Zibeline n°54

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un gratuit qui se lit

N째54 - du 18/07/12 au 12/09/12



Politique culturelle Marseille Provence 2013 Le MuCEM La Marche pour l’égalité La culture libre, le forum de l’illettrisme, Amnesty International, Dédé Nobili

4, 5 7 8, 9 10, 11

Festivals Avignon Avignon Off Vaucluse en scène, La Friche, Salon Ollioules, Vaison, Avignon Festival de Marseille, Klap Musique actuelle, jazz Jazz, arts de la rue Musique actuelle, du monde Aix, Orange Pays d’Aix, Bouc-Bel-Air, Durance Luberon Autour des claviers, Silvacane Lambesc, Mus’iterranée, Toulon Musiques Interdites, Télémaque

12, 13 14, 15 16 17 18, 19 20 21 22, 23 24, 25 26 27 28 29

Au programme Musique Danse, arts de la rue Cinéma

30 à 40 41 42, 43

Cinéma Le Fid Le cinéma israélien La Buzine, films

44, 45 46 47

Musique Disques

48, 49

Livres Rencontres Littérature Histoire, patrimoine Patrimoine, art Art

50 51 à 55 56 57 58, 59

Au programme Rencontres Arts visuels Arles photo Art-O-Rama, Marseille expos MAC, Château d’Avignon Voyons Voir, Sextant et plus Avignon, Cavaillon Var Apt, Volx

60, 61 62 à 64 65 66 67 68 69 70 71

Philosophie Le travail

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Le luxe et les colonisés Il n’y a plus d’argent ! répète-t-on. Les travailleurs de la culture touchent des cachets et des indemnités misérables, ou des salaires très en dessous de ce qu’ils obtiendraient, à compétences égales, dans d’autres secteurs… Mais voilà que les cocktails et buffets se multiplient, que les galeries flattent les collectionneurs, et que les productions dans les grands festivals atteignent des coûts inégalés. Car le public international fréquentant notre région l’été est manucuré, coiffé, parfumé avec cette élégance naturelle aux riches… pas ceux qui s’endimanchent pour sortir, non, ceux qui tous les jours, depuis toujours, savent s’habiller. En quoi se transforme donc notre région l’été, visitée et conquise par les usagers d’une culture festivalière qui ne fait aucune place à ceux qui vivent ici, jamais sur les scènes, et de moins en moins dans les salles ? Faut-il quand on est pauvre faire le dos rond, visiter les petits festivals résistants et attendre la rentrée ? Impossible ! L’épidémie gagne, traiter les gens d’ici en indigènes est contagieux, cela persiste durant l’année ! Lorsque les programmateurs, nommés par l’État, oublient la production régionale ; lorsque les responsables politiques lient avec un pragmatisme désarmant les intérêts du commerce touristique et ceux du marché culturel ; et lorsque la presse parisienne, qui ne vient jamais en «province», se prétend nationale, et attend que la création régionale vienne à elle : «envoyé spécial à Aix», signent les critiques des quotidiens qui, s’ils étaient nationaux, devraient être ici… chez eux ! Depuis 50 ans les Grands Festivals, tous situés dans des villes très à droite, ont donné l’occasion aux habitants de la région d’assister à des spectacles exceptionnels venus d’ailleurs. Une chance, indéniablement, qu’ils payent cependant avec toutes les strates de leurs impôts. L’argent public doit-il partir en décors dispendieux, cocktails, soirées privées et prestations sélect ? Doit-il atterrir dans la poche des chaînes hôtelières de luxe, ou dans celles trop vides des artistes, auteurs, travailleurs de la culture ? Eux seuls pourraient ramener vers les arts et la pensée les citoyens de nos contrées qui, aujourd’hui, votent massivement en ensuqués… AGNÈS FRESCHEL

Patrimoine Entrecasteaux, Vaison Les portes du temps, les Journées du patrimoine

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Horizons Lyon, Nantes La Croatie

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MARSEILLE PROVENCE 2013

Ce que finance la Capitale Zibeline : Pouvez-vous nous préciser quels sont les différents niveaux d’aide financière octroyés par l’association MP2013 ? Ulrich Fuchs : Ils sont de trois types : les productions, qui ne sont pas nombreuses, et que nous finançons donc totalement. Ce sont par exemple la cérémonie d’ouverture en janvier, la transhumance, le GR, les grandes expos sur le J1. Puis il y a les coproductions, plus nombreuses, auxquelles nous apportons entre 30 et 40%. Ce sont de très grosses opérations, comme l’exposition de l’Atelier du midi coproduite par les Musées Granet et Longchamp, ou des Festivals comme la Roque d’Anthéron, mais cela peut être aussi de petites expositions, comme celle des Enfants d’Abraham coproduite par le Centre Fleg, l’Union des familles Musulmanes et celle des Eglises. Une exposition au Conseil Général que nous coproduisons à hauteur de 20000 €. La plus petite coproduction est de 5000 €. Combien y en a-t-il et quelle somme représententelles ? Les coproductions sont pour l’heure au nombre de 516. Elles sont réparties sur tout le territoire. Chaque collectivité y retrouve ce qu’elle a investi ? Oui, c’est à peu près l’idée, il faut équilibrer les territoires : même si les projets arlésiens par exemple nous semblent particulièrement nombreux et intéressants, on ne peut tous les coproduire, cela déséquilibrerait la capitale. Il y a un comité de pilotage territorial qui veille à cela. Quelle est la part de son budget que MP2013 consacre à la production ? 60% des 91 millions, soit 54 millions et demi. C’est dans la moyenne de ce que font les Capitales Européennes : 58% à Liverpool, 62% à Linz. J’espère parvenir à augmenter un peu ce pourcentage, et donc la somme consacrée à la production. Mais le budget communication est particulièrement bas : 11 millions, alors qu’à Linz, pour une ville de 200 000 habitants, il s’élevait à 17 millions. On ne pourra donc pas le diminuer.

Après le Conseil d’Administration qui a fixé la liste des projets retenus par Marseille Provence 2013, Ulrich Fuchs, directeur adjoint de la capitale culturelle, en explique les diverses modalités

Le 25 juin le CA a également voté à l’unanimité une liste de 383 projets labellisés sans production. Qu’est-ce que cela signifie ? Que ces projets ont été retenus dans la programmation de la Capitale, et que s’ils signent la charte ils bénéficieront de la communication de MP 2013, s’ils le veulent d’une convention de billetterie. D’autres projets n’ont pas été labellisés parce qu’ils ne correspondaient pas aux principes de la Capitale. Est-ce que vous comprenez que cette labellisation sans apport financier mécontente grandement les compagnies de la région, qui se plaignent d’ailleurs de se voir préférer des moutons et des chevaux ? Oui, mais il n’a jamais été question d’apport financier pour les projets labellisés. Monsieur Chougnet, lors de l’interview qu’il m’avait accordée en avril, avait assuré que les projets labellisés sans apport financier seraient peu nombreux, et essentiellement concentrés sur des initiatives privées qui n’avaient pas besoin de production de la Capitale. C’est un malentendu : les projets labellisés béné© ficieront de notre soutien et de notre apport en SX C /L communication, ce qui est une aide finanind av cière importante. Au final le public ne an Kla saura pas ce qui est produit, cove ren produit ou labellisés, tout fera partie du projet. Mais certains projets parmi ces 383 ne pourront se réaliser sans financement. D’autant que, malgré leur engagement initial à ne pas baisser les subventions de fonctionnement de la culture, les collectivités, de l’État aux Villes en passant par la Région, ont toutes opéré des coupes plus ou moins importantes, en particulier pour financer les investissements liés à MP013 ou au MuCEM. Et que tout le mécénat se concentre aussi sur ces gros investissements, mettant en danger la production régionale. Oui. Cela est évidemment un fort obstacle à la réussite de Marseille Provence 2013. Nous savons que certains projets labellisés ne vont pas avoir


Culturelle lieu, que des compagnies porteuses de projets intéressants vont devoir renoncer, la liste n’est d’ailleurs pas arrêtée. Chaque jour nous intervenons auprès des collectivités et de la DRAC pour qu’elles maintiennent leurs engagements envers les artistes de la région. Mais surtout, si les collectivités ne comprennent pas que l’année capitale doit avoir un effet d’accélérateur –le territoire était particulièrement en retard en termes d’équipements culturels- si elles n’augmentent pas après 2013, de façon conséquente, les budgets de fonctionnement de ces équipements, rien ne pourra persister ensuite. À Linz l’augmentation a été de 25% après la capitale. Il faut absolument prévoir non seulement de maintenir les budgets de chacun, mais une augmentation minimale de 10% sur la totalité des budgets de fonctionnement. C’est un effort nécessaire. Ne pensez-vous pas qu’il y a aussi des erreurs dans la programmation de la capitale ? qu’il y a trop peu de spectacles, en particulier de théâtre, et trop d’expositions, voire trop peu d’artistique et beaucoup de sociétal, depuis la cuisine jusqu’à la randonnée ? C’est un reproche qu’on entend souvent de la part des artistes ! Nous avons quelques regrets, en particulier pour le temps jeune public que nous ne pouvons financer comme nous le désirions parce que nous avons perdu un partenaire. Mais il s’agit d’une capitale culturelle, et non d’une capitale des arts, faite avec de l’argent public, qui doit donc concerner le public et le territoire. Par nature les spectacles rassemblent moins de public que les expos ou les arts de la rue, et les arts de vivre concernent tout le monde et non les happy few de la culture. Si nous avons fait des erreurs, c’est dans la phase de candidature : on a trop promis, et la précarité particulière du milieu artistique de la région a donné lieu, durant trop longtemps, à trop d’attente, que nous n’avons pas pu fertiliser. La capitale culturelle n’apporte que 10% de moyens supplémentaires à la culture sur le territoire, nous savions dès le départ que nous ne pourrions tout seuls compenser les manques. Et puis ce n’est pas une capitale provençale de la culture, mais européenne, ou euroméditerranéenne. Les artistes d’ici ne sont pas le cœur du projet. Qui risque pourtant d’appauvrir ce qui existait auparavant. Non, une dynamique est mise en place, en particulier au niveau du mécénat, qui persistera après 2013, si les collectivités veulent prendre le relais des ateliers de l’euroméditerranée, ou de certains événements que nous produisons… Certains territoires s’impliquent particulièrement, de façon nouvelle… le G6 comme nous les appelons. C’est-à-dire ? Gardanne, Aubagne, Martigues, Arles, Salon et Istres, qui veulent continuer à travailler ensemble. Les nouveaux territoires associés (Miramas, Port-Saint-Louis, les Alpilles ndlr) qui sont encore en phase de programmation. Les grands projets transversaux sont aussi fédérateurs, comme la Folle Histoire des arts de la rue, ou le projet Ulysse du Frac, et les artistes méditerranéens trouvent ici une place particulière. Chacun prend conscience que la culture est un outil de développement. Faire de petites économies qui affaiblissent les acteurs culturels n’a pas de sens… ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL



LE MUCEM

POLITIQUE CULTURELLE

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Une fête pour le MuCEM À voir les matériaux de construction qui s’étalent à ses pieds, le doute s’insinue. Voiles de béton entassées, attendant sagement de rejoindre leurs congénères au-devant de la surface vitrée à laquelle elles serviront d’écrin, terre éventrée, fers à béton sortant du sol, pelles-mécaniques en faction devant des grues éteintes, le MuCEM ressemble à un bateau échoué à l’entrée de Marseille ! Entré dans un cube encombré, on peut néanmoins appréhender la majesté de l’édifié : immenses volumes ceinturés de vitrage ; jambes infinies qui s’élèvent du sol à travers les étages jusqu’au sommet de l’ouvrage; plafond striés en caissons de béton; tout est grandeur. Ce soir, pas de visite mais une forme d’hommage et d’invite au voyage. Accueil charmant, parcours fléché de cordons lumineux et de lampes, on gravit les escaliers pour rejoindre un magnifique espace qui traîne à ses pieds la rade de Marseille et qui, avec une corde en forme de passerelle, s’agrippe au vieux Fort Saint-Jean. La soirée habillée de noir et de blanc pariait d’être longue et endiablée. Vers 21h, Philippe Avinent, directeur de Vinci pour son secteur Sud, l’entreprise bâtisseuse, prit la parole devant la troupe réunie en assemblée, à deux pas des buffets. Il nous apprit ainsi que la soirée était une initiative de l’entreprise et un pari pris avec les responsables du MuCEM. Il vanta les qualités de Rudy Ricciotti, présent, en habits -un débardeur bleu marine- de rebelle architecte. Arguant du génie du concepteur, il remercia aussi la foule de ceux qui contribuèrent à dresser l’ouvrage, bâti pour durer «des siècles et des siècles...». Proclamant l’amour de sa société pour Marseille, il remercia M. Blum, «attaché au monde de la culture et de la construction» avant de proclamer le MuCEM «nouveau phare de Marseille». Il conclut, après une brève digression à caractère technique, en invitant à regarder un diaporama, d’ailleurs séduisant, avec, pour propos, les étapes de la construction. Il n’omit pas de dire que les photos, affichées sur les murs et réalisées par Lisa Ricciotti, étaient à vendre. À sa suite, Yves Aubain de la Messuzière, président de l’association de préfiguration du MuCEM, s’escrima à parler dans une ambiance redevenue extrêmement bruyante. Évoquant l’héritage des Zigourats de Mésopotamie, prenant à témoin Amin Maalouf pour

ses engagements méditerranéens et sa vision de la tolérance, il insista sur le caractère de lien du nouveau lieu. Pont entre les rives, la culture est un remède, un antidote aux peurs et aux malheurs. Il inscrivit ainsi les expositions et le travail du MuCEM comme un moyen de rassemblement des publics et des cultures… La fin de son intervention se perdit dans les rumeurs de la foule. Aussi, lorsque Bruno Suzzarelli, président du musée, prit la parole, il évita de prononcer son discours et se contenta d’annoncer un film sur les objectifs et les projets de son établissement. Le bruit l’avait définitivement emporté. Présage d’un avenir festif ? Organisation ambigüe ? Le public était apparemment acquis à Vinci mais moins passionné par les questions de culture. Voilà bien un des défis qu’il faudra relever pour l’institution. RENÉ DIAZ

© MuCEM-Corinne Fauche

Un moment de grâce La fête de première, co-organisée et financée par Vinci et le MuCEM, aurait pu laisser un goût amer : l’argent dépensé en champagne, buffets de Passedat (Le petit Nice, qui tiendra le restaurant sur le toit) et fouta tunisienne offerte à chaque invité contraste avec les difficultés économiques du monde culturel régional. Mais il faut bien attirer les mécènes -puisque le MuCEM doit trouver 20% de recettes propres- et les entreprises ne s’invitent pas avec des chips, du cubi et des cahouettes… On construit donc un événement qui n’a plus rien de culturel, et où les artistes et les penseurs regardent avec effroi le peu de respect qu’on porte à leur parole. Paradoxe effarant ! Un moment pourtant on y échappa. Thierry Fabre parvint à s’emparer du micro et à dire que, dans la salle à côté, un «derviche contemporain» allait danser. On monta sur les bancs pour l’apercevoir dans un contexte plus recueilli… et Ziya Azazi commença à tourner. Imperturbablement. Mais dès l’entrée avec plus de chair que de spiritualité vague, plus de souffle que d’éther soufi, les bras dansant des petites phrases autonomes, la musique jouant de timbres traditionnels et d’accents pulsés, et le visage du

danseur riant, et les pieds toujours voltant sous la jupe lourde, verte de son velours brillant. Peu à peu se dénudant, faisant virer au dessus de sa tête les épaisseurs de tissus qu’il retirait de dessus sa chair, l’homme continuait de tourner, plus près, vibrant, habité de sa tradition et la faisant descendre du ciel vers la terre, de la transe divine vers la présence charnelle… déclenchant des slaves d’applaudissements émus. Comme quoi, la grâce artistique peut descendre sur tous, pentecôte universelle, quand elle est portée avec tant de talent ! AGNÈS FRESCHEL Les 30 juin et 1er juillet 3000 personnes ont pu visiter le chantier du MuCEM, en 15 groupes de 200 personnes. Elles ont découvert son architecture, son histoire et ses ambitions, à travers plusieurs vidéos et un film projeté, et guidés par de jeunes guides friandes d’anecdotes. L’affluence des inscriptions closes en moins de 48h, prouve à quel point l’appétit du MuCEM est grand ! Rendez-vous en janvier 2013, pour les premières expos ! www.mucem.org


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POLITIQUE CULTURELLE

Nous sommes tous L À un an de l’Europride qui se déroulera à Marseille, la guerre fait rage entre Tous&Go, organisateurs historiques de la marche à Marseille, et la LGP, qui s’est vu attribuer par l’European Pride Organisers Association, détentrice de la marque «Gay Pride», l’organisation officielle de l’Europride en 2013. Car les intérêts économiques en jeu ne sont pas négligeables : les LGBT (Lesbiennes, Gays, Bi et Trans, auxquels s’adjoignent aujourd’hui souvent les initiales des Queers et les Intersexes) constituent un marché important et très consommateur et l’Europride, labellisée MP2013, va générer des retombées conséquentes… Résultat de la rivalité en 2012 ? Une marche très tendue, puis une double fête dont beaucoup se sont absentés, écœurés par les luttes intestines. Au moment où le nouveau Président des Français a promis le droit au mariage et à l’adoption, l’image donnée n’est pas reluisante…

violences, discriminations et phobies implicites, comme les femmes et les minorités ethniques. Une victoire a été remportée, et il s’agit aujourd’hui d’élargir et adapter la lutte.

Élargir la lutte C’est en substance ce que disait Caroline Fourest invitée le 6 juillet autour du communautarisme. Lorsqu’on lui demanda si l’égalité est communautariste, elle précisa la différence entre une communauté de lutte, celle qui s’érige pour défendre des droits, ou pour vivre tranquillement dans des «lieux de drague» appropriés, et un communautarisme, qui exclut, convertit, se pense supérieur, au-delà des lois. Car selon elle les communautarismes sont aujourd’hui tous du côté des extrémismes religieux, et elle défend sans relâche l’idée de la laïcité, tout en sachant qu’elle peut être le masque d’un racisme

Débat avec Ludovic-Mohamed Zahed © Bruno Donnangricchia

Débat avec Caroline Fourest © Bruno Donnangricchia

Les débats Qu’est-ce qui oppose au fond les associations ? Des querelles personnelles et anciennes, certes, mais aussi une conception de la cause LGBT assez différente : la LGP est soutenue clairement par la CIF (Coordination Interpride France) à la gestion parfois obscure (les comptes annuels des Marches ne sont pas publiés) et par le mensuel Têtu, qui a tenu ce mois-ci encore des propos très méprisants sur «la communauté gay locale qui est la plus attardée des grandes villes de France». Attardée ? Les débats et le programme culturel mis en place par Tous&Go avant la Marche pour l’égalité témoigne, au contraire, d’une belle maturité politique… que les structures culturelles locales semblent lui reconnaître également : Festival de Marseille, FID, Reflets, Rock Island, Festival de Jazz des 5 Continents et le Cinéma Israélien sont ses partenaires. La marche pour l’égalité n’est pas pour Tous&Go un vain mot : il ne s’agit plus pour les LGBT de défendre une «fierté», mais de lutter contre toutes les discriminations et inégalités. Contre le patriarcat, la domination des hétéros blancs, les luttes des féministes et des antiracistes peuvent rejoindre celles des LGBT, qui n’auront sans doute bientôt plus à défendre leurs droits, mais à lutter contre les

Musulmans, Juifs et Chrétiens, faisant le voyage vers Jérusalem, et recueillant le témoignage concordant des Palestiniens et des Israéliens : être homosexuel en Palestine est impossible, la seule solution est de partir… Pourtant Zayed, fondateur de Homosexuel-e-s et Musulman-e-s de France, affirme que rien dans les Sourates n’est homophobe, et qu’une religion est ce que les hommes en font. Expliquant très sereinement comment il s’est, tout jeune, perdu par amour chez les Salafistes, puis coupé de toute religion, et dans un troisième temps réconcilié avec lui-même, et sa famille, il dit qu’il fallait se battre pour changer l’Islam, en particulier dans le monde arabe, pour qu’il se réconcilie avec une sexualité libre et heureuse, qui a bien des égards fut celle de son passé. Reliant ainsi, lui aussi, comme Caroline Fourest, le combat des femmes et celui des homosexuels.

catholique anti musulman. Pour elle le «relativisme culturel», qui voudrait que ce qui est bon pour nous ne le soit pas ailleurs, n’est qu’une manière de maintenir la domination, en particulier sur les homosexuels et sur les femmes. Ainsi, brillamment, avec humour et une foison d’anecdotes, elle parla devant un public conquis de son procès avec Marine le Pen autant que sa lutte contre l’intégrisme islamiste, englobant la communauté LGBT dans des questionnements plus universels sur l’égalité, l’information, l’enquête, la défense des faits et des droits. Et lorsqu’on lui demanda si à son avis une marche des fiertés avait encore du sens, elle répondit sans ambiguïté «il est sans doute temps de passer à autre chose». Ce que la salle approuva même si une intervenante rappela la nécessité pour les jeunes de cette marche, qui les aide par la visibilité qu’elle donne au mouvement à avoir, aujourd’hui, moins honte et moins peur. Pour lutter contre l’homophobie, dit-elle, la Gay Pride est encore utile.

Croire et aimer La réflexion l’est aussi, et une défense internationale des droits. Ludovic Lotfi Mohamed Zayed, invité du débat le 5 juillet, commença par projeter un film mettant en scène des homosexuels croyants,

Consentement éclairé Mais la rencontre la plus stimulante pour l’esprit fut celle qui ouvrit les débats, le 29 juin. Delphine Philbert et Karine Espineira, spécialiste de la représentation médiatique de la transidentité, ont tenu des discours passionnants, politiques, documentés, sur l’identité de genre. S’appuyant sur leur expérience personnelle, mais surtout sur des faits : si l’homosexualité n’est plus psychiatrisée en France, la transidentité le reste très largement, le genre est lié au sexe biologique et, outre la transphobie violente qui oblige souvent à vivre caché-e, la loi réprime et encadre médicalement le changement de genre à l’état civil, obligeant à un changement de sexe… alors qu’en Argentine, le consentement éclairé suffit : on se déclare, homme ou femme, selon comment on se sent… Cette problématique, qu’elles qualifient de «posttrans», considère le genre non comme deux options séparées, mais comme un système continu entre deux pôles, où chacun placerait le curseur où il le veut, ou le sent. Une conception qui bouleverse la question LGBT : d’abord parce qu’elle englobe toutes les luttes (si le genre est libre plus question de lutte pour le mariage ou l’adoption homosexuelle), mais surtout parce qu’elle travaille non plus sur la préfé-


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GBTQIFH rence sexuelle, mais sur l’être. Ce qui est autrement troublant. Et concerne, intimement, tous les êtres humains, hétéros ou non, leur offrant une liberté et un questionnement nouveaux. Dont il faut prendre garde cependant : un jeune trans rappela justement la spécificité de luttes qui ne doivent pas se diluer dans des causes communes. On a vite fait d’oublier les minorités : les LGBT oublient souvent leur T, et se réduisent quelquefois dans leur représentation aux seuls G dominants. Mais au regard de la profondeur du questionnement, les querelles autour de la Marche paraissaient bien anecdotiques : comme le disait Caroline Fourest, les LGBT doivent aujourd’hui se défendre en tant que culture : nous avons tous à gagner à la partager. AGNÈS FRESCHEL

À lire Delphine Philbert : Devenir celle que je suis, Max Milo 2011

Karine Espineira : La transidentité : de l’espace médiatique à l’espace public, L’harmattan 2008

Émotion avec Laurence En gros plans, des hommes, des femmes dans une rue. Ils regardent passer quelqu’un, hors champ, silhouette de dos qu’on ne verra de face que deux heures trente plus tard. Car le dernier film de Xavier Dolan, Laurence Anyways, est construit par flash-back. Dix ans plus tôt, en 1989, cette femme, Laurence Alia, écrivain célèbre qu’on découvre lors d’une interview, était un homme (Melvil Poupaud), brillant professeur de littérature, amoureux de sa copine, Fred, débordante de vie (remarquable Suzanne Clément -prix d’interprétation Un certain regard). Ensemble, ils jouent à établir «la liste des choses qui leur enlèvent un peu de plaisir». Le jour de son anniversaire, elle lui offre un voyage à New York ; il lui annonce qu’il «ne vit pas pour de vrai», qu’il s’est toujours senti femme. Fred va l’accompagner d’abord sur cette longue route qui passe par le travestissement, les premières transformations physiques, son exclusion du cegep de Montréal où il enseigne, les agressions physiques dans la rue. Quand Fred «craque», que sa mère (Nathalie Baye) que rien ne surprend, le rejette, c’est auprès d’un clan de travestis, les Five Roses, qu’il se réfugie, personnages hauts en couleurs, très kitsch… Et la vie poursuit son cours avec son lot de doutes, de déchirements, de ruptures, de réconciliations entre ces deux êtres qui s’aiment. Le film de ce réalisateur de 23 ans est un vrai plaisir pour les yeux ; les plans sont construits comme des tableaux et regorgent de trouvailles : une brique peinte en rose sur une maison bourgeoise de Trois-Rivières, une pluie de vêtements colorés sur un chemin enneigée de l’Île au Noir, un orage de feuilles mortes…Et pour les oreilles ! Une trentaine de morceaux : de Fever Ray, Craig Armstrong, Oxygène, Diane Dufresne, à Brahms ou Beethoven… Peut être Xavier Dolan aurait-il dû, vers la fin, resserrer un peu son film ? Mais il nous entraîne dans un tourbillon d’émotions, de lumières, de couleurs, de sons, de rythmes et de mots. Chapeau bas ! ANNIE GAVA

Ce film a été présenté en avant-première le 29 juin, au cinéma Les Variétés en partenariat avec TOUS & GO et sortira en salle le 18 juillet Laurence Anyways © Shayne Laverdiere

Ludovic-Mohamed Zayed : Le Coran et la Chair, Max Milo 2012 Caroline Fourest (entre autres) : Marine le Pen, (avec Fiammetta Venner), Grasset 2011 ; La tentation obscurantiste, Grasset 2006 ; Frère Tariq, Grasset, 2004 ; Tirs croisés, La laïcité à l’épreuve des intégrismes juif, chrétien et musulman (avec Fiammetta Venner), Calmann-Lévy, 2003

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POLITIQUE CULTURELLE

LA CULTURE LIBRE | FORUM ILLETTRISME The battle of copyright 2011, Christopher Dombres

Donner le Le 19 juin se tenait à la BMVR le 3e Forum Illettrisme, soutenu par le Crédit Mutuel. 13 associations ont reçu un chèque pour encourager leur action en faveur des populations privées de l’accès à l’écrit, et il suffisait d’entendre leurs représentants évoquer cette lutte au quotidien pour comprendre l’ampleur des dégâts. Extrait du site de l’ANLCI1 : «9 % des personnes âgées de 18 à 65 ans ayant été scolarisées en France sont en situation d’illettrisme». Soit près d’une personne sur 10 qui -jeu de mots et constat amers- n’ont pas voix au chapitre dans notre société. Des jeunes, des vieux, des Roms, des prisonniers... des pauvres, de plus en plus de pauvres, de plus en plus pauvres ! Précisons qu’il s’agit là de misère intellectuelle contre laquelle l’argent ne suffit pas, mais qui nécessite du soin, de l’attention, du partage et du sens. Catherine Dolto, marraine de cette édition, l’a souligné au cours d’une conférence lumineuse, où elle a éclairé de ses 30 ans d’expérience clinique en haptonomie les difficultés d’apprentissage rencontrées par un être humain lors de son développement. «Un enfant naît dans le chaos, il a besoin d’être accom-

Cours, culture, le vieux monde est derrière toi ! des récepteurs passifs : ce sont des producteurs/amateurs investis qui ont pris le relais». Première étape du changement : désacraliser le statut d’artiste. Christopher Dombres ne signe pas ses œuvres, et autorise même leur utilisation commerciale par autrui. Sur le nerf de la guerre, une proposition chiffrée : Philippe Aigrain estime qu’une «contribution créative» inférieure à la redevance audiovisuelle pourrait avantageusement financer le soutien à la création et la rémunération des intermédiaires. «Une politique publique qui prendrait en compte les pratiques non-marchandes enrichirait le bien commun2.» La force de ces utopistes ? A chaque objection soulevée, une réponse concrète, et une conscience très nette du défi culturel majeur que nous pose le numérique : donner un vrai public critique aux oeuvres.

Forum illetrisme © Gaëlle Cloarec

GAËLLE CLOAREC

À lire (pour les anglophones) : Sharing : Culture and the Economy in the Internet Age, Philippe Aigrain, Amsterdam University Press 2012 / édition augmentée téléchargeable en ligne : www.sharing-thebook.com/ On peut voir et se procurer les œuvres de Christopher Dombres sur son site : www.christopherdombres.fr/ Les deux hommes sont venus parler de la culture libre le 14 juin dans les futurs locaux du Zinc (Friche Belle de Mai).

Forum illetrisme © Gaëlle Cloarec

Sur l’illustration de Christopher Dombres, une petite flèche perce le talon d’Achille du grand guerrier libéral terrassant un domaine public moribond. Elle serait discrète si elle ne déclenchait pas une hémorragie prometteuse : le corporate capitalism n’en a peut-être plus pour si longtemps à terroriser la planète... C’est en tous cas l’opinion que partagent l’artiste et Philippe Aigrain, co-fondateur de la Quadrature du Net1 et ancien chef du secteur «technologies du logiciel et société» à la Commission Européenne : «Le nouveau monde est en marche. La preuve : le libre est attaqué de toutes parts. C’est qu’il fait peur.» Pour résister aux armes lourdes de la propriété intellectuelle, leur position a indéniablement besoin d’être solide, et leur propos argumenté renforce l’impression de sérieux et d’engagement personnel qu’ils produisent. Ils partent d’un constat : le copyright qui a structuré notre économie de la culture n’est plus pertinent aujourd’hui. L’a-t-il été un jour ? Ayant tendance à se disloquer sous l’effet de la numérisation croissante de la société, il se rigidifie, se défend à grands renforts de lois inapplicables, et en tout état de cause produit plus d’inégalités qu’il n’en soulage. «Quand les jeunes entendent le mot Picasso aujourd’hui, c’est tout juste s’ils ne pensent pas d’abord à une voiture... au grand bénéfice des ayants-droits !» Or «la production, l’édition et l’achat se déplacent vers l’aval.» Non seulement on peut copier et partager à l’envi toute oeuvre de l’esprit, mais «il n’y a plus d’un côté une population limitée de créateurs sur un piédestal, et de l’autre


AMNESTY INTERNATIONAL | DÉDÉ NOBILI

pagné afin de comprendre le monde dans lequel il vit. Il ne peut pas apprendre comme ça, il faut qu’il ait l’esprit ouvert et pour cela doit d’abord se sentir en sécurité affective.» Ce qui est dénié à beaucoup, et qui se répercute dans l’univers scolaire : «Mettre un enfant en situation d’échec à 4 ans, ça impactera toute sa vie. Contrairement à ce que notre époque voudrait, à force de croire que tout est quantifiable, l’affectif est sous-jacent à tout apprentissage. Le goût d’échanger soutient l’envie d’apprendre à lire et à écrire.» Au moment de l’adolescence, où les cartes sont rebattues, on réinterroge les règles avec les outils intellectuels acquis vaille que vaille, mais dans un contexte de peur et donc de régression : «si on s’est senti en danger dans l’enfance, on va se mettre à nouveau en danger». Décrochage, exclusion... Les travailleurs de terrain le savent bien, l’illettrisme va de pair avec une estime de soi ravagée. Tout l’enjeu est donc d’aller rencontrer les personnes en difficulté là où elles vivent, de les aborder sans appuyer sur ce sentiment d’infériorité qui pèse déjà si lourd, de leur offrir du temps et des mots, la possibilité d’écouter, de s’entendre et de se dire. Tralalalalire à Perpignan envoie ainsi des lecteurs pour tout-petits au Restau du Cœur ou dans les prisons pour femmes, l’Institut Méditerranéen du Littoral ouvre les portes des Musées à des enfants-guides qui n’y auraient jamais mis les pieds sans lui, l’association Page Ouverte amène le livre sur les vagues terrains concédés aux Tziganes des Alpes Maritimes. Quelques grammes de finesse dans un monde de brutes: la culture ne se rendra pas sans combattre face à la barbarie. Laissons le mot de la fin à la grande Catherine : «Une intelligence qui n’a pas de moyens d’expression devient auto-destructrice». G.C. 1

Organisation de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet : http://www.laquadrature.net/fr

Qi gong, la subversion calme

Bien que le pays ait ratifié en 1988 la convention des Nations-Unies contre la torture, elle est fréquente en Chine, comme le dernier rapport d’Amnesty International en fait état. Aller à une conférence organisée par des associations de défense des droits de l’homme, c’est s’exposer à de redoutables vérités. Des chiffres, des photographies. Des témoins en larmes, peinant à raconter ce qu’ils ont subi. C’est aussi salutaire : la Chine, exotique et lointaine, nous concerne tous. Économiquement, puisqu’elle résiste plutôt bien à la crise mondiale, on a facilement les yeux tournés vers elle. Est-ce la raison pour laquelle trop peu lui reprochent ses agissements ? Tibétains, Ouïgours persécutés, évêques catholiques en prison... et puis les pratiquants du Falun Gong, une forme de Qi Gong, qui sont poursuivis d’une vindicte ahurissante depuis 13 ans. Jusqu’en 1999, cent millions de chinois effectuaient régulièrement ces exercices ancestraux, très efficaces pour maintenir une santé en équilibre dans un pays où les soins médicaux coûtent cher. Se sentant menacé par cette manifestation d’autonomie, le Parti Communiste a exercé une répression massive : travaux forcés, lavage de cerveau, tortures, intimidation, procès faussés... l’attirail classique de la dictature. Avec une variante encore inusitée à cette échelle : le trafic d’organes vitaux. Au prix moyen de 40 000 dollars le cœur et avec une telle réserve de prisonniers, on saisit tout de suite mieux ce qui a poussé la Chine à commercialiser sa chair. À l’heure actuelle, on ne sait pas combien sont détenus, ni combien sont déjà morts. Si plusieurs initiatives internationales ont dénoncé ces actes, si la terreur et la désinformation maintenues par le PCC n’empêchent plus la vérité de sourdre, personne ne peut prévoir l’avenir. Guettons le mois de novembre, où se tiendra le 18e congrès du Parti. Et en attendant, renseignons-nous. Amnesty International, ACAT, l’Association des Amis de l’Empire du Milieu et d’autres organisations humanitaires ont des informations précises à communiquer. À défaut de pouvoir directement intervenir, il est possible d’écrire au gouvernement chinois, en tant qu’individu ou structure. Il est surtout possible d’ouvrir les yeux sur les dérives de notre monde. Ne nous en privons pas. GAËLLE CLOAREC

La conférence «Les répressions en Chine» a eu lieu le 30 juin à la Maison de la Région. L’exposition «La persécution du Falun Dafa en Chine» est visible pendant tout le mois de juillet sur les murs de l’Atelier 38 (rue Sainte-Françoise, au Panier). © Gaëlle Clorec

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POLITIQUE CULTURELLE

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Balagne orpheline Le ciel de la Balagne qu’il a si bien chanté est éreinté. Un malaise ressenti en scène a finalement eu raison de Dédé Nobili, personnalité emblématique du Riacquistu. Ce mouvement éclot en Corse dans les années 70, réaction à la menace de disparition de la langue et de la culture corses (la loi Deixonne de 1951 les oubliait sciemment dans son programme d’enseignement des langues régionales, car elles étaient associées aux idées fascistes des irrédentistes de la seconde guerre mondiale qui souhaitaient le rattachement de l’île à l’Italie alors mussolinienne). Le Riacquistu est une réappropriation de leur culture par les Corses, volonté d’enseigner la langue, de retrouver les textes, les chants, mais aussi de continuer à en faire une culture de création. Par son implication politique Dédé Nobili a défendu l’idée d’une Corse vivante, dynamique. Élu municipal, membre des Cinque Pieve di Balagna, figure incontournable du chant en Corse, Dédé Nobili a su donner à la poésie et à la musique un nouvel élan. Conciliant tradition et modernité, il a composé plus de 120 chansons qui constituent une grande part du patrimoine contemporain de la Corse (Le chemin des Dames, U celu di Balagna, Mattea, Lotte, Van Gogh…). Il a apporté sa force créatrice à de nombreux groupes, Canta u Populu Corsu, I Chjami Aghjalesi, U Celu, dont il est le fondateur, Cantu Nustrale. Il quitté ces «lieux secrets de plaines et de montagnes» qu’il aimait tant en pleine période de création avec le guitariste Patrick Noé, à 53 ans. «Tandu mi vene in core u celu di Balagna» chantait-il de sa belle voix sensible de siconda ou de terza. Anecdote : il aimait lire Zibeline. Les chants de ce citoyen du monde nourriront encore longtemps les cœurs et la pensée, bien au-delà de l’Île. MARYVONNE COLOMBANI

Sur l’économie non-marchande et notamment les «communs», cf les écrits de l’historien hongrois Karl Polanyi. Agence Nationale de Lutte contre l’Illettrisme : http://www.anlci.gouv.fr/

Quelques albums de son groupe U Celu Omi e Paesi Sicondu l’Estru U Celu / E Cime/ 20225 Feliceto www.digamusic.com/u_celu.htm


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FESTIVALS

AVIGNON

Questions de formes

À la taille de la Cour Cela faisait longtemps, très longtemps, que la Cour d’Honneur n’avait pas accueilli un spectacle à sa taille. Conformisme pseudo avant-gardiste, lourdeur d’un répertoire malmené, fascination pour le sens du rien ou pour l’outrance du débordement (moindre mal), maladresses et ratages plus ou moins manifestes et sympathiques… la Cour a vu se succéder des spectacles qui vidaient les gradins, opposaient professionnels et public, vieux et jeunes, ou laissaient au creux du bonheur un vague goût d’insatisfaction, d’inaccompli. Le Maître et Marguerite, avec ses 3h20 sans entracte, garde ses spectateurs ravis jusqu’au bout, fait sens et beauté, épate et satisfait, fait rire et pleurer. Le pari pourtant, adapter pour la scène et en anglais un roman touffu, désordonné, baroque dans ses mélanges et russe dans son fantastique métaphorique, n’avait rien d’évident. Mais Simon Mc Burney, refusant les effets de mode, a fait un pari intelligent : celui de la lisibilité. Il donne à voir le chef-d’œuvre de Boulgakov, ses conversations, ses niveaux de narration qu’il déploie dans l’espace découpé grâce à des éclairages à la fois précis et expressifs : gris mesquin de l’URSS stalinienne, bleu envahi de l’envolée fantastique, crudité découpée des scènes entre Pilate et le Christ. À chaque instant le spectateur sait dans quel espace du roman il avance, d’un coup de projecteur, ou d’un discret déplacement de chaise. Alors le diable peut jouer sa partition, torturer les âmes mortes, couper les têtes sous les tramways… Dans cette société soviétique où l’écrivain ne peut que mourir, ou devenir fou, où l’amour

© Christophe Raynaud de Lage - Festival d'Avignon

ne peut se vivre, sauf au prix de la damnation, où Pilate, figure même de la lâcheté, devient presque un symbole héroïque, seule la compassion peut encore sauver la part d’humanité des êtres. La fable est limpide, visible sous nos yeux, et Simon Mc Burney s’emploie de plus à la rendre belle. Avec des acteurs virtuoses qui ne cabotinent jamais et ont un sens du collectif que nos stars françaises ont perdu (mais comment avoir l’esprit de troupe quand de troupes il n’y a plus ?). Avec un emploi de la vidéo qui sait intervenir parcimonieusement pour sublimer la Cour, envoyer magnifiquement Marguerite dans l’espace, vouer les murs papaux à l’écroulement dans un fracas mémorable. Une question pourtant, après cela, ou Written on skin au Festival d’Aix (voir p24) : qu’avons-nous raté (les modes de production, les orientations esthétiques, les choix politiques ?) pour que les artistes français n’aient plus l’espace de construire des œuvres aussi lyriques et matures ? AGNÈS FRESCHEL

Le Maître et Marguerite se joue dans la Cour d’Honneur jusqu’au 16 juillet

Sans théâtre Les Anneaux de Saturne sont vraiment indigestes ! Pourtant, Katie Mitchell a du talent. La metteure en scène anglaise sait décaler le théâtre, dramatiser les coulisses, donner à voir les bruits, changer les angles. Kristin l’an dernier, qui faisait voir Mademoiselle Julie par les yeux de la servante (voir Zib43), ou Written on skin au Festival d’Aix cette année (voir p24), bouleversent l’espace dramaturgique en y incluant un sous-texte, des didascalies, les préparatifs, en donnant à voir de plus près ou par derrière le nœud dramatique, les bruits qu’il génère.

Mais dans le roman de Sebalde il n’y a rien de dramatique. Tout l’espace est poétique, lent, précautionneux, désincarné, introspectif, cérébral. Les superpositions d’époques, la confusion temporelle, les éternels recommencements de fouille et d’ensevelissement sont lassants au bout de quelques minutes à peine, et chaque journée du journal égrène son lot de paysage gris et sablonneux, en allemand projeté incessamment, sur les murs sales et gris : le spectateur, même germanophone, passe son temps à lire, un texte qui s’appesantit dans son verbe. Quant aux acteurs, ils sont réduits strictement au rôle de bruiteurs impassibles… Les coulisses ont gagné la scène, et le théâtre a disparu : on ne peut révéler l’envers que si l’endroit persiste !

Quel méli mélo que le spectacle de Christophe Honoré ! Avec sa durée annoncée de 1h45, puis 2h10, 3h15 passés à 3h45 au final, le spectacle se délite sans trouver son rythme, affirmant pourtant que la forme C’EST le sens… Alors de deux choses l’une : soit on admet que c’est ce qu’Honoré veut dire, qu’il admire vraiment l’écriture des nouveaux romanciers, et leur message. Auquel cas, puisque c’est la forme qui fait le sens, Nouveau Roman, farce potache et variétoch, nous dit que ce courant littéraire majeur est du toc. Soit Honoré réfute leur leçon, et présente malgré sa forme toc un message d’importance, qui passe paradoxalement malgré la forme (bien que ce message soit justement que la forme fait le sens…). De fait le spectacle ne manque pas totalement d’intérêt : on y entend un splendide moment de la Route des Flandres, on y rappelle que l’écriture romanesque aujourd’hui est revenue à des formes convenues, on y entend un très bel échange entre Isabelle Huppert et Nathalie Sarraute, on y retrouve la Duras de Moderato Cantabile, et on nous montre que ce groupe n’a fait groupe que par opportunisme éditorial, révolte commune et non désir d’un roman commun. Du théâtre documentaire donc, agréable, si ce n’est que les jeunes acteurs campent ces écrivains géants, et pas jeunes en 1959, comme une bande d’ados attardés refusant un monde réac, comme des soixante-huitards, qu’ils ne sont pas, ou des saint germain des prés, qu’ils ne sont plus. Les problématiques d’écriture sont évoquées parfois, mais moins que la soupe et les chips, et les voilà tous qui chantent, on ne sait pourquoi, qui répondent à des questions au nom des écrivains, et Ludivine Sagnier en Sarraute qui se dandine (elle avait 60 ans en 1959, et n’a jamais dû minauder), Claude Simon qui prend une guitare électrique, Pinget qui fait un coming out à poil… Mais qu’est-ce que cette forme veut dire ? Que le Nouveau roman n’est pas plus consistant que notre société paillettes ? Michel Butor, aujourd’hui seul survivant de la bande avec Claude Ollier, n’a pas voulu aller voir le spectacle. Présent à Avignon pour une rencontre, et à Forcalquier avec ses amis éditeurs et plasticiens, il y a lu ses textes, en infatigable inventeur de formes (voir p50). La littérature, portée par cet homme de 85 ans, y éclatait de jeunesse. AGNÈS FRESCHEL

Nouveau roman est joué jusqu’au 17 juillet au Cloître du Lycée Saint Joseph

A.F.

© Agnès Mellon

Les Anneaux de Saturne ont été joué au Gymnase Aubanel du 8 au 11 juillet © Christophe Raynaud de Lage


FESTIVALS

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33 petits tours et puis… Le spectacle de Lina Saneh et Rabih Mroué n’en est pas un, mais une installation (au prix d’un spectacle). Pas d’acteurs sur scène, mais quatre lieux de parole, dont un inaudible, et un vieux tourne-disques, d’où l’on écoutera pour commencer Le Dernier repas de Jacques Brel, prélude au suicide du personnage principal, dont on n’entendra la voix que sur le message enregistré de son répondeur téléphonique. L’action se déroule donc en impossibles © Christophe Raynaud de Lage

dialogues d’une femme avec ce répondeur où celui qui est déjà mort ne lui répond justement pas, en SMS envoyés par une autre femme qui ne parvient pas à décoller pour le rejoindre au Liban, en quelques émissions télévisées sur le suicide du personnage, et surtout en échanges sur Facebook où 3000 amis essaient de récupérer ou dénigrer son geste autodestructeur. Car le jeune Libanais semble s’être tué pour la liberté, pour revendiquer on ne sait quoi au juste, ou alors parce qu’il ne parvenait plus à vivre ? ou bien parce que ces deux femmes qui l’appellent… ? Aucune conjecture ne sera levée, et les motivations de son geste resteront secrètes. Allégorie des printemps arabes dont on ne sait ce qu’ils voulaient, qui les récupère et ce qu’ils vont devenir ? Critique d’un mode de communication en absence dont on ne sait ce qu’il dit au juste ? Les motivations du spectacle de Lina Saneh et Rabih Mroué, qui adopte la forme en absence qu’il semble dénoncer, ne sont pas plus claires que le suicide de leur héros. A.F.

33 Tours et quelques secondes est joué au Cloître Saint Louis jusqu’au 14 juillet

Superposer n’est pas nier William Kentridge est un plasticien et un metteur en scène formidable : il suffit d’aller voir les installations (superbes mobiles et projections vidéo à la Chapelle du Miracle rendue à sa blancheur) ou de se souvenir du Nez de Chostakovitch à Aix l’an dernier. Mais ce n’est pas un auteur, de texte, de pièce ou de spectacle. La Négation du temps est un bric-à-brac superposé d’anecdotes, de textes scientifiques ou anti-colonialistes, de musiques très diverses et émouvantes, de sons à l’envers, de couleurs carnavalesques et d’invention foutraque. Mais ce n’est pas du théâtre, ni un spectacle, ou alors raté, par manque d’écriture, de cohésion, de cohérence, de propos. Cela ne nie rien, surtout pas le temps,

© John Hodgkiss

puisqu’en 1h20 pleine d’événements distrayants il s’allonge assez pour qu’on le perçoive…

La Négation du temps a été joué à l’Opéra Théâtre jusqu’au 13 juillet

A.F.

Trait d’unions En juxtaposant un duo et deux solos dans Le Trait, Nacera Belaza poursuit sans dévier sa ligne et compose pour Avignon un triptyque radical. Après Le Cri et Le temps scellé, la chorégraphe franco-algérienne continue d’inventer son chemin. On suit son procédé comme une exposition de tableaux, en noir et blanc -ses corps sont toujours revêtus d’habits sombres, ici quelques paillettes pour refléter plus encore l’éblouissante et savante lumière- qui se mettent en mouvement de façon infinitésimale ou spasmodique. De pièces en pièces, Belaza cherche sa lumière, creuse la matière du presque rien… au risque de laisser le spectateur sur la rive. Un duo de danseurs algériens ouvre la cérémonie, mouvements répétitifs proche de la transe mystique, vertige de la vitesse, musique percussive étourdissante. Et rupture, éclaboussante. À leur suite, sa sœur Dalila se découvre lentement dans un lever

de lumière silencieux. Vision hypnotique, qui nous replonge dans ses précédentes pièces. La chorégraphe ne craint pas de semer l’impatient en chemin, elle suspend le temps, le dilate, laisse les projecteurs dessiner les contours d’un corps qui imprègne nos rétines. Entre le vide et l’immobilité, dos au public, Nacera Belaza conclut dans la dernière partie, La nuit, son esquisse à contre jour. Une fois encore, la musique intervient en couches superposées, la lumière façonne son aura. Yeux fermés, dans sa bulle, elle semble nous oublier, quitte (à regret ?) le fond de scène en tournoyant lentement sur elle-même. À nous de faire le chemin du sens, et de lâcher prise.

Drame d’enfer vs dame de fer Après La Peau dure de Raymond Guérin, joué dans les anciens appartements décatis de sa Cie Fraction au Off, un époustouflant seule-en-scène par Sophie Vaude (le 20 juillet à Contre Courant), Jean-François Matignon monte en puissance (et en moyens) et passe une nouvelle fois la rampe du Festival. Le metteur en scène avignonnais présente une pièce fleuve adaptée d’extraits de romans policiers de David Peace qu’il entremêle au Woyzeck de Büchner. Il signe avec W/GB84 une fresque dense, techniquement prodigieuse (longs travellings qui se croisent, traitement sonore passionnant, structure-manège en acier époustouflante, acteurs possédés) mais franchement complexe, autour de la violence engendrée par la grève des mineurs de 1984 en Grande Bretagne, opposant frontalement le pouvoir de Margaret Thatcher et le leader syndical Arthur Scargill. En mêlant la langue et le combat du gréviste Martin au soldat Woyzeck, qui se confondent lors d’une incroyable scène de chasse aux sorcières, Matignon, en véritable tragédien, se range du côté des laissés pour compte, n’hésitant pas à fragmenter plus encore le récit pour interroger la barbarie sociale, politique et intime. Les nombreux personnages, tous fracassés par «l’année zéro», incarnés physiquement (une dame de fer plus vraie que nature) ou en voix off, sont comme cousus dans un enchevêtrement historique, visuel, littéraire. Thatcher et ses sbires gagnent cette guerre des nerfs. On reste abasourdis, après 2h40 de fureur, par ce «putain de chaos total». DE.M.

DE.M.

Le Trait s’est joué du 8 au 14 juillet à la salle de Montfavet

W/GB84 s’est joué au Tinel de la Chartreuse du 10 au 18 juillet


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FESTIVALS

AVIGNON OFF

La vie derrière Fréhel du passé et coulissent sur la chambre d’abandon. Une ode à l’amour vache, dans laquelle Myriam Boyer nous saisit aux tripes et passe, comme dans un rêve, du rire aux larmes, de la démence à la nostalgie, gouaille et regard perçants. La pièce, aux tonalités noir et blanc, laisse le goût de la tristesse ; on attend, un peu contrit, l’inéluctable fin de ce cœur brisé. Gelas lui a donné la couleur indélébile de l’amour. Elle n’a plus la vie devant elle Fréhel. Mais l’amour a fait d’elle la plus heureuse des femmes. DELPHINE MICHELANGELI © De.M.

Des années qu’ils voulaient travailler ensemble. En découvrant le texte d’Emmanuel Robert-Espalieu, Riviera, Myriam Boyer a le coup de foudre pour ce personnage de grande amoureuse rongée par la solitude et les paradis artificiels ; elle confie la mise en scène à Gérard Gelas. Entre réalisme du décor et onirisme des situations, on suit les derniers jours de Fréhel, l’inoubliable oubliée, abandonnée dans son meublé qui, entre deux cours de chant donnés à la jeune Paulette (Laure Vallès), se bat avec ses démons et le fantôme de son amour de jeunesse, Maurice Chevalier. Au fin fond de sa solitude, la chanteuse de l’entre-deux-guerres s’invente des histoires pour fuir la réalité et attend son chevalier charmant pour filer sur la Riviera. Dans une rivière de larmes. Lui, arrogant en costumes trois pièces et

canotier de travers, la hante les soirs d’ivresse de sa jeunesse impétueuse. Un courant d’air, interprété par Clé-

ment Rouault, qui s’anime et s’immobilise, pousse les murs du temps, qui révèlent en transparences des images

Riviera est joué jusqu’au 28 juillet au Théâtre du Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 www.chenenoir.fr

Revue et Corrigée Le Pays des galéjeurs revisite avec succès le paysage de l’opérette Marseillaise. Puisant à l’intérieur d’un genre daté et codifié, Frédéric Muhl parvient à extraire des perles de fantaisie qu’il dispense joyeusement à une assemblée conquise, où pourtant les phocéens ne sont pas légion. Ce particularisme qui atteint à l’universel, de célèbres provençaux, Pagnol, Giono, l’avaient compris. Tout autant Pessoa ne parle que de Lisboa, Chaplin de clochards anglosaxons enguenillés et Chabrol de bourgeois pervertis dans les sous-préfectures, les Carboni parlent de Marseille, ailleurs… Ici, le bourgeois, c’est Monsieur Bouffetranche (Benjamin Falletto dans un double rôle très acrobatique) qui espère épouser Miette (délicieuse Amala Landré), un peu à la façon du maître Panisse de Marius. Le jeune premier Titin (Cristos Mitropoulos d’une grande justesse) deviendra le mari de Miette, dès lors qu’il aura compris que les mauvais garçons ne sont pas de

bonne compagnie… Dans l’opérette traditionnelle, l’enchaînement des numéros musicaux dérythmait l’action au profit des chansons, un peu à la manière d’un récital pour vedettes. Ici, grâce aux masques de la Commedia Dell’arte, aux doubles rôles et à l’accélération du canevas final, le théâtre devient autrement plus puissant. Souligné par les arrangements musicaux et la présence impeccable des interprètes (Patrick Gavard-Bondet et Pascal Versini, aussi acteurs), ce Pays des galéjeurs n’est pas si léger. Cerise(s) sur le gâteau, Edwige Pellisier extraordinaire en Anaïs/Mado, Laure Dessertine sidérante dans la

triade Madame Estassi/Jojo le méchant/Lisa le Tavan et surtout Marc Pistolesi qui explose littéralement en Chichouan, dans un rôle de comique faire-valoir à la Fernandel. Réjouissant, maîtrisé, et populaire. JACQUES FRESCHEL

Le Pays des galéjeurs se joue jusqu’au 28 juillet au Théâtre du Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 www.chenenoir.fr

© J. Hierholzer (ph. S. Durel)

Liberté, liberté chérie

Darina Al Joundi dans Ma Marseillaise © Sylvie Biscioni

La comédienne et auteur libanaise Darina Al Joundi revient avec un nouvel épisode de son histoire sur le plateau

des Halles, sous l’œil d’Alain Timar. Dans Ma Marseillaise -qu’elle égrène pour ne pas risquer d’en oublier les pa-

roles-, elle raconte, avec cet incroyable sourire, son périple d’immigrante pour obtenir la naturalisation française. Les dossiers à remplir, la galère des visas et des cartes de séjour, l’aberration bureaucratique, les documents certifiés, les preuves à fournir, la peur au ventre, les secrets étalés, les tests absurdes pour prouver qu’elle connaît la France, en plus de son hymne… une vraie pièce de théâtre. Mais à travers ce chemin de croix pour intégrer «l’immigration choisie» et survivre contre les censures en tout genre, ici ou ailleurs, Darina la superbe, luttant à bout de bras contre la stigmatisation, dresse aussi un splendide hymne à la femme, une barrière de protection qu’elle érige grâce à ces panneaux blancs articulés, griffant de ses mains et de ses rêves la

toile du silence. S’insurgeant contre les femmes qui «décident» de porter le voile «dans le pays le plus laïque au monde» alors que «là-bas elles sont encore fouettées pour le port du pantalon. Que penseraient ces femmes en voyant celles d’ici ?» D’un pays à l’autre, d’un continent à l’autre, elle cherche une terre d’accueil et de justice, c’est sur le plateau d’un théâtre qu’elle la trouve. «Je rêve qu’un jour toutes les femmes soient fières d’être femmes.» Un saisissant manifeste pour la liberté. DE.M.

Ma Marseillaise est joué jusqu’au 28 juillet (relâche le 17) au Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 www.theatredeshalles.com


FESTIVALS 15

Secrets d’enfance Dis-moi…

Monsieur Agop, la Naive © De.M

Du côté des enfants, deux productions de la région qui s’adressent à des âges différents pour parler des notions d’identité et de différence. La Compagnie Clandestine, dans Quoi ? C’est quoi ? (à partir de 6 ans), avec trois bouts de papiers (et un solide castelet Kamishibaï bien manigancé) introduit la question de la confrontation à l’autre. De tentative en tentative de rencontres, deux personnages féminins s’emparent de mots inscrits sur une feuille (sentiments, injustices, peur, jeux…) et exposent leurs différences. Trop petite, trop grande, bavarde, timide, elles franchiront peu à peu les frontières qui les séparent. Visuellement réussie, des magnets sont collés sur les planches qui défilent sur le castelet, la pièce tisse la toile de l’amitié. À l’espace Alya, la Naïve s’empare d’une histoire vraie pour évoquer le génocide Arménien, un sujet moins facile pour des enfants mais traité avec justesse. Autour de Hazzad, venu à Marseille chercher Monsieur Agop qui l’a sauvé enfant en plein conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïjan pour lui livrer son secret, des personnages farfelus (et improba-

Quoi ? C’est quoi ? est joué à la Maison du Théâtre pour Enfants jusqu’au 28 juillet (relâche 22) 04 90 85 59 55 www.festivaltheatrenfants.com

bles) fraternisent et se joignent à sa quête. Le conte est bien écrit (JeanCharles Raymond), la production plus fragile. Mais le message de paix et la chute touchent au cœur. Programmé à 21h, la pièce annoncée à partir de 8 ans risque de ne pas rencontrer son jeune public. C’est fort dommage.

Monsieur Agop est joué à l’Espace Alya jusqu’au 28 juillet 04 90 27 38 23 www.espacealya.com

DE.M.

Conférence iconique Elles sont canon les deux reines en kilt de cette conférence autour de Marie Stuart et Elisabeth 1re, très librement inspirée de Marie Stuart de Zweig. Un drôle de sujet, peu exploré, la rivalité entre les reines d’Ecosse et d’Angleterre, que Barbara Sylvain et Lula Béry mènent en road movie disjoncté, bourré de références historiques, de digressions poétiques et de distorsions spatio-temporelles. Ça démarre sur les chapeaux de roue du décalage assumé, chacune se mettant dans la peau du personnage pour exprimer les enjeux d’aujourd’hui, entre contexte religieux d’alors et séjour linguistique à la mode hilarant. Entre décapitation revancharde et solitude du pouvoir. L’une apte au célibat, l’autre folle amoureuse.

L’une coincée par la raison, l’autre traversée par la passion. Et puis, de graphiques extravagants en chorégraphies improbables, de ruptures de rythme en thèse historique effleurée, de joute verbale en cup of tea partagée, la visite guidée, cocasse certes, perd peu à peu de sa grandeur et décadence. Les reines ont peu à peu disparu, on en oublierait presque le sujet de départ. Restent deux comédiennes so nice. DE.M

Il faut du temps, des respirations, pour relancer la joute, pour s’installer dans le texte de Nathalie Sarraute et en saisir les nuances, l’intelligence. C’est à hauteur d’homme que se joue l’enjeu, le ressentiment, le malaise. Pour un oui ou pour un non tient dans une hésitation, trois points de suspension, «c’est bien… ça», une intonation qui soulève toutes les interrogations et mauvaises interprétations. Une suspension d’amitié, la difficulté d’«exprimer l’inexprimable», de se situer dans une relation inévitablement soumise à un rapport de force, de déséquilibre latent et indicible. Dans la petite salle du Vieux Balancier, Romain Arnaud-Kneisky –très à l’aise, d’une ironie tout en retenue, regard franc et sourire esquisséet Sébastien Harquet –plus en retrait, mais il reprend le rôle- se retrouvent, se jaugent, choisissent leurs mots et combattent dans un décor sobre qui laisse toute latitude aux postures, une table-bistrot qui permet plusieurs recours aux petits verres-béquille, avant l’explication finale. Oui ou non ? Vivre la vraie vie requiert d’inestimables capacités que Nathalie Sarraute laisse à l’appréciation de chacun… (voir aussi p 12). DOMINIQUE MARÇON

Pour un oui ou pour un non est joué jusqu’au 31 juillet au Théâtre du Vieux Balancier 04 90 82 41 91 www.levieuxbalancier.com

It’s so nice est joué jusqu’au 28 juillet au théâtre des Doms, Avignon 04 90 14 07 99 www.lesdoms.eu

Haute voltige Qu’on se le dise, Le Cartoun Sardines Théâtre est là, bien présent dans une pièce classique, Le Misanthrope de Molière, texte intégral à l’appui, mais entièrement digéré et revisité. Courtisans de tous poils tenez-vous loin, vous souffrirez de ne point comprendre qu’on s’en prenne à vous ! Pour les autres, suivez donc Alceste, tout à son amour pour Célimène, en plein affrontement et défis qui ne cessent de se croiser entre parade amoureuse et mondaine. Dominique Sicilia –merveilleuse-, Patrick Ponce et Bruno Bonomo jouent et croisent à eux-trois tous les personnages sans qu’une miette ne soit perdue, révèlent le texte comme rarement, tout en singeant –parti pris de mise en scène et judicieuse prise de risque, les défilés de mode, lieux de fausses apparences s’il en est. Du décor suspendu dont les éléments descendent au gré des utilisations, propres ou figurées –une chaise peut devenir balançoire-, à la musique électro qui prend le relais du tempo du texte, Molière se trouve projeté dans une époque qui pourrait bien être la nôtre. DO.M.

© X-D.R.

Le Misanthrope est joué au Théâtre des Lucioles, jusqu’au 28 juillet 04 90 14 05 51


16 FESTIVALS VAUCLUSE EN SCÈNE | LA FRICHE | SALON

Barbarie quotidienne

© X-D.R.

En 1942, durant l’occupation allemande, sept amis se retrouvent à l’occasion de l’anniversaire de la maitresse de maison dans l’appartement d’un immeuble bourgeois. Grâce au marché noir les victuailles ne manquent pas, ni la bonne humeur d’ailleurs, même si les convives évitent de parler politique… L’irruption de la Gestapo va mettre fin aux réjouissances : deux officiers allemands ont été abattus au pied de l’immeuble, en représailles il est ordonné au groupe de choisir deux otages parmi eux. S’ensuit alors un long réquisitoire où chacun prendra la parole, entre autojustifications et compromissions, dévoilant lâchetés et réparties ignobles. Qui vaut mieux qu’un autre, qui est à

DO.M.

Le Repas des fauves a été joué le11 juillet au Château de l’Emperi, à Salon, dans le cadre du Festival Côté Cour

tecture légère au service de la collectivité... Pince sans rire et minimaliste, Rachel Stella évoque les «froggies», artistes français passés enseigner sur le campus : Fernand Léger et sa quête du modèle féminin de préférence sous la douche ou Jean Charlot, assistant de Diego Rivera, à qui l’on demanda avant la réalisation de murals... de repeindre sa chambre... Mais c’est évidemment John Cage dont le premier «événement sans titre» est présenté en 1952 dans le réfectoire du collège, qui diffusera durablement l’esprit du BMC, dont témoigne la belle performance Dance for nothing d’Eszter Salamon sur les mots du compositeur ; Christian Tarting en un exposé incisif et swinguant y rattache la stricte radicalité silencieuse du fameux 4’ 33’’ et la lie aux White Paintings de Rauschenberg créées aussi en ce lieu; Frédéric Valabrègue vagabonde et digresse sur la notion d’event de hasard et d’aléatoire autour de la figure de Georges Brecht (Fluxus) vu comme héritier de cet éveil défini par la pratique du Black Mountain... Si un «chair event» peut se définir comme une chaise avec un objet dessus, il semble soudain évident que le pot de tournesol sur guéridon est une invitation à accueillir et à se taire ! MARIE JO DHO

Le deuxième volet du colloque sur le Black Mountain College conçu et produit par le Centre International de Poésie de Marseille et Marseille Objectif Danse s’est tenu le 29 et 30 juin à la Friche de la Belle de Mai. La dernière livraison CCP (cahier critique de poésie) est constituée d’un dossier sur Charles Olson www.cipmarseille.com www.marseille-objectifdanse.org

Ondine, compagnie Eugenie Andrin © De.M

Au fil du territoire

Au Black Première question : où et quand aurait pu être prise la première photo du trio hilare John Cage / Merce Cunningham / Robert Rauschenberg avant le fameux cliché new-yorkais qui les immortalise ? Deuxième question : pourquoi ce tournesol en pot sous le nez de Jean-Pierre Cometti, premier intervenant du colloque (épisode 2) organisé par le cipM et marseille objectif DansE sur l’expérience originale et fondatrice du Black Mountain College (Caroline du Nord / 1933-1957) ? La réponse à la question une étant de fait traitée, la seconde sera laissée à la sagacité active du lecteur capable de lire jusqu’au bout, faute d’avoir participé aux «moments» de ces rencontres plutôt très stimulantes sur le plan intellectuel. S’intéresser à cette utopie pédagogique dirigée entre autres par Josef Albers venu du Bauhaus ou par le poète Charles Olson, permet une fructueuse incursion aux sources de mouvements majeurs de l’art américain dont l’expressionnisme abstrait. Faisant de l’art sous toutes ses formes et de l’expérimentation sans clivage disciplinaire (des mathématiques jusqu’à l’agriculture) la base de l’apprentissage, l’enseignement du BMC fut accompagné en temps réel, comme l’analyse avec rigueur Joëlle Zask, par la réflexion du philosophe pragmatiste John Dewey : le «learning» passe par l’accueil à l’imprévisible et à tout ce qui brise le piège de sa propre conscience. Belle leçon de vitalité qui trouve sa limite dans une certaine confusion entre mise à l’épreuve et destruction, prévient l’intervenante, qui connait la fin de l’histoire. L’architecte-scénographe Patrick Bouchain avait auparavant chaleureusement fait revivre la figure hors-norme de Buckminster Fuller, enseignant dans les sessions d’été 1948-1949 et inventeur de l’archi-

acheter, qui mérite ?... Julien Sibre adapte la nouvelle de Vahé Katcha sans gommer le réalisme implacable de l’infernale mécanique qui dégénère, mais en appuyant l’humour qui, quelle gageure !, se dégage malgré tout des dialogues savoureux ; savamment dosées, les images d’archives et les dessins animés de Cyril Drouin, qui rappellent fortement ceux de Marjane Satrapi, complètent la mise en scène et illustrent le hors-champ.

Cinq ans qu’Arts Vivants en Vaucluse et le Département réunissent les compagnies vauclusiennes dans la Cour Saint-Charles. Des rendez-vous gratuits pris d’assaut par les spectateurs, curieux de découvrir la diversité des expressions de leur territoire dans un cadre privilégié, en amont du festival d’Avignon. Pour la 5e édition, Vaucluse en Scène a étendu sa programmation au jeune public, matin et soir, dans la cour d’AVV. Les scolaires ont découvert notamment la délicieuse Layla Darwiche, fille du conteur Jihad, présentée par l’association TAMAM. Dévoilant des histoires d’ogresses et de marchand cupide que lui racontaient «sous l’oranger» sa grand mère libanaise, elle a enchanté de ses contes la petite assistance, toute ouïe de goûter au plaisir de la tradition orale arabe. Joli voyage également avec Le Carnaval des Z’animaux du Théâtre Rural d’Animation Culturelle de Beaumes de Venise, pôle départemental culturel des pratiques amateurs. Emmenés par Vincent Siano, les deux jeunes comédiens n’avaient rien d’amateurs pour singer l’humain à travers les descriptions souvent hilarantes des animaux. Seuls manquaient des musiciens de chair et d’os pour jouer cette «fantaisie zoologique» de SaintSaëns. Moins facile mais

respectable, le TRAC a également présenté Les Justes dans la «grande cour». Si le projet, inscrit dans un cycle autour des 5 pièces d’Albert Camus, relève d’une belle démarche d’éducation populaire propre au TRAC (depuis 1979) et d’un indéniable vœu de transmission théâtrale, les niveaux de jeux inégaux et la complexité du plein air retenaient parfois les «meurtriers délicats», emportés par un chœur de chants révolutionnaires russes dans une scénographie à étage pertinente, à être foncièrement ces terroristes prêts à mourir pour leurs idées. Côté danse, Flamenco Vivo (au Off jusqu’au 28 juillet au théâtre de l’Oulle), a enflammé les planches avec son Flamenco pa mi Grana fougueux autant que gracieux et Eugénie Andrin dans Ondine a dévoilé son étrangeté ondulante (sur pointes) autour du mythe de la fille de l’eau dans un duo fusionnel avec Julie Desmet. Des productions délicates, souvent modestes, mais au grand cœur. Ça peut être ça aussi le Vaucluse ! DE.M.

Le festival Vaucluse en Scène a eu lieu du 29 juin au 7 juillet à Avignon


OLLIOULES | VAISON | AVIGNON

FESTIVALS 17

Spectaculaire ou intime ? L’été, dans l’amphithéâtre à ciel ouvert de Châteauvallon, la programmation danse est plus classique que dans le petit théâtre. Pas d’aspérités ni de surprises, le CNCDC conviant à la fête étoilée des compagnies de renom interplanétaire. L’emblématique Béjart Ballet Lausanne dirigé par Gil Roman et son immortel Boléro fait mouche à tous les coups ; l’inoxydable Philippe Decouflé de retour sur le devant de la scène avec Le Best Of et l’exposition rétrospective Opticon à la Grande Halle de la Villette ; et le Lines Ballet de San Francisco. Déjà accueilli en juillet 2010 avec la très conventionnelle Migration : The Hierarchical migration of Birds and Mammal, et Rasa qui sublimait l’interdépendance de la danse et du tabla, le Lines Ballet revenait les 6 et 7 juillet avec deux pièces en miroir de son maitre de ballet Alonzo King. Cette année, là encore, Refraction et The Moroccan Project donnaient à voir l’étendue des écritures chorégraphiques de l’afro-américain et des prouesses techniques, néoclassiques, de ses interprètes. Au risque d’anéantir tout souffle de chair… Heureusement, le second opus a évité la paraphrase de la musique traditionnelle marocaine El Hamideen. À cette affiche prestigieuse, mais ennuyeuse pour qui ne conçoit pas la danse comme un exploit physique, il faut ajouter le Nederlands Dans Theater 2 qui allie créativité et excellence. Les jeunes danseurs âgés de 17 à 23 ans conjuguent au présent tout le «savoir danser» de leurs aînés du Nederlands Dans Theater. Le triple programme était le parfait exemple de leur virtuosité tout en inventivité et en énergie décuplées : l’irrésistible Sleepless de Jiri Kylian aux combinaisons sophistiquées (frissons garantis !) ; le Solo pour trois danseurs de Hans van Manen sur la 1re partita pour violon en ré mineur de Bach d’une précision phénoménale ; et la pièce chorale Minus 16 de Ohad Naharin, direc-

Quelques grammes de poussière Minus 16 de Ohad Naharin © Daisy Komen

teur de la Batsheva Dance Company, à l’exubérance contagieuse. Ample et spirituelle, endiablée et provocante à la fois. Le vrai plaisir de danser des jeunes interprètes était là et crevait l’écran des nuits noires de Châteauvallon. Plus confidentielle, et plus risquée aussi, l’offre du théâtre couvert en ouverture de soirée faisait la part belle à Julie Dossavi, habituée des lieux, ici en duo avec le multi-instrumentiste Yvan Talbot. Et à Frank Micheletti (Kubilai Khan Investigations) qui dévoilait devant un public fidèle ses dernières recherches. Car son Tiger Tiger Burning Bright propose une nouvelle spatialisation, plus chaotique, et une gestuelle plus dépouillée, proche d’un Dominique Bagouet des années 80. D’abord déconcertante, la pièce, pas encore «huilée», évoque par ses ruptures successives «ces temps de changements permanents qui conduisent la société dans une éternelle éphémérité»… Il reste aux danseurs à occuper pleinement l’espace béant qui les sépare, et peut-être les éloigne. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Spectacles donnés en juin et juillet au CNCDC Châteauvallon à Ollioules

Shakespeare au théâtre romain L’histoire de Roméo et Juliette a pris des allures de mythe tant elle a été reprise, atteignant une portée universelle depuis Shakespeare, et la version orchestrale de Prokofiev, grandiose, a inspiré de nombreux ballets, dont celui, très célèbre, d’Angelin Preljocaj. Celle de Jean-Christophe Maillot pour les Ballets de Monte Carlo est elle aussi sublime. Il prend comme fil conducteur le personnage de Frère Laurent, torturé, comme prescient du drame à venir. Ses apparitions scandent l’œuvre, ombres portées sur chaque phase de l’action. Les danseurs, outre leur irréprochable technique, sont menés ici comme de véritables acteurs, et jouent avec inRomeo et Juliette, les Ballets de Monte Carlo © Marie-Laure Briane

telligence : tout prend sens, les attitudes, les expressions. La danse est puissante : joutes entre Capulets et Montaigus, combats, arrogance de Tybalt ou de Mercutio, morgue des représentants des deux maisons ennemies, bravades… Les deux amants sont bouleversants dans la naissance de leur passion adolescente, avec ses peurs, ses retours, ses jeux et hésitations, ses élans juvéniles, leur légèreté mutine. Le désespoir final n’en est que plus poignant. La palette de la tragédie élisabéthaine est rendue dans ses nuances, le grotesque, la farce côtoyant le sublime, alors que le théâtre de marionnettes préfigure en abîme le dénouement. Aveugles aux signes, les personnages inexorablement se perdent. La scénographie d’Ernest Pignon Ernest est un travail d’épure, avec des parois blanches concaves et convexes qui modulent l’espace de leurs lignes, orchestrées par les lumières fines de Dominique Drillot. Un spectacle d’une qualité rare, dans la magie du théâtre antique de Vaison-laRomaine (voir p 74). MARYVONNE COLOMBANI

Roméo et Juliette a été dansé les 9 et 10 juillet dans le cadre de Vaison danses

Entre arts du cirque et hip hop, le collectif 2 Temps 3 Mouvements poursuit dans Et des poussières… son mélange des genres. Pour compléter leur recherche sur l’identité, fondement principal du trio initial, Nabil Hemaïzia, Sylvain Bouillet et Mathieu Desseigne (qui joue du côté de Platel) invitent Marie Bauer à les rejoindre sur scène. Une danseuse circassienne qui donne du souffle à la danse jusque-là très acrobatique. Son talent (et son lâcher prise, sublime poupée de chiffons) est tout aussi spectaculaire que celui de ces danseurs, funambulistes du geste, qui dépoussièrent le genre et ne cèdent jamais à la facilité. Chacun décline son état civil et plonge dans un tas de fringues (très visuel), pour changer de peau, s’essayer à être un Autre. Hommes statufiés, femme momifiée, ils tentent d’être plus que de paraître, cherchent à sortir du lot, tiennent à un fil (sur les mains) jusqu’à cette chute de feuilles mortes, grandiloquente. Ils glissent, s’élancent, se mélangent sur cette nouvelle scène parsemée, qui devient chemin de ronde pour les faire, enfin, se rencontrer. De création en création, 2T3M nourrit son propos, développe son art hybride et fait valser les étiquettes. Un pas de quatre, parfaitement écrit, entre course et équilibre, avec un travail sur les portés exceptionnel. DELPHINE MICHELANGELI

Et des poussières… est dansé jusqu’au 21 juillet au CDC des Hivernales 04 90 82 33 12 www.hivernales-avignon.com © De.M


18 FESTIVALS FESTIVAL DE MARSEILLE

Du bonheur dans les mailles

Tempest Replica © Agnès Mellon

Entre l’inauguration grand format de Sidi Larbi Cherkaoui avec sa fresque poético-ludique Tezuka et la clôture de Sasha Waltz sur les Impromptus de Schubert, intimiste et déchirante, le Festival de Marseille a fait une fois de plus le grand écart. D’un style à l’autre, de la vieille Europe à l’Afrique du sud et au Canada, dans les interstices entre les générations, les propositions chorégraphiques stricto sensu et les créations transversales. Éclaté sur 10 lieux grâce au soutien de structures fidèles, comme Marseille Objectif Danse qui a offert à la Friche de belles nuits dansées sur écran géant, le festival a atteint ses objectifs constate Apolline Quintrand après le clap de fin. L’heure est au bilan: «Ce qui aurait pu être perçu comme une programmation «intellectuelle» a pris toute sa force dans l’émotion, la plénitude et la puissance». Plénitude, un mot qui revient souvent, à croire que 17 éditions n’ont pas suffi à rassurer sa directrice ! D’ici là, et fort de son succès (28 000 spectateurs, dont 16 000 places vendues, un taux de remplissage global de 88 %), le festival fait les comptes. Et c’est positif ! Malgré quelques couacs au Silo qui n’offre pas une visibilité optimale, l’équipe a su «l’apprivoiser et la dompter en abaissant sa jauge à 1200 places au lieu de 1400 pour le Ballet Cullberg et Sasha Waltz», et mise sur elle l’année prochaine. Pour son retour à La Sucrière, le festival a fédéré un

large public venu assister gratuitement au concert des Phuphuma Love Minus, guest stars de Robyn Orlin. Quant à la salle Vallier, désormais ancrée dans les habitudes des spectateurs comme des artistes qui apprécient son passé sportif, ses loges atypiques et les dimensions du plateau, des aménagements sont en vue pour améliorer le confort : climatisation, dosserets et même un nouveau pont lumière. À condition que la Ville investisse… Malgré tout, le public a répondu présent au célèbre Peeping Tom et à la canadienne Crystal Pite, qui, pour sa première venue à Marseille, a mis dans sa poche les inconditionnels de Shakespeare. En particulier de La Tempête, rebaptisée Tempest Replica comme gage de sa liberté, qu’elle a ressuscitée à travers une exquise alchimie de danse, d’images vidéo, d’écriture et de théâtre. Inconnus des français -plus pour très longtemps !-, les jeunes chorégraphes-interprètes de la scène madrilène Sharon Fridman et Janet Novas ont marqué d’une pierre blanche leur passage au festival. Rencontres, répétitions publiques dans la ville, spectacles ont tour à tour suscité l’intérêt, la surprise puis la ferveur de ceux que les méandres d’une programmation curieuse attirent dans ses filets. Et dieu sait que la pêche fut bonne ! M.G.-G

En grandes compagnies Le Ballet Cullberg à Marseille s’annonçait comme un événement. La grande compagnie suédoise, menée longtemps par Mats Ek qui prit la suite de sa mère Birgit Cullberg, est passé par les mains de Carolyn Carlson, et doit aujourd’hui retrouver une identité à la hauteur de la virtuosité des danseurs, et des attentes esthétiques du monde contemporain. C’est pourquoi, même si son Projet Strinberg déçoit, il présente l’intérêt courageux de

déplacer franchement les lignes confortables de la reproduction infinie d’un répertoire. L’américain Tilman O’Donnel cherche donc un autre souffle dans la culture suédoise, et quoi de mieux que Strinberg pour l’expliquer ? L’écrivain était aussi schizophrène, souvent perdu, décompensant par périodes et revenant à lui pour écrire. Le chorégraphe saisit cet aspect méconnu pour dresser un tableau assez infantile du dédoublement, la À Louer © Herman Sorgeloos

perte de soi, de l’espace. C’est incongru et surprenant, mais certes pas réussi, d’autant que l’on sait ce que ces interprètes qui parlent si faux savent faire de leurs corps, ici réduits au rôle de marionnettes ou de parodies animalières… Après l’entracte, le Ballet Cullberg retrouva ses marques, dans une pièce parfois maladroite de Mélanie Melderlin, à partir là encore d’une anecdote de la vie de Strinberg, qui aimait la langue chinoise. Les corps ont au moins dansé brillamment ! Quelques jours plus tard une autre compagnie virtuose en son genre occupait le Stade Vallier : Peeping Tom, qui depuis une dizaine d’années est passé de propositions confidentielles initiées dans sa trilogie (Le Jardin, Le Salon, Le Sous sol) à des programmations dans les festivals et théâtres les plus prestigieux. La compagnie y a gagné en moyens de production, ici très importants, mais y a un peu perdu en force explosive. Les Belges ont toujours aimé les cantatrices poussiéreuses (mais à très belle voix), les tordus du désir, les corps inattendus. Dans À louer l’usage du tremblotement des jambes est ahurissant, les ambiances morbides dans l’antichambre de la mort, ou du rêve, ou de la mémoire, offrent de beaux moments d’émotion. Quant au décor, somptueux, il joue sur des perspectives tordues qui rappellent les manoirs hantés et les coins sombres et drôles de la Famille Adams. Mais le discours se répète, beaucoup trop, et la compagnie a perdu en force subversive, en décalage du désir. Pour aller vers des univers plus matures que révoltés ? AGNÈS FRESCHEL


FESTIVAL DE MARSEILLE | KLAP

e l l i Des lous e s r a àM zou

À deux

Phuphuma love minus © Vuyani Feni

Durant le Festival de Marseille KLAP a continué d’accueillir et de créer. Un hilarant Bonsoir Madame la Baronne que Baptiste Coissieu, danseur chez Preljocaj, avait créé lors d’Affluents au Pavillon Noir, et qui est ici plus accompli encore dans sa drôlerie tapageuse, trans, où un danseur virtuose se rêve un temps cantatrice dominatrice, parodie gentiment le langage de Preljocaj avec son complice et dévoué serviteur qui lui amène des proies… délicieux ! Le duo le Sixième pas, co écrit et créé par Michel Kéléménis et Katarina Christl, virtuose boule de nerf du Ballet National, est fait de rapprochement et de curiosité, de tentatives incertaines d’enfiler des pointes comme un jeu avec l’idéal et un handicap à la danse, sous le regard bienveillant du danseur qui la regarde se débattre, et se place doucement dans ses pas. Un joli embryon de duo, comme un début de dialogue entre deux locuteurs étrangers qui aiment l’altérité. A.F.

logeaient. Et c’est d’ailleurs souvent sur cette pointe des pieds qu’ils exécutent leurs pas de danse, légers et millimétrés. Leurs voix mêlant plusieurs sonorités, ils évoquent, dans leurs chansons, une vie quotidienne pas si lointaine, marquée par les dégâts quotidiens de l’apartheid. N’hésitant pas à inviter le public à les imiter sur scène et à les soutenir en achetant leur CD, Phuphuma Love Minus garantit du grand spectacle. Sans artifice et avec générosité.

www.kelemenis.fr Bonsoir madame la baronne © Didier Philispart

Les Sud-Africains de Phuphuma Love Minus ont conquis les festivaliers. Proposer un concert gratuit dans un quartier populaire, c’est aussi une des préoccupations du Festival de danse et des arts multiples de Marseille. Héros d’un spectacle de la chorégraphe Robyn Orlin également programmé dans le festival, le groupe Phuphuma Love Minus pratique l’isicathamiya, chant choral traditionnel zoulou d’Afrique du Sud. Mais ces chanteurs à l’énergie redoutable sont autant des jambes que des voix. Leurs costumes classieux deux pièces et chaussures vernis, comme une revanche sur l’histoire, rappellent qu’au début du vingtième siècle, les travailleurs zoulous qui émigraient vers les villes devaient marcher sur la pointe des pieds, interdits du moindre bruit dans les hôtels qui les

THOMAS DALICANTE

Phuphuma Love Minus s’est produit au théâtre de la Sucrière, le 5 juillet, à Marseille, dans le cadre du FDAmM

Walking Next to our shoes © John Hogg

Une fantaisie rebelle Walking Next to Our Shoes… commence et se termine dans les gradins. Robyn Orlin aime interpeller son public quitte à le bousculer dans sa quiétude ! Si la population africaine de Marseille ne s’est pas déplacée en masse Salle Vallier -au grand regret de la chorégraphe sud-africaine qui prône la mixité-, les spectateurs du Festival de Marseille ont chaleureusement participé à sa mise en scène hors cadre et ovationné le groupe Phuphuma Love Minus (voir ci-dessus). Il est vrai que les chanteurs-danseurs Zoulous ont fait résonner toute la puissance de l’isicathamiya, ce chant a capella qui dit la difficulté de vivre en Afrique du Sud. Car Robyn Orlin évoque les sujets graves, ici la pauvreté, avec un ton léger, une forme endiablée, une organisation chaotique. Tout sauf l’homogénéité ; tout sauf le policé

FESTIVALS 19

bien pensant ! Et ses moyens sont simples : un écran de papier recyclé, une petite webcam, des lampes de poche, le tout métamorphosé sous les coups de boutoir énergiques des chanteurs, d’un Swanker1 espiègle, d’une chanteuse lyrique chaloupée. Et autant de paires de chaussures, parfois piquées aux spectateurs, symboles de l’expression Walking Next to Our Shoes (marcher à côté de ses pompes), plus prosaïquement être pauvre au point de devoir marcher pieds nus... Il n’en faut pas plus pour faire entendre son message sur la situation des Africains, notamment sur le sida, seule parenthèse traitée sans exubérance mais sans pathos non plus. Tout est affaire de dosage et les accents rebelles de la dame blanche gardent leur éclat. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI 1

sapeurs sud-africains Walking Next to Our Shoes… Intoxicated by Strawberries and Cream, We Enter Continents Without Knocking... a été joué le 4 juillet au Festival de Marseille


20 FESTIVALS MUSIQUE ACTUELLE | JAZZ

One, two, three…

L’île du jazz

Viva l’Algérie !

Perrine Fifadji © F. Passerini

Admirable voire bouleversant. À souligner également la prestation intimiste de Vincent Segal au milieu des collections antiques du Musée Départemental Arles Antique, l’univers onirique du pianiste arménien Tigran Hamasyan, le cantaor flamenco Arcangel, les mélodies judéo-andalouses du contrebassiste Avishaï Cohen ou encore l’envoutante Gamalet Shiha de l’ensemble égyptien Malawil qui redonne vie à une tradition poétique remontant au XVIe siècle. Les plus grands succès populaires de cette 17e édition des Suds reviennent aux toulousains de Zebda, auteur du Bruit et l’odeur, et à l’orchestre El Gusto, célébrant les retrouvailles d’Arabes, Juifs et Piedsnoirs, anciens de la Casbah d’Alger. Les deux soirées consacrées aux cultures du Maghreb et qui mettaient particulièrement en relief les liens charnels existant entre la France et l’Algérie. De quoi réfléchir et reconstruire dans cette ville au cœur d’une circonscription où les thèses de repli et de rejet de l’autre ont rassemblé près d’un électeur sur deux au second tour des récentes élections législatives. THOMAS DALICANTE

Rock the Prévert

Dans le cadre de sa deuxième saison estivale, le théâtre Silvain accueillait la création de Frédéric Nevchehirlian sur des textes de Jacques Prévert

Faire du rock sur les vers de Prévert pouvait paraître risqué. Le Marseillais Frédéric Nevchehirlian l’a tenté et réussi. Si bien qu’il attire les foules et les médias. Ce ne sont pas moins de 1300 spectateurs qui sont venus l’écouter, un soir d’été propice à la baignade. C’est sans doute parce que ce prof de français, figure du slam, a du talent, du charisme et cette petite touche qui vous donne envie d’être son ami. Rien d’étonnant à ce que les textes du poète préféré des Français lui aillent comme un gant. De l’auteur de Paroles, Nevchehirlian a choisi de mettre en musique les poèmes qui rappellent la profonde contestation du système capitaliste au cœur de son œuvre. Quelle meilleure accompagnatrice qu’une guitare électrique pour donner toute sa turbulence au Prévert insou-

mis ? Avec Citroën, c’est le mépris du patronat pour les ouvriers qui est dénoncé. Dans Il ne faut pas rire avec ces gens-là, c’est la répression des travailleurs par la bourgeoisie qui en prend pour son grade. Des travailleurs dont la conscience est interpelée dans la ballade Travailleurs, attention. Mais Nevche a également mis en musique la magnifique Lettre à Janine, révélant le Prévert passionnément amoureux. Écrits pour la plupart dans les années 30, ces poèmes ravivés par Nevchehirlian trouvent un écho brulant dans l’arrogance de l’oligarchie financière d’aujourd’hui. Sous le ciel du théâtre Silvain, à quelques pas de la classieuse corniche marseillaise, la révolte avait rendez-vous avec la lune. Même si l’accompagnement de Benjamin Dupé a fait rêver, le temps d’une chanson, à une musique un brin plus élaborée. T.D.

Le concert de Frédéric Nevchehirlian a eu lieu le 3 juillet, au théâtre Silvain, à Marseille

MARYVONNE COLOMBANI Nicolas Koedinger © Marie Bergere

Les Suds ont donné une large place aux musiques venues de notre voisin méditerranéen. D’une création de Mixel Etxekopar sur le thème de la pelote basque mêlant danse, chant et musique traditionnelle… à Zebda, groupe le plus programmé de l’été dans l’Hexagone. Les Suds à Arles ont, une nouvelle fois, démontré que les musiques du monde se conjuguent aussi au féminin et sur tous les territoires : c’est le seul festival de cette catégorie qui programme dans son lieu le plus prestigieux -le théâtre antique- les polyphonies occitanes féminines de La Mal Coiffée comme le projet Traveller, fusion ragaflamenco d’Anoushka Shankar, fille et disciple de Ravi, maître du sitar indien. Une proposition intéressante, dans la lignée de Qawalli-flamenco ou de Jaadu, autres travaux faisant dialoguer la musique andalouse et des rythmes spirituels d’Orient, mais qui n’en atteint ni la force ni l’émotion. Moins clinquante et donc plus touchante, la rencontre entre le folk singer Piers Faccini et le griot malien Badjé Tounkara a offert un duo blues mandingue intimiste. Autre paire étonnante, et plus déjantée, les Japonais Shunsuke Kimura et Etsuro Ono mettent leurs instruments traditionnels à cordes et à vent au service d’une musique d’inspiration classique mais aboutissant à des sonorités résolument rock. Lieu dédié à des fins de soirées plus électriques, l’atelier des forges a connu les moments les plus fiévreux du festival. Clarinettiste klezmer de la nouvelle génération, Yom a imaginé un spectacle explosif, dopé au rock et à l’électro, qui nous fait dériver des Balkans à la Turquie. Jeune groupe engagé, Bomba Estéreo véhicule la chaleur des soirées electrocumbia colombiennes, un cocktail de musiques populaires, de hip hop et de projections vidéo. Double coup de cœur pour deux femmes, de deux générations et deux cultures différentes. Perrine Fifadji est béninoise, généreuse, et douée au chant comme à la danse. Houria Haïchi, elle-même grande voix d’Algérie, a choisi de rendre hommage à ses compatriotes chanteuses, anciennes, actuelles ou anonymes.

11e édition pour le Festival de Porquerolles et un succès public qui reconnaît la qualité des concerts présentés. Il y a quelque chose de magique et d’initiatique, prendre le bateau à la Tour Fondue, grimper dans la colline, précédé par une joyeuse fanfare, enfin, accéder au Fort Sainte Agathe, d’où l’on voit le soleil sombrer dans la mer. Le 12 juillet, on retrouvait avec plaisir le lauréat du Tremplin du Jazz, le Koedinger Quintet. Compositions originales de Nicolas Koedinger, le contrebassiste du groupe, des pièces qui chacune savent créer leur univers propre, Hasard, poétique qui sait faire parler le silence, Coquelicot, expressif, qui interroge, hésite, s’emballe, avec une superbe partition au piano (Lionel Dandine), The Magic Errol, marche festive et humoristique, soutenue par la batterie de Cédrick Bec, Chet good memory, notes liquides, rêveuses, envolées lyriques portées par les risées du soir, Sad, et son beau travail en échos en trombone (Romain Morello) et saxophone alto (Gérard Murphy), ses subtils enchaînements fondus sur le thème, Fleur d’oranger, digne de Nino Rota… un jazz dans la grande tradition ! Le 2e concert de la soirée s’attache à une autre catégorie musicale, la soul music, avec le dynamique ensemble Spasm Band et le poète Anthony Joseph, qui rappelle que sa «poésie est née du désir d’écrire de la musique parlée». On retrouve le phrasé d’un James Brown ou d’un Jimmy Hendrix, un orchestre de remarquables musiciens, Christian Arcucci à la guitare, phénoménal, Andrew John à la basse, Colin Webster au saxophone, Marijus Aleksa à la batterie, Will Fry aux percussions. Le public subjugué, danse, s’anime, monte sur scène, une vraie fête. Et en invité, un grand nom du jazz, Archie Shepp, sa manière si particulière de jouer du saxophone basse, et sa poésie. Moment bouleversant que son Révolution ou Mama Rose (publié en 2009), écrit pour sa grand-mère. Un hymne à la liberté. Celle de la force de l’improvisation de ces musiciens hors pair.


JAZZ | ARTS DE LA RUE

FESTIVALS 21

Tous pour le Jazz ! Lorsque vous pénétrez dans l’enceinte du Charlie Jazz Festival, une sensation d’espace et de sérénité vous saisit. Beaucoup de monde pour cette première soirée le 6 juillet, déjà animée par la fanfare La Nouvelle Collection : quatre musiciens qui déambulent, au dress code Smart cocktail. On se restaure un peu et les Vertigo Songs du 4tet de la pianiste Perrine Mansuy s’annoncent, imminents. L’ambiance plonge alors dans une féerie de sonorités ouvertes et l’on ne quitte plus des yeux Marion Rampal, jouant de ses mains dans l’espace comme pour nous captiver et nous charmer de sa voix. La guitare et les effets sonores de Rémy Decrouy tentent d’atteindre le ciel, rythmés par les percussions de Xavier Sanchez, tandis que les sons cristallins du piano flirtent avec la cime des platanes. Dernier temps fort de la nuit, et, premier concert de la tournée européenne du contrebassiste mythique Dave Holland, entouré des musiciens d’exception du Electric Prism : le guitariste inspiré Kevin Eubanks, l’excellent batteur Eric Harland et le pianiste,

Dave Holland Electric 4tet PRISM © Dan Warzy

Craig Taborn. Instantanément, on juge du talent et de la capacité du band à communier. Un regard, un sourire, et s’impose à nous, admiratifs et béats, l’invention, dans une créativité sans bornes. Une grande énergie se dégage avec assurance et sensibilité, notamment au cours d’un blues mémorable.

Un concert époustouflant et un début de programme savoureux pour la première soirée du festival ! DAN WARZY

Phénomènes de rue Le Lit © Do.M.

Au bout de la route il y a la mer, et un peu en amont la ville, son port surtout qui accueille tous les mercredis de juillet Les Mercredis du port. À

Port-Saint-Louis la fête est conviviale, concoctée par Le Citron Jaune -Centre National des Arts de la Rue établi là depuis 20 ans- en collaboration avec la Ville -dont le port de plaisance fête lui aussi ses 20 ans cette année-, alliant des repas très animés partagés sur de longues tables, aux spectacles éclectiques et étonnants qui se succèdent jusqu’à la tombée de la nuit. Le 4 juillet, après la mise en bouche rythmée de la fanfare Roultazic, la cie Une Petite voix m’a dit faisait se côtoyer airs d’opéras et chansons populaires dans des dialogues poétiques et surréalistes, militants aussi, chantés a cappella ou accompagnés à l’accordéon ; dans ce savoureux mélange, les trois comédiennes-chanteuses, créatures improbables, suspendaient un temps Barock… Une courte pause en fanfare avant qu’un autre énergumène fasse une entrée fracassante sur la place : Adrian Schvarzstein, dans son Lit à rou-

lettes. Le temps de rallier à lui les spectateurs les plus récalcitrants et sa chambre était recréée, du tableau humain encadré à hauteur de visage à la porte figurée par un quidam au garde à vous… Sans un mot, mais avec beaucoup de gestes et de mimiques hilarantes, provocateur à souhait, le comédien mit dans son lit une spectatrice «participante» en deux temps trois mouvements, grande histoire d’amour mimée en accéléré, jusqu’à la chute, aussi rapide qu’inattendue, dans le port, au milieu des bateaux… DO.M.

Le premier Mercredi du Port s’est déroulé le 4 juillet. Les suivants ont lieu les 11, 18 et 25 juillet. 04 42 48 40 04 www.lecitronjaune.com

Potager grand teint Muriel Tomao, soprano, interprétait des airs du répertoire, vêtue de rouge, dans un décor rouge et or et une ambiance occillant entre rêve et

cauchemar. Les personnages qui ne trouvent pas le sommeil se livrent à des actions désordonnées : Brice Gaubert tourne et vole autour d’un Pleine lune, lune pleine © X-D.R

La 9e édition de Caressez le potager s’est déroulée dans l’ambiance bonenfant qui la caractérise. Jean-Louis Favier, son créateur, se félicite du succès de l’opération Prends ta valise et ta fourchette pour laquelle se sont associés le Museum d’Histoire naturelle et l’Atelier Méditerranéen de l’Environnement (AME), association très active du 12e arrondissement, pour éduquer le grand public à la connaissance de l’environnement et lui apprendre de nouveaux gestes de consommation. Un habitué, le chorégraphe Marco Becherini, présentait une création, Pleine lune, lune pleine. Un conte nocturne dansé et chanté, avec l’accompagnement à l’accordéon de Gelda Mandic...

arbre, accroché à une corde, un arrosoir joue à la pluie, une tente de camping préfère s’envoler... On retrouvait également Sylvie Frémiot, ses ateliers de fabrication d’images et ses sélections de courts métrages d’animation. Nouvelle venue, la plasticienne Tooza a installé des gouttes d’osier et de papier blanc dans les arbres du parc. Quand la nuit tombe, ces gouttes deviennent doucement lumineuses au moyen d’un éclairage Led, baignant l’espace de poésie… caressante ! CHRIS BOURGUE

Caressez le potager a eu lieu au Parc de la Mirabelle, Marseille 12e, du 5 au 7 juillet


22 FESTIVALS MUSIQUE ACTUELLE | DU MONDE

Montera, Docteur ès Impros Pour trouver © Yves Bergé

l’ostinato, saturation, puis nouvel éclatement bruitiste, déchaînement. Calme, étagement des motifs en decrescendo… silence. La Face B propose une autre ambiance sonore : sons concrets de cloches (cf. Pink Floyd High Hopes in The Division Bells). Alternance acoustiquesélectriques, dans des registres graves, accents ponctuant comme des timbales d’orchestre en sections répétées, crescendo de sons aigus : arpèges/impros, sons glissés, animaliers. Recherche d’un climat angoissant. Hallucinante montée, cris épars, pertes de contrôles, on entend presque des voix dans cette idée de boucle récurrente… Le 3e Opus, The Room, high addiction de Sophie Gonthier à la composition, voix, guitare et JeanMarc Montera à la guitare et arrangements. Ça commence violemment, très rock, phrases vocales courtes, pas de mélodies reconnaissables comme si la voix devait lutter contre la virilité de l’accompagnement. Les accords sont puissants, les riffs rugueux, sur nappes en fond graves. Dans The Room (Bill Fay) un son sale d’entrée sur des accords pulsés laisse place à un apaisement, puis la voix voilée alterne avec la guitare dans une lutte acharnée. Clins d’œil à la musique contemporaine (Song Book de Cage, Glass, Penderecki…), au rock progressif (Pink Floyd), au free jazz et jazz fusion (Miles, Coltrane…)… autant de pépites qu’on est heureux de découvrir, qui témoigne du besoin d’un son maîtrisé, mais qui échappe aussi pour chercher une liberté musicale paradoxalement contrôlée… Ou l’inverse ? © Yves

Bergé

YVES BERGÉ

du nouveau

Parvenu sur les hauteurs des îles du Frioul, le festivalier sait toujours qu’avec Mimi il n’a pas fait le voyage pour rien. Au beau milieu des vestiges de l’hôpital Caroline majestueusement éclairé, magnifique décor phosphorescent et chromatique, le quatuor allemand Atonor et son cabinet de curiosités d’objets électro-acoustiques a donné le ton d’une nuit des Kansomnou improbable, à faire pâlir un goéland albinos : téléphones à cadrans, vélo d’appartement, pompe, échange de pingpong… Sous les yeux d’un public ébahis, le Quadrat : sch Extended de l’autrichien cithariste associé à la harpiste new-yorkaise Zeena Parkins a déroulé un tapis sonore où l’avant-garde expérimentale rencontre la tradition tyrolienne ! Il fallait se laisser bercer par ces ambiances planantes ou décapantes pour apprécier l’explosivité des néozélandais de l’Orchestra of Spheres aux looks plus démentiels les uns que les autres. Aussi déstabilisant que dansant, l’univers électrocosmique psychédélique a réchauffé sans mal une assemblée séduite par cette expérience sonore intergalactique. Sous le thème intrigant de la Nuit du béton qui chante, la dernière soirée du festival a fait un détour via les musiques du monde, avec escale dans l’archipel de Vanuatu, perdu dans le Pacifique ouest. Un écart exceptionnel : une résidence à Marseille a permis la première représentation mondiale hors leurs frontières du groupe Peirua String Band. L’assemblage des guitares, bush bass, ukulélé, bongo, tambourin et voix haut-perchées sur des rythmes rappelant les musiques cajun, country et hawaïennes, donne un résultat pour le moins déroutant. On pense parfois aux Beatles et aux Beach Boys ! Sachant que la petite île a hébergé pendant la seconde guerre mondiale une base militaire américaine, on se demande parfois dans quel sens a fonctionné l’influence musicale. Porteur à la fois des traces de techniques traditionnelles et de sonorités d’une fraîcheur et d’une légèreté actuelles, Peirua String Band est apparu comme un ovni insulaire. Changement d’univers radical avec le rock sombre et expérimental de Glenn Branca Ensemble. Un opéra instrumental aux accents gothiques dirigé par un chef d’orchestre post punk décadent, le newyorkais Glenn Branca…. La nuit s’est bétonnée ! FRÉDÉRIC ISOLETTA ET THOMAS DALICANTE Nuit du grand tunnel © Pascale Franchi

Disques vinyles. Jean-Marc Montera GRIM - Montevidéo Thurston Moore et Lee Ranaldo – Dysmusic – Dys Lp1 Les anges du pêché Montévidéo. GRIM 04 91 04 69 59 www.grim-marseille.com

© Yves Bergé

Trois disques vinyles à l’époque où les supports sonores ne cessent d’évoluer ? Rechercher le son du vinyle, profond, physique, sans les gaps du numérique, relève-t-il de la simple nostalgie ? En tous les cas la surprise est belle signée Jean-Marc Montera, directeur du Grim (Groupe de Recherche et d’Improvisation Musicales), fondé en 1978. Le 27 juin il présentait, en toute intimité, son travail, à côté de l’espace où le Grim est installé, dans le lieu régulier de concerts, qui se résume désormais à la petite salle du bas de Montévidéo lieu commun d’Hubert Colas et Montera. Les Anges du pêché emprunte son titre à Bresson (1943) ; il est aussi le fruit de rencontres inattendues entre deux guitaristes étonnants : Thurston Moore et Lee Ranaldo (membre de Sonic Youth, rock indépendant), toujours avides d’ouvertures, de pratiques musicales libres, loin des stéréotypes écrits ou des bidouillages électro. Des Fender aux vintages rares, des guitares préparées aux expériences sonores éclectiques, la rencontre avec Montera était inévitable ! From another room (Lee Ranaldo-Jean-Marc Montera) a été enregistré au Grim en 2010. Un climat inquiétant, tempo modéré, ostinato dans le grave, guirlandes chromatiques, orientales, puis des cloches sur des sons saturés. L’univers des Pink Floyd (Dark Side, Atom Heart Mother…) est ici présent. In Memory of Martin Stumpf (Thurston Moore-Jean-Marc Montera) est un hommage à l’ingénieur du son, décédé, enregistré en 1997 au Sonic’s Youth’s Studio à New York. Entre bruitisme, formules mobiles puis statiques, il rappelle, par sa force expressive, Le Requiem ou les Thrènes de Penderecki ; le traitement est tellement libre et brouillé qu’on a l’impression de matériaux électroniques ! Effets de sons tenus modifiés, slide puissants, on est proche aussi du Star Spangled Banner d’Hendrix déformé imitant les bombes de la Guerre du Vietnam ! Un trio ensuite : Noël Akchoté, Montera, JeanFrançois Pauvros aux guitares électriques, enregistré en live 2009 au Point du jour à Cherbourg, bâtiment dédié aux arts visuels. Une face A où Montera se lance dans un ostinato lancinant, arpè-ges dissonants, registres aigus, sur un tempo lent. Pont bruitiste sur ces motifs répétés, impro précédant un immense crescendo. Sons fracassants sur les résidus de


Des voix qui ont la foi Itinérante pour cause de chantiers qui inondent Marseille, la 9e édition du festival De Vives Voix a franchi la porte de nouveau lieux Après une soirée aux sonorités jazzy au Dock des Suds avec Sudden, quatuor autour de la chanteuse Cathy Heiting, et un dimanche en chansons dans les parcs marseillais, les musiques du monde ont constitué l’essentiel de l’événement organisé par la Maison du chant. La chapelle Sainte-Catherine -«une des meilleures acoustiques de la ville», selon la directrice du festival, Odile Lecour- accueillait Sanacore (qui soigne les cœurs, en dialecte napolitaine) et son spectacle Dedans. Dehors ou l’alliance du sacré et du profane qui revisite le répertoire rituel italien, assorti de créations contemporaines. Inspiré par le travail de Giovanna Marini sur la tradition orale, le quatuor féminin a cappella nous plonge dans le quotidien des femmes de l’Italie populaire. Des timbres de voix variés qui font revivre les grandes étapes de la vie, du travail dans les champs aux histoires d’amour, en passant par des moments de recueillement religieux. De religion, il ne fut guère question avec le nouveau spectacle Lo Còr de la Plana, autour de leur troisième album Mar-

Ahamada Smis © X-D.R.

cha ! qui remet au goût du jour les textes contestataires écrits par les trobaïres marseillais, ces chansonniers proches des héros de la Commune. Ces explorateurs du patrimoine provençal ont le don de transformer tout auditoire en vaste farandole. Retour à la foi pour la dernière soirée du festival avec deux approches radicalement différentes du soufisme chanté, celle de la Haute-Égypte puis celle des Comores. La première, menée par Cheikh Zein Mahmoud, mêle danse enivrante rappelant celle des derviches. La seconde, orchestrée par le rappeur Ahamada Smis, est une invitation à embarquer sur son «Vaisseau voyageur» qui navigue entre slam, chœur de femmes et chants mystiques entonnés par de puissantes voix masculines. En ouverture de ces trois soirées, l’ensemble polyphonique Enco de Botte a exploré le répertoire corse et occitan, avec des arrangements travaillés avec subtilité. THOMAS DALICANTE

De Vives Voix s’est déroulé du 29 juin au 6 juillet, à Marseille

Flottant dans l’univers des festivals d’été, le Marseille Rock Island a accosté sur la scène marseillaise du 28 juin au 1er juillet, prenant d’assaut un fort d’Entrecasteaux inexploité jusqu’alors. Prévu sur 4 soirées à la programmation éclectique, dérivant sur le thème des musiques mixées, de l’électro-rock profonde du joyau noir Breton en passant par les teintes reggae d’une Nneka étincelante, ce premier tome d’une aventure qu’on espèrera pérennisée a fait vibrer les pierres du Vieux-Port et les festivaliers nombreux et enthousiastes. Le public a su goûter la proposition musicale, encouragé par le choix d’un cadre atypique et par une gestion éco-citoyenne du site. Si l’orage menaçant du dimanche aura malheureusement contraint les organisateurs à écourter le festival, le suc condensé de Yuksek, Cassius, Laurent Garnier et Digitalism compensait fort bien la mésaventure. Car ces trois nuits de fête dans un lieu enchanteur, immergé dans les airs, des poissons volants en surface, offraient une parenthèse flottante comme un glaçon en plein verre musical. Le breuvage sonore englouti, demeure ainsi la possibilité d’une île. PASCALE FRANCHI

Laurent Garnier et LBS © Anne Rollin

On the rocks !


24 FESTIVALS AIX | ORANGE

Mozart à la Noce La mise en scène aixoise des Noces de Figaro réconcilie les plus rétifs avec la réactualisation à l’opéra. En mariant l’intelligence, la finesse, le talent à une posture réservée (les génies de Mozart, Beaumarchais et da Ponte devraient y pousser !), mise au service de la musique et du propos, Richard Brunel réussit où d’autres exaspèrent. En faisant fi des inévitables anachronismes du livret, à l’instar du «droit de cuissage» ou de la «dot», la transposition de l’action du «château» vers des bureaux modernes et appartements bourgeois d’un «comte» devenu juge et magistrat de sa ville, on se prête volontiers aux jeux subtils du décalage. Peutêtre les situations fonctionnent-elles parce l’idée forte de l’ouvrage, créé en 1786 au temps des Lumières, a été clairement perçue et remodelée autour du mot «justice» ? On sourit lorsque Figaro prend les dimensions d’un canapé clic-clac, comme lorsque Chérubin vient s’y cacher, on retrouve sans grincement les scènes familières de dissimulations, travestissements, coup de théâtre, quiproquos, pardon final… De surcroît, la dramaturgie

© Pascal Victor-Artcomart

(Catherine Ailloud-Nicolas), habilement conçue comme un grand plan-séquence où les actes s’imbriquent, en tuilage et sans «cut», génère des surprises, nous guide, grâce à des décors tournants (Chantal Thomas), de la réception vitrée du cabinet de juristes aux appartement de Madame qui, enceinte (la soprano l’est réellement… de 7 mois !), délaissée par son mari, confectionne des robes de mariées, du bureau du patron, «addict» au sexe, au jardin rédempteur…

Au pied du plateau, les instruments d’époque du Cercle de l’Harmonie (dir. Jérémie Rhorer) sculptent des espaces sonores anguleux, qui, au gré de nuances et tempos mesurés, laissent chanter des voix remarquablement distribuées. Patricia Petibon, pétillante Suzanne, Malin Byström, somptueuse Comtesse, Paulo Szot brillant Almaviva, Mario Luperi (Bartolo), l’une des plus grandes basses verdienne des années 80/90 reconvertie en buffa de luxe, l’excellent Kyle Ketelsen dans le rôle-titre ou le Chérubin magistral de Kate Linsdsey contribuent au succès d’une entreprise qui marie l’art du chant à la théâtralité, de grandes voix à l’authenticité musicologique… Autant d’atouts indispensables à Aix ! JACQUES FRESCHEL

Les Noces de Figaro Jusqu’au 27 juillet Théâtre de l’Archevêché, Aix-en-Provence 08 20 922 923 www.festival-aix.com

Amours et affects baroques David et Jonathas, tragédie lyrique sur un sujet biblique, fut écrite pour les garçons du Collège Louis-Le-Grand, en 1688, où Marc-Antoine Charpentier était Maître de chapelle. L’action est concentrée sur les personnages, leur amitié, leurs dilemmes, leurs désirs : la rivalité entre le Roi Saül et le berger David, la (très) tendre amitié de David avec Jonathas, fils du Roi, la guerre des juifs contre les philistins. William Christie dirige l’orchestre et les chœurs des Arts Florissants juste au bord de l’extase sans y toucher, tandis qu’Andreas Homoki met en scène ces alternances baroques. La connotation homosexuelle, naturelle dans ce Collège de jeunes garçons, est ici évoquée avec délicatesse : le texte est sans équivoque. Pascal

Charbonneau campe un David juvénile, engagé : la ligne de chant est belle dans les passages piani et le médium, mais la voix manque d’éclat, les aigus sont esquivés ou forcés. La jolie soprano portugaise Ana Quintans est un Jonathas plein de passion, de fougue, mais la voix est encore verte et des coups de glotte systématiques dans le registre aigu dénaturent la ligne de chant. Neal Davis, barytonbasse, est un Roi Saül empreint de grandeur, de doute, mais n’a pas les graves sombres nécessaires. En revanche les accents haineux de Joabel (Krešimir Špicer) chef des philistins, sont prenants, et Dominique Visse est une craquante Pythonisse, en talons aiguille… et vocalement parfait(e).

Quant à l’orchestre il sonne trop feutré, malgré quelques élans (guerre, évocation du tonnerre, dernier Prélude aux incisives doubles croches). Pourtant Christie, enthousiaste, est armé pour dominer l’écriture maniérée de Charpentier : remarquables entrées fuguées, superbes alternances de timbres cordes/vents, rythmique binaire/ternaire, continuo rigoureux… mais le son décolle rarement. Et cette version scénique laisse finalement insatisfait… YVES BERGÉ

David et Jonathas de Marc-Antoine Charpentier a été joué au Festival d’Aix du 6 au 19 juillet

Donnez-nous des musiques nouvelles ! Quelle belle musique, et quel plaisir que d’entendre une œuvre en création aussi accomplie, interprétée avec tant de talent, dans une salle enthousiaste et debout ! La musique de George Benjamin semble avoir réconcilié enfin contemporain et lyrisme, émotion et complexité, érudition et lisibilité. Il faut dire que Benjamin est Anglais, descendant de Britten, et que dans ce pays-là on n’a jamais tout à fait renoncé à la mélodie, aux personnages, à l’intrigue, sans pour autant passer à côté des révolutions formelles. Ainsi la musique de Written on skin, clairement contemporaine, traversée © Pascal Victor-Artcomart

d’effets de masse et de timbre, d’un travail sur la voix parlée qui affleure dans les parenthèses narratives, pleine de citations, ne s’interdit pourtant aucun pathos, ne s’oblige pas à des intervalles acrobatiques, ose la consonance, flatte l’oreille pour atteindre l’émotion, fait gronder les percussions et enfler les cordes pour tempêter comme Mahler… s’installant aussitôt après dans des lignes de timbres subtiles comme du Webern… «Comme», tel est sans doute le maître mot de l’œuvre. Il ne s’agit pas dans Written on skin de citer des maîtres comme des souvenirs affleurant, mais de laisser parler l’histoire de l’opéra, de la musique et du théâtre, dans toutes leurs richesses. Ainsi le texte de Martin Crimp fait indéniablement penser aux pièces médiévales de Claudel, mais s’en détache en intégrant dans l’échange dramatique, rendu par un usage lyrique de la voix, des incises narratives, des monologues délibératifs, des commentaires, et des anachronismes. La mise en scène de Katie Mitchell joue de ces niveaux dramatiques en donnant à voir la vie des coulisses,

dans un décor un peu inutile, et sans doute très dispendieux. Mais la direction des chanteurs est remarquable, le jeu d’une fluidité rare. L’interprétation de chacun est d’ailleurs sans faille aucune. Au-delà même de la perfection : le Mahler Chamber Orchestra est fait pour jouer cette musique, Benjamin dirige son œuvre en la faisant sonner avec tous les excès et les retenues qu’il aime, et le plateau est de l’ordre du rêve : le Garçon (Bejun Mehta) possède un timbre de contre-ténor puissant et jamais nasal, charnel et enfantin comme le rôle, le mari (Christopher Purves), qui aime «la pureté et la violence» fait trembler de terreur par la puissance et la plasticité de sa voix, et Barbara Hannigan est véritablement exceptionnelle : rarement une voix féminine allie une telle puissance à tant de nuances de volume, d’intonation, d’émotion. Written on skin lui doit beaucoup ! AGNÈS FRESCHEL

Written on skin a été créé au GTP du 7 au 14 juillet


FESTIVALS 25

Représenter La Bohème de Puccini sur l’immense plateau du théâtre antique d’Orange, devant un mur de spectateurs situés loin de l’action, est un vrai défi à la mise en scène. De fait, les premier et dernier actes confinés dans une mansarde parisienne, le 3e à la Barrière d’Enfer, n’offrent pas de possibilité de représentation pharaonique. Seul le 2e acte au café Momus libère un espace… dans lequel s’est engouffré Nadine Duffaut. Son Quartier Latin jubile : dans les rues et sur la place, des boutiques environnantes à la terrasse du café, les Chœurs des Opéras d’Angers-Nantes, Avignon, Toulon, les enfants de la Maîtrise des Bouches-du-Rhône s’activent autour des solistes qu’on tente occasionnellement de repérer dans la masse, à l’oreille. L’écriture scénographique fonctionne donc en accordéon, s’ouvre en expansion au coup de foudre amoureux, explose au cortège précédant l’entracte, avant de se refermer sur la disparition de la petite brodeuse de fleurs. L’idée principale du décor (Emmanuelle Favre) réside dans un traçage au sol des cloisons des bâtiments, appartements, des rues du quartier, à l’image d’un jeu de Cluedo. Elle offre des ouvertures visuelles, élargissements de l’espace théâtral, par effet de tuilage entre les scènes, vers des lieux que d’ordinaire on imagine en coulisse : la chambrette de Mimi, la taverne devant laquelle les duos se disputent ou se rabibochent… Seules des

portes demeurent, verticales, illustrant la symbolique du «passage», et un immeuble de trois étages, collé au mur antique, figurant l’origine bourgeoise des quatre étudiants colocataires. Ils y retourneront, sans nul doute, après leur insouciante parenthèse, inconfortable «Vie de bohème». Au final, le poète Rodolfo, seul, abandonné, «passe» à la vie d’adulte avec un poids sur la conscience : le sacrifice (réel ou rêvé ?) de la fragile Mimi dont il crie le surnom. Sa misère à elle n’avait rien d’un jeu ! Sur le plan vocal, la distribution emmenée par le ténor italien Vittorio Grigolo est somptueuse. Sa générosité vocale fait, hélas, un peu d’ombre au soprano d’Inva Mula qui n’exprime pas toutes les qualités qu’on vante d’ordinaire. Le Marseillais Ludovic Tézier incarne un superbe Marcello, tant sur le plan des couleurs, nuances d’un timbre chaleureux (fruit d’une technique mûre) que théâtral : dans le rôle du peintre, son jeu d’une grande finesse a passé l’immense rampe du plateau, jusque très haut dans les gradins. On loue également l’émission noble de la basse italienne Marco Spotti (Colline). Cependant, la star est dans la fosse : à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Radio-France, Myung Whun Chung dirige par cœur, mêlant le cœur et la raison à un geste époustouflant de précision. Quel plaisir on doit éprouver à être guidé par un tel maestro ! JACQUES FRESCHEL

La Boheme © Abadie Bruno - Cyril Reveret

Libérer l’espace

L’épopée russe © Jean-Claude Carbonne

Feu d’artifice ! d’applaudissements drus après une prestation époustouflante du London Symphony Orchestra. Feu d’artifice d’envolées mélodiques, de timbres brillants, d’orchestration lumineuse, encore très marquée du sceau de Rimsky Korsakov, dans cette Fantaisie pour orchestre op.4 du jeune Stravinsky. Interprétation éclairée, avec un Valéry Gergiev au sommet de son art, de L’Oiseau de feu du même Igor ! Chef-d’œuvre de sa période russe, avec le Sacre, ce ballet commandé par Diaghilev fut l’occasion pour le grand compositeur russe d’étaler toute la modernité de son langage. Sous fond de diatonisme foncier, d’échelles tri et tétratoniques, d’un langage chromatique s’affranchissant du joug de la tonalité, Stravinsky libéra toute son énergie rythmique dans des dan-

ses effrénées d’une tendre brutalité, rompant délibérément avec un «romantisme» décadent incarnée par Tchaïkovsky. Et pourtant, quel bonheur de se laisser envelopper par le thème du Concerto pour violon en RéM, d’une puissance émotionnelle telle qu’on ne se lasse pas de l’écouter. Portée par le charisme du jeune violoniste danois Nicolaj Znaider au jeu profond, voire un peu dur, mais doué d’une technique irréprochable, le public du GTP succomba au charme du grand Piotr, un papi russe pas tout à fait au bout du rouleau ! CHRISTOPHE FLOQUET

Concert donné au GTP le 12 juillet dans le cadre du festival d’Aix-en-Provence

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26 FESTIVALS PAYS D’AIX | BOUC-BEL-AIR | DURANCE LUBERON

Souffle romantique Depuis que l’Orchestre Philharmonique du Pays d’Aix est placé sous la direction enthousiaste de Jacques Chalmeau, il permet à un large public de découvrir ou retrouver les grandes œuvres du répertoire Orchestre Philharmonique du Pays d'Aix © X-D.R. classique. Cette année Berlioz est à l’honneur Passionné, Jacques Chalmeau dirige cette œuvre avec la Symphonie fantastique. Jacques Chalmeau depuis longtemps. Chaque soir, le spectacle est choisit de débuter le concert par l’Ouverture de différent : charme des représentations en extérieur, Coriolan de Beethoven, rappelant combien les lieux sonnent différemment, les contingences «Berlioz admirait ce géant qui lui faisait peur et changent, ici, crapauds et grillons, là, hirondelles qu’il n’eut de cesse de vouloir dépasser, cassant les en ostinato… L’orchestre composé de remarquables codes. Ainsi il reprend les bases classiques et va plus musiciens acquiert au fil des ans une personnalité. loin, innove : les premiers glissandi de cordes, de On peut encore souhaiter quelques ajustements, bois, infaisables pensait-on à l’époque.» Il ouvre des attaques à rendre plus précises, un travail de ainsi des voies, ose cinq mouvements pour une sonorisation à peaufiner, mais l’ensemble connaît symphonie, présente le thème par fragments avant de vrais instants de grâce, comme certain solo de de le livrer entièrement. Paradoxe souligne encore cor anglais... Un plaisir d’été à savourer, Jacques Chalmeau, ce compositeur si puissamment gratuitement, sans modération. novateur n’eut qu’une formation rudimentaire, deux MARYVONNE COLOMBANI ans de conservatoire et le Prix de Rome ! «Pendant 18 ans il corrige le manuscrit de La Fantastique. L’orchestre des Pays d’Aix Instrumentation incroyable pour quelqu’un qui n’en s’est produit du 21 juin au 8 juillet avait pas l’expérience… Il osait, et tombait juste ! Il a été un maître sans maître !»

Version piano

Opéra d’église

Blue Lake © X-D.R

C’est à la mémoire d’Alessandro Manzoni, l’auteur du célèbre roman Les Fiancés que Verdi dédie son Requiem, œuvre énorme, avec des parties de solistes construites pour des géants lyriques. La cathédrale Saint Sauveur d’Aix-en-Provence accueillait pour l’interpréter le 3 juillet les chœurs du Blue Lake Fine Arts Camp et celui de l’Atelier Choral Paca-Med, accompagnés par le Blue Lake International Youth Symphony Orchestra, l’ensemble sous la direction de Jean-François Héron. La fraîcheur des voix d’enfants (beaucoup avaient juste 13 ans) apportait un intéressant contraste avec la gravité du propos. L’orchestre

connaissait de beaux élans, sachant vaincre les contraintes acoustiques de la cathédrale. Mais on attendait davantage des solistes ! Les voix, étouffées par la hauteur des voûtes, manquaient de la puissance et de l’ampleur nécessaires à cette somptueuse partition. Le succès public était au rendez-vous cependant, la cathédrale bondée et les applaudissements nourris : le festival Durance Luberon ouvre sa saison d’été (voir p 38) avec une belle ambition ! M.C.

www.festival-durance-luberon.com

Les jardins d’Albertas ouvrent leurs portes depuis 12 ans à des rendezvous musicaux exquis, l’été, lorsque le soir apaise la chaleur du jour… charme des pièces d’eau, frémissement des grands arbres… quelques moustiques, le chant des crapauds, grillons et cigales… après la soirée consacrée à l’orchestre des Pays d’Aix (voir ci-contre), le duo de pianos composé de Carine Zarifian et Christophe Bukudjian (Boucains, se réjouissent les organisateurs) offrait un concert qui privilégiait les versions pour piano de formes composées pour orchestre, belle manière de rappeler combien ces versions pour piano ont permis la circulation de la musique, à l’époque incroyable où l’iPod n’existait pas, et où il fallait en faire pour en donner à écouter ! En écho au déclin du jour, le premier morceau de La rapsodie Espagnole de Maurice Ravel, Prélude à la nuit installe une atmosphère particulière, à la fois sereine et inquiétante avec son thème ostinato sur lequel modulent des envolées lyriques, avant que le rythme de danse de la Malaguena, de la Habanera et la Feria n’apporte ses tournoiements tempérés de calmes repos que hante le thème initial. La danse est encore abordée avec les extraits du Casse-Noisette de Tchaïkovsky, la Marche, la Danse de la Fée Dragée, la Danse Chinoise, et bien sûr la Valse des Fleurs. Bref retour à l’Espagne avec la Danse rituelle du feu de Manuel de Falla, prélude à la virtuosité demandée par la suite n°2 op 17 de Serge Rachmaninov dont la Tarentelle comporte de jolis défis. C’est avec brio que les deux pianistes servent ce programme accessible à tous, et d’une irréprochable qualité. M.C.

Ce concert a eu lieu le 27 juin dans les Jardins d’Albertas, à Bouc-Bel-Air


AUTOUR DES CLAVIERS| SILVACANE

FESTIVALS 27

Écriture de soi Quel cadre délicieux que celui de la chapelle Saint Joseph du Tholonet ! Quelques lacets de la route de Cézanne, on se gare dans un champ d’herbes folles. C’est le tricentenaire de la naissance de Rousseau. Divine nature, on se sent prêt à herboriser, à user de la poésie des Rêveries. On grimpe le long de la colline («Apollon ne se donne qu’à ceux qui le méritent»), vue sublime sur la campagne, à l’intérieur de la chapelle de grandes toiles de François Aubrun, palette délicate de bleus et de gris colorés… Un piano, une petite table, le décor est posé. «Je n’avais rien conçu, j’avais tout senti». Sur cette célèbre Confession repose tout le spectacle Rousseau et le Romantisme. D’invisibles liens d’âme entre le philosophe épris de liberté et les musiciens romantiques sont tissés par le duo entre le pianiste François-René Duchâble et l’acteur Alain Carré. Ainsi, les emportements de la Pathétique de Beethoven, les sourdes tensions qui l’animent, soulignent «le seul portrait d’homme peint exactement d’après nature et dans toute sa vérité». La respiration ample et retenue à la fois du Prélude op.28 n°4 de Chopin s’attache à l’extrait des Confessions «je sentis avant de penser». Le programme musical glisse ainsi de Schumann à Scarlatti, Liszt, Bach, sons pleins, précis, une esthétique de l’émotion sans mièvrerie, du premier romantisme, celui de l’intimité, qui permet le bonheur de partager des morceaux du répertoire en

Francois-Rene Duchable et Alain Carre © X-D.R.

une approche sensible. Alain Carré lit avec naturel des extraits des Confessions, du Discours sur l’origine des inégalités, de La Nouvelle Héloïse, de la Correspondance… Le ton est familier et les nuances justes, jusque dans l’esprit facétieux qui perce parfois. Sans doute le plus bel hommage que l’on pouvait faire à Rousseau !

Le duo complice livre en bis le malicieux poème de l’abbé de Lattaignant, Le mot et la chose, sur la 3e Gymnopédie de Satie. Du bonheur ! MARYVONNE COLOMBANI

Ce concert a eu lieu le 30 juin dans le cadre du festival Autour des claviers

Hymne à la voix raffinées des mélismes à l’austérité du thème religieux des Lamentations de Jérémie. Monique Zanetti sut rendre avec justesse et expressivité la teneur de ces monodies acrobatiques, Sudha Ragunathan © X-D.R.

La plus jeune des trois sœurs cisterciennes de Provence offre avec ses voûtes romanes et gothiques un cadre somptueux aux manifestations musicales. Certes, l’acoustique des lieux est difficile, mais la finesse y est sublimée. Grâce au tout nouveau festival Les voix de Silvacane, la démonstration est faite, Silvacane tresse des harmoniques d’or aux voix des chanteurs. Le propos du nouveau festival est original : sa gageure réside dans le rapprochement délicat de musiques traditionnelles et savantes d’époques et de lieux géographiques éloignés, mais surtout dans le choix de l’ornementation et de l’improvisation. La soirée d’ouverture unissait dans une première partie les chants du Moyen Âge, interprétés par Dominique Vellard, dont la voix de ténor ressuscite avec bonheur une culture musicale «archaïque» du Moyen Âge européen tandis que le sarod de Ken Zuckerman, instrument à cordes d’une complexité folle, s’accorde sur les mêmes modes (ré, fa, do, mi) et mêle les Râgas traditionnels de l’Inde du Nord et des improvisations à un répertoire qui se glisse du conductus du XIIe à la lamentation traditionnelle espagnole de l’Estremadura, au chant grégorien, la ballade de Jehan de Lescurel (XIVe) ou une antienne de Hildegard von Bingen (XIIe). Puis les Leçons de Ténèbres de Michel Lambert, étoffées d’extraits de Marin Marais et de Pierre Ballard, qui accompagnaient les Mâtines des trois jours précédant Pâques, unissaient les ornementations

accompagnée avec une belle élégance par l’ensemble A 2 violes égales (Jonathan Dunford et Sylvia Abramowicz) renforcé par le théorbe de Claire Antonini et l’orgue de Dominique Serve. Les bougies du rituel sont éteintes une à une… Recueillement. Enfin, entre deux plateaux de pétales de roses, l’extraordinaire chanteuse Sudha Ragunathan évoque les grandes divinités de l’Inde, Krishna, Vishnu, Brahma, Shiva, Parvati… à travers des chants carnatiques de l’Inde du Sud. Sacré et musique encore, dans un jeu subtil de compositions et d’improvisations. La chanteuse, avec des modulations et des transitions acrobatiques, donne aux deux musiciens (violon et Percussion, mridangam et tanpura) qui l’accompagnent les thèmes et les rythmes qu’ils reprennent et développent. Le chant est une danse, un récit vivant qui s’anime, doute, connaît des ellipses, des replis, des bonds, c’est la mémoire de l’Inde qui sans cesse se remodèle, comme la danse cosmique de Shiva, variations de rythmes, de hauteurs, répétitions incantatoires… La main droite de la chanteuse donne le tempo, la gauche raconte… Complicité, un bonheur du chant qui irradie. «I’m in Heaven» dit-elle, nous aussi. Magique ! MARYVONNE COLOMBANI

Ce concert a eu lieu le 22 juin à l’Abbaye de Silvacane


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FESTIVALS

LAMBESC | MUS’ITERRANÉE | TOULON

Notes d’hirondelles C’est sous le signe de l’hommage à Louis Davalle que se place le 12e festival de guitare de Lambesc. Ce musicien autodidacte qui débute sur une vieille guitare aux cordes en acier, docker puis représentant de commerce, mena pourtant une carrière de concertiste avant de se consacrer à l’enseignement. Fondateur de l’école marseillaise de guitare classique, il met au point des batteries d’exercices, réalise de nombreuses transcriptions : ses élèves obtiennent des prix prestigieux, et embrassent une carrière artistique, René Bartoli, professeur au CNR de Marseille, Jean-Bruno Dautaner, concertiste, François Tomasi, fondateur de l’Académie de guitare de Marseille, Joël Laplane, Maître luthier à Marseille, et tant d’autres, Claude Gallenca, Catherine Finidori, Jean-François Reille, JeanMarc Dermesropian, Pierre Touati, Roland Ferrandi, Patrick Jourdain… Pendant une semaine, dans le cadre charmant du Château Pontet Bagatelle, les concerts servent

Jean-Bruno Dautaner © X-D.R.

l’art de la guitare avec justesse et passion. La soirée de clôture rassemble la plupart des concertistes, Jorge Cardoso, directeur artistique du festival, Sylvie Dagnac, qui duettisent avec bonheur depuis de nombreuses années ; Jean-François Reille, qui a réussi à force de travail à surmonter les problèmes qui touchaient ses deux mains ; le duo Luzi-

Nascimento (guitare et mandoline) dynamique, virevoltant, enlevé dans des rythmes décalés, joue la musique brésilienne avec une belle maestria (œuvres d’Alfredo da Rocha Viana, de Luiz Americano) ; Jean-Bruno Dautaner livre une de ses pièces, composée en hommage à Saint-Jacques de Compostelle : l’hymne de Saint-Jacques sous la pluie, un guitare liquide, élégante et poétique, belle lecture aussi d’Annie Balduzzi sur les Chutes d’Iguazù (autre composition de Dautener) ; enfin, Thanh Hang Nguyen, souveraine dans son interprétation de Carlo Domeniconi, à la fois virtuose et sensible, un moment d’exception. L’ensemble des musiciens se retrouve pour un chœur final. Les hirondelles ont laissé la place à la musique. Fraîcheur de la nuit… à l’an prochain ! MARYVONNE COLOMBANI

Le festival de guitare de Lambesc s’est déroulé du 4 au 7 juillet

À l’ombre des atlantes Le Pavillon Vendôme à Aix recevait du 29 juin au 8 juillet la troisième édition du Festival Mus’iterranée, organisé par la Boite à Mus’, durant le grand festival lyrique. Un off ? Une autre voix vers le lyrique, en tous les cas : notre histoire est constituée de métissages et les musiques du monde en offrent un témoignage vivant et riche. Les éditions précédentes ont connu un large succès auprès du public aixois. On arrive à la fraîche, atmosphère conviviale, on s’étend sur les pelouses. Dans le soir qui tombe, remplaçant les cigales qui s’éteignent, la guitare flamenca de Frasco Santiago, son rond, velouté, agilité ébouriffante. Le chanteur Tchoune interprète des

maîtrise. Les passages uniquement percussifs, entre palmas et bois des guitares, sonnent particulièrement dans l’air du soir. Enfin, Martial Paoli au piano permet le passage de la tradition vers l’écrit : Manuel de Falla ou Bach sont fusionnés au flamenco en un ensemble intéressant. Un aller et retour entre populaire et savant inhabituel : les thèmes populaires portés par la musique savante reviennent à leurs origines, avec l’introduction de ruptures de construction, un ton un peu jazzy, le rythme des palmas. Et une richesse harmonique conservée.

Flam'and Co, Tchoune et Martial Paoli © X-D.R.

chants du répertoire traditionnel, Solea, Alegria, Buleria, Tango… La guitare de Manuel Gomez s’adjoint à

cette fête, vive et enlevée, tandis que Florencia Deleria, tantôt à la danse, tantôt au chant, fait preuve d’une belle

M.C

En plein air Ayant pris ses quartiers d’été au sommet de la Tour Royale, le Festival estival de musique de Toulon nous a gratifiés de concerts copieux avant le point d’orgue de sa programmation qui se tiendra à la collégiale le 16 juillet. C’est Philippe Cassard qui, suivant les traces ouvertes par l’Orchestre symphonique de l’opéra le 29 juin, s’est emparé du lieu piano et microphone à la main le 4 juillet, pour une prestation lumineuse autour d’un programme consacré à Schubert d’une part et à Debussy de l’autre. L’exercice qui consistait à fournir aux auditeurs des explications pédagogiques et très convaincantes, extraits audio à l’appui, autour des œuvres interprétées donnait au concert une touche chaleureuse idéalement servie par la voix douce et très radiophonique de l’interprète qui fut néanmoins gêné dans sa prestation par une humidité excessive du clavier, due à la proximité de la mer, handicapant parfois son phrasé. Le programme fut malgré ce petit bémol interprété avec une justesse de touché remarquable, mettant en parallèle la liberté d’écriture des 4 impromptus D.935 du viennois et celle d’œuvres aussi incontournables que La Cathédrale

engloutie, Jardins sous la pluie, Reflets dans l’eau ou L’Isle Joyeuse, plus symbolistes qu’impressionnistes : à cette occasion on ne put que constater l’importance de Chopin dans l’écriture pianistique debussyste ! C’est enfin Laurent Korcia qui s’est produit le 10 juillet en compagnie de brillants solistes (AnneSophie Le Rol, Aurélie Deschamps, Tomomi Hirano) dans un répertoire mêlant le baroque au contemporain. Cette fois, c’est le vent qui fût l’invité de dernière minute et vint rompre la continuité du discours musical obligeant les instrumentistes à rivaliser d’ingéniosité pour accrocher leurs partitions. Même si en termes de virtuosité et de musicalité aucun des interprètes n’était en reste techniquement, les interruptions firent perdre à l’ensemble de concertos Les 4 saisons le souffle et la vivacité pourtant indispensables à l’œuvre de Vivaldi. Néanmoins, la deuxième partie du concert consacrée à des duos, à l’exception d’un Tango de G. Bregovic, fut une occasion unique pour le soliste au stradivarius d’exprimer avec ferveur toute la sensualité de son jeu dans un répertoire aussi savant

que divertissant : d’abord épaulé par l’excellente Ryoko Yano au violon dans Bartók (déjà éblouissante en première partie), il fut ensuite rejoint par Vincent Peirani à l’accordéon : que ce soit dans d’autres pièces du Hongrois, de Piazzolla, de Kreisler ou de la plume du violoniste, cet interprète au style fluide lui donnait la réplique idéale, clôturant ce programme généreux de fort belle manière. ÉMILIEN MOREAU Laurent Korcia © Elodie Crebassa - Naive


MUSIQUES INTERDITES | TÉLÉMAQUE

Finzi évoque son père Aldo : sa voix enregistrée résonne dans l’église. Le fils se souvient : alors qu’il se cachait des S.S. occupant Rome en 1944, Aldo Finzi composait son Prélude pour orgue… Dès lors, du fond de la nef, sous les doigts experts de Frédéric Isoletta, retentissent les grandes orgues, muettes depuis tant d’années à St-Cannat-les-Prêcheurs. Malgré un nombre limité de jeux (l’instrument attend toujours sa restauration !), l’organiste exhume une partition profonde, noire, tout en chromatisme torturé. Le ton est donné ! Le premier grand concert du 7e festival des Musiques Interdites peut se poursuivre… Grâce au magnifique Orchestre de la Garde Républicaine et à la direction soignée de Sébastien Billard, l’excellence se trouve au service d’opus enfouis dans une mémoire sourde, autrefois jugés dégénérés par les nazis. Ainsi, la création en France des Cinq chants profonds de Franz Schreker est exaltée par Mathias Hausmann, brillant baryton, qui réalise un alliage idéal avec l’orchestre dans un style très proche du Lied mahlérien. Entre la traduction des textes allemands ou espagnols, lue par Charles Berling (le comédien, qui décidément enchaîne les lectures, met un peu de temps à trouver le ton juste, entre recueillement et passion, douleur et lumière), la voix de la soprano Emilie Pictet donne vie aux vers de Jean de la Croix, poète mystique, emprisonné et banni avant sa sanctification. Elle

Concert du 16 juin, festival Les Musiques Interdites © X-D.R

Rien ne meurt !

illumine sa Nuit obscure (musique de Karol Beffa) et La Vie éternelle de Schreker. Au final, l’emphase, le lyrisme tendu de l’imposante pièce symphonique L’Infini de Finzi passe comme un souffle éblouissant sur l’assistance… Aurait-on pratiqué sous nos yeux un nouvel enfantement en redonnant vie à des œuvres qu’on voulut annihiler ? JACQUES FRESCHEL

Ce concert a eu lieu le 16 juin à l’église Saint-Cannat, Marseille, dans le cadre du festival des Musiques Interdites

FESTIVALS

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Impénétrable Château !

La lecture du Château (1922) de Kafka appelle le lecteur scrupuleux à vouloir interpréter les lignes énigmatiques qui défilent sous ses yeux, de chapitre en chapitre, jusqu’à l’inachèvement… Pour autant, le sens toujours lui échappe, au moment même où il croit pouvoir l’appréhender, et provoque en lui un sentiment de frustration. Comme pour K., héros/anti-héros, arpenteur/géomètre, manipulateur-manipulé, Le Château demeure inaccessible, se dérobe à notre entendement. Tel était peut-être le but recherché par les créateurs du spectacle donné le 30 juin à St-Cannat-les-Prêcheurs dans le cadre du 7e festival Musiques Interdites ? De fait, on est resté perplexe ! L’œuvre en allemand de Kafka a été jugée «dégénérée» par les nazis, condamnée pour sa plume juive et son avantgardisme. Ces raisons, suffisantes pour programmer cette «création mondiale» se heurtent au fait que la musique de Karol Beffa, flirtant volontiers avec le monde tonal, n’est en rien «interdite»… et nous laisse cependant «interdits» ! Son style est disparate, expose un patchwork alternant quelque romance cinématographique, des récurrences lancinantes, voire des répétitions littérales, des accents sarcastiques rappelant Chostakovitch, percussions pianistiques convoquant Bartok, jusqu’à une reprise intégrale (sans que cela soit précisé !) de ses Six danses populaires roumaines… Le Château un «opéra de chambre» ? On a attendu vingt minutes avant d’entendre une voix chantée ! Au final, les rares interventions, en français incompréhensible, du trio vocal ne justifient guère le genre annoncé. Le spectacle s’apparente à un ballet, mêlant une pâte contemporaine, chorégraphie fluide, somme toute assez classique, à de la pantomime censée représenter des aspects narratifs, scènes et personnages de la fable, qu’un non familier de l’œuvre ne peut suivre. La troupe d’excellents danseurs, mimes et musiciens, conduite par Laurent Festas, s’est pourtant donné du mal (pour une unique représentation !), mais l’ensemble a manqué de cohérence… Les risques de la création ? JACQUES FRESCHEL Le Chateau d'apres Kafka © X-D.R

Un ton américain

In C © Marie-Anne Baillon

Autrefois, l’Alcazar, haut lieu des revues marseillaises et du music-hall, vit défiler les frères Fortuné et Andrée Turcy, avant Fernandel, Tino Rossi, Joséphine Baker, Montand… Aujourd’hui, dans le bâtiment transmuté en bibliothèque, la musique trouve sa place au sein d’une programmation culturelle bien pensée. Pour clore un mois de juin consacré au «compositeurs américains», l’Ensemble Télémaque a enchanté l’espace architectural en interprétant, au cœur de l’édifice, une œuvre emblématique (qu’on dit être la première) du courant dit «répétitif» et «minimaliste» qui fleurit dès le milieu années soixante outre-Atlantique. In C, c’est «en do», qu’on latinise volontiers «en ut» ! Il n’y a pas loin d’un demi-siècle que Terry Riley a proposé son «concept» à San Francisco. Autour d’un do itératif, imperturbable, faisant office de métronome, s’articulent des motifs, 53 phrases musicales plus ou moins longues, tenant

sur une seule page, que chaque instrumentiste distille et répète à son gré. À l’Alcazar, le jour de la fête de la musique, sous la direction de Raoul Lay, chargé de la gestion du temps et des nuances, la douzaine d’instrumentistes de l’ensemble spécialisé dans la musique contemporaine s’est montrée particulièrement à l’écoute des interactions aléatoires qui naquirent entre les pupitres : de la contrebasse à la trompette, du glockenspiel au violon ou la flûte… L’auditoire fasciné, alors même que la bibliothèque était encore ouverte au public, s’est arrêté là, toutes générations confondues, curieux et badauds interloqués, dans un temps suspendu dont on ne sait plus combien il a duré exactement, tant autour du ton initial (C = do), dansa dans l’espace une texture hallucinante de mi et de fa, sol et si bémol, si semblables les uns aux autres et cependant perpétuellement différents ! J.F.


MUSIQUE

ACTUELLE | DU MONDE

Black power Depuis 5 ans, cette manifestation se consacre aux flots créatifs qui vont et viennent entre l’Afrique et le reste du monde. Arts de rue, danse, contes, littérature, concerts... 50 artistes esquisseront pendant 3 jours et 3 nuits la silhouette de la culture africaine moderne. Le Festival, ouvert à tous, propose également des ateliers (arts plastiques, stage de danse et de percussion...etc.) adaptés aux petits et aux grands, dans le «Sun Art village». Les prix sont accessibles et l’entrée est gratuite pour les enfants. L’affiche du samedi soir est immanquable : Azé, une étoile montante du hip hop ; Sandra Nkaké, une très grande voix de la Soul actuelle ; et un plateau inédit qui regroupera, entre autres, un batteur de génie (Paco Sery), un virtuose du clavier (Cheick Tidiane Seck) et un MC bien «en place» au flow pimenté (Oxmo Puccino). Le temps d’un week-end, le Sun Art offre un moment d’échange, de partage et de découverte.

Traditionnel et underground Du Bartas © Nicolas Faure

L‘empreinte africaine dans les courants artistiques contemporains est indéniable. Le Sun Art festival révélera tous les aspects des fusions qu’il induit. Sandra Nkake © Benjamin Colombel

AU PROGRAMME

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KEVIN DERVEAUX

Sun Art Festival Du 27 au 29 juillet Pertuis www.festivalsunart.com

Carrières trois soirs, espoir Théâtre, chanson, humour, opérette... Le festival Carrières en Rognes propose depuis 10 ans une manifestation multiculturelle dans un cadre naturel à l’acoustique exceptionnelle. Cette année, le comité des fêtes présente ses «Nuits du gospel et de la Soul» du 20 au 22 juillet. Située dans un lieu magique, les anciennes carrières de Rognes, la scène du festival accueillera pour l’ouverture les TGGG. Ce groupe vocal composé de 50 chanteurs et de 3 musiciens

(piano, basse et guitare) offre un gospel moderne et bien rythmé. Le lendemain, ce sont Les frères Soul qui prendront la relève. Leur show, dans l’esprit de Ben l’Oncle Soul, navigue entre Otis Redding, Nino Ferrer, Eddy Mitchell ou encore James Brown. Deux chanteurs frénétiques, une section rythmique endiablée et des cuivres bouillants... Tout est dit. FredL Gospel clôturera cette 10e édition le dimanche. Un chef de Chœur et ses musiciens qui font swinguer le gospel. KDX

Le TGGG © X-D.R.

Escale trois étoiles

partie. Cet Australien déverse un son blues/folk expressif et puissant, frissons assurés ! La soirée du 19 s’annonce explosive avec le show électro rock ravageur des Shakaponk ou se mélangent musique et vidéo. Le trio Nasser fera vibrer les

ZinZan festival Du 23 au 26 août Les Baux-de-Provence, Orgon 06 71 20 56 25 www.zinzan.festival.sitew.fr

veilles pierres à grand coups de guitare rock et de beat techno old’school, simple et efficace. Un moment mémorable se profile à l’horizon du 20 juillet : un battle entre 3 ovnis de l’électro hip-hop. Les DJ marseillais Chinese Man et le groupe Shaka Ponk © X-D.R.

Déjà 8 ans que la scène du Cargo de Nuit prend ses quartiers d’été au théâtre antique d’Arles. Les Escales du Cargo vous proposent une semaine de concert dans un cadre somptueux. Un moment magique où les musiques actuelles profitent de l’excellente acoustique du monument historique. Avec sa programmation de grande qualité, ce festival n’a rien à envier à ses cousins hexagonaux. Le duo de guitariste mexicain Rodrigo Y Gabriela présentera son nouveau projet (avec l’orchestre de La Havane C.U.B.A) le 18 juillet. À noter la présence de Steve Smith en première

10e édition de Carrières en Rognes Du 20 au 22 juillet Rognes 04 42 50 13 36 www.festivites-rognes.fr

Entre le folklorique et l’expérimental, le ZinZan est avant tout un rendez-vous festif et décalé. La musique et la danse populaires vous y attendent le 23 août aux Baux-de-Provence et les 24, 25 et 26 août à Orgon. Une manifestation culturelle riche et variée qui propose, entre autres, des concerts, des bals, des «apéros gratis», des rencontres de luthiers (avec ateliers pour enfant), une expo photo et de grands jeux. Côté musique, le groupe Hum, le duo Puech Gourdon et le quatuor de violons (création ZinZan) ouvriront les festivités au château des Baux le 23 août. Xavier Vidal et Alberte Forestier se produiront dans la cour du presbytère à Orgon le 24 août. La soirée se poursuivra dans les arènes du village avec Somi Dub et Bal s’empêtre. Le lendemain, les Contraclau seront aux Restanques de Beauregard avant que les Du Bartas et les Ba’al transportent le public des arènes d’Orgon jusque tard dans la nuit. KDX

aixois Deluxe défendront les couleurs locales face au gang de marionnettes trash berlinoises Puppetmastaz. Pour la soirée de clôture, rendez-vous avec des piliers de la scène new wave : Simple Minds. Nombreux sont ceux qui fredonnent encore leurs tubes (Don’t you, Mandella Day). En première partie, Zulu Winter, un quintet de Londres qui défendra son premier album : poprock hargneuse teintée de mélancolie. KDX

Les Escales du Cargo Jusqu’au 21 juillet Arles 04 90 49 55 99 www.escales-cargo.com


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Avis à ceux qui n’ont pas froid aux esgourdes, la 11e édition du Gare aux oreilles ! se tiendra les 24, 25 et 26 août à Avignon. Organisé depuis 2002 par le collectif Inouï, ce festival diffuse des nouvelles formes musicales, en dehors des circuits commerciaux. Une manifestation qui ne s’adresse à aucun public en particulier, mais plutôt à tous ceux qui ont soif d’inattendu. Le duo italien Mombu (batterie et saxophone baryton) ouvrira les hostilités. Ce combo à l’énergie redoutable distille un audacieux mélange de punk, de free-jazz et de musique tribale pour offrir une véritable expérience acoustique... Âmes sensibles s’abstenir. La douceur est de retour le lendemain avec le qua-

tuor à cordes Metamorphosis (violon, violoncelle, guitares, acoustique et électrique). Ces Autrichiens proposent un «rock de chambre» où se croisent envolées lyriques et rythmes hypnotiques. Déjà présents en 2002, leur prestation avait séduit le public. Le duo Algecow clôturera le festival. Les deux multiinstrumentistes français créent une musique étrange, intrigante ; un voyage dans l’inconnu... KDX

Gare aux oreilles Du 24 au 26 août La Manutention, Avignon 09 51 52 27 48 www.gareauxoreilles.free.fr

Metamorphosis © Loulia Kondratovich

Mélodies anticonformistes

Jazz et soul à Gardanne

Cocktail détonant sous les palmiers SBTRKT © Thomas Cooksey

Avec une programmation éclectique et pointue, la 8e édition du Midi Festival à Hyères ferait presque pâlir d’envie ses concurrents. Du 27 au 29 juillet, une vingtaine d’artistes (stars internationales et jeunes talents) se partageront la scène sur trois lieux différents : l’hippodrome de la plage de Hyères, la villa Noailles et la plage de l’Almanarre.) Au menu : saveurs teintées de folk, de rock ou encore de dubstep. Une mise en bouche ? Les festivités débuteront le 27 juillet à 19h dans la pinède (classée, s’il vous plaît !) de l’hippodrome. À noter, la présence exclusive de Willy Moon. Le grou-

pe du jeune Londonien présentera un live survolté où se mêlent énergie rock, voix soul et beat hiphop : inclassable... Inratable. Ils précéderont SBTRKT, sorcier anglais du dubstep pour un show ou se mélangeront instruments et machines. Une prestation détonante, voire envoûtante. Le lendemain, même endroit, les grosses pointures U.S débarquent. Thurston Moore (guitariste et chanteur des mythiques Sonic Youth) présentera son 3e album solo avant de céder la place aux très attendus Bon Iver. Le groupe du chanteur Justin Vernon vous embarquera pour une virée folk gracieuse et intimiste... Laissez-vous porter. Dimanche, pour la clôture du festival, les Palma Violets feront vibrer les murs de La villa Noailles. Véritables stars en puissance, ce quatuor anglais offre un rock garage intense teinté de mélancolie. Pas un album au compteur et déjà encensés par la critique... Une date unique en France cet été ! En prime : des concerts gratuits l’après-midi et des afters electros sur la plage, de quoi séduire même les plus difficiles.

Gardanne sort le grand jeu et invite deux groupes pour un concert gratuit à l’occasion des Estivales à Biver le 25 juillet sur le parking des écoles. Les Aixois de Sudden serviront leur cocktail de jazz, de soul et de funk à partir de 20h30. Le quartet (chant, piano, contrebasse, batterie) interprète aussi bien des grands standards que des classiques de la pop/ rock «revus et corrigés». Présents sur la scène Jazz depuis 2007, le groupe a déjà fait ses preuves dans de nombreux festivals. Les Frères Soul prendront la suite avec leurs show festif dans l’esprit de Ben l’Oncle Soul. Ces deux chanteurs surexcités, portés par le groove des six musiciens (section cuivre, guitare, basse, batterie), proposent une rencontre entre les classiques de la soul et ceux de la variété française.

KDX

KDX

Les Estivales à Biver Le 25 juillet Gardanne 04 42 65 77 00 www.ville-gardanne.fr

Midi Festival Du 27 au 29 juillet Hyères 09 53 01 55 04 www.midi-festival.com

Kabbalah © X-D.R.

Cosmopoli’femme «Véhiculer un message de paix, de non violence et de citoyenneté», l’objectif du Cosmopoli’zen fest!val (ex Fête de la paix) est clair. Organisés depuis 9 ans par l’association Massilia cosmopolitaire, ces 4 jours de fête et de diversité culturelle se tiendront du 25 au 29 juillet au domaine de Fontblanche, et au cinéma Les Lumières, à Vitrolles. La nouvelle édition est organisée sur les femmes et leurs relations à l’Art, afin de pointer leur sous représentation qui ne va pas s’améliorant. Rona Hartner (souvenez vous : Gadjo Dilo...), artiste aux multiples facettes (chanteuse, actrice, peintre) sera la marraine du festival. En plus des deux soirées concerts, le Cosmopoli’zen propose des projections de film, des

démonstrations et des initiations au graffiti, des ateliers divers ou encore des scènes ouvertes. Côté son, le plateau du vendredi est orienté musique du monde avec Titi y Diego, Kabbalah et Rona Hartner. Le samedi est plutôt dédié aux musiques actuelles avec un panaché aixois : Isaya, Andromakers et Deluxe, pour finir en beauté. KDX

Cosmopoli’zen fest!val Du 25 au 29 juillet Vitrolles 09 51 00 65 43 www.cosmopolizen.org

AU PROGRAMME

MUSIQUE


AU PROGRAMME

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MUSIQUE

ACTUELLE | DU MONDE

Au pied du Rocher Organisé depuis 1989 par la municipalité de Vitrolles, Les Nuits du Rocher vous donnent rendez-vous cette année du 19 au 25 juillet dans le cadre charmant du théâtre de verdure. L’édition 2012 propose 5 soirées éclectiques, dont 4 gratuites. Embarquement le 19 juillet à 21h30 pour le voyage poétique du Quatuor Vagabond. Une virée envoûtante emmenée par 3 musiciens virtuoses (accordéon, violon et piano) qui se déplacent avec élégance entre le classique et la musique balkanique, arabe, russe ou Yiddish. Le tout relevé d’un jeu de scène soigné. La bonne humeur de Zaza Fournier égaillera la soirée du lendemain. Cette jeune bourlingueuse parisienne écrit compose et interprète ses chansons-cabarets teintées de pop et d’humour décalé.

La demoiselle prône le second degré de son joli brin de voix. Place à la danse le 22 avec la Compagnie Grenade qui présentera Gare centrale (voir Zib 37). Un spectacle, chorégraphié par Josette Baïz, où 12 danseurs évoluent sur les quais de l’attente, et les œuvres de J. S. Bach. Laâm sera en concert le lendemain et Hélène Ségara clôturera le festival le 25. KDX

Les Nuits du Rocher Du 19 au 25 juillet Vitrolles 04 42 02 46 50 www.vitrolles13.fr Zaza Fournier © X-D.R.

Invitation au voyage Dans les Alpes de Haute-Provence, au milieu de montagnes calcaires, Annot accueille le 4e festival Songes d’été, qui se définit comme «un parcours poétique autour d’expressions artistiques éclectiques : musique, théâtre, danse, cinéma…». Et de fait, les marionnettes du spectacle du Théâtre du Petit Miroir, Maui titki tiki, côtoient le fado d’Antonio Zambujo (le 4 août) ; le spectacle poétique pour enfants du Théâtre du Pré Vert, Tognino, précède Todos Buenos Aires, hommage à Astor Piazzolla par le groupe Milontango (le 11 août) ; Mikrokosmos, sous la direction de Loïc Pierre, est présent avec 3 spectacles : Voyage autour de la terre (interprétation polyphonique vocale de grands classiques, le 15 août), Danse avec le diable ou prie avec Dieu (œuvres extatiques ou dansantes, le 17 août) et Ombres Vives, en clôture (ciné-concert, le 19 août) ; auparavant, le 18 août, le quartet féminin Salut Salon aura revisité Saint-Saëns et Piazzolla dans Un requin dans l’aquarium, et le comédien Jean-Paul Ben récité La légende des siècles de Victor Hugo (le

Bon vin, bon son

Mikrokosmos - Ombres Vives © Arnaud de Boisseson

19 août). Mais le festival propose aussi des ateliers, avec la danseuse Geneviève Cauwel, et avec le chœur de chambre Mikrokosmos, un salon littéraire… DO.M. Festival Songes d’été Du 4 au 19 août Annot (04) 04 92 83 32 94 www.songes-ete.com

Saint-Cannat s’encanaille La sixième édition des Bacchanales de Saint-Cannat retrouve le jardin public du village pour deux soirées pluriculturelles et festives. Au programme, danse contemporaine, musique, spectacle de rue et bonne humeur. La compagnie croqueti donnera le coup d’envoi de la fête le 19 juillet à 20h30, avec son spectacle Les Knofil. Ce collectif invite à découvrir un imaginaire insolite et poétique. De drôles de personnages Poum Tchack © X-D.R.

évoluent en musique : petits instants de bonheur pour tous les rêveurs. On ne présente plus les Poum Tchack, qui seront là à 21h pour présenter leur dernier opus : une fusion de swing, rock, musique tzigane ou encore punk. Le lendemain, le G.U.I.D du Ballet Preljocaj (Groupe Urbain d’Intervention dansée) investira le jardin dès 20h30 pour révéler la danse contemporaine au grand public. À 21h les Portugais d’Oquestrada illumineront à coup sûr cette dernière soirée. Pour ceux qui les avaient manqués à Babel Med, courezy ! Une véritable huile essentielle de joie de vivre où se bousculent les parfums du monde entier... KDX

Les Bacchanales Les 19 et 20 juillet Saint-Cannat www.festival-bacchanales.com

Savourer un coucher de soleil sur les vignes du Château Paradis, un verre de bon vin à la main, en attendant le début d’un concert à la belle étoile... Voilà ce qui vous attend du 25 au 27 juillet au Puy Sainte Réparade. Avec son festival Music en vignes, l’association éponyme propose un événement convivial et chaleureux où se rencontrent culture musicale et vigneronne : trois concerts sur un site enchanteur. Pour cette sixième édition, le festival met le cap sur le groove. Comme chaque année, la première soirée rend hommage à un grand artiste. C’est donc BRBB qui ouvrira le bal avec son Tribute to James Brown. 8 musiciens qui maîtrisent le répertoire du Godfather sur le bout des doigts. Nina Attal et son groupe monteront sur les planches le lendemain : cette jeune auteure/compositrice, guitariste et chanteuse, mêle soul, funk et rythm’n blues. L’énergie qui émane de ses prestations en surprendra plus d’un ! Enfin, la voix sensuelle de FM Laeti fermera la marche le dernier soir. Un cocktail de jazz, de soul et de «world musique» : du bonheur tout simplement ! KDX Music en vignes Du 25 au 27 juillet Le Puy Sainte Réparade 0442 54 09 43 www.musicenvignes.com Nina Attal © X-D.R.



ARLES Quai de Trinquetaille : Festival Convivencia avec Bonga dans le cadre de «Les rues en musique» (28/7) 05 62 19 06 06 www.convivencia.eu

AVIGNON Cloître des Carmes : Tremplin Jazz avec Ibrahim Maalouf, Pierrick Pedron, Dhafer Youssef, Elisabeth Kontomanou (31/7 au 3/8) 04 90 82 95 51 www.trempjazz.fr/

BANDOL Allées Vivien : Lady Pearl (18/7, 8/8), Collectif Métissé (20/7), Stephane Belmondo (25/7), Chantal Goya (28/7), Roots Intention Crew (3/8), Tum Tum Tree (5/8), Aïoli (11/8), Cunnie Williams (15/8), Sheryfa Luna (18/8), Le Condor (21/8), Tribute to AC/DC (23/8), Synthèse (24/8), Soirée hommage Joe Dassin (25/8) Place de la Liberté : Muse accordéon (18/7, 4/8), Mix’Ages (19/7, 2/8), Tomislav (20/7), Pink organisation (21/7), Salsa Dance (22 et 28/7, 6/8), Swing Fever (23/7), Quintet Conalma-Latin (24/7), La Gapette (25/7), Soirée jeunes talents (26/7), Musique italienne (27/7, 10/8), Blue’s Men Field (30/7, 20/8), Magic Buck (1/8), César Swing (7/8), Country Dance (8/8), Mayra & Mr Mow (9/8), Celtic Kanan (13/8), Soirée Jazz Funk (14/8), Medicine Men (16/8) 04 94 29 41 35

CARPENTRAS Hôtel-Dieu : «Trans’Art» avec Zebda + Zoufris Maracas (23/7), Kolorz Festival (20 et 21/7), Festival de Musiques Juives (5 au 9/8) 04 90 63 46 35 www.carpentras.fr

FORCALQUIER Cloître des Cordeliers : Raphaël Imbert Fortissimo (28/7) 04 92 75 10 02

GORDES Théâtre des Terrasses : Soirées d’été avec Camille (2/8), Le Stochelo Trio Rosenberg (6/8), Lura (8/8), Michel Delpech (12/8) 04 90 72 02 75 www.soireesdegordes.fr

GRAU DU ROI Arènes : Nuits du Jazz au Sud Festival avec Stacey Kent (11/8), Robin McKelle (12/8) et Ana Popovic (26/8) www.sud-festival.com

LACOSTE Carrières : Gérard Chambre chante… Charles Trenet (21/7), Thomas Dutronc (25/7) 04 90 75 93 12 www.festivaldelacoste.com

LA SEYNE-SUR-MER Festival Jazz au Fort Napoléon : Les Nouveaux Monstres (25/7), Harold Mabern trio (26/7), Louis Sclavis Trio (27/7), Steve Kuhn trio (28/7) www.ot-la-seyne-sur-mer.fr

LE THOR Sonograf’ : Docteur Feelgood + Black or White au Château de Saumane (14/8) 04 90 02 13 30 www.lesonograf.fr

MARSEILLE Dan Racing : Thalie Nemesis (20/7), Rock Avenue (21/7), Towee + Step Back (27/7) 06 09 17 04 07 http://guitarjacky.free.fr

Kiosque des Réformés : DJ K*Ro + Bal décalé (29/7) 06 84 52 99 15 www.rendezvousdukiosque.fr

Centre culturel de Frais Vallon : Guinguette avec le hip hop de Woodman Beatbox et MOH, plateau urbain avec Alafou et Heart Color Music (18/7) 04 91 58 09 27

Le Paradox : LSNBB (18/7), Dumb and Brass (19/7), Los Pata e Cumbia (20/7), Sarah Quintana (22/7), Moonflower (25/7), Le monde futur (26/7), Afro Caraïbes Art (24/8)

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MUSIQUE

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AU PROGRAMME

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SAINT-RAPHAËL Palais des Congrès : Electrochok (13/8) 04 98 11 89 00 www.ville-saintraphael.fr

SAINT-RÉMY-DE-PROVENCE Festival Jazz à St Rémy : Anne Ducros Sextet (13/9), Antoine Hervier trio invite Marcel Azzola et Marc Fosset (14/9), Daniel Humair & Nicolas Folmer Project (15/9), Tremplin Jeunes, Apéro-Swing et Jam Sessions durant le festival www.jazzasaintremy.free.fr/prog2012

SERRES 10e Festival Jazz à Serres : Tigran Hamasyan (16/7), David Linx 4tet (17/7), Passport Quartet (19/7), Marianne Seleskovitch trio (20/7), Miollis Place 6tet (21/7), Philippe Lejeune 4tet (22/7) 04 92 67 01 04 www.jazzaserres.com

UZÈS Promenade des Marronniers : Les Electros d’Uzes (3 au 5/8) www.leselectroduzes.com

04 91 63 14 65 www.leparadox.fr

Festival Jazz des 5 Continents :

Itinérances d’été Ballake Sissoko & Vincent Segal © Claude Gassian

Place Villeneuve-Bargemon : Doodlin’, Raphaël Imbert Omax at Lomax 7tet (17/7) Jardin du Palais Longchamp : Ballaké Sissoko& Vincent Segal Chamber Music, Pat Metheny Unity Band 4tet (18/7), Ibrahim Maalouf 6tet Diagnostic, Avishaï Cohen trio Seven Seas (19/7), Térez Montcalm 5tet, Stacey Kent 5tet (20/7), Al Jarreau 6tet, Earth Wind & Fire invite Al McKay (21/7), Paolo Fresu &Omar Sosa – Bobby McFerrin & the Yellowjackets (24/7), Sonny Rollins 5tet (25/7) Le Silo : Robin McKelle & The Flytones guest Gregory Porter (23/7) 04 95 09 32 57 www.fj5c.com

MAUBEC La Gare : Merci Marlène (18/7), Forabandit (25/7), Isaya (1/8) 04 90 76 84 38 www.aveclagare.org

ROBION Théâtre de Verdure : «Rendez-vous du Blues» avec Mz Dee et Maurizo Pugno, Big Band + Fred Gandon (3/8), Andy J. Forest + Texako (4/8) 04 90 02 13 30 www.lesonograf.fr

Les Tournées départementales sont une série de spectacles gratuits, proposés par le Conseil Général du Var. Opéra, Jazz et aussi Théâtre pour une préservation de l’équilibre de l’offre culturelle, en milieu semi-urbain et rural. Du 15 au 27 août, Jazz à tout Var : Comps sur Artuby : (15/8 à 21h) Musique Réunionnaise avec René Lacaille Ek Marmaille. Mons : (17/8) Rick Margitza dans la formation du François Moutin Réunion 4tet. Gonfaron : (18/8) Le Time Out Trio de l’explosive et très inspirée Géraldine Laurent. Le Plan de la Tour : (20/8) Harold Lopez Nussa 4tet, un des jeunes pianistes virtuoses cubain. Villecroze : David Linx & Diederic Wiessels 4tet (22/8). Nans les Pins : Olivier Temime &Volunteered Slaves (23/8). Callas : Jacques Schwarz-Bart 4tet (24/8). Moissac-Bellevue : Perrine Mansuy 4tet Vertigo Songs (27/8). 04 83 95 06 16 www.var.fr Rene Lacaille Ek Marmaille © X-D.R.


MUSIQUE

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Un tour du monde en 9 jours de cocktails, la fête du monde s’appréhende par tous les sens. Au programme, des artistes de prestige comme Emir Kusturica et son groupe The No Smoking Orchestra entraîneront les 100 000 festivaliers attendus, sur le Canal de Saint-Sébastien, à danser sur des airs de Rumba «balkanique» où se mêleront des sons rock et tziganes. Deux nuits seront dédiées à la culture celtique, Spirit of Ireland, où des groupes exceptionnels d’Irish Celtic et la Celtica Noz, entre autres, proposeront des musiques ensorcelantes, des danses frénétiques et endiablées et provoqueront des moments étonnants de rencontre avec La Capouliero de Provence sur des sons de cornemuse et des claquettes. Et puis, une douzaine d’ensembles de qualité, invités, venant de contrées plus ou moins lointaines : Le Brésil, la Papouasie, les Philippines, la Russie, le Sénégal, la Colombie, l’Irlande et bien d’autres régions de France comme la Bretagne et les Dom-Tom avec la Martinique, enflammeront les planches en faisant découvrir et partager leurs folklores mais aussi leurs histoires et leurs combats à travers divers propositions musicales comme le chant, la danse, le théâtre. Une manifestation dense où des groupes se produiront aussi dans le cadre de Fréquence Folk. Incontournable, donc ! À vos agendas si vous voulez être du voyage, à deux pas.

Emir Kusturica et The No Smoking Orchestra © X-D.R.

Le 23 juillet s’ouvre, comme chaque année depuis un quart de siècle, un festival consacré aux arts et traditions populaires du monde. Sur des places ombragées, des ruelles pittoresques, des scènes au cœur du «village» de Martigues auront lieu des animations et des spectacles de toutes sortes : concerts, danses, stages, restaurations, siestes, dégustations La Capouliero © X-D.R.

CLARISSE GUICHARD

Festival de Martigues Du 23 au 31 juillet 04 42 80 07 45 www.festival-martigues.fr

23 ans de légende juillet à 18h30 Place Passani), Jean Dionisi Jazz Band (10 août Place Cœur de Saint Jean), JeanJacques Milteau (11 août Place Louis Blanc). D.W.

Jazz à Toulon Du 21 juillet au 11 août 04 94 09 71 00 www.jazzatoulon.com Boney Fields © C. Grudzien

Plus d’une vingtaine de concerts durant ce Festival de l’été, gratuit, ce qui est plutôt rare, avec de nombreuses surprises à découvrir dont des artistes de grand talent, régionaux et internationaux. Les temps forts se succèdent parfois trois fois dans la journée. à 13h30, des ateliers dans la Rue du 23 au 27 juillet, une scène ouverte à d’éventuels musiciens de passage. à 17h30, les Apéro-Concerts : Michael Steinman & Friends (21 juillet Place Leydeau), Solar (23 juillet Place Puget), Marie Swing (24 juillet Place Puget), Conalma (25 juillet Place Puget), Zag (26 juillet Place Puget), Garoswing (27 juillet Place Puget), «Battle des Guitares» (sur inscription, 28 juillet Place Dame Sybille). à 21h30, les concerts : ouverture du Festival avec Boney Fields & the Bone’s project (20 juillet Place de la Liberté), Olivier Temime & the Volunteered Slaves (21 juillet Place Martin Bidouré), la formation d’Elie Portal, Open Jazz Songs for Two (23 juillet Place Bouzigues), Marcel Sabiani avec Pierrick Pedron All Stars (24 juillet Quai du Parti sur le Port), Avishaï Cohen & Omri Mor en trio (25 juillet Place Louis Blanc), les guitaristes Philippe Catherine & Sylvain Luc (26 juillet Place Raimu), le 5tet fusion «Troc» avec André Ceccarelli & Alex Ligertwood (27 juillet Place Victor Hugo), Eddie Palmieri et son Salsa Orchestra (28 juillet à 21h45 Plages du Mourillon), Janysett McPherson (29

Jazz à la Tour ? Restons curieux !

Journal Intime © Caroline Potier

Troisième édition de ce festival Jazz à la Tour, au cœur du Luberon avec, au programme, une série de concerts destinés à amplifier l’éclairage de talents de la scène jazz qui le méritent vraiment. Une identité singulière donc pour cette manifestation qui se déroule dans ce lieu grandiose qu’est le Château de la Tour d’Aigues, mais aussi avec quelques concerts dans les villages alentours. Pays du vin rosé fruité entre autres, des viticulteurs feront découvrir pour l’occasion leurs productions. Et toute la famille des saxophones avec le Impérial Quartet (9/8 à Grambois-20h30) ; la jeune garde du jazz-rock hexagonal Kami Quintet (10/8 à Beaumont de Pertuis-20h30) ; Big Four une orchestration peu commune avec saxo, vibraphone et tuba (11/8 à La Tour d’Aigues au Domaine les Perpetus-20h30) ; Open Bal sous les platanes (gratuit) avec Rémi Charmasson, Laure Donnat, Perrine Mansuy... pour bouger sur des standards de la pop (12/8 Place du Château-20h30). Le trio à vents de Journal Intime (les 13, 14, 15/8 à la Tour d’Aigues, en fin d’après-midi, dans la ville). Jazz de chambre avec le trio Amarco, suivi de l’ensemble de Laurent Dehors, pour une relecture originale de l’histoire de l’opéra (13/8 dans le Château-19h et 21h30). Un trio incontournable que celui du pianiste Bruno Angelini avec Sébastien Texier et Christophe Marguet. Le relais sera donné au groupe Kartet, pour un voyage musical «aux limites floues du jazz et de la musique contemporaine» (14/8 au Château 19h et 21h30). Le vibraphoniste Bernard Jean et son New Quartet fera résonner lames et tubes. Viendra alors le concert de clôture du festival avec l’étonnant Médéric Collignon et son mini cornet à piston dans le quartet Jus de Bocse (15/8 au Château-19h et 21h30). Dynamisme, créativité et convivialité sont les principales caractéristiques de cet événement de l’été : Venez nombreux ! D.W.

04 90 86 008 73 www.jazzalajmi.com

AU PROGRAMME

JAZZ | DU MONDE


CLASSIQUE

Luxueux Moyen-Âge L’art musical médiéval s’installe dans le Var, au cœur de l’été, dans un écrin architectural unique, à sa mesure, tant sur les plans historique qu’acoustique : l’Abbaye du Thoronet. Dominique Vellard propose, depuis 22 ans, d’y découvrir sa richesse séculaire, ses singularités profanes et sacrées, monodiques ou polyphoniques. On retrouve, en 2012, l’ensemble Gilles Binchois, rompu à ces répertoires, ou l’on découvre la touche de Discantus et son jeu autour de la reconstitution

d’un chant grégorien révisé à l’aune de la création d’aujourd’hui. L’ensemble Céladon propose des carols en anglais, quand les italiens de Cantica Symphonia chantent une Messe inédite d’Heinrich Isaac ; ceux de Peregrina affichent un répertoire pascal autour du thème de la Crucifixion. Un voyage oriental clôt la semaine, en compagnie du maître de flûte de bambou de l’Inde du Nord Pandit Hariprasad Chaurasia. J.F.

Ensemble Celadon © X-D.R.

2e Rencontres de Musique Médiévale Du 19 au 25 juillet Le Thoronet L’Académie de Musique Ancienne du Thoronet propose, du 10 au 18 août, un travail pédagogique axé sur le Chant grégorien. Concerts élèves & professeurs le 16 août (Village) et le 18 août (Abbaye).

Citadelle enchantée Evans) représente La Flûte enchantée de Mozart dans une mise en scène de Wayne Morris (le 24 juillet – Cloître St-Dominique), la soprano Kim Criswell chante «Broadway» en compagnie de l’Orchestre National de Montpellier (dir. Wayne Marshall, le 28 juillet - Théâtre de la Citadelle), l’Ensemble vocal et instrumental de Lausanne (dir. Michel Corboz) interprète le Requiem de Fauré et le Dixit Dominus d’Haendel (le 3 août – Cathédrale) quand le violoniste Pavel Sporcl et le Tzigane Orchestra célèbrent l’Europe centrale (le 7 août - Cloître St-Dominique). J.F. Pavel Sporcl et le Gipsy band © Agentur

En regard de la danse (Alonzo King Lines Ballet, voir p17) et du théâtre (Tartuffe de Molière), le cœur des 57e Nuits de la Citadelle bat au rythme de la musique. Diva opera (dir. et piano Bryan

Nuits de la Citadelle Du 20 juillet au 11 août à 21h30 Sisteron 04 92 61 06 00 www.nuitsdelacitadelle.fr

Nuits varoises Cinq soirées au programme des Nuits Musicales au Brusc ! L’Opéra fait sa comédie avec des airs et duos de Puccini, Massenet ou Verdi par Christelle Couturier (soprano), Jean-Antoine Ferrali (baryton – le 6 août), Adrien Frasse-Sombet propose un Voyage musical avec un violoncelle (le 10 août), avant une Nuit du piano ambitieuse pour deux opus concertants avec un quatuor : Le 3e concerto de Rachmaninov et Rhapsody in blue de Gershwin (le 13 août). Sophie Teboul dialogue au piano avec Stéphane Rouvier (violon solo de l’Orchestre National de Bordeaux – le 14 août) pour terminer avec le Requiem de Mozart (le 16 août). JACQUES FRESCHEL

11e Nuits Musicales de Matriochka Du 6 au 16 août à 20h45 Eglise St-Pierre, Le Brusc 04 94 34 22 60 www.six-fours.net

Sophie Teboul © X-D.R.

AU PROGRAMME

36 MUSIQUE

Troupe «on tour»

OperaBulles © X-D.R.

La tournée estivale des six compères chanteurs (et leur pianiste Anne Berteletti) d’OpéraBulles passe par le Sud-est. Sous la direction de Cyrille Serio, la troupe donne un récital de chants sacrés et d’arias de Verdi, Haendel, Puccini, Mozart, Rossini, Bizet… J.F.

OperaBulles Le 24 juillet à 21h Église St-Augustin, Nice Le 26 juillet à 18h30 Collégiale St-Martin, Saint-Rémyde-Provence Le 29 juillet à 21h Église du St-Esprit, Aix Le 31 juillet à 21h Église St-Julien, Arles Le 2 août à 21h Église Notre-Dame des Tables, Montpellier 06 86 98 72 97 www.operabulles.fr


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La novation est partout Le Festival de Chaillol installé dans les cimes, en est à sa 16e édition, et y défend des territoires particuliers. Comment définiriez-vous votre démarche ? Michaël Dian : C’est clairement un projet double, un mouvement en direction de la création musicale transversale, et animée par la passion d’un territoire : au-delà de la beauté des paysages, il y a ici une mémoire inscrite, une sagesse sans doute, et la démarche du festival de Chaillol s’inscrit clairement dans une décentralisation réactualisée, Ici, avec la neige l’hiver, les villages de 30 ou 40 habitants, on est obligé de penser différemment les équipements, les salles. Ce n’est pas une contrainte pour moi, mais une poétique : le rapport au public est une relation de voisinage, de visiteurs, on joue chez eux, dans leurs églises. L’hiver 80% du public vient du département. Car Chaillol, ce n’est pas qu’un festival d’été… Non, on aime dire que c’est un festival en été, et une saison régulière. Depuis quatre ans nous proposons des concerts mensuels, 1 au départ et 4 à présent, soit 24 concerts, autant que pendant le festival. L’été bien sûr et pendant les vacances d’hiver il y a des touristes, des vacanciers, mais ils sont souvent amenés par les gens du pays.

Joel Versavaud, qui se produit les 2 et 3 aout à Chaillol © Alexandre Chevillard

siques de tradition orale avec les écritures de la musique savante, sans recherche d’une authenticité traditionnelle. On croit que toutes les musiques sont contemporaines, même les mauvaises ! et qu’aucune catégorie n’est un label de qualité à atteindre.

L’autre particularité de votre festival est de proposer des musiques en création de tous horizons. Oui. Pour moi la création est une attitude, non une esthétique. La novation musicale se situe partout, dans la musique contemporaine qui a une tradition d’écriture et un héritage de complexité, mais aussi dans les musiques populaires qui sont parfois très belles. J’aime chercher des articulations entre ces différents types de musique, demander à un compositeur argentin de travailler sur des chants ardéchois collectés par des ethno-musiciens… On n’est pas dans la création que défendrait l’IRCAM !

Comment élaborez-vous votre programmation, si rien ne vous contraint ? Sans limité esthétique, et sans thématique artificielle, avec simplement la problématique de la rencontre. Et une contrainte liée aux lieux de concert : nous programmons forcément de petits effectifs, en acoustique… ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL

Vous sentez-vous plus proche de la création musicale traditionnelle comme elle se pratique par exemple au Chantier de Correns ? Non plus, on préfère croiser, faire dialoguer les mu-

Festival de Chaillol Du 19 juillet au 12 août 04 92 50 13 90 www.festivaldechaillol.com

À 29 ans, le festival de Simiane a depuis longtemps atteint sa majorité. Une pérennité due à son cadre historique, donjon du XIIe siècle, ses artistes invités, de la région et d’ailleurs, des programmes originaux de musiques anciennes, instrumentale ou vocale, parfois en créations. Six concerts sont à l’affiche dans la Rotonde du château médiéval. La Rêveuse marie voix et viole dans la musique française de Marais, Boismortier, Charpentier (5 Doulce Memoire © X-D.R.

août), Aline Zylberajch et Martin Gester mettent en dialogue le clavecin et le piano-forte (8 août), l’ensemble Concerto Soave (dir. Jean-Marc Aymes), bien connu dans la région, interprète Monteverdi (11 août), l’ensemble Obsidienne (dir. Emmanuel Bonnardot) fait une Ode à Bacchus (15 août), l’ensemble Doulce Mémoire (dir. Denis Raisin Dadre) chante les affres de la Fortune «du Cœur et son Désir» (17 août). Une manifestation qui s’achève avec des Scottish Lieder d’Haydn par la soprano Monique Zanetti (20 août). JACQUES FRESCHEL

Les Riches Heures Musicales de la Rotonde Du 5 au 20 août Concerts à 21h Simiane-La-Rotonde 04 92 75 90 14 www.festival-simiane.com

1er festival des Cordes à l’abbaye de Valsaintes Du 23 au 29 août Concerts à 19h Simiane-La-Rotonde 04 92 75 94 19 http://www.valsaintes.org Murielle Schreder dans l'eglise du Jardin de l'abbaye de Valsaintes © X-D.R.

Harmonieux donjon

Cordes sensibles L’abbaye de Valsaintes offre, pour son premier festival, de vibrer au son des cordes du violoncelle (Christian Sakharov, Annabel Gordon), des harpes classique ou celtique (Murielle Schreder). Un pari conçu sur l’alliance musique/nature, qui, outre les concerts, et lectures poétiques (Roselyne Sibille), propose des visites du jardin et des ateliers musique. J.F.

AU PROGRAMME

MUSIQUE


AU PROGRAMME

38 MUSIQUE CLASSIQUE

Talents du Sud Le festival Durance Lubéron, propose, au mois d’août, de Mirabeau à Peyrolles, de St-Estève Janson, Lauris au Puy Ste-Réparade, une série de spectacles musicaux variés, allant du jazz à l’opéra, du récital lyrique au conte pour enfants… «Les hordes fantastico-médiévales des musiciens de Saboï» lancent les festivités, en parade à Lourmarin, avant le Sudden Jazz Quartett, tout en humour et énergie, ou une Mascarde lyrique vénitienne (Ensemble Cosa Sento) bâtie à

démie Chorale de Moscou et ses solistes parachèvent une saison nomade dont une vertu majeure (hormis cette dernière affiche slave) met à l’honneur des talents, solistes ou ensembles issus de la région PACA. JACQUES FRESCHEL Sudden Jazz quartet © X-D.R.

partir d’extraits d’opéras de Donizetti, Verdi, Haendel, Rossini… L’opéra de Purcell Didon et Enée (Ad Fontes et l’Orchestre des Alpes du Sud dir. Jan Heiting), comme L’histoire

du Soldat de Stravinsky, constituent le poumon théâtral de la manifestation, quand Le vilain petit canard, mis en musique par Prokofiev, s’adresse particulièrement aux enfants. L’Aca-

Festival Durance Lubéron Du 10 au 26 août 06 42 46 02 50 www.festival-durance-luberon.com

Musicales du Lubéron juillet à 19h). On se dirige enfin vers les Carrières de Lacoste pour entendre Le Concert Spirituel (dir. Hervé Niquet) dans les célèbres Water Music, Music for the Royal Fireworks, des Suites de Haendel et le Concerto « Fatto per la notte di natale » de Corelli (le 1er août à 21h30).

Le Concert Spirituel © Satochi Aoyagi

Le festival estival se poursuit à l’église St-Luc de Ménerbes avec le Chœur Arsys Bourgogne et l’Ensemble la Fenice (dir. Jean Tubery) pour des musiques à double-choeur de Giovanni Gabrieli (le 21 juillet à 21h30), la violoncelliste Sonia Wieder-Atherton et l’Ensemble Niguna dans le Concerto n°1 d’Haydn, des pièces de Haendel, Couperin et Respighi (le 27 juillet à 21h30), artiste sensible qu’on retrouve en solo dans les Suites n°1, 3 et 6 pour violoncelle de Bach (le 27

Les Musicales du Lubéron Jusqu’au 1er août 04 90 72 68 53 www.musicalesluberon.com

Musicales Guil Durance

Cantu Nustrale

Le programme d’animations des « Musicales » s’articule autour de concerts, conférences, apéro-concerts, atelier musical ou d’écriture pour les enfants, des visites guidées afin de découvrir la richesse du

Le groupe Cantu Nustrale interprète avec bonheur des chants sacrés et profanes du répertoire corse. L’ensemble varié permet d’entendre des polyphonies, des chants monodiques, des pièces instrumentales. Abandonnant pour quelques jours leur tournée estivale sur l’Île, ils se produiront au château de Trets le 18 août à 21h30.

Marc Coppey © Adrien Hippolyte

patrimoine situé entre Le Guil et la Durance, ses belles églises peu souvent ouvertes à St-Clément, Réotier, Guillestre, Eygliers, l’Argentière, Vars, MontDauphin, Ceillac, St-Crépin ou Risoul. On y entend, cet été, des artistes de renom comme le pianiste François Frédéric Guy, le violoncelliste Marc Coppey ou le guitariste Emmanuel Rossfelder, des ensembles tels que le Quatuor Voce ou les «baroqueux» de Stravaganza… 21e Musicales Guil Durance Du 19 juillet au 10 août 04 92 45 03 71 www.musicales.guil.net

Musiques en vacances Tout un programme qui se poursuit avec de la musique de chambre, trios et duos d’artistes de la région (Laurence Monti au violon, Jean-Eric Thiraud au violoncelle…), récitals lyriques (la soprano Monique Borrelli & le baryton Pierre Villa-Loumagne…), du jazz, ou de l’opérette marseillaise qui se conclut par un hommage à

Maurice André avec Bernard Soustrot et Guy Touvron (trompettes). 17e Musiques en vacances Jusqu’au 28 juillet La Ciotat 04 42 08 19 04 www.tourisme-laciotat.com

04 42 61 23 75 www.ville-de-trets.fr

Haute-Provence Les Rencontres Musicales naviguent du Prieuré de Salagon (Mane) au Cloître du couvent des Cordeliers (Forcalquier). Elles ont acquis leur lettre de noblesse en s’appuyant sur le principe du mixage des répertoires : lors de chaque concert, en regard de Beethoven, Schubert, Haydn, Bach ou Brahms, on découvre une œuvre moderne (cette année Mantovani, Münch, Dean, Kurtag, Marakta). De surcroît, le plateau de musiciens ne manque pas d’attraits avec la famille Queyras, Jean-Guihen (violoncelle) et Pierre-Olivier (violon), Tabea Zimmermann (alto) ou Laurent Wagschal (piano)… jusqu’au saxophoniste Raphaël Imbert et sa Compagnie Nine Spirit. Deux concerts sont captés par France Musique. Rencontres Musicales de Haute-Provence Du 22 au 28 juillet Forcalquier 04 92 75 10 02 www.forcalquier.com


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La Roque pleure Engerer Porte drapeau du festival, Brigitte Engerer jouait impérieusement à La Roque d’Anthéron. On devait la retrouver cet été, pour quatre concerts, malgré le mal qui l’affaiblissait… Il n’en sera rien : la musicienne nous a quittés le 23 juin dernier, à seulement 59 ans, après avoir longtemps lutté contre la maladie. Elle ne la cachait pas ! Brigitte Engerer était sans conteste l’une des pianistes françaises les plus impressionnantes, formée en particulier à l’école russe. Lauréate des trois prestigieux concours Long, Tchaïkovski et Reine

Elisabeth, sa technique sûre, son jeu puissant et généreux en faisaient l’une des virtuoses les plus présentes sur les scènes mondiales. L’artiste manque déjà aux mélomanes, à ceux qui aiment le grand piano concertant, celui qui fait se lever les foules au sortir de cadences pyrotechniques, comme lors des belles soirées du festival… En 2012, René Martin lui dédie naturellement le sien. Quatre concerts lui rendent hommage grâce en particulier à son alter-ego Boris Berezovsky, ses partenaires privilégiés Gérard Caussé Brigitte Engerer © Anton Solomoukha

(alto), Henri Demarquette (violoncelle), ses élèves, ou Anne Queffélec, fidèle ex-belle-sœur… Nonobstant, la fête du piano aura lieu… malgré l’épreuve. Un mois durant, on retrouve son chapelet de phénomènes, stars incontournables ou nouveaux talents : Lugansky, Volodos, Sokolov, Freire ou Ciccolini, Angelich, Muraro, Neuburger, Chamayou, Giusiano, Cassard, Bavouzet, Pennetier, Hamelin, Xiao-Mei, Laloum, Kadouch, le Trio Wanderer, Hantaï et bien d’autres artistes… Du Parc du Château de Florans et ses Nuits consacrées à Brahms, Mozart, Bach et surtout Debussy dont on célèbre le 150e anniversaire de la naissance, vers l’Étang des Aulnes, le Grand Théâtre de Provence et d’autres lieux plus intimes du Luberon, de Lourmarin à Gordes, Silvacane, Lambesc, Aix… on pensera à elle !

Le Festival réserve, chaque année davantage, quelques soirées au jazz. Tout d’abord, deux concerts dans le Parc du Château de Florans, le 27 juillet à 20h, Bojan Zulficarpasic (Bojan Z) au nom imprononçable mais incontournable, suivi dès 22h par les accents jazz d’Europe du Nord du quartet de Tord Gustavsen. Le 28 juillet à 21h dans les Carrières de Rognes, Jacky Terrasson, grand enrichisseur de la musique nordaméricaine. Le 29 juillet à 21h, la minéralité de la Carrière accueillera le 4tet londonien, contemporain et psychédélique Portico. Et, pour la dernière soirée, toujours à Rognes, le 30 juillet à 21h, un sextet à l’énergie inépuisable : grandes émotions prévisibles avec le cubain Roberto Fonseca. D.W. Bojan Z © Lena & Ziyah

JACQUES FRESCHEL

32e Festival International de piano Du 21 juillet au 22 août La Roque d’Anthéron 04 42 50 51 15 www.festival-piano.com

Le Barbier de Séville Pour sa 5e édition, le Festival d’Art Lyrique de Salon-de-Provence investit la Cour Renaissance du Château de l’Empéri. Le Chœur de l’Opéra de Parme, ses solistes et l’Orchestre Symphonique «Cantieri d’arte» de Reggio Emilia représentent Le Barbier de Séville de Rossini (dir. Stefano Giaroli – le 14 août à 21h30). En

préludes : Concert des jeunes talents lyriques (le 11 août à 19h) et projection d’une vidéo de spectacle de l’«autre» Barbier signé Paisiello (le 12 août à 21h30). J.F. Salon-de-Provence 04 90 56 00 82 www.salondeprovence.fr

Les trois «mousquetaires», Paul Meyer (clarinette), Emmanuel Pahud (flûte) et Eric Le Sage (piano), créateurs du festival estival à Salon, célèbrent en 2012 vingt ans de musique au Château de l’Empéri : l’une des plus belles manifestations de musique de chambre dans le Sud-Est ! On retrouve des artistes qui ont fait l’histoire de la manifestation pour vingt concerts sur dix soirées. Les programmes mixent habilement des classiques à des opus moins connus ou modernes, et nous font voyager de l’École de Vienne vers Prague, la Bohème ou la «Nuit américaine», de Pierre et le Loup à Hollywood, en compagnie de Lambert Wilson, Jean-Guihen Queyras, Frank Braley, Thierry Escaich et une pléiade d’artistes de haut-vol ! J.F. Musique à l’Empéri Du 30 juillet au 9 août Concert à 18h Eglise St-Michel et 21h Cour du Château Salon-de-Provence 04 90 56 00 82 www.festival-salon.fr

Emmanuel Pahud © X-D.R.

Vingt ans !

AU PROGRAMME

MUSIQUE


«L’Heure Exquise»

Première création de la Troupe Lyrique Méditerranéenne, «L’Heure Exquise», un florilège «déjanté» d’airs d’opéras et d’opérettes, mis en scène autour de l’histoire de «trois amis voleurs, mais gentlemen» qui s’invitent chez le marquis Orlovski pour commettre leurs larcins… et séduire des belles ! MONTFRIN. Le 21 juillet à 21h. Grand Place (Entrée libre). www.troupe-lyrique.com 06 60 36 99 09

Musiques d’Étoile Le Quatuor Syrah composé des musiciens de l’Opéra de Marseille, Louis-Alexandre Nicolini et Marie Hafiz (violon), Benjamin Clasen (alto), François Torresani (violoncelle) joue Purcell, Haydn, Schubert, Turina dans l’Orpierrois. ÉTOILE ST-CYRICE. Le 30 juillet à 21h. Église. Déambulation chorégraphique et musicale dès 18h. www.orpierre.fr 04 92 66 26 51

Concert lyrique avec la participation de la soprano Leontina Vaduva, marraine de la Compagnie Opéra-Théâtre Pour Tous. er

MARSEILLE. Le 1 août à 21h. Théâtre Sylvain 04 96 11 04 61 www.espaceculture.net www.operatheatrepourtous.com

Nuits Pianistiques

Au fil du mois d’août, l’Académie des Nuits Pianistiques propose une série de concerts, quasi quotidiens, au Conservatoire Darius Milhaud ou au Pavillon Vendôme. Outre des prestations de stagiaires (entrée libre), on entend des récitals d’artistes confirmés, de la région et d’ailleurs, de professeurs ou jeunes suivis par Michel Bourdoncle et son équipe. Le piano, au centre des regards, est parfois accompagné d’autres instruments pour des programmes de musique de chambre. On retient, entre autres, la venue de Jean-Marc Luisada dans Debussy, Schubert et Chopin (le 6 août). AIX. Académie des Nuits Pianistiques, du 1er au 27 août Programme complet sur www.lesnuitspianistiques.com 06 16 77 60 89

Musiciens d’Hêlios

L’ensemble réuni autour du violoniste Noël Cabrita dos Santos et Yannick Callier (violoncelle), créateur des manifestations «Art et Buffet» à Aix, est invité chaque année depuis 1999 au Festival de Briançon. Dix jours durant, les musiciens proposent des concerts de musique de chambre allant de Mozart à Kodaly. Le pianiste Philippe Cassard, qui collabore souvent avec Hêlios, y joue un programme Debussy (le 6 août). BRIANÇON. 14e Festival, du 1er au 10 août. Concerts à 21h. Eglise des Cordeliers www.festival-musique-briancon.com 04 92 21 08 50

L’ensemble varois joue dans le cadre des Nuits du Mas des pièces pour violon et violoncelle de Bach, Haendel, Glière et Beethoven. LA GARDE. Le 7 août à 21h. Mas de Sainte-Marguerite (entrée libre) www.desequilibres.fr www.ville-lagarde.fr 04 94 08 99 34

Piccolo & C°

Autour du piccolo de Jean-Louis Beaumadier, les musiques baroques ou modernes résonnent de Riezla-Romaine à Manosque, de Thoard à Ste-Croix du Verdon. Après un «Piccolo récital» acrobatique (les 8, 10 et 15 août) et la «Fête internationale de la flûte» (on vient souffler des quatre coins du monde, le 12 août), la manifestation s’achève par un hommage musical à Jean Giono (le 16 août). Musiques dans les Alpes de Haute Provence, du 8 au 16 août. www.piccolo-beaumadier.fr «Piccolo récital» aussi à Porquerolles le 24 août

Evénement-création !

L’Orchestre Français des Jeunes, familier du Grand Théâtre de Provence, fête ses 30 ans à Aix. Pour l’occasion Denis Russel Davies dirige, en création, la Symphonie n°10 du compositeur américain Philip Glass. À ne pas manquer ! AIX. Le 9 août à 20h30. Grand Théâtre de Provence. http://www.lestheatres.net 08 2013 2013

Madame Butterfly

L’opéra de Puccini représenté en plein air sur la Corniche, mis en scène par Karine Laleu avec Marilyn Clément dans le rôle-titre (airs italiens et récits en français). MARSEILLE. Les 11 et 13 août à 21h. Théâtre Sylvain www.espaceculture.net 04 96 11 04 61 www.operatheatrepourtous.com

Eclosion

Le nouvel ensemble de cordes des Floraisons Musicales, composé d’étudiants et professionnels issus de Conservatoires Nationaux de Région et Supérieur, se produit en Trio (le 12 août) et au complet (12 cordes – le 13 août). MOUSTIERS-STE-MARIE. Concerts à 21h30. Cour de l’école. www.floraisonsmusicales.com 04 90 303 600

Musique dans la rue © Agnès Mellon

La Vaduva

Des Equilibres

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MUSIQUE

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AU PROGRAMME

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Depuis plusieurs années, la manifestation Musique dans la rue constitue un temps fort de la vie musicale aixoise. Quotidiennement, durant une quinzaine de jours, 35 ensembles pour 128 musiciens (de la région et d’ailleurs) vont à la rencontre du public à l’occasion de concerts d’une trentaine de minutes, gratuits, dans différents lieux de la ville. Le choix est varié «sous le signe de la jeunesse, de la voix, avec quelques propositions lyriques, des quatuors à cordes, des quintettes de cuivres, des formations de jazz, en passant par la musique brésilienne avec quatre groupes issus du Festival Espirito Provence...», une journée «Piano libre» pour une centaine de concerts ! AIX. Musique dans la rue, du 24 août au 8 septembre. www.lestheatres.net www.mairie-aixenprovence.fr 04 42 91 69 70

L’orgue à Roquevaire

On n’oublie pas le beau Festival International d’Orgue qui ouvre la saison musicale locale à la rentrée ! Rendez-vous début septembre… à suivre !

Phillip Glass © Steve Pyke

ROQUEVAIRE. 16e Festival International d’Orgue. Du 7 sept au 14 oct. www.orgue-roquevaire.fr/


Le Ballet d’Europe

Le Monaco Dance Forum, festival multiformes ouvert à toutes les influences chorégraphiques, accueille la 8e et dernière création du collectif québécois Les 7 doigts de la main, Séquence 8. Une œuvre acrobatique et théâtrale qui «contemple le rôle de l’autre et comment, à travers lui ou à son encontre, on se définit soi-même.» Mat chinois, cerceau aérien, jonglage ou trapèze servent les acrobates et voltigeurs dans des numéros de haute volée.

Le Ballet d’Europe termine sa saison au Théâtre de Nature d’Allauch, dans le cadre des Estivales, avec un programme mixte qui commence par un hommage à Joseph Lazzini, chorégraphe et directeur du Ballet de l’Opéra de Marseille de 1959 à 1968, décédé en juin, dans lequel 2 danseurs du Ballet d’Europe interprèteront Cantadagio. Puis sera présenté un extrait d’À l’ombre des jumeaux, une chorégraphie de Michel Kéléménis remontée à l’occasion de l’ouverture du Klap en septembre dernier. En avant-première JeanCharles Gil propose Tendres Complicités, une petite forme autour du duo sur le thème de la douceur. Enfin, pour terminer la soirée, le Ballet reprendra Schubert In Love.

Sequence 8 © Sylvie-Ann Pare

Du 20 au 22 juillet Grimaldi Forum, Monaco 04 92 41 60 02 www.balletsdemontecarlo.com

Le 31 juillet Théâtre de Nature, Allauch 04 91 10 49 20 www.balletdeurope.org

Miettes La scène nationale de Cavaillon fait sa rentrée en extérieur, et en Nomade(s), avec Miettes, de et avec Rémi Luchez. Un solo qui prend corps avec quelques mètres de fil de fer, quatre poteaux de bois calcinés, une boule d’argile, une tenaille… pour un saut dans le vide. Le 7 sept La Garrigue, Mérindol Le 10 sept Boulodrome, Joucas Le 11 sept Les Arènes, Paluds de Noves Le 13 sept

Schubert in love © JC Sanchez

Séquence 8

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Place de l’église, Lacoste Le 14 sept Jardin de la Treille, Châteauneuf-de-Gadagne Le 15 sept Cour de l’espace culturel Folard, Morières-les-Avignon Le 17 sept Cour de l’école, Gordes Le 18 sept Forêt des Cèdres, Cabrières d’Avignon Le 19 sept Ecole de la Passerelle, Le Thor 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

AU PROGRAMME

DANSE/ARTS DE LA RUE


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CINÉMA

RENDEZ-VOUS D’ANNIE

Territoires cinématographiques Du 9 au 24 juillet les cinémas Utopia proposent en collaboration avec le Festival d’Avignon Territoires cinématographiques, un dialogue entre le 7e art et le théâtre. À l’issue de projections, le public peut rencontrer réalisateurs, metteurs en scène, comédiens, écrivains, historiens… John Berger, complice de Simon McBurney, artiste associé, a écrit plusieurs scénarios, en particulier avec Alain Tanner dont seront projetés La Salamandre, Le Milieu du monde et Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000. Autour de la création de Christophe Honoré sur le Nouveau Roman, sont diffusés un documen-

taire de Blandine Armand sur Michel Butor en sa présence, Trans-EuropExpress d’Alain Robbe-Grillet et un film expérimental de Christophe Honoré, Homme au bain. Autres œuvres de cette programmation : un film de Jean-Gabriel Carasso sur l’École Jacques Lecoq, Sophie Calle Sans titre de Victoria Clay Mendoza, un film inédit de Jean Fléchet sur le Festival de 1967, le dernier long métrage d’Elisabeth Perceval et Nicolas Klotz, Low Life et bien d’autres… Cinémas Utopia, Avignon 04 90 82 65 36 www.cinemas-utopia.org La Salamandre de Alain Tanner © Filmograph SA, Forum films, Svocine

États Généraux Les amoureux du documentaire finissent tous leur été à Lussas, un village non loin d’Aubenas, qui fin août devient une capitale. Du 19 au 25 août se tiendra la 24e édition des États Généraux du Documentaire : projections, rencontres, ateliers, séminaire dont un sur le rôle de la critique cinématographique contemporaine avec, entre autres, Emmanuel Burdeau, J. L Comolli, Antoine Guillot, Christophe Kantcheff. Les documentaires portugais, avec la collaboration de l’association des cinéastes Apordoc et du festival Doclisboa, seront à l’honneur, ainsi que les films baltes. Fragment d’une œuvre sera consacré au cinéaste polonais

sélection de films francophones, Expériences du regard et une journée de projection des nouveaux films Brouillon d’un Rêve de la SCAM. Pour la dixième année, Africadoc proposera les films documentaires de création des pays d’Afrique subsaharienne. Et bien sûr, tous les soirs musique, échanges dans les rues du village… Lussas, c’est tout un rite ! États généraux du film documentaire Ardèche Images 04 75 94 28 06 www.lussasdoc.org

La vierge, les coptes et moi © Namir Abdel Messeeh

Bogdan Dziworski. Un parcours Les Territoires assemblés : l’image, la musique, le son se déclinera toute la semaine, en partenariat avec le CNC et la SACEM. Comme chaque année, une

Belle & Toile Fernandel La Friche de la Belle de Mai propose depuis (à partir de sur le site) le 8 juillet Belle & Toile, le à la Buzine

Friche de la Belle de Mai www.lafriche.org Les Neiges du Kilimandjaro de Robert Guediguian

Angèle de Marcel Pagnol

dimanche, des soirées cinéma. Le 8 à partir de 20h, soirée engagement : Les Neiges du Kilimandjaro de Robert Guédiguian et rencontre avec l’équipe. Le 15 juillet, soirée cuisine méditerranéenne : La Graine et le mulet d’Abdellatif Kechiche. Le 22, soirée flirt : Venus et Fleur d’Emmanuel Mouret. Le 29, ciné-concert du Philharmonique de la Roquette sur Le Cameraman d’Edward Sedgwick. Les soirées se poursuivent en août.

Depuis (à partir de sur le site) le 12 juillet, le Château de la Buzine présente un Hommage à Fernandel : en ouverture à 19h, Angèle de Marcel Pagnol. L’occasion de (re) voir en juillet, Naïs de Raymond Leboursier ; Regain, Le Schpountz, La Fille du puisatier, Topaze de Marcel Pagnol ; Crésus de Jean Giono. En août, L’Armoire volante de Carlo Rim, Fric-Frac de Claude Autant-Lara ; Meurtres de Richard Pottier ; Le Voyage du père de Denys de La Patellière ; La Vache et le prisonnier et Le Mouton à cinq pattes d’Henri Verneuil ; Sénéchal le Magnifique et Le Couturier de ces dames de Jean Boyer. La Buzine, Marseille 12e 04 91 45 27 60 www.chateaudelabuzine.com

Les Classiques de l’été Jusqu’au 27 juillet, Les Classiques de l’été continuent à l’Institut de l’image à Aix : Lame de fond de Vincente Minnelli ; Attaque ! de Robert Aldrich ; Sandra de Visconti ; Trois femmes d’Altman ; Si Paris l’avait su de Terence Fisher. Institut de l’Image 04 42 26 81 82 www.institut-image.org Lame de fond de Vincente Minnelli


CINÉMA

Ciné Tilt L'argent de poche de Francois Truffaut

La 17e édition de Ciné Tilt se poursuit tous les jeudis, vendredis et samedis, à la tombée de la nuit, jusqu’au 18 août dans 8 lieux de Marseille. Parmi tous les films projetés, Le grand voyage d’Ismael Ferroukhi ; Le Chat du rabbin de Joann Sfar ; Les Chemins de la liberté de Peter Weir ; Chantons sous la pluie (VF) de Stanley Donen et Gene Kelly ; L’Argent de poche de François Truffaut et pour clôturer, une comédie Bollywood, Saawariya de Sanjay Leela Bhansali.

Arbres à Viens Femmes de Jazz Dans le cadre du 5 festival Art et Hospitalité, Dans le cadre d’un partenariat avec le Festival e

Camera Lucida propose le 28 juillet à 16h, à la salle de fêtes de Viens, le documentaire de Sophie Bruneau et Marc-Antoine Roudil, Arbres.

Jazz de 5 continents, Films Femmes Méditerranée propose le 20 juillet à 14h30 à l’Alcazar Femmes de Jazz de Gilles Corre, suivi d’une rencontre avec le réalisateur, les chanteuses de Doodlin’ et Térez Montcalm. Rencontre dédiée à Dominique Bouzon, flûtiste virtuose, disparue en mars 2012. Alcazar, Marseille

Caméra Lucida 04 90 75 73 04 www.cameralucida84.com

Best of Short Le Best of Short Films Festival qui avait tenu son

Films Femmes Méditerranée www.films-femmes-med.org

Ciné Silvain

10e et dernier (petit) Best of Short en 2011 (voir Zib’ 44), prépare 2013. Cette année il aura lieu le 15 sept à partir de 18h au cinéma Lumière et se continuera sur la place Evariste Gras de La Ciotat. Au programme, les courts métrages de grands réalisateurs qui ont marqué l’histoire du cinéma et ont été récompensés. «Des films courts pas de petits films ! » et, bien sûr, repas, musique et convivialité. Best of Short Films Festival Cinéma Lumière, La Ciotat 06 63 82 88 41 www.bestoffestival.com

Ciné Tilt 04 91 91 07 99 www.cinetilt.org

Alhambra Cinémarseille 04 91 03 84 66 www.alhambracine.com

Un Balcon sur la mer de Nicole Garcia

Écrans sous les étoiles Le plein air existe aussi, et formidablement, dans les quartiers Nord de Marseille. Les Ecrans sous les étoiles, séances de cinéma proposées par l’Alhambra Cinémarseille, en partenariat avec la Mairie 15-16, continuent à mettre ces quartiers au bord de l’implosion sociale en fête et en cohésion, dans un moment où les collectivités semblent oublier la périphérie souffrante pour concentrer leurs moyens dans les équipements coûteux du centre ou des quartiers plus bourgeois. Le 17 juillet, Kung Fu Panda 2 de Jennifer Yuh ; le 19 juillet, Le Petit Nicolas de Laurent Tirard et le 26 juillet, Les femmes du 6e étage de Philippe Le Guay. Une programmation populaire, nécessaire.

Le 22 juillet, à la tombée de la nuit, Ciné Silvain propose Un Balcon sur la Mer de Nicole Garcia avec Jean Dujardin, Marie-Josée Croze, Sandrine Kiberlain ; le 30 juillet, Parlez-moi de la Pluie d’Agnès Jaoui. Mairie du Premier Secteur www.capsur2013.fr

Caméra Lucida Dans le cadre des Journées de l’Astronomie de

bra Cinémarseille en partenariat avec le Comité des Fêtes et le Centre social de l’Estaque, projette Alice au pays des merveilles de Tim Burton ; le 25 juillet, True Grit des frères Coen ; Paï de Niki Caro. Alhambra Cinémarseille 04 91 03 84 66 www.alhambracine.com

Nostalgie de la lumière de Patricio Guzman

Les Toiles de mer Le 20 juillet, vers 22h à l’espace Mistral, l’Alham-

Caméra Lucida 04 90 75 73 04 www.cameralucida84.

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Plateau d’Albion proposées par l Observatoire astronomique SIRENE, à Lagarde d’Apt, le 24 juillet à partir de 21h, projection de Nostalgie de la lumière de Patricio Guzman et le 7 août, Dans le champ des étoiles de Danielle Jaeggi. Le petit Nicolas de Laurent Tirard

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CINÉMA

LE FID Donauspital © NGF

rio fait sur le rapport réel/fiction/t emps/histoire justifie-t-il qu’un film soit le relais de propos aussi nauséabonds ? On préfère voir L’Ethnographe d’Ulisses Rosell, portrait de John Palmer, qui, au lieu de finir sa thèse, s’est marié avec une Indienne de la tribu Wichi du Chaco argentin dont on partage la vie durant une heure et demie, ou passer la nuit en écoutant deux réfugiés afghans, Hamid et Soban, sur les bords du canal St Martin dans La Nuit remue de Bijan Anquetil, qui a reçu le Grand Prix de la Compétition Française des mains de la Présidente du Jury, Luce Vigo.

Coups de cœur

Butiner au FID Choisir parmi les 154 films que propose le FID Marseille n’est pas facile ! Aller butiner les champs des compétitions internationale et française, tout en se permettant quelques escapades sur les Sentiers ou en région, c’est renoncer aux voies du Cinéma Novo, celles de la puissance de la parole, des fils du pouvoir et du son ou aux voies chiliennes de Raoul Ruiz !

Au commencement… Tout commence par Lisbonne où Aurora confie à sa voisine, Pilar, son histoire d’amour au Mozambique : Tabu de Miguel Gomes, un film en noir et blanc qui débute dans une jungle artificielle, plans clins d’œil aux premiers documentaires de l’histoire du cinéma ; un film sur le passage du temps, sur la Mémoire du cinéma et de l’Afrique coloniale : on retourne cinquante ans en arrière, au temps de la jeunesse d’Aurora, filmée de manière désuète, comme dans le cinéma dit muet avec une voix off, intérieure. Un charme nostalgique !

Portraits et soin En noir et blanc aussi le superbe film de Régis Sauder, Être là. Là, c’est la prison des Baumettes où durant plusieurs mois, le réalisateur a suivi le travail des soignantes du Service Médico Psychologique Régional, qui sont venues, par choix, s’occuper de détenus qui souffrent de troubles psychiques. Travail de soin et d’écoute filmé avec beaucoup de respect et d’humanité. Si les hommes en souffrance restent hors champ, c’est à travers le regard de ces femmes magnifiées par le cadre et la lumière qu’ils se construisent. Une des psychiatres lit face à la caméra des textes forts relatant son vécu de dix ans dans la structure, ses souvenirs, sa résistance, comme un refrain dans le film. «Le noir et blanc ? Il exprime aussi, précise Régis Sauder, le passé d’une pratique qui a mis le sujet et la pensée au cœur du soin et qui, sans doute, appartient déjà à l’histoire… mais j’espère me tromper.»

C’est dans un autre lieu de soin, symbole de la psychothérapie institutionnelle fondée par Jean Oury, la clinique de la Borde, que Rachel Bénitah nous fait rencontrer l’écrivaine, Marie Depussé. Son film, Vivante à ce jour, a pu voir le jour grâce à la Région PACA. Depuis la découverte en 2006 de À quelle heure passe le train, que Marie Depussé a co écrit avec Jean Oury, Rachel Bénitah, qui est aussi danseuse, avait envie de la rencontrer et de la faire découvrir. La question était : que faire d’un écrivain vivant ? La réponse a été trouvée : ce portrait, joliment tracé, donne envie d’aller lire les ouvrages de cette femme, vivante s’il en est ! Gaëlle Boucand, elle, a choisi de faire le portrait de JJA, un vieux capitaliste paranoïaque, qu’elle filme dans un dispositif semblable à celui qu’il a installé dans sa maison en Suisse, une douzaine de caméras de surveillance, y compris dans le poulailler pour filmer… les renards– voleurs d’œufs. On le suit dans sa déambulation et sa logorrhée, oscillant entre la consternation et le rire. Ce film a obtenu la Mention de la Compétition Française.

Vers l’autre On rit moins et la colère gagne devant le choix de Sandy Amerio dans Dragooned, un «documentaire immersif avec violence» avant lequel elle a demandé au public de rester jusqu’au bout et où elle précise par un carton à la fin qu’elle ne reprend pas à son compte les propos tenus dans le film. On peut d’emblée s’interroger sur la place et le regard de la réalisatrice qui a besoin de le préciser ! Si le sujet du film est le reenactment, l’action de rejouer le passé, la voix qu’elle relaie en suivant un groupe qui rejoue en 2010 le débarquement en Provence du 509e américain d’août 1945, est celle d’un militaire professionnel, raciste, xénophobe, qui appelle à détruire l’«ennemi intérieur» (l’Islam). Le travail intéressant que Sandy Ame-

A bas bruit le film de Judith Abitbol est né d’une perte : celle de l’amie de la réalisatrice en 1996. Devant les difficultés à produire le film, c’est d’abord le scénario qui est simplement lu au festival Premiers Plans d’Angers. Puis la forme s’est affirmée : la lecture, magistrale, de Nathalie Richard, filmée avec délicatesse, loin d’être une captation, c’est du cinéma !- permet au spectateur de voir les images de cette histoire d’amour entre Léonore une cinéaste et Agathe une bouchère qui veut réaliser une installation… avec un bœuf. Superbe ! Dans Donauspital- SMZ OST, Nikolaus Geyrhalter a décidé de faire la radioscopie d’un des plus grands hôpitaux européens modernes, à Vienne : cuisines, salles de désinfection, sous-sols, bloc opératoire, chambres des patients, lieux de culte, du service de néo-natalité à la morgue ; chacun est à son poste, travaille avec précision et efficacité tout comme le cinéaste qui filme chaque geste, rythmé par la voix synthétique qui annonce le passage des chariots automatisés, véritable ballet futuriste. Un travail d’orfèvre. Quand on pense à Donka, radioscopie d’un hôpital africain, réalisé en 1996 par Thierry Michel, sur un hôpital à Conakry, on reste songeur… Avec Demande à ton ombre, Lamine Ammar-Khodja cherchait sa voie en cinéma et a l’impression qu’il a trouvé quelque chose qui lui ressemble, lui, «le liseur de livres». Au bout du petit matin, Aimé Césaire. À la fois enquête sur l’Algérie, pays natal où il retourne après 8 ans d’absence et questionnement sur sa propre place, sur celle des jeunes de sa génération, le film nous emmène avec tendresse, humour et lucidité sur les lieux du réalisateur en compagnie de ses amis, de Camus et de Césaire… On se laisse volontiers entraîner ! Pour ce premier long, Lamine


CINÉMA Ammar-Khodja a reçu le Prix Premier, doté par le Conseil Régional PACA.

OVNI sur les Sentiers Un sous-bois. Une créature étrange de tissus multicolores, dont on ne voit pas la tête, se déplace, de forêts en champs, perdant des lambeaux qu’un enfant recueille, en la suivant, jusqu’au délitement complet au fil de l’eau : L’Éparpillé, le court film d’Aline Ahond, écrivaine de livres jeunesse, photographe et cinéaste, proposé par Fotokino, nous ramène sur les Sentiers de l’enfance. Puis la cérémonie de clôture a permis de connaître le nouveau président du FID Marseille : l’éditeur Paul Otchakovsky-Laurens (P.O.L), succédant à la présidente qui a démissionné de cette fonction, appelée à d’autres tâches : Aurélie Filippetti ! Acclamée par le public, elle a félicité Jean-Pierre Rehm et son équipe pour leur travail et a confirmé son intérêt et son amour pour le cinéma, en particulier le cinéma documentaire.

Palmarès GRAND PRIX DE LA COMPÉTITION INTERNATIONALE Babylon d’Ala Eddine Slim, Ismaël et Youssef Chebbi (Tunisie) PRIX GEORGES DE BEAUREGARD INTERNATIONAL Un mito antropologico televisivo d’Alessandro Gagliardo, Maria Helene Bertino, Dario Castelli (Italie) GRAND PRIX DE LA COMPÉTITION FRANÇAISE La Nuit remue de Bijan Anquetil PRIX GEORGES DE BEAUREGARD NATIONAL À peine ombre de Nazim Djemaï PRIX PREMIER Demande à ton ombre de Lamine Ammar-Khodja

PRIX MARSEILLE ESPÉRANCE Hasta el sol tiene manchas de Julio Hernandez-Cordon (Guatemala) PRIX DU GROUPEMENT NATIONAL DES CINÉMAS DE RECHERCHE 74 (La reconstitution d’une lutte) de Rania et Raed Rafei (Liban) PRIX RENAUD VICTOR Pénélope de Claire Doyon choisi par 30 détenus volontaires de la Prison des Baumettes parmi les 8 films en compétition, présentés par le FID, Lieux Fictifs et le Master «Métiers du film documentaire» de l’université Aix-Marseille En compétition internationale, The Path to Cairo, deuxième volet de la trilogie Cabaret Crusades, de l’artiste égyptien Wael Shawky, adaptation pour marionnettes de l’ouvrage d’Amin Maalouf Les Croisades vues par les Arabes. Nous y reviendrons.

ANNIE GAVA

Le FID-Marseille s’est déroulé du 4 au 9 juillet

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Cabaret Crusades The path to Cairo de Wael Shawky


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CINÉMA

CINÉMA ISRAÉLIEN

Mabul de Guy Nattiv

La Femme qui aimait les hommes de Hagar Ben Asher

Du 13 au 19 juin s’est tenue au cinéma Variétés à Marseille la 13e édition du festival Regards sur le cinéma israélien organisé par Judaïciné : les 7 meilleurs longs métrages de fiction sur la cinquantaine de films réalisés en 2011, d’après les organisateurs. Parmi ceux-ci, The Slut, traduit pudiquement en français par La

Femme qui aimait les Hommes, réalisé et interprété par la superbe Hagar Ben Asher que le public a regretté de ne pas rencontrer : elle avait raté son avion ! Un film très fort, qui hante longtemps le spectateur. «The Slut», c’est Tamar, une belle jeune femme de 35 ans qui vit seule avec ses deux fillettes. Elle donne du plaisir à quelques-uns des

Des films sans tabou

hommes de son village, naturellement, comme elle nourrit ses poules, fait du vélo, jusqu’au jour où un ancien ami, Shaï (Ishai Golan), un vétérinaire revenu au village, tombe amoureux et lui offre une vie de couple stable. L’aimant aussi, elle accepte ; il devient très proche des enfants, leur servant de père, s’en occupant pendant qu’elle bat la campagne, cassant ses œufs, crevant ses pneus, puis rejoignant ses anciens partenaires auxquels elle semble ne pas pouvoir renoncer. Si on a du mal à comprendre Tamar, elle fascine par son étrangeté. Femme libre ? Pour l’être, faut-il rompre avec les codes moraux et la routine familiale ? La mise en scène de Hagar Ben Asher privilégie les plans fixes et la photographie est superbe, que ce soit les scènes de nature -le règne animal est très présent- ou la longue scène d’amour et de sexe entre ces deux personnages qui vont se détruire… Autre film intense, Mabul, deuxième long métrage de Guy Nattiv qui aborde le manque de communication dans la famille : le père (Tzahi Grad), pilote, n’a pas volé depuis six mois ; Miri (Ronit Elkabetz), la mère qui travaille dans une garderie, a une liaison avec le père d’un des enfants ; et Yoni (Yoav Rotman) dont le regard conduit le film, à l’approche de sa bar-mitsvah, désespère de grandir et doute du monde. Paradoxalement, c’est le retour d’un grand frère autiste (formidable Michael Moshonov) qui va ressouder les liens familiaux. Ce sont aussi les rapports dans la famille qui sont au cœur de Melting Away : Doron Eran et Billi Ben Moshe, la scénariste avaient été choqués d’apprendre qu’après des meurtres au Centre jeunesse LGBT de Tel-Aviv, en 2009, certains parents avaient refusé d’aller voir leur enfant à l’hôpital. D’où le désir de faire ce film ! Lorsque Shlomo découvre des vêtements de femme dans la chambre de son fils Assaf, il lui ferme la porte. Quatre ans plus tard, alors que le père va mourir, un détective engagé par la mère retrouve… Anna, une chanteuse transgenre (le mannequin, Hen Yanni). Si les scènes de cabaret sont réussies, la musique, trop présente, accentue le pathos dans les scènes à l’hôpital. Sur le thème du transgenre, le film canadien de Xavier Dolan (voir p9) est plus réussi Une programmation riche qui traite sans tabou de sujets parfois difficiles et mériterait de toucher un public bien plus large que celui, souvent communautaire, qui suit d’ordinaire ce festival. ANNIE GAVA


FILMS | LA BUZINE

CINÉMA

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Du foot naquirent les Héros

Les Rebelles du foot de Gilles Perez et Gilles Rof

Un documentaire sur le foot ? Comme si on ne nous prenait pas déjà suffisamment notre temps de cerveau disponible avec ça, comme si Marseille n’y abimait pas chaque jour son image,

et les machos n’y aiguisaient pas suffisamment leurs exclusions… et comme si les pouvoirs publics ne consacraient pas déjà tant d’argent public à l’opium des stades, plutôt qu’au réveil des amphithéâtres… Et bien non. Le documentaire de Gilles Perez et Gilles Rof (on s’en doutait, Gilles Rof est un des meilleurs journalistes de la région), entièrement made in Marseille par des producteurs, des cinéastes, des musiciens marseillais, est profondément bouleversant. Parce que les cinq figures du foot qui le traversent sont de vrais Héros. Des hommes qui ont mis en jeu leur vie et ont affronté l’histoire : Caszely, qui a refusé de serrer la main de Pinochet, et l’a payé d’un prix plus que cruel ; Mekloufi, qui a déserté une carrière glorieuse de footballeur français pour créer l’équipe d’une Algérie qui n’existait pas ; Drogba, qui un temps arrêta la guerre civile en Côte d’Ivoire en suppliant son peuple de pardonner ; Pasic, qui entretint l’espoir des enfants de Sarajevo sous l’incessant pilonnage Serbe ; et Socrates le grand, qui imposa tout simplement la Démocratie corinthienne au Brésil. Mais pourquoi le foot sécrète-t-il de tels héros ? Certes ils sont loin de représenter la norme, mais la puissance de leurs choix force l’étonnement, d’autant que d’autres rebelles du foot existent

dans l’histoire. Sans doute l’aguerrissement nécessaire pour devenir un grand joueur (ils le sont tous) explique cette concordance avec l’héroïsme. La place médiatique bien sûr : les footballeurs ont une audience à nulle autre pareille. Mais Cantona souligne aussi l’esprit collectif, la nécessité de construction commune, pour dire le foot qu’il aime… Le footballeur vedette tient ici le rôle du narrateur fort en gueule, ce qui constitue, même s’il est drôle et touchant, l’aspect le moins intéressant du film. Car les cinq séquences sont remarquablement filmées, les images superbes, le montage alternant archives et interviews, reportages dans la blancheur de Sarajevo, les foules ivoiriennes, l’immensité vide du stade où tant de Chiliens furent torturés. La salle de la Criée, pleine de supporters et d’amoureux du cinéma mêlés, a applaudi longuement Caszely, Mekloufi, Pasic. Et Cantona, venu déclarer avec sa belle emphase que nous avions tous en nous la bonne graine des héros. Et sacrément besoin de vrais héros populaires.

burlesque raconte l’amour impossible entre deux personnages de cartes postales bousculant le temps arrêté des images fixes, opposant le petit au grand, le cadre au hors cadre, le passé au présent, l’animé à l’inanimé, la couleur au noir et blanc. Le doux-amer Bottle de Kirsten Lepore, dialogue transocéanique entre un bonhomme de sable et une «bonhommesse» de neige grâce à une bouteille jetée à l’eau. L’acidulé Nouvelle vague de Sylvain Dronet, parodie de tournage sur «la mélancolie, l’ennui, le dégoût, le glauque d’une plage abandonnée». L’amer Miramare de Michaela Müller qui fait vibrer sa peinture et noircit les couleurs des vacances de deux petits suisses découvrant l’envers de misère du paradis

méditerranéen. Le court-éclair Time to relax de B. I. Engelsas et surtout en dessert, léger, savant, délicieusement décalé Le marin masqué de Sophie Letourneur comme un roman-photo revisité par Godard et Rozier.

AGNÈS FRESCHEL

Les Rebelles du Foot a été présenté en avant première à La Criée. Il est disponible en DVD et sera diffusé le 15 juillet sur Arte www.13production.com

Rassasiés Coquillages et crustacés se sont invités au Château de la Buzine le 30 juin pour un Cinépique-nique sous les étoiles. Le vent, ennemi de toujours des manifestations estivales en plein air, aussi. Il fut heureusement modéré et moqueur presque complice d’une programmation dédiée à la plage, pliant parfois l’écran-bouée au rectangle approximatif retenu par des câbles, dans des effets spéciaux de bourrasque et de vagues des plus adaptés au thème ! Pas question ici de chercher la perfection technique de la projection mais un état d’esprit convivial et une sélection de qualité. On a pu ainsi déguster six courts métrages primés pour la plupart. La carte de Stefan Lay, conte sucré-salé qui en un tourbillon

ÉLISE PADOVANI La Carte de Stefan Le Lay

L’enfance en héritage Décliné en show, BD, roman par Raphaële Moussafir, Du vent dans mes mollets est devenu un très joli film réalisé par Carine Tardieu et coécrit par les deux femmes. L’affinité générationnelle de ces trentenaires qui tricotent leurs souvenirs d’enfance sans nostalgie avec un humour impertinent et un sens charnel du détail, donne à ce long métrage, une authenticité attachante. L’héroïne Rachel Gladstein, une fillette de 9 ans, confie à Mme Trebla, la pédopsy chez laquelle sa mère l’a emmenée, un très gros chagrin. Plus gros encore que tous ceux qui la poussaient à dormir toute habillée, son cartable sur le dos, quelques mois auparavant, même si le vent indifférent au deuil continue de caresser ses mollets. À la première personne, en voix off, au gros grain du super huit parfois, à hauteur de

son regard, on suit l’itinéraire de Rachel vers ce chagrin dont ne sait rien, assistant à la victoire joyeuse de son enfance contre celle meurtrie de sa mère malaimée, contre celle tragique de son père rescapé d’Auschwitz. Avec sa copine Valérie, plus délurée, elle secoue les conformismes des adultes aidant ses parents à grandir. S’il y est question de mort, de filiation, d’éducation, d’amitié, de solitude, de cruauté, d’amour et de sexe, si on y pleure en entendant Barbara chanter Du Vent dans mes mollets de Carine Tardieu

que « parmi tous les souvenirs ceux de l’enfance sont les pires, ceux de l’enfance nous déchirent», le film de Carine Tardieu demeure drôle, servi par une fantaisie visuelle et verbale, ainsi que par un casting de choix : Agnès Jaoui en irrésistible caricature de mama juive, Denis Podalydès en installateur de cuisine Mobalpa, timide et décalé, Isabelle Carré en mère-copine post soixanthuitarde, Isabella Rossellini en psy d’Epinal, Judith Magre en grand-mère mortifère et surtout Juliette Gombert et Anna Lemarchand, les deux petites filles, étonnantes de précision et de maturité. E.P.

Sortie le 22 août www.gaumont.fr


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Dernières notes La pianiste Brigitte Engerer nous a quittés le 23 juin dernier. Elle unissait, dans ce programme «élégiaque», son âme slave à celle de l’alto de Gérard Caussé. On entend vibrer les célèbres Nocturne en do dièse, la mélodie «Souvenir d’un lieu cher», la Valse sentimentale de Tchaïkovski, l’Elégie de Glazounov et l’incontournable Vocalise de Rachmaninov, des pages qui s’articulent à l’ultime chef-d’œuvre de Chostakovitch, sa Sonate pour alto et piano composée quelques semaines avant sa mort en 1975 : son «chant du cygne». Citant le «clair de lune» de Beethoven, elle file, à l’image du temps dont la fuite constitue le sujet : lancinante, nostalgique, testamentaire… Un duo où la générosité côtoyait la tendresse !

In memoriam

On retrouve quelques traces précieuses qui perpétuent sa mémoire avec une perle enregistrée dans la foulée de ses succès aux concours Long, Tchaïkovski et Reine Elisabeth. En 1983/84, Brigitte Engerer livrait les 3 Klavierstücke D.949, la Mélodie hongroise en si mineur, les 4 Impromptus de l’op.90, D.899 de Schubert et des Lieder transcrits par Liszt (CD Decca 4803475). Ces dernières années, c’est pour le label Mirare qu’elle gravait ses belles galettes, à quatre mains avec Boris Berezovsky dans Brahms (MIR124) ou Rachmaninov (MIR 070), en compagnie de l’Ensemble Orchestral de Paris pour un magnifique Saint-Saëns et ses Concertos n°2 & 5 «L’Egyptien» (MIR 079) ou

encore Schubert/Liszt en solo (MIR 043)… C’est certainement au Festival de La Roque d’Anthéron que l’on croisera le plus sûrement sa mémoire (voir p. 39). JACQUES FRESCHEL

(CD Mirare MIR172)

Must symphonique Valery Gergiev et le London Symphony Orchestra se sont produits au Festival d’Aix les 12 et 13 juillet dans des programmes où la musique russe occupe une place centrale (voir p. 25). Pour leur propre label (LSO live) ils viennent de graver un opus tardif de Rachmaninov (1873-1943) souvent affiché aux programmes des concerts. Les Danses Symphoniques (1942) sont en fait la dernière œuvre composée par le Russe émigré aux USA depuis l’aube de la seconde guerre mondiale. La partition conserve aujourd’hui son mystère : en

trois mouvement, elle semble suivre un déroulement Midi-Crépuscule-Midi, être traversée de fantômes du passé (souvenirs de sa 1ère symphonie), auto-citations mêlées au spectral Dies irae figurant un combat entre la vie et la mort. Le chef russe en révèle les questionnements et contrastes, tout en livrant une magnifique version de l’originale et énergique Symphonie en trois mouvements (1942-45) de Stravinsky.

SACD “LSO live” LSO 0688 http://lso.co.uk

J.F.

Pennac et Beffa Karol Beffa (né en 1973) a été à l’affiche au mois de juin à Marseille, à l’occasion des concerts du Festival Musiques Interdites, manifestation qui défend, propose d’entendre et découvrir des œuvres, compositeurs, artistes ayant subi la censure, le joug de dictatures, l’exil, la déportation… (voir p .29). Le compositeur a mis en musique L’œil du loup, merveilleux conte imaginé par Daniel Pennac, dont le succès ne se dément pas depuis sa publication en 1984 (un ouvrage recommandé par l’Éducation Nationale en cycle 3 de l’école primaire) ! Dans un zoo, un enfant et un vieux loup borgne se fixent dans les yeux. La vie sauvage du loup, celle du bambin africain défilent

dans leur regard, croisant les merveilleuses immensités de l’Alaska et du Sahara… C’est l’Orchestre de chambre de Paris (dir. Jean Deroyer) qui grave la partition, dont la texture sombre, puissante, tout en résurgences obscures, paysages sonores expressifs, couleurs impressionnistes et étrangetés, s’apparente par moments aux univers féeriques que Stravinsky ou Debussy déployaient dans leurs musiques de ballets. Elle donne du poids à la longue fable, lue par l’écrivain, que les pitchouns peuvent suivre au fil d’un bel album grand format et du texte illustré par Catherine Reisser. Un titre qui a donné lieu à trois représentations en mai 2012 au Châtelet à Paris. J.F.

Livre & CD Gallimard Jeunesse, 24 € www.gallimardjeunesse.fr

Patrimoines recomposés La voix suave de Guylaine Renaud entame une longue phrase mélodique qui s’élève en contrepoint d’une obsédante tenue à la vielle à roue (Dominique Regef), avant que quelque tambour (Gérard Siracusa) ne vienne colorer un poème anonyme en provençal. Dans Nada te Turbe ou Pastores que Veláis, c’est la poésie de Thérèse d’Ávila qui se pare des vocalises douloureuses du Basque Beñat Achiary, d’un violoncelle en sourdine, de dynamiques en boucles… Pour Del Nacimento ou Tras de un amoroso lance de Jean de la Croix, les cordes crissent, dissonent, les percussions planent, mystérieuses, à leur propre rythme. Elle & Lui jouent des contrastes de leurs voix «de tête» ou «de poitrine» qui se croisent, se mixent dans un élan mélodico-dynamique évoquant un folklore réinventé. L’enjeu de ce disque, coproduit par Le Chantier à Correns, tourne autour de la «création des nouvelles

musiques traditionnelles et musiques du monde», raison d’être du «laboratoire» varois qui propose, depuis 10 ans à des musiciens, compositeurs de la région PACA en particulier, «un espace d’accueil, un environnement pour accompagner et valoriser leur démarche artistique.» Ici, les «nouvelles musiques traditionnelles» résonnent d’une pratique sacrée de Provence. L’enregistrement est conçu, pour partie, sur la base de textes des deux saints et poètes mystiques, mais aussi de Beatiho, terme provençal désignant des boites de piété confectionnées dans les couvents de Provence aux 18ème et 19ème siècles. Le livre reproduit d’étonnantes béatilles conservées au Museon Arlaten (Arles), œuvres d’arts mises en lumière par les commentaires experts de sa directrice Dominique Serena-Allier et Alain Girard (musée d’Art Sacré du Gard). JACQUES FRESCHEL

Livre & CD Association d’Idées / Museon Arlaten Actes sud www.actes-sud.fr


LIVRES/CD

Le XXème derrière nous ? Le voyage musical que propose Célestin Deliège de Darmstadt à l’Ircam n’a rien d’un itinéraire touristique. Ce serait plutôt à un voyage rétrospectif au cœur du second vingtième siècle, que nous convie le musicologue belge à travers cette bible monumentale (plus de mille pages). Publié en 2003, le présent ouvrage bénéficie d’une réédition utile supervisée par Irène Deliège-Smismans aux bons soins des éditions Mardaga, soucieuses de rendre hommage à ce personnage marquant disparu en 2010 et témoin de l’évolution vers les limites, depuis la «fabula rasa» de Stockhausen. Organisé en trois immenses parties, ce livre témoigne de l’histoire musicale des soixante dernières années, ou plutôt des histoires qui ont composé le paysage moderne : sérialisme, musiques

concrètes, électroacoustiques, répétitives, spectrales, électroniques… Des cours de vacances de Darmstadt créés en 1946 à l’Ircam inauguré en 1974, le musicologue nous invite chez Pousseur, Messiaen, Xenakis, Cage et consorts, ouvrant vers des possibles, loin des sentiers des industries culturelles, vers un renouveau qui semble à l’œuvre dans le monde d’aujourd’hui. Le maître de Darmstadt ne disait-il pas que l’expérimentation, sérielle ou postsérielle, n’aurait qu’un temps ? FRÉDÉRIC ISOLETTA

De Darmstadt à l’Ircam, 50 ans de modernité musicale Célestin Deliège Mardaga

Déclaration d’amour Quoi de plus naturel pour l’ouvrage de Pierre Brunel que ce titre, Aimer Chopin, et ces pages n’ont d’autres prétentions que de faire partager la musique du maître polonais ? L’approche personnelle de ce livre nous livre une analyse par des mots d’amoureux, l’auteur étant lui-même spécialiste des correspondances entre littérature et musique. Sa prose élégante et fluide rend cet essai très agréable à parcourir, offrant une approche presque intime avec Chopin. Mazurkas, Préludes, Sonates et Études en passant par les Ballades ou la

Barcarolle donnent leurs noms aux titres des chapitres comme des étapes de la vie, jalonnée d’œuvres expliquées et de témoignages précieux comme ceux de George Sand. Une belle lecture. F.I.

Aimer Chopin Pierre Brunel Symétrie

Dans ses marques Nouvel opus pour artiste en verve, Deux de Benjamin Paulin ne laisse pas indifférent. Loin de là. Avec aux commandes un certain Frédéric Lo à la réalisation et aux arrangements (à son actif Daniel Darc, Stephan Eicher, Alex Beaupain…) et le Mike Marsh de Massive Attack, Oasis ou Vanessa Paradis, on peut dire que le terrain est déjà bien préparé. Outre la présence du bassiste légendaire de Melody Nelson ou Walk on the wild side, Benjamin Paulin, qui se faisait la main, et la voix sur scène dans les premières parties de Brigitte Fontaine et Philippe Katerine oublie ses

premières expériences hip-hop pour un recueil de titres «caravagesques», peuplé de chansons à la fois claires et obscures, pleines de contrastes et d’émotions. Rompu à une esthétique sensible, il impose son univers tout en douceur, mais en donnant du relief à la chanson française. F.I.

Deux Benjamin Paulin AZ Universal

Quel cirque ! Freakadilly Circus ? Quatre amis du paysage musical varois rompus au rock outre-Atlantique acharné des années 60/70 ont eu la bonne et heureuse idée de foncer au studio pour composer un premier EP de sept titres intitulé The 8th color of the Rainbow. Il y a une véritable pensée derrière tout ça, et, cela mérite le détour. Inspiré du Freak américain jusqu’à une huitième couleur qui serait celle d’une pop rock plus sombre, le quatuor a ressassé ses classiques pour

quelques titres ravageurs qui promettent. Francs et sans artifice, Mr Universe ou Consolation Prize font preuve d’une pâte sonore organique puissante et sans détour. Tout ce qu’on aime ! F.I.

The 8th color of the Rainbow Freakadilly Circus

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o v r u s s n o i t a t i v n i t e r f . e n i l e b i z l a n r u o j www. un gratuit qui se lit... aussi sur internet !

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LIVRES

RENCONTRES

Le monde respire par ses plaies «Mon présent n’a plus de survivants. Ils sont tous morts, les hommes, les femmes de mon enfance. Les chiens aussi. Tous, mon sang. Tous.» Repas de morts a été l’une des révélations de la dernière rentrée littéraire. Prose hallucinatoire, syncopée, syntaxe mise à mal, ce «bal des revenants» n’en finit pas de hanter. Dimitri Bortnikov était l’invité de Peuple et Culture Marseille jusque mi-juillet, premier temps d’une résidence d’écrivain qui se poursuivra à l’automne prochain. Rencontre avec un auteur captivant, déroutant, qui déploie ses images à mi-voix et qui, quoiqu’il écrive «J’ai rien à faire là», est bien ici et maintenant ; à «rôder dans la ville pour percer le sac du réel» ; pour «trouver la vraie plaie du monde plutôt que de mettre les doigts sur les pansements» ; pour «la voir, la dire et rester à côté.» Zibeline : Repas de morts est votre 2ème roman écrit directement en français. Pourquoi ce choix linguistique ? Dimitri Bortnikov : Je me suis installé en France en 1998. Je me suis retrouvé comme un fiancé qui a pris trop de

somnifères et qui se réveille après plusieurs années de sommeil à côté de sa fiancée française. Alors, je me suis mis à écrire en français. Votre prochain ouvrage, à paraître en octobre, s’intitule Je suis la paix en guerre. Il s’agit d’une traduction. Aimez-vous le métier de traducteur ? Le traducteur est une sorte de Cyrano de Bergerac qui sait qu’il ne peut pas être aimé et que tout est perdu. Il n’est que le passeur, le seul à être visible et le seul qui doit être invisible. Comme St Christophe quand il porte le Christ… Vous avez traduit du slavon (russe moyen) les lettres d’Ivan le Sévère dit le Terrible. Est-ce vous qui les avez choisies ? Et pourquoi vous intéresser à cette figure de tsar sanguinaire ? C’est moi qui les ai sélectionnées. Yvan le Terrible est un écrivain raté, mais un grand écrivain. Et en même temps un criminel. Qui cherche à savoir comment sa violence se déchaîne, et non pourquoi. Qui est à la recherche de son innocence, de l’enfant vivant en lui. J’essaie ni de le défendre, ni de le disculper, mais de le déterribiliser. Il y a une

Dimitri Bortnikov © Gerard Berreby

forme de parenté entre sa démarche et la mienne. Dans cette quête de rédemption et de vision double, pour essayer de voir juste. Votre choix de lettres est d’ailleurs suivi d’un texte de vous intitulé Les tombeaux ouverts. C’est une postface ; une sorte de petite fenêtre dans le palais sombre d’Yvan le Terrible, par laquelle on peut observer ce qui se passe sans la fascination. Car ses lettres sont fascinantes ; une fois qu’on les a commencées, on est pris. Votre résidence à Marseille vous permet-elle d’avancer dans vos projets d’écriture ?

Oui, je continue un gros livre, très dense, qui pourrait être une sorte de «dessert de morts». Je l’ai intitulé Face au Styx, mais j’aime bien l’appeler «Fesses au Styx et queue au Paradis» ! À côté de cela, je participe à des rencontres, j’anime des ateliers d’écriture, que je poursuivrai à l’automne. En octobrenovembre prochains, je dirigerai aussi des ateliers de traduction avec des lycéens marseillais. Entre autres…

s’enorgueillir de posséder son premier ouvrage, Noël 1943, écrit à 17 ans, illustré de linogravures par Jacques Bertoux, entièrement gravé sur linoléum par le père de l’écrivain et publié en 1944 sous l’égide du clan scout Saint François Xavier. Marie Minssieux architecture les bibliothèques, édifie la belle exposition de 2006 pour les 80 ans de l’écrivain, déchiffre la géographie butorienne dans un parcours de 13 étapes, 13 lieux à la fois réels et fantasmagoriques. Cet auteur, «sans cesse en rebond» produit une œuvre littéralement unique en son «genre» aussi. Évitant la synthèse, principe antibutorien, Mireille Calle-Gruber résume la teneur des différentes interventions : Alain Freixe pour qui «le poète est le bandit des grands chemins» ; Eberhard Gruber, qui rappelle les vertus de «la diagonale oblique :le processus d’écriture n’est jamais autoritaire, le texte n’a jamais les pleins pouvoirs» ; Colette Lambrichs témoigne des bonheurs de la découverte, on peut lire Butor très jeune, La Modification à 14 ans, et s’y trouver : l’autobiographie n’est pas complaisance envers soi-même, il s’agit de «ne pas s’exempter : en se jetant à l’eau, il se met

au cœur, se remet en question» ; Jean-Luc Parant souligne la faculté d’émerveillement, essentielle, la bibliophagie de l’écrivain, et sa capacité de traduire, de tout translater en objets, «la poésie a quelque chose de concret» ; Vahé Godel met en avant les cours de Butor (l’édition de ses cours de Genève se poursuit), la fascination qu’il exerce sur les étudiants, sa manière de se retrouver en accord immédiat avec eux. «J’ai une âme d’enseignant» affirme ce boulimique de travail, d’écriture, de nourritures maté-rielles : «Je suis resté un maigre de l’intérieur !» avec une faim cosmique qui hante jusqu’aux «entrepôts du rêve». En cadeau, il offre à l’auditoire la lecture de textes inédits. Buée, premiers émois adolescents «Vénus naît de l’écume de la ville», Commémoration pour le drapeau noir, Le thrène des pneus, Santé («les vertèbres chantent leur blues»)… Des moments d’exception «à travers les trous du calendrier», où l’écrivain rappelle que «la jouissance est sagesse».

PROPOS RECUEILLIS PAR FRED ROBERT

À lire : Repas de morts, Allia, 9 € À paraître : Je suis la paix en guerre, Allia

Une faim cosmique «Faire œuvre littéraire, c’est en révéler la dimension, la matière, cantabile ; c’est aimanter les mots, faire jouer l’échelle chromatique de l’excitation prosodique constitutive de l’écriture». C’est ainsi que Mireille Calle-Gruber professeur à la Sorbonne Nouvelle, présentait l’œuvre de Michel Butor, dont elle a dirigé la parution des œuvres complètes aux éditions de la Différence. Elle orchestrait les débats à Forcalquier, alors qu’à Avignon se préparait la création de Nouveau

Roman qui le met en scène en atrabilaire mangeur de poireau (voir p. 12), ce qu’il n’a pas voulu aller voir. La veille avait été consacrée aux Mots dans la peinture : Michel Butor a publié pléthore de livres d’artistes, où il illustre les tableaux ou gravures de ses textes «et non l’inverse» souligne Marie Minssieux, conservateur des collections modernes à la BNF. «Les artistes suscitent en lui la création.» Le fonds Butor, c’est 880 livres recensés à ce jour ! La BNF peut Butor © Patrick Box

MARYVONNE COLOMBANI

Les rencontres autour de Michel Butor ont eu lieu à Forcalquier les 7 et 8 juillet


LITTÉRATURE

LIVRES

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Plus jamais ça Une longue nuit d’absence plonge son jeune héros dans les affres de la guerre civile entre nationalistes franquistes et Républicains espagnols, jusqu’à celle de l’indépendance de l’Algérie. Un chassé-croisé permanent entre les deux conflits, de part et d’autre du détroit de Gibraltar et des années, au rythme séquencé, au souffle épique. Accroché à ses semelles de vent, le lecteur entend battre le cœur de Paco, «de son vrai prénom Francisco, dit El Guapo, le beau gosse Andalou, dit Enrique Semitier, l’espion de la République, dit Paco l’Oranais». Jamais il ne s’emmêle les pinceaux, par la grâce de l’écriture de l’écrivain algérien Yahia Belaskri, aussi limpide et mouvante que les vagues de la Méditerranée. Cette mer que Paco refuse de quitter des yeux pour fuir en Russie avec les communistes espagnols chassés de leur pays... Entre le 12 mars 1939 où il aborde le port d’Oran et novembre 1943 à Oujda

où il effectue sa dernière mission, c’est un flot incessant de larmes et de sang qui le foudroie, terres désolées, âmes pétrifiées, douleurs muettes. Autant de désespoir minutieusement décrit, par touches impressionnistes, pour rappeler à notre mémoire l’infamie des combats, même «les plus justes», des camps de rétention, des viols, du terrorisme, de l’exil politique et du déracinement. La lecture de ce roman est inconfortable, mais l’auteur enveloppe ses personnages et son récit tout entier d’une profonde humanité. Les paysages sont rudes, la mer dangereuse, le soleil implacable et le style taillé dans la roche : minéral mais vivant, âpre mais ensoleillé. Aussi, quand tous les survivants accompagnent Paco jusqu’à sa dernière demeure après une si longue nuit d’absence, on se dit que le vieillard a mérité le repos éternel.

Une longue nuit d’absence Yahia Belaskri Vents d’ailleurs, 15,20 €

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Fraîcheur boréale Besoin d’un coup de frais dans la touffeur de l’été ? Pourquoi ne pas mettre le cap Là-haut vers le nord ? Ce recueil de treize nouvelles organisées selon les quatre points cardinaux procure un dépaysement garanti. Et une balade dans le grand nord canadien tel qu’il est aujourd’hui, entre tradition indienne et mondialisation, loges à sudation et supermarchés. Dans ses nouvelles comme dans ses romans (Le chemin des âmes, Les saisons de la solitude, voir Zib’30), Joseph Boyden poursuit son œuvre de reconnaissance de la «nation première» dont il est issu, les Indiens Cree et Ojibwe, offrant une vision tout sauf apitoyée de ce peuple longtemps maltraité par les Blancs (lire à ce propos Légende de la Fille Sucre) et actuellement en perte de repères. Au travers de courts récits d’un réalisme cru et d’une grande sensibilité, il pose un

regard lucide sur les hommes et les femmes qui peuplent ces étendues glaciales l’hiver, envahies de mouches noires et de moustiques dès que le printemps arrive. Désirs de fuite vers des ailleurs plus confortables, délinquance et mendicité, obésité et picole, il y a de quoi refroidir. Là-haut vers le nord, rares sont les perspectives d’avenir. Pourtant, dans cette nature farouche et splendide, que les touristes envahissent à la belle saison et que de nombreux chantiers commencent à défigurer, il reste les rêves et la communion avec le ciel, les lacs et les manitous. Les esprits tutélaires sont là, avec qui certains gardent le contact, dans un rapport au monde magique, que rien ni personne ne semble pouvoir totalement faire disparaître. On a vraiment envie de le croire !

Là-haut vers le nord Joseph Boyden Livre de Poche, 6,50 €

FRED ROBERT

Théâtre populaire Après les élections et juste avant Avignon sortent deux livres qui interrogent la vie théâtrale française aujourd’hui. Dans Cultivez votre tempête Actes Sud réunit des textes assez divers d’Olivier Py sur le théâtre, la politique, l’éducation et la culture. Le premier, écrit avec une splendide flamboyance en 2006, affirme la force de l’œuvre, renvoie la figure de l’artiste à sa vacuité, fustige les marchands et les avantgardes autoproclamées, réclame du sens, de la beauté, du populaire. Les autres, plus tempérés et moins écrits, affirment la même confiance dans les vertus du théâtre, éducatives, parce qu’il est urgent de sortir les jeunes du virtuel, l’éducation de la formation professionnelle, la culture des paillettes imposées par le marché de l’art, et que seul le théâtre peut tout cela… Une confiance que l’on aimerait partager, et dont on trouve l’écho dans De la rébellion à la résistance de Jacques Olivier Durand sur les Amis du Théâtre Populaire, un ouvrage qu’Olivier Py préface d’ailleurs. L’auteur y retrace leur histoire après 1953, où les ATP se constituèrent pour sauvegarder Jean Vilar à la tête du Festival d’Avignon, explique le fonctionnement de ces associations de spectateurs qui se sont battues pour

programmer du théâtre dans des cités éloignées, et qui aujourd’hui sont à une charnière de leur histoire. Parce que le territoire théâtral s’est développé et qu’il y a moins besoin que les ATP programment, mais aussi et contradictoirement parce que le théâtre, défendu différemment par les spectateurs que par les programmateurs professionnels, aurait beaucoup à gagner à accorder plus d’attention aux avis de son public, parfois traité avec mépris par les professionnels et les critiques. Cette analyse est partagée par Olivier Py : il rappelle dans sa préface, et dans son propre ouvrage, que le Théâtre Populaire a historiquement existé, et n’est pas qu’un idéal impossible : peut-être pas avec Vilar, même si contrairement à aujourd’hui le théâtre rencontrait l’estime générale, mais chez les Grecs en tous cas. Car selon Py la démocratisation culturelle ne s’envisage pas sans l’estime et la confiance d’un public volontaire, sans l’estime et la confiance dans la force des œuvres, sans le refus et la tempête contre la sacralisation de l’artiste, la prégnance des intérêts administratifs, la marchandisation de l’art, l’apologie du rien. Car le peuple a besoin de sens ? AGNÈS FRESCHEL

Cultivez votre tempête Olivier Py Actes Sud Papiers, 12 € De la rébellion à la résistance Les amis du Théâtre Populaire à l’heure des choix Jacques Olivier Durand Les Solitaires Intempestifs, 14,50 €


52 LIVRES LITTÉRATURE

Naissance d’un personnage Ça commence dans une truffière où Gambette «l’idiot» du village découvre un cadavre en costard trois pièces, nez contre terre. Gambette pense aux mouches rabassières, scatophages, nécrophages. Nous, déjà, aux Érinyes tragiques. On est dans le Luberon, le vendredi 1er août 1975. Sur les routes meurtrières roulent sans airbag, DS, 2CVs et 403. D’anciens hippies devenus bergers vendent du fromage de chèvre sous le regard hostile des autochtones. Les gendarmes changent le ruban de leurs machines à écrire et la dernière guerre est assez proche pour obombrer le présent comme les nuages le ciel quand soufflent les rafales du Mistral Noir. Surtout lorsqu’un fantôme surgi du passé solde leurs comptes à des assassins impunis, infiltrés autrefois dans les maquis de la région. La vengeance en plat froid, ce n’est pas bien nouveau dans

Poisse fatale

Cédric Mangata est flic à la PJ de Toulouse. Compétent, apprécié de sa hiérarchie, même si pour sa compagne, il est «le flic le plus tordu» qu’elle connaisse. Et en plus il a la poisse. Mais attention, une poisse épaisse, un œil noir qui le transforme en meurtrier involontaire suite à la mort accidentelle de la fille ado de sa compagne à cause d’une araignée bien poilue… Les corps tombent alors irrésistiblement, et l’on oscille entre le rire jaune et le rire franc, le dernier gagnant haut la main après usure de nos nerfs… Dans le même temps,

le polar français. On pense à L’Été meurtrier de Japrisot, à La mort n’oublie personne de Daeninckx, au secret des Andrônes de Magnan. Bernard Alteyrac assume ces références et d’autres encore dans ce premier roman très maîtrisé ! Croisant les points de vue, il recrée, sobre et précis, par touches successives, deux époques également révolues donnant naissance à un nouveau personnage d’enquêteur, père attentif, mari résigné : le maréchal des logis-chef Giraud, gendarme comme le Langlois du Roi sans divertissement de Giono. On l’imagine (on l’espère !) déjà récurrent à l’instar d’un Maigret, Laviolette, Carvalho, Montalbano, Wallander, ou Adamsberg, s’étoffant d’affaire en affaire, de mort en mort.

Mistral noir Bernard Alteyrac Léo Scheer, 18 €

ÉLISE PADOVANI

un tueur en série qui est aussi -car ça n’empê-che rienun artiste plasticien contemporain reconnu, congèle ses victimes et les transforme en œuvres d’art. Et même si le destin de Cédric Mangata semble un tantinet bousculé, son enquête n’aura de cesse de le titiller… Jan Thirion s’en donne à cœur joie, dans un style sec, nerveux, qui épouse l’action et les pensées décousues du héros dépassé, mais aussi très imagé, presque l’esquisse d’un scénario…

Du côté des abattoirs Jan Thirion L’Écailler, 17 €

DO.M.

Le tango de Dante Surtout ne pas se laisser impressionner par l’épaisseur du volume, ni par le titre, Saint-Office de la Mémoire, dont la solennité pourrait au premier abord rebuter. L’ouvrage de Mempo Giardinelli se lit comme un petit pain au chocolat. Une structure en «zig-zag», comme la vie, définie par Franca, l’une des nombreuses voix qui construisent le roman. Car 22 voix s’entrecroisent, toutes issues de la même famille, celle fondée par Antonio Domeniconelle qui a quitté son Italie natale pour le mirage argentin. Évocation d’une lignée aux destinées tragiques -les hommes meurent jeunes de mort violente- parallèles à celle de l’Argentine, les grands remuements de l’histoire et les trajectoires particulières se mêlant étroitement. Les différents lambeaux de souvenirs qui retracent les faits et gestes des parents ou des narrateurs eux-mêmes empreints de subjectivité dessinent un kaléidoscope où la mémoire se crée et se dilue à la fois. Parfois contradictoires, les témoignages correspondent tous à une réalité

vécue, ressentie. Chaque personnage a ses tics de langage, ses thèmes favoris. La Nona, la grand-mère, occupe une place prépondérante, source d’écriture, de naissance des mythes, férue de littérature, citant Borges, Dante ou Virgile par cœur, elle apporte à ses enfants et petits-enfants une appréhension du monde passée au crible des grands écrivains. L’épopée, les grands genres s’immiscent dans la familiarité du quotidien, dispensant une leçon d’écriture (l’idiot à bonne mémoire ne cesse d’écrire dans des cahiers : «ou on écrit et on a mal, ou on n’écrit pas et on a plus mal encore») en même temps qu’une leçon de vie. Car seule la mémoire peut être écrite, «les choses n’ont pas de logique, affirme la Nona, (…) et ça n’a rien de tragique que ce soit comme ça». «Dans la vie comme dans les jeux d’enfants, tout est extrêmement sérieux». Encore un peu de maté ? Une œuvre somptueuse !

Le Saint-Office de la Mémoire Mempo Giardinelli L’atinoir, 18,50 €

MARYVONNE COLOMBANI

Retour à Acquargento Pour son 2ème roman, Marie Neuser a quitté les collèges de quartier et leur lot de violences quotidiennes. Mais l’angoisse et la mort rôdent toujours. Même dans la splendeur estivale du Cap Corse… Anna, la narratrice, revient, avec son compagnon et son jeune fils, dans la maison familiale où elle a passé tous les étés de son enfance jusqu’au dernier, celui de ses 16 ans. Personne n’y a plus mis les pieds depuis cet été-là. Ce petit coin de paradis, que l’adolescente détestait, où elle s’ennuyait si fort, où elle passait ses journées enfermée dans sa chambre-grenier rebaptisée «Cosmos», un casque sur les oreilles avec du rock à fond, l’adulte est enfin revenue le muer en un «nid clair et serein au milieu de rien», histoire de «remplacer les fantômes de l’amertume par l’apaisement». Il suffira pourtant

d’un placard ouvert sur un petit canard mécanique oublié pour que tout resurgisse… Le roman est structuré autour d’un long flashback. Un retour distancié par l’emploi du «vous» sur l’ado mutique et gothique que tout le monde sur la plage surnommait «la fille d’Acquargento» et sur ces vacances-là qui virent débarquer Hélène, sa sœur aînée, et sa petite Léa. Entre la fillette et Anna, c’est le coup de foudre. Mais, très vite, l’adolescente s’interroge sur certaines bizarreries du comportement de sa sœur envers sa fille. Fantasmes d’ado ? Craintes fondées ? Il serait dommage d’en dévoiler davantage. Ce thriller du maquis, à la langue agréable et au rythme soutenu, se lit à toute vitesse et laisse insidieusement planer le doute. FRED ROBERT

Un petit jouet mécanique Marie Neuser L’Écailler,17 €



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LIVRES

LITTÉRATURE

Du noir pour tous Auteur de nombreux romans, poèmes et essais, Sébastien Doubinsky propose cette fois-ci un roman policier petit format à mettre dans toutes les poches. Un ancien malfrat, responsable d’un empire revient sur les traces de son passé à l’occasion d’un événement tragique : la mort de son fils, lui aussi dans le milieu. S’agit-il d’un règlement de compte ? L’histoire, plutôt classique, est construite comme une série de tableaux, de plans cinématographiques où le rythme des chapitres varie suivant l’action relatée. Elle offre alors au lecteur la possibilité de sentir l’atmosphère, de redessiner lui-même les différentes situations. Au fil du récit, deux époques se juxtaposent, l’avant, les années soixante, la famille, l’opulence, le règne, la présence du fils et l’après, la douleur, la vengeance, les retrouvailles, les nouveaux codes de l’honneur,

Banco !

Qui n’a jamais rêvé de gagner au loto, la super cagnotte, le pactole ? À la cité des Néfliers il y a un gagnant, quelqu’un qui va toucher «cent cinquante vies de salaires, douze mille cinq cents ans de Smic»… De quoi alimenter les fantasmes les plus solides, à obséder les plus endurcis, à transformer les plus doux en enquêteurs acharnés. Car qui que ce soit, il se doit de partager son magot avec tous les voisins, «c’est impératif, obligatoire, inéluctable, sinequanonique. Fatal. [...] C’est le principe ancestral du bon voisinage.» Alors sus à l’anonyme, «L’affreuse Nonyme», et tant pis si on se trompe, et qu’on décide que Richard Dinero, le pauvre Richard du titre, est LE gagnant, suite à une malencontreuse livraison de canapé… La vie de Richard devient infernale, et la vie de la cité va s’en

l’évolution des paysages, qui induisent une écriture qui se fait sensible et même touchante par son aspect nostalgique ou parfois terrifiant. Elles créent ainsi plusieurs niveaux de lecture, plusieurs ambiances et donnent aux personnages, pourtant peu fréquentables, une complexité nécessaire propre à donner de l’épaisseur à chaque scène décrite. C’est donc un livre qui capte l’attention dès les premières lignes, sa lecture est facile : un authentique polar à découvrir dans la chaleur de l’été. CLARISSE GUICHARD

Le feu au royaume Sébastien Doubinsky Le Petit Écailler, 7 €

trouver durablement bouleversée. Car le vrai gagnant, lui, n’est pas loin, qui connait apparemment le principe de bon voisinage... La fable est belle, et l’on croit à cette magnifique redistribution des richesses «en fonction des besoins», teintée de beaucoup d’humour et d’émotion, au plus près d’une vie de cité ni pire ni meilleure qu’ailleurs, simplement, comme partout, cruellement humaine. Le court roman de Michel Sanz était déjà une BD, ce sera un film bientôt, réalisé par Malik Chibane. DO.M.

Pauvre Richard Michel Sanz Le petit écailler, 7 €

Mémoires de Viet kieus Le mot «Viet kieu» désigne les membres de la diaspora vietnamienne, une diaspora que Clément Baloup connaît bien puisqu’il en est issu par son père. Dans Quitter Saigon (2006), le jeune bédéiste, qui vit et travaille aujourd’hui à Marseille, explorait la mémoire des Viet kieus installés en France à travers trois histoires d’exil. Six ans plus tard, après un an de voyage aux États-Unis et deux de dessin et d’écriture, le voici de retour avec Little Saigon, une tournée des quartiers vietnamiens de grandes villes américaines. L’album a pris de l’ampleur (format plus grand, 250 pages) mais le principe reste le même. Un prologue centré sur une recette de cuisine (dans Quitter Saigon, c’était la recette du carry de crevettes, ici c’est celle du pho, la soupe traditionnelle vietnamienne), puis une succession de trois récits. Clément Baloup poursuit son travail de restitution de la mémoire des Vietnamiens à travers trois histoires de femmes, celle d’Anh à la dangereuse beauté, celle de Yên, l’ancienne championne devenue masseuse à L.A., et enfin celle de Nicole et de son «amour de jeunesse». Trois destins parmi d’autres, qui

révèlent les souffrances d’un peuple meurtri par l’Histoire, mais aussi sa formidable énergie et son courage. Le graphisme très subtil de Baloup rend sensible ces récits souvent poignants. Son dessin accompagne les confidences des femmes dont il se fait le porte-parole discret et fidèle. On plonge dans les teintes parme, beige et noir du souvenir, que viennent éclairer les scènes contemporaines, contrepoint chromatique plus chaud, respiration entre deux apnées. Un bel hommage et un superbe roman graphique, à lire à tout âge. FRED ROBERT

Little Saigon Mémoires de Viet Kieus, vol. 2 Clément Baloup La boîte à bulles, coll. Contre Cœur, 22 € Clément Baloup était invité en juin au Festival du Livre de la Canebière ; il a également dédicacé ses ouvrages à la librairie La Réserve à Bulles


Lire surtout !

Quelques livres à glisser dans le sac de vos enfants pour les distraire et leur permettre de réfléchir aux grands moments de la vie ou aux petits soucis quotidiens ! Dès 7 ans, ils pourront être touchés par le récit d’Aimée, qui porte mal son nom car elle n’a pas de parents pour lui donner de l’amour, et s’invente une gentille maman de papier ; et certainement émus par celui d’Alexandre dont les parents se séparent et qui doit affronter une nouvelle vie dans une nouvelle maison. Écrits à la première personne ces deux textes permettent à l’enfant de s’identifier au personnage en éprouvant directement ses sentiments, et des illustrations simples raccrochent aux récits. À partir de 9 ans, les romans proposés sont plus denses. Premiers émois sentimentaux avec le récit humoristique de Séverine Vidal mettant en scène la fugue amoureuse de Raphaël et Colombe, qui est proche de mal tourner, mais finit dans l’apaisement. À la fois grave et poétique le récit et les dialogues de Sébastien Joanniez émeuvent par leur sensibilité et traitent de l’adoption d’un enfant de couleur «trop noir, trop grand» par un couple de blancs, avec une façon particulière d’insister sur le regard des autres et celui que l’enfant porte sur eux. Pour se détendre, cap en side-car sur la Bretagne avec l’aventure loufoque de Childéric et un grand-père d’emprunt que leur filature sur les traces de voleurs de chiens met en contact avec des personnages originaux.

Ados

La collection DoAdo séduit par des récits ancrés dans le réel, des auteurs encore très proches de l’âge de leurs lecteurs, qui savent se mettre de plein pied dans la réalité de leur langage. HélèneVignal nous fait adopter le point de vue de Louise, 15 ans et de son ami inséparable et homo, Théo, 17 ans. Leur objectif : décider Jamie, la mono-lithique grand-mère de Louise, à les accompagner en camping. Des événements inattendus vont réaliser leur voeu au-delà de leurs

espérances avec le changement radical de Jamie qui s’émancipe à 72 ans ! Autre étonnant roman, autobiographique, c’est rare dans ce domaine : Vincent Cuvellier raconte avec humour comment il a gagné à 16 ans un concours littéraire, mais aussi comment il lui a fallu 15 ans pour devenir réellement un écrivain reconnu. Il livre un récit sur la naissance de la vocation dans une langue verte, rapeuse et réjouissante ! À lire par tous. Pour finir, un petit livre qui traîte d’un sujet difficile. En de courts chapitres Raphaële Frier évoque l’attirance de Romane pour des objets qu’elle vole irrésistiblement jusqu’au jour où elle se fait pincer. Le trou noir pour rebondir et apprendre la valeur des choses. CHRIS BOURGUE

Vol plané Raphaëlle Frier Thierry Magnier, 5,95 € Au Rouergue : L’invention des parents Agnès de Lestrade coll. Zig Zag, 6,30 € Ça déménage Cécile Chartres coll. Zig Zag, 6,80 € La meilleure nuit de tous les temps Séverine Vidal coll. Dacodac, 7,50 € Noir grand Sébastien Joanniez coll. Dacodac illustrée, 11,50 € Les chiens de la presqu’île Ahmed Kalouaz coll. Dacodac, 9 € Plan B pour l’été Hélène Vignal coll. Doado, 13 € La fois où je suis devenu écrivain Vincent Cuvellier coll. Doado, 8,50 €


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LIVRES

HISTOIRE | PATRIMOINE

L’État de nos saints

Le concile de Trente est un tournant de l’histoire de la chrétienté catholique. Il répond à la Réforme protestante en fixant de nouvelles perspectives à la catholicité. Période charnière d’une reconstruction religieuse mais charnière pour la construction des pouvoirs politiques : les princes construisent des ensembles étatiques et soumettent, en même temps, les autorités ecclésiastiques. L’angle proposé par cet ouvrage s’avère très vivifiant. Il s’inscrit dans un changement de perspective récent de l’étude religieuse et notamment de la sainteté. Celle-ci n’est plus un fait en soi mais l’occasion de voir véhiculer des représentations culturelles et un objet d’étude du champ politique. C’est un ensemble de collaborations qui donne vie à l’ouvrage. Trois grands chapitres organisent le propos :

sainteté et communion des Saints ; patronages nationaux ; État producteur de figures de sainteté. Le propos général tient dans l’idée que la sainteté glisse des seules mains de l’Église pour devenir une carte détenue par les pouvoirs politiques. En réalité, ces derniers ont désormais un impact décisif dans le domaine de la dévotion et du dogme et certains princes utilisent la sainteté comme un moyen de construire leur État. Le regard porté sur la sainteté est donc à la fois novateur et ample, puisqu’il inclut le monde protestant. Il montre comment un concept religieux peut sortir de son creuset originel pour devenir un véritable enjeu de société. Au total un petit opuscule agréable à lire, et propice au questionnement. RENÉ DIAZ

Des Saints d’État ? Politique et sainteté au temps du concile de Trente sous la direction de F. Buttay et A. Guillausseau PUPS, 18 €

Cartographier l’Histoire Depuis 1907, il manquait à l’édition Française un Atlas historique récent. Créneau éditorial ? Certes, mais avant tout créneau scientifique ! La démarche de nos auteurs s’inscrit dans une autre vision de l’histoire et de son rapport à l’espace. Le paradigme tient en ce que les réalités, politiques, économiques, sociales... peuvent se matérialiser sur une carte. Ce travail s’inscrit dans une logique que l’on appelle ailleurs le «tournant spatial». À ouvrir ce beau volume on remarque une mise en page soignée, l’importance et la diversité des cartes, accompagnées d’une iconographie riche et de commentaires prolixes et précis. Un judicieux préambule pose le cadre naturel. Les thèmes sont articulés autour d’un découpage classique de l’histoire de France : médiévale, moderne et contemporaine. L’élément directeur de l’ouvrage tient dans l’idée que la construction de notre France est aussi la construction de son État. D’où le parti pris d’abandonner de l’observation la mythique Gaulle de Clovis. Les variations de la forme spatiale du territoire témoignent d’une construction lente, diverse : elle s’étend ou se rétrécit au gré des fortunes et des infortunes militaires ou successorales. C’est donc au début du IXe siècle que commence le

parcours de notre Atlas, avec l’invention lente du territoire. Les cartes dressées à partir d’univers connu par des hommes (les princes, les seigneurs) ou des institutions (les monastères) révèlent une vision morcelée et surprenante du territoire. Il n’y a pas de globalité mais une juxtaposition de perception. Ainsi le royaume visité par François 1er, roi itinérant, se restreint au bassin parisien et à des prolongements vers la Loire et le Sud Ouest. Évidemment on trouvera la grande expansion spatiale louis-quatorzienne mais aussi une cartographie des nouvelles plantes, de l’artisanat et de l’industrie, des communications, de la sociabilité, de la culture, de l’esclavage... La dernière partie pourrait être plus familière. Les représentations s’attachent à nombre d’aspects connus mais leurs représentations spatiales bousculent, une fois de plus, notre perception. Les enjeux territoriaux des guerres, la France de la résistance armée ou encore la France de la vie politique sont autant de mises en espace que des commentaires explicitent. Au total c’est une France revisitée que nous présentent les auteurs. Utile pour le citoyen, pour les étudiants, les élèves et leurs enseignants mais aussi pour tous les curieux. R.D

Laissez-vous guider Après les grand-messes du Fid, d’Avignon, Orange, Marseille et Aix, les festivals continuent, mais s’étalent dans l’espace et le temps… Si vous êtes avides de découvertes moins officielles, souvent plus chaleureuses, occasionnant plus de rencontres, laissez vous guider par Terre de Festivals, édité par la région PACA et sa régie culturelle afin d’aider touristes et vacanciers intérieurs (nous le sommes tous, dans notre région si vaste et contrastée) à dénicher près de leur villégiature un spectacle à leur goût… Quelques critères présidant au choix : le guide ne retient que les festivals, c’est-àdire les 271 manifestations comprenant au moins trois événements, soit 1 869 spectacles cette année ; il exclut les fêtes et les programmations muséales, que vous trouverez ailleurs, pour se concentrer sur les arts du spectacle. On peut faire son choix par dates ou par

lieux… et toutes les informations pratiques sont clairement données, agrémentées par des photos de l’ENSP d’Arles, puisqu’une des fiertés de la Région est de soutenir les artistes d’ici... Un outil informatif largement diffusé dans les circuits touristiques et de festivals, même si le tirage papier est un peu réduit cette année : le guide vient de créer son jumeau en ligne, encore plus performant au niveau des recherches bien sûr, complet et pratique, avec une appli téléchargeable... Il ne vous reste plus qu’à faire vos choix ! A.F.

Terre de festivals Guide gratuit édité par la Régie Culturelle PACA www.terredefestivals.fr

Le grand Atlas de l’histoire de France J. Boutier, O. Guyot Jeannin, G. Pécout Autrement, 35 €


PATRIMOINE | ART

Je marche donc je suis «Je marche, donc je suis», affirme malicieusement Olivier Solinas dans son charmant petit ouvrage Promenades philosophiques dans Marseille. À l’encontre des idées reçues, le philosophe nous entraîne dans une relecture de la ville à la fois ludique et réflexive, en ce sens que tout nous ramène à une réflexion sur nous et le monde, sur nos manières de penser, d’envisager les lieux et les êtres. Promenades socratiques où par un bel effet de maïeutique notre cicérone nous invite à la découverte. On lit beaucoup, face à la mer de préférence, au cours des promenades, on ouvre Nietzsche, Descartes, Aristote, Rousseau, Arendt, Diderot… mais aussi Molière, Pagnol, Condillac, Saint-Exupéry… La vision des sites s’enrichit de remarques, de références. On s’interroge sur la «délicate question de l’origine», «le véritable sens du mot loisir», «pourquoi se construire des prophètes»… on rencontre l’histoire au détour des rues, le boulevard des Dames et les héroïnes

de 1524, Enthymème, le marin, la rue Thubaneau et la naissance de la Marseillaise… On y est aussi gourmands, avec les navettes, on se méfie des bonbons «cantharidés», on apprend la valeur d’une gorgée d’eau… les grands évènements comme les détails qui pourraient sembler futiles prennent une nouvelle portée. Un guide de Marseille, comme on aimerait en avoir pour tout, écrit dans un style vif et enjoué. Pas de ton pontifiant, malgré sa belle érudition : cet ouvrage sait se mettre à la portée de tous. Une familiarité s’installe entre le narrateur et le lecteur, une complicité nourrie d’humour, d’enthousiasmes, d’indignations aussi. Un vrai bonheur ! MARYVONNE COLOMBANI

Promenades philosophiques dans Marseille Olivier Solinas HC éditions, 12 €

Hymne éperdu Ce très bel ouvrage intitulé Les Alpes Océanes/L’océan au cœur des Alpes du Sud entre Viso et Méditerranée est une déclaration d’amour à la montagne. Écrit à quatre cœurs, il évoque les Alpes du Sud sur tous les modes, lyrique, mythologique, scientifique et romanesque. Établissant des ponts entre la Thétys primordiale, océan né de la déchirure est-ouest de la Pangée et la déesse marine d’Homère, un chien errant et l’Argos d’Ulysse, les auteurs nous convient à une relecture à la fois géologique et poétique des montagnes. Les géologues viennent étudier, rappelle Jean-Olivier Majastre dans sa nouvelle, les fonds des océans aux flancs des monta-

gnes. Plusieurs façons de les arpenter, celle du marcheur et photographe (Mathieu Vernerey), sensible à la beauté magique des reliefs, des variations infinies des paysages (photographies somptueuses), éprouvant physiquement leurs aspérités, celle du scientifique (Michel Corsini), qui décèle les strates de l’histoire des pierres à travers leur analyse, celle de l’alpiniste féru de mythologie, François Labande. C’est très beau ! M.C.

Les Alpes Océanes Éditions du Fournel, 19 €

Un livre unique Ça ressemble à un livre, avec des pages, une couverture cartonnée, des images colorées, du texte... Mais ce n’est pas un livre, c’est un cadeau, ce qui reste d’une aventure multiple car partagée. Au début il n’y a rien, ou presque. Juste un désir : Vas-y ! Un atelier-caverne à Marseille rue d’Aubagne. Puis un peintre, Thomas Labarthe, appelé Toma-L, et des amis qui s’ajoutent peu à peu à un projet de création non-stop en 60 jours. Une expérience unique, avec un journaliste qui écrit, Théophile Pillault, un photographe Olivier Brestin, un graphiste Renaud Paumero, un chef de projet inventif Sébastien Fritsch. Du papier blanc, de l’encre, peu de couleurs. Et la rage de dessiner un petit peuple et un bestiaire amical du sol au plafond. Un soir, une peinture de 10 mètres s’est déroulée comme une immense bannière, puis la décision folle de la découper en 96 bandes et 2000 carrés s’est imposée, pour «mettre de la peinture dans un livre de peinture».

Ont suivi le choix minutieux des papiers italiens, cartons, et le projet Vas-y, autofinancé, s’est réalisé peu à peu tandis que d’autres toiles naissaient sous la caméra de Paul Chabot qui a conçu un documentaire, 13 de plus, tourné sur le tas. Lancé le 7 juin à Marseille avec les toiles qui l’accompagnent, le projet est présenté tout l’été à la Halle St Pierre à Paris et sera à Art’Nîmes en septembre. CHRIS BOURGUE

Tirage limité et numéroté à 2000 exemplaires avec une oeuvre originale signée (10x10) et l’accès au documentaire et à la matière sonore de B. et S. Lecomte Dans certaines librairies ou en ligne, 130 € http://projetvasy.com

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LIVRES

ART

Variations sur le même thème Que s’est-il passé entre 1996 et 2011 pour Laurent Perbos, entre une cible aux dimensions variables Un point c’est tout -qui clôt l’ouvrage- et les compositions tubulaires présentées à la Lambert Gallery de Bruxelles ? Une longue série d’installations éphémères et de sculptures en forme de pied de nez, des voyages, des détournements d’objets et de fonctions qui font de ce jeune artiste bordelais installé à Marseille un «regardeur» décalé du monde, un promeneur de bitume, un arpenteur de terrain de sport. Un joueur impénitent qui n’hésite pas à taper du pied dans les idées convenues, les logiques raisonnables et le prêt-à-penser. La monographie que lui consacre Sextant et Plus emprunte à l’artiste son vocabulaire coloré avec huit versions de la jaquette, alternance de photos pleine page, détails, incrustations et doubles pages. Sont ainsi mis en perspective ses préférences sportives (ballon de football en cuir, filet et raquettes de tennis…), ses

Ice scream

Ce livre c’est de la fureur. En guise de sommaire et comme un avertissement Ice (1) débute par une laconique chronologie sur l’addiction à la drogue de «A», double d’Antoine d’Agata : Ice peut s’appréhender comme une chronique autobiographique, sauf que l’invraisemblable suinte de tous côtés sous psychotropes. Donc hallucinant. Car Ice est une plongée permanente dans les tréfonds des corps et des âmes, auto suppliciés, victimes consentantes en déshérence avec le sexe et le besoin inassouvi d’amour, en charge de violence extrême, d’une érotique désespérante ayant recourt à la chair, au sang, au sperme, des larmes, malaxés dans un travail d’introspection existentielle désespérée. Le désenchantement tragique est enclenché dès la première page avec la première dose d’Ice en 1999 au Mexique. Ensuite, comme les douze stations du Christ, le livre avance en plusieurs chapitres de 2005 à 2011. Dans la confusion de la vie mortifère, des moments de lucidité, des considérations sur la société imbibées de critique situationniste comme mise en actes par un Actionniste viennois. Sauf que «A» ne se met pas en scène le temps d’une performance :

matériaux de prédilection issus du quotidien (les fameux sandows de son magistral Calydon), ses granulés de caoutchouc habillés en bleu Klein et autres accessoires de plage gonflables dont il joue habilement de son regard acide et joyeux. Il incombe aux auteurs de décortiquer une œuvre complexe et exigeante à travers leur prisme analytique : Jean-Marc Huitorel lui décerne un «ballon d’or», Michel Poitevin veut être objectif en révélant «une utilisation (presque) constante de la couleur franche», Emmanuel Latreille invente un Perbo’s Song à la manière d’un road-movie cinématographique, Jean-Paul Gavard-Perret s’attache aux sous-couches d’une production que l’on supposerait décorative mais qu’il faut savoir lire entre les lignes comme le rappelle si justement Isabelle Queval.

Publication éditée à l’occasion du Printemps de l’art contemporain (voir Zib’53) et de l’exposition au Passage de l’art

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

il engage sa vie entière, se doutant manifestement du pire. Poursuivant sa démarche d’une pratique photographique dépossédée parfois déléguée à un tiers, Antoine d’Agata photographie ses compagnes éphémères, prostituées asiatiques en déchéance, ou se fait photographier avec elles lors de rapports/luttes amoureuses, sordides comme leurs abris de baises. Comme déjà dans Insomnia (chez le même éditeur), les images ne documentent pas, témoignent à peine (sous le couvert de quelle objectivité demande l’auteur ?) fugaces, hallucinées, pornographiques, fixent les traces du sordide étalées pleine page. Ce que cadrent et prolongent les textes conçus avec la complicité de Rafael Garido sous forme d’échanges de courriels. Ce maelstrom tératogène où se mélangeraient Burroughs, Bataille, Selby, Artaud, Bacon et Matthew Barney est aussi le moment pour Antoine d’Agata de penser la nature et le rôle de la photographie (fait-on effectivement ce qu’on croit faire et sous quelle forme, au prix de quelles soumissions ?). «J’avance dans l’obscurité avec la perspective d’un nouvel usage de la photographie par l’excès.» Suivant «A» dans

Laurent Perbos, Monographie Sextant et Plus, Marseille, 28 €

cette voie, l’horreur, petite sœur la beauté, sera convulsive, hallucinée, désespérante dans ses tentatives de reconstruction empêtrée d’autodestruction. CLAUDE LORIN 1

Ice est le petit nom donné à une drogue synthétique inventée en 1919 dont l’ecstasy est un dérivé. Psychostimulante, elle est hautement addictive dès les premières prises. Ice Antoine d’Agata Images En Manœuvres Éditions, 45 €

Burda et ses amis Après le Suisse Jean Planque, le musée Granet accueille le collectionneur allemand Frieder Burda qui exporte pour la première fois une partie de sa collection hors d’Allemagne. Le catalogue de l’exposition, de facture très classique, revêt des accents intimistes lorsque, en introduction, Frieder Burda déclare son amour à la France où il séjourna dans son enfance. Dans la préface, l’Académicien Jean Clair mêle avec élégance portrait révérencieux, étude d’œuvres qui résument «le parcours tout à la fois intellectuel et moral de celui qui les a réunies» et artistes-clefs de la collection. Puis avant d’entrer dans le vif du sujet -à savoir l’annotation de chaque œuvre exposée-, le conservateur en chef du musée Granet Bruno Ely tire les Portraits de Frieder Burda à travers trois œuvres : une gouache sur papier de Sigmar Polke, un dessin à la mine de plomb de J.O. Hucleux et, plus audacieux,

une toile abstraite de l’Italien Lucio Fontana, Concept spatial, Attentes. Première acquisition en 1969 de l’amateur d’art, pas encore «collectionneur»... S’ensuit un classement thématique qui réserve une place de choix au trio Richter/Polke/Baselitz, amis de Frieder Burda, et au Dernier Picasso. Le catalogue s’achève sur des clichés du musée Burda de Baden-Baden conçu par Richard Meier comme «une sculpture à vivre de verre et d’aluminium blanc». Biographie et entretien réalisé en mars 2012 parachèvent la présentation d’un amoureux du Cap d’Antibes et de Mougins (il imagina même un temps y construire son musée), où l’on apprend avec étonnement que s’il y a très peu de Français dans sa collection c’est que «pour dire la vérité, c’est difficile de trouver de jeunes artistes en France» ?! M.G.-G.

Chefs-d’œuvre du musée Frieder Burda, Baden-Baden Somogy Éditions d’art, 29 €


LIVRES

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Les sens du portrait Le portrait n’est plus depuis bien longtemps réservé aux puissants. La photographie a été un des acteurs de sa démocratisation, voire de sa banalisation, de sa prolifération inconsidérée sur les réseaux sociaux aujourd’hui. Dans l’inflation d’images qui nous submerge dans l’espace public et privé, rien de mieux que le livre pour nous recentrer sur l’humain. Les 109 photos sélectionnées auprès de 22 auteurs de l’agence VU, couvrant une période de 1977 à 2011, sont présentées sous une excellente impression et une maquette épurée : une préface de Jean-Louis Marçot, un ordonnancement alphabétique, l’absence de pagination et d’additifs rédactionnels laissent toute la place aux images, toutes en noir et blanc. De Mickael Ackerman à Hugues de Wurstemberger, le genre du portrait se décline sans hiérarchie en images de personnes connues ou non, réalisées dans le cadre du reportage et du documentaire ou en tant que travail d’auteur. On assiste à de magnifiques écarts

comme ce Tim Burton vu à Cannes par Franck Courtes et plus loin un jeune crackman surnommé Gorgona croisé à Bogota par Stan Guigui, entre un Mathieu Kassovitz flou et dédoublé capté par Gilles Favier et cette main fripée, décorée au henné mise au premier plan par Christophe Goussard ou bien des correspondances entre la femme tchouktche en imperméable traditionnel en intestin de morse par Claudine Doury et la tante Juliette de Denis Bailleux. Certaines images sont accompagnées d’un commentaire de leur auteur. Gilles Favier, donne son protocole de travail : «…j’amène mes modèles dans des chambres d’hôtel une étoile, c’est la seule règle, pour des portraits intimes en “huis clos”.» Célèbre Visages (on rencontre quelques portraits en pied) s’inscrit pleinement dans la tradition du genre du portrait humaniste et du livre de photographie à parcourir en tous sens. CLAUDE LORIN

Célèbre Visages Divers auteurs Images Plurielles, 25 €

À contre-courant des clichés C’est avec un certain agacement «face à cette forme contemporaine d’islamania pour le moins ambivalente, face à cette réception occidentale de l’islam autant hyperbolique qu’univoque» que Véronique Rieffel, directrice de l’Institut des cultures d’Islam à la Goutte d’Or, a décidé d’écrire Islamania, De l’Alhambra à la burqa, histoire d’une fascination artistique. Une idée quelque peu provocatrice qui accouche d’un «contredictionnaire des idées reçues sur l’Islam», à mi-chemin entre l’essai et le livre d’art. L’auteure prend le contrepied de l’approche conventionnelle chronologique et géographique pour établir des rapprochements pertinents entre les formes, entre l’Orient et l’Occident, et dépasser la vision monoculturelle européenne de l’histoire de l’art. Vaste entreprise qui prend racine dans ses propres expériences au Centre culturel français d’Alexandrie (elle est aussi la créatrice des Veillées du ramadan au Châtelet), dans l’Histoire (le XIXe marqué par le fantasme européen de l’orienta-

lisme ou le 11 Septembre 2001) comme dans la poésie (le Divan occidental-oriental de Goethe). L’ouvrage, à l’iconographie aussi abondante qu’éclectique, combine textes analytiques, questionnements, entretiens avec des artistes et des intellectuels, et même un petit guide pratique à la subjectivité assumée (expos à voir, conseils bibliographiques et filmographiques). Loin d’être élitiste, l’opus fait sauter bien des verrous sur de «nombreux sujets qui interrogent la compatibilité de l’islam avec l’Occident» : la question de la femme, bien sûr, la représentation de l’image ou encore la décolonisation du regard. Et sans langue de bois. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Islamania, De l’Alhambra à la burqa, histoire d’une fascination artistique Véronique Rieffel ICI et Beaux Arts éditions, 19 €

Véronique Rieffel était l’invitée du Printemps de l’art contemporain pour une rencontre-signature à l’Alcazar

Minotaure et Europe À l’occasion des expositions Picasso & Françoise Gilot, peintre et muse qui se tiennent actuellement à Nîmes au Musée du Vieux Nîmes et Picasso sous le soleil de Françoise au Musée des Cultures Taurines, paraissent deux ouvrages. Le premier, le traditionnel catalogue accompagnant l’exposition, rend un juste hommage à Françoise Gilot (née en 1921) en rappelant que celleci ne fut pas simplement la énième compagne de Picasso, et la mère de Claude et Paloma, mais aussi une artiste active dont l’œuvre est toujours dans l’actualité (galerie Gagosian de New-York). Le second, le plus conséquent, est assuré par Annie Maïllis commissaire de l’exposition qui signe aussi un texte dans le catalogue- spécialiste reconnue de la tauromachie et de ses relations avec la littérature et les arts plastiques (Leiris, Cocteau, Picasso notamment). L’auteur explore ici trois grands champs thématiques et leurs imbrications fertiles convoquant ensemble Picasso et son œuvre, ses compagnes (un chapitre entier consacré à Françoise Gilot) et la tauromachie. En sus des nombreuses informations biographiques et historiques (l’importance de la tradition taurine nîmoise

avec André Castel), un des grands intérêts de ce livre est aussi de savoir s’appuyer dès que possible sur les créations picassiennes. Différents niveaux symboliques sont décodés, en particulier les relations Picasso/torero/ picador et surtout le Minotaure, ou encore le rôle et les formes de représentation donnés à ses compagnes (référence à l’Enlèvement d’Europe) et comment ceux-ci structurent les œuvres avec l’empreinte du passé (Goya). Ce sont aussi certains rapprochements entre les gestes vifs et sûrs tauromachiques et l’exécution sans repentir pour une encre ou sur céramique, comment la figure féminine s’incarne dans le cheval puis disparait des scènes de corrida dès l’installation dans les années cinquante avec Françoise Gilot… À propos des relations entre Picasso et Françoise Gilot, Annie Maïllis précise : «En décidant de vivre ensemble, ils avaient tacitement scellé leur sort par un pacte artistique : pour l’un comme pour l’autre, la création restait première, poursuivie indépendamment et sans entrave, côte à côte.» Mais celui qui fut un des initiateurs et une figure majeure de la modernité n’en sort pas indemne en Minotaure/ogre amateur de jeunes pousses ! C.L.

Picasso, sous le soleil de Françoise l’artiste, la femme, le toro Annie Maïllis Images En Manœuvres Éditions, 35 €


AIX Cité du livre – 04 42 91 98 88 Exposition Fleurs en scène : huit tableaux invitent à découvrir les différentes techniques de création et de réalisation du décor végétal mises du costume de scène. Jusqu’au 22 sept. Exposition des sculptures de Julie Bessard, inspirée par le texte Oiseaux de Saint-John Perse. Jusqu’au 24 nov à la Fondation Saint-John Perse. Galerie du Lézard – 06 12 23 35 03 Exposition des huiles sur toile de Feng Ge, jusqu’au 31 août. Le Café des mots – 04 42 21 67 52 Exposition Eternel féminin de Michel Melchionne, dessin, peinture et gravure, jusqu’au 31 juillet. 3bisf – 04 42 16 17 75 Atelier Objet-action animé par Caroline Le Mehauté, tous les jeudis de 13h30 à 16h30. Atelier Urbanité Idiotopique (construction d’une ville imaginaire où se croiseront tous les fantasmes de chacun) animé par Benjamin Marianne, tous les mardis de 14h à 16h30. ARLES Galerie Joseph Antonin – 06 76 99 69 44 Résistances : exposition des œuvres de Dollo, Carp, Flageul et Chrysidi, jusqu’au 1er sept. Collège International des traducteurs littéraires – 04 90 52 05 50 Dramaturgies indiennes contemporaines : trois traductrices et un auteur de théâtre contemporain liront des extraits de leurs travaux en cours lors d’une soirée littéraire et musicale. La vieille demeure de Mahesh Elkunchwar, traduit par Madhuri Purandare et Gerdi Gersheimer, en collaboration avec Annette Leday ; Souris de Neel Chaudhuri, traduit par Fabienne Maitre ; Turel de Swar Thounaojam, traduit par Annette Leday et Fabienne Maitre ; avec Madhuri Purandare au chant. Le 19 juillet à 18h30 à l’Espace van Gogh. AVIGNON Festival d’Avignon – 04 90 27 66 50 Théâtre des idées, conçu et modéré par Nicolas Truong, au gymnase du lycée Saint-Joseph à 15h : -Penser la différence avec Françoise et Héritier, anthropologue, et Éric Fassin, sociologue : comment penser les différences des cultures, des individus, des genres, des sexualités ?, le 18 juillet -Une nouvelle ère écologique ? avec Alain Gras, socioanthropologue des techniques, et Stéphane Lavignotte, pasteur et dir. de la Maison verte qui s’interrogeront sur le mirage d’une certaine idée de la croissance technoscientifique, le 20 juillet -Comment penser et représenter la crise ? avec Frédéric Lordon, économiste et philosophe, et André Orléan, économiste, deux économistes hétérodoxes sensibles à la question de la représentation théâtrale, le 21 juillet

-Le temps passe-t-il trop vite ? avec Elie During, philosophe, et Etienne Klein, physicien : une rencontre pour donner du temps au temps entre science et philosophie, le 22 juillet. Cie Les Sens des mots – 06 51 95 10 26 Binôme édition #3, théâtre et science, pièces inspirées de la rencontre d’un auteur et d’un scientifique présentées à l’Hôtel Forbin de Sainte-Croix (rue Viala) à 18h : Une symbiose (auteur P.-Y. Chapelain, biologiste F. Gillet), le 18 juillet ; Emotional Rescue (auteur F. Vossier, anesthésiste-réanimateur A. Tesnière), le 20 juillet ; Divines désespérances (auteur S. Grangeat, écologue T. Tatoni), le 21 juillet. BARGÈME/TRIGANCE Le Souffle des arts – 06 50 18 51 55 Arts en Artuby : sur le territoire de l’Artuby, les villages Bargème et Trigance proposent festivals de musique baroque et de théâtre. À Bargème : exposition des peintures d’André Chevalard et pièces uniques de créateurs, Les Couleurs du vent, jusqu’au 30 septembre à La Maison de Gaston ; Peintres et sculpteurs dans le village, exposition dans les rues, le 29 juillet de 10h à 20h ; XXVIIIe festival de Musique ancienne et baroque, du 28 juillet au 25 août à l’église de Bargème. À Trigance : exposition des peinture de Robert Biagoli, du 20 juillet au 10 août à la salle culturelle ; conférence de Michel Frelat, Des primitifs africains au primitivisme dans l’art, le 4 août à 11h ; Ça va, pièce de JC Grumberg, le 5 août à 20h ; récital de piano Joël Holoubeck, le 9 août à 20h, à l’Espace culturel Artuby Verdon ; exposition des peintures de Robert Patier, du 20 juillet au 20 août à la Commanderie de SaintMaynes ; exposition des peinture de Juliette Meize, Couples, jusqu’au 17 septembre à la galerie Mélusine ; été théâtral de Trigance, jusqu’au 10 août. CANNES Palais des festivals et des congrès – 04 93 39 01 01 Festival d’art pyrotechnique : concours qui voit s’opposer des artificiers italiens, chinois, espagnols, français et allemands, les 21 et 29 juillet, et 7, 15 et 24 août, à 22h dans la Baie de Cannes, le dernier jour étant celui où sera rendu le palmarès avec un feu hors compétition des artificiers argentins. CHÂTEAUNEUF-LES-MARTIGUES Médiathèque municipale – 04 42 09 22 83 Exposition Le laboratoire de bande dessinée créée par l’association On a marché sur la bulle, pour apprendre les différentes étapes de la création d’une BD autour de l’album jeunesse La carotte aux étoiles de Régis Lejonc, Thierry Murat et Riff Reb’s (La Gouttière), jusqu’au 25 août. DIGNE Médiathèque Intercommunale des trois vallées – 04 92 31 28 49 Exposition Butor – Youl, une rencontre, jusqu’au 25 août. Médiathèque départementale – 04 92 32 62 20 Fête de l’écriture autour des calligraphies du monde. Les 5 et 6 août. 7e édition des Rencontres de la parole en présence de conteurs dans 13 communes du département. Du 22 au 28 août.

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Libraires du sud /Libraires à Marseille - 04 96 12 43 42 Rencontres : avec Laura Alcoba autour de son dernier roman Les Passagers de l’Anna C (Gallimard) le 26 juillet à 18h30 à la librairie Au coin des mots passants (Gap) avec Cécile Oumhani autour de son roman Une odeur de henné (Elyzad) le 3 août à 18h30 à la librairie Au coin des mots passants (Gap)

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AU PROGRAMME

60 RENCONTRES

FORCALQUIER Artgo et Cie – 04 92 73 06 75 Les Rencontres littéraires en Haute-Provence sont consacrées cette année à Michel Butor. L’auteur sera présent pour deux expositions et une rencontre public : -Exposition avec des œuvres de Christian Dotremont, Pierre Alechinsky, Jean-Luc Parent, Anne-Marie Pécheur, Jean-Michel Alberola et des livres d’artistes de Michel Butor, en collaboration avec le Centre du livre d’artiste de Lucinges (Savoie), jusqu’au 26 août au Centre d’art contemporain Boris Bojnev -Exposition Au coin de la rue de l’Enfer avec les éditions de la Différence et Michel Butor, éditions originales par Alechinsky, Charewicz, Dufour, Jiri Kolar, Parant, Barcelo… à Saint-Etienne-les-Orgues, jusqu’au 29 juillet. FUVEAU Association Les écrivains en Provence – 04 42 68 13 03 23e éditions du salon littéraire Les écrivains en Provence : le Maroc en est le pays invité ; rencontres et dédicaces en présence de 120 auteurs. Du 6 au 9 sept. L’ARGENTIÈRE LA BESSÉE Service culturel municipal – 04 92 23 04 48 11e Festival La Vallée des Livres sur le thème La montagne, terre d’exil et de refuge : ateliers BD, écriture, correspondance, conférences, tables rondes, rencontres… Du 2 au 4 août. LA-ROQUE-D’ANTHERON Association Cmpagnie d’art contemporain Durance Luberon – landartlaroque@orange.fr Parcours d’œuvres artistiques, dans et autour de La Roque, du 20 juillet au 19 août. LAURIS Bibliothèque municipale – 06 71 40 10 89 Les nocturnes de Lauris sur le thème Jazz, polar et cinéma avec C. Mesplède, S. Deshors, M. Villard, P. Dessaint, Mako… Rencontres, ateliers d’écriture… Jusqu’au 21 juillet. LES BAUX-DE-PROVENCE Carrières de lumières – 04 90 54 55 56 Dans le cadre du Festival A-Part les Carrières de lumière programment des soirées qui marient musiques électroniques, images numériques, lumières virtuelles, vidéos… Nuits Pixels Power les 19, 20 et 21 juillet, carte blanche à Michèle et Jimmy Roze le 26 et soirée de clôture en forme de bouquet final avec une compilation en images le 31. LURS La Chancellerie – www.delure.org 60e Rencontres internationale de Lure. Semaine de culture graphique : conférence, exposition Lettres types… Du 19 au 25 août. MANOSQUE Centre Jean Giono – 04 92 70 54 54 Exposition littéraire et artistique Centre Jean Giono, 20 ans de création, jusqu’au 31 mars. Exposition Giono et le cinéma, jusqu’au 30 sept à l’Eglise Notre Dame de Romigier. Rencontres Giono : café littéraire, concerts, conférences, lectures… Du 24 au 29 juillet.


MARSEILLE BMVR Alcazar – 04 91 55 90 00 Jazz e Italia, rencontre Femmes de jazz : conférence sur l’histoire du jazz en Italie animée par Adriano Mazzoletti et François Billard, musicologues, suivie d’une rencontre avec le trompettiste Paolo Fresu. Le 24 juillet à 17h. ABD Gaston Defferre - 04 13 31 82 00 Exposition de photos Escales littorales, jusqu’au 28 juillet. Exposition Marseille Provence : rivage des produits et des ouvriers du monde, du 1er sept au 31 jan. Association Parole – 06 07 36 91 98 Au rythme du monde : promenade littéraire avec le poète Christian Gorelli et Bastien Boni à la contrebasse, le 11 août à 19h sur l’île du Frioul. CIPM – 04 91 91 26 45 Exposition La science du négatif, conçue par Jean Daive, poète, et consacrée au graveur Joerg Ortner. Jusqu’au 22 sept. Le lièvre de Mars – 04 91 81 12 95 Exposition Le Canal du Midi, une pédalée de Toulouse à Agde : textes, photos et dessins du livre de Chris Ballaré et Georges Rinaudo (éd. Droséra, 2012), jusqu’au 31 juillet. Images plurielles – 04 91 02 19 08 Exposition Europe Inch’Allah : photographies de Stephanos Mangriotis extraites de son livre sur le transit de l’immigration contemporaine (éd. Images Plurielles), jusqu’au 2 sept au cinéma Les Variétés. Fotokino – 09 81 65 26 44 Tout et Rien : exposition des œuvres du dessinateur Benoît BonnemaisonFitte, jusqu’au 21 juillet. MARTIGUES Musée Ziem – 04 42 41 39 60 Exposition De Ziem à Dufy, acquisitions et restaurations récentes, jusqu’au 23 sept ; Stages d’été pour les enfants, du 6 au 10 août de 10h à 12h. Médiathèque Louis Aragon – 04 42 80 27 97 Exposition Enfances : quatre photographes, Sabine Weiss, Hans Silvester, Jean-François Mutzig et Jean Barak, présentent des portraits d’enfants, jusqu’au 30 août.

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Association Blues & Polar – 06 71 78 05 12 10e édition de Blues et Polar sur le thème Le blues, le polar et le parfum : lectures, rencontres, spectacles, projections, apéros musicaux. Du 20 au 26 août.

MOUSTIERS-SAINTE-MARIE Office de tourisme – 04 92 74 67 84 3e édition de Moustiers coince la bulle : dédicaces, rencontres d’auteurs. Le 2 sept. SABLET Association La Journée du livre de Sablet – 04 90 46 90 19 25e Journée du livre de Sablet : rencontres et dédicaces d’une centaine d’écrivains sur la place et dans les rues du village. Les 21 et 22 juillet.

SAINT-CHAMAS Chapelle Saint-Pierre – 04 90 50 90 54 Exposition de peintures d’Yvette Poussel-Celse et de dessins de Georges Rinaudo, jusqu’au 31 juillet.

SALON-DE-PROVENCE Ville – 04 90 56 29 06 Art dans la ville : la Jeune Chambre Economique de Salon, soutenue par la Ville, reconduit son projet-phare pour la 2e année. Dans les rues, places et sur les cours, 11 artistes de la région présentent 23 œuvres originales. Du 25 août au 11 nov.

SANARY-SUR-MER Association Passions d’auteurs – 06 14 09 20 43 Rencontres littéraires nocturnes : ventes et dédicaces des ouvrages présentés par leurs auteurs, tous les mardis et jeudis à 18h30 sur le port, jusqu’au 23 août.

SISTERON Médiathèque André Roman – 04 92 61 46 69 Fête du livre : rencontres avec les auteurs, exposition d’originaux, vente et dédicace, atelier d’acrirure… Le 17 août de 10h à 18h sur la place Paul Arène.

CONCOURS Avis aux compagnies de danse hip hop expérimentées de la Région PACA : l’association Heart Color Music et Le Merlan présentent le Dance Groove 13. Pour y participer et gagner une résidence artistique accompagnée de professionnels du spectacle vivant et la possibilité de se produire dans le cadre d’une formation professionnelle pendant l’année Marseille Provence 2013, envoyez vos candidatures (extraits de shows chorégraphiques, historique de la cie, site Internet, lien Myspace, page Facebook…) avant le 25 septembre à fg13-hcm@laposte.net.


62 ARTS VISUELS AU PROGRAMME Bêtes, monstres et bestioles Pour le nouveau volet de son Musée imaginaire du Moyen-âge, le château de Tarascon a invité treize artistes contemporains dans les appartements et jardins des princes d’Anjou, comtes de Provence. Installation, photographie, dessin, vidéo, son, sculpture poursuivent et réinventent la tradition du bestiaire médiéval et ses fantasmagories. Le mokélé-bembé sur les rives du Rhône ? C.L. Bêtes, monstres et bestioles jusqu’au 15 oct Château de Tarascon 04 90 91 01 93 www.tarascon.fr

Pierre Milhau-La Tarasque, bois flotté du Rhone, 2012 © Château de Tarascon

Francoise Gilot, Claude une fleur à la main, 1951 coll. part. © archives Francoise Gilot

Françoise Gilot Elle fut la Femme dans un fauteuil de 1947, la figure centrale de La joie de vivre, la Femme à la résille. L’auteur de Vivre avec Picasso fut la seule qui lui ait dit «non». Elle est avant tout peintre et dessinatrice, activités que Françoise Gilot ne cessa jamais de pratiquer, même sous l’œil et le joug de l’ogre pendant leurs dix ans de vie commune. Le musée lui rend hommage avec un ensemble de peintures et dessins, entretiens filmés, photos et des œuvres de Picasso inspirées par elle. Catalogue et livre (voir p. 58). C.L. Pablo Picasso et Françoise Gilot, peintre et muse jusqu’au 7 oct Musée du Vieux Nîmes 04 66 78 73 70 www.nimes.fr

Art singulier Voici depuis plus de dix ans que Danielle Jacqui et la Compagnie d’Art Singulier en Méditerranée œuvrent et militent pour les formes d’art empruntant les chemins de traverse. Cette 12e édition ne déroge pas à la règle et rassemblera plus d’une cinquantaine de créateurs de toutes expressions sans hiérarchie dont Raymond Reynaud, Alin Becker, Danielle Jacqui, François Ozenda ou encore Raymond Moralès pour un festival festif, glorieux et inventif. C.L.

Bernard Buffet, L'Enfer de Dante, La Harpie,1976.

12e Festival international d’Art Singulier-Aubagne du 28 juillet au 26 août Chapelle des Pénitents Noirs, Aubagne 04 42 03 40 98 www.festival-art-singulier.com

Atek, un des artistes selectionnes pour le 12e Festival International d'Art Singulier d'Aubagne

Bernard Buffet graveur Son style noir et incisif était une signature pour sa peinture. Moins connu pour son œuvre gravé, Bernard Buffet témoignait de la même franchise de trait, comme en rendent compte ces trois importantes séries présentées par le Musée Yves Brayer : La Voix humaine (1957), Jeux de Dames (1970) inspirées des poèmes de Verlaine et Rimbaud, et L’Enfer de Dante (1976). C.L. jusqu’au 27 sept Musée Yves Brayer, Les Baux-de-Provence 04 90 54 36 99 www.yvesbrayer.com


ARTS VISUELS

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Mas Toc Une œuvre bien en vue pour Marseille Provence 2013 ? Ce sera le Mas Toc, un bâtiment décoiffé, pour le quartier Griffefeuille à Arles imaginé par Les Pas Perdus. En attendant, photographiés en Atlas contemporains, 67 arlésiens portent leur pierre à l’édifice (symboliquement) tels des petits poucets en procession, du centre ville jusqu’à une cabane de chantierdétente temporaire. C.L. De César à Griffefeuille on a trouvé un raccourci jusqu’au 5 sept Les Pas Perdus, Arles 04 91 50 07 38 www.lespasperdus.com

Le groupe artistique Les Pas Perdus, Guy-Andre Lagesse, Nicolas Barthelemy et Jérome Rigaut © Les Pas Perdus

Bernard Varvat Bernard Varvat, D'ou je viens, marbre d'Egypte, 2009

À Trets la Maison de la Culture et du Tourisme programme régulièrement au Château des Remparts des expositions d’expression contemporaine. Cet été ce seront les sculptures de Bernard Varvat qui habiteront les espaces patrimoniaux. Conçues en taille directe dans son matériau d’élection, le marbre, de Vérone, de Bourgogne ou de Carrare, ses œuvres réinventent la tradition de la modernité et de l’abstraction. C.L. Sculptures de marbre jusqu’au 28 juillet Château des Remparts, Trets 04 42 61 23 75 www.ville-de-trets.fr

Joerg Ortner C’était le graveur des écrivains et des poètes. Joerg Ortner (1940-2011) a accompagné les œuvres de Jean Daive (commissaire de cet évènement), Paul Celan, Claude Royet-Journoud ou encore Alain Veinstein. Il combinait de multiples techniques : eau-forte, burin, aquatinte, manière noire ou pointe sèche, recherchant l’inversement des valeurs de noir, blanc et gris, avec comme résultat des impressions en négatif remarquables. C.L. La science du négatif jusqu’au 22 septembre Centre international de poésie, Marseille 04 91 91 26 45 www.cipmarseille.com Joerg Ortner, Rien ne se rabat sur 1, 1975-1977 Une installation éphémère de Frederique Nalbandian- Munitions, colonnes de savon, Place Forte Vauban, Montdauphin, 2012 © X-D.R

Quatre Les sculptures et installations de Boris Chouvellon à Briançon, Julia Cottin pour Château-Queyras, Frédérique Nalbandian aux Vigneaux et Gilles Desplanques dans la place forte de Mont-Dauphin explorent in situ les notions de passage et de frontière particulières à ce territoire vertigineux. Quatre lieux, quatre artistes, quatre points de vue. C.L. Parcours d’art contemporain à ciel ouvert jusqu’au 16 septembre 04 92 46 76 18 Voyons Voir 04 42 38 73 46 www.voyonsvoir.org


64 ARTS VISUELS AU PROGRAMME Charles Camoin Matisse, Manguin, Marquet… et Camoin, autre figure de la «Cage aux Fauves» qui fit scandale au Salon d’Automne de 1905 ! L’ami de Cézanne, sans doute «le plus impressionniste des fauves», laisse une œuvre voluptueuse et spontanée, baignée de lumière méditerranéenne. Une trentaine d’œuvres qui dessinent son parcours de Montmartre à SaintTropez. M.G.-G. jusqu’au 30 septembre Musée Monticelli, Marseille l’Estaque 04 91 03 49 46 www.fondationmonticelli.com

Nu escarpins © Charles Camoin

Peinture & poésie

Détail de Montagne à Maloja, lithographie de Giacometti, épreuve d'artiste, 1957

Alain Paire fait écho à l’ouvrage Au cœur des apparences, Poésie et peinture selon Philippe Jaccottet de Sébastien Labrusse (éd. de la Transparence) en réunissant des œuvres des proches du poète. Peintures, dessins et aquarelles de son épouse Anne-Marie, de son ami Nasser Assar et d’autres encore. Une belle manière de faire entendre la voix de celui qui avait donné un entretien en 2011 sur la compagnie des peintres, Chagall, Giacometti, Morandi… M.G.-G. jusqu’au 26 juillet Galerie Alain Paire, Aix 04 42 96 23 67 www.galerie-alain-paire.com © Jean-Pierre Giusiano

Collectif Watt Trois designers de lumière installés à Marseille illuminent de leurs créations la salle des foudres du domaine Bunan. Pierrick Desville manie l’insolite et la récup’ pour transformer objets industriels décatis en applique murale ; Jean-Pierre Giusiano détourne passoires à trou-trou et autres ustensiles de cuisine en lampes de chevet, tandis que Jérôme Pereira préfère les belles échappées en bois et verre soufflé pour donner vie à des lampes-sculptures. M.G.-G. jusqu’au 10 août Domaine Bunan, La Cadière d’Azur 04 94 98 58 98 www.lartprendlair.fr

Escaliers, dessin original de Georges Rinaudo inspiré des photographies de Chris Ballare

Le Canal du Midi… … Une pédalée de Toulouse à Agde vécue «pour de vrai» par Chris Ballaré qui a fait les photos puis écrit le texte. Georges Rinaudo, lui, n’a pas fait le voyage mais il a réalisé des dessins d’après les photos. Ensemble ils signent un livre qui ressemble à un carnet de voyage, édité chez Droséra, et exposent au Lièvre de Mars leur méli-mélo de mots, de planches originales et de clichés. M.G.-G. jusqu’au 31 juillet Le Lièvre de mars, Marseille 1er 04 91 81 12 95 http://librairie.lldm.free.fr


ARLES PHOTO ARTS VISUELS 65

Retrouvailles que vaille

College Belle-de-Mai, Marseille, Des clics et des classes, HSBC France, 2012 © Aurore Valade

Pour ces 43e Rencontres de la photographie d’Arles si la photo de classe est bonne les impressions particulières restent partagées. On fait de belles rencontres en marge aussi Le symbole le plus marquant de cette édition 2012 aura été les retrouvailles des représentants des institutions embarquées dans l’évènement photographique arlésien. Lors de la première projection des Voies Off consacrée aux 30 ans de l’ENSP, les Rencontres d’Arles (François Hébel) et Voies Off (Christophe Laloi), ENSP (Rémy Fenzy), mairie (Hervé Schiavetti, Claire Antognazza), tous étaient réunis sur la scène et dans le même sens pour la première fois depuis la création des Rencontres. En 2011 non-conforme avait apporté bien des surprises en particulier venant d’Internet. Cette année l’ambiance apparaît en demi-teinte. Est-ce à cause de l’école ? D’un enseignement dispensé depuis trente ans par les mêmes enseignants si on suit certains commentaires ? Lors de la présentation de sa rétrospective aux Ateliers SNCF Arnaud Claass, enseignant de la première heure, rappelait son intérêt pour les «images faibles, banales»(1). Est-ce par là qu’il faut rechercher un effet non pas de formatage dont chacun se défend (présentations dans le catalogue des Rencontres et du livre paru à cette occasion Qu’avez-vous fait de la photographie ?) mais bien plutôt une sorte de signature involontaire d’école, un style français particulier tourné vers «le quotidien, le petit peu, non spectaculaire» selon Valérie Jouve (diplômée 1990)(2) ? Tout comme la Nouvelle Vague a produit son héritage pour le cinéma «on ne plus faire de la photographie comme il y a cinquante ans». Il s’agit aussi de rechercher des «formes nouvelles de montrer les images» pour le photographe reporter Sébastien Calvet (diplômé 1998) qui met en scène son travail de couverture politique en vidéo et mur d’images fixes, celles de la monumentalisation des néo narrations vidéographiées

pour Medhi Meddaci (diplômé 2006) (à rapprocher de l’installation de Sophie Calle au Méjan, voir aussi p. 69). Cet anniversaire est surtout l’occasion de rassembler en un même moment une grande famille autour des images selon différentes affinités. L’influence de la photographie de paysage issu de la Datar(3) sourdrait-elle à travers des clichés de Brigitte Bauer (diplômée 1990) ou Valérie Jouve ? Aurore Valade (diplômée 2005), Géraldine Lay (diplômée 1997) ou Olivier Metzger (diplômé 2004) revisitent subtilement le genre du portrait, compris pour Grégoire Alexandre selon les possibilités du studio et l’esprit de la mode, à plusieurs jets d’encre d’un Koudelka. Les plus jeunes tentent des pistes personnelles tel Rémy Moulin (diplômé 2012) mettant à l’épreuve stroboscopique nos capacités perceptives avec sa cabine Black Out, ou via l’association WIP des étudiants(4). Pourtant ces derniers semblent rester étrangers aux ressources de l’informatique et de l’Internet en pleine actualité. Est-ce un signe de la limite d’influence de l’école?(5).

Buissonnière Hors de l’École et des cimaises les plus officielles, Arles a encore battu son plein. Elina Brotherus s’expose en autoportraits comme une mise au point personnelle à la galerie Voies Off (l’atelier éponyme a assuré les tirages pour plusieurs artistes présents cette année). À l’Atelier 5 un travail de correspondances en duo photo/écriture de Jessica Hervo et Rémi Barret. Regards&Mémoire a eu la généreuse idée de nous faire découvrir les photographes de l’association Pour l’instant/Villa Pérochon. Troublantes images de Michèle Sylvander et Mélanie Bellue-Schumacher chez L’Hoste art contemporain. Espaces géographiques et psychologiques d’Emmanuel Madec à l’Atelier du Midi. Six tentatives de Miracle-Oracle aux Comptoirs Arlésiens. Au Magasin

La chute, tirage numerique, 80x60cm, 2011 © Melanie Bellue-Schumacher

de Jouets c’était plutôt le Bäzär, cabinet de curiosités photographiques. En points d’orgue festifs et pour continuer à nous en mettre plein les mirettes, la Nuit de l’Année s’est projetée à Trinquetaille en succédant le vendredi 6 à La Nuit de La Roquette rituellement installée le soir du jeudi. On était le 5. Et ils n’étaient pas encore trop fatigués. CLAUDE LORIN

(1) Le réel de la photographie, Arnaud Claass, Filigranes éditions, 2012

(2) La grande table, France Culture, émission du jeudi 05/07

(3) François Hébel, directeur des Rencontres d’Arles

pour Work In Progress, exposition WIP 2012 à l’église Saint Julien

(4)

(5) De son côté l’éducation artistique n’est pas en reste avec notamment les dispositifs Une rentrée en images, Des clics et des classes, le Concours photo des lycéens, Pause Photo Prose (sortie en septembre)

www.ensp-arles.com www.rencontres-arles.com www.voies-off.com http://nuitdelaroquette.tntb.net


66 ARTS VISUELS ARTORAMA | MARSEILLE EXPOS

La création fait Salon L’événement de la rentrée à Marseille, depuis 5 ans, c’est Art-O-rama. Un Salon qui réussit l’exploit de fédérer toutes les énergies de l’Art contemporain à Marseille, d’offrir au public une programmation de choix, et de faire venir des collectionneurs et des artistes du monde entier, ceux qui fréquentent les «grands» salons internationaux de l’art. Car Art-O-rama ne fonctionne pas sur le principe des foires qui louent des espaces : les exposants, choisis, disposent d’un véritable espace propre qu’ils définissent chacun en fonction de leur projet… Ainsi cette année 20 galeries internationales, japonaises, américaines, mais essentiellement venues des capitales européennes, seront présentes. Pas forcément les plus grandes, mais souvent les plus aventureuses (Crèvecœur Paris, Frutta Rome, Super Window Project Kyoto…), avec beaucoup de projets vidéo cette année. À côté de ces espaces réservés aux galeristes le Confort Moderne (Poitiers) est invité à dispenser une programmation musicale. Quatre artistes (Thomas Boulnier, Julie Dorribère Saintonge, Guillaume Gattier et Yann Gerstberger) ont l’occasion de présenter leurs œuvres dans le cadre du Show room. Caroline Du Châtelet, choisie à l’issue du Show room 2011, se voit offrir un espace d’exposition. Et un espace éditeurs propose une sélection de livres d’artistes… avec en particulier le livre édité par L’artprendl’air : La Planque, 13 ateliers d’artistes. Bref Art-O-rama allie avec bonheur financements privés et esprit public, création artistique et ouverture au marché de l’art. D’autant plus remarquable que, d’après les galeristes présents, quelques ventes s’opèrent bel et bien. Et que

Astérides, exposition-vente multiples © Dumont JJ Infini

le FRAC et les galeries marseillaises profitent de la présence des collectionneurs pour prévoir une programmation particulière. Ainsi à la Cartonnerie le FRAC exposera deux acquisitions récentes des vidéos de Marie Voignier, Sextant et Plus présente Mock Up, un squelette d’automobile de Vincent Lamouroux, Vacances bleues présente une pièce de Dominique Castel en prolongement de son exposition monographique à la Fondation... Dans toute la ville le réseau Marseille expos (Astérides, Galerieofmarseille, ArtCade, Ho, Meyer, Porte avion, territoires partagés, la GAD et Où) propose un parcours d’expositions inédites ainsi qu’une programmation commune au tout nouvel espace des Galeries Lafayette (voir ci-dessous). D’autres initiatives originales : Triangle France lance son 5ème Gala (le 1er sept), fameuse tombola où 40

artistes offrent leurs œuvres que vous pouvez tirer au sort si vous achetez un des 40 billets (400 ¤ défiscalisables)… L’œuvre est garantie, mais non son choix ! Voyons voir invite à visiter les domaines viticoles (voir p. 68), Artvisitprovence propose des visites guidées, et durant 3 jours (du 31 août au 2 sept) les tables rondes se succèdent. Enfin prenez note : les expositions durent jusqu’au 16 sept, pour clôturer durant les Journées du Patrimoine, si vous souhaitez les visiter plus tranquillement… AGNÈS FRESCHEL

Art-O-rama du 31 août au 2 sept expositions jusqu’au 16 sept La Friche, Marseille 04 95 04 95 36 www.art-o-rama.fr www.trianglefrance.org www.voyonsvoir.org www.artvisistprovence.org www.sextantetplus.org www.marseilleexpos.com

Top luxe ! L’ouverture d’une galerie au cœur de la rue saint Ferréol, est une sacrée surprise ! Dans les Galeries Lafayette, temple de la consomma-tion de masse déguisée en supermarché du luxe, on attendait un art marchand, snob et sot, vite estimable et susceptible de modestes spéculations… Il n’en est rien. Les Galeries La-

fayette ont confié à Marseille Expos le soin de choisir les artistes et les œuvres, le thème aussi : le Luxe ! Première partie d’une trilogie Baudelairienne qui déclinera ensuite le calme (dès le 1er sept) puis la volupté. On peut donc voir un discours sur le Luxe et l’argent qui décline ses critiques explicites : un billet de 5 euros

de Baquié demande si Le pouvoir est à obtenir ou à combattre, Anne– James Chaton expose un immense ticket de caisse mentionnant l’achat d’un livre de Kant, Thierry Boutonnier expose une feuille d’or comme celle qui donnait leur valeurs aux icônes… D’autres déclinent vers la luxure, petite sœur perverse du luxe,

Sans Titre, Serie _Uyuni_ Javiera Tejerina-Risso 2010 2012, Tirage photographique sur dibon, Courtesy - Artiste et SAFFIR, galerie nomade © Javiera Tejerina-Risso

comme Lionel Scoccimaro avec ses accessoires SM gigantisés, Nicole Tran Ba Vang et Olivier Milagou qui punaisent des icônes porno rock, ou plus discrètement Katia Bourdarel qui, outre une installation de têtes animales taxidermisées et déguisées en princesses, offre une série de Jeunes filles hyperréalistes troublante, érotisées malgré l’innocence de leur regard par une hypertrophie de leur bouches… Plus dérangeante encore la photographie de Paul Armand Gette, où des mains aux ongles rongés, au vernis écaillé, dessinent le triangle d’un sexe blanchi et encombré de branchages, associant explicitement images sexuelles et symboles de mort… Une exposition très réussie, diverse tant par ses supports que par ses artistes et ses esthétiques. À voir… quand vous faites vos emplettes ? A.F.

Luxe(s) jusqu’au 18 août Galerie du 5ème Galeries Lafayette, Marseille 0950 71 13 54 www.marseilleexpos.com


MAC | CHÂTEAU D’AVIGNON ARTS VISUELS 67

Le ravisseur d’affiches Un demi-siècle d’affiches lacérées au [mac] pour l’exposition consacrée à Jacques Villeglé Le XXe siècle aura été celui de l’intrusion du non-artistique dans l’art. Les Merz de Schwitters, les collages cubistes, les assemblages Dada et surréalistes et autres stratégies esthétiques de récupération et détournement. Au tout début des années cinquante encore dominées par les figures de Picasso et Matisse, Jacques Villeglé et Raymond Hains inventent de nouvelles modalités pour déplacer le réel dans le champ artistique en décollant les affiches publicitaires usées par les intempéries et lacérées par les passants. Pour Villeglé la première émotion chargée de «beauté industrielle» fut une ferraille torsadée trouvée dans les décombres du port de Saint Malo au sortir de la Seconde Guerre mondiale et le premier décollage d’affiche avec Raymond Hains eut lieu en 1949(1). L’exposition du [mac] évoque en une rétrospective condensée un parcours complet dans l’œuvre de Jacques Villeglé depuis ses prémices jusqu’aux réalisations de l’Opération quimpéroise en 2006 qui achèvent l’exposition par une forme de mise en abyme que sont les affiches de son exposition personnelle où apparaît son portrait photographique lacéré.

la partie de la collection du musée consacrée dans les salles voisines aux Nouveaux Réalistes, ce qui aurait autorisé toute l’ampleur de l’évènement. Dans Le catalogue, parmi documents et reproductions, un entretien entre J. Villeglé et Henry Périer, commissaire de l’exposition, instruit sur le contexte artistique de son époque, la démarche et les rapports de l’artiste avec le critique d’art promoteur du Nouveau Réalisme Pierre Restany. Dépersonnalisé et systématique mais très repérable, évoluant moins par lui-même qu’à travers les éléments significatifs des époques traversées, le travail d’affichiste a du s’interrompre dans les années quatre vingt pour des raisons physiques mais l’artiste (né en 1926) le prolonge avec son «alphabet socio-politique» élaboré depuis 1969. Un panneau monumental créé sur ce principe pour l’occasion rend hommage à une vingtaine d’artistes marseillais, de Puget à Marie Bovo. C.L. Jacques Villegle, Rue Lefranc 13 mars 1965, affiches lacerees marouflees sur toile, 128x119cm. coll. privee

«Pour moi, l’importance d’un visage déchiré, de la lettre lacérée, manuscrite ou typographique, d’un mot détaché de son contexte, peut être identique à la femme nue ou au carré des peintures figuratives ou abstraites.» L’intérêt de l’exposition marseillaise est aussi de rassembler plusieurs pièces rarement

montrées issues de collections privées, celles réalisées en commun avec Raymond Hains et François Dufrêne ainsi que deux films exemplaires de cette démarche Paris-Saint Brieuc (1950-52) et Un mythe dans la ville (1968-69). Mais faute de moyens cohérents, il n’a pas été possible de mettre en relation l’exposition avec

(1) entretien de J. Villeglé avec H. Périer, in catalogue de l’exposition

Jacques Villeglé jusqu’au 16 septembre [mac] musée d’art contemporain, Marseille 04 91 25 01 07 www.marseille.fr

Entre deux eaux On peut voir la mer au Domaine départemental du Château d’Avignon grâce à une sélection éclectique d’œuvres contemporaines, parfois entre deux eaux L’argument est stimulant. En Camargue la mer n’est jamais loin même s’il nous faut remonter cinq mille ans en arrière, rejoindre l’eau salée à quelques lieues ou creuser quelques mètres sous nos pieds. Ici le combat contre l’eau saline est permanent, et le domaine conçu par Louis Noilly-Prat à la fin du XIXe siècle est un bel exemple de domestication de l’eau douce. Comme une archéologie réinventée, Se souvenir de la mer offre de nombreuses formes -installation, sculpture, photo, vidéo, dispositif sonore- pour s’ouvrir avec l’esquif de papier d’Olivier Grossetête et le jet ski de béton de Boris Chouvellon tous deux échoués sur le pré.

Le bestiaire marin est évoqué avec Paul Amar (vitrine de coraux, coquillages multicolores), les moules (authentiques) de Broodthaers, Philippe Droguet (oursins en coquilles d’escargot, semences de tapissier), Laurie Karp qui tronçonne du saumon en faïence émaillée, Yves Chaudouët qui déploie des abysses obscures et leds lumineuses. Les objets de plage populaires (Bartholani & Caillol, Gérard Deschamps) sont transfigurés par les matériaux comme le zinc (Antoine Dorotte, Bill Woodrow), le bronze (Olivier Sabin), le sel de la Mer morte (Sigalit Landau). La mer affirme sa présence à travers une belle sélection de vidéos dont cette projection sur écran-étagère et verres d’eau de Masbedo, Sarkis diluant le sublime de DavidCaspar Friedrich dans un bol en une aquarelle fugitive. Plus radical, Marcel Dinahet privilégie au visuel l’ouïe par signaux sonores et carte maritimes (Les Radiophares).

Un Bateau ivre en papier d'Olivier Grossetete, echoue dans le pre du Chateau d'Avignon © C. Lorin/Zibeline

On aurait apprécié aussi que les embruns conduisent à des commandes spécifiques plus en lien avec les lieux. Mais les moyens manquent peut-être, les grands évènements de l’année prochaine aspirant les courants au risque d’assécher les sources et n’être plus qu’un souvenir ?

CLAUDE LORIN

Se souvenir de la mer jusqu’au 31 octobre Domaine Départemental du Château d’Avignon Saintes-Maries-de-la-Mer 04 13 31 94 54 www.culture-13.fr


68 ARTS VISUELS VOYONS VOIR | SEXTANT ET PLUS

Art et paysage Voyons voir, le nom invite à la curiosité, avec un brin de malice, la distanciation nécessaire au regard qui la découvre. L’association née en 2007 s’attache à promouvoir des artistes en les entraînant hors des sentiers battus des lieux dédiés à l’art. En collaboration avec des entreprises agricoles partenaires, elle leur offre la possibilité de résidences sur les lieux des expositions où les œuvres originales seront exposées. Cette contrainte permet aux artistes de remettre en question leurs pratiques, leur ouvrant de nouveaux champs de recherche ; l’œuvre doit s’intégrer au cadre dans sa dimension spatiale, mais aussi temporelle : étant destinée à rester in situ une année environ, l’adaptation aux saisons devient un critère ! Sélection difficile à partir de 200 dossiers environ, puis présentation des lieux aux 25 artistes retenus, enfin, choix délicat de 8 à 10 projets élaborés pour les sites visités. Les domaines offrent des lieux de travail, de multiples possibilités d’exposition sur toute la superficie des propriétés, des studios pour les résidences dont la durée correspond au choix des artistes, entre une semaine et un mois. Cette année quatre artistes se sont retrouvés au domaine de Grand

Boise à Trets, où ils se sont inspirés de la mythologie du vin : Sandra Lorenzi érige un monolithe de métal face à la Sainte Victoire, fontaine de vin sur laquelle le liquide rouge coule. Un exercice de synesthésie

mur déjà existant d’une restanque, des cadres ronds, monochromes, qui mettent en valeur la géométrie des pierres. Investissant le cœur de la propriété, Iveta Duskova installe des projections vidéo à l’intérieur

Au domaine de Saint Ser, Puyloubier-Pierre Labat, Duo Principat, 2012 © X-D.R

dionysiaque ! Emilie Perotto propose un banc tressé de barres de métal en aluminium, se refusant à un dialogue avec le paysage, mais pratiquant l’«infiltration». Pour accéder au banc on passe par un étroit labyrinthe végétal, et l’on se retrouve en observateur caché du paysage. Se fondant sur les formes existantes, Jérémie Delhome superpose au

des cuves à vin, s’immergeant dans un monde imaginaire inspiré par sa lecture du Labyrinthe du monde et le paradis au cœur de Komensky (Comenius). Au Domaine de Saint Ser, Clément Bagot redessine le paysage par des structures proches des fractals, qui réorchestrent la géométrie des lieux en donnant au regard de nouvelles

lignes de fuite ; Pierre Labat, en une démarche analogue propose une installation qui s’ancre dans le sol et présente un plan en trois dimensions. La nature intègre l’œuvre, la végétation l’envahit, de petits escargots la prennent pour asile… Guillaume Gattier s’empare de la légende de Saint Ser, le martyr décapité et dans une chapelle à ciel ouvert crée une sculpture correspondant à la pièce manquante, la tête du saint, en fait un autoportrait abîmé par les traces d’une chute. Au Jardin des 5 Sens et des Formes Premières de St Marc Jaumerade, Denis Brun a un coup de cœur pour un arbre mort qui a des allures de sculpture. Renouant avec les bonheurs de la fiction, il lui construit une cabane, refuge, ou lieu de destruction, et joue sur les rapports des couleurs et des formes. Huit manières pour le promeneur d’interroger le paysage avec des yeux neufs. MARYVONNE COLOMBANI

Jardin des 5 Sens Jusqu’au 30 septembre Domaines de Saint Ser et de Grand Boise Jusqu’au 31 octobre www.voyonsvoir.org

Sales gosses ! Artistes résidents de Sextant et Plus, ils vont devoir quitter leur atelier au terme d’un bail de 6 ans : alors, plutôt que de sombrer dans la morosité, ils font un baroud d’honneur. Pour l’association, la pression immobilière étant insoutenable, la fin du cycle est «l’occasion de se donner du temps pour repenser le projet». Les voici donc réunis à Hors Les Murs avec une proposition iconoclaste, Southpark, clin d’œil piquant à la série culte américaine : comme elle ils chahutent les codes de l’exposition collective -où juxtaposition rime avec cooptation- dans un inextricable mariage ! Le jeu, puzzle et rébus conjugués, consiste à déceler chacune des pièces, à trouver leur auteur et renouer les fils d’une narration fragmentée. L’éclatement donnant naissance à de multiples lectures. Au centre de l’espace, le pêle-mêle occupe deux pans d’un mur conçu comme le feuilleton, avec ses héros récurrents qui ont osé -sacrilège !interagir entre voisins et dévoiler ses

tics et ses tocs. Côté pile, Moussa Sarr projette sa vidéo La grenouille et le scorpion sur le poster monumental de Nicolas Pincemin tout en grignotant sans ménagement le coin droit de sa peinture. Stéphane Protic n’hésite pas à découper un pan du même poster pour dessiner habilement sa petite fille au revolver, douce icône tueuse... Côté face, le délicat dessin de Karine Rougier déroule un propos moins sage qu’il y parait tandis que sur la plaque arcen-ciel en sucre de Claire Dantzer coulent les gouttes d’encre des oiseaux de Laurent Perbos. Lionel Scoccimaro pousse le bouchon plus loin en occultant les yeux de son modèle dans l’une de ses anciennes photographies. Bref, les artistes ont repris à leur compte l’esprit subversif de la série pour créer un «joyeux bordel» ! Mais au-delà de l’imbroglio ludique le propos curatorial interroge ce qui a alimenté leurs processus créatifs pendant six ans, ce qui fait une œuvre autonome dans un ensemble collectif, ce qui se camoufle

Vue de l’exposition Southpark, commissariat de Sextant et Plus © Claire Dantzer

ou se distingue... Et comment les artistes se situent les uns les autres : est-ce qu’ils jouent le jeu à travers la règle? MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Southpark Jusqu’au 28 juillet HLM, Marseille 2e 04 95 04 95 94 www.sextantetplusorg


AVIGNON | CAVAILLON ARTS VISUELS 69

Exhibitions Lorsque le musée d’Yvon Lambert expose ses fonds, cela vaut le voyage : même si l’on a déjà vu nombre de pièces lors des expositions monographiques estivales, les chefs d’œuvre acquis au cours des 50 dernières années donnent une idée de l’importance de la collection rassemblée, et de la donation, estimée à 100 millions d’euros, qui est faite à l’État et à la Ville d’Avignon. À qui le collectionneur a confirmé que la collection resterait en ses murs, pour peu qu’on leur adjoigne l’hôtel de Montfaucon adjacent. François Hollande a donc visité la Collection Lambert le 15 juillet, confirmant les engagements de son prédécesseur… N’oubliez pas d’y passer pendant vos séjours avignonnais, de vous attarder dans les brouillards infernaux de Claude Lévêque, devant le diaporama autobiofictif de Nan Golnin, les couleurs épaisses et lyriques de Barcelo, les regards vidés de Douglas Gordon… Mais si vous voulez cet été plonger dans un univers singulier, c’est vers l’Église des Célestins qu’il faut vous diriger. Elle est littéralement habitée par Sophie Calle. Rachel, Monique met en scène la mort de sa mère avec une impudeur si extrême qu’elle se transmue en recueillement. Plus encore, en rencontre. Filmer le tout dernier instant de sa mère, lire publiquement ses journaux intimes,

Exposition Sophie Calle, Eglise des Celestins, Fetival d'Avignon © Agnes Mellon

jouer avec le mauvais goût de l’attirail du deuil, bouquets et crucifix, Lourdes et pierres tombales, ex-voto et cercueil surmonté d’une horloge à néon, cela pourrait horrifier et vous laisser dehors… mais l’amour est palpable, entre cette mère mondaine, naïve et vivante et cette fille morbide, solitaire et fulgurante, qui lui fera franchir le Styx en un dernier voyage amoureux vers le pôle (voir aussi, à Arles, les vidéos d’hommes et femmes qui découvrent la mer). Elle offre à sa mère, dans cette chapelle impudique qu’elle habite en chair, le plus beau mausolée qu’une fille ait jamais conçu. AGNÈS FRESCHEL

Les chefs d’œuvre de la Collection Lambert Avignon jusqu’au 11 novembre 04 90 16 56 20 www.collectionlambert.fr

J'ai reve d'un autre monde, Claude Leveque © D.M

Rachel, Monique Église des Célestins, Avignon jusqu’au 28 juillet, de 11h à 18h 04 90 27 66 50 www.festival-avignon.com Pour la première et la dernière fois Chapelle Saint-Martin du Méjan, Arles jusqu’au 2 septembre 04 90 96 76 06 www.rencontres-arles.com

Maillons forts son «sujet imposé» offre un voyage saisissant au cœur de l’humain et de son environnement. À l’ère des réseaux sociaux, qui nous connectent plus vite que notre désir à des «amis» virtuels, le projet est emballant de réalisme. Lors du vernissage, le 20 juin, les curieux se sont massés à la découverte des figures connues ou anonymes de la ville.

Exclamations en découvrant la poissonnière perchée en haut de la colline Saint-Jacques «elle attend la marée ?» ; trouble avec la cavalière postée dans une église «elle a l’air inquiète» ; étonnement avec cet homme en équilibre dans ses champs «mais c’est loulou ça ! comment il arrive à tenir ?». Leur regard porté sur les images -fictives ou réalistesVernissage Autoportrait de Cavaillon © D.M

Invité par la Scène nationale, Christophe Loiseau, photographe associé à la compagnie Skappa, a réalisé un singulier Autoportrait de Cavaillon, visible dans tous les recoins de la ville. À partir de la «théorie des Six degrés de séparation» de Frigyes Karinthy, il a photographié 32 portraits d’habitants immergés dans leur ville. Afin que la série lui échappe, il a instauré une règle du jeu : quatre habitants choisis au départ de quatre chaines ont présenté quatre personnes qui à leur tour passaient le relais, jusqu’à créer quatre circuits photographiques, auquel s’est greffé un cinquième commandé par des mécènes. Un étonnant réseau humain exposé sur les grilles et supports volontaires, de façon malheureusement très étendue, faute d’autorisations, forçant une déambulation longue et disparate. Mais le jeu en vaut la chandelle, tant la cartographie créée par ces images d’1 mètre sur 2, réalisées d’octobre 2011 à juin 2012 après une discussion nourrie entre le photographe et

prolonge la théorie et ouvre un espace de dialogue. Les photos, admirablement éclairées, «j’ai mis du temps à comprendre la lumière de la Provence», sans trucage mais quelques bricolages tirant vers le fantastique, sont empreintes d’une impressionnante sensation de réalité augmentée. Chacune est un petit théâtre porteur d’un message personnel. «Que les gens mettent beaucoup d’eux-mêmes dans les images, j’ai l’habitude, confiait Christophe Loiseau, mais c’est la première fois que je libère la rencontre. C’est comme une partie de tennis, c’est l’échange qu’on a eu qui nous a amené vers l’idée de l’image. Je n’étais que spectateur de ce qui m’a été donné à entendre.» DELPHINE MICHELANGELI

Autoportrait de Cavaillon Rues de Cavaillon Jusqu’au 3 sept 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com


70 ARTS VISUELS VAR Edouard Boubat, Mon petit-fils Remi ecoutant la mer, aout 1955 © Edouard Boubat, Gamma-Rapho

Boubat l’intemporel Après Robert Doisneau et Willy Ronis, autres grandes figures de la photographie humaniste, la Maison de la photographie de Toulon fait la part belle à Edouard Boubat. «Classique» inclassable comme Lartigue ou Cartier-Bresson… L’accrochage, sobre et lumineux, s’attache aux années 50 à Paris, quand son œil fige les scènes quotidiennes, les infimes détails, dessine un portrait à vif des quartiers et de leurs habitants : chaises vides au jardin du Luxembourg, jeux d’enfants quai aux Fleurs, terrasse de café à Saint Germain des Prés. Poétiques, voire abstraits comme ces gerbes d’eau éclaboussantes, les images défilent et c’est le Paris de Boubat qui palpite ! À l’étage, place aux voyages, de Bruxelles au Sahara, des Pyrénées orientales au Mali, on sent toute l’humilité du photographe face à son sujet, comme en retrait, sa manière d’accrocher un regard, de débusquer l’insolite sans jamais frôler le folklorique. Si l’exposition balaie ses années de photoreporter, juste après la Seconde Guerre

mondiale, et ses portraits de célébrités, c’est pour mieux se focaliser sur «sa célébration de la vie». Comme à Paris encore, entre les années 70 et 95, où il capte mieux que personne le «minuscule», l’indicible entre les gens, les paysages, ce qui flotte dans l’air. Le style est immuable, indémodable et reconnaissable au premier regard : la photo est chez lui comme une respiration vitale. On l’imagine, jusqu’au bout (il est mort en 1999), bienheureux, comme son petit-fils Rémi écoutant la mer, les yeux clos et rieurs devant l’objectif de son grand-père. C’était en 1995.

suspensions None aux pliages «silencieux», ou au Japon quand il dessine une ligne de mobilier d’extérieur à l’esprit zen. D’alvéole en alvéole de pierres, on appréhende progressivement son process jusqu’au clou du spectacle : le fauteuil en cuir moulé et son repose-pieds RUBIS, et une chaise en cuir stratifié à accoudoirs Strates, trônent majestueusement. Sébastien Cordoleani a réussi à élaborer une assise, mener essais et ten-

tatives, faire éclore ses idées grâce au sellier Michel Pochon… Là encore la rencontre est déterminante «pour poser un nouveau point de vue sur la technique traditionnelle», et réinventer l’objet.

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Photographies Edouard Boubat jusqu’au 22 septembre Maison de la Photographie, Toulon 04 94 93 07 59 www.toulon.fr

Atout cuir Pour le designer aixois Sébastien Cordoleani, l’enjeu de la carte blanche dans un espace d’art était de taille : vastes espaces et nouvelle méthodologie. Aussi, plutôt que de travailler à partir de la matière -le cuir, qu’il affectionne particulièrement, la noire obsidienne qu’il a découverte au Mexique ou le liège des forêts de Flassans tout proche-, il décida de mener ses recherches sur la typologie de la chaise, «objet usuel et véritable icône aussi». Le résultat de cet exercice de style prend la forme d’un parcours ponctué de murs de recherches hétéroclites (photos, dessins, prototypes), de séries d’objets inédits et de pièces uniques ancrées dans des amas de liège en miettes : corbeilles, lampes, miroirs, vases, verres à dégustation tapas… L’ensemble, cohérent, inventif, élégant, dévoile les méandres d’un esprit fonctionnel et créatif nourri à l’aune de ses rencontres et de ses résidences à l’étranger, comme sur les rives du lac de Côme quand il imagine les

Rencontre avec Sébastien Cordoleani (sélectionné à la BJCEM de Bari en 2007 et lauréat de la Design Parade 2007) le 16 septembre à 17h dans le cadre des Journées européennes du Patrimoine

CUIRS, Rubis, Strates, Pattern Sébastien Cordoleani jusqu’au 16 sept Espace d’art Le Moulin, La Valette-du-Var 04 94 23 36 49 www.lavalette83.fr Vue de la premiere salle d'exposition de Sebastien Cordoleani, Le Moulin, La Valette, 2012 © X-D

Un petit air de Clavé Pour sa dernière exposition à la tête de l’Hôtel des arts de Toulon, et avant que s’ouvre une nouvelle ère artistique, Gilles Altieri met en scène des peintures et sculptures du barcelonais Antoni Clavé, décédé en 2005 à Saint-Tropez. Trois bronzes devant le porche, puis un portrait photographié par Bonhomme et une longue liste de repères biographiques dans le hall d’accueil : de quoi apprivoiser le visiteur. Son commissariat se focalise sur la production des 30 dernières années car l’œuvre est prolifique, dans un dialogue nourri entre les médiums : peinture, sculpture, gravure mais aussi décors et costumes pour l’opéra et la danse (autrefois Roland Petit). On s’éternise, tout à la joie d’embrasser d’un même regard trois toiles dédiées au Greco aussi fascinantes qu’énigmatiques : A Domenikos T, L’homme sans visage et Caballero sur fond noir réalisées en 1965. Véritable concentré de la mémoire de Clavé de l’art pictural espagnol. On retrouve les collages

M.G.-G.

qui ont fait sa réputation et dans lesquels il excelle à assembler papier peint, punaise, kraft en lambeaux, plaque d’aluminium et plomb… Ce même plomb qu’il fond dès les années 60 pour créer des sculptures mystérieuses, aux volumes imposants, où la figue humaine joue à cache-cache avec des cageots, quand elle n’est pas masque ou trophée. Les huiles sur aluminium ou sur toile font une démonstration de force avec leurs larges proportions, leur palette éclatante ou sombre, leur papier froissé en trompe l’œil. Mis ainsi en appétit on reste sur sa faim, orphelin de livres, de carnets, de photos qui auraient offert un vrai bain de Clavé. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Jusqu’au 2 septembre Centre méditerranéen d’art, Toulon 04 94 91 69 18 www.hdatoulon.fr

Antoni Clave, Vu a Vicky Street, 1983, Huile et collage sur toile, 195x360 cm © ADAGP, Paris 2012


APT | VOLX ARTS VISUELS 71

© A.G.

Tout Apt se pressait à la Fondation Blachère en ce 29 juin pour le vernissage de l’exposition Des tigres et des peintres dont l’invité, Hassan Musa, présentait ses dernières créations en écho avec d’autres, plus anciennes, de Freddy Tsimba, Aimé Mpané, Chéri Chérin, Cyprien Tokoudgaba, Barthélémy Toguo, Franck Lundangi, Joe Ouakam, Dominique Zinkpe, Tamsir Dia, Mouhamadou Dia, Camara Gueye, Solly Cissé et Abdoulaye Konaté. Le titre, un peu mystérieux, a été choisi par l’artiste en référence aux tableaux d’Eugène Delacroix «J’ai toujours aimé ses tigres» confie l’artiste franco-soudanais, qui travaille la peinture sur de grands morceaux de tissus assemblés, évoquant ainsi de manière évidente ou métaphorique le rapport entre l’Occident et l’Afrique. Ainsi le public est parfois invité à participer à l’achèvement de l’œuvre comme avec son Saint-Sébastien en tirant des fléchettes sur le tableau truffé de réservoirs remplis de peinture, ou encore à déplier son livre en tissu, Hassan Musa donnant quelques clés pour mieux déchiffrer ses œuvres aux couleurs éclatantes particulièrement dans la série Mordus par un tigre. «Le premier, Soyinca mordu par un tigre, inspiré par Indienne mordue par un tigre de Delacroix, parle du conflit qui a opposé Soyinka à Senghor sur la question de l’identité africaine, le concept de «tigritude», s’opposait à la «négritude» de Senghor (…). La réponse : No Tigers in Africa.» À côté de Obama mordu par un tigre, on trouve aussi I love you with my iphone où l’on voit Ben Laden en figure christique, inspiré par L’Assassinat de Murat de David, ou Application Mao, «comme une recette de cuisine», plaisante l’artiste qui ajoute que son sujet, c’est le bricolage, le travail sur la matière et les couleurs. En effet, il

© A.G.

Tous mordus

aborde les tissus transparents comme un aquarelliste, jouant sur les superpositions et les reflets qui changent selon la lumière et l’éclairage. Une œuvre où l’esthétique ne renie pas un certain engagement. ANNIE GAVA

Des tigres et des peintres Jusqu’au 7 octobre du mardi au dimanche de 14h à 19h Fondation Blachère, Apt 04 32 52 06 15 www.fondationblachere.org

La voix de l’olivier L’Écomusée l’Olivier, au sein du Parc Naturel Régional du Luberon, accueille depuis 2006 les amoureux de l’arbre mythique. Son créateur, Olivier Baussan, amoureux de la Provence et de l’art contemporain, y a réuni deux de ses passions en accueillant pour la première fois un artiste en une résidence de trois semaines. Action qui se répètera désormais tous les ans. Pour cette première c’est l’artiste belge, Bob Verschueren, connu internationalement pour ses œuvres éphémères, qui propose ce qu’il appelle Installation végétale. Après des débuts autodidactes dans la peinture il s’est très vite orienté vers un travail exécuté à partir d’éléments naturels. Son installation pour l’Écomusée présente six belles jarres couchées, issues des collections, desquelles s’échappent branches nues, noyaux

la première fois qu’il travaille avec l’olivier, dont la flexibilité des jeunes branches l’a séduit en lui permettant une occupation fluide et harmonieuse de l’espace. Parallèlement il montre des photos de ses réalisations précédentes, et un arbre sonore auquel sont accrochés de petits écouteurs en forme d’olives qui livrent des sons de l’intérieur du corps de l’arbre. CHRIS BOURGUE

Bob Verschueren jusqu’au 27 octobre Écomusée, Volx (04) www.ecomusee-olivier.com Bob Verschueren © Patrick Box

séchés et feuilles, en spirales. Sa rencontre suscite l’émotion tant cette œuvre dégage de quiétude et de recul, témoignant de son regard

gourmand sur des choses humbles qu’il transcende et magnifie, mais aussi d’une réflexion apaisée et profonde sur la vie et la mort. C’est

François Bazzoli revient. Il parlera à Volx du Végétal dans l’art contemporain et s’entretiendra avec Bob Verschueren à l’Écomusée l’Olivier


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PHILOSOPHIE

LE TRAVAIL

Faut-il travailler ? La fin du sarkozisme, le début des vacances et accessoirement les sujets de philosophie au bac peuvent donner envie de repenser le travail. Qu’est-ce que les plus ou moins vieux travailleurs que nous sommes (ou pas) pensent de leur travail ? Et au fond, pourquoi travaille-t-on ?

Commençons par la fin : l’éloge du travail par le fameux «travailler plus…» s’est fait sur fond de destruction des acquis sociaux liés au travail, et de renfort de ce qui dévalue le travail, à savoir le capital : plus qu’à tout autre époque mieux valait avoir un capital financier que travailler durant ces cinq dernières années ! Le marché ne s’est jamais aussi bien porté : les produits financiers, aussi absurdes et meurtriers soient-ils, continuent de prospérer (pari sur la dette des États, sur leur insolvabilité…). Cette hégémonie du marché a pour conséquence et principe la précarisation du travail salarié. Or, comme la rappelle Castel dans les Métamorphoses de la question sociale : «L’histoire sociale montre que ce sont les régulations sociales construites à partir du travail qui ont promu cette domestication relative du marché dont l’aboutissement a été le compromis de la société salariale.» C’est donc par le renforcement du droit du travail par exemple que la société peut devenir humaine. Mais n’est-ce que pour des raisons de rapport de force qu’il faut travailler, à savoir pour contrer les actionnaires ?

Suer ou pas Le capitalisme, avant d’être strictement financier, plonge ses racines dans l’éthique protestante d’après Max Weber. Travailler est salutaire, le loisir est répréhensible. On ne travaille pas pour avoir, mais pour être sauvé de la malédiction divine qui condamne l’oisiveté. Le travail n’est pas une punition, comme le présente la condamnation de la Genèse après le péché originel : «Tu travailleras à la sueur de ton front»… C’est un des multiples paradoxes du travail : se garder de l’oisiveté est universel, mais aussi un châtiment divin, et les nobles ne devaient pas travailler. Il faudra attendre la révolution économique aux origines de 1789 pour valoriser les marchands, les bourgeois, et plutôt comme faisant travailler les autres, au moins pour les tâches domestiques. Le travail n’a donc rien de très excitant dans ses

déterminants théoriques et mythiques. Le mot travail lui-même en français est relié à la souffrance par son étymologie (tripalium instrument de torture ou de joug des animaux), encore à l’œuvre dans le travail des parturientes. À ses origines le travail est donc assumé par des esclaves, sur fond de discrimination raciale qui durera jusqu’au 20è siècle. Ainsi les Grecs ne travaillaient pas afin de se concentrer sur la politique et la contemplation. Pourtant depuis la massification du travail salarié, le travail est devenu le lieu de construction de la politique: c’est là, syndiqué ou non (plus consciemment s’il est syndiqué !), que le travailleur fait l’expérience des rapports de force qui construisent la société ; qu’il

et des objectifs individuels, ou une précarité qui interdit de construire du lien. Mais enfin, comme le disent Hegel et Marx : l’ouvrier qu’on exploite est bien supérieur au patron qui exploite, puisque le travail est ce qui distingue l’homme de l’animal, puisqu’il est LA culture. De fait c’est par son biais que l’homme modifie la nature. L’abeille aussi direz-vous mais justement : l’architecte conçoit la maison dans sa tête avant de la faire alors que l’abeille fait sa ruche instinctivement, par nécessité. Bref l’homme peut ne pas faire sa maison, il est libre (même s’il faut la faire parce que il est tard, qu’il faut aller se coucher et qu’il risque de faire froid… !). L’abeille, elle, ne peut pas ne pas faire sa ruche ; tout

Les Temps Modernes de Charlie Chaplin © X-D.R

s’instruit de ce qu’il fait en travaillant, c’est-à-dire des liens de subordination auxquels il participe. Qu’il fait l’expérience du collectif, et donc de la polis. Le travail, dans sa syndicalisation, est donc le lieu où les individus se désatomisent, c’est à dire ne sont plus isolés.

Fier de son travail ? C’est cette construction du collectif qui peut expliquer un autre paradoxe du travail, à savoir que les travailleurs en sont fiers. Alors même qu’il est de plus en plus mécanisé et perd son sens, qu’il n’est plus une œuvre (work en anglais a ce sens), plus un métier, impliquant un savoir-faire, mais un emploi, impliquant simplement une occupation du temps, ou un job, littéralement un «bout» de travail. La perte de sens intervient dès lors que, comme le disait Marx, l’outil n’est plus au service de l’ouvrier, mais l’ouvrier se met au service de la machine. Elle intervient d’autant plus aujourd’hui quand le travail isole les individus et les rend productifs sans les rendre sociaux, chacun face à un écran

comme le castor son barrage, etc… Par ailleurs le maître a besoin de l’esclave pour vivre car il ne sait rien faire ; alors que l’inverse n’est pas vrai. Donc vive le travail chez Hegel et Marx ? Chez Marx oui, dès lors que le travail est désaliéné : c’est-à-dire quand les travailleurs possèdent leur outil de production et savent ce qu’ils font. Ce qui implique une autre désaliénation idéologique, la lutte contre l’idée que le travailleur a besoin d’être dirigé, d’avoir un chef. De multiples expériences ont montré l’inverse. Au Chili, ou par ici : Raymond Aubrac fut démis de ses fonctions de Commissaire de la République parce qu’il laissa à la Libération des entreprises de la Région de Marseille gérées par les syndicats ouvriers. Des travailleurs qui gèrent leur lieu de travail, ensemble ? Alors oui, on pourra être fiers et travailler plus, pour gagner plus… d’humanité ! RÉGIS VLACHOS



74 PATRIMOINE ENTRECASTEAUX | VAISON

Le fort qui surveillait Marseille La citadelle Saint-Nicolas surplombant le VieuxPort fût-elle construite au XVIIème siècle pour contrôler les abords maritimes ? Ou bien plutôt pour surveiller une cité phocéenne réputée pour son indiscipline ? Isabelle Guérin, l’architecte du patrimoine responsable des travaux de restauration, penche vers la deuxième hypothèse. 400 ans plus tard, le bâtiment a perdu sa vocation militaire et s’est dédoublé, pour devenir un Pôle d’Insertion et de Formation Professionnelle sur la partie supérieure (le Fort d’Entrecasteaux), et un espace privé accueillant une programmation culturelle sur la partie basse (le Fort Ganteaume). Inauguré le 4 juillet dernier, le site du Pôle d’Insertion est le fruit de trois années de chantier intense : il fleure encore bon le bois neuf, et on voit dans la cour des blocs de pierre blonde. La spécificité des travaux engagés par l’Association Acta Vista est de promouvoir l’insertion professionnelle de personnes non qualifiées, en les formant aux métiers de la restauration. Houria Bahiri, une ancienne technicienne du spectacle, s’est ainsi reconvertie à 54 ans. Orientée par le PLIE1, elle est venue apprendre la maçonnerie et la taille de pierre : «Nous sommes trois femmes, sur

© G.C

une centaine d’apprentis. Ce n’était pas facile au début, mais les hommes nous ont bien acceptées, et les formateurs sont excellents. J’ai accepté tout de suite, à cause du site, qui est exceptionnel. J’espère pouvoir continuer sur d’autres chantiers patrimoniaux.» Isabelle Guérin vante elle aussi les qualités des Compagnons chargés d’encadrer les ouvriers, et elle évoque avec fierté les normes d’éco-construction qui ont été appliquées sur ce site classé monument historique : récupération des eaux pluviales, pompe à chaleur, isolation chanvre et chaux... Le tout en

respectant la Charte de Venise2, et le principe selon lequel «tout acte de restauration doit se voir, mais dans une harmonie générale». GAËLLE CLOAREC 1

Plan Local pour l’Insertion et l’Emploi Adoptée en 1964 lors du IIe Congrès international des architectes et des techniciens des monuments historiques. 2

Les énigmes de la perdrix Alors que Vaison Danse (voir p. 17) emplit le théâtre antique, on peut aussi le découvrir en passant par le Musée Théo Desplans : ce remarquable musée archéologique présente en quelques sections commentées avec justesse les différents aspects de la vie de Vasio, l’ancienne ville florissante des Voconces. Le circuit thématique est intelligemment mené : préhistoire et protohistoire avec des stèles en grès du VIème av JC ; évocation de la ville gallo-romaine par l’exploitation de l’eau (techniques de construction de la digue de l’Ouvèze avec des pieux de chêne), les tuyaux de plomb, un robinet, soulignant l’importance sociale de l’eau dans la civilisation romaine ; statues impériales du théâtre, lieu essentiel, politique autant que culturel ; commerce et artisanat avec les pesons des métiers à tisser, les outils, les amphores, qui rappellent l’importante activité de la ville ; la section religion et funéraire avec ses délicates statues dévoile l’osmose entre les traditions indigènes et les cultes romains ou

orientaux ; enfin, des maquettes de maisons gallo-romaines permettent de mieux comprendre les vestiges qui entourent le musée et se prolongent

l’évolution de la Maison du Dauphin avec des reconstitutions en 3D, des évocations des personnages qui ont pu l’habiter dans des attitudes

Mosaique du paon sites antiques de Vaison-la-Romaine © Ville de Vaison-la-Romaine

de l’autre côté du parking (sur 5 hectares !). Nouveauté cette année, un petit film ouvre la visite : étude de la ville antique et principalement de

familières, scène de repas entre amis, dame à sa toilette dans l’oecus, reconstitution des meubles, des fresques, des mosaïques (à voir celle au paon du musée)… une vie douce

et opulente. Les pierres arasées deviennent soudain plus loquaces, la visite peut s’effectuer, notre imaginaire dispose d’éléments précieux pour faire revivre les ruines. Ne pas oublier de demander à l’entrée du musée de petit livret-jeu gratuit pour les enfants : le jeune Lucius doit résoudre un certain nombre d’énigmes pour aider la perdrix à retrouver ses amis. L’approche de notions parfois ardues devient une fête et les grands se prennent bien vite au jeu ! Du 16 juillet au 26 août le plus grand site archéologique de France offre aussi des démonstrations vivantes, tous les jeudis de 14h30 à 18h, du savoir-faire des artisans galloromains, et les mercredis à 16h15, ce sont les différents repas de la journée avec collation et dégustation ! Des plaisirs intelligents, à ne pas manquer! MARYVONNE COLOMBANI

Vaison la Romaine 04 90 36 02 11 www.vaison-la-romaine.com


LES PORTES DU TEMPS | JOURNÉES PATRIMOINE

PATRIMOINE

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Les Portes du temps, Terra Amata 2011 © X-D.R

Chantier archeologique Glanum 2011 © Heloise Guigue Colier

Pour rajeunir les portes L’intitulé semble sorti tout droit d’une saga de SF, à la fois mystérieux et stimulant, Les portes du temps… Quelle belle invite ! Cette opération a été lancée en 2005 par le ministère de la Culture et de la Communication en partenariat avec le ministère de la Ville et de l’Acsé dans le cadre «des objectifs communs en faveur de la cohésion sociale, de l’intégration, et de l’accès des publics défavorisés à la culture». Les instances de l’État comme celles des régions soutiennent l’initiative, parce qu’elle correspond à un réel besoin de la population et s’appuie sur un travail profond de démocratisation des savoirs. En effet les lieux que sont les musées ou les monuments ne sont pas fréquentés naturellement par la jeunesse. Casser les réticences, dédramatiser l’accès à la culture, permettre à chacun une véritable appropriation de son patrimoine, pérenniser les dispositifs mis en place, c’est ambitieux, mais voici déjà la 8ème édition, avec 15 participations nouvelles dont pour notre région la Seyne sur Mer avec le Musée Balaguier (architecture et botanique jusqu’au 21 juillet), le Musée de la Faïence du Château Pastré à Marseille (ateliers d’Arts plastiques jusqu’au 27 juillet) ou le Centre International d’Art Contemporain de Carros (approche sensuelle de l’Art contemporain jusqu’au 27 juillet). En tout, 56 musées et monuments ouvrent ces fameuses Portes du temps à plus de 35 000 jeunes en France, ceux issus de milieux défavorisés étant prioritaires. S’adaptant à ses publics, Les Portes du temps ne tombent cependant pas dans la banalité de la simple animation, mais cherchent à exploiter les sites partenaires comme des lieux de réflexion au premier sens du terme : on y interroge les signes, les traces du temps, on interprète, on expérimente, on crée, à partir de parcours structurés autour d’une thématique. Formation des personnels d’accueil, intervention d’artistes professionnels issus du spectacle vivant, des arts plastiques, médiateurs culturels, éducateurs, scientifiques, tout est mis en œuvre pour favoriser le dialogue, même la période choisie, les vacances scolaires d’été, et celles de la Toussaint. Les objectifs pédagogiques et culturels sont renouvelés chaque année pour éviter l’essoufflement, et les jeunes à partir de 7

ans sont concernés, avec une attention particulière apportée au public exigeant des adolescents. Pour ce faire, les discours scientifiques comme artistiques sont exigeants, et une véritable immersion est proposée, ces actions pouvant durer plusieurs jours. Ainsi, à Nice, le Musée de Paléontologie humaine de Terra Amata offre des journées «type préhistoire» du 6 au 10 août : visite rallye, énigmes, dont un puzzle scientifique et la rencontre avec un paléontologue, atelier de fouilles préhistoriques, puis de reconstruction de la cabane de Terra Amata, production du feu comme les marins du néolithique ! À Glanum (Saint Rémy de Provence) un stage de 5 jours (association EMAHO) invite les ados jusqu’au 27 juillet à mettre en son et en images un

conte mythologique (création des personnages, des objets, des décors, numérisation, montage de leur DVD), mais il y a aussi une réalisation d’animation en pâte à modeler (storyboard à partir des vestiges de Glanum), un atelier roman photo, un autre d’initiation à l’archéologie, au tissage, à la mosaïque, à la vie des enfants gallo-romains… Alléchant n’est-ce pas ! Un apprentissage dynamique où l’on se confronte aux savoirs et à leurs applications, mais qui garde pourtant un bel air de vacances… MARYVONNE COLOMBANI

Les Portes du temps http://lesportesdutemps.culture.gouv.fr

Une décision du présent Pour leur 29e édition les 15 et 16 septembre prochains, les Journées du Patrimoine prendront des allures de chasse au trésor. En attendant de connaître en détail la programmation régionale, le thème retenu des «patrimoines cachés» pique d’ores et déjà la curiosité. Il convie à la balade, et surtout à une gymnastique du regard tous azimuts. En haut, en bas : descendre dans les sous-sols à la découverte du patrimoine souterrain (caves, cryptes ou galeries minières), ou au contraire grimper, escalader, survoler pour découvrir depuis les hauteurs l’architecture et l’histoire des espaces urbains ou naturels. Dedans/dehors : chercher les vestiges enfouis sur les sites archéologiques, regarder derrière les façades, pénétrer dans les coulisses des théâtres et des cinémas, pousser les portes des bibliothèques, des églises, des demeures, pour en découvrir le fonds, les collections et les archives… Voilà donc un parti-pris ludique et dynamique qui tient à une éducation du regard, invitant à redécouvrir son environnement pour peu qu’on change de points de vue, au sens propre

comme au sens figuré, à condition de prendre de la distance, de changer ses perceptions, pour percevoir la force de témoignage de ce qu’on n’appréhende pas comme patrimoine habituellement : bâtiments militaires, industriels, ouvrages d’arts, laboratoires, hôpitaux ou cinéma, pourquoi pas ? Ce sera aussi, espérons-le, l’occasion à ne pas manquer de découvrir des sites habituellement peu visitables et les métiers méconnus du patrimoine. En s’éloignant ainsi de la muséographie classique et monumentale pour convoquer d’un regard neuf la mémoire des lieux familiers, ces propositions touchent au cœur même des choix de conservation et d’accessibilité : que faut-il montrer ou «cacher», exhumer ou ré-enterrer, transmettre ou oublier ? Le patrimoine n’est pas un capital immuable reçu, c’est une décision du présent, qui consiste à choisir sans cesse l’avenir qu’on invente. Alors préparez-vous : patrimoine caché, enfoui, oublié, secret, rien n’est tant convoité que ce qu’on ne peut voir ! AUDE FANLO


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HORIZONS

LYON

Romans en l’AIR !

À Lyon, sur les rives de la Saône, les 6e Assises Internationales du Roman (AIR) ont réuni des écrivains de tous horizons dans un grand élan de partage, abolissant frontières et différences linguistiques, soutenues entre autres par la ville, la Région Rhône-Alpes, la DRAC, le CNL. Rassemblés en tables rondes les écrivains se livrent, dans leur langue propre, à la lecture d’un texte spécialement rédigé sur le thème du jour. Pour laisser la possibilité d’apprécier les sonorités de chaque langue, la traduction n’en est pas donnée en instantané mais dans une note que l’on trouve sur chaque siège. Un ou deux modérateurs, journalistes ou animateurs de radios, ouvrent ensuite le débat. Le thème de cette année, «Penser pour mieux rêver», a permis d’aborder, au cours de onze tables rondes, des thèmes extrêmement divers... Le mélange des genres s’est montré stimulant pour les esprits !

Que faire de la réalité...

Sur le thème du pouvoir et des privilèges, Éric Reinhardt a dialogué avec Jonathan Dee et Thierry Pech, économiste ; pour eux l’argent, terrible instrument de pouvoir et de séduction, met aujourd’hui en danger jusqu’à la notion même d’amour, tout en creusant un abîme profond entre les classes sociales. Les marginaux économiques sont d’ailleurs au centre des romans de quatre auteurs qui ont affirmé chacun le rôle essentiel de la littérature pour leur donner une parole vivante ; très remarqué notamment Charles Robinson qui a gratifié le public d’une lecture rythmée et gestuelle, et l’a étonné par l’évocation d’un roman qui met en scène et en paroles les habitants d’une cité HLM fictive, ainsi que l’américain Nick Flynn qui retrace le parcours de son père SDF à Boston ; quant au soudanais Mansour El Souwaim, il se sent investi d’une responsabilité en faisant l’éloge des oubliés de la société, notamment les enfants abandonnés. Une problématique jumelle habitait le militant chilien Luis Sepúlveda qui cite comme référence le courage de Zola lors de l’affaire Dreyfus ; il affirme qu’il lui est «difficile d’imaginer une littérature P. Nadas et P. Pachet © C.B.

où le conflit entre l’homme et ce qui l’empêche d’être heureux serait absent.» Avec lui Jean Hasfeld, grand reporter, évoque son travail de longue haleine sur le génocide du Rwanda à l’écoute des deux ethnies tandis que le documentariste américain, Frédérick Wiseman, déclare ne pas connaître la structure de son documentaire tant qu’il n’a pas visionné tous les rushes ; c’est ensuite qu’il cherche un fil, une histoire. Tous les trois plongent dans la réalité politique qui devient leur matière artistique. La mémoire y participe aussi. Que reste-t-il de notre vie et de la quête du bonheur ? Bernard Comment et Francisco Goldman en recherchent inlassablement les traces avec nostalgie ; parfois il ne reste que des bribes évanescentes et imparfaites, et le travail du romancier consiste à reconstruire l’intime mais aussi la mémoire collective, comme le souligne la psychanalyste Caroline Éliacheff.

... et des femmes ?

C’est à ce travail-là que le hongrois Péter Nádas et Pierre Pachet se sont livrés, mettant en lumière le rôle délicat de l’écrivain : il ne doit trahir ni l’Histoire, ni les humains de la fiction. Ainsi ils ont su se fondre dans la chair même de leurs personnages féminins avec une vérité troublante, n’inventant rien pourtant, et se basant sur des événements réels de la dernière guerre. La place des femmes dans le paysage littéraire a été évoquée par trois écrivaines (le seul homme, l’allemand Christoph Hein, étant excusé) : l’on a, bien sûr, répété qu’il n’y a pas d’écriture féminine, mais que la parité n’est pas encore atteinte. Laure Adler, qui en profite pour saluer le nouveau gouvernement, rappelle Beauvoir, et Duras qui déjà parlait du «neutre» de l’écriture : qui est-on quand on écrit ? La réunion sur le plateau de la Mauricienne Ananda Devi et de l’Iranienne Zoyâ Pirzâd a mis en lumière la force vitale de l’écriture dans des pays où la place de la femme est bafouée. Car parler du roman permet à chaque échange d’affiner sa perception du monde. Kaléidoscope du réel, il aide à sa compréhension. Condition nécessaire pour parvenir à le changer. CHRIS BOURGUE

Les Assises Internationales du Roman ont eu lieu aux Subsistances, Lyon, du 28 mai au 3 juin

La ville de Nantes cultive sa mémoire, son passé industriel et ses mutations contemporaines en alliant tourisme et art contemporain Créé en 2011, Le Voyage à Nantes, structure financée par la Métropole, centralise les énergies autour du Patrimoine, de la Culture et du Tourisme. C’est «un parcours tout public de 10 km qui peut se faire à pieds et permet une découverte sensible et ludique du territoire», déclare, très enthousiaste, son directeur Jean Blaise, adjoint à la Culture de JeanMarc Ayrault depuis 1982, en présentant le projet au 32ème étage de la Tour Bretagne ; construite dans les années 70, relookée par Jean Jullien, elle est désormais Le Nid d’un immense oiseau qui occupe l’espace Bar.

Au coin des rues...

On va de surprise en surprise en suivant le fil de peinture rose qui conduit de rue en place. D’abord le château des Ducs de Bretagne, construit à la fin du XVème, étincelant de la blancheur du tuffeau et enchâssé par l’eau verte des douves. Gardien de l’Histoire il n’en montre pas moins avec humour une création-vidéo de Pierrick Sorin qui joue tous les rôles pour retracer les grandes dates de l’histoire de la ville. Les rues adjacentes sont tendues de Tissus urbains, bannières et fanions créés par Quentin Foucompré et Olivier Texier, à l’écoute des récits des habitants. Place du Bouffay on est surpris par Monte-meubles, de l’argentin Leandro Erlich, portion de maison suspendue à 10 m au-dessus des têtes qui reprend le vocabulaire architectural des façades alentour. Place Royale, habituellement occupée par une fontaine, on découvre Mont Royal(e), un mur d’escalade vert et blanc en forme de Mt Gerbier des joncs, réalisé par Block Architectes, qui invite au jeu. Quartier Graslin arrêt à «La Cigale», brasserie classée de 1895, traversée du passage Pommeraye où Jacques Demy a tourné Lola, et découverte des deux installations d’Agnès Varda, Des chambres en ville, hommage à Demy, et La chambre occupée, œuvre engagée qui questionne sur les oubliés de notre société en reconstituant un squat. Si l’île Feydau a perdu son caractère insulaire par l’assèchement de l’Erdre, ses riches demeures XVIIIe conservent la mémoire du passé négrier de la ville dans un saisissant témoignage, le Mémorial de l’abolition de l’esclavage,


NANTES

HORIZONS 77

L’Art renverse La Belle Endormie !

Francois Morellet, De temps en temps © JD Billaud Nautilus Nantes

de Krysztof Wodiczko et Julian Bonder, avec un parcours souterrain et aérien sur les quais. Plus loin un lieu du passé industriel, LU, Lieu Utile qui reprend le nom du célèbre biscuit, s’est reconverti en scène nationale, lieu de création qui propose tout l’été, Playgrounds !, des jeux sportifs, imaginés par des architectes, désacralisés et sans règles, où l’erreur est permise !

…ou au fil de l’eau

Traversez la Loire : vous êtes sur l’île de Nantes. Anciennement domaine industriel, la pointe ouest devient un creuset de projets fous. Royal de Luxe y est né, compagnie d’artistes multitâches qui sillonne le monde depuis la fin des années 80 et dont les Géants font rêver grands et petits ; la troupe a d’ailleurs donné gratuitement du 15 juin au 1er juillet sa dernière création, Rue de la chute, devant un public toujours fervent. Proches voisins, Les Machines de l’île présentent un bestiaire mécanique, parent de l’imaginaire de Jules Verne, né à Nantes. Installés dans les Nefs des chaudronneries, fermées en 87, François Delarozière et Pierre Orifice ont imaginé un lieu ouvert au public où l’on peut entendre le barrissement de l’éléphant qui déplace ses 49 tonnes d’acier en balançant sa trompe, et surveiller la construction de la prochaine machine, L’arbre aux hérons. À noter, le Carrousel des mondes marins, merveilleux manège de 3 étages qui vous transforme en Capitaine Nemo... Pour parfaire une reconversion réussie, la ville continue à construire sur un million de m2 constructibles, en associant architectes et paysagistes : le Palais de Justice de Jean Nouvel, la Maison de l’Avocat, l’École d’Architecture et son bel-

fluorescent ; plus loin L’île flottante faite d’épaves de Fabrice Hyber, La maison dans la Loire de Jean-Luc Courcoult, co-pie des maisons du coin plongée au milieu du fleuve. Mais aussi, Péage sauvage, du collectif hollandais Observatorium, étonnante structure en bois, représentant un tronçon d’autoroute qui permet d’observer la nature... Enfin, pour votre repos, vous pourrez hésiter entre les six Quai des Antilles - Anneaux de D. Buren et de P. Bouchain, Creation Estuaire 2007 © Patrick Gerard chambres du Château du Pé, décorées par védère dominant la Loire, les Écoles d’Art et de des couples d’artistes, la Maison-cheminée, Design... Les quais sont aménagés avec plage, nichée par le japonais Tatzu Nishi à 15 m du sol, jardins thématiques ; un ancien entrepôt garde ou encore l’hôtel Sozo installé dans la chapelle son nom de Hangar à bananes et accueille d’un couvent... restaurants et galeries d’Art. Sur l’autre rive, au Alors pour vos escapades estivales envolez sud, l’ancien village de pêcheurs de Trentemoult vous vers Nantes. Elle sera Capitale verte de L’Eudevient un lieu de villégiature coloré, accessible rope 2013, à une heure d’avion de celle de la en navette fluviale. Culture... Autant en profiter et jeter un pont entre Le Voyage à Nantes s’accompagne de la 3ème ces deux villes périphériques dans une France édition du projet Estuaires qui installe des œu- trop centralisée ! vres d’art, la plupart pérennes, sur les 60 km de CHRIS BOURGUE l’estuaire de la Loire. Sur les quais on croise Les anneaux de Daniel Buren et Patrick Bouchain, De Installations visibles jusqu’au 19 août temps en temps, l’œuvre lumineuse de François ou en permanence Morellet anime une façade de 6 000 m2, Lunar www.levoyageanantes.fr tree de Mrzyk & Moriceau, arbre de résine blanche www.estuaire.info


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HORIZONS

CROATIE

2013 sera aussi l’année de la Croatie, qui entrera définitivement dans l’Europe, forte de sa culture : des échanges sont prévus avec la France. Iront-ils jusqu’à notre région ? Étrange et complexe histoire que celle de la Croatie, creuset de populations multiples, des Illyriens de l’âge de bronze aux Slaves qui migrent des Carpates vers le Sud : Celtes, Grecs, Romains, Germains, Wisigoths, Lombards, Huns… Le royaume de Croatie attesté au Xème siècle avec le prince Tomislav à sa tête, a connu un destin mouvementé, entre Hongrie, Venise et Empire ottoman. Puis la France Napoléonienne, période marquée par une modernisation des infrastructures et l’enseignement des langues locales, et un autre impérialisme, celui des Austro-Hongrois. Enfin la Yougoslavie, et à la fin de la guerre de 1991-92, la reconnaissance par la communauté européenne de la Croatie, le 15 janvier 1992. Paradoxe d’un pays jeune doté d’une histoire d’une extraordinaire richesse ! Proportionnellement à sa superficie, il compte plus de villes dont le patrimoine est protégé par l’UNESCO que la France ou l’Allemagne ! Les strates de son histoire se lisent dans les pierres, les arts et les traditions populaires. En 2010, le chant Ojkanje, chant polyphonique reposant sur des respirations tenues, des mélismes, une techni-

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Un capital

culturel

euroméditerranéen que de trémolos particulière venant de la gorge, des gammes tonales limitées, a été inscrit par l’UNESCO

sur la liste du Patrimoine universel nécessitant une sauvegarde urgente. Neuf autres éléments culturels sont inscrits sur la Liste représentative du Patrimoine culturel immatériel de l’humanité, comme la dentelle de Pag, aux points si serrés et à la géométrie si précise qu’elle tient debout toute seule. Deux dentellières de l’île de Pag vivaient en permanence à la cour de l’empereur d’Autriche tant leurs

travaux étaient fins. On visite aujourd’hui encore le charmant petit musée de Pag où les techniques de l’école des dentellières (toujours active) sont présentées.

À voir !

Il faut encore se rendre à Nin, surnommée la Bethléem croate tant elle possédait de lieux de culte, où l’on peut visiter la «plus petite cathédrale du monde» ! Il s’agit de l’église de la Croix Sainte, du IXème siècle, d’un blanc floconneux posée au milieu de vestiges du moyenâge. La ville de Zadar, l’antique Jadera des Romains, constitue un superbe condensé de l’histoire, par son musée archéologique, dont les collections nous font remonter à la Préhistoire, ses récipients de terre cuite sur quatre pieds du Néolithique moyen, ceux à figures noires en provenance de la Grèce, ses statues d’empereurs romains, Octave-Auguste, Tibère… ; par les monuments toujours visibles, son immense forum romain, les ruines de l’église Sainte-Marie de «Pusterla» du haut moyen-âge, la Stomorica, son cloître renaissance, l’église de Saint Chrysogone, le protecteur de la ville, du XIIème et ses statues aux étranges déhanchements du XVIIIème, son musée d’art sacré, l’un des plus extraordinaires qui soit, avec un tableau de Carpaccio et surtout, si l’on excepte la richesse des reliquaires, les sculptures de bois peint d’une taille quasi humaine, représentant le Christ et ses

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douze apôtres destinés à l’origine au sanctuaire de la cathédrale de Zadar (première moitié du XVème s.). Chaque visage, chaque attitude sont différents et expressifs. Enfin, l’église Saint Donat et son plan typique de la période byzantine et carolingienne, avec dans la structure de ses murs, les fragments de «récupération» du forum : un antique tambour de colonne sert de soutènement ici, un chapiteau là, le toit de bois qui sans doute, outre sa beauté, favorise la bonne acoustique du lieu qui accueille de-puis 30 ans un festival international de musique de la Renaissance.

Dynamisme et ouverture

Impossible de citer tout ce qui fait le charme culturel du voyage ! À cela il faut ajouter la douceur des rues pavées de larges dalles blanches, les façades qui offrent des surprises, un mascaron inattendu, une volute, des fenêtres à meneaux… Le dynamisme de la ville comme du pays se retrouve dans une volonté permanente d’amélioration, de restructuration : peu de façades gardent encore des traces d’impacts de la guerre récente, on reconstruit, on décore, on veut oublier ce qui déchire, se tourner vers l’avenir. Ainsi la nouvelle construction sportive de Zadar d’une capacité de 8 600 places ressemble à un immense ovni posé à la périphérie de la ville. Le front de mer de Zadar est entièrement rénové, avec l’adjonction de perspectives aussi surprenantes que les Orgues Marines, œuvre primée de l’architecte Nikola Bašić, sur une longueur de 70 m, de larges marches descendent vers la mer, au niveau le plus bas a été installé un système de tubes dans lesquels la mer s’engouffre, comprimant l’air et produisant ainsi des sons harmonieux dont la puissance varie selon la force des vagues, flûte de Pan géante où l’instrumentiste n’est autre que la nature ! L’atmosphère en est chargée de magie. Non loin de là, construit la même année 2005, par le même architecte, le Salut au soleil, dalle de 22 m de diamètre composée de modules photovoltaïques qui absorbent la lumière du soleil la journée et alimentent la nuit les éléments lumineux selon une suite programmée. Un cadre en acier borde l’ensemble portant les noms des saints tutélaires des églises de Zadar. L’été, les différentes places reçoivent des concerts, comme la place des Cinq Puits. La beauté des lieux a inspiré les plus grands, Alfred Hitchcock était enchanté par les couchers de soleil sur la rive de Zadar, «les plus beaux du monde». Il est vrai que la baie, le labyrinthe des îles Kornati, (anciens repères des pirates) avec ses variations de végétation constitue un ensemble magique. Plus loin, dans les montagnes, le parc naturel de Paklenika, dans le massif du Velebit, est doté d’histoires multiples : le dédale creusé dans la montagne par l’armée de Tito est pressenti aujourd’hui pour abriter des expositions et des spectacles : les travaux sont en cours. On trouve aussi le long des sentiers de randonnée des écriteaux «Winnetou». Il s’agit des lieux où le célèbre western allemand a été tourné, des clubs de fans s’y rendent régulièrement ! L’acteur français, Pierre Brice, coqueluche des box-offices en Allemagne, y jouait le rôle du guerrier apache, éponyme du film. Bref, c’est logiquement que la Croatie va entrer dans l’Union Européenne : le traité a été signé en 2011 et prendra effet en 2013. Cet automne commence l’année de la Croatie en France avec de nombreuses manifestations culturelles à Paris. À la demande de l’ambassadeur de Croatie à Marseille, un échange est en préparation entre la ville de Zadar et Marseille-Provence, à l’automne 2012 pour la délégation française en Croatie et en 2013 pour la venue des Croates à Marseille, dans le flux porteur de MP2013. Une semaine de la Provence est organisée à Zadar, avec bien sûr des produits agro-alimentaires de notre région, mais surtout la proposition de spectacles de théâtre et de musique. Il est à souhaiter que les relations commerciales, touristiques et culturelles ainsi établies se pérennisent : tant par leur histoire que par la Méditerranée où elles baignent ensemble, nos régions ont beaucoup à partager. MARYVONNE COLOMBANI

Mensuel gratuit paraissant le deuxième mercredi du mois Edité à 32 000 exemplaires imprimés sur papier recyclé Edité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse | n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008 Directrice de publication Rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@wanadoo.fr 06 09 08 30 34 Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.) photo couverture Agnès Mellon 095 095 61 70 photographeagnesmellon.blogspot.com Secrétaires de rédaction Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42 Delphine Michelangeli d.michelangeli@free.fr 06 65 79 81 10 Maquettiste Philippe Perotti philippe.zibeline@gmail.com 06 19 62 03 61 Directrice commerciale Véronique Linais vlinais@yahoo.fr 06 63 70 64 18

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