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74 HISTOIRE LA CIOTAT | ÉCHANGE ET DIFFUSION

Le passé sous les flots En 1966, André Malraux créait un département dédié à la recherche archéologique sous-marine, le DRASSM, conscient de l’extraordinaire importance du patrimoine qui dormait sous les eaux, et des dangers qu’il encourrait… «Rêves d’enfants et instincts lucratifs continuent de lorgner le fond de nos mémoires englouties, et l’État doit pouvoir continuer à exercer sa vigilance» souligne le ministre de la Culture qui baptise le successeur de l’Archéonaute (1967-2007), navire dédié à la recherche sous-marine pour le DRASSM*, nommé André Malraux. Pour marraine, la fille de l’écrivain ministre, Florence Malraux. Frédéric Mitterrand évoque les multiples missions de son ministère (voir p. 4) et explique : «La construction d’un bateau est sans doute l’une des réalisations les plus inattendues et originales qu’il m’ait été donné de conduire.» La technologie de pointe mise en œuvre dans le projet est au service du «temps long de la tradition». Motif de satisfaction, l’activité générée par la construction aux chantiers de La Ciotat : le ministre salue les ouvriers qui ont participé à la construction du navire et exprime sa fierté de constater que si la construction

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Le maire de la Ciotat et F. Mitterrand © MCC/DRASS

Baptème de l'André Malraux © MCC/DRASS

navale «fait partie des plus anciennes réalisations de l’homme, elle lui permet aussi de se réapproprier son histoire». Dans le domaine de l’archéologie sous-marine, la France est pionnière, grâce aux travaux de Cousteau, d’André Malraux, des directeurs successifs du DRASSM dont l’actuel directeur Michel L’Hour. Et si le Préfet souhaite utiliser le bateau pour des missions de surveillance, le ministre lui rappelle fort à propos les missions premières de recherche et préservation du patrimoine archéologique sous-marin, pour lesquelles il a été conçu. Car en Méditerranée, la mer aussi recèle des trésors de vie et de mémoire insoupçonnés… MARYVONNE COLOMBANI

*DRASSM : Département des Recherches Subaquatiques et Sous-Marines

La réputation de Jacques Rancière n’est plus à faire. Co-auteur avec Louis Althusser et Etienne Balibar d’un ouvrage majeur, Lire le Capital, il rompt par la suite avec le marxisme pour dénoncer la condescendance de certains intellectuels envers les «pauvres». Ayant pu lire récemment son essai intitulé La haine de la démocratie, le public marseillais était légitimement intéressé par son regard sur la politique de la fiction. Malheureusement, lors d’une conférence absconse, il n’a pas véritablement éclairé sur ce qui fait «la différence entre démocratie littéraire et démocratie politique». Si l’on a pu comprendre ce qui séparait Platon, «pour qui la fiction est mensongère», d’Aristote, «qui estimait la poésie plus véridique que l’histoire», si l’on a apprécié les éclairages du conférencier sur la subversion de Madame Bovary ou de Julien Sorel, une approche plus claire aurait été bienvenue. De la part d’un homme qui défend l’idée d’une sortie du règne de l’expertise pour permettre une réelle démocratisation du savoir et de la vie politique, on peut même penser que c’était le minimum requis... G.C.

Cette conférence a eu lieu le 9 fév dans le cadre d’Échange et Diffusion des Savoirs

Ce baptême a eu lieu le 24 janv à La Ciotat

Marylène Patou-Mathis © DRFP Odile Jacob

La malédiction de Cham Elle donne un peu le vertige, cette conférencière, qui remonte et dévale quelques siècles en une heure, pour nous rappeler le regard porté par l’Occident sur «l’autre lointain» à travers le prisme scientifique et l’imaginaire collectif. Si son discours impressionne, ce n’est pas parce qu’il y a beaucoup à dire en peu de temps, mais parce que l’histoire superposée des «sauvages» et des «primitifs» vue par la «civilisation» est empreinte des pires horreurs qui soient : racialisme, esclavage, eugénisme, exploitation et traitements inhumains jusqu’à la nausée. On pourrait espérer que ce cauchemar soit derrière nous, mais la théorie unilinéaire et progressive des cultures qui a longtemps prévalu continue insidieusement à répandre son poison hiérarchisant: «Pour certains de mes collègues anglo-saxons, même s’ils ne sont pas créationnistes, hors du Sapiens, il n’y a pas d’humanité. Depuis la parution de mon livre1 sur l’homme de Néanderthal, au contraire, d’autres s’en emparent comme d’un modèle écolo et non

violent ! Or, il est juste différent, il est aussi absurde de le porter aux nues que de le descendre.» Marylène Pathou-Mathis est préhistorienne, mais c’est aussi quelqu’un qui a vécu avec les Bushmen du Kalahari, d’où peut-être son indignation lorsqu’elle évoque le Musée du Quai Branly, conçu de telle manière qu’il suggère une Europe sans primitifs. Manière de signifier que l’Autre, c’est toujours celui qui doit être maintenu Ailleurs, aussi bien géographiquement qu’historiquement. GAËLLE CLOAREC

Cette conférence a eu lieu le 2 fév à l’Hôtel du département, Marseille dans le cadre d’Échange et Diffusion des Savoirs 1

Néanderthal, une autre humanité Marylène Pathou-Mathis Perrin, 2006


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