propres puissent faire naître tant de déviances. Bavarois ou Bas Varois, dit la feuille de salle... AGNÈS FRESCHEL Le Mois de Marie et L’imitateur aux Halles jusqu’au 28 juillet


36 critiques festivals

Au-delà des mots

Néo féminisme

© Agnès Mellon.

juste de le donner à voir. Celle que choisit Emilie Charriot, donnant la parole à la danseuse Géraldine Chollet qui commence le spectacle en parlant de son propre corps, puis à Julia Perrazine qui dans un simple face à face avec le public dit avec force et émotion la domination, la peur, la liberté, et le viol « inhérent à notre condition de fille », dont il faut se relever, pour vivre debout. Les larmes viennent, la gorge se serre, et la mise en spectacle du texte prend tout son sens. Puis l’empathie fait remonter dans nos têtes tous ces chiffres qu’elle ne dit pas, mais que sa dénonciation du système des genres (virilité contre féminité) éclaire crûment : en France une femme sur dix sera violée au cours de sa vie, et autant d’hommes sont des violeurs. A.F. King kong théorie au Théâtre Gilgamesh (dans le cadre de la Sélection suisse en Avignon) jusqu’au 24 juillet

MARYVONNE COLOMBANI

Si actuel La pièce d’Arthur Adamov, Tous contre tous, est très peu jouée, et l’on peut rendre grâce au metteur en scène Alain Timar de la présenter dans une traduction en Coréen avec de jeunes acteurs issus de l’Université nationale des Arts de Corée. Surtitrages, musicalité d’une autre langue, multiplient l’effet de distanciation théâtrale, dans cette pièce où le dédoublement est un mot-clé, souligné par une mise en scène qui met en abîme le travail théâtral, rassemblant des exercices d’école (mouvements dirigés par un meneur de jeu, travail en échos…). Plusieurs acteurs jouent un même personnage, une veste, une écharpe dessinent celui ou celle qui sera Jean Rist, Zenno, Marie, la mère, Darbon… Le tout

est rythmé par les musiques et percussions de Young Suk, situant l’œuvre à mi-chemin entre le théâtre et l’opéra que vient renforcer la présence d’un chœur tragique incarnant tour à tour la foule, les policiers, les réfugiés… L’action est d’une actualité troublante : dans un pays imaginaire, la situation des réfugiés fluctue au fil des lois qui les acceptent, les rejettent, selon les nécessités économiques. La misère sociale suscite tous les fantasmes, et les manifestations de haine féroce… La jeune troupe joue avec une force de conviction et une vérité qui touchent. M.C.

Blessures

Tous contre tous aux Halles jusqu’au 28 juillet

Régler ses comptes avec Dieu Mais d’abord comment régler ses comptes avec quelque chose qui n’existe pas, blague juive originelle, la pensée même de Dieu est incompatible avec la raison… Le texte de Régis Vlachos, Dieu est mort, Chronique d’un petit garçon, donné en lecture l’an dernier lors du festival Off, revient dans sa version théâtralisée, plus ramassée, jouant sur les ombres, les jeux de scène entre le narrateur principal (Régis Vlachos) et les intrusions lumineuses de Charlotte Zotto. Règlements de compte avec l’enfance, la religion imposée, les relations difficiles avec le père, les exigences

Histoire vécue d’Artaud-Mômo au Chêne Noir jusqu’au 30 juillet

© Manuel Pascual

On peut ne pas être d’accord avec certaines idées du King Kong théorie de Virginie Despentes, ce qu’elle y dit de la pornographie, de la prostitution occasionnelle, voire du viol. Mais cet essai si personnel, qui est en fait à la fois un cri de révolte et une confession touchante, ne peut se lire comme une enquête sociologique ni même comme un manifeste. Le mettre en scène dans son rapport personnel à chacune d’entre nous, actrice et danseuse sur la scène, spectatrices (et quelques spectateurs) dans la salle, est sans doute la façon la plus

La Conférence du Vieux-Colombier, organisée par les amis d’Antonin Artaud pour renflouer les finances du poète, n’a jamais été prononcée par celui qui l’avait écrite, incapable devant un parterre composé par l’intelligentsia du moment (1947) d’articuler une phrase construite. Gérard Gélas met en scène les cahiers de notes destinés à cette conférence, véritable art poétique, dénonciation des hypocrisies sociales et intellectuelles du siècle. C’est toujours avec la même puissance décapante que Damien Rémy incarne (rarement le terme a été plus juste !) le poète « suicidé par la société », corps martyrisé par les électrochocs distribués avec largesse par les institutions psychiatriques, doigts tordus, torturés, comme le visage du personnage. Une lucidité glaçante dissèque les travers de la culture européenne, mise en regard de celle des Indiens Tarahumaras rencontrés au Mexique. Artaud s’élève contre « cette société de castrats imbéciles et sans pensée »… On retrouve un Artaud détruit, physiquement, psychiquement, bouleversant dans cette interprétation déchirante et vraie.

de la mère, les premières fois, les chansons de Michel Sardou, les séances chez le psy (Woody Allen n’est pas loin), les cours de philo donnés à des classes aux questions emplies d’aprioris obscurantistes… L’ensemble, réjouissant et jubilatoire, joue sur une palette riche d’émotions, de tendresse. Quel merveilleux conteur dans une mise en scène de Franck Gervais ! M.C.

Entre intime et universel Les silences obligés de Nabil Hemaïzia habitent le théâtre Golovine. Cette création 2016 de la Cie 2 Temps 3 Mouvements tente de transcrire, avec la grammaire parfaitement maîtrisée du hip hop, la question de l’exil, de l’errance. Conte avec un personnage transportant un baluchon énorme qui devient le fond de scène, parsemé de vêtements. Différents registres musicaux rythment l’ensemble que l’on aurait souhaité plus ample, afin d’installer avec plus de puissance les étapes, solos et duos sur un thème aussi universel. M.C.

Dieu est mort, Chronique d’un petit garçon au Théâtre des Barriques jusqu’au 30 juillet

Les Silences obligés au Théâtre Golovine jusqu’au 30 juillet


TOUTES LES FRÉQUENCES RFM


38 critiques festivals

Fringant septuagénaire La 70e édition du Festival d’Avignon commence dans l’enthousiasme

Nos nazismes L

a Cour d’Honneur est debout, et applaudit sans relâche. Aucun départ intempestif, aucune manifestation de discorde durant toute la représentation : on n’avait pas vu ça depuis très longtemps dans l’indomptable Palais des Papes. Il faut dire que le spectacle est époustouflant : il allie le talent de metteur en scène d’Ivo Van Hove à celui des comédiens de la Comédie Française, les propulse hors du répertoire théâtral pour aller vers des terrains plus cinématographiques, tout en jouant sur leur capacité immense à jouer grand, à occuper les 28 mètres d’ouverture de ce plateau surhumain... De la première seconde à la dernière image on est littéralement happé par les images qui dilatent sur l’écran les gestes volés des personnages, par l’incessant trajet de notre regard entre les plans d’ensemble et ces inserts géants, par la musique diffusée qui se mêle à celle jouée en direct, et par Les Damnés enfin, cette histoire inexorable d’une famille d’industriels allemands qui sombre dans le Nazisme. Didier Sandre, pater familias aristocrate et méprisant, son fils infâme SA incarné avec une humanité sidérante par Denis Podalydès, Eric Génovèse en SS manipulateur, Christophe Montenez en jeune désaxé portant le nazisme comme la forme ultime de sa perversion, tous, les visages et les corps serrés de près et perdus pourtant dans l’espace, tous semblent maîtriser chaque intonation de chaque syllabe qu’ils prononcent, chaque expression fugitive de mépris, de désir, de désespoir ou de rage. Alors oui, la salle, debout, applaudit. D’autant que le propos rassemble. Dans ce département de Vaucluse où le FN aux dernières élections était majoritaire, dans ce pays qui cède peu à peu à quelque chose qui ressemble à cette peste noire, le rappel de l’engrenage historique qui mena vers le génocide, de cet enfer de la compromission au nom d’intérêts économiques, fait froid dans le dos et provoque un réel consensus. Pourtant, après le choc et quelques heures de réflexion, on se demande ce qui au juste a

© Christophe Raynaud de Lage - Festival d’Avignon

été dit. Le sens des analogies permanentes. Quel est ce personnage du petit-fils pervers, trans puis pédophile et assassin, qui finit par tirer sur le public rassemblé comme au Bataclan ? Qui sommes-nous, spectateurs victimes guidés à chaque seconde dans ce tourbillon d’émotions qui ne laissent pas le temps de comprendre ce qu’on nous montre ? La cérémonie théâtrale avec ses voix sans amplification et les corps qui se coltinent à l’espace réel et à ses éléments, n’a décidément plus Cour. Y perd-on, lorsque les corps sont traqués et non plus en lutte, en pertinence politique ? L’analogie entre la montée du nazisme, monstre symbolisé par un transsexuel pédophile, et les jeunes islamistes qui sèment la terreur dans le monde, n’est pas très opérante. Visconti s’inspirait d’un roman de Thomas Mann, les Buddenbrook écrit en 1901, pour montrer comment le déclin de l’aristocratie allemande pouvait les mener jusque dans

les bras des Nazis. Pas grand chose à voir avec notre situation actuelle, gangrénée par un populisme d’un autre genre : le désir extra conjugal, les bacchanales des SA, la perversion pédophile, le sens du devoir des marchands de canon, ne sont pas ce qui nous mène aujourd’hui vers la terreur. Après ces sublimes Damnés, oxymore qui n’est pas insensé, on peut se demander si l’esthétique nous rassemble, ou nous sépare. AGNÈS FRESCHEL

Les Damnés, mis en scène par Ivo Van Hove d’après Visconti se joue dans la Cour d’Honneur jusqu’au 16 juillet


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Que disent ces jeunes ?

Parmi les enthousiasmes de cette 70e édition, la présence affirmée de jeunes bandes. Loin de la perfection de leurs aînés qui œuvrent dans la Cour, ils pétillent d’impertinence...

M

guide touristique, d’une architecte hallucinée... la Piccola Familia montre comment économie et théâtre sont depuis toujours liés à Avignon. Mais aussi comment cette aventure est iconoclaste, vivante, révoltée. Par leur approche sans révérence, ils retrouvent certainement l’esprit des débuts...

aëlle Poésy a écrit (avec Kevin Keiss) et mis en scène une fable politique étrangement apolitique, et pleine d’un sens de la liberté pas seulement rafraîchissant. Dans un pays dirigé par un premier ministre aux allures délibérément vallsiennes, les citoyens de la Capitale se mettent à voter, massivement, blanc. Sans que l’on sache exactement pourquoi ni par quelle opération cette unanimité a soudain surgi. Limites de la fable ? Pas sûr : le déluge qui s’abat sur la ville -et sur la scène- a tout de la punition divine, et cesse quand le gouvernement s’en va. Certes, un vote blanc massif amènerait aujourd’hui, sans doute, Marine le Pen à la tête de l’État. Mais justement il n’est pas question de cela, mais de l’inutilité d’un gouvernement qui a perdu de vue l’intérêt commun -les citoyens se débrouillent très bien sans eux- et de la folie sécuritaire qui s’empare des gouvernants lorsque le peuple les désavoue. Le recours à la police, à l’armée, l’état de siège, ont des allures prémonitoires étonnantes (la pièce a été écrite avant la loi travail), de même que les inondations incontrôlables... Ceux qui errent ne se trompent pas. Ceux qui passent la nuit debout aussi, sans doute, si l’on peut admettre que l’activisme politique des jeunes gens ne s’exerce pas aux mêmes endroits que celui de leurs aînés. La Piccola Familia, bande rouennaise de Thomas Jolly, s’empare de l’histoire du festival d’Avignon avec la même fougue. Chaque jour un épisode nouveau est déclaré, comme un acte résistant de 40 mns. Et chaque jour la foule est là, toujours plus nombreuse, debout sous le cagnard de midi, à se délecter de cette mémoire. C’est que les comédiens sont drôles, d’une fantaisie assumée, potache parfois. Mais quel exploit ! Chaque jour ils mettent en scène et jouent un épisode différent, se moquant des garages étroits du off comme de la cérémonie claudélienne, montrant comment ce Festival entier est un miracle à réinventer, qui transforme une petite ville de Province à la mémoire trop lourde -leurs apparitions papales régulières sont hilarantes– en gigantesque fête, et marché, du théâtre. S’appuyant sur l’essai d’Emmanuelle Loyer et Antoine de Baecque (Histoire du Festival d’Avignon, ouvrage de référence qui se lit comme un roman...), le farcissant de pastiches de représentations historiques et d’interventions farfelues d’un

A.F.

Ceux qui errent ne se trompent pas a été joué jusqu’au 10 juillet à Benoit XII. Il sera repris au Théâtre du Gymnase, Marseille, du 17 au 19 novembre

Le Ciel, la Nuit et la pierre glorieuse se joue tous les jours jusqu’au 23 juillet au Jardin Ceccano à midi

Ceux qui errent ne se trompent pas © Christophe Raynaud de Lage - Festival d’Avignon

Sous les gravats, la lumière ? P

oésie ici encore, mais très (trop ?) fragmentée, abstraite et expérimentale, avec 6 A.M. how to disappear completely. Une pièce créée par le collectif grec Blitztheatregroup à partir du poème Ménon pleurant Diotima d’Hölderlin (une élégie en neuf temps qui conclut son idylle avec la mère de l’une de ses élèves), pour une « odyssée de science-fiction » sous influence Tarkovskienne… Soporifique, floue, irréelle, voire volontairement brumeuse, le résultat de cette quête souterraine menée par sept explorateurs en pleine « zone » laisse songeur, même si le rapprochement avec l’actualité aimerait émerger, trop difficilement.

« Chaque jour je m’en vais cherchant toujours une autre voie, et j’ai sondé depuis longtemps tous les chemins… ». Nouveau monde attendu sous les jets de pierres ? Fin des illusions de « l’homme dompté » ? Laboratoire d’idées censées accoucher entre nuit et jour ? Attente d’une lumière divine qui éclairerait un nouvel enthousiasme ? Une expérience plus proche d’une installation d’arts plastiques que véritablement théâtrale. DE.M.

6 A.M. how to disappear completely s’est joué du 7 au 10 juillet à l’Opéra d’Avignon


40 critiques festivals

Au royaume des romantiques A

près Les Oiseaux d’Aristophane, une pièce subjuguante de poésie programmée aux Hivernales 2015, les comédiens de l’Atelier Catalyse ont investi le Festival d’Avignon de leur douce étrangeté. Dirigés magnifiquement par Madeleine Louarn, ils ont déroulé l’histoire de Ludwig, en toute quiétude, tranquillement, respectant l’état d’extase et de romantisme absolu dessiné par le texte de Frédéric Vossier autour de la personnalité complexe et double de Louis II de Bavière : un roi mystérieux et coupé du monde réel, homosexuel tourmenté, solitaire, déclaré fou et destitué, qui voulait rester « une éternelle énigme pour les autres ». Totalement engagés, jusqu’au bout du salut, élégants, aériens, les comédiens ont raconté l’inadaptation au monde -fantastique et fantasmagorique- de ce petit prince devenu roi, grand ami de Richard Wagner, qui préférait bâtir des châteaux et convoquer la nature pour nourrir son âme que régner à la cour. Une tête couronnée au cerveau dérangé et au costume trop grand, qui se retira peu à peu du monde, hors de tous les codes sociaux. Les corps (chorégraphiés par Loïc Touzé notamment, présent au plateau), portés par les envolées guitaristiques live de Rodolphe Burger qui scande le « chemin montant et

© Christophe Raynaud de Lage-Festival d’Avignon

descendant », semblent flotter au-dessus des eaux, les paroles déclamées avec une élocution savante, la temporalité éclatée, l’espace bi-frontal qui nous concerne directement, et ces milliers de jonquilles accompagnant le tableau en mouvement, laisseront des traces, précises, chez les spectateurs. L’image d’un être pas totalement adapté à cette vie, qui parle à la lune, et s’évade en gondole… Une pièce voluptueuse, d’une délicate poésie,

portée magistralement par six comédiens professionnels handicapés mentaux. Une pièce sur la différence, précieuse au royaume du Festival d’Avignon… DELPHINE MICHELANGELI

Ludwig, un roi sur la lune a été joué du 8 au 13 juillet, à l’Autre Scène de Vedène

Le crépuscule des Borgia T

out est noir, teinté du rouge du sang des Borgia. Rouge comme l’eau de Venise dans laquelle la dynastie se noie ; rouge comme le ciel qui assombrit Ferrare. David Bobée descend dans le gouffre d’ombre de Lucrèce Borgia avec le même lyrisme que Victor Hugo s’est plu à écrire sa pièce. Avec la même tension entre « le grotesque et le sublime » : d’où ce mélange © Arnaud Bertereau - Agence Mona improbable et magnifique de l’interprétation nerveuse, parfois surjouée, de abominables (Lucrèce n’a-t-elle pas donné sa bande d’acteurs, danseurs et acrobates aux naissance à un fils d’un amour incestueux ?), accents et aux origines mélangés, des multi- remords feints (le temps de la miséricorde et ples parenthèses rock qui scandent son ballet de la clémence est paraît-il venu…), ruses aquatique explosif, de la débauche d’effets de innommables. Pour son premier rôle au théâtre, lumières. Pas de demi mesure : tout est excès Béatrice Dalle fait entendre l’ambivalence à l’image des sentiments des personnages. et la complexité de Dona Lucrècia, depuis son Rivalités intrinsèques et mortifères, actes arrivée masquée au carnaval de Venise jusqu’à

son assassinat à Ferrare. Tour à tour aimée, haïe, fourbe, méprisée, crainte, subversive, dévoyée, mais follement amoureuse de son fils qui ignore son identité. Capable du pire pour trouver son estime. La scène de son humiliation publique et celle du banquet meurtrier culminent avec force dans cette mise en scène ample, ouverte à des espaces de théâtre chorégraphié. David Bobée préfère accentuer les tensions profondes et sourdes de la tragédie que multiplier les démonstrations de violences et de colères. La cruauté et la rage, l’impuissance et la douleur, la honte et la vengeance sont regardées par le filtre de l’esthétisme : le souper orgiaque est à cet égard l’un des plus beaux exemples. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

La mise en scène de Lucrèce Borgia par David Bobée a été créée en avril 2015 au théâtre couvert de Châteauvallon puis reprise dans l’amphithéâtre en plein air les 1er et 2 juillet 2016


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Trois créations et leurs mystères

Le premier week-end de Montpellier Danse fut riche en créations. Retour sur celles de Christian Rizzo, Emanuel Gat, Maguy Marin et son collectif

L

e nouveau directeur du Centre chorégraphique de Montpellier continue d’explorer les danses populaires, et de les confronter avec l’espace chorégraphique de la scène contemporaine. Son Syndrome Ian se réfère à Ian Curtis, chanteur de Joy division qui lança le post punk sur les dance-floor londonien. La musique crée par Pénélope Michel et Nicolas Devos s’en inspire largement : plus électronique et moins pulsée, jouant de silences et de saturations, elle est la trame d’un spectacle sur lesquels les corps ondulent, lèvent parfois le poing, et semblent habités d’une pulsion vitale qui les noue ensemble, et les surprend. Hommage à la vie des boites de nuit, celles qui, subtiles, savaient lier les corps loin du disco, ce Syndrome Ian est parcouru de menaces. L’ombre rassurante où les corps s’enlacent est déchirée par de mystérieuses étoiles de néon qui crachent des jets de vapeur. Alors les danseurs s’immobilisent, cessent d’esquisser ces corps à corps et ces ensembles qui les unissent, ils ralentissent, renvoyés à leur solitude, observés par des créatures noires et velues qui s’avancent vers eux, et se multiplient, jusqu’à les remplacer, et s’écrouler à leur tour. Comme dans sa pièce précédente hantée par un monolithe, ou comme dans un rêve trouble dont on devinerait confusément le sens, ce Syndrome Ian fascine par sa beauté et les énigmes qui le traversent, et restent ouvertes à des interprétations flottantes. La piste dorée qui reflète les ombres, les corps qui ondulent doucement, les étoiles de lumière qui tournent autour des danseurs comme des soleils épurés, la musique, la subtilité des lumières donnent à cette création de Christian Rizzo une beauté plastique toute particulière...

Trop de pré-requis Celle de Passion(s) est d’un autre ordre. Dans son Ramdam près de Lyon, Maguy Marin a mis en œuvre son sens du partage pour créer avec 9 artistes (vidéastes, plasticiens, musiciens, chorégraphes) et les 11 danseurs de sa compagnie un spectacle fleuve (3h) à partir de la Passion selon Matthieu de Bach. Le résultat, jamais décousu malgré le patchwork, est la plupart du temps fascinant. On en retient

Syndrome Ian © Marc Coudrais

des bribes, nombreuses, une sublime vidéo où une femme tournoie, l’épée à la main, tournée vers le Ciel comme une grâce dont elle veut être envahie ; un moment de danse assise, où les gestes exécutés ensemble lentement concentrent l’attention du regard sur les détails oubliés des corps, et les vocables qu’ils semblent dire ; un tableau hallucinant relayé sur des écrans 3D où un Dieu Christ manipule et se venge ; un olivier tiré sur un chemin de croix ; un ballet de mots sur des étiquettes qui tournoient et bâtissent des aphorismes bibliques dévoyés, tu tueras ton prochain, tu convoiteras, tu fabriqueras des idoles ; un duo amoureux qui chante la passion des corps ; la musique de Bach et ses émotions, le reniement, la violence, le doute, la souffrance et la joie mêlées... Reste le problème, récurrent, des pré-requis. Pour comprendre cette œuvre, ne pas rester au dehors de ses symboles, qui contrairement à ceux de Christian Rizzo veulent être déchiffrés, il faut non seulement comprendre l’allemand, connaître la Matthaüs-Passion et ses spécificités narratives, mais aussi identifier les références à l’actualité, cette bande son d’une manifestation, cette tête coupée qui évoque à la fois Jean-Baptiste et les atrocités récentes... Une feuille de salle aurait pu guider vers les subtilités d’une forme dont on rate les émotions, même lorsque la plupart des références nous sont familières : on ne sait quel artiste a écrit tel passage, qui a fabriqué quel bout, en référence

à quel choral, et à quelle signifiance. Bref la question du public se pose, et cette création commune aura besoin d’être commentée et médiatisée si elle veut rencontrer un public qui puisse saisir son sens...

Peu de matière Pour Emanuel Gat la question ne se pose pas : le sens, il ne le cherche pas, et depuis des années le laisse surgir simplement des corps et de la musique. Le chorégraphe aime la virtuosité, écrit le mouvement avec précision et ampleur, s’attache des interprètes exceptionnels, et gère leurs énergies, individuelles et de groupe, avec brio. Pourtant son Sunny déçoit, justement parce que l’alchimie avec la musique ne prend pas, et qu’elle est un élément essentiel de son langage. Le chorégraphe construit habituellement ses œuvres en répondant à l’architectonie musicale de Bach, de Coltrane, Mozart, Schubert... Awir Leon chante joliment, propose des boutures sonores intéressantes, mais rien qui puisse vraiment, au-delà de l’hommage à Sunny (thank you for etc...), faire naitre une œuvre comme d’une terre fertile. AGNÈS FRESCHEL

Ces pièces ont été jouées dans le cadre du Festival Montpellier Danse, qui s’est tenu du 23 juin au 9 juillet. Lire également critique du spectacle En alerte (p. 44)


42 critiques festivals

Contester, résister, disparaître, ou ce que peuvent les corps Le Festival de Marseille a changé de directeur artistique, et de braquet. Les spectacles s’enchaînent, dans une ambiance enthousiasmante...

C

ela commençait fort, avec Flex’n, et ses danseurs débarqués directement de Brooklyn sur la scène de la Criée. Jamais autant de Noirs n’y avaient été réunis. Le spectacle, tonique, n’était pas de ceux qui vous bouleversent par leur pertinence esthétique, ou par leur virtuosité. Certes les danseurs accomplissaient des prouesses physiques, et certains d’entre eux dégageaient une émotion évidente. Certes leur hip hop savait danser en couples, fait rarissime, et osait même des portés ! La mise en scène de Peter Sellars illustrait de près les paroles, s’attachant aux mots avec un décalage délicieux et inventant un langage des signes ironique, comme dans son Cosi Fan Tutte il y a 40 ans. La structuration de l’espace scénique, la dramaturgie passant des individus au groupes et aux couples, les histoires racontées par les corps disant mieux que tous les mots l’omniprésence de la violence, de la mort et du meurtre, tout cela était efficace, même si la musique, souvent sirupeuse, relevait d’un mainstream commercial qui affadissait le

Gardens Speak, Tania El Khouri © Jesse Hunniford

propos. Un spectacle d’ouverture populaire, plaçant d’emblée le Festival de Marseille dans un rapport au public nouveau, et une contestation sociale palpable. Le Macbeth de Brett Bailey était d’un autre acabit. Les chanteurs Sud Africains, les deux rôles titres surtout, avaient des voix lyriques époustouflantes, et interprétaient Verdi avec l’ampleur et la technique nécessaires (réorchestrée pour petit ensemble par Fabrizio Cassol) dans la salle si inconfortable du Silo. Au-delà de la performance lyrique, la contextualisation de ce Macbeth dans un camp de réfugiés Congolais réactualisait la folie meurtrière shakespearienne : cette Afrique en proie à de petits seigneurs de la guerre est dirigée par les intérêts de « sorciers » blancs, chefs de chantier d’une multinationale capitaliste poussant au crime pour mieux exploiter les richesses minières des anciennes colonies... Un anachronisme rehaussé par une intrigue cadre (les chanteurs sud africains jouent des réfugiés de Goma qui montent Macbeth), des décalages de langue familière

et de timbres africains à l’orchestre, un chœur puissant dont sortent les solistes comme dans le gospel. Car ce n’est pas par hasard, ni par exception, que ces chanteurs interprètent si bien le grand répertoire lyrique : en Afrique du Sud le chant se pratique partout, et les artistes professionnels noirs y sont nombreux, et nettement sous employés dans un réseau international qui peine à les reconnaître... Le procès de racisme fait à Brett Bailey pour Exhibit B ne peut ici avoir cours : les Blancs y sont coupables d’exploitation cynique, les Noirs y sont mauvais comme les Anglais de Shakespeare, égaux des Blancs en ce sens, par la profondeur des personnages qu’ils jouent, par la virtuosité des Africains sur scène, dans un répertoire européen devenu universel.

Les corps disparus L’installation de Tania El Khouri frappe fort, et politique, parce qu’elle rappelle à chacun que les activistes de Syrie se battaient contre une dictature soutenue par l’Europe. La pièce est conçue comme un cérémonial, qui rend hommage aux martyrs de la révolution syrienne, enterrés dans des jardins anonymes parce que le régime leur a interdit une sépulture officielle. On pénètre dans Garden Speak comme dans un cimetière de terre, on s’approche d’une tombe, et la voix qui s’en échappe raconte les histoires, vraies, recueillies auprès de proches, à la première personne. La cérémonie, intime, semble pouvoir réparer l’injustice et le silence de ces morts, un jeune homme de 22 ans qui voulait éduquer les enfants, une institutrice, auxquels chaque spectateur écrit une lettre qui sera communiquée à ses proches. Ces lettres, disait l’artiste, parlent étrangement du rapport à la mort des spectateurs, qui livrent des histoires intimes, plutôt que des paroles de consolation ou leur sentiment


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Badke, KVS © Danny Willems

sur la Syrie, la révolution, la résistance. C’est que l’humanité dégagée par ce dispositif est plus forte encore que sa dimension politique, et plus efficace sans doute, par l’empathie qu’elle génère. Un autre rapport à la disparition, à l’effacement, était à l’œuvre dans Monument 1, d’Eszter Salomon. La chorégraphe met en scène les corps vieillissants de deux danseurs d’exception, Valda (Setterfield) et Gus (Solomons), qui parlent de leurs premiers pas, de Merce Cunningham et Martha Graham... C’est bien sûr la mémoire de la danse qui est sur scène, c’est aussi, plus universellement, celle de l’effacement, de la mémoire qui s’absente, du corps qui ne répond plus. Des Noirs en Amérique aussi, puis de la joie retrouvée, dans les gestes, les souvenirs, la vie qui est là. Valda et Gus sont incroyablement présents, et la façon de les guider dans le silence, le geste réduit mais toujours expressif, les regards, les sourires échangés, installe entre eux et le spectateur une connivence rare, une passerelle vers un temps commun retrouvé.

Acte de résistance La danse est intrinsèquement liée à l’endurance physique de ses interprètes. Mais au-delà du dépassement de soi, la résistance est un questionnement partagé par de nombreux

chorégraphes. Pour Koen Augustijnen, Rosalba Torres Guerrero et Hildegard De Vuyst qui portent ensemble la pièce Badke (anagramme de Dabke, « coup de pied »), l’acte de résister se concrétise doublement par un engagement politique et une matérialité évidente : le socle sur lequel frappent inlassablement les danseurs belges et les performers palestiniens, emportés dans une « bataille » aux allures de cérémonie festive, familiale et populaire… Mais l’allégresse de leurs visages et l’élan de leurs corps exaltés ne font guère illusion, laissant les fêlures surgir abruptement. Indicibles souffrances des populations palestiniennes, coupures d’électricité, bombardements, violences faites aux femmes, relations sexuelles interdites, tortures… la liste est interminable. Badke est une pièce politique qui célèbre la résilience d’un peuple : c’est un cri contre l’enfermement, une parade des corps contre la soumission lancée dans un flux ininterrompu pouvant atteindre l’étourdissement. Voire l’extase quand le seul remède est l’ivresse et l’oubli. Habitué aux postures anticonformistes qui intègrent dans ses projets des acteurs professionnels handicapés mentaux, des spectateurs anonymes et des amateurs de danse, Jérôme Bel pousse son propos à l’extrême dans Gala. Il en reprend tous les codes structurels : ordonnancement mécanique des

numéros, applaudissements systématiques, lumière crue, flops dans les raccords et valses hésitations. Le gala de fin d’année ne ravit que les familles qui voient dans leur rejeton l’étoile de demain ! La résistance de Jérôme Bel à l’ordre établi du domaine de la danse (l’exclusion des non danseurs, l’entre soi de bon aloi, l’imperméabilité des courants et des techniques) passe par une explication de texte mot à mot. Décomplexée au départ, puis rapidement indigente : le chorégraphe offre la scène à des amateurs de tous âges, à des semi professionnels de différentes disciplines, mais le minestrone tourne à l’aigre. Et nous questionne sur la fragilité de sa ligne directrice : altruisme ou récupération ?

Combattre Interprète phare de Jan Fabre et Jan Lauwers notamment, Lisbeth Gruwez danse Bob Dylan avec tempérament. Longtemps elle a résisté à la voix rauque et aux textes engagés du chanteur qui berçaient ses échauffements. Puis elle est « allée au combat », laissant la musique la traverser, la chahuter, la plier en quatre, la transpercer. Tantôt avec douceur, tantôt dans une série d’ondes de choc. « Votre être tout entier vous échappe » confie-t-elle entre deux morceaux crachotant sur le vinyle, au point de jouer sa propre partition. Ample


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Stones In Her Mouth, Lemi Ponifasio © Cie Mau

Présences d’exception

Dances Bob Dylan, Lisbeth Gruwez © Luc Depreitere

comme une caresse, aiguisé comme un couteau, tendu ou délié, secoué ou serein, son corps est un archet aux possibilités infinies. Sur le tapis à la noirceur miroitante, Lisbeth Gruwez résiste en accrochant à son corps les mots âpres de Dylan, en totale osmose, parfois prenant le contre-pied ou osant la perturbation. La performance la mène jusqu’à l’épuisement, le don de soi. C’est un cygne gracile et indomptable. Puis au Merlan elle laisse Dylan et se présente bien droite, un peu raide, éclairée du sommet à la base, les mains que l’on devine grandes, très grandes prêtes à tailler la route ; un souffle, les sons se confondent un instant -vibrations de la clim et musique naissante-, mais la mise en mouvement tranche déjà ; l’air caressé en rondeur puis franchement découpé dépose ses lignes et impose son phrasé sans ambigüité ; l’interprète (la « partition » de Martin Van Cauwenberghe se fabrique en direct à partir des mots hachés du télévangéliste Jimmy Swaggart) se fait toréador en contenant un peu plus son corps et dégage ainsi à chacun de ses gestes une puissante énergie rythmique. It’s Going to Get Worse and Worse and Worse, my Friend démonte / remonte avec précision et rigueur la gestuelle de persuasion, celle des prédicateurs ou des dictateurs ; loin de tout mimétisme, Lisbeth Gruwez crée des abstractions dansées et fait de son corps le creuset d’une violence insensée qui repousse en même temps les limites de l’épuisement ; agir sur les autres passe par la dépense de soi. Intelligent, proche de la perfection, fascinant. Le tour est joué !

Taoufiq Izeddiou a fondé en 2002 la première compagnie de danse contemporaine marocaine, Anani. Sa onzième création, En alerte, nous plonge en plein cœur de son déchirement entre ses origines Gnawa, peuple afro-maghrébin, et l’occident. Sans décor, lumière sobre, il est seul au milieu du plateau, entre deux musiciens : M’Aalem Stitou au guembri et au tbal, et Mathieu Gaborit aka Ayato à la guitare électrique. Par de constants allers et retours, il nous entraîne, avec une énergie peu commune, dans une danse tribale habitée par la transe. Comment concilier tradition et modernité ? Cette quête intérieure, à la fois primitive et sophistiquée, séquencée et elliptique, contemplative et énergique, donne à voir un interprète remarquable. Qu’il marche, danse, chante ou déclame un poème, Taoufiq Izeddiou étonne par sa présence, son charisme et son ancrage tellurique. Sa colère, sa révolte ou son dénuement et sa fragilité touchent, parce que sa quête devient celle que mène chaque spectateur dans sa vie propre. Dans Three Studies of Flesh (For a Female), Mélanie Lomoff interprète un solo en forme de dialogue entre le musicien et compositeur de musiques électroniques, Josh Anio Grigg, et l’œuvre de Francis Bacon. Un solo qui résonne comme un dialogue intérieur aussi, état des lieux d’une interprète forgée par la danse classique et qui interroge son parcours en devenant chorégraphe. Elle transpose sur pointes les corps peints par Francis Bacon, sa sensation de ses créatures hybrides, explorant les distorsions de corps dans des phrases chorégraphiques toutes de brisures et de tensions extrêmes. Des extensions à la limite de la contorsion, comme en lutte avec son propre corps. Tenue et abandon du mouvement alternent pour aboutir à des chutes dont elle se relève chaque fois. Ses sourires lèvent pourtant toute ambiguïté sur un exercice de pure prouesse et distillent une distance de dérision sur elle-même. Tantôt prothèses

puis outils, les pointes sont au cœur de son propos. Elle sort de scène d’une démarche boitillante, un pied sur une pointe l’autre à plat, comme l’on sort ébranlé de la contemplation d’une œuvre de Francis Bacon. Pour Stone in her mouth, le metteur en scène samoan Lemi Ponifasio a demandé à dix jeunes femmes maories d’exprimer leur vision du monde. De cette demande est né un spectacle hypnotique mettant en forme un rituel collectif qui mêle danse et voix à partir des môteatea, chants traditionnels de l’art oratoire maori, bande bruitiste et chants composés spécialement pour ce spectacle. Construite sur des contrastes extrêmes, la pièce oscille entre noir et blanc, lumière et obscurité, cri et silence. C’est à une cérémonie que vont se livrer ces jeunes femmes, vêtues aussi de noir, en chantant, tremblant, dansant et déclamant au fil d’apparitions et disparitions oniriques. Séductrices, altières, rageantes et incantatoires à la fois, elles fascinent : par la maîtrise incomparable de leur art, par l’esthétique très ciselée dont Lemi Ponifasio les habille. Reste à chacun à construire son propre imaginaire à partir de ces gestes et voix mystérieuses : le metteur en scène ne défend pas un patrimoine précis, mais des symboles rituels universels... AGNÈS FRESCHEL, MARIE GODFRIN, MARIE JO DHO ET FRANCK MARTEYN

Le Festival de Marseille se poursuit jusqu’au 19 juillet


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Échantillons de

Cratère Surfaces

Après trois jours dans des sites ruraux, le festival Cratère Surfaces s’est installé pour deux soirées à Alès. Revue d’ensemble

A

tmosphère étrange à Alès. Vendredi soir, il fait doux, ça sent l’été qui s’installe pour longtemps. Mais les rues sont pourtant presque vides. Ah oui, c’est vrai, il y a match aujourd’hui (Pays de Galle / Belgique) Torpeur un peu mélancolique dans le centre-ville. Et pourtant, Cratère Surfaces, festival consacré aux Arts de la rue, premier du genre en Languedoc-Roussillon, investit pour deux soirs la cité cévenole (voir Zib’96). Où sont-ils, tous ? Les artistes ? Les spectateurs ? Les rumeurs ? Les indices que quelque chose va arriver, ici, au coin de la rue ? Pas de signalétique, pas d’habillage urbain de circonstance : rien n’indique que pas moins de 13 spectacles vont occuper l’espace public. Déambulation un rien inquiète, oreilles aux aguets, à la recherche de la rencontre avec l’événement.

Avec ou sans cravate Place de la Mairie. On y est. Les trois artistes de la compagnie The Primitives (Allemagne/ Belgique) commencent à passer et repasser dans le cercle des spectateurs, feignant de chercher le meilleur moyen d’entrer en scène. Cheveux gris, âge indéterminé, costumes-cravates froissés, raideur faussement maladroite : des clowns un peu Tati, un peu Keaton. Chorégraphié par des gestes aussi simples que rentrer ou non sa cravate dans le pantalon, c’est un ballet de l’absurde et des conventions, pince sans rire et lunaire, qui amuse sans véritablement surprendre. Derrière le bâtiment de la Scène nationale Le Cratère, au cœur d’Alès, une tout autre esthétique investit l’espace. Il faut y pénétrer en écartant une barrière d’élastiques multicolores. Nous entrons dans le domaine de Arts’R’Public. Quatre artistes venus de Marseille, Hambourg, Marrakech et Gênes, avec huit jeunes volontaires arrivés des quatre villes, nous entrainent dans le royaume de la tente jetable. Suspendue le long du mur, dégoulinant de bouteilles en plastique vides, remplie d’objets, investie par un écran de télévision… Ambiance de squat, d’errance, sur fond d’atelier pour enfants, invités à une sorte de chasse aux objets plutôt obscure. On ne comprend pas grand chose à tout ce bric-à-brac : sujet fort, ambition internationale et sociale intéressante, c’est comme si le public avait été convié un peu trop tôt, que

Gravity 0 © Le Cratère

c’était à lui de se poser les questions tout juste effleurées par la compagnie. Helmut von Karglass (Autriche) suscite un rire jaune foncé devant le Cratère. Beaucoup de monde pour suivre les tribulations de ce provocateur qui peut se permettre, arguant de sa nationalité, des remarques très sulfureuses à propos d’expériences médicales menées il y a 70 ans… Terrain très glissant, pas toujours traversé avec la grâce requise pour ce genre d’exercice périlleux.

Heureuse gravité Ouf : un courant d’air(s) nous est offert par la fanfare Captain Panda (France), rythmée par le phrasé du trompettiste qui scande ses appels et refrains dans un porte voix. Sonorités salvatrices, entrainantes, jubilatoires des cuivres et des percussions. On danse sur la pelouse du square Gabriel Péri. Les trombones à coulisse couvrent les commentaires du match qui se déroule juste à côté, sur les écrans géants des terrasses des cafés de la place. Nourrissant mélange d’ambiances. En fin de parcours, Gravity.0, création (co-production du Cratère) du chorégraphe montpelliérain Yann Lheureux, rassemble le public sur le parking de la place. Près de 1 000 personnes s’imprègnent d’une envoûtante plage sonore (A. Bertrand) autour de quatre

pylônes qui dessinent un espace portuaire (scénographie : E. Debeuscher). Un trampoline, quelques planches de chantier, des cordes suspendues aux tours de métal. Cinq hommes s’emparent de l’espace. Une heure d’un spectacle très physique, engagé, généreux. Des images qui nous parlent de destin partagé, de désir d’ensemble. Les interprètes dansent, portent, rebondissent, gravissent et gravitent avec une puissance qui subjugue. Et, dans cette démonstration de force, de précision, de risque, c’est une impression de légèreté qui s’échappe et s’impose, avec un humour qui dépasse toutes les lois de la gravité. ANNA ZISMAN

Le festival Cratère Surfaces s’est tenu du 28 juin au 2 juillet à la Scène nationale d’Alès, et à Anduze, Corbès et Marsillargues


46 critiques festivals

musique

Les premiers retours du Festival d’Aix, qui se poursuit jusqu’au 20 juillet, sont emballants (à suivre sur journalzibeline.fr)

Madame rêve ! C’ est lorsque le rideau tombe, à l’issue de la représentation aixoise de Pelléas et Mélisande au Grand Théâtre de Provence, qu’on possède véritablement la clef du spectacle. L’héroïne a juste rêvé tout ce qu’elle vient de vivre : une aventure d’amours et de désirs proposée à notre regard par Katie Mitchell. Un procédé de mise en scène qui peut sembler naïf… mais qui s’avère en l’occurrence d’une frappante efficacité, délivrant « de la logique du monde réel » ce que tissent dans les mots et les sons Maeterlinck et Debussy à l’orée du XXe siècle : un univers qu’on étiquette volontiers sous l’appellation « symbolisme », mâtiné de mystère « vague et soluble dans l’air...». « Madame rêve… d’un amour qui la flingue » chantait Alain Bashung... Mélisande rêve… et convoque du coup ses fantasmes. Alors la scène rend explicite ce qui demeurait indécis, suggéré et naturellement sous-entendu dans les dialogues en musique... dans sa dimension érotique en particulier. Les fameux tableaux de la tour et de la chevelure tombante, de l’espionnage d’Yniold ou des adieux du « dernier soir » se muent naturellement en scènes d’amour physique d’une grande sensualité.

Pelléas et Mélisande © Patrick Berger - ArtComArt

Les jeux de boites décors (Lizzie Clachan), superbes effets visuels, nous entraînent dans l’horizontalité et la verticalité, de chambres en salon, terrasse, escalier en colimaçon, sous-sol, bassin désaffecté, gagnés par la végétation... des jeux de portes, de dérobades et « d’effeuillages », alors que la présence fantomatique d’un double de l’héroïne brise aussi la forme convenue du triangle amoureux... Cela fait sens, tout en conservant un mystère essentiel. Une production qui fait déjà date dans l’histoire de la représentation du chef-d’œuvre, d’autant que le plateau vocal est sans tache, idéalement distribué avec le trio Barbara

Hannigan (Mélisande), Stéphane Degout (Pelléas) et Laurent Naouri (Golaud), secondé par Franz-Josef Selig (Arkel), Sylvie Brunet-Grupposo (Geneviève), Chloé Briot (Yniold) et Thomas Dear (le médecin), tous portés par la présence magnétique d’EsaPekka Salonen à la tête du Philharmonia Orchestra. JACQUES FRESCHEL

Pelléas et Mélisande a été donné les 2, 4, 7, 13 et 16 juillet au Grand Théâtre de Provence, Aix, dans le cadre du Festival d’Aix

Impudiques jeux du désir... ès l’ouverture de Cosi fan tutte, le metteur en scène Christophe Honoré donne le ton : Guglielmo, soldat de Mussolini en Erythrée, viole une jeune Africaine. Dès lors s’exprimera sur la scène de l’Archevêché toute une violence résultant des tensions du désirs, des affres de l’amour, qui sous-tend le tableau teinté de marivaudage et d’orientalisme imaginé par le tandem Mozart/ Da Ponte à la fin du XVIIIe siècle. Dans cette transposition coloniale de l’opus, c’est l’étrangeté qu’on examine aussi, l’attirance/répulsion qu’éprouve l’occidental(e) pour l’indigène, ici incarnée symboliquement par Despine (Sandrine Piau), et les héros sont d’emblée antipathiques : soldats oppressifs, filles de colons méprisantes à l’égard des serviteurs de couleur. Si le jeu maléfique est orchestré par le vieux colon pervers Alfonso (Rod Gilfry), chaque couple, artificiellement reformé, va vivre son expérience de façon opposée. Guglielmo

première heurte, brutale et vulgaire, la seconde s’avère sensuelle et tendre. Au final, Fiordiligi refusera de se plier à la convention (autre entorse !) et ignorera la main tendue (fort brutale, on la comprend !) de son fiancé originel. Le procédé de changement de décor (Alban Ho Van) est judicieux : on passe, d’un acte à l’autre, de l’extérieur à l’intérieur orientalisant d’un fortin du désert, alors qu’on pénètre en même temps dans l’intimité, le cœur des jeunes filles prêtes à la nouvelle expérience amoureuse. Le Cape Town Opera Chorus trouve naturellement sa place dans le concept développé et le Freiburger Barockorchester fait des merveilles sous la baguette de Louis Langrée. Cosi Fan Tutte © Pascal Victor - ArtComArt

D

entraîne Dorabella (Kate Lindsey) dans une relation essentiellement physique, quand Ferrando (Joel Prieto) et Fiordiligi (Lenneke Ruiten) vivent un vrai choc amoureux. De surcroît, cette dernière succombe en parfaite (re)connaissance (entorse au livret !), ayant dévisagé son partenaire sous son masque de négritude ! Deux scènes d’amour se répondent : les gestes sont quasiment identiques… la

J.F.

Cosi fan tutte est donné jusqu’au 19 juillet au théâtre de l’Archevêché, Aix, dans le cadre du Festival d’Aix


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Embarquement immédiat ! eune artiste au calme souverain, Beatrice Rana entre en scène, s’installe au clavier du grand piano de concert... Elle a juste vingt-trois ans et est invitée à jouer en prélude au Festival Radio France Montpellier Région… tout récemment rebaptisée « Occitanie ». L’Italienne s’attaque à un monument de l’histoire de la musique : les Variations Goldberg. Elle doit les enregistrer sous peu chez Warner Classics et c’est la première fois qu’elle les joue en public ! La célèbre Aria est d’une suavité infinie… et les trente variations et canons s’enchaînent bientôt, en liberté, au gré d’une puissance martelée, jamais dure, une virtuosité vertigineuse dans les fameux croisements de mains (l’opus est écrit à l’origine pour deux claviers), noblesse royale, piano orchestral dessinant clairement son contrepoint... Et lorsqu’après un clin d’œil de Bach en forme de « Quolibet », la ritournelle initiale se fait de nouveau entendre, on est suspendu à ses doigts, attendant que le silence reprenne ses droits et que les applaudissements crépitent ! Ellipse… On retrouve la grande salle de l’Opéra Berlioz, bondée jusqu’aux loges perchées !

vague en vague, toujours plus grosse, du violon solitaire et sensuel de Dorota Anderzewska, d’un solo de basson, jeux de flûtes en miroir, valses et fanfares polyphoniques de marchés persans (étonnant Aladin de Carl Nielsen que Michael Schønwnadt a apporté dans ses bagages danois !) on est emporté par le déferlement mélodique de Shéhérazade de Rimski-Korsakov. C’est juste beau.. à pleurer ! Michael Schonwandt © Luc Jennepin

J

L’Orchestre National Montpellier Languedoc-Roussillon distille des pastels raveliens et Karine Deshayes entonne « Asie »... On embarque alors, avec la grande mezzo soprano, dans cet « Orient », fantasque et fantasmé, aux sons, mots ou coups de pinceaux d’une foule d’artistes depuis des siècles en occident. Lambert Wilson, de sa diction claire et noble, voix voluptueuse, joue à Sinbad, marin conteur d’histoires de désirs, d’attente du jour… au rythme de Mille et une nuits. De

JACQUES FRESCHEL

Le Voyage en Orient du Festival Radio France continue jusqu’au 26 juillet 04 67 02 02 01 festivalradiofrancemontpellier.com

Une écriture de l’intime et de l’universel  Il y a un rapport qui tient de l’intime entre le guitariste et son instrument, plus que le piano, ne serait-ce que par le contact physique avec la guitare, que l’on tient sur soi… », sourit Annie Balduzzi, membre du « comité directeur » de l’Association Aguira*, organisatrice du Festival International de guitare de Lambesc, qui fédère, unis par la même passion, bénévoles et artistes dans l’écrin délicieux de Pontet-Bagatelle. La guitare sèche est reine, magnifiée par les artistes, peaufinée par les luthiers, appréciée de tous. La qualité des artistes, l’exceptionnelle complicité qui les unit, grâce aux organisateurs dont chacun souligne la compétence et la gentillesse, accordent à ce festival un caractère particulier, à la fois intime, avec une ambiance quasi familiale, et exceptionnel par ce qu’il donne à entendre. Le programme, composé avec une fine intelligence par Valérie Duchâteau, privilégie les duos : Nice Guitar Duet de Laurent Blanquart et Claude di Benedetto qui revisitent The Queen lorsqu’ils n’interprètent pas les classiques Manuel de Falla

Roland Dyens © Élisabeth Blanchon

«

ou Fernando Sor ; DuotanGo de Giorgio Albiani (Italien) et Omar Cyrulnik (Argentin) qui, avec humour, énumèrent les auteurs argentins d’origine italienne ; Duo Talisman, qui présente un soliste, Laurent Boutros au répertoire varié (du Caucase à l’Argentine) et une danseuse Julieta Cruzado ; Duo Dente qui réunit le compositeur guitariste Arthur Dente et sa fille, Valentine Dente, flûtiste, sur des pièces personnelles et inspirées ; Duo Bensa-Cardinot du guitariste et compositeur Olivier Bensa et de la chanteuse et guitariste

Cécile Cardinot, voix de cristal, qui glisse entre les compositions de Bensa et celles de John Dowland… Le public subjugué avait aussi entre autres privilèges, celui de voir sur scène Roland Dyens, jeu inspiré, délicat, subtil, sensible, inventif, pianissimi aériens, jouant des codes de la guitare classique jusqu’à la déstructuration des rythmes… temps suspendu. Génial improvisateur, glissant aux duos auxquels il est convié une respiration nouvelle. Auprès des talents confirmés de tous ces musiciens aux carrières internationales, une place était offerte à deux jeunes artistes, Timothée Vinour-Motta (né en 2001) et Matéo Delclos (né en 1999), dont le talent est déjà plus que prometteur ! MARYVONNE COLOMBANI

*Aguira : Association pour le RAyonnement de la GUItare

Le Festival International de guitare s’est déroulé à Lambesc du 26 juin au 2 juillet


48 critiques festivals musique

Chaud Charlie U

ne belle soirée d’ouverture, et un public venu nombreux pour capter la bonne énergie des lieux. Fanfare par Le Syndicat du Chrome, concert du jeune quartet ION, en résidence au Moulin à Jazz. Yaron Herman entre sur la scène. Le dialogue du piano est parfaitement coordonné avec la batterie de Ziv Ravitz. Le piano exprime toutes ses potentialités et sonne ! Arrive l’heure du Quartet de la 4e Dimension. Sont aux côtés de John McLaughlin, au clavier Gary Husband, à la basse électrique Étienne M’Bappé, à la batterie et chant Ranjit Barot. Le groove puissant et très fusionnel du Mahavishnu Orchestra et de Shakti remémore la voie vers le terrain de l’improvisation. John McLaughlin est sur scène libre comme l’air. Une vraie spiritualité s’est dégagée de ce concert joué avec une énergie puissante, où son jeu très décontracté accompagne une musique toujours fraîche, associée au plaisir. Lauréat de Jazz Migration, Un Poco Loco est en place dimanche, sur la scène du Moulin. La fanfare Gypsy Pigs interpelle l’auditoire dans un cocktail explosif. Enrico Rava, le

Cécile McLorin Salvant, Charlie Jazz Festival 2016 © Dan Warzy

trompettiste italien au pedigree qui n’est plus à étendre, montre que son énergie est toujours vivace. Son projet Wild Dance est porté par la batterie de Bruce Ditmas, la contrebasse de Gabriele Evangelista et la guitare de Francesco Diodati. Un bon moment de jazz hard bop. Le festival se clôture par le concert de Cécile McLorin Salvant qui présente un répertoire singulier puisé dans ses influences préférées. Le swing des années 30 est teinté de bop avec de très bons arrangements musicaux réglés au millimètre.

n ouverture de leur 21e édition, les Suds à Arles se sont donné pour mission de « faire humanité ensemble ». Invité régulier du festival, le journaliste Edwy Plenel entre dans le vif du sujet. « Les débats identitaires sont des débats piégeurs. Notre société multiculturelle nous met à l’épreuve de ce qu’est notre humanité. ». Et le fondateur de Mediapart de plaider pour une intervention politique « devant une crise de civilisation globale » qui ne soit pas celle « du temps court, du temps électoral » mais qui réponde au défi de « l’exigence démocratique ». Multiculturalisme et démocratie, les deux jambes d’un projet de vivre-ensemble qui se décline subtilement tout au long de la semaine dédiée aux musiques du monde. Dolma Renqingi et Kelsang Hula, duo de musique traditionnelle des montagnes tibétaines, vient nous rappeler combien l’oppression d’un peuple passe inévitablement par la négation de sa culture. À l’intérieur de nos propres frontières, celles d’un empire colonial devenu État hyper-central, la diversité

Chassol © Flavien Prioreau

Vent d’humanités aux Suds E

linguistique et culturelle n’est pas toujours une évidence. Elle doit s’affirmer à travers des œuvres et des artistes qui ont l’intelligence d’opter pour la voie de la transmission par la réappropriation plutôt que le chemin étroit d’une tradition figée, circulant en vase clos. C’est le cas de Chassol, jeune pianiste, compositeur et inventeur du concept d’Ultrascore , qui propose avec Big sun un voyage multi-sensoriel sur la trace des ses ancêtres martiniquais. Chants d’oiseaux, images de liesses carnavalesques, paroles collectées sur les marchés ou parmi des conteurs et

Vincent Peirani rejoint la scène pour jouer Ma plus belle histoire d’amour de Barbara. Le public a grandement applaudi cette fin de festival qui s’est poursuivie par le Cabaret Contemporain. Un beau festival qui fêtera l’an prochain ses 20 années. DAN WARZY

Charlie Jazz Festival s’est tenu du 1er au 3 juillet au Domaine de Fontblanche, à Vitrolles

musiciens de l’île… Les mots swinguent, le verbe groove, les sons de la nature se font hip-hop ou électro. Chassol, accompagné ici à la batterie, a créé un objet sonore et vidéo qui donne une musicalité à la langue, une modernité à des rites et un art de vivre traditionnels. À des milliers de kilomètres, la démarche de Uèi n’en est pas autant si éloignée. Héritière entre autres du Cor de la Plana (pour deux membres du groupe), la formation a voulu tout réinventer. Un univers graphique tendance tribale. Un son et des rythmes qui s’émancipent des codes de la polyphonie. Des textes préférant la poésie au manifeste. Et même des instruments, des percussions qu’ils arborent tels des boucliers et d’autres en forme de totem. Pour leur 1er concert, ces quatre garçons dans le temps ont tout simplement réussi à nous convaincre qu’ils étaient en train d’écrire une nouvelle page dans l’histoire des musiques d’Oc. En n’y étant plus tout à fait tout en les réaffirmant. À suivre. THOMAS DALICANTE La 21e édition des Suds à Arles a lieu jusqu’au 17 juillet.


au programme cinéma marseille vaucluse

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Session de rattrapage

B

elle initiative du MuCEM que ces Séances de rattrapage organisées du 3 au 21 août, dans ce créneau estival où les cinémas de la Ville ferment leurs portes ! Pour ne pas bronzer idiots, voir les films qu’on a « ratés » à leur sortie, découvrir ceux qui n’ont pas été distribués à Marseille (oui, ça arrive !), retrouver ceux qu’on a aimés, rendez-vous au frais, dans l’auditorium Germaine Tillion. Du mercredi au dimanche, avant ou après la baignade, un film y sera projeté à 15h et à 18h -sauf le 6 août où le très long métrage de 4h du Philippin Lav Diaz, Norte, la fin de l’histoire, occupera tout l’après-midi. En tout : 15 films sortis entre 2015 et 2016 sur 15 jours, offrant une large palette de talents internationaux. La science-fiction hallucinée de Jeff Nichols (Midnight Special), la poésie hypnotique d’Apichatpong Weerasethakul (Cemetery of splendour), l’infinie douceur de Kiyoshi Kurosawa (Vers l’autre rive), l’impertinence blasphématoire de Federico Veiroj (Dieu ma mère et moi), l’humour noir des jumeaux palestiniens Tarzan et Arab Nasser qui nous enferment avec Dégradé dans un salon de coiffure de Gaza en compagnie de treize femmes. On pourra suivre encore

Dégradé de Tarzan et Arab Nasser © Le Pacte

une Suite armoricaine, le thriller philosophique réalisé par Pascale Breton ou encore la chronique mélancolique et désenchantée d’un Japonais en Corée du Sud avec Hill of freedom de Hong Sang-Soo auquel le FID a consacré une rétrospective cette année. Sans oublier la passionnante confidence qui s’est voulue posthume du grand Manoel de Oliveira (Visite ou mémoires et confessions).

Et encore... 6 films de plus à repérer sur www. mucem.org ! ELISE PADOVANI

Séances de rattrapage 3 au 21 août MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org

De l’écrit à l’écran Auber pour Les Aristocrates de Denys de la Patellière (1955), adapté du roman de Michel de Saint Pierre ; et le 8 août, pour Bonjour Tristesse d’Otto Preminger (1958), adapté du roman de Françoise Sagan, Mylène Demongeot qui présentera aussi, le 9, en clôture, Les Trois Mousquetaires de Bernard Borderie (1961), accompagnée de Jean Servat. On peut aussi voir durant tout l’été deux expositions : Les 3 Jean... Delannoy, Marais, Gabin à l’hôtel Pellissier (Visan) et Mylène Demongeot, plus de 60 ans de carrière à la Commanderie Templière (Richerenches). ANNIE GAVA

La Princesse de Clèves de Jean Delannoy © Les Acacias

L

a littérature inspire souvent le cinéma, c’est un fait ! Et du 5 au 9 août, on pourra le vérifier lors du Festival de cinéma en plein air de Visan dans le Vaucluse, où seront présentés cinq films adaptés de romans. Le 5, ce sera La Princesse de Clèves de Jean Delannoy (1961) avec Jean Marais

et Marina Vlady qui sera présente pour lancer cette 8e édition en compagnie d’Henry-Jean Servat et Claire Delannoy, fille du réalisateur. Le lendemain, ils présenteront Toi le Venin de Robert Hossein (1959), d’après Frédéric Dard. Autres invitées, le 7 août, l’actrice Brigitte

Festival de cinéma en plein air 5 au 9 août Visan 07 82 11 80 11 cine-visan.fr


50 au programme cinéma hérault var vaucluse Bouches-du-rhône

Ecran total

À l’Utopia d’Avignon

Zones Portuaires à Port-de-Bouc

La cage dorée de Ruben Alvès © Julien Panié

Deux soirées ciné de quartier à savourer au cœur de l’été à Frontignan La Peyrade. Organisées par la municipalité et le ciné-club Hallu’cinés, ces projections, gratuites et en plein-air, se déplacent dans tous les coins de la ville. À découvrir, le 20 juillet, place GabrielPéri, La Cage dorée, film franco-portugais de Ruben Alvès. Quand un couple d’immigrés décide de rentrer au Portugal, tout leur entourage se ligue pour les persuader de rester en France. Puis, le 3 août, à la Maison du Tourisme, Jean de la lune, de Stephan Schesch, film d’animation poétique, d’après le conte de Tomi Ungerer. Ecran total, Frontignan 04 67 18 31 60 ville-frontignan.fr

Depuis le 29 juin et jusqu’au 29 juillet, Marseille et Port-de-Bouc accueillent le Festival Zones Portuaires. Au Méliès de Port-deBouc, rencontre exceptionnelle le 19 juillet avec le réalisateur Jacques Rozier, l’un des initiateurs de la Nouvelle Vague. Son film Adieu Philippine sera présenté ce même soir. Le 21 juillet, avant-première de La Vie Adulte, le film de Jean-Baptiste Mees. Enfin, le 29 juillet, soirée de clôture du Festival. Programme encore mystérieux pour ce dernier rendez-vous, qui aura lieu dans la cour du cinéma : projections surprises, musique et fête annoncées...

Je suis le peuple, d’Anna Roussillon c Hautlesmains productions et Narrato films

Les Territoires Cinématographiques, programmation ciné du Festival d’Avignon, se poursuivent à l’Utopia Manutention, autour du thème du Moyen-Orient. Le 22 juillet, Je suis le peuple, documentaire d’Anna Roussillon, qui sera présente pour évoquer son travail au sein d’une famille égyptienne, quand, dans le pays, grondent les échos de la Révolution de 2011. Le 23 et le 24, en plus de la projection de son film Une Séparation –le 24, en clôture des Territoires– la dernière réalisation d’Asghar Faradi, Le Client, doublement primé à Cannes, sera présentée en avant-première. Utopia Manutention, Avignon 04 90 82 65 36 cinemas-utopia.org festival-avignon.com

La Vie adulte de Jean-Baptiste Mees.jpg

Zones Portuaires, Port-de-Bouc 04 42 06 29 77 zonesportuaires.com

Méliès à Martigues

Festival du Rocher Ciné d’O

Captain Fantastic de Matt Ross c Cathy Kanavy

Le Théâtre de Verdure de Cotignac prend l’air pour l’été. Le festival Les Toiles du Sud, avec une programmation dense et variée, se tiendra du 15 juillet au 16 août. Côté cinéma, l’un des événements sera la projection le 19 juillet, en avant-première, de Massilia Sound System Le Film, en présence du réalisateur Christian Philibert (voir p.51), et avec un concert de Papet J. Autre avant-première, le 5 août, de Captain Fantastic, de Matt Ross, récompensé par le prix de la mise en scène en sélection Un certain regard, à Cannes, ou le 16 août, L’Histoire de l’amour, de Radu Mihaileanu. Festival du Rocher, Cotignac 04 94 04 61 87 festivaldurocher.fr

À chaque nuit thématique son film, lors des Nuits d’O, à Montpellier du 18 au 27 août (voir le programme complet en p18). Le 18, la danse avec l’incontournable The Blues Brothers de John Landis ; le 19, Nuit de Filles, avec Mustang, peinture sans concession du sexisme en Turquie, par Deniz Gamze Ergüven ; le 20, Ciao Stefano, de Gianni Zanasi, ou la vie chaotique d’un adolescent attardé ; le 25, histoire d’amour et d’individualisme avec Les Combattants, de Thomas Cailley ; le 26, l’émouvant Voyage en Arménie de Robert Guédiguian, et le 27, espionnage et action avec Kingsman, Services Secrets de Matthew Vaughn. Les Nuits d’O, Montpellier 0 800 200 165 domaine-do-34.eu

Le Voyage dans la lune, de Georges Méliès © Sodaperaga

Depuis le 25 mai et jusqu’au 31 août, la cinémathèque Gnidzaz de Martigues présente une exposition consacrée à Georges Méliès. Illusionniste de grand talent, Méliès est aussi l’un des premiers maîtres du cinématographe. Inventeur des trucages, il a su comprendre les merveilles que permettaient les séquences image par image. Le Voyage dans la Lune reste son œuvre emblématique, mais il en réalisa des centaines qui tombèrent dans l’oubli avant de resurgir des années plus tard. L’exposition présente une trentaine de photos et dessins originaux, ainsi que trois films, dont La Magie Méliès, de Jacques Mény. Cinémathèque Gnidzaz, Martigues 04 42 10 91 30 cinemartigues.com


critiques cinéma

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Histoires courtes E

n cette après midi d’été, le soleil est plombant à La Ciotat et dans la cour de l’Eden-Théâtre, des spectateurs se rafraichissent, attendant le début de la séance 7 de la 15e édition du Best of Festival. Ils vont commencer avec Le Repas dominical de Jean, un jeune homosexuel à qui sa famille essaie de prouver qu’aucun des membres n’a de Stutterer de Benjamin Cleary © Bare Golly Films problème avec son choix de vie. Un film la frontière entre Israël et Liban, se retrouve d’animation de Céline Devaux, décapant, choyée par une jeune Libanaise… mais on riche de trouvailles graphiques, conté par la n’échappe pas aisément au pouvoir des voix éraillée de Vincent Macaigne, qui a frontières et des religions. obtenu le César du meilleur court d’animation Parmi les 8 films du programme 1 qui suivait, en 2016. Flash de l’Espagnol Alberto Ruiz Rojo nous Parmi les 8 films présentés, Belladonna de la entraine dans une jolie romance, réelle ou Croate Dubravka Turić, d’une esthétique fantasmée. Un homme, entré seul dans un très sobre, aborde la question du visible et de photomaton, récupère ses photos : il s’y voit, l’invisible, de l’indifférence et de la compas- embrassant passionnément une femme ! Alors sion à travers la rencontre de trois femmes qu’il déambule dans la ville, il tombe face à face différentes dans la salle d’attente du cabinet avec elle… Un film sans paroles, au scenario d’un ophtalmologiste. Une belle métaphore original, aux couleurs surannées ; on pense de l’acte d’ouvrir les yeux. au Fabuleux destin d’Amélie Poulain. Autre Inspiré de faits réels, Sa’iba de Bass Bréche histoire d’amour, celle de Greenwood (excellent est l’histoire d’une vache, libre, qui franchissant Matthew Needham), un typographe solitaire,

incapable de communiquer en live à cause d’un terrible bégaiement. Il vit, depuis six mois, une relation avec une jeune femme, via Internet, jusqu’au jour où…. Stutterer, premier court de l’Irlandais Benjamin Cleary, un film multi primé, couronné de l’Oscar du meilleur court métrage de fiction en 2016. Parmi la soixantaine de films présentés, la tâche n’aura pas été facile, ni pour le jury, ni pour le public ! ANNIE GAVA

Le Best of International Short Films Festival s’est déroulé du 6 au 10 juillet à La Ciotat

PALMARÈS Soleil d’or : Des millions de larmes de Natalie Beder Sable d’argent : Operator de Caroline Bartleet Mer de bronze : Timecode de Juanjo Giménez Prix Lumière : Stutterer de Benjamin Cleary Prix du public : Timecode de Juanjo Gimenez

Massilia met le oaï à Espigoule R

éaliser un film documentaire sur un groupe de musique n’est pas une première. Mais quand il est signé Christian Philibert et que ces musiciens sont ceux de Massilia Sound System, l’objet cinématographique devient un portrait collectif quasi-sociologique, qui sort largement du cadre des studios d’enregistrement, salles de concerts et autres anecdotes de tournée. Ces passages du film fussent-ils savoureux et attachants. Parler de phénomène n’est pas galvauder le terme lorsqu’il qualifie une formation qui, depuis plus de trente ans, entretient la même capacité à fédérer un public hétéroclite autour de valeurs et d’un art de vivre. Le talent de Massilia se résume en une phrase : chanter des textes identifiés à une culture régionale sur des rythmes venus d’un bout du monde avec lesquels ils n’ont en apparence rien en commun et faire ainsi la démonstration du contraire. C’est ainsi qu’est né le reggae occitan, reposant sur un combat déjà ancien d’une culture émancipée d’un centralisme mortifère. Des débuts en sound system dans les rues du Panier ou à La maison hantée avec les « fracas

est tout sauf lisse. Des confidences et des images d’archives, des coups de gueule et des moments d’émotion, principalement à l’évocation du regretté Lux B. Sans financements institutionnels, le documentaire a été rendu possible grâce aux différentes sections de la Chourmo (l’équivalent d’un club de supporters du groupe) et aux contriMassilia Sound System, le film, extrait tiré de l’affiche © Les Films d’Espigoule butions de centaines de donateurs de la Plaine » au concert anniversaire des 30 via une plateforme participative. ans au Dock des Suds, Massilia Sound System, Aujourd’hui, il appartient à toutes celles le film feuillette un album intrinsèquement et tous ceux qui, durant les trois dernières lié à l’histoire récente de la deuxième ville de décennies, ont mis leur grain de oaï dans le France. Une communion intergénérationnelle bouillonnement politique, social et culturel pour défendre une vision populaire, métissée d’une aventure qui n’est pas prête de se et solidaire de la cité face à la fragmentation terminer. THOMAS DALICANTE de la société, au repli communautaire, à la peur et au rejet de l’Autre. Le réalisateur des Quatre saisons d’Espigoule réussit également à entrer dans l’intime d’un collectif humain à fort tempérament, sans Massilia Sound System, le film a été projeté voyeurisme aucun, avec la simple intention de en avant-première mondiale le 16 juin, montrer la vie et l’évolution d’un groupe qui au Théâtre Silvain, à Marseille


52 critiques arts visuels

Éclectiques

Les Rencontres d’Arles sont l’occasion de voir de la photo, beaucoup de photos, mais aussi de s’interroger avec les créateurs sur ce que peut être la photo et ses nombreux possibles

au Capitole, Nothing but blue skies, Joan Fontcuberta, Googlegram, 11-S NY, 2005

à l’Atelier de Mécanique Générale, Hito Steyerl, The Tower, 2015 © C. Lorin/Zibeline

C

omme pour les grands auteurs littéraires, Les Rencontres de la photographie d’Arles sont l’opportunité de voir ou revoir des photographes emblématiques : Don Mc Cullin, Garry Winogrand, William Klein, Bernard Plossu, Yan Morvan...Bon nombre des propositions de cette seconde édition abordent des postures humanistes, sociologiques, le photographe (reporter, documentariste, artiste...) tourné vers l’autre et le monde. Laia Abril dénonce l’avortement et la misogynie sous-jacente, Jean-Luc Moulène fait devoir de mémoire envers les mouvements de grève, comme pour les années sombres de l’Opération Condor en Amérique du Sud documentées par Joâo Pina. Nothing but blue skies interroge opportunément le traitement par l’image du 11 septembre 2001. La diversité se joue entre contenu et présentation, formes traditionnelles ou moins conventionnelles : Christian Marclay, Toiletpaper, Musée du carton (amusant mais assez peu à voir avec la photo), The Jungle Show, Tear my bra, l’installation

à l’église des Trinitaires, Charles Fréger, Amahage, Ashizawa, Oga, préfecture d’Akita. de Beni Bischof (Prix Avec l’aimable autorisation de l’artiste découverte), Parfaites imperfections... Hara Kiri aurait Trophime, bénéficiant de la première résimérité une mise en scène nettement plus dence de création, Stéphanie Solinas fait foutraque ! le constat d’un impossible achèvement d’une Aux Rencontres, on interroge aussi les formes enquête sur l’histoire de l’usine arlésienne de production et de présentation des images Lustucru : plus d’une centaine de photos contemporaines. Ce que tente Systematicaly et autres objets réunis peuvent-ils en dire Open ? dans un atelier de Mécanique Géné- davantage ? rale entièrement rénové pour la fondation Dans cette grande cérémonie arlésienne de LUMA. Difficile d’exposer un tel question- l’image, incitant à une pratique glissante du nement esthétique au visiteur qui se voit visiteur devant les œuvres, on aimerait aussi tiraillé entre des œuvres et des accrochages se poser devant quelques-unes. Une seule. très différents. Zanche Muholi domine sans Simplement. Et profiter pleinement d’un beau conteste non seulement par une mise en et profond tirage. CLAUDE LORIN espace monumentale mais aussi dans le rapport à soi/l’autre que son œuvre renvoie à nous-même, sur la conception de la négritude s’élargissant à l’universel. Katerina Jebb opère avec différents types de scanners. Les portraits qu’elle obtient avec ces machines Les Rencontres de la photographie ont lieu jusqu’au 25 septembre à Arles froides oscillent entre poésie et inquiétude. rencontres-arles.com Une première exposition monographique luma-arles.org museereattu.arles.fr à voir au musée Réattu. Au cloître Saint


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Itinéraire argentique

Temple de Jupiter à Damas, Alfred Seiland © M.C

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ans le cadre du Grand Arles Express, se noue un partenariat entre Les Rencontres de la Photographie d’Arles, la Villa Méditerranée et l’AViTeM (Agence des villes et territoires méditerranéens durables), ce dont se réjouissent les différents acteurs culturels, Bernard Valéro, Ambassadeur et directeur général des deux dernières structures, Agnès Rampal, Présidente de l’AViTeM, Chantal Eyméoud, Déléguée à la Culture de la Région PACA, ainsi que Hubert Védrine, Président des Rencontres, Sam Stourdzé, leur directeur, et Michel Vauzelle qui rend hommage à cette belle collaboration. L’exposition Imperium Romanum, apparaît en effet exemplaire à plus d’un titre, dans l’intelligente scénographie mise en place par son commissaire, Markus Hartmann. Le photographe Alfred Seiland propose un travail qui réunit une centaine de clichés argentiques, qui évoquent l’Empire romain et une Méditerranée unifiée… « Carte mentale » sur laquelle se greffent les strates de l’histoire, rendues sensibles par des cadrages : la modernité jouxte, intègre, efface les vestiges romains. Les textes qui accompagnent chaque photographie racontent les lieux, les monuments, les témoignages des travaux, des techniques (plongée dans la Salina Turda en Roumanie, vertigineuse géométrie d’une carrière de marbre). Cette union politique et culturelle rêvée prend des allures tragiquement prémonitoires lorsque les colonnes de Palmyre émergent, fantomatiques silhouettes, d’une tempête de sable (2011)… à la fois témoignage du passé et de notre présent, les clichés d’Alfred Seiland nous entraînent dans un voyage où l’antique se frotte au moderne, l’habite, le nourrit, entre mémoire et interrogation. On sourit à la vision que transcrit l’architecture de Las Vegas, avec son Caesars Palace. Rêve d’une époque de luxe, de bien-être, de paix « mondiale »… Idéal auquel on a envie de se référer, construisant ainsi un nouveau mythe, celui d’un empire romain magnifié, d’une « union politique et culturelle » qui semble gommer ici, distance photographique et temps de pose obligent, les turbulences de l’histoire. Le catalogue bilingue permet, avec un beau texte de Philip Parker, de revisiter ce subtil et passionnant parcours (collection Hartmann Books).

Stéphanie Solinas Avec Grand Arles Express 2016, Les Rencontres de la photographie d’Arles s’exposent à Marseille, Avignon et Nîmes. Dominique est le prénom mixte le plus porté en France. Au Carré d’Art, Stéphanie Solinas questionne sous de multiples formes l’identité de Dominique Lambert, patronyme répertorié cent quatre-vingt-onze fois dans l’annuaire : méthode d’identité judiciaire, caractérologie, portraits chinois/robots... À Arles, c’est l’histoire de l’usine Lustucru qu’elle interroge sur tous les registres. C.L.

Dominique Lambert jusqu’au 16 octobre Carré d’Art, Centre d’art contemporain, Nîmes 04 66 76 35 70 carreartmusee.com

Dominique Lambert, portrait robot identité judiciaire © Stéphanie Solinas 2004-2010

Un été à la Collection Lambert Cinq expositions sont abritées cet été dans le double musée de la rue Violette, désormais piétonne, où nous accueille le monumental Coup de tête d’Adel Abdessemed, invité du 70e Festival In dont les œuvres intenses jalonnent aussi le musée. À voir également la tendre expo sur l’enfance en écho à la pièce de Thierry Thieû Niang, Au Cœur, avec Roni Horn, Claude Lévêque, Annette Messager ; et le projet Chronique d’un assassinat d’Amos Gitaï. En lien avec les Rencontres d’Arles, le dernier opus consacré à Andres Serrano, Torture, et ses grands formats inédits (jusqu’au 25 septembre). Et encore les photos du lauréat du Prix Carmignac Christophe Gin, et une sélection d’œuvres du fonds de la collection. DE.M. jusqu’au 6 novembre Collection Lambert, Avignon 04 90 16 56 20 collectionlambert.fr

MARYVONNE COLOMBANI

Imperium Romanum jusqu’au 18 septembre Villa Méditerranée, Marseille 04 95 09 42 70 villa-mediterranee.org Claude Lévêque, La Nuit, 1984, collection FRAC Pays de la Loire © Delphine Michelangeli


54 critiques arts visuels

Des photos partout en ville

Plus d’une centaine d’expos répertoriées dans le guide des Voies Off. Et en comptant les Off de Off, cette édition 2016 voit une offre en progression et de très bonne tenue, voire davantage que l’an passé se dit-on

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a réputation d’Arles pour la photographie n’est plus à faire. Chaque édition portée par le Festival Voies Off conforte un succès éclectique mérité. Dans la ville, d’année en année de nouveaux privés offrent temporairement leur logis, ici un cabinet d’architecture, là une créatrice de mode. Plusieurs galeries sont venues aussi renforcer le réseau d’art contemporain avec Anne Clergue Galerie, la Flair galerie voici un an, la galerie-nomade tout récemment, qui présentent respectivement Fernandino Scianna, Dolorès Marat et Hanna Rast. Chez Lhoste art contemporain, Julien Lombardi pointe avec finesse la vacuité de l’acte touristique. Au Magasin de jouets, thématique de la route proposée par la Fisheye Gallery, dont Joe’s road de Théo Gosselin et Maud Chalard, à mettre en parallèle avec Western Colors de Bernard Plossu (programmé dans les Rencontres). Bien qu’associée aussi aux à la galerie Voies Off, Tito Mouraz, Rencontres, la programmation de la fondation Casa das sete senhoras © Tito Mouraz Rivera-Ortiz se fond dans le Off, où l’on aura remarqué le travail de Dominic Nahr sur l’histoire chaotique du Soudan. Yan Morvan (au C a p i t o l e / Actes Sud pour ses champs de bataille) avec sa mythique série sur les blousons noirs à la galerie Huit. La galerie Voies Off a choisi une sélection de la série Casa Das Sete Senhoras à la Médiapôle Saint Césaire, Cécil Ka, Celebration day © Cécil Ka de Tito Mouraz, cycle conçu à partir de la légende d’une Festival offrait une des expositions de groupe maison hantée. À la Boucherie, parmi les les plus intéressantes avec une sélection des lieux éphémères, Vincent Brugère sort lauréats 2015 conviés sur l’île de Yakushima, le nu du convenu en s’inspirant du thème célèbre pour sa forêt primaire. chrétien de la descente de croix. Dans l’ancien Pour sa part, le livre de photographie connaît collège Frédéric Mistral, création poétique une embellie avec pléthore de propositions, humaniste de Graziano Arici, photographe dont l’effervescent Arles Books et la deuinstallé à Arles, sur la vie de Van Gogh (il xième édition de Summertime. Ce petit format aurait retrouvé la cellule où était interné le de proximité réunissant six maisons militantes peintre à l’Hôtel Dieu, aujourd’hui Espace -Filigranes, Diaphane, Loco, Ediciones AnóVan Gogh). Le Yakushima Photography malas venus d’Espagne, Arnaud Bizalion et

Le Bec en l’air installés à Marseille- contraste avec les grandes messes plus institutionnelles, au profit de la découverte plus intime du livre de photographe. Certains auront sûrement zappé, pour cause d’éloignement, le projet participatif avec les habitants du quartier Griffeuille et Voies Off. À voir sur les murs des immeubles jusqu’au 25 septembre. Plusieurs expos se prolongent au-delà de la première semaine du festival notamment dans les lieux permanents arlésiens. Beneath/Beyond de Mireille Loup est à retrouver sur les cimaises de la galerie Circa (jusqu’au 24 septembre). Et la gratuité reste de mise. CLAUDE LORIN

Festival Voies Off jusqu’au 25 septembre Arles voies-off.com arles-contemporain.com


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Brotherus, magique intime L

e Pavillon Populaire à Montpellier est devenu un lieu majeur de l’art photographique. Son directeur artistique, Gilles Mora, s’amuse d’entendre certains décideurs culturels s’étonner qu’une telle qualité et foisonnement ne soient pas plutôt présentés à New York : « C’est leur problème ! ». Cet été, nous pourrons ainsi plonger dans La lumière venue du Nord, diffusée à travers plus de 180 photographies (et quelques vidéos) de l’artiste finlandaise Elina Brotherus. Une rétrospective de « milieu de carrière », explique Mora, commissaire de l’exposition, qui justement, inaugurant une nouvelle forme de partenariat, voyagera ensuite dans les deux lieux coproducteurs : à Salzbourg (en novembre), puis au Musée des Beaux-Arts de Turku en Finlande (février 17). Rendez-vous privilégié donc, et gratuit. Dès l’entrée du Pavillon, Brotherus nous entraine dans son monde. Intime et partageable ; réaliste et onirique ; concentré sur l’instant de la prise de vue, et traversant pourtant le temps qui coule. Les images d’une vidéo (Black Bay, 2010) couvrent un pan de mur, jusqu’au sol. Un lac, brumeux ; la lumière est pastelle. L’artiste entre dans le champ par la droite, nue, de dos. Elle avance sans hésitation dans l’eau, calmement, fait quelques brasses vers l’horizon, puis revient, se relève et sort du

Black Bay, 2010 © Elina Brotherus

cadre, par la droite. Deux minutes fascinantes. C’est à la fois tellement beau, tout simplement, et riche de symboles, de références, qu’on est véritablement attrapé par la puissance de ce que nous raconte l’artiste. La vidéo est une suite d’entrées et sorties, toujours sur le même rythme, dans cette eau qui change de couleur, avec le ciel d’été finlandais qui luit, la pluie qui parfois troue le lac mystérieux, presque enchanté. Brotherus pénètre littéralement son œuvre. Elle habite la plupart de ses photos. Elle les légende en collant des post-it dans l’image, ou en gravant sur le verre du cadre. Elle est son propre modèle. Les paysages distillent une

Mirages photographiques C

haque été, le Pavillon de Vendôme à Aix-en-Provence fait écho aux Rencontres d’Arles avec une exposition photographique. Portraits en couleurs de Christian Tavigliani l’an dernier, photographies en noir et blanc de Chema Madoz aujourd’hui grâce à la collaboration de sa galeriste parisienne Esther Woerdehoff. Un à un assemblés dans les salons de l’hôtel particulier, les clichés de l’artiste espagnol composent un cabinet de curiosités aussi étrange qu’intrigant. Les tirages argentiques Chema Madoz, Sans titre, 2010, Courtesy Galerie Esther Woerdehoff, Paris © ADAGP, Paris, 2016 et les tirages gélatino-bromure d’une qualité exceptionnelle développent un vocabu- vinyle ou le moteur d’horlogerie rusent, les laire plastique qui joue sur le décalage entre la fourmis envahissent une minuscule partition, forme et le sens, l’objet et sa fonction. Certaines un arbre à cartes à jouer étend ses frêles fois, les contours évanescents transforment ramifications. Dans les grands formats, le l’objet en une forme abstraite et poétique. photographe tisse sa toile de fines écritures Dans les petits formats, l’illusion est reine : arachnéennes, difficilement déchiffrables, la tâche noire fait signe, l’ouvre-bouteille, le donnant matière à de nouveaux paysages. À

magie envoutante, les intérieurs austères et surannés suggèrent une histoire à réinventer. Avec, toujours, la présence de la photographe, généreuse, surtout pas envahissante, qui nous guide dans son chemin d’artiste et de femme d’aujourd’hui. ANNA ZISMAN

Elina Brotherus La lumière venue du Nord Photographies, vidéos 1997-2015 jusqu’au 25 septembre Pavillon Populaire, Esplanade Charles-de-Gaulle, Montpellier montpellier.fr

la manière de Gilbert Garcin ou de Magritte, son esprit « rêveur » fleure bon l’ironie, l’absurde, l’inattendu quand il lui prend l’envie de transformer un iconique objet masculin -le derby en cuir- en parure féminine dotée d’une boucle de cheveu finement tressée en guise de lacet. Plus sérieusement, sa série sur le livre creusé, découpé, plié, en miroir, laisse transparaître un esprit cartésien obsédé par la forme géométrique et l’organisation spatiale symétrique. Rien de fantaisiste ici, mais de la rigueur : compositions réalisées au cordeau, structuration des photographies en plans narratifs successifs. De savoureux rébus s’instaurent de l’une à l’autre, comme entre le fil d’Ariane prêt à rompre et les fumeroles imaginaires d’une cigarette… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Détournement poétique jusqu’au 2 octobre Pavillon de Vendôme, Aix-en-Provence 04 42 91 88 75 aixenprovence.fr


56 au programme arts visuels bouches-du-rhône var vaucluse

Des rencontres photographiques à picoter ici et là-bas... AIX-EN-PROVENCE Hors-les-murs de la galerie La Fontaine Obscure à l’Hôtel Renaissance Nicolas Poizot

04 42 27 82 41

jusqu’au 31 juillet fontaine-obscure.com

AIX-EN-PROVENCE Atelier de Cézanne et galerie de l’Office de Tourisme Willy Maywald Le photographe de mode, des lieux de l’impressionnisme et des artistes de la Côte d’azur jusqu’au18 septembre 04 42 21 06 53 atelier-cezanne.com 04 42 16 11 61 aixenprovencetourism.com

MARSEILLE La Friche Photomed Regards sur Beyrouth George Awde, Guilio Rimondi, Lara Tabet, Bilal Tarabey jusqu’au 31 août 04 95 04 95 95 lafriche.org Willy Maywald, Victor Vasarely © Association Willy Maywald-ADAGP 1948

MARSEILLE Librairie Maupetit-Actes Sud Mat Jacob Chiapas, insurrection zapatiste au Mexique 04 91 36 50 50.

MARSEILLE

SAINT-MARTIN DE CRAU

Labo Rétine argentique Vanessa Nessren et Robert Billsky Bilbil

Ecomusée de la Crau David Tatin Bestiaire, Fragiles, Paysages recomposés, recherches poétiques de la nature

jusqu’au 30 juillet maupetitlibraire.fr

04 91 42 98 15

jusqu’au 15 août retineargentique.com

jusqu’au 4 septembre 04 90 47 02 01

MARSEILLE

MOUGINS

Où, lieu d’exposition pour l’art actuel Thierry Liégeois

Musée de la photographie André Villers et galerie Sintitulo Christian Vium et Marta Zgierska, lauréats Prix HSBC 2016

25 août au 21 septembre vernissage le 25 août de 16 à 20h 06 98 89 03 26

jusqu’au 28 août 04 93 75 85 67/04 92 92 13 25 galeriesintitulo.fr

PIERREVERT Fondation Carzou, Manosque 8e Nuits photographiques Peter Knapp L’homme est partout jusqu’au 30 septembre pierrevert-nuitsphotographiques.com

TOULON Maison de la Photographie Vivian Maier, découverte récente d’une pionnière de la street photography et nounou pendant cinquante ans à New York jusqu’au 24 septembre 04 94 93 07 59 toulon.fr

VILLENEUVE-LEZ-AVIGNON Fort Saint-André Nikos Aliagas Corps et âmes 04 90 25 45 35

jusqu’au 30 octobre fort-saint-andre.fr CLAUDE LORIN

© Nicolas Poizot


critiques arts visuels

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Les îles intérieures de Françoise Pétrovitch À la manière d’un feuilleton visuel et sensible, l’œuvre de Françoise Pétrovitch se déploie sur trois lieux à Marseille, Tarascon et Arles. Un plongeon au cœur de sa production polymorphe tendue autour de thèmes et de formes récurrentes, de séries qui dialoguent ensemble et composent un corpus figuratif « hors temps »

I

l est doux de déambuler d’une rive à l’autre du Rhône au contact des œuvres de Françoise Pétrovitch invitée par le Frac, le Château de Tarascon et la galerie arlésienne Espace pour l’art. Il est fascinant d’appréhender toutes les facettes de son travail, des travaux anciens aux nouvelles recherches, de la peinture aux nouveaux médiums. « J’ai eu envie de présenter de la peinture mais aussi de la sculpture et de la vidéo. Il y a des groupes, des fragments, des morceaux », explique l’artiste qui se tient en retrait des questions comme pour nous signifier : « à chacun d’y voir ce qu’il souhaite »… Justement, que voyons-nous au fil des quatrevingt pièces qui jalonnent le parcours, tous médiums et toutes périodes confondus ? Un ensemble d’une grande cohérence par l’évocation de thèmes abordés invariablement par la peinture, le bronze ou la céramique : des oiseaux fragiles au regard sombre surplombant les personnages, des corps adolescents aux visages tronqués, des lapins témoins mais muets, des jeux d’enfants, des paysages intérieurs incorporés aux personnages. Et la mort toujours en embuscade derrière l’apparente naïveté ou familiarité des scènes. Cette cohérence ne perd en rien sa force malgré l’éclatement sur trois sites d’exposition, chacun proposant une vraie mise en dialogue et en tension des œuvres. Dans le dédale des salles du Château de Tarascon, la scénographie de Verdures privilégie la rareté des œuvres, leur présence discrète, l’effet d’une rencontre privilégiée avec le visiteur. À l’Espace pour l’art, l’étroitesse du lieu invite à plonger corps et âme dans la douceur inquiète de deux lavis d’encre sur papier, séparés simplement par une île en céramique dont on a tôt fait de faire le tour.

Françoise Pétrovitch, Ventriloque, 2015, grès émaillé, 103x 80 x 50 cm, courtesy Semiose galerie Paris © MGG/Zibeline (exposition Verdures, Château de Tarascon, 2016)

La balade aux confins de ces Îles tient en une fraction de seconde et pourtant elle nécessite de s’y arrêter, longuement, silencieusement tant le silence empli toute la surface du papier. Les hauts plateaux nus du Frac se prêtent à évoquer l’absence, le retrait, ce qui se cache et se devine dans les grands formats de la série Étendu, « gisants » en lévitation, corps énigmatiques qui habitent la toile dans un espace et un temps décontextualisés. Autrefois les gisants s’enveloppaient d’un linceul de pierre dentelée (on pense au monastère de Brou), ici ils sont auréolés de couleur fluide, impalpable, fugace. Ce n’est pas le seul clin d’œil ou hommage à l’histoire de la peinture, de la Renaissance aux romantiques allemands, qu’opère l’artiste : son œuvre est pétrie de réminiscences, d’emprunts qu’elle réinvente, notamment dans des peintures où « les échelles de la figure et du paysage s’inversent ».

Entre-deux mondes

Françoise Pétrovitch appartient à un monde où la métamorphose, le rêve, l’inaction, l’infinitude sont chose comprise. Ce qui n’exclut pas la tension ou la noirceur. Pour preuves ses vidéos Echo et son idée troublante du double, son climat anxiogène ; Verticales qui questionne la présence, la figure, la rémanence, et, dans un registre formel inattendu, Entrée libre. Une vidéo au ton documentaire qui « inventorie »

la désertification d’une ville des Deux-Sèvres d’où la vie s’est échappée. Où des bribes de rêves persistent à travers les dessins de l’artiste réalisés sur les vitrines de magasins abandonnés : ultimes traces d’une vie confisquée que seul, peut-être, l’art peut réinventer. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

S’absenter jusqu’au 30 octobre Frac, Marseille 2e 04 91 91 27 55 Verdures jusqu’au 30 octobre Château-Centre d’art René d’Anjou, Tarascon 04 90 91 01 93 château.tarascon.fr Iles jusqu’au 6 août Galerie Espace pour l’art, Arles 04 90 97 23 95 espacepourlart.com À lire Françoise Pétrovitch Semiose éditions, 2014, 50 €


58 critiques arts visuels

Barthelemy Toguo, le monde en face

Barthélémy Toguo, exposition Déluge, Carré Sainte-Anne Montpellier © Anna Zisman

Q

uelque chose vient nous happer dès l’instant où l’on passe le seuil de la nouvelle exposition du Carré Sainte-Anne. Barthélémy Toguo nous entraine et nous emporte dans un tourbillon, un maelström dont on n’ose s’avouer qu’il nous serait trop connu : l’aujourd’hui du monde, la violence des hommes, la menace des éléments -un Déluge de calamités qui soudain s’imposent dans l’ensemble de la nef de l’église néoclassique-.

Le Carré Sainte-Anne, à Montpellier, accueille Déluge de Barthélémy Toguo, sous le commissariat des Amis du Musée Fabre : quand la douceur de l’aquarelle s’affronte aux désastres du monde

Malgré la brûlure de cette actualité, il règne une atmosphère apaisée, concentrée, grave. Tout sauf ce que l’on a l’habitude de traverser dans les actualités. Toguo a ingéré les drames de notre société, et nous les retranscrit transcendés dans une série de quatorze aquarelles inédites. Douze grands carrés (2mx2m), peints dans son atelier parisien, et deux imposants rectangles qui se font face d’un bout à l’autre de l’espace, réalisés sur place.

Talisman L’artiste, né en 1967 au Cameroun, formé à l’école des Beaux-Arts d’Abidjan confie se sentir « enfin compris, au bout de 30 ans de pratique ». Il explique sa naissance à l’art contemporain, lorsqu’un jour, après avoir effectué « des copies, des copies, et encore des copies, tout cela venait de l’atelier des moulages du Louvre », il a croisé le discours prononcé par Albert Camus

à l’obtention de son prix Nobel (décembre 57). Telle une formule magique qui lui aurait révélé la place qu’il devait occuper dans son activité d’artiste, Toguo nous la livre in extenso : « L’art n’est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen d’émouvoir le plus grand nombre d’hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes. » Depuis, arpenteur du monde, habitué des biennales internationales, il décline ce talisman au fil d’un présent collectif qui le bouleverse, le révolte et l’inspire.

Troublante transparence Au centre de l’espace du Carré Sainte-Anne, encadrés par la lumière des aquarelles, 54 cercueils de bois clair, un pour chaque pays

Redécouverte d’un précurseur Avant Paris et Washington, le musée Fabre de Montpellier inaugure un parcours d’une richesse exceptionnelle dans les pas de Frédéric Bazille et ses complices

de replonger dans cette quête du vivant, du réalisme, d’appropriation par l’artiste du monde qui l’entoure, tel qu’il le voit, le sent et le traverse.

E

n moins de dix ans, Frédéric Bazille, peintre montpelliérain né en 1841, a ouvert une très impressionnante brèche dans le langage pictural de la moitié du XIXe siècle. Il s’est attaqué à l’un des défis picturaux les plus novateurs de la décennie 1860. Il y a 150 ans, poser la question du comment et du pourquoi intégrer la représentation d’un corps, d’un regard, d’un personnage -soudain devenu une personne- dans un cadre extérieur recouvrait quelque chose de très déstabilisant. L’exposition présentée au Musée Fabre permet, dans un cheminement très habilement pensé parmi un magnifique corpus de 87 tableaux,

Destiné à une carrière de médecin, Bazille, très tôt sensible à la peinture, croisant Courbet dans son milieu familial aisé et libéral, copiant au musée Fabre les toiles des anciens, décide en 1862 de s’installer à Paris en artiste. Jusqu’en 1870, où il s’engage dans la guerre contre la Prusse et meurt juste avant ses 30 ans, le montpelliérain trace un sillon déterminant, ouvrant la voie vers l’impressionnisme qui pointe au bout de cette avancée vers « la vérité » (Zola, commentant l’une des plus célèbres toiles de Bazille, La Réunion de famille).

Amitiés prestigieuses

Autoportrait à la palette, 1865-1866, Huile sur toile, 108,9 x 71,1 cm Chicago, The Art Institute of Chicago, restricted gift of Mr. and Mrs. Frank H. Woods in memory of Mrs. Edward Harris Brewer (1962.336) Photo The Art Institute of Chicago

Il n’a laissé qu’une cinquantaine de toiles. La quasi totalité (45) est présentée dans l’exposition, qui réunit les trois plus grandes collections du peintre : le musée Fabre, le musée d’Orsay et la National Gallery of Art de Washington. Elles sont exposées parmi un ensemble exceptionnel de tableaux de ses complices et maîtres, ce qui donne à découvrir, là, sous nos yeux à Montpellier, des joyaux venus du monde entier : Bazille avait un cercle d’amis choisis parmi ceux qui inventèrent, avec lui, la nouvelle peinture. Dans les douze étapes qui jalonnent


59 d’Afrique, alignés en deux rangées (The Times, installation créée en 2011 pour la Biennale de Lyon). Parmi eux, certains sont plus petits. Glaçant constat. Au centre, le plus réduit d’entre eux, dans son isolement, hurle la violence de ces scènes qui nous hantent depuis des mois. On pense immédiatement à ce petit garçon en tee-shirt rouge, échoué sur une plage turque en septembre dernier. Il est là. Toguo l’a peint, c’est la première toile du parcours. Transposition de la photo qui a fait le tour d’Internet. Introduction de Déluge. Suivent des toiles où des bleus translucides, du rouge, du noir dominent. Le vert s’impose dans les dernières -Toguo laisse toujours une place à l’espoir-. Trois soldats brandissent leur arme. La transparence du noir, le brouillage des visages, nous empêchent de saisir si c’est nous qu’ils visent, ou le ciel, neutre, blanc, inoccupé. Les corps nous apparaissent comme des radiographies. C’est leur squelette qu’on devine sous l’uniforme. Plus que menaçants, ils semblent en sursis. On aurait presque envie de les protéger, de les prévenir : leur mitraillette est finalement dérisoire face à la colère du monde qui gronde. ANNA ZISMAN

Déluge Carré Sainte-Anne, Espace d’art contemporain, Montpellier jusqu’au 6 novembre www.artcontemporain-languedocroussillon.fr

l’exposition, on croise Monet, Renoir, Manet, Corot, Sisley, Puvis de Chavannes…

Yan Pei-Ming retourne au lycée A

ux côtés de Yan Pei-Ming, Noëlle Tissier boucle un cycle de 28 ans. Enseignante aux Beaux-Arts de Sète, elle crée en 1988 la résidence d’artistes de la Villa Saint Clair. Les trois premiers artistes conviés sont inconnus. Elle invente pour eux un lieu d’exposition dans le bâtiment désaffecté de la caserne Vauban. Jean-Michel Othoniel, Philippe Perrin et Pei-Ming investissent l’espace et posent là leurs premiers signaux. De toute cette « euphorie créatrice », subsistent trois fresques de l’artiste chinois, devenu depuis incontournable. Trois gigantesques têtes. Visages noir et blanc, regard tourmenté, Pei-Ming les appelle des anti-portraits, et ils signent déjà le langage de l’artiste. Avec l’installation du Lycée Charles de Gaulle en 1992, l’œuvre subit dégradations et oubli. N. Tissier, initiatrice et directrice du CRAC de Sète depuis 1997, s’impose la mission de les faire restaurer. La Région Languedoc Roussillon Midi Pyrénées a finalement entendu sa requête. La pièce est désormais rendue à son état initial, grâce au long et minutieux travail d’une équipe de restauration, dirigée par T Martel : un espace de sensibilisation à l’art contemporain, au cœur même de l’institution de l’Éducation nationale (visitable lors d’événements tels que les Journées du Patrimoine) C’est l’occasion d’une nouvelle exposition de Pei-Ming présentée au CRAC, au beau titre de Ruines du temps réel. Des œuvres récentes dialoguent avec les Têtes ressuscitées du lycée. Le noir et le blanc dominent, les grands formats s’expriment, les événements contemporains s’imposent et tissent des liens avec l’histoire de l’art. Le diptyque Aube noire terrible et majestueux convoque le Radeau de la méduse. Un petit bateau surchargé, malmené par les flots sombres et effrayants, déchire nos sens dans sa tragique actualité. On devine le radar d’un navire qui vient porter secours. Mais il est si loin, la mer si menaçante, le ciel si sombre. Le tableau de droite, presque abstrait, presque sculptural tant la peinture est épaisse et mouvementée, n’est qu’eau, angoisse et perte. Dans la nuit, on découvre deux corps bientôt engloutis. A.Z.

Équilibre Le risque était que les œuvres de ses pairs écrasent l’expression moins connue de Frédéric Bazille. Michel Hilaire, commissaire général de l’exposition et directeur du musée Fabre, a au contraire réussi, avec Paul Perrin du musée d’Orsay et Kimberly A. Jones de la National Gallery de Washington, à nous présenter le travail de Bazille dans un parfait équilibre entre les influences des uns et les inventions personnelles du peintre montpelliérain. Dans une mise en perspective des inspirations de chacun, les toiles se parlent entre elles, on entend presque les échanges entre les amis qui partageaient leur atelier : les sujets se répondent, les peintres se représentent les uns les autres. C’est finalement devant une œuvre commune qu’on nous propose de réfléchir à la naissance de l’impressionnisme. Avec Bazille comme fil conducteur, saisissante personnalité qu’on découvre à travers le regard de ses modèles : appuyé, grave, d’une présence qui habite entièrement la toile, il(s) nous emmène(nt) résolument vers la photographie.

Têtes Lycée Charles de Gaulle, Sète Ruines du temps réel jusqu’au 25 septembre Centre Régional d’Art Contemporain, Sète crac.languedocroussillon.fr

A.Z.

Frédéric Bazille, La jeunesse de l’impressionnisme jusqu’au 16 octobre Musée Fabre, Montpellier 04 67 14 83 00 museefabre.fr

Centre : Tête, 1988, huile sur mur, 345 x 232 cm, exposition Yan Pei-Ming, Villa Saint-Clair, Caserne Vauban, Sète, 1988, photographie François Lagarde © Yan Pei-Ming


60 critiques arts visuels

Paroles de femmes I

nspirée du livre de Fernando Pessoa, Les parfums de l’intranquillité est un voyage dans des contrées où le statut des femmes est archaïque, voire malmené. Statut dénoncé, parfois avec dureté, par des artistes femmes qui questionnent les relations sociales, l’héritage matriarcal, la violence, l’impunité de l’État, la perception du féminin dans l’imaginaire collectif de la mythologie à la realpolitik. Quatorze artistes qui posent un regard aigu et sans concession sur leurs territoires à travers des œuvres filmiques, sculpturales et photographiques fortes et généreuses. Cette pérégrination enchanteresse par sa multiplicité formelle et douloureuse par ses propos s’enroule autour de la peinture abstraite d’Aïcha Hamu qui redessine l’espace architectural de l’Hôtel des arts à Toulon d’un sinueux tapis rouge. Invitation amusée à fouler les marches de cet ancien lieu de pouvoir et à croire, quelques heures seulement, appartenir au monde des puissants et des « V.I.P. » ! Dans To the Wild, l’espagnole Cristina Lucas déjoue les codes du conte de fées pour dénoncer la chape de

Something Bad happened to Me © Inci Eviner

plomb qui recouvrait l’Espagne franquiste et ses sombres méfaits. Sa vidéo mêle des scènes d’une extrême violence et une bonne dose d’humour dans un maniérisme et une esthétique inspirés des maîtres du siècle d’or espagnol. Autre vidéo et autre humour avec Something Bad happened to Me entonné par la stanbouliote Inci Eviner qui redonne vie et voix aux myriades d’anonymes disparues. Une litanie joyeuse visuellement et incantatoire par son leitmotiv : « Quelque chose de grave m’est arrivé, tu m’as fait mal, tu m’as enlevé la langue. » Dans le film Gellért de Tacita Dean, la langue est confuse et les conversations des

femmes au hammam se perdent dans un brouhaha de vapeurs aquatiques. Seule demeure l’image troublée de corps libérés de leurs contraintes et des diktats de la beauté car, contrairement au bain de jouvence qui fait rêver à l’éternelle jeunesse, le bain hongrois sent le souffre et le mal au corps. Parmi ces artistes renommées choisies par Véronique Collard Bovy, la jeune palestinienne Nissreen Najjar (en 5e année à l’École d’art de Lyon) présente une installation contraignante dont l’expérience est physiquement et mentalement difficile. L’expression « mettre au secret » prend tout son sens et l’art est là, justement, pour le lever. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Les parfums de l’intranquillité jusqu’au 25 septembre Hôtel des arts, Toulon 04 83 95 18 40 hdatoulon.fr

Un entre-deux contemporain incontournable

A

rt-O-Rama, 10 ans cette année, et Paréidolie, 3e édition, lancent le coup d’envoi de la rentrée de l’art contemporain à Marseille. Dans un élan simultané, la foire et le salon croisent amateurs, collectionneurs, professionnels et journalistes nationaux et internationaux réunis par goût de la découverte, volonté d’enrichir leurs collections, envie de discuter entre amis… Art-O-Rama se singularise par son choix de galeries avant-gardistes, ses Show-Room ouverts aux artistes émergents et son focus sur un(e) artiste prometteur(se). Cette année Rafaela Lopez qui bénéficie d’une aide à la production et à l’édition. La « plus petite foire d’art contemporain » se réinvente en

inaugurant une section dédiée aux éditeurs et s’enrichit de conversations autour des thèmes de la polarisation et de l’émergence de nouvelles scènes dans l’art contemporain aimées par Cédric Aurelle. Le dessin contemporain trouve en Paréidolie une vitrine précieuse pour toutes les formes,

tous les artistes, tous les territoires (France, Suisse, Allemagne, Angleterre, Espagne). Et tous les acteurs, notamment la galerie Territoires partagés à Marseille (invitation à Jean-Baptiste Ganne) et le Mac Arteum à Châteauneuf-le-Rouge (invitation à Lionel Sabatié) qui œuvrent en région. Le Château de Servières gagne du terrain et de l’espace afin de recevoir 14 galeries, véritables étendards du dessin contemporain dans toute son acceptation, y compris le dessin vidéographique, ainsi qu’une librairie spécialisée. Un salon qui préfigure une longue et riche « Saison du dessin » à suivre… M. G.-G.

Art-O-Rama Salon les 26, 27 & 28 août Exposition jusqu’au 11 septembre Friche la Belle de Mai, La Cartonnerie, Marseille 3e art-o-rama.fr

Vue du salon Art-O-Rama 2015 © Jean-Cristophe Lett

Hippolyte Hentgen, série Les Résistantes, 2016, encre sur papier, 160 x 120 cm, Courtesy Semiose galerie Paris © A. Mole

Paréidolie 27 & 28 août Château de Servières, Marseille 1er 04 91 85 42 78 pareidolie.net


au programme arts visuels marseille bouches-du-rhône

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Felice Varini Quoi de plus idéal qu’un toit terrasse en plein Marseille ?! Après Xavier Veilhan, Daniel Buren puis Dan Graham, c’est au tour du spécialiste du point de vue et de l’anamorphose urbaine de prendre la mesure du monument du Corbusier. Felice Varini était intervenu à Salon-de-Provence dans le cadre de Marseille 2013. Pour la Cité Radieuse, il propose trois points de vue différents en rouge et jaune. C.L. À ciel ouvert jusqu’au 2 octobre MAMO, Centre d’art de la Cité Radieuse, Marseille 01 42 46 00 09 mamo.fr

Felice Varini, A ciel ouvert_Rebonds par les pôles, MAMO Centre d’Art de la Cité Radieuse, Marseille 2016 © André Morin

À ciel ouvert

Le festival Off d’Art contemporain représente (presque) tous les formes d’expression des arts visuels contemporains, avec une affection pour le Land Art et la sculpture monumentale. Plusieurs œuvres in situ ont été réalisées spécifiquement pour l’événement. Le parcours, gratuit et accessible à tous, se déroule sur 28 lieux publics et privés dans la ville et alentours. Vernissage/ visite avec les artistes le 23 juillet à 16h30. C.L. 5e festival Off d’Art contemporain 23 juillet au 16 août La Roque d’Anthéron 04 42 50 70 74

Lumière et mouvement, lames de verre fusionné et traité, 2015, Nicole Barondeau-Maître verrier © X-D.R

Adalberto Mecarelli Il avait transcendé les cryptoportiques arlésiens en 2011. Après Sienne, Asciano et Rennes, ce nouveau projet d’Adalberto Mecarelli fait dialoguer son matériau plastique privilégié, la lumière, avec l’architecture de l’abbaye cistercienne, pour amener le visiteur vers « une dialectique entre l’ombre et la lumière selon le mode de l’apaisement et de l’équilibre entre la masse et la légèreté ». Dans le cadre de la programmation Lumière et mouvements (jusqu’au 27 novembre). C.L. Lux Umbrae jusqu’au 30 septembre Abbaye de Silvacane, La Roque d’Anthéron 04 42 50 41 69 abbaye-silvacane.com Adalberto Mecarelli, Lux Umbrae, Abbaye de Silvacane, 2016 © Adalberto Mecarelli

Photo en friche La Halle à Marée, Criée en friche depuis dix ans, reprend du lustre avec une importante exposition en partenariat avec les Rencontres d’Arles (voir p. 50). À découvrir les restitutions de résidence de Jean-Christophe Béchet, Nicole Chayne, Gaël Bonnefon, Martial Verdier, Sophie Goullieux, Kevin Lapeyre, Brigitte Bauer ; les Club Photo d’Antoine Santoru et cours photo de Rebecca Saurine, les lauréats du concours photo des quartiers prioritaires de Port-de-Bouc. Rencontres avec les artistes à 18h30 : N. Chayne-Salini (22 juillet), B. Bauer (5 août), K. Lapeyre (2 septembre). C.L. Et Port de Bouc s’est éCriée… jusqu’au 9 septembre Centre Fernand Léger, Port-de-Bouc 04 42 43 31 20 centrefernand leger.com

© Gaël Bonnefon, série Docker Station, Port de Bouc, 2015


62 au programme arts visuels Bouches-du-rhône vaucluse hérault

alpes

René Guiffrey À partir de 1970, René Guiffey dépose progressivement les outils et les moyens traditionnels de la peinture. Tout son travail sera désormais fondé uniquement sur le blanc, puisant alors dans les matériaux industriels. Cette rétrospective exceptionnelle propose une centaine d’œuvres, peintures, sculptures, carrelages et verres pour suivre un parcours radical comme l’art contemporain sait en offrir singulièrement. Rencontre avec l’artiste le 23 septembre. C.L. L’oeuvre à blanc (un parcours) jusqu’au 9 octobre Campredon Centre d’art, L’Isle-sur-la-Sorgue 04 90 38 17 41 islesurlasorgue.fr/campredon

Cordoba, 2010, acrylique sur priplak et carton Sim White © Marjo Béhéty

Jérémy Laffon De jour comme de nuit, les vitrines du centre-ville d’Istres attirent le regard comme des aimants car il est rare d’embrasser ensemble créations contemporaines et objets archéologiques ! Là, Jérémy Laffon recrée des paysages sous-marins, invente des décors anachroniques et réinterprète des objets symboliques comme une invitation au voyage. L’épave, Blue Fire composé avec Elvia Teotski, Construction aléatoire et autres Paysages sous-marins naissent de son imaginaire pour relier passé et présent. M.G.-G. Les vitrines de l’art jusqu’au 16 octobre Centre d’art contemporain, Istres 04 42 55 17 10 istres-tourisme.com © Jérémy Laffon, parcours urbain Les vitrines de l’art, Istres, 2016

Luc Dubost C’est l’histoire d’une marche symbolique de 10 jours dans les Alpes avec un pachyderme conduit par Luc Dubost. De son expérience extra-ordinaire doublée d’une création participative in situ, l’artiste a tiré une exposition à double sens, Mirer, qui permet au spectateur de « regarder à travers » et « traverser » l’épopée. De se la réapproprier par les photos, les aquarelles, les dessins, les gravures sur marbre et les vidéos. Acte I d’une œuvre en mouvement qui trouvera son prolongement dans une relation artiste-publics. M.G.-G. Mirer 17 juillet au 19 août Église Sainte-Cécile, Ceillac 07 82 61 72 64 Mirer © Luc Dubost

Œuvres au Pic Site classé Natura 2000, le Grand Pic Saint-Loup, près de Montpellier, accueille la deuxième édition d’œuvres monumentales contemporaines à ciel ouvert, Au bord des paysages. Celles-ci sont conçues et réalisées spécifiquement en relation avec le site pour l’occasion. Un parcours 2016 avec les créations d’Agnès Rosse, Cédric Le Borgne, Robert Rocca, Roland Cognet et le collectif d’architectes Time Maker’s. C.L. Au bord des paysages #2 jusqu’au 1er novembre Grand Pic Saint-Loup 04 67 55 17 00 cc-grandpicsaintloup.fr 04 67 06 96 04 lepassemuraille.org

Ce que disent les pierres, collectif Time Maker’s, Au bord des paysages #2, Pic Saint-Loup, 2016. © Time Maker’s


critiques livres

63

« Je reviendrai et je serai des millions » T

els sont les derniers mots de l’esclave Spartacus, selon Howard Fast. Comme dans tout roman d’inspiration historique, on décèle dans son écriture autant -sinon plus- le contexte dans lequel vivait l’auteur que celui où l’action se déroule... Aussi Howard Fast a-t-il dans cette œuvre majeure, rééditée par Agone en 2016, mis beaucoup de ce qu’il a vécu au moment de sa rédaction, dans les années 50 aux USA, à l’époque où « le pays n’avait jamais autant ressemblé à un État policier ». Spartacus est empreint d’idéal communiste, un parti pris plutôt dangereux aux temps du maccarthysme... Cela n’a pas empêché le livre, publié à compte d’auteur, de connaître un succès fulgurant puis une adaptation cinématographique fameuse avec Kirk Douglas dans le rôle-titre. Relire l’ouvrage aujourd’hui n’est pas chose si aisée : l’écriture (ou est-ce la traduction de Jean Rosenthal ?) n’en est pas fluide, et l’on se heurte avec brutalité au récit de cette révolte servile

des gladiateurs, dum vivimus, vivamus (tant que nous vivons, vivons !) est redoutable. Ce sont eux, parmi la multitude des humains exploités par Rome, qui ont pu se rebeller : la mort était leur quotidien, et « la haine est un luxe qui requiert de la nourriture, de la force et même le temps de se livrer à un certain genre de méditation », toutes choses dont ils disposaient plus que les autres. Dans nos sociétés modernes occidentales, nous avons aussi tout cela. Mais peut-on vraiment dire que nous vivons, si nous ne nous rebellons plus que mollement face à ceux qui nous promettent un monde invivable ? GAËLLE CLOAREC

réprimée ultra violemment par les romains en -71 avant J.-C. Cependant, s’ils meurent crucifiés par milliers, les esclaves emmenés par ce Thrace, dont on ne se remémore pas grand-chose sinon sa persistante légende, ont beaucoup à nous apprendre. Qu’on les passe au filtre du communisme, ou pas. La devise

Spartacus Howard Fast Agone, 20 €

Pleins feux sur le Noir lus qu’un style, un « genre littéraire », le Noir ici se revendique comme une famille. Au Festival International du Roman Noir de Frontignan (FIRN), une cinquantaine de personnalités (auteurs émergents, reconnus, spécialistes…) et leurs lecteurs se retrouvent chaque année, depuis 19 ans, pour célébrer et raffermir une identité. Pascal Dessaint, dont l’œuvre est aujourd’hui multi récompensée, raconte, lors d’un K/FE/ KRIM, le long chemin qu’il a dû parcourir avant de découvrir qu’il avait sa place au sein de cette famille. Sortant de la sienne, peu soutenu et mal compris dans sa vocation d’écrivain, il ne savait pas que le roman noir existait. Il voulait aborder des sujets présents et sensibles, sans détours, usant d’une syntaxe qui fuit les adjectifs et les participes passés. Faire de la littérature, en somme. Après dix ans de doutes, de revers et d’obstination, dix ans surtout d’un besoin de s’exprimer qui le maintient au-dessus de toutes les galères, Dessaint ose aborder Daniel Pennac lors d’une rencontre dans une librairie toulousaine. L’auteur star lui demande tout simplement de lui résumer en quatre phrases le manuscrit qui vient d’essuyer son 54e refus de parution. « Mais c’est du roman noir ! » Découverte ;

Jorge Alderete, affichage à l’occasion du FIRN, jusqu’à disparition des supports © Anna Zisman

P

soudain le monde s’ouvre ; Dessaint a trouvé ses pairs ; il sait à quelle famille il appartient. « La confiance, enfin, s’est installée. » Tout en haut du donjon médiéval de la petite ville héraultaise, Jean-Marc Erre et Michel Douard tiennent chacun le livre de l’autre. C’est le principe des Lectures Bang Bang

Ping Pong : les auteurs lisent des passages choisis dans l’ouvrage de leur pair. La dizaine d’auditeurs, installés dans des chaises longues, dans la pénombre de la tour, assiste à un moment privilégié : un échange entre deux écrivains, lecteurs attentifs et bienveillants. Les livres se répondent, ils évoquent tous les deux un monde à venir (nous sommes en 2042 et en 2048), et, mieux vaut en rire qu’en pleurer, l’avenir n’est pas rose, dans l’univers du noir ! Il est grinçant et inquiétant, mais tellement drôle aussi, qu’on se sent presque prêt à déjà l’affronter. Mort de rire, c’est le thème de l’édition de cette année. À travers les livres, mais aussi le cinéma (trois séances gratuites sur la plage), un concert-lecture où Virginie Despentes a lu le Requiem des innocents de Calaferte, l’habillage des murs de Frontignan par l’illustrateur sud-américain Alderete, la famille du Noir se soude et s’agrandit toujours plus au FIRN. ANNA ZISMAN

Le Festival International du Roman Noir a eu lieu du 22 au 26 juin à Frontignan


64 critiques livres

Taillée pour le noir

A

vec ses vingt-deux millions d’habitants, Lagos, capitale du Nigeria (et ville la plus peuplée d’Afrique), l’est assurément : corruption généralisée, délinquance et trafics en tous genres, prostitution… Tandis que les ultra riches de Victoria Island sabrent le champagne, ailleurs règnent misère, violence et expédients : tout est bon pour survivre, on tue pour un peu de monnaie. Leye Adenle vit désormais à Londres ; mais c’est dans cette cité de tous les dangers, qu’il situe l’action de son premier roman, Easy motion tourist (en hommage à la chanson du grand King Sunny Ade ?), paru en français sous le titre Lagos Lady. Un polar efficace, mené à un rythme d’enfer, qui donne la chair de poule, et pas vraiment envie d’aller faire du tourisme dans ce secteur-là. Un prologue pour le moins inquiétant donne

le ton. Puis le récit fait alterner deux points de vue. D’un côté celui de Guy Collins -le « tourist » du titre original-, journaliste britannique venu couvrir les futures élections (il n’en fera rien) ; de l’autre, celui de la belle et mystérieuse Amaka -la Lagos Lady du titre français-. D’un côté l’Européen blanc totalement déboussolé par les scènes dont il sera le témoin et les péripéties qui s’ensuivront ; de l’autre la Nigériane au caractère trempé qui tente de protéger les prostituées de la ville. Évidemment celle-ci entraînera celui-là dans une aventure plus que périlleuse. Car chercher les responsables des disparitions et des meurtres atroces de filles équivaut à signer son arrêt de mort… Le scénario, très cinématographique, n’est pas sans rappeler Scorsese et Tarantino : violence crue, situations et dialogues à la fois trash et loufoques, sexe, drogues, armes à tous les étages. Plus une belle galerie de « méchants » parfois glaçants, souvent ridicules (ce qui ne les empêche nullement d’être dangereux). Bref, à condition d’être amateur de ce genre d’univers, on prend un réel plaisir à la lecture de ce thriller, dont on attend la suite, que la fin ouverte laisse supposer. FRED ROBERT

Lagos Lady Leye Adenle Traduit de l’anglais (Nigeria) par David Fauquenberg Métailié Noir, 20 €

Mathilde à la barre L

e dernier roman de Valentine Goby plonge dans les années 50 des Trente Glorieuses pour nous en montrer non pas la reconstruction économique et la croissance qu’on a tant louées, mais la face honteuse, celle de la misère et de l’abandon. Comme dans Kinderzimmer, l’auteure part du vécu, saisissant ses personnages dans un contexte historique précis. En 2012, Mathilde Blanc revient sur les ruines du sanatorium d’Aincourt abandonné aux ronces, où son père est mort 50 ans auparavant. Le passé ressurgit violemment ; son père hospitalisé, diminuant inexorablement durant les 10 ans de son calvaire tandis que la mère tombe malade à son tour, que la famille est dispersée sans ressource car elle n’a jamais cotisé à la Sécurité Sociale dont Mathilde apprendra l’existence bien plus tard, sur son premier bulletin de salaire ! Avec des accents dignes des grands romans populaires du XIXe, c’est d’une manière toute personnelle que Valentine Goby montre l’application de Mathilde à déjouer le malheur pour la survie des siens, à acquérir un diplôme. Mais aussi

Pas si purs P

urity, ainsi s’intitule le cinquième roman de l’Américain Jonathan Franzen. La pureté, donc. Notion pour le moins subjective. Fantasme souvent dangereux. C’est ce que montre brillamment Franzen dans ce roman foisonnant (744 pages tout de même), qui navigue dans l’espace -de la Californie au Colorado, du fin fond de la Bolivie à l’Allemagne de l’Est- et le temps -l’époque actuelle y est en effet traversée par des flashbacks qui renvoient aux beaux jours de ce que le romancier appelle « la république du mauvais goût » (la RDA d’avant la chute du Mur), à d’autres périodes également, comme celle de la rencontre des parents de Purity. Car Purity c’est aussi le prénom de l’héroïne, un prénom qu’elle déteste tellement qu’elle répugne à montrer ses papiers d’identité et se fait appeler Pip. Tiens donc, le même nom que le héros des Grandes espérances de Dickens. De fait, le récit, souvent drôle, s’articule autour

de ce personnage attachant et caustique de jeune adulte en quête de réalisation professionnelle et sentimentale et à la recherche d’un père inconnu. Une intrigue principale sur laquelle viennent se greffer plusieurs autres, à la manière de certains romans picaresques, sans

que cela nuise -au contraire- à la cohérence de l’ensemble. Car, en fin de compte, toutes les pièces s’emboîtent. La diffraction des récits, des lieux, des époques met habilement en évidence la variété des points de vue et la difficulté qu’il y a à trancher sur les questions morales. Qui est pur dans ce roman ? Personne. Ni Andreas Wolf, le lanceur d’alerte soucieux de transparence, surtout pour les autres. Ni Penelope Tyler, la mère de Pip, dont la haine de l’argent n’aide pas beaucoup sa fille. Ni Purity elle-même, qui a bien du mal à y voir clair dans ses sentiments. Et ce n’est pas la moindre des qualités de ce roman que de poser des questions sans forcément y répondre. F.R.

Purity Jonathan Franzen Traduit de l’anglais (États-Unis) par Olivier Deparis Éditions de l’Olivier, 24,50 €


65 son acharnement à vivre, vaillant petit soldat qui combat pour la vie et l’amour, et à découvrir malgré tout les plaisirs de son âge. Très finement l’auteure établit aussi un parallèle entre la tuberculose qui a rongé le père et l’OAS qui a ruiné l’Algérie. Ainsi à travers le très beau personnage de Mathilde se dessine en filigrane le portrait d’une génération. CHRIS BOURGUE

Un paquebot dans les arbres Valentine Goby Actes sud, 19,80 €

Celle qui en savait trop U

n soir d’octobre, Cal Weaver accepte de ramener chez elle une adolescente en rade sous la pluie, postée devant un bar lugubre de la zone commerciale. Prendre en stop une jeune fille de vingt ans ne lui semble pas une bonne idée. Lorsqu’elle lui demande de faire halte dans une cafétéria au bord de la quatre-voies, l’idée lui paraît cette fois prodigieusement stupide. Surtout lorsqu’il s’aperçoit que la personne qui vient de regagner son véhicule n’est pas sa passagère… Cal Weaver vient de s’embarquer malgré lui dans une affaire de disparitions qui ne risque pas d’apaiser ses tourments. Son fils s’est suicidé deux mois plus tôt, sa femme ne cesse de dessiner le visage de son enfant, lui-même n’a qu’une obsession : comprendre comment et à cause de qui son fils s’est jeté dans le vide. Linwood Barclay est un formidable raconteur d’histoires. La fille dans le rétroviseur tient le lecteur en haleine, de fausses pistes en rebondissements. Au-delà de la qualité de l’intrigue, l’originalité et le charme de ce thriller reposent beaucoup sur l’atmosphère dans laquelle l’auteur canadien plonge ses personnages, gens ordinaires de la classe moyenne, salariés des chaînes Home Depot ou Walmart, gérants de cafétéria, policiers municipaux... Cal Weaver est le privé local de la fictive Griffon, bourgade paisible de l’État de New-York, avec son centre-ville pittoresque, sa

zone résidentielle, ses délaissés qui précèdent la zone commerciale. Une ville encline aux solidarités de voisinage, tant qu’elles ne bouleversent pas les habitudes des résidents. Une ville dont la population est peu regardante sur les méthodes de la police locale, son rempart contre la délinquance qui sévit à une heure de route, dans la grande et dangereuse cité de Buffalo. En marge, une jeunesse adolescente, ses prises de risque, et les dangers qui la menacent de l’intérieur, dans cette microsociété close sur elle-même. MARIE MICHAUD

La fille dans le rétroviseur Linwood Barclay Traduit de l’anglais (Canada) par Renaud Morin Belfond Noir, 21,90 €

La photographie de l’intérieur S

pécialisée dans l’édition photographique et l’édition d’artistes, la maison parisienne Filigranes s’est associée à la maison marseillaise à.suivre pour lancer une collection de carnets de travail édités en fac-similé. Cahier, c’est son nom, est dirigée et coordonnée par Soraya Amrane, fondatrice de l’Atelier de visu à Marseille dont le travail de diffusion, de production et d’édition photographique faisait référence. Chaque opus (une cinquantaine

de pages en moyenne) offre au lecteur la possibilité de s’immiscer dans l’intimité du processus créatif des photographes à travers l’assemblage singulier et chaque fois renouvelé de croquis, esquisses, notes qui « constituent, avant l’œuvre aboutie, un corps esthétique autonome d’autant plus vital qu’il est encore en gestation ». Des chemins de traverse qui mènent le lecteur au cœur de la pensée en mouvement de Arja Hyytiäinen, Nina Korhonen, Ali Taptik, Julien Magre et Pascal Grimaud. Pour ces artistes, le cahier est un support de réflexion et de recherche qui leur permet d’entremêler en tous sens des textes, des coupures de presse, quelques extraits de notes prises sur Internet, des planches-contacts, la

copie d’e-mails, voire même des tickets de réservation d’hôtel (Julien Magre), le duplicata d’une carte de sécurité sociale et des billets de loterie nationale (Nina Korhonen dont le cahier prend la forme du journal intime) ou la carte IGN de la Provence (Pascal Grimaud parti en exploration tient un carnet de bord). Bref, tout ce qui raconte, remémore, inscrit dans le temps la pensée, l’éphémère, l’action passée. Si la lecture première peut apparaître « brouillonne » du fait de l’hétérogénéité des matériaux et du foisonnement iconographique (photos, dessins, croquis, archives), les cahiers offrent une belle visibilité à l’esprit à l’œuvre. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Collection Cahier Filigranes/à.suivre, 16 € chaque numéro


66 critiques livres

Haïku du quotidien L

e court ouvrage de Motoya Yukiko, traduit du japonais avec une sobre élégance par Myriam Dartois-Ako, surprend par son titre, Comment apprendre à s’aimer, interrogation qui semble annoncer une prose de vulgarisation de psychothérapie, plutôt que cette délicate nouvelle qui embrasse soixante années de la vie de Linde. Pas de grands évènements, ni d’implications marquantes dans le siècle, pas d’héroïsation du quotidien, mais avec acuité, Motoya Yukiko brosse le portrait de son personnage en extrayant des pans de sa vie, assortis de titres qui nous évoquent ceux de la Comtesse de Ségur, « Linde, 16 ans, et le tableau des scores », « Linde, 28 ans, et la robe », « Linde, 47 ans, et le temps qui passe », « Linde, 3 ans et Schubert », « Linde, 63 ans, et la vinaigrette »… L’anodin, le léger, le futile sont mis en scène, tentatives de complicité avec ses camarades d’école, repas raté avec son mari, achat d’une guirlande de Noël, attente du livreur, remarques un peu trop abruptes, difficultés à être en adéquation avec soi et avec les autres… Là réside la force de ce livre qui, avec une subtile distanciation, peint la

Danser, par-dessus tout

D

ans son troisième roman, Vincent Jolit aborde l’univers de la danse. Le titre, Un ours qui danse, renvoie, certes, à une scène du livre, mais surtout à la difficulté de trouver une adéquation entre le corps et la pensée, ou

L’acceptation de ses propres imperfections participe à la conquête de soi. Le courage, suggère ce délicieux roman, ne serait-il pas de se reconnaître humain, tout simplement… Le style dépouillé, l’adoption d’une narration à la troisième personne, cernent d’un trait sûr et précis les situations, les pensées, et savent préserver, malgré leur apparente simplicité, proche du dénuement parfois, une épaisseur au personnage, sa capacité à trouver en ellemême le secret du bonheur… bien éloigné des clichés ! Un petit bijou consacré au Japon en 2014 par le Prix Mishima. MARYVONNE COLOMBANI

complexité de cette relation, que déterminent les codes d’appréhension du réel que nous imposent, même inconsciemment, les conventions sociales. Le bonheur, est-ce se retrouver au restaurant avec un compagnon qui semble sorti d’une série américaine, vantant tel ou tel plat d’après les critères préétablis, ou rentrer dans son appartement en désordre, seule, et se faire griller une bonne tranche de lard ?

le mouvement juste qui permettra d’exprimer avec le plus d’exactitude possible ce qui nous constitue. En exergue, la citation d’Isadora Duncan donne le ton : « La danseuse de l’avenir sera quelqu’un dont le corps et l’âme auront grandi si harmonieusement de concert que le langage naturel de cette âme sera devenu le mouvement du corps. » Cette harmonie devient l’enjeu des trois histoires qui tressent le roman, mêlant les époques sur un siècle, début du XXe, les années 60 et le XXIe naissant. Une histoire de la danse se dessine à travers les pérégrinations de Fiodor, enfant du cirque, qui suivra les Ballets Russes de Diaghilev, Franz qui fuit à New-York une famille allemande qu’il abhorre, ou encore Françoise qui apprend à s’aimer, malgré son handicap, grâce à la danse. On assiste ainsi à la révolution de la conception de la danse, depuis la remise en cause du formalisme des chorégraphies de Marius Petipa (souverain au Mariinsky), avec l’influence des leçons de théâtre de Stanislavski, la dissidence de Gorski, l’« ouragan » qu’est Isadora Duncan, et sa recherche d’un « mouvement naturel, donc libre, qui, porté par un corps restitué à sa puissance instinctuelle, connecte l’individuel à

Comment apprendre à s’aimer Motoya Yukiko Traduction du japonais par Myriam Dartois-Ako Philippe Picquier, 18 € en librairie le 18 août (distribué par Harmonia Mundi)

l’universel ». On suit Nijinski et son interprétation déroutante (à l’époque) de Stravinski, puis la Postmodern dance, et sa remise en question, Martha Graham… La danse dit, raconte, touche, s’inscrit dans les remuements du siècle, art majeur qui ne se contente plus de la simple virtuosité technique. Et, loin des feux de la rampe, il y a la danse pratiquée par tous, qui ne tient pas compte des aptitudes physiques, ni de la beauté formelle, mais permet aux êtres d’accéder à un accord avec eux-mêmes. La réflexion sur l’art est avant tout une réflexion sur la vie, esquissée dans une écriture fluide qui varie les voix et les points de vue avec une subtile intelligence, avec en évidente conclusion : « Dansez, dansez, sinon nous sommes perdus » (Pina Bausch). M.C.

Un ours qui danse Vincent Jolit Éditions de La Martinière, 20 €



68 critiques livres

La fabrique du Beur O

n connaît Magyd Cherfi et ses textes percutants au sein du groupe toulousain Zebda ou en solo, son engagement politique chez les Motivé(e)s, ses déclarations d’amour

à la France en novembre 2015 et son Livret de famille paru il y a plus de 10 ans qui aborde déjà les thèmes de l’identité douloureuse : « J’ai du mal à écrire car je m’écris et m’écrire c’est saisir une plaie par les deux bouts et l’écarter un peu plus. » Ma part de Gaulois, autofiction à paraître fin août, explore et explose la « ballade des schizophrènes » du début des années 80 « … français jusqu’à 17h ! Puis la rue nous broyait ». Sans indulgence pour les « siens » et la spirale de l’échec intériorisée, instrumentalisée par les lois occultes de la cité, sans complaisance pour lui-même et lucide sur la subtile hypocrisie mise en œuvre dans les banlieues, l’auteur tire un feu d’artifice dont les éclats à double tranchant illuminent et entaillent tout pareil. Boxe, boxe les frères et pulvérise : haine de soi, misogynie flamboyante, homophobie en étendard -« pédé tarlouze tapette enculé » le décasyllabe qui, puisqu’il ne le tue pas, rend fort l’adolescent habité par les mots français- violence dedans, violence dehors mais aussi tendresse rude, rageuse et décapée pour les militant(e)s maladroit(e) s, les artistes en (im)puissance, le doux père à moustache et la mère infatigable à sec de larmes. Mitterrand en mai (on le craint ;

« Je parle sept langues et je n’ai pas envie de faire les poubelles… » C

e sont les mots de Lorenzo ; ils appellent sobrement à un ajustement du regard sur une immigration qui défraie parfois la chronique et dont la visibilité tangue entre stéréotype folklorique et criminalisation hâtive. Lutter contre les idées reçues, informer de la situation réelle de ces familles Rroms que l’on a envie de qualifier de marseillaises et surtout faire sortir de l’ombre des personnes, des individus aux parcours singuliers : c’est ce que réussit impeccablement ce « beau » livre (il l’est au-delà du format labellisé que donne désormais l’adjectif), au titre en panache, incandescent et insolent tiré de la complainte de Tchepi « Brûlez-moi, comme ça, je peux chanter ». Les photos de Kamar Idir dont la couverture donne un aperçu -trois générations posées là, sourires discrets, regards droitsqu’elles soient dures, douces ou éloquentes

restent toujours à bonne distance de la misère ou de la complaisance esthétique ; le noir et blanc dominant, choisi pourtant contre le gré des photographiés, restitue parfois franchement le choc des formes et des couleurs, dit la richesse du travail d’approche et n’isole jamais un portrait de son cadre de vie. La même éthique -proximité respectueuse,

c’est sûr il va falloir repartir de l’autre côté) et en juin le bac : unité de temps, de lieu et montée en intensité des « scènes » (ah ! l’audition de Momo… à faire pâlir les « trois mille » de Rodrigue) que l’on brûle de lire à voix haute … du tragique du comique et du lyrique aussi : Magyd Cherfi a la grandeur de ceux qui assument les héritages sans trop se retourner. « Comme le monde s’ouvrait à moi j’ai fait de mon fardeau des ailes, de mes blessures un bouclier, de mes fêlures identitaires deux richesses dans lesquelles s’est engouffrée la seule idée qui vaille, l’universel. » Bouquet final ! MARIE-JO DHÔ

Ma part de Gaulois Magyd Cherfi Actes Sud, 19,80 €

souci de montrer le quotidien sans commentaire- préside au film/DVD de Dominique Idir : la collecte, les expulsions, l’école, le lien avec les éducateurs, l’hostilité des voisins, la rhétorique de Riposte 15, Samia Ghali en tête (« C’est chez nous ici ! ») et surtout la belle énergie, la rage de vivre en paix, La maison, le violon et le sac Tati et l’accordéon, et la fête malgré tout… Les témoignages qu’elle transcrit ou les récits/analyses de Dominique Carpentier font vivre Sergiu, Petru, Larissa et les autres ; leurs paroles flambent : « j’aime la musique d’église », « dans mon village il n’y avait rien dans les poubelles », « moi si mes parents veulent me marier, je les mets à la police », et construisent des êtres dont la diversité absolue ne doit pas s’effacer dans un destin commun imposé par les ratés de la construction européenne. L’association Artriballes, à l’origine de l’ouvrage, peut être chaudement remerciée pour ce « plus-que livre » de raison et d’action ! M-.J.D.

Brûlez-moi, comme ça, je peux chanter Kamar Idir (photographies), Dominique Idir et Dominique Carpentier (textes et film) Association Artriballes, 24 €



70 patrimoine

L’or de la Provence

E

lle fut Rouge la Provence qui se dit Verte aujourd’hui, leader mondial de l’extraction de la bauxite, disposant du plus important gisement de France. Rouge comme les « Gueules rouges » des mineurs de la bauxite, répondant aux « gueules noires » de ceux du charbon. Rouge aussi politiquement, revendicative, pauvre et ouvrière. En 2012, le Musée des Gueules Rouges ouvrait ses portes au public à Tourves, né de la volonté du maire de la ville, Maurice Constans et de son association, Les Gueules Rouges Entrée Musée des Gueules Rouges © Élisabeth Blanchon du Var, regroupant des anciens mineurs, visiteur, à qui l’on a remis un casque de prodes passionnés, désireux de transmettre un tection dont la couleur varie selon le statut de patrimoine et une mémoire collective qui a celui qui le porte (orange pour les chefs, bleu, façonné paysages et populations durant plus les scientifiques, rouge, sous-chef…), une idée d’un siècle. De 1870 à 1990 (fermeture de la de ce qu’était le travail des mineurs. Couleur, dernière mine de Cabasse), l’exploitation de bruitages, mais aussi dans chaque alvéole la bauxite, que ce soit par des carrières à ciel qui s’ouvre sur le parcours, un remarquable ouvert ou des mines, a fait vivre, avec une historique de l’évolution des techniques, des apogée de 2000 travailleurs dans les années outils, mais aussi des conditions de vie des 50 (sans compter toutes les activités induites mineurs, avec l’espace consacré à la pause par cette activité industrielle). Le projet de repas, si brève (20 minutes) que certains se musée, au départ porté par la commune de contentent de l’utiliser pour rouler les cigaTourves, devient celui de la Communauté de rettes qui vont les accompagner durant leur Communes du Comté de Provence. Une foule journée de 11 heures de travail et la nécessité d’objets, de photographies, de témoignages de remplir au moins six berlines (une tonne ont été rassemblés par les bénévoles de l’asso- chacune) pour recevoir un salaire décent… les ciation, et constituent le fonds documentaire différents métiers sont aussi exposés, de celui du musée, depuis les lampes à acétylène aux de maréchal-ferrant (il y a des animaux dans la outils les plus impressionnants, comme le mine, ânes, mulets), forgeron (sans cesse des Jumbo perforateur. outils à fabriquer et à réparer), le boutefeu, les De la lampisterie, on descend dans la recons- menuisiers, les maçons, les mineurs de fond… titution d’une galerie minière, qui donne au On ne se rend pas seul dans cette partie du

musée, on y est guidés par un ou une spécialiste, qui décrypte, rend tangible, répond avec précision et finesse aux questions souvent expertes des visiteurs. Une autre section, consacrée à la bauxite, depuis l’histoire de sa formation géologique, et les conditions de la bauxitisation, aux techniques qui permettent d’en extraire l’aluminium (le fameux procédé Bayer par électrolyse), soulève la question des boues rouges, présente les différents points de vue, et nous laisse libres de former notre propre jugement… La visite propose plusieurs niveaux de lecture et sollicite la participation de chacun, par des bornes interactives, des jeux, le visiteur est aussi acteur. On découvre ainsi les multiples applications de ce métal, de ses alliages, sa conductibilité, sa capacité à être entièrement recyclable et à l’infini en gardant les mêmes propriétés… Le musée travaille beaucoup en relation avec les écoles (jusqu’aux lycées), accueille de nombreuses manifestations culturelles (dont les Eauditives), propose des catalogues passionnants, concoctés par la ZIP de Barjols, et offre ses murs à des expositions temporaires, actuellement les photos de Loïc Venance, qui évoque dans Mineros les travailleurs de la mine de Potosi en Bolive, bouleversant de justesse. MARYVONNE COLOMBANI

Musée des Gueules Rouges, Tourves 04 94 86 19 63 museedesgueulesrouges.fr

Molière chez Vilar !

Maquette Roméo et Juliette d’Eric Ruf, collection Comédie-Française, Maison Jean Vilar Avignon 2016 © Delphine Michelangeli

« La Maison de Molière dans la Maison Jean Vilar » : en proposant à Jacques Téphany, directeur délégué de la Maison Jean Vilar, de prêter les maquettes des décors -devenus scénographies- de la Comédie-Française pour l’exposition d’été, Éric Ruf, son administrateur général et président de l’association Jean Vilar, a fait rentrer le monde miniature de ces précieuses « maisons de poupée » en carton plume dans la ville métamorphosée en « plus grand théâtre du monde ». 63 petits chefs d’œuvre en volume et sous verre, à découvrir

dans l’obscurité selon un parcours historique retraçant 70 ans de visions artistiques et d’évolution de l’art scénographique d’une institution qui signe, après 23 ans d’absence au Festival d’Avignon, un vrai retour gagnant (lire aussi chronique des Damnés, p. 34). DELPHINE MICHELANGELI

Métamorphoses de la scène jusqu’au 29 octobre Maison Jean Vilar, Avignon 04 90 86 59 64 maisonjeanvilar.org


Un parcours en trois lieux Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur Marseille

Château de Tarascon Centre d’art René d’Anjou

Espace pour l’art Arles

Du 2 juillet au 30 octobre 2016

Du 3 juillet au 30 octobre 2016

Du 4 juillet au 6 août 2016

Verdures

Îles

Garçon au squelette, 2012 Huile sur toile, Courtesy Semiose galerie, Paris

S’absenter

Françoise Pétrovitch 20, bd. de Dunkerque 13002 Marseille www.fracpaca.org

+33 (0)4 91 91 27 55 accueil@fracpaca.org

Le FRAC est financé par la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur et le ministère de la Culture et de la communication / Direction régionale des affaires culturelles Provence-Alpes-Côte d’Azur.


Exposition 27 avril—29 août 2016

«Un génie sans piédestal*» Picasso et les arts & traditions populaires

Mucem

Picasso Billet coupe file en vente sur Mucem.org Avec le soutien exceptionnel

Esplanade du J4, 7 promenade Robert Laffont — 13002 Marseille Design graphique : Spassky Fischer Sérigraphie : Lézard Graphique

Grâce au mécénat de

Partenaires

*Michel Leiris, 1988 Pablo Picasso, Torero, 12 avril 1971, huile sur toile. Collection Particulière. Courtesy Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte. © FABA Photo : Éric Baudouin © Succession Picasso 2016


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