Zibeline n°27

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du 25/02/10 au 25/03/10 | un gratuit qui se lit

Les Parnas crĂŠent

Lignes de Faille

se s ne u e rj e i h ca



Politique culturelle Le théâtre populaire Le mois des femmes, Région/Europe

4, 5 6, 7

Théâtre Le Massalia, le Merlan, le Dakiling Aubagne, le Jeu de Paume, Petit Matin Avignon Arles, Cavaillon, Château-Arnoux Les Bernardines, Xavier Marchand, Catherine Marnas Au programme

8 10 12 13 14 16 à 19

Danse Le Pavillon Noir Les Hivernales, le Merlan, Draguignan Au programme

20 22, 23 24, 25

Cinéma Nous, Princesses de Clèves, portrait d’Antoine Héberlé Manosque, Clermont-Ferrand Rousset, Digne, le Toursky ASPAS, Aubagne, Ouest Pce Les rendez-vous d’Annie

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Arts visuels Au programme Espace Ecureuil, MAV PACA Bernard Plossu, la Fondation Monticelli Le musée Réattu, Muséon Arlaten Le musée Granet, le musée Ziem

32, 33 34 35 36 37

Musique Hommage à Pierre Barbizet Lyrique Concerts GTP Concerts Au programme Disques

38 39 40, 41 42 43 à 50 51 52, 53

Livres Art, littérature Les éditions Anacharsis, CRDP Olivier Cadiot, au programme Rencontres littéraires Sonia Chiambretto

54 à 59 60 61 62 63

Sciences Les Écoles Centrales, au programme Philosophie Daniel Bensaïd Histoire Haïti ZIBELINE JEUNESSE Événements ABD Gaston Defferre, Cité nez clown Éducation Prix littéraire PACA, Carnavals Garçons/Filles ERAC, Ballet Preljocaj Spectacles Festival Les Élancées Les Salins, le CREAC, le théâtre de Grasse Sainte-Maxime, Le Revest, le Massalia Fos, le Badaboum théâtre, GTP Le Gyptis Au programme Livres/disques

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I II III IV V VI VII VIII IX X à XII XIII, XIV

Liquidation En hiver les saisons culturelles de l’année suivante se bouclent. Les artistes vendent leurs propositions aux programmateurs, les cinéastes cherchent des financeurs, les plasticiens des cimaises gratuites… À cette époque l’an dernier, les compagnies étaient inquiètes : il leur manquait des moyens pour créer, elles prévoyaient une année plate. Aujourd’hui elles contemplent le précipice. Toutes le disent : les scènes, atrophiées, n’achètent plus leurs créations, et prévoient, réductions de budget obligent, de faire tourner des spectacles moins chers qui rempliront les salles sans trop de risque, et maintiendront un semblant de fonctionnement. Si cela se confirme, la plupart des compagnies vont être purement liquidées. Plus aucun artiste de notre région ne trouve tranquillement les moyens de financer des projets d’envergure. Les plus installés ont quelques dates, des reprises, ou des formes inachevées, pauvres, des solos, des duos, des lectures. Tous sont contraints de travailler sur des répertoires ou dans des transversalités, des formes qu’ils n’ont jamais souhaitées. Parce que les programmateurs les y obligent. Parce que la diffusion ne marche qu’à ce prix. Et petitement. Que faire ? Certains veulent dénicher des financeurs privés, jouer sur le poids économique du secteur… C’est oublier que la culture ne saurait s’enfermer dans une logique de rentabilité, et que les restaurateurs financent rarement les théâtres qui fournissent leur clientèle. Que faire alors ? D’autres parlent d’établir des réseaux de diffusion, ou de subventionner moins de gens, d’arrêter le saupoudrage, de se concentrer sur l’excellence... C’est oublier que les salles sont pleines, particulièrement dans notre région, et que le problème ne vient pas d’une pléthore d’offres mais d’une absence de moyens. La pauvreté des propositions en est, souvent, la conséquence. Comment agir ? Avant tout refuser les enfumages actuels qui, pour décrédibiliser les artistes, les accusent d’avoir raté la démocratisation, d’être trop nombreux, élitistes, intermittents, hermétiques, populistes, bourgeois, miteux, sexistes, sectaires, onéreux. S’ils le sont parfois (certains mêmes sont mauvais !), cela ne justifie en rien la destruction systématique du secteur. Qui fonctionnait indéniablement mieux qu’ailleurs, avant que n’éclate l’évidente nécessité de tout bazarder. Il faut donc simplement, et solidairement, réclamer les crédits nécessaires à la vie des compagnies, des orchestres, des galeries, des éditeurs, des labels et cinéastes indépendants, des festivals de recherche et de création. Tout ce qui fait la richesse de notre territoire, et notre identité nationale (oui oui, c’est bien là qu’elle est). AGNÈS FRESCHEL


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POLITIQUE CULTURELLE

LE THÉÂTRE POPULAIRE

Les Amis du Théâtre Populaire d’Aix fêtent en ce moment leurs cinquante ans, qui coïncident avec ceux du Ministère de la Culture. Occasion idéale pour réfléchir, débattre, mettre en spectacles et en voix la question du public. Mais même le débat réunissant le 30 janvier des acteurs importants de la vie culturelle ne parvint jamais à poser les bases communes d’une réflexion. Faute de s’entendre sur les termes, et les objectifs

Photographie de Ito Josué

Si le Théâtre Populaire de Jean Vilar avait pour but de fabriquer un public proportionnellement représentatif de toutes les classes sociales et de tous les âges de la population vivant en France, force est de constater que cette utopie est un échec. Les constats dressés tous les dix ans (1973, 1981, 1989, 1997 et 2008) par le Ministère sur les Pratiques culturelles des Français disent clairement que le théâtre ne nous concerne pas tous.

Jamais vu ! On ne peut qu’être atterrés par les 42% de Français qui n’ont jamais vu un spectacle de théâtre professionnel. Mais il faut les rapporter aux 71% de personnes qui n’ont jamais assisté à un concert de rock, réputé plus populaire. Seul le cirque (22%) ou les arts de la rue (38%) sont plus fréquentés que le théâtre. Hors du champ du spectacle dit vivant, 23% des Français «seulement» ne sont jamais allés dans un musée d’art ou de civilisation, mais ils sont 61% à n’avoir jamais fréquenté une galerie d’art. On peut donc regretter que le théâtre ne concerne pas chacun, comme à l’origine à Athènes, mais il est moins attaché à contenter exclusivement un public bourgeois qu’avant Vilar. En cela, son Théâtre Populaire, et le Ministère de la Culture, sont des réussites.

Culture bourgeoise ? En effet, si l’on s’attache à définir les pratiques culturelles des différentes classes sociales, le théâtre est relativement démocratique. Certes les cadres et professions intellectuelles sont 4 fois plus nombreux que les ouvriers et employés (ceux qui y vont le font en outre 2,5 fois plus souvent au cours d’une année) ; mais ils sont aussi 10 fois plus nombreux à avoir lu au moins un livre au cours de l’année, et lisent en moyenne 4 fois plus de livres. Or on ne reproche pas aux bibliothèques, presque gratuites, décentralisées, de ne pas être démocratiques.

De la démocratisation culturelle Plus inquiétant : l’écart entre les classes sociales qui lisent se creuse depuis 1989, alors que la fréquentation des théâtres a tendance à augmenter depuis 20 ans, et ceci dans toutes les classes sociales, y compris les employés. Cet échec de la démocratisation du théâtre est donc tout relatif : rapporté à l’idéal qui a prévalu lors de la création du Ministère de la Culture, il est évident. Mais l’augmentation et la diversification des publics sont tout à fait notables, et quantifiées. Le théâtre résiste, s’impose, beaucoup mieux que le livre par exemple, dans une société à médias multiples où les classes populaires lisent de moins en moins, et sont de plus en plus pauvres et asocialisées.

Éduquer… Que peuvent donc les professionnels du théâtre face à leur demi-réussite ? Ils font déjà, sur le terrain, un travail souvent remarquable, en expliquant, en ouvrant des ateliers de pratique, en s’occupant de médiation. Car ce n’est pas simplement en abaissant le prix des places comme Vilar le prônait, ou en instaurant la gratuité au musée comme l’a suggéré Nicolas Sarkozy, que les classes populaires y viendront en masse. Il s’agit bien sûr d’ouvrir les portes autrement. Il faut se poser la question de ce qui empêche les gens d’y entrer, en repensant les liens entre éducation et culture. Vilar se trompait sans doute, et Malraux après lui, en assignant à l’Art seul des vertus de révélation : pour eux l’école devait éduquer, et les œuvres provoquer un éblouissement. Vision de l’art entachée d’une religiosité très dix-neuvième, et d’une piètre estime envers les enseignants, incapables d’éveiller la sensibilité des élèves. Combien d’artistes racontent pourtant comment un enseignant leur a ouvert les yeux !

… sans moyens ! Or aujourd’hui l’Éducation Nationale se voit privée des moyens qu’elle consacrait à l’activité artistique pour tous : on y prône un enseignement en histoire des arts détaché de toute pratique, les moyens consacrés à l’action culturelle sont diminués. Seuls demeurent des enseignements de spécialité, donc optionnels, qui ne seront choisis que par quelques-uns, sans doute ceuxlà même qui vont déjà au théâtre…

Quant aux associations de spectateurs comme les ATP, elles sont fort peu aidées. Des initiatives formidables comme les Fauteuils voyageurs, ou l’association culturelle de l’École Centrale (voir p 64), travaillent sur cet élargissement du public, tandis que la plupart des Comités d’Entreprise y ont renoncé, proposant aux salariés au mieux du divertissement, au pire du populisme… Ces moyens de démocratisation ayant disparu, comment y remédier ? Changer les œuvres ? La tentation, et le danger, est de vouloir adapter les œuvres à la demande. C’est à cet égard que le débat organisé le 30 janvier a été intéressant. Les œuvres actuelles sont-elles soumises à des impératifs de démocratisation qui les dénaturent ? Marie Raymond, responsable du pôle théâtre à CultureFrance, souligna la prépondérance du cirque et de la danse dans les spectacles promus par le Ministère des Affaires Étrangères, constat partagé par Fabien Jannelle, directeur de l’Office National de Diffusion Artistique. «Le théâtre de texte diminue d’année en année au profit du nouveau cirque, des formes familiales, intergénérationnelles, décloisonnées. Il y en a de très bonnes, comme il y a de très mauvais spectacles de textes. Mais c’est un fait : le spectacle de théâtre diminue car, même s’il remplit les salles, il attire moins les programmateurs.» Marie Raymond précisa alors «l’héritage de Vilar se confronte à la marchandisation de la culture, le théâtre d’action est attaqué, il a aujourd’hui des ennemis à l’intérieur du monde de la culture.» Christian Schiarretti, directeur actuel du Théâtre National Populaire, défendit l’importance de la langue, de l’intelligence des œuvres, du répertoire, affirmant qu’un metteur en scène n’est qu’un passeur. Puis il s’attaqua avec véhémence (et brio) aux programmations actuelles des théâtres et des grands festivals «dirigés par d’ex-étudiants d’HEC» qui «habillent leur Restauration des costumes de la rupture», «confondent dramaturgie d’avant-garde avec amplification des voix et vidéo» et «taxent de ringard tout ce qu’ils ne comprennent pas.»

Guerres intestines Pourquoi cette violence entre gens de théâtre ? Concrètement, les artistes eux-mêmes ont tendance à endosser la responsabilité de ces 42% qui ne vont pas au théâtre


05 ou 61% dans les galeries ; or ce n’est pas a priori l’accessibilité de leurs œuvres qui est en cause, tout comme ce n’est pas la faute à Voltaire si on lui préfère J. K. Rowling, ou l’absence de livre. Les désaccords esthétiques -qui sont nécessaires à l’éclosion d’œuvres diverses, et fructueux en termes de création- dégénèrent actuellement en combats personnels qui interdisent de rationnaliser. De repenser l’accès à la culture en termes de désaliénation. Pas forcément marxiste, mais si la Ferme et le foot constituent des faits «culturels» majeurs, il faut bien à un moment se demander comment on peut lutter contre. Par diverses voies. C’est paradoxalement François Brouat, Directeur Régional des Affaires Culturelles, qui souligna que «la démocratisation théâtrale a bel et bien réussi, grâce au travail des artistes, des collectivités, des ATP aussi…» Catherine Marnas, metteur en scène associée à la Scène Nationale de Gap depuis 14 ans, parla de présence sur le long terme, de fidélisation, de rendez-vous. «Les choses se bâtissent», approuva François Brouat. Elle parla aussi de son travail avec des amateurs, de sa foi en un lent cheminement, progressif, en «rhizomes, non pyramidal, par des réseaux qui se contaminent.» Du fait d’aller plus loin, malgré les obstacles. Après cela la salle prit la parole, en particulier Catherine Dasté. Qui dit que les photos commandées par son père (voir encadré) n’étaient pas des photos de spectateurs, mais de passants. Qu’on avait utilisé le visage de ces gens éblouis, qui «pour la plupart n’avaient jamais poussé la porte d’un théâtre». Et que regretter l’âge d’or du Théâtre Populaire n’avait pas de sens… Sinon pour faire croire que cet idéal est caduc. Qui y a intérêt ?

Vive le théâtre ! Seconde Nature croise les univers du photographe Ito Josué et du plasticien du mouvement Antoine Schmitt. Deux formes qui font écho à la question du spectateur au cœur de la réflexion des ATP et de Jean Dasté, alors directeur de la Comédie de Saint-Étienne et commanditaire des photographies de spectateurs. L’exposition s’ouvre sur un magnifique portrait de Jean Dasté, se décline ensuite en 60 clichés noir et blanc d’une saisissante beauté : un mur d’images où l’on découvre -étonné- la mixité du public amassé sur les places et sous le chapiteau du cirque Rossi dans les années 1948-1963, leur joie sur leur visage, leur attention dans leur regard, leur gravité troublante. Debout ou assis, tous âges confondus, les plus jeunes sur les épaules de leurs aînés, en couple ou en famille, parfois sous une pluie battante, tous font corps vers ce qu’ils regardent. Visages éclairés de l’intérieur, réunis dans la publication Le théâtre de

ceux qui voient. Plus distanciées, les œuvres d’Antoine Schmitt prennent les spectateurs à rebrousse poil : dans Psychic on les regarde et on les guette, dans Le Grand générique d’un film qui n’a ni titre, ni début, ni fin, le hasard relie des anonymes, sans chronologie ni ordre alphabétique. Et c’est toujours, comme l’écrivait Jean Dasté, «le pouvoir du théâtre qui éveille, qui éclaire et qui rassemble.» On ne saurait mieux dire. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Le spectateur est un autre Ito Josué et Antoine Schmitt jusqu’au 5 mars Seconde Nature, Aix 04 42 26 83 98 www.atpaix.com

Pratique du nettoyage Un petit duo situationniste ouvrait l’anniversaire des ATP d’Aix : brouillon, brouillé par un bruit constant de chaufferie dans la salle de presse de la Cité du Livre… mais tout de même drôle, et questionnant. Parce qu’il y était question d’une femme et d’un homme de ménage, de leurs pratiques et rêves artistiques. De leur désir d’être acteur, danseur, écrivain, photographe, du décalage entre ce rêve et ce qu’ils savaient faire, se trémousser, faire la tortue, pousser le cri de Médée, détourner des fonds pour se faire éditer… Tout en époussetant fermement ils réaffirmaient que le désir d’art est universel, forcément populaire. Mais qu’y atteindre n’est pas évident ! A.F.

Service de nettoyage ou le corps social a été présenté les 28 et 29 janvier Service de nettoyage © Paolo Santoné

AGNÈS FRESCHEL

Source des chiffres Pratiques culturelles 2008, DEPS, ministère de la Culture et de la Communication

Tragédie populaire Il fut un temps où la cérémonie tragique regroupait femmes, enfants, hommes, esclaves et citoyens. Au Ve siècle avant notre ère le théâtre naissant fut immédiatement populaire. Olivier Py, directeur du Théâtre National de Chaillot, tente en décentralisant de petites formes de théâtre antique d’aller chercher ailleurs le public du théâtre. Après quatre dates à Paris, et avant une longue tournée dans de nombreux établissements d’Île de France, son adaptation pour trois comédiens des Suppliantes d’Eschyle (en 1 heure, Olivier Py sait aussi faire court) viendra dans le Pays d’Aix se faire entendre par tous les publics : l’aprèsmidi dans les établissements scolaires (Lycée Cézanne le 2 mars, collège de Fuveau le 3, salle de Peyrolles le 4, Lycée de la Nativité le 5), le soir dans les salles de

théâtre (Pavillon Noir le 2, La Roque d’Anthéron le 3, Rousset le 4, le Tholonet le 5). Un événement donc à la portée de tous, avec trois immenses acteurs (Philippe Girard, Mireille Herbstmeyer, Frédéric Giroutru), un texte fondateur, et une vraie démarche de théâtre populaire. Soutenue par la Fondation Rotschild ! A.F.

Les Suppliantes du 2 au 5 mars Pays d’Aix 04 42 26 83 98 www.atpaix.com


Et les femmes alors ?

La journée des femmes se profile, alors que le Ministère vient de publier un rapport affolant sur le nombre de femmes aux «places de responsabilité» dans le monde de la culture (nous y reviendrons longuement le mois prochain…). Amusant que ce mois de mars, qui est aussi le mois des fous et des poètes, soit devenu celui de la femme : le voisinage n’est pas déplaisant, mais situe les femmes hors du champ de la raison ! Ambiguë aussi cette pratique qui consiste à concevoir des manifestations unisexes, seul moyen de prendre un peu la parole : les affiches des festivals et des saisons théâtrales, musicales, et même chorégraphiques sont toujours aussi masculines, parfois exclusivement... Si elles sont le seul moyen de rétablir un peu l’équilibre pour un temps, alors vivent les festivités féminines ! Elles ont aussi l’avantage, puisqu’historiquement les femmes créatrices sont peu nombreuses, de pencher vers la création plutôt que vers le répertoire. Mais comme ces manifestations se font hors des circuits officiels masculins, leur manque de moyens les amène parfois à fleurer l’amateurisme. Ce qui apporte de l’eau au moulin des sexistes ! On retiendra, assez arbitrairement il faut le dire, trois manifestations au caractère très différent (sans oublier le 8e festival Mars en Baroque, voir p45) : Festifemmes, chaque année depuis 15 ans, affirme dans tout Marseille que les humoristes femmes existent (il ya 15 ans il n’y en avait pas), et qu’elles font rire d’elles-mêmes, des hommes, des inégalités, des différences. Rire qui souvent permet de mettre au jour une solidarité féminine, qui dit bien le poids de l’opClarika © Laurent Seroussi

pression. Cœur @ prendre d’Edmonde Franchi est à ce titre emblématique. À la fois impudique et tendre, le onewoman-show dit toute la difficulté sociale et psychologique d’être une femme seule… et ceci en un spectacle qui s’adresse à tous grâce au rire. À Aubagne c’est par une exposition collective que la «parole» est donnée aux femmes. Cette année Reg’Art leur a demandé de poser leur œil sur la planète, de donner leur vision à voir. 70 artistes ont répondu à l’appel, certaines connues d’autres anonymes, certaines créant une œuvre pour l’occasion et d’autres exposant simplement ce que leur vision du monde leur avait déjà commandé. Une occasion de se demander en quoi le regard des femmes modèle le monde différemment. À Saint-Martin-de-Crau et alentours, la manifestation Voix de femmes est, contrairement à ce que son nom semble indiquer, parfaitement pluridisciplinaire : une exposition (voir p 32), un concert de Anne Queffélec à Tarascon, et des voix bien sûr, du Trio Esperança à Clarika… Un festival qui existe depuis 8 ans, et sait mettre en avant des talents nouveaux, et des voix affirmées, avec une exigence de qualité constante. AGNÈS FRESCHEL

Reg’Art Du 6 au 21 mars Chapelle des Pénitents Aubagne 04 42 18 17 17

noirs,

Voix de femmes Du 6 au 20 mars Centre de développement culturel, Saint-Martin-de-Crau http://cdc-stmartindecrau.fr Festifemmes Du 8 au 19 mars Divers lieux, Marseille 06 82 92 71 11 www.festifemmes.fr


ADCEI | LE MOIS DES FEMMES

Tous les intervenants restèrent dans leur rôle politique préétabli, chacun indiquant par là même ce qu’il entendait par politique culturelle. Le Front National n’était volontairement pas invité, mais Isabelle Bourgeois (UMP), annoncée, n’était pas là non plus, malade nous dit-on, ce qui arrive. Mais enfin ce n’était pas le cas «des autres candidats de la liste Mariani», comme le fit remarquer Patrick Mennucci (PS), qui compléta : «ils ne sont pas là parce que la question posée est gênante pour l’UMP, parce qu’ils veulent que la compétence culturelle des Régions disparaisse, parce qu’il n’y a pas un mot sur la culture dans leur programme.» Donc prédisaitil, «il n’y aura pas débat aujourd’hui, puisque tous les candidats présents soutiendront Vauzelle au second tour.» À voir !

Les Régions, l’État, l’Europe Catherine Levraud (Modem, ex Vert) nota en préambule qu’«en France la régionalisation n’est pas finie, contrairement à l’Allemagne ou l’Espagne, et que les régions doivent réclamer des moyens pour pouvoir mener une politique culturelle.» Puis Ferdinand Richard (Europe Écologie) fit remarquer que son mouvement seul «inscrit l’Europe en son titre et n’a pas une approche jacobine mais fédéraliste.» Il admit que «le bilan culturel de cette région est bien meilleur que d’autres», mais affirma qu’il «fallait inverser la mécanique topdown, ne plus considérer la culture comme un outil de

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Économie et politique Au début de la rencontre, Catherine Levraud se réjouissait d’avoir à parler culture «car c’est un endroit où la vision politicienne s’efface devant les dossiers, et où par obligation on travaille avec les autres sans clivage, ce qui correspond à la volonté des centristes.» Visiblement Alain Hayot a une vision diamétralement opposée. «On doit discuter de politique culturelle européenne dans les mêmes termes qu’on discute de politique nationale. Sauf qu’il n’y a pas de politique culturelle européenne aujourd’hui. Mais s’il y en avait une, elle serait libérale ! Or nous défendons une culture émancipatrice, pas une culture qui rapporte.» Quant au «topdown» évoqué par Ferdinand Richard, Alain Hayot affirma qu’il n’existait plus : «Sur les 10 milliards que la France dépense pour la culture, 7 milliards sont assurés par les collectivités territoriales, dont 60% par les villes. Cela fait longtemps que la culture n’est plus le fait du Prince. Dans son financement du moins elle part du bas.» D’où les inquiétudes quant à l’avenir : «Le budget culturel des villes va essentiellement aux dépenses d’équipement, ou de fonctionnement des grosses structures, musées, conservatoires. Elles ne pourront couper là-dedans si leur budget diminue. Et ce sont aussi les 3 milliards dépensés par les régions et les départements qui permettent aux associations de fonctionner. La disparition des Départements, de la compétence culturelle des Régions et de la Taxe Professionnelle sont trois phénomènes conjugués qui vont assécher complètement la création.» Que faire ? «On ne peut plus être enfermés dans des logiques de cogestion avec un État prescripteur qui n’est plus le principal payeur. Il faut rompre avec les modèles, se fixer des objectifs émancipateurs. On le peut, on a du poids, même si le secteur culturel se caractérise par une précarité de l’emploi et peu de conventions collectives. En France la culture est le premier secteur économique, avant l’automobile, en PACA c’est le premier secteur d’emploi. Il représente une part considérable du PIB. D’ailleurs les libéraux commencent à prendre la mesure de ce que peut rapporter l’économie de la connaissance.» La réponse de Ferdinand Richard à cette question sur la politique à mener fut clairement différente : «Il faut construire des réseaux, l’Europe des États ça va dans le mur, la culture ça ne passe plus par l’échelon central de l’État. Les opérateurs culturels doivent avoir des projets d’autonomie, bâtir avec leurs pairs, s’affranchir des Princes et construire une économie sociale et solidaire.» Et Mennucci pensait qu’il n’y aurait pas débat ? © Agnès Mellon

Le 16 février l’Association pour le Développement Culturel Européen et International conviait les candidats aux élections régionales à débattre de la place de la culture dans la construction européenne et, plus précisément, du rôle des Régions à cet égard. Discussion très instructive en ces temps de campagne électorale !

POLITIQUE CULTURELLE

Notre Région et notre (?) Europe propagande national» mais «construire en bas pour aller vers le haut, dans l’idée d’une culture qui n’attend pas les subventions.» Plus précisément, il dit qu’on devait «dépasser la coopération décentralisée, construire d’autres réseaux, ne plus être là pour rayonner mais pour coopérer à l’échelle européenne» et conclut : «N’attendons plus rien du Ministère de la Culture, de CultureFrance et des copains du Président, de la femme de Monsieur Kouchner. Passons au-dessus de l’État, et construisons directement entre Européens des réseaux pour défendre les créateurs.» Patrick Mennucci réagit vivement : «Là j’ai un vrai désaccord. C’est très dangereux de baisser les bras au niveau national ! On ne doit pas laisser l’État se défausser sur une relation Régions/Europe qui l’arrangerait, lui permettrait de se débarrasser du ministère de la culture comme il en a l’intention. Les Régions doivent continuer à réclamer de l’argent à l’État, à faire augmenter son budget culturel, et à faire entrer la culture dans tous les secteurs.» Alain Hayot (Front de Gauche, actuel Vice Président délégué à la recherche et à la culture) avait déjà précisé que sa «vision de la politique culturelle européenne n’était pas précisément positive.» Il ajouta que «le budget annuel de l’Europe pour la Culture, c’est-à-dire pour 27 pays, est de 53 millions d’euros seulement, alors que le seul budget de la région PACA est de 75 millions.» Il admit que «le plan média, destiné aux industries culturelles, est un peu mieux doté, environ 107 millions par an, mais il impose une logique de mise en concurrence des régions contraire au principe de l’exception culturelle.» De même que les «braconnages» ! Alain Hayot parla de ces programmes européens d’éducation, de formation, sociaux, transversaux, territoriaux, (Feder, Fonds Social, Interreg, Equal, Urban, Leader+, ndlr) vers lesquels on poussait les opérateurs culturels à aller braconner des subventions, qui enferment les artistes dans des obligations non culturelles. «L’Europe c’est pas les Bisounours, elle ne prête qu’aux riches, à ceux qui ont déjà des subventions par ailleurs. Quant à l’Union Pour la Méditerranée, elle n’a aucun volet culturel : la volonté de coopération horizontale se heurte dans le réel aux logiques marchandes.»

AGNÈS FRESCHEL

Le débat de l’ADCEI était co-organisé par la revue Mouvement, et mené conjointement par Frédéric Kahn et Frédéric Jambu


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THÉÂTRE

MASSALIA | MERLAN | DAKILING

Décadence baroque Nathalie Garraud et Olivier Saccomano ont présenté le 3e volet de la trilogie Les Suppliantes, recherche sur les formes de la tragédie qui s’achevait avec Victoria. Si l’écriture du jeune slameur Félix Jousserand (voir p 62) n’avait pas la force dramatique des épisodes précédents, le spectacle séduit pourtant par la générosité des jeunes interprètes : le corps gracile, la lourde chevelure de Conchita Paz concourent à faire vivre cette Présidente paumée, écrasée par une responsabilité trop lourde en même temps que grisée par trop de pouvoir, Hugo Dillon est terrifiant dans son rôle de marchand sans âme, Julien Bonnet inquiétant en scientifique raté, et les merveilleuses Victoria savent dispenser leur venin. Car elles sont trois à jouer simultanément le rôle de l’ancienne putain convertie en conseillère du pouvoir, sanglées

Jean-François Garraud est d’ailleurs très plastique, mais le plateau trop encombré d’objets métalliques, chaises, lampes, ralentissait le rythme le soir de la première. Consciente de ce problème de rythme l’équipe a coupé, retravaillé et accéléré et, pour la dernière, la durée était réduite de 25 mn ! Le spectacle y a gagné en intensité, grâce aussi aux musiques allant de Purcell à Presley, qui accompagnaient parfaitement la décadence dérisoire d’une société pourrie. CHRIS BOURGUE

© Du zieu dans les bleus

d’un tailleur noir sexy quand elles ne sont pas torse nu -quelle belle ouverture où elles se préparent en fond de scène derrière un voile ! La scénographie de

Destins croisés La nouvelle création de la compagnie La Part du pauvre, France do Brasil, ressemble à son générique : éclectique mais plus fade qu’il y paraît. Car le métissage n’est pas un gage d’excellence. À force de croiser les écritures (fiction écrite par un auteur burkinabé agrémenté des improvisations des acteurs brésiliens et africains), les genres (théâtre, danse, musique, vidéo) et les histoires personnelles des interprètes, la metteur en scène franco-ivoirienne Eva Doumbia se heurte aux limites multipliées. Le temps s’étire sans que l’on puisse s’attacher aux personnages, la pièce se dilue entre deux cigarettes et perd de sa force de conviction. Dommage, car les chagrins, les bonheurs, les déceptions, les attentes de chacun parlent à toutes les oreilles, mais la succession de mise en situations de tous les «héros de la vie ordinaire» flirte vite avec l’ennui. Car France do Brasil interroge des questions d’une troublante actualité sur l’autre, la différence, l’appartenance, l’identité, l’oubli, l’exil, la clandestinité. Du coup, trop de démonstrations poussives engluent ce mélo-mélo qui finit par nous étouffer. En porte-voix des exclus et des mal-aimés de la vie de Marseille ou Sao Paulo, Eva Doumbia pourrait nous saisir à la gorge et nous emporter vers des rivages plus cléments si sa pièce était moins bavarde, moins explicite. Cela ne tient qu’à un fil : un rythme plus resserré, une énergie plus généreuse. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

France Do Brasil a été créé le 26 janvier au Merlan, scène nationale à Marseille France do Brasil © Tathy Yazigi

Victoria -cie Du zieu dans les bleusa été créé au théâtre Massalia du 19 au 30 janvier

Il était une fois… l’Homme

Les Chiche Capon © Julien Capon - czc

Les Chiche Capon, trois clowns espiègles et fouineurs, se sont installés sur la scène du Dakiling sur laquelle ils avaient fait forte impression lors du festival tendance clown de 2009. Ainsi pendant quatre jours, ils ont choisi de relater l’enquête qu’ils ont menée dans un pub irlandais, Le Oliver St John Gogerty, sur cette question essentielle : quelle vision nos contemporains ont-ils sur l’évolution de l’espèce humaine ? La réponse n’est pas frontale, ni directe, ni scientifique… Sous la forme de saynètes faisant référence à quelques périodes de notre traversée des siècles, les trois clowns proposent avec délectation des interprétations variées, témoignant des réponses formulées par un public irlandais, à une heure de plus en plus avancée et un taux d’al-

cool en constante progression. Pour en rendre compte fidèlement, ils n’hésitent pas à utiliser une panoplie de gags qui font rire aux éclats. La scène de la rencontre avec les traditions asiatiques, les jeux d’échelles sont particulièrement croustillants. Et bien que l’incursion dans notre histoire se révèle au final un peu courte, il semblerait, d’après cette précieuse étude, que nos amis les humains aient évolué grâce à une véritable attirance pour les coups… de massue ! CLARISSE GUICHARD

Le Oliver St John Gogerty des Chiche Capon a joué du 10 au 13 fév au Dakiling, Marseille



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THÉÂTRE

AUBAGNE | JEU DE PAUME | THÉÂTRE DU PETIT MATIN

Deux sœurs À la corbeille du théâtre de l’atelier, le 21 septembre, elles sont assises côte à côte et voient du Pinter. L’une s’ennuie, l’autre s’efforce de regarder avec sérieux. Escapade, leur mère est à l’hôpital, elles se sont octroyé une soirée de répit. C’est évidemment ce soir-là que la mère meurt… Les voici parties avec © BM Palazon

les cendres à la recherche de la tombe de leur père… Le genre de la quête de soi et des origines est ici renouvelé avec un humour décapant. Le rire est la dernière politesse du désespoir, dit-on. La pièce prend l’expression à la lettre, «si on ne peut plus rire de la mort !» s’exclament nos héroïnes. Les scènes se succèdent alors, assemblage de sketches brefs, cocasses, enlevés. Scène dans l’ascenseur, au crématorium, au café, au commissariat, dans les cimetières, dans le bus… Chronologie parfois bouleversée, qui laisse le sens se dévoiler progressivement… Si leurs physiques et leurs caractères s’opposent, les deux sœurs se révèlent indissociables, complices, drôles, émouvantes, délirantes dans ce «road theater» (disent-elles). L’œuvre de Pierre Notte, Deux petites dames vers le Nord, est menée avec maestria. Les deux actrices, Catherine Salviat et Christine Murillo, épous-

touflantes d’aisance, de verve, jouent, chantent (juste et à capella), dansent, nous entraînent dans leur folie. Le coffre à jouets qui sert de siège, de pierre tombale, de car fou, constitue presque tout le décor. La magie du théâtre opère aussi grâce à la mise en scène sobre et efficace de Patrice Kerbrat. Le rire n’est-il pas le meilleur moyen d’accéder à la profondeur ?… Une réussite ! MARYVONNE COLOMBANI

Deux petites dames vers le Nord ont été données au Jeu de Paume du 26 au 30 janvier

Le goût du pâté Olida sur canapé ; sourire 70’ s ; on est bien accueilli au Théâtre du Petit Matin. Jeune fille en short, chemisier blanc, chaussures plates, jupe droite, baskets, cheveux sages, jupe droite, barrette, ventre plat, ventre rebondi... mais c’est bien sûr, elles sont deux avec leurs quatre lèvres rouges et nous y sommes tous à rétropédaler avec elles le je-me-souviens-comme-si-c’était-hier des saintes familles. Tranquillement et bien sagement, cruellement et méthodiquement, sans temps mort et pourtant c’est bien de passé qu’il s’agit, Céline Greleau et Maude Buinoud dévident et croisent au présent leurs petites trames de vie, les yeux, les mains et les pieds dans les mots de Valérie Mréjen dont elle font revivre le Grand Père (charmant opuscule de couleur orangée comme ces années-là). Touchant, pile le geste qu’il faut, le vernis ne déborde pas autour de l’ongle et les récits minuscules se font écho sans forcer… Pas de dialogue, pas de monologue non plus et ça parle tout seul et à tout le monde, «Un jour ma mère...» ou «Pour le mariage de mon frère...», moues en cascade, voix douces, sourires posés au bord

du sanglot, doublés ou trahis comme l’amour -haine des familles par les images vidéo en tapisserie qui se faufilent parfois, pas arrogantes, à leur place c’est tout; on se retrouve tout naturellement avec l’album-photos entre les doigts ; on hésite à feuilleter, à lâcher les jeunes dames du regard, à trop tirer sur le fil du temps retrouvé et des sentiments partagés. Un spectacle de chambre, pas de salon : fragile et vrai comme une première création. MARIE-JO DHÔ

Nos Grands-Pères mis en scène et interprété par Céline Greleau et Maude Buinoud a été présenté au Théâtre du Petit Matin le 23 janvier

Vieil acteur © X-D.R

Le Grand retour de Boris S., sans révolutionner l’écriture théâtrale, est un texte extrêmement bien construit, et recelant des moments intenses et inattendus. Il a été mis en scène par Bluwal et porté par Michel Aumont avec une belle intensité en 2001. Serge Kribus y met en huis clos réaliste le dialogue d’un père et de son fils. À un moment de crise, où Boris vieillissant vient de décrocher un rôle (il est comédien) et veut s’installer chez Henri, que sa femme vient de quitter et qui a perdu son travail (il est architecte). Boulevardier direz-vous ? Par moments, mais pas que. Il y est question de judaïté (Qu’est que ce que c’est, être juif ?) et de transmission, de non dits, d’amour qui se traduit en disputes. Tout cela sonne très juste… Mis en scène par Jean-Claude Nieto au Théâtre Comœdia d’Aubagne, la pièce

délivre modestement toute sa saveur. Si le décor stylisé est trop bleu et design pour cet intérieur qui serait mieux banal, Guillaume Hennenfent interprète avec un front buté ce garçon qui tarde à devenir un homme, et Albert Lerda, en père magnifique et pitoyable, tendre et orphelin, démonstratif et aveugle à ce fils qu’il aime, est vraiment touchant. Tous deux gardent avec un beau courage leur accent marseillais, que nos comédiens ont tendance à gommer sur scène quand d’autres le prennent ailleurs avec maladresse. Ici il est naturel, et rapproche sans doute davantage cette histoire du public venu l’entendre. AGNES FRESCHEL

Le Grand Retour de Boris S. a été créé au Comœdia le 5 février



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THÉÂTRE

AVIGNON

Ci-gît Molière Retracer la vie et l’œuvre de Molière en 90 minutes relève du challenge ! Le comédien Jean-Vincent Brisa est totalement passionné et suffisamment généreux dans son jeu pour se lancer, seul en scène, dans cette aventure. Si le procédé dramatique reste efficace -le comédien se dédouble pour dialoguer avec l’auteur-, le flot de paroles est accaparant et empêche parfois le spectateur de lâcher prise. La scénographie sobre -un fauteuil pour Molière, un tabouret pour l’acteur, une perruque, un chandelierprend une véritable dimension sur la scène des Halles, dont le plateau est un rêve de théâtre où le parcours de Molière prend place : de ses débuts dans la tragédie au passage à la comédie, de ses relations avec Louis XIV dont il a été l’instrument, à son calvaire amoureux ; mais aussi de sa lutte contre l’hypocrisie et de sa difficulté à vivre dans un siècle où l’église exerçait un plein pouvoir politique, et du succès à la calomnie. Le comédien, qui évite la schizophrénie, donne à entendre des extraits, parfois longs, des pièces les moins connues. Molière, sans résoudre son mystère, apparaît émouvant, mélancolique et incompris, malgré son génie comique. Le spectacle se montre ainsi pédagogique et bien documenté. Il prouve à l’évidence l’inventivité inégalée de Molière qui donne une leçon de théâtre -voire un soufflet- à l’acteur.

© Jean-Dominique Rega

«Molière a été, Molière est et Molière sera.» D’accord, mais on regrette en ce cas une approche trop détachée de notre siècle. DE.M.

Molière, une passion a été joué au Théâtre des Halles le 4 février

Dans un astucieux décor, où des panneaux articulés créent trois espaces différents, la compagnie de Stéphane Valensi (qui signe la traduction), a présenté trois pièces du dramaturge juif new-yorkais Murray Schisgal, coscénariste du célèbre Tootsie. Valensi signe ici sa première mise en scène et c’est plutôt prometteur. Présentés dans leur ordre chronologique, Le Vieux Juif, Les Marchands ambulants et 74 Georgia Avenue, explorent les errements et les fragilités des personnages face aux incertitudes du réel et à la difficulté de concilier leur «je» avec le «jeu social». Un triptyque sur les migrations urbaines et les mystères de l’identité. Souvent drôles parce que réalistes, les personnages sont admirablement incarnés par Stéphane Valensi, Marc Berman, Guilaine Londez et Paulin F. Fodouop. Le Vieux Juif nous plonge dans les abîmes de la solitude et de l’oubli. Les Marchands ambulants accueille un trio d’acteurs qui analysent l’exil et le rêve américain, où s’acheter un nom flambant neuf est le gage d’une intégration réussie. Grinçant. Jo le noir américain et Marty le juif newyorkais se découvrent, dans 74 Georgia Avenue, un passé commun qui resurgit sous l’influence de la légende juive du Dibbouk. Une sensation de lecture en noir et blanc traverse ces trois pièces universelles, tragiques, pleine d’humour juif et de fausse légèreté, qui observent l’absurdité du monde au cœur de l’humain. DELPHINE MICHELANGELI

La trilogie Schisgal s’est jouée les 11 et 12 février au Théâtre des Halles, Avignon

74 Georgia avenue © X-D.R.

Welcome to America

Debout les auteurs ! «Une vague qui pense c’est l’âme humaine.» Sur ces vers d’Hugo, Serge Barbuscia, l’homme qui respire théâtre, invite les specta(c)teurs à naviguer entre cinq textes d’auteurs, ravi des passagers clandestins qui débordent de la cale prévue sur scène. «Acte e(s)t parole», devenu depuis trois ans «À l’Abordage», est une traversée théâtrale de trois jours consécutifs. Avant chaque lecture, des bouteilles à la mer, textes courts, forcément touchants, d’auteurs haïtiens. Le rendez-vous des lectures d’auteurs vivants, réunis cette année autour du thème de la famille et du couple, est conçu par Corinne Bernard, directrice de Beaumarchais SACD, qui choisit avec le capitaine du Balcon les cinq textes qu’ils partagent «comme des gourmandises». Avec pour leitmotiv «le théâtre ne peut exister si les auteurs s’arrêtent d’écrire, il faut créer les classiques de demain.» Huit comédiens passionnants ont donc mis en 3D les pièces d’Anne Jolivet, Pascal Bancou, Céline Monsarrat, Michel Le Bihan et Carole Nugue. Tous participent au débat, animé par Radio France bleue, sur les processus d’écriture et questionnements sur le monde. Débat qui a toute sa place à Avignon, si désertée l’hiver. La directrice de Beaumarchais ne cache pas la surabondance de lectures, preuves du déficit en création. Si cette multiplication semble inéluctable, les décisionnaires, submergés de propositions, ne se déplacent souvent pas. Idem pendant le Festival : «si on est pas au musée Calvet avec Luchini, les lectures passent inaperçues.» Ça devient vraiment compliqué. DE.M

À l’Abordage a eu lieu du 29 au 31 janv au théâtre du Balcon, Avignon.


ARLES | CAVAILLON | CHÂTEAU-ARNOUX

THÉÂTRE

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Quelle différence ? Écrit par la comédienne belge Vanessa Van Durme, Femme Blanche est un texte percutant, mis en scène par Jan Steen. Dans les années 20 au Maroc -alors protectorat français-, Claire, une Belge Flamande, vient d’enterrer son mari. Immergés dans la chaleur et moiteur de ce pays détesté, Claire et son jeune serviteur Slimane font l’état des lieux de leurs différences, cherchant ça et là des ressemblances possibles. Le temps s’étire, Claire se plaint, elle est vieille, malheureuse et le mal du pays lui fait désirer plus que tout la verdure et les vaches de son pays… tout en sachant qu’elle serait chez elle une étrangère. Texte cru, violent parfois, qui convoque sur scène les bougnoules et autres nègres d’une Histoire pas si éloignée que ça. Le jeu -formidable- des deux comédiens fait sourire

à leur histoire. Immergé dans ce Maroc-là, le spectateur est en même temps confronté à la résonance moderne de cette violence. En partant de l’Europe accueillante qui ouvrait ses portes à la main d’œuvre immigrée pour arriver aux étrangers stigmatisés et éventuellement kärcherisés (le discours d’un certain ministre de l’intérieur français sur le nettoyage au Kärcher d’une cité de la Courneuve fut le point de départ de cette réflexion), Vanessa Van Durme met en évidence la révolte de Slimane, jusque dans ce cri final: «je suis quelqu’un !». DO.M.

© Thomas Dhanens

parfois, puis l’ambiguïté dérangeante de leur relation prend le dessus, rendant plus présente encore la violence latente de leurs rapports, de cette incommunicabilité profonde qui les renvoie chacun

Femme Blanche a été joué au Théâtre d’Arles le 26 janvier

Déraison manquante peut avec le texte verbeux de Michel Onfray. Chœur parlé de solistes qui se croisent sur des percussions simplistes, et de l’électroacoustique sans grand signal : faire entendre ce texte vraiment envahissant amène forcément à renoncer à la place du son. Le plus dommage est que la réflexion autour de Démocrite, de cette tentation de regarder pousser un chêne plutôt que d’être au monde et à ses fracas, ne manque pas d’intérêt. Le problème est qu’Onfray s’est pris pour

Le monolithe insensé Le Théâtre Durance a une mission de Confrontation Artistique Transfrontalière avec l’Italie. L’an dernier il s’en était acquitté à merveille en accueillant la création de la Piccola Compagnia della Magnolia, troupe Turinoise de recherche qui joue en français et en italien selon le côté de la frontière où elle se produit. Dans la Casa de Bernarda Alba de Garcia Lorca, reprenant la mise en scène goyesque d’Antonio Diaz-Florian, elle était épatante… Mais appliquer les principes de cette esthétique hyper-expressionniste à Hamlet relève de la fausse bonne idée : le Prince Hamlet n’est pas un monolithe hystérique, et le surjeu constant, sans nuance ni évolution, rauque pour l’une, hurlant pour l’autre, geignard pour la troisième et outré pour les trois, ne fait qu’aplatir et rendre inaudibles les magnifiques textes de Laforgue, Müller

et Shakespeare. Quant aux «idées» de mise en scène, elles sont plaquées avec une inadéquation insensée : costumes de Geishas, têtes de hyènes, variétoche italienne, travestissement, jeté de plumes blanches, coussins rouges et rouge à lèvres interviennent dans un espace scénique délimité par un rideau laid. Une série de bévues ! Vraiment dommage pour le théâtre Durance, qui prend la peine d’accueillir des compagnies en vraie résidence de création : longtemps, avec un soutien véritable, et un travail avec le public… qui aurait mérité plus de réussite ! AGNES FRESCHEL

Hamlet, étude sur la voracité a été créé en français au Théâtre Durance (04) les 4 et 5 février

un dramaturge qui rêverait d’être un poète, alors qu’il est un philosophe écœuré de l’état politique du monde : son poème méthodique est une invective qui envahit la raison, et empêche à chaque instant l’émotion de se mettre à l’œuvre. AGNÈS FRESCHEL © Tristan Jeanne-Valès

Le Recours aux forêts ne manque pas de talents surprenants : le plus évident est celui de Jean-Lambert Wild, qui invente une scénographie fascinante pleine d’effets d’optique bluffants, évoluant vers un tableau liquide qui inscrit ses couleurs sur la scène… C’est sublime, très inventif, et habité par le corps époustouflant de beauté de Juha Pekka Marsalo. Bref un régal des yeux. Pour les oreilles il en va autrement : la musique de Jean-Luc Therminarias, sans être passionnante, fait ce qu’elle

Le Recours aux Forêts a été joué à Cavaillon (Scène Nationale) les 21 et 22 janvier


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THÉÂTRE

C. MARNAS | X. MARCHAND | LES BERNARDINES

Une ethnologue d’action Xavier Marchand met en scène la parole de Germaine Tillion, femme libre et engagée Zibeline : Comment s’articule votre spectacle autour de l’œuvre de Germaine Tillion ? Xavier Marchand : Il est construit autour de l’adaptation de trois de ses livres, qui chacun correspondent à une des trois grandes périodes qui charpentent sa vie : le premier, Il était une fois l’ethnographie, est le récit de ses missions ethnologiques dans les Aurès entre 34 et 39, qui correspondent pour moi à la base de sa réflexion et de son travail ; le second, Ravensbrück, relate son entrée en résistance, puis, après son arrestation, son séjour à la Santé puis à Fresnes, et enfin à Ravensbrück. Les textes sur Ravensbrück seront entrelacés de certaines scènes de l’opérette qu’elle a écrite là-bas, le Verfügbar aux Enfers, qui sont chantées et dansées. Le troisième livre, Les ennemis complémentaires, est un

recueil de textes qu’elle a écrits ou recueillis sur la guerre d’Algérie et le récit de son implication durant le conflit. Comment rendre compte de cette écriture qui n’est pas théâtrale ? C’est une écriture très orale, ce qui m’a permis de penser qu’on pouvait porter cette voix sur un plateau. C’est une langue qu’on peut dire. Il y a, dans cette écriture, une distance, une élégance, le souci du détail et beaucoup d’humour. Qu’est-ce qui vous a inspiré dans l’œuvre de Germaine Tillion ? Son œuvre, sa façon de penser sont très éclairantes pour un certain nombre de conflits ou de situations d’aujourd’hui. En ça je la trouve particulièrement contemporaine et intéressante. Et puis Germaine Tillion n’avait pas une réflexion uniquement intellectuelle et universitaire : c’était

Parti théâtral anti productiviste Les Bernardines veulent mener au cœur de la saison une réflexion et une programmation anti productiviste ! Pour montrer comment les règles de production du spectacle vivant, calquées sur une logique économique générale, entraînent vers un gaspillage phénoménal des forces vives de création, accaparées par des démarches nécessaires à leur survie, puis à créer des spectacles «jetés à peine montés»… Persuadés qu’il est temps de réfléchir et d’agir ensemble, ils ont prévu de reprendre quatre spectacles dont ils ont envie de «prolonger le chemin» qu’ils jugent trop court, et trois productions. Les sept propositions (dont Service de nettoyage, voir p.5) seront complétées par des rencontres, conduites par le philosophe Heinz Wismann, autour de la nécessité du temps et de la pratique lente dans l’élaboration au théâtre. Pour commencer du 18 au 21 mars, à Montévideo, aux Argonautes et aux Bernardines, la reprise du Crabe Rouge (voir Zib’23), de Early Morning (voir Zib’19) et de Mon corps est nul (voir Zib’ 14), que nous avions beaucoup appréciés ou non, mais qui effectivement n’ont pas eu le temps de mûrir. Et une première rencontre le dimanche matin, avant une autre salve la semaine suivante… A.F.

Arrêtons le gaspillage Du 18 mars au 3 avril 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org

© Hervé Kielwasser

une réflexion qui servait à l’action. Le devoir de vérité l’animait. PROPOS RECUEILLIS PAR DOMINIQUE MARÇON

Il était une fois Germaine Tillion est programmé au Théâtre de la Criée du 12 au 21 mars (avec, en outre, une rencontre animée par Thierry

Fabre et Christian Bromberger le 13 à 20h, et la projection de La Bataille d’Alger de G. Pontecorvo le 14 mars à 11h, de Rome plutôt que vous de T. Teguia le 20 mars à 20h et du Petit soldat de J.-L. Godard le 21 mars à 11h) et au Théâtre des Salins les 26 et 27 mars

Nancy Huston sur scène Le roman de la Canadienne est un de ceux qui vous marquent. Admirablement construit il remonte la chronologie d’un siècle bouleversé, racontant, à l’envers, l’enfance de quatre générations successives, qui rencontrent chacune des moments traumatiques de l’histoire contemporaine, de 1944 au 11 septembre 2004. Sol, l’enfant monstrueux à la névrose violente, produit d’une Amérique arrogante et d’une éducation productiviste et déshumanisée, reste touchant pourtant, fruit d’une histoire que l’on devine… et que l’on comprend peu à peu, quand vient le tour de son père Randall de dire son enfance, Israël, la guerre, une autre impossibilité d’être au monde. Le roman remonte ainsi jusqu’au traumatisme initial, la faille de notre histoire contemporaine, le troisième Reich. Fait de quatre monologues successifs il porte en lui une théâtralisation possible, due aussi à ce suspense qu’il établit et à sa remarquable composition, qui vous emmène de révélations en émotions et vous tient en haleine aussi sûrement qu’un polar calibré. C’est pour ces qualités-là que Catherine Marnas a décidé de le mettre en scène. Elle présente d’abord les deux premières parties, masculines, et en viendra aux deux femmes originelles l’an prochain. En attendant, ses comédiens vont devoir incarner des enfants de 6 ans, leur étonnement et leur incompréhension du monde. La Cie Parnas a l’habitude de s’emparer de la parole comme d’une matière distancée, à dire,

Catherine Marnas © Agnès Mellon

à lire ou à jouer, à incarner ou à offrir, à se refiler en chorals. Sur la scène de Gap se prépare encore une expérience intrigante… AGNES FRESCHEL

Lignes de faille. I. Cie Parnas Le 26 fév Théâtre de la Passerelle, Gap 04 92 52 52 52

À noter que Nancy Huston signera son livre à l’issue de la représentation.



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THÉÂTRE

GYPTIS | GYMNASE | LENCHE | CRIÉE | TOURSKY

Mars de fou au Gyptis ! mettant en scène, en les faisant jouer, que Quartier(s) d’isolement, mis en scène par Frédéric Ortiz s’est élaboré. Plusieurs étapes abouties du projet (La porte s’il vous plait ! ; Parloir Sauvage ; Récidive ; Parle pas avec moi !) ont été présentés sur des scènes très diverses, depuis le Théâtre de l’Odéon (Paris) et plusieurs CDN jusqu’à des centres pénitentiaires. Une parole dure et essentielle sur la violence de l’enfermement, et ce qui y conduit.

Trois spectacles sinon rien ! Le théâtre de la Belle de mai se met en quatre (bon, presque) en accueillant d’abord Le véritable inspecteur Whaff, une pièce policière anglaise mise en scène avec beaucoup de folie, de couleur et de démesure par Jean-Luc Revol. Un grand moment de détente donc, avant de plonger dans la philosophie théâtralisée par Mesguish père et fils : il s’agit de L’entretien de M. Descartes avec M. Pascal le jeune, écrit par Brisville. Sans doute un bon moyen d’entrer en philosophie pour les amateurs de théâtre que la pensée conceptuelle rebute, en espérant que le cartésianisme et la pensée morcelée et fulgurante de Pascal, pas si éloignées d’ailleurs, n’y perdent pas trop en nuances. Enfin une création, très attendue : le Théâtre Off parvient au terme d’un travail de longue haleine, né à l’occasion des ateliers d’écriture qu’Anne-Marie Ortiz anime en milieu carcéral. C’est avec des prisonniers, à travers leur parole mais aussi en les

AGNES FRESCHEL Quartier(s)d'isolement © X-D.R

Le véritable inspecteur Whaff Du 4 au 6 mars L’entretien de M. Descartes… Du 11 au 13 mars Quartier(s) d’isolement Du 23 au 27 mars 04 91 11 00 91 www.theatregyptis.com

Social

Comme il respire

Depuis plusieurs années le Théâtre de Lenche et sa compagnie résidente, le mini théâtre, collaborent étroitement avec le Théâtre National d’Alger, échangeant des créations et des artistes. Chronique d’un K.O. debout a ainsi été présentée à Alger avant de venir sur la scène du Panier. Il s’agit d’un texte de Lise Martin sur une assistante sociale, jouée par Anne Lévy, qui est en prise directe avec toutes les difficultés, intimes, désespérantes, de ceux que l’on décroche du jeu social. Ivan Romeuf la met en scène, assisté dans son travail par Idir Benaibouche, du TNA.

Il ne s’agit pas de la comédie de Corneille, même si Goldoni s’en inspire… La pièce reprend des caractères italiens de Commedia dell’arte et y ajoute des personnages plus XVIIIe, à la psychologie étudiée. Goldoni met au point dans cette œuvre, une de ses premières, les ingrédients de son génie, trop peu célébré en France. Mais c’est chose faite avec Laurent Pelly : son talent de metteur en scène piquant et son sens du rythme, de la démesure et des couleurs mettent en relief ce personnage attachant de mythomane utopiste, interprété par Simon Abkarian.

Le Menteur © B. Enguerand

Le Menteur Du 16 au 28 mars Théâtre du Gymnase 0 820 000 422 www.lestheatres.net

Chronique d’un K.O. debout Du 9 au 29 mars Théâtre de Lenche 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info

Grandes histoires et petite salle !

Baïbars, le mamelouk qui devint sultan Du 3 au 7 mars Yaacobi et Leidental Du 23 au 26 mars Théâtre de la Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Russe Baïbars, le mamelouk qui devint sultan © Elisabeth Carecchio

Six représentations seulement dans la petite salle pour Baïbars, le mamelouk qui devint sultan, mis en scène par Marcel Bozonnet… Un vrai gâchis pour tous ceux qui ne pourront accéder à cette création qui est allée puiser dans la littérature orale musulmane pour créer un spectacle mêlant chant, danse, mots précieux et distribution métissée, pour affirmer que l’histoire littéraire n’est pas qu’occidentale. Même si Baïbars a fait décapiter Saint Louis, cette histoire est la nôtre ! Même gâchis public pour Frédéric Bélier Garcia : son Yaacobi et Leidental se réduit à quatre petites représentations. Les 30 tableaux chantés, colorés, hilarants du trio amoureux d’Anokh Levin risquent de manquer de mesure. Vous imaginez Jules et Jim sur un écran de portable ? Rendez nous la Criée !!!

Après sa programmation cinéma (voir p 28), et outre le concert de Bourdoncle, et les cabarets conviviaux et arrosés, le Toursky programme du théâtre de troupe : une pièce de Volodine, où le grand comédien Arsibatchev entraîne dans les méandres neigeux et nocturnes d’une histoire d’amour privée, aux temps soviétiques. Artsibatchev encore, dans un rôle tout différent : la comédie de Griboïedov met Tchatsky aux prises avec une bourgeoisie encore russe, et particulièrement insupportable de conventions et de niaiseries. Un héros au romantisme beaucoup plus acariâtre… 5 soirées Du 5 au 7 mars Le malheur d’avoir trop d’esprit Du 12 au 14 mars Théâtre Toursky 0 820 300 033 www.toursky.org


AU PROGRAMME

THÉÂTRE 17

Contes de bois Comédie bourgeoise En dehors de la création de la cie Lalage, que vous pouvez aller voir en famille (voir p XI), le théâtre de la Joliette programme un autre spectacle tout public, de marionnettes cette fois, sur les contes cruels de Matéi Visniec. De petits personnages fabriqués avec des objets quotidiens, et manipulés comme un enfant le ferait de jouets par Éric Deniaud. Voix dans le noir Du 25 au 27 mars Théâtre de la Minoterie 04 91 90 07 94 www.minoterie.org

Rencontres Le théâtre de la Cité est parvenu au terme de sa longue démarche de création, qui depuis deux ans confronte des adolescents à des comédiens qui les représentent, et disent des bouts de leurs mots, et beaucoup de leurs maux. Une entreprise de théâtre documentaire qui, après quelques représentations en Belgique et avant Avignon, s’installe pour trois semaines dans le petit théâtre de la rue Edmond Rostand, du mercredi au samedi. Nous ne nous étions jamais rencontrés Du 11 au 26 mars Théâtre de la Cité 04 91 53 95 61 Le 30 mars L’Entrepôt, Avignon www.maisondetheatre.com

Ce Slam me va Slamer la Méthode ? Ça alors, quelle drôle d’idée ! Descartes passerait-il mieux la barre des siècles et nous délivrerait-il plus facilement sa magistrale révolution philosophique si son Discours est oralisé et rythmé ? C’est le pari d’Alain Simon, qui avec le musicien Christophe Paturet jubile de parler… Donc d’être ? À écouter/voir, sans conteste : il n’est de vérité qui s’établisse sans expérimentation. Je pense donc je suis… Théâtre des Ateliers, Aix Du 11 au 20 mars www.theatre-des-ateliers-aix.com

Sur les planches du Jeu de Paume un monologue de Claire Nadeau : un spectacle à l’anglo-saxonne, écrit par Mark Hampton et adapté par Jean-Marie Besset (auteur venu du théâtre privé dont la nomination récente au Centre Dramatique de Montpellier, les Treize Vents, est fort controversée). La comédie s’attache à un personnage de mondaine dans son salon bourgeois. Une performance d’actrice, donc, pour camper un personnage perfide et drôle. La divine miss V Du 2 au 6 mars Théâtre du Jeu de Paume, Aix 0 820 000 422 www.lestheatres.net La divine miss V © Brigitte Enguerand

Trios en Friche Deux propositions de cirque, une sous chapiteau, une à la cartonnerie : le Cirque Trottola, présenté par le théâtre Massalia, installe pour 15 jours ses ballots lourds et ses ogres aériens. Le duo de choc Bonaventure Gacon le porteur, qui vient de jouer Les Clowns (voir p VII), et Titoune la voltigeuse, est rejoint par le jongleur Mads Rosenbeck. Ça a quelque chose de faussement russe, animé de dévoration fantastique, et d’une errance bougonne… Une navette est prévue au départ du Revest le 6 mars, pour le public fidèle des Comoni. Allez-y aussi entre adultes ! À la Friche encore une sortie de résidence de la Cie les Kritali : un trio sur les Racines, autour d’un arbre et d’un univers poétique. Volchok Du 5 au 14 mars Théâtre Massalia 04 95 04 95 70 www.theatremassalia.com Racines Le 11 mars La Friche 04 95 04 95 04 www.lafriche.org

Catharsis Le texte de Karl Krauss, publié pour la première fois en Français aux éditions Agone en 2005 avec un essai de Bouveresse, est un électrochoc : en 1933 un homme avait déjà analysé toute l’horreur en marche du National Socialisme. Les faits étaient là, leur violence, leur haine, leur planification étaient publiques. L’invective est terrible à encaisser, par ce qu’elle annonce, et parce que personne n’y a cru… Le mettre en scène, comme le propose José Lillo (théâtre de Saint Gervais), est forcément une bonne idée : il s’agit d’une longue attaque, d’un énoncé de fait vivants, qui ne demandent qu’à prendre corps, qu’on les voie en lumière pour ne plus les vivre… Quelques jours plus tard dans la salle universitaire une autre purge vous attend : moins directe, plus collective. Il s’agit de se laver l’âme d’influences plus insidieuses : celle de la télé américaine et des premiers clichés que ses séries ont répandus. Notre Dallas, création de Charles Eric Petit et sa Cie L’Individu, travaille sur notre mémoire collective (voir Zib 15)… Troisième nuit de Walpurgis Le 3 mars Notre Dallas Le 23 mars Théâtre Vitez, Aix 04 42 59 94 37 http://theatre-vitez.com


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THÉÂTRE

AU PROGRAMME

Désamour Au seuil des années 30, dans une Allemagne en proie

Kaléidoscope Artiste associé au Théâtre de Nîmes cette année,

à la montée du nazisme, le couple que forment Casimir et Caroline est en train de se déliter. Emmanuel Demarcy-Mota met en scène le drame d’Ödön von Horvath sur fond de fête de la bière à Munich, un espace forain comme un temps illusoire où tout est possible, mais où l’avenir reste incertain et illusoire. Dans un décor imposant et mobile évoluent de nombreux personnages, dont les deux protagonistes principaux incarnés par Sylvie Testud et Thomas Durand.

Bruno Geslin y crée Paysage(s) de Fantaisie, à partir d’un montage de textes tirés du roman éponyme de Tony Duvert. Dans un climat de tension permanente se répondent des paroles d’adolescents que séparent une centaine d’années : d’un côté des filles dans un pensionnat religieux à la fin du XIXe siècle, de l’autre des garçons dans un centre de détention de nos jours, chacun se reconnaissant dans un même constat désespéré sur la société et ses marges. Les deux groupes finiront par se rencontrer lors d’un bal, dans une confrontation brutale et terrifiante.

Casimir et Caroline le 26 fév à 20h30 le 27 fév à 20h Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

> Casimir et Caroline © Jean-Louis Fernandez

Révolte «J’ai toujours rêvé d’être incinérée à ma mort, chose

Paysage(s) de Fantaisie le 24 mars à 19h les 25 et 26 mars à 20h Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

interdite au Liban, car toutes les religions monothéistes refusent l’incinération et pratiquent la mise en terre. Ce problème est dû à la Constitution de l’État qui ne nous reconnaît pas en tant qu’individus ayant des droits citoyens hors des communautés religieuses. Aussi sommes-nous obligés de suivre les lois religieuses pour tout ce qui concerne les statuts personnels.» Tel est le postulat de base de la performance proposée par la comédienne et metteur en scène libanaise, Lina Saneh, qui veut faire de son corps un lieu de lutte, un espace de combat et de réflexion, interrogeant les tensions qui se jouent entre Art, Argent, Loi et Corps.

La Noce © Pidz

Première pièce de Brecht, La Noce aborde les fauxsemblants et convenances bourgeoises lors d’un mariage raté ; l’occasion pour l’auteur de faire voler en éclat dans un grand rire les règles de savoir-vivre, les conventions, de se moquer des titres et réputations, et pour le metteur en scène Patrick Pineau de «faire du théâtre en tant que citoyen, un théâtre qui ne véhicule pas un message purement politique mais une réflexion sur la société qui nous entoure». Dans un décor en noir et blanc high tech la fête annoncée se terminera dans un grand fiasco… La Noce les 11 et 12 mars à 20h30 Théâtre des Salins 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Imaginaires Yannick Jaulin est un raconteur d’histoires, Michel

De l’oisiveté et de l’art de la guerre chez les dodos et autres peuples insulaires Du 23 au 26 mars à 20h Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

peare, adaptant, après En attendant le songe, La Tempête. Faire se côtoyer le burlesque et le féerique, le romantisme et l’ésotérique, tel est le part pris d’Irina Brook qui, avec quelques images en tête, voit, sur une île déserte, «un Prospero italien chef de cuisine […], qui concocterait des formules alchimiques avec sa fille Miranda, un Caliban cuistot, maltraité et furibond, une jeune femme qui découvre les hommes pour la première fois»… Le monde en technicolor d’Irina Brook réserve toujours des surprises !

Appendice les 24 et 25 mars à 20h30 Théâtre des Salins 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

La Tempête le 23 mars à 20h30 Théâtre de la Colonne (Miramas) 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr

Trouvailles Il leur suffit d’un rien pour évoquer un quotidien loufoque et tendre, un monde qui ne nous est pas inconnu mais qui peut sembler étrange une fois passé dans leur moulinette à inventions. Patrice Thibaud et Philippe Leygnac, transfuges de chez Deschamps-Makeïeff, forment un couple complémentaire, les gestes précis du premier se joignent à la musique du second dans un spectacle presque sans paroles. De Keaton à Chaplin en passant par Laurel et Hardy, le duo s’inscrit dans la lignée des plus grands avec son précis de poésie virtuelle.

Vertiges Le couple que forment Christelle et Olivier est en plein désarroi : leurs garçons viennent de quitter la maison et c’est tout leur équilibre qui s’en trouve ébranlé. Parents «orphelins», ils vont devoir apprivoiser ce vide, changer de vie (clarinette pour Olivier, vélo pour Christelle), faire face, tout simplement. Les belges Bernard Cogniaux et Marie-Paule Kumps, auteurs du texte, campent avec beaucoup d’humour et de sensibilité ces deux êtres fragilisés par les absurdités d’une société qu’ils ont du mal à appréhender.

Cocorico Du 9 au 13 mars Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Tout au bord le 12 mars à 20h30 Théâtre (Fos) 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr

Actuel Françoise Chatôt signe une mise en scène résolument romantique des Caprices de Marianne de Musset, intégrant pourtant à la structure de la pièce les chorégraphies hip hop de David Llari et de sa compagnie Sun of the shade. De ce mélange se dégage une naturelle unité, complétée par le jeu talentueux des comédiens. Guillaume Clausse est un très bel Octave ! Les Caprices de Marianne le 9 mars à 20h30 Théâtre de la Colonne (Miramas) 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr

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Laubu est auteur, metteur en scène et scénographe, un brin archéologue. Ensemble ils partent à la rencontre des dodos et autres peuples insulaires, s’intéressant à leur oisiveté et leur art de la guerre… Sur scène ces deux «poètes du quotidien» sont accompagnés d’un musicien, d’un vidéaste et d’autres artistes avec lesquels ils vont explorer ce chantier de recherche imaginaire.

Mythique Irina Brook poursuit son travail sur l’œuvre de Shakes-

Tout au bord © Cassandre Sturbois

Fracassant


Sulfureux Renaissance Adapté du film d’Elia Kazan (1956) par Première pièce de Giono écrite en Pierre Laville, Baby Doll est mis en scène par Benoît Lavigne, avec Mélanie Thierry –dont le metteur en scène dit d’elle qu’elle à «de Baby Doll la beauté sulfureuse, l’émotion, la fragilité, la grâce enfantine et l’incandescence»- et Xavier Gallais dans les rôles-titres. Une histoire de désir, de vengeance et de sexe dans le sud des Etats-Unis en pleine crise des années 30, dont l’issue fera se côtoyer la folie et la mort… Baby Doll le 3 mars à 20h30 Théâtre de l’Olivier (Istres) 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr Du 30 mars au 3 avril Théâtre du Gymnase 0 820 000 422

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Baby Doll © X-D.R.

1931, Le Bout de la route est mise en scène par François Rancillac. Jean atterrit par une nuit d’hiver dans une ferme frappée par un double deuil. C’est sa présence, son franc-parler, sa bonté et le travail abattu au fil des jours qui feront que la ferme recommencera à vivre, que le village entier reprendra espoir. Mais Jean, lui, est comme exclu du monde des vivants, on dit même qu’il converse avec une femme imaginaire… Le Bout de la route le 14 mars à 16h Théâtre de l’Olivier (Istres) 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

Tourbillon Marie-Christine Soma et

Daniel Jeanneteau mettent en scène L’Affaire de la rue Lourcine d’Eugène Labiche avec de jeunes comédiens issus pour la plupart de l’école du Théâtre National de Strasbourg. Une comédie trépidante qui fait se côtoyer l’univers de Tex Avery et d’Alfred Hitchcock et celui, absurde, de Labiche. L’Affaire de la rue Lourcine le 25 mars à 20h30 Théâtre de l’Olivier (Istres) 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

Fracassant Épique Une jeune femme libanaise se raconte, La compagnie raconte sa vie, depuis sa naissance, dans un pays en guerre : Darina Al Joundi, seule sur scène, interprète son propre texte, Le jour où Nina Simone a cessé de chanter (édité par Actes Sud). De la liberté héritée d’un père «laïque» dont elle use durant son adolescence passée sous les bombes, jusqu’à l’enterrement de ce père chéri à qui elle épargne les psalmodies du Coran le jour de son enterrement, ce qui provoquera le scandale qui la privera de cette liberté, Darina Al Joundi livre un témoignage poignant, mis en scène très sobrement par Alain Timar. Le jour où Nina Simone a cessé de chanter le 20 mars à 20h30 Théâtre de la Colonne (Miramas) 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr www.lestheatres.net

toulousaine de l’Esquisse adapte Le Capitaine Fracasse d’après l’œuvre de Théophile Gautier, renouant avec la tradition du théâtre épique et populaire. Son metteur en scène, Carlo Boso, a choisi les années 30 pour installer l’histoire d’une troupe de théâtre ambulant qui décide de jouer la Capitaine Fracasse sur la place d’un village imaginaire dans le plus pur style de la commedia dell’Arte. Le Capitaine Fracasse le 2 mars à 19h Théâtre Armand (Salon) 04 90 56 00 82 www.salon-de-provence.org


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DANSE

PAVILLON NOIR

D’amour et de danse C’est une permanence dans la scène actuelle turque, tant pour les plasticiens (Zib 26) que pour les danseurs (Zib 25), que de se frotter à l’architecture, au design, à la production d’images technologiques, à la dramaturgie et même à la sociologie. Ça crève l’écran une fois encore dans la chorégraphie-performance Monday in the Sun de Safak Uysal et Bedirhan Dehmen qui inventent, pour leur première collaboration, «une danse très proche du physical theater». Sur fond d’images vidéo (travellings de rues stambouliotes bruyantes et vues panoramiques apaisantes du Bosphore), la rencontre de deux hommes paraît inéluctable. Assis face à face sur une banquette, ils lisent le journal, fument, tentent une approche. D’abord infructueuse, hésitante, puis très vite charnelle et sensuelle. Le pont du bateau se transforme en ring pour une esquisse de rixe amoureuse quand le bastingage ouvre sur un horizon infini. Promesse d’une amitié virile dans une société prisonnière de ses codes sociaux et moraux ? Contre vents et marée, les deux danseurs, ivres de musique, de lumière, de chants, s’autorisent même à gonfler des préservatifs comme des baudruches… La danse est fébrile, parfois maladroite, leurs gestes ondulent par vagues successives en les plaquant au sol, enlacés comme dans un tableau de Bacon, ou les portant à l’équilibre. La fièvre monte, tantôt leurs muscles se tendent,

© Uluc Ozcu

puissants, provoquant un léger effleurement ou une secousse. Comme si le roulis du fleuve conditionnait leurs mouvements. En 50 petites minutes, Safak Uysal et Bedirhan Dehmen traversent de leur présence forte, émouvante, les rives du Bosphore, de l’Europe à l’Asie, de la danse au théâtre, d’une amitié masculine à l’amour.

Monday in the Sun a été donné les 28 et 29 janvier au Pavillon Noir à Aix dans le cadre de la Saison de la Turquie en France

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Au plus près de la matière Le 12 février Le Ballet Preljocaj rendait un bel hommage au danseur et chorégraphe Philippe Combes, prématurément disparu en avril 2009. Le Quintette n° 1 à cordes pour deux violoncelles de Raphaël Ibanez, dédié au danseur, ouvrait cette soirée particulière. Notes aériennes, comme suspendues, accords d’automne. Une présence redessinée par les harmonies subtiles, les délicats frottements de demi-tons… Une démarche de mémoire émouvante. Suivaient des œuvres de Philippe Combes. Dromos I, où la danse et la toile sur laquelle les images sont projetées se rejoignent dans un même mouvement, comme si le corps physique et son abstraction aspiraient à s’atteindre, recherche de l’impossible fusion de l’abstrait et du concret. Le film de la chorégraphie Minotaur-Ex, d’une beauté bouleversante, était d’autant plus émouvant que Philippe Combes y danse. Les trois danseurs, Morpholab © Nataly Aveillan

vêtus de terre, constituent autant de statues qui s’extraient de leur gangue, tendues vers l’inaccessible dépassement de la matière. Sans doute l’œuvre qui laisse la plus belle trace : Morpholab1, réalisé comme le film précédent par Bruno Aveillan, a le charme douloureux de l’inachèvement, puisqu’il devait constituer la première partie du projet Morphotype. Images irisées, entre l’élan onirique et l’affiche de pub pour un parfum… Les Centaures, duo de Preljocaj que Philippe Combes interpréta souvent, apportaient leur poésie sauvage pour forclore ce spectacle, renouant avec les sources antiques pour retrouver l’essence du geste dans ces rêves de galops qui réinventent le monde, comme Ligeti remodèle la matière sonore des quatuors… MARYVONNE COLOMBANI

Dromos © Laurent Lafolie

L’histoire d’hier Le spectacle proposé par Emilio Calcagno et sa Cie Nouvelle Vague est de ceux qui donnent un rafraîchissant coup de vieux. Hommage en forme de coup de chapeau à la génération française du mythique concours de Bagnolet, il est composé de la reconstitution de quatre pièces devenues historiques, parce qu’elles ont révélé le talent de leurs auteurs et la force inventive de la danse française des années 80 : Chansons de nuit de Dominique Bagouet (1976) témoigne du début de l’évolution d’un chorégraphe encore attaché à des conventions classiques mais inventant une danse lyrique d’une sublime liberté nocturne ; avec Suite Gallotta avait obtenu en 1980 le prix de l’humour, et l’on comprend pourquoi, le trio regorgeant d’une dérision tout à fait nouvelle ; Chiquenaudes de Larrieu installe d’emblée une maturité inattendue de langage, fait de signes chorégraphiques mystérieux qui dessinent des alphabets inaudibles ; quant à Marché Noir de Preljocaj (1985), formatée pour gagner disait-il, elle s’inscrit pile-poil dans l’air du temps des années 80, et fait la démonstration d’une virtuosité d’écriture et d’exécution magistrales. Le travail de reconstitution est tout à

Marché noir © Éric Lucas

fait remarquable, et véridique jusque dans la laideur de certains costumes… Les danseurs sont à la hauteur de la tâche, pas évidente : cette danse française des années 80 exige (encore) de vraies qualités techniques de rapidité, de précision et de souplesse. Seule la vidéo explicative, mal habitée par un Denis Lavant qui joue inutilement les olibrius sur ressorts, est franchement agaçante, et pas toujours juste dans ses références historiques et sociétales. Dommage ! AGNES FRESCHEL

Génération Bagnolet a été dansé au Pavillon Noir du 3 au 6 fév



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DANSE

LES HIVERNALES

Quelques retours sur un festival manifestement pertinent… Un mythe en liberté Daddy, I’ve seen this piece 6 times before and I still don’t know why they’re hurting each other, est le titre improbable de la pièce mythique de la chorégraphe sudafricaine Robyn Orlin. Figure incontournable de la danse contemporaine, elle a accepté de reprendre pour les Hivernales ce trésor d’inventivité, d’ironie et d’intelligence engagée. En une heure, les interprètes, dont la grandiose Nelisiwe Xaba, ont pointé les difficultés de cohabitation au sein d’un pays broyé par les paradoxes. Face à un public totalement investi et réchauffé -dérouté aussi, habitué qu’il est pour une part aux conventions du ballet classique-, le spectacle questionne la place du spectateur européen face à cette danse d’Afrique. Grâce à un vrai travail d’adaptation (le surtitrage est très habile et la cité papale bien revisitée) et une mise en perspective sagace de la société post-apartheid face à nos questionnements français (la burqa et d’identité nationale sont joliment épinglés). Un manifeste entre art et politique, sous couvert d’humour grinçant mais juste. DE.M. © Eric Boudet

Daddy… s’est joué à l’Opéra-Théâtre le samedi 13 février

Par le bon bout Aborder le problème du voile musulman, intégral ou non, est délicat. Signe d’oppression pour toute femme qui n’a pas honte d’être un corps, il est devenu un symbole de résistance pour certaines musulmanes occidentales victimes du racisme ambiant, dans une société qui se dit laïque mais affiche partout des symboles chrétiens. Le combat contre le foulard, puis la burqa, attise un rejet prompt à resurgir. Nous avons besoin de la parole des musulmanes, de culture plutôt que de foi, pour prendre le problème par le bon bout. Wassyla Tamzali (voir p 62) ou Héla Fattoumi dans Manta nous rappellent à l’ordre du bon sens. Les Sourates 24 et 33 qui défilent sur les murs enjoignent les hommes à couvrir le visage des femmes, et à leur interdire les gestes susceptibles de dévoiler leur corps. Ce qui est inacceptable, quelle qu’en soit © Eric Boudet

l’exégèse et la traduction. Ces versets oppriment et nient l’existence de cette femme qui est là sur scène, et ne peut montrer son être que par l’incroyable reproche de son regard. Par des images d’une crudité extrême, Héla Fattoumi fait apparaître l’humiliante répression, charnelle, abjecte, d’une femme entièrement voilée qui se soumet à l’acte sexuel, viol répété de son être impassible. Puis les convulsions, tressautements affirment que ce corps vit sous la mante, quand il apparaît par transparence, violemment éclairé. La conclusion qui la dévoile et la voit enfin danser, être, chanter librement, souligne l’urgence de combattre cette absurde oppression. A.F. Manta a été dansé les 13 et 14 fév au théâtre des Hivernales

Sérieux ? Tout ceci (n’)est (pas) vrai est une pièce que Thierry Baë avait conçue en 2003, mais qu’il a entièrement retravaillée. Elle était drôle, elle est devenue hilarante. Le chorégraphe mutin y joue à faire semblant, non en parodiant mais en pastichant. La «danse de santé» de son arrière-grand-oncle, qu’il aurait retrouvée dans la boîte à souvenir de sa mère, est exécutée avec beaucoup de talent par un quatuor de danseurs pince sans rire, et très doué. Le paramonde snob de la danse contemporaine y est gentiment mouliné à

À bas la plastique noire Nelisiwe Xaba, magnifique danseuse au corps étonnant, vous envoie vos clichés à la gueule comme pas deux. Elle se masque, se déguise en lapin, en sac, disparaît sous une toile qu’elle gonfle en ballon, derrière un écran qui ne laisse voir que son ombre, déformée par des appendices, seins, fesses qui la déforment et jouent avec l’idée d’un corps noir plantureux qu’elle n’a pas. Son corps virtuose s’attache à danser avec des objets pauvres qui la contraignent, escabeau, feuille de plastique, pointe (une seule), talon aiguille (un seul). Elle vous regarde droit, puis s’enferme dans un sac. Refusant de se conformer à une identité attendue, refusant d’établir un contact avec vous, hors la dérision de votre propre regard. Gonflé ! A.F. They look at me and that’s all they think et Plasticization ont été dansés les 14 et 15 fev aux Pénitents blancs

© Laurent Philippe

travers ses tics : conférences, publications, vénération d’idoles improbables, références invérifiables, collection de noms inconnus présentés comme des célébrités incontournables, paroles enflées en cascade… Ça pourrait être un peu réac si ce n’était pas si tendre, et si drôle ! A.F. Tout ceci (n’)est (pas) vrai a été dansé le 14 fév à Villeneuve-les-Avignon

Plasticization © Photolosa


LE MERLAN | DRAGUIGNAN

DANSE

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Force 10 sur Draguignan ! De chair et d’Haleb La charge érotique de la danse de Christophe Haleb est une constante. Mutine et libertine dans Evelyne House Of Shame, fluide et glamour-rock dans son nouvel opus Liquide. Où il convoque tous ses démons : effeuillage des corps féminins, postures lascives, déhanchements suggestifs, costumes lacérés, musique saturée, techno danse déjantée, texte volcanique autour du «Virtusex»… Tout ça pour parler de l’amour, «un élément liquide qui file entre les doigts» et espérer que le plaisir arrive ! Christophe Haleb revisite le classique portrait de groupe pictural avec une légèreté ironique, et dessine une sorte d’Eden sans queue ni tête où les humains comme les singes forniquent à tout va sous l’effet de plantes psychotropes. On se perd un peu dans le discours Dieu, le sexe, Disneyland y figurent en première place-, on s’arrose de sperme, de mousse et de jus d’orange, mais on rit beaucoup aussi de cette partouze illusoire. M.G.-G. Liquide a été présenté en avant-première le 18 février au Théâtre de Cavaillon avant sa création au Festival de Marseille 2010

Le festival Les Vents du Levant fait souffler sur Théâtres en Dracénie les rythmes et les sonorités de la Méditerranée, au plus près des corps En ouverture le 2 mars, la célèbre Compañía Nacional de Danza d’Espagne et ses deux non moins célèbres chorégraphes, Nacho Duato et Tony Fabre, présente trois pièces dont Gnawa inspirée par les musiciens marocains aux origines africaines (les gnawas) et conçue sur un montage sonore chatoyant. Autre temps fort le 23 mars avec Nacera Belaza et sa soeur Dalila réunies dans Le Cri, pièce présentée cet été au Festival d’Avignon et pour laquelle elles ont reçu le Prix de la révélation chorégraphique 2008. Un duo puissant comme le tableau de Munch, marqué par une danse qui touche «autant à l’ascèse qu’au plaisir, à la spiritualité qu’à une forme pudique de sensualité». La soirée se poursuivra avec le chorégraphe irakien Muhanad Rasheed (Cie Iraqis Bodies) et son Crying of my Mother qui met en jeu trois hommes de religions différentes emportés par la colère et leur désaccord… Les Vents du Levant, c’est aussi Jean-Claude Gallotta et sa nouvelle version

Le cri © Agathe Poupeney

d’Ulysse, Mourad Merzouki et son nouvel opus Agwa-Correira, Rachid Ouramdane (Loin) et Blanca Li avec Le Jardin des délices créé cet hiver à l’Opéra de Toulon. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Les Vents du Levant du 2 mars au 3 avril Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

© C. Weiner

Cap vers l’ailleurs

La belle endormie Un silence recueilli enveloppe Le Grand Oral de la danseuse aveugle de Régine Chopinot. Depuis qu’elle est descendue du ring (son fameux K.O.K de 1988), la danseuse-chorégraphe tend vers une danse plus intimiste, introspective. Et renoue avec une certaine idée de la représentation non frontale : ici allongée sous les voûtes, son souffle lent et ses gestes imperceptibles se font plus aériens encore. Soudain vulnérable, son corps tout entier oscille, dessine un mouvement dans l’espace, ébauche un déplacement. Dans une sorte de rituel, Régine Chopinot, debout, libère son kimono orange qui laisse entrevoir une salopette, détache une longue mèche de cheveu sur son visage. Ainsi masquée, devenue aveugle, elle déambule à pas hésitants, s’arc-boute, se tend, ondule, se cabre une dernière fois avant de s’éclipser. Loin du tumulte extérieur, elle nous offre une parenthèse salutaire, éloge de la lenteur. M.G.-G.

Le Grand Oral de la danseuse aveugle a été donné les 18, 19 et 20 février à la Maison Jean Vilar

Entre deux escales à Abidjan (Eva Doumbia en janvier), en Italie (Virgilio Sieni fin mars) et en Belgique (Needcompany en avril), le théâtre du Merlan met le cap vers le Burkina Faso et le Brésil. Il invite la compagnie Salia nï Seydou autour de deux programmes révélateurs de son univers. Deux facettes du travail mené conjointement par les deux chorégraphes-interprètes Seydou Boro et Salia Sanou, également directeurs artistiques de la Termitière, premier Centre de développement chorégraphique d’Afrique inauguré en 2006 à Ouagadougou. L’une, Poussières de sang, est une pièce chorégraphique créée en 2008 pour 7 danseurs, 1 chanteuse et 4 musiciens, «exposé cru et implacable des violences humaines» ; l’autre, Dambë et Concert d’un homme décousu, combine deux solos plus introspectifs et intimes. Toutes sont empreintes d’une musicalité profonde, celle des corps et des voix, d’une interaction permanente entre la musique Fèbre © Dominik Fricker

et la danse. Dans Poussières de sang, la chanteuse et danseuse Djata tient le rôle de choryphée ; dans Dambë, la présence complice et charnelle de Maaté Keïta fait écho à la danse puissante et sensuelle de Salia Sanou tandis que dans Concert d’un homme décousu, l’énergie du quintet de musiciens libère et dénoue la gestuelle de Seydou Boro. Autre continent, autre danse avec la compagnie brésilienne Membros qui intègre à sa démarche chorégraphique autour du hip hop une dimension politique et contestataire. Sa réflexion sur les débats sociaux, le corps, l’individu et son environnement avait déjà interpellé le théâtre du Merlan en 2005 qui présente aujourd’hui l’intégralité de sa trilogie sur la violence (Raio X, Febre et Medo) et programme en centre ville la pièce de rue Flores, «féminine et épineuse, comme une rose sur l’asphalte…». D’Afrique de l’Ouest ou d’Amérique du Sud, ces œuvres créent des ponts avec l’Europe, font acte de résistance à l’heure où les débats sur l’identité nationale diffusent une odeur nauséeuse… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Cie Salia nï Seydou (Burkina Faso) le 27 février 20h30 et 28 février 18h pour Poussières de sang et les 11 et 12 mai pour Dambë et Concert d’un homme décousu Cie Membros (Brésil) du 2 au 12 mars pour la trilogie Raio X / Febre / Medo, ainsi que Flores (à 19h le 2 mars en centre ville, les 3 et 10 mars au Merlan) 04 91 11 19 20 www.merlan.org


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DANSE

NÎMES | AU PROGRAMME

Désordre Turba, la foule, turbulente. Maguy Marin la trans-

Sang neuf Elles sont jeunes toutes les deux, ont du talent, et révolutionnent à leur manière le flamenco grâce à une danse énergique et inventive. Pastora Galván et Rocío Molina étaient présentes lors des 20 ans du festival de flamenco de Nîmes. Dans l’illustre famille Galván, Pastora fait montre d’un style bien à elle, physique et puissant. Accompagnée sur scène par le guitariste Ramón Amador et par les chants généreux des cantaores David Lagos et José Valencia, la jeune chorégraphe et danseuse offre tous les styles de flamenco, classiques ou plus novateurs. Le public fut emballé du surprenant premier tableau -ambiance fête gitane dans lequel elle danse pieds nus sur un tapis-, jusqu’aux savoureux rappels durant lesquels les rôles s’inversent, ses compagnons de scène se mettant à danser à son invitation. Deux jours plus tard ce fut Rocío Molina qui souleva l’admiration de la salle comble avec son spectacle Oro Viejo. Se promenant entre passé, présent et futur, la jeune espagnole ne se contente ni d’un flamenco puro, ni d’un flamenco moderne, créant son propre style. Auquel les trois danseurs qui l’accompagnent collaborent d’ailleurs, magnifiques Moisés Navarro, David Coria et Eduardo Guerrero, de même que les guitaristes Rafael Rodriguez et Paco Cruz. Jouant avec sa danse, l’air mutin parfois, toujours précise dans ses placements, ce petit bout d’artiste surprend et enthousiasme. Le public ne s’y est pas trompé en cette fin de festival. DO.M.

Pastora Galván s’est produite le 21 janvier et Rocío Molina le 23, dans le cadre des 20 ans du festival de flamenco de Nîmes Oro Viejo © X-D.R.

forme en monde de beauté chatoyante tendue de tissus d’or. À partir de textes de Lucrèce issus de De Natura Rerum elle réinvente un Epicure qui aurait goûté à la mécanique quantique, apprécierait la poésie et ses mètres, et aurait perçu l’inépuisable force commune du mouvement individuel. Les corps y sont des particules folles… Turba Maguy Marin le 5 mars Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Féminines Sur la musique de Yasmine Hamdan, Yalda Younes fait vibrer la mémoire d’Oum Khalsoum. Un spectacle qui réinterprète et superpose des images de femmes et des musiques et danses populaires du Sud, flamenco, légende de la diva égyptienne, accents électros de la musicienne libanaise, et le corps tendu de noir de la danseuse. Pour dire l’attente de l’homme aimé. Ana Fintizarak. Je suis dans l’attente de toi le 26 mars Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

Percutant Echoa est un spectacle épatant, à voir en famille ou entre adultes avec le même émerveillement. La rencontre entre danse et percussions y est d’une virtuosité folle, vraiment réussie, pleine d’humour et de vrais exploits acrobatiques et d’interprétation. Et même si l’écriture musicale y est un peu trop soumise, justement, à cette volonté d’épate technique (qu’est-ce qu’ils sont forts !), ne ratez pas l’occasion de voir ce petit bijou d’interdisciplinarité qui tourne depuis des années… Ce n’est pas si fréquent pour du cirque et de la musique contemporains ! Echoa Cie Arcosm Le 10 mars à 15h Théâtre Durance, Château-Arnoux (04) 04 92 64 27 34 www.theatredurance.com

Américains Ils sont en tournée en France et en Italie, pour une vingtaine de dates dont une seule dans la région, à Istres. Le ballet d’Alonzo King propose une danse spectaculaire, à la technique classique irréprochable, et au langage contemporain issu en droite ligne de l’école américaine. La dernière fois qu’on les a vus en Europe avec les moines Shaolin ils étaient pour le moins kitsch. Mais il paraît que les deux pièces de ce programme sont en tout point épatantes ! The radius of Convergence. Rasa Alonzo King’s Line Ballet le 6 mars Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

Turba © Didier Grappe

Baroque Les Fêtes Galantes de Béatrice Massin promènent deux pièces revigorantes à diverses hauteurs des Alpes : à Château-Arnoux c’est son must, Que ma joie demeure, une pièce qui retrouve la légèreté baroque de la danse de Cour, mais la pare de liberté, de rose et d’orange, de la formidable exaltation des brandebourgeois de Bach, et du coup les corps exultent… Un peu plus haut sur le grand plateau de Gap sa dernière création, Songes, une pièce plus onirique, tendue de bleu et de draps, à l’univers musical plus contrasté, de la mesure de Lully aux tourments de Purcell… Que ma joie demeure le 5 mars Théâtre Durance, Château-Arnoux (04) 04 92 64 27 34 www.theatredurance.com Songes le 2 mars La Passerelle, Gap (05) 04 92 52 52 52 www.ville-gap.fr Que ma joie demeure © J.-P. Maurin


Viril Cloison Basso ostinato est un trio d’hommes Cinq jeunes gens sont coincés face à écrit pas une femme, Caterina Sagna, qui les confronte à la répétition, à la violence, à leur corps de danseur, à leur rapport viril, ou non. Un spectacle écrit et fort (voir Zib 22), très drôle aussi, porté par de très beaux interprètes. Basso Ostinato le 24 mars à 20h30 Caterina Sagna La Passerelle, Gap (05) 04 92 52 52 52 www.ville-gap.fr

vous devant un mur de lumière… Pierre Rigal travaille ici avec des danseurs de hip hop qui trouvent dans cet univers dénudé un langage naturel. Pour affronter, escalader se heurter à ce mur symbolique. Asphalte Les 11 et 12 mars à 14h30 et 19h30 Pavillon noir, Aix 0811 020 111 www.preljocaj.org

Seuls ? À table Michel Kelemenis poursuit sa collaboPlus haut encore dans les Alpes le ration constructive avec le compositeur théâtre de Briançon, un duo autour de la cuisine. Exquises est un spectacle qui invite à partager aromes, goûts, et la danse de Annabelle Bonnéry et François Deneulin, conçue en phase avec les textures et les impressions gustatives. Exquises Du 11 au 13 mars Théâtre du Cadran, Briançon (05) 04 92 25 52 52 www.ccbrianconnais.fr/ theatre_le_cadran.htm

Illusoire Dans un immense espace où l’image et la danse se fondent et se confondent par une habile illusion d’optique, une zone interdite et labyrinthique, des personnages se multiplient autant que les histoires. Créé au Théâtre de Grasse en décembre, Stand alone Zone est le nouvel opus de Système Castafiore, une combinaison inédite entre la danse, le son, l’imagerie numérique, les costumes, masques et accessoires. Mais toujours avec le goût du spectacle cher aux deux complices, Marcia Barcellos et Karl Biscuit, qui ont imaginé ce conte philosophique contemporain à la frontière du réalisme et du fantastique. M.G.-G. Stand alone Zone Système Castafiore Les 25, 26 et 27 mars Pavillon Noir, Aix 0811 020 111 www.preljocaj.org

Christian Zanési. Sur sa musique il a élaboré un solo pour Fana Tshabalala, danseur sud-africain qui a travaillé récemment avec lui. Caroline Blanc, qui a suivi leur travail, s’est également approprié le solo, et la pièce finalement s’articule autour de ces pas dansés deux fois, successivement, par deux corps très différents mais fidèles au chorégraphe… Dans le même programme à Avignon Lost and found, de Fana Tshabalala, qui met en jeu la transformation qu’a opérée en lui son travail en Europe. That Side. Lost and Found Kelemenis. Tshabalala Le 8 mars à 19h Théâtre des Hivernales, Avignon (84) That Side Les 9,10 et 11 mars à 19h Studio Kelemenis, Marseille 04 96 11 11 20 www.kelemenis.fr

Nouveau La cie Apneoz, qui voyage entre Inde, Tunisie et Turquie, entre danse contemporaine, orientale et hip hop, présente à Marseille deux pièces : Blue Bridge, un quatuor, et un solo de Sabine Marand. Une jeune compagnie à découvrir au Hang’Art, la salle de la mairie des 4e et 5e arrdt. Blue bridge. Sol O Les 25 et 26 fév Hang’Art, Marseille 04 91 24 61 40

Stand alone zone © Karl Biscuit


CAHIER JEUNESSE

Animalomanie galopante On pourrait dire de Tomi Ungerer qu’il est un libre dessinateur. Aucune école, ni genre ni mouvement n’ont eu de grâce à ses yeux, sauf peut-être l’école buissonnière… C’est cette liberté totale qui, depuis toujours, caractérise ce jeune dessinateur strasbourgeois de 79 ans qui n’a jamais fait de distinguo entre les genres (affiche, publicité, poster, dessin, album), les styles (humoristique, satirique, réaliste, poétique) et les lecteurs (jeune public et adultes). Avec la complicité du Musée Tomi Ungerer, Centre international de l’illustration à Strasbourg auquel l’artiste a fait don en 2007 de sa bibliothèque personnelle (plus de 1500 ouvrages), les ABD Gaston Defferre rassemblent une série d’œuvres originales qui fait la part belle à l’animal qui est en l’homme. Et inversement, car Tomi Ungerer se plaît à représenter l’animal humanisé et l’homme animalisé, traquant les faiblesses des uns et le panache des autres. C’est drôle et féroce à la fois, ça fait mouche à tous les coups car au trait de crayon acide se superpose toujours une petite tâche de couleur optimiste. Le loup prend un air bonhomme et Rufus la chauve-souris ou Orlando le vautour, des bêtes généralement mal-aimées, attirent pourtant notre sympathie ! Les jeunes mordent à pleines dents dans cet univers fait de contes enfantins (les fables de La Fontaine), de caricatures et de photos-collages surréalistes (notamment la série Clic-Clac dont «la seule raison d’être est de déclencher un rire sans entraves»). Munis d’un quiz ludique et pédagogique en poche, ils partent à la découverte de ce bestiaire étrange, appréhendent les différentes techniques, décryptent les cartels, formulent leurs impressions avant de laisser libre cours à leur imagination en ajoutant des bulles aux personnages de la planche de BD. Sous le regard de leurs professeurs, ils se laissent guider par un médiateur culturel à travers ce foisonnement d’images : là le jeu de cartes The Mellops Quartett édité à New

Les animaux, Tomi Ungerer © Musees de la Ville de Strasbourg-Mathieu Bertola

York dans les années 60, les Children’s Posters tirés des contes et fables universels pour décorer les chambres, ici des sculptures réalisées à partir de matériaux insignifiants (balayette, pelle, os…), et ses livres d’enfant qui lui ont donné envie d’inventer ses propres histoires… Mais lorsqu’il s’agit de lutter contre la maltraitance animale, de dénoncer les méfaits de la manipulation génétique, l’élevage intensif ou les expériences en laboratoire, sa plume est sans appel : la série Amnesty Animal, éditée en 1990 par une association suisse, est un réquisitoire pour la protection des animaux. De terribles dessins qui ont immédiatement fait réagir Souhayla et Tom, élèves en 6e au collège Edmond Rostand (13e), capables d’inventer en quelques secondes des messages choc : «Trop de lard, trop de souffrances !» ou «La tortue tue». MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Le singulier bestiaire de Tomi Ungerer jusqu’au 24 avril ABD Gaston Defferre, Marseille 04 91 08 61 00 www.biblio13.fr

Les Indiscrets pour Solomonde, épopée pour un clown et une porte, Arnika Cie et son jeu poétique Tous les mots du monde. La Cie Acides Animés clôturera le bal en jouant Les fantaisistes et en rivalisant d’imagination dans l’art acrobatique du gobage de flan… Bref, aux dires de l’équipe d’étudiants de l’Université d’Avignon qui organise le festival, cette année le clown sera triste, trash, drôle, décapant, et plus que jamais féminin. M.G.-G.

7e festival Cité nez clown du 16 au 20 mars Avignon : Université d’Avignon, Théâtre Golovine, Théâtre des Doms, Théâtre Isle 80 et Fabrik Théâtre http://citenezclown.wifeo.com /programme.php

Le Samovar, Cours public © Charlotte Adrien

Né clown Burlesque oui, peinturluré de rouge et de blanc, pas toujours. Le clown est bien plus encore ! La preuve avec le festival Cité nez clown dont la 7e édition permettra «d’apprécier toutes les facettes inattendues du nouveau clown». Après le Laché de clown traditionnel en ouverture des festivités, place à un cours public d’improvisation donné aux élèves du Samovar. Le festival s’associe au programme enfants du Théâtre Golovine pour proposer des ateliers autour du clown (Après midi bambins) et au Théâtre des Doms pour présenter La nudité du ragoût avec Ludor Citrik et Isabelle Wéry. Ou la rencontre inattendue d’un clown et d’une pornographe dans un spectacle «ludique, lubrique et insatiable» ! Place ensuite à la Cie Acte 9 pour Giselle… le récital avec Anne Gaillard,

Von Menschlichen Tieren und Tierische Menschen © Musees de la Ville de Strasbourg - Tomi Ungerer Photo- Musees de la Ville de Strasbourg - M. Bertola

Clic-Clac, Tomi Ungerer © Musees de la Ville de Strasbourg-Mathieu Bertola

Ateliers «Clic clac Tomi Ungerer» Fotokino propose une série d’ateliers destinés aux enfants à partir de 4 ou 7 ans, pour s’immerger dans l’univers caustique et surprenant de l’artiste jusqu’au 23 février sur réservation. 04 91 08 61 00


ÉDUCATION

II

La nécessité de l’écriture Les adolescents s’interrogent sur les interactions souterraines entre les écrivains et leurs créations Martigues a rassemblé, pour le 2e forum de l’année, les lycéens, leurs enseignants et une partie des auteurs sélectionnés pour le 6e Prix littéraire des lycéens et des apprentis de la Région PACA. Les débats ont été ouverts par Sophie Degioanni, conseillère régionale déléguée à la vie lycéenne et les ambassadrices de l’Agence régionale du livre (ARL). Environ 250 élèves étaient présents pour poser des questions aux auteurs. On s’est très vite rendu compte que ces jeunes lecteurs ne se contentaient pas de «lire les histoires» et la pertinence de leurs questions a séduit tant les auteurs que le modérateur Pascal Jourdana. Dès le début un moment a été particulièrement chargé d’émotion, celui où l’éditrice Sabine Wespieser a lu la lettre de l’écrivaine haïtienne Yanick Laurens qui n’a pas voulu quitter son pays et les siens suite au drame qui a ravagé Port au Prince et l’île. L’auteure s’y interroge sur le «Comment écrire et quoi écrire ?» et déclare que tous les jours elle témoigne, voulant tenir une chronique précise des jours d’après la catastrophe, s’accrochant par exemple au «sourire comme un fruit de saison» d’une enfant juste sortie des décombres

et qui déclare simplement avoir faim. Les adolescents se sont demandé quelle était la part de l’autobiographie dans certaines des créations : José Carlos Llop a évoqué ses années d’études sous le régime de Franco, Olivier Mau l’internat et l’isolement, Mathieu Blanchin une mère trop possessive. Puis ils ont questionné les auteurs sur la façon dont se mélangent la réalité, l’imaginaire, et leur passion d’écrire : pour qui écrivent-ils? Tous ont déclaré ne pas écrire pour un public particulier, l’auteur écrit pour luimême un livre qui s’impose : «Je dois me séduire moi-même pour continuer à écrire» a confié José Carlos Llop, et Maylis de Kérangal : «J’écris le livre que j’ai envie de lire». La dernière question a permis des remarques enrichissantes : «est-ce que le livre écrit l’auteur d’une certaine façon ?». Chloé Cruchaudet confie qu’elle a eu des sensations physiques de froid durant la genèse de sa BD qui évoque le Groenland ! Tous disent qu’ils peuvent parfois être complètement dans leurs personnages. Mais aussi que le livre leur permet de se découvrir eux-mêmes, qu’il peut les changer en les plaçant dans des chemins insoupçonnés.

(de gauche a droite) Sabine Wiespieser, Olivier Mau, Chloe Cruchaudet, Jose Carlos Llop et sa traductrice, Maylis de Kerangal, Mathieu Blanchin et Christian Perrissin © X-D.R.

Une rencontre riche, généreuse qui a mis l’accent sur l’importance pour les jeunes de la présence vivante des auteurs. CHRIS BOURGUE

Sélection romans La couleur de l’aube, Yanik Lahens, Éd. Sabine Wespieser (voir Zib’26) Corniche Kennedy, Maylis de Kérangal, Éd.Verticales (voir Zib’11) Le rapport Stein, José Carlos Llop, Éd. Jacqueline Chambon (voir Zib’26)

Sélection bandes dessinées Au revoir Monsieur, Olivier Mau & Rémy Mabesoone, Éd. Casterman Groendland Manhattan, Chloé Cruchaudet, Éd. Delcourt Martha Jane Cannary (1870-1876), Christian Perrissin & Matthieu Blanchin, Éd. Futuropolis

Le mois des fous Le Carnaval est un rituel de libération, de monde à l’envers qui selon les villes s’organise en défilés sages et protégés de rambardes, ou en fête populaire participative. La Ville de Martigues depuis longtemps accorde à son Carnaval une attention particulière, considérant qu’il est une occasion de mêler artistes et population dans une pratique commune, emmenée par la Cie Madame Olivier : depuis cinq mois, dans de nombreux ateliers de fabrication de costumes et de décors, 700 participants conçoivent ce véritable moment d’art de la rue contemporain autour du thème : Martigues a la grosse tête. Préparations communes qui verront leur aboutissement dès le 13 mars, avec 8 carnavals de quartiers qui mettent en jeu toutes les écoles martégales, qui se retrouveront le 28 mars en un grand événement rassembleur… À Marseille aussi, la population est invitée autour de la Cie Desiderata Spectacles à se rassembler le 27 mars pour fabriquer un carnaval autour du thème des Carnets de Voyage, tandis qu’à Berre, qui fête son 20e carnaval, il s’organise cette année autour du thème de l’Aviation, proposant le 13 mars parades et défilés en fanfare (Accoules Sax, Fierabrass, les Durs à cuivre…) organisés dans les centres de loisir, spectacle de rue par la Cie Remue Ménage, exposition et événements au Forum… Des événements participatifs qui n’empêchent pas qu’on y assiste en famille en tant que spectateurs ! AGNES FRESCHEL

Serpent © X-D.R


III

ÉDUCATION

Pourquoi n’y a-t-il pas de POMPOM BOYS ? Kartoffeln-Garcons-filles, état des lieux au college de l’Estaque-Marseille © Nathalie Guillebert

Garçons-filles : un état des lieux communs Kartoffeln - Garcons-filles, etat des lieux au college Mallarme, Marseille © Nathalie Guillebert

Portes ouvertes à Port-de-Bouc Les 23 et 27 mars, les lycées professionnels Jean Moulin et Montgrand, et le CFA Henri Rol Tanguy proposeront des journées portes ouvertes destinées à encourager la mixité dans des filières professionnelles traditionnellement très cloisonnées : un jeune en formation et un adulte pratiquant le métier correspondant témoigneront devant les collégiens du secteur et leurs familles de leur expérience et de leurs pratiques professionnelles. Voir une jeune fille en mécanique auto ou un jeune homme préparant les carrières sanitaires et sociales suscitera, espérons-le, des vocations ! A.FA

Au collège de l’Estaque, les élèves étaient convoqués à un débat plutôt rébarbatif sur les relations garçons/filles. Des conférenciers sévères débattent de questions de principe. Mais la situation bascule vite et le ton compassé des intervenants, l’hygiénisme des graphiques et des statistiques cèdent devant l’humanité des protagonistes… Le macho, le puceau, la tapette, la Barbie, la ménagère, la coincée, l’intello : les lieux communs se fissurent les uns après les autres, à la faveur d’une danse qui les réconcilie, d’un rire qui les démasque, ou d’une confidence qui les gomme. Avec une remarquable économie de moyens, la compagnie Kartoffeln propose aux collèges du département un spectacle intelligent et sensible, qui joue sur la confusion des situations, entre la fiction théâtralisée et le débat à chaud, et sur la ligne de partage, à la fois ténue et essentielle, entre le masculin et le féminin, entre la caricature sociale et la singularité des êtres qui les incarnent. Aboutissement d’un travail en ateliers réalisés avec plusieurs collégiens, ce

projet hybride transforme ainsi l’espace scolaire en un laboratoire où chacun expérimente son intimité et son rapport à l’espace public. Le débat qui suit permet aux élèves de revenir sur les questions évoquées, de la sexualité aux violences conjugales, de la répartition des tâches domestiques à celles des métiers. Manipuler les préjugés est un pari dangereux, qui conduit parfois à entériner les stéréotypes au lieu de les désamorcer : le spectacle relève le défi avec simplicité et sincérité, et a l’immense mérite de soulever beaucoup de questions sans prétendre les résoudre, des plus complexes aux plus drôles : et au fait, Monsieur, pourquoi il n’y a pas de pompom boys ? AUDE FANLO

Garçons-filles : un état des lieux, spectacle financé par le Service de prévention du Conseil général des Bouches-du-Rhône, en tournée dans les collèges

Mixité et égalité au travail : un chantier pour l’école À Métiérama (du 28 au 30 janvier à Marseille), un stand invitait les jeunes visiteurs à venir réfléchir sur leurs choix d’orientation : l’objectif étant de promouvoir la mixité dans tous les secteurs de formations. Entretien à cette occasion avec Françoise Rastit, déléguée régionale aux droits des femmes et de l’égalité. Zibeline : L’égalité entre garçons et filles peut-elle être considérée comme établie ? Françoise Rastit : Les progrès sur le plan législatif sont immenses, avec entre autres des avancées décisives comme la légalisation de l’IVG, la reconnaissance parentale de la mère ou l’accès à l’autonomie bancaire. Aujourd’hui, et au moins sur le papier, l’égalité est parfaite, mais son application est encore insuffisante. La lutte pour les droits de la femme n’est donc pas un sujet périmé ? La discrimination des femmes touche, finalement, près de la moitié de la population ! Dans les années 70, le discours était militant, combatif et médiatisé : c’était un sujet d’actualité. Aujourd’hui, il est plutôt abordé d’une manière technique, et la baisse de l’attention médiatique fait retomber dans les vieux schémas, d’autant plus difficiles à

combattre qu’ils sont intériorisés par les filles elles-mêmes. C’est pourquoi il est important de travailler sur les stéréotypes comme moyen de sensibilisation, pour faire évoluer les mentalités. L’orientation professionnelle, l’accès aux formations et l’égalité au travail sont aussi des enjeux majeurs : par exemple, 46% des filles ont un bac S, mais on en retrouve seulement 25% en écoles d’ingénieurs. Quant au montant moyen national de la retraite, il est de 1600 € pour un homme contre 800 € pour les femmes, et 34% seulement d’entre elles peuvent prétendre à l’intégralité de leur pension, notamment en raison des temps partiels choisis… Le travail et la vie de famille sont donc encore vécus comme un antagonisme. Que peut-on dire aux jeunes générations pour éviter ça ? On peut leur dire que la meilleure éducation à donner à son enfant, c’est l’exemple : être un modèle de réussite, c’est important. La mixité est considérée par les entreprises ellesmêmes comme un atout humain et économique, et les jeunes ont leur place partout, quels que soient les secteurs d’activités qu’ils choisiront ! A.FA


ÉDUCATION

IV

Travail de fond, avec ou sans cerises © J.C Carbone

Élèves du collège Louis Aragon lors d’un atelier avec le chorégraphe Miguel Nosibor © J.C Carbone

Sans tambour ni trompette, l’action culturelle du Ballet Preljocaj en direction du jeune public joue sa musique en sourdine. Sauf qu’elle fédère près de 3000 élèves, de la maternelle au lycée, pour 325 heures d’ateliers en 2008/2009 ! Des chiffres auxquels il faut ajouter le nombre de jeunes spectateurs venus aux représentations hors temps scolaire… Ces actions de sensibilisation revêtent différentes formes selon les âges, mais le principe reste identique : la découverte de la danse s’opère par l’approche du lieu (coulisses, métiers, activités), par les représentations et les ateliers de pratiques chorégraphiques. Concrètement, les élèves visitent le Pavillon Noir, rencontrent les techniciens, les danseurs, assistent à une répétition, à des lectures vidéo-danse, à une intervention du G.U.I.D… Deux projets exemplaires méritent que l’on s’y arrête.

L’un au collège Louis Aragon à Roquevaire place des élèves de 6e et 5e au cœur de la danse à travers les regards complémentaires du chorégraphe, du danseur et du spectateur ; l’autre, plan d’Enseignement artistique et culturel (EAC), reconduit pour la 3e année dans le cadre d’un conventionnement avec la Drac, l’Éducation nationale et la Ville d’Aix. La collaboration avec le collège Louis Aragon est née en 2006 à l’initiative d’un professeur d’EPS qui pilote le projet en interne. Depuis 2009 des élèves volontaires s’engagent sur l’année à voir 4 spectacles et à participer à 18h d’ateliers chorégraphiques. Ainsi, sur le thème «Du hip hop au contemporain», 13 filles et 7 garçons bénéficient de la présence de Miguel Nosibor, Emmanuel Gat, Pierre Rigal et Via Katlehong Dance. Quant à la création d’un spectacle de fin

d’année, ce n’est une finalité en soi pour personne : le Ballet Preljocaj préfère la restitution du travail sous forme «d’un atelier ouvert», manière de créer une interaction entre les enfants, les parents, le personnel du collège et le Ballet. Changement d’échelle avec l’EAC qui concerne 300 élèves de 12 classes de CE2, CM1, CM2 d’Aix, Luynes, Les Milles, Puyricard et Couteron autour de la création de la compagnie Castafiore en mars à Aix. Un méga dispositif qui comporte des journées de formation des enseignants, des rencontres pédagogiques avec les intervenants, l’accueil de chaque classe au Pavillon Noir, un atelier hebdomadaire, 12 interventions du chorégraphe Karl Biscuit, la venue au spectacle Stand alone Zone. La restitution ne faisant pas partie de l’EAC, elle est la cerise sur le gâteau : présentation inter-classes, réalisation plastique («cahier du danseur») ou présentation aux parents… Dans l’une et l’autre des expériences, ce qui compte, «c’est la richesse mutuelle», la diversité du travail accompli par les enfants et les équipes pédagogiques à partir d’un même cadre. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Merci à Céline Jolivet et Mélanie Lebeq pour leur aide précieuse www.preljocaj.org

Débutants en lumière L’ERAC, École régionale d’acteurs de Cannes, assure chaque année une formation béton pour une quinzaine de jeunes, recrutés pour 3 ans d’études riches d’expériences. Les formateurs, gens du spectacle aguerris, apportent des esthétiques diverses aux élèves-comédiens qui travaillent ensemble constamment, car la cohésion du groupe est indispensable. Lors de la 3e année du cursus qui se déroule à Marseille, ils s’essaient à la mise en scène autour de projets libres qui les engagent tous, l’école apportant un soutien technique à la réalisation. Cette année cinq projets ont été réalisés. Les deux

derniers étaient présentés les 29 et 30 janvier. Lambeaux du journal d’un fou, projet de Mikaël Teyssié, était une adaptation des Carnets d’un fou de Gogol auquel étaient ajoutés des Écrits bruts d’aliénés, mettant en lumière le processus de désadaptation progressive d’un jeune homme à la société. Mise en espace intéressante avec des personnages inscrits dans des cadres suspendus, les dates du journal annoncées par une speakerine enjôleuse. Un jeune gratte-papier se réalise en taillant des crayons dans un ministère, peu à peu son double s’introduit dans le récit, le

délire s’installe et la réalité se transpose dans une vie réinventée... Julie Collomb a, quant à elle, choisi d’écrire son texte, Merci Maman. Le thème n’est pas nouveau : une fratrie se réunit pour l’anniversaire de la mère qui les laisse seuls. Cela donne lieu à quelques mises au point, quelques révélations. L’intérêt se trouve dans le traitement décalé des interventions, des monologues qui s‘adressent au public, un certain humour. Didier Abadie, directeur de l’ERAC, déclare modestement qu’«il ne s’agit pas de mise en scène mais d’une expérimentation» pour assurer

«l’autonomie et la responsabilisation» des jeunes comédiens. Pari plus que tenu ! CHRIS BOURGUE

Les projets personnels des élèves de 3e année ont été présentés au Studio de l’ERAC à la Friche

À venir Crimes de l’amour mes Nadia Vonderheyden du 20 au 24 avril au Théâtre des Bernardines, Marseille 04 95 04 95 78 www.erac-cannes.fr


V

FESTIVAL LES ÉLANCÉES

Comme chaque année les Élancées ont mis le geste au cœur des habitants d’Ouest Provence, pour un festival de créations

Un autre cirque Difficile de juger du cirque vietnamien à l’aune du

Les inséparables S’il place depuis longtemps la relation

nôtre ! Issu d’une tradition ancienne, à la fois gymnique et musicale, il n’a pas eu à s’affranchir de la piste, des animaux, et a toujours été choral, à la croisée du théâtre, du chant, de la danse, et de la gymnastique. La troupe qui tourne Lang Toï en Europe est issue de cette tradition là, mais s’est aussi débarrassée de ses rites narratifs figés pour adopter une dramaturgie compréhensible par les occidentaux. Il est question de la vie d’un village, et si quelques poses souriantes déconcertent, la beauté plastique de la scénographie de bambous emporte l’enthousiasme. De même que certains numéros individuels : le percussionniste jongleur fait un numéro d’une précision et d’une musicalité totalement inédites, et époustouflantes. Mais le plus épatant reste la cohésion de groupe : dans ces numéros réglés au millimètre chacun, sans attirer sur lui le regard, participe à l’élaboration de tableaux acrobatiques collectifs. Ou joue, comme dans un orchestre, sa partie musicale et gestuelle. Et l’on se

adultes/enfants au cœur de ses chorégraphies, Jacques Fargearel ne l’avait jamais placée sous l’angle du hip hop, comme dans Ces deux-là, duo magnifique entre un jeune homme et un petit garçon sur le thème de la relation fraternelle. La surface noire de la scène est découpée par de longs pans de tapis de couleurs vives, qui sont autant de chemins qu’empruntent le petit et le grand frère, chacun de son côté ou ensemble. Une belle complicité les unit. Les regards se soudent, les corps sont comme aimantés, le petit d’homme, sourire en coin, copie son aîné avant de virevolter, seul et impérial, accomplissant avec brio une figure étonnante. Provocations, tendresse, souplesse, humour… tout est visible, tout est palpable au sein de cette fratrie solidaire.

Lang Toï © X-D.R

rend compte soudain que le nouveau cirque occidental reste comme l’ancien un art de solistes…

Ces deux-là a été créé le 30 janvier à l’Espace 233 à Istres

Lang Toï a été joué en ouverture des Élancées les 27 et 28 janvier

Détournement aérien Que voilà un titre bien trouvé ! Le Bal Caustique concocté par les deux artistes du Cirque Hirsute, Mathilde Sebald et Damien Gaumet, fut en effet mordant, piquant et narquois ! C’est un univers surréaliste qui est proposé d’emblée, et les repères n’y sont pas forcément des plus rassurants : une commode d’époque se balance dans les airs telle une pendule, une chaise sans assise fonctionne comme un culbuto, une plante en pot trace son chemin sur la scène et finira décimée… Et quand tout à l’air normal se pointe le détail qui fait tout chavirer… Avec fantaisie et poésie les lois de la physique sont déjouées, transcendées par deux énergumènes talentueux et surprenants. Le Bal Caustique s’est déroulé le 30 janvier au Théâtre de Fos Bal caustique © Jesus Ruiz de la Hermosa

En toute confiance Dans une semi-pénombre des corps se meuvent, rampent les uns sur les autres, à la verticale, des pyramides se construisent et se déconstruisent aussi vite, sans bruit, glissements félins de jambes, de bras, rétablissements… Les acrobates porteurs et voltigeurs de la Cie XY sont sidérants : bousculant allégrement les codes des portés acrobatiques, les dix-sept artistes réinventent une loi, celle de l’apesanteur. Avec une apparente facilité, et une grâce infinie, les corps trans-forment l’espace ; dans un mouvement permanent les chorégraphies se succèdent, pyramides, colonnes, lancés de plus en plus exigeants et compliqués… sans qu’à aucun moment la performance physique ne prenne le dessus sur l’émotion, qui réside dans cette confiance sans réserve qu’ils accordent à l’autre. Et qui rend le spectacle plus touchant encore. Le grand C a été porté par la Cie XY le 2 février au Théâtre de la Colonne à Miramas

Le Grand C © C-Raynaud de Lage

Exercice de style 3 au Cube est la nouvelle pièce chorégraphique de la Cie X-Press. Abderzak Houmi s’attache cette fois au volume, à la structure de cette figure géométrique autour de laquelle trois danseurs de hip hop -dont deux femmes- évoluent. Les tableaux se succèdent, entrecoupés de jeux de lumière et de musique stroboscopiques, chacun mettant en avant un univers. Si l’ensemble manque un peu de cohérence, certains moments sont très réussis : au cœur d’une boite de nuit, boule à facette incluse, une belle énergie se déclenche ; puis, dans un noir quasi parfait, ils font danser des cubes de couleurs sur une musique un instant calmée… 3 au Cube de la cie X-Press a été dansé le 6 février au Théâtre de la Colonne à Miramas DOMINIQUE MARÇON ET AGNÈS FRESCHEL


LES SALINS | CREAC | THÉÂTRE DE GRASSE

SPECTACLES

VI

Radeau médusant Une création de plus aux Salins ! La scène nationale a pris l’habitude d’accompagner les artistes et Mathurin Bolze, acrobate et metteur en cirque, y prend ses aises sur un plateau à sa mesure. Avec ses compagnons il construit un univers du déséquilibre et de l’étonnement vertigineux. Les exploits s’y succèdent, essoufflants, dans un univers déconstruit, en friche, où les planches, cordages, rampes, filins sont les seuls appuis d’une plateforme voyageant entre ciel et terre, où tout bruit, grince, se choque. La musique assourdit (trop !), l’espace y est mouvant, destructible, faux comme les ombres qui se projettent sur un écran de papier, ou comme les branchages qui un instant semblent parer le radeau bringuebalé auquel ils s’accrochent. Penchés au dessus du vide, accrochés

propre existence, même si parfois une main se tend pour soulever un corps voué à la chute. Les élans communs, rares et destructeurs, envoient valdinguer leur vaisseau suspendu, détruisent les surfaces stables, se perdent dans la frénésie, s’abîment dans le sporadique. Du goudron et des plumes ? La punition réservée aux tricheurs conviendrait bien peu à ces corps qui s’exposent sans concession et offrent sans frime le spectacle de leur virtuosité et de leur rugueuse jeunesse. Malgré quelques moments de creux, ces acrobates dansent… A.F. © Christophe Raynaud de Lage

au sol qui se dérobe, se troue, s’érige, se penche, les corps sont en mouvement constant, et les visages toujours tendus. Une sorte de lutte vitale a lieu pour rester debout, et chacun semble n’y percevoir que sa

Troublant laboratoire

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Le principal défaut d’In Vitro 09 tient à sa qualité : fougueux, mais décalé. Paradoxal ? Non, car la création du CREAC est portée par de jeunes artistes européens et brésiliens tout juste sortis des meilleures écoles de cirque (Rio de Janeiro, ESAC de Bruxelles, CNAC de Châlons-enChampagne et The Circus Space de Londre). Ils insufflent un vent de fraîcheur au scénario écrit en 1997 mais le spectacle n’avait nul besoin de synopsis. Pourquoi évoquer un professeur, trois laborantins, deux générations de clones, une femme parfaite, parler «d’une sorte de parodie métaphysique entre effets burlesques et intentions satiriques où le monde de la création artistique dans le domaine © X-D.R des arts du cirque ressemble à un laboratoire clandestin» ? Cela brouille la lecture du spectacle durant lequel on cherche désespérément qui est qui, et qui fait quoi ! Le meilleur moyen de profiter de l’énergie généreuse et des prouesses techniques est d’imiter le jeune public : ignorer l’histoire pour se concentrer sur les tableaux visuels, les numéros acrobatiques, aériens, d’équilibre et de jonglerie qui s’enchaînent sur un rythme soutenu. D’autant que la création musicale live diffuse une énergie communicative. La troupe embarque le public dans son effervescence joyeuse quand, prisonnière d’une maxi cage et dominée par un maître de jeu impitoyable, elle offre de vrais moments de grâce. Comme l’apparition poétique et irréelle de «la femme parfaite», seul éclat de couleur rouge vermillon dans un paysage gris-noir, silhouette fragile en équilibre sur sa corde. Ou le corps à corps inventif et décalé du jongleur avec ses balles qui finiront par le clouer à terre. Ce n’est plus du jonglage, c’est de la prestidigitation. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

In Vitro 09 a été donné au CREAC à Marseille du 20 au 27 janvier et les 5 et 6 février à Istres (Les Elancées). Il sera repris du 2 au 4 mars à La Seyne (Janvier dans les Etoiles)

Du goudron et des plumes a été créé les 28 et 29 janvier au Théâtre des Salins, Martigues

Triomphal ! Dans Agwa comme dans Correria, le chorégraphe Mourad Merzouki a su repousser les limites du hip hop pour inventer une danse plurielle qui parle à tous. Énergie débordante, virtuosité technique, inventivité formelle, musicalité des corps : face à la déferlante des 11 danseurs de Rio de Janeiro, le public du Théâtre de Grasse a été emporté par une vague. Applaudissements en cours de représentation et standing ovation !… Figure de proue du mouvement depuis le début des années 90 et partenaire de création de Kader Attou durant cinq ans, son rayonnement est tel qu’il vient d’être nommé directeur du Centre chorégraphique national de Créteil et du Val-de-Marne. Une juste consécration pour cet artiste qui dépasse l’esprit purement hip hop en croisant avec sa compagnie Käfig les styles et les techniques, et aborde des sujets essentiels : l’eau précieuse qui coule dans nos veines ou la course effrénée de nos vies dans la jungle des villes.

Agwa (agoa en portugais) met en péril les danseurs qui se déplacent au milieu d’un champ de verres en plastique, dessinant une sculpture humaine fragile et une «fontaine» miraculeuse. La pièce, colorée et jaillissante, relève de l’exploit technique. Correria, plus conceptuelle, ne manque pas d’humour ni de scènes performatives : dans une succession habile, les séquences s’enchaînent qui mettent à l’honneur l’élasticité des corps. Les postures, parfois, défient les lois de l’anatomie ! Et quand ils dansent sur un air d’opéra, une prothèse de jambe à la main comme pour ajouter à la confusion de leur course inutile, on se dit qu’il fallait oser. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Présenté au Théâtre de Grasse les 2, 3 et 4 février, Agwa / Correria est en tournée à Théâtres en Dracénie à Draguignan (29 mars), au théâtre de l’Olivier à Istres (30 mars) et au théâtre Les Salins à Martigues (1er avril) Agwa © Agathe Poupeney Photoscene


VII

SPECTACLES SAINTE-MAXIME | LE

REVEST | MASSALIA

Amour et chuchotements Seule dans ma peau d’âne est tout sauf un spectacle bavard. Intelligent, délicat, il réinvente le conte de Charles Perrault par petites touches sonores et visuelles : ritournelles déglinguées, monologue imagé tendrement susurré, longue robe blanche pour la Reine et manteau sombre pour l’Ânesse habilement suspendus aux cintres. Dans cette atmosphère intime, une voix chuchote l’histoire douloureuse de cette jeune fille obligée de se cacher sous une peau d’âne pour fuir l’amour d’un père trop exclusif… La mise en scène et en lumière d’Estelle Savasta est tout en retenue, entre suggestions et évocations ; et le jeu de Camille Forgerit volontairement déconnecté d’un récit plus cru qu’il n’y paraît. La comédienne est lumineuse, et exprime avec poésie toute la gamme des sentiments, même les plus violents : l’amour fusionnel avec la mère, la souffrance de sa mort, la solitude, le désespoir de la fuite… Au sensationnel racoleur, Estelle Savasta

préfère s’en tenir à l’essentiel par des accessoires inventifs, un jeu de scène économe (gestes chorégraphiques et langue des signes), des mots familiers tels une comptine. Un texte qui touche les enfants, un imaginaire qui parle aux adultes. La réussite de Seule dans ma peau d’âne -qui fut d’ailleurs nominé aux Molières Jeune public 2008tient dans la lumière qui l’habite et qu’il diffuse longtemps. Comme la petite luciole dans la tête de l’infante l’illumine d’espoir. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Seule dans ma peau d’âne (Cie Hyppolite a mal au cœur) a été joué les 4 et 5 février au Carré Léon Gaumont, Sainte-Maxime (83)

Seule dans ma peau d’âne © X-D.R

Trois clowns sur un plateau En reprenant Les clowns, spectacle créé en 2005, François Cervantes réaffirme son attachement au personnage poétique et politique, éminemment théâtral donc, du clown, «être ridicule, maladroit, inadapté, mais brûlant de désir», «homme qui déborde de lui-même», «poème sur pattes». Les clowns, c’est la rencontre sur scène de trois de ces spécimens: Arletti (Catherine Germain), Zig (Dominique Chevallier), Le Boudu (Bonaventure Gacon). À chacun son registre. Il y a la gentille, un peu fofolle, qui s’émerveille de tout, qui aime bien aussi mener les deux autres à la baguette. Il y a le grand pataud, qui s’effraie d’un rien et promène sa présence lunaire. Et puis il y a le méchant, vaguement ogre, très seul surtout. Trois clowns, trois façons d’être au monde déclinées en trois tableaux réjouissants, qui interrogent avec finesse l’évolution de ce caractère. Le premier acte

par hasard que Zig lit «Beckett» au lieu de «Kenneth»). Cauchemar de mariage et de mouche géante, le public conquis se gondole. Troisième acte, bouquet final : les clowns décident de jouer King Lear ! Arletti se fait metteur en scène et despote fatigué, les deux autres filles du roi, avec tresses postiches, rollers et château en carton. Cette scène burlesque, très écrite, est magistrale. Du grand art de clown contemporain, qui se joue des classiques et des conventions théâtrales pour dire la solitude humaine et la folie du monde. Comme Shakespeare ! FRED ROBERT Les clowns © Christophe Raynaud de Lage

campe sur la tradition, avec une scène de rencontre plutôt conforme à ce qu’on peut voir au cirque, postures, mimiques et échanges de coups compris. Le deuxième s’en démarque et offre une plongée jubilatoire dans l’absurde (ce n’est sans doute pas

Les citations sont extraites du très beau livre cosigné par François Cervantes et Catherine Germain, Le clown Arletti, vingt ans de ravissement (voir Zib 15) Les clowns est présenté au Théâtre Massalia jusqu’au 27 février

Captive et mutante Dans un décor géométrique qui n’est pas sans évoquer Mondrian, revêtues de costumes gris et blanc que Pierre Cardin n’aurait pas reniés, trois danseuses «envahissent» le plateau savamment mis en lumière. Clin d’œil à la série culte des années 70 ? Peutêtre une réminiscence inconsciente. Dans Effet papillon Mylène Benoit, artiste plasticienne et chorégraphe de la compagnie Contour progressif, interpelle les relations entre la danse et le jeu vidéo. Et s’interroge : cette rencontre est-elle une façon de faire muter les corps ? Si l’on en croit les silhouettes asexuées, quasi désincarnées, leurs combats à fleuret moucheté, leurs déplacements syncopés de poupées désarticulées et de marionnettes robotisées, la réalité du corps

humain est un immense laboratoire. Surtout quand celle-ci est appréhendée dans son rapport à l’image, au jeu vidéo, aux territoires virtuels.

Munies de capteurs (processus exploré dès 2000 par le duo précurseur N + N Corsino), les trois interprètes évoluent dans un univers aseptisé, © X-D.R

humanoïdes plongés dans une bulle d’oxygène : la danse est blanche, muette, précise, sans effets sauf dans les trajectoires heurtées et les coups de pied incisifs qui cinglent l’espace. Le jeune public, auquel s’adresse Effet papillon, est conquis par ce spectacle dont il maîtrise le vocabulaire, les codes et les frontières. Dans ce sens, la symbiose est parfaite entre le propos, la technologie et la forme chorégraphique (très plastique, et pour cause…). Mais la danse s’en trouve parfois phagocytée. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Effet papillon a été donné les 18 et 19 janvier au PôleJeunePublic Le Revest et le 23 janvier au Carré Léon Gaumont à Sainte-Maxime


THÉÂTRE DE FOS | BADABOUM | GRAND THÉÂTRE DE PROVENCE SPECTACLES VIII

Morceau de choix

Curiosité lumineuse

Devant un parterre de petits yeux ébahis, la comédienne Nathalie Della Vedova ouvre ses voletslunettes, et entonne doucement «Il était un petit homme, Pirouette Cacahuète…». Toit sur la tête et marionnette à doigt prête à bondir (le facteur commence sa tournée en chantonnant), la comédienne joue tour à tour tous les petits personnages de cet univers miniature dont l’esthétique plastique très colorée fait merveille. La perte du nez du facteur engendre quelques rencontres insolites et fort drôles, cochon, chien, et même bonhomme de neige se feront voler leur appendice par un facteur bien malheureux. Des saisons aux détournements d’objets (les maisons ont une vie propre que le facteur découvre), jusqu’aux marionnettes très originales, le petit monde de Mon Nez est bourré de trouvailles propres à éveiller la curiosité et l’imaginaire des tout- petits, sans tomber pour autant dans la facilité.

Quel enfant n’a pas tremblé en écoutant l’histoire de Barbe Bleue et de ses femmes mortes dans un cabinet secret au sol couvert de sang ? Qui n’a pas été terrifié quand la tache de sang sur la petite clé d’or ne voulait plus partir ? Qui n’a pas psalmodié «Anne, ma soeur Anne...» en espérant voir surgir les cavaliers libérateurs ? Toutes ces émotions remontant de la mémoire saisissent adultes et enfants effrayés par le noir entre les deux tableaux... Laurence Janner a proposé un spectacle sensible s’inspirant de très près à la fois du conte de Perrault et de l’opéra de Béla Bartok. La scénographie et les lumières sculptent véritablement l’espace, tandis que la bande sonore subtile de Julien et Nicolas Martin participe à l’action. Le premier tableau se déroule devant des murs tendus du rouge de la tentation et de la désobéissance. Les deux comédiens, Marianne Houpie et Jérôme Rigaud, narrent le conte, instaurant la nécessaire distanciation avec le personnage. Puis le deuxième tableau plonge dans l’univers onirique du livret de Béla Bálazs : sur les murs du Château sont projetés des images de batailles, de tortures, de joyaux, les lumières scintillent, les portes s’ouvrent ; car Judith, la nouvelle épouse veut faire rentrer le soleil dans cette demeure humide. Elle veut tout savoir, Judith, mais la vérité est terrible. Et elle disparaît dans un labyrinthe lumineux...

DO.M.

CHRIS BOURGUE

Mon Nez © Cie Objet sensible

Mon Nez a été joué au Théâtre de Fos le 27 janvier et au Forum des jeunes et de la culture à Berre le 3 février

La Barbe-Bleue a été présentée du 20 au 30 janvier au Badaboum, Marseille

La Barbe-Bleue © Gaelle Vaillant

À venir au Badaboum La jeune fille, le diable et le moulin d’Olivier Py Jean-Paul Ouvrard mercredi 24, vendredi 26 et samedi 27 février 14h30 Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll Laurence Janner mercredi 3, samedi 6, mercredi 10, samedi 13 mars 14h30 Le roi Grenouille et la chèvre de monsieur Seguin d’après Grimm et Alphonse daudet Jonathan Bidot mercredi 17, samedi 20, mercredi 24, samedi 27 mars 14h30 www.badaboum-theatre.com

Ces chansons qui font la vie «Trois p’tites notes de musique…» et nous dévidons nos souvenirs… Dans son taxi qui l’emporte, la star, robe longue, paillettes, fourrure, se laisse bercer par de vieux tubes, nostalgie, détresse, solitude de l’ancienne idole… Tout est là, à la fois grandiose et dérisoire… Installation tragique nécessaire à l’opéra ? Ici la mise en scène alerte, inventive, module avec des éléments simples les passages entre la loge, la scène, le dancing, la rame de métro (excellent !), le café, la

rue… Une intrigue lâche suit l’enveloppe rouge accompagnée d’un bouquet et donnée par un admirateur transi, fui d’abord, puis recherché… Éternel jeu du «je t’aime moi non plus» ! Le propos est léger et renouvelle les airs qui suivent une véritable cure de jouvence grâce aux voix superbes de la troupe Les cris de Paris, sous la direction de Geoffroy Jourdain, et au jeu des acteurs du Théâtre de l’Incrédule. Les scènes s’enchaînent, on glisse de registre en

registre, à la suite de quelques personnages récurrents. La mise en scène de Benjamin Lazar, vive et dynamique, emporte dans un même mouvement acteurs et musiciens. Les musiques fusent, les voix se substituent à tout un orchestre, les thèmes s’enchâssent avec un extraordinaire brio, parfois au cœur d’un même morceau. Les spectateurs éprouvent le délicieux plaisir des retrouvailles, renouent aussi avec leur passé ou retrouvent celui de leurs

parents, reconnaissant des mélodies oubliées… Tout va si vite, de Chaplin à Jeannette, d’Aznavour aux Rita Mitsouko, impossible de s’arrêter à un chant, il y en a plus de 80 ! Un véritable bonheur de nostalgie, à transmettre. MARYVONNE COLOMBANI

Lalala Opéra en chansons a été donné les 29 et 30 janvier au Grand théâtre de Provence, Aix

© X-D.R


IX

SPECTACLES

LE GYPTIS

Durant trois semaines la création d’Hypatie ou la mémoire des hommes, mis en scène par Andonis Vouyoucas, co-directeur du Gyptis, a rempli la salle de la Belle de Mai d’un public composite, souvent jeune, enthousiaste. Retour sur une création originale

Afin que la raison triomphe… Le projet d’Andonis Vouyoucas était enthousiasmant. Il consistait à rassembler, à cette heure de plateaux réduits, acteurs, danseurs et musiciens de la région ; le texte de Pan Bouyoucas, la musique d’Alexandra Markeas et la danse de Josette Baïz étant originales. De plus cette triple création permettait, autour du problème de l’intolérance religieuse, de mettre en lumière une figure historique de femme, et un auteur québécois inconnu. Mais les bonnes intentions font-elles les bons spectacles ? Le résultat n’est pas tout à fait à la hauteur des attentes : le texte, très efficace dramatiquement, met en scène des conflits portés par les personnages et permet de captiver le public autour de l’intrigue pendant 2h30. On lui pardonne donc quelques vraies lourdeurs de langue… d’autant qu’Agnès Audiffren, dans le rôle titre, est absolument bouleversante de

force, de subtilité, d’incarnation qu’on dirait volontiers christique si elle n’était si caractéristiquement athée… Mais le reste du plateau n’est pas à sa hauteur, s’en sort plus ou moins bien (sauf Stéphanie Fatout qui est elle aussi épatante), chacun étant visiblement animé davantage par son idée du personnage que par une direction d’acteurs cohérente et commune. Le reste, qui ne fait pas qu’habiller la pièce, est aussi inégal : la musique (voir ci-dessous) et la danse sortent vraiment du commun, les trois moments dansés par Grenade étant d’une qualité technique évidente, et d’une grande force émotionnelle, tendre ou sauvage ; le décor, finalement assez fonctionnel, a un petit côté peplum (sobre) de même que les costumes. Inégal donc, et imparfait… mais dans l’ensemble Hypatie atteint son but : faire revivre la mémoire, montrer que l’histoire a aussi été marquée par des femmes © Agnès Mellon

oubliées, défendre la culture, l’expérimentation, la raison. Et surtout, faire passer auprès d’un large public une réflexion profonde, et contemporaine, sur l’intolérance religieuse : à travers l’obscurantisme chrétien de l’époque, c’est bien évidemment tous les fanatismes religieux qui sont visés. Tous ceux qui mettent la foi au-dessus de la raison, voire du bon sens. AGNES FRESCHEL

La musique d’Hypatie La place de la musique dans Hypatie, n’est heureusement pas réduite, comme on le voit souvent au théâtre, à la présence tape à l’œil d’un percussionniste improvisant quelque rythme d’accompagnement… Alexandros Markéas livre une musique écrite et précise qu’il confie à un trio de métier issu de l’ensemble Télémaque. Le hautbois de Blandine Bacqué lance des stridences sarcastiques, figures ondulantes ou pointillistes, des trilles suspensifs, le guitariste Philippe Azoulay égrène arpèges, harmoniques et glissandos, quand, sautant du vibraphone aux toms, Christian Bini colore le tout d’accents funèbres ou de roulements farouches. L’ensemble est parfaitement en place ! Il commente le récit, souligne les transitions, ponctue, renforce l’architecture cyclique du drame : de l’autodafé initial au sacrifice final. Peu de références géographiques ou «folkloristes». Seule une polyphonie de type méditerranéen retentit lors des deux processions qui encadrent la pièce. Le langage coloriste, s’il n’oublie pas un certain lyrisme, ni un principe «tonal», reste éminemment moderne. On comprend mieux ainsi que c’est d’aujourd’hui dont il est question dans la critique proposée sur l’intolérance et le fanatisme religieux d’avant-hier. Même si les apparitions puissantes et statuaires de la soprano Muriel Tomao tirent le spectacle du côté de la Tragédie-lyrique baroque, voire antique… JACQUES FRESCHEL

Un groupe d’élèves de seconde STL du lycée Marie Curie (Marseille) est allé voir Hypatie. Voici le résultat de leurs réflexions, parfois différent des nôtres…

La flamme d’Hypatie D’abord il y a Hypatie, une femme très différente de celles de son époque, le IVe siècle après JC. Habitante d’Alexandrie, conservatrice de sa fameuse bibliothèque, elle est un modèle de liberté et de courage puisqu’elle défend ses idées avec ardeur. Une femme exceptionnelle, scientifique, intellectuelle, féministe avant l’heure aussi. Elle se dresse face aux hommes et reste insoumise jusqu’au bout, jusqu’à perdre la vie. Ce personnage original (et historique !) est mis en valeur par le spectacle. Avec ses décors et ses costumes sobres, sa mise en scène dépouillée et très contemporaine, son texte clair, Hypatie… n’est pas seulement une tragédie théâtrale. La musique, le chant et la danse soulignent sur scène les temps forts

de l’histoire et en font un spectacle total, très rythmé. Et puis, bien que l’action se déroule dans l’Antiquité, les obstacles auxquels Hypatie et son amie Sarah se heurtent restent d’actualité. L’intolérance religieuse (persécution des Juifs, hégémonie chrétienne), les discriminations envers les femmes (sexisme, interdiction d’accéder au savoir), la défense de la liberté d’expression et de pensée pour tous, tout ce qui révolte ou passionne l’ardente Hypatie nous parle encore aujourd’hui. Au final, héroïne attachante + thèmes forts + mise en scène inhabituelle = un spectacle très réussi, que nous avons bien apprécié, malgré quelques longueurs. JOHANNA, JADE, CHLOE, ROMI, ESTELLE, JUSTINE, XAVIER ET LES AUTRES…


AU PROGRAMME

SPECTACLES

X

Cosmique

© Eric Legrand

Les pieds dans les étoiles Didier Galas, Ensemble Lidonnes à partir de 8 ans mardi 2 mars 19h Le Cadran, Briançon 04 92 25 52 52 www.theatre-le-cadran.eu et vendredi 5 mars 19h La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

Il y a du défi dans l’air, et pas des moindres, avec l’auteur et metteur en scène Didier Galas qui veut «offrir au public le vertige exaltant que procurent les connaissances actuelles de l’astrophysique». Comment ? Mais en rêvant, tout simplement. Ou en voyageant dans l’espace et le temps, pour peu que l’on marche sur les pas des trois comédiensdanseurs qui s’y connaissent en constellation, comètes, nébuleuse, voie lactée et autres étoiles filantes… Les pieds dans les étoiles est un spectacle pour les astrophysiciens en herbe et les rêveurs de tout poil sensibles à la poésie du cosmos.

Fantasque À la veillée Guy Alloucherie et sa compagnie HVDZ, à l’invitation du théâtre de Cavaillon, sont partis à la rencontre du Après Chorus de babioles pour un manipulateur singulier – Hodja vol.1, le projet transfrontalier FranceTurquie de Vincent Berhault et Ilka Madache poursuit son chemin. J’attends mes lokums chez le kuaför, deuxième opus en forme de performance effrénée, raconte les pérégrinations imaginaires d’un archiviste fantasque et de son assistant, un clone-clown turc… Anti-héros, monde-laboratoire, intelligence artificielle, voyage immobile : un spectacle à mi-chemin entre deux mondes, celui de Jules Verne et de Cervantès…

territoire et de ses habitants. Ils ont déambulé, collecté des témoignages, proposé des performances et multiplié les formes d’art : danse, théâtre, vidéo, cirque… De ces découvertes réciproques est né un spectacle, ou plutôt «une veillée», comme on rend compte et raconte une histoire. Une drôle d’histoire simple qui concerne chacun, artistes et habitants, embarqués ensemble dans une veillée sans sommeil. Veillée # Cavaillon Guy Alloucherie, Cie HVDZ jusqu’au vendredi 5 mars dans la ville de Cavaillon vendredi 5 mars 14h et 20h30 au Théâtre de Cavaillon

Blupblupien Fraternité Sur la minuscule île de Blupblup, il n’y a plus qu’un seul habitant, Kadouma, grand et noir de peau…, jusqu’au jour où Mamie Ouate, une lilliputienne blanche, le rejoint. Dès lors, plus rien ne sera comme avant ! Car Mamie Ouate est une vieille dame indigne, une entomologiste qui rêve de capturer un papillon rare et troque les services de Kadouma contre du crabe et du foie gras… Servi par de magnifiques acteurs, le texte de Joël Jouanneau résonne dans tous les esprits, même les plus jeunes : à travers l’évocation du blanc et du noir, du grand et du petit, du Nord et du Sud, il parle des différences, de la rencontre, de la force de deux âmes réunies.

© CSibran

Vrai-faux We are la France, écrit par Jean-Charles Massera, est © Riccardo Musacchio & Flavio Ianniello

Mamie Ouate en Papoâsie Joël Jouanneau à partir de 6 ans mardi 16 mars 19h Espace culturel Folard, Morières-les-Avignon vendredi 19 mars 19h Salle des fêtes, Mérindol mardi 23 mars 19h Salle des fêtes, Cabrières d’Avignon jeudi 25 mars 19h Salle des fêtes, Le Thor vendredi 26 mars 19h Cinéma l’Eden, Noves

J’attends mes lokums chez le kuaför Vincent Berhault et Ilka Madache, Cie Les Singuliers à partir de 12 ans vendredi 26 février 20h30 Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

Les deux acrobates Frédéric Arsenault et Alexandre Fray connaissent bien Cavaillon pour avoir arpenté la ville à l’occasion de la Veillée proposée par Guy Alloucherie. Ils reviennent au Théâtre avec Appris par corps, duo sur la relation humaine de deux êtres indispensables l’un à l’autre : le porteur et son voltigeur. Métaphore de l’union fraternelle et du dépassement de soi. Conçue d’après Les Météores de Michel Tournier, la pièce emprunte à la danse, au théâtre et au cirque pour se faire l’écho de toute l’ambiguïté des relations humaines. Appris par corps Un loup pour l’homme lundi 1er mars 19h et mardi 2 mars 20h30 Théâtre de Cavaillon www.theatredecavaillon.com

une petite leçon d’économie politique à l’usage des ados et de tous ceux qui souhaitent capter l’air du temps, et le comprendre. Entre un patron d’une firme de jeux vidéos et la mère du petit Jordan en situation d’échec scolaire, les échanges sont vifs, parasités par une télévision, symbole de la consommation moderne ! La Compagnie de la Tentative invite ici à une vraiefausse conférence plus percutante qu’un long discours, et malgré tout optimiste. We are la France Benoît Lambert, Cie Théâtre de la tentative à partir de 14 ans jeudi 4 mars 19h30, vendredi 5 et samedi 6 mars 20h30 Espace van Gogh, Arles © X-D.R


XI

SPECTACLES AU PROGRAMME

Aquatique Une cantatrice, un bar, une cave, de naïfs avions posés sur les branches… Comment raconter le bombardement

Essentiel

de mai 44 à Marseille -ou n’importe quel bombardement- devant un opéra ? s’interroge Christian Carrignon, metteur en scène du Théâtre de Cuisine. En invitant La Friche Belle de Mai sur le parvis de l’Opéra ! Ou plutôt 15 «frichistes», artistes, techniciens et personnels administratifs qui portent haut des trucs, déplacent un grand plan de Marseille. C’est sûr, ça va bouger : la taille des avions, les acteurs, le Vieux Port, l’eau répandue ! Sirènes et midi net : Pour qui sonnent les sirènes ? Théâtre de cuisine mercredi 3 mars, midi net parvis de l’Opéra de Marseille www.lieuxpublics.fr et www.theatredecuisine.com

Royal Illico Sous la baguette de François-Xavier Roth, l’orchestre Lors de ses voyages au Liban, au Maroc, en Italie et en Les Siècles fait entendre aux plus jeunes la musique de Beethoven, les invitant à sa découverte et à sa compréhension. Extraits musicaux, anecdotes, explications ponctuent cette rencontre originale avec un chef d’orchestre doublé d’un pédagogue qui aime rendre la musique accessible à tous. Une formule de concerts pédagogiques, Presto, qui a déjà fait ses preuves la saison dernière… Dans la foulée, les enfants à l’oreille mélomane pourront entraîner leurs parents le soir même au Triple concerto donné par Les Siècles et le Trio Wanderer au Grand théâtre de Provence. © X-D.R

Pozzo et Lucky forment l’un des couples les plus «extravagants» du théâtre contemporain. À travers leurs élucubrations, Bernard Levy -qui a déjà mis en scène Fin de partie du même Samuel Beckettrelève le pari de monter cette tragédie qui a toutes les appa-rences d’une farce. D’autant que le couple n’est pas seul au monde : il y a aussi Vladimir et Estragon, deux vagabonds, qui attendent Godot. Désespérément… En attendant Godot Bernard Levy, Cie Lire aux éclats à partir de 14 ans Jeudi 18 mars 19h30, vendredi 19 mars 20h30 Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

Doux dingue Semianyki veut dire «famille» en russe. Justement, c’est l’histoire d’une famille que raconte la troupe des clowns Licedei, une famille franchement frappadingue ! Il y a la mère, courageuse mais toujours enceinte, le père alcoolique au bord de la crise de nerfs, et leur progéniture : une armée de marmots déjantés et créatifs qui menacent de trucider père et mère pour exister. On n’aimerait pas être leur nourrice… Le parcours semé d’embûches de cette tribu haute en couleurs provoque une avalanche de rires car si les clowns sont muets comme des carpes, on comprend tout. Semianyki Compagnie du Teatr Licedei à partir de 6 ans mardi 9 mars 20h30 Salle Emilien Ventre, Rousset 04 42 29 82 53 www.rousset-fr.com

France, la compagnie Lalage a vu dans chaque enfant un petit roi endormi ; un «jeune roi» qui ne sait pas où mettre les pieds, où poser la tête, qui a hâte de grandir mais peur de devenir adulte. Dans Le roi nu, le texte de Carol Vanni (polyphonie pour 2 danseurs et 1 acteur), le langage chorégraphique, le son, la plastique des corps et des objets (le roi est une marionnette qui danse et sourit) font entendre la voix du Roi : un géant qui dort et fait trembler la terre à son réveil, une marionnette qui danse et qui sourit avant de sombrer dans la mélancolie… Le roi nu Elisabetta Sbiroli, Cie Lalage du 15 au 20 mars La Minoterie, Marseille 04 91 90 07 94 www.minoterie.org

Concert Presto autour de Beethoven François-Xavier Roth, Les Siècles à partir de 7 ans samedi 27 février 14h30 Grand théâtre de Provence, Aix 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net

Isham © Cie Lalage

Ça balance 20 jeunes interprètes du Centre d’éveil artistique, dingues de musique, déploient toute leur énergie et leur talent pour faire de Boulevard du Swing une avenue qui a du peps. Quand les standards de Gershwin, Duke Ellington ou Miles Davis résonnent, ils swinguent sur scène avec une générosité débordante. Leur succès tient autant à la qualité de leur travail vocal et scénique qu’à celle du compositeur Thierry Lalo, du metteur en scène Jean Daniel Senesi et de la chorégraphe Anne-Marie Gros. Immersion au cœur du jazz immédiate ! Boulevard du Swing Les Créa’tures du Créa d’Aulnay-sous-Bois samedi 13 mars 17h à partir de 7 ans Grand théâtre de Provence, Aix 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net Ahamada Smis © JBB

Montanarissimo Accompagnés par Baltazar Montanaro au violon et Pierre-Laurent Bertolino à la vielle à roue, Miquèu Montanaro (flûtes, accordéon) et Ahamada Smis (slam) créent leur premier spectacle jeune public : Wanaminots. Teinté de slam et de musiques du monde, Wanaminots s’inspire d’ateliers menés avec des enfants autour de l’improvisation musicale, de rythmes créés avec des objets en tout genre, de textes poétiques clamés en français, swahili ou occitan et de projections vidéos. Sur le plateau, ça s’entremêle et s’entrecroise, ça s’enchevêtre et s’entrecoupe…. Ça interroge aussi.

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Wanaminots à partir de 11 ans vendredi 12 mars 19h30 PôleJeunePublic, Le Revest (83) 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.com


XII Fabuleux Loin de l’illustration sonore, Raoul Lay et l’ensemble Télémaque font entendre les personnages du conte des frères Grimm, La mort marraine : la sombre clarinette de la funeste marraine, la trompette étranglée

du vieux roi malade, le doux carillon de la belle princesse mélancolique et le violon déchirant du jeune homme éperdu au milieu des chandelles... La création musicale et l’interprétation, scénographiée, redonnent vie aux instruments-personnages de ce récit où la mort «semble la plus juste des créatures parce qu’elle traite tout le monde de la même manière».

© Agnès Mellon

La mort marraine Raoul Lay, ensemble Télémaque à partir de 8 ans vendredi 26 mars 19h Théâtre du Jeu de Paume, Aix 08 20 00 04 22 www.lestheatres.net

Fantastique Nomade Un énorme globe passe des mains d’un spécialiste de Avec une créativité folle, un soupçon d’humour et la géopolitique à celles de son assistant, plus maladroit et plus loufoque aussi. Subterfuge habile de Thierry Bedard pour raconter aux enfants l’ordre et le désordre du monde tel qu’il peut être vu -ou vécu- selon que l’on habite dans l’hémisphère Nord ou Sud. Vision planétaire ludique et pédagogique à la fois, offerte aux enfants par un artiste dont la curiosité est sans limites, bien au-delà des océans. Le Globe Thierry Bedard, Cie Notoire/De l’étranger(s) à partir de 8 ans mercredi 24 et vendredi 26 février Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com samedi 6 mars Théâtres en Dracénie 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com jeudi 11 mars Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

Jamais-Jamais Qui ne connaît pas Peter Pan et le Capitaine Crochet ? Et la fée Clochette ? Les héros d’une pièce pour enfants et pour ceux qui l’ont été, comme pour tous ceux qui refusent de grandir… Le metteur en scène Alexis Moati, baigné de ses propres rêves, s’est emparé de la pièce de James Matthew Barrie pour faire renaître les aventures extraordinaires de Peter Pan, volontairement débarrassées «des couleurs pastel de Walt Disney». Sur scène, six acteurs interprètent plus de 25 personnages: la famille Darling, Nana, le brave chien Terre-Neuve, Wendy… Une création qui nous entraîne dans le pays imaginaire du Jamais-Jamais, merveilleux, mais un peu dangereux aussi. Peter Pan ou le petit garçon qui haïssait les mères Alex Moati, Cie Vol plané à partir de 8 ans du 26 février au 6 mars Théâtre du Gymnase, Marseille 0 820 000 422 www.lestheatres.net

beaucoup de tendresse, François Cervantes emmène le spectateur sur Une île, un royaume de légende peuplé d’étranges figures masquées. Il y a là le Kamikaze, l’Adolescente, la Mère, le Joueur, le Fou, l’Architecte, le Voleur, le Vieux… Tous embarqués pour un ultime voyage en mer quand, réunis à la mort de leur ami peintre, ils décident de ramener chez elle la jeune femme silencieuse qui était son modèle. Douze portraits écrits par François Cervantes, sculptés par Didier Mouturat, et joués au théâtre par la compagnie L’Entreprise. Une île François Cervantes, Cie l’Entreprise à partir de 11 ans vendredi 12 mars 20h30 Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com © Christophe Raynaud de Lage

Collectif Quand 4 auteurs contemporains (Pauline Sales, Sarah Fourage, David Lescot et Daniel Keene), 2 metteurs en scène (Philippe Delaigue et Olivier Maurin), 6 comédiens et 2 compagnies (Machine Théâtre et la Fédération [théâtre]) rencontrent des adolescents au lycée, l’aventure aboutit à de petites formes souples et légères spécialement conçues pour la cour, le restaurant scolaire, la salle de classe, le CDI… Tels sont ces Cahiers d’histoires restitués par les artistes autour de l’amour, la politique, la mort et l’évasion. Une initiative conjointe du théâtre Le Sémaphore à Port-de-Bouc et des Salins à Martigues. Les cahiers d’histoires Philippe Delaigue et Olivier Maurin mercredi 17 mars 20h30 Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr et 15 mars, lycée Charles Mongrand de Port-de-Bouc 16 mars, lycée Jean Moulin de Port-de-Bouc 18 et 19 mars, lycées de Martigues www.theatre-semaphore-portdebouc.com

Étoilé La rencontre est magique entre le Teatro Gioco Vita, l’un des pionniers du théâtre d’ombres contemporain italien, et l’auteure Barbro Lindgren à l’écriture légère et expressive. Pour preuve cette histoire tendre et délicate de l’enfant Pépé et du cheval Étoile qui grandissent ensemble et apprennent des numéros de cirque de plus en plus extraordinaires. Jusqu’au jour où un incident les oblige à se séparer brusquement et à prendre des routes différentes… Mais l’amitié est plus forte que tout, heureusement. Pépé et étoile Teatro Gioco Vita à partir de 3 ans mardi 9 mars 18h30 Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

Cinéma Pôle régional d’éducation artistique au cinéma, L’Alhambra à Marseille conçoit une programmation destinée au jeune public, mais à voir en famille. Des nouveautés et des grands classiques comme Les aventures de Robin des bois réalisé en 1938 par Michael Curtiz avec Errol Flynn et Olivia de Haviland. Du trans-générationnel, donc. Des films d’animation, comme Kerity, la maison des contes (2008) du français Dominique Monféry qui initie son jeune héros de 7 ans à la lecture au travers des secrets des contes. Et des courts-métrages d’animation étrangers, avec le programme suédois Laban et Labolina (2007) accessible à partir de 3 ans. Kerity, la maison des contes dès 5 ans du 24 au 28 février Les aventures de Robin des bois dès 6 ans du 3 au 7 mars Laban et Labolina dès 3 ans du 10 au 14 mars L’Alhambra, Marseille 04 91 46 02 83 http://www.alhambracine.com


XIII

LIVRES

L’apprentissage de la lenteur d’avoir baptisé sa fille ainsi. Mais il meurt au début du roman, l’enfant n’a pas de famille, et sera adoptée par le plus pauvre, à l’ombre du vieux sophora. Le récit s’attache à décrire sa nouvelle vie aux bords du fleuve, son amitié avec Bronze, la chasse aux canards, la confection de chaussures en chatons de roseaux, la neige, la sagesse du vieux buffle, le courage, la détermination, une merveilleuse grand-mère… Une pauvreté qui ramène à l’essentiel, leçon pour notre société qui jette tant. N’ayez aucune crainte : pas d’apitoiement, ni de larmes, mais une intense

Quand on pense littérature jeunesse, on imagine trop vite récits emportés, intrigues animées, rythme rapide et soutenu, nourri de rebondissements multiples… Le beau roman de Cao Wenxuan, entraîne le lecteur bien loin de ce zapping, dans un univers d’une bouleversante sensibilité. Bronze et Tournesol sont deux enfants. Le premier est devenu muet depuis l’incendie de la roselière qui a ravagé son village, la seconde se retrouve à la campagne lors de la révolution culturelle chinoise. Son père, intellectuel, est envoyé dans un camp de rééducation. Peintre, il affectionne les tournesols au point

poésie, comme celle d’une lampe de papier dans laquelle frémit la lumière des lucioles… La traduction sait rendre la poésie simple et fragile de cet hymne à la nature et à l’enfance, posant ça et là de délicats et surannés imparfaits du subjonctif… Un moment rare de bonheur et de sérénité. MARYVONNE COLOMBANI

Bronze et Tournesol Cao Wenxuan Traduit du Chinois par Brigitte Guilbaud Éd. Picquier jeunesse, 18,50 euros

Un trop beau petit livre... Joël Jouanneau, qu’il dise ses phrases ou nous les donne à lire, impose toujours à sa langue un rythme émotionnel particulier. Ce texte est présenté dans la collection « théâtre». Il s’agit en fait du monologue d’un petit garçon, Ellj, en grandes vacances chez son papa qu’il ne verra jamais. C’est Basile, sorte de pirate borgne, qui s’occupe de lui car son père, l’Amiral, est en voyage sur les mers... Comme il s’ennuie, il écrit sur son cahier et c’est au fond de l’encrier qu’il rencontre une «presque trop belle petite fille» qui lui dit être sa sœur. S’ensuivent jeux, voyage en canot, séjour sur une île, rencontres de personnages étonnants. Mais la petite Annj s’endort et il ne doit pas la réveiller... De très courts chapitres se succèdent au fil du rêve

éveillé de Ellj et des pages joliment illustrées par les calligraphies aquarellées d’Annie Drimaracci. On est littéralement ravis par cette langue inventée qui écorche grammaire et conjugaison ; l’effet en est jubilatoire et l’on se surprend, le livre refermé, à faire résonner dans sa tête des tournures analogues... Et je doive dire j’avoir beaucoup aimé ce trop beau petit livre ! CHRIS BOURGUE

L’enfant cachée dans l’encrier Joël Jouanneau Éd. Actes Sud-Papiers, collection Heyoka jeunesse, 8 euros

Comme un roman Le Mariage en papier, réalisé en 2000, est le premier court-métrage de Stéphanie Duvivier, un coup de maître. Tourné avec peu de moyens, il aborde finement la question des faux mariages, mixtes et «blancs». Lise, une jeune étudiante, peu fortunée, joliment interprétée par Cécile de France, décide d’épouser Salim moyennant finances. Peu de temps après, Salim installe sa grand-mère malade chez eux, le temps de son rétablissement… Ce court-métrage où l’on croise aussi Hiam Abbass a été primé, à juste titre, dans de nombreux festivals. Zakaryia Gouram qui joue Salim a obtenu le Prix du meilleur acteur au festival de Clermont-Ferrand en 2001. Et depuis Stéphanie Duvivier a aussi réalisé un long métrage, Un roman policier. On sait combien il est difficile de voir des courtsmétrages ! Et dans cette période aux débats troubles, voire glauques, sur l’identité nationale, on se réjouit de voir ce film humaniste et drôle. On ne peut que féliciter l’initiative d’Actes Sud junior de cette édition dans la collection Ciné-roman, qui comptait déjà cinq titres dont les deux courtsmétrages de Carine Tardieu. On peut lire le texte

efficace de la réalisatrice et voir ensuite le courtmétrage. Ou le contraire. Avec une préférence pour le film ? ANNIE GAVA

Le Mariage en papier Ciné-roman de Stéphanie Duvivier dès 12 ans éd. Actes Sud junior, 14 euros


CAHIER JEUNESSE

Chi va piano… «Anacrouse»… Voilà un joli nom pour un label d’éducation musicale des jeunes enfants ! Ce terme de solfège désigne l’ensemble des notes se trouvant avant le premier temps fort d’un morceau, comme pour les trois premières syllabes de La Marseillaise par exemple : «Al-lons en- fants…». Symboliserait-il cette jeunesse en devenir, avide de stimuli poético-sonore ? Si Prokofiev a composé l’archétype du conte musical pédago en 1936 (Pierre et le Loup), le Russe n’est pas le seul musicien qui se soit intéressé à l’enfance. D’autres l’ont fait également, sans pour autant faire preuve d’autant de «didactisme». À l’image des ses illustres pairs, la pianiste Isabelle Lecerf-Dutilloy écrit des histoires sur la musique et publie des galettes. Elles sont au nombre de trois à ce jour. Le premier Pièces enfantines pour le piano s’adresse aux 2/5 ans : les petits suivent les merveilleuses et naïves aventures de Paul, Tom et Alma entrecoupées de pages courtes tirées de For Children de Bartok, d’Album de la jeunesse, des Scènes d’enfants de Schumann… et d’autres opus arpentés par nombre d’apprentis pianistes ! Dans Le voyage de Chouchou (livre illustré pour les

4/10 ans), la tête blonde rêve à la balade fantastique d’une jeune fille et découvre le piano coloré de Claude Debussy : ses Children’s Corner (dédiés à sa fille chérie Claude-Emma surnommée «Chouchou») ou des Préludes… Le dernier-né, De musiques en berceuses s’adresse aux nourrissons avec des partitions douces (sans narration) de Chopin, Beethoven, Ravel, Satie, Eric Tanguy, de Falla, Schumann, Mozart... et de l’auteur elle-même. Il n’est jamais trop tôt pour initier bébé au bon goût ! JACQUES FRESCHEL

Histoires difficiles À l’origine de la nouvelle collection Je veux mon histoire lancée par les éditions Fabert, il y a l’envie de mettre des mots sur des sujets délicats comme la séparation, l’absence, la peur. Avec un souci esthétique dans le dessin, la composition, la couleur «afin de rendre racontables des événements qui n’auraient pas dû être». Les trois premiers volumes destinés aux 5/7 ans abordent tour à tour les thèmes de la prison, de la mère inaccessible et de la nuit propice à la fusion de la réalité avec la fiction. Michel Chevillon et l’illustratrice Marie-Hélène Graber signent ensemble Papa n’est plus à la maison et Ma mère est trop, avec le parti pris narratif de faire entendre la voix de l’enfant qui raconte. Dans le premier, il s’agit du nondit, des rapports avec les copains, de la découverte du monde carcéral, jusqu’à l’épilogue heureux du retour du père à la maison. Pour garder une distance rassurante avec cette réalité douloureuse, le travail graphique mêle dessins et illustrations épurés, frise naïve déroulée au fil des saisons et papiers collés. Le second procède par portraits successifs : dix enfants esseulés ont en commun une mère trop forte, trop belle, trop exceptionnelle à la personnalité écrasante. Au texte simple «moi, dit Blaise… j’aimerais bien être chanteur comme elle plus tard, mais je crois que je ne suis pas doué comme elle» répond une image qui exploite visuellement les caractéristiques de la mère exploratrice, savante, chef d’entreprise… Changement de style avec Mathys ne veut pas dormir écrit par Jean-Paul Mugnier, directeur de la collection, et Bénédicte de Sauville dont la touche picturale poétique est un monde en soi, onirique, qui

parvient à dédramatiser les angoisses de l’enfant. Efficaces, ces trois ouvrages ont aussi la particularité d’être écrits, non par des auteurs, mais par des spécialistes de l’éducation, de la pédagogie, des formateurs ou des thérapeutes. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Papa n’est plus à la maison Ma mère est trop Textes de Michel Chevillon, illustrations de Marie-Hélène Graber Mathys ne veut pas dormir Texte de Jean-Paul Mignier, illustrations de Bénédicte de Sauville Éd. Fabert, collection Je veux mon histoire, 14,50 euros

Livres-CD publiés aux éditions Anacrouse www.anacrouse.net www.cdpourenfants.com


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NOUS, PRINCESSES DE CLÈVES | PORTRAIT D’A. HÉBERLÉ

Le goût est dans toutes les natures Jamais Cour n’a eu tant de belles personnes et d’hommes admirablement bien faits En 2004 Abdellatif Kechiche réalisait L’Esquive, une fiction réussie qui posait la question de la langue à partir de jeunes collégiens de la banlieue parisienne mettant en scène Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux. En 2009 le superbe documentaire de Régis Sauder, Nous, princesses de Clèves, suit le travail d’élèves du Lycée Diderot à Marseille qui se sont «attaqués» au roman de Madame de Lafayette. Celui-là même dont Nicolas Sarkozy disait qu’il devait disparaître des programmes. Projeté au cinéma Variétés, le 28 janvier devant une salle comble, en présence de toute l’équipe, le film a reçu un accueil enthousiaste, à juste titre. Au départ du projet, une affiche : «Le cinéma vous tente, venez participer à la réalisation d’un film autour du roman La

Nous, princesses de clèves

Nous, princesses de clèves

Princesse de Clèves.» Une trentaine de lycéens répondent à l’appel, une vingtaine d’entre eux suivront pendant un an un atelier animé par deux enseignantes, Emmanuelle Bonthoux, Anne Tesson et le réalisateur, Régis Sauder, s’appropriant le texte, la langue, les personnages. Les conventions familiales et sociales qui étouffent la Princesse évoquent chez certaines des jeunes filles les situations qu’elles vivent ; certains garçons s’identifient au Prince de Clèves, d’autres à Nemours... Régis Sauder a su s’approcher d’eux au plus près et ils lui ont fait assez confiance pour parler avec une grande sincérité, d’eux-mêmes, de

Nous, princesses de clèves

leurs amours, de leur quotidien, très intimement parfois, de leurs craintes et de leurs espoirs. Et ces portraits sont aussi beaux que ceux qu’ils découvrent au Louvre lors d’un voyage à Paris. Si la séquence avec Jean-Marc Chatelain, conservateur à la Réserve des livres rares de la Bibliothèque nationale de France, est un moment délicieux du film où semble se rejouer la tradition des salons, celle de l’oral blanc du bac français met très mal à l’aise : comment

une élève qui a su comprendre et parler la langue du XVIIe peut-elle proférer de telles erreurs littéraires devant une enseignante qui n’en croit pas ses oreilles ? Car Nous, Princesses de Clèves dit tout le miracle de ces projets culturels dont la disparition au sein de l’école a déjà commencé. Insuffisants à tout résoudre, mais irremplaçables ouvertures éducatives dans les établissements difficiles comme le Lycée Diderot. Dans les autres aussi. Souhaitons au film, après son passage sur France Ô, de trouver un distributeur afin que jeunes et moins jeunes puissent voir que tout le monde a soif de culture, qu’on peut demander à tous (même à la guichetière !) ce qu’ils pensent de la Princesse de Clèves. Et que dans toutes les Cours on peut voir de belles personnes… ANNIE GAVA

NOM : Antoine Héberlé Profession : directeur de la photographie Signes particuliers : n’aime pas tourner pour ne rien dire ! Antoine Héberlé est venu au cinéma par la photo de montagne, et aussi par l’envie de faire des documentaires d’aventure, tout comme ses héros d’adolescence, Paul-Emile Victor et Haroun Tazieff. Au lycée des profs lui ont fait découvrir le cinéma allemand des années 70, lui montrant ainsi qu’on peut s’exprimer au travers des images. Il fait donc l’Ecole Louis Lumière à Paris et commence par être assistant du chef opérateur Thierry Arbogast* sur un film d’escalade, puis sur des courts métrages. En 1993 il travaille sur un premier long métrage, O fim do mundo de João Mário Grilo, sélectionné à Un Certain Regard à Cannes, suivi de Les Gens normaux n’ont rien d’exceptionnel de Laurence Ferreira Barbosa. Chef opérateur ou directeur de la photo ? «Autrefois, le matériel étant plus lourd, le chef op, responsable de l’image, travaillait avec un cadreur et des assistants. Aujourd’hui, le directeur de la photo s’occupe aussi bien de la lumière que du cadre.» Il aime travailler avec des réalisateurs différents dans leur façon de concevoir le tournage. «Certains accordent plus d’importance au jeu des comédiens, d’autres au cadre. Certains sont plus directifs, d’autres laissent plus d’autonomie au directeur photo. Les films dont

je suis le plus fier sont ceux qui ont un univers pictural fort : on est alors poussé plus loin dans le travail.» Par exemple Laetitia Masson avec qui il a tourné cinq longs métrages ou Alain Guiraudie avec qui il a eu une longue collaboration. Parfois, réalisateur et directeur photo se confrontent parce que leur vision est différente ; cela a été le cas par exemple avec Hani Abou Assad sur Paradise Now. «Mais cela a été très positif !» Les réalisateurs qu’il admire ? Fellini qui lui a fait découvrir le cinéma et les formes singulières, Bergman

et son maître, Tarkovski, sans oublier Guy Maddin, «un réalisateur canadien de Winnipeg qui a un univers très fort et travaille beaucoup avec la lumière.» En France, Antoine Héberlé aimerait travailler avec Jacques Audiard, «metteur en scène au- dessus du lot», mais il n’a pas encore osé le lui dire. Il affectionne particulièrement le documentaire, mais, très sensible à l’humain, il aime aussi les acteurs. «Je suis le premier spectateur de l’image ; quand il y a une vraie émotion, je le sens.» Il a adoré filmer, par exemple, Sandrine Kiberlain, Valeria Bruni Tedeschi, Carmen Maura, Jean-Paul Roussillon ou Denis Po© X-D.R. dalydes. «Quand un acteur se sent mal, c’est vers l’opérateur qu’il se tourne pour créer une complicité. On est là pour l’aider, le rassurer.» Trotte dans la tête d’Antoine Héberlé l’idée de réaliser lui-même un film. Mais il a d’autres projets immédiats : d’abord terminer le film de Yasmine Reza, Chicas, puis… ANNIE GAVA

* Récompensé trois fois du César de la meilleure photo pour Bon Voyage et Le Hussard sur le toit de Rappeneau, et pour Le Cinquième Elément de Besson.


MANOSQUE | CLERMONT

CINÉMA

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Manosque a le zèle à l’œil Des amateurs nombreux «à l’œil zélé» sont venus du 2 au 7 février au théâtre Jean le bleu et au cinéma le Lido pour découvrir la programmation concoctée par Pascal Privet. Pour rencontrer l’autre et l’ailleurs, bien loin du débat sur une quelconque identité nationale, du grand nord de Markku Lehmuskallio et Anastasia Lapsui à l’Afrique du Sud de Michael Raeburn, de la Marseille de Gheerbrant à la Chine de Xiaolu Guo. Manosque, une fois de plus, est devenue comme l’écrivait Jean Rouch, «une étape essentielle du tour du monde.» Sur la Highway, à 2000 km de Moscou, on sait qu’on est au Kazakhstan, autant dire nulle part ailleurs que dans le sable pulvérulent, la boue séchée refendue par un serpent clair, les herbes étiques que le vent, plus léger qu’on pourrait le craindre, caresse plus qu’il n‘arrache, et le soleil, toujours. Une famille complète y fait la route. Pour une audience de pacotille et pourtant bienveillante, elle déploie aux arrêts son cirque de ficelle et de tessons de verre. Le fils aîné, minuscule et noueux comme son géniteur, martyrise sa mâchoire avec des poids insensés ; la dernière des cinq petits, morveuse et rêveuse, esquisse une ronde enfantine les pieds nus sur du verre brisé, sans dommage, jamais. Car tous ne sont l’un pour l’autre que tendresse rude et sévérité feinte, des gens dont la vie est rythmée par le démarrage à la manivelle et toujours hypothétique de leur bus de fortune, cabane roulante bruyante et brinquebalante. Ils recueillent un aiglon trop faible pour voler qui les adopte aussitôt, ils ne connaissent pas le sens du mot «déchet». Ils ne vont nulle part, mais ils y vont ensemble, sans autre musique que de vagues roulements de caisse claire, et même pas surpris par une caméra qui les accompagne autant qu’elle les regarde. Highway, un des cinq films présentés de Sergei Dvortsevoy, dépaysant et essentiel comme l’inédit de l’ethnomusicologue Sandrine Loncke, qui filme La danse des Wodaabe, fondement culturel de ces nomades dispersés dans

Shéhérazade, raconte-moi une histoire de Yousry Nasrallah

le Sahel nigérien et rituel de cohésion sociale entre les lignages. Juste à la bonne distance, parce qu’elle a pris le temps de laisser se révéler les gens. Mêlés aux documentaires, les fictions, fables, paraboles, mélodrames sur des sujets toujours très politiques, ont conduit à des débats parfois pimentés mais toujours de grande qualité. Yousry Nasrallah a présenté en avant première un Shéhérazade, raconteLa Danse des Wodaabe de Sandrine Loncke

moi une histoire aux accents almodovaresques, radioscopie de la société égyptienne à travers des récits de femmes. Le film à thèse d’Igaal Niddam, Frères, qui propose la séparation du religieux et du politique, à partir du thème très biblique des frères antagonistes et du constat de la fracture actuelle en Israël entre laïcs et orthodoxes, a divisé la salle. Scénario peu convaincant, plus de discours -orienté, amputé, ont reproché certains- que de cinéma. Tout au contraire, l’exigeant Police, adjectif du Roumain Corneliu Porumboiu, recréant la tension d’une filature policière et celle plus subtile entre la loi morale et la loi écrite, les mots et le monde, immerge dans une société en mutation, et éclaire sans bavardages. L’ambition des Rencontres, ne pas laisser le spectateur tranquille dans son fauteuil, est atteinte. ÉLISE PADOVANI

La Région à Clermont Le Festival International du court métrage de ClermontFerrand a tenu du 29 janvier au 6 février sa 32e édition. «Pour son exigence en matière de critère de sélection qui permet, chaque année, de dévoiler les perles du court métrage parmi tous les films en compétition, et qui le place comme une référence incontournable au niveau européen» il a été nommé «Meilleur Festival International» par la FILMAD, organisation madrilène qui coordonne une vingtaine de festivals. Sur les 6523 reçus, 174 courts métrages ont été retenus, dont 56 en sélection française. Trois films soutenus par la Région y figuraient. Nous avons déjà dit tout le bien que nous pensions des Enfants dans les arbres réalisé par Bania Medjbar (voir Zib’ 23). En compétition aussi un film de Cristina Ciuffi, Le détour, histoire initiatique d’un jeune homme qui, perdu en montagne, va se retrouver chez un jeune homme et sa sœur. Le film, truffé de symboles lourds -le serpent tentateur, l’étalon, la femme sorcière-

métrage, qui vient d’obtenir le Grand Prix du Jury des courts métrages français au Festival d’Angers, aborde les problèmes des jeunes qui n’ont pas la vie dorée de ceux qui essayent de battre des records en jet-ski. Il faut noter que la Région PACA a également aidé un film roumain très émouvant, Muzica in sange. Alexandru Mavrodineanu brosse un beau portrait de père qui croit dans les capacités musicales de son fils ; mais l’industrie de la musique tzigane est un Dónde está Kim Basinger d'Edouard Deluc milieu très difficile… Ce sont d’autres courts métrages qui ont été primés, en particulier un film italien, Blue sofa de Lara Fremder, Giuseppe Baresi et Pippo Delbono en compétition internationale, et Dónde está Kim Basinger ?, film franco-argentin d’Edouard Deluc en compétition française. Mais être sélectionné à Clermont-Ferrand, qui a accueilli cette année près de 140 000 spectateurs, est déjà une reconnaissance !

ne vaut pas vraiment le détour ! Le troisième, présenté dans la sélection Films en région, était le meilleur de son programme : 8 et des poussières, c’est le salaire horaire qui attend Yann si, par amour pour Morgane, il renonce à «dealer» et se fait embaucher comme trieur de fruits à la chaîne. Filmé avec efficacité et sobriété par Laurent Teyssier, jusqu’alors directeur de la photo, ce premier court

ANNIE GAVA


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CINÉMA

ROUSSET | TOURSKY | DIGNE

Rousset en cinéma Du 25 au 28 mars, se tiendra la 8e édition de Provence Terre de Cinéma qui permettra de voir ou de revoir des films tournés dans la région, fictions et documentaires, dont le documentaire d’Henri Paul Amar, Le Bailli de Suffren, l’histoire oubliée du Napoléon des mers, présenté en avant première lors de la soirée d’ouverture, jeudi 25 mars. Le public pourra découvrir la cinématographie kurde, quatre documentaires et le beau film de Bahman Ghobadi, Un temps pour l’ivresse des chevaux. Deux journées sont consacrées à Agnès Varda et Jacques Demy dont on pourra redécouvrir et mettre en correspondance les œuvres : 3 places pour le 26, Les Demoiselles de Rochefort pour l’un,

Lola, Sans toit ni loi, Les plages d’Agnès pour l’autre… et Jacquot de Nantes, la magnifique biographie, émue, en gros plan, qu’Elle Lui consacra. La sélection Du court au long proposera Lune et Dans tes Bras d’Hubert Gillet et, comme chaque année, la compétition de courts métrages tournés en région. Rencontres, expositions, débats, musique, repas dont un repas kurde seront aussi au programme de cette manifestation organisée à Rousset par l’association, Les Films du Delta. Les Films du Delta 04 42 53 36 39 www.filmsdelta.com Lola de Jacques Demy

Le Festival russe a quinze ans Dans cette année France-Russie qui multiplie les rendez-vous politiques et culturels entre les deux pays, le quinzième festival du Toursky, menacé comme d’autres manifestations par la réduction des financements publics, se déroulera contre vents et marées du 23 février au 14 mars. La sélection cinématographique rend hommage au maître de l’animation Garri Bardine qui, bien qu’encensé par la critique internationale et primé dans de nombreux festivals, reste encore peu connu du grand public. Des studios Soyouzmoultfilm, puis de sa propre structure, le Stayer, sont sortis pourtant de petits chefs-d’œuvre, faits de bouts de fil de fer, de chiffons, de feuilles de papier ou de pâte à modeler, inspirés par Fellini et Chaplin. On retrouvera entre autres, sur des musiques de tous genres et de toutes couleurs, trois épisodes de La Nounou Choo choo, poupée de chiffon un peu effrayante, plus rebondie que Mary Poppins mais tout aussi fée que l’anglaise.

Piège pour un fantôme de Roustam Ibraguimbekhov

Les longs métrages promettent des moments forts. Un cadeau pour Staline, film tendre et cruel de Roustem Abdrachev, mettant en scène le quotidien d’un village du Kazakhstan en 1949 et les espoirs naïfs d’un orphelin juif déporté… C’était le

mois de mai de Marlen Khoutsiev, plongeant dans l’horreur de la découverte des camps de concentration et du mal incarné par tous les complices du nazisme. L’Ascension de Larissa Cheptiko, film de guerre réalisé par une femme, grand prix au festival de Berlin en 1977, retrouvant des accents dostoïevskiens pour raconter le choix christique de la mort de son héros. Récit d’un inconnu adapté d’une nouvelle de Tchékhov, par le réalisateur lituanien Vitaoutas Jalakiavitchious, dénonçant la noirceur et la mesquinerie humaines. Est annoncé par ailleurs, si le montage est achevé, le dernier film de Roustam Ibraguimbekhov, le réalisateur azerbaïdjanais du Barbier de Sibérie et de Est-Ouest, avec Richard Martin lui-même dans le rôle principal ! Rendez-vous au Toursky pour partager ces émotions et comme toutes les années, participer après chaque spectacle à la fête des cabarets russes. ÉLISE PADOVANI

Digne c’est l’heure ! Du 22 au 26 mars, se tiendra la 38e Rencontre Cinématographique de Digne-les-Bains au Centre Culturel René Char Tout au long de la semaine, les spectateurs pourront échanger avec tous les réalisateurs présents dans la ville. La carte blanche est donnée, cette année, à Emmanuel Carrère qui présentera son film Retour à Kotelnitch et d’autres qu’il aime comme A bout de course de Sydney Lumet, ou Mère et fille d’Emmelene Landon: de retour en Australie, elle s’est interrogée sur ses racines, et ce qu’elle peut en transmettre à sa fille. En ouverture et en avant-première, le 22 mars à 21h, Tengri, le bleu du ciel, en présence de Marie Jaoul de Poncheville : Temur, un pêcheur kazakh dans la trentaine, revient dans le village de ses ancêtres, perdu dans les montagnes kirghizes. Il y apprend la mort de son père et y rencontre Amira, une jeune femme mariée… Vous aurez bien sûr l’occasion, tout au long de la

semaine, de découvrir des films comme Lettres à une amie vénitienne de Michael Kummer, l’adaptation de la correspondance entre Rainer Maria Rilke et sa logeuse Mimi Romanelli, lettres où s’épanouit leur l’amour. Dans La sonate des spectres d’Ivan Heidsieck, Juliette, comédienne, désire une trace cinématographique de ses grands-parents, Gisèle Casadesus et Lucien Pascal. No More Smoke Signals de Fanny Brauning nous Tengri, le bleu du ciel de Marie Jaoul de Poncheville

emmène à Pine Ridge, la réserve des Sioux de la tribu Lakota dans le Dakota du Sud. La vie est une goutte suspendue d’Hormuz Kéy nous fait rencontrer Christian de Rabaudy Mont Tousain, professeur-écrivain original. En clôture, le 26 mars à 21h, Je ne vous oublierai jamais, en présence de Pascal Kané : Louis, venu de Pologne en 1935 faire ses études en France, est surpris par la guerre avant d’avoir le temps de faire venir de Lodz sa mère et ses deux sœurs, comme il s’y était engagé. Une programmation de longs variée, qui ne doit pas faire oublier la compétition de courts métrages, le 22 mars à partir de 13h45. ANNIE GAVA

Rencontres Cinématographiques de Digne-les-Bains et des Alpes de Haute-Provence 04 92 32 29 33 www.unautrecinema.com


ASPAS | AUBAGNE | OUEST PCE

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Hors d’Aubagne, ennemis du cinéma et de sa musique !

Dans la compétition des longs métrages, on pourra parcourir des univers variés comme, en ouverture, le 15 mars à 20h, Mal Dia Para pescar d’Alvaro Brechner, un univers de road movie où deux marginaux organisent des compétitions de catch en Amérique du Sud. De l’Argentin Pablo Siciliano, El Bosque vous fera entrer sous le feuillage sombre d’une forêt sauvage, tandis que ce sont les «battles MC», où s’affrontent des improvisateurs hip-hop, qui se découvriront à vous dans Versus de Cédric Pinto. Vous pourrez découvrir des secrets enfouis dans Der Architekt d’Ina Weisse ou Un ange à la mer de Frédéric

Dumont et voir Guillaume Depardieu dans son dernier film, L’enfance d’Icare d’Alexandre Iordâchescu.

Selon vos goûts Les aficionados du court métrage pourront se promener d’un monde à un autre, d’une esthétique à une autre, à travers 77 films venus de 19 pays. Les accros pourront passer la nuit du 19 au cinéma Le Pagnol, se délectant des histoires d’amour concoctées par sept réalisateurs, rêvant avec cinq autres et attribuant le prix du Public à leur préféré. Et le lendemain pour ceux qui aiment la fantaisie, un programme de «Courts qui rendent heureux». Ceux qui ne haïssent pas les acteurs rencontreront avec plaisir, le «passeur d’expérience» Serge Riaboukine qui les invitera à (re)voir Peau d’homme, cœur de bête d’Hèlene Angel, précédé d’Une Leçon de guitare de Martin Ritt. Ceux qui adorent les films de la Nouvelle Vague auront la joie de dialoguer avec Antoine Duhamel qui a composé

Mal dia para pescar d’Alvaro Brechner

Du 15 au 20 mars se déroulera le Festival International du Film d’Aubagne, des films longs, des courts, choisis pour la qualité de la relation musique et image, et présentés par leurs créateurs

la musique de films de Godard, Truffaut, Pollet, Assayas… Il sera heureux de présenter Pierrot le Fou de JLG et La Sirène du Mississipi de Truffaut. Comme les éditions précédentes, le Festival se terminera le 20 mars, après la traditionnelle remise des prix, par un ciné concert préparé par la master class dirigée par Cyrille Aufort. Et si quelques cinéphobes incurables parviennent à se glisser jusqu’à Aubagne, ils trouveront leur bonheur, sans doute, avec Folies colonies !, un spec-

tacle associant théâtre, musique, chants et danse, deuxième volet d’une trilogie consacrée au «devoir de mémoire», au Théâtre Comœdia. Bref, tous ceux qui veulent sortir de la grisaille iront faire trois p’tits tours au FIFA ! ANNIE GAVA

Festival International du Film d’Aubagne 04 42 18 92 10 www.cineaubagne.fr

Polar latino L’association Solidarité Provence - Amérique du Sud (ASPAS) propose, du 15 au 20 mars, à Marseille, la 12e édition des Rencontres du cinéma sud-américain, sous la présidence de l’Argentin Santiago Carlos Oves. Une vingtaine de films autour du thème le polar latino-américain seront présentés à la salle de la Cartonnerie de la Friche. En séance inaugurale, au cinéma Les Variétés, le 15 mars, projection en avant-première, à 18h, de Macuro, la force d’un peuple du Vénézuélien Hernan Jabes : l’histoire d’un village de pêcheurs qui subit de gros problèmes d’approvisionnement en électricité. A 20h, ce sera El secreto de sus ojos, de l’Argentin Juan Jose Campanella, un mélange de comédie romantique, de polar et de réflexion politique sur la mémoire historique, film nominé aux Oscars dans la catégorie du Meilleur film étranger, Goya du meilleur film hispa-

no-américain et dont l’actrice Soledad Villamil a remporté le Goya de la meilleure révélation féminine. L’Ouverture aura lieu à la Friche, le 16 mars, en présence de Santiago Carlos Oves qui présentera trois de ses films dont Conversaciones con mama, qui met en scène la dégradation de rapports familiaux dans l’Argentine de 2001 en crise sociale et économique. Il donnera le 20 mars la traditionnelle «leçon de cinéma», Le scénario cinématographique, avec la projection d’un de ses films inédit en France.

Tour de continent On pourra faire un tour en Uruguay où, en 1993, plusieurs témoins d’une agression se mettent à disparaître, abattus par de mystérieux commandos de tueurs professionnels. Une juge et un journaliste tentent de découvrir la vérité : Matar a todos d’Esteban Schroeder. On partira au Nicaragua avec La Yuma de Florence Jaugey ou au Chili, avec Dawson, Isla 10 de Miguel Littin, un film un film choral qui met en scène prisonniers et gardiens de l’île Dawson, devenue en 1973 prison des principaux collaborateurs d’Allende. Et dans La pasión de Gabriel, Luis Alberto Restrepo raconte l’histoire d’un prêtre dans un village de Colombie pris au piège de la guerre qui ravage le pays. En clôture, le 20 mars, projection de Fantasmas de la noche de Oves : Cacho Lanoria qui a repris sa profession de journaliste est amené à rédiger un article sur la mort douteuse d’un travesti. La soirée se terminera par un concert de musique et chants avec le groupe Patas Arriba, et l’Academia

del Tango Argentino. Les rencontres se prolongeront du 24 mars au 2 avril à La Ciotat, Manosque, Saint Bonnet, Forcalquier, Digne… ainsi qu’à Lille ! ANNIE GAVA

04 91 48 78 51 www.aspas-marseille.org

Chaleur du froid Du 5 au 14 mars, les cinémas de Scènes et Cinés Ouest Provence proposent un Panorama du cinéma nordique, l’occasion de revoir les films des réalisateurs qui ont marqué l’histoire récente de ce cinéma si particulier, dur mais remplis de poésie et d’humour, comme Thomas Vinterberg avec Festen, Lars Von Trier avec Europa, Breaking the waves et Dogville, Aki Kaurismäki avec L’homme sans passé, Bent Hamer avec Kitchen stories et La Nouvelle vie de Monsieur Horten ; sans oublier les réalisatrices Susanne Bier avec After the wedding ou Solveig Anspach avec Back soon. Un hommage sera rendu au «maître» Ingmar Bergman avec la projection de son œuvre ultime, Saraband. A.G. Panorama du Cinéma Nordique Fos, Grans, Istres, Miramas et Port-St-Louis www.scenesetcines.fr


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CINÉMA

LES RENDEZ-VOUS D’ANNIE

Du 22 au 28 février, dans le cadre de Hubert Colas / Sonia Chiambretto : une carte d’identités et sur proposition de Jean-Pierrre Rehm, directeur du FID, dans le hall du théâtre de La Criée, seront projetés deux documentaires : I Turn Over the Pictures of My Voice in My Head de Valie Export et MM, last Interview de Guillaume Bureau où Dominique Coquard interprète des extraits de la dernière interview accordée, en juillet 1962, par Marilyn Monroe à Richard Meryman. 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Le 26 février, à 20h30, l’Alhambra Cinémarseille propose Le Cinéma de Comolli en présence du réalisateur et de Patrick Leboutte. Sera ainsi projeté La Cécilia : à la fin du XIXe siècle, des anarchistes italiens, dix hommes, une femme, libertaires, émigrent au Brésil pour y fonder une communauté sans chef, sans hiérarchie, sans patron, sans police, mais pas sans conflit, ni passion. Le 27, à 14h, ce sera Face aux fantômes, inspiré par le livre de Sylvie Lindeperg, Nuit et Brouillard, un film dans l’histoire, précédé de la projection du film de Resnais. À 18h30, des danseurs de bal musette confient une part de leur mémoire et de leur vie dans On ne va pas se quitter comme ça.

Du 26 au 28 février, à Arles, l’association De Film en Aiguille propose le festival Mais jusqu’où iront-ils ? : le 26, à 21h30, au cinéma le Fémina, un ciné-concert, l’Homme à la Caméra de Dziga Vertov, avec le Philharmonique de la Roquette ; le 27, à 18h00, à la Maison de la Vie Associative, Le sucre de Jacques Rouffio ; le 28 à 16h, à l’Espace Van Gogh : J’y suis, j’y reste de Sygrind Palis et trois films de La République de Marseille de Denis Gheerbrant. De Film en Aiguille 06 50 80 76 97 http://defilmenaiguille.blogspot.com

Voix de femmes CDC St Martin de Crau http://cdc-stmartindecrau.fr

Le 6 mars à 19h, le collectif 360 et même plus propose, au Polygone Etoilé, le HORS CASES #10 consacré à Yaël Bitton, cinéaste et monteuse. Les 12 Enfants du rabbin qui raconte l’émigration d’une famille juive du Maroc sera précédé de The Future is behind you d’Abigail Child.

Forum Femmes Méditerranée 04 91 91 14 89 www.femmes-med.org

04 91 91 50 08 www.360etmemeplus.org

Le 17 mars à 19h30, projection à l’Alhambra Cinémarseille du film de Maiwenn, Le bal des actrices, avec Jeanne, Karin, Romane et les autres, dans le cadre de Festifemmes (voir p 6). Une réalisatrice veut faire un documentaire sur les actrices, toutes les actrices : les populaires, les inconnues, les intellos, les comiques, les oubliées…précédé d’un spectacle de jeunes talents de l’humour au féminin.

Le 9 mars à 20h, au cinéma Variétés, une séance de cinq courts métrages proposés par le Festival d’Aubagne, «Les courts qui rendent heureux», dont Annie de Francia de Christophe Le Masne. Le 10 mars à 20h, au cinéma Variétés, en collaboration avec Germanofilms, projection en avant-première du dernier film de Fatih Akin, Soul Kitchen, en présence de l’actrice, Borka Gryllus, suivi d’une Cooksound Party.

04 91 46 02 83 www.alhambracine.com

Du 10 au 14 mars, le collectif La Miroiterie propose, à Forcalquier, Ciné d’Archi, une programmation de films avec «un regard architectural» autour de cinq thèmes : Paris, vivre la ville, construire-déconstruire, habiter, Marseille. 04 92 75 05 28 www.lamiroiterie.org

Du 10 au 23 mars, l’Institut de l’Image à Aix veut montrer la vitalité du cinéma israélien en programmant une dizaine de films majeurs de la décennie ainsi que le journal filmé de David Perlov, en présence de Yaël Perlov, sa fille, le 18 mars à partir de 18h20. Vous pourrez ainsi voir entre autres, La Vie selon Agfa d’Assi Dayan, présenté par Xavier Nataf, le 23 mars à 20h30 ; Août avant l’explosion d’Avi Mograbi ; Mon trésor de Keren Yedaya ; Prendre femme de Ronit Elkabetz ; Valse avec Bachir d’Ari Folman. 04 42 26 81 82 www.institut-image.org

Le Bal des actrices de Maïwenn

Du 23 au 30 mars, se tiendront les 20e Rencontres Cinématographiques de Salon de Provence, «Un monde à voir» : au cinéma Les Arcades des projections de films qui ne sont pas encore sortis en salle ou qui ne sortiront jamais… dont Apron strings de Sima Urale et Nothing but the truth de John Kani, étalon d’argent au Fespaco 2009. Rencontres Cinématographiques de Salon de Provence 04 90 56 35 74 www.rencontres-cinesalon.org

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Le 27 février à 18h, Peuple & Culture Marseille présente au Polygone Etoilé Musique, on tourne ! une programmation de films : Don Cherry de Jean-Noël Delamarre, Natalie Perrey, Philippe Gras et Horace Dimayot, un film mettant en scène le trompettiste Don Cherry ; suivi de Siegfried Kessler A love secret en présence de la réalisatrice, Christine Baudillon : portrait filmé de Siegfried Kessler, pianiste de jazz qui vit depuis plus de vingt ans sur un voilier de course. À 21h, Cecil Taylor à Paris de Luc Ferrari et Gérard Patris.

Le 12 mars, dans le cadre de la manifestation, Le Temps des Femmes, organisé par le Forum Femmes Méditerranée, projection de deux documentaires : à 15h45, à la Maison de Quartier Dugommier, Femmes en Marche de Véronique Decrop autour de la Marche mondiale des femmes et, à 19h, à la Cité des associations, proposé par Couleur Cactus, Les enfants du coup d’état de Rachèle Magloire : en Haïti, en 1999, des femmes victimes de viols collectifs pendant le coup d’état militaire, décident de monter une pièce de théâtre pour exorciser les démons qui les habitent, et réclamer une justice qui tarde à être rendue.

04 91 24 89 71 www.peuple-et-culture.org

04 91 50 77 61 www.lestetesdelart.fr

Mon Trésor de Karen Yedaya

Le 1er mars, à 19 h, organisé par Les Têtes de l’Art, au cinéma Variétés, le documentaire Les Choix de Valentin, en présence de la réalisatrice, Marine Place. La projection sera suivie de témoignages sur l’accompagnement des personnes en situation de migration avec la participation de RESF, Approches Cultures et Territoires, Les Têtes de l’Art et de la sociologue Françoise Lorcerie.

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04 91 46 02 83 www.alhambracine.com

Le 5 mars, dans le cadre du 8e festival Voix de femmes, organisé par le Centre de Développement Culturel de Saint-Martin de Crau, au cinéma Le Galet, Nuit de la femme : projection de Pas si simple de Nancy Meyers avec Meryl Streep, Steve Martin et Alec Baldwin ; suivi de Bright Star de Jane Campion.

Du 4 au 27 mars, 5e Rencontres du cinéma écocitoyen au cinéma 3 Casino à Gardanne. En ouverture, le 4 mars à 20h30, projection du film de Dominique Marchais, Le temps des grâces. Le 18 à 19h00, La stratégie du choc de Michael Winterbottom et Mat Whitecross, d’après le livre de Naomi Klein, La stratégie du choc : montée d’un capitalisme du désastre. En clôture, le 27 mars à 18h, Walter, retour en résistance de Gilles Perret, en présence de Robert Mencherini, et à 21h, en avant-première, Solution locale pour désordre global de Coline Serreau. 04 42 51 44 93 www.cinema-gardanne.fr



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ARTS VISUELS

AU PROGRAMME Gratteuse à terre et à eau © X-D.R

Machines poétiques Pierre Bourquin construit de drôles de machines à éroder. Mues par les éléments naturels ou motorisées, ses Gratteuses et Machines à tracer insufflent à la matière les empreintes laissées par des phénomènes cycliques. Le travail du temps et du recommencement a trouvé une de ses formes poétiques. Vernissage dimanche 7 mars à 11h30. C.L. Les Gratteuses, sculptures Pierre Bourquin du 7 au 28 mars Atelier Archipel en Arles 06 21 29 11 92 www.atelierarchipelenarles.com

- Itinéraire amoureux, techniques mixtes, 60x80cm, série Itinéraires, 2007

Lisible visible Portes, Itinéraires, Jalons… constituent en séries essentielles le travail de Chris Bourgue, collaboratrice de Zibeline, sur la mémoire et les traces. Explorant les potentialités de la peinture à travers des techniques mixtes, dans la série des Portes en particulier, le dialogue se développe sous la forme d’une installation avec les écritures poétiques de Delphine Imbert. L’exposition a lieu dans le cadre du 8e festival Voix de Femmes (voir p.6). C.L. Passages Chris Bourgue du 1er au 20 mars Centre de développement culturel, Saint Martin-de-Crau 04 42 47 06 80 www.cdc-stmartindecrau.fr

Bain de couleurs Si les toiles de Jan Voss s’offrent sans détour au regardeur, pénétrer leurs méandres s’avère plus complexe. Certes, l’immensité des couleurs, leur profondeur, leur profusion joyeuse est une invitation à l’allégresse, mais ce serait faire peu de cas de leur combinaison imprévisible, de leur structuration chaotique. Assembler, coller, agrafer, découper : tout est permis ! À l’Hôtel des arts à Toulon, l’exposition (Jan Voss bannit le terme de rétrospective) permet d’embrasser la création de cet artiste prolixe, natif de Hambourg, installé à Paris depuis 1960. M.G.-G. Jan Voss visites commentées sans réservation tous les mercredis (12h30 et 15h30) jusqu’au 21 mars Hôtel des arts, Toulon 04 94 91 69 18 www.hdatoulon.fr

Jan Voss, Omnivores, 2003, Acrylique sur toile © ADAGP, Paris 2010

Francis de Hita, Sans titre, 2008 © X-D.R

Trompe l’œil Que cache le palindrome Si Didon rêvait là-haut, Théo la verrait donc d’ici ? Un trio d’artistes qui, par ses interventions in situ, invite à reconstruire ce qu’il a déconstruit. L’association Château de Servières offre une lecture cohérente d’œuvres qui ont «pour dénominateur commun une certaine pratique du dessin, née de la découpe ou du retrait». Équivoque des perspectives et des ombres chez Jérémie Setton, disparition du trait et des formes chez Francis De Hita qui révèle une nouvelle série de plâtres entrouverts, démembrement des éléments architecturaux et des objets pour Gerlinde Frommherz. Une expo à lire dans tous les sens. M.G.-G. Si Didon rêvait là-haut, Théo la verrait donc d’ici Francis De Hita, Gerlinde Frommherz, Jérémie Setton jusqu’au 13 mars Galerie du Château de Servières aux Ateliers d’artistes de la Ville de Marseille 04 84 26 94 28


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Le fil de l’art L’art de la broderie s’immisce sous les plafonds high-tech du Carré d’art. Michael Raedecker et Isa Melsheimer bénéficient chacun d’une exposition individuelle et d’un catalogue, mais ont en commun de s’intéresser aux éléments du quotidien, sujets domestiques ou culture populaire, et d’intégrer le non artistique dans leur travail (peinture pour le premier, objets et installations pour la seconde) comme la pratique détournée de la broderie. C.L. Isa Melsheimer Michael Raedecker, line-up jusqu’au 18 avril Carré d’art, musée d’art contemporain de Nîmes 04 66 76 35 70

Faux-semblants Saisissant ! Les portraits en taille réelle de Jean-Olivier Hucleux, exécutés à la mine de plomb sur papier à la manière d’une huile sur bois, sont stupéfiants par l’excellence de leur technique hyperréaliste et leur profondeur introspective. Au panthéon de l’artiste, ses amis et ses maîtres, sa famille et lui-même dont il offre un troublant Double autoportrait… Et puis, il y a aussi ces dessins abstraits des séries Squares et Déprogrammations qui mêlent écritures et chiffres, «illustrations d’un monde fantastique et ésotérique» qui l’habite. Qui le hante ? M.G.-G.

Hucleux, Jumelles 1978 1979 © X-D.R

Techniques mixtes La galerie Sordini reste un des derniers espaces privés historiques de Marseille dédié à l’art contemporain. Elle consacre sa deuxième expo de rentrée à l’œuvre de Bernard Remusat, un de ses artistes permanents. Il a concocté une sélection d’œuvres récentes puisée dans ses thèmes privilégiés (Cartes, Signes, thèmes nordiques) fidèle à son écriture mixant peinture, estampe, gravure au carborundum, travaux sur papier ou toile.

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C.L

Peintures-estampes Bernard Remusat jusqu’au 20 mars Galerie Sordini, Marseille 04 91 55 59 99 www.galerie-sordini.com

Bernard Remusat, Sirr n°5, peinture et technique mixte sur papier

40 ans de création Jean-Olivier Hucleux jusqu’au 14 mars Villa Tamaris Centre d’art, La Seyne-sur-Mer 04 94 06 84 00 www.villatamaris.fr

20 ans de travelling À Londres, Prague, Barcelone, New York, San Francisco, Paris, Lyon, Toulon, Saint-Étienne ou au Lavandou où il réside, Raphaël Dupouy traque les villes avec la volonté de rendre compte de leur réalité. Mais, paradoxalement, par le subterfuge des reflets, des transparences et des superpositions, il parvient à s’en extraire pour créer une urbanité plus personnelle, comme «habitée»… Une urbanité que le sémiologue et critique d’art Jean Arrouye analyse dans la préface du catalogue publié à cette occasion. M.G.-G.

San Francisco 2007, Raphaël Dupouy © X-D.R

L’envers du dehors Raphaël Dupouy du 27 février au 25 avril vernissage samedi 27 février à 18h Centre d’art Sébastien, Saint-Cyr-sur-Mer 04 94 26 19 20


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ARTS VISUELS

ESPACE ÉCUREUIL | MAV PACA

Le Pouce-pousse de César Compression, décompression, expansion : trois mots-clefs évocateurs du plus illustre plasticien marseillais, César. La figure internationale n’a pas connu d’heure de gloire dans sa ville natale depuis l’exposition de 1993 au Centre de la Vieille Charité, excepté une petite incursion à la galerie du Conseil régional sur La Canebière il y a trois ans au côté de Niki de Saint-Phalle et Lucien Clergue. Du coup, la Fondation Écureuil s’engouffre dans la brèche avec 42 œuvres prêtées par les musées de Marseille (Le Pouce de 1965, Cigale de 1954 et Éponge de 1972) et le photographe Jean Ferrero. À l’image de la curiosité boulimique de César, l’exposition remonte le temps -la pièce la plus ancienne est un Christ en plomb sur bois de 1949 de toute beauté-, recouvre toutes les matières depuis le bronze classique jusqu’à la mousse polyuréthane-, et évoque deux des thèmes récurrents que sont la figure humaine (portraits et autoportraits) et le bestiaire (insectes et volatiles). Sans oublier le Centaure qu’il associait au maître et ami Picasso… Ancré avec force dans son temps, celui de tous les possibles offerts par les technologies nouvelles et la révolution industrielle, César s’est appuyé sur les techniques classiques de la sculpture apprises aux Beauxarts pour innover, avec audace et provocation,

s’attaquer à l’espace monumental ou s’essayer à des gestes intrusifs comme dans la toile Arrachage. Quitte parfois à créer le scandale en travaillant de manière transgressive lorsqu’il moulait son propre pouce ! César est sans nul doute un sésame merveilleux pour initier un vaste public à l’art : la Ville de Marseille a raté le coche avec le Musée César passé aux oubliettes. La Fondation Écureuil ouvre sa saison avec cet artiste prestigieux, mais pas avec la même envergure qu’une exposition muséale, gage d’une rigueur scientifique, et seule capable de rendre enfin à César… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

César visites commentées gratuites les mardi et mercredi sur inscription (14h et 15h30) jusqu’au 31 mars Espace Écureuil, Marseille 04 91 57 26 49 www.fondation-ecureuil.fr César, Poupée © X-D.R César, Compression fer Casier à bouteilles © X-D.R

Nouvelle vague pensée comme un entrelacs. Les membranes de dentelle extérieures agissent comme une seconde peau, légèrement en retrait de la façade, ou comme garde-corps extérieur, élément de transition idéal entre le dedans et le dehors, l’ombre et la lumière, le collectif et l’intime. Cette lame de fond, rendue possible grâce à l’utilisation des nanotechnologies, des nouveaux outils informatiques et des matériaux ultra performants, touche toutes les fonctionnalités (unités d’habitation, équipement sportif, aéroport, musée, centre commercial, bâtiment administratif…) et tous les matériaux (dentelle d’acier, de béton, de bois…). Claire et pédagogique, l’exposition Dentelles d’architecture ne satisfera peut-être pas les puristes de l’architecture ni les professionnels, mais elle répond pleinement à son objectif : «faire (re)découvrir la dentelle d’architecture» à ceux qui se souviennent des cathédrales gothiques. Barrieres Demakersvan © MAV PACA

La Maison de l’architecture et de la ville Paca accueille une exposition cousue main par son homologue du Nord Pas-de-Calais, Dentelles d’architecture. Rien d’étonnant au vu de la tradition régionale de la dentelle et de l’ouverture en juin 2009 de la Cité internationale de la dentelle et de la mode à Calais. Plus surprenante est la résurgence du motif et de l’ornement dans une architecture sous influence corbusienne depuis des décennies : austérité et fonctionnalité font encore bon ménage, certes, mais il semblerait qu’un vent de féminité et de légèreté souffle dans les cabinets d’architecture ! En témoignent les 17 projets ou réalisations internationales présentés par Odile Werner et Sophie Trelcat, commissaires d’exposition. Photographies, maquettes, plans et textes explicatifs à l’appui, elles donnent un coup de projecteur sur une nouvelle vague architecturale qui sévit de Paris à Tokyo, de Rotterdam à Varsovie, en passant par New York, Londres et Bandol (avec Rudy Ricciotti, seul architecte à jouer des effets de dentelle noire). Car tous ces projets sont d’une blancheur éclatante. La dentelle serait-elle immédiatement associée à la virginité ? leurs formes sont souvent rondes et pulpeuses, la circulation intérieure

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Dentelles d’architecture jusqu’au 26 mars Maison de l’architecture et de la ville Paca, Marseille 04 96 12 24 10


FRAC | LA NON-MAISON | FORTIN DE CORBIÈRES

ARTS VISUELS

Corot, Malévitch et La Nouvelle Vague Plossu Cinéma nous entraîne dans les fondements cinématographiques d’un photographe singulier et tente plusieurs éclairages à travers expositions, rencontres, projections et édition Bernard Plossu n’est pas devenu un cinéaste, pourtant tout son travail est irrigué par un certain cinéma. Il le rappelle lui-même volontiers. Les familiers de son œuvre évoqueront une fois encore l’influence des films de la Nouvelle Vague, les premières photos éblouies de Michèle (Honnorat), le Néo-réalisme italien, les jeunes années du Voyage mexicain (l’histoire dit qu’il abîma sa caméra super 8 et se mit à la photo). Sans être une rétrospective Plossucinéma a la vertu de nous plonger dans un double mouvement : assister en deux expos à l’apparente simplicité de ses images, et entrer par la bande dans le foisonnement de son œuvre à travers rencontres, livres et films (les

siens, et ceux des autres sur lui). Dans le cadre de la carte blanche donnée à l’artiste, L’Homme à la caméra (Vertov, 1929), Les contes de la lune vague après la pluie (Mizoguchi, 1953) ou Alphaville (Godard,1965) rappellent d’autres postures cinématographiques que les modèles du divertissement, et suggèrent d’autres formes d’appropriation du médium photographique. Un autre voyage mexicain de Didier Morin (110’, 2009) documente le film Le voyage mexicain (30’, 1965-1966) tourné par Plossu en super 8 mais jamais montré à ce jour si ce n’est à travers le livre paru aux éditions Contrejour en 1979. Ils seront présentés en avant première le 27 février au Cinémac à

14h/17h, et le 20 mars à 14h30 au Frac, le critique Dominique Païni viendra pour une nouvelle projectionrencontre à propos du film de Plossu. À l’Alcazar, le 26 mars à 17h, le photographe expliquera comment il conçoit ses livres : «Faire un livre, c’est comme faire un film». La bibliothèque éphémère rassemble au Frac une importante et éclectique sélection d’ouvrages à consulter selon les thématiques appartenant au panthéon du photographe : monographies, photographie, cinéma, essais, poésie. Un petit livret du visiteur (gratuit) accompagne utilement cette programmation, et un ouvrage, Plossu Cinéma, a été édité pour l’occasion aux éditions Yellow Now. On y retrouve une sélection de photographies complétant les expositions ainsi que les contributions d’auteurs proches du photographe. Comme le souligne Gildas Lepetit-Castel à propos de

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Catalogne 1999 © Bernard Plossu

Raoul Coutard, directeur de la photographie de Godard : «On oublie trop facilement ceux qui éclairent le propos et les idées du cinéaste». Dans ce livre chaque analyse vient enrichir avec singularité et pertinence notre compréhension du rapport profondément intime et affranchi de Bernard Plossu au cinéma. Pourtant il déclare dans son entretien avec Michèle Cohen : «Ma dette : Corot et Malévitch» ! CLAUDE LORIN

Plossu-cinéma Expositions au Frac Paca (1966-2009) et à la Non-Maison (1962-1965) jusqu’au 17 avril Carte blanche cinéma à Bernard Plossu, projections au Frac et à l’Alcazar-Bmvr, Marseille www.fracpaca.org www.lanonmainson.com www.bmvr.marseille.fr

Nouvelle vie Le Fortin de Corbières a été construit au 19e siècle pour surveiller les navires de commerce, et offre depuis l’Estaque un point de vue sur la rade insensé, et inoubliable. Le réhabiliter pour y faire venir public et touristes est donc une très belle idée, d’autant que la muséographie s’avère à la hauteur : si les salles du Fortin sont petites, les œuvres y sont mises en évidence, et en sécurité, par une belle circulation de la lumière naturelle détournée par des murs rouges qui la laissent cependant inonder l’espace. Dans cet espace simple et clair de 800 m2 les tableaux de Monticelli laissent éclater l’épaisseur de leur pâte et la subtile variation de leurs couleurs : la Fondation Monticelli, portée par Marc Stammegna, trouve donc en ses murs réhabilités entièrement par la Ville de Marseille (2 millions d’euros) l’aboutissement d’un long travail d’acquisition privé, offert en partage par le collectionneur au public, grâce

également au mécénat de la Société Marseillaise de Crédit. Outre l’œuvre du peintre, le lieu a vocation à mettre en valeur, lors d’expositions temporaires, le Fortin de Corbières © X-D.R

patrimoine pictural des maîtres provençaux, dans un quartier dont chacun veut développer la vie culturelle. Inauguré le 6 février dans une cohue historique par un Jean-Claude Gaudin en grande forme -qui évoqua comment dans sa jeunesse il lutinait dans ces collines- et par Samia Ghali (maire PS des 15e et 16 e arrondissements), le Fortin suscite l’enthousiasme de tous ceux qui voudraient que Marseille mette enfin en valeur son patrimoine, en créant des lieux de vie et des pôles d’attraction. Et en établissant des partenariats solides avec les bonnes volontés privées de la ville. AGNÈS FRESCHEL

Fondation Monticelli Fortin de Corbières ouvert du mercredi au dimanche de 10h à 17h 04 91 03 49 46 www.associationmonticelli.com


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ARTS VISUELS

MUSÉE RÉATTU | MUSEON ARLATEN

L’esprit d’atelier, une seconde vie Au musée Réattu, troisième volet après l’événement Christian Lacroix et Chambres d’écho. Nouvelles acquisitions donc nouvel accrochage sur l’idée de l’atelier et du musée comme laboratoires Suite à sa nécessaire rénovation le musée poursuit une programmation pertinente sous la férule de son conservateur Michèle Moutashar. Chambres d’écho avait mis en valeur une partie de l’important fonds photographique en jouant des multiples relations possibles entre le médium photographique et une sélection d’œuvres anciennes et contemporaines appartenant au musée.

Collection en cours Dans le même esprit, ce troisième volet tente cette fois-ci le dialogue avec les acquisitions effectuées de 2008 à 2010, par mise en dépôt, achat du musée, donation par un artiste ou collectionneur… Ainsi de sept pièces en dépôt par Christian Lacroix, du don de deux dessins de Max Charvolen, et très récemment du cadeau de Jacques Clauzel : il a offert un bel ensemble de 180 gravures, à découvrir en deux temps, le second en mars lors de la parution du catalogue. Une des plus importantes acquisitions, la Triple Suite en Jaune à la gloire de van Gogh d’Albert Ayme, a pu se concrétiser grâce au mécénat et à l’association des amis du musée Avec le Rhône en vis-à-vis, qui est aussi à l’origine du don de sculptures de Vincent Barré. Pour l’exposition, Marcel Robelin a choisi de réaliser pour sa part une œuvre originale en bois calciné. À pied d’œuvre commence comme Chambres d’écho par la grande salle du premier étage où Jacques Réattu avait installé à l’origine son atelier. Lieu puissamment symbolique où s’élabore le travail artistique, il est en même temps générique du projet. Celui-ci s’articule autour de deux questionnements : l’émergence de l’œuvre (la part de l’artiste) et la constitution d’une collection (la part du musée).

Jocelyne Alloucherie, Lenvers 2005 © X-D.R

port de la représentation comme les photographies de Ton Zwerver) mais perd parfois de son impact au fur et à mesure que le visiteur s’avance sur l’itinéraire de l’accrochage, qui devient plus conventionnel ou donne du déjà vu (salle Jocelyne Alloucherie, mais cette installation in situ au dernier étage ne peut être déplacée). Les quatre salles consacrées à la suite en jaune sont à elles seules impressionnantes et peuvent se suffire tout comme renvoyer à d’autres modalités picturales, par écart avec par exemple avec les portes/peintures de Buraglio ou d’autres médiums. Le visiteur est amené ainsi à constituer sa collection rêvée, voire son musée personnel pour autant qu’il sache en prendre le temps, repérer les œuvres qu’il saura élire. Dans cette aventure -un peu déroutante pour un public non habitué, mais les initiés sont-ils mieux disposés ?la complicité des guides-médiateurs pourra s’avérer d’un bénéfice utile. Les conférences et rencontres tel l’Abécé-

À pied d'oeuvre, écorché et en arrière plan photographie de Ton Zwerver © Danielle Lorin

daire offrent d’autres propositions d’entrer en complicité avec les collections : partir d’une œuvre et d’un mot choisis par une des personnes des services de la conservation ou des publics pour affiner ensemble sa perception et sa compréhension intime de l’œuvre. Malgré un contexte difficile, un budget d’acquisition encore trop modeste, un statut de musée municipal, on ne peut que respecter les choix actuels qui prolongent le souhait de Jacques

Réattu, qui voulait faire de l’ancien Prieuré de Malte un lieu d’échanges et d’accueil d’artistes, un espace d’art vivant. Et aujourd’hui un espace public. CLAUDE LORIN

À pied d’œuvre jusqu’au 30 mai Musée Réattu, Arles 04 90 49 37 58 www.museereattu.arles.fr

Un p’tit coup de Jeanne ? Ethno’balades Depuis qu’à son tour le Museon Arlaten a été mis en rénovation fin 2009, ses activités se poursuivent hors-les-murs. Parmi celles-ci les ethno’balades mènent à la recherche du patrimoine local arlésien. Après la découverte en janvier de la verrerie de Trinquetaille, la seconde exploration aura pour but l’entreprise créée en 1880 par l’armateur Charles Auguste Verminck qui ferma ses portes en 1932 suite au crack boursier de 1929. C’est dans ces lieux industrieux qu’on fabriquait les fameuses dames-jeannes servant à transporter le rhum venant des Antilles… C.L.

Itinéraires mentaux La scénographie de cette première escale joue la libre suggestion de ponts entre les œuvres (le grand tableau inachevé de La mort d’Alcibiade, les dessins préparatoires, les plâtres à l’antique confrontés à un autre sup-

De la dame-jeanne au cubi, suite avec Laurence Serra, doctorante, spécialiste de l’étude du verre, Laboratoire en Archéologie Médiévale Méditerranéenne rendez-vous sur réservation samedi 27 février à 15h Museon Arlaten, Arles 04 90 52 52 40 www.museonarlaten.fr


MUSÉE GRANET | MUSÉE ZIEM

ARTS VISUELS

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Du sublime Le paysage est à l’honneur aux musées d’Aix et Martigues, des peintures et beaucoup de dessins, la Provence et les rivages méditerranéens dans des visions sublimées entre Classicisme et Symbolisme

Rome antique et Pays d’Aix On le sait peu, le musée Granet possède une impressionnante collection de dessins (près de 2500) dont une collection de fonds d’atelier de Jean-Antoine Constantin (1756-1844), peintre et fondamentalement dessinateur. Sur les 1215 œuvres recensées, on peut actuellement découvrir près de 150 pièces, sobrement et élégamment présentées sur les trois niveaux du musée. Les peintures s’exposent relativement sans contraintes, mais par leur fragilité et sensibilité à la lumière, les œuvres graphiques requièrent plus de précautions muséographiques et imposent une exposition nécessairement temporaire : ce qui explique leur présence plus rare sur les cimaises. On saura alors profiter de cet ensemble très cohérent de dessins à la mine de plomb, sanguine, lavis bruns et encre de chine, exemplaires de l’école classique dans la veine de Poussin, Le Lorrain ou Salvator Rosa mais annonçant par ailleurs l’esthétique du paysage romantique. Peu d’artistes comme Jean-Antoine Constantin ont consacré quasi exclusivement leur carrière au dessin pour hausser ce médium au rang noble. On rencontre ici quelques croquis et esquisses, rassem-

Jean-Antoine Constantin (1756-1844), La Montagne Sainte-Victoire vue d’une terrasse avec figures à la manière de Salvator Rosa (Lavis de sépia, 27x38cm) © Musée Granet CPA

Jean-Antoine Constantin (1756-1844), Personnages en vue d’une ville d’Italie (Lavis d encre noire, 38x52cm) © Musée Granet CPA

blés pour certains en cahier à usage pédagogique, en raison de l’importante activité d’enseignement du «maître» qui fut directeur de l’école de dessin d’Aix et eut Granet et Forbin comme élèves. Leur degré d’achèvement, confondant, passe par la richesse du vocabulaire graphique (on pense pour plus tard à Van Gogh), par les choix plastiques (cadrage, lumières, contrastes ou gammes de nuances au lavis…), et par la taille respectable des formats, qui font de chaque pièce une œuvre à part entière. On ressent le probable plaisir de l’artiste à combiner les différentes techniques entre elles, amenant une minutieuse richesse visuelle dans le rendu des frondaisons, les variations minérales ou les pers-

pectives atmosphériques par exemple. Pour autant, peu de naturalisme comme chez Dürer : l’espèce botanique précise d’un arbre est rarement identifiable, le rendu des feuillages stéréotypé par le geste réitéré en forme de chiffre «33», dont se moquait Matisse. Si certains éléments sont traités de manière stylisée, d’autres composantes de ses «vedute» sont objectivement identifiables dans le réel et révèlent le travail d’observation de la campagne provençale : vues d’Aix et de la Sainte Victoire, le château de la Barben, le Palais comtal à Aix… Ils font de Constantin le père du courant du paysage provençal où s’engageront Granet, Loubon, Guigou en peinture. C.L

Le Symboliste et les sirènes

Jean Francis Aburtin, Thalassa © Gérard Dufresne

Né deux décennies après la disparition de Jean-Antoine Constantin, Jean-Francis Auburtin reçoit une formation académique puis se passionne lui aussi pour le paysage et spécialement les bords de mer. Les rivages méditerranéens occupent une place particulière dans son œuvre peinte. Influencé par Puvis de Chavannes (fresques du Muséum d’histoire naturelle du Palais Longchamp à Marseille), mais apparemment insensible aux bouleversements esthétiques qui jalonneront son époque, c’est à l’état idéal de la nature ou à un monde non encore souillé que ses images renvoient souvent, avec un parfum suranné parfois (Orphée, Soir Antique, Les deux sirènes). Les innovations impressionnistes ou fauves, ou plus tard la gifle du cubisme n’ébranlent guère son esthétique symbolisante (Thalassa, 1896), qui doit aussi à l’estampe japonaise (Porquerolles, rochers découpés près de l’Alycastre, 1898 ; Études d’algues, 1897). Pourtant, ce sont les effets lumineux et chromatiques entre ciel et mer, littoral rocheux et bouquets de pins maritimes, réalisés le plus souvent à la gouache sur papier gris, qui retiennent le regard (Saint Tropez,

pins sur la mer dans la baie ; Golfe de Porto) pour souffler dans la brise impressionniste ou attiser quelques feux fauves. Le hasard fera qu’il repose dans le cimetière de Varengeville-sur-Mer auprès de Georges Braque, un des pères de la modernité. CLAUDE LORIN

À-côtés Catalogue Écume et rivages, la méditerranée de Jean-Francis Auburtin (1866-1930) Images En Manœuvres éditions, 12 euros

Conférences au musée Granet, Aix jeudi 18 mars, Aux sources d’une œuvre : Jean-Antoine Constantin lundi 22 mars, Conférences du soir : Turner, par Richard Carreau Gaschereau 04 42 52 88 32 www.museegranet-aixenprovence.fr au musée Ziem, Martigues jeudi 25 mars, Le paysage est-il une fenêtre ouverte sur la nature ? Du paysage impressionniste au paysage symboliste, par Sylvie Patry, conservateur au musée d’Orsay 04 42 41 39 60 www.ville-martigues.fr www.ateliermuseal.net Fin 2010, le musée Ziem offrira ses cimaises aux paysages contemporains d’Olivier Debré pour Signes et Paysages. à l’Espace Ecureuil, Marseille jusqu’en juin, cycle de conférences Art et paysage par Jean-Noël Bret / Art Culture et Connaissance les 2 et 5 mars, Art et paysage VI : de l’œil à la pensée 04 91 54 01 01 www.fondation-ecureuil.fr


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MUSIQUE

HOMMAGE

Double hommage à Barbizet «Chacune de ses leçons ressemblait à une fête.» Hélène Grimaud Les manifestations en hommage à Pierre Barbizet, disparu il y a 20 ans le 19 janvier 1990, ont pris fin au Théâtre du Gymnase et au Palais Carli. Des anciens élèves se sont relayés rituellement pour célébrer leur Maître : ce «musicien français de Marseille» qui a tant œuvré pour l’enseignement musical dans notre cité. Tous louent sa grande culture, et vouent une grande admiration à leur Maître. Ils consacrent aussi pour les plus «anciens», depuis près d’un demi-siècle, leur vie à la musique et à ce grand animal aux touches bicolores : le piano. La faute à cet homme, humaniste, musicien hors pair venu en 1963 prendre en main les destinées du Conservatoire qui porte aujourd’hui son nom : Pierre Barbizet. Il y a vingt ans sa disparition a laissé un vide dans la vie musicale locale, mais aussi dans le cœur de générations d’élèves que son enseignement a passionné.

Acte I Ils sont là, en partie, le 17 janvier 2010, à avoir répondu présent à l’appel de Marseille-Concert, avec son épouse Caline Barbizet, le journaliste Jacques Bonnadier, les Gambini du label Lyrinx, toutes ces volontés qui se sont mobilisées pour dire à la face de la Cité : «N’oublions pas Pierre !». Marie-France Arakélian aux doigts fluides qui courent sur Schubert sans en perdre une croche, Pierre Pradier jouant Debussy sans maniérisme fortuit et Anne-Marie Ghirardelli dans Evelina Pitti © Gerard Pau

un tendre Chopin. Christiane Berlandini est de la première génération : elle se souvient émue d’une prestation devant Cortot, avant que le plus jeune, Nicolas Mazmanian, dévoile quelque composition sensible… Sans oublier l’inclassable Edouard Exerjean et ses mots filés au gré des notes ! Bernard d'Ascoli © X-D.R.

Acte II 19 janvier, jour anniversaire de la date de la disparition de Barbizet. Les anciens élèves, devenus pianistes virtuoses, transmettent le flambeau du jeu généreux prodigué par le Maître. On retiendra la très belle interprétation de l’Appassionata de Beethoven par Evelina Pitti, intense et précise. La Valse de Ravel pour deux pianos fut assurée passionnément par Nathalie et Fabrice Lanoë, duo fraternel. Frédéric Aguessy, avec Chopin, amenait une touche plus intime, sensible, mais une Polonaise à la couleur trop mozartienne. L’ouragan Ludovic Selmi maîtrisait à merveille les gammes pittoresques de Chabrier puis jouait un Chopin brésilien, composition personnelle: époustouflant ! C’est toujours avec émotion qu’on retrouve le pianiste aveugle Bernard D’Ascoli, si clairvoyant dans Liszt et Chopin : corps qui vibre, notes égrenées avec ferveur et musicalité pour de superbes Jeux d’eau à la Villa d’Este. Une surprise de dernière minute avec la sonate de Poulenc pour flûte et piano par l’ami Ranson Wilson, flûtiste et Chrystelle Abinassr, pianiste, bel intermède, malgré certaines duretés de la flûte. Philippe Giusano donna toute sa fougue et son amplitude dans les Moments Musicaux de Rachmaninov, une gestique minimale mais une énergie maximale: quelle main gauche! Le concert se terminait très tard avec la lumineuse sonate de Franck pour violon et piano où Laurent Korcia, élégiaque et diabolique nous emmena très loin, avec la merveilleuse complicité de la pianiste Thuy Anh Vuong. Un très beau récital de musiciens épanouis et généreux, dont peut s’enorgueillir la mémoire du maître. JACQUES FRESCHEL ET YVES BERGÉ

L’empreinte est gravée Que reste-il du maître ? Des souvenirs, des disques, un Conservatoire qui a acquis des lettres de noblesse, une «école» de piano fondée sur l’égalité, la clarté et le chant… et un maître mot : «Enseigner c’est aimer !». Ses disciples les plus fameux se nomment aujourd’hui Philippe Giusiano, Jean-Yves Thibaudet, Hélène Grimaud… et tant d’autres talents que l’on a pu entendre au Gymnase lors des soirées hommage ! Outre ces concerts, des volontés locales ont tenu à marquer l’événement par des publications. On a déjà évoqué dans ces colonnes l’émouvante biographie publiée fin 2009 chez Jeanne Laffitte, écrite à une voix, celle de Caline, sa femme, pleine d’amour et d’admiration, et la main bienveillante de Jacques Bonnadier. Le roman d’une vie dont on

ne quitte plus le fil au gré des anecdotes et des photos-souvenirs… C‘est encore Jacques Bonnadier qui convoque notre mémoire. Il est à l’origine de la réédition en DVD de l’émission diffusée sur FR3 en 1990 au lendemain de la mort du pianiste. Le documentaire est agrémenté d’un bonus inédit : on y voit, et on y entend, Pierre Barbizet jouer Bach, Mozart, Milhaud, Beethoven… Indispensable ! C’est enfin chez Lyrinx -car le musicien plaçait volontiers ses doigts, les dernières années, sous les micros experts de René- que les Gambini dévoilent des inédits : Carnaval de Schumann ou le Concerto italien de Bach, des Sonates de Mozart et les Variations sur «Ah vous-dirai-je, Maman» qu’il aimait tant… J.F.

Livre : Pierre Barbizet Le chant d’un piano, éditions Jeanne Laffitte

DVD : Pierre Barbizet - 20 ans production Les Films du Soleil

CD : Barbizet - Inédits Lyrinx LYR 272


LYRIQUE

MUSIQUE

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Prima la musica ? À la question controversée de savoir si la musique domine le texte dans un opéra, Mozart écrivit en forme de réponse Les Noces de Figaro, premier fruit de sa collaboration avec Da Ponte datant de 1786, adapté de la toute récente et polémique pièce de Beaumarchais. Dans cet opera buffa moins comique qu’il n’y paraît, la musique fait jeu égal avec le texte savoureusement sulfureux qui préfigure les bouleversements sociaux de la fin du siècle : c’est donc le théâtre qui prime dans un chassécroisé du désir et de l’amour sur fond de conflit de sexes et de classes. Dans la nouvelle co-production de l’opéra de Toulon et de l’opéra théâtre d’Avignon donnée en janvier, le plateau était au diapason de l’orchestre, dans l’ensemble

irréprochable. Les innombrables tubes dont regorge la partition semblaient taillés sur mesure pour les chanteurs tant vocalement que scéniquement. Les décors (Yves Bernard) épurés et bien mis en lumière, ainsi que les costumes riches mais sans fioritures (Claude Masson) laissaient un espace de liberté idéal aux solistes évoluant dans une mise en scène remarquablement sobre (Christian Gangneron), contrepoint idéal à la complexité des situations, qui n’enlevait rien à la dynamique de l’action. L’équilibre des ensembles vocaux offrait aux spectateurs des moments grisants, joyaux de virtuosité vocale, accompagnés par la direction ferme et subtile du chef Giuliano Carella. Mikhail Petrenko très convaincant

Les Noces de Figaro © Frédéric Stéphan

en Figaro juvénile et hyperactif ainsi que Roberto Tagliavini en Comte Almaviva fragile et puissant, donnaient la réplique à des rôles féminins impeccablement tenus par Alexandra Coku (Comtesse), Ainhoa

Garmendia (Suzanna), Carine Séchaye (Chérubin) et Sophie Pondjiclis (Marcellina). Une belle réussite. EMILIEN MOREAU

Stop ! Chef d’œuvre… L’Opéra de Marseille propose chaque saison un opus ignoré du XXe siècle. Bonne pioche avec The Saint of Bleecker Street ! Le travail accompli par la direction artistique du théâtre a prouvé, ces dernières années, que la création lyrique populaire ne s’arrête pas avec Puccini : le siècle précédent est jalonné d’œuvres passionnantes et abordables. Ainsi a-t-on heureusement découvert, depuis 2004, L’Aiglon (1937) d’Ibert/Honegger, L’Héritière (1974) ou Colombe (1961) de Damase… Maria Golovin (1958) avait convaincu le public marseillais il y a quatre ans et c’est avec intérêt que le mélomane, lassé des sempiternels bestsellers du répertoire qui se réduit aujourd’hui à un Bizet et une demi-douzaine de Verdi/Puccini, attendait l’opéra fétiche de Menotti. Il y a manifestement du Dialogues des Carmélites (1956) -monté sur la Canebière en 2006- dans cet opus quasi contemporain, tant par son sujet que sa valeur. La fine construction dramatique et le langage musical sondant les rapports intimes des personnages, le soin apporté au dessin mélodique, à une harmonie expressive et préhensible, les couleurs symphoniques chatoyantes, l’alternance «classique» du récit continu et de grands airs restent avantageusement au service de l’émotion. De plus, le livret (en anglais) n’a rien d’un prétexte à numéros : il met en scène les doutes de l’auteur sur sa foi et sa faculté d’immigré italien (à New York dans Little Italy) à s’élever au-dessus de sa condition première, à s’extirper (sans en périr) du poids de la tradition.

Passion moderne Le couple classique des «amants d’opéra» est renouvelé avec l’amour «incestuel» d’un frère et sa sœur, chacun voulant sauver l’autre (et lui-même ?)

de sa propre croix. L’analyse psychologique fouillée, les questions de la foi et de l’agnosticisme, de la liberté et des interdits, de la chair et de l’esprit, du poids social et de la coutume sont primordiales et la mise en scène d’une rare intelligence (et beauté) de Stephen Medcalf vient souligner les récurrences passionnelles et sacrificielles des héros. Le plateau, remarquablement distribué, est emmené par la «Sainte» (Karen Vourc’h) élue possédée, pure et fragile, voulant prendre le voile et son bourru de «fratello» (Attila B.Kiss) voulant l’en empêcher. On souligne aussi la performance

des Chœurs de l’Opéra très présents, en particulier dans les périlleux chorals à caractère liturgique encadrant une œuvre magistrale, un véritable sommet lyrique du XXe siècle. JACQUES FRESCHEL

The Saint of Bleecker Street a été joué du 12 au 19 fév. à l’Opéra de Marseille

The Saint of Bleecker Street, photo de répétition © Christian DRESSE 2010


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MUSIQUE

CONCERTS

Symphonies de Maîtres L’auditorium du Pharo, plein en cet après-midi du dimanche 24 janvier, accueillait le pianiste JeanClaude Pennetier et Theodor Guschlbauer, chef autrichien qui a dirigé les plus grands ensembles : à la tête de l’orchestre philharmonique de Marseille il a proposé un programme classique et romantique. La symphonie parisienne de Mozart donne l’occasion d’entendre une œuvre assez peu jouée à laquelle Guschlbauer impulse un tempo énergique. Sous sa direction souple et limpide, l’orchestre retrouve couleurs et palettes de nuances : un très beau legato, puis un dialogue triomphal des cordes et vents dans l’Allegro final, malgré la dureté de certaines interventions solistes. Le concerto pour piano n° 24 est interprété par JeanClaude Pennetier avec élégance, fougue, des attaques rigoureuses d’une belle clarté, et une véritable complicité avec l’orchestre. Qui se joue des variations du dernier mouvement avec grâce.

On découvre l’Ouverture de Schumann, Hermann et Dorothée qui est une belle fresque autour du thème de la Marseillaise, d’après un poème de Goethe. Son amour pour Clara est, pour Schumann, l’occasion d’oppositions de timbres intéressantes sur fond de musique révolutionnaire, clin d’œil aux conflits de Robert avec son beau-père, le terrible Wieck ! Le concert se terminait avec Schubert et sa Symphonie n° 3 en ré majeur, D. 200, œuvre de jeunesse (18 ans !), assez incisive, mais manquant d’inspiration mélodique et harmonique. Un Allegro aux grandes lignes verticales, un Menuet enjoué et un Presto brillant où le septuagénaire Guschlbauer imprimait sa fougue et sa précision étonnante à tout l’orchestre, qui semblait se régaler d’une telle direction. YVES BERGÉ

Cor, accord et corde accorte Premier étonnement : en pleins congés scolaires, un samedi après-midi, on ajoute des chaises sur le parquet du Grand Foyer (plein comme dans une pièce de Ionesco) afin d’accueillir le surcroît de public qui file l’attente au guichet (pour 5 euros le concert et un luxueux décor art-déco, l’amateur trouve assurément de quoi se motiver !). Mais c’est à l’entame du 1er mouvement de la Sonate n°1 pour violon et piano de Schumann qu’une vraie surprise nous claque à l’oreille. Belle sonorité © X-D.R

profonde et vibrante, phrasés amples et chantants, justesse impeccable… du goût et des choses à dire ! On découvre une jeune violoniste qu’on avait seulement entendue jusqu’ici au sein de formations plus denses. Manifestement, le violon de Cécile Gouiran ne demande qu’à s’envoler, acquérir ce brin de panache et d’assurance au gré d’expériences fructueuses… À côté d’un hors-d’œuvre au cantabile romantique signé Franz Strauss (père de Richard et corniste émérite), on a aussi goûté aux splendeurs du Trio pour violon, cor et piano de Brahms. Au prix d’une belle cohésion et d’une émotion partagée, des demi-teintes de Vincent Robinot (cor) et du soutien assuré d’Anne Guidi (piano), un trouble a été perceptible dans le public à la fin du sombre et funèbre Adagio. Chapeau ! J.F.

Musique de chambre à l’Opéra de Marseille, le 13 fév

Cocteau réincarné Edouard Exerjean, pianiste, conteur, crée d’emblée une ambiguïté troublante. Habité par Jean Cocteau, il devient lui-même dandy génial et raffiné. Le programme, articulé autour de pièces pour piano du XXe siècle, rend hommage au poète, de l’Anthologie poétique au Discours de réception à l’Académie française, festival de mots et d’aphorismes. Des souvenirs d’enfance au réquisitoire adressé à Mauriac qui avait quitté la salle à la générale de Bacchus un Je t’accuse lancé en un crescendo vocal d’une froideur terrifiante-, on se balade dans le jardin du poète, où s’attendrir embrouille l’âme. Au piano, les Histoires sans paroles de Jean Wiener apportent leurs touches flottantes. Pas de temps mort, la respiration est légère ou brutale, les interprétations pleines de sarcasmes : Valse de Georges Auric, Pièces poétiques de Sauguet, limpides et salutaires. Un piano pulsé, rythmé avec les Saudades do Brasil

Jean-Claude Pennetier © X-D.R.

d’un Milhaud lumineux puis un moment élégiaque, mélancolique (Improvisations de Poulenc), de savoureuses anecdotes sur Colette, la rencontre avec Anna de Noailles, magique. Sachez, mon cher Jean que lorsqu’Hugo se lançait dans un monologue, il appelait cela une conversation. Anna si hautaine annonçant le Piccadilly d’Erik Satie, si caustique. L’amour, bien sûr, pour Raymond Radiguet trop tôt disparu, pour Jean Marais (Poèmes à Jean) précédant de merveilleuses Pièces brèves de Georges Auric, ciselées par un Exerjean passionné. «Le souffle qui m’habite profite de mes aptitudes» disait Cocteau. Les aptitudes d’Exerjean auraient plu à Cocteau. YVES BERGÉ

Du visible à l’invisible, spectacle créé en 2003, a été repris au théâtre de Lenche du 12 au 30 janv

Duo et regret L’Opéra de Marseille n’a pas chômé côté musique de chambre ! Aussi a-t-on pu assister, une semaine seulement après le brillant concert du 13 février, à un duo piano-violon admirable, s’attaquant successivement à la Sonate en mi mineur K.304 de Mozart, à la Sonate N°3 en ré mineur op. 108 de Brahms, à la Sonate de Poulenc et à deux extraits de l’Histoire du tango d’Astor Piazzolla. Un choix d’œuvres plus que pertinent, faisant le lien tout d’abord de la mélancolie du jeune Mozart exilé en France à la puissance brahmsienne, puis de ces restes de romantisme à la colère presque stravinskienne de Poulenc, en proie à la seconde guerre mondiale, révolté par la mise à mort de Federico Garcia Lorca. Il se concluait sur une autre mélancolie, celle du célèbre Argentin qui remet en scène ses souvenirs musicaux avec la pièce Café 1930. Alexandre Amedro, au violon, réussit habilement à passer de ces grandes mélodies lyriques à des sons plus rêches, plus écorchés, en dosant assez justement l’émotion. Christelle Abinasr, techniquement irréprochable et très présente chez Mozart et Piazzolla, lui donna la réplique sans le moindre faux pli. Si la démarche de l’Opéra concernant la musique de chambre s’avère remarquable, sa prise en compte matérielle l’est beaucoup moins. On tiqua plusieurs fois, en entendant le matériel scénique de la grande salle tomber, des téléphones sonner hors du Foyer, le personnel de la maison crier… Dommage. Un concert en petit effectif à tarif réduit n’est pas un concert au rabais. SUSAN BEL Alexandre Amedro © X-D.R.


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Trois fois bienvenu ! Pour son 60e anniversaire, le festival de musique de Toulon proposait le 5 février un concert presque entièrement dédié à Beethoven, à l’exception d’une symphonie de Haydn qui n’entravait en rien ce programme autour du classicisme viennois. Placés sous la direction de Doron Solomon, les musiciens de l’orchestre Cannes-PACA ont accompagné en première partie le soliste Vahan Mardirossian au piano dans le concerto n°2 op.19. Malgré le toucher félin au son rond et chaleureux du pianiste comme en écho à la direction fluide du chef, l’ensemble s’avérait très en retenue malgré une évidente musicalité dans les contrastes dynamiques, à l’image de la 99e symphonie du maître de Ludwig donnée plus tard à laquelle il manquait un peu d’énergie. Dans la deuxième partie, toujours trop contenus, l’orchestre et le soliste semblaient restreindre leur jeu durant le rondo en sib majeur joué avec précision mais sans exaltation…. Ils étaient sans doute tourmentés par la perspective d’interpréter pour finir le fameux et unique triple concerto op.56 en ut majeur, pour lequel étaient venus s’ajouter les exceptionnels solistes Jean-Marc PhillipsVarjabédian au violon et Xavier Phillips au violoncelle. L’espace de liberté restreint confié à ces deux musiciens par la partition au profit du

Orchestre regional de Cannes © Philippe Laville 2007

piano les poussait à se transcender. Porté par ceuxci, l’orchestre semblait comme transfiguré, libérant une énergie insoupçonnée jusque là et le pianiste y trouvait une place de choix où son jeu peu incisif, tout en douceur et en légèreté, contrastait idéalement avec la virtuosité explosive des mélodies de ses partenaires. Malgré des débuts laissant l’auditeur insatisfait, on gardera donc en mémoire cet ensemble réussi et cohérent comme un merveilleux moment de musique. ÉMILIEN MOREAU

Bonne pêche ! Dans le cadre de sa programmation annuelle, l’opéra de Toulon propose également des concerts instrumentaux en petites formations, démarche indispensable qui permet aux mélomanes d’écouter des œuvres incontournables, comme le fameux quintette La truite de Schubert ou encore le septuor op.65 de Saint-Saëns. Ces deux œuvres rarement données dans une même soirée permettaient aux auditeurs avertis du salon Campra de pouvoir comparer deux types d’écriture musicale très différents. En effet, même si ces deux joyaux de la musique de chambre furent composés tous deux au XIXe siècle, 70 ans

séparent en réalité les deux ouvrages, respectivement datés de 1810 et 1880. Avec ferveur et talent, les instrumentistes présents, tous issus de l’orchestre de l’opéra à l’exception du pianiste Ludovic Selmi, ont offert au public une prestation réjouissante, passant sans difficulté d’un extrême à l’autre : aux élans romantiques du premier, mettant en évidence des sentiments contradictoires de joie et de tristesse au travers d’un vibrant éloge de la nature, venait se substituer une écriture très mesurée mais non dénuée d’humour, très caractéristique du bon goût à la française en vogue à l’aube du XXe siècle. Les musiciens ont mis tout cela en évidence de la plus belle manière, et c’est avec une joie non dissimulée qu’ils ont interprété en bis un medley de standards de Gershwin savamment orchestré par Pantin, un peu à la manière d’un Mancini : un véritable régal... pour les oreilles.

Ludovic Selmi © X-D.R.

ÉMILIEN MOREAU

Ce concert a eu lieu le 4 fév au salon Campra de l’Opéra de Toulon

Ce concert a eu lieu le 5 fév dans le cadre du Festival de musique de Toulon


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MUSIQUE

GTP

Le Grand Théâtre de Provence a offert à son public des concerts variés et épatants

Impérial

Laissez-vous emporter !

Barry Douglas et la Camerata Ireland ont transformé le Grand Théâtre de Provence le 4 février en chambre d’écho Beethovenienne !

Le jeune violoniste Nemanja Radulovic, dont le talent de soliste n’est déjà plus à prouver, a depuis ses débuts l’intelligence de proposer régulièrement des concerts en formation réduite. Il est rare d’entendre une telle virtuosité mise au service d’un véritable dialogue musical, quand elle pourrait se contenter d’accaparer la parole. Une place assez conséquente a donc été accordée au Quatuor Illico et au contrebassiste Stanislas Kuchinski, qui ont su faire preuve des qualités techniques et lyriques nécessaires à cet échange vibrant avec un des meilleurs violonistes de sa génération. Le programme, tout en s’attaquant aux répertoires baroque, romantique et plus contemporain, voyageait entre musique de chambre et puissance orchestrale. On pourra regretter que quelques œuvres, notamment la Légende d’Henryk Wieniawski ou le Meltemi d’Alessandro Annunziata, n’aient pas eu un grand intérêt musical, sinon celui de proposer des morceaux de bravoure aux instrumentistes. La qualité exceptionnelle de l’interprétation, à l’instar des fameuses trilles du diable de la sonate en sol mineur de Tartini, a largement suffi à compenser ces quelques faiblesses d’écriture et à faire de ce concert un de ceux qui vous laissent sans voix. Sans mots. Emportés.

L’excellent pianiste et chef d’orchestre Barry Douglas ne recule devant rien. Trois concerti pour piano de Beethoven dans un même concert, avec de plus les deux casquettes assumées, dirigeant assis au clavier… Chapeau ! Car il faut mener non seulement musicalement et techniquement à bout chacun de ces monuments, mais il faut également garder lucidité et fraîcheur physique et mentale jusqu’à la dernière note. Avec un effectif presque chambriste, très proche en fait de celui dont disposait le maitre viennois il y a deux siècles, l’ensemble irlandais a rendu de façon précise et subtile le très Mozartien second concerto. Que dire du virevoltant troisième, mené de main de maître par le pianiste chef au toucher délicat ? Un sommet ? C’était sans compter le fameux «Empereur», cinquième et dernier opus de la série. Impériale à tous les sens du terme, l’œuvre et ses interprètes ont conquis le très nombreux public dans une soirée 100% Beethoven, dont personne ne regretta l’unité de ton. FRÉDÉRIC ISOLETTA Camerata Ireland © Mark Harrison

SUSAN BEL Nemanja Radulovic © Eric Manas

Ce concert a eu lieu au GTP (Aix) le 2 fév

La leçon de musique de Casadesus Difficile de ne pas abuser de laudatifs tant cette soirée symphonique avec l’Orchestre National de Lille sous l’égide d’un Casadesus déchaîné et d’un Dumay inspiré fut splendide. Le violoniste, que l’on ne présente plus, tout en simplicité, posa sa main de velours sur le concerto de Beethoven. Sous le regard complice du chef, et d’un orchestre en lévitation, «Saint Augustin» irradia la salle d’une euphorie solaire ; confessions musicales d’un artiste au sommet de son art : magistral ! L’interprétation des cinq pièces enfantines, Ma mère l’Oye de Ravel, véritables petits bijoux, nous laissèrent définitivement sous le charme : couleurs d’orchestre, finesse de jeu, homogénéité des pupitres… splendide. L’Oiseau de feu d’Igor Stravinsky avec ses cuivres lumineux, ses rythmes endiablés et ses mélodies abruptes embrasa le public conquis du GTP. Le petit bis, extrait de Carmen, paracheva la soirée. Un spectacle à la hauteur du programme : ébouriffant ! CHRISTOPHE FLOQUET

Augustin Dumay © X-D.R.


CONCERTS

MUSIQUE

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Mélodie et signification Directeur depuis 2007 du Festival d’Art Lyrique d’Aix-en-Provence, Bernard Foccroulle est un organiste reconnu, éminent interprète de l’œuvre de Bach. Son programme, Entre tradition contrapuntique et rhétorique a su aborder en toute simplicité l’ambiguïté de son écriture. Bach est en effet la référence en matière de contrepoint comme superposition de lignes mélodiques et donc fondement de la polyphonie, mais il fait également preuve d’un sens de la symbolique affirmé. Symbolique que l’on pourrait considérer comme à l’origine de l’emphase d’une mélodie principale, impliquant une écriture plus verticale, donc harmonique, faisant de Bach le lien que l’on connaît entre contrepoint et harmonie. Aussi découvre-t-on que l’œuvre de Bach, ne se contentant pas d’être belle et accomplie, renferme des signes. Exemple le plus éloquent : le Choral Komm, Heiliger Geist, se référant au Saint-Esprit (prié après le Père et le Fils), structuré autour d’une mesure à trois temps, s’appuiera sur le troisième temps, référence au troisième Saint.

Harmonie à quatre mains

Bernard Foccroulle © Johan Jacobs

Si Bernard Foccroulle sut s’illustrer dans ses explications tout comme dans son interprétation des œuvres les plus magistrales (Fantaisie et Fugue en sol Mineur, BWV 542, notamment), on regrettera son traitement plus léger d’œuvres contemplatives ou la fausseté de certains jeux. Le concert fut cependant éloquent, et sa reprise en mai à Toulouse sur l’orgue des Augustins vaudra certainement le détour !

Anne Marie Ghirardelli et Joël Rigal ont été «élevés au même biberon musical» selon leurs propres termes (voir p 38). Complicité artistique de longue date qui est rendue sensible par leur subtile interprétation du programme varié offert aux mélomanes enchantés, «il est nécessaire de satisfaire les goûts différents du public» ! Joyeuse jonglerie, «l’éclectisme coule de source»… Ainsi, nous avons le bonheur d’entendre un Weber à l’architecture étonnamment classique, précision et rigueur qui nous happent… Un Schubert rare, avec l’interprétation de marches militaires à 4 mains. À la raideur du propos se mêlent un humour et une distanciation qui réjouissent l’auditeur par leur subtilité. Puis c’est la finesse, la légèreté, l’élégance de Mozart… La deuxième partie avait le courage de défendre l’œuvre complexe de Darius Milhaud, polytonalité à la mesure du choc esthétique éprouvé au Brésil lors du carnaval. Musique à l’image de la vie même, désordonnée, foisonnante «pas classique en tout cas»! Bossa, samba… tous les rythmes découverts par le musicien se mêlent en un tissage complexe et chatoyant, fusions, parallélismes… une foule s’amuse, s’active, s’épanche… Les deux pianistes se jouent des difficultés de cette superbe partition, nous sommes emportés dans un monde sensible, vibrant et coloré. Au public enthousiaste, les deux artistes ont offert l’humour d’une délicieuse Polka «ce n’est qu’un au revoir» puis, en ter, un extrait de Ma mère l’Oye de Ravel, Laideronnette Impératrice des Pagodes. Magistral ! MARYVONNE COLOMBANI

SUSAN BEL

Concert donné à Aubagne au Comoedia le 23 janv

Concert d’antan Si vous avez le goût des concerts de chambre du XIXe, il fallait aller ce 3 février au théâtre du Jeu de Paume pour écouter le duo violoncelle (Marc Coppey) et piano (Peter Laul). Au programme, Mendelssohn, Schubert, Rachmaninov (du XXe, mais romantique), Chopin (premier bis) croisèrent furtivement Debussy (sonate) et le vieux Bach (petit bis de 2mn). Un répertoire sans grand risque, sauf qu’il exige, déjà vu oblige, une interprétation d’exception. De superbes moments de musique ressortirent de ces deux heures de concert, mais trop souvent il y eut un manque de liant entre les deux instrumentistes. Le jeu un peu raide, très emphatique, trop sonore

du violoncelliste relégua le pianiste au second plan -plus particulièrement dans «l’arpeggione» de Schubert. Peter Laul, né en Russie, s’affirma davantage dans l’œuvre de son compatriote; ipso facto un réel équilibre fut trouvé entre les deux musiciens. Le Bach donné en bis fut une merveille ! À l’aune de la qualité respective de chacun de ces artistes et de cette dernière interprétation, on ne peut que regretter que le programme ne fût pas plus éclectique. CHRISTOPHE FLOQUET

Ce concert a eu lieu au Jeu de Paume dans le cadre des Concerts d’Aix Marc Coppey © X-D.R.

L’Aixois à Marseille

Dans le cadre du 350e anniversaire de la naissance de Campra, l’Ensemble Les Festes d’Orphée propose un cycle de concerts sur le compositeur aixois. Dans une église glaciale, un maigre public eut le privilège d’entendre ses petits Motets et des œuvres de contemporains, interprétés par Guy Laurent, voix (basse) et flûtes, Laure Bonnaure, dessus (soprano) et, à la basse continue, Annick Lassalle, viole de gambe, et Corinne Bétirac, clavecin. La IIIe Suite de Tancrède fit apprécier la technique sûre aux flûtes alto et soprano de Guy Laurent et la qualité d’un continuo dans l’esprit des suites de danses. Dans le motet Dominus regnavit, Guy Laurent maîtrisa parfaitement récit déclamé et vocalises très ornées tandis que Laure Bonnaure, voix claire, attaques sûres, vocalises solides, tenait un peu durement certaines finales.

On la retrouvait dans un Motet avec une voix plus chaude, entre récit et air, questionnements nuancés, figuralisme très expressif : Ubi es, Deus meus ? Moment de respiration avec le Prélude en sol min de Sainte Colombe pour viole de gambe : beau toucher d’Anick Lassalle, jeu en doubles cordes et chromatismes étonnants. Corinne Bétirac joua au clavecin une Allemande et une Courante de Louis Marchand, compositeur de la Chapelle Royale, avec un son ample. Le dernier Motet Omnes gentes fit montre d’une belle osmose entre les deux solistes dans les motifs fugués. Un programme de qualité et d’une grande cohérence : la musique de Campra, des petits Motets aux opéras, sait réchauffer les cœurs. YVES BERGÉ

© Festes d'Orphée

Ce concert a eu lieu le 3 février à l’église Ste Catherine, Marseille


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LYRIQUE

MUSIQUE

Essaim rossinien Après Avignon et Toulon, la coproduction (fruit de la collaboration de 16 maisons d’opéra) du «Dramma Giocoso» Il Viaggio a Reims de Rossini devrait faire l’affaire des amateurs de bel canto. Cet opus à la distribution foisonnante, composé à l’occasion du sacre de Charles X en 1825, est réactualisé par Nicola Berloffa dans un contexte «années 30». Des voyageurs de différentes nationalités se rendant à Reims pour le couronnement du roi, se retrouvent bloqués dans une ville thermale. Des intrigues se nouent dans l’hôtel où ils résident. Mise au placard, la partition du Voyage (remaniée pour Le Comte Ory en 1828)) fut retrouvée dans les années 70 et connaît depuis 1984 (re-création par

bonne douzaine de premiers rôles, personnages qui nous conduisent «dans les contrées mystérieuses des «Voix de l’Amour« : une parisienne trop sûre d’elle, une poétesse enchanteresse, un allemand rigide, un français trop empressé ou encore un russe éméché…». Les acteurs/chanteurs défilent sur une intrigue légère, certes, mais au service d’un chant souverain (dir. Luciano Acocella). JACQUES FRESCHEL

MARSEILLE. Les 11, 12, 13 mars à 20h et le 14 mars à 14h30 Opéra. 04 91 55 11 10 - www.marseille.fr

Il Viaggio a Reims © Alain Julien

Abbado) un succès indéniable. C’est qu’elle offre la possibilité de fantaisies scéniques et sa chance à de jeunes artistes. Il s’y trouve quasiment une

Charmante Poppée ! Sénèque (Vincent Pavesi)… aux sons des plus charmants affects baroques !

C’est Jérôme Correas et son ensemble baroque Les Paladins qui accompagnent les chanteurs du Couronnement de Poppée de Monteverdi. Une production créée à Saint-Denis en janvier et dont l’unique date en dessous de la Loire semble prévue, à ce jour, dans la Venise provençale ! Christophe Rauck met en scène cet opus représenté peu de temps avant la mort du compositeur en 1643. Les deux copies exis-

tantes de la partition, d’abord égarée, (ré)écrite sans doute de la main d’autres compositeurs ou disciples du maître, laissent de nombreuses possibilités d’agencement, d’interprétations, d’orchestration… La manipulatrice Poppée (Valérie Gabail) pour assouvir son ambition, séduit le jeune Néron (Maryseult Wieczorek travestie), se débarrasse de l’impératrice Octavie (Françoise Masset) et du philosophe

Flûte acidulée

«Tout rit et tout chante»

Le prince Tamino part à la recherche de Pamina en compagnie de l’oiseleur Papageno... Le couple gagné par l’Amour franchira des épreuves pour accéder au Temple de la Sagesse dont Sarastro est le Maître. La perfide Reine de la Nuit verra ses projets déjoués et Papageno trouvera (enfin !) sa Papagena. L’opéra La Flûte enchantée, mis en musique par Mozart en 1791 sur un livret attribué à Schikaneder, est un conte universel, et une parabole initiatique… Pour cette production de L’Opéra éclaté (direction artistique: Olivier Desbordes ) et du Festival de Saint-Céré (création 2009), on découvre un plateau de jeunes chanteurs en costumes colorés dans mise en scène enlevée (Eric Perez) où règne l’allégresse. Avec Marion Tassou, (Pamina) Raphaël Brémard (Tamino)… sous la direction musicale de Joël Suhubiette ou Dominique Trottein (chant en allemand et dialogues en français).

Ainsi Théophile Gautier parlait-il de La Cenerentola de Rossini. La réussite de cet opéra festif repose souvent sur les qualités vocales et scéniques du couple vedette. Avec la mezzo Karine Deshaye (Cendrillon) et le ténor Manuel Nuñez-Camelino (Don Ramiro), la nouvelle production avignonnaise possède des atouts indéniables, d’autant que le reste de la distribution a été sélectionné avec soin: Caroline Mutel, Julie Boulianne, (Cendrillon marseillaise… de Massenet), Franck Leguérinel, Lionel Lhote et Nicolas Courjal. Le trio d’expérience Charles Roubaud (mise en scène), Emmanuelle Favre (décor) et Katia Duflot (costumes) devrait constituer un gage pour le succès de cet opéra-bouffe (dir. Roberto Rizzi-Brignoli) inspiré du conte de Perrault.

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© Benoît Michou

MARTIGUES. Le 9 mars à 20h30 Théâtre des Salins. 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Karine Deshayes © Vincent Jacques

J.F

AVIGNON. Le 21 mars à 14h30 et le 23 mars à 20h30 Opéra-Théâtre. 04 90 82 81 40www.mairie-avignon.fr

J.F.

MIRAMAS. Le 28 fév. à 15h Théâtre de la Colonne 04 90 50 14 74 - www.scenesetcines.fr

J.F.

Weill made in U.S.A. On connaît peu l’opéra Street scene de Kurt Weill : de fait il n’a jamais été créé en France ! Après La Sainte de Bleecker Street à Marseille (voir p.39), cet opus joué à New York au début 1947, nous replonge dans l’East Side de Manhattan. Il est considéré comme le chef-d’œuvre de la période américaine de l’auteur de l’Opéra de quat’sous. S’il connut un vif succès outre-atlantique (148 représentations pour «un pas historique vers un véritable drame musical américain», N.Y.Times), il fut boudé en Europe, dominée par l’intolérante avant-garde des années 1950. C’est une œuvre ambitieuse nécessitant de gros moyens, d’un pessimisme noir, au langage musical aussi varié que raffiné (et abordable) : du grand-opéra puccinien au style Broadway, avec récits accompagnés, dialogues parlés, airs, ensembles, chœurs et ballets, où le drame social côtoie le divertissement. Cette nouvelle production est mise en scène par Olivier Bénézech et dirigée par Scott Stroman. J.F

TOULON. Les 12 et 16 mars à 20h et le 14 mars à 15h Opéra. 04 94 92 70 78 - www.operadetoulon.fr


CONTEMPORAIN | FESTIVAL

MUSIQUE

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Le masque de Klaus

Mars au féminin Elles se nomment Agnès Mellon, Lavinia Bertotti, María Cristina Kiehr, María Espada et Amandine Beyer, cinq sopranos et une violoniste à venir évoquer ces «Femmes de Méditerranée» mises en lumière pour la 8e édition de Mars en baroque. Elles chantent l’antique Sapho, les mélopées arabo-andalouses ou occitanes, l’Italie du seicento, les lamenti baroques et plaintes mariales, la Cantate de chambre espagnole, se souviennent des jeunes filles de l’Ospedale de la Pieta et de femmes compositrices… Six concerts sont donnés à Marseille à Ste-Catherine et St-Laurent sur l’EsplaAgnès Mellon © Jérôme Bernard-Abou nade de la Tourette et un à Aix à l’église du St-Esprit, en compagnie des instruments anciens du Concerto Soave (dir. Jean-Marc Aymes), de Gli Incogniti… Le tout est argumenté de quatre conférences expertes livrées à la Vieille Charité par Benito Pelegrin, Sylvie Mamy, Marie-Paule Vial et Catherine Cessac. Une édition dédiée à la mémoire d’Edmée Santy, éminente femme engagée dans la culture locale, à l’origine de cette manifestation.

Après des lauriers reçus lors de sa création aux Bouffes du Nord lors du Festival d’Île de France, le dernier spectacle de la compagnie Télémaque a affiché complet à Marseille au Théâtre de la Minoterie. Du coup, ceux qui ont loupé le coche rejoignent les fidèles de la scène de Martigues -Raoul Lay y est compositeur associé- pour découvrir Desperate Singers : Requiem pour Klaus Nomi, «oratorio burlesque et tragique» à la mémoire de l’icône New Wave, contre-ténor pop-rock et baroque des années 80. Une étrange mise en scène de l’ambiguïté sexuelle signée Olivier Pauls, soutenue par la duplique vocale de la soprano Brigitte Peyré et du contre-ténor Alain Aubin ! Avec Jean-Bernard Rière (contrebasse solo), les musiciens associent Purcell (The Cold Song, Mort de Didon) à Berio et des musiques inouïes dirigées par Raoul Lay. J.F

MARTIGUES. Le 20 mars à 20h Théâtre des Salins. 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr Desperate singers © Agnès Mellon

J.F.

8e Festival Mars en baroque : «Femmes de Méditerranée». Du 13 au 23 mars Programme et horaires : Association Euterpes. 04 91 90 93 75 - www.crab-paca.org

Sixième conte Deux «Contes», sur les sept prévus initialement par Roland Hayrabedian, sont encore en gestation dans la matrice de Musicatreize. Ils seront créés cette année, en 2010, avant que l’ensemble de musique contemporaine nous embarque dans son Odyssée dans l’espace vers l’échéance 2013… Le conte Un retour, texte d’Alberto Manguel sur une musique d’Oscar Strasnoy, verra le jour cet été lors du Festival d’Aix dans une mise en scène de Thierry Thieû Niang. Dans l’attente, on découvre une version musicale pure. J.F.

MARSEILLE. Le 12 mars à 19h. ABD Gaston Defferre Entrée libre sur réservation au 04 91 08 61 00 Répétition publique le 10 mars à 18h30 et rencontre avec le metteur en scène. Au 53 rue Grignan – Entrée libre sur réservation au 04 91 00 91 31

Composer aujourd’hui

L'Ensemble Télémaque © Agnès Mellon

Dans le cadre de la Semaine des compositeurs à la Cité de la Musique, Raoul Lay et l’Ensemble Télémaque fixent plusieurs rendez-vous à ceux qui s’intéressent à la création d’aujourd’hui. Un concert (le 12 mars à 20h30) affiche, à côté de Varèse

Au Grim Installation, performance, concert et DJ set en ouverture du festival des 7e Rencontres Internationales des Arts Multimédias (25 fév. à partir de 19h). Duos Ahmad Compaore (percussions) et Jean-Marc Montera (guitare), Gianno Gebbia (saxophone) et le

(Octandre - 1923) une commande que Télémaque avait passée en 2003 au compositeur Robert Coinel (ancien directeur du Conservatoire de Martigues disparu le 22 novembre 2009), une création de Pierre-Adrien Charpy des premières françaises d’Hanna Kulenty, et deux partitions (sélectionnées parmi près d’une centaine reçues du monde entier) signées des Brésiliennes Valéria Bonafé et Tatiana Catanzaro. Autour de ce point d’orgue s’articulent un atelier ouvert aux professeurs de musique et musiciens engagés dans une démarche pédagogique (le 12 mars de 10h à 17h30), animé par l’ensemble de musique contemporaine néerlandais De Ereprijs, un point sur la création «l’accordéon dans la musique d’aujourd’hui» (le 12 mars à 19h) en présence de Pierre-Adrien Charpy et de l’accordéoniste Jean-

multi-instrumentiste Eiko Ishibashi (le 11 mars à partir de 20h30). Bruno Chevillon à la contrebasse (le 25 mars à partir de 20h30). MARSEILLE. Impasse Montévidéo 04 91 04 69 59 www.grim-marseille.com

Marc Fabiano. Et comme personne n’est tombé dans la marmite de ces musiques nouvelles, maître Lay anime une Histoire de la musique du XXe siècle en trois épisodes (ateliers-concerts de 35 min., les 9, 10 et 11 mars à 18h15). La photographe Agnès Mellon, notre collaboratrice, expose son regard sur les musiciens de Télémaque au fil des concerts et spectacles (du 2 au 9 mars, vernissage le 11 mars à 19h). J.F.

MARSEILLE. Du 9 au 12 mars Cité de la Musique à l’Auditorium 04 91 39 28 13 www.ensemble-telemaque.com http://pages.citemusique-marseille.com

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MUSIQUE

Playblick

La tournée du spectacle burlesque à la gloire des musiques du monde par l’ensemble de percussions Symblêma (dir.Frédéric Daumas) se poursuit dans la région. PEYROLLES. Le 5 mars à 14h (jeune public) et 20h30 (tout public) 04 86 31 62 73 - www.symblema.com

Short Haendel

Devinettes entre amis, à propos des sonates de G.F. Haendel. Concert court, destiné aux pitchouns, par les musiciens de l’ensemble Baroques-Graffiti. MARSEILLE. Le 10 mars à 15h30 Bibliothèque de l’Alcazar (entrée libre) 09.51.16.69.59 www.baroquesgraffiti.com

Swing

Spectacle musical et chorégraphique : Le Jazz de Broadway à Boris Vian par l’Orchestre et les classes de Danse du Conservatoire Darius Milhaud. AIX. Le 13 mars à 17h et le 14 mars à 15h au Théâtre du jeu de Paume (Dès 6 ans) 04 42 63 11 78 www.concertsdaix.com

Grimm musical

Le conte La mort marraine, mis en musique par Raoul Lay avec poésie, puissance, des harmonies inquiétantes ou tendrement dissonantes, poursuit sa belle aventure sur les scènes régionales. Les têtes blondes et leurs parents aixois découvrent, pour deux soirées, la comédienne Julie Cordier dans cet étrange récit aux nombreux degrés de lecture, accompagnée des instruments virtuoses de l’Ensemble Télémaque. AIX. Le 25 mars à 14h30 et le 26 mars à 19h au Théâtre du Jeu de Paume (à partir de 8 ans) 04 42 99 12 11 www.ensemble-telemaque.com

Lyrique

De Naples à Séville récital donné par les sopranos Brigitte Peyré, Murielle Tomao et Marie-France Arakélian (piano). DIGNE. Le 25 fev à 19h. Centre Culturel René Char. 04 92 30 87 10 www.artsetmusiques.com

Quatre mains

Professeurs de piano à la Cité, Lauranne Pestre et Hélène Cossec jouent Milhaud, Poulenc et Auric et deux opus en forme d’appel du pied à leurs jeunes élèves : Jeux d’enfants de Bizet et Ma Mère l’Oye de Ravel. MARSEILLE. Le 26 fév. à 19h. La Magalone, 245 bis bd Michelet 04 91 39 28 28 http://pages.citemusique-marseille.com

AU PROGRAMME Collard

Le pianiste Jean-Philippe Collard interprète le Concerto de Grieg avec l’Orchestre Philharmonique (dir. Cyril Diederich) qui joue aussi Richard Strauss (Zarathoustra) et Chostakovitch (Suite jazz). MARSEILLE. Le 26 fév. à 20h. Opéra. 04 91 55 11 10 - www.marseille.fr

Georgette

Dans Bizet était une femme, la fantasque diva Katia von Bretzel (Cathy Heiting) et son pianiste Ingmar Bruteson (Jonathan Soucasse) livrent une version révisée et délirante de l’histoire du compositeur de Carmen (mise en scène André Lévêque). FOS-SUR-MER. Le 27 fév. à 20h30. Théâtre 04 42 11 01 99 - www.scenesetcines.fr

Anches

L’Ensemble Besozzi (trio d’anches doubles : hautbois et basson) joue un programme varié allant de Mozart à Piazzolla. TRETS. Le 27 fév. à 20h30. Château. 04 42 61 23 75 - www.ville-de-trets.fr

Beethoven

Son Triple Concerto par le Trio Wanderer et l’orchestre Les Siècles (dir. François Xavier Roth). AIX. Le 27 fév. à 20h30. GTP. Concert pédagogique à 14h30 (dès 7 ans) 04 42 91 69 69 – www.legrandtheatre.net

Viennoiserie

Valses de Vienne des Strauss Père et Fils, opérette mise en scène par Jacques Duparc avec Pauline Courtin. AVIGNON. Les 27 fév. à 20h30 et 28 fév. à 14h30. Opéra-Théâtre 04 90 82 81 40- www.avignon.fr

Vocal

Le Chœur contemporain chante Poulenc, Dallapiccola, Kagel, Marius Constant (dir. Roland Hayrabedian).

Daudet

Spectacle-Concert intitulé L’Univers sonore d’Alphonse Daudet illustré par André Gabriel (galoubet, tambourin) et Hélène Andreozzi (piano). LA CIOTAT. Le 28 fév. à 16h. Théâtre du Golfe (entrée libre) 04 42 08 88 00 - www.laciotat.com

1810-2010

De jeunes pianistes de la région interprètent Chopin et Schumann, nés il y a 200 ans. AIX. Le 28 fév. à 16h. Hôtel du Roi René. 06 16 77 60 89 www.lesnuitspianistiques.com

Familial

Suite de leur spectacle «Moliérisé» Le Jazz et la Diva du couple Caroline Casadesus (soprano) et Didier Lockwood (violon), le mariage des musiques classique et jazz se poursuit à quatre. Une joute mise en scène par Alain Sachs qui intègre les deux fils musiciens de la chanteuse : Thomas et David Enhco. AUBAGNE. Le 2 mars à 21h au Théâtre Comœdia 04 42 18 19 88 / www.aubagne.com

Impros

Carte blanche à l’atelier de Musiques improvisées. Invité : le saxophoniste Vincent Strazzieri. CHÂTEAU-ARNOUX. Le 2 mars à 21h. Jazz club - Ferme de Font-Robert 04 92 64 27 34 www.theatredurance.com

Duque

L’Orchestre de Nîmes (dir. Lionel Duffau) joue Poèmes en prose, création électroacoustique pour 35 musiciens de Carlos Duque et des opus de Villa-Lobos et Piazzolla. NÎMES. Le 3 mars à 19h. Théâtre 04 66 36 65 00 www.theatredenimes.com Carlos Duque ©X-D.R.

MARSEILLE. Le 27 fév. à 18h30. Répétition publique au 53 rue Grignan. 04 91 00 91 31 VENELLES. Le 28 fév. à 17h. Eglise. 04 42 54 93 10 MARSEILLE. Le 1er mars à 19h. Conservatoire Place Carli. 04 91 55 35 74

Chamayou

Le pianiste Bertrand Chamayou joue Franck (Prélude, Choral et Fugue) et Liszt (Années de pèlerinage extraits de La Suisse et L’Italie). ARLES. Le 28 fév. à 11h. Méjan 04 90 49 56 78 - www.lemejan.com AIX. Le 2 mars à 20h30. GTP 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net

Génération 1810

Philippe Gueit interprète des opus des quatre grands compositeurs pour piano nés autour de 1810 : Mendelssohn, Chopin, Schumann et Liszt. MARSEILLE. Le 5 mars à 20h30. La Magalone, 245bis bd Michelet 04 91 39 28 28 ttp://pages.citemusique-marseille.com

Ardu

Milhaud et Bartok : concert pour pianos et percussions. Des œuvres difficiles, virtuoses et subtiles… MARSEILLE. Le 6 mars à 17h. Opéra (Foyer) 04 91 55 11 10 - www.marseille.fr

Sacré chœur

La formation vocale Accentus dirigée par Laurence Equilbey chante a cappella des extraits des Vêpres op.37 et de la Liturgie de Saint Jean Chrysostome de Rachmaninov. AIX. Le 6 mars à 20h30. GTP 04 42 91 69 69 – www.legrandtheatre.net

Foliephonies

Lucie Prod’homme invite le compositeur Patrick Ascione. Rencontre à 18h15 et concert acousmatique à 20h30. MARSEILLE. Le 8 mars. Auditorium, 4 rue B. Dubois 04 91 39 28 28 http://pages.citemusique-marseille.com

Russe

Le traditionnel concert du Festival Russe est donné par Michel Bourdoncle avec un programme approprié : Scriabine, Tchaïkovski, Chostakovitch et les Tableaux d’une exposition de Moussorgski. MARSEILLE. Le 9 mars à 20h30. Théâtre Toursky 0 820 300 033 - www.toursky.org

Ebène

Les quatre jeunes Français tournent avec un programme somptueux : les Quatuors de Ravel, l’op.10 de Debussy et l’op. 121 de Fauré. AVIGNON. Le 9 mars à 20h30. Opéra-Théâtre 04 90 82 81 40- www.avignon.fr

Chopin & Sand

Guitare

Le guitariste Emmanuel Rossfelder interprète le célèbre Concerto d’Aranjuez de Rodrigo avec l’OLRAP (dir. Marzio Conti) qui joue également la 5e symphonie de Schubert. AVIGNON. Le 4 mars à 20h30. Opéra-Théâtre 04 90 82 81 40- www.avignon.fr

Deux spectacles autour de Chopin et George Sand : Un hiver de cochon (Majorque le 11 mars) et Des étés de sauterelles (Amours tumultueuses - le 12 mars) avec la comédienne Cécile Auclert, Mélanie Gadenne (piano) et Xavier Chatillon (violoncelle). MARSEILLE. A 20h. Gebelin, au 27-29 bd Rabatau 04 91 32 31 31 www.unhiverdecochon.com


Tchèques

Quintette

Le Trio Smetana existe depuis les années 1930. Au fil des générations qui se sont succédé aux violon, violoncelle et piano, il joue la musique tchèque à merveille. Au programme : Dvorak, Beethoven et… Smetana !

Le récital du quintette avec piano des Solistes de Chambre de Saint-Pétersbourg, prévu initialement le 18 mars, est avancé d’un jour. On entend Chostakovitch et Schumann. MARSEILLE. Le 17 mars à 20h30. Faculté de Médecine. SMCM / Espace culture - 04 96 11 04 60

AIX. Le 10 mars à 20h30. Théâtre du Jeu de Paume 04 42 63 11 78 www.concertsdaix.com

Symphonique

Trio Smetana © X-D.R.

Cycle 1685

Après Bach et Scarlatti, nés en 1785, c’est au tour de Haendel d’être joué par Baroques-Graffitis dirigé du clavecin par Jean-Paul Serra. Avec les violonistes Sharman Plesner, Ariane Dellenbach et Jean-Christophe Deleforge qui interprètent des Sonates en trio. ARLES. Le 11 mars à 20h Temple réformé MARSEILLE. Le 12 mars à 20h30. La Magalone 09.51.16.69.59 www.baroquesgraffiti.com http://pages.citemusique-marseille.com

Brad !

Le grand Mehldau en solo jazz. The top ! Immanquable ! Hélas dans la petite salle : pensez à réserver… MARSEILLE. Le 12 mars à 20h. La Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

L’Orchestre National de Montpellier (dir. Alexander Vakoulski) joue la Symphonie fantastique de Berlioz et se joint au pianiste Vahan Mardirossian pour le Concerto de Grieg. NÎMES. Le 19 mars à 20h. Théâtre 04 66 36 65 00 www.theatredenimes.com

Vienne & Prague

Léa Roussel et Jean-Marc Bouché jouent, à quatre mains, Mozart, Schubert et Dvorak, réunis par les deux capitales artistiques. MARSEILLE. Le 19 mars à 20h30. La Magalone 04 91 39 28 28 ttp://pages.citemusique-marseille.com

Opérette

Classique du genre : La Mascotte d’Audran (mise en scène Jack Gervais). MARSEILLE. Les 20 & 21 fév. à 14h30. Théâtre de l’Odéon 04 96 12 52 70 www.mairie-marseille.fr

Piazzolla

Le Tang’Hêlios Quartet avec Sébastien Authemayou (bandonéon) joue des opus de l’Argentin. CARRY-LE-ROUET. Le 23 mars à 20h45. Espace Fernadel 04.42.45.09.85 – www.momentsmusicaux-de-carry.fr

D’amore

Brad Mehldau © Michael Wilson

Quatuor

Le Quatuor Ysaÿe interprète trois pièces majeures de la littérature romantique de musique de chambre : le Quatuor D 112 de Schubert, le Quatuor op. 51 n°1 de Brahms et le Quatuor n°8 de Beethoven. AIX. Le 16 mars à 20h30. GTP 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net

Philippe Jaroussky (contre-ténor), Nuria Rial (soprano), l’ensemble L’Arpeggiata (dir. Christina Pluhar) interprètent un programme conçu autour du «théâtre amoureux» de Monteverdi. ARLES. Le 24 mars à 20h30. Méjan 04 90 49 56 78 - www.lemejan.com

A cor

Un cor sonnant / des corps sonores par le corniste Vincent Robinot. Concert de musique de chambre électroacoustique. MARSEILLE. Le 26 mars à 18h30. Urban Gallery, au 3 rue Mazenod Acousmonautes - 04 91 37 52 93


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MUSIQUE

CONCERTS

Nouvelle et primale L’ensemble Yin est une formation musicale à géométrie variable qui existe dans la région depuis 2004 et prône l’interdisciplinarité, croisant aussi le monde de la danse ou de l’image. Philippe Festou, guitariste, compositeur, est aussi le principal animateur de l’ensemble. Il enseigne la composition au Conservatoire de Musique de Martigues. Le concert en sextet donné au Cri du Port fut surprenant et envoûtant. Des instruments à forte connotation jazzy sont là : saxophones, flûte, piano, voix, trombone, guitare, et pourtant on entend une recherche de polyphonie en besoin d’unité. Une épaisseur de sons très contemporaine force l’écoute. Des motifs très fluides apparaissent ça et là, on a l’impression double d’entendre de la musique très écrite et en même temps complètement improvisée. Le temps devient élastique et l’on se laisse prendre et envelopper par la matière sonore. Le timbre de chaque instrument est mis en

jeu dans l’écriture. Un solo vocal, interprété par Emilie Lesbros, est fait de vrombissements, de vents, de cris d’oiseaux, de vocalises, de claquements de langue. Gérard Murphy au saxophone soprano joue dans le corps ouvert du piano à queue, provoquant des résonnances graves réutilisées par David Carion, le pianiste, qui développe un caractère orageux en utilisant simplement quatre notes. Olivier Laurent, au saxophone alto et au basson, apporte le côté «bois» ou Yin (de la théorie chinoise des 5 éléments), et Igor Nasonov complète enfin la palette sonore par le timbre glissant du trombone. Peut-on donner la priorité à la fois à l’improvisation, à l’épaisseur du son et à la construction de la forme ? Cette musique sophistiquée et aussi très terrienne laisse entendre un lien à travailler, qui pourrait emmener vers des pistes nouvelles… DAN WARZY

Ensemble Yin © X-D.R.

Ce concert a été donné au Cri du Port à Marseille le 28 Janvier 2010 CD «Construction-Déconstruction» SN01 (2007) CD «Musique Primale» SN02 -VOC 1510-1 www.philippefestou.com www.sornettes.org

Gospel à cent à l’heure Le 27 janvier la salle des concerts du Pasino d’Aix en Provence était comble pour accueillir dans l’enthousiasme la troupe de Gospel-100voix. Créée en 1998 pour célébrer le 150e anniversaire de l’abolition de l’esclavage, elle réunit les chanteurs des dix plus grandes chorales de gospel européennes ; à ces choristes se joignent des solistes américains, voix superbes, vibrantes à souhait, et une jeune et talentueuse soprano, Isabelle, issue du chœur. À la direction artistique, mais aussi au chant, Linda Lee Hopkins met la salle entière debout. Chaleur communicative, que lady Carol ou Virginia Robinson (des solos acrobatiques à vous couper le souffle !) entretiennent avec talent (impossible de citer tous les interprètes, mais tous sont animés d’une même passion). «Le roi David a dansé comme un fou, et moi je traverse la scène pareil !». Musique et mouvement

© X-D.R

deviennent indissociables, la marche physique devient celle de l’esprit, le chant sort des tripes, dans un élan qui s’exacerbe… Les standards du genre s’enchaînent, Let’s the sunshine in, When the saints, Happy days, I love to praise his name… Les musiciens, guitares, synthé, piano, percussions,

La petite Irlande Il est des endroits à Marseille insolites et touchants : le pub irlandais O’Brady’s est de ceux-là. Des musiciens passionnés de musique traditionnelle irlandaise débarquant de Nice, Avignon, Montpellier, Nîmes, Marseille s’y retrouvent tous les lundis soirs pour une session, véritable rencontre musicale informelle. Un très grand nombre d’instruments y sont pratiqués (violon, banjo, flute, guitare, mandole, concertina, bouzouki) et il n’est pas rare d’entendre le plus emblématique d’entre eux : le uilleann-pipes, cornemuse de concert se jouant assis. Le programme de la soirée n’est jamais établi d’avance, rythmes de jigs, reels ou hornpipes sont le plus souvent joués selon

l’humeur ou l’inspiration et aussi le nombre de musiciens. Bien que l’Irish Music se transmette de façon orale, les nouvelles technologies sont utilisées pour l’apprentissage mais servent surtout pour la mémorisation des innombrables «tunes». Vous voulez commencer la semaine par une ambiance festive à l’écoute de musiciens généreux ? Rendez-vous au O’Brady’s ! F.I.

Pub O’Brady’s 04 91 71 53 71 http://www.obradys.com

s’emportent aussi dans de beaux solos. Émotion de l’hommage dédié à Haïti, par le pianiste (très belle voix) qui évoque ses racines haïtiennes. Le gospel se teinte d’accents des Caraïbes… Un beau moment musical, donc. Est-il cependant nécessaire d’insister autant sur la dimension religieuse d’un tel type de chant ? On ne subit pas de sermon lorsqu’on va écouter une messe de Bach ou le Requiem de Mozart. La musique est le motif de la présence du public, pour le reste, il suffit de se rendre dans les lieux de culte spécialisés. Même si contextualiser une œuvre permet d’en saisir la dimension, le tour trop prédicateur et prosélyte du concert nuisait au plaisir qu’apportait l’enthousiasme et la fraîcheur de l’interprétation. MARYVONNE COLOMBANI

© X-D.R


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Averse sonore sur l’Opéra Le 3 février, comme tous les premiers mercredi du mois, ont retenti les sirènes. Sur le parvis de l’Opéra, selon un rituel urbain désormais rôdé, le public s’était rassemblé pour voir ce que l’artiste invité par Lieux publics avait concocté. Voir ? Voire… Ce mois-ci, il s’agissait exclusivement d’entendre. Quoiqu’eRikm soit aussi plasticien (il exposera certaines de ses vidéos installations cet été à La Friche), c’est en tant que musicien, virtuose des platines et des arts sonores, qu’il est intervenu, concevant Sirènes et midi net comme «l’occasion de créer une pièce acousmatique en extérieur.» Opportunité de création donc. De diffusion aussi d’une forme musicale assez méconnue du grand public. Une canopée aux accidents, ou 12 minutes de jeux

avec les matières sonores traitées comme des organismes vivants. Aux sirènes de midi répondent 12 minutes de roulements, d’infrabasses ou de trilles, comme des accidents qui dégringolent des deux hautes enceintes placées de part et d’autre du parvis, telles deux arbres tutélaires (d’où canopée ?), dans une atmosphère à la fois exotique et urbaine. Immersion dépaysante dans un univers technopoétique qui semble en avoir dérouté plus d’un. L’absence totale d’accroche visuelle donnait au public désorienté des allures somnambuliques ; quant aux enfants, nombreux étaient ceux qui se bouchaient les oreilles. Choc des objets sonores purs retrouvés dans un monde saturé d’images ? Il est intéressant de poser la question…

eRikm © Vincent Lucas

FRED ROBERT

RIAM, le passé dans le présent

AGEND’JAZZ Cri du Port, Marseille 25/2 Anne Paceo Triphase à 20h30 4/3 Remi Vignolo à 20h30 18/3 Dmitry Baevsky 4tet à 20h30 20/3 Jazz Poets 4tet de Serge Casero à 20h30 Moulin à Jazz, Vitrolles 27/2 Stéphane Kerecki Trio à 21h 13/3 Marion Rampal Own Virago à 21h 27/3 Arthur Kell 4tet à 21h Cité de la Musique – Auditorium, Marseille 5/3 Hispano America – El Tchoune y Sylvie Paz 8/3 Blues Turtles 22/3 Saïko Nata 26/3 Romano Drom Cité de la Musique - La Cave, Marseille 29/3 Scènes Ouvertes - Jazz et Musiques Actuelles à 21h 30/3 Scènes Ouvertes - Jazz et Musiques Actuelles à 20h30

Yann Leguay, Cutter off © X-D.R

Pour la première fois, les Rencontres internationales des arts multimédia 2010 affichent une programmation nettement dédiée aux arts sonores. Et pour cause, le coup d’arrêt de la subvention du Conseil régional en 2009 ayant eu raison des productions plastiques : «Les 10 000 euros qui nous permettaient d’investir dans la production ne nous ont pas été attribués, explique Philippe Stepczak, directeur et programmateur des RIAM. Il y a donc une seule proposition à la galerie Buy Sellf Art-club.» Mais ce n’est pas la seule raison: les RIAM se positionnent dans un paysage régional relativement désertique au niveau de la création sonore. L’équipe réfléchit à un projet de Festival des arts sonores dans l’espace public d’ici 2011 qui fédèrerait plasticiens et musiciens… En attendant, la 7e édition fête le retour en force du vinyle -après une éclipse qui a failli le jeter aux oubliettes-, sort prédit aux Cd et autres Dvd selon les spécialistes.

Dès la première soirée à Montévidéo, l’installation sonore de Gilles Pourtier, Les standards observent les formats, s’empare du vinyle qu’il scanne puis traduit en image numérique, elle-

même décryptée par un programme informatique qui la transforme en son. Ou encore la performance sonore de Yann Leguay (Artkillart), Cutter off, qui consiste à «disséquer» un disque vinyle à l’aide d’outils chirurgicaux branchés sur microcontact. Ici ni samples ni effets, mais des craquements et des souffles ! Enfin, seule exposition-installation du festival, Poldhu (Black Pool) de Jessica Warboys invente un vocabulaire pour les gestes et les objets. Dont le film et le vinyle comme dispositifs d’enregistrement. Autre événement-phare, la soirée de clôture à la Friche Belle de Mai, Bass culture, consacrée à la musique dub jamaïcaine et à son influence sur le développement du hip hop et des musiques électroniques. Après la projection du documentaire Dub echoes de Bruno Natal suivie d’une table-ronde, place au concert live monumental cher au Concept Dub où l’ingénieur du son ne fait plus qu’un avec le musicien. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

7e Rencontres internationales des arts multimédia du 25 février au 6 mars Montévidéo, galerie Buy-Sellf Art-club (jusqu’au 20 mars), L’Embobineuse, La Compagnie (nouveau venu), Daki Ling et Cabaret Aléatoire à Marseille 09 52 52 12 79 www.riam.info

Jessica Warboys, Poldhu © X-D.R


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MUSIQUE

CONCERTS

Le Temps qui Chante Vivement le printemps, car il va bien finir par arriver ! Il se préparera en chanson française du 12 au 20 mars avec le superbe festival Avec le Temps

Dans la salle qui l’a vu débuter, Marsatac lance son hivernale, histoire de ne pas perdre le groove et de se réchauffer à l’Espace et au Café Julien. Deux nuits durant, car il s’agit bien de nuit et pas de soirée, la première édition du festival Winter by Marsatac sera le théâtre de découvertes nouvelles tendances, de talents émergents ou de références locales : Agoria (DJ Set), Zombie Nation (Live), Clara Moto (DJ Set), The Subs (Live) et Sweet Alchemy (Live) le 26/2, et Surkin (DJ Set), Kavinsky (DJ Set), Gift of Gab (Live), Little Dragon (Live) et Alif Tree (DJ Set) le 27/2. À noter également les scènes embarquées de Radio Grenouille au Café Julien à 21h avec DJ set, showcases, émissions en direct. De quoi passer deux nuits électro bien au chaud ! F.I.

ssian © Claude Ga

Mars atac l’hiver

une bouffe, Rimbaud, SIMéO, La Rasbaia, Fred, Les Gens d’en Face, JaZZ Poets quartet, Fabien Sacco, Alatoul, Chinaski, Lionel Melka, Alexandre Varlet, Arno Santamaria et Cécile Hercule. Du beau monde encore, à fréquenter les yeux fermés. Vous en voulez encore ? Les avant-concerts musicaux animés par le Trio Tentik dès 19h à l’Espace Julien ne manqueront pas de vous ouvrir l’appétit tous les soirs avec une musique festive et délirante. Et histoire de préparer ses soirées, il est vivement conseillé de se rendre aux nombreux showcases à la Fnac Centre Bourse ou au Guimik (43 rue Sénac). Alors, même si le printemps se fait désirer, prenez le temps d’attendre Avec le temps ! ine Brigitte Fonta

Du beau monde pour l’édition 2010 avec en point d’honneur un hommage à Mano Solo. Disparu récemment, celui qui incarnait la fusion entre chanson réaliste et rock indépendant avait fait un passage remarqué et émouvant lors de l’édition 2008. À regarder les artistes qui vont se succéder sur les scènes marseillaises pendant une grosse semaine, il y a de quoi aiguiser l’impatience ! À l’Espace Julien se succèderont têtes d’affiches Da Silva (12/3), Miossec (13/3), Mickey 3D (16/3), Dominique A (17/3), Benjamin Biolay (18/3), Brigitte Fontaine (19/3) et Jacques Higelin Miossec © Richard Du mas (20/3) ! De très belles soirées en perspective, qui devraient attirer un public nombreux ! En parallèle, pour satisfaire un public plus curieux, avide d’artistes au nom et au visage moins connus, une programmation tout aussi excellente mais un peu plus risquée, à soutenir par votre présence : les salles du Cri du Port, du Nomad Café, du Paradox, du Parvis des Arts, du Théâtre de Lenche, de l’Eolienne et de La Machine à coudre assureront la diversité de la programmation avec des talents en devenir et des groupes à découvrir : Gaspard la Nuit, On s’fait

Le Son du Monde

FRÉDÉRIC ISOLETTA

Billetterie points de vente habituels www.festival-avecletemps.com

Clara Moto © X-D.R.

Skaïdi © Ole Hesledalen

La sixième édition du forum des musiques du monde Babel Med Music se tiendra au Dock des Suds du 25 au 27 mars 2010. Fort de son succès croissant, ce marché à sons ouverts sera le carrefour d’artistes et professionnels des quatre coins du monde venus se rencontrer, repérer, écouter, échanger… Débats, radios, accueil de lycéens, remise de Prix, Babel se veut une manifestation complète fondée sur un concept original. Le soir bien sûr c’est la scène, le concert et la déambulation festive assurée, mais dans la journée plus de 400 programmateurs de festivals du monde entier se mettent en quête de la perle rare. L’espace «public» ouvre ses portes à 19h et accueille des adeptes de plus en plus nombreux avec trois scènes et une dizaine de concerts par soirée. Avec plus de mille candidatures émanant de 67 pays, le cru 2010 s’annonce costaud à la hauteur de la fréquentation en nette hausse en 2009. L’Argentine, le Congo, l’Egypte, l’Espagne (Catalogne et Andalousie), la Norvège, la Turquie, le Zimbabwe, Trinidad et Tobago, le Maroc, Israël, Cuba, la Réunion, l’Allemagne, Azerbaïdjan, la Grèce, le Mali, Haïti, l’Italie (Sardaigne), Madagascar, planète Marseille… Une palette de pays aux traditions et pratiques variées qui offre une mosaïque musicale d’une incroyable variété. Car comment écouter du Blues Yéménite (Yemen Blues), découvrir la fanfare la plus atypique du Maghreb (Fanfaraï), se laisser envouter par la sirène de la mer Caspienne Sevda, vibrer aux sons des mélodies séculaires des polyphonies sardes (Cuncordu e tenore de Orosei) ou swinger sur un jazz nordique du bout du monde (Skáidi) sans se déplacer ? Rendez-vous à Babel Med Music ! Bien qu’elle ne soit pas seulement un festival, la manifestation peut s’enorgueillir de contenter un maximum de tendances par un melting-pot sonore posant ses amplis au Dock et concentrant entre ses murs l’Afrique noire, l’Asie, le Maghreb, l’Europe, l’Amérique du Sud, et l’Occitanie… Bref, une bonne partie du monde ! FRÉDÉRIC ISOLETTA

Winter by Marsatac Les 26 et 27 fév de 21h à 4h 21,10 euros (hors frais location), 15 euros (promo Digitick), 25 euros sur place www.marsatac.com

Babel Med Music du 25 au 27 mars Dock des Suds www.dock-des-suds.org


AU PROGRAMME

MUSIQUE

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Au Programme AIX Pasino : Dee Dee Bridgewater (12/3), Benjamin Biolay (19/3) 04 42 59 69 00 www.casinoaix.com/fr

Seconde Nature : Andromakers et Dorian Darner (26/2) 04 42 64 61 01 www.secondenature.org

Théâtre et Chansons : Philippe Forcioli chante et dit chansons et poèmes (27/2), Et toi tu marcheras dans le soleil de et avec Isabelle Bloch-Delahaie accompagnée par Mathieu Ravera au piano (20, 21, 27 et 28/3) 04 42 27 37 39 www.theatre-et-chansons.com

ARLES Cargo de Nuit : Zak Laughed (26/2), Molecule (5/3), Hindi Zahra (6/3), Skip The Use (12/3), David Walters (13/3), Bernie Bonvoisin (20/3) 04 90 49 55 99 www.cargodenuit.com

GRASSE Théâtre : Le Soir, des lions… de et avec François Morel, accompagné d’Antoine Sahler, Lisa Cat-Berro, Muriel Gastebois (11 et 12/3) 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

ISTRES L’Usine : The original Wailers (25/2), Tremplin découverte electro (5/3), Tremplin découverte chanson (6/3), Soan (12/3), Carmen Maria Vega (13/3), Tremplin découverte rock (19/3), Cœur de pirate (24/3) 04 42 56 02 21 www.scenesetcines.fr

MARSEILLE Cabaret Aléatoire : Zenzile, Molecule, Jako Maron (4/3), Outer Space series # 2 (5, 9, 12, 13, 17/3), Soirée de clôture Bass Culture (6/3), concert goûter (17/3), Jack de Marseille, Dyed Soundorom (19/3), soirée Drum and Bass (20/3), Le Peuple de l’herbe, Les monstroplantes (24/3) 04 95 04 95 09 www.cabaret-aleatoire.com Molecule © X-D.R.

AUBAGNE Théâtre Comœdia : African Tribute to Blakey (6/3), Tom Tom Club (12/3)

04 90 89 45 49 www.passagersduzinc.com

BERRE L’ÉTANG Forum des jeunes et de la culture : Le Tour du monde en 80 voix avec Khalid K (5/3), ciné musique Turquie avec Maliétès (25/3) 04 42 10 23 60 www.forumdeberre.com

BRIANÇON Théâtre du Cadran : El Hadj N’Diaye (23/3) 04 92 25 52 52 www.theatre-le-cadran.com

DRAGUIGNAN Théâtres en Dracénie : Dominique A (13/3) 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

La Machine à Coudre : Chuck Violence, Teenage Moonlight Borderliners (26/2), Dissonant Nation, Jimi and the hot rods (27/2), Antonio Negro et ses invités (4/3), Les Jolis, The Dolipranes, Les Puceaux (5/3), Penelope (6/3) 04 91 55 62 65 www.lamachineacoudre.com

La Mesón : Rémy Jouffroy, Cyrille Lévy, Cordes sans cible (26/2), Maryam Chemirani, Stéphane Galeski, Pierre-Laurent Bertolino, Cordes sans cible (27/2), Takht Khafif, Cordes sans cible (28/2), Tablao flamenco Melinda Sala (6/3), Carte blanche à Joa (12 et 13/3), Blues up présente Moses Patrou (21/3) 04 91 50 11 61 www.lameson.com

Le Cri du Port : Anna Paceo Triphase (25/2), Rémi Vignolo Quartet (4/3), Dmitry Baevsky Quartet (18/3), Serge Casero Jazz Poets Quartet (20/3) 04 91 50 51 41 www.criduport.fr

04 91 63 14 65 www.leparadox.fr

L’Escale : Général Elektriks, Big Japan (6/3), Molecule, Skwar Section, Jako Marron (7/3), Spiky the machinist, Kabba Massagana (26/3)

AVIGNON Les Passagers du Zinc : Siméo, Féfé (26/2), Zenzile, Hilight Tribe (5/3), Mina May, Wax Tailor (12/3), Onstap, Soan (13/3), Pony Taylor, Kid Bombardos (19/3)

www.l-affranchi.com

Le Paradox : Will the blue griot (25/2), Maudit comptoir + guess (26/2), Ginette Machin & Choking Smokers (27/2), Drunk Souls (13/3)

04 42 18 19 88 www.aubagne.com

04 42 18 17 17 http://mjcaubagne.free.fr/

L’Affranchi : Planète jeunes (24/2), Dub Station n°9 (13/3), Bernard Allison (17/3), Gérard Baste (20/3)

Cité de la musique : HispanoAmerica – El Tchoune y Sylvie Paz (5/3), Les Blues Turtles (8/3), Saïko nata (22/3), Romano Drom (26/3) 04 91 39 28 28 www.citemusique-marseille.com

Dôme : M (25/3) 04 91 12 21 21 www.marseille.fr Embobineuse : Samon Takahashi & Vincent Epplay, 25, Chaos physique (26/2), Charles Pennequin, Pakito Bolino, Ahmad Compaoré, Le Liquide de la tête, Sylvain Courtoux, Emmanuel Rabu (27/2), Gogol 1er (5/3), Gary Lucas & Sylvain Vanot (26/3) 04 91 50 66 09 www.lembobineuse.biz

Espace Julien : Emmanuel Moire (9/3), Hocus Pocus (11/3), Infectious Grooves (22/3), Bernie Bonvoisin (24/3) 04 91 24 34 10 www.espace-julien.com

Intermédiaire : Why Jive 5 (25/2), Montis Act’ (26/2), FEX – MST, Aderacid, Juildread, Skao (27/2) 04 91 47 01 25 www.myspace.com/intermediaire

MARTIGUES Théâtre des Salins : Arthur H (1er/3), Souad Massi & Eric Fernandez (23 et 24/3) 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

NÎMES Théâtre : Le Soir, des lions… de et avec François Morel, accompagné d’Antoine Sahler, Lisa Cat-Berro, Muriel Gastebois (16 et 17/3) 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

SAINT-MARTIN-DE-CRAU Centre de développement culturel : Festival Voix de Femmes : ouverture avec Sea Girls (6/3), Sarah Lenka (9/3), Clarika et L (16/3), Anne Queffelec (17/3 à Tarascon), Dame la Mano (18/3), clôture avec Fabienne Thibeault (20/3) 04 90 47 06 80 www.cdc-stmartindecrau.fr

VITROLLES Charlie Free : Stéphane Kerecki Trio (27/2), Marion Rampal (13/3) 04 42 79 63 60 www.charliefree.com


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MUSIQUE

DISQUES

Fin’amor de femmes Au XIIe siècle, la poésie des troubadours crépite dans l’opulence de la langue d’oc. Entre la première croisade et celle des Albigeois, du sud de la Loire à la péninsule ibérique et jusqu’en Lombardie, ils sont près de deux cent cinquante, «savants» de leur temps aux vies parfois invraisemblables, à chercher et «trouver» des mots et des notes qui s’enluminent à leur fusion. Ils sont seigneurs, jongleurs ou moines à célébrer la fin’amor, cet amour courtois qui met en pratique de nouveaux codes amoureux au moyen-âge… Leur poésie

chantée appelle un amour raffiné où la femme, quant elle n’est pas elle-même une «trobairitz», est traitée en partenaire active de leur quête d’absolu. Avec ce disque, la chanteuse Isabelle Bonnadier et ses comparses au cistre (Valérie Loomer), à la vièle (Tina Chancey), aux flûtes (Gwénaël Bihan) et percussions (Ludwin Bernaténé) font une entrée remarquée dans un domaine habituellement réservé aux experts du genre. Elle émeut autant qu’elle réjouit, met la quintessence de son soprano lyrique au service d’une

dizaine de chants puisés dans l’âge d’or du «trobar», au tournant du XIIIe siècle. Les auteurs, natifs d’Auvergne, du Limousin, de Provence, du Dauphiné, d’Aquitaine ou du Languedoc, se nomment Peire Vidal, Folquet de Marselha (Marseille), Monge de Montaudon, Gaulcem Faidit, Peirol, Falquet de Romans ou Clara d’Auduza (Anduze). Tout un monde lyrique, ancré dans notre histoire profonde, qui reste à révéler au plus grand nombre. La grâce festive et sensible d’«Alegransa» y participera !

CD Troba Vox TR021 distr. www.abeillemusique.com www.art-troubadours.com

JACQUES FRESCHEL

Scandinave et Debussy La carrière de la soprano Karen Vourc’h, «Révélation Artiste Lyrique» aux Victoires de la Musique 2009, semble bien lancée. Dans notre région, après la création de Marius et Fanny à Marseille et sa reprise récente en Avignon, on l’a entendue dans l’émouvante Saint of Bleeker Street de Menotti (voir p.39) à nouveau sur la Canebière et on l’attend dans le rôle de Musetta (La Bohème de

Puccini) à Monaco avant ses débuts aux Chorégies d’Orange dans la jeune Vincenette (Mireille de Gounod). Son premier enregistrement est marqué par sa double culture, scandinave et française. La chanteuse choisit de superbes mélodies de Grieg -son père était médecin norvégien- sur des textes d’Ibsen ou Andersen et des poèmes chantés de l’incontournable Finlandais

Jean Sibelius. Elle complète la galette par les sensuelles Chansons de Bilitis (textes Pierre Louÿs) de Debussy, sa mallarméenne Apparition avant un Beau soir en forme d’au revoir sensible. Un disque mûri et personnel au programme qui tombe naturellement dans les cordes de l’artiste… sa belle pâte vocale, son intelligence des textes et Susan Manoff au piano font le reste. J.F

CD Aparté AP002 distr. Harmonia Mundi www.littletribeca.com

que le musicien atteint l’éternité, réalise une fusion rêvée poésie/musique. Ces deux cycles de la maturité sont peu joués, mais magnifiques ! Souvent complices, la soprano Mireille Delunsch et la pianiste Marie-Josèphe Jude livrent un Fauré tel qu’on l’aime, sobre et aérien, où les mots distillés perlent le long d’un fil qui jamais ne se rompt. Sur un décor, planté au clavier

telle une estampe glacée sur un mur monochrome, le velouté chaleureux de la chanteuse dessine des méthodiquement des arabesques à donner le vertige ! Avec les trois Poème d’un jour et quelques mélodies célèbres (Au cimetière, Spleen…) ces deux dames nous guident à travers l’Eden et ses délicieuses merveilles.

CD/SACD Lyrinx LYR 2257

L’Éden fauréen Pour La Chanson d’Eve (1910) et Le Jardin Clos (1915), Gabriel Fauré a fait appel à un compatriote de Maeterlinck : le poète Charles Van Lerberghe. Le musicien y traduit idéalement l’indécision symboliste par une harmonie mouvante, au moment même où, tel Beethoven, il entre dans la surdité. Son style hérité du romantisme se modifie, s’épure devient plus austère. C’est peut-être là

J.F.

De l’alpha à l’oméga Anne Queffélec égrène, comme dans l’urgence mais avec ce calme souverain qui la caractérise, de beaux enregistrements chez Mirare. Ce Chopin-là (bicentenaire oblige !), est son 3e CD en un an, après un Bach olympien et un Haydn tout en fantaisie ! Cette maîtresse respectée du piano français, artiste parmi les plus aimées de sa génération, choisit de tracer une espèce de bio-

graphie musicale. Dans le parcours chronologique qu’elle présente, on entend les premières Polonaises composées par un enfant d’à peine sept ans -la musicienne part aux sources d’un souffle qui se perpétuera dans le souvenir douloureux et inaltérable du pays natal- jusqu’aux ultimes Mazurkas, les Nocturnes, Berceuse, Barcarolle, Scherzo et Valses de la maturité, les plus célè-

Entrez en Préface

Le jeune compositeur marseillais Lionel Ginoux fait revivre avec bonheur l’enregistrement de la création à Villeneuve-Lez-Avignon de son œuvre pour chœur, ensemble instrumental et récitant Préface en Prose. Prix Défi Jeunes en 2008, cette vaste fresque a été composée sur des textes du poète dramaturge roumain Benjamin Fondane mort en captivité à Auschwitz, témoignant des atrocités endurées dans les

camps d’extermination durant la seconde guerre. Émouvante et riche en effets orchestraux et vocaux, cette remarquable pièce s’insère avec réussite dans le paysage musical contemporain. L’enregistrement live de grande qualité révèle la qualité de la direction du jeune chef Sébastien Boin aux commandes de l’ensemble C Barré et du chœur Pyramidion dirigé par Pascal Denoyer. Autoproduit et autodistribué, ce disque

bres, écrits en France, dépassant les références géographiques, pour voler du coté de l’Ether et de la pure poésie ! J.F.

Récital Anne Queffélec dans le cadre du Festival Voix de femmes (voir p. 7) le 17 mars à 21h au Théâtre de Tarascon.

CD Mirare MIR096 www.mirare.fr

nécessite un soutien et un engagement envers la création musicale contemporaine, sujette à la frilosité du public. Afin de laisser un peu de place à cette musique d’aujourd’hui. FRÉDÉRIC ISOLETTA

Préface en prose Lionel Ginoux autoproduction www.lionelginoux.com


Vivement dimanche ! Loin des paillettes, le duo qui compose La Chanson du Dimanche a rapidement trouvé son public depuis son premier album Plante un arbre. Mettre en ligne chaque dimanche un nouveau titre, voilà un concept original qui remplacerait presque le rituel de la messe ! Humour bien sûr, avec comme condition presque «Dada» : Clément à gauche, chemise beige et bretelles rouges et Alec à droite, chemise verte, veste noire et cravate gris clair ! Ce ne sont pas de nouveaux VRP mais tout y passe avec délice : people (Nicolas et Rachida), écologique (OGMan) ou social (Super pouvoir d’achat, Petit cheminot) avec une bonne dose de fraîcheur et d’auto dérision. Chanson populaire, zouk, folk,

rock, disco… la palette musicale est variée et surprenante. Tout est bon dans la chanson ? Ce naturel pétillant illumine avec une dérision bon enfant un monde parfois bien trop sérieux. F.I.

Plante un arbre La chanson du dimanche La Pêche Production

Nuit blanche Estampillé oiseau de nuit, qui est donc ce dandy noctambule se faisant appeler ToM ? À la fois chanteur, auteur, compositeur, ingénieur du son, arrangeur et j’en passe… ce dracénois installé à Marseille nous emmène dans son monde mystérieux. Produit par sa propre structure d’enregistrement, Hétérokulte est un deuxième album envoûtant après Rue Breteuil, du nom de la rue de Marseille où est installé le studio. Spoken word incisif aux rythmes électros lancinants, ce nouvel opus reprend ses thèmes favoris comme la ville, les clubs, les femmes qui gravitent autour d’un personnage central. Sur un tapis sonore feutré aux ambiances multiples, l’écriture peut devenir cynique tout en restant sensuelle.

Projet atypique et novateur où se côtoient également un remix de Kid Loco et une adaptation du texte 22 septembre de Brassens, Hétérokulte tient de la bande-dessinée tant les sons peuplent d’images l’univers secret et ténébreux du monsieur ToM. F.I.

Hétérokulte ToM Tom Sound Production – La Baleine

Velouté d’électro Le trio nantais Smooth commence à acquérir une maturité plus qu’intéressante. L’air de rien, voilà bientôt dix ans que les musiciens à la tendance électro pop se fabriquent une playlist à la belle réputation. La preuve ? La sortie ces jours-ci du nouvel album The parade aux quatorze titres enjôleurs et pleins de fraîcheur. Baigné à la soul des 70’s autant qu’à certaines ambiances de Massive Attack, ce nouvel opus dégage à l’écoute une évidente légèreté contemplative. Feutré mais pas surfait, l’alliage s’avère équilibré entre sampleurs, guitare, basse, claviers et batterie. De la complainte rock’n roll My body aux nappes délicieuses de I know où le complice Dominique A dépose son timbre si particulier, Smooth sait créer un fil conducteur à travers de multiples ambiances. D’autres surprises

complètent ce quatrième disque comme la présence d’Amélie et d’Alain Chauvet, mais ce sont les pépites électro comme she’s coming back et la voix travaillée un brin métallique de David Darricarrère dans Heart Bea(s)t qui donnent l’impression de basculer dans un univers chimérique. F.I.

The parade Smooth Do you like


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LIVRES

ART

Ça Jazze ! À l’occasion des dix ans de la radio, TSFJazz se pose enfin la question : Mais qui a tordu la trompette de Dizzy ? Le spécialiste Bruno Costemalle prend un malin plaisir à conter des anecdotes et petites légendes de l’histoire du jazz. Son livre est à l’image de la musique qu’il aime : croustillant et passionnant ! Des trajectoires brisées aux coups de génies en passant par des gags, vacheries, excentricités et incroyables hasards, l’auteur d’un premier ouvrage sur la musique classique Mais où est passé le crâne de Mozart ? nous tient une fois de plus en haleine par ses multiples révélations. Facile à lire et extrêmement ludique tout en étant précis historiquement, cet ouvrage se présente sous la forme de courts paragraphes tous plus piquants les uns que les autres. Quel fils de dictateur fit une carrière de pianiste de jazz ? Comment Armstrong utilisa Nixon

pour faire passer de la marijuana à la douane ? Pourquoi appelait-on Ellington le Duke ? Quel pianiste a été «obligé» de jouer pour Al Capone ? Toutes les réponses dans ce petit bijou paru aux éditions Nova. FRÉDÉRIC ISOLETTA

Mais qui a tordu la trompette de Dizzy et autres histoires de jazz Bruno Costemalle Nova éditions, 12 euros

Long courrier Il se dit bien que les paroles s’envolent et les écrits restent. Ce fameux adage correspond à merveille à monsieur Saint-Saëns, personnalité musicale centrale du XIXe siècle dont la conséquente longévité (1835-1921) lui a permis d’entretenir une correspondance significative avec des romantiques comme avec des compositeurs français de fin de siècle. Présentées et annotées par Eurydice Jousse et Yves Gérard, les Lettres de compositeurs à Camille Saint-Saëns publiées aux éditions Symétrie s’avèrent un fonds épistolaire incroyablement riche. Du simple billet aux correspondances fournies en passant par la missive réprobatrice, l’enseignement tiré de ces quelques 600 courriers de collègues de travail archivés au muséechâteau de Dieppe est un catalogue indispensable au curieux mélomane comme au spécialiste. Grâce

également au cahier central remarquablement illustré, l’intense vie musicale de l’époque n’a plus aucun secret. Berlioz, Liszt, Wagner, Gounod, Bizet mais aussi Widor, Stamaty, Duparc, d’Indy, Bruch, Busoni, Massenet, Messager, Clara Schumann, Schmitt, Glazounov, Enesco, Dukas ont correspondu avec Saint-Saëns… Inutile d’insister sur la teneur et la valeur musicale de ces lettres, agencées pour rendre cette publication aérée et agréable au possible. F.I.

Lettres de compositeurs à Camille Saint-Saëns E. Jousse et Y. Gérard Ed Symétrie, 49 euros

Janáček à l’écrit

Au fil du temps, l’œuvre de Leoš Janáček (18541928) a connu une vraie reconnaissance publique : ses opéras en particulier, créés dans le premier quart du XXe siècle, sont devenus des classiques plébiscités sur les scènes lyriques. Son style personnel, puissant et novateur est intimement lié à la Bohème et à la langue tchèque. On sait par ailleurs que Janáček a écrit lui-même nombre de ses livrets d’opéras. Il a écouté avec minutie les dialectes moraves, leur intonation propre et tenté de créer une alchimie entre les inflexions verbales et musicales. Mais on ignorait à quel point l’auteur de La Petite Renarde rusée, L’Affaire Makropoulos ou De la maison de morts éprouvait une impérieuse envie d’écrire, un goût profond pour la littérature… Ses essais, études, articles, critiques, lettres, conférences

sont réunis, pour la première fois en français, par Daniela Langer. Ils montrent un artiste en état perpétuel de créativité. L’amateur comprend les préoccupations intimes du compositeur, son souci du détail, de l’infime qui pourrait, chez d’autres, paraître insignifiant, comment éclot sa «pensée harmonique» et, à travers des fragments de textes chronologiques, s’est élaborée une œuvre majeure comme Jenufa… JACQUES FRESCHEL

Écrits Leoš Janáček Ed Fayard, 25 euros


Boîte à outils

Pendant 8 ans, chaque semaine, Joseph Ghosn a rédigé des chroniques consacrées à la bande dessinée pour Les Inrockuptibles. De son érudition en la matière est né un livre, que l’auteur présente comme «une boîte à outils pour se frayer un chemin dans l’univers de la bande dessinée, s’y faire ses propres goûts et idées, se débarrasser enfin des deux ou trois arbres qui cachent la richesse de la forêt.» Exit donc les Tintin, Astérix et autres Spirou, qui n’ont pas besoin d’être défendus ; place aux «romans graphiques». L’ouvrage commence par l’historique détaillé du genre, le panorama très complet des formes qu’il revêt selon les pays, et bien sûr la définition de l’expression : «… une appellation très ouverte qui dit que la bande dessinée peut être aussi une littérature comme une autre ainsi qu’un lieu pour la recherche graphique.» S’ensuivent 101 propositions de lectures ; 101 albums sélectionnés pour leur esthétique forte et leur vision singulière du monde. L’anthologie, présentée par ordre chronologique, s’ouvre ainsi sur La Ballade de la mer salée d’Hugo Pratt, qui, à la fin des années 60, bouleversa la BD par un récit dilaté à l’extrême et des choix narratifs et graphiques très novateurs. Elle se clôt sur un album sud-africain paru en 2009. Entre les deux, tous les grands titres (ou presque) du 9e art sont là, bien repérables : 1re de couverture, texte de présentation, planche à titre d’exemple, et parfois, en prime, extraits d’entretiens. Une mine pour les amateurs ; et pour les autres, une excellente occasion de réviser leurs préjugés ! FRED ROBERT

Romans graphiques 101 propositions de lectures, des années soixante à deux mille Joseph Ghosn couverture originale de Blexbolex éd. Le mot et le reste, 29 euros À noter : Joseph Ghosn sera l’invité du Jeudi du Comptoir au Longchamp Palace (Marseille) le 18 mars à 18h30 ; il sera également accueilli, en compagnie de Berbérian, à la librairie La Réserve à bulles (Marseille) le 20 mars à 16h.


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LIVRES

ART

L’Archi designer Designer incontournable des années 70, Marc Held n’est certainement pas un inconnu pour vous. Le lit Prisunic et le fauteuil Culbuto édité par Knoll ça ne vous rappelle rien ? Le remarquable ouvrage du galeriste d’art contemporain Eric Germain paru aux éditions Norma intitulé Marc Held Du design à l’architecture présente sous toutes ses facettes celui qui par sa galerie L’Echoppe a symbolisé toute une génération en matière de style de vie et d’habitat. Avec quelques 288 illustrations de très grande qualité, cette monographie offre un parcours sans détour de ce génial touche à tout. Du tout plastique à la maison en acier de l’Essonne en passant par l’objet utilitaire, le teck, les grands voiliers, les voitures Renault, les salons

de l’Elysée et les usines IBM, l’inspiration créatrice de ce visionnaire était sans limite et extrêmement diversifiée. Un très beau livre à feuilleter avec délectation pour tous les passionnés de design et d’architecture. F.I.

Marc Held du design à l’architecture Eric Germain Ed. Norma, 65 euros

Lumières sur Alessandri

À l’instar d’un Eugène Leroy, combien d’artistes ont dû patiemment espérer si ce n’est la renommée au moins une certaine reconnaissance ? Cette monographie consacrée à Joseph Alessandri vient à point nommé. Elle est autant la volonté d’un travail exhaustif sur l’œuvre du peintre que le désir d’un cadeau offert à la bonne heure. C’est en intime et passionné que Claude Darras fait les présentations selon la forme traditionnelle d’une chronologie détaillée en sept périodes. Des années d’apprentissage à la reconnaissance actuelle, on le suit sous «l’ombre violette des châtaigniers» aux «années de lumière». Bon nombre d’anecdotes parsèment ce cheminement de la lente élaboration du travail artistique des jeunes années (Picasso, Schwitters, Dubuffet) jusqu’à l’âge de maturité émancipatrice (Mégalithes, Paysages Informels, Reliefs Totémiques…), sans oublier le compagnonnage fidèle avec Mario Prassinos. Très bien illustré, l’ouvrage n’est pas avare de reproductions de belle facture dues à Jean-Eric Ely, même si l’impression

a parfois tendance à boucher les matières mates et sombres des œuvres qui ne se laissent pas si facilement capter par la photographie. Pour être complet, Claude Darras n’a pas oublié de convoquer les écrits de plusieurs auteurs (Jean Boissieu, François Nourissier, Jean-Louis Ferrier…) et, en plus des repères chronologiques et bibliographiques d’usage, de préciser par un glossaire les termes techniques utilisés dans ses pages. L’ouvrage s’adresse ainsi à tout passionné d’art qui souhaiterait découvrir ou approfondir l’œuvre de Joseph Alessandri -qui fit une importante donation en 2007 au musée Estrine de Saint-Rémy-de-Provence, à un jet d’Eygalières où se situe depuis 1975 l’atelier du peintre. Sa réalisation a été rendue possible grâce au concours du musée Estrine et à l’aide à l’édition du Conseil Général des Bouches-du-Rhône. Une édition spéciale a été conçue en coffret avec une œuvre originale signée, pour 350 euros. CLAUDE LORIN

Pour l’amour du toro Après Une terre de bouvine, paru en 2006 et consacré à la course camarguaise, la collection Patrimoine, Images et Paroles s’enrichit d’un nouvel ouvrage sur la tauromachie telle qu’elle se vit sur les terres de Camargue et du pays d’Arles. Pendant trois ans, le photographe Bernard Lesaing et la documentariste Emmanuelle Taurines (au nom prédestiné !) ont suivi la vie d’une école très particulière, l’école taurine d’Arles. Ils ont pointé leur objectif ou leur micro vers les élèves et leurs familles, vers les fondateurs et les professeurs de ce lieu de transmission d’un patrimoine culturel et d’une tradition régionale souvent décriés. De leur long travail en coulisse est né Noir e[s]t lumière. Cet élégant album en noir et blanc retrace en photographies, puis en mots, le parcours de ces enfants qui ont décidé de devenir toreros. Pendant l’entraînement méthodique, laborieux, lors des

premières becerradas puis novilladas piquées, le sérieux de ces tout jeunes adolescents, parmi lesquels quelques filles, est frappant. Leurs postures, leurs témoignages reflètent la mission dont ils se sentent investis. En donnant la parole à ceux qui mettent toute leur énergie et beaucoup de leur argent pour organiser des sessions d’entraînement loin des grandes places et des média, à tous les anciens de l’école qui savent entourer les novices, aux proches et aux amateurs qui se réunissent pour suivre les progrès d’un jeune prometteur, c’est aussi leur passion commune que ce livre met en lumière. L’aficion, qui guide leur vie. FRED ROBERT

Noir e[s]t lumière Arles, dans les coulisses de l’école taurine Bernard Lesaing et Emmanuelle Taurines éd. Images et recherche, 18 euros

Joseph Alessandri ou la face cachée de l’ombre Claude Darras Autres Temps Editions, 39 euros


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Miréio ma tant amado

Est-il besoin de présenter en Provence l’œuvre de Frédéric Mistral ? En douze chants, à la manière de Virgile, le poète nous fait vivre les amours tragiques du tendre Vincent, le vannier, et la douce et spirituelle Mireille, en un hymne à la nature cultivée ou sauvage, aux traditions, mêlant les rites païens et chrétiens. Grâce à cette écriture riche et prenante, aux sonorités travaillées, la langue provençale a acquis ses lettres de noblesse littéraire. La nouvelle édition de l’œuvre par les éditions Actes Sud est remarquable à plus d’un titre. D’abord, elle célèbre une date, le 150e anniversaire de la parution de Miréio Mireille, puis elle comprend des raretés, comme les extraits du 40e entretien du Cours familier de littérature de Lamartine, la reproduction des pages, en miroir Provençal/Français, dans la graphie et la disposition originales, des notes explicatives claires. Mais surtout, le volume s’ouvre sur les 72 illustrations de Gustave Fayet, dessinées à la plume et au roseau, Camargue oblige, en 1921 ! Les personnages de la tragique épopée de Mistral sont invisibles sur ces planches. La Provence devient le

protagoniste unique, et si le vers illustré déclare «Et Mireille, légère, descend dans la maison pour cacher sa rougeur», nous ne voyons qu’une façade agrémentée de pampres de vigne et un balai abandonné au flan de la porte. L’imagination du spectateur est invitée à s’égarer dans la plaine de la Crau ou sous les pins ; la force suggestive des vers anime alors ces lieux déserts : «Belle, sous les pins vous vous tiendrez à l’ombre» murmure le poète, ou plutôt «Bello, souto li pin à l’oumbro vous tendrés.» Les arbres se tordent sous les assauts impitoyables des vents, et «les étoiles de Dieu clouent le ciel»… dans un raffinement des traits, un travail subtil des ombres et de la lumière, un tracé dynamique qui accordent aux paysages comme une respiration sourde et passionnée… L’esthète, amateur d’art, ami des peintres les plus marquants de son temps, Gauguin, Van Gogh, Monticelli, Odilon Redon, considéra comme l’œuvre de sa vie l’illustration de Mireille. Ses dessins sont pour la première fois, rassemblés et édités en un même volume. MARYVONNE COLOMBANI

Le jardin est un signe Judicieuse idée de proposer la traduction de l’ouvrage italien de 1990 de Virgilio Vercelloni (1930-1995), complété par des chapitres sur les jardins des XXe et XXIe siècles, de Matteo Vercelloni, tous deux architectes, urbanistes. Les documents iconographiques rares, précisément commentés, permettent de comprendre concrètement les enjeux de l’histoire des jardins, mais aussi de l’évolution de la pensée et de la morale. Car l’évolution du jardin occidental à travers les siècles relève d’une réflexion sur les modes de vie, les émotions et le pouvoir. Cet ouvrage en propose un parcours depuis le Jardin de Babylone et sa vision d’un paradis sur terre jusqu’aux «guerilla gardens», espaces végétaux recréés par les habitants au sein de fragments urbains abandonnés, ou aux espaces de vie collective et aux «jardins en mouvement» de Gilles Clément...

On passe des gravures médiévales des «hortus conclusus» aux planimétries finement dessinées de la Renaissance ou du Grand Siècle , on s’attarde aux conceptions des jardins romantiques avec véritables fausses ruines, pour arriver aux dessins colorés proches de l’art abstrait de Guévrékian en 1925. Les détours sinueux ou géométriques des jardins ont dessiné l’histoire de notre continent aidés par une nouvelle science, la botanique, et les encyclopédies gigantesques du XVIIIe. Au milieu le «gardener» prend soin de son jardin et devient protecteur de la Terre. CHRIS BOURGUE

L’invention du jardin occidental Matteo et Virgilio Vercelloni Éd du Rouergue, 45 euros

Réalisme ? Et argent content Un livre difficile à qualifier... comme Arrabal, à la fois horripilant et non dénué de poésie incertaine, parfois belle. Il s’agit d’un échange de mel avec un Trigano doublement aveuglé d’amour qui exhume le cadavre exquis de Fernando. L’école trop réaliste, sûre d’ellemême qui cultive le dandysme soixante-huitard sur la litière de soixantuitardifs regrets éternels ; paradis perdu un peu morbide d’un spectre à révérences internes. La subversion sanctuarisée avec ses codes de l’amour, de l’humour, de l’irrévérence. Un Bagdad de Lann-Bihoué du surréalisme potache de légumes : Savary d’une poésie Bretonne à un Topor amer infiniment regretté. Un monument à la pataphysique et sa hiérarchie de kroumirs rebelles, du mouvement Panique institué par la vieille dame du quai Conti déguisée en catin de satin décatie. Un hymne à la bourgeoisie bohême figée dans son Panthéon de glace,

miroir nécrophile et phage d’un narcissisme suranné. Les barons des trente glorieuses y trouveront sans doute leurs comtes et trous de ducs contemplatifs et nostalgiques. On pourra se shooter à la lignée surréaliste: Duchamp, Ernst, Vian, Ionesco, Dubuffet, Baudrillard, Eco, Fo Mandelbrot et… Prévert qui n’y retrouve plus son raton baveur. L’hystérien de la Culture y fera sans doute grand K. Tiens ! Il paraît qu’on pose la première pierre du mausolée de Breton… Ça embaume au Zanzibar ! YVES BERCHADSKY

Rendez vous à Zanzibar Correspondance en double aveugle Patrice Trigano, Fernando Arrabal Ed. La Différence, 20 euros

Mirèio Mireille Frédéric Mistral, Gustave Fayet Ed Actes Sud, 45 euros


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LIVRES

LITTÉRATURE

Pleurez mes sœurs algériennes C’est sur cette injonction que Wassyla Tamzali conclut sa Lettre d’Alger aux Européens désabusés. Cette femme en colère est inquiète pour toutes les femmes musulmanes dont elle voit la situation se dégrader irrémédiablement. Et son cri, un cri d’alarme que nous devons entendre. Avant qu’il ne soit trop tard. Pourquoi ce désarroi, de la part d’une féministe pugnace, que les luttes n’ont jamais effrayée ? D’abord parce qu’elle a le sentiment d’être désormais l’«innommée». Qui est-elle encore ? «Sur ce que je suis, s’abat une chape de plomb, une identité toute faite, emballée dans la religion. Je suis un palimpseste sur lequel les images des femmes cheveux au vent ont été effacées par celles de femmes voilées.» Et puis, parce que tous ceux qui, comme elle, «osent revendiquer une identité dégraissée du pathos religieux et nationaliste» vivent, comme elle, la galère. Car on ne les écoute plus, même en Europe, même au sein des mouvements politiques

proches. C’est sans doute cela le plus préoccupant. Dans cet essai percutant, Wassyla Tamzali montre comment, sous prétexte de laïcité et de multiculturalisme, les pays occidentaux sont en train de «faire le lit des idées des fondamentalistes et [de] devenir le laboratoire de normalisation des thèses identitaires et communautaristes.» Sa thèse, appuyée sur une analyse fine du post-orientalisme rampant et des manœuvres des islamistes modérés, est à méditer. Et sa lutte pour l’égalité entre les sexes et la liberté de conscience, contre l’imposture du voile qui dissimule une morale sexuelle archaïque, à soutenir. Pour rompre enfin, en Europe aussi, avec l’ordre du passé. FRED ROBERT

Une femme en colère, lettre d’Alger aux Européens désabusés Wassyla Tamzali éditions Gallimard, 9,50 euros

Piégées Ce 11 février 1963, la poétesse américaine Sylvia Plath -séparée du séduisant Ted Hughes, poète chamanique, mi-fauve mi-braconnier- ouvre les fenêtres de la chambre de ses enfants, colmate leur porte pour les protéger, descend dans la cuisine, pose la tête dans le four et délivre le gaz. Six ans plus tard, Assia Wevill, nouvelle compagne de Ted, se suicide de la même façon entraînant sa fille dans la mort. Pour expliquer le mystère de ces dérives, comprendre les femmes du braconnier, Claude Pujade-Renaud propose un roman biographique complexe révélant les blessures de chacune, héritées de leur lignage germanique ou hébraïque et de leur roman familial respectif. 111 chapitres se succèdent, courts, nerveux, à la première ou troisième personne. À une distance variable, le lecteur, séduit ou agacé, suit la trajectoire de chaque protagoniste. Témoignages, commentaires, bribes de dialogues se mêlent aux récits intimes de

Sylvia et d’Assia comme un chœur accompagnant le drame. La narration faussement linéaire fait ricocher chaque événement, revient sur les obsessions des artistes. Ça saigne, ça grouille, ça galope, ça copule ! Le travail de mise en mots s’opère même si «écrire ne protège pas contre le désespoir.» Coïncidences, correspondances, les destins se plient en accordéon. Phèdre rejoint Médée, un oiseau gazé, les suicidées, le rouge d’une morsure, un serre-tête. Les pièges se referment. L’auteure suit au plus près l’élaboration des œuvres poétiques, nourries de chair et de sang, hantées par un bestiaire imaginaire difficile à dompter et à oublier. ELISE PADOVANI

Les femmes du braconnier Claude Pujade-Renaud Éd Actes Sud, 21 euros

Dans le labyrinthe de la fiction La couverture d’abord, géométrie en noir et blanc, évoque le labyrinthe. Mais c’est surtout dans le texte qu’on s’égare. L’énigme de Qaf du Brésilien Alberto Mussa est un livre à entrées multiples, que l’auteur prend soin d’expliciter dans l’avertissement. La trame narrative principale, divisée en 28 chapitres comme les 28 lettres de l’alphabet arabe, relate les aventures du poète al-Gatash, héros des temps préislamiques en quête de la solution de l’énigme, et de la belle Layla. Sur cette histoire se greffent détours et paramètres, comme autant d’éléments qui étoffent la matière première, l’enrichissant de mythes revisités, d’anecdotes singulières ou des légendes d’autres poètes héros de cet Age appelé d’Ignorance, et qu’on découvre au contraire fort savant. On peut lire cet étrange roman dans l’ordre ou pas, avancer, revenir sur ses pas, relire, certaines notes y invitent. Car l’histoire d’El Gatash n’est pas l’essentiel.

Ce qui compte, c’est le plaisir d’une lecture divagante, qui se construit dans le creux des parenthèses, perd le fil conducteur pour mieux en saisir d’autres. Une lecture qui s’offre et se refuse, comme la belle Layla sous son voile, comme si tout n’était que simulacre. L’auteur le revendique dans son post-scriptum : «être faux est dans l’essence même des choses.» Ainsi cet authentique érudit, fin connaisseur du monde préislamique et traducteur des Poèmes suspendus, s’amuse-t-il à réinventer l’histoire, à réécrire les mythes. Un réjouissant pied de nez à tous les académismes ! FRED ROBERT

L’énigme de Qaf Alberto Mussa traduit du portugais (Brésil) par Vincent Gorse éd. Anacharsis,18 euros


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Les jeux sont faits Emprunté à la pièce de Shakespeare Le Marchand de Venise, le titre du roman de Pia Petersen, Une livre de chair, est un huis clos étouffant comme il se doit. Collant comme la sueur des personnages englués dans leur misère sociale ou affective, réunis par hasard autour d’une table de jeu dans un appartement miteux de New York. La partie est à quitte ou double ! Et cette «livre de chair» prendra tout son sens à la dernière page du roman, dans un inéluctable bain de sang… Rien ne prédestinait Romain, Hunter, Logan, Porter et Ryan à se rencontrer, sauf que la crise financière de 2008 a anéanti leurs vies et leurs rêves, avec pertes et sans profit. Tous sont au bout du rouleau car le nerf de la guerre, martèle l’auteur, c’est l’argent ! Aux dires des personnages et selon les événements, l’argent est haïssable, enviable, sacré, incontournable, symbole de pouvoir. D’où l’affrontement de deux mondes : celui des riches «qui ont des privilèges» et celui des pauvres («ceux qui servent»). Une vision manichéenne qui organise la structure même du texte. Construit autour

de Romain, figure du millionnaire hollywoodien déchu, le roman est écrit comme une spirale qui oppresse le lecteur tout autant que ses personnages. La langue, lancinante, procède par retours sur le passé, répétitions et thèmes récurrents (argent, pouvoir, célébrité, amour). Seules échappatoires, les digressions intimes, les souvenirs et les descriptions topographiques minutieuses de New York et Los Angeles qui permettent une courte respiration. Dans cet enfer noir, le portrait des joueurs se dessine à travers leurs fissures et leurs désamours. Les héros sont fatigués. Ce sont les fils d’Horace McCoy et Tom Wolfe, les cousins germains de Truman Capote, sans son ironie décapante. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Une livre de chair Pia Petersen Actes Sud, collection Un endroit où aller, 22 euros

Brut et jaillissant Claudie Gallay s’est lancée dans l’écriture en 2001, parallèlement à son métier de professeure des écoles. En 2009 elle a obtenu le Grand Prix des lectrices de Elle pour son roman Les Déferlantes dont l’adaptation devrait être tournée par Éléonore Faucher. Mon amour ma vie, édité au Rouergue en 2002, vient de paraître en poche chez Actes Sud. Univers déroutant : un campement de gitans sous la bretelle du périph’, quelque part pas loin de la mer. C’est Dan, un garçon d’une dizaine d’années qui parle. Ça commence avec un chat, sacrifié vivant dans du ciment, pour protéger le nouveau campement et ses habitants : le père, la mère, les oncles, gens du cirque. Seules échappées, l’amour de sa guenon née le même jour que Dan, Zaza, l’amie aux yeux bleus, difforme à cause de la polio, et la musique du saxo de l’oncle Jo. Sinon c’est sordide. Le père a un Beretta, il

boit, il joue, il perd. La mère refuse de monter sur le trapèze, le chapiteau laisse passer la pluie, l’enfant est livré à lui-même. De page en page l’angoisse croît, l’oncle Jo meurt, le père devient violent et Dan apprend à voler. Jusqu’au drame final. Alors il trouvera le courage d’aller voir la mer. Pour ne jamais en revenir? La fin reste ouverte… Comme l’histoire, la langue est râpeuse, découpée en phrases jaillissantes, alignées en de nombreux alinéas, de courts chapitres dont les derniers sont des poèmes en prose, coupant comme des silex. On en ressort le souffle court. Sans doute son roman le plus dur. CHRIS BOURGUE

Mon amour ma vie Claudie Gallay éd. Babel, 8,50 euros

Les grands maux Le catalogue des éditions indépendantes Sulliver est alléchant par son éclectisme : on y trouve des auteurs anciens comme des contemporains, de l’Arioste à Benito Pelegrin, des auteurs à la réputation acquise comme des premiers romans, de Noam Chomsky à Anne Vernet. Le parti pris éditorial séduit aussi par ses exigences éthiques. La collection Littératures actuelles réunit des textes de fiction contemporains, qui font pendant à la critique sociale et politique de cette maison d’édition, consacrée principalement aux sciences humaines. Ainsi, La Fille dévastée de Rozenn Guilcher est un premier roman qui retrace, en trois étapes d’une passion quasi-christique, enfance-déchéancedélivrance, la vie d’une enfant niée, reniée et martyrisée par sa mère. Le récit entrecroise prose et poèmes dans une langue hachée et lancinante et fait alterner les monologues de la mère et de la fille qui recomposent cette histoire d’abandon, de maltraitance, de dépendance dans la haine et le rejet.

L’Insurrection du verbe être d’André Bonmort, auteur et éditeur, propose de courtes séquences narratives qui retracent les misères de tous les temps, en faisant se succéder les voix d’un «je» anonyme, incarnant tour à tour les victimes de l’histoire, de la jeune maya violée à la catin de toutes les époques, de l’ouvrier exploité à la Terre féconde et dévastée. La composition kaléidoscopique et allégorique est suggestive, mais, à ne rien vouloir oublier, ce passage en revue des maux de l’humanité dégénère parfois en catalogue artificiel. Ces deux œuvres illustrent donc la ligne éditoriale de cette collection qui entend faire résonner «les appels, les plaintes, les révoltes de la part fragile du monde.» Elles témoignent aussi des mérites et écueils de la fiction, lorsqu’elle est inféodée à une intention de principe qui l’aplatit, et des limites du lyrisme de la plainte, registre nécessaire et salutaire, mais difficile à tenir tant la certitude de la grandeur fait courir le risque de l’emphase et de la convention. AUDE FANLO

La Fille Dévastée, Rozenn Guilcher Editions Sulliver, 15 euros

Insurrection du verbe être, André Bonmort Editions Sulliver, 15 euros


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LIVRES

LES ÉDITIONS ANACHARSIS | CRDP

Éditions vagabondes Une invitation à la découverte d’un extérieur autant dans le temps que dans l’espace : voici ce qu’on peut lire sur le site d’Anacharsis. Au départ de l’aventure de ces éditeurs il y a la volonté de se situer dans une «dimension voyageuse». Au début des années 2000, Charles-Henri Lavielle et Frantz Olivié, les deux créateurs de cette maison bicéphale -un bureau à Toulouse, un à Marseille-, ont envoyé bouler leur thèse d’histoire ancienne et ont eu l’idée d’éditer certains textes que leurs études leur avaient permis de croiser. Très méditerranéenne à l’origine, leur sélection s’est élargie, au fil de propositions extérieures de plus en plus éclectiques et nombreuses. Mais toujours dans le même esprit d’exploration. Zibeline : Pourquoi avoir choisi le nom d’Anacharsis ? Frantz Olivié : D’abord, parce qu’Anacharsis est dans l’Antiquité le barbare qui apprend la philosophie. Il est la figure de l’esprit curieux, sans a priori, celui qui regarde le monde avec un œil périphérique. Il correspond exactement à notre principe, qui consiste à dérouter les perspectives, à proposer une vision tremblée, décalée des conventions historiques, littéraires, géographiques. De combien de titres disposez-vous à ce jour ? 50 en 2010. Nous éditons en moyenne 6 livres par an, le plus souvent à 1500 exemplaires. Notre catalogue est un catalogue de fond, dans une temporalité à contre-courant, qui permet une vie tranquille pour les livres ! Parlez-nous de vos collections… D’abord, il y a la plus dense, résolument fourre-tout.

On l’a appelée Famagouste, du nom d’une cité médiévale de légende, point de bascule sur la Route de la Soie. Dans cette collection paraissent les textes anciens. On a aussi deux autres collections, Essais et Fictions. C’est dans celle-ci qu’est édité le roman d’Alberto Mussa, L’Enigme de Qaf ? (voir p.56) Oui, voici le genre de texte que nous éditons dans la collection Fictions. Mussa est un jeune écrivain brésilien qui vient des maths. Le roman a eu une grande reconnaissance en Amérique latine et c’est son traducteur qui nous l’a proposé. Dans la veine de Borges ou de Cortazar, il invite à une réflexion réjouissante sur l’origine de la langue, des écritures et de la littérature.

C’est l’ouvrage d’un véritable érudit, qui s’amuse à massacrer cette érudition. Quels sont vos projets ? Deux textes anciens sont en instance de parution. Et en avril sortira Rumba d’Alberto Ongaro, un écrivain vénitien que nous apprécions beaucoup ; maître d’Hugo Pratt, sorte de Dumas après le Nouveau Roman, il s’essaie ici au polar. Visez-vous un public particulier ? Les spécialistes des sujets qu’on propose, évidemment. Mais on publie pour tous les lecteurs curieux ! ENTRETIEN MENÉ PAR FRED ROBERT

Mémoire des visages et des gestes Dans le cadre des Rencontres culturelles du CRDP deux conférences ont été données par Christian Gattinoni, enseignant à l’École Normale Supérieure de la photographie d’Arles et critique d’art sur le thème du corps dans l’art contemporain. La première a proposé un survol du portrait photographique depuis 1960 et a posé la question de l’identité et de la pratique du portrait photographique aujourd’hui. Que veut-on montrer en vérité, le modèle ou le photographe ? Quelle est la part de la réalité et de la construction de l’image par le regard de celui qui photographie ? Autant de questions illustrées de nombreux exemples : Mapplethorpe, Depardon, Valérie Belin... La deuxième conférence sur la photo du corps dansé a commencé par un hommage à Pina Bausch, disparue en juin 2009, qui a travaillé sur son corps et sa mémoire. Puis Christian Gattinoni interroge la parenté de la danse avec les Arts Plastiques évoquant la 1re collaboration de Dominique Bagouet et Christian Boltanski en 1987. Désormais la mémoire des gestes est permise par les nouvelles technologies soulignant la place du corps dans la danse, son rapport avec la scène et le public avec les collaborations de Joseph Nadj et Barcello, les travaux de N+N Corsino... Parallèlement à la conférence 36 clichés de Danse Contemporaine d’Éric Boudet, qu’on a revus aux Hivernales (voir p.22), permettait d’apprécier le regard précis de l’artiste sur ces corps en mouvement. CHRIS BOURGUE

Sagna © Eric Boudet

Ces conférences ont eu lieu le 3 décembre et le 21 janvier au CRDP

À venir Que fait le paysagiste ? le 26 février à 18h30, en collaboration avec l’École Nationale Supérieure du paysage de Marseille) Le portrait photographique depuis 1960-(programme du Bac.Arts Plastiques)-éd.Scérén du CNDP- 9,90 euros


AVIGNON | AU PROGRAMME

LIVRES

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Un mage fait son nid à Avignon L’écrivain Olivier Cadiot, artiste associé du Festival 2010 avec Christoph Marthaler, présentera en juillet trois étapes de son travail. Il mesure la «chance extraordinaire d’avoir le temps de montrer plusieurs aspects de son métier», lui qui continue de se balader entre littérature, poésie, théâtre et musique. Raconteur d’histoires, inventeur de littérature, l’écrivain manie avec virtuosité les mots et les situations. L’adaptation à la scène de ses livres, à l’oralité musicale évidente, semble naturelle pour ses personnages, véritables didascalies vivantes. C’est Ludovic Lagarde qui l’a conduit au théâtre avec Fairy Queen qu’ils présenteront en 2004 à Avignon. Ils

reprendront pour la 64e édition la pièce polyphonique Un nid pour quoi faire ? L’inclassable Rodolphe Burger s’emparera de la création musicale, pour un trio qui promet d’être à la hauteur d’une alchimie talentueuse. On se souvient de la pépite Samuel Hall, émanant du chef-d’œuvre Fantaisie Militaire de Bashung, qui avait révélé l’association de l’écrivain et de l’ancien leader de Kat Onoma. Un mage en été, son dernier livre (à paraître chez P.O.L.) sera un monologue entre littérature et performance, interprété par Laurent Poitrenaux, dans un dispositif très proche de Colonel des Zouaves présenté en 2004 au Festival. Pendant la durée de vie

de ses deux pièces, Cadiot qui exerce une réelle pratique de lecteur public fort suivi à Avignon, réservera d’autres rendez-vous pour des lectures de ses œuvres. Quand au mariage organisé par les co-directeurs du Festival avec Marthaler, les silences du metteur en scène et le flot de paroles de l’écrivain promettent de belles échappées. Un festival poétique et rock ? DELPHINE MICHELANGELI

La rencontre avec Olivier Cadiot s’est déroulée le 27 janv. Le Festival d’Avignon aura lieu du 7 au 27 juillet

Au Programme Libraires du sud – 04 96 12 43 42 Itinérances littéraires avec José Lenzini pour son ouvrage Les derniers jours d’Albert Camus (Actes Sud), le 25 février à 18h à la librairie le Poivre d’Âne à Manosque, le 26 février à la librairie l’Alinéa à Martigues. Escales en librairies : Rencontre avec Robert McLiam Wilson, romancier et essayiste irlandais, autour de son œuvre. Le 25 février à 19h à la librairie Histoire de l’œil, à Marseille, la rencontre sera animée par Pascal Jourdana ; le 26 février à 17h30 à la librairie Book in Bar à Aix. Rencontre avec Charles Berberian, dessinateur et scénariste de bande dessinées pour la parution de Sacha aux éditions Cornélius, le 19 mars à la librairie l’Alinéa à Martigues ; le 20 mars à 16h à la librairie la Réserve à bulles, à Marseille, il sera accompagné de Joseph Ghosn, auteur de Romans graphiques (éd Le Mot et le Reste). Jeudis du comptoir avec Joseph Ghosn pour Romans graphiques et Charles Berberian pour Sacha, le 18 mars au Longchamp Palace, Marseille 1er. AIX-EN-PROVENCE Galerie La Non-Maison – 06 24 03 39 31 Stage de lecture d’images par Martine Ravache, de 14h à 19h les 25 et 26 février. Lecture de Katy Rémy et Pierre Parlant en collaboration avec Autres et Pareils, le 6 mars à 19h. Cité du Livre – 04 42 91 98 88 Exposition Albert Camus au travers des documents originaux issus de la presse et des hommages rendus à l’auteur. Du 25 février au 28 mai au Centre Albert Camus. Centre des écrivains du sud – 04 42 21 70 92 De nombreux intervenants et «grands témoins» interviendront sur le thème Pourquoi faut-il lire ? Les 19 et 20 mars. Les Rencontres du 9e art – 04 42 16 11 61 Rencontres du 9e art : expositions, cinéma, animations, dédicaces… Du 22 mars au 25 avril. ARLES Muséon Arlaten – 04 90 93 58 11 Dans le cadre du printemps des poètes, les élèves du lycée Pasquet s’expriment sur le thème Couleur de femme, le 11 mars à 14h à la médiathèque ; atelier d’écriture avec le lycée Pasquet, l’association Magma et le Musée, le 27 mars à partir de 19h au Cloître Saint-Trophime. Association Artscène – 04 90 49 37 53 4e édition de A vos marques… pages ! : parcours lu-

diques de librairies en librairies sur le thème Contes d’ici et d’ailleurs. Le 27 février à partir de 14h. FORCALQUIER Librairie La Carline – 04 92 75 01 25 Rencontre/débat avec Xavier Lainé pour son recueil de poésie La mille et unième nuit c’était hier (éd L’Harmattan, 2009). Le 25 février à 18h30. LA CIOTAT Office de tourisme – 04 42 08 61 32 Conférence sur l’immigration italienne par Guy Aillaud, le 17 mars à 17h, salle Baugnies-deSaint-Marceaux. Exposition de France Bernardi Gambarelli, jusqu’au 7 mars à la Galerie du port ; exposition maritime, du 6 au 28 mars à la chapelle des Pénitents Bleus ; exposition d’artistes féminines, du 8 au 14 mars à la Galerie du port ; exposition d’Aimé Hugues, du 23 mars au 4 avril à la Galerie du port. 8e festival de poésie partagée : André Ughetto en est l’invité principal. Conférence sur la poésie italienne contemporaine, rendez-vous des diseurs et diseuses, concours de poésie… Du 11 au 14 mars. LA SEYNE-SUR-MER Les Chantiers de la Lune – 04 94 06 49 26 Dialogue au bord de l’entr’ouvert, exposition de Henri Yéru. Jusqu’au 27 mars. Philo-apéritif animé par Jean-Claude Grosse sur le thème Ce que les présocratiques nous disent sur la nature. Le 27 février à 18h. L’ISLE-SUR-LA-SORGUE Association Dire et Lire – 06 16 72 22 58 10e salon du livre jeunesse : auteurs invités : Anne Jonas et Béhem. Dédicaces, lectures de contes, ateliers… Les 19 et 20 mars. MARSEILLE ESBAM – 04 91 82 83 10 Exposition Archipélique 2 : promotion Art et Design 2009 de l’Ecole supérieure des BeauxArts de Marseille. Jusqu’au 26 février à la galerie Montgrand et galerie Bains Douches de la Plaine, du 5 mars au 2 avril salle des colonnes à la Friche Belle de Mai. CIPM – 04 91 91 26 45 Les 20 ans de l’Affiche, revue murale de poésie. Jusqu’au 13 mars.

Dans le cadre de Contre-pied, quinze ans, manifestation organisée par Autres et Pareils, Après la campagne, la campagne se poursuit : feuilleton de lectures publiques, épisode 21. Lectures de Christophe Roque, Laure Ballester, Olivier Domerg. Le 5 mars à 19h. CRDP – 04 91 14 13 12 Conférence de Lionel Richard, professeur honoraire des Universités, sur le thème Art et pouvoir en Allemagne, de la République de Weimar au Troisième Reich, le 18 mars à 18h30. BMVR Alcazar – 04 91 55 56 34 Conférence de l’historien et professeur d’études arméniennes à l’Université de Provence Patrick Donabedian. Architecture et spiritualité dans l’Arménie médiévale. Le 25 février à 17h en salle de conférence. Conférence de Thierry Cazon, président de l’association Les Polarophiles tranquilles, et Alexandre Clément, prix marseillais du Polar 2007 : Le duel Simenon/Dard : règlement de compte et littérature. Le 27 février à 17h en salle de conférence. Conférence d’Isabel Grégoire, diplômée de l’Université Européenne de Médecine chinoise : Médecine allopathique, médecine chinoise, quel choix pour les patients ?. Le 27 février à 17h à l’auditorium. Exposition de photographies extraites du livre de Françoise Saur, Les éclats du miroir : petits contes algériens (éd. Trans Photographic Press, 2009). Jusqu’au 13 mars. ABD Gaston Deferre – 04 91 08 61 00 Ecrivains en dialogue avec Pierre Michon et Denis Guénoun sur le thème Des voix nécessaires. Le 5 mars à 18h30. Echange et diffusion des savoirs – 04 96 11 24 50 Conférence de Thierry Paquot, philosophe de l’urbain : Villes en crise, crise des banlieues, crise de l’urbain, s’agit-il de crise ? Le 11 mars à 18h 45; conférence de Serge Latouche, économiste et philosophe : La décroissance est-elle la solution de la crise ? Le 25 mars à 18h45. Institut Culturel Italien – 04 91 48 51 94 Exposition Italianità réalisée par les éditions Corraini à l’occasion de la publication en 2009 du livre Italianità du designer Giulio Iacchetti avec les illustrations de Ale+Ale. Jusqu’au 1er mars. Rencontre avec Beppe Severgnini, écrivain et journaliste, le 25 février à 18h, et avec Massimo Carlotto le 2 mars à 18h, tous deux présentés par l’auteur Claudio Milanesi, professeur à

l’Université de Provence Théâtre du Têtard – 04 91 47 39 93 Lectures théâtralisées par la cie Peanuts : Les animaux malades de la peste d’après la fable de La Fontaine, les 3 et 10 mars à 15h, et Le chameau, le lion, le léopard, le corbeau et le chacal, les 17 et 24 mars à 15h. Centre Julien – 04 96 12 23 90 Panoramique, exposition du photographe Vincent Gamblin. Jusqu’au 1er mars. Passage & Co – 04 42 29 34 05 Balades littéraires : Marseille, porte de l’Orient, la riche cité portuaire au XIXe siècle : sur les traces de Stendhal, Hugo, Gautier, Flaubert, Dumas, de Nerval et Schopenhauer. Le 21 mars ; Marseille au féminin, passagères célèbres : la ville, autrement vue par George Sand, Flora Tristan, Simone Weil, Mary Jayne Gold et Simone de Beauvoir. Le 7 mars. Association l’aérograff – 06 88 62 17 69 Aérograff vous accueille à bord de son bus transit pour une lecture nomade des nouvelles Weekend avec Hellènes de Pierre Guéry et Les nids d’Alcyons de Sara Vidal. Le 28 février, départ de la Place Castellane à 15h. OUEST PROVENCE Association Ville Lecture – 04 42 55 70 60 10e édition de Lire et Grandir, du 23 au 27 mars. MARTIGUES Musée Ziem – 04 42 41 39 60 Conférence de Danièle Bloch, chargée de cours à l’Ecole du Louvre, sur Le Symbolisme en peinture. Le 25 février à 17h30. PERTUIS Bibliothèque municipale – 04 90 79 40 45 Dans le cadre du Printemps des poètes, la bibliothèque programme Slam et Graffitis : exposition de livres, scène ouverte, réalisation de graffitis, projections rencontres du 6 au 20 mars SIX-FOURS-LES-PLAGES Association Destination Planète Livre – 04 94 74 75 61 7e salon du livre jeunesse sur le thème de Astérix. Du 19 au 21 mars. TRETS Maison de la culture et du tourisme – 04 42 61 23 75 15e Journée des écrivains de Provence, le 7 mars.


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LIVRES

RENCONTRES LITTÉRAIRES

Éclats de voix

Un mois de rencontres en librairies. Un mois de voix entendues, qui chuchotent ou qui crient le monde contemporain comme il va. Pas toujours bien à l’évidence… Sexe, bombe et tragédie

La librairie Histoire de l’œil travaille dur à la reconnaissance et à la diffusion des écritures d’aujourd’hui, avec le souci de varier les approches et les textes. Chaque fin de semaine, on s’y retrouve autour d’un événement littéraire. C’est ainsi qu’en janvier on a pu entendre en avant-première des extraits de Victoria, le dernier volet de la trilogie tragique des Suppliantes, mise en scène par Nathalie Garraud et Olivier Saccomano au théâtre Massalia (voir p. 8). De larges extraits de la pièce, écrite par le poète slameur Félix Jousserand et récemment parue aux éditions IMHO. Bonnet noir vissé sur la tête, verre de blanc à la main, l’auteur a fait de ce moment de lecture une véritable performance, avec le soutien complice de quelques-uns des comédiens. Et a suscité l’envie d’aller voir à la Friche ce que donnait sur un plateau ce texte qui charrie impétueusement les questions essentielles du centre de l’Europe, entre capitalisme sauvage, trafics en tous genres et tendance à la dictature…

Éloge de la nouvelle Autre vendredi, autre ambiance. Pierre Guéry et Sara Vidal ont proposé une lecture croisée de leurs ouvrages publiés aux éditions L’une et l’autre dans la série de vos nouvelles. Sous l’élégante couverture vert anis, des textes brefs, d’une trentaine de pages. De cette contrainte formelle est née l’inspiration qui a conduit les deux écrivains à s’interroger eux aussi sur le monde d’aujourd’hui. Qu’il s’agisse d’évoquer les flots de réfugiés à travers le regard d’une téléspectatrice (Sara Vidal) ou de dépeindre la chute des idéaux révolutionnaires des années 70 (Pierre Guéry), tous deux imbriquent l’individuel et le collectif dans des fictions qui émeuvent par la solitude qu’elles révèlent.

Femme en colère Wassyla Tamzali est venue dans la région pour y interroger, profondément, notre notion d’universalisme, que les Européens ont tendance à réduire à leurs frontières, admettant des particularités culturelles au nom d’une pseudo ouverture. Invitée le 11 janvier par le festival de danse avignonnais les Hivernales, pour inaugurer les lundis au soleil, rendez-vous désormais régulier consacré aux questions soulevées par la danse, elle y est revenue le 17 février pour mener un débat à l’Hôtel de Sade sur La place de la femme dans la création artistique (nord) africaine avec la chorégraphe Hela Fattoumi (voir p 22) autour de sa pièce sur le voile. À Marseille, invitée par la librairie Regards dans le cadre de l’opération Escales en librairies, Wassyla Tamzali a répondu à l’historienne Anissa Bouayed sur les questions que soulève son dernier ouvrage (voir p.58), en particulier celles sur l’identité des «femmes musulmanes», les dérives du post-colonialisme et les notions d’«islamisme modéré» ou d’«éros musulman». Cette ancienne avocate, un temps directrice des droits

des femmes à l’Unesco, militante féministe depuis toujours, a répondu avec la passion et la sincérité de son engagement, avec son éloquence de juriste aussi. Mais jamais avec hargne. Elle aurait pourtant de quoi. Non seulement la situation des femmes dans les pays musulmans lui est insupportable, mais elle reste stupéfaite de constater le renoncement de la pensée européenne devant la montée en puissance en Europe des groupes communautaires, sa «tétanisation» dès lors qu’on parle d’Islam et de musulmans. «A-t-on peur du jugement moral ?», s’est-elle écriée. Et elle a enjoint le public de «repolitiser les questions», de prôner, comme elle, l’universalité, plutôt que l’identité dont l’excès a conduit au culturalisme et à tous les débats sur le foulard et autres burqas, dont elle estime qu’ils sont «un voile sur les discriminations.» Une belle profession de foi laïque prononcée par une femme remarquable.

Venez entendre ! Ces voix, il faut venir les entendre le soir dans les librairies. Mieux que certains média rois, elles disent notre monde, elles le mettent en mots qui résonnent et qu’on médite. Longtemps.

Rencontre avec Wassyla Tamzali © Aurélie Eché

FRED ROBERT

À lire Felix Jousserand, Victoria, éditions IMHO Sara Vidal, Les nids d’alcyons et Pierre Guéry, HP 1999, éditions L’une et l’autre Wassyla Tamzali, Une éducation algérienne et Une femme en colère- Lettre d’Alger aux Européens désabusés, éditions Gallimard.

À noter le 28 février après-midi, Sara Vidal et Pierre Guéry proposent une balade dominicale à bord du bus de l’association Aérograff, pour une lecture itinérante et intégrale de leurs deux nouvelles ; renseignements auprès d’Alexandre Tabakov au 06 88 62 17 69.

Architecture et philosophie La question de l’architecture est souvent abordée sous son angle technique au détriment de sa dimension culturelle. Une posture réductrice que le Conseil régional de l’Ordre des architectes Paca a eu envie d’élargir en proposant, depuis l’automne, le cycle de conférences-rencontres Les Jeudis de l’architecture en philosophie. Il s’agit de croiser une réflexion collective, comme le souligne son président Marc Dalibard, «avec une initiative qui marque notre attachement au fait que l’architecture a une dimension culturelle. Nous souhaitions faire ce lien avec d’autres disciplines comme la philosophie, la psychologie ou l’histoire qui affectent sensiblement le bâtiment». Sans fil rouge thématique, les rencontres privilégient la variété des interventions architectes, philosophes et enseignants- et le dialogue avec le public, sous la houlette de Pascal Urbain, architecte et professeur à l’ENSA de Marseille. Après la conférence sur «L’habitable et l’inhabitable» de JeanPaul Dollé, cofondateur de Banlieues 89, les invités sont la psychanalyste Caroline Gros (4 mars), le spécialiste d’histoire de la philosophie ancienne et professeur à l’Université de Provence Alonso Tordesillas (1er avril) et, le 6 mai, Francesco Donadi sur le thème «Rhétorique et architecture, le Beau et le Plaisir : Florence et Venise»… Maîtres d’œuvre du projet, Marc Dalibard et ses confrères espèrent que ce nouveau rendez-vous saura prendre sa place, dans la durée, avec le même cahier des charges qui a prévalu à son lancement : l’esprit d’ouverture. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Les Jeudis de l’architecture en philosophie Le premier jeudi de chaque mois Ordre des architectes Paca / MAV 04 96 12 24 10


SONIA CHIAMBRETTO

LIVRES

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Le texte et la scène La Carte blanche que la Criée avait offerte à Hubert Colas s’est transformée en carte d’identités : la sienne, celle d’un auteur qui est aussi metteur en scène (ou l’inverse ?), et celle de Sonia Chiambretto, auteur auprès duquel il travaille depuis 5 ans. La Trilogie Chto proposée à la Criée témoigne de cette rencontre. Elle n’écrivait pas spécifiquement pour le théâtre et son premier texte a d’abord été publié en poésie : la disposition stricte dans la page, le caractère oral de la langue trouvent pourtant, à son sens, une parfaite correspondance avec l’écriture scénique d’Hubert Colas, comme si «les signes graphiques devenaient des indications spatiales», ou des marques de rythme, de ton, de jeu. «Tout est précis sur le plateau comme sur la page !», dit-elle encore, admirative. Quant à Hubert Colas, ce qui l’intéresse dans l’écriture de Sonia Chiambretto, c’est justement «sa puissance orale». Mais aussi le fait «qu’on n’a pas affaire à un récit complet, ce qui apporte du mystère à l’écriture. Il n’y a pas de grand parcours psychologique, cela laisse de l’espace à l’imaginaire. Si on était dans de la spiritualité -mais on ne l’est pas !-, on pourrait dire que le corps témoigne de l’âme du personnage.»

Mon kepi blanc © Sylvain Couzinet-Jacques

Chto © Nicolas Marie

En effet, même si Chto retrace les parcours violents d’exilés isolés, marginaux, saisis de l’intérieur comme si on pénétrait dans leur conscience, il semble n’y avoir aucune volonté d’analyse, psychologique ou historique, dans ces textes. «Je cherche toujours ma disparition dans le texte, que la psychologie soit fantasmée. La guerre par exemple ne m’intéresse pas, je ne la décris pas, je cherche l’écart qu’elle produit directement sur les gens. Je ne veux pas avoir à me

soustraire après de ce que j’aurais écrit en temps qu’observateur, ou perception.» D’après Hubert Colas, cette volonté de disparaître de ses textes est liée à la recherche de ce qui serait «une identité réelle» à travers des consciences troublées par le religieux, l’embrigadement militaire, l’oppression… Les deux derniers textes Zone d’Education Prioritaire (voir ci-dessous) et Polices (à paraître) s’attachent également à des oppressions, mais non celles de l’exil, celle que «la société française actuelle exerce sur le citoyen». Ils seront lus respectivement les 26 et 27 fév, à 19h, tandis qu’Hubert Colas lira son Livre d’Or de Jan si piquant et drôle (et grave aussi, parfois) le 28 à 17h. Avant cela, du 23 au 28 fév la trilogie Chto (12 sœurs Slovaques les 23 et 24, Mon

Zone éducation sécuritaire Caméras de vidéosurveillance, sifflets, sirènes, cours A et C, passerelle : tout porte à croire que Sonia Chiambretto situe l’action de sa pièce de théâtre Zone éducation prioritaire dans une prison. Le décor bien sûr, mais aussi le règlement, la collectivité et les contraintes de sécurité. Sauf qu’il s’agit du lycée Victor Hugo à Marseille, ZEP implantée dans «des zones prioritaires avec des gens prioritaires sans priorités», et que les personnages ne sont pas des détenus mais des adolescents d’aujourd’hui. Aux préoccupations sous influence télévisée : musique, cinéma, amour (ceux qui l’ont fait et ceux qui ne l’ont pas encore fait), stars, guerre… Car si Kate, Bone and Co slament la langue française et le franglais «grave de chez grave», cela ne les empêche pas de réagir à l’actualité. Et à la guerre qui les pétrifie : le choc d’une décapitation vue à la BBC

Mensuel gratuit paraissant le deuxième jeudi du mois Edité à 28 000 exemplaires imprimés sur papier recyclé Edité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse | n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008 Directrice de publication Agnès Freschel

Secrétaire de rédaction spectacles et magazine Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42 Secrétaire de rédaction Jeunesse et arts visuels Marie Godfrin-Guidicelli m-g-g@wanadoo.fr 06 64 97 51 56

provoque un chorus d’hymnes nationaux (français, sénégalais, algérien, ex-URSS, américain) relayé par Constance, Nic, Ange qui évoquent tour à tour Gandhi, la mort, Agamemnon, la barbarie, Bruce Willis, Michaël More. Mais aussi, dans la scène du Préau transformé en champ de bataille, les soldats Bob et Ben, le caporal Red et l’Irakien sortis tout droit d’un documentaire. Des dialogues apocalyptiques orchestrés par l’auteur nous rappellent que la jeunesse a un pied dans l’histoire de Richard Cœur de Lion, l’autre dans les images satellites. À la géométrie de l’espace réinventé par des signes (didascalies visuelles) qui assimilent le lycée à un univers carcéral, labyrinthique, répond une langue zigzagante, comme si Sonia Chiambretto inventait «un slam choral», nouveau langage identitaire. Une manière de dire l’enfermement

Les soeurs slovaques © Hervé Bellamy

Képi blanc les 25 et 26 et Chto les 27 et 28). À ne pas rater également les Cris de la Criée : le comité de soutien appelle tous les amoureux du CDN à venir hurler leur colère le 24 fév à 19h devant le rideau de fer fermé de la grande salle. Pour que notre théâtre rouvre au plus vite !! AGNES FRESCHEL

Une Carte d’identités Hubert Colas/Sonia Chiambretto Du 23 au 28 fév 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

des corps, l’unicité du lieu, l’unité de temps, par une dislocation de la langue. Un éclatement que seul un metteur en scène à l’oreille musicale pourra faire entendre sans fausse note. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Musique et disques Jacques Freschel jacques.freschel@wanadoo.fr 06 20 42 40 57

Histoire et patrimoine René Diaz renediaz@free.fr

Frédéric Isoletta f_izo@yahoo.fr 06 03 99 40 07

Polyvolantes Maryvonne Colombani mycolombani@yahoo.fr 06 62 10 15 75

Cinéma Annie Gava annie.gava@laposte.net 06 86 94 70 44

Delphine Michelangeli d.michelangeli@free.fr 06 65 79 81 10

Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.)

Société Chris Bourgue chris.bourgue@wanadoo.fr 06 03 58 65 96

photo couverture BÉNÉDICTE SIMON ET JULIEN DUVAL © Agnès Mellon Conception maquette Max Minniti

Arts Visuels Claude Lorin claudelorin@wanadoo.fr 06 25 54 42 22

Philosophie Régis Vlachos regis.vlachos@free.fr

Maquettiste Philippe Perotti philippe.zibeline@gmail.com 06 19 62 03 61

Livres Fred Robert fred.robert.zibeline@free.fr 06 82 84 88 94

Sciences et techniques Yves Berchadsky berch@free.fr

Ont également participé à ce numéro : Emilien Moreau, Dan Warzy, Yves Bergé, Susan Bel, Clarisse Guichard, Pierre-Alain Hoyet, Aude Fanlo, Christophe Floquet

Rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@wanadoo.fr 06 09 08 30 34

Élise Padovani elise.padovani@orange.fr

Marie-Jo Dhô dho.ramon@wanadoo.fr

Zone éducation prioritaire Sonia Chiambretto Éd. Actes Sud-Papiers, 12 euros ZEP sera lu le 26 fév à 19h à la Criée, à l’occasion de la trilogie de Sonia Chiambretto mise en scène par Hubert Colas Photographe : Agnès Mellon 095 095 61 70 photographeagnesmellon.blogspot.com Directrice commerciale Véronique Linais vlinais@yahoo.fr 06 63 70 64 18 Attachée commerciale Nathalie Simon nathalie.zibeline@free.fr 06 08 95 25 47


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SCIENCES

Le Groupe des Écoles Centrales compte désormais cinq établissements en France. En 2004, Marseille est venue se joindre à ses sœurs aînées de Paris (1829), Lyon (1857), Lille (1872), Nantes (1919). Zibeline a rencontré Frédéric Fotiadu, son nouveau Directeur, pour parler de la croissance de cette «petite de Castèu Goumbert» déjà bien développée pour son âge Zibeline : Pouvez-vous nous rappeler ce que sont les Écoles Centrales ? Frédéric Fotiadu : La plupart des doyennes du groupe ont été fondées par des industriels à la fin du XIXe siècle pour répondre aux nouveaux besoins d’encadrement technique engendrés par la révolution industrielle. Les Écoles Centrales ont désormais le statut d’Établissements Publics à Caractère Scientifique, Culturel et Professionnel [EPSCP]. Leur vocation est de former des ingénieurs généralistes de haut niveau dont les études sont sanctionnées après trois ans par le diplôme national d’Ingénieur Centralien. Leur statut est strictement public et dépend du Ministère de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur. Notre personnel relève donc en grande partie de l’Éducation Nationale, bien que les E. C. fassent appel à un nombre important d’intervenants extérieurs industriels ou d’autres organismes publics tel que CNRS ou Universités. La base de financement public nous permet de dispenser une formation scientifique et technique de très haut niveau à un coût très bas pour les élèves, environ 500 euros de droits d’inscription par an. Chaque école a le statut d’établissement autonome au même titre qu’une université mais, à la différence de ces dernières, le Directeur, élu par le Conseil d’Administration, n’en est pas le président, qui demeure une personnalité du monde industriel. Qu’est-ce qu’un «Ingénieur Généraliste» ? C’est une personne formée à la gestion et/ou à l’expertise de projets complexes dans la pluridisciplinarité. Ainsi les Centraliens sont aptes à s’investir dans un très large domaine d’activité qui va de la gestion éco-

LES ÉCOLES CENTRALES

Groupe des Écoles Centrales prend l’accent marseillais Le

Libre entretien sur une Centrale excentrée mais pas excentrique nomique de projets ou de personnels, jusqu’à la recherche de très haut niveau dans ses applications innovantes. Nous faisons un principe de cette polyvalence de nos formations et notre effort porte sur l’individualisation des parcours formatifs qui doivent répondre au projet personnalisé de chaque élève. L’ECM diplôme désormais annuellement 170 ingénieurs. Ils sont recrutés majoritairement sur un concours commun Centrale-Supélec ouvert aux élèves des CPGE (Classe Préparatoire aux Grandes Écoles). Mais pour accroître la diversité sociale des recrutements nous ouvrons aussi notre formation à un petit nombre des meilleurs élèves des classes de Technologie et Science pour l’Ingénieur (TSI) ou d’Adaptation Technicien Supérieur (ATS), ainsi qu’à des étudiants de licences technologiques. Pour ajuster le niveau de ces élèves aux exigences d’excellence de l’École nous avons mis en place des programmes de soutien et des accompagnements par tutorat, en langues étrangères et en mathématiques. Nous accueillons aussi, dans le cadre du projet TIME (Top Industrial Managers for Europe), 15% d’élèves étrangers qui viennent enrichir du diplôme de centralien leur mastère obtenu dans des établissements partenaires internationaux. Réciproquement ces établissements accueillent à l’étranger 20% de nos jeunes ingénieurs pour une quatrième année de mastère. Dans ce cadre l’ECM a développé des liens forts avec le Brésil, la Chine, le Japon et le Mexique. Quelle est la spécificité de l’ECM par rapport à ses grandes sœurs ? Les Écoles Centrales sont historiquement issues du tissu industriel local. La région PACA, au développement industriel tardif, était la seule à ne pas avoir de grande école. Un processus de fusion des écoles d’ingénieurs spécialisées (ENSPM en physique, ENSSPICAM en chimie, l’ESM2 en mécanique) conduit à la création en 2003 de l’EGIM (École Généraliste d’Ingénieur de Marseille). Une ultime fusion avec l’ESIM, école d’ingénieur consulaire de la Chambre de Commerce (CCIMP), va donner le jour à l’ECM

Frédéric Fotiadu © Didier Nadeau

en 2004. La diversité des composantes de l’ECM ouvre résolument la voie à la multiplicité des parcours professionnels et des compétences. L’étendue et l’excellence des domaines de technicité constitue notre spécificité et un avantage que nous voulons maintenir et développer. Nous proposons d’ores et déjà en 3e année 14 possibilités de parcours «métiers» individualisés aussi divers que la mécanique, l’optique photonique, le génie marin, l’économie quantitative ou la chimie qui est une spécificité exclusive de Marseille... Si la vocation de l’ECM n’est pas de former des chercheurs, la


forte implication de ses personnels dans le milieu de la recherche universitaire permet d’assurer à ses élèves des passerelles intéressantes vers des mastères de recherche (20% d’élèves) puis des thèses (15%). L’ECM est passée en deux ans de la 50e position à la 23e dans le classement national des grandes écoles. Même si le sens de ce type de classement est à relativiser, nous visons à rejoindre le «top 15» d’ici cinq ans. Nous portons nos efforts sur l’épanouissement individuel des élèves par et pour l’ouverture intellectuelle. Pour cela, nous leur proposons des expériences variées pour développer la curiosité sur la base de connaissances scientifiques solides. Nos élèves participent par exemple à une expérience originale de parrainage de collégiens des zones ZEP environnantes dans les activités culturelles telles que le théâtre (voir p4 ndlr) ou le soutien scolaire. Cet ancrage dans la réalité sociale nous paraît un élément important dans la formation de futurs cadres techniques. Quels sont les points forts de l’ECM et ses difficultés ? L’équipe de l’ECM, constituée de 90 personnels administratifs et techniques (ATOS), 110 intervenants et enseignants-chercheurs (Éducation Nationale pour 3/4 et 1/4 CCIMP), reste de taille humaine. Cela permet des rapports propices à notre volonté d’individualisation des parcours de formation. Les 12000m² de locaux (2/3 à la CCIMP et 1/3 à l’État) affectés à l’ECM sont essentiellement basés à l’Institut Méditerranéen de Technologie à Château Gombert avec une antenne à la Faculté des Sciences de St Jérôme. La localisation géographique de l’ECM au sein de quartiers populaires et dans une Zone d’Éducation Prioritaire (ZEP) n’est pas une barrière mais plutôt une opportunité à l’expérience de l’ouverture sociale des élèves dans le respect de la diversité. Par contre les locaux, peu adaptés à l’activité d’une grande école et surtout très mal desservis par les transports en commun, ne favorisent pas le plein épanouissement de cette politique d’ouverture que nous voulons mettre en œuvre. Nos interactions avec le tissu industriel local et national sont bonnes. Nous avons des partenariats avec Eurocopter, la SNCF, le Port Autonome… Nous voulons développer nos relations avec les très grandes entreprises industrielles. Nos formations permettent aux ingénieurs centraliens une excellente insertion professionnelle. En 2008 les 3/4 de nos effectifs de diplômés ont trouvé un débouché dans les deux mois suivant leur diplôme. Les retours que nous avons montrent que leur extrême polyvalence et leur adaptabilité sont particulièrement appréciées dans le milieu industriel. Plus de 15% de nos diplômés sont recrutés à l’international. ENTRETIEN MENÉ PAR YVES BERCHADSKY

www.centrale-marseille.fr

au programme

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La fête, ça se prépare dans la diversité… Cette année la 19e édition de la fête de la science se déroulera du jeudi 21 au dimanche 24 octobre sur la thématique phare «Biodiversité – Bioéthique» quels défis pour l’avenir ? Rappelons qu’en effet 2010 a été déclarée année internationale de la biodiversité. Un appel à projets d’animations est d’ores et déjà lancé. Vos propositions aussi bio que diverses sont les bien venues. Tous les renseignements sont sur : www.drrt-paca.com à la rubrique Fête de la science 2010.

L’est inné… le divin enfant ? Le 23 février à 18h30 à l’Espace Ecureuil, dans la continuité des conférences Horizons des Savoirs, Yehezkel Ben-Ari, directeur de l’INMED (Institut de neurobiologie de la Méditerranée), directeur de recherche à l’INSERM, présente, dans le cadre du cycle «biologie et civilisation, les chemins de l’intelligence» une conférence au titre évocateur : Inné et acquis dans la construction du cerveau : les deux mon capitaine!» Bien qu’il y ait encore des inconnues, le développement actuel de la neurobiologie du développement montre combien la tendance au tout génétique est limitative. La neuroarchéologie, nouvelle approche qui étudie les relations entre les gènes et l’environnement dans la maturation cérébrale et les maladies neurologiques, apporte un éclairage sur ces questions. Horizons des savoirs 04 91 57 26 49 www.drrt-paca.com/images/stories/CSTinformations/horizonsavoir09.pdf

De la physique des crises à la crise de la physique Tel est le titre de la conférence que Jean-Marc Lévy-Leblond, physicien et philosophe donnera le 4 mars à 18h45 à l’Hôtel du département dans le cadre du cycle de conférence Échange et diffusion des savoirs. La physique s’intéresse depuis longtemps aux phénomènes critiques, c’est-à-dire aux transitions discontinues entre les états d’un système. Quelles idées-clés a-t-elle permis de dégager pour penser de telles évolutions brutales ? Ces notions sont-elles exportables à des situations plus générales, des phénomènes sociaux ou politiques ? Par ailleurs, ne faut-il pas se demander si la physique elle-même connaît des crises historiques ? Ses profondes transformations actuelles n’en fourniraient-elles pas un exemple majeur ? Echange et diffusion des savoirs www.cg13.fr/cadre-de-vie/culture/conferences.html

C’était écrit… Le Musée de la préhistoire des Gorges du Verdon de Quinson nous présente, depuis le 5 février et jusqu’au 30 avril, une très intéressante exposition sur le thème : La naissance des alphabets sur les rives de la Méditerranée. Elle raconte l’histoire de l’invention des alphabets sur le bassin méditerranéen. Une histoire des lettres qui nous mènera de la Mésopotamie à l’Égypte où sont nés les premiers systèmes d’écriture jusqu’à la naissance de l’alphabet phénicien puis grec. Musée de Préhistoire des Gorges du Verdon, Quinson (04) 04 92 74 09 59 www.museeprehistoire.com

Timbre Moretti, timbre contemporain de l'artiste Raymond Moretti


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PHILOSOPHIE

DANIEL BENSAÏD

La mort d’un des plus grands philosophes politiques de notre temps s’est déroulée dans un demi-silence gêné qui en dit long sur l’embarras des média Curieuse ironie d’une micro-histoire : un mois après sa mort paraît à grand fracas médiatique le livre de Bernard Henri-Lévy, «à la panzer prose, au goût irrépressible de l’emphase et de l’enflure»1 comme l’écrivait Daniel Bensaïd. Suivant ainsi Deleuze qui disait de ces nouveaux philosophes : «je crois que leur pensée est nulle… ils cassent le travail, ils ont une nouveauté réelle, ils ont introduit en France le marketing littéraire ou philosophique.» Ont-ils gagné ? Dans les média sans doute. Mais contrairement à ce que titrait Télérama la pensée de Bensaïd ne s’est pas éteinte. Hommage.

Pensée pratique «Socialisme, révolution, anarchie, communisme : la question reste de savoir si de tous ces mots blessés, il en est qui valent la peine d’être réparés et remis en mouvement (…). Céder à l’identification du communisme avec la dictature totalitaire stalinienne, ce serait capituler devant les vainqueurs provisoires et forclore ainsi le chapitre des bifurcations seul ouvert à l’espérance.»2 Ce sont les derniers mots, plutôt le dernier texte de Daniel Bensaïd. Dernier des philosophes ? Encore faut-il définir ce que l’on entend par ce terme. Les philosophes créent des ouvrages théoriques d’envergure qui ne se dissocient jamais d’avec la pratique. Entre deux travaux d’écriture, Bensaïd participait à un colloque, une manifestation, un rassemblement international, une réunion de quartier. Il passait du service d’ordre de la LCR à l’écriture de résolutions sur ses objectifs stratégiques pour un congrès, sans oublier un coup de chapeau à Walter Benjamin, un clin d’œil à Jeanne d’Arc, un coup de griffe aux nouveaux philosophes… Entre-temps il avait terminé un ouvrage reconsidérant la position historiciste de Marx par exemple, il avait fait un voyage au Brésil, pays dont il s’était occupé longtemps pour la Quatrième Internationale dont il était un des dirigeants.

Irréconcilié Bensaïd était un tourbillon, avec sa curiosité, sa gentillesse, son ironie, sa culture, sa simplicité. Il dévorait les livres et publications et écrivait des ouvrages, simples ou ardus, avec un refus du dogmatisme et de la langue de bois, et une fermeté constante dans la défense des valeurs. Cette intelligence engagée est odieusement retournée dans la novlangue libérale qui méprise toute subversion

Philosophie entière et organique qu’elle juge trop à gauche : ainsi il était qualifié de «moine soldat» dans Libération, ce journal qui consacre des pages entières à BHL. «La fidélité a un passé. Il n’est jamais certain qu’elle ait un avenir. Bien des amis lassés sans doute d’avoir dû brosser l’histoire à contre poil, ont fait la paix avec l’ordre insoutenable des choses, lassés de s’irréconcilier avec le monde tel qu’il va.»3 Philosophe, il l’était aussi en confrontant ses idées avec des salariés anonymes chaque semaine, en s’attachant irrémédiablement à la critique des injustices, en méprisant profondément et philosophiquement tout privilège : «s’il est vrai qu’en démocratie la compétence politique est la somme algébrique des incompétences individuelles, alors le sociologue, le physicien, le biologiste, le philosophe, lorsqu’ils prennent position, ne comptent que pour un parmi les autres.»3

1

BHL, un nouveau théologien, Lignes, 2008

2 Puissances du communisme, Contretemps, n°4, janvier 2010

Bifurquer Pratique du militantisme, réinvestigation permanente du politique et recherche philosophique étaient chez lui la condition organique de sa pensée. L’ancrage communiste de son espoir n’avait rien de mystérieux et découlait de son analyse de Marx4, qui renouvelait la manière de lire ses textes. Railler ceux qui croient au grand soir au nom de la fatalité ou du bon sens capitaliste relève du nécessitarisme historique : chez Marx il n’y a aucun déterminisme historique. Bensaïd aimait à rappeler ces évidences, issues d’un long travail d’enquête dans le Capital, l’idéologie allemande, les Manuscrits de 1844 et les œuvres d’Engels : «l’histoire ne fait rien» disait ce dernier. Dans Marx l’intempestif, Bensaïd montre bien la distinction entre la loi historique et la loi naturelle, qui est invisible pour les agents. La loi historique est celle qui, si elle était dominée par la raison de ceux qui la produisent, se nierait en tant que loi ; toute nécessité historique est relative, elle indique en même temps la possibilité réelle de bifurcation, elle a la contingence liée au corps. «Un besoin impatient d’autre chose s’est à nouveau mis à bouger. Un frémissement fragile et timide encore, comme une convalescence incertaine, insuffisante pour inverser la spirale des reculs et des défaites. Proclamer qu’un autre monde est nécessaire, c’est déjà secouer le joug du fait accompli.»3 Hommage on vous disait, non pas les larmes aux yeux mais le poing en l’air. RÉGIS VLACHOS

3

4

Une lente impatience, Stock 2004

Marx l’intempestif, Éditions Fayard, 1995


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HISTOIRE

HAÏTI

Pourquoi écrire sur Haïti ? Depuis le 12 janvier dernier, nous sommes abreuvés d’images de la catastrophe qui a jeté par terre Portau-Prince. Des dizaines, voire des centaines de milliers de morts. La planète s’est mobilisée. Mais que vaut ce déferlement médiatique ? On s’émeut à bon droit du sort des familles plongées dans les atrocités et la mort. On comprend l’émoi pour les près de 60 000 haïtiens sur le territoire national. Et comment ne pas être solidaire quand on saisit l’ampleur des dégâts et l’immensité de l’effort de reconstruction à fournir ? Pour autant, ce préalable solidaire, indispensable condition de fraternité et de citoyenneté dans un monde devenu global, nécessite de la distanciation. On vient de voir le Président de la République (une première post-coloniale) se rendre sur l’île et faire, en compagnie de son homologue, Préval, une tournée des théâtres du drame. Dans sa grâce, la France a remis ses dettes à la petite république et s’est engagée à lui fournir une aide. Il est donc si loin le temps où la France entreprenait des charters pour raccompagner les indésirables clandestins dans leur République écroulée ? Les premières images de l’AFP sur le drame étaient sorties du téléphone portable d’une jeune haïtienne éprouvée, certes, mais loin d’appartenir au commun de la misère étalée dans

les rues. Et que dire des inquiétudes qui se firent jour sur la présence américaine canalisant l’arrivée des secours et susceptible de supplanter l’influence française dans la zone ?

Show émotionnel La situation haïtienne est bien un drame, mais il est mis en scène dans un gigantesque show télévisuel où tout ce qui compte dans le monde des média tient sa place. Il faut amener chacun à regarder et écouter Haïti, pour faire exister cet Autre, là-bas, au milieu de Caraïbes plus souvent pensées paradis terrestres qu’abysses infernales. Cette irruption de la focale médiatique construit un monde éventuel, une version, un objet commercialisable qui répond aux critères sensationnels de mobilisation affective. On ne voit pas les Haïtiens, on contemple, à distance, des reflets affligés de nous-mêmes. On admire la sophistication des équipements dépêchés qui sauveront -heureusementquelques personnes, quantité dérisoire eu égard au nombre de morts. On nous montre un ministre déchargeant son sac de riz quand des milliers souffrent de famine. On éclabousse de dérisoire un peuple qui croupit depuis longtemps dans la mort lente du

Bill Clinton à Port-au-Prince, le 18 janvier 2010 © U.S. Air Force-Master Sgt. Jeremy Lock

sous-développement et de l’indifférence. C’est à une véritable expiation collective qu’ainsi l’on prend part. Ces décombres procèdent de l’inéluctable nature ! Battons donc notre coulpe, confessons notre petitesse et notre ignorance pour exprimer, comme dans une procession médiévale, notre repentir salvateur. Ira-t-on jusqu’à expier publiquement nos fautes en espérant qu’un monde post-apocalyptique, définitivement meilleur, surgisse ?

Un peu d’histoire ! Pourtant quelques éléments tangibles peuvent expliciter les images et les prises de position. Si la fatalité sismique existe, l’état de la société haïtienne est le reflet d’une lente construction. Mieux la comprendre est un préalable indispensable pour reconstruire !

La fin de la colonisation

Liberté, inégalités Bientôt deux aristocraties composées d’une part des anciens esclaves et d’autre part des libres et mulâtres s’opposent dans une guerre civile. Le

général Boyer réussit à mettre fin au conflit et à unir les parties. Mais à sa mort, en 1843, la partie espagnole, à l’Est, fait sécession : la République Dominicaine était née. Quant à Haïti, elle dut acheter à la France, en guise de dédommagement, sa reconnaissance officielle (1838). La société haïtienne échappée du mode esclavagiste plonge alors dans l’inégalité. Les aristocraties qui sont parvenues à préserver leur pouvoir malgré les troubles et l’apparition d’une petite propriété indépendante, s’allient avec Toussaint Louverture © The British Library - Heritage-Images

D’abord, il faut comprendre que cette population bigarrée qui compose l’île est le reflet d’un passé colonial expansionniste. Première étape dans la conquête espagnole, les îles Caraïbes ont d’abord vu l’extermination des populations indigènes (ici les Tainos) qui y vivaient d’une agriculture prospère. Comme dans l’ensemble américain, elles laissèrent la place aux populations venues d’Afrique plus capables de répondre aux besoins de l’économie de prédation (mines d’or) et de plantation, basée sur le travail forcé, au service des métropoles. L’histoire d’Haïti et de la France commence vraiment avec Louis XIV, qui se fit céder par l’Espagne la moitié de l’île d’Hispaniola -auparavant il s’agissait de flibustiers, boucaniers et pirates installés dans l’île de la Tortue, puis sur la Grande Terre. Les manufactures françaises écoulent leurs produits tandis que sont exportés, sous un régime d’Exclusif -seul le commerce avec la métropole est toléré-, les

produits tropicaux qui parviennent jusqu’en Europe. Un système d’échange inégal se met en place. Il conditionne une organisation sociale fondée sur un concept racial qui sépare les Blancs, les esclaves Noirs et les Mulâtres, qui sont libres. Dans les troubles de la Révolution Française et des revendications d’indépendances coloniales, les Noirs qui s’étaient soustraits aux horreurs de la minorité coloniale (le marronnage) se révoltent. Toussaint Louverture conduit son peuple à la liberté (la France abolit l’esclavage dans ses colonies en 1794). C’est l’occasion aussi de chasser les colons et de s’emparer de leurs terres. En 1801, l’île d’Hispaniola (Française depuis 1795) devient une République. Mais les planteurs (Joséphine de Beauharnais en est) et les colons chassés font pression sur le pouvoir. Napoléon -il a rétabli l’esclavage- expédie 34 000 soldats pour reprendre possession de l’île. Mais Jean-Jacques Dessalines bat les troupes impériales, proclame l’indépendance, officiellement en 1804, et devient empereur de l’île.

une bourgeoisie commerciale fraichement constituée. Elle est en grande partie issue d’étrangers établis en se mariant avec des haïtiennes. Mais le commerce, principale source de richesse des élites, empêche le développement d’industries capables de fournir les produits élémentaires. La concession de vastes espaces forestiers ou miniers et l’exportation de leurs produits parachèvent le mécanisme : la spirale du sous-développement s’enclenche ! Les classes dirigeantes s’emparent de l’État et détournent ses richesses à leur profit par la corruption, la fraude et la prévarication. Cette situation entraîne les révoltes et le départ vers la ville des paysans appauvris et maltraités. La dernière commotion, 1911-1915, provoque le débarquement des «marines» américains et la mise sous contrôle de l’île. Le voisin Yankee, déjà maître des finances, étend son impérialisme. Même s’il repart en 1934, Haïti devient une pièce de son arrière cour. Comme les autres pays d’Amérique Latine, exploitation économique et pouvoir autoritaire deviendront la règle pendant la Guerre Froide. Aujourd’hui encore, des Duvalier à Préval, rien ne se passe dans l’Île sans que l’Amérique y consente. RENÉ DIAZ




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