Zibel87

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un gratuit qui se lit

N°87 du 15/07/15 au 17/09/15

Accueillir les migrants Les expos d’été





Sommaire

Société

La politique migratoire européenne .......................................6, 7

MuCEM

Exposition Migrations Divines, Germaine Tillion .......................8, 9

Festivals

Lire en short, prix du livre jeunesse ........................................10 Festimôme, rencontres Giono .................................................11 Music en Vignes, Festival de Martigues ....................................12 Marignane, La Seyne, Villa Méditerranée ..................................14 GTP, Un Piano à la mer .........................................................16 Musique à l’Emperi, Salon-de-Provence, Opéra au village ..................................................................17 Durance Lubéron, Rencontres du Thoronet, Rencontres de Haute-Provence ...............................................18 Floraisons musicales, Simiane, Voix animées, Musique en Cité(s), Roquevaire ..........................19

Rentrée ........................................................................ 22, 23 Critiques

Le Festival d’Avignon ......................................................... 24, 25 Avignon Off ..................................................................... 26, 27 Les Hivernales, Châteauvallon, Ballet Preljocaj ................................................................. 28, 29 Festival de Marseille .......................................................... 30, 31 Art lyrique à Aix ............................................................... 32, 33 Aix en juin, Lambesc, Voix animées, les Nuits du Coudon .......................................................... 34, 35 Charlie Free, les rendez-vous du kiosque ..................................36 Festival Mimi, Rock Island .....................................................38

Cinéma

Au programme .....................................................................40 Projections en plein air ........................................................41 Le FID ............................................................................. 42, 43 Human à la Villa Méditerranée ...............................................44

Arts Visuels

Art-O-Rama, Pareidolie, galerie Karima Celestin ..................... 46, 47 Musée Cantini, [mac] ...........................................................48 Musée Granet, Villa Datris, Collection Lambert à Avignon ............................................. 50, 51 Château d’Avignon, La Valette, Fondation Luma à Arles ..................................................... 52, 53 La photographie à Arles ..................................................... 54, 55 Au programme .................................................................. 56, 58

L’été de la sidération La chaleur cogne, l’impuissance aussi. Le gouvernement élu sur un programme socialiste fait passer la loi Macron à coups de 49.3 ; enterre le droit du travail et les déchets nucléaires ; reste sourd à la démocratie qui s’exprime en Grèce, et à la sidération qui s’installe dans ses propres rangs ; asphyxie les communes et les collectivités territoriales en baissant leurs dotations tout en augmentant leur missions ; ne comprend pas que sa stratégie d’appauvrissement du peuple est immorale, inefficace économiquement et politiquement contreproductive ; impose des contrôles de police aux frontières alors que des millions d’hommes et de femmes fuient les exactions et la mort. Pendant ce temps, sous la chaleur qui cogne, les festivals survivants battent leur plein, les expos d’été déploient les images du monde, nous apportant plus que jamais consolation, empathie, divertissement aussi, et réflexion. Sans doute les chemins pour construire un monde meilleur pourront naître de cette effervescence persistante, pour peu qu’elle ne se laisse pas happer par un pseudo pragmatisme qui l’engage vers les voies de la rentabilité, et participe à cliver «les» publics. Zibeline aussi, pour continuer à exister, à résister, se transforme. Enrichit sa ligne éditoriale à des sujets politiques, sociaux, environnementaux qui nous concernent, de plus en plus nombreux sur notre site et notre web-radio. S’associe à la Marseillaise, progressivement, pour une diffusion commune, parce que, comme le dit leur rédaction, nous partageons «des valeurs humanistes et progressistes». Qui sont sans doute aussi les vôtres, et qu’il s’agit de remettre au cœur, culturel et politique, de nos vies. AGNÈS FRESCHEL

Patrimoine

Fresques romaines à Arles, Château de Tarascon .............................................................60

Littérature ......................................................................62

Zibeline s’écoute aussi Suivez-nous tout l’été : chaque jour nous publions des articles nouveaux sur www.journalzibeline.fr

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Quelle politique migratoire européenne ? Depuis 2009, Sylvie Guillaume est députée européenne PS des régions Rhône-Alpes, ProvenceAlpes-Côte d’Azur et Corse. Elle est chargée notamment des questions liées aux migrations. Réélue en 2014, elle est devenue alors viceprésidente du Parlement Européen. Dans cet entretien avec Zibeline, elle évoque le sort des migrants à la frontière italienne et l’attitude des Européens devant cette situation

Z

ibeline : Avez-vous une estimation du nombre de migrants qui se trouvent depuis quelques semaines à Vintimille ? Sylvie Guillaume : C’est très difficile à évaluer. Beaucoup d’entre eux fuient des persécutions dans leur pays, l’Erythrée ou la Syrie, et peuvent demander une protection dans l’Union Européenne. Mais certains ne se signalent pas en Italie, pour ne pas être contraints d’y faire une demande d’asile. D’autres encore sont en situation de migration économique et confrontées à l’irrégularité de leur séjour. Ce que nous savons, c’est qu’en 2014, les demandes d’asile dans l’UE ont augmenté de 44% (voir repères ndlr). L’UE a réagi il y a plusieurs semaines en proposant de traiter la question migratoire de façon globale et solidaire, sans laisser les pays aux portes de Schengen en porter seuls la charge. Avec notamment une répartition des personnes sous statut de protection internationale, qui concernerait une partie de celles présentes à Vintimille.

Sylvie Guillaume © José Lavezzi - DSF

Mais ces mesures sont pour le moment rejetées par les gouvernements... C’est vrai, et je le déplore. Il s’agit pourtant de propositions pour une réelle politique migratoire européenne, qui répond à une crise humanitaire effrayante, prend en compte la situation à la source, avec des perspectives de développement, etc. Les critères de répartition ont été très mal accueillis et les états membres ont refusé qu’une mesure de solidarité contrainte se mette en place. La France a soulevé la question des quotas, qui n’avait pas lieu d’être, et cela a servi d’épouvantail. Tout le monde s’indigne lors des terribles naufrages, mais personne n’accepte de fournir un effort collectif et partagé. Mais rien n’est abandonné. Les gouvernements sont favorables à une répartition volontaire, et de nouvelles propositions seront faites d’ici fin juillet. L’ambiguïté étant que rien ne doit porter le sceau de l’obligation... Bien sûr, en tant que socialiste et femme de conviction, j’aimerais que les choses se passent telles que je les vois ! Les échanges sont parfois tendus, mais je continue d’essayer de convaincre en ce sens, et je crois que cela peut encore évoluer. Mais c’est un sujet très sensible, manipulé et déformé par des forces politiques qui ont la volonté de répandre un discours anxiogène. Les contrôles ciblés du côté français de la frontière n’entretiennent-ils pas ce discours ? Le code Schengen n’abolit pas la possibilité de procéder à des contrôles. Récemment, le Conseil d’Etat a jugé qu’il n’y avait pas de transgression et que les contrôles n’étaient ni permanents ni systématiques.

Fin juin, la majorité de gauche du Conseil Régional PACA a voté une motion*, demandant au président François Hollande de mettre à disposition la base militaire désaffectée de Roquebrune-Cap-Martin pour en faire un centre d’accueil d’urgence pour les migrants. Cette proposition peut-elle aboutir ? Je n’ai pas été informée de cette motion, c’est dommage, vous m’en apprenez l’existence. Mais je trouve très positif qu’une collectivité se mobilise et amène une proposition sérieuse sur son territoire. Ce n’est pas si fréquent, en général on propose de faire quelque chose, mais ailleurs ! Cela n’a une chance d’aboutir que si les parties prenantes s’accordent sur la façon d’agir. L’État doit indiquer s’il permettra l’entrée de personnes pour rejoindre cet équipement. Un accompagnement administratif, sanitaire et social doit être mis en place. Si des migrants étaient accueillis sur cette base, ce n’est pas pour qu’ils y restent, mais pour qu’on leur donne des perspectives, et tout cela exige une organisation et des moyens. Je ne sais pas si la proposition a déjà été soumise, et j’ignore quelle serait la réponse de l’Elysée, mais il faut déjà saluer que l’assemblée régionale ne reste pas les bras croisés. Et s’il s’agit d’examiner une telle proposition, je ne demande pas mieux, si je suis saisie par les autorités concernées. Propos recueillis par JAN-CYRIL SALEMI

*http://www.gpiel.com/2015/06/des-refugies-aux-hospitaliers-au-conseil-regional-paca.html

Repères

Union Européenne - 2014 626 000 demandes d’asile 185 000 bénéficiaires, dont 68 000 Syriens (37%) France – 2014 62 000 demandes d’asile 20 000 bénéficiaires, dont 2000 Syriens (10%)


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Quotas et désastre humanitaire O

n ne peut pas accueillir la misère du monde. En répandant cet adage affreux, on fait croire aux Européens qu’ils sont arrivés au bout de leurs capacités d’absorption de l’autre, et qu’ils sont en droit d’y mettre un frein. Or le droit international interdit de refuser l’asile : un homme vaut un homme, et on ne peut laisser mourir, en Méditerranée ou ailleurs. C’est criminel. Par ailleurs l’immigration n’a jamais été aussi faible en Europe. Si le nombre des réfugiés politiques augmente un peu depuis 4 ans, l’immigration stagne, recule même dangereusement pour certains pays à la démographie catastrophique comme l’Allemagne. L’Europe doit asile aux réfugiés, et a besoin d’immigration. Pourquoi alors parler de quotas ? Car la situation est simple : l’Europe peine à accueillir 185 000 demandeurs d’asile, soit 0,03% de sa population ! La France, qui se vante encore d’être le pays des Droits de l’Homme, fait pire encore : seuls 20 000 demandeurs ont obtenu un statut protecteur en 2014 (réfugié politique, statut dit subsidiaire ou autorisation de séjour pour raison humanitaire). Soit 22% des demandeurs en première instance et 16% en appel, alors que les taux respectifs en Europe sont de 45% et 18%.

Au levant

La Syrie depuis 3 ans représente le plus grand nombre de demandeurs. La France en a accueilli 2000 en 2014, soit un peu moins que de réfugiés russes. L’Allemagne a accueilli 47 000 réfugiés dont 25 000 Syriens, la Suède (9 millions d’habitants) 34 000 réfugiés dont 16 500 Syriens. Confrontés à la réalité du Proche Orient, ces chiffres sont dérisoires : le Liban (4,5 million d’habitants)

Mensuel gratuit paraissant le deuxième mercredi du mois Édité à 32 000 exemplaires imprimés sur papier recyclé Édité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008

Directrice de publication Rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@gmail.com 06 09 08 30 34 Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.)

Des mots pour refuge © Francesco Fantini-Focus on Syria

et la Jordanie (6,5 millions d’habitants) font face à l’afflux de millions de réfugiés Syriens. Une exposition de Médecins du Monde à la Villa Méditerranée montrait en quelques chiffres, et de très belles et émouvantes photographies, l’ampleur du désastre. Depuis 4 ans 200 000 Syriens sont morts, dont plus de la moitié de civils ; plus d’1,5 million ont été blessés et ont aujourd’hui des séquelles graves et irréversibles ; plus de 4 millions ont fui hors des frontières, et 8 autres millions ont quitté leur vie pour se réfugier loin des zones de combat et se tasser près des frontières. Les réfugiés Syriens représentent aujourd’hui 10% de la population Jordanienne, 35% de la population Libanaise. Comme si, en France, on accueillait tout à coup 22 millions de réfugiés. La Jordanie accueille les populations dans des camps humanitaires, les protège, les socialise, les soigne, les scolarise avec l’aide des organisations humanitaires et de l’ONU. Au Liban le traumatisme des camps de réfugiés est douloureux, et les Syriens se mêlent directement à la population, vivant souvent dans des bidonvilles. La vie s’organise dans des équipements de fortune. Les photos de Francesco

Fantini montraient de la douleur, des sourires aussi. Les témoignages qui les accompagnent disent l’impression encore sidérée d’avoir perdu «le paradis». Thierry Brigaud, président de Médecins du Monde, le formule ainsi : «En laissant ces millions de gens se fixer tant bien que mal là où la guerre les a jetés, à l’abandon, sans perspective, c’est un avenir de vengeance, de haine et de terreur que nous préparons pour l’ensemble du bassin méditerranéen. Il y a urgence à convoquer les Nations Unies pour donner des lieux de vie décents à ceux qui ont fui la barbarie, à réunir les fonds nécessaires. Il y a urgence à ouvrir nos pays pour accueillir ces migrants.» AGNÈS FRESCHEL

http://fuirlaguerre. medecinsdumonde.org

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Rédactrice en chef adjointe Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42 Secrétaire de rédaction Delphine Michelangeli d.michelangeli@free.fr 06 65 79 81 10

Musique et disques Jacques Freschel jacques.freschel@gmail.com 06 20 42 40 57 Cinéma Annie Gava annie.gava@laposte.net 06 86 94 70 44

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Collaborateurs réguliers : Régis Vlachos, Dan Warzy, Frédéric Isoletta, Christine Montixi, Yves Bergé, Émilien Moreau, Christophe Floquet, Pierre-Alain Hoyet, Aude Fanlo, Thomas Dalicante, André Gilles


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Dieux voyageurs statue de Sarapis 1re moitié du IIème s. dieu créé par les Ptolémées entre Apis et Osiris © Maryvonne Colombani

L’

exposition Migrations divines est organisée conjointement par le MuCEM et la Fondation Gandur, avec la participation exceptionnelle des Musées d’art et d’histoire de la Ville de Genève. On est d’abord séduit par la beauté et la variété des pièces présentées, un peu plus de deux cents, dans une scénographie de Sylvain Roca, aérée et esthétisante, qui orchestre les ombres et les lumières comme pour rendre palpable le sens du sacré. Jean Claude Gandur, a passé sa vie à rassembler des objets archéologiques du bassin méditerranéen (entre autres). Avant la création de la Fondation Gandur pour l’Art, les objets envahissaient sa maison, «avec des amulettes jusque dans les verres à dent !» sourit-il. Les prêts, les partenariats permettent aussi de rendre ces collections accessibles au grand public ainsi qu’au monde académique, «l’art appartient à tous». «Je suis convaincu que l’art est un vecteur extraordinaire de compréhension de soi et de l’autre […] il ouvre le dialogue entre les cultures et les civilisations» Et quel beau dialogue que celui de l’exposition dont Myriame Morel-Deleballe, conservateur en chef du patrimoine et responsable du secteur Histoire au MuCEM, est la commissaire générale, avec à ses côtés Robert Steven Bianchi, conservateur en chef, conservateur collection archéologie pour la Fondation Gandur et Jean-Luc Chappaz, conservateur en chef, responsable du domaine Archéologie des Musées d’art et d’histoire de la Ville de Genève.

Une exposition en trois temps

L’exposition s’articule en trois temps, traitant dans un premier mouvement sous un ciel peuplé de divinités, la question des Panthéons, puis montre l’homme dans sa quête de l’éternité, avec les rites funéraires, les divinisations pharaoniques, les dieux qui renaissent, Osiris, Dionysos… avant de présenter les profondes influences que les religions et les cultures exercent entre elles. «Syncrétisme», assimilations, emprunts… les indications portées sous chaque pièce sont passionnantes, et accordent à l’ensemble sa structuration interne. Le sujet traité est immense, partant des IIIe et IIe millénaire avant notre ère au IIIe siècle après notre ère. Aussi l’exposition est contrainte à effectuer des choix, laissant au visiteur la capacité de plonger en lui-même, faire appel à ses propres connaissances, rechercher d’autres signes, ou se plonger avec délectation dans le catalogue qui accompagne Migrations divines.

Un indispensable catalogue

Avec sa couverture en trois volets, l’ouvrage souligne l’épaisseur du temps, les strates qui se suivent, se complètent, s’interrogent, se mêlent, se fondent parfois, s’influencent. L’article de Gilles Dorival ouvre sur un panorama des polythéismes en Méditerranée antique, en esquisse la dimension politique, et pose la question du monothéisme philosophique. Les Panthéons de l’Antiquité par Jean-Luc Chappaz, Manuela Wullschleger et Nathalie Würthrich, apportent les éléments qui semblaient absents de l’exposition, comme l’évocation de la triade capitoline primitive. Robert Steven Bianchi aborde l’héroïsation et l’apothéose

L’été au MuCEM

avec De l’accession à la divinité, tandis qu’Alain Charron revient sur les Cultes et pratiques dans l’Egypte ancienne, que complète avec finesse Jean-Luc Chappaz dans Au-delà ; ne voit-on rien revenir ? Youri Volokhine achève le volume avec l’acrobatique sujet de Rencontres et échanges. Cultures et religions en contact dans la Méditerranée antique. De quoi méditer sur les prolongements dans le monde contemporain ! Il vient d’ailleurs de recevoir le 1er Prix, dans la catégorie «catalogue», du Prix Méditerranée du Livre d’art (PMLArt) -mis en place par le Centre Méditerranéen de littérature et le Syndicat National de l’Édition «Art et Beaux Livres» (SNE), et parrainé par la Ville de Perpignan, le Conseil Départemental des Pyrénées-Orientales, la Région Languedoc-Roussillon, et la Caisse d’Épargne Languedoc-Roussillon-, dont c’est la première édition ! MARYVONNE COLOMBANI

du 24 juin au 16 nov 2015, MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org Catalogue Migrations divines, Actes Sud, MuCEM, 30 euros

Le programme de rencontres, débats et conférences s’interrompt au MuCEM pour l’été, mais il reste bien des découvertes à faire, autour des expositions en cours (Lieux Saints Partagés jusqu’au 31 août, Traces... Fragments d’une Tunisie contemporaine jusqu’au 28 septembre, et Migrations Divines, voir ci-contre). De la musique, Chronik de pêche, Cie Le Lutin Théâtre © Gaëlle Boucherit avec notamment le concert inaugural du festival Jazz des 5 continents (Christophe Lampidecchia, Sax Machine, Lisa Cat-Berro et Omer Avital) le 16 juillet, le récital lyrique la Cie La Rumeur le 24, un karaoké (vous avez bien lu !) animé par Jean-Yves Leloup le 25, et un grand bal le 26. Du spectacle vivant également : le 1er août la Cie Artscenicum présentera sa partie de pétanque évoquant la guerre d’Algérie, tandis que le jeune public pourra assister au théâtre d’image de la Cie Le Lutin, le 24 juillet, à celui de Ma Super Compagnie le 26, ainsi qu’à des contes itinérants tous les jours du 24 juillet au 2 août avec le chuchoteur d’histoires Philippe Allari. GAËLLE CLOAREC MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org


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Une aventurière au Panthéon G

ermaine Tillion, depuis le mois de mai, fait partie des «grands hommes» que «la Patrie reconnaissante» accueille au Panthéon. C’est pour lui reconnaître non seulement son rôle éminent durant la Résistance, mais aussi, pleinement, sa stature professionnelle d’ethnologue que le MuCEM recevait, le 19 juin, un colloque intitulé Les sciences sociales au XXIe siècle. Dans le sillage de Germaine Tillion. Car l’un ne va pas sans l’autre. Formée par Marcel Mauss («pas un expert du terrain, selon l’anthropologue Alban Bensa, mais convaincu que tout comportement humain a un sens»), elle a mis les outils de sa profession au service de son engagement, jusque dans le camp de Ravensbrück où elle a été déportée en 1943, puis dans les Aurès au moment de la guerre d’Algérie. Sa posture n’est pas celle d’une intellectuelle posant un regard neutre sur ses semblables ; pour ceux qui l’ont connue elle était «un franc-tireur», une aventurière prête à tout, s’impliquant personnellement, sans se mettre en position de surplomb par rapport à ses sujets d’observation. En déportation, consciente du fait que peu survivraient, dans un souci de comprendre les agissements les plus sombres de l’humanité et en tout cas d’en laisser

© Gaëlle Cloarec

trace, elle s’est appuyée sur l’aide de ses camarades pour documenter tous les aspects de la vie du camp. Julien Blanc, historien, a rappelé qu’elle frayait peu avec ses pairs, leur préférant l’amitié de ses anciennes codétenues, tandis que dans la salle on s’est souvenu avec émotion de son style rigoureux mais très peu académique, assez déconcertant pour les pontes de l’ethnologie. Lors du colloque même, de manière

incompréhensible, malgré un programme de grande qualité, et bien que l’auditorium qui porte son nom ait été ouvert à tous, le public n’était pas très nombreux. Peut-être en aurait-il été autrement s’il s’était agi d’un homme ; en tout cas ellemême a été confrontée durant sa carrière à la domination masculine, comme l’a souligné sa consœur Tassadit Yacine, qui présidait la première table-ronde. Dommage ! Germaine Tillion a encore et toujours énormément à nous apprendre en matière de résistance à tous les abus. Au moins son entrée au Panthéon aura-t-elle eu l’avantage de réveiller l’intérêt pour son œuvre. GAËLLE CLOAREC

Le colloque a eu lieu le 19 juin sous la présidence de Tassadit Yacine au MuCEM, Marseille


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Lire plus, travailler moins N

on, la lecture n’est pas une activité désuète, pratiquée nostalgiquement par ceux qui sont nés avant l’invasion des écrans. Faire de la lecture une fête, et promouvoir le livre auprès des jeunes, telle est l’ambition de la manifestation Lire en short qui aura lieu partout en France du 17 au 31 juillet. Voulue par la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, et orchestrée par le Centre National du Livre (CNL), elle se situe délibérément dans le temps (plus) libre de l’été, en amenant la lecture au public et non l’inverse, et en sollicitant d’autres disciplines artistiques que la littérature. En Région PACA, Lire en short sera lancé sur les plages du Prado par l’association Libraires à Marseille et l’ARL. La cité phocéenne fait partie des quatre scènes nationales qui donneront le coup d’envoi de l’événement, avec Cergy-Pontoise, Fécamp et Bordeaux. Il s’agira de prouver, «en mêlant la lecture à d’autres plaisirs» que le livre «se mange, s’écoute, se dit, se tricote, se joue, se partage ou se danse». Pendant 15 jours se succéderont marathon de lecture, marelles et bals littéraires, siestes musicalo-livresques, contes, ateliers pop-up, jeux de mots, d’images... et même une fête foraine graphique. À Manosque, l’association Éclat de lire organisera des ateliers d’illustration avec Raphaëlle Enjary et Olivier Philipponneau. La bibliothèque de Briançon proposera un café presse au jardin, celle de La Seynesur-Mer une pratique de l’art-récup’, la médiathèque de Mouans-Sartoux des potins du potager avec Susie Morgenstern, tandis qu’à Mazan, dans le Vaucluse, on cueillera des livres sur les arbres. Certaines animations sont labellisées et donc appuyées financièrement par le CNL. C’est le cas par exemple du Bal

Lire en short à la plage © Josué Goge

à lire qui aura lieu à Pernes-les-Fontaines, ou des bibliothèques mobiles qui circuleront dans Marseille en voiture dé-banalisée, triporteur, voire... en barque. Et tout ceci n’est qu’un aperçu des multiples plaisirs que nous réserve Lire en short un peu partout sur le territoire ! À noter qu’en parallèle, le CNL organise un concours photo Dis, comment tu lis ? (il s’agit de se faire photographier dans sa position de lecture favorite), ainsi qu’un concours d’écriture collaborative. Programme complet et renseignements sur le site de la manifestation, doté d’une carte interactive

pour mieux situer les diverses propositions, toutes gratuites. GAËLLE CLOAREC

Lire en short du 17 au 31 juillet Région PACA www.lire-en-short.fr

Le Prix du livre jeunesse Marseille

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n ne naît pas bon lecteur, on le devient. Et pour bénéficier des joies inépuisables de la lecture, une vie durant, rien ne vaut une rencontre précoce avec le livre. Depuis 20 ans et plus, le Prix du livre jeunesse Marseille rassemble des professionnels, libraires, bibliothécaires, enseignants, autour d’un même projet : répondre à la vive curiosité du jeune âge par le goût des lettres. Chaque année à leur invitation, maternelles, élèves du cours élémentaire et collégiens sélectionnent un bouquet d’ouvrages, les analysent, en débattent, rencontrent les auteurs. Puis, constitués en jurys, ils décernent une série de prix mûrement délibérés. En 2015, les plus petits ont ainsi choisi pour lauréats de la récompense principale Un monstre à chaussettes, d’Éric Veillé (Actes Sud Junior) et Choco et Gélatine, par Yann Kebbi (Sarbacane), tandis que les collégiens attribuaient un ex aequo à M comme... de Yaël Hassan (Casterman Junior), et Banksy et moi d’Élise Fontenaille (Le Rouergue). Quatre ouvrages traitant avec inventivité de leurs préoccupations au quotidien : la peur, le rejet de l’autre, et comment

s’en prémunir par l’imagination et l’ouverture d’esprit. Autant d’outils procurés par les livres ! GAËLLE CLOAREC

Le Prix du livre jeunesse Marseille est porté par l’association Libraires à Marseille avec l’Académie d’AixMarseille, la DRAC PACA, le Conseil Départemental des Bouches du Rhône, les Bibliothèques Municipales et la Caisse des écoles de la ville de Marseille.

Libraires à Marseille 04 96 12 43 42 www.librairie-paca.com


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Aubagne et les enfants N

icole Ferroni est la marraine officielle de la 14e édition du festival Festimôme, concocté chaque année par l’association Art’euro, qui se tiendra à Aubagne au Parc Jean Moulin du 22 au 24 juillet. Festimôme, festival européen des arts de la rue et du cirque a pour but d’attiser la curiosité des enfants pour le spectacle vivant, la culture, et les initier aux arts du cirque et à la création plastique. Durant trois jours, neuf compagnies vont se succéder pour donner une vingtaine de représentations, entre cirque contemporain, acrobatie de haute voltige, spectacle de marionnettes, théâtre de rue, contes : les deux clowns-magiciens de la Cie Espagnole d’acrobatie, jonglerie et magie La Bella Tour ! ; Le Livre voyageur de la Cie Artaem pour les tout-petits ; le héros déjanté et Super Showman de la Cie Belge No way back ; Sur le fil, théâtre de marionnettes et d’objets de la Cie L’Arbassonge, ainsi que le manège à énergie rigolote Zoo déglingo de la Cie L’Echappée Belle ; Les Dudes, Cie Canadienne de cirque et d’humour absurde présenteront Let’s do this ! ; la Cie Ganesh présentera Toute sorte de contes qui sortent de l’ordinaire ; du théâtre d’objets et de danse avec la Cie L’Eléphant vert et son Ploum Plouf ; L’Imaginographe, un spectacle de rue graphique et interarctif de l’association Ornicarinks ; sans oublier Mega Candela, la création en son, lumière et musique live pour le Festival par le collectif marseillais Arbuste, qui reprend par ailleurs sa création de l’année dernière, Totem, avec 80 enfants des centres aérés et maisons de quartier de la ville d’Aubagne. L’association accueille par ailleurs

Totem, final Festimôme 2014 © Marc Munari

Eric Hübsch, illustrateur de la BD Topaze d’après Marcel Pagnol, adaptée par Serge Scotto qui paraîtra en novembre chez Bamboo Edition. Il animera pour l’occasion une master class «bande dessinée» avec des ados, ainsi qu’un duel de caricatures enfants/ parents ! Et puis il y a aussi des jeux, des lectures, une trépidante chasse au trésor, un salon de lecture d’été, un grand lâché de papillons en origami, des ateliers,

une initiation aux arts du cirque… ALICE LAY

Festimôme du 22 au 24 juillet Parc Jean Moulin, Aubagne www.festimôme.fr

L’essence de Giono E

n cette année du 120e anniversaire de la naissance de Jean Giono, Manosque s’apprête à fêter la 10e édition des Rencontres Giono (autrefois Journées Giono). La très active association des Amis de Jean Giono poursuit l’exploration de la vie de l’auteur, en proposant une programmation qui s’inspire, entre autres, de son œuvre et de son imaginaire. Giono au bonheur des sens se déclinera donc cette année lors de concerts, lectures, théâtre, conférences, débats, cinéma et cafés littéraires. Pour faire connaître les textes et entendre la voix de celui qui écrivait, entre autres, «Le monde est là ; j’en fais partie. Je n’ai d’autre but que de le comprendre et de le goûter avec mes sens», ou simplement pour permettre l’immense plaisir de retrouver ces mots, de nombreux artistes seront présents à Manosque du 5 au 10 août, au théâtre Jean Le Bleu et dans la maison de Giono, La Paraïs. L’invité d’honneur, JeanClaude Ellena, créateur exclusif des parfums Hermès et fin connaisseur de l’œuvre de Giono, sera entouré de trois comédiens exceptionnels qui liront des textes tout au long de ces 5 jours : Didier Sandre pour Jean Le Bleu accompagné de Marie-Laurence Rocca (violon), Catherine Bertrand (flûte) et Olivier Lechardeur (piano) et Odeurs magiques, parfums enchantés : Giono

a accompagné les photos de la Camargue d’un texte écrit en 1960 sera présent lors d’une rencontre ; les écrivains Gilles Lapouge, sujet d’un film de Joël Calmettes projeté en sa présence et Michel Jullien qui participera à la rencontre-débat sur Les cinq sens : arts et techniques ; des conférences avec Sylvie Vignes (Le jeu magique des sens dans l’œuvre de Jean Giono), Jacques Mény (Sous la lumière de mon œil bleu) et Jean Arrouye (Jean Giono et la photographie)… Si ce n’est pas déjà fait, rencontrez Giono ; si c’est déjà le cas, savourez ! Do.M. Jean Giono © Denise Bellon

au bonheur du nez, Philippe Girard lira Le Grand Théâtre en musique sur des œuvres de Bach, Beethoven, Brahms, Rachmaninov et Debussy, et Philippe Lardaud en Compagnie des bruits. Parmi les autres invités : le photographe Hans Silvester, dont Giono

Rencontres Giono du 5 au 10 août Théâtre Jean Le Bleu, Le Paraïs, Manosque 04 92 87 73 03 www.rencontresgiono.fr


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Un cru paradisiaque A

Typh Barrow © X-D.R

u Puy-Sainte-Réparade, en plein cœur de la Provence, entre la montagne Sainte Victoire et le Luberon, le Domaine viticole de Château Paradis porte vraiment bien son nom ! Il ouvre ses portes chaque été, depuis 8 ans, en organisant le Festival Music en Vignes, soit trois soirées (du 22 au 24 juillet dès 21h15) dédiées à la soul, au jazz et au rock, à déguster sans modération, sous les étoiles exactement. C’est par un hommage au grand Barry White que débuteront les festivités, avec le chanteur de jazz, soul et blues Bruce Lester Johnson découvert en 2012 lors de son passage à The Voice. Avec son groupe, il interprètera les plus grandes chansons du maître de la soul. Le lendemain, c’est une grande voix pop-soul, comme elle la définit elle-même, qui se produira : la jeune Bruxelloise Typhène, alias Typh Barrow. Avec sa voix atypique, rauque et puissante, la chanteuse et musicienne –qui compose aussi- revisitera des classiques du jazz, du blues et de la soul : à découvrir de toute urgence si ce n’est déjà fait ! La dernière soirée (annulée l’année dernière à cause des intempéries) propose de danser à la belle étoile sur les plus grands standards de Radio Nostalgie avec Les Légendes du rock des années 50 à nos jours. C’est Ilyès Yangui, finaliste de la Nouvelle Star en 2007, qui l’animera, avec un groupe basse/guitare/ batterie mêlant énergie et harmonie sur un répertoire

allant de Police à Eric Clapton. Enfin, et c’est une nouveauté, Le Panier à salade installe ses food trucks avec trois espaces de restauration –espace Corse, tapas ou Burgers- pour vous permettre de vous sustenter sur place ! Do.M.

Music en Vignes Château Paradis, Le Puy-Sainte-Réparade 04 42 54 09 43 www.musicenvignes.com

De la musique avant tout M

arc Péron, qui préside le Festival de Martigues, a décidé d’innover cette année : trois nouveaux lieux -la Chapelle Notre-Dame des Marins, la Cour du Théâtre des Salins et l’amphithéâtre du Conservatoire de musique et de danse du site Pablo Picasso- sont utilisés et recevront des collectifs de folklores variés, séparés par diverses cultures et millénaires. Du 19 au 26 juillet de 10h à 21h30 (ou 22h selon les jours), treize ensembles d’arts et traditions populaires de la Provence, de la Bretagne aussi bien que du Québec, en passant par la Russie, l’Egypte, le Congo ou encore la Guadeloupe, seront dans les rues et sur les places de Martigues. Dès le 19 juillet la fête battra son plein, avec le concert de Zebda pour inaugurer le Village du Festival ! Le lendemain, le Bal des Nations

Les autres lieux d’importance du Festival, dont le Village du Festival et la Place Mirabeau, accueilleront le Festival des enfants, les Cocktails de Folklore, des concerts et spectacles, et seront également des lieux de rencontre avec les artistes, ainsi que des lieux d’ateliers artistiques ou encore calligraphiques. Le Festival se terminera le 26 juillet avec une Soirée de clôture où tous les ensembles seront invités. On attend le commencement avec frénésie pour jubiler de plaisir ! ALICE LAY Ak Maral, Kirghizistan © X-D.R

réunira tous les ensembles invités et sera le premier des grands concerts des Nuits du canal Saint Sébastien, scène mythique du Festival ! Jusqu’à la clôture avec son grand bal final, se succèderont la soirée Bornéo-Egypte-Kirghizistan-Russie-Serbie (le 22), la soirée

Colombie-Guadeloupe (le 23), la soirée Colombie-Congo-Provence-Québec (le 24), et Tri Yann en concert avec le Bagad Brieg et La Capouliero (le 25). Autant d’occasions de rencontres aussi improbables qu’émouvantes et enrichissantes !

Le Festival de Martigues du 19 au 26 juillet Martigues 04 42 49 48 48 www.festival-martigues.fr/2015/


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De la (H)auteur !

oute l’année, à La Seyne-sur-Mer, la bibliothèque de théâtre Armand Gatti promeut et défend le livre, la lecture, l’écriture, les auteurs et les éditeurs de théâtre. Créée par l’association Orphéon, cette bibliothèque de prêt, de consultation et de conservation, qui dispose d’un fonds ancien, est aussi un lieu d’exposition –autour de l’édition et de la mise en scène-, et de résidence pour des auteurs de théâtre et les artistes qui écrivent pour la rue et le cirque. Et programme des manifestations, dont Les Amies d’Olympe (29 août, 5, 12, 19 et 26 septembre) et la Fête du livre et des auteurs de théâtre (2 et 3 octobre), entièrement gratuites ! La 4e édition des Amies d’Olympe, toujours centrée sur la découverte d’auteures de théâtre contemporaines, et de leurs œuvres, proposent cinq rencontres et lectures, par elles-mêmes, dans cinq lieux singuliers de La Seyne ; Lucie Depauw lira Sas, Théâtre d’opérations et suites cinq étoiles (Solitaires Intempestifs éd) sur le Quai de la Marine (le 29 août); Alexandra Badea lira Extrêmophile (L’Arche) sur le débarcadère Porte Marine-Atelier mécanique (le 5 sept) ; Claudie Lenzi performera sur Elle t’enceinte (Plaine Page) sur le Pont Levant (le 12 sept) ; Michèle Laurence lira Eaux-Fortes (L’œil du souffleur) à la Villa Tamaris (le 19 sept) ; enfin, Céline Delbecq lira Poussière (Lansman) rue François Ferrandin (le 26 sept). En octobre, et nous y reviendrons, la 16e Fête du livre et des auteurs de théâtre promet aussi de belles rencontres sur la Place Martel-Esprit (devant la bibliothèque), avec la représentation du spectacle Les Pieds Tanqués par L’Artscénicum

Performance de Nadège Prugnard devant la bibliotèque en 2014 © Orphéon

T

Escale à Marignane !

C’

est une première : cet été l’Office de Tourisme de Marignane, en partenariat avec la ville, programme des parcours thématiques guidés, du 6 juillet au 31 août. Le programme, très éclectique, propose (à des tarifs très abordables) une découverte de la ville en petit train de l’urbanisation aux espaces naturels, une visite guidée du Château des Covet (château Renaissance), la découverte du beffroi et de l’Église Saint Nicolas et son retable monumental, une visite nature de l’étang de Bolmon, la découverte du patrimoine du centre ancien (suivie d’un apéritif), et la visite du musée des arts des Arts et Traditions Populaires avec dégustations de douceurs de Provence. Sans oublier le Musée Raimu, entièrement dédié au grand comédien et unique en France, géré par sa petite-fille Isabelle Nohain-Raimu : dans une villa bourgeoise réhabilitée par la commune, il dévoile sa carrière d’acteur ainsi que des moments plus intimes de sa vie par le biais de murs d’images, de bornes interactives, de projections de films…

Théâtre, et des lectures de Retour de et par Cyril Lévi-Provençal ; L’Histrion du diable de et par Michel Maisonneuve ; L’Odeur des planches de et par Samira Sedira ; et Meursaults (d’après Meursault enquête de Kamel Daoud) par Philippe Berling.

Do.M.

Do.M.

Office de Tourisme 04 42 31 12 97 www.tourisme-marignane.com

En (H)auteur du 29 août au 3 octobre Bibliothèque Armand Gatti, La Seyne-sur-Mer 04 94 28 50 30 www.orpheon-theatre.org

Les Mexicains de l’Ubaye À

l’occasion de la venue du Président du Mexique à Marseille, la Région organise une exposition dont la commissaire est… Hélène Homps, la conservatrice du musée de la Vallée de l’Ubaye, à Barcelonnette ! La petite ville alpine a en effet une histoire partagée avec le Mexique, et le musée dit cette mémoire commune : au début du XIXe siècle, suite aux difficultés économiques de la vallée, de nombreux «barcelonnettes» ont émigré vers Mexico, à la suite de Jacques Arnaud qui y avait établi une fabrique de textile. Certains, enrichis, sont ensuite rentrés dans la vallée, construisant des villas et rapportant de curieuses collections d’objets mexicains aujourd’hui au musée. La mémoire des Barcelonnettes, et leur descendance, demeure très présente au Mexique, et Airbus et Cemex témoignent aujourd’hui de

liens industriels encore tendus au-dessus de l’océan entre la Provence et Mexico... C’est ce que retracera une chronologie croisée confiée à l’historien Alfonso Alavaro. La visite d’État du président controversé Enrique Peña Nieto, élu en 2012, est-il le signe qu’un lien privilégié s’est renoué, après l’annulation de l’année France Mexique, entre les «Républiques sœurs» ? A.F.

France Mexique Histoire partagée de Barcelonnette à Mexico du 16 juillet au 23 août Villa Méditerranée, Marseille www.villa-mediterranee.org © Vincent Ducarne.



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Un été au Grand Théâtre A

près la fin du Festival d’Aix, le Grand Théâtre de Provence ne tarde pas à rouvrir ses portes. Dominique Bluzet, en plus de trois concerts prévus dans l’enceinte aixoise, affiche des animations de rue et un récital au Conservatoire Darius Milhaud. Pas de temps mort dans la cité de Cézanne ! Trois orchestres de jeunes au programme du GTP ! Le Palestine Youth Orchestra (dir. Nicolas Simon) et la soprano Mariam Tamari interprètent la 2e symphonie de Tchaïkovski, des airs célèbres de Gounod et Verdi ainsi qu’une Ouverture libanaise de Naji Hakim (le 29 août). L’Orchestre des Jeunes de Roumanie (dir. Cristian Mandeal) joue un répertoire qui leur est familier avec Enesco (Rhapsodie roumaine, Suite orchestrale) et des pièces de Tchaïkovski (le 2 septembre). L’Orchestre Français des Jeunes (en résidence au GTP), dirigé par le grand maestro David Zinman, associe la 4e symphonie de Beethoven et la 5e de Prokofiev à un opus moderne d’Edith Canat de Chizy : La ligne d’ombre (le 4 septembre). Un superbe quatuor à cordes se produit juste en face, dans l’excellente acoustique de l’auditorium du conservatoire (le 27 août) : c’est le Quatuor Aviv dans Haydn (5e Quatuor), Chostakovitch (2e Quatuor) et Schubert (La Jeune fille et la mort). Àcôté de ces concerts où l’on loue son billet, ces ensembles se produisent en plein air, et gratuitement, dans différents lieux de la ville : le Palestine Youth Orchestra en «Fanfare» aux Allées Provençales (le 21 août à 19h), L’O.F.J. en formation «Cuivres et

Orchestre des jeunes de Palestine © Fares S. Mansour 2012

percussions» Place des Martyrs (le 25 août à 19h), pour une «Scène ouverte» aux Terrasses du GTP (le 28 août à 19h), en «Déambulation» dans le Centre historique d’Aix (le 2 septembre à 18h). Le Quatuor Aviv s’installe quant à lui sur la Place des Chapeliers (le 26 août à 18h).

Un été au Grand Théâtre Concerts (sauf horsles-murs) à 20h30 du 21 août au 4 septembre Aix-en-Provence 08 2013 2013 www.lestheatres.net

JACQUES FRESCHEL

Festival Flottant L

duo piano voix Français Escojido et Patricia Gajardo et le pianiste virtuose Martial Paoli (le 18 juillet). La manifestation fait aussi une «Incursion en eau douce» au Lac de Sainte-Croix (les 21 et 22 août) avant de reprendre du service pour un «Cabaret burlesque et cinématographique» sur la plage des Catalans à Marseille (les 11 et 12 septembre) et à l’amorce de l’automne, pour d’autres fantaisies musicales aqueuses du côté de Carry-le-Rouet (les 18 et 19 septembre)... À suivre ! J.F. © Bushido

a Compagnie La Rumeur produit des spectacles qui mélangent musique, répertoire lyrique, le théâtre et des mises en scène tirées des arts de la rue pour laquelle elle imagine d’abracadabrants instruments : voir l’article à propos de leur spectacle Sur l’aile d’un papillon donné sur la plage de Corbières à l’Estaque en septembre 2014 (www.journalzibeline.fr) ! On découvrira leur dernière création Eldo Radio, dans le même site naturel accueillant près de 3000 personnes les 4 et 5 septembre (sur la plage de Corbières à l’Estaque), avec aussi d’autres animations, installations originales en particulier pour les enfants, manège musical, contes, mimes, clowneries et chansons par Magali Braconnot et la compagnie du Kafoutch (voir l’article sur la 5e édition de Tralalère fin mai 2015 www.journalzibeline.fr). En attendant, le Festival Flottant,

Un piano à la mer se décline à Bandol, sur la Plage de Renécros avec le pianiste-compositeur, artiste de rue Steve Villa Massone et

l’inséparable et foldingue duo lyrique formé de la soprano Cathy Heiting et du pianiste tout-terrain Jonathan Soucasse (le 17 juillet), le

Festival Flottant : Un piano à la mer du 17 juillet au 19 septembre www.larumeur.eu


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Symphonic Salon

L

e Festival international de musique de Salon-de-Provence est, depuis 23 éditions, devenu l’un des rendez-vous importants de l’été musical. On y entend le fleuron de la musique de chambre pour des concerts à 18h à l’église St-Michel, puis en soirée, à 21h, dans la cour renaissance du beau château planté sur le rocher de l’Empéri au cœur de la cité de Nostradamus. En 2015, le festival propose de découvrir des transcriptions d’œuvres symphoniques pour ensembles variables de musique de chambre. On y entend des classiques de Haydn, Beethoven, les français Debussy et Ravel, avec une belle place donnée au romantisme musical européen et à la création

Paul Meyer (clarinette), Emmanuel Pahud (flûte), s’articulent des récitals de magnifiques artistes comme Frank Braley (piano) ou Lise Berthaud (alto), et de jeunes talents de la «nouvelle génération» tels les violoncellistes Aurélien Pascal ou Bruno Delepaire, le hautboïste Andrey Godik, le Quatuor Cavatine... Incontournable ! JACQUES FRESCHEL

Quatuor Cavatine © X-D.R

d’aujourd’hui de Philippe Hersant, Thierry Escaich, sans oublier un hommage à Henri Dutilleux... Autour

du trio fondateur de Musique à l’Empéri, «cultivant l’excellence et l’amitié», Eric Le Sage (piano),

L’Opéra au Village

Les deux vieilles gardes © Bernard Grimonet

S

i les concerts de musique de chambre, comme dernièrement avec le flûtiste Philippe Bernold et le harpiste Emmanuel Ceysson, se poursuivent à Pourrières dans l’antre historique du couvent des Minimes, son festival L’Opéra au Village prend désormais ses quartiers d’été sur la Place du Château (les 23 et 25 juillet) et au Château de Roquefeuille (le 28 juillet), deux magnifiques espaces qui offrent pareillement de belles vue sur la montagne Sainte-Victoire... ainsi que leur crû (domaine de Roquefeuille) ou de chais environnants (Saint-Hubert, Sacaron) ! C’est qu’à Pourrières, avant les réjouissances vocales, on jouit du plaisir des papilles pour des repas conviviaux préparés en 2015 par Evangenina’s et Le Romarin vert !

Coté chant, Pourrières poursuit sa politique d’exhumations fantaisistes, burlesques et festives d’opus tirés de l’immense corpus de l’opérette française. Cette année, ce sont Deux vieilles gardes de Léo Delibes et La bonne d’enfant de Jacques Offenbach qui sont joués par de fameux drilles, chanteurs et acteurs familiers du genre : la soprano Anne-Claire Baconnais est associée aux ténors Guilhem Chalbos, Denis Mignien et au baryton Mikhael Piccone. Ces deux pièces en un acte, aux propos proches de la farce, aux situations rocambolesques agrémentées d’incontournables quiproquos, sont mises en scène par Bernard Grimonet et placées sous la direction de Luc Coadou, qui a fait répéter en coulisses un quatuor original (piano/synthé, accordéon, clarinette et violoncelle) pour accompagner les voix. Les décors sont signés Gérard Méliani et les costumes (Mireille Caillol) s’inspirent de caricaturistes du XIXe siècle. Un festival animé par des bénévoles dynamiques qui offre, dans de beaux panoramas à la lisière du Var et des Bouches-du-Rhône, une programmation très originale ! J.F.

L’Opéra au Village Représentations à 21h30, précédé d’un diner à 20h du 13 au 28 juillet Pourrières 06 98 31 42 06 www.loperaauvillage.fr

Musique à l’Empéri du 28 juillet au 7 août Château de l’Empéri, Salon-de-Provence 04 90 56 00 82 www.festival-salon.fr

10 ans d’Art Lyrique…

La Traviata © Association Mezzavoce

…p

our le Festival d’Art Lyrique présidé par Alain Fondary ! Dès le 8 août, c’est la voix d’opéra qui prend le relais au château de l’Empéri pour trois soirées consacrées aux «Jeunes Talents Lyriques», à une projection sur écran géant d’Otello (1958) de Verdi avec Mario del Monaco (le 9 août), avant la grande «Soirée de Gala en costumes» (le 11 août), avec le Chœur de l’Opéra de Parme, l’Orchestre symphonique «Cantieri d’Arte» et une pléiade de solistes pour une rétrospective lyrique des spectacles proposés à Salon depuis 2006 (Le Barbier de Séville, Don Giovanni, La Traviata, Carmen, Tosca…) ! J.F. Festival d’Art Lyrique les 8, 9, 11 août Château de l’Empéri, Salon-de-Provence 04 90 56 00 82 www.mezzavocesalon.fr


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Festival Durance Lubéron Cathy Heiting, le 9 Aout © X-D.R

JACQUES FRESCHEL

S

i l’on n’oublie pas que le Festival Durance Lubéron se prolonge tout au long de l’année, c’est l’été venu qu’il met sous le feu du soleil ses artistes invités (issus pour la majorité de la Région PACA). La manifestation itinérante, ouverte à de nombreux styles musicaux, fait étape dans de nombreuses communes (La Roque

d’Anthéron, Lauris, Le Puy-Sainte Réparade, Mirabeau, Grambois, Puget-sur-Durance, St-Estève Janson, Cadenet, Lourmarin), domaines viticoles ou sites du patrimoine local. Près d’une dizaine de propositions musicales sont à retenir au mois d’août, du Big band de Didier Huot swinguant sur les places

Rencontres du Thoronet Ensemble Clément Janequin © Koen Broos

varoises : Stella Maris Basilea chante La légende dorée, Vox suavis L’Espagne médiévale, Noureddine Tahiri les traditions soufi et arabo-andalouse de Fès, Pierre Hamon associé à Esteban Valdivia font résonner les Flûtes des Mondes Ancien et Nouveau avec les étonnants «chanteurs d’oiseaux», l’Ensemble Gilles Binchois nous transporte à La cour des Médicis. On découvre aussi de nouveaux venus : la Camera delle lacrime menée par le ténor Bruno Bonhoure et son Troubadour Peirol d’Auvergne. Quant à l’invité d’honneur, ouvrant le volet Renaissance... c’est l’incontournable Ensemble Clément Janequin pour des opus écrits sous les règnes de François 1er et Charles Quint. L’Académie de Musique Ancienne, pour sa 9e édition (du 15 au 23 juillet) offre également un grand concert «Musiques des Rois d’Aragon et de Castille» dans le cadre de la manifestation phare, en France, pour ces répertoires fabuleux et passionnants ! J.F.

C

omme chaque été, depuis 25 ans, la Musique Médiévale est à l’honneur dans l’abbaye du Thoronet, fleuron de l’architecture romane à l’acoustique superbe. Pour cette saison anniversaire, Dominique Vellard fait appel à des artistes fidèles aux Rencontres

publiques, au duel de pianistes Clément Tardivet et Jonathan Soucasse, du spectacle déjanté Opératella de Cathy Heiting/Cie La Rumeur aux Amours Fatales récitées par Alain Carré avec Anaït et Armine Sogomonyan aux pianos, des classiques revus à la sauce jazz de Kirby Memory à l’Apéropéra de Stérenn Boulbin (soprano), Rémi Beer-Demander (ténor) et Vladik Polionov (piano), de l’Apérojazz du duo Heiting/Soucasse au tango argentin du Quatuor Caliente. Enfin, les «Ténèbres et Lumières» du spectacle donné par l’ensemble Ad Fontes Canticorum s’articule autour du Requiem de Fauré et de La Divine Comédie de Dante. Une palette musicale où l’on puise selon son humeur !

Rencontres Internationales du Thoronet du 22 au 30 juillet 04 94 60 10 94 www.musique-medievale.fr

Festival Durance Lubéron du 8 au 23 août 06 42 46 02 50 www.festival-durance-luberon.com

Festival de Simiane L

es Riches heures musicales de la Rotonde mettent à l’honneur, depuis 33 ans, la musique ancienne dans le beau cadre du Château de Simiane. On y entend de fameux artistes : Concerto Soave (dir. Jean-Marc Aymes) avec la soprano Maria Cristina Kiehr (le 4 août), l’ensemble Rosasolis et la soprano Magali Léger (le 7 août), l’ensemble Energia dirigé par Jean-Dominique Abrell (le 9 août), Parnassie du Marais avec la soprano Lucile Pessey (le 12 août), et le quatuor vocal Egidius Kwartet (le 15 août). J.F. Festival Simiane-La-Rotonde du 4 au 15 août 04 92 75 90 14 www.festival-simiane.com


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Rencontres de Haute-Provence E

n 2015 Pierre Boulez fête ses 90 ans ! Soutien indéfectible de la manifestation de musique de chambre à Forcalquier, chapeautée depuis 27 saisons par la formidable famille de musiciens que sont les Queyras -aujourd’hui Pierre-Olivier (violon) et Jean-Guihen (violoncelle)-, le compositeur français est au centre de l’édition «anniversaire». Elle explore L’héritage français (Ravel, Debussy, Messiaen), la Deuxième École de Vienne (Webern, Berg, Schönberg), les compositeurs de Boulez chef d’orchestre (Mahler, Bruckner, Stravinski, Bartók), les Amis (Ligeti, Berio, Carter), la Jeune génération (créations de Michael Jarrell, Philippe Schoeller, Jörg Widmann)... On goûte enfin au «clin d’œil hommage» au polémiste Boulez qui fut souvent très dur avec

porte le projet, ambitieux (avec aussi ses stage et master classe pour jeunes talents), sortant du «traintrain» conventionnel de certaines manifestations estivale : Juliette Hurel (flûte), Florent Boffard et Frédéric Lagarde (piano), Sergey Malov et Rosanne Philippens (violon), Christophe Gaugue (alto), Véronique Marin (violoncelle), Alain Billard (clarinette), Helen Kearns (soprano). J.F.

Rencontres Musicales de Haute-Provence du 26 juillet au 1er août Forcalquier 04 92 75 10 02 www.rmhp.fr

Pierre-Olivier Queyras, Frédéric Lagarde et Véronique Marin © X-D.R

le jazz, l’improvisation, avec une réponse du saxophoniste Raphaël Imbert aux Domaines de Boulez, ainsi qu’une visite chez Frank Zappa

Des Équilibres

(avec lequel le maître collabora) pour des improvisations sur Schönberg et Berg ! C’est une pléiade de grands solistes, autour du duo Queyras, qui

Agnès Pyka © X-D.R

P

our le 10e anniversaire de Musique en Cité(s), l’ensemble de musique de chambre Des Équilibres dirigé par la violoniste Agnès Pyka donne rendez vous à son public pour deux concerts le 13 septembre au Château Borély à Marseille : Frédéric Chauvel et Mark Solé-Léris (à 15h30) jouent à quatre mains des transcriptions pianistiques de Grieg (Peer Gynt), Gershwin (Rhapsody in blue)... avant le trio de cordes Agnès Pyka, Blandine Leydier & Dimitri Maslennikov (à 18h) pour des Trios de Finzi, Roussel et Jean Cras.

Festival de Roquevaire L

e rendez-vous des amateurs d’orgue, programmé par Jean-Robert Cain, est l’un des premiers événements musicaux de la rentrée. À ne pas manquer ! J.F.

J.F.

19e festival d’Orgue du 11 sept au 18 oct 04 42 04 05 33 www.orgue-roquevaire.fr

Musique en Cité(s) le 13 sept 06 72 82 72 67 www.desquilibres.fr

Floraisons musicales Les Voix animées L

es rendez-vous itinérants de la 19e édition des Floraisons musicales sont fixés à Saint-Didier et Bollène (84), Moustiers-Sainte-Marie (04). On y programme des récitals de Raphaël Pagnon (violon) et Emeline Martin (harpe), le Philippe Renault Jazz Quartet, les pianistes Sergio Marchegiani (Nocturnes de Chopin) et Jean-Marc Luisada

en compagnie de «Jeunes Talents», Kelly Damery Jazz et Soul Duet, l’Orchestre Eclosion pour le Stabat Mater de Pergolese et des Sonates pour violon seul de Bach. J.F.

Floraisons Musicales du 17 juillet au 20 sept www.floraisonsmusicales.com

A

près le premier concert Mysterium donné le 4 juillet par Les Voix animées (dir. Luc Coadou) dans le cadre du cycle «Entre pierres et mer» à l’abbaye du Thoronet (voir p35), les prochains rendez-vous de musiques vocales de la Renaissance autour de l’œuvre de Tomas Luis de Victoria affichent «Anges et Muses» ( le 28 août à Toulon - Tour Royale à 21h et le

29 août au Thoronet – Abbaye à 21h), et «In aeternum» (le 12 sept au Thoronet – Abbaye à 21h et le 13 sept à Toulon - Tour Royale à 17h). J.F.

«Entre pierres et mer» (II & III) du 28 août au 13 sept 06 51 63 51 65 www.lesvoixanimees.com


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Round around Chaillol sud-américaines, le mandoliniste Vincent Beer-Demander revisite en quartet Mozart ou Vivaldi, le folksinger Piers Faccini renouvelle les traditions italienne, anglaise... On joue en trio de cordes les Variations Goldberg, comme on découvre une création originale autour d’un «Cabinet de curiosité musicale et philosophique» ou la «Musique comme parole prophétique» par l’ensemble C Barré. Le guitariste Nadav Lev et la soprano Tehila Nini Goldstein oscillent «Entre Paris et Tel-Aviv», Sonia Wieder-Atherton fait chanter son violoncelle, et l’on swingue avec le quartet de jazz Place Miollis, goûte au panorama de la «Musique de chambre française» du Trio Karénine, au tour de chant poétique d’Albert Marcoeur et du Quatuor Bela, vogue sur la vague du chant séfarade de Françoise Atlan… Ouf ! On s’y perd volontiers... Sans oublier les rencontres, veillées, balades et concerts de l’Académie d’été (ouverte chaque année à une centaine de stagiaires) par ses excellents professeurs !

Trio Karenine © Béatrice Cruveiller

D

epuis 19 ans, la belle équipe réunie autour du pianiste Michaël Dian participe activement à la «pollinisation» culturelle du territoire haut-alpin, rayonnant à partir de l’Espace Culturel de Chaillol, depuis la vallée du Champsaur vers celles du Buëch ou de l’Avance, du Valgaudemar à Tallard ou Barcillonette... Dès le 18 juillet, on suit l’itinérance d’une programmation militante, exigeante du point de vue

artistique, explorant une large palette de styles musicaux, riche en surprises et faisant la part belle aux démarches de création. Et si l’on n’est sur place, on y monte aisément... ce n’est pas le bout du monde ! Aux programmes, le Trio K/D/M puise dans la culture argentine pour étendre avec originalité son horizon, Seddiki, Chemirami & Rumolino chantent et redessinent une Méditerranée élargie aux rives

Afrik Été Arts e soleil brûlant de l’Afrique va briller sur la Belle de Mai ! Au programme : Taxi Brousse, pour commencer, avec démonstration de danse sabar et djembé, puis Les quatre hommes en joie, solos de George Momboye, Pape Moussa, Bobzi Record et Tiéblé «Vieux» Diarra. Le ballet de la Cie Team Yakhaar prendra le relais, avant un concert réunissant Harouna Dembélé, Thomas Gueï et tous les percussionnistes de l’événement. le 25 juil La Friche, Marseille 04 95 04 95 95 www.lafriche.org/

Festival de Chaillol du 18 juillet au 12 août www.festivaldechaillol.com

Le songe d’une nuit d’Été © Mathieu Bonfils

Cie Team Yakhaar © X-D.R

L

JACQUES FRESCHEL

«R

éécriture plutôt qu’adaptation» de la pièce de Shakespeare, ce Songe est une mise en abyme : l’action est transposée... sur une scène de théâtre, les comédiens jouant à la fois leur propre rôle, et celui des personnages qu’ils vont

incarner. Le metteur en scène, Charles-Éric Petit, truffe le texte original de «bribes d’auto-fiction» pour en souligner la modernité. Le songe d’une nuit d’été le 17 juil Théâtre de verdure, Peynier lindividu.info@gmail.com le 29 juil Théâtre de verdure, Embrun 04 92 43 72 72 le 1er août Théâtre Laurent Gerra, Carcès 04 94 04 59 76



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Préavis…

Extremalism

Retour à Berratham photo de répétition © Jean-Claude Carbonne

© Alwin Poiana

Cie Ornic’art © Alessandra Della Ragione

Pour saisir ce titre, il faut condenser deux mots : «extrême», et «minimalisme». Emio Greco et Pieter C. Scholten ont conçu et chorégraphié une piècemanifeste, «où l’engagement physique de trente danseurs confine à la mobilisation politique». Comment les êtres humains, poussés dans leurs retranchements, réagissent-ils ? Les deux directeurs du Ballet National de Marseille interrogent les corps vivant dans notre société en crise. du 17 au 19 sept La Criée, Marseille 04 96 17 80 00 www.theatre-lacriee.com

Préavis de désordre urbain du 14 au 19 sept Marseille 04 95 04 95 34 www.redplexus.org

…anciens danseurs… © Vincent Arbelet

Préavis de Désordre Urbain, créé par RedPlexus, est un festival «engagé» en prise avec les problématiques du monde contemporain. Sous la direction artistique de Christine Bouvier, PDU encourage l’expérimentation et les actions poétiques et subversives avec des performances urbaines qui ouvrent des perspectives originales dans la relation du spectateur à l’artiste et aux espaces de représentation, en posant la question du corps et du libre mouvement dans un espace public, de plus en plus privatisé, du parcours dans ces non-lieux que sont les stations de bus ou de tram. Pour cette 9e édition, les artistes invités sont Asile 404, la Cie Lu2, Sandrine Julien, Ornic’art, Poésie is not Dead, Rémy Ucheda, Pina Wood et Marlène LLOP (pour la France), Gustav Broms Suède), Anna Byskov (Danemark), Antony Karwoski (Pologne), Bino Sauvitzy (Brésil). PDU sera rythmé par des rendez-vous publics quotidiens (Morning Plexus, Zones Rouges), des temps forts (soirée de lancement, Désordres en Friche, soirée de clôture) et des temps d’échanges et de réflexion (Rencontres au Comptoir, Préavis de Désordre radiophonique).

Après son passage dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes cet été (du 17 au 25 juil), Angelin Preljocaj présentera sa dernière création au GTP. 14 danseurs de son ballet interprètent cette œuvre fermement amarrée au texte de Laurent Mauvignier, la quête d’un jeune homme, de retour à Berratham, à la recherche de son aimée dans un univers hanté par la violence. La scénographie est signée Adel Abdessemed. du 17 au 19 sept GTP, Aix-en-Provence 08 2013 2013 www.lestheatres.net

The Best…

Le Ballet Preljocaj fête ses 30 ans, et offre deux soirées à ses anciens danseurs. Le 16 sept, Sylvain Groud et André Chaussard proposeront des extraits de leurs spectacles Memento vivere et Joy, chacun étant dans son genre un hymne à la vie. Le 18, c’est La Castiglione, chute d’une comtesse... de Katia Medici, puis Coûte que coûte, œuvre de Roser Montlló Guberna et Brigitte Seth, qui se relaieront sur scène. Soirée anciens danseurs du Ballet Preljocaj les 16 et 18 sept Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 www.preljocaj.org

La 14e édition du Best of International Short Films Festival se tiendra à l’Eden Théâtre de La Ciotat : une compétition d’une soixantaine de courts métrages récompensés dans les grands festivals internationaux dont Sundance, Venise, Berlin, ClermontFerrand, sans oublier Oscar et Palme d’Or. Une occasion de découvrir des films venus de tous les horizons, de rencontrer leurs réalisateurs et de partager des moments de découvertes. Et, comme chaque année, un jury de professionnels décernera le Soleil d’or, le Sable d’argent et la Mer de bronze. Best of International Short Films Festival Eden Théâtre, La Ciotat 04 42 83 89 05 www.edencinemalaciotat.com


Le Schpountz © Do.M

Quelle meilleure occasion pour célébrer l’année Marcel Pagnol à Aubagne, que d’assister à l’une des représentations du Schpountz données par la flamande Comp.Marius ! C’est sur l’esplanade de Gaulle qu’ils poseront leurs gradins en bois, pour jouer le dernier volet du cycle Pagnol, débuté en 1999 avec Marius (suivi de Fanny et César, Regain et Manon et Jean de Florette). Jouée en extérieur, comme toujours avec cette Cie, l’œuvre de Pagnol est délicieusement et librement adaptée, généreusement jouée par cinq comédiens qui se partagent tous les rôles. Cette «pièce qui évoque le jeu, qui met un acteur en valeur, avec tous ses désirs et ses gênes», selon les mots de la Cie, redonne toute sa place à Irénée, heureux naïf qui se rêve en acteur de cinéma, et qui pourrait se faire avoir par une équipe de tournage cruelle et cynique. Mais le gentil «fada» (à entendre avec un savoureux accent flamand !) retournera la situation in extremis… du 11 au 13 sept Esplanade de Gaulle, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

R5

Avis à la jeunesse, le concert de rentrée de l’Espace Julien fera résonner les sons pop-rock du groupe de teenagers américains R5, emmené par Ross Lynch (un des talents de Disney Channel qui a notamment triomphé dans la série Austin & Ally et dans le téléfilm Teen Beach Movie). Accompagné de sa sœur (Rydel, au clavier et au chant), de ses frères (Riker, à la basse et au chant, Rocky (à la guitare et au chant) et de leur meilleur ami (Ratliff (à la batterie et au chant), il viendra présenter son nouvel album Something last night, fraîchement sorti (le 4 septembre). le 16 sept Espace Julien, Marseille 04 91 24 34 10 www.espace-julien.com


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Le In bat son plein... Py Père sévère

Vérité instantanée E

Le soir de la première du Roi Lear, comme toujours dans la Cour d’Honneur, il y a eu des huées, et des bravos !

C

ertains, habitués à ce que le théâtre se projette sur les écrans et se chuchote au micro, trouvaient les acteurs trop théâtraux. D’autres se demandaient ce qu’ils avaient vu au juste. Car le propos du spectacle n’était pas clair : Olivier Py voulait dénoncer la fin de l’humanisme et de la politique, celle d’aujourd’hui, qui trouverait écho dans la tragédie de Shakespeare. Pourtant l’actualité politique du Roi Lear ne saute pas aux yeux : cette histoire de bâtard pervers qui veut tuer son frère légitime et son père aimant ; de sœurs en concurrence amoureuse qui sont prêtes à toutes les trahisons, même et surtout les plus stupides ; de roi qui abandonne son pouvoir à ses filles, et lèse sa préférée, sage et soumise ; tout cela trouve peu d’écho dans notre monde contemporain, qui souffre plutôt de gérontocratie masculine... Que Shakespeare, qui était clairement essentialiste, prétende au XVIe siècle que les femmes sont inaptes au pouvoir, comme il montre la sauvagerie d’Othello le Maure, l’hystérie de la Mégère ou la cupidité de Shylock le juif, pose habituellement des problèmes

éthiques aux metteurs en scène. Olivier Py, lui, surenchérit : Cordelia, la fille bannie, offrait de quoi compenser l’hystérie de ses sœurs : Olivier Py la transforme en ballerine éplorée de boîte à musique. Est-ce ainsi que doivent se comporter les bonnes filles ? Pourtant le projet de réécriture de la tragédie, sa transformation et son actualisation, avaient de quoi séduire : Olivier Py, auteur autant que metteur en scène, ne recule ni devant la crudité des images ni devant la violence des mots, leur chair, leur abondance, leur épaisseur. Si quelqu’un, aujourd’hui, peut transcrire l’étrangeté baroque de Shakespeare, c’est lui. Et ses acteurs, puissants, démesurés, étonnants à chaque minute, plongeant dans la folie du verbe sans hésitation, ne refusant jamais l’enflure, ou le ridicule. Ils tiennent la tragédie contestable à bout de bras, grâce aussi à des choix musicaux qui plongent la pièce dans les déchirements atonaux du XXe siècle, et un décor de tréteaux et de plancher qui ne cherche pas à s’extirper du théâtre, mais retourne à la poussière. Seul destin possible, sans doute, pour les pères qui n’ont pas su se faire aimer, et voulaient demeurer l’amour unique de leurs filles. AGNÈS FRESCHEL

Le Roi Lear a été créé le 4 juillet dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes à Avignon

DELPHINE MICHELANGELI

N051 Mu Naine Vihastas s’est joué au Festival d’Avignon du 6 au 9 juillet © DE.M

© Christophe Raynaud de Lage - Festival d’Avignon

n arrivant au gymnase Aubanel en pleine torpeur d’une après-midi caniculaire, on découvre avec circonspection un plateau transformé en chambre d’hôtel dans toute son impersonnalité, et un décorum somme toute théâtralement convenu. Mais l’image offerte est bien trompeuse ! Ce qui va se dérouler durant 1h40 dans l’intimité explosée de ce projet N051, au sous-titre explicite «ma femme m’a fait une scène et a effacé toutes nos photos de vacances» est tout simplement génial ! Premiers artistes estoniens à être invités au Festival d’Avignon, le Théâtre N099 décline depuis 10 ans ses projets sur le mode du renouvellement permanent, comptant ses pièces à rebours jusqu’au N000 qui sonnera la dissolution du groupe. Voilà pour l’esprit. Pour le reste, derrière la re-fabrication numérique des images d’un album de famille en direct -et en noir et blanc, un choix loin d’être anodin dans la mémoire collective- par un groupe d’individus totalement azimutés et délicieusement décadents, se cache une formidable histoire de la photographie, dégommant dans une ascension étonnante tous les stéréotypes visuels qu’ont imprimé nos rétines pour libérer l’évidence, terrible, du pouvoir grandissant de l’image. Un ballet photographique sur le souvenir qui se construit dans une fureur de vivre endiablée, terriblement émouvante, et une technicité impeccable. C’est frais, inventif, intelligent ! Après ça, à quoi bon partir en voyage, pourraient-ils presque rajouter…


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Lupa à la loupe © Christophe Raynaud de Lage-Festival d’Avignon

L

e metteur en scène polonais Krystian Lupa avait raté son rendez-vous avignonnais en 2003, pour cause d’annulation du Festival. Pour sa venue en 2015, il donne une leçon de théâtre dès le démarrage de la 69e édition ! En adaptant, en 4h30, la pièce du provocateur Thomas Bernhard dans l’idéale FabricA, il engage les spectateurs dans un mouvement de vie de troupe remarquable et une réflexion désopilante sur les liens entre monde artistique et politique. Des arbres à abattre débute par le diner d’un groupe d’artistes, dont l’auteur invité in extremis, réunis après le suicide d’une jeune comédienne du Théâtre National, où est attendu l’un des (formidables) acteurs qui délivrera en seconde partie un numéro de comédie mémorable ! Sur les coursives, Lupa scrute à la loupe ses comédiens, les houspille

au micro, scande des invectives en français, les filme, commente, ne lâche rien. «L’art c’est la vie, c’est de l’eau au moulin»… Démultipliant savamment les espaces dans des allers-retours entre l’intérieur d’un salon bourgeois enfumé, et l’extérieur où s’épanchent les protagonistes ; de la chambre de la dépressive alcoolique à la table du dernier repas, ces «morts vivants de l’art» tournent dans leur cage mentale, se ridiculisent d’immodestie et, derrière la quête inconsolable de l’accomplissement artistique, épinglent au passage la «politique culturelle et l’ignorance dévastatrice de l’État» en écoutant l’entêtant Boléro. Savoureux ! DE.M. Des arbres à abattre s’est joué au Festival d’Avignon du 4 au 8 juillet

Je vous salue Andreas A

ssis sur des palettes (chic) de bois, il attend le bonheur, ou la fin du malheur. Et se pose des questions métaphysiques. Obsédé par l’écriture, un écrivain amnésique a tout détruit. Cet Inconnu exilé, Thierry Raynaud, costume noir impeccablement taillé, Doc Martens, beau comme un camion, l’actualise, et lui donne une nouvelle identité : Andreas. Qui renouera avec la vie -ou abandonnera l’idée, l’affaire n’est pas très claire- en croisant sur son chemin la Dame et la Mère, interprétées par la non moins élégante Nathalie Richard, puis le Médecin «fatigué de tout», dédoublé en Mendiant philosophe et en Vieillard, et la jeune Fille innocemment devenue Religieuse. Adaptée de la première partie du Chemin de Damas d’August Strindberg par Jonathan Châtel, jeune metteur en scène représentant de la nouvelle scène invitée cette année au Festival, la pièce est d’une mélancolie à toute épreuve et se perd par trop d’épure en tentant de «nettoyer les péchés» d’un écrivain en pleine crise -essentiellement mystique-, qui finira par rencontrer Dieu au terme d’un (long) chemin de croix. Certes parfaitement adaptée au clérical Cloître des Célestins et impeccablement léchée avec ses portes métalliques ouvrant sur d’infinis espaces mentaux, la proposition reste une traversée dépressive un peu longuette à vivre pour les spectateurs… DELPHINE MICHELANGELI

Danse mentale qui s’étale a chorégraphe Emmanuelle Vo-Dinh, directrice du CCN Le Phare au Havre, a créé sa pièce Tombouctou déjà-vu à partir des consignes des Stratégies obliques de Brian Eno... Encore nous faudrait-il les connaître et les comprendre ? Car si elles sont énoncées à voix haute par chaque individu-danseur dépersonnifié d’une étrange communauté dans un © Christophe Raynaud de Lage-Festival d’Avignon

espace brillant de neutralité, quasi vide -hormis une table, des chaises et une console de mixage-, les «résolutions chorégraphiques» qui s’empilent et les boucles sonores qui en découlent restent totalement absconses et assommantes de répétition ! Certes, on entrevoit au loin une tentative de re-créer des liens, sociaux, par une mécanique robotisée des corps, et des rires forcés, mais l’errance (d’1h50) offerte sur le plateau bascule malheureusement dans l’absurde et l’inabouti. Rien ne nous parvient, ni (l’idée de) la danse certes très référencée ni ses cartels d’énonciation qui n’en finissent jamais. L’affranchissement dans la répétition ne nous portera pas jusqu’à ce Tombouctou fantasmé… De.M.

Tombouctou déjà-vu s’est joué au Festival d’Avignon du 4 au 8 juillet

© Christophe Raynaud de Lage-Festival d’Avignon

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Andreas s’est joué du 4 au 11 juillet au Festival d’Avignon


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…Et le Off aussi ! Condamné… à vivre arler de la relation entre patient et médecin, quand la fin est inéluctable et que l’urgence de vivre pousse à la folie… Gérard Gelas suspend le temps pour s’emparer du thème avec discernement et une gravité nouvelle, lui qui nous avait habitués à plus de provocation et d’irrévérence, le terrifiant sujet de la déshumanisation de la santé ne prêtant pas vraiment à fantaisie, au premier abord ! D’autant que l’auteur italien, Luciano Nattino, est un ami du metteur en scène, et livre cette (dernière ?) pièce en référence à la maladie de Charcot qui jour après jour l’enfonce un peu plus dans le silence et l’atonie. Il livre un huis clos précis et touchant autour de la rencontre, forcée, d’une jeune neurologue (Claire Borotra, impeccable de retenue) avec un inconnu condamné à mourir

© Manuel Pascual

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provoque le paradoxe insupportable d’avoir un esprit lucide dans un corps atrophié, est une descente aux enfers désespérée, et désespérante, que transcende pourtant cette joute improbable entre deux humains coincés dans leur arène sociale, qui arrêteront de jouer aux apparences pour apprendre à vivre. Et à accepter la mort. Triste et profond. Lucide. DELPHINE MICHELANGELI

Un cadeau hors du temps se joue au théâtre du Chêne Noir jusqu’au 26 juillet

(Jacques Frantz, colossal et fragile), qui l’intime d’utiliser le colt 45 qu’il vient de lui offrir, pour abréger

ses souffrances. «Parce que c’est comme si j’étais déjà mort». Cette «vilaine maladie» dégénérative qui

Virtuelle Alice vant tout, une précision : l’auteur de ces lignes a vu la première représentation de ce spectacle au Festival Off, alors qu’un incident technique empêchait la diffusion des images vidéo, élément très important de la scénographie. Cela ne l’a pas empêchée d’apprécier cette adaptation de l’œuvre fantastique de Lewis Carroll, qui, ne l’oublions pas, malgré son goût pour les récits oniriques était mathématicien, et même l’un des plus grands logiciens de son temps. C’est donc de logique que traitent Gaële Boghossian et Paulo Correia du Collectif 8, mais empreinte

d’imagination et poursuivie à l’absurde. Les personnages ne mangent -dans ce monde- que de la confiture, et ce tous les deux jours : hier, ou demain, jamais aujourd’hui. La reine blanche s’exerce quotidiennement à croire des choses impossibles, tandis qu’Alice se demande «et même si la vie n’a pas de sens, qu’est-ce qui m’empêche de lui en inventer un ?» On en est tous là. GAËLLE CLOAREC

Alice est joué au théâtre du Chêne Noir jusqu’au 26 juillet

Puissants murmures I

nspiré du roman éponyme de Carole Martinez, qui décrocha le Goncourt des lycéens en 2011, Du domaine des murmures est un solo intense. Le texte relate la vie d’une damoiselle médiévale, fille d’un seigneur brutal, prête à s’emmurer vivante plutôt que de convoler contre sa volonté. Porté par une actrice au talent éclatant, Léopoldine Hummel, le spectacle bénéficie au Théâtre des Halles d’un lieu on ne peut plus approprié : sa Chapelle, fraîche, sonore, aux dimensions même de la cellule dépouillée qu’occupe la rebelle. La mise en scène de José Pliya

© Philip Ducap

A

n’en est que plus prégnante, usant avec finesse des murmurants échos pour exalter le goût de la vie et des fraises sauvages («l’infini à portée de bouche»), l’amour maternel, la frustration de la foi et les sentiments qui s’exacerbent, frottés aux drames familiaux. G.C.

Du domaine des murmures se joue au théâtre des Halles jusqu’au 26 juillet


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Un brin de jasmin E

t mon mal est délicieux, de Michel Quint, adapté par Laurence Werlé, et mis en scène avec une sobre délicatesse par Gérard Vantaggioli, nous raconte une histoire d’amour, forte, belle, impossible et tragique, à l’instar des grands modèles du genre, de Tristan et Iseult à Cyrano de Bergerac. Max Klein (poignant Michel Le Royer), vieilli, narre son passé à un jeune auteur en panne d’inspiration (joué par Adrien James). Le parfum d’un brin de jasmin mis à la boutonnière du jeune homme déclenche le récit des souvenirs. Les années 40, la rafle de ses parents pour les camps de la mort, sa rencontre dans la Chartreuse de Villeneuve en ruines avec la jeune gitane Luz avec laquelle il lit et joue le Cid. Mais il y aura Gérard, auquel la jeune fille, sa Chimène, voue son amour. Elle le reconnaît

dans les journaux en 51, Gérard Philippe… Entre les grands noms du TNP, l’amour pour le théâtre et celui pour Luz qui meurt d’une longue maladie, le texte de Michel Quint, fort, émouvant sans sensiblerie, tisse une architecture de cathédrale. Hommage au théâtre, à Gérard Philippe si lumineux… «Nous sommes d’ailleurs, avec Jeanne Moreau, deux rescapés de l’unique mise en scène du maître : la Nouvelle Mandragore, en 1953» rappelle Michel Le Royer. Bouleversant. MARYVONNE COLOMBANI

Et mon mal est délicieux est joué au Chien qui fume jusqu’au 26 juillet

De la naissance d’une supercherie A

près les attentats de Charlie, réfléchir sur le religieux devient une démarche intellectuelle urgente. Régis Vlachos revient sur les origines de la religion, l’idée de dieu, pour en dénoncer la vaste supercherie avec un texte vivifiant et iconoclaste Dieu est mort. Une Genèse où la lumière refuse absolument d’être vient rencontrer la préhistoire, les figures de la mère bigote, du père absent et veule, l’enfance de notre narrateur, sa fascination pour la mer à marée basse, ses études, ses cours de philo, les réactions de ses élèves… une foule de saynètes s’enchâsse dans une construction à saut et à gambade, sans que les analogies fassent perdre

le fil initial : l’arnaque absolue d’une idée de dieu créateur. Serait-ce une blague juive tragiquement prise au sérieux ? La peur et l’ignorance sont les vraies origines de dieu. Il est difficile d’accepter l’idée de hasard, pourtant essentielle à la notion de liberté. Serena Reinaldi met en scène ce texte riche et jubilatoire. Charlotte Zotto (et sa guitare) tient tête à Régis Vlachos qui lit son texte avec une sensible conviction. M.C.

Dieu est mort a été lu du 11 au 17 juillet au Théâtre du Vieux Balancier

Un Marchand de Venise intemporel A

près le superbe Marie Tudor de Victor Hugo, Pascal Faber met en scène Le Marchand de Venise de Shakespeare, avec un travail en épure, quelques caisses, des costumes qui mêlent habilement XXIe et XVIe (le thème est intemporel), une mise en situation claire avec un incipit sur le ghetto de Venise et les exactions perpétrées sur les juifs qui y sont confinés. L’adaptation de Florence Le Core-Person et Pascal Faber, tout en gardant l’esprit de la pièce, sait harmonieusement alterner les moments sombres et ceux de pure comédie. L’ensemble est porté par une belle troupe de comédiens. Michel Papineschi interprète avec nuances et humanité le personnage torturé de Shylock, tandis que Séverine

L’affranchi se ment !

Cojannot campe une Porcia toute de finesse et d’intelligence. Loin d’être antisémite, cette œuvre complexe analyse les mécanismes des sentiments humains et les démonte avec une lucide acuité. L’horreur de la fin où Shylock humilié, ruiné, obligé de se convertir, en opposition au happy end des amoureux, renvoie à des situations bien actuelles. Le théâtre est bien ici «un réveille-matin de la pensée et des émotions» (E.-E. Schmitt). M.C.

© Matthieu Wassik

U

n conférencier règle son pupitre, son micro, sa cravate et nous fixe, tranquillement, de son regard bleu aiguisé pendant que Bowie termine son couplet. Du questionnaire amoureux à l’entretien d’embauche, Franck affute son vocabulaire, jongle avec ses petites tricheries et ses oublis volontaires, en 7 minutes, rentabilité oblige ! En parfait modèle de l’homme social contemporain, il aspire à trouver à la fois amour, coloc’ et job idéal. Lumière large et son puissant laissent l’étau se resserrer autour de la figure de plus en plus inquiète de Franck, l’affranchi à la franchise bafouée. «Travailler plus pour penser moins», derrière les slogans qui s’égrènent et l’asservissent, le moule dans lequel il se projetait se fendille pour qu’éclaboussent les pathologies de la souffrance au travail, et de la crise, thème central de la commande préliminaire faite à la Cie l’Individu par le Théâtre de la Cité pour la Biennale des Ecritures du réel 2012. Terrible machine à broyer, cette comédie humaine admirablement écrite par Charles-Eric Petit est aussi l’occasion de découvrir une performance d’acteur portée par François-Dominique Blin, un ancien commercial qui ne chôme pas ! Invitée à l’issue d’une représentation donnée aux Rendez-vous de l’Entrepôt soutenus par la Région PACA (du 5 au 7 juillet), la psychanalyste du travail Marie Pezé a débattu sur les stratégies d’isolement des salariés mises en place par «le management du chaos». Passionnant et révoltant. Nécessairement révoltant ! De.M.

Le Marchand de Venise est joué au Théâtre de l’Oulle jusqu’au 26 juillet

Le(s) Visage(s) de Franck se joue au Théâtre de l’Observance jusqu’au 26 juillet


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Plongée en danse Sept propositions dansées de qualité se déclinent aux Hivernales depuis le 10 juillet, alors même que le CDC ne sait à quelle sauce il va être mangé…

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our résumer une affaire immobilière qui évolue de jour en jour, et dont on espère une heureuse issue, l’équipe du CDC vit depuis fin juin une course poursuite pour ne pas laisser son outil de travail partir à la vente, l’actuel propriétaire étant en passe de signer un compromis. Pour conserver le lieu, ce à quoi tiennent fortement l’équipe et les habitués, la seule solution envisageable en l’absence de financement possible par les tutelles, serait de l’acquérir en urgence et sans le sou ! Si la ville d’Avignon, le Grand Avignon et la Région se portent caution à hauteur de 50% de la somme à emprunter (1,2 millions d’euros), reste encore à trouver l’appui du Département et de l’État pour le reste du financement, obtenir le prêt bancaire, et faire bouillir la marmite…. Une situation alarmante vécue par un acteur important de la vie culturelle avignonnaise, depuis 40 ans, qui se retrouve contraint d’acheter ses locaux, et de s’endetter, ou de se délocaliser !

Alterité, douceur et 3D

Parce qu’elle pourrait résumer à elle seule la raison d’être d’une telle institution en laissant la parole à l’altérité et en soutenant le rôle essentiel de l’artiste, l’une des propositions à retenir avec force et certitude est celle de Bouziane Bouteldja, Réversible. Fragile comme son sujet, le viol qu’il a subi et le contexte religieux dont il s’est affranchi, le solo bouleversant du Franco-Algérien est d’une vérité rare, d’une grâce et d’une intelligence libératrices. Sur le fil et dans une tension constante, en inventant son propre mouvement hip hop contemporain, le danseur transforme son histoire, sa douleur, et sa honte, en un affranchissement sublimé, récupérant contre vents et tabous son corps morcelé et son regard d’enfant, à l’innocence perdue mais puissamment présent. Un message de tolérance identitaire, que cet ancien croyant sorti par choix de l’islam délivre avec grande habilité. Si elle ne fait pas de miracles, la création du Système Castafiore est prodigieuse d’invention, notamment esthétique ! Dans leur Théorie des prodiges, Marcia Barcellos et Karl Biscuit mettent en trombe leur imaginaire foisonnant à partir de la découverte d’un manuscrit du XVIe qui répertorie miracles et prodiges survenus aux époques anciennes, superstitions, démons et merveilles à l’appui. Dans un dispositif scénique numérique particulièrement réussi, vidéo, danse en

Réversible, Bouziane Bouteldja © Delphine Michelangeli

apesanteur et bestiaire costumé de Christian Burle offrent une pièce conceptuelle, quelque peu impénétrable, en trois dimensions artisanales… À l’instar du projet Das Kino d’Isida Micani, pour lequel il faut chausser des lunettes 3D afin de rentrer dans l’univers onirique d’une princesse (et d’un prince, en alternance) de conte, et qui nous laisse coincés derrière le 4e mur virtuel d’une danse allégorique qui en perd ses repères. Le matin, après le très délicat Cortex de la Cie belge 3637, accueillie en partenariat avec le Théâtre des Doms, qui transcende dès le plus jeune âge en une vision douce et poétique les souvenirs d’enfance, Balkis Moutashar interroge ses pratiques dans Les Portes pareilles. La chorégraphe, formée au contemporain et au music-hall, endosse plumes et paillettes pour tenter d’inventer, en duo, un cabaret d’un nouveau genre. Intéressant sur la forme, hybride, le fond manque d’une dernière plume de dramaturgie pour que la confrontation ne nous abandonne pas à la porte de ces deux interprètes, néanmoins passionnantes. Et pour finir, plus léger qu’une plume, un petit bijou de grâce à l’état pur : Lowland de la Catalane Roser Lopez Espinosa, dans lequel un couple s’inspire de la migration des oiseaux pour s’envoler, tourbillonnants et inventifs, dans une gestuelle de douceur, comme cette

toupie artisanale qu’ils viennent tourner pour souffler quelques battement d’ailes projetés en fond de scène. D’une sublime poésie, ce pas-de-deux hors du nid tendre et parfaitement accordé raconte aussi l’émancipation et l’amour. DELPHINE MICHELANGELI

L’été danse au CDC #4 se joue pendant le festival d’Avignon jusqu’au 20 juillet (relâche le 15).

CDC Les Hivernales, Avignon 04 90 82 33 12 www.hivernales-avignon.com


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L’Amérique et l’Afrique au Pavillon our la première fois, Angelin Preljocaj propose à son Ballet de s’approprier deux chorégraphies créées pour le New York City Ballet et inscrites à son répertoire. Une manière de «relire» ses propres œuvres à l’aune d’autres corporalités, car si les danseurs du NYCB, de formation classique, avaient été rudement mis à l’épreuve, ses danseurs sont déjà modelés à son écriture. Créée en 2013 et inspirée du procès des sorcières de Salem en 1692, Spectral Evidence s’ouvre sur un cérémonial silencieux. S’ensuit un rituel à la composition parfaitement symétrique : quatre femmes éthérées aux robes maculées de sang et quatre hommes à l’allure stricte, en noir, s’affrontent de part et d’autre de l’autel sacrificiel, astucieux décor modulable progressivement transformé en mini chapelles ardentes… La musique de John Cage impose à chaque groupe son tempo, avec d’un côté des enchaînements fluides et des envolées évanescentes, de l’autre des présences mystérieuses aux mouvements secs et saccadés : la pénombre est terrifiante et la danse macabre... La Stravaganza, emportée par le Concerto n°8 de Vivaldi entrecoupé de compositions contemporaines, affirme sa théâtralité. Costumes baroques et modernes, introduction narrative («Je me souviens» murmure une voix féminine), emprunts à la danse de cour, confrontation des époques et des cultures (face à face, deux groupes de six danseurs symbolisent l’Ancien monde et le Nouveau monde) donnent à la pièce une dimension nostalgique. Entre le prologue et l’épilogue construits sur le principe d’un tableau sculpté vivant, le duo, à l’intersection étonnée des deux groupes, est le point culminant de cette extravagance en forme de clin d’œil à l’histoire et au parcours du chorégraphe.

La Stravaganza, Ballet Preljocaj © Jean-Claude Carbonne

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Destination Afrique

de la bande sonore qui croise création, enregistrements, bruitages et chants, le réalisateur transforme la danse en art performatif et interactif. Il rend la parole subversive de Nelisiwe Xaba plus incisive encore, qui dénonce les rituels liés à la préservation de la virginité des jeunes femmes et donne un méchant coup de griffes aux machistes de tous poils : humour, provocation et jeux de rôles s’invitent dans Uncles & Angels, particulièrement dans la séquence du «test de virginité» ; démonstration de force, de virilité et de puissance arc-boute Scars & Cigarettes qui emprunte allure et démarche aux matadors et aux célèbres Sapeurs du CongoBrazza. Pendant la projection des images découpées à la manière de Muybridge, on entend le mâle rugir d’un coup sec «I must remember to be a Winner, a Wrong Man, a Killer, a Fighter, a Mother Fucker…». Pas besoin de traduction ! MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Après le drapeau américain, le Pavillon Noir hisse celui du Niger (A. O. Yacouba), du Burkina Faso (Adonis Nebie), du Sénégal (Germaine et Patrick Acogny, Fatou Cissé). Et de l’Afrique du Sud, avec un programme de deux soli créés par la danseuse et chorégraphe Nelisiwe Xaba et son complice Mocke J Van Veuren. Aux manettes des images vidéo captées en direct et

Spectral Evidence et La Stravaganza ont été donnés les 1er, 2, 3 et 4 juillet (reprise les 10, 11 et 12 septembre prochains) ; le Temps fort Afrique s’est déroulé du 2 juin au 13 juillet

À la vue à la vie à l’amour ascal Rambert sait regarder tout autant qu’écouter et lorsque tout se tait il écrit ; son ode ferroviaire et fervente à la VilleThéâtre confondue avec son festival -Avignon Avignon tout le monde descend- est une lettre d’amour adressée aux gens de théâtre, qui ne cesse de filer partout sans se perdre ni s’affadir. Ecrit en 2011 pour Denis Podalydès, dont on croit entendre les accélérations et les zigzags au cœur du texte avant même qu’il ne lui prête sa voix, Avignon à vie a d’abord fait l’objet d’un enregistrement pour France Culture avant d’être porté par l’acteur dédicataire sur la scène de la cour d’honneur en 2013 ; ce soir un chien aboie dans la pinède de Châteauvallon et le monologue

fait encore un tour de piste plus modeste, plus intime mais tout aussi euphorisant. Un acteur (Podalydès paraît un peu fatigué mais l’érosion sied parfois aux monuments) livre à la main, la gauche puis la droite ou inversement, deux pas de côté, un en avant et en fond de scène ce grand pin que les spectateurs de l’amphithéâtre connaissent bien ; rien à dire ; l’exercice d’admiration de Pascal Rambert est contagieux et l’on se prend au jeu du «c’était quand ? c’était quand ? quelle année déjà et où ?», parfois on y était et de toutes façons on y est tellement, le texte est juste dans la simplicité du souvenir et la fraîcheur des sentiments. De la prose -non ce n’est pas le Transsibérien mais le rythme le rythme oui- et

© Christophe Raynaud De Lage

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des vers, libres ou alexandrins, de mirliton -personne ne prétend le contraire justement- pour réveiller des moments de bonheur. Les noms et les moments s’égrènent «Avignon TGV Avignon TGV/Assurez-vous de n’avoir rien oublié» parfois en malicieuses litanies «Vous les metteurs en scène des années quatre vingt/Vous les metteurs en scène des années quatre- vingt/Vous…» etc. jusqu’à l’ultime rime de «deux mille vingt». Le chien aboie toujours et on a envie que ça ne s’arrête jamais ! ! ! MARIE JO DHO

Avignon à vie a été lu à Châteauvallon, Ollioules, le 4 juillet


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Tous les corps parlent

handicapés et valides proposaient d’abord une pièce théâtrale d’Hetain Patel, distanciant le regard sur le handicap par des procédés malins de traduction décalées entre les gestes et les mots ; puis Notturnino, de Thomas Hauert, où, à partir de la bande-son du Baiser de Tosca, un discours, émouvant établissait des analogies fines entre le désir de chanter encore des cantatrices en maison de retraite, et le désir de danser sur béquilles, chaise roulante, et magnifiquement. Un programme qui interrogeait profondément sur la danse, parce que le corps et ses possibles en étaient l’objet.

et la même force, lâchés in media res sur une scène qui s’éteint et s’éclaire comme dans une mise en scène de Pommerat, une bande son qui mixe sons concrets, souvenirs romantiques, extraits tous azimuts de musiques, folklore discret et injonctions à saisir la vie... Wim Vandekeybus aime aussi la danse athlétique, physique, et souvent violente. La confrontation de sa première pièce, écrite en 1987, avec sa dernière création, faisait sentir toute l’évolution de ce courant en quelques années. What the body does not remember fut à l’époque un coup de tonnerre... certaines scènes, la fouille au corps par les hommes qui se servent sur la chair des femmes mais ne les laissent pas être tendres, ou excitées ; ou plus généralement la manière de courir en rond, de se fracasser au sol, de concevoir des duos où plaisir et violence alternent en des gestes littéraux... tout cela était neuf, et construisait une danse théâtrale très différente de Pina Bausch, ou Platel. Speak low if you speak love offre le même mélange, dérangeant, entre désir et violence, parce qu’il va jusqu’au meurtre, répété, au sadisme. La pièce est construite de la même façon -une succession de séquences inégales, parfois très fortes, parfois longuettes- mais la danse y a pris une virtuosité qui doit aux interprètes, à l’enrichissement du vocabulaire chorégraphique de Vandekeybus au fil des années, et à la présence d’une chanteuse danseuse exceptionnelle en meneuse de jeu. Quant à parler d’amour, s’il est évoqué en quelques beaux duos interrompus, il ne semble pas près d’être atteint...

Danse maximaliste

Avec la musique

Un Sacre du Printemps, Daniel Linehan, Hiatus © Bart Grietens

Oh la belle édition ! Les propositions du Festival de Marseille étaient (presque) toutes formidables...

A

près une ouverture de rue brouillonne et faible, le Festival a décliné une programmation en salle éblouissante. En commençant doucement avec le Ballet de l’Opéra de Lyon dans une programmation néoclassique, une Sarabande de Millepied pas très convaincante, puis deux pièces de Forsythe, fascinantes, en particulier la plus récente (2000) dansée sur des tables avec une énergie qui jamais n’empêche des placements impeccables... La Candoco Dance company joue sur d’autres registres : les danseurs

Autres possibles du corps, ceux explorés par Hofesh Shechter. Le chorégraphe Israélien est adepte d’une danse essoufflante construite en crescendo : sur les trois pièces proposées par son jeune ballet Disappearing Act, création écrite pour eux, dit la réalité de ces corps jeunes, qui se cherchent, explorent l’espace entre eux, affirment leur genre mais dansent, filles et garçons, dans la même énergie, à égalité, avec la même grâce

Anne Teresa De Keersmaeker sait donner à voir le cœur de la musique. 32 ans après sa création, Rosas danst Rosas, sa pièce culte, est devenue un classique. La chorégraphe y posait les bases de son vocabulaire : géométrie rigoureuse, métronomie diabolique, composition


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architecturée, répétitions cycliques. Sans oublier cette alchimie parfaite des mouvements et de la musique composée par Thierry De Mey. Rosas danst Rosas est un éloge de la lenteur, de l’entre-deux, de la respiration, de l’attente. Celle du quatuor féminin contraint à de longues plages d’immobilisme et celle des spectateurs qui sont à l’école de la patience. C’est aussi, paradoxalement, l’expérience du silence. Dans cet opus, Anne Teresa De Keersmaecker annonçait son art à venir, cette vraie-fausse synchronisation et ces vrais-faux décalés où tout se joue dans la nuance et l’indicible. Où danser est un acte de résistance et lâcher prise un vrai geste chorégraphique. Sa Nuit étoilée, récrite pour un seul couple, a la même intelligence musicale. De la musique de Schoenberg, encore romantique, la chorégraphe garde la narration, limpide sans être illustrative, l’expressionnisme orchestral dans des gestes tragiques où la danseuse jette ses bras au ciel ou se frappe le ventre, l’intimité poétique dans ces phrases chorégraphiques toutes dites de dos. Une subtilité déconcertante... Ancien élève de son école, Daniel Linehan compose une version pleine de sève du Sacre du printemps de Stravinsky interprétée par 13 jeunes danseurs. Ce qui implique quelques imperfections techniques vite oubliées grâce à une impétuosité contagieuse, d’un jeu de regards accrocheurs entre danseurs et -fait rare- avec le spectateur tout proche. Dans un dispositif conique audacieux, la bande virevolte, se frôle, s’éparpille, s’offre même un joyeux battle, hypnotisée

Quatre vents pour les 8 danseurs de Kelemenis qui sur l’esplanade du Fort Saint-Jean se font courants d’air et notes de musique portés par les Suites pour clavecin de Jean Philippe Rameau, offrant 25 minutes rafraîchissantes d’un Zef ! pneumodynamique mais heureusement pas tautologique même si les corps tournoient, s’élancent, flottent, se dispersent ou se rejointent comme sous une poussée irrésistible. «Voici de la chorégraphie» semble nous souffler la courte pièce qui reste assez sagement inscrite sur l’aile douce du zéphyr nous rappelant qu’un corps possède deux bras et deux jambes ici parfaitement mis en mouvement. Le dispositif sonore plus qu’astucieux (de petites enceintes à la taille des danseurs)

Les corps suggérés

Le Festival faisait aussi une incursion théâtrale, avec Mission, incroyable monologue d’un missionnaire belge au Congo écrit par David Van Reybrouk. Se présentant comme un conférencier, Bruno Vanden Broecke campe un personnage très éloigné de nous, mal à l’aise avec le célibat et le désir, parlant des Africains avec une condescendance paternaliste, et assez réac quant à son point de vue sur l’Europe, les ONG, la foi... Cette distance du personnage au spectateur n’en rend que plus percutante, et efficace, ses cris de douleur sur la pauvreté, les exactions, les meurtres

file encore la métaphore du flux sensible en mettant le spectateur au cœur des variations d’intensité. Terrasse encore avec l’arrivée progressive du soleil dans les yeux grand ouverts de l’implacable Rocio Molina, réveillant le Cercle des Nageurs à 7h du matin de son vigoureux Impulso ; l’institution marseillaise sonne bien au niveau des lattes de bois et le tablao de fortune se révèle parfaitement accueillant aux figures de ce flamenco brillamment cassé. La jeune femme petite et râblée est une étoile vivante et en passe de devenir une légende filante tant son énergie en impose émotionnellement ; glissant malicieusement de la lourde mais élégante image de la gitane sans filtre à la rageuse fille en justaucorps qui jette ses

en masse aux frontières du Rwanda, le sentiment d’être abandonné de Dieu. Un choc, véritable, porté par un comédien formidable, qui donne vie, seul, aux absents. D’autres Spectres étaient à l’œuvre dans la création de Josette Baïz, produite conjointement par les Festivals d’Aix et Marseille. La présence du Quatuor Belà en véritables protagonistes dansant et jouant, et pas que de leurs cordes, ouvrait des horizons musicaux travaillant sur le souvenir mélodique (Oswald, Kurtag, Chostakovitch, Britten et Cage). Les corps des jeunes gens travaillaient en osmose avec cette musique qui ne leur est pas contemporaine... et ils y ajoutaient leurs sourires, leur distance, leur techniques aussi, variées mais recentrées sur des unissons fréquents, un vocabulaire chorégraphique contemporain maitrisé, une architecture en ligne soulignée par une belle mise en lumière. Décidément la Cie Grenade a du talent, et l’a prouvé aussi en reprenant Guests créé au Grand théâtre de Provence ! (voir Zib 80) AGNÈS FRESCHEL et MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Impulso, Rocio Molina © Felix Vazquez Cicus

Plein air

par la version pour deux pianos interprétée sur le plateau par Jean-Luc Plouvier et Alain Franco. Là est le pouls de la chorégraphie : les pianos sont des aimants autour desquels les danseurs trouvent leur souffle vital. Daniel Linehan les propulse comme il caresserait les touches du piano, tantôt moderato tantôt forte, impulsant la vie à leurs élans.

dernières forces vers on ne sait trop quels horizons, c’est le Japon qui étrangement se dessine sur son visage qui danse aussi, les yeux fixés sur l’aérien percussionniste (la précision et la création avisée de Pablo Martin Jones ne sont pas pour peu dans ce déplacement délicat des codes). Voisin des ténèbres comme le butô, le flamenco de Rocio Molina engage non seulement le corps jusqu’à la pointe des cheveux mais convoque aussi un monde à la joyeuse incandescence. Epuisée, la danseuse se jette dans le bassin d’eau de mer sous les ovations et c’est une algue d’une espèce inconnue qui vient saluer une dernière fois ! MARIE-JO DHÔ


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La 67e édition du festival d’Aix continue d’en-chanter jusqu’au 21 juillet

Sexe, mensonges et trahisons E n ouverture du Festival d’Aix, une salle a ovationné l’opéra baroque de Haendel, Alcina. Le sujet, inspiré d’un des épisodes d’Orlando furioso, met en scène une reine ensorceleuse qui attire sur son île les hommes et les séduit avant de les transformer en pierre, arbre ou animal. Mais il y aura le beau Ruggiero (composé pour voix de castra), interprété par l’exceptionnel contre-ténor Philippe Jaroussky, Bradamante, fiancée passionaria (Katarina Bradic) signant la chute de la reine, Patricia Petibon, libre, autoritaire mais aussi fragile et tragique, bouleversante avec ses beaux graves de soprano. La mise en scène brillante et non dénuée d’humour de Katie Mitchell sait rendre

MARYVONNE COLOMBANI

© Patrick Berger

Perséphone de Stravinski s’inscrit dans la période néo-classique du compositeur. Mélodrame en trois tableaux pour récitant, ténor, chœurs, danseurs et orchestre, la musique s’appuie sur le poème d’André Gide. Dominique Blanc incarne Perséphone, enlevée par Pluton qui en fait la reine des Enfers. La comédienne, habitée par le personnage, déclame son texte tandis que les danseurs impriment une gestique rituelle de chœurs antiques. La musique est acérée, directe, percussive, et Peter Sellars souligne le questionnement ontologique du livret : Perséphone choisit les Enfers, pour écouter la souffrance de ses habitants, écologiste, revient sur terre partager l’alternance des saisons ! YVES BERGÉ

Un dédale contemporain C

la musique. Restait la distribution vocale, très homogène, la superbe basse Franz Josef Selig, Jane Archibald dans les airs de bravoure de Konstanze. Le jeune ténor texan David Portillo apporta fantaisie et fraîcheur dans une mise en scène qui en manquait vraiment. La représentation, loin de soulever l’enthousiasme, eut le mérite de montrer que l’opéra peut se prêter à des lectures diverses, et reste un art vivant !

e «Monstre»-là synthétise plusieurs axes de la direction de Bernard Foccroulle : la quadrature d’un cercle conciliant un ancrage local pédagogique, une ouverture sur le monde méditerranéen, et une exigence continue d’excellence. À l’issue de la création française du Monstre du Labyrinthe, opéra de Jonathan Dove, le pari semble gagné. 300 amateurs, adultes, adolescents et enfants issus du tissu éducatif et associatif local, bougent au cordeau, chantent au métronome une partition conçue pour eux, mais pas si facile ! Les effets de masse sont superbes, rehaussés de projections vidéos tournées in situ, les corps des choristes dessinent les murs mouvants du labyrinthe où se débattent Thésée, Dédale et les enfants athéniens, jetés à la mer, envoyés par le roi Minos (Miloud Khetib) en sacrifice au Minotaure. La texture sonore, contemporaine, expose un langage très abordable où choristes et solistes professionnels se partagent la polyphonie, des chœurs parlés percussifs au final kaléidoscopique... L’orchestre qui les soutient mêle en parité le London Symphony Orchestra à l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée, autour de la baguette géniale de Sir Simon Rattle. Le souffle est épique... Quant au mythe ? Il se décode à la lumière des enfants migrants, clandestins envoyés à la mer, à une mort probable, et des hommes et femmes réduits à l’esclavage par des systèmes économiques dévorants.

CHRISTOPHE FLOQUET

JACQUES FRESCHEL

Iolanta/Perséphone se joue jusqu’au 19 juillet

La traversée du désert M artin Kušej a placé L’enlèvement au sérail au désert, dans un univers de sable, aride et hostile, où les protagonistes de l’opéra de Mozart, sont transportés dans les tourments de la première guerre mondiale. Loin d’un Orient de carte postale, les gardes du Pacha enturbannés, fusils à la main, collent assez peu à la musique de Mozart tout en finesse et délicatesse. L’interprétation délicate, presque chambriste, de Jérémie Rhorer, à la tête du Freiburger Barockorchester, resta d’ailleurs fidèle à l’esprit du compositeur et loin de la mise en scène. Le texte, très présent comme dans tout singspiel, parut lui aussi déconnecté de

Alcina est joué jusqu’au 20 juillet

intelligible la complexité de l’action par un décor à étage, l’ingéniosité de portes doubles : ici, la reine et sa sœur (superbe Anna Prohaska),

Le triomphe de la lumière I

olanta de Tchaïkovski couplé à Perséphone de Stravinski, exalte l’illumination. L’opéra du maître russe évoque le chemin vers la lumière de la princesse aveugle Iolanta. L’Orchestre national de Lyon, dirigé par Teodor Currentzis, est d’une grande rigueur, mais sait jouer des nuances expressives extrêmes. Une introduction sombre, et agitée par les seuls vents, précède un moment de grâce : quatuor à cordes sur scène avec harpe en fosse. Entourée de sa nourrice et de ses amies, Ekaterina Scherbachenko, soprano au timbre chaleureux, révèle l’étrange poésie de l’œuvre. Dmitry Ulianov, Willard White, et l’exalté Arnold Rutkowski l’entourent brillamment et la musique est d’un lyrisme étonnant. Quant à la mise en scène de Peter Sellars, elle est bouleversante d’intelligence et de beauté !

resplendissent de jeunesse, là, ce sont de vieilles femmes. Une cohorte inquiétante de serviteurs répond aux moindres caprices de la reine, mouvements ralentis, temps suspendu… comme celui qu’Alcina voudrait arrêter, dans son île de plaisirs que la violence de l’histoire rattrape. L’ensemble est porté magistralement par l’Orchestre de Fribourg dirigé par Andréa Marcon.

L’Enlèvement au sérail se joue jusqu’au 21 juillet

Le Monstre du labyrinthe a été donné les 8 et 9 juillet


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Histoire de filles ! © Bernard Coutant

L

e Jeu de Paume plein à craquer pour un opéra contemporain serbe ! La création a toujours sa place au sein du grand festival lyrique. Et Ana Sokolović a réussi la gageure de composer un opéra de chambre d’une heure pour six voix de femmes a cappella ! Et le défi n’était pas mince pour l’ensemble de chanteuses, convoqué sans répit jusqu’à la fin d’un ouvrage

Songe enchanté L

e Songe d’une nuit d’été est un opéra merveilleux, aussi enchanteur que la comédie de Shakespeare. La musique de Benjamin Britten emmène par ses glissades, ses tintinnabulements de clochettes, ses accents grotesques aux cuivres, la beauté de ses duos et duels amoureux, au pays des rêves. Britten fait sonner le désir et ses masques, et Robert Carsen a su les figurer dans une mise en scène devenue mythique, et conçue en 1991 : des lits, qui se bordent, s’élèvent, accueillant les corps endormis et désirants. La musique, écrite en 1960 au plus fort de l’irréductibilité «contemporaine», fut décriée, et aujourd’hui triomphe... Au Festival d’Aix, comme toujours, le plateau est stupéfiant : les voix sont belles, mais intelligentes, risquant des nuances d’équilibriste,

L’amour est enfant d’Opéra !

vocalement très exigeant. Car Svadba (mariage) regroupe des amies qui enterrent la vie (de jeune fille) de Milica : le sentiment de perte, la fin de la jeunesse, le deuil s’accroissent au fil des tableaux. La musique, dense, rythmée, pleine d’alacrité, s’assombrit alors que l’aube arrive ; le chant de Milica sous la nuit étoilée, tout en langueur, traversé de mélodies populaires des Balkans fut saisissant d’émotion. L’écriture de Sokolović, très serrée, pétrie de dissonances, d’une belle densité qui n’est pas sans rappeler celle de Maurice Ohana, un exemple en matière d’écriture pour chœur. Les six chanteuses, très à l’aise vocalement, ont parfaitement habité cette «fête de musique et de théâtre» et séduit un public pas forcément converti ! C.F.

Svabda est joué jusqu’au 16 juillet

© Vincent Beaume

s’épaississant ou se fragilisant au fil de l’intrigue. Le Trinity boys Choir est sublime : les petits anglais savent chanter des mélodies aux intonations délicates, et assumer des parties solistes difficiles. Quant à la scène des artisans, Britten a réussi à écrire une musique comique, chose rare dans l’histoire de l’opéra : les artisans chantent faux, à côté, et la mise en scène de Carsen renchérit sur ce grotesque. Le public du Festival d’Aix a ri, ce qui n’est pas si fréquent ! Et applaudi unanimement, ce qui ne l’est pas davantage...

B

AGNÈS FRESCHEL

Le Songe d’une nuit d’été se joue jusqu’au 20 juillet

© Patrick Berger

e with me now ne se réduit pas à un potpourri d’airs d’opéras. C’est un spectacle conçu comme une quête initiatique, mais aussi un cycle romantique qui rappelle Schubert, un panorama lyrique qui court de Haendel à Wagner et Bellini, de Britten ou Stravinski à la zarzuela et la création contemporaine. Un jeune ténor, après avoir entonné le Zu Hilfe ! de Tamino, abandonne le plateau, dépité, après une rupture amoureuse. En coulisse, une caméra lui emboîte le pas, jusque sur le parking de l’auditorium où il monte dans une voiture et s’enfuit. C’est surprenant et drôle ! On suit sa quête sur la toile, tandis que les chanteurs doivent meubler, illustrer les sentiments du jeune homme (et de la jeune femme partie dans son sillage) qu’on devine s’assombrir au fil des scènes filmées... jusqu’à ce qu’ils soient dirigés à l’écran par le compositeur Daan Janssen pour une création qui porte amèrement son titre : Tristia. Au final, c’est un théâtre d’ombre qui s’installe pour la vaste création de Vasco Mendonça et sa morale : «Ce que la nuit apporte... mieux vaut s’y préparer !» Un spectacle architecturé et porté par de jeunes musiciens, des scénographes talentueux, où l’on passe du sourire aux larmes, véritablement. J.F.

Be with me now a été donné du 7 au 10 juillet Festival d’Aix-en-Provence jusqu’au 21 juillet 0820 922 923 www.festival-aix.com


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Succès public et artistique ! D’année en année, Aix en Juin prend de l’ampleur en préambule au Festival d’Aix

D

epuis plusieurs saisons Bernard Foccroulle a la volonté d’assurer au Festival d’Aix un ancrage local. Aix en Juin le manifeste à l’évidence : 20 000 spectateurs ont suivi le programme de cette «antichambre» du Festival qui prend corps et d’espace. On a refusé du monde comme lors du récital Mozart à l’ombre de Gluck de l’Académie du Festival : le 27 juin, nombreux sont restés devant la lourde porte de l’Hôtel Maynier d’Oppède ! Une dizaine de jours auparavant, la pluie faisait des siennes dans la région, et le public avait été dirigé vers une salle couverte attenante à la cour. Massés sur de vieux bancs d’école, voire debout adossés aux cloisons, les spectateurs ont suivi les coups d’archet du jeune et talentueux Quatuor Zaïde, formation féminine qui poursuit une brillante carrière. C’est Haydn qu’on avait découvert, fardé de lumières baroques, un premier violon (Charlotte Julliard) toujours aussi souverain, Mendelssohn élégant au possible, avant un 13e quatuor beethovénien tout en contraste, chapeauté de son imposante et géniale Grande Fugue.

Parade(s)

C’est l’événement incontournable d’Aix en Juin : un concert gratuit ouvert à tous ! Particulièrement gâté cet année, le public, le 26 juin, tapissait le haut du

Parade(s) © Patrick Berger

Cours Mirabeau. Il a pu entendre, en préambule à sa représentation scénique, des extraits de l’opéra Alcina (voir p32) et d’autres fameux airs de Haendel interprétés par trois grands interprètes. Anna Prohaska est une formidable soprano allemande qui a tenu la dragée haute à deux chanteurs n’usurpant pas leur statut de star : Patricia Petibon, flamboyante autant qu’émouvante, et Philippe Jarroussky, dans son jardin baroque avec son contre-ténor épousant à souhait la pâte instrumentale du Freiburger Barockorchester

(dir. Andreas Marcon). Un concert festif couronné par le fameux Alleluia du Messie, entonné à cœur joie et bissé en bouquet final ! JACQUES FRESCHEL

Aix en Juin a eu lieu du 9 au 30 juin à Aix-en-Provence

La reine de l’été I

l s’agit de la guitare, incontestablement, au Festival international de Lambesc. On y découvre des artistes d’un talent sûr, choisis avec discernement par le directeur artistique, Jorge Cardoso. Ainsi on a goûté la fraîcheur et la grâce de la toute jeune guitariste polonaise Wiktoria Szubelak, dans des transcriptions d’œuvres pour piano d’Albeniz, Granados, ou des compositions de Villa-Lobos ou Barrios. Délicatesse sensible du Nocturne posthume n° 20 de Chopin, en bis… les notes s’enroulent aux effluves du soir, les oiseaux alors se taisent. Seuls les grillons continuent d’accompagner les acrobatiques accords d’Agostino Valente, de Ricardo Barcelo, de Fernando Espi ou d’Antigoni Goni, faisant

Les guitares de l’atelier de José A. Espejo © Maryvonne Colombani

fi de leurs carrières internationales, du brio de leurs interprétations… Une soirée entière était dédiée à un survol historique de la pratique de la guitare (ou plutôt des guitares, vihuela du XVe siècle, guitare baroque des XVIIe et XVIIIe siècle, guitare romantique-classique du XIXe et

guitare moderne du XXe, petites merveilles, toutes fabriquées par Jose Angel Espejo). Jorge Cardoso réussissait le tour de force de nous faire vivre avec humour et finesse l’histoire de la musique, d’expliquer les influences espagnoles dans la musique latino-américaine, airs,

structures, danses, et le passage de la musique savante à une musique populaire d’une grande richesse. On aurait souhaité prolonger ces moments délicieux où résonnait l’époustouflant Folias d’Espagne de François le Cocq ! Le programme du festival est toujours documenté avec élégance et précision, livrant une courte biographie des participants, mais aussi des focus sur les compositeurs interprétés. Un beau début d’été ! MARYVONNE COLOMBANI

Le festival de guitare de Lambesc a eu lieu du 28 juin au 4 juillet au Château Pontet-Bagatelle, Lambesc


Re-naissance et Nativité © Nicolas Bril

Les Voix animées, a cappella, envoûtent l’abbaye romane du Thoronet

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lors que le jour décline en ce début de juillet caniculaire dans le Var, on trouve un peu de fraîcheur dans la vaste abbaye du Thoronet. Les voix, cinq, dans la pure tradition du chant renaissant, s’élèvent, emplissent l’espace de l’architecture romane à l’acoustique si réputée ! C’est un répertoire sacré, envoûtant, qui se dévoile : une Messe de Tomas Luis de Victoria (1548-1611) écrite sur le thème de son célèbre motet pour le temps de Noël «O magnum mysterium». La polyphonie est riche, subtile, les voix se répondent et se confondent dans un flot continu, hypnotique et délicieusement austère. Ce style propre au compositeur espagnol ressort d’autant plus que les parties de sa Messe alternent avec des motets festifs et sensuels de l’Anglais Peter Philips (15611628) : des mises en musique de prières à la Vierge, à l’Enfant, de réjouissances

autour de la Nativité... C’est aussi cette forme de sensualité qu’on retrouve dans une création contemporaine conçue par Tomas Bordalejo pour Les Voix animées (dir. Luc Coadou) : la poésie du Cantique des Cantiques chantant la douceur d’un baiser ou d’un sein, les parfums du vin et de l’huile, s’envolent en dissonances mouvantes, dans une ampleur acoustique exubérante parsemée de glissandos ou hoquets... Cette modernité prend appui sur des piliers antiques que sont le syllabisme, le continuum sonore, les imitations ou le double-chœur : l’idée même d’un renouveau cyclique qu’on nomme aussi «Renaissance» ? J.F. Concert donné le 4 juillet par Les Voix animées dans le cadre du cycle Entre pierres et mer

À noter Anges et Muses le 28 août (Toulon, Tour Royale) et 29 août (Thoronet, Abbaye) In aeternum le 12 sept (Thoronet, Abbaye) et 13 sept (Toulon, Tour Royale à 17h)

À l’ombre du Coudon P our la 11e année consécutive, la ville de La Valette-du-Var organise avec passion le festival des Nuits du Coudon, mêlant amateurs et professionnels dans un cadre charmant, à l’ombre de la vague de pierre de la montagne. On entendait ainsi le 7 juillet un concert où musique de chambre et chœurs se croisaient. L’Orchestre de Chambre de Toulon et du Var interprétait en ouverture le Concerto pour cordes et clavecin en la majeur de Vivaldi, avant d’être rejoint par le Chœur Polyphonique de l’USAM de Toulon, sous la direction dynamique de Philippe

Medail. Ce chœur amateur abordait avec courage la Petite Messe avec orgue en si bémol majeur de Haydn, puis le Gloria de Vivaldi accompagné par les voix de la mélodieuse soprano Marie-France Pellier et de la puissante mezzo-soprano Éliette Guenez. Le public enchanté bissait deux fois cet ensemble sympathique. Des roses pour finir en douceur, dans les fragrances de l’été. M.C. Les Nuits du Coudon se sont déroulées à La Valette-du-Var les 6 et 7 juillet


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Charlie sans les dames

Le plaisir des sons

Q

u’est-ce qu’un kiosque ? La sonorité de cette phrase est plaisante, la réponse l’est tout autant. Le mot vient du persan et signifie «petit palais». Le week-end des 27 et 28 juin, deux «petits palais» de Marseille se sont animés. Les Rendez-vous du Kiosque y ont installé pendant ces deux jours une ambiance musicale et conviviale. Pour sa quatrième édition, ce festival organisé par l’association BIP, propose de mai à juillet six événements festifs gratuits, où le son joue le fil conducteur. Avec «un rendez-vous pour les enfants, puis deux concerts d’artistes régionaux émergents, et un DJ set», précise Mylène Cauvet, l’une des coordinatrices du projet.

De l’audace

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e Charlie Jazz Festival, un des premiers festivals jazz de l’été, gagne ses galons d’année en année tant au niveau de la qualité des musiciens (sans e) qui s’y produisent que par son accueil d’un grand professionnalisme. La 18e édition a commencé avec l’ensemble marseillais Accoules Sax, suivi du Trio d’en Bas. Ensuite une vraie découverte avec Ambrose Akinmusire : sans déballage de virtuosité, le son de sa trompette envoûte par des compositions profondes qui déclenchent des images très poétiques. Sa sixième chanson, rythmée, au caractère mélodique prononcé, finit sur une note unique, puissante, répétée ensuite par tous les musiciens sur la batterie hypnotique de Justin Brown. Un bonheur pur. Plus classiques, Stefano di Battista et Sylvain Luc, inspirés par Ennio Morricone, ont clôturé cette soirée. La 2e soirée commence avec Emmanuel Cremer, artiste en résidence à Fontblanche cette année, et sa musique très inspirée par la musique répétitive américaine. Puis Renaud Garcia-Fons atteint des sommets de virtuosité. Dans Vers Barbès, sa contrebasse prend des accents orientaux où l’archet sert de plectre et la transforme en oud. Enfin Omar Sosa, Paolo Fresu et Trilok Gurtu, le percussionniste indien, enflamment le public avec une joute verbale mémorable entre

Ambrose Akinmusire © Dan WARZY

Cuba et l’Inde. La dernière soirée a débuté par le duo Petite Vengeance, et la fanfare Impérial Kikiristan, inventive, à l’humour décalé. Puis entre en scène le très attendu pianiste Brad Mehldau. Ballades hard-bop, blues, thèmes brésiliens, Till I die des Beach Boys revisité, son trio nous emmène loin, avec la contrebasse de Larry Grenadier et la très sensuelle batterie de Jeff Ballard. Une leçon du jouer-ensemble remarquable. Clôture du festival par une musique inhabituelle entre techno et électro-jazz avec le Magnetic Ensemble d’Antonin Leymarie et le génial saxophoniste Thomas de Pourquery en chanteur invité. À noter une exposition des photos de Gérard Tissier, et une installation de Cécile Léna et Philippe Méziat, JazzBox, qui présente les maquettes de huit lieux mythiques du jazz mis en boîtes avec des extraits de musiques célèbres de New York, Chicago, Cuba, Détroit... Ce festival a fait preuve une nouvelle fois d’un savant dosage entre le festif et la musique, avec une participation du public exceptionnelle. Une savante absence de femmes, aussi, qu’on déplore... DAN WARZY Le Charlie Jazz festival a eu lieu les 3,4 et 5 juillet au Domaine de Fontblanche de Vitrolles

Le 27, devant le kiosque «tordu» de la rue Lulli, Bab et l’Orchestre des Chats s’adressait spécialement aux plus jeunes. Public conquis, qui continuera à occuper le dance-floor lors des concerts suivants. De quoi donner au kiosque des allures d’Île aux Enfants du XXIe siècle. Avec, à la place de Casimir ou Monsieur Dusnob, Massy Inc et son «eurodance à textes», et «le piano électro déjanté» de Mekanik Kantatik. Au menu, des reprises détonantes, celle en français de I like to move it pour le premier, ou la version aiguë et bondissante de Il jouait du piano debout pour le second. Le tout saupoudré d’envolées cacophoniques, de quelques gros mots (si, si) et autres subversions. Une «audace» très appréciée par Eloi, 10 ans (à écouter sur Web Radio Zibeline).

À parité

Le lendemain, la session avait lieu au kiosque des allées Gambetta. En ouverture, un atelier DJ pour les 6-12 ans, animé par Nassim. Rassemblés autour des platines, une dizaine d’enfants jouent à scratcher ou à mixer deux sons dans le bon tempo. Autour du petit palais, le public savoure l’apéro, accompagné du son des minots. Suivi par les chansons de Clarcen, le trip hop de Maycad, le duo de DJ au féminin Indiscipline concluant la soirée. À noter que Les Rendez-vous du Kiosque jouent la parité intégrale. Dans la programmation comme dans l’équipe technique, les femmes sont aussi nombreuses que les hommes. Pas si fréquent... Une dernière date aura lieu le 23 juillet, lors d’une soirée ciné plein air aux allées Gambetta. JAN-CYRIL SALEMI

Les Rendez-vous du Kiosque ont eu lieu les 27 et 28 juin Programme complet sur http://rendezvousdukiosque.fr



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Mimi à la folie Loin de tout mais si près de nous, le festival insulaire à la programmation singulière a encore tapé dans le mille pour sa trentième édition

À

première vue, il n’y a pas grand-chose en commun entre Les Statonells et Delta Sònic. Pourtant, on peut au moins dire que les deux formations créent leur musique en puisant dans une tradition liée à la culture d’un territoire : la Réunion et l’Occitanie. Les premiers proposent un maloya expérimental et déstructuré, le second invente un balèti futuriste et ludique. Que ce soient les Marseillais de Statonells ou l’Arlésien Henri Maquet, l’homme-orchestre concepteur de Delta Sònic, ils créent une ambiance bruitiste voire industrielle, utilisant aussi bien des instruments ou objets ancestraux qu’actuels. Le kayamb ou la basse électrique pour les uns, le guitarron ou le synthé à bandes pour l’autre. Une soirée d’ouverture à l’U. Percut qui prouve une fois de plus que les musiques dites traditionnelles ne sont pas figées dans un folklore mais bien vivantes et en mouvement. Le lendemain, amerrissage sur les lieux historiques du festival. En posant un pied sur l’île du Frioul puis en marchant sous un soleil de plomb vers les ruines majestueuses de l’hôpital Caroline, nous sommes déjà au cœur de l’expérience Mimi. Si Les Percussions de Strasbourg sont loin d’être des jeunes anonymes, retrouver cet ensemble si prestigieux mais surtout si dépendant de salles de concerts ou de lieux à la programmation plus académique est une très bonne surprise et une véritable prouesse. Car amener par la mer le gigantesque instrumentarium (unique au monde pour un ensemble) de ces intrépides percussionnistes, il fallait pouvoir le faire. Rompu aux créations, l’ensemble bardé de prix internationaux a déroulé avec une virtuosité impressionnante des pages de Reich, Emler et Taïra, déjà si peu jouées, alors dans un écrin pareil… Juste avant, le plasticien du son Aki Onda avait étonné son monde, peut être même jusqu’aux gabians très présents au dessus de nos têtes, avec ses walkman ancestraux, ses cassettes et ses objets

Young Marble Giants © Philippe Lebruman

sonores pas toujours identifiés dans un modelage étonnant de l’acoustique du moment. Ils nous ont fait planer mais aussi taper du pied. Tel un orchestre symphonique, les quatre musiciens anglais dont le mythique batteur Chris Cutler et les dix bidouilleurs marseillais invités du projet Himmel, parmi lesquels Phil Spectrum de Leda Atomica, explorent des territoires connus qu’ils transfigurent. Entre jazz, rock, electro ambient. Groupe rare et mythique à l’album unique (Colossal Youth, en 1980), Young Marble Giants a réalisé le rêve de nombreux fans en se produisant à Marseille. Ces (plus tout) jeunes géants de marbre du Pays de Galles ont captivé jusqu’aux colonnes du temple de l’hôpital Caroline. Une pop minimaliste, dépouillée, élégante, parfois espiègle emmenée par un trio devenu quatuor dont seule la voix de la chanteuse Alison Statton a légèrement perdu en délicatesse. Marseille regorge de pépites méconnues et Joujou en fait partie. Pour Mimi, le duo s’est élargi à Dj Junkaz Lou dont les scratches et autres interventions aux platines épicent le punk rock électro par Agnès Pinaqui (voix, basse une corde) et Benjamin Colin (batterie, samples, percussions). Une prestation débordante d’énergie au

service d’une poésie surréaliste et d’une musique aux influences multiples résolument festive, qui insufflent un vent de liberté. La fête sera loin d’être finie avec les Caïrotes EEK et Islam Chipsy qui nous avaient littéralement transportés aux Transmusicales de Rennes. Deux batteurs d’une efficacité redoutable dopent l’electro-chaâbi envoyé par Islam Chipsy qui manipule sa boîte à rythmes comme une darbouka. Une fièvre orientale a dévasté le Frioul le temps d’un grand mariage entre musique populaire d’Egypte et beat électro. Une révolution ! FREDERIC ISOLETTA et THOMAS DALICANTE

Le festival Mimi a eu lieu à l’U.Percut et à l’Hôpital Caroline (Frioul), Marseille, du 1er au 5 juillet

Le festival avec (pour être) vue

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l y a presque du David Bowie dans Alb. Y compris dans la voix de Clément Daquin. Le groupe de Reims offre une électro-pop exploratrice et créative. Les mélodies restent en mémoire à défaut de pouvoir profiter pleinement de paroles en anglais. Et une aisance scénique agrémentée d’un trait humour. Ce n’est pas pour rien que Alb a été nommé dans la catégorie «révélations scènes» aux dernières Victoires de la musique,

jusqu’à être sollicité pour la publicité d’une grande marque automobile française. Un moment agréable et plein de fraîcheur, au point d’en oublier presque la canicule. Idéal pour s’évader et profiter de la vue sur le Vieux-Port depuis les hauteurs d’Entrecasteaux, généralement fermé au public. Malheureusement, on se laisse vite rattraper par la réalité. Certes, Rock Island bénéficie d’un cadre parmi les plus enchanteurs des festivals marseillais. Mais

un goût amer reste au fond de la gorge si l’on peut se permettre de siroter un verre. 7 euros la pinte de bière, 10 euros le cocktail, 10 euros le pan bagnat… Les toilettes, elles, sont encore gratuites. Rien de surprenant puisque ce sont les Halles de la Major qui gèrent la restauration dans cet espace de marque(s). Pas étonnant non plus d’y retrouver la jeunesse aisée et bien blanche, si peu représentative de Marseille. On aurait aimé vous parler des autres

artistes programmés mais les organisateurs ont jugé suffisant d’inviter la presse seulement à la première soirée, consacrée aux «partenaires». Or nous n’avions rien à vendre. T.D. Marseille Rock Island a eu lieu dans le fort d’Entrecasteaux à Marseille, du 2 au 4 juillet Le groupe Alb est programmé le 9 octobre au Poste à Galène, à Marseille



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Documentales à Lussas En août, la capitale du documentaire, c’est Lussas, en Ardèche, où se tient du 16 au 22 août les 27es États Généraux du Documentaire avec ses projections, ses rencontres et ses ateliers. Cette année, les Ateliers interrogeront la rencontre entre scène thérapeutique et cinématographique avec Laurent Roth, Laurent BécueRenard et Michèle Valentin ; les mutations techniques et esthétiques en compagnie de Jean-Louis Comolli, Benoît Labourdette et Vincent Sorrel et les rapports entre le réel et la fable. Stan Neumann et Stefano Savona nous feront faire les Expériences du regard, «laissant les films faire leur travail sur nous, sans censure, sans stratégie,

Amours et métamorphoses de Yanira Yariv © Acis Productions

sans idées préconçues.» La Route du Doc sera espagnole et Histoire de doc, après avoir parcouru les grands courants de l’histoire documentaire d’un pays, propose une mise en regard de deux œuvres, de patrimoine et contemporaine, témoignant d’un courant formel et de son évolution. Fragment d’une œuvre

Les Hommes libres

permettra de voir les films essais de Marc Karlin et le travail de Michael Snow, une figure majeure de l’art contemporain. La deuxième édition de la sélection Tënk montrera les films issus de résidences d’écriture et de rencontres Tënk de coproductions équitables d’Erevan,

Le Festival des cinémas d’Afrique du Pays d’Apt, en partenariat avec la Ville d’Apt propose une projection en plein air le 24 juillet à 22h du film d’Ismaël Feroukhi, Les Hommes libres, avec Tahar Rahim, Mahmoud Shalaby et Michael Lonsdale. Des immigrés maghrébins, venus à Paris pour travailler dans les usines de la région parisienne, se sont engagés dans la Résistance, et ont protégé des juifs de la barbarie nazie… Séance gratuite. Festival des cinémas d’Afrique du Pays d’Apt 07 82 64 84 99 www.africapt-festival.fr

ANNIE GAVA

États généraux du film documentaire du 16 au 22 août Ardèche Images, Lussas 04 75 94 28 06 www.lussasdoc.org

Courts à la belle étoile Une soirée pour l’ARSLA Cinéma de Pays présente la 3e Nuit du Court Métrage le 8 août à partir de 21h30 dans la cour du château des Templiers à Gréoux-les-Bains. Une sélection de 17 films (très masculine ! Un seul film réalisé par une femme, La Voie du silence d’Emmanuelle Lafay). Des films d’ici comme L’Héritage en péril de Jean Marie Cayet, ou du Nord comme Cop Control de Fabrice Equilbec. Le public pourra rencontrer les équipes de films et profiter des animations. Entrée gratuite. Cinéma de Pays, Gréoux-les-Bains 09 63 04 56 52 www.nuitducourt.blogspot.fr

Les Hommes libres d’Ismaël Feroukhi © Pyramide Films

Saint-Louis du Sénégal, Lussas, Tamatave et SaintLaurent du Maroni. Lors de la journée SACEM le 21 août, on pourra découvrir l’univers musical du compositeur Piers Faccini et le lendemain, «Brouillon d’un rêve» de la SCAM mettra à l’honneur l’audace et l’engagement des auteurs du documentaire de création. Et bien sûr, chaque soir, échanges, musique dans les rues du village, dans la chaleur de l’été finissant…

L’Homme à la moto

Soirée «Talents du sud» à l’Eden Théâtre de La Ciotat le 31 juillet à partir de 18h : projection de L’Équipée sauvage de Laszlo Benedek (1953) où l’on retrouvera avec plaisir Marlon Brando, beau comme un Dieu ou comme un diable, en casquette, jeans et perfecto, royalement juché sur sa moto Triumph Thunderbird. La projection sera suivie d’un show mode et de dégustation de vin… Réservations talentsdusud@gmail.com. Eden Théâtre, La Ciotat 04 42 83 89 05 www.edencinemalaciotat.com

© Christophe Petit Tesson_MAXPPP

Le 7 août à 18h, à l’Eden Théâtre se tiendra une soirée de gala caritative avec cocktail et animation musicale, pour les 30 ans de l’ARSLA (Association pour la Recherche sur la Sclérose Latérale Amyotrophique), une maladie neurodégénérative incurable qui attaque irrémédiablement les muscles volontaires. Le documentaire Debout que Clémentine Célarié a consacré en 2013 à Thierry Monfray, un ami comédien atteint de cette maladie, sera projeté à cette occasion. Informations : www.arsla.org. Eden Théâtre, La Ciotat 04 42 83 89 05 www.edencinemalaciotat.com


Écrans étoilés Comme chaque été, des projections gratuites de films, longs, courts, du répertoire ou plus récents, d’auteurs ou grand public, sont proposées à la tombée de la nuit, en plein air, un peu partout dans la région…

Trois places pour le 26 de Jacques Demy © AMLF

Belle&Toile

Sur le toit-terrasse de la Friche la Belle de Mai, tous les dimanches soirs de juillet et août, Belle&Toile permettra de (re)voir les films qu’on aime, comme Trois places pour le 26 de Jacques Demy le 26 juillet, Citizen Kane d’Orson Welles le 9 août, ou Holy Motors de Leos Carax le 23. 04 95 04 95 95 www.lafriche.org

Ciné Plein-Air Marseille

Tilt présente jusqu’au 19 septembre une trentaine de films dans différents lieux de Marseille. Par exemple le 17 juillet, sur la place du Refuge, Girafada de Rani Massalha et le lendemain The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson ; le 22 août, dans la cour de la Vieille Charité, Metropolis de Fritz Lang. 04 91 91 07 99 www.cinetilt.org

Instants d’été

En collaboration avec l’Institut de l’Image, Tilt projette aussi dans les parcs et jardins d’Aix-en-Provence : Les Instants d’été accueilleront dans le patio du Musée Granet, le 23 juillet, Easy rider de Dennis

Hopper ou le 23 août, au théâtre de verdure, Jusqu’à mon dernier souffle, une romance indienne réalisée par Yash Chopra en 2012. Le 2 août au Parc Rambot, les Rencontres Cinématographiques d’Aix-enProvence ont choisi six courts dont La Lampe au beurre de Yak de Hu Wei et Guy Moquet de Demis Herenger. 04 42 91 99 19 www.aixenprovence.fr

Ciné Visan

Du 7 au 11 août, place du jeu de Paume à Visan, une sélection de cinq films cultes qui ont propulsé Marilyn Monroe, Marlon Brando, Brigitte Bardot, Alain Delon et Claudia Cardinale au rang d’icônes universelles, dont La Ragazza de Luigi Comencini, Un Tramway nommé désir d’Elia Kazan ou Le Mépris de Jean-Luc Godard. 07 82 11 80 11 www.cine-visan.fr

Tout un été où par le ciné on pourra voir peut-être «un monde accordé à nos désirs». ANNIE GAVA


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Traces «Être sur le FID» est toujours une aventure. Et une fois encore, le Festival, marseillais et international, a été un succès !

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archer sur les grandes routes des compétitions, se promener sur les chemins des Écrans Parallèles, bifurquer par les Sentiers, courir entre les Variétés, le MuCEM ou la Villa Med dans la chaleur accablante de ce mois de juillet, pour essayer de faire coïncider les horaires d’un programme foisonnant. Mais rien ne décourage le désir de films, de sensations, de découvertes qu’offre le FIDMarseille.

Désirs

C’est bien ce désir obstiné qu’incarne Manoel Oliveira dont le FID présentait cette année une rétrospective passionnante. Chapeau blanc à la main, lunettes noires, sourire aux lèvres, Manuel de Oliveira danse, esquisse une pirouette, s’ôte l’appui de sa canne dont il se fait une guitare, et meneur de revue, entraîne à sa suite les jeunes danseurs qui l’accompagnaient. Il a alors 99 ans. Il a encore sept ans à vivre, c’est à dire à désirer faire du cinéma. Il y a de l’impertinence dans cette vitalité, un pied de nez à la Parque qui l’attend avec ses grands ciseaux de monteuse à l’ancienne. Une séquence de quelques secondes de cette vidéo a précédé les projections, rendant hommage au grand réalisateur portugais dont le FID proposait une rétrospective. Vingt métrages longs et courts, dont le très attendu : Visita ou memórias e confissões, que Manoel Oliveira a désiré ne rendre public qu’après sa mort et dont trois copies avaient été mises sous scellés à cet effet. Tournée en 1981, après une série de chefs-d’œuvre -alors qu’à 73 ans, Oliveira ne savait pas qu’il avait encore devant lui 25 films à réaliser- cette réflexion poétique ouvre des portes, au propre comme au figuré, sur le travail passé et futur de l’artiste. On visite une maison vide, celle qu’Oliveira a occupée pendant 40 ans avec sa famille avant de la vendre pour éponger ses dettes. Les lieux se peuplent de souvenirs et les souvenirs se matérialisent dans les lieux, dans une liberté de formes qui défie tout académisme. Même liberté chez Miguel Gomes, un autre portugais mis à l’honneur cette année, dont la trilogie fleuve Les Mille et une nuits, épousant le dispositif du conte persan pour parler de la crise économique et morale de son pays, met la fiction au cœur du

Entrelazado Entangled de Riccardo Giacconi © Lugar a Dudas

cinéma bousculant les genres et les formats. Et qui, dans sa master class, parlait du plaisir de ne pas tout savoir à l’avance, de ne pas tout contrôler, de laisser Shéhérazade sans fin jouer des désirs et de la frustration (lire critique sur www.journalzibeline.fr ).

sur www.journalzibeline.fr ce qu’il nous en dit), qui a obtenu le Prix CNAP (Centre National des Arts Plastiques) et le Prix des Lycéens, tous deux attribués pour la 1re fois cette année.

Sensations

Villes

Pieds nus qui, délicatement, avancent sur des feuilles mortes dans une forêt. Une grotte : mains qui en caressent les parois ; ombre et lumière, clapotis de l’eau, bruit du vent, ombres chinoises, noires corneilles sur le blanc de la neige, cerfs aux bois joliment éclairés par la lune. Tout est sensation, essai de faire surgir l’invisible, les images de l’enfance, dans le film de Claire Doyon, Les allées sombres, premier volet d’un triptyque. C’est à une autre expérience sensorielle, plus rude, à laquelle nous invite Andrei Schtakleff dans La Montagne magique. On en sort avec le besoin irrésistible d’aller vers la lumière. De longs travellings dans les galeries d’une mine d’argent à Potosi, ponctués de pauses : des mineurs boliviens, épuisés, mangent, parlent des études de leurs enfants ou de femmes ; des touristes, peu habitués à l’atmosphère, suffoquent, comme le spectateur qui a eu le temps de voir, pendant une heure, le travail harassant de ces travailleurs qui cassent des pierres, extraient, filtrent, récupèrent le minerai dans des rouleaux de papier qu’ils ont fabriqués. Une immersion dans le monde de la mine dont on sort épuisé (Prix Georges de Beauregard et de l’Institut Français). Sans oublier Psaume de Nicolas Boone (écouter

Faire le portrait d’une ville à partir de quelques-uns de ceux qui l’habitent ou tentent d’y vivre, telle est la démarche de Jean Boiron-Lajous dans Terra di nessuno, en compétition Premier (écouter sur le site) pour Trieste, ou de Lamia Joreige dans And the living is easy. Beyrouth, 2011, au début des «printemps arabes» semble en suspens. Cinq personnages, en retour ou en partance, vivent leurs histoires d’amour dans leurs lieux familiers ou dans ceux que la réalisatrice avait le désir de filmer. «Un film qui s’est construit organiquement.» Le musicien Tarek Atoui, Raia, Mireille, Anna, des proches de Lamia parlent de la vie, de leur travail, de leurs choix ou leurs doutes sans oublier Firaz, choisi par casting, par qui on découvre la banlieue sud. De longs plans séquences sur les avenues qui traversent la ville, longent la corniche, donnent à voir


Beyrouth, ses immeubles reconstruits et sa lumière. Un film puzzle qui se clôt par une barque qui tangue, possible métaphore d’une ville qui se cherche. Alex Gerbaulet, elle, a choisi de mêler présent et passé, grande Histoire et histoire personnelle pour parler de Salzgitter, une cité industrielle de l’Allemagne de l’Ouest, très marquée par le régime nazi. Elle utilise des matériaux composites, archives officielles ou privées, photographies, images du présent de son père qui fait du jogging, journal intime de Doris, sa mère disparue prématurément qu’incarne Susanne Sachsse. Dans Schicht, rythmé par la voix off et des motifs récurrents, Alex Gerbaulet fait remonter le passé de sa ville natale et son histoire familiale et c’est un superbe travail, qui a obtenu le prix Premier. «Laisser survenir l’inattendu», être ouvert pour accueillir tous ces films qui émeuvent, dérangent, irritent, réjouissent, en tout cas qui ne laissent jamais indifférent… Et dont on gardera les traces jusqu’au FID prochain… ANNIE GAVA ET ELISE PADOVANI

Le FIDMarseille, Festival International de Cinéma de Marseille a eu lieu du 30 juin au 6 juillet

Extraits du palmarès •Grand Prix de la Compétition Internationale : Entrelazado Entangled de Riccardo Giacconi-Colombie •Prix Georges de Beauregard International : Santa Teresa & Otras Historias de Nelson de Los Santos Arias-Mexique •Grand Prix de la Compétition Française : Dans ma tête un rond point d’Hassem Ferhani Palmarès complet : www.fidmarseille.org


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Éprouver l’humanité du monde C’est, déclare-t-il, l’oeuvre de sa vie. Human, le dernier long métrage de Yann Arthus-Bertrand, est un film bouleversant

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l sera projeté le 12 septembre aux Nations Unies puis, après un bref crochet à Paris, c’est Marseille qui en aura la primeur, pendant près d’un mois, en projection gratuite à la Villa Méditerranée. Un événement, parce qu’il est rare qu’un film documentaire accessible à tous ait une telle qualité émotionnelle. Human surprend toutes les attentes : ce n’est pas, contrairement à Home, un plaidoyer écologique et amoureux pour notre terre, mais un voyage à travers les êtres humains. À la rencontre, réelle, de tous, hommes et femmes, vieillards et jeunes gens, sur tous les continents. Pauvres et riches, homosexuels et époux amoureux, handicapés, artistes et meurtriers, enfants aux rêves immenses, tous défilent, et parlent, simplement, de leurs désirs, de leur histoire, du monde, de l’amour, de leur métier, de leur rapport à Dieu et à la vie. Cela dure plus de trois heures, et la force des témoignages est immense. Pourtant la mise en scène est minimale : le photographe cadre les visages au plus près, juste à la distance du regard, comme si l’on conversait avec eux. Sur fond noir, sans décor, ils répondent aux questions qu’on leur a posées, tous égaux, et l’on n’entend que leurs propos, traduits juste à côté de leurs yeux. Leurs histoires nous font rire et pleurer, comprendre des choses incomprises, à la fois parce qu’ils sont souvent très éloignés de nous, Africains, Aborigènes, Asiatiques ou Américains bon teint, et parce que ce qu’ils disent sur leurs enfants, le bonheur, l’amour, la détresse aussi, la souffrance, la pauvreté, nous fait éprouver notre humanité commune.

Raviver l’empathie

Le message de ce film est aujourd’hui essentiel. Parce que renvoyer chez lui ce réfugié sans papier serait signer sa mort, et que l’on voit son visage ; parce que cet enfant pauvre a les mêmes désirs que les nôtres, et qu’on ne voit pas au nom de quoi on lui refuserait d’espérer ; parce que l’amour dont

Portrait 02 © Humankind Production

parlent certains est le même que celui qu’on éprouve pour les siens ; et que même les histoires les plus inhumaines, celles de la guerre, de ces hommes qui ont tué, qui aiment encore le meurtre comme on s’adonne à une drogue irrésistible, que ces histoires-là disent aussi notre humanité commune, nos pulsions, nos dégoûts. À l’heure où l’Europe se replie, où l’on nous fait croire qu’il faut ériger des murs pour se protéger des autres, que l’économie est plus importante que la vie, ce film, si simple dans son concept, si intense dans sa volonté démesurée de témoigner du monde, nous plonge dans des affects communs. La diversité fait notre humanité... et l’égalité, la fin de la détresse et de la violence, n’est souhaitable que si elle nous concerne tous. Chaque témoignage dure de une à trois minutes. Aucun visage ne revient. Les séquences sont montées par thèmes, et entrecoupées par des images sidérantes de beauté sur des paysages occupés par des hommes, et vus du ciel. Des respirations en musique (Armand Amar), époustouflantes : des caravanes sur le sommet des dunes, des familles qui rient, soulevées par une vague, des hommes qui creusent un improbable canal, la colère de la mer, des enfants qui jouent avec un ballon imaginaire... La Villa Méditerranée complète les projections de ce film par une exposition audiovisuelle qui va occuper tout son espace, et apporte des compléments

explicatifs qui permettent de situer les témoignages. Elle se centre sur la Méditerranée, et explore d’autres visages et paysages : le cinéaste, qui a tourné plus de 2000 heures de témoignage et 500 heures de vues aériennes, dans 60 pays pendant trois ans, dispose d’une matière à d’autres montages que ce film de 3h10, ou celui de 2h30 qui sera projeté pour les lycéens, et sur France 2 fin septembre. Un espace forum dédié aux ONG permettra également de débattre... sur ce film choc, et sur l’humanité. AGNÈS FRESCHEL

Human de Yann Arthus Bertrand Human, un ancrage méditerranéen du 18 septembre au 4 octobre projection et exposition en entrée libre, réservation conseillée Villa Méditerranée, Marseille 04 95 09 42 52 www.villa-mediterranee.org



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Deux salons, deux jours Tours et détours via Art-O-Rama et Paréidolie, le temps d’un weekend à Marseille pour sonner la fin des vacances en beauté ou blinder le moral de rentrée. Avec quelques réjouissances en plus

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algré les effets récessifs sur le monde de la culture auxquels la seconde ville de France n’échappe pas, les acteurs de l’art contemporain ne relâchent pas leurs efforts et maintiennent leur cap avec deux salons concomitants pour la fin du mois d’août. Ajoutons La Nuit des Galeries, la Saison du dessin, une proposition de Gérard Traquandi pour le Musée des Beaux-Arts et Gilles Barbier à venir en solo à La Friche.

Art-O-Rama

Salon et Foire d’art contemporain, Art-O-Rama recevra une vingtaine de galeries internationales, principalement européennes, aussi de New-York et de Corée du Sud. Celles-ci sont choisies chaque année sur le principe d’un projet curatorial conçu spécifiquement pour l’événement. Certaines sont des familiers du salon, comme Messen de Clercq, 22,48m2 pour une expo personnelle de Cécile Beau, les posters d’Allan Kaprow seront présentés par l’éditeur Daviet-Thery... Il faudra aussi compter sur les propositions des galeries mfc-michèle didier (Mathieu Mercier, Anette Messager...), Praz-Delavallade (Pierre Ardouvin, Thomas Fougeirol...). Le Show Room, sélection dédiée aux jeunes diplômés des écoles d’art régionales, portera le sceau de la curatrice Veronica Valentini qui a choisi Lorraine Château, Raphaela Lopez, Elsa Philippe et Qingmei Yao. Le lauréat de l’année précédente se voit offrir une expo personnelle et une publication aux éditions P. Vincent Ceraudo, diplômé de la Villa Arson, sera donc l’artiste invité de cette année. Pour la carte blanche à un artiste, Platform, Saâdane Afif présentera les avancées de son projet The Fountain Archives. L’artiste recense depuis 2008 toutes les publications écrites et iconographiques concernant les innombrables polémiques de l’œuvre de Marcel Duchamp et son urinoir mythique de 1917. Michel Gauthier viendra en discuter avec l’artiste et le public le 29.

Paréidolie

Deuxième donc très attendue édition pour Paréidolie. Le «Salon international du dessin contemporain à Marseille» se présente comme un condensé des multiples formes graphiques via une trentaine d’artistes représentés par onze galeries internationales. Kult exerce depuis la très active ville de Rabah, Gandy Gallery vient de Bratislava, Betts Project de

Art-O-Rama 2014, vue partielle © Jean-Christophe Lett

de galeriste traditionnelle pour la promotion de l’art vidéo (lire page 47). Autre changement, avec l’arrivée à la présidence du jury d’Olivier Kaeppelin, actuel directeur de la Fondation Maeght qui succède à Bernard Blistène (MNAM/Centre Georges Pompidou). À l’instar de l’année précédente, une programmation associée est étendue à Marseille et alentours avec La Saison du Dessin. Rappelons aussi que la plupart de ces événements sont gratuits. CLAUDE LORIN

Art-O-rama Salon les 28, 29, 30 août Expositions jusqu’au 13 septembre La Cartonnerie, Friche de la Belle de Mai, Marseille 04 95 04 95 36
 www.art-o-rama.fr Paréidolie_ Frédérique Loutz, Sans titre, 2014, Technique mixte sur papier et calque agrafé, 29 x 21 cm © Courtesy Galerie Claudine Papillon

Londres... Claudine Papillon, Sémiose, Eva Hober parisiennes entre autres... Le salon s’avère donc dense et éclectique. Mais le format intime adopté aux ateliers du boulevard Boisson par Martine Robin et son équipe avait démontré son efficacité lors de la première édition. Reste que deux jours sembleront encore bien trop courts, d’autant que la nouveauté attendue est la section réservée au dessin vidéographique programmée par Karima Célestin. Celle-ci a troqué depuis peu son activité

Paréidolie les 29 et 30 août (vernissage le 29 à 11h) Galerie du Château de Servières, Marseille 04 91 85 42 78 www.pareidolie.net La Nuit des Galeries le 30 août www.marseilleexpos.fr


Ce n’est qu’un au revoir

Karima Célestin dans sa galerie, Marseille, juillet 2015 © MGG-Zibeline

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expositions, 9 projets curatoriaux, 6 solo show, une trentaine d’artistes invités, 15 «brunchs du dimanche» dédiés aux enfants, de multiples projets hors les murs et salons internationaux : trois ans après l’ouverture de sa galerie, Karima Célestin s’éloigne de Marseille destination Londres. Mais ne quitte pas le navire définitivement… Explications. Satisfaite de son parcours et des soutiens obtenus dans une ville qu’elle ne connaissait pas, de la visibilité acquise par sa galerie dans le paysage régional et au-delà, Karima Célestin reconnait «avoir été souvent seule à représenter Marseille dans les foires». À présent elle met à profit le terme de son bail pour fermer boutique et se lancer dans un nouveau projet entièrement dédié à la vidéo : «J’ai l’impression d’avoir fait le tour et de ne pouvoir aller plus loin. Ma galerie n’est plus adaptée et j’ai envie de franchir un autre palier. Je ne crois plus au schéma économique classique de la galerie : pour perdurer, il faut être inventif, créer d’autres types de fonctionnement. Administrativement, je garde la galerie et parallèlement je crée une structure, Mira, qui signifie «regarde» en espagnol, pour proposer des services de conservation, de diffusion et de production. Je change seulement de territoire. D’ailleurs je ne vois que du positif dans mon expérience marseillaise, mais aujourd’hui je vise l’international.» Trop à l’étroit donc, dans la galerie et dans la cité phocéenne, elle veut relever le challenge, sans amertume mais avec clairvoyance : «C’est une ville qui a un fonctionnement compliqué, assez clanique. Parfois il n’y a pas de place pour tout le monde, du coup, je suis restée indépendante depuis le début. Marseille a pourtant besoin de galeries privées…» Son départ se fera en douceur car, à la fin de l’été, le salon de dessin contemporain Paréidolie lui a déjà offert une carte blanche : l’occasion de proposer le travail du vidéaste et dessinateur algérien Massinissa Selmani dont l’œuvre, actuellement à la Biennale de Venise, sera à l’affiche de la prochaine Biennale de Lyon. Pour Karima Célestin, c’est déjà l’international ! MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

www.karimacelestin.com


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Hervé Télémaque fait son retour u Centre Pompidou puis au musée Cantini, 2015 est l’année du grand retour d’Hervé Télémaque, né à Port-au-Prince en 1937. «Une façon de réparer une injustice» pour Christian Briend qui souligne la nécessité de «proposer aujourd’hui une vision complète de son œuvre». Précisément à Marseille qui fut la première ville en région à acquérir, dès les années 1970, deux pièces* qui figurent en belle place dans cette rétrospective inédite. Longtemps identifié comme la «figure de proue du mouvement de la figuration narrative», cette appartenance, aussi indéniable soit-elle, a parfois minimisé le caractère politique de l’œuvre et l’engagement de l’homme. D’ailleurs le catalogue s’ouvre sur une citation d’Aimé Césaire extraite du Cahier d’un retour au pays natal… C’est donc en tenant à distance les étiquettes et les mouvements structurants de l’histoire de l’art contemporain que l’exposition s’attache à souligner le sens caché de son œuvre. En huit séquences chronologiques et thématiques, elle révèle l’originalité d’une carrière qui a débuté à New-York en 1957 (au moment du pic du mouvement expressionniste américain) et s’est développée progressivement puis définitivement à Paris autour de deux thèmes récurrents : la politique et la sexualité. Un chemin de vie portée par l’écriture, la littérature, marquée par le déracinement et la maladie ; une curiosité irrépressible pour toutes les expressions embrassées par élans convulsifs, dans d’incessants allers et retours : peinture, collage, «sculptures maigres»,

Hervé Télémaque, Selles comme montagne, 1979, collection [mac]Marseille © Ceter, Ville de Marseille

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qui dénonce «l’ivresse démocratique». «Je viens d’un pays épouvantable où le fait de voter est un geste inhabituel, inconnu. Voter est pour moi une jouissance démocratique. J’aime bien les urnes, j’aime bien les représenter». À près de 80 ans, Hervé Télémaque est plus libre que jamais. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

* Suite à Magritte. Les vacances de Hegel, n°1 et Selles comme montagne

jusqu’au 20 septembre Musée Cantini, Marseille 2e 04 91 14 65 25 www.marseille.fr

À lire Hervé Télémaque, coédition Centre Pompidou-Musées de Marseille-Somogy, 35 euros

assemblages, fusains et peinture encore. Comme ce monumental Fonds d’actualité n°2, créé après le raz de marée électoral de Jacques Chirac en 2002

L’œuvre manifeste d’Alfredo Jaar A

lfredo Jaar n’est pas de ces artistes qui acceptent les compromis : son œuvre est donc bruyante, coupante, exigeante ! Une fois le port de chaussures fermées nécessaire, l’expérience est totale : il faut traverser une mer de tessons de verre pour s’enfoncer, à pas mesurés, dans le monde révolutionnaire de l’artiste chilien, activiste, opposé à la dictature de Pinochet, exilé polyglotte qui défend «le rôle éthique de l’art et de la culture». En 1968, comme de nombreux artistes et intellectuels, Alfredo Jaar croyait changer le monde. Mais la réalité l’a rattrapé : «Nous avons échoué». Aujourd’hui encore séduit par le livre de Daniel Cohn-Bendit Nous l’avons tant aimée, la révolution, il crée une extension du titre «qui suggère une vision nostalgique de

Alfredo Jaar, Magician, caisson lumineux avec film transparent couleur, 1979 © courtesy Kamel Mennour, Paris and the artiste, New York

la révolution» à travers un choix d’œuvres-miroir des révolutions,

des politiques, des bouleversements. Il compose son panthéon d’œuvres d’artistes qu’il admire (Boetti, Clark, Debord, Penone, Weiner…) agrémentées de quelques-unes de ses productions. Et rend hommage aux rêveurs, particulièrement à André Breton, «le pape de cette exposition qui domine la plage de verre cassé». Au fur et à mesure de la traversée, le crissement des tesselles sous les pieds participe de l’expérience tout autant que la difficulté à se déplacer. «Je voulais que le spectateur traverse un espace de désolation, de débris, pour atteindre un espace qui regorge d’œuvres, plein d’imagination et de surprises.» C’est chose faite. Alfredo Jaar nous projette dans le chaos, la violence, l’histoire de la révolution contenus dans 150 tonnes de verre

broyé, et file la métaphore : «Il y a quelque chose de nouveau qui naît de la révolution.» Curieusement, si l’on en juge par les œuvres choisies, les unes de journaux et les photographies, l’arrêt sur images concerne exclusivement les années 70. Puis plus rien. Un trou noir historique que l’artiste explique par «le peu d’artistes actuels engagés dans le combat politique». C’est oublier un peu vite les artistes du bassin méditerranéen qui s’activent depuis le Printemps arabe… M.G.-G.

jusqu’au 10 janvier [mac] musée d’art contemporain, Marseille 8e 04 91 25 01 07 www.marseille.fr



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Une Villa pour l’archi-sculpture À L’Isle-sur-la-Sorgue, la Villa Datris explore les relations ténues entre architecture et sculpture en conviant 100 artistes européens et américains. Des sculpteurs qui travaillent dans un esprit architectural et inversement

«C

haque exposition est une expédition», confie Danièle Kapel-Marcovici. Celle-ci plus qu’une autre puisqu’elle est dédiée à son compagnon disparu en 2013, Tristan Fourtine, architecte et co-fondateur de la Villa Datris. D’où la nécessité, peut-être, d’avoir à ses côtés les commissaires Laurent Baude et Henri-François Dumont, la scénographe Laure Dezeuze, pour dépasser l’affect… Du sol au plafond, de la cave au grenier nouvellement aménagé, jusque dans le jardin bordant la Sorgue, chaque centimètre carré est occupé par les 95 sculptures, 25 maquettes, 19 œuvres monumentales, 4 vidéos et 10 installations in situ. Notamment l’ascenseur extérieur de Daniel Buren, Élévation colorée, que la maîtresse des lieux n’imagine pas, même dans ses rêves les plus fous, pouvoir conserver dans sa propriété ! Dommage car il est du plus bel effet, contrastant par ses lignes géométriques avec le style provençal de la demeure du XIXe siècle. Qu’importe,

Usuyuki, Chantier III, Manuel Merida, installation in situ Villa Datris, 2015 © MGG/Zibeline

il donne le ton à une exposition «monumentale» qui cherche avant tout à mettre en regard les œuvres, à explorer les matières, à faire dialoguer plusieurs générations d’artistes. Figure tutélaire de l’architecture et chef de file du Groupe Espace, André Bloc inaugure le parcours avec ses Sculptures habitacles de 1961-62. Une pensée d’avant-garde partagée par Sonia Delaunay, Nicolas Schöffer, Le Corbu,

et dont Claude Parent sera l’héritier. La visite se poursuit selon un découpage thématique : la séquence «Dans la masse» avec Dubuffet, Chillida et Antti Lovag se lit à livre ouvert tandis que «Vues de l’esprit» et «L’appel de l’infini» ne sont pas très explicites. Monde

Une peinture américaine, deux visions A

près le Grand Palais à Paris, la Collection Fisher fait sa dernière escale européenne à Aix-en-Provence. «Une ultime occasion de voir quelques grands noms de l’art américain issus du San Francisco Museum of Modern Art1» se réjouit son directeur Bruno Ely, rappelant que le musée Granet privilégie depuis plusieurs années l’axe collections-collectionneurs2. Sans oublier d’égratigner à mots couverts l’Hôtel de Caumont tout proche, propriété d’Espaceculture, récemment inauguré avec l’exposition Canaletto : «Au-delà des chefsd’œuvre, nous invitons le public à la découverte car c’est le rôle de notre service public»… Au musée Granet donc, la peinture américaine affiche sa monumentalité et sa diversité, tous mouvements confondus : de l’abstraction naissante aux arts minimal et conceptuel, en passant par l’incontournable pop art. Le chassé-croisé entre la collection de Doris et Donald Fisher, fondateurs des magasins Gap, et les collections permanentes du SFOMA se fait au travers de quatorze icônes planétaires et une sélection de quarante-trois œuvres : Andy Warhol et ses modèles superstars, Alexander Calder qui joue les équilibristes dans l’escalier d’honneur, Roy Lichtenstein jamais à court d’images choc ou Sol

Exposition Icônes américaines, musée Granet, Aix-en-Provence, 2015, salle consacrée aux portraits de Chuck Close © Jean-Claude Carbonne

LeWitt qui se fait discret avec sa Wall Grid blanche sur cimaise blanche. Le plus audacieux dans cet accrochage classique n’est pas l’avalanche de noms emblématiques connus du grand public mais, au contraire, le choix d’artistes plus «confidentiels». En faisant acte de pédagogie, le musée Granet

décuple la curiosité du public et l’entraîne vers des territoires moins familiers comme les vibrations infinies d’Agnes Martin, les pièces minimalistes de Dan Flavin, Donald Judd et Carl Andre habilement rassemblées, les paysages mentaux calligraphiés par Brice Marden ou la palette de rouges et de roses de Philip Guston, l’un des rares plasticiens à véhiculer un discours politique à l’époque de la guerre du Vietnam et des violences racistes. Dans ce parcours haut de gamme, l’espace offert au portraitiste Chuck Close n’est pas usurpée qui, bien avant l’heure, excellait dans la peinture pixellisée. Ses immenses portraits d’Agnes Martin et Roy Lichtenstein (259,4 x 213,4 cm) montrent à quel point un lien d’amitié unissait sa génération. Entre Warhol qui ouvre le bal et Cy Twombly qui clôt le voyage, on traverse à vive allure


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futuriste avec les architectures prospectives de JeanCharles Pigeau ou Etienne-Martin pour la première séquence, esprit zen avec les œuvres numériques ou cinétiques de Betty Bui et Jacqueline Dauriac pour la seconde. Faisant fi des titres de chapitre, on scrute les formes libres et évolutives de Laurent Baude, la tour de Babel en bâtons de mikado de Shigaru Ban, les îles suspendues de La Fratrie ; on reste estomaqué par l’installation mobile de Manuel Merida qui habille un pan entier de mur et ses trois ouvertures… Et l’on s’interroge : qu’y a-t-il de commun entre le Cement Truck de Wim Delvoye et la série nomades de Ralph Bernabei & Carlos Abrecht, entre les Méta-Cités de Miguel Chevalier et l’anti-sculpture de Jean Dewasne ? Réponses dans l’exposition qui télescope les époques, les histoires, les concepts, les techniques, les cultures et révèle les langages propres à l’architecture et à la sculpture, leurs singularités, leurs points de convergence et de divergence. Entre visions idéalistes et préoccupations sociales, évocations du passé et invention du futur. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

jusqu’au 1er novembre Fondation Villa Datris pour la sculpture contemporaine, L’Isle-sur-la-Sorgue 04 90 95 23 70 www.villadatris.com

parallèles l’Amérique des années 60 au début du XXIe siècle. M.G-G.

collection Jean Planque déposée pour 15 ans, collection Burda en 2012, collection Pearlman en 2014 2 le SFOMA ré-ouvrira ses portes en 2016 après trois ans de travaux d’agrandissement et de transformation 1

À voir Icônes américaines, chefs-d’œuvre du San Francisco Museum of Modern Art et de la Collection Fisher jusqu’au 18 octobre Musée Granet, Aix-en-Provence 04 42 52 88 32 www.museegranet-aixenprovence.fr

À lire Icônes américaines Textes de Gary Garrels, Caitlin Haskell, Rachel Jans, Rachel Federman, Sarah Roberts, Neal Benezra (entretien avec Doris et Donald Fisher) coédition RMN-Grand Palais, musée Granet, CPA, 35 euros

Avignon muséifie Chéreau La Collection Lambert installe ses chefs-d’œuvre dans un nouveau musée rutilant et hisse Patrice Chéreau au rang de héros de Sol Lewitt à Cy Twombly, de Basquiat à Barcelo, d’Andres Serrano aux incontournables Nan Goldin, Douglas Gordon, Claude Lévêque… Ici quelques dessins inédits de Lawrence Weiner, là un portrait du jeune Yvon communiant par Yan Pei Ming, plus loin une toile monumentale de Julian Schnabel… et pour compléter, au sous-sol plus intimiste, un amphithéâtre resserré à l’acoustique idéale.

La flamme Chéreau

Etude maquillage de Patrice Chéreau, Moidele Bickel, 1995 © Delphine Michelangeli

I

l en rêvait, ils l’ont fait ! Au vu des difficultés récurrentes à installer sa collection d’art contemporain dans la cité papale, Yvon Lambert qui en 2012 a fait don, moyennant extension, de 557 chefs-d’oeuvre à l’état, avec dépôt permanent à Avignon, osait-il espérer plus belle réussite ? En doublant ses espaces d’exposition, le musée ne trouve aujourd’hui «aucun équivalent en France», affirme Eric Mézil, directeur de la Collection Lambert qui compte désormais 5000 m2 répartis sur les deux hôtels particuliers mitoyens. Ainsi, pour accueillir près de 200 œuvres de la donation, l’ancienne école d’art à l’Hôtel de Montfaucon a été repensée par le cabinet d’architectes Berger & Berger. 18 mois de travaux et un budget de 14 millions d’euros plus tard, le résultat est saisissant !

Pour l’éternité

Des salles aux proportions parfaites avec lumière naturelle zénithale, une cour intérieure cerclée de marbre, une façade et des calades rénovées, une librairie agrandie, deux chambres privatives pour des résidences d’artistes, un dialogue réussi entre monument historique et bâtiment moderne… au service d’«œuvres accueillies dans des conditions optimales, assurées pour l’éternité», se félicite Eric Mézil. Le travail des frères Berger est effectivement remarquable, l’architecture précise s’effaçant derrière la mise en valeur d’une sélection d’œuvres des années 60 au début du XXIe qui se devaient d’avoir leur écrin permanent :

Pour le même ticket d’entrée (10 euros) et pour inaugurer la réouverture de la Collection, l’Hôtel de Caumont réaménagé accueille un sublime hommage à l’icône du théâtre, du cinéma et de l’opéra Patrice Chéreau, en partenariat avec le Festival d’Avignon, où il a créé d’inoubliables pièces (Hamlet en 1988, I’m the wind en 2011, et en 2013, trois mois avant sa disparition, la lecture Coma). En construisant autour de ses archives personnelles (notes, esquisses, correspondance, entretiens filmés) détenues par l’IMEC* un ambitieux parcours transversal, Eric Mézil a composé un musée imaginaire doté notamment de prêts d’œuvres classiques exceptionnelles. Une plongée à tiroirs dans l’univers polymorphe de l’artiste, qui retrace ses engagements politiques, sa passion pour l’histoire, son obsession de la mort, son rapport au corps et à l’amour. Géricault, Goya, David, Picasso, Bacon, Richter, Giacometti, se mêlent à Abramovic, Abdessemed, Adjani en Reine Margot, et témoignent en regard de l’épaisseur foisonnante de son travail. Un personnage hors norme qu’Avignon célèbre avec flamme, même si le financement participatif lié à l’exposition n’a pas abouti faute de dons : le crowdfunding est peu adapté à telle une institution, qui fonctionne avec 60% de subventions. À noter un catalogue chez Actes Sud tout aussi exceptionnel. DELPHINE MICHELANGELI

*Institut Mémoire de l’Edition Contemporaine Patrice Chéreau, un musée imaginaire du 11 juillet au 11 octobre Collection Lambert, Avignon 04 90 16 56 20 www.collectionlambert.fr


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Bonnes vibrations Le Château d’Avignon poursuit son exploration des univers plastiques et sonores. Un projet pertinent qui unit patrimoine et art contemporain mais sans assurance de l’avenir

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ans la continuité du chapitre entamé l’année précédente, c’est un second «domaine des murmures» qui envahit le domaine du Château d’Avignon. Hormis une pièce de Thierry Mouillé dans le hall du château, l’ensemble du parcours se déroule dans le parc et les dépendances. L’artiste se plaît à transformer divers objets usuels en instruments surréalistes par l’adjonction de clairons et cors de chasse. Les Waters Percussions de Mathias Isouard, le Cyclophone de François Cys participent de cet esprit ludique et participatif, Marie Chéné et Pascal Messaoudi ont détourné les commentaires de l’audioguide pour inventer une autre visite, Bertrand Gadenne réanime la vie sonore quotidienne du château, Laurent Gongora dissémine des coucous suisses dans un bosquet. Plus étrange le caisson de Grégoire Lauvin et Peter

Performance de Mathias Isouard lors du vernissage © C. Lorin/Zibeline

Sinclair pour une retranscription des sons captés in vivo sur le domaine, les sons à toucher d’Emmanuel Rivière, les cristallines cymbales en verre soufflé de Dominique Blais réalisées au CIRVA et présentées pour la première fois. Dans le film de Bertille

Bak, Safeguard Emergency Light System, des habitants thaïlandais résistent silencieusement avec des lampes de poche à la destruction de leur immeuble. Dans une

Duo de choc !

L

aureline Galliot et Mathieu Peyroulet-Ghilini jouent tout l’été à Double Play ! à l’espace d’art Le Moulin. Ces deux-là se sont rencontrés à l’Ensci-Les Ateliers* où ils ont reçu les félicitations du jury en 2012, et depuis ils ne se quittent plus, ou presque. L’une «réinjecte des principes issus de sa pratique de la peinture dans son dessin industriel» et conçoit «des objets par amas de matières, de textures et de couleurs» ; l’autre est passionné par la recherche et la théorie en design. Tous deux ont raflé la mise à la Design Parade 2013 à Hyères ! Grâce au Prix du Conseil départemental du Var obtenu cette année-là, Laureline Galliot a pu développer ses recherches (par l’affectation de codes couleurs aux formes, elle compose un nouvel alphabet à partir duquel elle crée le dessin puis l’objet) et produire une série de vases crapauds en céramique et en impression 3D. Lauréat du Grand prix, Mathieu Peyroulet-Ghilini a bénéficié de plusieurs résidences à Sèvres-Cité de la céramique et au Cirva à Marseille. Il a également participé à l’exposition D’Days à Paris et à bien d’autres meetings de premier choix dans le champ du design… Pour Le Moulin, les deux créateurs font mieux que montrer une synthèse de leur travail en cours : ils offrent une série de peintures in situ (à nous de repérer qui a peint quoi

Vue de l’exposition Double Play !, Laureline Galliot et Mathieu Peyroulet-Ghilini, Le Moulin, 2015 © MGG/Zibeline

sur les murs et entre les voûtes ?), réunissent un florilège d’objets-sculptures en verre et suspendent l’énigmatique Marie-Laure en Amérique. Un «mur de Sèvres» réalisé en biscuit et corde par Mathieu

Peyroulet-Ghilini qui, en réponse au thème de recherche imposé par la Cité de la céramique sur les éléments aériens, s’est inspiré


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Art médiumnique proposition un peu littérale mais militante, gethan&myles rendent un hommage aux flamands roses et à leur histoire avec un nid de bannières monumental. La pièce la plus poétique est certainement The Blue Ray (There) de PierreLaurent Cassière. Une brume quasi imperceptible dans la pénombre humide se charge de particules de couleur au contact d’un rayon laser bleu outremer, en même temps que se produisent des grondements basse fréquence. Plongé dans cette matière sonore et visuelle, le spectateur perd peu à peu ses repères spatiaux et temporels. On pense aux installations d’Ann Veronica Janssen ou James Turrell. Les commissaires, Agnès Barruol et Véronique Baton, réussissent une programmation judicieuse qui mériterait des moyens à la dimension du domaine. Mais les trompettes de la renommée semblent souffler un autre vent. CLAUDE LORIN

Le domaine des murmures jusqu’au 4 octobre Domaine départemental du Château d’Avignon, Les Saintes-Maries-de-la-Mer 04 13 31 94 54 www.chateaudavignon.fr

des «murs» de Marie-Laure de Noailles conservés dans son hôtel place des États-Unis à Paris ! En contrepoint aux peintures et aux objets, une vitrine recèle des trésors : carnets de dessins, épures, croquis, planches colorées et annotées, aquarelles, maquettes… Des essais chromatiques, des explorations de formes, de lignes, des travaux de recherche autour du tableau de Sonia Delaunay, La Finlandaise, qui inspire à Laureline Galliot un «ipad.drawing». Chacun à sa façon relit le patrimoine avec pertinence et inventivité en optimisant les techniques actuelles, ici pour travailler sur la fragilité, la résistance et la tension, là pour «produire un modèle duplicable plus qu’une pièce unique». MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

* École nationale supérieure de création industrielle, Paris

Double Play ! jusqu’au 20 septembre Espace d’art Le Moulin, La Valette du Var 04 94 23 36 49 www.lavalette83.fr

Aux Rencontres de la photographie d’Arles, à partir des archives personnelles de Tony Oursler, Impondérable nous entraîne dans les méandres du paranormal

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ommanditée par la Fondation LUMA de Maya Hoffmann, l’exposition prend place dans la thématique des Étranges collectionneurs qui explore des collections singulières, extensions particulières du médium photographique. Depuis les années quatre-vingt-dix, influencé par l’intérêt de son grand-père pour l’univers de l’occultisme et l’ésotérisme, l’artiste américain Tony Oursler poursuit la collecte de toutes sortes de documents et objets sur le sujet, pour certains remontant au XVIIIe siècle. Le catalogue réalisé pour cette exposition en présente pour la première fois toute la richesse, notamment à propos de la photographie spirite du XIXe siècle, ou ces images censées apporter la preuve de l’existence des ovnis, voire figurer la pensée. Le film autant fascinant qu’insupportable d’effets en surimpressions fantomatiques, développe une fiction inspirée de la vie de Fulton Oursler, le grand père de l’artiste, ami du célèbre magicien Houdini et grand dénonciateur des supercheries médiumniques. L’exposition comprend aussi une vaste salle conçue comme pour la consultation documentaire. De nombreux exemplaires du catalogue occupent tout un mur/bibliothèque. Sur de grandes tables sont déposées des piles d’un dépliant format poster détaillant le synopsis du film. Plusieurs écrans colorés transparents et des casques d’écoute complètent le dispositif entre lesquels le visiteur se trouve partagé. Car ici le travail sur les archives se met en scène, crée un nouvel espace de fiction malgré les tentatives pour glaner ça et là des informations tangibles. Dans la présentation liminaire du projet, nous étions avertis : «Impondérable suggère l’idée de ce qui ne peut être déterminé avec précision.» Tout comme pour Time Capsules, la précédente exposition du musée d’art contemporain de Marseille qui mettait en évidence les archives d’Andy Warhol, c’est la question de la nature même de l’œuvre artistique qui est interrogée ici à partir de la notion d’archive. De toute évidence sans réponse définitive. C.L.

Impondérable jusqu’au 20 septembre Les Forges, Parc des Ateliers, Arles www.luma-arles.org Tony Oursler, Impondérable, détail de l’installation, Arles, 2015 © C.Lorin/Zibeline


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Photos à thèmes À Arles, de la photographie festivalière, on ne peut pas tout voir, ni tout retenir... mais on y revient !

S

ans être renversantes, à l’inverse de la communication affichée, ces 46es Rencontres bénéficient d’un repositionnement vers des relations apaisées entre les acteurs arlésiens à la faveur de son nouveau directeur, Sam Stourdzé. Ainsi pas de révolution dans une capitale dirigée par un maire communiste. Tout pour le bien du peuple, sauf les tarifs. La réduction du nombre de lieux et d’expositions n’a pas franchement entamé l’intérêt des Rencontres confortées et amplifiées par les manifestations partenaires, le Off et la myriade de projets non officiels. Cette édition 2015 s’est recomposée autour de sept grandes thématiques au lieu d’une seule auparavant. Une manière de multiplier et cibler les champs de questionnement. Walker Evans et Stephen Shore au chapitre émouvant de la grande histoire sont en mode Relecture. Architecture, cinéma et musique appellent des Résonnances -gageons que les arts plastiques pourtant fortement imbriqués avec la photographie relèvent pour cette fois-ci d’un oubli passager-. Improbable et donc alléchant, le duo Martin Parr/Mathieu Chédid ne tient pas ses folles promesses dans un dispositif à vivre qui reste sympathique. En affichant leur part de contestation des grands pouvoirs économiques en place, les tirages impeccables de Paolo Woods et Gabriele Galmberti paraissent trop beaux dans leur Paradis grand format. Plus introspective, Pauline Fargue élabore un univers intime entre écriture et photographie, recueilli notamment dans des livres-objets. À l’église Sainte-Anne, l’alchimiste des images, DaisukeYokota fusionne encre et cire chaude comme pour dissoudre le photographique dans une vision charbonneuse.

Édition

On notera particulièrement cette année teintée de changements tout en continuité, la part croissante accordée au livre, média privilégié pour l’expression et la diffusion de la photographie, et, par ailleurs, le nombre d’expositions ayant de plus en plus souvent recours à des collections ou archives. En témoigne la thématique Arles Books, par l’accroissement des espaces et les prix en faveur du livre dont le tout nouveau Luma Rencontres Dummy Book Arward qui récompense la meilleure maquette à hauteur de 25 000 euros. Préoccupations partagées, mais de leur côté à la Bourse du Travail, par six éditeurs

Antoine d’Agata, au Palais de Luppé pour la parution de Désordres, Arles, 2015 © C.Lorin/Zibeline

Installation de Mo Yi, Fondation Manuel RiveraOrtiz, Arles, 2015 © C.Lorin/Zibeline

invités de Regards et Mémoires regroupés sous la bannière militante Summertime.

Collections

Avec le programme associé et le Off, une bonne douzaine de projets au moins mettent en avant les richesses de collections et d’archives publiques ou privées. D’évidence, ces expositions convoquant des fonds particuliers, favorisent la découverte de l’histoire ou un axe singulier de la photographie. Des séries composées souvent autour d’un sujet quasi

obsessionnel : un ours blanc, des adeptes du blackface (collection Jean-Marie Donat) ou le sphinx de Giseh sous toutes ses représentations depuis Gustave Le Gray (collection Wouter Deruyetter). Total Records à l’Atelier des forges est une exploration pleine d’enseignement sur les enjeux de la photographie dédiée -ou soumise- aux communicationnel des pochettes de disque vinyles.


C’est en tant qu’artiste que Tony Oursler structure depuis des années son œuvre autour de la figure grand-paternelle et les phénomènes surnaturels. La collection de la MEP (Maison Européenne de la Photographie) accompagnée d’un imposant catalogue retrace la création photographique internationale depuis les années 1959. Au musée Réattu, Oser la photographie puise avec plus de deux cents clichés dans un corpus de cinq mille images incluant notamment la collecte des Rencontres déposée depuis leur création par Lucien Clergue. Là aussi le catalogue constitue un précieux prolongement.

Pauvreté

Par le recours à la collection, ne peut-on voir aussi le signe d’une alternative à l’abaissement des moyens, car moins complexe et onéreuse à présenter que le financement de projets de création ? Il y aurait-il aussi une tendance vers une monstration pauvre comme il existe un «art pauvre», celui-là participant d’un choix esthétique et non d’une nécessité ? On a pu voir se développer le principe des tirages scotchés, épinglés ou collés directement sur les murs, dans des lieux de monstration autres que la rue. C’est cette forme d’expression qui a été choisie avec une certaine pertinence pour la sortie du dernier ouvrage d’Antoine d’Agata, Désordres, pour les Voies Off au Palais de Luppé (ancienne Fondation Van Gogh), ou pour un hôtel particulier défraîchi du centre ville investi par la Fondation Manuel Rivera-Ortiz avec notamment l’artiste chinois Mo Yi dans l’exposition collective Eyewitness. Au Cap, un nouveau lieu à découvrir, Field Effects, commissarié par Laura Marsch-Khin, entreprend les marges poreuses de la photo avec les autres pratiques artistiques peinture, graff, fanzine, image numérique... À l’Atelier du Midi, qui joue de mises en espace à chaque fois plus inventives, Graziano Arici propose une sélection de son impressionnante collection (près d’un million d’archives!). À ses commandes «people», on préfère ses recherches vraiment personnelles avec le polaroid à la limite de l’abstraction ou celles issues de son Smartphone, plus poétiques entre flou et obscur. De son côté, Serge Assier rend un dernier hommage à Lucien Clergue à qui cette 46e édition des Rencontres est dédiée mais sans y associer un événement particulier. La photo peut être bien pauvre parfois. CLAUDE LORIN

46es Rencontres de la photographie, Arles La semaine d’ouverture a eu lieu du 6 au 12 juillet Expositions jusqu’au 20 septembre www.rencontres-arles.com www.luma-arles.org www.museereattu.arles.fr www.regardsetmemoires.com www.mrofoundation.org www.field-effects.com


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Raphaëlle Paupert-Borne et Fabrice Lauterjung

Du travail de peinture de Raphaëlle Paupert-Borne au cinéma de Fabrice Lauterjung, Fugitive beauté fait remonter à la surface des images. Intemporelles comme celles créées par Raphaëlle Paupert-Borne au fil de sa vie et de ses voyages (lire à ce propos Rome, paris, Constantine aux éd. Analogues) ; saisissantes dans leur brièveté comme celles de Fabrice Lauterjung, habitué du FID, dont on découvre ici l’œuvre peinte. M.G.-G. Fugitive beauté jusqu’au 31 juil Galerie Béa-Ba, Marseille 7e 09 67 25 68 89 www.galerie-bea-ba.com © Raphaëlle Paupert-Borne, Ben, Raphaele et Alexandre (série Abeille et Calin), encre de chine sur papier peint, 130 x 159 cm

François de Asis

Le parcours Métamorphose du lieu, la peinture de paysage invite à découvrir ou revoir les peintures et dessins de François de Asis inspirés tout particulièrement par les sites aixois. Le Barrage Zola, la route de Lagnes, Saint-Marc-Jaumegarde, la cathédrale Saint-Sauveur sont revisités à l’Atelier de Cézanne, l’Office de tourisme, la Bastide du Jas de Bouffan et la galerie Vincent Becker. C.L. Métamorphose du lieu, la peinture de paysage jusqu’au 20 sept Divers lieux, Aix-en-Provence 04 42 21 06 53 www.atelier-cezanne.com François de Asis, Pinède à Saint-Marc-Jaumegarde, huile/toile, 92x75cm, 2010 ©Yoan de Asis

Yigit Yazici

À l’issue d’une résidence de création dans l’entreprise Pébéo, appréciée des artistes qui puisent dans leur stock de couleurs, l’artiste turc Yigit Yazici expose ses travaux inspirés de son expérience à Gémenos. Des peintures colorées et foisonnantes, aux lignes nerveuses, où se chevauchent objets (truck, moto), paysages (ville ou intérieur), corps féminins dénudés et graffs. Une évocation bouillonnante de la vie quotidienne. M.G.-G. Fountain jusqu’au 16 oct Espace Pébéo, Gémenos 04 42 32 08 08 www.pebeo.com Détail oeuvre de Yigit Yazici, Espace Pébéo, Gémenos, 2015 © X.D-R

Serge Plagnol

L’abbaye de Silvacane accueille les peintures récentes de Serge Plagnol réalisées en écho avec le monument. Les neuf Suites pour Silvacane-Intérieur/Extérieur sont complétées par des œuvres plus anciennes, notamment au format carré, figure hautement symbolique dans la pensée cistercienne. L’œuvre de l’artiste sera mise en résonance avec le lieu lors de lectures de Christian Garcin le 29 juillet et une conférence d’Yves Esquieu en septembre.
C.L. Suite pour Silvacane-Intérieur/Extérieur jusqu’au 30 sept Abbaye de Silvacane, La Roque d’Anthéron 04 42 50 41 69 www.abbaye-silvacane.com Serge Plagnol, Suite pour Silvacane, Intérieur Extérieur, vue partielle, 2015 © Jean-François Puech



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Gilles Aillaud

Importante rétrospective consacrée à Gilles Aillaud, le peintre révolté du Salon de la Jeune Peinture et figure majeure de la Figuration narrative était aussi philosophe, dessinateur, graveur, scénographe, écrivain et poète. L’exposition retrace son œuvre de 1928 à sa mort prématurée en 2005, développée dans un conséquent catalogue aux éditions Somogy. C.L. jusqu’au 30 août Musée Estrine, Saint Rémy-de-Provence 04 90.92.34.72 www.musee-estrine.fr

Eléphant après la pluie, 1991, Huile sur toile, 200 x 260 cm Collection Marie Aillaud © Droits réserves/Archives Galerie de France ©ADAGP, Paris, 2015

Nicolas Rubinstein

L’œuvre de Nicolas Rubinstein, étroitement liée aux notions d’ossature, d’anatomie, de structures, désosse les êtres -le crâne- et le monde -la cartographie- pour en révéler le sens caché. Dans Shadow Play à la galerie Porte-Avion à Marseille (voir Zib’77), il mettait au jour ses machines volantes et autres mécaniques improbables. Aujourd’hui au Cairn, il entrelace de nouvelles histoires et déroule les fils de sa pensée : ce qu’il appelle le «globe vertébré». M.G.-G. Quand j’aurai du vent dans mon crâne jusqu’au 27 sept Cairn centre d’art, Digne-les-Bains 04 92 31 45 29 www.musee-gassendi.org

© Nicolas Rubinstein, Le Globe (globe terrestre vertébré), 2012, plastique sur globe terrestre, 40 x 30 x28 cm

Tour de chauffe

Les artistes fondateurs du réseau varois C’est bien parti ont décidé de faire leur premier tour de piste dans l’atelier-galerie du photographe Gilles Boudot, La Porte étroite, à Toulon. Un départ sur les chapeaux de roue pour, notamment, Christiane Ainsley, Michel Muraour et Thierry Azam qui exposent des pièces inédites ou réalisées in situ explorant les champs de la rotation, de l’énergie et du geste. M.G.-G. jusqu’au 8 août Galerie La Porte étroite, Toulon 06 81 74 11 50 © Christiane Ainsley, L’histoire se répète la flammèche qui déclencha le clash, 2004-2013

Géométries belges

L’art abstrait a connu un des ses foyers les plus actifs en Belgique. Avec cette première rétrospective, Fabienne Grasser Fulchéri propose un panorama de l’art géométrique belge des années vingt à nos jours, des pionniers comme Michel Seuphor, les continuateurs Jo Delahaut, Pol Bury... et Ann Veronica Janssens, Bas Ketelaars, Pieter Vermeersch. 
C.L. L’abstraction géométrique belge jusqu’au 29 nov L’Espace de l’Art Concret, Mouans-Sartoux 04 93 75 71 50 www.espacedelartconcret.fr

Léon Wuidar, 25 carrés rouges ou bleus, 1981 Huile sur toile 122 x 122 cm Collection de la Banque nationale de Belgique © BNB - Patrick Van DenBranden



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Rêver les châteaux

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et été, le Château de Tarascon accueille la riche exposition Si les châteaux m’étaient contés…, concoctée par le Centre des Monuments Nationaux et réorchestrée dans les salles de l’ancienne demeure du Roi René par la dynamique équipe des Affaires culturelles de Tarascon. Au fil des escaliers en colimaçon, on la découvre en même temps que le vrai château (dont la visite guidée est passionnante) déclinée en trois mouvements qui permettent d’appréhender le château légendaire, puis féérique, enfin mystérieux comme une forme essentielle de la structuration de notre imaginaire. Le château merveilleux naît avec le Moyen-Âge. Les enluminures et leur refus de proportions réalistes convoquent fées, magiciens, chevaliers, toujours preux, dames évidemment en péril. BD, légos, livres pop-up, cinéma, jouent encore de cette imagerie médiévale à la fois naïve et source inépuisable d’aventures, qu’exploite la fantasy à partir des années 50 avec Le Seigneur des anneaux de Tolkien. Puis ce sont les jeux de rôle comme Donjons et Dragons qui s’emparent de ce médiéval fantastique. Le visiteur plonge dans la remémoration de lectures, de jeux, avant de se délecter des châteaux féériques, de Gustave Doré à Walt Disney. La végétation reprend souvent ses droits dans ces lieux où attend une Belle endormie. Les contes rappellent que le temps existe, et que les constructions humaines sont éphémères… mais propices au mystère. Dans une chambre retirée, un château de sable (sic) dresse ses tours dans l’ombre parcourue de sang et de fantômes… Ouverture au roman gothique (XVIIIe en Angleterre) avec sa théâtralisation de l’angoisse, multipliant méandres et lieux secrets, en préfiguration du genre fantastique. Brumes, orages, silhouettes de monstres… l’iconographie

Cendrillon Jessica Maertens © CMN

est là encore d’une richesse quasi inépuisable, du Burg de Victor Hugo, mis sous cloche, comme dans un cabinet de curiosités au château de Poudlard… sans compter les extraits de films muets (de Capellani à Méliès), les jeux numériques… «La culture populaire, les films, parlent toujours de notre patrimoine» (Camille Vinatier). Le patrimoine matériel tisse, avec notre imaginaire, notre mémoire et ce que nous sommes. MARYVONNE COLOMBANI

En regard de l’exposition, voir également le travail de Mathieu Faury (voir Zib’86) Si les châteaux m’étaient contés… jusqu’au 31 octobre Centre d’Art René d’Anjou, Tarascon 04 90 91 01 93 www.chateau.tarascon.fr

Beverly Hills arlésien L’Inrap et le Musée départemental Arles antique mettent au jour un site romain exceptionnel à La Verrerie

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n ensemble de fresques du 2e style pompéien (en trompe l’œil), rarissime en Gaule, et des représentations exceptionnelles de personnages, offre ses couleurs vives, jaunes, ocre, cinabre, ses colonnes, ses marbres… Un puzzle géant, émouvant, rappelant la Villa des Mystères, mais qui n’est pas cependant l’essentiel ; une architecture se dessine, ainsi qu’une histoire qui bouscule ce que l’on savait, repoussant l’occupation de la rive droite d’Arles au 1er siècle av J.-C. Les deux archéologues Julien Boislève et Alain Genot baptisent ce quartier antique «Beverly Hills arlésien», et se réjouissent de la campagne de fouilles programmées. Pour obtenir l’agrément du ministère, rare, une continuité de la chaîne opératoire est exigée, du premier geste de fouille

à la présentation muséale. «Le geste technique est essentiel dès l’instant de la découverte, insiste Xavier Delestre, directeur du service de l’archéologie de la DRAC, sinon on détruit le patrimoine en même temps qu’on le met au jour». Le site arlésien de la Verrerie, situé sur la rive droite du Rhône, à Trinquetaille, bénéficie donc d’une campagne triennale, de 2014 à 2016, et met en œuvre un chantier sur place. Il faut ensuite rendre compte des fouilles, inventorier, interpréter, documenter, reproduire, dessiner, photographier, restaurer ensuite, et intégrer ce qui est le plus signifiant dans les collections du musée. Claude Sintès, directeur du Musée Bleu, ainsi qu’Alain Charron, conservateur en chef, réfléchissent déjà à

des expositions intermédiaires qui présenteront les étapes de travail et initieront à sa méthodologie. Car il faudra dix ans pour tout traiter, avec déjà plus de 500 caisses de fragments extraits du site et sans doute plus d’un millier, fin 2016 ! Ce n’est qu’alors que le travail de reconstitution pourra vraiment commencer explique MariePierre Rothé, responsable scientifique de l’opération archéologique. Et quel travail ! Un pan de l’histoire d’Arles se dévoile… et le musée devra encore se repenser. MARYVONNE COLOMBANI

Durant toute la durée du chantier, visite du site archéologique de la Verrerie tous les mercredis Arles, maison romaine de la Verrerie, Ier s. av. J.-C., personnage jouant d’une sorte de harpe © Julien Boislève, Inrap-Musée départemental Arles antique

Musée départemental Arles antique 04 13 31 51 08



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Vivre malgré la mort…

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t parler Après le silence. C’est ce que fait Louis Catella, le narrateur principal du premier roman de Didier Castino. Dans un long monologue adressé à son plus jeune fils, l’ouvrier entré à treize ans aux Fonderies et Aciéries du Midi raconte sa vie, inséparable de cette «putain d’usine». «J’ai vraiment existé à partir de l’usine, comme si je venais d’elle», déclare le père à son fils dès les premières pages du livre. Une existence d’ouvrier donc, rivée à un travail qu’on aime mais qui épuise, marquée par le manque d’argent qui oblige à toujours remettre les projets à plus tard. Racontée sans fard, mais avec pudeur, comme un père parlerait à son fils. Ce pourrait être une chronique sociale, une petite histoire de la classe et des luttes ouvrières des années 1960-70. Le récit pourrait aussi s’apparenter à une chronique familiale, l’histoire du couple amoureux que forment Louis et Rose, de leurs trois fils, des dimanches à la campagne sur un bout de terrain prêté, des vacances en Savoie, de la famille et des amis, des Ami 8 et du certificat d’études… Un univers à la Guédiguian, où l’on trime, mais où l’on sait boire et s’amuser ; un monde rude mais solidaire et réconfortant. Sauf que le roman de Castino sort assez vite de ces chemins-là. Car «par une belle matinée d’été», le 16 juillet 1974 précisément, Louis Catella

meurt, broyé par le moule qu’il allait couler et qui s’est décroché du pont roulant. Il a quarante-trois ans, le fils auquel il s’adresse sept. Le récit prend alors une intensité nouvelle, étant désormais pris en charge par un mort. Un mort que tout le monde, Rose en tête, ne cesse d’ériger en modèle. Et qui continue de parler, de tout voir, de suivre sa famille : l’évolution des garçons, le deuil sans fin de Rose, les hommes qui ont tenté de le remplacer -frère aîné, médecin de famille, amis-. Comme une présence inamovible, une espèce de statue du Commandeur, dont le fils cadet a eu bien du mal à se défaire, d’autant qu’on lui a «confisqué» les obsèques du père (où était-il au moment de l’enterrement ? Tout le monde l’ignore). De fait, c’est lui qui prend la parole, lui qui a fait des études, qui sait choisir ses mots, qui ne mène pas, mais pas du tout, une vie d’ouvrier. Dans la dernière partie du livre, le «je» devient le sien. C’est lui désormais qui parle «après le silence». Pour dire le manque, la honte, les injonctions contradictoires, la colère et tout l’amour qu’il a pour ce père trop tôt disparu. Pour perpétuer la légende, car en définitive «seuls nos récits existent». Un hommage rageur et sensible à un working class hero méconnu… et au pouvoir de la littérature.

Après le silence Didier Castino Éditions Liana Levi (en librairie le 20 août) Rendez-vous en septembre avec l’auteur dans une librairie marseillaise

FRED ROBERT

La Mort fonctionnaire

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n avait beaucoup aimé la fantaisie maîtrisée d’Isaka Kôtarô dans La Prière d’Audubon ; la lecture de La Mort avec précision (titre bancal tout à fait dans le ton de ce «roman» inclassable) laisse une vague impression d’inachevé, de presque rien et d’à quoi bon dont on constate mystérieusement qu’elle vous poursuit assez longtemps pour donner envie de feuilleter de nouveau les 405 pages de ce récit à la première personne porté par un narrateur qui prend son temps ; il faut dire que c’est la Mort en chair, en os, en «petite voiture beige», parfois en vieux, parfois en jeune -la mort ça se grime- qui raconte ses descentes chez les humains ; Chiba -ainsi se nomme-t-il ce petit dieu aux mille avatars- doit évaluer scrupuleusement si son client est apte à quitter la vie ou peut être «ajourné» selon la fluide traduction de Corinne Atlan ; la précision évoquée dans le titre n’est donc pas celle de la flèche ultime mais qualifie la méthode d’investigation de cet inspecteur pas comme les autres dans ses enquêtes froides «je m’en occupe parce que c’est mon boulot» qui le conduisent dans tous les milieux sans exception. On

retrouve ici bien sûr comme chez Haruki Murakami le réalisme magique en plus nonchalant, l’omniprésence de la musique, les échos du monde dit «occidental» mais le rapprochement ne vaut que pour apprivoiser cette littérature japonaise nourrie au trait libre des mangas, à la violence factuelle des faits divers et à l’humour décalé de la parodie. Tendresse, pudeur, mélancolie, humanité touchante et profonde empathie avec les vivants baignent l’air de ne pas y toucher les six chapitres (?), en fait six courtes nouvelles qui nous conduisent d’un salon de coiffure à un autre, d’un fidèle yakuza à des assassins en famille, d’un hôtel isolé dans la neige à une boutique de mode ; la pluie et les intempéries sont le seul attribut constant (avec la mélomanie) de notre héros détaché qui en devient attachant. La fadeur éprouvée alors devient la composante d’un plaisir de lecture au-delà du divertissement, petit clin d’œil à notre condition d’êtres éphémères et invitation à ne pas bouder cette fiction hybride et populaire qui ne manque pas d’élégance. MARIE-JO DHO

La Mort avec précision Isaka Kôtarô Éditions Philippe Picquier, 22,50 euros




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