Zibeline #119

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16.06 > 21.07.18

N°119

ZIBELINE

Mensuel culturel engagé du Sud-Est #BALANCE

TON OFF

un front culturel

en paca

LES EXPOS

D’ÉTÉ

spécial festi vals L 11439 - 119 - F: 3,00 € - RD

3€


9 JUIN > 23 SEPTEMBRE 2018

MUSÉE GRANET

Aix-en-Provence

AVEC LE SOUTIEN DE

Pablo Picasso, Le Baiser, été 1925, huile sur toile, 130,5 x 97,7 cm, Musée national Picasso - Paris, © Succession Picasso 2018

PICASSO PICABIA


MAI JUIN 2018

RETROUVEZ ZIBELINE SUR JOURNALZIBELINE.FR

Édité par Zibeline BP 90007 13201 Marseille Cedex 1 Dépôt légal : janvier 2008 ISSN 2491-0732 Imprimé par Riccobono Imprim’vert - papier recyclé Crédit couverture : © Alouette sans tête Conception maquette Tiphaine Dubois

Directrice de publication & rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@gmail.com 06 09 08 30 34 Rédactrice en chef adjointe Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42 Secrétaire de rédaction Anna Zisman anna.zisman.zibeline@gmail.com

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Penser les festivals Il est temps d’entrer en estival, en éblouissement, dans cet espace d’exception où les propositions artistiques fleurissent. Nos festivals exposent leurs photos à Arles, leur Amour à Marseille, leurs faunes à Lodève ; ils font entendre des musiciens dans les rues d’Aix-en-Provence avant d’entrer en Art Lyrique à l’Archevêché ou au Grand Théâtre ; ils s’éclatent en Off à Avignon proclamé plus grand théâtre du monde, rassemblent professionnels et publics devant des écrans qui ne sont plus seulement documentaires au FID Marseillais ; ils propulsent leur jazz, font chanter les guitares, le piano de La Roque, vibrer l’électro, le rock, la mémoire, les textes, les musiques anciennes et nouvelles. Il faut les suivre. Se réjouir, sortir enfin, encore, et 119 participer à la pensée qui s’élabore et se structure, dans un monde culturel qui défend le service public contre sa commercialisation, met en place de nouvelles alliances, et résiste. Quelque chose est en train de naître, ici, dans la prise de conscience d’un intérêt commun, au-delà des divergences esthétiques et des différences structurelles. Dans une région où l’extrême droite s’est installée, dans un pays où le libéralisme semble avoir gagné, dans une Europe qui peine à garder une cohérence minimale et une conscience d’un avenir commun, qui dénie son éthique originelle de l’accueil et sa pensée de l’altérité, dans ce délitement généralisé, effrayant, l’art, les festivals, les maisons de culture se rassemblent, proposent, construisent des alternatives et donnent à voir les difficultés et la beauté du monde. Un signe d’espoir, à saisir, si nous ne voulons pas sombrer dans la tentation du repli qui nous guette et nous gouverne. AGNÈS FRESCHEL

ÉDITO

CULTURE ET SOCIÉTÉ Mensuel payant paraissant le deuxième samedi du mois Édité à 20 000 exemplaires, imprimés sur papier recyclé


WITH HISTORY IN A ROOM FILLED WITH PEOPLE WITH FUNNY NAMES 4

UNE EXPOSITION DE

KORAKRIT ARUNANONDCHA I AU J1 MARSEILLE ---------- du

20 J U I N ------------------------------------------- au 29 J U I L L E T ---------

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E N PA R T E N A R I A T AV E C M J 1

ARTENAIRES INSTITUTIONNELS PARTENAIRES P

PARTENAIRES PROJET

PARTENAIRES MEDIA

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------PARTENAIRES OFFICIELS


sommaire 119

politique culturelle Un front culturel en PACA (P.6-7) Fondation Carmignac à Porquerolles, Départ des directeurs du BNM (P.8-9) Des chercheurs sous surveillance (P.10) La MJC-Centre social de Briançon en danger (P.12)

La MJC-Centre social de Briançon, un lieu à défendre © X-D.R.

FESTIVALS Avignon : Le Festival, #BalanceTonOff, Quel service public ? Le Off, les Offs (P.13 à 28) Théâtre, danse, arts de la rue, livres (P.30-41) Musiques (P.42-71) Images (P.72-76) Marseille, Aix-en-Provence, Lambesc, La Roque d’Anthéron, Martigues, Vitrolles, Aubagne, Gardanne, Salon-de-Provence, St-Rémy-de-Provence, Arles, Miramas, Port-St-Louis-du-Rhône, Vaison-la-Romaine, Carpentras, Orange, Forcalquier, Toulon, Ollioules, Hyères, Six-Fours, Le Thoronet, Pays de Fayence, Pourrières, Château-Arnoux-St-Auban, Alpes, Chaillol, Alès, Montpellier, Sète

Début des festivals © De.M.

AU PROGRAMME DU MOIS Spectacles, musiques (P.78-79) Marseille, Aix-en-Provence, Vitrolles, Istres, Mallemort, Avignon

Silva, Fanny Soriano - Tous dehors (enfin) ! © Vincent Brière Albertine a disparu, de Véronique Aubouy, sélection Compétition Française au FID

cinéma [P.80-83] Marseille, La Ciotat, Fos-sur-Mer, Grans, Port-St-Louisdu-Rhône, Montpellier

Arts visuels [P.84-98] Francis Picabia, Conversation I, 1922 Aquarelle et crayon sur papier, 59,5 x 72,4 cm Tate Modern, Londres © ADAGP, Paris 2018. Exposition Picasso Cézanne au musée Granet

Marseille, Châteauneuf-le-Rouge, Aix-en-Provence, L’Isle-sur-la-Sorgue, Lourmarin, St-Rémy-de-Provence, Le Thor, Gap, Le Lavandou, Châteauvert, Cagnes-surMer, Nice, Montpellier, Lodève, Occitanie


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politique culturelle

S’unir, pour veiller et construire

L

e Groupe Culture Paca est né d’un élan contingent. Au mois de mai 2018, sans que l’anniversaire symbolique y soit pour quelque chose, d’une lettre, adressée à Renaud Muselier et Christian Estrosi, leur faisant part du désarroi dans lequel se trouvaient les acteurs culturels qui avaient appelé à voter pour eux face à Marion Maréchal Le Pen. En quelques jours, la lettre lancée par quelquesuns s’est répandue comme une traînée de poudre, a recueilli 170 signatures1. Et dès les premiers jours, des noms d’acteurs culturels reconnus par la Région comme des interlocuteurs privilégiés, et d’importance, sont apparus dans la liste des signataires, disant leur solidarité avec ceux qui étaient mis à mal, et leur désaccord avec une politique culturelle qui, pourtant, les mettait souvent à l’abri. Ainsi Bernard Foccroulle (Directeur du Festival international d’Aix), Paul Rondin (Directeur délégué du Festival d’Avignon), Irina Brook (Directrice du Centre National Dramatique de Nice), Jean-François Chougnet (Mucem), Alain Arnaudet (Directeur de la Friche), Jan Goossens (Festival de Marseille), Sam Stourdzé (Les Rencontres d’Arles) ou Christian Sébille (Directeur du Centre National de Création Musicale) font partie des signataires, de même que quatre des directeurs des cinq scènes nationales (Gap, Martigues, Cavaillon, le Merlan), nombre de scènes intermédiaires, des compagnies, d’artistes. De plus des réseaux ont signé collectivement : le Forum des Festivals de Cinéma PACA, l’Association des Auteurs-Réalisateurs du Sud Est, le PAM (Pôle de coopération des Acteurs de la filière Musicale en Région ProvenceAlpes-Côte d’Azur), la Réplique (Centre de ressources des métiers de l’acteur)... Et si des représentants des syndicats sont présents, c’est à titre personnel, ou au nom de leur structure : il ne s’agit pas de défendre des intérêts particuliers ou ceux d’une profession, mais d’affirmer que, conformément aux promesses qui leur avaient été faites, ils veulent co-construire la politique culturelle régionale, parce qu’ils en sont les experts, et que les orientations prises actuellement les inquiètent.

UNE ALLIANCE EST EN TRAIN DE NAÎTRE PARMI LES ACTEURS CULTURELS ET LES ARTISTES EN PROVENCEALPES-CÔTE D’AZUR. UN MOUVEMENT DESTINÉ À PORTER UNE PAROLE COMMUNE, EN DÉPIT DES DIFFÉRENCES, AU-DELÀ DES INTÉRÊTS PARTICULIERS DE CHACUN, VERS UNE CONSTRUCTION COMMUNE

Les Hauts de France : une co-construction efficace

Sujets d’inquiétude

Le collectif a décidé de ne pas rendre publique la lettre exprimant ses inquiétudes puisque Renaud Muselier a très vite accepté de rencontrer une délégation, a pris acte et conscience d’un certain nombre de dysfonctionnements, et a rassuré le collectif sur l’essentiel, c’est-à-dire le sentiment d’une porosité avec les idées de l’opposition d’extrême-droite dans l’assemblée régionale. Le Groupe Culture Paca est en effet revenu sur l’affaire Cogolin, ville à vendre2, s’est ouvert de son malaise face à la reprise en main des Chorégies d’Orange sans prise de distance officielle avec la mairie Ligue du Sud, ou face à l’annulation brutale de Babel Med. Il a souligné la mise en difficulté par des baisses ou des suppressions de subventions d’une série d’opérateurs qui travaillent depuis longtemps sur la Méditerranée (AFLAM, festival des cinémas arabes, Film Femmes Méditerranée, Dansem...), sur l’Afrique et les afro-descendants (Africa Fête, Afropéa, Cinéma Africain d’Apt...), sur les populations sous main de justice (Lieux Fictifs),

en difficulté sociale, ou plus généralement sur la création la plus abstraite et contemporaine. Il a réaffirmé que le secteur culturel dans son ensemble, et uni, ne saurait accepter que « l’identité régionale » devienne l’un des thèmes majeurs de la politique culturelle de la Région, du moins si cette « identité » se concentre sur le provençalisme, en niant la bigarrure. Car comment ne pas voir que ces opérateurs mis à mal sont exactement ceux que le Front national attaqueraient ? Certains gestes, comme la mention que les web-documentaires « pornographiques ou politiques » ne peuvent être financés, relèvent de la censure, d’autres pourraient s’apparenter à un racisme plus ou moins conscient... Le contexte européen d’alliance des partis d’extrême droite, qui leur permet d’exercer le pouvoir, n’est pas fait pour rassurer quant à cette porosité possible entre la Droite républicaine et l’Extrême qui ne l’est pas !


Entendre, construire

Renaud Muselier, qui a demandé à recevoir une délégation dès qu’il a appris l’existence et les termes de la lettre, a immédiatement rassuré quant à sa distance, intime, sans hésitation, avec toute pensée d’Extrême-droite, et avec tout début d’idée d’alliance. Attentif à la Méditerranée depuis toujours, il a pris acte des difficultés des petits opérateurs qui travaillent sur ce terrain depuis longtemps, a informé qu’un temps fort méditerranéen allait renaître à l’automne, a entendu la volonté du secteur culturel dans son ensemble d’être écouté, consulté, pour « coconstruire » la politique culturelle régionale dont ils sont les experts, et qui sans eux se bâtit sans finesse. Il a rassuré, compris, promis des changements sur les points évoqués. Reste donc à présent au Groupe Culture Paca à se structurer pour faire des propositions constructives. La remarquable solidarité des acteurs culturels d’envergure, grands festivals et maisons nationales, avec les maisons plus modestes et avec les artistes et compagnies, est de bon augure : ce sont eux qui ont d’abord tiré le signal d’alarme, persuadés qu’il ne saurait y avoir de politique culturelle sans un tissu culturel divers, associatif, sans maillage du territoire, sans médiation, et sans un soutien volontariste à la création. L’exemple de la politique culturelle entreprise dans les Hauts-de-France par Xavier Bertrand, autre président de Région élu grâce à un front républicain contre la famille Le Pen, est dans toutes les têtes : une véritable conférence régionale des Arts et de la Culture, formée de collèges représentatifs, a été mise en place, des mesures concrètes ont été prises, les acteurs culturels sont actifs dans le processus, et le budget consacré à la culture a été nettement augmenté. Le Groupe Culture Paca pourra-t-il se structurer en toute indépendance pour devenir force de proposition et organe de veille ? Et pour peser aussi dans les politiques culturelles des départements et des villes, celles des Bouches-du-Rhône et de Marseille étant au moins autant contestables que celles de la Région ? L’histoire est à écrire ! AGNÈS FRESCHEL 1 Dont celle d’Agnès Freschel, rédactrice en chef, celle de Dominique Marçon, rédactrice en chef adjointe, et d’Annie Gava, responsable de la rubrique cinéma de Zibeline

Le documentaire de Pascal Lorant sur la gestion FN de la ville avait reçu un avis favorable de financement par le Comité d’expert de la région. Il n’a pas été présenté au vote à l’assemblée régionale 2

Si vous êtes un acteur culturel en PACA, vous pouvez rejoindre le Groupe Culture Paca en envoyant vos observations sur groupeculturepaca@gmail.com


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politique culturelle

Hors des sentiers battus

W

alk on the Wild Side s’imprime en lettres d’argent sur la couverture du livre paru chez Skira à l’occasion de l’ouverture, le 2 juin, de la Fondation Carmignac sur l’île de Porquerolles. En introduction, son président-fondateur Édouard Carmignac pose devant le tableau Level as Level de l’artiste californien Edward Ruscha dont la toile Sea of Desire signe l’exposition inaugurale. Autant de signes forts sur la Fondation Carmignac et sa collection sous influences américaines. Il est vrai que sa rencontre avec Jean-Michel Basquiat, qui en fit le portrait, et sa fréquentation de la Factory en 1984 marquèrent à jamais l’étudiant lancé dans l’aventure entrepreneuriale (Carmignac Gestion) avec, en germe, l’idée d’une collection (1993), d’une fondation d’entreprise (2000) puis du Prix Carmignac du photojournalisme (2009). Aujourd’hui, Édouard Carmignac franchit une nouvelle étape avec l’ouverture au public du site de sa Fondation dont il a confié la direction à son fils Charles.

Luxe, calme et volupté

Bâtir 2000 m2 de salles d’exposition au cœur du Parc national de Porquerolles classé et protégé était à l’évidence une gageure architecturale et environnementale ! L’atelier Barani, pour la conception, et l’agence GMAA, pour l’adaptation et le prolongement du projet, ont su contourner l’interdiction d’extension de l’ancien mas provençal de l’architecte Henri Vidal construit en 1980, en dégageant des espaces sous la surface du terrain naturel sans pour autant modifier les contours du bâti et des paysages existants. En nouant un dialogue entre nature et architecture qui privilégie la lumière zénithale par un jeu d’ouvertures et l’évocation de la Méditerranée par la création d’un plafond d’eau… Mer nourricière et symbolique qui s’immisce jusque dans ses entrailles, plus particulièrement dans le patio dont les murs épousent la pièce One Hundred Fish Fountain de Bruce Nauman comme une invitation à une immersion visuelle, sonore et ondoyante dans l’exposition temporaire. Sur les 900 œuvres de la collection, le commissaire d’exposition Dieter Buchhart a retenu 70 pièces « d’artistes en rébellion qui se répondent d’un siècle et d’un support à l’autre au long de huit chapitres » : Pop icons reloaded ; Héritage et transgression ; Abstraction et disruption ; Révolution, terreur et effondrement ; Suspense ; Fallen Angels ; Désastre ; Brave new world revisited. Le tout inscrit dans l’esprit

Miquel Barcelo - Alycastre - 2018 © Marc Domage

du roman d’anticipation d’Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes, écrit en 1931 non loin de là, à Sanary-sur-Mer. Le voyage « on the Wild Side » débute près de l’imposant bronze de Miquel Barceló, Alycastre, inspiré du dragon légendaire de Porquerolles, se clôt à l’orée de la pinède avec Sea of Desire pour se prolonger, à l’envi, dans le jardin paysager de 15 hectares, terre d’élection pour Jeppe Hein, Olaf Breuning, Jaume Plensa, Ugo Rondinone… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Sea of Desire Jusqu’au 4 novembre Fondation Carmignac, Porquerolles 04 89 29 19 73 fondationcarmignac.com


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La fin de l’Hydre DEUX CODIRECTEURS DU BALLET NATIONAL DE MARSEILLE, à deux têtes LES QUI SONT ÉGALEMENT CODIRECTEURS D’ICK À AMSTERDAM, NE SONT PAS RECONDUITS À LA TÊTE DÉDOUBLÉE D’UNE INSTITUTION COUPÉE EN DEUX. SANS SURPRISE...

L

e contrat depuis le départ était étrange : pourquoi en 2014 l’État et la Ville de Marseille, suivis du bout des lèvres par la Région, ont-ils accepté que Pieter C. Scholten et Emio Greco prennent la tête du deuxième Ballet National de France (en termes de financements, et très loin derrière Paris) sans quitter la direction ICK, et en restant à Amsterdam ? La synergie promise par les chorégraphes n’a pas eu lieu, sinon qu’on a vu les tournées du BNM se raréfier, les femmes ne pas danser pendant la première année, les danseurs d’ICK invités en vedette et ceux du BNM placés, au sens propre, dans leurs pas... Le calendrier des tournées est resté très maigre, la seule pièce tournant vraiment étant Tetris, une petite forme

jeune public d’Erik Kaiel, et la dernière création Kindertotenlieder, reposant sur la Maîtrise des Bouches-du-Rhône, c’est-à-dire un chœur d’enfants, accompagnée par instants de 6 danseurs. Les relations au cœur du Ballet sont tendues, faites de frustrations, de rancœurs et de malentendus, et la non reconduction des deux directeurs vient mettre un terme à une période difficile. Mais de quoi serat-elle suivie ? Il faut aujourd’hui trouver un successeur, bâtir un nouveau projet, retrou-

ver des forces. Il est question de privilégier un projet pour le jeune public. Il s’agirait surtout de nommer un directeur qui puisse faire danser un ballet, c’est-à-dire un groupe d’une vingtaine de danseurs d’une haute technicité, qui ont besoin d’estime, de répéter dans le calme, et de danser, sur scène, souvent. Les carrières sont courtes et rien n’est pire pour un danseur que de ne pas danser : il y perd sa technique, son enthousiasme, sa créativité. Mais la question des Ballets Nationaux ne se réduit pas au BNM : leur forme correspond-elle aujourd’hui au désir des chorégraphes ? Faut-il la repenser, ou trouver des directeurs capables de s’y adapter ? Aux tutelles de répondre, à Marseille il n’ont que quelques mois pour résoudre le problème... AGNÈS FRESCHEL

© Marian Adreani

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conception graphique : Alice Chireux • illustration : Ji Dahai

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18 • 27 JUILLET 2018

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10 politique culturelle

Chercheurs sous surveillance

PRESSIONS POLITIQUES OU ÉCONOMIQUES, CENSURES ET AUTOCENSURES INHIBENT LES SCIENCES HUMAINES. LES CHERCHEURS FONT UN ÉTAT DES LIEUX

S

ciences Po Aix et la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme accueillaient les 17 et 18 mai un colloque intitulé Terrains et chercheurs sous surveillance. Pour Philippe Aldrin, qui l’a introduit, « le nombre des propositions reçues signale l’importance de la question soulevée ». Fatiha-Amal Abbassi menait une enquête ethnographique en Égypte : elle a vu ses témoins arrêtés, assassinés ou exilés, elle-même étant suspectée. Mais travailler en France ne met pas à l’abri des difficultés. Lise Foisneau a été expulsée de l’aire d’accueil des gens du voyage où elle exerçait, par décision administrative. Aude Signoles et Fatiha Kaouès, qui étudient le champ de l’humanitaire islamique pour le compte du ministère de l’Intérieur, admettent le risque d’un usage discriminant de leurs données. D’autres ont des financements privés, avec tous les problèmes éthiques qui vont de pair ; certains parlent d’ailleurs de « sociologie embarquée », comme il y a une presse embarquée. Pierre Fournier évoque les difficultés rencontrées pour approcher l’industrie nucléaire, dont l’opacité peut -sans blague !- être « qualifiée d’anti-démocratique ». Laurent Muccchielli, les cohortes d’avocats qui défendent la délinquance en col blanc, ou le statut protecteur des élus, prévenant l’étude de leurs malversations.

Tous sous contrôle

Ce colloque était l’occasion, pour les scientifiques dispersés dans leurs laboratoires ou sur le terrain, de réaliser l’ampleur des pressions auxquelles leur profession est soumise. D’après Frédéric Neyrat « Ne sont pas seulement menacés ceux qui travaillent sur des sujets sensibles, mais sur des problématiques « triviales » : les institutions ont une volonté de contrôler leur image, y compris le ministère de l’Éducation nationale ! » Historiens, géographes, professeurs de Sciences politiques, anthropologues... même les juristes peuvent être exposés à des procédures-bâillons s’ils touchent de trop près au droit des affaires. Parfois, ce sont les tutelles universitaires qui défendent insuffisamment la liberté académique de leurs chercheurs, voire leur mettent elles-mêmes des bâtons dans les roues. Un objectif de rentabilité est rarement propice aux coudées franches !

Le nerf de la guerre

Depuis l’instauration de l’état d’urgence et les lois de sécurité intérieure, l’argent va aux projets étudiant la radicalisation. En 2016, le CNRS a lancé un appel à proposition sur les attentats, « massivement suivi ». Pour Montassir Sakhi, l’Université est « la main gauche de l’État », qui lui fournit les outils intellectuels de sa politique sécuritaire. À cela le sociologue Vincent Geisser répond : « Nous sommes dans un champ marginalisé, déconsidéré. La radicalisation a donné à certains la possibilité de revaloriser leur métier, par une médiatisation exacerbée. La plupart ne collaborent pas à l’appareil d’État pour des raisons idéologiques, mais pour exister ». Lui invite à « l’abstinence scientifique ». Et avoue avoir, depuis 10 ans, des difficultés à faire travailler ses étudiants « sur des sujets normaux » : ils n’ont pas la vocation d’enseignant-chercheur. « Avant 2011 personne ne voulait aller en Tunisie, c’était trop tranquille, mais avec les printemps arabes, elle est devenue attractive ».

S’autonomiser

Certains se mettent à rêver tout haut de pouvoir protéger légalement leurs sources, comme c’est le cas des journalistes (jusqu’à quand ?), de l’équivalent d’une Loi Sapin II qui les protégerait eux-mêmes comme elle le fait -mollement- pour les lanceurs d’alerte, de prendre le temps du recul, de publier ou ne pas publier en leur âme et conscience... Autant de pistes qui pour Sylvain Laurens, Maître de conférences à l’EHESS, maintiendraient l’autonomie du savoir face au pouvoir politique et économique. « Des colloques de ce type, il faudrait en faire plus souvent ! » se congratulaient les présents, à Aixen-Provence. Certes, ne serait-ce qu’en raison de leur capacité à assumer leurs propres fragilités et contradictions. Avoir la possibilité de se remettre en question est une grande force. Ceux qui instrumentalisent la recherche feraient bien de s’en inspirer. GAËLLE CLOAREC

© X-DR

Le colloque Terrains et chercheurs sous surveillance s’est tenu les 17 et 18 mai à Sciences Po et à la Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme, à Aix-en-Provence


S A I S O N 2 018 –19 AIX–MARSEILLE

AUX ARTISTES

ANGELIN PREL JOCAJ • ISABELLE ADJANI ORC H ESTRE NATIONAL DE FR ANC E • STOM P J U L I E F U C H S • M A N U PAY E T • G R E G O R Y P O R T E R CIRQUE ELOIZE • PHILIPPE TORRETON • MELANIE DOUTEY

BAT S H E VA

DANCE

COMPANY

GYM N A S E

J E U D E PAU M E

BERNARDINES

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FRANÇOIS

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12 politique culturelle

Un lieu à défendre AU CŒUR DE LA CRISE DE L’ASILE ET EN PROIE À DES DIFFICULTÉS FINANCIÈRES, LA MJC-CENTRE SOCIAL DE BRIANÇON (MJC-CS) NE DOIT PAS FERMER SES PORTES

C

réée en 1965 par une vingtaine de briançonnais, la Maison des Jeunes et de la Culture fêtait en 2015 ses cinquante ans, forte d’un engagement citoyen exceptionnel. Progressivement la MJC, à la croisée du lien social et de la culture, a multiplié les missions : centre social et familial, elle a créé l’Eden Studio dédié au cinéma art et essai, l’Espace Babylone (aujourd’hui La Face B) à la musique actuelle, la Galerie du 35 à l’art, le Pôle Jeunesse et Zanzibar à l’animation du jeune public. En outre, depuis 2003, elle est le lieu d’accueil des personnes étrangères du département des Hautes-Alpes. Depuis le démantèlement de Calais, cet Espace partagé solidaire est devenu CAO (Centre d’accueil et d’orientation), recevant une vingtaine de demandeurs d’asile chaque jour. Un deuxième CAO s’est ouvert en 2016-2017, mais un grand nombre de soudanais accueillis étant dublinés*, ils ont entrepris une grève de la faim qui a mobilisé les citoyens pour une grande marche vers Gap. Aujourd’hui un grand nombre de réfugiés et de personnes étrangères arrivent dans le Briançonnais par la frontière italo-française : la MJC-CS, prise entre ses missions d’accueil et d’intégration des personnes étrangères dans le cadre des actions soutenues par l’État et une réalité humaine complexe, devient un lieu stratégique au cœur d’une région en crise. Sans entrer en guerre contre l’État, la structure tente de ménager un espace où la dignité humaine, la solidarité et la démocratie demeurent des valeurs. Mais à l’heure où trois cadavres de migrants ont été retrouvés dans les Alpes, plaçant le territoire de Briançon sous les feux médiatiques, où l’afflux de migrants s’y concentre depuis que la Vallée de la Roya est sous contrôle ultra renforcé, la situation financière de la MJC-CS met en grand péril ces missions multipliées.

Le pacte républicain mis à mal

Depuis le début de l’année 2018, l’association est fragilisée. En février le conseil d’administration alertait le commissaire aux comptes et les partenaires sur ses difficultés économiques, qui pouvaient entraîner à très court terme sa disparition. Depuis, une procédure de sauvegarde a été engagée, une table ronde avec les différents partenaires sollicitée, et de nombreuses actions collectives mises en

© X-D.R.

place : rencontres avec les habitants, réflexions collectives sur le devenir d’une structure plus que nécessaire. Fin mai une réunion publique sur les nouvelles gouvernances possibles de l’association est proposée : la dynamique, collective, témoigne d’une volonté de poursuivre les missions que chaque Briançonnais, et chaque citoyen engagé, ne peut que soutenir. La situation résulte « de la conjonction de plusieurs facteurs, politiques, financiers, matériels, humains que rencontrent de nombreuses associations en France, et qui brisent le pacte républicain : les habitants ne peuvent plus mener d’action pour renforcer le vivre ensemble et la démocratie en comptant sur la solidarité nationale. Aujourd’hui l’approche sociale et culturelle à travers les prismes de la rentabilité, de la concurrence, de la sectorisation, de la raréfaction des finances publiques et la technocratie remettent en cause notre modèle de fonctionnement associatif », déplore Luc Marchello, le directeur. Au mois d’avril, suite à la diminution de subventions de l’État et du Conseil régional, face aux incertitudes des politiques publiques, il n’a d’assurances que sur la moitié du budget 2018. De son côté, le président de la Communauté de Communes du Briançonnais a tenu à réaffirmer le soutien de la CCB au projet de l’association. Il a tenu également à s’exprimer sur la question de l’accueil des migrants qui est venue impacter fortement l’activité de l’association,

considérant qu’elle subissait des « pénalités » de la part de l’État vis à vis de l’implication dans l’accueil des personnes étrangères. Le député rapporteur du budget, Joël Giraud, soutient lui aussi les démarches de la MJC-CS. Un plan de sauvegarde est lancé, des dynamiques locales se poursuivent.

Une mobilisation nécessaire

Le 1er juin, la mobilisation citoyenne a permis la fin du contrôle judiciaire des « 3 de Briançon », accusés d’avoir aidé des migrants à passer la frontière le 22 avril lors d’une marche antiraciste au col Montgenèvre. La situation de la MJC-CS nous concerne tout autant : comme toutes les zones qui tentent de résister aux aberrations libérales, c’est un lieu à défendre pour que ces espaces solidaires partagés perdurent, nous permettant de vivre ensemble. DELPHINE DIEU

* Les Migrants, selon le Règlement de Dublin, sont obligés demander l’asile dans le pays européen qui le premier a relevé leurs empreintes


festivals

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Un genre très humain La 72e édition du Festival d’Avignon s’approche au plus près des individus, de leur pensée et de leur définition d’eux-mêmes

A

vignon ne se décline pas en thèmes : lorsqu’Olivier Py et Paul Rondin choisissent de programmer un spectacle ou produisent un artiste, une création, ce n’est pas parce qu’ils correspondraient à une unité thématique, une idée, un fil rouge. C’est l’intérêt et la singularité de chaque spectacle qui prime, et ce qu’il met en jeu avec le public. Pourtant dans cette édition, une ligne se dessine, nette, un profil, autour de l’identité, transgenre ou non, de l’enfance au moment où elle prend conscience, du corps dans ses mutations, de l’histoire quand elle bouleverse la vie personnelle. Le Festival ne travaille pas sur l’air d’un temps qui se questionne, mais visiblement il est en traversé.

Au fond de soi Un fil rouge est donc la transidentité, c’est-àdire cette possibilité nouvelle, du moins dans les proportions qu’elle revêt actuellement, de changer son genre de naissance, de corriger une dysphorie, de disposer de cette liberté absolue de se transformer en celui, en celle, que l’on veut être. Une question qui interroge bien sûr la construction culturelle de la féminité et de la virilité, et qui sera au cœur du feuilleton théâtral Mesdames, Messieurs et le reste du monde, conçue par David Bobée, directeur du Centre Dramatique National de Haute Normandie, et membre actif du collectif Décoloniser les arts. Etre Noir, être femme, être trans, que signifient ces assignations, Saison sèche, Phia Ménard © Jean-Luc Beaujault pour soi, et dans le regard des autres ? Saison sèche, la nouvelle création de Phia Ménard, et Trans (Més Enllà), de Didier Ruiz, par la danse et l’in- que le cabaret de Monsieur K (Jérôme Marin) chantera plutôt le discipline pour l’une, le témoignage pour l’autre, aborderont aussi la travestissement. représentation non binaire du genre, que Vanasay Khamphommala, L’interrogation sur l’identité individuelle, l’Ipséité et le Dasein diraient musicien et chanteuse (Sujet à vifs) incarnera également, tandis les philosophes, passe aussi par des voyages archaïques. Thyeste


14 festivals de Sénèque, c’est-à-dire l’adultère, la vengeance fratricide, l’infanticide, mis en scène par Thomas Jolly ouvrira le Festival dans la Cour du Palais des Papes. Tragique aussi l’Antigone de Sophocle, mise en scène par Olivier Py avec les détenus du Pontet : la voix de la jeune fille, son opposition à un pouvoir arbitraire, incarnées par un homme et travaillées dans un univers carcéral, vibrent d’une façon particulière... qui a aussi inspiré le Pur Présent à Olivier Py, une trilogie nourrie d’Eschyle et reposant sur les instants fulgurants de bascule tragique. Tragique encore, fatal, archaïque, mais passé au filtre binaire du choix classique et de la possibilité d’expiation, Iphigénie de Racine, mis en scène par Chloé Dabert.

Danse

Théâtre Quelques spectacles à ne pas manquer ? Arctique d’Anne-Cécile Vandalem, qui ose écrire, mettre en scène et jouer une histoire à rebondissements glaçants ; Ivo Van Hove bien sûr, qui dramatise et met en scène De Dingen, die Voorbijgaan (Vieilles choses et temps qui passe) un roman familial naturaliste de Louis Couperus (en néerlandais surtitré) ; la grande saga trilogie de Julien Gosselin à partir des textes du romancier américains Don DeLillo, qui cette année ne durera que 8 heures ; un Tartuffe rock et baroque en lithuanien par Oskaras Koršunovas ; Le

Grand Théâtre d’Oklahoma à partir des derniers écrits de Kafka, dont se sont emparés les acteurs handicapés de la troupe Catalyse, mis en scène par Madeleine Louarn et Jean-François Auguste. Et Ahmed revient, où Didier Galas reprend le personnage d’Alain Badiou, et le fait tourner, en accès libre, dans les collèges, les hôpitaux et les salles des fêtes du Grand Avignon, pour une « décentralisation des 3 kilomètres » chère à Olivier Py.

D’ici, notre ailleurs

De Dingen die Voorbijgaan, Ivo van Hove © Jan Versweyveld

La programmation de danse est particulièrement passionnante, sans doute parce que le corps est aussi une voix archaïque, où la conscience se fait jour. C’est Emanuel Gat qui succèdera à Thomas Joly dans la Cour, pour une Story Water où le chorégraphe, qui est aussi un compositeur forcené, répondra à Boulez, faisant dialoguer ses danseurs avec l’Ensemble Modern... On retrouvera aussi Sasha Waltz à la Fabrica, l’incroyable et si émouvant Raimund Hoghe, Rocio Molina et son flamenco qui n’en est plus (ou justement est-ce cela ?), Ali Chahrour et son travail lyrique sur la masculinité orientale, tous les programmes des Sujets à vifs, et pour la première fois Les Hivernales qui font leur entrée dans le « In », avec Ben & Luc de Mickaël Phelippeau, et un solo de Jan Martens (voir p 26).

On notera que le Festival produit et programme plusieurs artistes de la région, qui parlent justement de sa capacité d’accueil : Mickaël Phelippeau, artiste associé au Merlan, et son double portrait de Burkinabés : Gurshad Shaheman, formé à l’Erac et produit par les Bancs publics, pour un oratorio composé à partir de paroles d’exilés, Il pourra toujours dire que c’est pour l’amour du prophète ; et le délicieux collectif Ildi ! Eldi qui dans OVNI(S), et dans un tout autre registre, nous parlera de notre fantasme d’extraterrestres.

Et tout le reste ! Ce sont 45 spectacles, dont 36 créations, qui sont programmés. Avec de la musique, avec Ici-Bas qui clôturera le Festival dans la Cour, sur des mélodies de Fauré interprétées par une impressionnante brochette de stars de la chanson (Dominique A, Philippe Katerine, Jeanne Added, Camille...). Et des propositions jeune public, pour que les


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Le Festival en chiffres Budget Avec un budget de 12,8 millions d’euros, le Festival semble bien doté par les collectivités. Un constat à nuancer : 44% de ce budget sont des recettes propres (billetterie, productions), et 56% des subventions. Soit 7,3 millions d’euros, répartis entre l’État (4 millions, soit 31% du budget), la Ville d’Avignon (1 million, soit 8% du budget), la Communauté d’Agglomération du Grand Avignon (1 million, soit 8% du budget), la Région (800 000 euros soit 6% du budget) et le Département de Vaucluse (650 000 euros, soit 5% du budget). En 2017 plus de 150 000 billets ont été délivrés, dont 110 000 payants, ce qui porte à 48 euros par place l’aide publique apportée au Festival. Une moyenne nettement inférieure aux établissements dramatiques nationaux (110 euros en 2014) et sans comparaison avec les dépenses pour les spectateurs d’art lyrique. Un constat qu’Olivier Py dresse chaque année, déplorant de ne pouvoir prolonger les 3 semaines du Festival de quelques jours, ou ouvrir un autre lieu, afin de délivrer les 20 000 places supplémentaires que les spectateurs réclament.

Tartiufas-Tarfuffe, Oskaras Korsunovas © D. Matvejev

enfants, et leurs parents, viennent un peu au Festival (voir encadré) : Au delà de la forêt, le monde, un conte initiatique qui parle du parcours d’exilé Afghans (mise en scène Inês Barahona et Miguel Fragata) ; Léonie et Noélie, un texte étrange sur la gémellité de Nathalie Papin mis en scène par Karelle Prugnaud. Et au festival d’Avignon on lit aussi ! On écoute le cycle de l’Adami (Ecrits d’acteurs) ou celui de RFI (Ça va ça va le Monde) au Jardin de Mons, la Correspondance de Camus et Casarès, Sami Frey ou Serge Valletti au Jardin de Calvet. On s’attarde à l’exposition Jeanne Moreau une vie de Théâtre (Maison Jean Vilar, voir p 16), à la Nef des Images, au cinéma avec Arte qui propose en accès libre une passionnante Collection de films de théâtre. Et puis, presque aussi difficile d’accès parfois que le feuilleton théâtral de l’été, où le public fait la queue puis s’agglutine, et repart bredouille pour une large part, les Ateliers de la pensée à Louis Pasteur. On y refait le monde, le théâtre, parce que l’un ne va pas sans l’autre et que le verbe, toujours, précède les créations et les genèses. Le programme est, cette année encore, passionnant. AGNÈS FRESCHEL

Spectateurs Car il n’est pas facile d’avoir des places à Avignon pour certains spectacles. Cette année encore, à l’ouverture des réservations pour les Avignonnais, certains ont dormi à la porte du Cloître Saint Louis, pour être sûrs d’avoir des places. Le Centre Norbert Elias (Université d’Avignon) a produit une enquête précise sur le public de l’édition 2017, riche d’enseignements : il est composé de 60% de femmes, les jeunes de moins de 30 ans y sont bien représentés (19%) ainsi que les 56/65 ans (25%), alors que les 36/45 ans sont, proportionnellement, les moins représentés. Leur point commun ? ils ne sont pas (encore) parents, ou parents d’enfants adultes. Les parents d’enfants de moins de 20 ans représentent moins de 15% des festivaliers (pour 37% des Français adultes). Si les festivaliers fidèles sont très présents (13% des 56/65 ans ont participé à plus de 25 éditions !), les primo festivaliers se retrouvent dans toutes les catégories d’âge. Les diplômés de l’enseignement supérieur sont plus nombreux que dans l’ensemble de la population, mais près de 10% des festivaliers sont ouvriers ou employés. Quant à leur provenance géographique, elle est stable depuis des années : 10% de spectateurs internationaux, 31% de spectateurs des départements voisins (dont la moitié des Bouches-du-Rhône et de Vaucluse), entre 9 et 11% de Franciliens, entre 28 et 30% de Français d’autres départements. Le point commun le plus notable de tous ces spectateurs ? Ils sont beaucoup plus nombreux que la moyenne des Français à avoir reçu, durant leur scolarité, un enseignement artistique, à avoir rencontré des artistes, à pratiquer un art. A.F.

L’édition 2018 47 spectacles, dont 8 Sujets à vif 35 créations dont 26 sont produites ou coproduites par le Festival d’Avignon 50 % de théâtre, 50% de la danse, de musique ou d’ « indiscipline » 50 d’artistes primo invités, 50% qui reviennent

Festival d’Avignon 6 au 24 juillet festival-avignon.com

50% de spectacles français, 50 % de spectacles étrangers 55% de spectacles signés par des hommes, 45% par des femmes


16 festivals

Cet été on reste à la Maison ! Le nouvel élan amorcé l’été dernier à la Maison Jean Vilar se confirme avec une multitude de propositions dans un bâtiment rénové

I

l est là, il est retrouvé, revenu, le mobile de Calder, star de la Maison Jean Vilar. Créé par le plasticien comme élément de décor de la pièce Nucléa d’Henri Pichette en 1952 (mise en scène par Jean Vilar au TNP), il trône au plafond du hall tout beau tout neuf, cloisons abattues, couleurs rouge et bleu, signature du graphiste Jacno qui élabora toute la signalétique des débuts du Festival d’Avignon, volumes spacieux : un véritable saut dans le contemporain, doublé d’un retour aux sources affirmé, belle entrée en matière pour ce lieu dévolu à la mémoire et la transmission du théâtre populaire. Nouvel espace, nouveau projet, salué par les discours de Cécile Helle, maire d’Avignon, Olivier Py, directeur du Festival d’Avignon, et Michel Bissière, conseiller régional, lors de l’inauguration de l’exposition Cabu, le théâtre à main levée (jusqu’au 21 décembre).

Des histoires à vivre Les 34 croquis du dessinateur de presse proposent de suivre Cabu dans les coulisses de sa passion pour le théâtre. Il s’y rendait plusieurs fois par semaine depuis les années 60, pour ses articles politiques (Canard enchaîné), critiques (Hara Kiri et Charlie Hebdo), illustratifs (Le Figaro), ou tout simplement... pour le plaisir. Son regard était acerbe et amoureux. Il attrapait un rictus, une série de chapeaux posés sur des collets montés de spectatrices, ou Ariane Mnouchkine, reconnaissable « parmi les spectateurs qui évoluent au milieu des tréteaux, surveillant ses comédiens ». Dans le noir des représentations et au fil des années, le trait s’épure et s’émancipe, le théâtre se libère aussi : les dessins nous racontent une certaine histoire de la scène et du public. Le 11 juillet, l’Histoire cognera encore à l’Hôtel de Crochans, qui propose une rencontre autour de « L’été 1968 et nous », pour une mise en perspective des remous qui avaient bouleversé le Festival de l’été 68 et de leurs résonances, résurgences, dans nos pratiques théâtrales aujourd’hui. (Antoine de Baecque, Denis Guénoun, Didier Ruiz,...). Le 12 juillet, une journée d’hommage à Jack Ralite devrait nous rappeler comment, entre défense de la création et souci de partage, le ministre communiste de la santé sut réinventer l’idée même d’une politique culturelle.

Jeanne Moreau dans le Prince de Hombourg © A. Varda

Affiches, pages et ondes

Dames d’Avignon

Olivier Py nous dira Une Histoire du Festival d’Avignon en 72 affiches (8, 15 et 23 juillet). Au rythme d’une image par an, les affiches élaborent la légende de chaque été avignonnais, les tendances, les évolutions des canons théâtraux. Une histoire qu’Olivier Py décryptera sur scène. Des rencontres autour « Des auteurs et des livres » dans la Librairie du Festival, installée cette année au rez-de-chaussée du bâtiment (13, 14, 15, 16 juillet), animés par Raphaël Baptiste de la radio L’Écho des planches, chaque fois autour d’un thème (Théâtre de la cruauté, Théâtre et prison, Théâtre et féminisme...) L’ADAMI s’invite aussi à la Maison : pour la 5e année, la société gestionnaire des droits des artistes interprètes propose à un metteur en scène de créer un spectacle original avec dix jeunes comédiens sélectionnés dans le cadre du dispositif « Talents Adami ». En 2018, Samuel Achache relève le défi et réalise l’adaptation radiophonique d’une pièce créée à l’automne 2017, inspirée de la nouvelle fantastique d’Edgar Allan Poe, La Chute de la maison Usher (répétitions publiques les 22 et 23 juillet).

Hommage sera rendu à Sonia Debeauvais, collaboratrice de Jean Vilar, « reine-ouvrière d’Avignon et de Chaillot » (10 juillet, avec les témoignages de Jacques Nerson, Jacques Tephany, Jean-François Perrier...). L’événement estival de la Maison Jean Vilar sera l’exposition consacrée à celle qui fit vibrer le cœur des festivaliers depuis sa première édition : Je suis vous tous qui m’écoutez, Jeanne Moreau une vie de théâtre. Des débuts avec Jean Vilar, jusqu’à 2011 avec Etienne Daho, Jeanne Moreau a habité le Festival. Présence forte, sensuelle, déterminée – féminine. Laure Adler assure le commissariat de ce parcours immersif (scénographie Nathalie Crinière), qui débute dans la loge de la comédienne, nous emmène sur la scène du Palais des Papes, au son de sa voix qui se raconte et nous emporte. ANNA ZISMAN

Maison Jean Vilar, Avignon 04 90 86 59 64 maisonjeanvilar.org


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#BalanceTonOff En avril Zibeline lançait une enquête auprès des compagnies sur les abus de certaines salles du Off. Trois mois et 326 réponses plus tard, les résultats sont contrastés, et plutôt positifs !

L

e Off se porte bien, dans un paysage théâtral en souffrance ! La plupart des théâtres, producteurs des spectacles ou loueurs de salles, sont salués par les compagnies comme étant de véritables compagnons, attentifs à ce qu’ils programment, accompagnant la diffusion et offrant une véritable vitrine à des spectacles qu’ils ont choisis. Ce sont certains lieux permanents (voir Zib’ 117), mais pas seulement. L’esprit de service public les anime, et l’amour du théâtre. Depuis que Pierre Beyffete est arrivé à la tête d’AF&C, une charte des bonnes pratiques s’est élaborée, et les compagnies se sont récemment regroupées pour se défendre au sein de l’Association Les Sentinelles. L’opacité ne règne plus tout à fait, même si l’on craint que le dévoilement des abus éloigne le public de certaines salles aux pratiques douteuses. Car elles existent, peu nombreuses, transformant le Off historiquement libertaire en un marché libéral au mieux, une véritable exploitation des artistes au pire. Et défigurant pour certaines les rues d’Avignon.

Agressivité commerciale Le premier problème évoqué par les compagnies est le comportement de certains entreprises de spectacle débarquées plus ou moins récemment dans le Off : Le Palace, « Théâtre d’humour », avec ses « 5 salles climatisées » affichant chacune 8 créneaux au moins (Ma maîtresse en maillot de bain, Ma sœur est un boulet, Les hommes se cachent pour mentir, Sensiblement viril...) occupe le bas de la rue principale d’Avignon, ayant privé la ville d’un cinéma de 5 salles pour un théâtre prétendument permanent mais fermé 320 jours par an : les poncifs de ses affiches surplombent des mois durant ses grandes portes closes. Un peu plus loin Le Paris, avec ses deux salles destinées à la comédie « vue à la télé » (Les

© De.M

Chevaliers du fiel, Marianne James, Élie Semoun...), affiche depuis des années son ambition : il s’agit d’exporter le « spectacle » parisien, sans se donner d’ailleurs l’alibi du théâtre. Pourquoi pas ? Mais ces entreprises privées bénéficient et abusent des dérogations accordées quant à l’occupation de l’espace

public pendant le Off (affichage, parades...). Leurs parades, sonorisées, motorisées, sont ressenties comme agressives, ils inondent tous les lieux de flyers, installent des kakemonos sur la place de l’Horloge, recouvrent et arrachent les affiches, s’arrogent des exclusivités dans la rue de la République... et parviennent à suite p.18


18 festivals

Subventionnées

Non Subventionnées

A eu des relations tendues avec le théâtre

35%

77%

A eu moins de 30 mn avec le créneau suivant ou précédent

57%

82%

La billetterie a été prise en charge par le théâtre (sans supplément)

84%

35%

La communication a été prise en charge partiellement

84%

35%

La technique a été prise en charge partiellement

100%

92%

32%

3%

19%

22%

A loué un créneau à moins de 100 euros le siège

34%

44%

A loué un créneau à plus de 100 euros le siège

15%

31%

A perdu de l’argent

100%

100%

N’a pas vendu de représentations ultérieures

48%

51%

En a vendu moins de 10

30%

22%

En a vendu plus de 10

22%

27%

A eu l’impression d’être choisi pour des raisons artistiques

64%

42%

A eu l’impression d’être choisi pour remplir un créneau

36%

58%

Reviendra faire le Off

63%

92%

Non : trop d’argent perdu

37%

8%

Oui, c’est une vitrine incontournable pour les programmateurs

10%

72%

Oui, c’est le meilleur moyen d’avoir du public

2%

8%

Oui, pour le plaisir de jouer tous les jours

51%

12%

Conditions techniques

Conditions financières A été accueilli en coréalisation (partage des recettes) sans minimum garanti A été accueilli en coréalisation avec minimum garanti (versé si les recettes sont insuffisantes)

Retombées

occuper le terrain médiatique (Forum Fnac, télés...), du moins celui qui ne cherche pas plus loin que son audience immédiate. Un metteur en scène qui travaille sur Dubillard explique ainsi le préjudice qu’il ressent : « Ces théâtres ont introduit le réflexe de la consommation comique dans un festival où le rire était subversif et poétique. Ils fonctionnent sur la dérision, l’avilissement de l’autre, la traque du comique et du ridicule chez le voisin, le partenaire sexuel, le collègue de bureau (...). Il devient de plus en plus difficile de défendre une autre comédie, on n’est pas à armes égales ! »

Insécurité et inconfort L’autre problème évoqué massivement dans les réponses au questionnaire est celui de l’inconfort, voire de l’insécurité des conditions de représentations dans certains lieux. Au Théâtre de l’Ange il faut ranger le décor après le spectacle dans une camionnette commune, et le ramener et le réinstaller chaque jour. Au Laurette, il se range dans la ruelle à coté, et il n’y a pas de loges, pas de coulisse, comme à la Tâche d’encre : il faut arriver costumé et maquillé. Au Théâtre des Remparts il faut passer par la scène pour aller aux toilettes, à L’Atypic ou à L’Essaïon se contenter de 5 ou 10 minutes entre les spectacles. Pour évacuer un public qui applaudit encore, faire entrer les spectateurs qui suivent et... changer d’équipe et de décor dans le même temps.

Plus grave encore : alors que la commission de sécurité qui accorde le label ERP (établissement recevant du public) est plutôt tatillonne, exigeant une trappe anti-attentat sur le toit des nouveaux bâtiments, des rampes d’évacuation pour les sorties de secours, de coûteuses peintures anti-incendie... certains « théâtres » semblent échapper à tout contrôle, soit qu’ils ne sont pas visités parce qu’ils ne demandent pas d’autorisation, soit parce qu’ils changent la disposition des lieux après le passage de la commission de contrôle, plaçant matériel et décor devant les portes de secours, rajoutant des sièges pour augmenter


19 la jauge, bouchant les aérations pour éviter le bruit de la rue trop proche... Le Théâtre du Centre ou le Théâtre du Rempart semblent, d’après les réponses concordantes de plusieurs compagnies, familiers de ce genre de pratiques...

Dépouillement des questionnaires Au-delà des témoignages spontanés que nous avons reçus, 326 compagnies ont répondu au questionnaire #BalanceTonOff : malgré leur nombre elles ne sont pas représentatives de ce qui s’y passe. D’une part parce que ce sont sans doute celles qui ont été le plus maltraitées qui ont répondu, d’autre part parce que le questionnaire, relayé par Zibeline dans le Sud Est, et par Les Sentinelles à Paris, a intéressé essentiellement les compagnies de PACA (113 réponses) et d’Île de France (134 réponses), « échantillon » particulier donc, même si des Belges, quelques Suisses, des Bretons et des Limougeauds ont répondu… Le mode de diffusion du questionnaire a aussi impacté sur la nature des réponses apportées : ce sont plutôt des compagnies subventionnées qui ont répondu en PACA (57 sur 113, certaines répondant plusieurs fois puisqu’elles ont « fait le off » plusieurs fois), et non subventionnées en Île de France (93 sur 134). Les différences sont notables : les compagnies subventionnées, mais aussi les compagnies de PACA, sont accueillies dans de meilleures conditions, des salles plus grandes qui prennent en charge la billetterie, la communication... Elles payent moins cher, bénéficient parfois de coréalisations, ont l’impression d’être choisies pour des raisons artistiques, et sont plus nombreuses à déclarer avoir vendu des représentations ultérieures. Paradoxalement, ce sont aussi elles qui déclarent ne pas vouloir revenir à Avignon, y ayant perdu trop d’argent. Sans doute parce que, pour le circuit subventionné, il existe encore d’autres « vitrines » pour donner à voir ses créations... Les petites compagnies, d’1 ou 2 artistes et 1 technicien, jouent souvent dans des salles de moins de 50 places, font leur billetterie, tractent, paradent, prennent les réservations elles-mêmes, se disputent avec les théâtres qui les programment, et se séparent parfois à l’issue de l’expérience. Les tensions sont nombreuses, et les retombées très diverses. Mais articles de presse et augmentation de la notoriété sont souvent à la clef, et les programmateurs font aussi leur marché dans les petits lieux, auprès de compagnies non subventionnées. Si la plupart d’entre elles (51%) ne vendent rien, ce sont elles qui, lorsqu’elles

rencontrent un succès, sont programmées le plus longtemps, jusqu’à 80 dates pour certains... C’est pourquoi toutes, ou presque (92%), disent qu’elles reviendront à Avignon, malgré la perte financière !

Conditions financières Car le plus marquant au fil du dépouillement fut l’unanimité parfaite des réponses : qu’elles proposent des petits ou grands spectacles, dans un théâtre permanent ou un garage d’occasion, qu’elles soient accueillies en coréalisation ou en location, qu’elles soient de la région -ce qui réduit leurs frais-, qu’elles dorment au camping, en location ou chez l’habitant, et même si elles ont rempli la salle et vendu des dates, toutes les compagnies disent avoir perdu de l’argent. Toutes payent, cher, pour pouvoir jouer. La règle qui semble s’appliquer tacitement est celle de 100 euros la place. Entendez qu’un créneau dans une salle de 38 places se loue 3800 euros comme la Salle Roquille, mais que le créneau dans une salle de 149 places comme le Théâtre des Lucioles peut monter jusqu’à 15 000 euros. Certaines sont un peu moins chères, comme le Théâtre de l’Oulle qui loue 17 000 euros sa salle de 190 places, ou Le 11 (Gilgamesh/Belleville associés depuis 2017) qui loue 15 500 euros sa salle de 200 places. Quant au Collège de la Salle, les prix pour un accueil souvent rocambolesque sont assez bas : la salle de classe louée 4000 euros accueille jusqu’à 49 spectateurs, les salles de 50 places obéissant à d’autres règles de sécurité. Pour cette même jauge très répandue de 49 places, l’Espace Alya loue ses créneaux 7500 euros, et le Théâtre du Centre 7200 euros, tout deux sans billetterie assurée, et avec une plaquette comme seul outil de communication mis à disposition. Au Girasole la salle de 148 places se loue 17 500 euros. Pourtant le « siège » le plus cher reste celui de La Manufacture, qui loue sa salle de 88 places 13 000 euros, et la Patinoire de 180 places 24 000 euros. Mais le « collectif contemporain » propose une programmation réfléchie, engagée, artistiquement passionnante et remarquablement accompagnée. Ce qui a un coût, et la Manufacture publie d’ailleurs ses comptes... Les coréalisations sont aussi très diverses. La

plupart du temps le lieu et la compagnie se partagent la recette à égalité, avec souvent un minimum garanti pour le théâtre, seuil en-deçà duquel la compagnie ne touche rien. Mais elles n’obéissent pas toutes aux mêmes règles : au Théâtr’enfants de Montclar on ne demande que 500 euros de frais, on assure la communication, la technique et la billetterie, et plus généralement on suit la création et la diffusion des spectacles. Le petit Théâtre des Barriques n’accueille que 49 spectateurs mais pratique la coréalisation 50/50 sans minimum garanti, et met à disposition deux techniciens... Pas grand chose à voir avec la coréalisation pratiquée au Théâtre de l’Alizé qui prélève 5000 euros et ne partage qu’au-delà, reversant de fait 20 à 30% seulement des recettes à la compagnie... Les délais de versement des recettes semblent d’ailleurs problématiques pour un certain nombre de compagnies accueillies en coréalisation, dont 20% disent avoir été payées après plus de 3 mois. Quelques-unes relèvent des « frais » inattendus : amendes parce que trop d’invitations au Théâtre Laurette qui prélève également 1€ par billet vendu alors qu’il loue sa salle de 49 places 6100 euros, amendes pour « dépassement d’horaires » à L’Essaïon (celui qui ne laisse que 5 à 10 minutes entre chaque créneau...), supplément pour location de projecteur supplémentaire à L’Artéphile.

Au-delà des cas contestables Mais en dehors de ces pratiques contestées, la plupart des compagnies savent que ceux qui les accueillent ont choisi leur spectacle parce qu’ils avaient envie de le défendre, de le montrer. Par passion du théâtre et, pour certaines, avec un certain esprit de service public. Que certains théâtres privés n’hésitent pas aujourd’hui à revendiquer (voir p 22), joignant leur voix à celle du Festival d’Avignon. Le vrai : celui qui produit des spectacles, paye les artistes, les loge, les nourrit, les promeut, les accueille. Et écrit une autre histoire, celle du théâtre public. AGNÈS FRESCHEL

Méthodologie Les 326 réponses au questionnaire étant anonymes, et donc invérifiables, nous publions uniquement les noms des théâtres apparaissant plusieurs fois, avec des montants et des appréciations similaires. Cet article se fonde également sur des témoignages plus complets recueillis par mail ou via le site journalzibeline. fr, dont nous avons vérifié les sources et dont nous respectons l’anonymat.


20 festivals

À Avignon, le service public de culture P

aul Rondin est le directeur délégué du Festival d’Avignon, nommé et subventionné par la puissance publique. Claire Wilmart (L’éveil artistique, scène conventionnée jeune public) et Isabelle Martin-Bridot (Les Hivernales, Centre de Développement Chorégraphique National) dirigent des structures labellisées par l’État et ont, comme Alain Timár (Théâtre des Halles) et Alain Cofino Gomez (Théâtre des Doms, théâtre de la création belge francophone), une activité à l’année, avec une programmation particulière durant le Off. Quant à Fida Mohissen (le 11 Gilgamesh Belleville) et Pascal Keiser (La Manufacture), ils proposent durant l’été une programmation remarquable de créations contemporaines, issues largement du théâtre public. Ensemble, dans une tribune cosignée, ils défendent l’idée d’un service public de la culture.

Zibeline : Pourquoi cette alliance entre des structures avignonnaise si différentes, et qu’est ce qui vous unit ? Paul Rondin : Avant tout la conscience que la politique publique recule face à la loi du marché, que quelque chose est en train de se casser. Or tous ici, malgré nos différences structurelles, nous défendons un théâtre de service public. Pascal Keiser : Nous ne sommes pas si différents. Nous programmons les mêmes artistes, qui passent du In au Off, tout comme le public, qui circule. Olivier Py, à son arrivée, a permis d’assumer ce lien entre deux festivals qui ne voulaient pas se parler jusque là.

En mai, sept directeurs avignonnais se réunissaient pour affirmer un esprit commun de service public. Rencontre avec trois d’entre eux

Vous acceptez qu’on dise In et Off ? Paul Rondin : Ah non, cela induit une sorte de parallèle entre nous. Nous sommes, historiquement, structurellement, le Festival d’Avignon, c’est-à-dire que nous produisons et coproduisons les artistes, nous les payons pour jouer, et non l’inverse. Cela n’empêche

« Le théâtre public est une chose qui se fait sérieusement, parce qu’il est un bien commun et un carrefour de redistribution de moyens publics. Lorsque ces derniers nous sont confiés, directement ou indirectement, cela nous donne une responsabilité financière et morale. Nous devons rendre des comptes, et nous les rendons bien. » Déclaration commune « Pour un service public de la culture », Avignon, mai 2018

pas de reconnaître le travail de service public accompli par certains théâtres du Off. On devrait dire des Off d’ailleurs, et qu’ils s’organisent à partir de certains critères, mais ce n’est pas à moi de le dire. Justement, quels sont ils ces critères de service public qui vous rapprochent ? Paul Keiser : Nous ne sommes pas

subventionnés directement mais accueillons des compagnies qui le sont, et nous sentons animés sinon par des missions, du moins par un esprit de service public. Au-delà du financement, nous faisons le travail, nous allons à Saint Chamand, dans les collèges, expliquer, rencontrer, nous ouvrons les plateaux, nous accompagnons les artistes vers les publics, parce que nous pensons qu’il est important que chacun ait accès à cela. Claire Wilmart : On est là pour que des artistes rencontrent des spectateurs. Pas pour développer un marché. Pourtant à la Manufacture les créneaux sont plutôt chers... Paul Keiser : Ce n’est pas le propos, nous pratiquons tous à peu près le même prix, pour programmer du théâtre public ou privé. À la Manufacture il n’y a pas de projet privé, tous sont subventionnés, tous sont des créations. Dans l’équipe on a tous un boulot à l’année et on ne gagne pas notre vie par l’exploitation du Festival. L’argent des créneaux sert à accompagner les artistes, pour la technique, la médiation des publics, la communication, le personnel... Nous ne faisons pas de bénéfices, et nos comptes sont publics. Est-ce le rapport au public qui définit un projet de service public ? Claire Wilmart : Evidemment, il s’agit d’établir une relation qui n’est pas de l’ordre de la consommation, avec des propositions qui ne sont pas de l’ordre du divertissement, mais qui permettent de libérer notre imaginaire Paul Rondin : et de « construire notre libre arbitre » comme nous l’avons écrit. Nous sommes persuadés du rôle sociétal de l’art, et qu’il est indispensable à la vie démocratique.


21

LES NUITS FLAMENCAS JESúS CARMONA MARíA PAGéS 018

Déclaration commune « Pour un service public de la culture », Avignon, mai 2018

29 JUIN

UN BREAK à MOZART 1.1 KADER ATTOU / ACCRORAP — ORCHESTRE DES ÉLYSéES

ÉTÉ

2

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL

30 JUIN

HUGH COLTMAN THE GREAT AMERICAN SONG BOOK

SCÈNE NATIONALE

CHÂTEAUVALLON AM

6 & 7 JUILLET

ALEATORIO LES BALLETS DE MONTE-CARLO

Sous la présidence de S.A.R la Princesse de Hanovre

20 & 21 JUILLET

27 & 28 JUILLET

MISE EN SCÈNE DENIS PODALYDÈS

Johan Inger

LE TRIOMPHE DE L’AMOUR MARIVAUX

Jean-Christophe Maillot

T. 04 94 22 02 02

CHâteauvallon.com

TRE

22 & 23 JUIN

« Réduire l’investissement public, croire que le privé jouera le rôle de la prise de risque, de la découverte et de l’accompagnement des jeunes talents et de la médiation des publics est une erreur grave qui met en péril 70 années de dynamisation du secteur des arts vivants par la puissance publique. »

Paul Rondin : Oui, c’est important. Dire non, avec le risque assumé de se tromper, ça ne rend pas très populaire, mais c’est nécessaire : nous invitons le public à rencontrer des spectacles, à donner de son temps et de son argent, mais surtout de sa capacité imaginaire. On ne peut lancer cette invitation que si on est convaincu que la rencontre se fera. Cet esprit là, de service public, est en recul partout : seuls les cheminots peut-être le défendent encore, ou les profs, qui font passer les intérêts du transport ou de l’éducation avant leur intérêt professionnel. N’est-il pas dépassé ? Paul Rondin : Si l’on veut que des artistes émergents puissent émerger, si l’on veut que le théâtre et l’art puissent s’adresser à tous, on ne peut pas compter sur le privé. C’est le sens exact de la déclaration commune que nous avons faite. Et tant que nos théâtres seront pleins, et ils le sont, cet esprit là sera vivant.

ÉÂ

Cette mission de service public, qu’on vous a attribuée ou que vous adoptez par conviction, ne reposerait-elle pas plutôt, ou aussi, sur les choix artistiques que vous opérez, sur l’émergence, la création, et sur des convictions esthétiques ? Claire Wilmart : Bien sûr. On a tellement pris l’habitude de justifier notre existence et nos financements par notre utilité sociale que l’on n’a plus le réflexe de ces arguments. Paul Rondin : Oui, et au fond c’est cela qui nous rapproche avant tout, l’exigence artistique, la conviction esthétique Paul Keiser : Le fait de dire à un artiste, « non tu n’es pas encore prêt, pas cette année, pas avec ce spectacle » passe bien avant le fait qu’il est prêt à louer un créneau. Ne prendre que des spectacles que nous avons envie de défendre, et pas du bout des lèvres : nous voulons les aider et les suivre dans le processus de création, de diffusion, leur donner de la visibilité, leur faire rencontrer le public quand ils sont prêts, à plusieurs étapes de leur création.

PHIT

GOLDEN DAYS ATERBALLETTO

H


22 festivals

le Off balance

Entre expansion et tensions économiques : La proposition alternative des théâtres avignonnais, balbutiante à l’été 68, réfléchit à une institutionnalisation pour éviter la précarisation ambiante

La violence des riches, Cie Vaguement Compétitifs © Georgia Robin

I

ls sont tellement vertigineux, quasi hypnotiques ces nombres, d’une année sur l’autre... Jetons-nous y d’emblée, on ne peut y résister. Le Festival Avignon Off 2018, ce sera : 1538 spectacles, 133 lieux (dont 125 théâtres), 4667 artistes. Pierre Beffeyte, président de l’association Avignon Festival et Compagnie (AF&C) les annonce l’air presque un peu las : « oui, on peut effectivement dire que c’est le plus grand théâtre du monde, mais il ne faut pas réduire le festival aux nombres »*. Et d’embrayer sur la « précarisation grandissante, criante » des artistes du Off. Depuis l’an dernier, il semble qu’il souffle un vent de prise de conscience sur les marches du Palais des Papes. Pénétrer dans la ville aux remparts a un coût, souvent de plus en plus exorbitant pour des compagnies toujours plus exsangues, venues dans le saint des saints jouer leur va-tout, quitte à se mettre définitivement en péril (voir p 17 à 21). Prenant la mesure de cette situation, les membres d’AF&C, désireux d’améliorer le statut des artistes, et probablement aussi conscients du risque qui pèse à moyen terme sur la qualité du festival lui-même, ont impulsé en 2017 une série d’actions étalées sur trois ans. Lancée le 1er juin dernier, une fondation a été créée

(sous l’égide de la fondation FACE, engagée contre toutes les formes d’exclusion). Par cette initiative, AF&C souhaite poursuivre sa réflexion autour des conditions de travail des artistes du Off et réfléchir à inventer un nouveau cadre pour encourager et développer « des pratiques saines » au sein du festival.

Les fonds collectés (auprès du public et des mécènes) permettront d’alimenter le Fonds de soutien à la professionnalisation créé par AF&C l’an dernier (80 projets soutenus en 2017 ; cette année, l’aide s’élèvera à raison de 50 € par jour et par artiste). suite p.24


Théâtre national de Marseille

La Criée 18/19

La Part du désir et des rêves...

Abonnez-vous ! Réservez ! www.theatre-lacriee.com

Photographie © Macha Makeïeff

Théâtre, Grands Textes, Créations, Expositions, Musiques, Invasions, Cinéma, Avant-Garde, Contes, Festivals, Danse, Enfance et Artistes visionnaires...


24 festivals

Faust, Collectif 8 © Maghann Stanley

communiquer, circuler L’amélioration des conditions économiques de l’ensemble du secteur passe par une refonte de la communication pour développer la fréquentation dans les salles. Une enquête sur les publics, très fouillée, a été menée l’été dernier (avec la collaboration du laboratoire Culture et Communication de l’Université d’Avignon). Alors, qui sont les festivaliers ? On apprend qu’ils sont fidèles, revenant d’une année sur l’autre, et locaux (30% viennent de la région). La durée du séjour varie entre 3 et 9 jours, pour un budget situé entre 500 et 3000 €. Ils sont 72% à avoir plus de 46 ans. Le cœur de cible se situe donc chez les jeunes et les familles, qu’il faut attirer, informer : des ateliers sont organisés pour les petits pendant les spectacles, le Pass Culture (partenariat avec la Ville d’Avignon) et le Patch Culture (avec l’Université) proposent des tarifs attractifs, le réseau universitaire va communiquer au niveau national, une synergie est impulsée avec d’autres festivals (Contre Courant, Chorégies d’Orange,...). Nouveauté 2018 encore : la carte interactive, outil majeur de développement du territoire, répertorie tous les lieux stratégiques (hébergements, parkings...) dans un rayon d’1,5 km autour d’Avignon : de quoi rassurer les festivaliers quelque peu effrayés par la difficulté d’atteindre le cœur de la cité et l’ampleur des travaux du tramway... À venir dès septembre prochain, un chantier de réflexion autour du problème du sous-titrage des pièces (en anglais) pour les vacanciers étrangers, jusqu’à présent tenus à l’écart d’une grande majorité des spectacles. Enfin, le désormais incontournable Village du Off (dans l’école Thiers) se double cette année du Village des Professionnels (dans le collège Viala voisin) : tables rondes, rencontres (dans

la volonté de développer le dialogue entre les compagnies et les lieux d’accueil, « afin d’éradiquer certains fantasmes », précise AF&C, événements, formations (dispensées par Illusion et Macadam), services (espaces de training pour les danseurs et circassiens)... Un mot d’ordre pour chapeauter l’ensemble de ces « marqueurs identitaires » du festival Off : il dure près d’une semaine de plus que le In, jusqu’au 29 juillet !

à la carte Avignon ne vit pas qu’en juillet, le théâtre habite la ville toute l’année. Suivons le fil de la programmation des salles permanentes, explorons les propositions, cohérentes et suivies, des lieux ancrés dans la vie culturelle avignonnaise –garant d’une éthique quant aux conditions d’accueil et de choix des compagnies accueillies (lire Zib’ 117). Tout nouveau, tout beau, tout spacieux, et toujours aussi gonflé de rêves poétiques et de conscience politique, citoyenne, le 11 Gilgamesh Belleville a mitonné une sélection particulièrement appétissante. Pas moins de 24 spectacles ! On y retrouve une mise en scène de Marion Guerrero (binôme historique de Marion Aubert) avec Abdelwaheb Sefsaf, qui a écrit, et interprète, Si loin, si proche, sur le chemin d’un retour rêvé « au pays ». Les aspirations des émigrés d’hier, arrivés en France dans les années 70, croisent les

drames des migrants d’aujourd’hui. Est-ce possible de revenir (en arrière) ? Un conte épique et émouvant, en musique. La nouvelle création du Collectif 8 (que Zib suit depuis ses débuts) promet d’être envoûtante. Gaële Boghossian adapte et met en scène le Faust de Goethe. Elle ne se laisse pas contaminer par la noirceur du mythe, laisse affleurer humour et irrévérence, convoquant quatre comédiens, musique électro et vidéo en live, pour une plongée captivante dans l’âme humaine. Artéphile réunit, comme chaque année, sa programmation autour d’un thème. En 2018, les 16 spectacles se relieront sous le signe de l’ « Entropie. Sommes-nous source de dysfonctionnement ou de déséquilibre ? » Grave question, sujet tant physique que philosophique, qu’il ne faudra certainement pas prendre au pied de la lettre pour apprécier Mon grand-père, texte de Valérie Mréjen (1999), mis en scène par Dag Jeanneret (Cie In Situ) et merveilleusement interprété par Stéphanie Marc (à lire sur journalzibeline.fr). L’auteure livre ses souvenirs familiaux dans un style faussement plat. Pas de sentimentalisme (et pourtant, la vie n’est pas simple dans cette famille des années 70, où suicides et trahisons se disputent la vedette), des phrases tellement neutres qu’elles provoquent le rire, une retenue qui interloque, et tout vole en éclat. Du Nord au Sud, récit d’une expérience s’appuie sur un travail mené en 2014 avec les lycéens de deux établissements marseillais situés aux antipodes sociaux de la ville. Il y avait eu des questions (la géographie, la frontière), des rencontres, puis un spectacle conçu avec les élèves. Wilma Lévy revient sur cette expérience, et rejoue tous les personnages. Théâtre documentaire et polyphonique, mise en scène inventive. (à lire sur journalzibeline.fr). À noter aussi les lectures de textes inédits et présentation de travaux en cours, la lecture de Pistou, récit d’adolescence de et par Amélie Chamoux, Cie Le Pas de l’oiseau. Haut lieu du Off, La Manufacture élargit encore son champ d’influence cette année, avec deux sites supplémentaires : le Château de Saint Chamand et l’École supérieure d’Art. L’offre est pléthorique, entre théâtre, danse, clown, performance, art numérique, la programmation propose 40 rendez-vous... Un festival dans le festival. Alors On n’aura pas le temps de tout dire (création, Cie L’Interlude T/O, théâtre musical, journal d’un acteur clown, ou l’inverse), mais arrêtons-nous sur la proposition de Joris Mathieu, du Théâtre Nouvelle Génération. Artefact est un spectacle sans humain, rencontre avec l’intelligence artificielle. Imprimante 3D, bras mécanique rejouant Shakespeare, suite p.26


10au22

8

Danse Cirque Théâtre Musiques Arts de la rue

CREATION

2018

Théâtre du Balcon Scène d’Avignon - Cie Serge Barbuscia AVIGNON FESTIVAL du 6 au 28 juillet 2018 relâches les 10, 17, 24 juillet

10h45

12h10

Cie Interface

Cie Philipe Person

VIVE LA VIE

ON CREATI 2018

LA MOUETTE

Conception et mis en scène d’Anton TCHEKHOV par André PIGNAT Adaptaté et mis en scène & Géraldine LONFAT par Philippe PERSON

Textes de

Hugo HORIOT & Françoise LEFÈVRE

14h

BERENICE

ON CREATI 2018

Cie Des iles du vent Moorea

de RACINE Mise en scène : Frédéric FAGE

15h40

ON CREATI 2018

ET HOP! LES GUERISSEURS Richard Martin / Théâtre Toursky

Écrit et mis en scène par RUFUS

Le Renard présente

THÉÂTRE DU BALCON 38, RUE GUILLAUME PUY - 84000 AVIGNON

CRÉATION AVIGNON 2018

20h45

ON PURGE B€B€ !

Adaptation /mise en scène

Serge BARBUSCIA

Musique originale Éric CRAVIATTO

DESSIN RAYMOND SAVIGNAC • MAQUETTE KATELL POSTIC • LICENCE 2-1051248

de Georges Feydeau

Avec Camille CARRAZ, Fabrice LEBERT et Serge BARBUSCIA

Mise en scene de Pierre Sarzacq piano [en alternance]

Claude Collet, Grégoire Baumberger mise en scène Anne-Marie Gros lumière Jacques Rouveyrollis DU 6 AU 28 JUILLET 2018

LOC : O4 90 85 00 80

Serge Barbuscia THÉÂTRE DU BALCON Cie Scène dʼAvignon du 6 au 28 juillet à 17h20 relâches les 10, 17, 24 juillet

Réservation : 04 90 85 00 80 38, rue Guillaume Puy - 84000 - Avignon - www.theatredubalcon.org

17h20

ON CREATI 2018

J’ENTRERAI DANS TON SILENCE Cie Serge Barbuscia

De Hugo HORIOT & Françoise LEFÈVRE Adapté et mis en scène par Serge BARBUSCIA

19h

ON CREATI 2018

LA SUITE FRANÇAISE

20h45

♪ Pierre Bacheviller

♪ Bertrand Cauchois

♪ Marie Dissais

♪ Louise Kervella

♪ Charles Guerand

♪ Pierre Sarzacq

Avec le soutien du Conseil Régional des Pays de la Loire, du Conseil Départemental de la Sarthe et de la ville du Mans. / Co-production : Le Carroi - la Flèche / Remerciements au Service Culturel de l’Université du Maine L’Adami, société des artistes-interprètes, gère et développe leurs droits en France et dans le monde pour une plus juste rémunération de leur talent. Elle les accompagne également par ses aides financières aux projets artistiques. La SPEDIDAM est une société de perception et de distribution qui gère les droits des artistes interprètes en matière d’enregistrement, de diffusion et de réutilisation des prestations enregistrées.

22h30

ON PURGE BÉBÉ ANNE BAQUET NBA Soprano en liberté Cie de George FEYDEAU

Cie ASK us/Théâtre du Palais Royal Cie Le Renard

d’aprés le roman d’Irène NEMIROVSKY Mise en scène : Virginie LEMOINE

Assistante: Louise Kervella Avec :

Mise en scène : Anne Marie GROS

Mise en scène : Pierre SARZACQ

Réservations : 04 90 85 00 80 38, rue Guillaume Puy - AVIGNON - www.theatredubalcon.org


26 festivals

spectateurs mués en acteurs véritables de notre monde à venir. Le Théâtre des Halles poursuit sa mission de vecteur de spectacle vivant, portée par son directeur Alain Timár, qui propose deux créations personnelles parmi les 14 pièces de la cuvée 2018 : Lettre à un soldat d’Allah, chronique d’un monde désorienté, de Karim Akouche, (avec Raouf Raïs), et Les carnets d’un acteur, d’après deux textes de Dostoïevski, où le théâtre transcende l’actualité et les conflits intérieurs. Belle quintessence d’un théâtre politique et intime, Convulsions, de Hakim Bah (Prix RFI théâtre 2016), mis en scène par Frédéric Fisbach. Le mythe des Atrides, traversé par tests ADN et demande de visas pour l’Amérique. Par L’ensemble Atopique II. Après le succès de Pompier(s), Serge Barbuscia, directeur du Théâtre du Balcon, présente sa nouvelle création, J’entrerai dans ton silence, d’après les textes de Hugo Horiot et Françoise Lefèvre. Accompagné de Camille Carraz et Fabrice Lebert, il raconte l’amour d’une mère pour son Petit Prince cannibale (Françoise Lefèvre, prix Goncourt lycéens 1990), Hugo Horiot, 30 ans aujourd’hui, auteur de Autisme, j’accuse ! en 2018, et nous rappelle qu’entre autiste et artiste, une seule lettre change... Philippe Person propose une mise en scène de La Mouette de Tchekhov adaptée dans une version réduite pour 5 personnages (création Avignon 2018). Au Théâtre des Carmes, fer de lance du Off, reprise du grand succès 2017 La violence des riches par la Cie Vaguement Compétitifs, dans une nouvelle version. Adaptée des travaux des sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, la pièce prête à rire, à s’indigner aussi. Restons vigilants et réactifs. (à lire sur journalzibeline.fr). Mikaël Chirinian s’inspire de Moby Dick dans son texte (écrit avec Oceanne Rosemarie, qui s’appelle d’ailleurs aujourd’hui Océan), qu’il interprète magnifiquement avec son double marionnette : L’Ombre de la baleine évoque les relations familiales, intimes, universelles. À signaler aussi, dans le cadre d’un partenariat exceptionnel avec le Théâtre National de Nice, deux spectacles mis en scène par Irina Brook : Point d’interrogation, texte de l’italien Stefano Massini, et La Tempête de Shakespeare.

L’Herbe de l’oubli, Cie Point Zéro © Véronique Vercheval

menu complet Le Théâtre du Chêne Noir, complice des prémisses du Off, propose 12 spectacles, dont 6 créations Avignon 2018. Des noms connus, Daniel Mesguich crée La mort (d’) Agrippine, d’un certain Cyrano de Bergerac (non, pas le personnage de Rostang, le vrai), Philippe Caubère continue sa tournée de circonstance avec Le Bac 68, et Julien Gelas met en scène son texte d’anticipation Le dernier homme (avec Paul Camus). Bienvenue en Belgique francophone dans les gradins du Théâtre des Doms, qui propose 8 spectacles de compagnies flamandes. La Musica deuxième, texte que Marguerite Duras avait repris en 1985 de son premier Musica (commande de la Radio Télévision Belge), ausculte le couple, lorsqu’il a fini de s’aimer mais cherche encore à comprendre ce qui n’a pas marché, à se rappeler les moments d’amour. L’univers de l’auteure est bien investi par la metteuse en scène Guillemette Laurent. Autre temps fort de la programmation belge, par la Cie Point Zéro. En russe, Tchernobyl signifie absinthe, joliment appelée l’Herbe de l’oubli. Les 5 comédiens marionnettistes abordent la catastrophe nucléaire avec les témoignages d’habitants proches de la zone d’exclusion, de scientifiques russes, rencontrés la compagnie. Du théâtre documentaire poétisé, mis en perspective grâce à l’utilisation virtuose des marionnettes.

On pourra s’égailler aussi du côté de la Fabrik’ Théâtre, pour L’Enfant sauvage, inspiré du film de Truffaut, texte et mise en scène de Jocelyne Valle, du Théâtre des Barriques qui présente deux spectacles de notre collaborateur Régis Vlachos (Dieu est mort. Et moi non plus je me sens pas très bien !, succès Avignon 2017, lire sur journalzibeline.fr et Cabaret Louise, création), La Tâche d’encre, où Claire Massabo met en scène Nicole Choukroun dans Jeanne... pour l’instant, (à lire sur journalzibeline.fr), et savourer un peu de danse au Théâtre Golovine, avec des bouts de choux dès 3 ans, puisque le spectacle Pierre et le Loup s’adresse à eux (Cie (1)Promptu, à lire sur journalzibeline.fr). Et ne passons pas à côté de la venue, au théâtre du Verbe fou de l’académicien René de Obaldia pour une Causerie, dont il nous assure que ce ne sera pas une conférence (il déteste). On fête cette année les 50 ans de l’été 68 à Avignon. Lui fêtera, en octobre, ses... 100 ans ! Il n’y a pas d’âge pour brûler les planches. ANNA ZISMAN

* Conférence de presse du 30 mai


27

Théâtr’enfants

Villeneuve en scène

D

ans le quartier Montclar, les enfants ont leur festival dédié pendant la grand’messe théâtrale avignonnaise. Après avoir pris note des tranches d’âges proposées pour chaque spectacle (il est expliqué que rien ne sert de courir, mieux vaut partir à point pour démarrer l’expérience de spectateur, et donc se conformer aux indications) le choix est fourni, avec un large éventail de compagnies à dominante locale. Artefact continue sa tournée avec D’un battement d’ailes et Envol (textes Catherine Verlaguet) : histoires sensibles d’individus esseulés car décalés, dans un aéroport, d’où il sera question de s’échapper vers le haut. Filles & Soie (adaptés du livre Les trois contes de Louise Duneton), où Séverine Coulon raconte le trajet d’Anne, qui à force de vouloir revêtir toutes les robes couleur de temps, ou de sirène, finira par trouver sa propre enveloppe personnelle. Hocus Pocus, inspiré du Peer Gynt de Grieg, transpose en danse ce conte initiatique (Cie Philippe Saire, sélection suisse en Avignon). Théâtre en musique aussi, avec Le chant du hamac (Macompagnie), ou exposition sonore (Archaïque sound système D, Patrick Sapin)... D’autres propositions de la Scène conventionnée pour le jeune public, fines et pertinentes, constituent ce programme qui invite à s’enrichir en famille. A.Z. Théâtr’enfants et tous publics 10 au 27 juillet Maison du théâtre pour enfants, Avignon festivaltheatrenfant.com

Contre courant

L

es compagnies publiques d’énergie continuent leur action sociale en proposant un festival « éclectique et électrique » sur l’île de la Barthelasse. Une quinzaine de spectacles sur 7 jours, voilà qui réchauffe les esprits (les membres du CCAS, mais tous les autres aussi). De la Magie mentale (Cie Raoul Lambert, Nîmes), en musique, ou en poésie. Loin de toute manipulation, sauf par les sons qui nous emportent loin dans nos perceptions physiques, ou les mots qui voyagent jusqu’aux fins fonds de nos mémoires. Tristan et Yseult (Théâtre National Populaire de Villeurbanne), reine des histoires d’amour et de folie (à partir de 8 ans). Duo dansé filial entre une mère et sa fille (mA, Satchie Noro, Yumi Rigout) : transmission au corps à corps. Magyd Cherfi présente le deuxième volet de son autobiographie, J’écris comme on se venge : « Écrire c’est comme un paracétamol, un Paris-Brest, un aller-retour pour l’endroit de ses racines. » Les batteurs de pavés (Suisse) joueront un Germinal dans la rue, et le collectif Plateforme (Lille) dans Work in regress, incarne les témoignages de 200 salariés recueillis dans le Nord et le Pas-de-Calais. Entre autres propositions à l’énergie débordante. A.Z. Contre courant 14 au 20 juillet La Barthelasse, Avignon ccas-contre-courant.org

L’absolu © Jérôme Vila

À

Villeneuve en Scène, on vient pour l’ombre offerte par les arbres multi centenaires, pour l’ambiance guinguette et chapiteaux, et aussi, oui, pour sa programmation soutenue et exigeante. 15 spectacles à découvrir dans ce havre de paix à quelques kilomètres de l’agitation avignonnaise. Robin Renucci et Les Tréteaux de France présentent La guerre des salamandres, un texte visionnaire de Karel Čapek (1936) : entre récit d’aventure et dystopie, le monde inventé par le tchèque décrit une société qui par cupidité détruit les fondements de l’humanité. Le circassien Boris Gibé (Les choses de rien) met en scène l’acte de création, un Absolu au cœur d’un immense silo, entre chute et poésie acrobatique. Conférences de poche (Cie Nokill), Òpéra Càmera (Don Giovanni par E il piano va), Camion théâtre marocain (Khoroto +, mise en scène Hamza Boulaiz), de la danse aussi, avec For Love, de Florence Bernad, où 6 frères et sœurs se partagent les meubles et souvenirs d’une maison familiale dans une chorégraphie qui tire sur le cirque, guidée par les textes d’Aurélie Namur, ou encore La Figure du baiser (Cie Pernette), un hymne à l’amour interprété par trois femmes et trois hommes, en duos, trios ou en groupe. Attardez-vous sous les lampions : il reste encore plein de choses à voir. A.Z .

Villeneuve en Scène 10 au 22 juillet Villeneuve-lez-Avignon 04 32 75 15 95 festivalvilleneuveenscene.com

F E S T I VA L D E V I O L O N C E L L E D E C A L L I A N · PAY S D E FAY E N C E

Festival Cello Fan

29 JUIN / 2 JUILLET RÉSERVATION : 04 94 39 98 40 et CELLO-FAN.COM BILLETTERIE : FNAC · FRANCE BILLET · BILLETREDUC.COM · WEEZEVENT


28 festivals

Avignon dans un tourbillon de danse

Feu, Bérengère Fournier et Samuel Faccioli © E. Carecchio

E

n février, Les Hivernales fêtait 40 années de présence dans la cité des Papes qui ont marqué la ville d’une forte identité artistique. Dans une ébullition toute aussi festive, l’été sera dense avec 10 compagnies, 90 représentations et 2 co-accueils avec le Festival d’Avignon. Un programme mené à un train d’enfer par l’alternance journalière de petites formes de 30 minutes et de spectacles de 70 minutes maximum, agrémenté de stages et de master class en collaboration avec la Collection Lambert et l’université d’Avignon et des Pays de Vaucluse, de vidéos danse projetées au cinéma Utopia La Manutention, et d’une déambulation dansée dans la ville (Souviens-toi de ta danse de Cathy Pollini). Un vent de danse soufflera non stop de 10h le matin jusqu’à 21h30 le soir qui entraînera les spectateurs dans un tourbillon de formes, d’écritures, d’explorations, de thématiques. Ceux qui en font l’expérience d’une traite sortent K.O. debout, imprégnés de toutes parts par mille et un mouvements dansés, d’autres picorent à pas comptés dans le champ ensemencé par Isabelle Martin-Bridot, sa directrice. Et la floraison 2018 tient ses promesses ! L’artiste de cirque Fanny Soriano chorégraphie deux circassiens virtuoses (Voleak Ung et Vincent Brière) dans sa dernière création Phasmes, mariage agile du

travail chorégraphique au sol et de l’espace aérien. Frank Micheletti offre à l’interprète phare de son collectif KKI, Idio Chichava, le solo Black Belt qui va a contrario des idées reçues sur l’Afrique contemporaine. Avec Feu, Bérengère Fournier et Samuel Faccioli signent une pièce de groupe où l’énergie collective est mise en question et en tension. Le chorégraphe Suisse Thomas Hauert s’aventure une fois encore sur les chemins de l’improvisation qui « incite le corps à une autre concentration » : dans Inaudible, la réaction des corps à corps projette les danseurs dans un vaste mouvement organique, comme un essaim d’abeilles ou un banc de poissons… Déjà connue du public du Festival d’Avignon avec Lanx, Obvie, Nixe, Obtus, Cindy Van Acker s’est immergée dans l’œuvre plastique de Christian Lutz pour inventer son solo Knusa / Insert coins et laisser libre cours au mouvement. Amine Boussa s’échappe des spectacles de Kader Attou (Opus 14) ou d’Andrès Marin (Yatra) pour réécrire sa

pièce de 2013, L’iniZio, infusée dans le hip hop, ses techniques pures et ses multiples inspirations. Autour de Julie Coutant et Éric Fessenmeyer, il y a une tribu, ou plutôt De(s) personne(s) qui entrent en résonance les unes avec les autres sans jamais se défaire de leur unicité. Seule en scène, la danseuse et chorégraphe Taïwanaise Ting-Ting Chang explore les notions de conscient et de subconscient et « éclaire les recoins les plus secrets de l’âme humaine ». La collaboration entre Les Hivernales et le Festival d’Avignon se poursuit cet été à travers deux propositions. Celle de Jan Martens qui recrée son solo Ode to the attempt où il se confronte avec drôlerie et ironie à ses désirs de création dans un monde régit par les nouvelles technologies. Et celle de Mickaël Phelippeau qui présente pour la première fois Ben & Luc, duo conçu comme le portrait croisé de deux danseurs Burkinabés (Ben Salaah Cissé et Luc Sanou), entre amitié, fraternité et confrontation. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Les Hivernales On (y) danse aussi l’été ! 7 au 24 juillet CDCN d’Avignon, Avignon 04 90 82 33 12 hivernales-avignon.com



30 festivals

La culture afropéenne sans frontière animera une rencontre sur ce sujet. De même que la philosophe Séverine Kodjo-Grandvaux, modératrice de la table ronde Les événements afropéens comme facteur d’estime de soi où il sera question, aussi, de mode et beauté avec le collectif Les Rosas, le salon Boucles d’Ebène et Ethnofashion Tendance ; et la philosophe Nadia Yala Kisuridi qui s’inspire des cercles de discussion d’Afrique et des Caraïbes en intégrant à la conversation des paroles d’habitants. Les spectacles se succèderont à La Friche et dans la Cité de la Savine : la Cie la Part du pauvre/Nana Triban propose On ne badine pas avec l’amour avec 10 acteurs de l’Ensemble 25 de l’Erac, dans une forme spécialement conçue pour l’événement, Nelson-Rafaell Madel adapte et met en scène le roman du sud-africain André Brink, Au plus noir de la nuit, des élèves de l’Erac lisent Mon étincelle de Ali Zamir, Myriam Mihindou présente un spectacle de transe, Bonbon alcoolisé, cadavre exquis composé à partir de textes de Le Clézio, Ibn’Arabî, Abé Kôbô,

Didi-Huberman et Koltès, Laetitia Ajanohun met en scène On m’a fait du citron j’en ai fait de la limonade, Gerty Dambury lit le El el on Li texte de Carlyle Brown © bi a ou m La Cie Africaine présente D Eva Richard III… La musique n’est pas reste, avec une soirée On Air spéciale DJ, du Toirab (art musical venu de l’Egypte antique) avec l’Anif Orchestra, les rythmes comoriens du groupe MDH, une soirée hommage à Ibrahim Ali avec Soly et Imhotep, et le rap de Casey (lire p 78). Et plus encore, la programmation est foisonnante ! Notons la gratuité de la plupart des propositions, à La Savine notamment ; gageons que les habitants de ces tours, de celles des cités voisines, et du centre-ville s’y rencontreront, dans un bel esprit afropéen ! ia n

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a 1re édition de Massilia Afropéa, qui a eu lieu à La Friche en octobre 2016, a certainement permis aux spectateurs venus assister aux multiples propositions de prendre conscience de la faible représentation, sur les scènes françaises, des Noirs européens, encore plus criante à Marseille où elle est presque invisible. Ce constat, Eva Doumbia (auteure et metteure en scène à l’origine de la manifestation avec sa Cie La Part du pauvre/Nana Triban) l’a transformé en combat, avec la volonté de faire changer cet état de fait ; mais plus encore, il s’agit pour elle de valoriser les créateurs afrodescendants français et leur travail, toutes disciplines confondues. Cette 2e édition, grâce à un partenariat élargi (le Festival de Marseille a rejoint La Friche, ainsi que l’ANIF, association Ngomé et Itsandra en France, le collectif de femmes Les Rosas et Sound Musical School B. Vice, sans oublier Marseille Provence 2018), se déroulera six jours durant, à La Friche (23 et 24 juin) et dans la Cité de la Savine (19 au 21 juin), où en 1995 l’un des membres du groupe de rap B. Vice, Ibrahim Ali, fut abattu par des colleurs d’affiche du FN. Sujet d’importance cette année : l’estime de soi, abordé lors d’une exposition de photographies de Brigitte Sombié (Afro !) qui présente et montre des femmes et des hommes autant à l’aise avec leur identité européenne qu’avec leur apparence physique ; l’écrivaine et réalisatrice Rokhaya Diallo, à l’origine de ce projet,

DO.M.

Massilia Afropéa 19 au 24 juin La Friche, Cité de la Savine, Marseille 04 95 04 95 95 lafriche.org

L’Empéri, Cour théâtrale

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a Cour Renaissance du Château de l’Empéri, à Salon-de-Provence, accueille la 29e édition du festival Théâtre Côté Cour (7, 9 et 12 juillet), annoncée et présentée avec « plaisir et orgueil » par les membres de l’association qui le chapeaute. Au fil des années, ce rendez-vous culturel dédié au théâtre a fédéré un public fidèle qui apprécie une programmation de qualité. La première soirée sera placée sous le signe de la musique avec Horowitz, le pianiste du siècle, spectacle musical mis en scène par Steve Suissa, qui réunit la pianiste Claire-Marie

Le Gay et Francis Huster, auteur du livret et interprète inspiré du musicien virtuose ukrainien. Outre les mots et la musique (Schumann, Liszt, Rachmaninov, Ravel, Chopin…), des images d’archives et des vidéos viennent compléter ce riche portrait. Changement d’atmosphère avec En attendant Bojangles, que Victoire Berger-Perrin a adapté du roman éponyme d’Olivier Bourdeaut (éd. Finitudes) et mis en scène. Sous les yeux de leur petit garçon émerveillé, un couple fantasque s’aime, et danse follement sur la chanson de Nina Simone, faisant fi des

contraintes et des lendemains chagrins. La réalité finira pourtant par rattraper cette folle poésie familiale… (9 juillet). Le classique Ruy Blas de Victor Hugo clôture les réjouissances, joué par la Cie Les Nomadesques qui s’empare avec jubilation de cette histoire de manipulation très moderne ! (12 juillet). DO.M.

Théâtre Côté Cour 7, 9 et 12 juillet Château de l’Empéri, Salon-de-Provence theatre-cote-cour.fr


FESTIVAL DE CHAILLOL Entre Alpes et Provence, une itinérance musicale.

du 17 juillet au 12 août 2018 Hautes-Alpes

L’hospitalité Pascal Colrat

Cette nouvelle édition du Festival de Chaillol invite à une expérience joyeuse et savoureuse, celle du dialogue qui se renouvelle chaque soir, de vallée en vallée, entre les paysages sonores qui s’épanouissent dans les églises et chapelles et les paysages naturels des vallées alpines qui les accueillent. Entre les deux, il y a vous et nous, que la musique relie en de purs moments d’allégresse.

www.festivaldechaillol.com 04 92 50 13 90

Vintage Orchestra, Franck Krawczyk, Patrick Langot, Maya Villanueva, Romain David, Kedem Ensemble (Saison France-Israël), Chesapeake Youth Symphony Orchestra, Vincent Beer-Demander, Riccardo Del Fra, Valeria Kafelnikov, Quatuor Béla, Anthony Millet, Bernard Cavanna, Tel Aviv Wind Quintet (Saison France-Israël), Stephen Horenstein, Loïc Guénin, Mandy Lerouge, Ensemble Irini, Zad Moultaka, Amandine Habib, Grégoire Rolland, Céline Frisch & Pablo Valetti, Perrine Mansuy, Compagnie Rassegna...

festivaldemarseille.com - 04 91 99 02 50

photographie © Brett Bailey / Guido Schwarz


32 festivals

La danse c’est la vie !

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a chorégraphe américaine Trisha Brown, de Magali Milian et Romuald Luydin disparue en 2017, a les honneurs du 38e (Far West, Cie La Zampa), Sylvain Huc festival Montpellier Danse qui l’a invitée (Sujets, Cie Divergences), Michèle Murray neuf fois entre 1982 et 2013. D’aucuns se (Atlas / Études, Cie Play Michèle Murray), souviennent de son duo You Can See Us avec Aurélien Bory (aSH, pièce pour ShivalingaBill T. Jones ou de la création One Story as in ppa, Cie 111), Camille Decourtye et Blaï Falling pour la compagnie Bagouet, quelques Mateu Trias (Là, Cie Baro D’Evel), Sylvain mois avant la mort du chorégraphe. Les mont- Bouillet, Mathieu Desseigne-Ravel et pelliérains, également, ne peuvent ignorer son dessin de It’s a Draw qui trône encore à la cité internationale de la danse, l’Agora, où le festival présentera l’exposition Une américaine à Montpellier. L’hommage se poursuivra lors d’un stage de « plongée dans un processus singulier » avec Lance Gries, ex-danseur de sa compagnie et pédagogue. La danse s’infiltre dans tous les interstices de la ville, et plus largement de la métropole : théâtres, Une américaine à Montpellier, Trisha Brown © Marc Ginot cinémas, médiathèques, parcs et rues et espaces publics pour offrir des spectacles, Lucien Reynès (Des gens qui dansent, Naïf des films et des « grandes leçons de danse ». production), Le Ballet du Capitole et son Rendez-vous incontournable qui permet à programme de créations signées Roy Assaf, tous, gratuitement, de danser une heure avec Yasmeen Godder et Hillel Kogan. les chorégraphes et les danseurs invités… Au-delà de la sphère régionale, Montpellier Autre particularité de la manifestation ? Sa Danse conjugue « premières en France », programmation largement ouverte aux artistes « créations mondiales » et « réécriture du qui vivent et produisent dans la région Occi- répertoire », nouveaux arrivants (Alexandre tanie. Son focus Danser en région donne un de l’artiste Brésilienne Paula Pi, Twenty-secoup de projecteur sur les nouvelles créations ven perspectives de Maud Le Pladec qui a

succédé à Josef Nadj à la direction du CCN d’Orléans) et fidélités. La palme d’or revenant au Nederlands Dans Theater avec un triple programme, dont une création de la Canadienne Crystal Pite, Anne Teresa De Keersmaeker pour un opéra comédie signé avec le musicien Jean-Guihen Queyras, ou encore Ohad Naharin qui met les danseurs de sa Batsheva Dance Company entre les mains de la Cap-Verdienne Marlene Monteiro Freitas. Le tour d’horizon de la création internationale se poursuit en compagnie de l’italien Jacopo Godani qui ouvrira le festival avec des « créatures abyssales et des cyborgs animaliers » (Extinction of a Minor Species), le londonien Akram Khan avec une création très proche de son cheminement artistique personnel (Xenos signifie l’étranger), la Compañia Nacional de Danza pour Une soirée avec Forsythe. Retour en France avec Phia Ménard qui interprètera le premier de ses Contes immoraux, Maison-Mère, avant Temple Père et La Rencontre interdite à l’horizon 2019… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

38e Festival Montpellier Danse 22 juin au 7 juillet 08 00 60 07 40 montpellierdanse.com

Un parfum d’universalité de la manifestation, martèle la ligne directrice de ses choix 2018 : « La danse, encore de la danse, toujours de la danse, la vie dans la danse, la danse de la vie, la danse dans la vie, la danse… » Et la population de Vaison le prend au mot : en ouverture, on applaudira les 140 élèves de l’école intercommunale de danse Vaison Ventoux, dirigés par Françoise Murcia, puis l’école de danse et de fitness Pulse de Les nuits barbares, Cie Hervé Koubi © Frédéric de Favernay Sandra Delpy et ses 300 élèves. aison aime la danse et fête la 22e édition Suivront les « monstres sacrés » nationaux et de Vaison Danses, organisé pour la internationaux, certains pour la première fois toute première fois de bout en bout à Vaison : on pourra ainsi se laisser envoûter par les équipes municipales de la ville. par la beauté charnelle de la pièce d’Hervé Pierre-François Heuclin, directeur artistique Koubi, Les Nuits barbares ou les premiers

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matins du monde. Nous serons conviés à la première européenne de Love heals all wounds, dernière création de Lil Buck et Jon Boogz, qui portent au sommet le jookin. Les six artistes de The Rat Pack détourneront les techniques des films noirs en un cirque total. Les Ballets Jazz de Montréal rendront hommage à Léonard Cohen, avec Dance me. Quant au BNM il offrira sa toute nouvelle création Non solo Medea. Ajoutez conférence, projections cinématographiques, ateliers… la danse est une inépuisable fête ! MARYVONNE COLOMBANI

Vaison Danses 23 juin au 27 juillet Divers lieux, Vaison-la-Romaine 06 49 42 02 88 vaison-danses.com


Marseille, plurielle, danse

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a 23e édition du Festival de Marseille s’attache à « créer et imaginer des mondes différents et nouveaux ». Jan Goossens, son directeur, pose les principes qui en guident la programmation et l’esprit (entretien à lire dans Zib’ 118 et sur journalzibeline.fr) : « La danse, nous la défendons non comme un exercice de style académique qui propose un divertissement, mais bien comme un vocabulaire pluriel, accessible et généreux où le plus grand nombre de citoyens de la ville peuvent s’exprimer, se reconnaître… ». Nous serons conviés à arpenter la planète, avec des propositions riches et variées : celle de l’Indonésien Eko Supriyanto (15 au 17 juin à La Friche), du Burkinabé Serge Aimé Coulibaly qui nous invitent à repenser notre relation au monde (du 29 juin au 2 juillet à La Friche). Éric Minh Cuong Castaing évoque le handicap (4 juillet au Frac), Lisbeth Gruwez (16 & 17 juin à La Friche, 19 & 20 juin au Merlan) et Nacera Belaza (4 & 5 juillet au Théâtre Joliette), le temps de Pénélope, tandis que Jan Lauwers insiste sur les décalages (28 & 29 juin) et que Fabrizio Cassol et Alain Platel mettent vie et mort en écho (6 au 8 juillet au Silo)… La jeune création est présente aussi avec les Lundis du QG, au cours desquels les jeunes artistes du MarsLab offrent leur programmation, et de nombreux projets collectifs dans le cadre de MP2018 partagent les lieux de représentation dans un esprit cosmopolite et fraternel, soutenus par le dynamisme des Festiv-Alliés. MARYVONNE COLOMBANI

Festival de Marseille 15 juin au 8 juillet Divers lieux, Marseille 04 91 99 02 50 festivaldemarseille.com Salt, Eko Supriyanto @ Eko Wahyudi

L A COMPAGN IE D U GRA N D SOIR P RÉSEN T E

CABARET LOUISE

AV EC J OH A N N A GA RN IER, CH A RLOT T E ZOT TO & RÉGIS VL ACHOS MISE EN SCÈN E MA RC P ISTOLESI T EX T E RÉGIS V L ACHOS

MARSEILLE

LES 27 ET 28 JUIN — 20H A U Q U AI DU RIRE

1 6 QU A I D E RIV E N EU V E — 0 4 9 1 5 4 9 5 0 0

FESTIVAL OFF D’AVIGNON 19H — THÉÂTRE DES B ARRIQ UES


34 festivals

Escapades musicales

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our sa 8e édition, le festival Les Escapades se resserre autour de sa programmation musicale. La direction du Théâtre Durance souhaite ainsi clarifier sa ligne artistique, en réservant les arts de la rue aux Echappées, rayonnement territorial hors les murs, qui accueillit notamment le clown Léandre en mai dernier sur quatre communes du département. Aux Lauzières, sur le parking du théâtre, on célèbrera donc la fin de la saison et le début de l’été avec deux soirées de concerts gratuits et en plein air. Des soirées résolument placées sous le signe des Tropiques, avec quatre groupes effervescents aux géométries exponentielles. Le 6 juillet, place à BCUC (Bantu Continua Uhuru Consciousness), furieuse formation

Ceux qui marchent debout © X-D.R

d’afro-psychédélisme constituée il y aune douzaine d’année à Soweto. Dans la droite lignée de leurs aînés Philip Malombo Tabane ou Batsumi, les sept musiciens créent une musique puisant dans les traditions comme

dans les influences les plus contemporaines, s’émancipant des codes freejazz du genre pour se tourner vers le hip-hop et le punk rock. Cette relecture des rythmes ancestraux, à base de basse, percussions, vents, voix d’hommes

L’art au port Te odiero, Cie HURyCAN © Joris Hol JHL

La ville de Port-Saint-Louis-du-Rhône accueille pour la 9e année Les Mercredis du Port, manifestation initiée par le Citron Jaune* qui mêle aux spectacles d’arts de la rue la découverte, gustative, des produits (locaux) de la mer

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ête, convivialité, découvertes culturelles et gustatives signent le début de l’été sur les quais du port. Tandis que se préparent les artistes, l’attente est des plus agréables : sur fond de coucher de soleil, attablés, spectateurs habitués ou occasionnels patientent. Dès 19h30, tous les mercredis de juillet, l’heure indique le début des festivités : fanfares, cirque, danse, théâtre d’objets, musique… On y entendra l’afrofunk brass band Le Syndicat du Chrome, sextet inspiré par le jazz de la Nouvelle Orléans auquel ils mêlent hip hop et reggae, La Belle image, fanfare latino roots qui revisite les styles musicaux de la Colombie, du Venezuela et de la Colombie. On assistera aux prouesses acrobatiques d’Olivia Quayle et Jan Patzke (L’Éolienne & Joli Vyann), duo basé sur l’énergie de leurs corps jetés, propulsés, rattrapés dans Lance-moi en l’air, à celles de Jonathan Guichard sur son drôle d’objet fait de bois recourbé en demi-cercle traversé d’un filin métallique, 3D, qui vibre et résonne de sons divers lorsqu’il glisse dessus, le balance et


Dieu est mor t LA COMPAGNIE DU GRAND SOIR PRÉSENTE

et de femmes, est animée par l’urgence de dire l’âpre réalité quotidienne vécue en Afrique du Sud, où le groupe répète dans un container reconvertit en restaurant communautaire. La soirée se poursuit avec Ceux qui marchent debout, rois de la scène après 25 ans de carrière. La célèbre fanfare revisite les codes du genre -soul, funk, Nouvelle-Orléans…dans une énergie contagieuse. Le lendemain, place au groove éthiopien d’Arat Kilo, rejoint sur scène par la diva malienne Mamani Keïta et Mike Ladd, chantre du spoken word. Tous deux participent à Visions of Selam, le troisième album du groupe, pour un mix de hip-hop, funk, soul, jazz, dub et sons tropicaux. La soirée s’achèvera avec Lakuta, du nom de la langue natale swahili de la chanteuse tanzanienne Siggi Mwasote. Les racines des neuf membres du groupe -Kenya, Espagne, Royaume-Uni, Ghana et Malaisie- fusionnent pour réinventer l’afrobeat, dans un son percutant à base de cuivres, Benga et rythmes latins.

Et moi non plus j’me sens pas très bien ! de Régis

Vlachos

JULIE BORDENAVE

Les Escapades 6 & 7 juillet Les Lauzières, Château-Arnoux-Saint-Auban 04 92 64 27 34 theatredurance.fr

le retourne lors d’une chorégraphie légère et poétique, ainsi qu’au défi à la pesanteur auquel se livre Valentin Bellot sur une corde lisse, tandis que son compère Gus improvise à l’accordéon un air doux et léger (La Corde et on). Le clown Leandre posera sa maison sans murs face au public et son regard tendre et décalé sur notre fragile humanité (Rien à dire), la Cie HURyCAN fera de la rencontre amoureuse une danse d’amour et de haine, entre recherche de l’autre et soif d’aimer, portée par Candelaria Antelo et Arthur Barnard Bazin, la clown Fanny Bérard utilisera ses couteaux bien aiguisés pour faire jaillir ses Confessions d’une femme hachée, celles d’une fille de boucher à l’histoire cabossée ; enfin, pour clôturer ces mercredis festifs, place à la danse et aux arts du feu menés tambour battant par la Cie Bilbobasso : Amor, à moins que ce soit À mort, conte le temps distendu et cruel au sein d’un couple marié depuis longtemps, qui semble prêt à s’étriper. Sur des airs de tango argentin, Delphine Dartus et Hervé Perrin font d’une situation banale un véritable feu d’artifice, avec flammes et étincelles colorées ! DOMINIQUE MARÇON

* Ce Centre national des arts de la rue et de l’espace public a ouvert ses portes en 1992 à Port-Saint-Louis-du-Rhône, accueillant artistes au travail, spectacles et publics

Les Mercredis du Port 4, 11, 18 et 25 juillet Quais, Port-Saint-Louis lecitronjaune.com

“On jubile de plaisir”

“SACRÉ sens de l’humour”

“Original et réjouissant !” “Une éructation salutaire !”

“Inclassable et truculent”

“On garde la foi et c’est brillant !”


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Une surface de ralliement Traversée, Tatiana-Mosio Bongonga, Cie Basinga © Stewart

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ingt ans pour Cratère Surfaces ! Premier du nom en Languedoc-Roussillon, le festival en espace public, porté par la scène nationale d’Alès, permet chaque été de découvrir la fine fleur de la rue, via une programmation exigeante se nichant dans les recoins de la cité alésienne et alentour. Au fil des ans, l’événement a cultivé sa fibre internationale, devenant un lieu convivial de ralliement pour de nombreux programmateurs étrangers, qui trouvent leur juste place parmi le public familial des festivaliers. Emaillé cette année d’un focus sur les Pays Bas avec cinq compagnies rarement vues de par chez nous, le festival permet de prendre le pouls des arts en espace public. Les formes contemporaines les plus variées y sont présentées, jouant sur les échelles, des tréfonds de la Terre -Deep, de Daan Mathot, illusion d’optique autour d’un homme au fond d’un trou- au sommet des firmaments -la funambule Tatiana-Mosio Bongonga, de la Cie Basinga, franchira le Gardon, juchée sur un fil à 40m de hauteur. Cette Traversée fait partie des nouvelles modalités interactives de rassemblement : ce sont les habitants eux-mêmes qui, après avoir hissé le fil, le maintiendront tendu durant toute la traversée. C’est pas là, c’est par là propose également un nouveau rituel performatif et participatif : un écheveau géant à dénouer de manière collective inventé par le jeune Coréen Juhyung Lee, friand d’univers poétiquement absurde pour s’y jouer des

contresens. La génération émergente des artistes de rue s’empare également des fondamentaux de la discipline, via des spectacles militants lourds de sens (Terre commune de Cie Sous X, conviant le public aux funérailles d’une SDF), ou des variations plus légères expérimentant les nouveaux médias (Projet Solaris, de Hanneke de Jong & Joans de Witte, déambulation accompagnée d’un smartphone). Quant aux compagnies historiques, elles se réinventent aussi : les 26 000 Couverts, habitués des grands raouts, se réduisent à… 2,6 couverts pour WRZZ, fiction muette et pourtant diablement bavarde. Ici, ce sont les éléments -interphone, murs…- qui s’emballent et créent la loufoque bande-son de cette forme courte pour façade d’immeuble. Après le poignant Ma vie de grenier, Carnage Production propose quant à elle un nouveau solo, L’Être recommandé, autour de la reconversion d’un aspirant artiste de 48 ans. Et comme le cirque s’émancipe toujours davantage de la boîte noire, le Cratère s’associe avec La Verrerie voisine, Pôle national cirque Occitanie, pour

soutenir des formes innovantes. Les 24 acrobates de la Cie XY investiront ainsi la ville d’Alès au gré de leur fantaisie, venant étoffer le paysage et défier les verticalités urbaines par leur art de la voltige et des pyramides humaines, exécutées au plus proche des spectateurs. Ancrés au sol, les Gandini Juggling, virtuoses britanniques de la balle rouge, s’attellent avec 8 songs à l’histoire du rock, après avoir rendu hommage à Pina Bausch dans leur précédent Smashed. Les Belges de la Cie Scratch réinventent aussi le jonglage à leur façon : scratch, chien, et public scindé en deux. Du côté des agrès, 3D innove avec un arc géant sonorisé permettant toutes les audaces, prétexte de jeu irrésistible au sein du duo formé par la Cie HMG, l’un aux platines, l’autre aux acrobaties. Après un passage par Anduze et Rochebelle, le festival s’achèvera le 7 juillet sur les rives du Gardon, réchauffées le soir venu par les flammes de Carabosse venant lécher les bords de l’eau. JULIE BORDENAVE

Cratère Surfaces, Alès International Outdoor Festival 3 au 7 juillet Divers lieux, Alès, Anduze, Rochebelle 04 66 52 52 64 cratere-surfaces.com


Quoi de mieux que Festimôme ?

«R

assembler, écouter, voir, sentir, partager, échanger, s’émerveiller » c’est à tout cela qu’invite depuis 17 ans, à Aubagne, à la fin du mois de juillet, le festival Festimôme, une invitation qui n’est pas réservée qu’aux enfants… Marrainée par Nicole Ferroni, l’aubagnaise chroniqueuse de France Inter, la manifestation, devenue depuis l’année dernière Festival international du cirque et des arts de la rue, ouvrira les portes de son édition 2018 du 19 au 21 juillet dans les espaces du parc Noïs Um, Cia Dela Praka © Dela-Praka Jean-Moulin, avec une multitude d’ateliers, d’activités, de jeux, et toute une série de spectacles venus de Belgique, d’Italie, d’Espagne, de France, du Japon, et du Brésil. Parmi ceux-ci, éclats de rire en vue avec la comédie amoureuse clownesque Adoro des espagnols Alta Gama (les 19, 20, 21), les acrobaties qui déraillent de Bert y yo des italiens Vol’e Temps (les 20, 21), et le quatuor de cantonniers municipaux créatifs de Hop ! par les bretons Fracasse de 12 (le 19). Rire, ça fait du bien, mais ce n’est pas tout ! Ouvrir les imaginaires est tout aussi libérateur, et on attend avec curiosité Va où le pied te porte (les 20 et 21) de l’italienne Laura Kibel, qui transforme les différentes parties de son corps en pantins-créatures, le cirque-danse poétique Noïs Um des brésiliens de Cia Dela Praka (les 19 et 20) , la « performance arborée » de la Cie Du o des branches (le 21), ou bien encore un accordéon voyageur à la rencontre de la langue des signes dans Accordéons-nous de la Cie de l’escargot (les 19 et 20). À noter également la présence d’une bande de japonais aux jongleries spectaculaires, les Kuutenkidou (les 19 et 20). Et, pour les oreilles curieuses, la plongée dans la légende Louis Amstrong d’un duo new-orléans belge Le Sousa Schleb (les 19 et 21), sans oublier le Kobiz Project (le 21) cinq musiciens chanteurs sous influence klezmer, mais pas que. 4 € la journée pour les adultes, 3 € pour les enfants, avec, au-delà des spectacles et concerts, l’accès tout au long des journées aux divers jeux, activités et ateliers, de l’espace sensoriel à l’art postal, de la chasse au trésor aux dominos et petits chevaux géants, labyrinthes verticaux et lancer de fers à cheval… Quoi de mieux que Festimôme ? MARC VOIRY

Festimôme 19 au 21 juillet festimome.fr


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Châteauvallon croise les étoiles

Óyeme con los ojos © David Ruano

Explosion de talents, de courants, de mouvements et de genres sur la scène nationale : l’été sera varié, et toujours au sommet

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oup d’envoi avec Chassol (16 juin), réinventeur de sons et musicien d’ambiances (pas d’ambiance, oh non, mais utilisant les bruissements du quotidien comme autant de notes-matières). Avant de ravir les oreilles - et les yeux, car Chassol travaille autant le son que l’image, produisant distorsions auditives et mélanges visuels en direct -l’artiste fut, très jeune, chef d’orchestres classiques, arrangeur (pour Keren Ann ou Phoenix), compositeur pour le cinéma ou la pub... Aujourd’hui il mélange ses talents, et la sensation est exponentielle. Pour Big Sun, chants d’oiseaux et rumeurs de carnaval habitent sa musique inspirée et envoûtante. Deux Nuits Flamencas (conçues par Juan Carmona) pour plonger véritablement dans l’été (22 et 23 juin) Paloma Fantova, connue pour son engagement total sur scène, embrasera le plateau, avec cette urgence qui laisse penser que, chaque fois, c’est une question de vie ou de mort que de transcender le chant et la guitare (Aquilino Jiménez) par la danse. Puis l’ancien soliste du Ballet national d’Espagne

Jesus Carmona présentera Impetu’s (22 juin), condensé de culture flamenca traditionnelle et d’expériences personnelles du danseur, qu’il nous livre dans un spectacle, son titre l’indique, plein de fougue et d’émotions. Les six danseurs s’accordent sur les notes de grands compositeurs, interprétées par des maîtres : Daniel Jurado et Oscar Lake (guitare), Thomas Potiron (violon), Paco Vega (percussions) et Juan José Amador au chant. María Pagés et ses six musiciens clôturera ces Nuits, dans une chorégraphie très théâtrale, un spectacle où les mots prennent autant d’importance que les pas, où l’histoire, celle d’une femme investie jusqu’au bout des doigts dans l’aventure flamenca, se décline en verbes et en gestes : Óyeme con los ojos (23 juin) est la marque d’une artiste mondialement connue qui sait créer ses propres codes et projette l’art flamenco dans une esthétique moderne et nouvelle. Réinterprétation toujours et encore, garante d’un art vivant, le Break à Mozart 1.1 de Kader Attou (29 juin) harmonise hip hop et musique

du patrimonial Mozart. Dix musiciens de l’Orchestre des Champs-Élysées, installés en fond de scène, interprètent dans une partition pour cordes l’ouverture de Don Giovanni ou le Requiem. Chemises blanches et pantalons noirs, les dix danseurs intègrent et doublent la mélodie. Les gestes en sont démultipliés, les codes explosent, danse et musique se découvrent et repoussent les limites. Deux spectacles de danse complètent le programme estival, les Ballets de Monte Carlo (6 & 7 juillet) et la Cie italienne Aterballetto (27 & 28 juillet). Jean-Christophe Maillot, directeur des Ballets de Monte Carlo, propose avec Aleatorio l’assemblage de trois courtes pièces crées entre 2002 et 2015 : Men’s Dance pour des danseurs, Men’s Dance for Women pour danseuses, et le duo Presque rien. Avec Bach comme complice, le chorégraphe propose ainsi de mieux comprendre le souffle créatif sur plus d’une décennie. Dans Golden days, les danseurs de l’Aterballetto interprètent trois pièces de Johan Inger : Bliss (musique Keith Jarret), Rain Dogs (musique Tom Waits) et le solo Birdland sur la chanson éponyme de Patti Smith. Danse contemporaine très pop. Musique avec Hugh Coltman accompagné d’un New Orlean’s Brass Band (30 juin) pour A great American Song Book, qui croise rock « lettré » et jazz des origines. Hocine Boukella (fondateur du groupe de rock algérien Cheikh Sidi Bemol) interprétera des Chants marins Kabyles (10 juillet) sur des textes du poète Izlan Ibahriyen. Et la dernière création de Denis Podalydès (version metteur en scène) rendra hommage à la langue et la finesse de Marivaux dans Le Triomphe de l’amour (20 & 21 juillet). Éric Ruf à la scénographie, Christian Lacroix signe les costumes, et Christophe Coin à la direction musicale partage le plateau avec d’autres fidèles du metteur en scène. Royaume des masques qui s’accrochent pour mieux tomber, des sourires qui cachent le désarroi, des bons mots employés pour mieux blesser ou panser, le théâtre de Marivaux est un havre de pensée. ANNA ZISMAN

Châteauvallon – scène nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com


Collectif

théâtre & arts numériques

f aus t l e Voyag e I m mobi l e

d ' apr e s l ' oe u v r e de J ohan n Wolfg ang von G oe t he

10h15 AU 11 Gilgamesh Belleville

à Mane, Alpes de Haute-Provence

CHÂTEAU-ARNOUX-SAINT-AUBAN À PARTIR DE 17H GRATUIT

École de Musique Barth Russo Atelier de Musiques Improvisées Theo Lawrence & The Hearts

Bai Ming

Amadou&Mariam

Sous la lumière d’Aurelie Nemours 白明作品展

29 JUIN 28 OCTOBRE 2018

Retrouvez-nous sur

www.musee-de-salagon.com

Création graphique : Joseph Isirdi - www.lisajoseph.fr - mai 2018 - crédit photo : © Salagon

Ming / la lumière

11 bd Raspail 04 90 89 82 63 du 6 au 27 juillet 11avignon.com

04 92 64 27 34


40 festivals

La lecture est un plaisir !

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artout en France, du 11 au 22 juillet, aura lieu la 4e édition de Partir en livre, la grande fête du livre pour la jeunesse organisée par le Centre national du livre (CNL), avec le soutien du ministère de la Culture. Ateliers, défis graphiques, rencontres d’auteurs, lectures… la promesse d’évasion, de rêve, de découvertes auxquelles les livres Partir en livre 2016 sur la Plage du Pilou Villeneuve les Maguelone © CNL et la lecture donnent accès, comme le souligne Françoise Nyssen un flip book, des rencontres avec les auteurs dans son édito, est à portée de tous les enfants, et illustrateurs Pierre-Henry Gomont, plus ou moins jeunes, en sortant des lieux Peggy Adam, Tristan Bonnemain, où ils ont l’habitude d’y avoir accès. Quant Renaud Perrin, Ingrid Chabbert, Sabine à ceux qui n’ont pas encore été titillés par Tamisier et Aude Léonard, et la Ligue de cette extraordinaire source de plaisir, ils n’ont l’enseignement des Bouches-du-Rhône plus qu’à se laisser tenter… La Bd fait son cinéma (11 au 22 juillet) dans Dans les régions Paca et Occitanie, comme ail- les quartiers nord et sud de la ville autour leurs en France, parmi les nombreuses proposi- d’une bibliothèque mobile animée par les tions, des événements particuliers ont été label- bénévoles de l’association Lire et Faire lire lisés, et soutenus financièrement, par le CNL. et des ateliers de BD animés, entre autres, par À Marseille, sur le thème du cinéma, Peuple Clément Baloup, Lisa Lugrin, Clément & Culture Marseille organise Lire, quel Xavier, Mohamed Labidi, Bruno Bessadi… cinéma ! (16 au 20 juillet au parc Billoux) Dans les Alpes-Maritimes, à Mouans-Saravec un « récit collectif » sur les super héros, toux le Centre d’expression culturelle

et artistique décline balades littéraires, bibliothèque de plein air et ateliers-rencontres avec Anne Crausaz et Françoise Laurent sur le thème de l’eau (20 et 21 juillet), tandis que de la Vallée de la Roya à Nice, les Amis de la Roya citoyenne proposent dans le cadre du Festival Passeur d’humanité (12 au 15 juillet) une caravane de littérature entre la France et l’Italie, avec des expos, des ateliers… et une quinzaine d’auteurs et illustrateurs et d’artistes. Dans le Vaucluse, à Carpentras, les livres vous accompagneront lors de lectures dansées, dessinées ou musicales (11 au 22 juillet). À Montpellier et dans la Métropole, les médiathèques du réseau seront au plus près des petits lecteurs grâce à l’Ideas Box, bibliothèque mobile développée par l’ONG Bibliothèques sans frontières (piscine, gares, hôpitaux, du 11 au 21 juillet), dans neuf communes du Clermontais auteurs, illustrateurs et éditeurs se mobilisent avec les libraires pour animer des ateliers (11, 12 et 7 au 20 juillet), et à Frontignan et Carnon la médiathèque départementale travaille autour d’un livre-manteau avec l’auteure-illustratrice Emmanuelle Houdart (11 et 12 juillet). DO.M

Partir en livre 11 au 22 juillet Régions Paca et Occitanie partir-en-livre.fr

Poésies en liberté

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es 8e Rencontres littéraires en Haute Provence, organisées par l’association Artgo & Cie, ont pour thème cette année un vers du poète Gabriel Celaya : « La poésie est une arme chargée de futur ! » De juin à septembre, sur le territoire de la Communauté de communes Pays de Focalquier – Montagne de Lure, six poètes seront mis à l’honneur, tous ayant connu des années de prison, de camp ou d’exil : le chilien Pablo Neruda (16 juin à La Pompe), l’espagnol Rafael Alberti (7 juillet à Saint-Etienne-les-Orgues), le turc Nazim Hikmet (28 juillet à Saint-Etienneles-Orgues), le grec Yánnis Ritsos (11 août à Forcalquier), le palestinien Mahmoud Darwich (8 septembre à Forcalquier) et le français Jean Genet

(29 septembre à Saint-Etienne-les-Orgues). Lors de chacune de ces soirées auront lieu des lectures d’extraits d’œuvres, ainsi que des rencontres-débats avec des écrivains (parmi lesquels Alain Freixe, Pierre Kalfon, Catherine Flepp, Nedim Gürsel, Demosthène Agrafiotis, Julien Blaine, Bernard Noël, Elias Sanbar, ou encore Leïla Chahid), que présentera et modèrera Yves Bical. DO.M .

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Rencontres littéraires en Haute Provence 16 juin, 7 & 28 juillet, 11 août, 8 & 29 septembre Pays de Forcalquier - Montagne de Lure 04 92 73 06 75 aucoindelaruedelenfer.com


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saison

www.theatre-la-passerelle.eu 04 92 52 52 52


42 festivals

Le Jazz, une musique de jeunes, en créations

Marseille Jazz des cinq continents a changé de format et d’esprit, peu à peu, depuis 3 ans. Rencontre avec son directeur, Hugues Kieffer

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Zibeline : Une ouverture dès le 12 juin, des tournées qui se prolongent dans les Bouches-du-Rhône, des créations conçues sur le territoire... Marseille Jazz des Cinq continents semble au terme d’un changement d’importance ! Hugues Kieffer : Au terme non, nous voulons construire encore ! Et faire entendre cette musique partout et par tous. Mais il est vrai que les changements sont notables, à la fois dans le territoire, et dans la nature des proposition. Le Festival 2018 se présente sous des auspices très favorables. Il a déjà commencé avec la création d’Eric Truffaz, dont nous sommes particulièrement fiers. C’est la première fois que nous portons ainsi une création de bout en bout. Eric Truffaz a écrit son projet en résidence à la Fondation Camargo à Cassis, il l’a répété ici, il le crée ici, avec 5 dates en tournée grâce à la Métropole qui a financé la création. C’est un projet très original, une pièce magnifique... Elle se joue dans des églises. Pourquoi ? Est-ce un pièce sacrée ? Non pas sacrée, spirituelle, d’une spiritualité qui n’est pas religieuse mais cherche un au-delà. Il a travaillé sur le chant grégorien, la musique vocale médiévale, c’est une pièce pour 8 chanteurs et une trompette, mais sa spiritualité s’inspire aussi des modalités indiennes, de ce traitement particulier du temps et de la pulsation. D’autres projets se déploient également sur le territoire et dans le temps, qui déborde largement du Festival.

la Ville de Marseille, mais l’engagement de la Métropole et du Département 13, ainsi que d’autres synergies avec certaines mairies et mairies de secteur, nous permettent cette année d’aller chercher un public qui n’a pas l’habitude du jazz. Le public du Marseille Jazz a-t-il changé ? Il change, doucement. D’abord il est plus nombreux, puisque nous avons plus de propositions, et que le public nous suit au Mucem ou au Silvain, et bien sûr durant la semaine au Parc Longchamp, soit une jauge de 3500 places. Cette année on débute sur le parvis du Vélodrome, avec un triple concert gratuit, participatif, avec les élèves du Conservatoire, l’IMFP de Salon. Puis on va au Silvain, avec son immense jauge, mais les concerts de Selah Sue et Sarah Quintana étaient complets 2 jours après l’ouverture des réservations... Comment réagissez-vous à ce succès, qui génère aussi de la frustration ? On ne va pas dire que ça nous rend tristes ! Ces dates sont complètes ? On essaie d’orienter les

Martha High © Stefano Caporilli

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Oui, c’est un désir que nous avons depuis 3 ans, et que nous concrétisons aujourd’hui. Le cœur du Festival reste le Marseille Jazz, du 18 au 27 juillet, mais d’ici là on entendra aussi de formidables chanteuses, Robin McKelle ou Sarah McKenzie, dans les parcs des mairies de Bagatelle ou de Maison Blanche, la violoniste Yilian Cañizarès à Vauvenargues, le trio de la pianiste Macha Gharibian.... Vous ne pourrez pas dire qu’il n’y a pas de femmes cette année ! Elles sont là, dans ce jazz plus jeune où elles se sont fait une place comme chanteuses mais aussi comme instrumentistes, et leaders de groupe. Vous allez aussi à Istres, à Salon, à Aix à la Duranne, et vous prolongez les festivités à Aubagne... Oui, avec un concert de Lisa Simone le 30 juillet, et Tigran Hamasyan en décembre. On sera aussi présents à Tarascon, et Allauch, programmés dans le cadre des capitales provençales de la culture. Le Festival est historiquement et financièrement porté par


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ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL

La Voce de la Luna Eric Truffaz 14 juin à Istres, 15 juin à Martigues, 16 juin à Cassis Jazz des cinq continents jusqu’au 4 Août Divers lieux, Bouches-du-Rhône Marseille Jazz des cinq continents, 18 au 27 juillet Vélodrome, Théâtre Silvain, Mucem, Parc Longchamp marseillejazz.com

Du beau monde au Charlie Jazz !

Mulatu Astatke © Alexis Maryon

spectateurs vers d’autres soirées en les incitant à la découverte... Le public, pour ce qui est des 10 jours du Marseille Jazz, reste-t-il essentiellement marseillais ? Dans sa majorité. Mais il y a 5 ans les habitants de la ville représentaient 92% du public. L’an dernier on en était à 78%. Marseille commence à être connu dans le circuit, et devient peu à peu une destination jazz, comme Nice ou Antibes. Pas encore comme Marciac, mais ça viendra ! On sait qu’à Marseille il se passe quelque chose, que la programmation a changé et construit une nouvelle identité. Que vous définiriez comment ? L’esprit du Festival dessine aujourd’hui une diversité, avec des artistes confirmés, et des stars historiques comme Youssou NDour ou Chick Corea, mais aussi des artistes émergents, parfois très jeunes, des fidélités construites comme avec Youn Sun Nah... Il y a aussi des hommes et des femmes, du jazz d’Asie qui sera le focus de cette édition, avec en particulier Yoshichika Tarue qui est un pianiste japonais absolument sidérant, le Sand quintet avec Henri Texier, une légende du jazz français, mais aussi Kool & The Gang, qui à New York a commencé par jouer du jazz avant ses tubes interplanétaires disco funk... Cette diversité des origines, des âges, des formations, mais aussi sans doute l’idée qu’au Parc Longchamp on vient gouter une soirée d’été et passer d’un univers à l’autre, fait notre identité. Qui a évolué vers un jazz d’aujourd’hui. Comment qualifieriez-vous ce jazz nouveau que vous programmez ? Il est dans un instant passionnant. La jeune génération a assimilé toutes les influences du monde. Ce sont de super musiciens, formés au jazz mais aussi aux musiques du monde, cubaines, américaines, indiennes, africaines, orientales. Ce ne sont plus des emprunts qu’ils font, des allusions, c’est intégré à leur musique, fondu, comme des éléments du même langage. Du coup leur jazz est moins chaloupé, ils créent ailleurs : dans le son, avec des machines, de l’électronique. Et le jazz américain en particulier a retrouvé aujourd’hui le lien avec les mouvements politiques. On est à la génération d’après, celle du sample, du creuset, où les musiciens venus de tous les horizons peuvent jouer ensemble, et élaborent une mondialité sans gommer les aspérités. C’est, vraiment, une musique qui devrait passionner les jeunes. Le public reste âgé ? Il change, là aussi. En programmant une nouvelle génération on attire forcément un public plus jeune. Il faut continuer à le convaincre de venir, et que le jazz n’est pas la musique de leurs parents, ou de leurs grands-parents, mais justement l’endroit où ils peuvent venir ensemble. Mondial, et intergénérationnel.

A

près avoir célébré avec fraîcheur et succès son 20e anniversaire l’an passé, le Charlie Jazz Festival rempile pour une nouvelle édition, avec toujours pour dessein primordial cette envie de faire découvrir au public un jazz ouvert et cosmopolite. Premier temps fort de la programmation dès l’ouverture le 6 juillet, la création de TarTARtar Brass Embassy, nouveau projet du percussionniste américain Famoudou Don Moye, membre illustre de l’Art Ensemble of Chicago. Puis la soirée se poursuivra par la rencontre du groupe polyphonique corse A Filetta avec le trompettiste sarde Paolo Fresu et le bandonéoniste italien Daniele di Bonavantura, tous réunis pour rendre hommage à deux figures insulaires marquantes : le poète martiniquais Aimé Césaire et le résistant corse Jean Nicoli. Le lendemain le son des cuivres clairs continuera de chatouiller les frondaisons, puisque c’est la jeune trompettiste et bugliste Yazz Ahmed, figure montante du jazz contemporain, qui se produira, avant de laisser sa place au vétéran Mulatu Astatke, père et maitre de « l’éthio-jazz », captivant mélange entre musique traditionnelle éthiopienne et une combinaison de jazz, de funk et de soul. Le festival se clôturera en apothéose le 8 juillet, avec la venue exceptionnelle du guitariste américain de jazz Pat Metheny qui, fort d’une carrière de plus de 40 albums depuis 1974 et de 20 récompenses aux Grammy Awards, reviendra cette fois-ci avec une nouvelle formation composée du batteur Antonio Sanchez, de la contrebassiste Linda May Han Oh et du pianiste Gwilym Simcock. Voici donc la délicieuse promesse de cette 21e édition : il s’agit non seulement de trois jours de jazz, mais encore plus de trois jours de découverte et de voyage tout autour du monde, c’est-à-dire aussi, nécessairement, en soi-même. LOUIS GIANNOTTI

Charlie Jazz Festival 6 au 8 juillet Domaine de Fontblanche, Vitrolles 04 42 79 63 60 charliejazzfestival.com


44 festivals

Free Jazz à Toulon

Youn Sun Nah © Sung Yull Nah

C

’est l’été, c’est la saison Jazz ! Les cuivres, percussions et voix se font écho d’une ville à l’autre, d’un festival à l’autre. Et l’air est particulièrement chaud à Toulon, où les 15 concerts de Jazz à Toulon sont dehors, hauts de gamme, festifs – et gratuits. Les rendez-vous s’échelonnent sur 9 jours, 12 places au cœur de la ville et des quartiers, avec deux horaires à retenir (17h30 et 21h30), deux parades déambulatoires façon Nouvelle-Orléans (les 20 et 25 juillet à 10h30, avec Angel City Players puis L’Incroyable Freaks Band) et un concert « Coup de cœur » pour Lo Triò. Commençons par ce groupe issu des talents locaux (de Toulon et Toulouse) : chez les programmateurs de Jazz à Toulon, le cœur n’est pas loin du pouce, et c’est un encouragement que le festival lance le 29 juillet. Les trois complices (Bastien Ribot au violon, Emile Melenchon à la guitare et Rémi

Bouyssière à la contrebasse) composent autant qu’ils revisitent les grands airs. Coupe de pouce mérité ! Continuons avec les immanquables de la cuvée 2018. Myles Sanko (20 juillet) interprétera son 3e album, le soul et bien nommé Just Being Me : son contact très direct avec le public laisse les frontières stylistiques tanguer joyeusement, et l’émotion se fraie un passage qui rassemble les influences. Lucky Peterson arrivera tout droit des States avec son blues et son Tribute to Jimmy Smith, son ancien professeur, maître de l’orgue Hammond B-3. Grosse pointure et grosses références (avec le guitariste virtuose Kelyn Crapp entre autres) (21 juillet). La coréenne Youn Sun Nah, improvisatrice époustouflante, voix démultipliée par une technique harmonique sans faille, viendra présenter She moves on, album 2018 qui réunit ses compositions et des réinterprétations

Ella et Duke

Jazz à Saint-Rémy 13 juillet Alpilium, Saint-Rémy 06 83 47 50 65 jazzasaintremy.fr

Susana Sheiman © Pascal Derathe

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n attendant les concerts programmés rituellement en septembre (nous y reviendrons), l’association Jazz à Saint-Rémy programme une date estivale sous les étoiles ! La formation Swing Ambassadors septet et la chanteuse Susana Sheiman rendent hommage à Ella Fitzgerald et Duke Ellington, lors d’un tribute vibrant à ces deux immenses et talentueux passeurs de la musique jazz ! Avec ces sept musiciens solistes, qui signent des arrangements uniques et jouent tel un grand big band américain, et la voix chaude et sensuelle de la chanteuse espagnole, gageons que cet hommage saura nous éblouir ! DO.M.

ouvertement iconoclastes de Lou Reed, Jimi Hendrix ou Paul Simon. Chant introspectif, esthétique épurée : la chanteuse montre la voie d’un jazz très contemporain, nourri de pistes à explorer (24 juillet). Stanley Clarke et son mythique jeu de basse clôturera la programmation sur les plages du Mourillon le 28 juillet. La « légende vivante » s’entoure d’un quatuor de très jeunes partenaires pour interpréter les titres de l’un des ses 40 album, Up (2014). À savourer aussi, un hommage à Michel Petrucciani par son frère Philippe et la chanteuse Nathalie Blanc, au cœur d’un septet porté par la « six cordes » de Philippe et les titres phares du pianiste disparu (25 juillet). Du Latin Jazz avec Carlos Maza & Familia Septeto (le 26). Todo es relativo, voilà la leçon de leur dernier album, composé par le poly instrumentiste Carlos Mazza, inspiré de ses multiples voyages, avec toujours une sonorité flamenca qui imprègne le style du groupe et incite à se laisser aller aux rythmes métissés. World jazz aussi, avec Trilok Gurtu, percussionniste de Bombay. Figure incontournable du jazz fusion, il jouera avec son groupe le 27 juillet, distillant son style hybride et envoutant. « À l’heure de l’apéritif » (17h30, c’est tôt, mais c’est l’été après tout), six formations très locales pour partir loin au gré des accords jazzy. ANNA ZISMAN

Jazz à Toulon 20 au 29 juillet jazzatoulon.com


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Éclectique Gardanne

Ruben Paz y Chévéréfusion © Fred Reggalover

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epuis 2016 à Gardanne, Les Musiques sont devenues Les Musicales, une manifestation toujours gratuite mais avec moins de têtes d’affiches, pour des raisons budgétaires, et qui donne en conséquence leur chance à des talents neufs. En juillet 2017, le programme était varié : danseuses tahitiennes, hip hop, fanfare, opéra, « bal des révoltés » avec la Cie La Naïve... Cette année, moins d’artistes sont prévus,

mais toujours autant d’éclectisme. Coup d’envoi le 30 juin avec quatre concerts Place de la République. Sur cette grande scène se succéderont le duo King Krab (deux frères originaires de Marseille, à l’univers soul), et Jo Harman, chanteuse anglaise entre jazz et blues, qui se taille un joli brin de réputation sur les festivals internationaux. Depuis une scène plus réduite, on entendra le blues rock du groupe local Teld, ainsi que YdonkY, formation amateure qui reprend des titres célèbres, dans la même veine mais tirant vers le punk. Reprise le 6 juillet sur le parking des écoles Biver, aux côtés du chanteur et rappeur marseillais Marseliano, suivi du groupe Look at the passion, en tournée dans la Métrople

Aix-Marseille avec son robot iiKoo. Le 13 juillet, direction La Havane avec le cubain Ruben Paz et son projet Chévéréfusion (latin jazz et World music). Pour la Fête Nationale, retour Place de la République : des tubes à gogo ponctueront la prestation de Haute Tension, qui s’inspire d’émissions télévisuelles telles que The Voice, Le plus grand cabaret du monde ou Danse avec les stars... l’humour en prime. Les Musicales s’achèveront le 20 juillet au Parc de la Médiathèque, sur le jazz-funk de Brazzilian love affair ; les airs d’opérette de la chanteuse lyrique Mélody Lou, qui s’accompagne à l’accordéon dans un répertoire des années 1930 à 1950 ; et le groove du saxophoniste John Massa, en quintette avec son groupe Third Sunday. GAËLLE CLOAREC

Les Musicales 30 juin Place de la République, Gardanne 6, 13, 14 et 20 juillet Divers lieux, Gardanne 04 42 65 77 00 ville-gardanne.fr

Faites musique de tout !

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hâteau-Arnoux-Saint-Auban fait partie des six villes retenues par le ministère de la Culture pour fêter cette année la musique en région plutôt qu’à Paris. Les services de Françoise Nyssen ont retenu des territoires ruraux, péri-urbains, en politique de la ville ou de taille moyenne, pour plus de diversité. Le 21 juin, comme partout ailleurs en France, les notes commenceront donc à résonner dès l’après-midi dans la commune, avec des groupes locaux et la participation des écoles de musiques. Mais le programme de l’événement, réalisé par le Théâtre Durance en partenariat avec Provence Alpes Agglomération, est de ce fait particulièrement soigné. Le clown et percussionniste corporel Barth Russo, venu de Marseille, animera deux sessions d’Apéro Reetmic. Festive façon de faire musique de tout, corps humain et objets du quotidien compris ! Entre les deux, l’Atelier de Musiques Improvisées conduit par Alain Soler rendra hommage au pianiste Thelonious Monk. Plus avant dans la soirée, Theo Lawrence and The Hearts, groupe

hip hop, country... Tout est bon dans le son ! Point culminant de cette Fête de la Musique jarlandine saint-aubanaise, le duo Amadou & Mariam, stars de l’afro-beat bambara, régalera la scène. Les deux chanteurs maliens, non-voyants, doubles lauréats des Victoires de la Musique (en 2005 et 2013), ont sorti leur huitième album l’année dernière. Intitulé La Confusion, il mêle des textes dans leur langue maternelle et en français, et baguenaude entre pop rock d’inspiration occidentale, funk et disco. Accompagnés de cinq autres musiciens, rodés aux grandes manifestations (ils ont assuré la première partie de U2 ou Cold Play, et même joué en ouverture de Coupes du Monde de football), ils sauront sans nul doute attirer un public nombreux. G.C. Amadou & Mariam © Hassan Hajaj

de rock français originaire de Gentilly -comme son nom ne l’indique pas- se livrera à son exercice favori : revisiter 80 ans de musique populaire américaine. Soul, blues, rock’n roll,

Fête de la Musique 21 juin Centre ville, Château-Arnoux-Saint-Auban 04 92 64 27 34 theatredurance.fr


46 festivals

Des Suds fidèles en amour D

epuis plus de deux décennies, les Suds à Arles proposent une odyssée musicale dans un monde tourmenté. Une semaine cathartique qui s’ouvre sur une conférence du passionné Edwy Plenel pour finir en beuverie camarguaise au rythme d’une fanfare. Entre les deux, un flot d’artistes qui composent la bande-son planétaire d’aujourd’hui et de demain, en s’inspirant parfois de celle d’hier. De la découverte à la tête d’affiche internationale, du concert intimiste et acoustique à l’after électro

ermman arie Zimm © Gilles M Angélique Kidjo

déjanté. C’est tout ça les Suds. Et beaucoup d’autres choses dont quelques raretés. Parmi celles-ci, une carte blanche à Grégory Dargent, oudiste français aussi à l’aise avec les musiques minimalistes et improvisées qu’avec la transe touareg, le jazz ou le maqam turc. Pour une unique date en France, les Suds accueillent la rencontre du Grec George Xylouris (luth) et de l’Australien Jim White (batterie)

pour une conversation à deux voix, à la fois enracinée et aérienne, scellant 25 ans d’amitié. Une des caractéristiques du festival arlésien est sa fidélité envers certains artistes qui viennent régulièrement présenter leur dernière création ici. Cette année, on reverra donc avec plaisir le Trio Joubran pour un hommage à Mahmoud Darwich. Ils tenteront de raviver le souvenir d’une émotion atemporelle, lorsque dix ans plus tôt ils accompagnaient au oud, dans le même théâtre antique, le dernier récital en public du grand poète palestinien. Egalement habitué des lieux, Yom revient avec ses Wonder Rabbis dans le cadre de « La nuit de l’amour », labellisée MP 2018. Clarinettiste virtuose, il n’a de cesse d’explorer nombre d’esthétiques musicales, du klezmer revisité aux musiques électroniques. Au cours de cette même soirée, Rosemary Standley, chanteuse folk magnétique de Moriarty, entourée de l’ensemble baroque de Bruno Helstroffer ainsi que les inclassables de Cannibale qui mêlent cumbia, afro-beat et rock garage. Un autre revenant en la personne de Tony Gatlif. Le réalisateur convie les musiciens de la bande originale de son dernier film, Djam, pour un voyage dans les volutes enivrantes du rebetiko, cette musique de l’errance d’origine grecque. Les musiques du monde ont aussi leurs stars. C’est le cas de Gilberto Gil et d’Angélique Kidjo. Le premier, figure de proue du mouvement tropicaliste dans le Brésil des années 60-70, vient célébrer les 40 ans de son album fondateur Refavela, sous la direction artistique de son fils Bem Gil, entouré pour l’occasion de nombreux amis (Mayra Andrade, Chiara Civello, Mestrinho). La plus internationale des voix africaines, Angélique Kidjo, offre une création acoustique, inspirée par le mémorable concert d’un autre Brésilien aux Suds en 2003 : Caetano Veloso... Le flamenco a toujours une place de choix dans la programmation arlésienne. Cette année, Alba Molina rend un vibrant hommage à un couple mythique, formé par ses parents Lole et Manuel. On citera également la Capverdienne Lucibela, Altin Gün, révélé aux dernières Transmusicales de Rennes, ou encore 47soul, nouveaux porte-paroles psychédéliques de la diaspora palestinienne. LUDOVIC TOMAS

Les Suds 6 au 15 juillet Divers lieux, Arles suds-arles.com


Spécial festivals suite, premiers retours

Zibeline 120 sques sortie en kio et le 21 Juill

3 € chez tous les marchands de journaux

Abonnezvous ! 6 OCT

11 JAN

INFINITA

LE CERCLE DES ILLUSIONNISTES

Familie Flöz

HOLD UP

Les comédiens des Quatre Tours 19 OCT

MARGINALIA

DOUBLE ASSASSINAT DANS LA RUE MORGUE Collectif 8

9 NOV

UNE CHENILLE DANS LE COEUR

Cie Troupuscule Théâtre 21 NOV

SUR LE SENTIER D’ANTIGONE

Agence de Voyages Imaginaires

Alexis Michalik

1 ER F É V

IMAGINE-TOI Julien Cottereau 8 FÉV

MATHIEU TROP COURT, FRANCOIS TROP LONG Cie La Naïve

VERINO 16 MAR

ST PATRICK

29 MAR

RACE[S]

23 NOV

IN THE MIDDLE

14 DÉC

LES TRIPLETTES DE BELLEVILLE

Le terrible orchestre de Belleville

Bulletin d’adhésion

Celtic Hangover

LA FABULEUSE HISTOIRE D’EDMOND ROSTAND ! Agence de Voyages Imaginaires

www.journalzibeline.fr WRZ-Webradio zibeline

1 ER M A R

François Bourcier

L’ILLUSTRE AUTEUR DE CYRANO

Zibeline, le mensuel culturel engagé du Sud-Est

ZIBELINE

Conception graphique & illustration : Amandine Comte

12 OCT

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Marion Motin & Cie Swaggers 10 MAI

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LE PETIT BAIN

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48 festivals

Les adieux au canal Saint-Sébastien Le Festival de Martigues, danses, Musiques et Voix du monde célèbre sa trentième et dernière édition

Gran Ballet Argentino © X-D.R

N

é un 4 août 1989 -symbole on ne peut plus fort que le choix de la date anniversaire de l’abolition des privilèges- à l’initiative de la Capouliero, le Festival de Martigues se destinait à dix années d’existence sourit Marc Péron, son président. Le succès fut tel que l’échéance fut largement dépassée, et 2018 fête les 30 ans ! Mais ces dernières années, la fréquentation baisse, insensiblement, poussant à réduire la jauge des spectacles payants, alors que les animations gratuites au village du festival continuent de faire le plein. Lassitude ? affaiblissement du pouvoir d’achat ? autres priorités ? le débat est vaste… Plutôt que de finir sur une faillite budgétaire, comme cela arrive à nombre de manifestations actuellement, l’équipe du festival a choisi de partir « la tête haute », sans dettes (la ville s’est d’ailleurs engagée à apurer les comptes si besoin était), et avec une qualité toujours irréprochable. Décision difficile, car elle entraîne le licenciement des deux emplois annuels de cette association atypique, cimentée par la passion, l’amitié, et dont l’organisation repose sur une foule de bénévoles (environ 600). La totalité des artistes

est hébergée dans des familles d’accueil, ce qui est une rareté. Plus remarquable encore, 30 ans après les débuts, le « noyau fondateur » est toujours là, de même que la plupart des bénévoles. Si le terme « folklorique » attaché aux premières éditions a disparu, car trop fortement connoté, les cultures du monde n’ont cessé d’affluer à Martigues. Voyages lointains mis à la portée de chacun, découvertes passionnantes de formes, de sons, d’expressions, issus de cultures traditionnelles qui savent conjuguer passé et modernité, sur la scène magique du canal Saint-Sébastien.

Une édition d’exception Hommage à tous ceux qui ont soutenu le festival, le 30e anniversaire se veut un condensé de l’excellence, dédié autant aux formations de la région qu’à celles des confins du monde. Depuis la parade d’ouverture (21 juillet) au spectacle de clôture et au bal des « au revoir » (28 juillet), la ville de Martigues vivra encore au rythme des animations et spectacles. Reprenant l’accroche du premier festival de 1989, La Provence accueille le Monde, la soirée inaugurale, sera double avec, en première

partie dirigé par Éric Breton, l’Orchestre Régional Avignon Provence qui interprètera des musiques composées et chantées par Guy Bonnet (et ses choristes), créateur de la Chanson du Festival. La Capouliero, le Ballet Folklorique de Martigues, fil rouge de la fête, sera complice de ces prémices musicales. Puis les moines de Shaolin, authentiques maîtres du Kung-fu, se livreront à d’acrobatiques évolutions et feront découvrir l’essence de leur art plurimillénaire. On retrouvera au fil des jours les ensembles d’arts et traditions populaires venus du monde entier : Ubuhle Be Afrika (Afrique du Sud), le Gran Ballet Argentino qui vient spécialement pour la soirée de clôture, Flor Ribeirinha (Brésil), Mata Ki Te Rangi pour le Chili (île de Pâques), Davlati (Géorgie), Bumbin Orn (Kalmoukie, enclave asiatique et bouddhiste aux bords de la Volga), Mexicanísimo (Mexique), le Théâtre de Danses de Kazan (Tatarstan), Zøgma, collectif de folklore urbain (Québec) pour sa création CUBE (ils nous avaient déjà époustouflés il y a trois avant avec Rapaillé), Live Culture (Afrique de l’Ouest), et bien sûr la Capouliero martégale. Siestes du bout du monde, ateliers, itinéraires musicaux, tables rondes, spécialités culinaires du monde, stage de chansons marseillaises avec Jean-Christophe Born, cinéma en plein air (Massalia Sound System, le film de C. Philibert) au Village du Festival, Festival des Enfants, cocktails de Folklore, sur la place Mirabeau, concerts dans la cour des Salins, stage de Samba à la salle du Grès, Grand Chambardement et son débarquement à Jonquières, une effervescence qu’il sera impossible d’oublier ! MARYVONNE COLOMBANI

Festival de Martigues, danses, Musiques et Voix du monde 21 au 28 juillet Divers lieux, Martigues 04 42 49 48 48 festivaldemartigues.fr


Guitare majeure ! Le festival International de Guitare de Lambesc fête ses 18 ans avec un florilège de virtuoses

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are longévité pour un festival entièrement géré et animé par des bénévoles ! Le Festival International de Guitare de Lambesc propose une programmation éclectique et de haute volée pour la 18e année consécutive, grâce au dévouement éclairé et sans faille de l’association Aguira (Association pour le RAyonnement de la GUItare) et de son directeur Charles Balduzzi, soutenu avec une attentive efficacité par Annie Balduzzi. La subtile guitariste Valérie Duchâteau, directrice artistique de la manifestation, a invité cette année encore un panel des plus grands instrumentistes internationaux de leur génération. Répertoires classiques et créations nous conduisent de l’Amérique du Sud à la Russie, interprétés avec une belle intelligence. En ouverture, Valérie Duchâteau qui nous avait séduits avec les transcriptions des airs de Barbara l’an passé, revient avec Jacques Brel. On s’embarquera pour Buenos Aires avec Eric Franceries dont la technique et le « goût irréprochable » ont été salués par Jean-Pierre .R Marylis e Florid © X-D Rampal, et Jérémy Vannereau au bandonéon (l’un des plus jeunes accordéonistes à participer à l’ouverture des J.O. d’hiver d’Alberville), pour une histoire du tango qui parcourra l’œuvre des grands maîtres, M. D. Pujol, J.C. Cobian, J. Plaza, L. Federico, C. Gardel, A. Troilo, A. Piazzolla… La Russie déclinera ses rythmes alertes en un dialogue brillant entre Natalia Lipnitskaya (guitare) et Micha Tcherkassky (balalaïka), tous deux concertistes hors pair, sur des pièces de Tchaïkovski, Rachmaninov, Chostakovitch... Agnès et Gérard Abiton (familiers du festival), moult fois primés, chemineront dans les méandres de l’histoire de la guitare, avec leur inégalable technique de legato, depuis Jean-Philippe Rameau au contemporain Raúl Maldonado. On aura le privilège d’entendre ce dernier, issu de la grande tradition de son Argentine natale : sa formation classique ne lui a pas fait oublier l’art populaire de ses origines, brillant interprète et compositeur, il rendra hommage à celui qui fut son ami, Atahualpa Yupanqui, poète, chanteur et guitariste, symbole de l’Argentine, et de l’Amérique du Sud. Prodige de la guitare, enfin, Marylise Florid (née à Marseille et formée dans la classe du CNSM du Maître René Bartoli), médaillée d’or à 15 ans, cumulant les prix et menant une carrière internationale, apportera la virtuosité de ses interprétations de compositeurs tels que Barrios-Mangore, Tarrega, entre autres, mais fera aussi découvrir ses propres compositions. Le concert final réunira tous ces artistes d’exception, auxquels se joindront des guitaristes et de jeunes talents de la région. Si la passion de la guitare s’empare alors de vous, l’exposition de lutherie vous permettra d’affiner vos choix. La convivialité et la qualité exemplaires de cette manifestation marquent les premiers jours d’été. M.C.

Festival International de guitare 25 au 30 juin Parc Bertoglio, Lambesc 06 09 58 47 13 festivalguitare-lambesc.com


50 festivals

La Sucrière à l’heure berbère

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our sa 13e édition, le festival Tamazgha invite entre autres TisDass et Takfarinas. Le premier est la relève du rock touareg, le second un monument de la musique kabyle. TisDass (« les piliers de la tente » en langue tamasheq) est le dernier né des groupes de musique touareg en provenance du Niger. Entre chansons roots ou acoustiques et des titres plus rock, les compositions de TisDass, portées par la voix de Kildjate Moussa Aldabé, nous emmènent du désert de l’Azawad aux rues agitées de Niamey. La soirée se poursuit avec Majid Soula, révélé au grand public en 1980. Auteur, compositeur, interprète, il est décrit comme un artiste « novateur, tenace, passionné et discret », réussissant « le pari d’innover la musique kabyle sans altérer la substance essentielle du patrimoine ancestral ». Il n’a pas encore la carrière de Lounis Aït Menguellet, invité l’année dernière, mais Takfarinas a des chances de susciter le même engouement et la même ambiance électrique qu’en 2017. Artiste incontournable de la scène kabyle, Takfarinas était déjà à l’affiche du Tamazgha dix ans en arrière. Également inspiré par le chaâbi, il se forge un style très personnel en puisant dans la modernité de la musique occidentale aussi bien qu’orientale. En plus d’accorder une attention particulière au

TisDass © Sud Culture

également les Ballets Gouraya. Rendez-vous populaire et familial, le festival Tamazgha propose également des ateliers de pratique artistique accessibles à tous.

travail vocal, il révolutionne la pratique du mandole à deux reprises. D’abord en 1988 quand le luthier algérois Rachid Chaffaa lui adjoint un deuxième manche ; puis dix ans plus tard quand le luthier Madjid Lahlou lui fabrique, à Marseille, le tout premier mandole électroacoustique. Après un double album célébrant ses 30 ans de carrière, Takfarinas travaille sur une nouvelle production dont on espère découvrir en exclusivité quelques titres au cours de cette soirée à laquelle participent

LUDOVIC TOMAS

Tamazgha 22 & 23 juin Théâtre de la Sucrière, Marseille festivaltamazgha.org

Cooksound, le grand mix Trova Cubana, le conteur martiniquais Igo Drané, l’Antillo-marseillais David Walters et son kit musical atypique, plus quelques DJ’s et sound systems (Dr X Ray, R*Uno Camionetta et Kabba Massa Sound System). On s’inquiète peut-être juste un peu

de l’effet des « basses fréquences » des beats des phénoménaux Baja Frequencia (duo signé sur le label marseillais Chinese Man) susceptibles de réveiller les sorcelleries sonores conjuguées de la cumbia et des musiques afro-américaines dans la délicate architecture du Jardin et du Couvent des Cordeliers. Côté fourneaux, après une première année test avec les étudiants de l’Alliance By Paul Bocuse, le partenariat s’élargit avec désormais 40 chefs-étudiants (issus de 17 pays différents) qui devront exploiter les ressources des produits locaux et de saison (salés/sucrés) pour servir et régaler les festivaliers, avec les herbes locales mais aussi les épices et le rhum nécessaires, bien sûr. Beau challenge ! David Walters © JC Luong

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i Forcalquier est un territoire qui séduisait peu les festivals de musiques actuelles, Cooksound a lentement changé la donne depuis huit ans. Créé par le persévérant Marseillais Laurent Kouby (le label La Plage Sonore, le projet musical Mysterlô), l’événement s’est ancré dans le phénomène de mix entre musiques et gastronomies, aujourd’hui prolongé par l’esprit « bio et local ». Musiques et nourritures saines pour la tête et le corps : c’est l’équation d’un festival digne de la fraîcheur des Alpes de Hautes Provence. Côté musiques, pas de têtes d’affiche qui en mettent plein les yeux mais une jolie brochette de musiciens, notamment en provenance des Caraïbes, thème de cette huitième édition, ou du moins très inspirés par elles. On retrouvera les Cubains Ruben Paz et la Nueva

HERVÉ LUCIEN

Cooksound 19 au 22 juillet Jardin et Couvent des Cordeliers, Forcalquier cooksound.com


27.07 MANU KATCHÉ 28.07 TAMAYO SALSA MUSIC 29.07 CATHERINE LARA / JUAN CARMONA 30.07 LISA SIMONE

INFOS : 04 42 03 49 98 www.musicales-aubagne.fr

Réalisation : ACOMZ 2018

31.07 LYRIQUE SOUS LES ÉTOILES


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Zik Zac, on est d’ac’

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omment organiser un festival dédié à tous les publics en les contentant tous ? C’est le secret du festival aixois (et gratuit) Zik Zac, bouillon de cultures qui cette année encore sait mélanger valeurs sûres et artistes en devenir. Aux côtés du Massilia Sound System (le 19 juillet), de la fusion du griot guinéen Moh! Kouyaté et de la verve reggae de Bazil, on retrouve ainsi le rap soul de Gracy Hopkins, une des signatures émergentes du hip hop international. Élevé entre l’Angola, le Brésil et la France, le rappeur bilingue n’est pas sans rappeler un Kendrick Lamar pour les rimes affutées et la souplesse musicale. Coup de cœur ! Le 20 juillet, avant les pionniers du rap africain Daara J Family et après la reggaewoman australienne Saritah, le talent verbal de

Fatoumata diawara © Aida Muluneh

Chilla, qui s’impose actuellement comme une des voix rap les plus justes du moment (probablement plus qu’une Booba féministe, il faut écouter son Si J’étais un homme), et l’explosion sonore des Make-Overs, duo de grunge rock minimaliste venu d’Afrique du

Sud, devraient faire l’unanimité. Le 21 juillet le blues âpre et chaloupé du Toulousain Slim Paul, le roots reggae humaniste de Pierre Nesta et le mix hip hop électro musclé des Scratch Bandits Crew laisseront vraisemblablement la place d’honneur à la magnifique

Nuits Métis, un quart de siècle

édition-anniversaire (toujours gratuite) ne déroge pas à la règle. Derrière l’afro-reggae de l’insubmersible Alpha Blondy (65 ans), qui est clairement la tête d’affiche de ce rassemblement musical très familial (avec une dimension carnavalesque entretenue par la déco du lieu et le défilé des Trova Cubana et de la Batucada de la Famille Géant en ouverture de chaque soirée), le festival déroule en un week-end les nombreuses sources de musiques qui clament leurs appartenances planétaires et populaires.

pour un tour du monde

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l s’agit d’un des festivals les plus anciens de la région, longtemps symbole de la fameuse « movida marseillaise », aux côtés de la Fiesta des Suds, tant il reflète l’ouverture des musiques d’ici aux sons d’ailleurs, appelez-le phénomène sono mondiale, world music ou bouillon de cultures si vous le souhaitez. Vingtcinq ans (et vingt-cinq éditions) après, malgré des conditions économiques très différentes

avec l’affirmation des festivals régionaux comme enjeu touristique majeur, la philosophie profondément humaniste imprimée par son fondateur au grand cœur Marc Ambrogiani a peu changé. Né à Marseille, émigré à La Ciotat puis Miramas au bord du plan d’eau de Saint Suspi, le festival a révélé les talents de Ba Cissoko, Rit, Siska, Naias ou Lo’Jo : les Nuits Métis portent bien leur nom et cette

Éveil des sens et des consciences Alpha Blondy © Roch Armando pour Thomas Nowak Consulting

Prenons comme symbole Djé Balèti, alias Jérémy Couraut : ses racines occitanes, qu’il fait revivre à travers un petit instrument nissart réinventé, l’espina, sont le viatique d’un éveil au monde, à ses sonorités et à ses consciences multiples, entre afro funk centrafricain et transes méditerranéennes, toujours festif, toujours engagé. Emmenés par le Marocain Anass Zine, les Marseillais de Maclick lui donnent un écho multiculturel, à la fois urbain et saharien, entre mélopées orientales et rythmes gnawis, mâtinés de reggae (le 22 juin avec aussi Alpha Blondy, Joulik et HK). The Skints sont eux les représentants d’un reggae anglais qui n’a pas fini de se renouveler


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Escale chez Charlotte G.

Fatoumata Diawara et son sourire rayonnant qui règne sur sa pop malienne. Après s’être aguerrie aux côtés d’Oumou Sangaré ou de Damon Albarn qui l’a souvent sollicitée pour ses projets collectifs, la diva est devenue une des grandes voix de l’Afrique et vient de faire paraître il y a quelques semaines son nouvel album Fenfo, qui continue de dresser des ponts entre les continents musicaux, toujours très afro mais déjà très pop. De quoi ravir les petits et les grands, les grands rockers échevelés et les rappeurs pointus, et même les jeunes musiciens qui investiront la scène Jeunes talents en Provence avec Sensé et Klaam (le 19), Black Beanie Dub et Dirlo (le 20), Own et The Wolf & The Fool (le 21).

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vec Rest, Charlotte Gainsbourg a-t-elle mis à mal tous les a priori qu’on avait sur son œuvre musicale : attachante, soyeuse mais anecdotique ? Ce dernier album rompt franchement avec les habitudes pop indé de la fille de Serge et Jane : réalisée avec le producteur Sebastian, qui lui confère une facture électronique inédite, la collection de chansons prend son origine dans les drames personnels récents de la chanteuse et actrice, la disparition tragique de sa demi-sœur Kate Barry (en 2013), qui l’a poussée à s’installer à New York, faisant écho à la mort de son père (en 1991), qu’elle n’a jamais vraiment exorcisée. Rest constitue ainsi un hommage étourdissant à ces deux personnalités marquantes, figures tutélaires d’une famille d’artistes du XXe siècle. Lorsque, en français dans le texte, Charlotte évoque la douloureuse présence de son père (« Je chercherai ton ombre et parmi les vivants et parmi les décombres ») et la fascination qu’elle a pour sa grande sœur, le souvenir de Kate et Serge semble ressortir du néant au fil d’une inspiration digne de BB Initials… Plus fort encore : les mélodies alambiquées, parfois grandiloquentes, de Sebastian sur Ring-A-Ring O’ Roses, Lying With You, Kate, I’m A Lie, Rest (insensée berceuse funéraire co-écrite avec Guy-Man de Homem-Christo de Daft Punk) ou ces Oxalis nourris par les sépultures du cimetière de Montparnasse où repose Serge, font revivre (tour de force) la grâce gainsbourienne, entre emphase romantique russe et accents rock. Ce tombeau poétique, follement saturnien, sonne comme une réussite, d’ailleurs couronnée par une Victoire de la Musique en 2018 (Artiste Féminine de l’Année). Même si la scène n’est pas forcément son lieu de prédilection, on attend donc son live le 17 juillet (avec en première partie le psychédélisme pop de Moodoïd qui a beaucoup inspiré dernièrement Etienne Daho, voir par ailleurs). Le lendemain 18 juillet, deux têtes d’affiches franco-féminines très présentes sur les scènes des festivals investiront le Théâtre Antique : le duo glamouro-potache Brigitte et le romantique piano-voix, héritier de Véronique Sanson, de Juliette Armanet. Le 19 juillet, soirée pop frenchy majeure avec l’icône Etienne Daho, le petit prodige électro-pop Malik Djoudi et la petite dernière très douée Alexia Gredy (before et after assurées à la Cour de l’Archevêché à partir de 17h30 par les locaux Anodine, Bob Lunet et Stonespirit et 23h par Bootleggers United, Azur, Gotthef et DJ Paxton). La série arlésienne se conclura (célébration Mai 68 oblige ?) par un récital Joan Baez le 14 août, qui fait partie de la tournée d’adieux de l’artiste « Fare Thee Well », clin d’œil à une grande chanson folk, Dink’s Song de Pete Seeger interprété par Dylan à ses débuts il y a près de 60 ans, et récemment revisitée pour Inside Llewyn Davis des frères Coen.

H.L.

Zik Zac Festival 19 au 21 juillet Théâtre de Verdure du Jas de Bouffan, Aix-en-Provence zikzac.fr

HERVÉ LUCIEN

Nuits Métis 22 au 24 juin Plan d’Eau Saint Sulpi, Miramas nuitsmetis.org

H.L.

Les Escales du Cargo 17 au 19 juillet et le 14 août Théâtre Antique, Arles escales-cargo.com Charlotte Gainsbourg © Collier Schorr

sous les auspices et les épices de l’héritage jamaïcain : épatant de maîtrise dans ce son roots maintes fois entendu, les jeunes londoniens amènent au genre ce je-ne-sais-quoi, un peu ragga, un peu ska, un peu punk qui en font une des relèves de nos cacochymes à dreads préférées. Plus au sud, Cafetera Roja évoque le son d’un Barcelone contemporain, ouvert au monde avec l’explosion de son tourisme de masse, mais qui veut garder sa propre voix : entre rock, trip hop et funk, les garçons et les filles venues d’Espagne, de France et d’Autriche incarnent une jeunesse catalane multiculturelle riche de ses colères et de ses emphases (le 23 juin avec Vanupié et Natty Crew). Enfin le dimanche 24 juin, le quintet vocal de Radio Babel guide un chœur de 150 enfants et 20 adultes pour un voyage Sur Les Rives de Miramas, résultat d’un atelier inter-générationnel de plusieurs mois. À noter qu’à l’occasion de cette édition-anniversaire, Nuits Métis fera circuler son Cabaret Nomade de Saint Chamas à Forcalquier du 8 au 28 juillet avec de nombreux invités (Radio Babel, Sam Karpiénia, Locomotive Express, Caravane Namasté, Canapacoustik, Bal’Kino et Natty Crew).


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Le summer of love d’Etienne Daho à Midi Belle prise pour le Midi Festival ! Etienne Daho sera la tête d’affiche d’un festival encore confidentiel il y a quelques années et qui a su, contre vents et marées, se hisser au niveau des rassemblements européens

Etienne Daho © Pari Dukovic

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râce à son audace de programmation sur les registres de la pop, du rock et de l’électro (précurseur, voire un peu idiosyncratique), les sites valorisants et à taille humaine investis à Hyères (notamment l’emblématique Villa Noailles et ses jardins hauts perchés), l’événement varois réussit aujourd’hui à attirer un artiste majeur de la chanson pop française. Parrain de l’édition 2016, spectateur l’an dernier, le Rennais s’est permis un petit caprice d’été, lui qui habituellement remplit en Province les grandes jauges plutôt impersonnelles (une date est programmée au Silo le 23 novembre). Cette venue intervient au moment idéal : après ses Chansons de l’Innocence Retrouvée, Etienne ouvrait logiquement une nouvelle page blanche, pas toujours évident pour un artiste aux treize albums (dont une Résérection et une Réévolution !). Blitz entame idéalement ce nouveau-nouveau chapitre

avec un retour aux origines de ses influences : la pop d’inspiration anglaise, aux accents psychédéliques. On sait depuis sa reprise d’Arnold Layne des Pink Floyd de Syd Barrett (sur Tombé pour la France en 1987), comment cet héritage psyché-pop, démocratisé en 1967 par le summer of love à San Francisco, infuse dans ses compositions et son interprétation. Sur Blitz, la référence est d’autant plus audible qu’elle a été réactivée récemment à l’écoute de jeunes groupes comme Moodoïd, qui ont sur adapter ce feeling plutôt insaisissable en français et dont le son a clairement façonné la production de cet opus. La voix toujours aussi juvénile à 62 ans, Daho demeure ce grand frère qui ouvre la voie et s’approprie sans sourciller les chevauchées guitaresques déglinguées des Filles du Canyon et Voodoo Voodoo, les ballades symbolistes de Chambre 29 ou du Jardin, les airs indianistes et drogués de The Deep End ou la majestueuse élégie L’Étincelle.

Bêtes de scène atypiques L’Hippodrome d’Hyères, comme en 2011, 2012 et 2013, accueillera sur deux soirs (et sur deux scènes) les concerts, dont celui de Daho, le vendredi 20. Le même soir, belle rencontre, Baxter Dury reviendra à Midi (qu’il avait visité pour l’édition d’hiver de 2011). Avec Prince of Tears paru l’an dernier, le fils de l’icône punk Ian Dury livre un nouveau chapitre de son grand livre des désillusions commencé il y a quinze ans avec Len’s Parrot Memorial Lift (composé juste après la mort de son père), qui déjà exposait sa capacité à suggérer les riches reliefs de son introspection nonchalante à travers une musicalité paradoxalement fruste, portée par une rythmique répétitive et des paroles parlées. Attention : contre toute attente, l’artiste à sang froid est aussi une atypique bête de scène. La shoegaze de Marble Arch, le blues cosmique de Lost Under Heaven (nouveau groupe d’Ellery Roberts, ex-Wu Lyf), la pop-psyché d’Halo Maud (ex-musicienne de Melody Echo Chamber) et le cold-grunge du décidément inclassable Jessica93 accompagnent ces deux têtes d’affiche. Le lendemain samedi 21 Neneh Cherry et Juliette Armanet occuperont la grande scène,et les devanceront au line-up la chanson-électro iconoclaste et minimaliste de Flavien Berger (de retour après un premier passage mémorable il y a deux éditions), le hip hop tout-terrain du MC anglais favori de Drake Octavian, l’étonnant rap métaphysique d’Aloïse Sauvage (par ailleurs danseuse et comédienne vue dans 120 Battements par Minutes de Robin Campillo) ou la pop naïve et élégante de Ricky Hollywood. Pour les fans de dancefloor, le vendredi aura droit à son after électro Midi Night, Routes des Marais, avec notamment la house allemande d’Axel Boman, Job Jobse et quelques pépites issues de la Red Bull Academy. Le trip hop psychélique de Matty, puis Bertrand Burgalat, entouré de Catastrophe et de son backing band historique A.S. Dragon clôtureront le festival dimanche 22 à la Villa Noailles, ce qui constitue au résultat un summer of love plutôt honnête. HERVÉ LUCIEN

Midi Festival 21 au 22 juillet Routes des Marais, Villa Noailles et Hippodrome à Hyères midi-festival.com


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Pointu et (très) fréquentable

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ous devons être nombreux à pester contre les têtes d’affiche récurrentes de certains grands festivals : un phénomène reflétant la maladie capitaliste du monde du spectacle dont s’emparent les grandes conglomérats comme AEG ou LiveNation et leurs impératifs de retours sur investissements. Mais au lieu de s’énerver, choisissons l’antidote : Le Pointu a mis toute sa belle énergie à imaginer un festival dégagé de toute pression commerciale (le festival est gratuit) et serti d’artistes rarement vus sous nos latitudes. Indépendant, libre et créatif, Le Pointu est depuis quatre ans un de nos festivals préférés dans la région ! Sa tenue sur l’île du Gaou souligne l’écart conséquent d’avec son prédécesseur Les Voix du Gaou, dont la surenchère de décibels et de publics menaçait le petit écosystème insulaire. « Pointu », ce festival l’est fièrement en alignant les signatures anglo-saxonnes sans concessions. Au premier titre, le 7 juillet, les Godspeed You! Black Emperor, groupe montréalais culte avec leur post-rock héroïque et opaque. Alors que leur sixième album Luciferian Towers les a vu renouer en 2017 avec un parcours commencé il y a quinze ans, leur musique, revendicatrice sous des allures cryptiques, démontre que le rock reste encore un territoire d’expression à la liberté

Thee Oh Sees © Mini Van Photgraphy

folle pour attaquer symboliquement Babylone. Le même soir rayonneront leurs compatriotes des Suuns, dont le concert en mars à l’Espace Julien à Marseille restera en mémoire comme un sommet d’art-rock tortueux et étourdissant. Le même soir les Sleaford Mods exposeront leurs propres arguments : un punk-électro testard et décomplexé, parfait échantillon made in UK d’une exception culturelle brillamment entamée avec The Streets. Moins connue, la

Rockorama, Toulon royal

Corine © X-D.R

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vec Midi Festival à Hyères, Plage de Rock à Port-Grimaud, et Le Pointu à Six-Fours, le Var est devenu contre toute-attente une place forte du pop-rock régional depuis dix ans. C’est d’ailleurs l’âge du petit dernier Rockorama, petit festival sur un week-end qui n’a rien à envier aux grands avec son emplacement dans les jardins de la Tour Royale et sa programmation pop-rockDJ’s recherchée, en entrée gratuite (dans

la limite des places disponibles). En bonus, les têtes d’affiche de cette édition-anniversaire sont presque intégralement féminines avec l’exemplaire duo électro-clash et engagé Robots in Disguise et le rap lascif tout en suggestions de Safia Bahmed-Schwartz (le 29 juin) ou l’électro-pop de Yelle, qui devrait faire paraître un nouvel album sous peu (le 30 juin). Mais on jettera aussi une oreille aux garçons (on n’est pas sectaires) dont le revival rock gothique et séduisant des hommes en noir de Leeds, Autobahn. H.L.

pop rock de Spring King et des Toulonnais de Flashing Teeth ouvriront le ban. Le 8 juillet, la tête d’affiche de cette édition débarque : Thee Oh Sees fait figure de groupephare d’un revival rock garage californien fort en décibels et en vibrations. Emmené par l’infatigable John Dwyer depuis 2003, le quatuor enchaîne albums (parfois deux dans la même année comme en 2016) et tournées, sa formation fluctuante se cristallise depuis 2015 autour d’une paire de batteurs qui singularisent le groupe. Leur son ? Une grande lampée de rock primaire et sale, qui n’a rien à envier aux Stooges et carrément ravageur sur scène… Jim Jarmusch dit d’eux qu’ils sont « le plus grand groupe de rock en activité », rien que ça. Des icônes accompagnées d’autres bruyants angelenos, les brillants skaters de Fidlar et leur punk tout en tensions. L’Américain Soft Moon sera bien le seul a exposer un univers plus introspectif, très inspiré de la new wave anglaise torturée. Loin de ces univers assez frustes, le Français Carpenter Brut fait figure de relève de l’électro de Kavinsky avec ses synthés héroïques et ses ambiances de film de science fiction mâtinés de hard rock maximaliste. Quant à Deep Vally, ce seront malheureusement les seules filles de la prog, mais on imagine que leur duo glamrock spectaculaire ne laissera pas leur part aux chiens. HERVÉ LUCIEN

Rockorama 29 juin au 1er juillet Jardins de la Tour Royale, Toulon rockorama.fr

Le Pointu 7 et 8 juillet Île du Gaou, Six-Fours-les-Plages pointufestival.fr


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Musiques au parc

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ien de tel que les concerts en plein air pour se sentir pleinement dans l’été. Et au milieu de la nature, c’est encore meilleur ! Ce sera le cas, cette année encore, au Festival de la Moline, 11 hectares au sein du quartier de Montolivet à Marseille, un parc qui s’est doté au printemps dernier d’un théâtre de verdure pour accueillir, au-delà de son festival musical d’été, du théâtre en plein air et des sports de combat… En ce qui concerne la musique, la 11e édition du festival va se décliner, du 26 au 30 juin, en 5 soirées : bal populaire, jazz caribéen, salsa, électro française, ballades intimistes et rock sixties. Déhanchements festifs et refrains chantés à tue-tête pour commencer : la soirée d’ouverture du mardi 26 juin sera un bal populaire, ambiancé par les succès, repris par Laurent Bœuf et son groupe de chanteuses et danseurs, de variété française et internationale. Le lendemain, soirée plus sophistiquée, avec les ballades chaloupées et le groove caribéen du londonien Anthony Joseph, qui interprètera, accompagné de ses 5 musiciens, les morceaux de son dernier album « Carribean Roots » (soirée labellisée Marseille Jazz des 5 Continents).

par le cubain Alberto Pollan. Vendredi 29 juin, changement de registre, avec l’électro des français Irfane et Breakbot, respectivement ex-chanteur des très funky Outlines, et ex-arrangeur des très pop Metronomy et Digitalism. Ils présenteront leur projet commun « By your side » (soirée labellisée Acontraluz). La clôture du festival se fera, le samedi 30, autour d’une première partie intime et mélodique signée Agop, au chant et à la guitare, et d’une deuxième partie de soirée sixties avec Les Vinyls, taillés sur mesure pour des reprises rock’n’roll (Bill Haley, Gene Vincent,…) et yéyés (Chaussettes noires, Chats sauvages, Johnny,…). Il y en aura pour tous les goûts cet été à la Moline et c’est à noter : tous les concerts seront gratuits ! MARC VOIRY

Anthony Joseph © MIRABELWHITE

Accentuation du climat tropical, le 28 juin, avec la salsa de l’Al’pollan septet y su latin Power, une formation composée de salseros latino-marseillais aguerris, conduite

Festival de la Moline 26 au 30 juin Parc de la Moline, Marseille 04 91 14 62 39 marseillemairie11-12.fr

Rock’n wine

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oire du vin et étreindre la beauté vaut mieux que l’hypocrisie du dévot » écrivait le poète Omar Khayyâm il y a bien longtemps. « Faisons nôtre cette devise ! », se sont probablement dit les organisateurs de Music en vignes, lorsqu’ils ont décidé de transformer le vignoble Château Paradis en salle de concert à l’air libre, trois jours durant chaque mois de juillet. Douze ans déjà que le festival reçoit des pointures jazz, soul, funk ou blues, avec un verre de BRBB © Leff Marseille bon cru offert à l’entrée, et un éthylotest au long de leur interminable carrière. Let’s à la sortie… spend the night together ! Cette année, du rock endiablé ouvrira le bal le Le lendemain, un Big band biterrois repren18 juillet : Les Fortunes Tellers rendront un dra le flambeau. Le B.R.B.B. (alias Béziers Tribute Stonien (comprenez : un hommage aux Rythm’n Blues Band) est de retour au Puy Rolling Stones dans toute leur démesure). Au Sainte Réparade. Lors de l’édition 2016, ils programme, les tubes mémorables nés dans avaient honoré les divas de la soul ; cette la caboche rebelle de Keith Richards, Mick fois, les huit musiciens se livreront à un tour Jagger et consorts durant les sixties et tout de chant centré sur l’œuvre d’Otis Redding.

Afin de conclure ces trois soirées, le 20 juillet, on quittera l’Amérique pour revenir à l’aire anglo-saxonne, mais du côté de l’Irlande. With U2 Night est une performance dédiée au groupe de Bono. Pour reprendre en chœur Sunday bloody sunday ou With or without you sans avoir à débourser un tarif exorbitant à l’entrée d’un stade surpeuplé... Car les tarifs de Music en Vignes ne dépassent pas 25€ par concert, avec un pass pour les trois jours à 60€, si l’on est friand de cette formule qui consiste à rendre des hommages musicaux. GAËLLE CLOAREC

Music en vignes 18 au 20 juillet Château Paradis, Le Puy Sainte Réparade 04 42 54 09 43 musicenvignes.fr


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Worldwide, un monde de sons style, toutes tendances confondues : Larry Heard/Mr Fingers pour la house de Chicago, Moodymann pour celle de Detroit, et Louie Vega (moitié du duo Masters At Work) pour l’école de New York. Troisième tendance : le retour de styles un peu oubliés comme l’abstract hip hop du Japonais DJ Krush et du Français DJ Cam ou de la drum’n bass soulful du revenant aux dents en or Goldie. Enfin, les lives d’artistes emblématiques comme Seun Kuti et son Egypt 80 qui fait revivre l’afro-funk de son géniteur Fela, les claviers funkadeliques d’Amp Fiddler ou encore les bricolages de l’iconoclaste brésilien Hermeto Pascoal et son art de créer avec tout ce qui lui tombe sous la main. HERVÉ LUCIEN Daphni © X-D.R

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ouvent cité comme un des meilleurs festivals européens, l’événement co-organisé par le DJ et prescripteur de tendances francophile Gilles Peterson sait dénicher le meilleur des musiques actuelles, de la soul au hip hop en passant par l’électro, la house music et les musiques du monde. Worldwide c’est un monde de sons à écouter les pieds dans le sable (journées en accès libre à la plage et au Centre régional d’art contemporain) ou la tête dans les étoiles (soirées au spectaculaire Théâtre de la Mer). Cette 13e édition ne déroge pas à la règle avec un pool de plus de 50 artistes qui vont se succéder pendant une semaine entière dans la ville portuaire. Si on ne peut les citer tous, on dégagera quelques grandes tendances de cette programmation. En premier l’omniprésence des signatures de l’IDM, Intelligent Dance Music qui ne s’est jamais aussi bien portée que sous les expérimentations de Daphni, Four Tet et James Holden. Sous le nom de Daphni, le Canadien Dan Snaith abandonne la sécurité de Caribou, son pseudo plus bankable, pour développer une électronica aventureuse et aérienne mais aussi très dancefloor. Pas très loin d’un des maîtres du genre (et collègue de label), Four Tet, et de sa house music cérébrale dérivant parfois vers le jazz : volontiers abstraite avec ses découpages rythmiques, conceptuelle (il enregistre le cœur de son fils lors de l’échographie pour l’intégrer dans son magnifique album There Is Love in You), la musique de l’Anglais est d’une liberté folle, qui l’exonère de toutes les étiquettes trop restrictives. S’il était intégralement “laptop” à ses débuts, James Holden, le parrain de l’électro lysergique avec son label Border

Community, a assimilé les enseignements du krautrock allemand pour un délire instrumental plus imprévisible. Avec sa nouvelle formation Animals Spirits, il devrait encore emmener ses expérimentations à un niveau supérieur. Deuxième tendance : les maîtres de la house music avec un trio de fondateurs du

Worldwide 30 juin au 7 juillet Théâtre de la Mer, Plage et Crac à Sète worldwidefestival.com

Thau de satisfactions

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’éco-système du festival héraultais est bien rôdé après vingt-huit années d’existence, avec des étapes musicales autour de l’étang rythmant allègrement les dégustations de produits locaux et les débats et animations sur la biodiversité (cinq cette année). Et côté inspirations musicales, il y a de quoi faire : le Festival de Thau est familial et ouvert sur le monde Motives Sound System © Pauline Beaudoin avec une quinzaine d’artistes de tous horizons. On remarquera en préambule et Hakim de Zebda le même soir que la l’effort fait sur les créations dans le cadre du rencontre des Ogres de Barback avec le +SilO+ de Réseau en scènes, permettant Bal Brotto Lopez (le 20) ou une belle soirée de croiser un trio de cordes occidentales et féminine réunissant Catherine Ringer et des instruments traditionnels réunionnais Fatoumata Diawara (le 22). H.L. (4Lands avec le Trio Zéphyr et Germain Lebot le 16 juillet) ou de retourner aux sources africaines de la musique tunisienne d’Imed Festival de Thau Alibi avec Frigya (le 22). On soulignera les 16 au 24 juillet immanquables du festival avec une carte Bouzigues, Montbazin, Abbaye de blanche au musicien nomade Piers Faccini (le Valmagne, Balaruc-les-Bains et Mèze festivaldethau.com 18), le bal engagé des Motivés ! avec Mouss’


58 festivals

Toutes les couleurs de Garnier Installé dans le Vaucluse depuis plus de dix ans, le DJ français est de plus en plus présent sur la scène régionale et notamment ses festivals. Kolorz lui offre la tête d’affiche le 21 juillet

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epuis quelques années, This Is Not A Love Song à Nîmes et Yeah ! à Lourmarin, le même premier week-end de juin, sonnent l’entrée de la Provence dans la saison des festivals de musiques actuelles. À la tête de Yeah ! avec deux acolytes, Laurent Garnier a accompagné l’empreinte grandissante de la culture électronique dans les festivals de la région. D’abord à travers des résidences et des soirées club, puis en s’inscrivant comme tête d’affiche dans les festivals du genre, de plus en plus nombreux sur le territoire sudiste, enfin comme prescripteur de tendances il a consacré avec Yeah ! le concept d’un événement de culture électro sans DJ’s (aucun sur le festival sauf lui-même pour des sets tout sauf techno). L’auteur d’Electro-Choc (livre essentiel pour comprendre l’impact du mouvement rave sur les dernières générations de mélomanes) a ralenti le rythme depuis quelques années afin de garder sa fraîcheur et sa capacité à embrasser toutes les musiques. « Je veux pouvoir jouer tous les styles, du rock à la drum’n bass en passant par la soul nous déclarait-il alors qu’il venait de s’installer dans un petit village du Luberon. Le DJ ne doit pas établir une dictature pour faire danser les gens toute la nuit. Pour partager des émotions, il faut être dans le sensible… Les artistes insensibles ne me font pas voyager ». À 52 ans, toujours fidèle à cette philosophie ouverte sur toutes les couleurs musicales, l’ancien DJ de l’Hacienda, décoré de l’Ordre de Chevalier des Arts et des Lettres l’an dernier, nomadise encore au gré des festivals et se pose à Carpentras pour une nouvelle édition de Kolorz.

Pionniers et jeunes pousses Après huit éditions estivales (et cinq hivernales) l’événement semble taillé pour faire se côtoyer pionniers frenchies et jeunes pousses de l’électro internationale. Dans l’enceinte de l’Hôtel Dieu récemment rénové, qui accueille à nouveau 3000 spectateurs après deux ans de travaux, Laurent Garnier retrouvera le 21 juillet sur scène son partenaire Scan X (révélé sur F Com, label de Garnier à l’époque), spécialiste du live machine, et un des pionniers du son rave français des années 90

Laurent Garnier © X-D.R

et co-fondateur des Nuits Sonores Patrice Moore. Dans leur sillage, la jeunesse ! Leo Pol, aujourd’hui résident du plus grand club électro parisien, La Concrete, se produit en live avec ses machines pour un set old school flirtant avec les racines américaines de la house music. La Belge Amelie Lens qui s’est imposée en quelques mois avec un son sans concession sur les plus grands festivals de son pays (Tomorrowland, Pukkelpop) prend la relève de sa compatriote Charlotte de Witte (sensation du Kolorz 2017) et apparaît comme un des nombreux visages féminins d’une techno actuelle qui ose revenir à une facture épurée, sombre et puissante. La veille, 20 juillet, Popof un autre artiste emblématique de la techno française qui s’est imposé sur la scène techno dite « minimale » fera figure d’ancien sur un plateau composé de plusieurs masques vénitiens (dissimulant

néanmoins des musiciens allemands) : l’incontournable Grimaçant de l’icône minimale Boris Brejcha et le Nez-long doré du plus house Claptone. Trois régionaux complètent le plateau : l’électro-hip hop de Damien Massina, la techno de l’Avignonnais Trader et l’électro de The Dualz. Après cette étape carpentrassienne riche en rencontres, le régional « Lolo » Garnier sera aussi à l’affiche d’A Contra Luz à Marseille le 8 septembre, avec d’autres partenaires de jeu (Ben Klock et Maceo Plex, notamment) et, vraisemblablement, d’autres manières de se mettre en valeur. HERVÉ LUCIEN

Kolorz Festival 20 et 21 juillet Hôtel Dieu, Carpentras kolorzfestival.com



60 festivals

L’Art lyrique ancré dans son territoire Nommé en 2007, Bernard Foccroulle signe cette année sa dernière saison en tant que directeur du Festival d’Aix. Nous revenons avec lui sur ce mandat et sur la programmation de cet été, marquée par Marseille Provence 2018 Zibeline : Quels souvenirs marquants garderez-vous de vos années d’exercice à Aix ? Bernard Foccroulle : J’ai eu la chance de ne programmer que des artistes auxquels je croyais profondément. Ils ont tous été déterminants pour le monde de l’opéra : je pense aux mises en scène de Robert Lepage ou de William Kentridge, et évidemment à la très belle Elektra de Patrice Chéreau, au Written on the Skin de George Benjamin, mis en scène par Katie Mitchell, au Don Giovanni de Tcherniakov … Et tant d’autres, il me serait impossible de départager les 65 productions qui ont fait ce festival, et je suis très heureux de la sortie prochaine d’un beau livre évoquant chacune d’entre elles, ainsi que d’une série d’entretiens mettant en lumière les rouages qui leur ont permis de voir le jour*. Ces deux axes – l’un artistique, l’autre politique – rappellent à quel point le but de ces festivals est de rendre l’opéra vivant. Sur scène, mais aussi dans le paysage dans lequel il s’inscrit. Le paysage international, donc, mais également le paysage local ? Ce n’est absolument pas contradictoire : toute institution culturelle a la possibilité et, à mon sens, le devoir, de s’ancrer dans son territoire. J’ai assisté, au fil de mes mandats à la Monnaie de Bruxelles puis à Aix-en-Provence, à un vrai changement sur ce point. Dans les années 90, les festivals lyriques se concevaient nécessairement hors sol. Leurs programmes étaient passionnants, prestigieux, mais ne se destinaient pas au territoire sur lequel ils prenaient forme. Je suis particulièrement fier d’avoir prouvé le contraire. D’avoir ouvert le festival à un public auquel on ne destine habituellement pas la scène lyrique. Je pense

évidemment au monde de l’éducation, qui est le premier lieu et sans doute le plus propice à un vrai contact avec l’opéra. Mais aussi à un public moins considéré, le public jeune. À Aix-en-Provence, j’ai tissé des liens solides avec l’Université, qui se sont concrétisés notamment avec le programme Opéra On – qui donne accès à des places à 9 euros aux étudiants, et leur propose tout au long de l’année des rencontres et activités qui les familiarisent avec le monde de l’opéra. Cet ancrage ne peut évidemment pas se concevoir sans un contact avec le monde associatif, social, et économique de la région. Depuis mon arrivée sur le festival, plus de trente entreprises locales accompagnent fidèlement le festival.

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La collaboration avec MP 2013, puis MP 2018, a-t-elle été déterminante ? Absolument. J’ai été d’autant plus sensible à Marseille Provence 2013 que j’étais encore à la Monnaie lorsque Bruxelles 2000 avait été lancé. Cette expérience, intéressante mais frustrante, m’a convaincu de l’importance de mettre en place des réseaux pérennes, de semer des graines sur la durée. La dynamique de Marseille Provence 2013, et l’implication des personnes en charge avec lesquelles j’ai noué des liens importants, a permis aux acteurs du monde culturel d’enfin se consulter, de sortir du chacun pour soi, et c’est sans doute sa leçon majeure. Un certain étonnement, une certaine frustration se développent forcément lorsque la viabilité des projets n’est pas au rendez-vous. C’était en partie le cas il y a cinq ans, avant cette nouvelle cristallisation qui fait intervenir des moyens plus limités mais relève du même esprit : MP 2018 rappelle que la synergie entre les acteurs de diverses dimensions est la seule qui permet au monde culturel d’avancer, d’innover, et d’aller à la rencontre de nouveaux publics. Deux des six opéras de cette saison – Seven Stones et Orfeo et Majnun – ont été programmés dans le cadre de Marseille Provence 2018 et de sa thématique « Quel Amour ! ». Pouvez-vous nous en dire quelques mots ? Ces deux productions sont le fruit d’une volonté au cœur du festival, celle de placer en son centre la création. Elles sont atypiques : leur durée mise à part, 1h30 chacune, elles relèvent de formats radicalement différents. Steven Stones franchit plusieurs frontières, puisque son personnage traverse le monde pendant sept ans, et qu’il est le fruit du travail d’un poète islandais et d’un compositeur


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La Flûte Enchantée (Aix, 2014) © Pascal Victor/artcompress

tchèque. Seize chanteurs y sont rassemblés, sans orchestre. Ondřej Adámek est un compositeur passionnant, à très forte personnalité : sa musique recèle une vraie technicité, mais elle n’est jamais inutilement compliquée et reste très accessible. Orfeo et Majnun est un projet d’une autre ampleur. Il se concrétise dans une parade urbaine, qui a déjà traversé Arles en avril, et foulera le Cours Mirabeau dès juin (PARADE[S], 24 juin): elle est un lieu d’expression privilégié pour un grand nombre d’acteurs scolaires et associatifs. L’opéra créé est profondément interculturel et intemporel. Il met en parallèle, dans trois langues, une histoire orientale d’amour impossible et celle, bien connue, d’Orphée et Eurydice. Ces deux amants transis, privés de leur aimée, contraints à la seule compagnie des animaux, ne peuvent voir leur amour transcendé que par la poésie et la musique. L’opéra Orfeo et Majnun est un projet participatif, qui fait intervenir des chanteurs professionnels issus de différentes cultures, des musiciens venus de tout le bassin méditerranéen, pratiquant des instruments inhabituels, mais également un orchestre « classique », et près de deux cents choristes amateurs. C’est un spectacle

gratuit, qui peut rassembler des milliers de spectateurs, mais qui n’est pas pour autant « bon marché » - il a bénéficié du soutien de l’Union Européenne et de pas moins de six partenaires européens. Cette édition est également marquée par la présence de nombreux artistes issus de l’Académie d’Aix. Tout à fait, et j’en suis très fier ! Le Festival fête ses 70 ans cette année, et l’Académie ses 20 ans. Elle rassemblait à ses débuts quelques dizaines d’artistes, elle en compte aujourd’hui près de 250 ! Elle permet des rencontres formidables, via des cours, des masters classes, sans parler de l’insertion professionnelle et de la médiation qu’elle engendre. C’est une diversité qui profite aux jeunes artistes mais aussi au festival. Stéphane Degout y a entamé sa carrière en jouant Papageno en 1999, il transmet aujourd’hui aux jeunes chanteurs l’art de la Mélodie française. Sabine Devieilhe a également fait ses premières armes ici, et

sera pour la première fois Zerbinetta dans Ariane à Naxos. C’est un immense plaisir pour nous que d’avoir participé à d’aussi belles carrières. Vous avez également tissé des liens de fidélité forts avec vos metteurs en scène. Effectivement. Katie Mitchell signe pour sa septième année de présence sur le Festival une sixième mise en scène avec Ariane à Naxos, Simon McBurney propose à nouveau La Flûte Enchantée, qu’il avait créée ici il y a quatre ans. Ce sont des personnalités majeures, tout comme le reste de l’affiche. Mariusz Treliński a remporté un Opera Award à Londres cette année, il a créé L’Ange de Feu il y a trois semaines à Varsovie et les échos sont déjà dithyrambiques. Vincent Huguet a été l’assistant de Patrice Chéreau, Didon et Enée est son opéra favori – et également le mien – et ce sera un bonheur incommensurable de voir son travail, pour la première fois, sur la scène de l’Archevêché. C’est enfin Eric Oberdorff qui met en scène Seven Stones et je m’en réjouis : les chorégraphes ont leur mot à dire, et un regard bien particulier, sur l’opéra. Quels projets avez-vous pour la suite ? Envisagez-vous de vous concentrer sur votre activité d’organiste, de compositeur ? Je n’ai jamais abandonné l’orgue. J’ai terminé d’enregistrer l’intégrale de Bach quand je travaillais encore à la Monnaie. J’ai même fait en sorte de faire paraître un CD par an. J’ai longtemps eu une prédilection pour la musique allemande mais je souhaiterais m’atteler à un compositeur qui m’est cher et qui est trop peu connu, Correa de Arauxo, et aussi à la musique contemporaine, pas en soliste mais avec des ensembles. Le grand écart entre l’orgue, soit l’absence de représentation, et l’opéra, mise en représentation par excellence, m’a permis de trouver des ponts entre les deux territoires. Fréquenter des grandes voix m’a nourri, en tant qu’instrumentiste et en tant que compositeur. De même que le contact avec la littérature, la danse et le théâtre ont fait naître en moi un désir de nouvelles formes. Avec le temps et la concentration nécessaire, j’espère y réfléchir. Voire écrire, moi-même à mon tour, un opéra, qui sait ? ENTRETIEN RÉALISÉ PAR SUZANNE CANESSA

* L’Opéra, Miroir du Monde, et Faire vivre l’Opéra, à paraître chez Actes Sud Beaux Arts en Juillet 2018

Festival International d’Art lyrique d’Aix-en-Provence 4 au 24 juillet divers lieux, Aix-en-Provence 08 20 922 923 festival-aix.com


62 festivals

Un pèlerinage à La Roque ? Le Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron s’est imposé comme un point d’ancrage exceptionnel dans le paysage musical et pianistique mondial

Laloum Adam © Harald Hoffmann-Sony Music

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’été durant, au moins une fois, si ce n’est plus, il faut se rendre à La Roque d’Anthéron pour assister à quelques manifestations de son magnifique festival. Il enchante les amateurs de musiques sous les étoiles ; depuis des décennies, on y croise le gotha des pianistes. Bien sûr, on ne manque pas les prestigieux concerts sur la grande scène du Parc du Château de Florans, à la Roque d’Anthéron même, lieu emblématique et historique : c’est là qu’est né le festival il y a bientôt quarante ans. Deux mille personnes peuvent se nicher sur le mur de gradins qui fait face à la monumentale conque acoustique. Cette dernière abrite un orchestre symphonique au complet et permet d’entendre, avec un remarquable confort sonore, le moindre pianissimo du clavier comme un surpuissant tutti instrumental. Mais La Roque d’Anthéron ne se réduit pas à... La Roque (et son abbaye de Silvacane). Une quinzaine d’espaces de

concerts, tous choisis avec soin, permettent de sillonner le département des Bouches-duRhône, de Marseille (La Friche, Théâtre Sylvain), à Arles (Théâtre antique), Aix (Musée Granet, église Saint-Jean de Malte), Mimet, Lambesc, Rognes, jusqu’à la frontière vauclusienne du Luberon, vers Lourmarin, Cucuron ou le surplomb panoramique des Terrasses de Gordes. On court ainsi d’un récital intime au grand concert où la foule vibre aux exploits des solistes. En 2018, on commence le 20 juillet au Parc du Château de Florans, avec le virtuose russe Arcadi Volodos et l’Orchestre Philharmonique de Marseille dirigé par Lawrence Foster dans Beethoven (3e concerto et la Pastorale), aussi le lendemain en compagnie de Michel Dalberto pour le concerto L’Égyptien de Saint-Saëns et Le Tricorne de Falla (Marina Rodríguez-Cusí, mezzo)... pour y finir le 18 août avec le bien-aimé des

pianistes français Adam Laloum dans le 2e concerto de Brahms. C’est l’Orchestre Philharmonique d’Odense qui le seconde pour une bouleversante symphonie Pathétique de Tchaïkovski.

Fourmillante diversité Entre ces deux dates... des dizaines de solistes se relayent ! Et pas seulement des pianistes (ils sont 62) ! Il y en a pour les amateurs de clavecin (le gratin des cordes pincées), de musique de chambre (dont le Trio Wanderer ou le Quatuor Prazák), de violon (Renaud Capuçon, Gidon Kremer)... Et pas seulement du classique ! Les concerts de jazz font fureur à La Roque avec cette année Brad Mehldau, Baptiste Trotignon, Bojan Z avec Michel Portal, Ray Lema... Et pas seulement des concerts payants ! « Sur les routes de Provence » affiche une quinzaine de concerts gratuits où l’on découvre les ensembles « en résidence » à La Roque d’Anthéron, du duo au quintette dans de superbes programmes. Une quinzaine de concerts marient piano et orchestre (celui de Cannes, le Sinfonia Varsovia, le Royal Northern Sinfonia...). Ils ont lieu au Parc du Château de Florans avec Shani Diluka, Denis Matsouïev, Anne Queffélec, les Nelson Freire & Goerner, Nicholas Angelich, Lars Vogt... dont trois « Nuits du piano » (double concert à 20h et 22h) : musique française, Beethoven et Liszt. On puise également parmi 15 récitals baroques des clavecinistes Justin Taylor, Pierre Hantaï, Jean Rondeau... aux organistes Olivier Latry, Freddy Eichenberger et l’ensemble La Rêveuse... voire les musiques Klezmer du Sirba Octet. Des « Concerts Découverte » à 18h (à prix doux – gratuité pour les -18 ans) font connaître de jeunes talents à côté des grands noms. Allez... en voici quelques-uns : les Russes Boris Berezovsky, Alexei Volodin, Nikolaï Lugansky, les Français David Kadouch, Jean-Claude Pennetier, Bertrand Chamayou... et bien d’autres tels Abdel Rahman El Bacha, Momo Kodama, Maria João Pires... qui méritent chacun(e) un pèlerinage au panthéon des claviers ! JACQUES FRESCHEL

Festival International de Piano 20 juillet au 18 août La Roque d’Anthéron et autres lieux 04 42 50 51 15 festival-piano.com



64 festivals

« Sous le signe de l’hexagone »

Santtu-Matias Rouvali © Kaapo Kamu

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epuis son origine, le Festival Radio France Occitanie Montpellier exhume des répertoires oubliés, promeut de jeunes artistes avec, pour point de mire, le souci de rendre accessible une culture musicale de haut vol. De fait, nombre de concerts sont retransmis sur les ondes tentaculaires du réseau Radio France. C’est en Occitanie, autour de la cité de Montpellier et sa grande salle de l’Opéra Berlioz que le festival s’est développé. En 2018, son intitulé « Douce France » fait référence au Narbonnais Charles Trenet (un spectacle éponyme de chansons françaises est annoncé les 15 et 16 juillet). C’est majoritairement des œuvres, des artistes, des ensembles hexagonaux ou des lieux patrimoniaux qui sont à l’honneur. Cheville ouvrière du festival, l’Orchestre National Montpellier Occitanie, relayé par l’Orchestre National de France, l’Orchestre, les Chœurs et la Maîtrise de Radio France, est secondé cet

Le goût de la surprise

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ean-Louis Grinda le réaffirme dans son édito, « il est grand temps pour les Chorégies d’Orange (dont il est le directeur) de prendre un nouvel envol ». Entre le in et le off, les mélomanes les plus exigeants seront sans aucun doute comblés avec un répertoire qui cherche à se renouveler tout en cultivant l’excellence. Le « In » accueillera ainsi une Nuit Russe avec l’Orchestre Philharmonique de Radio France, dirigé par Mikhaïl Tatarnikov, avec les chœurs des opéras d’Avignon, de Monte Carlo et de Nice pour un programme nourri d’extraits de La Dame de Pique, Eugène Onéguine, Iolanta (Tchaïkovski), Le Coq d’or, La Fille des neiges (Rimski-Korsakov) et Aleko (Rachmaninov). Airs, duos, ensembles et chœurs rendront grâce à ce brillant répertoire. Deux œuvres majeures données pour la première fois au Théâtre Antique feront l’ouverture et la clôture du festival : le rare et grandiose Mefistofele de Boito, dirigé (encore une première fois pour les Chorégies) par une femme, Nathalie Stutzmann, avec une distribution de choix, Jean-François Borras campera Faust face au Méphisto d’Erwin Schrott, et Béatrice Uria-Monzon Hélène de Sparte ; la « folie

magnifique » du Barbier de Séville de Rossini, mis en scène par Adriano Sinivia sera menée par Giampaolo Bisanti, avec le plus grand interprète du rôle-titre aujourd’hui, Florian Sempey. La forme ciné-concert avec Fantasia de Disney et l’Orchestre National de Lyon sous la houlette de Didier Benetti fait son entrée aux Chorégies ainsi que la danse avec La flûte enchantée chorégraphiée par Maurice Béjart et interprétée par le Béjart Ballet Lausanne. Enfin, quatre grands récitals offriront l’occasion d’entendre les voix sublimes de Karine Deshayes (mezzo-soprano), Edgardo Rocha (ténor), Eva-Maria Westbroek (soprano) et George Petean (baryton), tandis que le concert des révélations classiques de l’ADAMI nous fera découvrir les talents de demain. Le « Off » proposera

Jean-Louis Grinda © Alain Hanel

Musiques en fête (20 juin), des rencontres avec les équipes des opéras et pléthores de concerts par la ville… Orange, couleur de la musique ? MARYVONNE COLOMBANI

Chorégies d’Orange 20 juin au 4 août Divers lieux, Orange 04 90 34 24 24 choregies.fr


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été par les remarquables formations de la Garde Républicaine (Orchestres, Chœur de l’Armée Française). En 2018, on ne manque pas d’honorer Claude Debussy à l’occasion du centenaire de sa disparition : ce sont ses mélodies, pièces pour piano ou orchestrales qu’on entend à côté d’opus de compatriotes : Ravel, Chabrier, SaintSaëns, Fauré, Duparc, Chausson, Poulenc... On célèbre par ailleurs Leonard Bernstein, né en 1918, en clôture du Festival (27 juillet). La création française est mise en exergue avec cinq compositeurs de la nouvelle génération : Benjamin Attahir, Sophie Lacaze, Karol Beffa, Guillaume Connesson et Éric Tanguy. Tradition oblige à Montpellier, on (re)crée des ouvrages du passé : cette année c’est Issé, une « pastorale héroïque » et baroque du Cardinal Destouches (18 juillet), Kassya, le dernier opéra inachevé de Léo Delibes, orchestré par

Massenet (21 juillet) et Les Cris de Paris, une grande « symphonie humoristique » de JeanGeorges Kastner (26 juillet)... pour satisfaire l’intarissable plaisir des découvertes !

Des projets originaux Une première mondiale : les 555 sonates pour clavecin de Scarlatti se déclinent en trente-cinq concerts, dans treize lieux patrimoniaux de la région, par trente instrumentistes différents ! Une folie... comme celle, utopique, d’illustrer, en une seule soirée (25 juillet), « Les chemins de Saint-Jacques de Compostelle » avec six concerts vocaux simultanément à Saint-Gilles, Montpellier, Conques, Villeneuve d’Aveyron, Cahors, Arlessur-Tech. Ce sont aussi les musiques tziganes qui résonnent avec émotion au Mémorial du camp de Rivesaltes (20 juillet). Une pléiade de jeunes talents côtoient Marianne Crebassa, David Kadouch,

Véronique Gens, Hervé Niquet, Bertrand Chamayou, Michel Dalberto... Marc Minkowski et les Musiciens du Louvre pour La Périchole d’Offenbach (11 juillet) ... Mais pas que des Français : Fazil Say, Beatrice Rana, Michael Schønwandt (chef de l’Orchestre de Montpellier), Nelson Goerner, Nemanja Radulović, le Chœur de la Radio Lettone interprètent aussi Tchaïkovski ou Arvo Pärt... JACQUES FRESCHEL

Festival Radio France Occitanie Montpellier 9 au 27 juillet Montpellier et autres lieux 04 67 02 02 01 lefestival.eu

photos © Vincent Beaume, © Florent Gardin. / graphisme © Laurène Chesnel

COURS MIRABEAU, AIX-EN-PROVENCE 24 JUIN | PARTICIPEZ À LA GRANDE PARADE URBAINE ! 8 JUILLET | VENEZ ASSISTER À L’OPÉRA GRATUIT EN PLEIN AIR !

Un rendez-vous MP2018 Quel Amour !

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THE ELOISE SUSANNA GALE FOUNDATION


66 festivals

Paysages musicaux Les Hautes-Alpes accueillent le monde à travers des propositions musicales qui explorent les genres, les origines, les époques, avec une singulière pertinence, grâce à l’Espace culturel de Chaillol et son directeur, Michaël Dian dans la tradition musicale espagnole, La Yave de mi casa… Et la Compagnie Rassegna décline toutes les richesses mélodiques et rythmiques de la Méditerranée avec Il Sole non si muove (lire journalzibeline.fr).

Enfances de l’art

Quatuor Béla © G.Garitan

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es paysages sonores rencontrent les beautés naturelles des montagnes du Gapençais, amènent l’auditeur à découvrir petites églises nichées au cœur des vallées, musée, château, jardins… Et les genres à se mélanger au Festival de Chaillol. Entre classicisme et création contemporaine, le jazz déclinera ses arrangements avec un ensemble de seize solistes, le Vintage Orchestra, pour rendre hommage au grand trompettiste, compositeur et chef d’orchestre de jazz que fut Thad Jones. Puis le contrebassiste Riccardo Del Fra et son quintette, composé de quelques-uns des meilleurs sidemen européens, nous offrira son projet fédérateur entre les peuples, Espoir.

Relire le répertoire classique Le centenaire de la naissance d’Alberto Ginastera est marqué par la soprano Maya Villanueva, le violoncelliste Patrick Langot et le pianiste Romain David avec un programme qui souligne à quel point musique savante et inspiration populaire se côtoient et se fondent dans l’œuvre du compositeur argentin. Ajoutez à ces instants de modernité celle de quelques pièces de Debussy, et Tres instantes oniricos de Gabriel Sivak. On goûtera la Dentelle mécanique qui unit la harpe de Valeria Kafelnikov et le Quatuor Béla sur des œuvres de Noriko Baba,

André Clapet, Debussy, John Rea ou Aurelio Edler-Copes. Le clavecin de Céline Frisch (en duo avec le violoniste Pablo Valetti), le piano d’Amandine Habib et les orgues de Grégoire Rolland (en duo avec le clarinettiste Frédéric Cellier) offrent une approche passionnée du répertoire baroque. Le Tel Aviv Wind Quintet, ensemble phare de la scène israélienne, s’attache aux répertoires classiques et actuels et met en regard Beethoven et Ari Ben-Shabetaï ou Bach et Stephen Horenstein. Autre lecture, celle de Bernard Cavanna et son approche tout en finesse de Schubert dont 13 lieder sur un poème de Goethe, interprétés par son ensemble avec une souple virtuosité, mettent en valeur la voix subtile d’Isa Lagarde. Un jeune talent à découvrir : la brillante pianiste Gaïa Kliemann qui proposera un avant-concert.

L’enfance est particulièrement choyée avec deux propositions qui prédisposent à la rêverie. Le pianiste et compositeur Franck Krawczyk nous entraîne dans un conte musical inspiré d’Hoffmann, Rejouer, avant de libérer musicalement la mémoire d’une sélection d’objets du Musée départemental de Gap en une Mélodie des choses qui leur accorde une âme sensible. La pianiste de jazz Perrine Mansuy met en scène un petit garçon en quête d’inspiration, Je rêve !..., et réenchante le réel, tandis que la comédienne Cécile Brochoire, accompagnée par le piano de Michaël Dian, raconte Le petit garçon qui avait envie d’espace de Benoît Menut sur un texte de Giono. La jeunesse se retrouve aussi derrière les pupitres avec le Chesapeake Youth Symphony Orchestra qui revient dans les Alpes après son succès de l’an passé, et accueille le mandoliniste Vincent Beer-Demander pour (entre autres petits bijoux) la création mondiale du Concerto pour mandoline et orchestre (Concierto del Sud) de Lalo Schifrin (que vous connaissez sans le savoir : Mannix, Mission impossible, Starsky et Hutch, c’est lui !). Assez de rester assis alors que la campagne appelle aux promenades ? Pas de souci ! Le Festival de Chaillol a tout prévu ! Une charmante balade musicale vous attend sur le plateau de Libouze ! MARYVONNE COLOMBANI

Contemporaine tradition ! Eaux primordiales, image de la mère, de l’amertume ou de la lumière, le nom de Maria ne cesse d’interroger par la multiplicité de ses significations. L’ensemble Irini (Lila Hajosi, Marie Pons, Julie Azoulay), articule son programme autour de chants dédiés à Maria, depuis les airs traditionnels chypriotes à une œuvre de Zad Moultaka. Le Kedem Ensemble plonge avec délices

Festival de Chaillol 17 juillet au 12 août Divers lieux, entre Alpes et Provence 04 92 50 13 90 festivaldechaillol.com


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Airs d’été Jazz, opéra, récital, cabaret, la formule de la 21e édition du Festival Durance Luberon est préservée avec son nouveau directeur, Luc Avrial et la programmation artistique de Jean-François Héron

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i l’essentiel du Festival d’été Durance Luberon se déroule au mois d’août, une incursion début juillet (le 7) permet déjà d’en prendre la mesure, avec l’ensemble des jeunes et talentueux musiciens de l’International Youth Symphony Orchestra (Michigan, USA) sur un programme Rimski-Korsakov dirigé par Brad Pfeil. Écho russe à ce premier concert, l’Académie Chorale de Moscou, sous la houlette de Nikolay Azarov puis d’Alexey Petrov, proposera des chœurs d’inspiration populaire puis l’opéra sans doute le plus célèbre de Tchaïkovski, Eugène Onéguine, accompagné par le piano de Yuliya Banjkova. On retrouvera les solistes virtuoses de cet ensemble prestigieux lors d’un ApérOpéra où Mozart, Denisov, Beethoven et Mahler seront des convives de choix ! Autre incursion dans les univers musicaux de l’Est, la rencontre improbable et fructueuse entre musique populaire de Transylvanie et musique savante hongroise, grâce au Trio Ardéal fondé par Patrice Gabet Catherine Sparta © Marie-Gutierrez et l’ensemble vocal Les Offrandes Musicales dirigé par Jérôme Cottenceau : Chrystelle Di Marco, Luca Lombardo, une palette d’une rare richesse ! On revient Florent Leroux Roche et Patrick Agard. à l’opéra avec une Tosca de Puccini mise en On aura auparavant goûté au songe avec The scène dans l’esprit de Peter Brook, « recentrée Fairy Queen de Purcell, dans la mise en scène sur l’essentiel », par Vladik Polionov qui astucieuse et joyeuse de Julien Assemat, dirige de son piano une distribution de rêve, avec l’ensemble vocal et orchestre baroque

de Markus Hünninger. La Roque d’Anthéron accueillera l’ensemble Ad Fontes qui célèbrera le centenaire de la naissance de Bernstein avec les Chichester Psalms, des extraits de West Side Story et toute la force inventive d’un spectacle mis en scène par Catherine Sparta et dirigé par Jan Heiting. Le jazz, qui a tant influencé le musicien, est fêté lors de deux ApéroJazz, l’un dédié à Gershwin, avec le génial Quartet de Béa Bini (Béatrice Bini chant, Christian Bini batterie, Stéphane Bernard piano, Gérard Maurin contrebasse), l’autre avec le non moins brillant quartet les Quatre Vents (Perrine Mansuy piano, Pierre Fenichel contrebasse, Christophe Leloil trompette, Fred Pasqua Batterie). Enfin, clin d’œil à l’opérette marseillaise, le délicieux spectacle du ténor Jean-Christophe Born avec Perrine Cabassud et Eric Valezzi, Marseille, mes amours (lire journalzibeline.fr). Vive l’été ! MARYVONNE COLOMBANI

Festival Durance Luberon 7 juillet au 26 août Divers lieux, Durance Luberon 06 42 46 02 50 festival-durance-luberon.com

Ecoutez, on est bien ensemble francebleu.fr


68 festivals

L’Estival Toulon 2018 reprend du service Fidèle à sa tradition de diffusion de la musique classique à tous les publics de la région toulonnaise et d’ailleurs, le Festival de musique de Toulon et sa région propose comme chaque année un cycle de concerts éclectique et exigeant

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uverte le 13 juin avec le Sacre du Printemps pour deux pianos, la programmation à entrée libre s’étendra du Théâtre de Verdure du Mont Faron, où les élèves du Conservatoire Toulon Provence Méditerranée se produiront le 23 juin, à la place Victor Hugo, où Benoît Gonzalez dirigera l’Orchestre d’Harmonie Toulon Var Méditerranée le 27 juin. Ce « Voyage

Thomas Enhco & Vassilena Serafimova © Bastien Vincent

Musical » étalant ses nombreuses escales de Lully à Gershwin sera suivi d’un programme « Venise – Paris – Vienne au XVIIIe siècle » concocté par l’Ensemble Instrumental de Toulon et du Var et dirigé par René-Pierre Faedda (29 juin). C’est ensuite sur son lieu emblématique, l’imposante Tour Royale – ou, si intempéries, au sein du non moins mythique Opéra de Toulon

– que se succéderont les percussions et flûtes fanfaronnes de l’Ensemble Polychronies (4 juillet), les castagnettes de Lucero Tena et la harpe de Xavier de Maistre pour le programme « Arpèges andalous » (8 juillet), le concert dédié à Debussy et Ravel du Trio Karénine (9 juillet) et le duo piano-marimba des Funambules Thomas Enhco et Vassilena Serafimova, mêlant aux grands

La voix à l’honneur

Café Zimmermann © Jean-Baptiste Millot

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our leur 28e édition, les Rencontres internationales du Thoronet placent à nouveau au centre de leur programmation la musique vocale, point fondamental de toute écriture musicale. Mu par l’ambition

de faire connaître la musique ancienne, le festival s’attelle à en faire entendre tous les répertoires, des balbutiements grégoriens à l’Allemagne du XVIIIe siècle, sur le thème « La voix dans tous ses états ».

Du 13 au 20 juillet, les Rencontres seront précédées de la 12e session de l’Académie de musique ancienne. Elle permettra à une douzaine de stagiaires d’en aborder les spécificités : encadrés par le directeur artistique du festival, Dominique Vellard, d’Emmanuel Bonnardot (directeur musical de l’Ensemble Obsidienne), et de la soprano Anne Delafosse, ces stagiaires étudieront la musique parisienne du XIIe siècle. C’est sur le concert issu de l’Académie que s’ouvrira le festival à l’Abbaye du Thoronet, le 21 juillet. Le groupe marseillais Lo Còr de la Plana embrayera, le 22 juillet, sur un concert dédié au répertoire occitan. Constitué d’anciens de la Schola Cantorum de Bâle, le sextuor vocal Troxalida proposera le 23 juillet à la Basilique Notre Dame de Saint-Raphaël la messe Issa est speciosa de Pierre de la Rue. Retour au Thoronet le 24 juillet, à son Église cette fois, pour un programme rassemblant Gilles Binchois et Guillaume Dufay, et d’autres


classiques de Bach, Mozart ou Fauré des compositions de leur gré (12 juillet). Présenté sous forme d’amuse-bouche le 21 juin au Parc Jean-Robert, le Festival de la Collégiale de Six-Fours les Plages, proposé également en entrée libre, prendra ensuite le relais. Un récital baroque fera entendre Veronica Gangemi et l’Ensemble Matheus, dirigé par Jean-Christophe Spinosi, sur des pages de Vivaldi et de Haendel le 18 juillet. C’est ensuite au jazz puis à son célèbre Barock’n roll que se dédiera l’Ensemble le 21 juillet, respectivement à 14h30 au Parc Jean-Robert et à 21h au Parc de la Méditerranée – avant les habituels feux d’artifice, tirés en fin de concert. Pique-niques, coussins et petites laines d’usage sont recommandés pour profiter au mieux de ce festif Estival ! SUZANNE CANESSA

L’Estival de Toulon jusqu’au 12 juillet divers lieux, Toulon 04 94 18 53 07 festivalmusiquetoulon.com Festival de la Collégiale 21 juin au 21 juillet divers lieux, Six-Fours les Plages 04 94 34 93 00 ville-six-fours.fr

26 E ÉDITION

DU 25 JUILLET AU 8 AOÛT 2018 membres moins connus de l’école bourguignonne, élaboré par Anne Delafosse avec Angélique Mauillon à la harpe. C’est à la lisière entre la Renaissance et le Moyen-Âge italiens que se situe le choix d’œuvres effectué par Viva Biancaluna Biffi, au chant et à la vielle (25 juillet). Les chants de procession et de dévotion de la péninsule ibérique seront ensuite mis à l’honneur par les Cantaderas, de retour à l’Abbaye du Thoronet. (26 juillet). Le 28 juillet, l’ensemble Café Zimmermann et le contre-ténor Damien Guillon feront une incursion du côté du baroque allemand. L’Ensemble Gilles Binchois conclura enfin la semaine de festivités sur une sélection de chants grégoriens, ambrosiens, vieux-romains sur le thème de la Création, et sur la pièce Il y eut un soir, il y eut un matin, composée par Dominique Vellard. De quoi rappeler l’influence encore prégnante de la musique ancienne sur la création contemporaine. S.C.

Rencontres Internationales du Thoronet 21 au 28 juillet Abbaye du Thoronet 04 94 60 10 94 musique-medievale.fr

LES MEILLEURS SOLISTES AU MONDE SE RETROUVENT À SALON ET À AIX

SALON (MUSIQUE À L’EMPÉRI), UN FESTIVAL D’ARTISTES FONDÉ EN 1992 PAR ERIC LE SAGE, PAUL MEYER, EMMANUEL PAHUD

GILBERT AUDIN, MAJA AVR AMOVIC, ALESSIO BA X, MARTIN BERNER, GUSTAVO BEY TELMANN, ROMY BISCHOFF, CLAUDIO BOHÓRQUEZ, OSCAR BOHÓRQUEZ, LUCILLE CHUNG, GEOFFROY COUTEAU, BENOIT DE BARSONY, MARIANA FLORES, LEONARDO GARCÍA ALARCÓN, DAISHIN K ASHIMOTO, ADAM LALOUM, ROMAIN LÉCUYER, NATALIA LOMEIKO, LILLI MAIJALA, ZVI PLESSER, IRIS PRÉGARDIEN, JULIAN PRÉGARDIEN, MICHEL PORTAL, WILLIAM SABATIER, LYDIA TEUSCHER, OLIVIER THIERY QUATUOR ELLIPSOS, QUATUOR VAN KUIJK, QUATUOR ZAÏDE

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70 festivals

La fête des archets La session d’été marque un temps fort dans les quatre saisons de Cello Fan dont le Festival de violoncelle célèbre cette année ses dix-huit ans

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es villages perchés du pays de Fayence accueillent avec l’été une cohorte joyeuse de musiciens, qui proposent concerts, master classes, répétitions publiques, en une approche qui sait se mettre à la portée de tous, en restant d’une irréprochable exigence de qualité et d’éclectisme, sous la direction artistique du violoncelliste Frédéric Audibert. Musiques classiques, baroques et contemporaines seront servies par un panel de musiciens talentueux venus de tous horizons. Trois invités d’honneur rejoindront cette incontournable fête du violoncelle, Gilles Apap, que Yehudi Menuhin nomma « le violoniste du XXIe », auquel est donnée carte blanche pour un concert qui mêlera musiques traditionnelles et musiques du monde, accompagné par l’orchestre du Festival et celui de violoncelles de Cello Fan, la grande harpiste Catherine Michel pour un concert exceptionnel et le

Gilles Apap © Lia Jacobi

plus grand, sans doute, claveciniste de la scène actuelle, Kenneth Weiss, poète, professeur à la HES de Lausanne, pour la première fois dans le Var. On l’entendra en duo avec Florent Audibert, violoncelliste solo de l’opéra de Rouen puis accompagné des meilleurs solistes des orchestres internationaux sur instruments anciens, Gionata Sgambaro, flûte, Jean-Philippe Thiébaut, hautbois, Armelle Cuny, violon, David Sinclair, contrebasse… Deux orchestres se formeront autour de l’instrument à voix humaine, l’un de violoncellistes professionnels, concertistes et professeurs de la région (au sens très large), le second sera constitué de « jeunes pousses »,

élèves des premiers… en une belle émulation, le violoncelle « en liberté » se glissera dans les univers de Casals, Popper, Klengel, Villa Lobos, puis « fera son cinéma » autour de l’œuvre de Bernstein (1918-1990). Aucune limite pour ce bel instrument ! Deux concerts seront dédiés au violoncelle jazz : le duo At Home (Guillaume Latil, violoncelle, Anthony Jambon, guitare et composition) qui jouera son premier album Éphémère. Puis, le duo deviendra quatuor avec Yacir Rami (oud) et Natascha Rogers (percussions) pour nous livrer les prémices du futur album prévu pour 2019. Ajoutez à cela que le festival se targue d’être « Mondial Compatible » : les horaires permettent aux mélomanes adeptes des exploits du ballon rond de ne pas être soumis aux dictatures d’impossibles choix ! MARYVONNE COLOMBANI

Cello Fan 29 juin au 2 juillet Divers lieux, pays de Fayence 04 94 39 98 40 cello-fan.com

Les artistes au Couvent ! La présidente de L’Opéra au Village, Suzy CharrueDelenne, défend une quatorzième saison de concerts éclectiques d’une belle qualité

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as d’entrée dans les ordres prévue pour autant ! La dynamique association L’Opéra au Village poursuit son œuvre de diffusion de la musique, en multipliant concerts et convivialité tout au long de l’année au Couvent des Minimes de Pourrières. Si vous avez raté ceux du début de l’année, session de rattrapage dès le 22 juin avec deux artistes de haut vol, moult fois primés, Philippe Bernold, chef d’orchestre et soliste international à la flûte, et le harpiste Emmanuel Ceysson qui a intégré en 2015 le Metropolitan Opéra de New York, dans un programme consacré à Mozart (auquel ils viennent de consacrer un disque ensemble). Autre duo à la ville

comme à la scène (8 juillet), cumulant les plus hautes récompenses, celui du pianiste Laurent Cabasso et de la violoniste Ariane Granjon pour un marathon musical, offrant en première partie des pièces de Poulenc et de Ravel, puis un hommage à Debussy à l’occasion du centenaire de sa naissance. La nouvelle création du ténor Jean-Christophe Born consacrée à la vie de Gaby Deslys, qui se confond avec celle du music-hall, Gaby, mon amour, apportera sa verve, sa drôlerie, ses élans, avec Mark Nadler et Clémentine Decouture. Un moment d’anthologie ! Seule entorse à la règle monastique, le spectacle offert sur le parvis de la Basilique et de

Emmanuel Ceysson © JC Husson

l’Hôtel de Ville de Saint-Maximin, avec plus de 150 participants : Une Arlésienne nommée Carmen qui entrelace Les Lettres


L’art d’être trentenaire !

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es Rencontres musicales de Haute Provence affichent une belle longévité et ne cessent de s’enrichir, de creuser leur propos. Bien sûr, les constantes perdurent, la « fameuse journée continue », Raphael Imbert © X DR le dimanche, « pierre angulaire » du festival, autour de laquelle tout a commencé, dans l’écrin de la cathédrale de Forcalquier offrant un florilège de musiques de chambre ; les répétitions publiques, les stages avec les jeunes et ceux qui le sont moins, mêlent musiciens confirmés, jeunes talents et élèves de l’école de musique… La musique arpente les rues, les places, les lieux ouverts, entre au cinéma (Le Bourguet)… Si Forcalquier reste le centre des manifestations avec la cathédrale, le cloître des Cordeliers et son jardin, ainsi que ses places, le festival joue aussi à Dauphin, Banon, Pierrerue, et propose trois soirées au Prieuré de Salagon ainsi qu’un concert dans ses jardins. Le compositeur associé de cette édition, Tristan Murail, présentera son œuvre et les caractéristiques de la musique spectrale lors d’une conférence (23 juillet). Solos, duos, trios, quatuors, quintettes, toutes les configurations de la musique de chambre sont représentées, avec, en interprètes, les

fondateurs du festival, exceptionnelle famille de musiciens, Pierre-Olivier Queyras, (directeur artistique), Jean-Guihen, Gésine, Romane et Solène Queyras, Véronique Marin, Frédéric Lagarde, mais aussi Nicolas Sublet, Emma Girbal, Chloé Lecoq, Florian Laforge, Christine Busch, Anne Katharina Schreiber, Katya Polin, Sebastian Wohlfarth, Patrice Bocquillon, Kristian Bezuidenhout, Laurène Durantel, Pascal Robault, Lucile Renon, Alexandre Tharaud, Raphaël Imbert… Vous reconnaissez des noms célèbres ? Synergie de la qualité ! Pour des interprétations somptueuses, de Brahms, Debussy, Ravel, Schubert, Mendelssohn, Boccherini, Murail, Sibelius… Ajoutez des instruments anciens, dont un Pleyel de 1830, le Trio Dumky, une soirée de clôture qui prévoit, outre ce qui est annoncé dans le dépliant, de nombreuses surprises… Quel bel été ! MARYVONNE COLOMBANI

20 au 28 juillet Divers lieux, pays de Forcalquier 06 60 79 34 24 / 04 84 54 95 10 rmhp.fr haute-provence-tourisme.com

l’Ensemble vocal Pertuis-Luberon dirigé par Jackie Descamps, le Conservatoire de la Provence Verte, le groupe folklorique L’Alen mené par Béatrice Chave. Deux solistes de renom, la mezzo-soprano Patricia Schnell et le ténor Luca Lombardo transporteront l’ensemble dans une mise en scène de Bernard Grimonet, dont on applaudi depuis quatorze ans les prouesses inventives de scénographie pour L’Opéra au Village. D’autres pépites sont prévues pour septembre (et jusqu’en décembre), mais c’est une autre histoire à conter ! M.C.

de mon Moulin de Daudet et la musique de Bizet, sur un livret de Catherine Metelski et Patricia Fulchiron. Seront mis à contribution

L’Opéra au Village 22 juin au 28 juillet Couvent des Minimes, Pourrières Parvis de la Basilique, Saint-Maximin 06 98 31 42 06 loperaauvillage.fr


72 festivals

FID, généreux, diversifié, précis Entretien avec Jean-Pierre Rehm, Délégué Général du Festival International de Cinéma Marseille Zibeline : Si vous aviez 3 adjectifs pour qualifier cette 29e édition du FID, quels seraient-ils ? Jean-Pierre Rehm : Question très difficile ! Ils ne seraient pas différents des autres éditions car c’est un projet général. GÉNÉREUX car on a très à cœur de le défendre auprès d’un public le plus large possible en termes de génération, de provenance sociale, de nombre : nous sommes convaincus que les films sont à destination de chacun. PRÉCIS parce qu’être aimé ne peut se faire que par une attention au détail, à une idée de ce qu’est le monde et ce que sont les gens. Le cinéma est un exercice du regard qui met à l’épreuve cela. Il y a des films qui mettent en œuvre l’exactitude. DIVERSIFIÉ de par les provenances géographiques, de par les réalités différentes, fictions et documentaires, de par le genre. Diversité des approches aussi. Par exemple dans le film d’animation chilien Una vez la noche d’Antonia Rossi, plusieurs histoires sont présentées avec plusieurs styles d’images, des dessins variés : une idée très astucieuse. Quelque chose de très chaotique et de très organisé. Chaque édition est un défi. Est-ce que vous avez rencontré des difficultés particulières ? J’aime bien garder les coulisses en coulisses ! On n’est pas dans le luxe mais on a toujours proposé du luxe aux yeux des spectateurs, et on espère aussi au corps, en faisant attention aux salles. On a eu des inquiétudes pour les Variétés et la Villa Méditerranée, et on a surmonté cela. Les partenaires publics nous soutiennent. Les réalisateurs et producteurs nous confient leurs films en exclusivité pour les compétitions. Il y a un contrat de confiance entre eux et nous. C’est leur première

projection au monde et on se doit de leur offrir une image et un son de qualité : ils ont travaillé parfois 5 ou 6 ans ! Pourquoi est-ce si important d’avoir des premières ? C’est un pari sur le fait qu’il y a véritablement capacité à augmenter la source existante, de films neufs, inédits. Il y a une grande crainte dans l’univers culturel, c’est de s’exposer sans garantie de validation. Depuis pas mal d’années, nous sommes devenus des gens qui valident : des directeurs de festivals du monde entier se déplacent pour rencontrer ici des gens. Nous portons une grande attention aux premiers films et aux cinéastes jeunes. Par exemple, Roee Rosen. Je suis fier d’avoir été le premier Festival au monde à avoir montré il y a 10 ans un travail qui va être présenté durant trois mois à Beaubourg et qui était à la Documenta. Les premières, c’est dans

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R e hm © An ni e Ga v a

l’hypothèse d’un travail où un certain type de regard mettra sur la table, à côté d’objets déjà là, d’autres objets, différents, un peu fragiles, qu’on a envie d’accompagner fortement. Vous aimez prendre des risques… Pas par goût du risque mais parce que je trouverais trop bête que la prudence fasse que certaines propositions n’aboutissent pas. Vous êtes délégué général du FID depuis 2002 : quels sont les changements notables depuis votre arrivée ? Il y en a plein. Le FID est passé d’un festival dédié au documentaire à un festival généraliste, d’un festival de réputation régionale à un festival international. On est sur la carte des lieux où la programmation est suivie d’un écho. Il y a 10 ans on a créé le FID LAB. Le milieu du cinéma nous fait confiance et a compris qu’on n’était pas un festival de plus. On essaie d’inventer un espace utopique où sont faites des productions d’art contemporain et de cinéma, où des productions à petit budget sont possibles et présentées dans leur totale dignité. Des films à moins d’un million d’euros, ce que font peu de festivals établis. En 2017, vous aviez mis à l’honneur Roger Corman. Cette année, c’est Isabelle Huppert. Pourquoi Elle ? Il était temps qu’il y ait une femme et qu’on mette à l’honneur les acteurs. Or Isabelle Huppert est une des plus grandes actrices françaises, avec une carrière sans écart, qui a eu un intérêt pour l’international, qui est très attentive aux jeunes cinéastes, qui a eu envie d’être sur des aventures de vrai cinéma. Une des rares actrices à avoir un droit de regard en phase de montage, très honnête sur les enjeux de son métier. Quelqu’un qui pense à haute voix. Quelqu’un de saisissant en tant qu’actrice ; un mélange de fragilité et de très


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Mitra, de Jorge Leòn, Compétition internationale

grande fermeté dans son jeu. Donc, une masterclass qui promet d’être fort intéressante… Je l’espère, menée par Antoine Thirion et Caroline Champetier, directrice de la photo. Les grands festivals internationaux ont eu à cœur cette année de mettre en avant les femmes au cinéma, est-ce que ce paramètre est entré en ligne de compte pour l’élaboration de cette édition ? D’abord, et vous pouvez vérifier, j’ai toujours été, depuis le début, attentif à ça. Pour ma première édition, il y avait deux présidentes de jury, pour l’international et le national : deux actrices Jeanne Balibar et Françoise Lebrun. C’était d’emblée affirmer : « Je souhaite mettre les femmes aux commandes ». C’était un geste clair qui date d’il y a bien longtemps maintenant. Même si je n’en fais pas un calcul, au sens où je ne vais pas mettre arbitrairement des films réalisés par des femmes sous prétexte d’un quota. C’est d’ailleurs ce que je veux souligner avec la filmographie d’Isabelle Huppert puisqu’il y a un certain nombre de femmes qui ont travaillé avec elle : je souhaitais que ce soit visible. Sans en faire une loi. Je trouve cette préoccupation tellement tardive ! Je trouve qu’ils se réveillent tous bien tard. Vous voyez des milliers de films depuis des années, pourtant vous ne semblez pas las. Qu’est-ce qui entretient ce désir de cinéma ? Au-delà de toutes les inquiétudes - et elles sont vraiment là, croyez-moi - c’est toujours bouleversant quand un film s’offre dans

Le FID c’est... l’entièreté de sa prise de risque. Ce sont les producteurs-rices, les cinéastes hommes et femmes, qui prennent les vrais risques et c’est un cadeau auquel il est juste impossible d’être insensible. Impossible de ne pas suivre ce mouvement là. Il est porteur de cinéma (et je ne réduis pas le cinéma en disant ça car j’ai une foi et un appétit à cet endroit-là, ancien et inaltéré) un mouvement qui emmène avec lui des peuples, des gens, des arbres, pierres, oiseaux, et j’ai envie de le transmettre. Pourquoi s’en priver et en priver les autres quand les gens y ont travaillé avec tant de générosité, d’amour, de précision ? PROPOS RECUEILLIS PAR ÉLISE PADOVANI ET ANNIE GAVA

150 films de 37 pays dont 15 films en Compétition Internationale 10 films en Compétition Française 15 films en Compétition Premier film 15 films en Compétition GNCR (Groupement National des Cinémas de Recherche) 12 projets FIDLab (Plateforme internationale à la coproduction) 9 jurys Une invitée d’honneur : Isabelle Huppert 7 écrans parallèles : Elle, Isabelle Huppert : 13 films avec Isabelle Huppert Edie Sedgwick, Andy Warhol : 15 films d’Andy Warhol avec Edie Sedgwick Livre d’images : 26 films en hommage à Paul Otchakovsky-Laurens Make/Remake : En coproduction avec Marseille Provence 2018 et en partenariat avec le Mucem et l’Institut de l’Image à Aix-en-Provence (voir P 80) Histoire(s) de Portrait : programmation hétéroclite, dont des premières mondiales We’re gonna rock him : 13 films où le son tient le premier rôle Les Sentiers : Jungle Book, Zoltan Korda (1952) 2 masterclasses d’Isabelle Huppert et Wang Bing 2 projections en plein air Des séances spéciales avec des partenaires

Festival International de Cinéma Marseille 10 au 16 juillet divers lieux, Marseille fidmarseille.org

Une Nuit de la radio 13 lieux à Marseille …. Du CINEMA


74 festivals

Arles augmentée Arles semble bien disposée à gâter ses festivaliers lors de ses 49e Rencontres de la photographie, augmentées de son Off, et bien d’autres qui sortent du cadre Des rencontres... Face à la tour de Frank Gerhy/Fondation Luma en phase d’achèvement, le chantier de la nouvelle école de la photographie (ENSP) conçue par Marc Barani (auteur par ailleurs du Musée de l’Arles antique) bat son plein. Dans la perspective d’un renouveau pour la ville d’Arles, ballottée entre finances publiques restreintes et investissements privés, le bouleversement, pour le moment, s’affiche dans les visuels de communication tournés tête en bas depuis l’arrivée de Sam Stourdzé à la direction des Rencontres de la photographie. (pour cette édition : William Wegman) L’événement bénéficie chaque année du renfort de nouveaux lieux : Monoprix, chapelle de la Madeleine, gare maritime, Maison Centrale (Droit à l’image, de Christophe Loiseau, avec des détenus) ou un temple itinérant en bambou de 1000m2 de Simón Veléz pour le bouddhiste photographe Matthieu Ricard

(Contemplation), l’Atelier des Forges mis à disposition par l’omniprésente fondation Luma de Maya Hoffmann. Cette 49e édition revient nécessairement sur « 68 » (1968, quelle histoire !), entre contestation, géopolitique et un fond d’utopies. La séquence « Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi » rassemble de nombreuses expositions. De cette époque datent les projets régionaux : industriel à Fos-sur-Mer, balnéaire à la Grande Motte, environnemental du Parc régional de Camargue (Paradisiaque ! de Fos-sur-Mer à La Grande Motte, entre rêve et béton). Et plus loin en Inde avec Le projet Auroville (Christoph Draeger et Heidrun Holzfeind), ou Cuba après Fidel Castro dont le cortège funèbre (Yo soy fidel, Michael Christopher Brown) résonne particulièrement avec celui de Robert F. Kennedy (The train, le dernier voyage de Robert F.

Kennedy, Paul Fusco, Rein Jelle Terpstra et Philippe Parreno). Une séquence « America great again ! » évoque le continent sous l’œil de non américains, de Robert Frank à Laura Henno, avec des inédits de Raymond Depardon. « Le monde tel qu’il va » propose entre autres de s’arrêter sur la scène contemporaine turque, en effervescence mais exposée à bien des rétorsions (Une colonne de fumée). Un hommage à ceux qui continuent de s’exprimer sous la chape de plomb politique. Sur les traces de la révolution numérique, on explore aussi le champ des possibles d’une « Humanité augmentée » (H+, Matthieu Gafsou) ou de la réalité virtuelle avec le VR Festival au succès croissant. Les nouvelles technologies et la procréation font l’objet d’une approche anthropologique pour Prune Nourry (La destruction n’est pas une fin en soi) quand la photographe arlésienne Géraldine Lay restitue un travail de plusieurs années auprès des habitants du nord de l’Angleterre (Failles ordinaires). À l’abbaye de Montmajour, rencontre improbable entre Jean-Luc Godard et Picasso qui se jaugent autour de leurs Collage(s) respectifs.

...et d’autres Mais Arles vit aussi au rythme d’un OFF moins institutionnel, éclectique, parfois enrichi d’initiatives improvisées, le plus souvent gratuit, à arpenter jusqu’à des heures fort tardives et aussi festives. De nouveaux espaces pérennes dédiés à la photographie se sont ouverts, comme la galerie d’Anne Clergue (Johanna-Maria Fritz) ou la galerie (et labo argentique) ISO, ainsi que l’Aquarium, tout nouveau lieu implanté dans le quartier populaire de Griffeuille à l’initiative de Voies Off, l’association/studio/galerie Michael Christopher Brown, Yo soy fidel, Cuba, 29 Novembre-4 Décembre 2016. Avec l’aimable autorisation de l’artiste


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Dans le cadre du nouveau Prix Découverte: Christto&Andrew, Cauchemar existentiel, 2018. Avec l’aimable autorisation des artistes et de Metronom

et au delà... pionnière en promotion de la photographie à Arles, qui mettra en avant une proposition de Klavdij Sluban. Le projet collectif Hope proposé par la fondation Manuel Rivera-Ortiz investira les potentialités plastiques de l’image en relation avec l’enjeu documentaire (Paolo Verzone, Patrice Loubon, Nicolas Havette...). Delphine Diallo sera aux cimaises du Magasin de Jouets et Laurence Leblanc chez Flair Galerie, pendant qu’à L’Atelier du Midi on affichera Du bonheur et rien d’autre. Le Musée Réattu, établissement municipal possédant un fonds photographique exceptionnel, offrira une première rétrospective institutionnelle à Véronique Ellena et un regard sur Alfred Latour. Pour plus de détails le visiteur se tournera vers le programme associé au format papier publié par Voies Off et, plus chic, le premier City Guide Louis Vuitton Arles édité à l’occasion de ces Rencontres.

...du Rhône, via son dispositif Grand Arles Express, donnant droit à un prix d’entrée préférentiel, les Rencontres continuent d’essaimer. Le visiteur élargira son horizon vers Nîmes au Carré d’art (Wolfgang Tillmans) augmenté cette année de sa Bibliothèque (Candida Höfer), ou Avignon à la Collection Lambert (Christian Lutz), Marseille au FRAC (Bruno Serralongue, Laura Henno), jusqu’au Mucem (Manger à l’œil avec notamment Robert Doisneau, Marc Riboud, Martin Parr...). Cette 49e édition et le Off s’ouvriront sous de bons auspices, au moment où vient d’être créée une Délégation à la promotion de la photographie par la ministre de la Culture, Françoise Nyssen, préalablement en charge des éditions arlésiennes Actes Sud, maison fortement impliquée dans le rayonnement culturel de la ville, et éditrice du catalogue des Rencontres. CLAUDE LORIN

Rencontres de la photographie 2 juillet au 23 septembre semaine d’ouverture du 2 au 7 juillet Divers lieux, Arles rencontres-arles.com

Festival Voies Off voies-off.com Anne Clergue Galerie anneclergue.fr École nationale supérieure de la photographie ensp-arles.fr Flair Galerie flairgalerie.com Fondation LUMA luma-arles.org Fondation Manuel Rivera-Ortiz mrofoundation.org Galerie ISO galerieiso.com L’Atelier du Midi atelierdumidi.com Le Magasin de Jouets mdj-galerie.com Musée Réattu museereattu.arles.fr


76 festivals

Expositions, événements temporaires, projets collaboratifs et propositions à long terme, au fur et à mesure que l’ambitieux projet de Maja Hoffmann approche de son échéance en 2020, le programme des activités de la Fondation Luma tend à s’amplifier généreusement

Luma sur grand écran Duo Inscrite dans le cadre des Rencontres d’Arles, l’exposition phare de la Fondation Luma sera indiscutablement la rétrospective consacrée au duo so british décalé Gilbert & George. Alors que le mythique couple s’est fait des beaux jours sur la scène de l’art contemporain, il met aujourd’hui un terme à ses productions artistiques. The great exhibition 1971 – 2016 sera donc l’occasion unique d’appréhender 50 ans d’activité - d’activisme ? - à travers la sélection de près de 80 œuvres historiques, parcours dont le grand dessein se donnait de « faire surgir le bigot du libertaire et inversement faire surgir le libertaire du bigot ». Une œuvre humaniste à visée humanitaire où les deux compères se constituaient dès le départ comme auto-références. (2 juillet au 6 janvier 2019)

Durable À l’ère de l’anthropocène, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur l’impact de l’Homme sur sa planète. Une préoccupation portée par le projet de la Fondation Luma, dont bien des artistes se sont emparés à leur manière. Si vous aimez partager la cuisine et souhaitez participer à l’élaboration d’une œuvre d’art, Do we dream under the same sky vous ouvre son jardin/abri/cuisine fait de bambou et d’acier. L’œuvre de Rirkrit Tiravanija est une incitation à échanger sur nos comportements en regard du développement durable, tout en cuisinant autrement en compagnie d’architectes, ingénieurs, cuisiniers présents tout au long de l’exposition. Pixel forest de Pipilotti Rist fait davantage appel à la technologie. Cette installation immersive se compose de milliers de lampes led telle la « surface d’un écran qui aurait explosé en mille morceaux », incitant à une appréhension tridimensionnelle et sensorielle de l’image vidéo. Présentée dans plusieurs institutions internationales, l’œuvre vient à Arles sous une forme remaniée spécialement pour la Grande Halle. (jusqu’au 23 septembre).

Pipilotti Rist, Pixel Forest 2016, vue de l’installation Sip my ocean , Musée d’art contemporain, Sydney, 2017 © courtesy the artist, Hauser & Wirth et Luhring Augustine

Celle-ci accueille par ailleurs deux films de la collection Maja Hoffmann poursuivant l’esprit de la programmation. APEX (2013) d’Arthur Jafa, montré pour la première fois en France, est inspiré de la culture afro-américaine et des difficultés rémanentes rencontrées par la communauté noire. L’auteur invente ici une forme singulière de huit minutes à partir d’images compilées et retravaillées sur cinq ans sans scénario ni personnages : « Il s’agit en fait d’un modèle de film – un mélange entre une épopée de science-fiction d’un budget de 100 millions de dollars et un film anti-cinéma ». Avec Such a morning (2017), le cinéaste indien Amar Kanwar interroge la question de la vérité. Un célèbre professeur de mathématiques qui met fin à sa carrière, un wagon abandonné en pleine nature...il en suffit de peu pour poser sous forme poétique bien des préoccupations existentielles hors du conformisme dominant. Plus proche de nous, l’artiste franco-américaine Lily Gavin a couvert le tournage de À la porte de l’éternité de Julian Schnabel, biopic consacré aux deux

dernières années de Vincent van Gogh à Arles et Auvers-sur-Oise. Bien qu’appartenant à la jeune génération baignée de numérique, la photographe venue de New York a choisi le médium argentique de grand format (35 et 120mm) : « C’était un peu comme voyager dans le temps. Je vivais dans la réalité interprétée de la vie de Vincent van Gogh en 1886. […] Je n’ai jamais vraiment regardé quoi que ce soit sans caméra car je savais que cette réalité était par nature éphémère. Par ce biais, je me suis également appropriée la réalité de Vincent van Gogh ». Les trois œuvres seront visibles jusqu’au 4 novembre. C.L.

Fondation Luma, Arles luma-arles.org



78 au programme spectacles musiques bouches-du-rhône, vaucluse

Hiboux

Grand ensemble

30 juin 3bisF, Aix-en-Provence 04 42 16 17 75 3bisf.com

22 & 23 juin Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 preljocaj.org

Casey & Imhotep

5 juillet Les Nuits d’Istres Pavillon de Grignan, Istres istres.fr

21 juin Quartier de la Savine, Marseille Le 24 juin Toit terrasse de la Friche Belle de Mai, Marseille lafriche.org

Un orchestre symphonique et un immeuble d’habitation jouent ensemble pour un public de 500 à 1000 personnes installé sur des transats devant le bâtiment en question. Un musicien sur chaque balcon, ajouté aux sons de la vie domestique et quotidienne des appartements, téléphones portables, chansons sous la douche, pleurs de bébés… Pierre Sauvageot, compositeur et directeur de Lieux Publics, adore les rencontres musicales sonores transgenres. Et ça sonne ! 24 juin Résidence de la Barbière, Avignon 04 91 03 81 28 lieuxpublics.com

Dub Station Festival

Fille d’immigrés martiniquais, femme et activiste d’une scène underground, Casey n’était pas formatée pour fréquenter le sommet des hit-parades. Actrice (chez Razerka Ben Sadia-Lavant pour son Timon d’Athènes) c’est une artiste consciente qui anime le temps fort musique du festival Massilia Afropéa. En ouverture, Imhotep l’architecte sonore d’IAM rend hommage à Ibrahim Ali alias Chibaco, jeune artiste rappeur assassiné par des colleurs d’affiche du Front National en 1995, avec au micro Soly son frère -MC de B Vice. (Voir P 30)

Imhotep © David Gallard

© Manu Fauque

Hyphen Hyphen

À croire que le précoce quatuor niçois, débuté sous le signe d’un rock-pop un peu tribal, était, dès ses débuts, prédestiné à jouer dans des stades. Après Times, un premier album flirtant déjà avec les sonorités FM assumées, le nouvel opus HH paru fin mai enfonce le clou avec un single, le très R’n’B Like Boys, rivalisant avec le son et les stars pop US. Le groupe a même enregistré dans le studio de Air et été préparé par le coach de Mariah Carey, Beyoncé et Christina Aguilera... Audacieux ou inconscient ?

© Adrien Bargin Helikopter © JC Carbonne

Collectif de personnes issues du cirque, de la musique, du théâtre, de la danse et des arts plastiques, les 3 points de suspension inscrivent leurs propositions artistiques dans l’espace public. Pour Hiboux, théâtre musical expérimental, 2 comédiens/musiciens de la compagnie imaginent, dans une expérience documentaire et sensorielle, la façon dont les vivants et les morts sont reliés. Une sortie de résidence de création au 3 bis F, précédée (26 au 29 juin) de quatre sessions d’ateliers d’oraisons funèbres : « la mort pratique et ludique » !!

Dans la même soirée, reprise d’Helikopter créé par Angelin Preljocaj en 2001 sur la musique hors-norme de Karlheinz Stockhausen, et présentation de Still Life, créé en septembre 2017, univers sonore signé Alva Noto & Riyuchi Sakamoto, création inspirée par la peinture de vanités. Combat des danseurs contre la puissance d’écrasement d’une musique inouïe dans Helikopter, résistance de la danse à la mort pour Still Life, un programme pour contempler à la fois la force et la fragilité de la danse.

King Shiloh Sound System © X DR

© Lorenzi-Einlassen

Helikopter / Still Life

Organisé par Musical Riot, le festival affiche, comme chaque année depuis 4 ans, des artistes internationaux et rares, génies du dub. Mais cet été, et c’est du jamais vu en Europe, c’est le grand Mr Lloyd Barnes, dit Wackies, qui ouvre les festivités. Ce producteur jamaïcain légendaire se produira avec Milton Henry et Jerry Harris. Autre pointure, King Shiloh, qui fera résonner son sound system roots reggae & dub hypnotisant, accompagné des chanteurs Lyrical Benjie, Robert Lee et Afrikan Simba. Régionaux de l’étape, les 5 membres du collectif aixois Natural Bashy Sound System clôtureront ces 2 jours de folie ! 13 & 14 juillet Domaine de Fontblanche, Vitrolles musicalriot.org


Les Nuits du Rocher 21

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Kimberose © Arno Lam

Le rendez-vous musical et festif vitrollais fête ses 30 ans cet été. Tous les soirs, du 12 au 15 juillet, musique et danse vont animer le Théâtre de Verdure, le parvis de l’Hôtel de ville ou la salle Guy Obino. Après la projection de l’Opéra Didon & Enée, en partenariat avec le Festival d’art lyrique d’Aix, se succèderont, les soirs suivants, le groupe Degré 7 Live qui rendra hommage à Johnny Hallyday en reprenant ses plus grands standards, l’Orchestre M’Douzet qui vous fera danser lors d’un grand bal populaire, tandis que le groupe pop/soul Kimberose, emmené par la jeune interprète-auteur-compositeur Kimberly Kitson Mills, envoûtera toutes les oreilles… Le groupe sera par ailleurs à la Fête de la musique de Miramas le 21 juin.

12 au 15 juillet Divers lieux, Vitrolles 04 42 77 90 00 vitrolles13.fr

Mallemort Sens Dessus Dessous

22 & 23 juin Mallemort mallemortdeprovence.com

Une création de Aymeric Duchemin > ADGRAPH.FR

10 ans déjà pour ce festival (coordonné par l’association Adadiff/Casi) consacré à la création et au spectacle vivant qui s’intègre cette année à La Grande fête réunissant aussi la Fête de la musique (21 juin) et la Fête de la Saint-Jean (22 au 25 juin). Créant des passerelles entre les habitants, MSDD a fait appel, entre autres, à l’Espace jeunes de Mallemort pour une course d’Objets Roulants Non Identifiés, aux élèves de l’école primaire Frédéric Mistral qui donneront un concert de percussions, à l’association Vivons ensemble qui tiendra la buvette, à des peintres Mallemortais qui organisent un concours d’artistes… Outre ces participations d’artistes amateurs et citoyens engagés, des spectacles viendront enrichir la programmation : un jeu télé participatif autour de la starification, Say my name, mother fucker ! (Cie Marzouk Machine), du théâtre avec Hamlet en 30 mn (Cie Bruitquicourt), de la musique avec l’Ensemble de voix polyphoniques féminines Arteteca ou avec le groupe Easy Skanking emmené par son chanteur Xavier…


80 au programme cinéma bouches-du-rhône HÉRAULT

La Fiancée du désert

Make & Remake

Guelwaar

Un chien andalou, de Luis Buñuel

Dans le cadre de MP2018, de l’exposition Quel Amour ! (voir p 85) et à l’occasion de La Fête du Cinéma, le FID Marseille et le Mucem proposent un cycle inédit, où sont projetés un film et son remake. Quand certains films en fécondent d’autres... Ça c’est de l’amour ! Un chien andalou (Luis Buñuel, 1928) et son double contemporain revisité The Dust Channel (Roee Rosen, 2016,) clôturent le programme. Suivis d’une conférence de Roee Rosen sur l’artiste surréaliste belge Justine Franck. Séance déconseillée aux moins de 18 ans. 1er juillet Mucem, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org

En partenariat avec le Festival de Marseille et le Vidéodrome2, le 23 juin à 20h, on pourra (re)voir Guelwaar d’Ousmane Sembène. Pierre Henri Thioune alias Guelwaar, catholique sénégalais, farouche pourfendeur du néocolonialisme et de la corruption, meurt à la suite d’une agression. L’enterrement chrétien doit se faire dans son village mais voilà qu’on apprend que le corps a été enterré à la suite d’une erreur administrative en terre musulmane. La querelle entre communautés commence… Une fable sur l’Afrique de 1992, toujours aussi actuelle.

La fiancee du désert © Memento Films Distribution

Art et Essai Lumière propose, pour sa clôture de saison, le 17 juin à 18h30 à l’Eden de La Ciotat, La Fiancée du désert de Cecilia Atán et Valeria Pivato. Teresa, qui a oublié son sac dans la roulotte d’un vendeur, part à sa recherche et se retrouve en plein désert argentin. Le début d’une nouvelle vie… 17 juin Eden-Théâtre, La Ciotat 04 88 42 17 60 edencinemalaciotat.com 06 64 85 96 40 artetessailumiere.fr

Guelwaar © Ousmane Sembene

23 juin Le Gyptis, Marseille 04 95 04 96 25 lafriche.org

Réfugiés

Le travail et le geste Show case de Lúcia de Carvalho

Labor in a single shot © X-D.R

À la suite de l’atelier proposé en mars dernier dans le cadre du projet Labour in a Single Shot de Harun Farocki et Antje Ehmann, dont une première restitution avait été proposée le 17 mars, une séance spéciale est organisée le mercredi 20 juin à 20h au cinéma Le Gyptis en présence des initiatrices de l’atelier : Antje Ehmann et Eva Stotz. Une 2e restitution de l’atelier sera proposée ainsi que Facing Labour, suite de diptyques constitués de séquences issues de ce travail, et d’autoportraits réalisés par des détenus et des étudiants dans les studios de Lieux Fictifs, partenaire, ainsi que le Goethe Institut. 20 juin Le Gyptis, Marseille 04 95 04 96 25 lafriche.org

Le 22 juin, à 19h30 au Gyptis, show case de la chanteuse-danseuse-percussionniste d’origine angolaise Lúcia de Carvalho, suivi de la projection du documentaire d’Hugo Bachelet, Kuzola, le chant des racines. « Kuzola », amour dans la langue régionale de la mère de Lúcia, est le titre que l’artiste a donné à son dernier album. Pour le réaliser, celle qui métisse les musiques brésiliennes et européennes, mêlant rythmes et couleurs, a entrepris un voyage à travers le monde lusophone sur les traces d’une identité morcelée. Restauration dès 19 h sur place.

Un jour ça ira © Eurozoom

L’Eden-Théâtre de La Ciotat, à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, s’associe à Médecins du monde, Médecins sans frontières, UNICEF France et propose le 20 mai à 20h30 Un jour ça ira de Stan et Edouard Zambeaux. Djibi et Ange, deux adolescents à la rue, arrivent à l’Archipel, un centre d’hébergement d’urgence au cœur de Paris. Ils y affrontent des vents contraires. C’est avec l’écriture et le chant qu’ils s’envolent...et nous emportent. Plusieurs invités animeront la soirée. 20 mai Eden-Théâtre, La Ciotat Art et Essai Lumière 04 88 42 17 60 edencinemalaciotat.com

Kuzola © Couac Productions

22 juin Le Gyptis, Marseille 04 95 04 96 25- lafriche.org


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Talk Show festival

Regards sur les Indiens L’Eden-Théâtre de La Ciotat propose une soirée sous le signe des Indiens le 30 juin à 18h30. Pour commencer, un montage d’archives Gaumont restaurées sur la préhistoire des westerns tournés en Camargue, suivi du documentaire de Stéphane Barbato, HOZHO, we walk in beauty en présence du réalisateur. On finira avec le superbe film de Stéphanie Gillard, The Ride, qui nous emmène dans les grandes plaines du Dakota où l’on suit la traversée des cavaliers sioux qui commémorent le massacre de leurs ancêtres, transmettant aux plus jeunes leur culture.

Riyo, de Dominique Gonzalez-Foerster © Anna Sanders films

La Panacée double le duo d’expositions estivales (Pope. L, One thing after another et Bob and Roberta Smith, ACTIVIST) par une kyrielle de projections de films d’artistes (ainsi que des performances et des rencontres), où les mots, le langage, le discours sont le ferment d’une réflexion qui les relie. Philippe Parreno, Dominique Gonzalez-Foerster, Eric Duyckaerts... Entrée libre The Ride, de S. Gillard © ROUGE_INTERNATIONAL

30 juin Eden-Théâtre, La Ciotat Art et Essai Lumière 04 88 42 17 60 edencinemalaciotat.com

jusqu’au 26 août La Panacée, Montpellier 04 34 88 79 79 lapanacee.org

Les Intemporels

29e Festival 10 —16 International Juillet de Cinéma — Marseille 2018

Dernière proposition du cycle Les Intemporels : Un Américain à Paris ! (1951, version restaurée) de Vincente Minelli nous révèle son Paris fantasmé, tout en décors cartes postales, arpentés par Gene Kelly et Leslie Carron... Splendeur visuelle, merveille chorégraphique, douceur musicale (Gershwin). On y court, on y danse !

Un Américain à Paris, de Vincente Minnelli © Warner Bros.jpg

Cinéma l’Odyssée, Fos-sur-Mer, 20, 24, 27 juin et 1er juillet Espace Robert Hossein, Grans, 26 juin, 3 juillet Espace Gérard Philipe, Port-Saint-Louis, 25 et 27 juin scenesetcine.fr

Mucem Villa Méditerranée Cinéma Les Variétés Alcazar Cinéma Le Miroir Centre de la Vieille Charité Mairie 1/7 Théâtre Silvain Vidéodrome 2

W W W. F I D M A R S E I L L E . O R G


82 critiques cinéma

Ivres d’images Onze films solaires et combatifs, venus, comme d’habitude, de toutes les sections cannoises pour la 36e édition de CinÉcole, présentés par l’Académie de Nice et Cannes Cinéma

I

ls ont bien de la chance les Cinémarathoniens ! Ni queue sous le soleil (ou la pluie !), ni déception de ne pouvoir assister à une projection espérée, ni course éperdue à travers Cannes d’une salle à l’autre. Pas d’angoisse existentielle non plus sur le choix de l’une ou l’autre des sections du Festival. Mais 24 heures de cinéma !

Le coup de cœur de CinÉcole Ouverture en force avec ce qui s’est révélé le coup de cœur de CinÉcole 2018 : Woman at War, de Benedikt Erlingsson. La guerre d’Halla (Halldóra Geirharðsdóttir), chef de chorale à Reykjavik, la cinquantaine solide, saine de corps et d’esprit, se mène contre l’Industrie locale de l’Aluminium qui empoisonne les hautes terres d’Islande. Et plus globalement contre le monde liberticide de Big Brother avec ses drones, puces, caméras de surveillance - si incongrus dans la lande infinie, sauvage, désertique du pays des Vikings ! Munie d’un arc, la super woman en bicyclette quitte la

ville pour saboter les pylônes d’alimentation électrique de l’usine : Amazone des temps modernes ou Antigone répétant le même geste chaque fois que les dommages sont réparés, parce qu’elle le pense juste et qu’il existe des lois écologiques plus importantes que celles des États. Le film rebondit d’une tentative à l’autre, devient haletant quand l’étau se resserre sur l’activiste traquée. Le scénario très malicieux s’enrichit de contrepoints : une sœur jumelle pacifiste, adepte du yoga, un cousin présumé, taciturne et efficace, un touriste sud-américain en faux coupable punching-ball et, pour donner sens au combat d’Halla, la promesse de l’adoption d’une fillette ukrainienne orpheline de guerre. Deux sœurs, deux pays, une vie double. Trois musiciens, trois Ukrainiennes en costume traditionnel, posés à l’intérieur du plan, ponctuent les aventures de la « femme des montagnes ». Toute la musique du film, intradiégétique, free jazz ou chants folkloriques, accentue l’étrangeté souriante de ce récit.

…et ceux de Zibeline

Primé pour sa musique, Leto, de Kirill Serebrennikov, nous plonge dans un Leningrad des années 80, en un superbe noir et blanc satiné, strié, hachuré, teinté de rouge dans quelques folles séquences oniriques. Une histoire d’amour, de copains fous de rock occidental. Mike Naumenko (Roman Bilyk) et sa femme, l’irrésistible Natacha (Irina Starshenbaum), rencontrent le jeune et talentueux musicien Viktor Tsoi (Teo Yoo). Mike veut le guider, Natacha l’embrasser. Du début à la fin, on est saisi par l’énergie de ces jeunes qui ont trouvé par la musique le moyen d’échapper à la chape de plomb qui

Dolores et Irma

L

es sélectionneurs qui présentaient en ouverture du Festival de Cannes 2018, pour la Section ACID, le film d’Anne Alix, Il se passe quelque chose, produit et distribué par Shellac, l’ont défini comme un film « délicat » et «sensible». Et 101 minutes plus tard, le spectateur devait admettre que ce long-métrage tendre et drôle méritait bien ces deux adjectifs. C’est l’été. Une femme rieuse marche, téléphone à l’oreille au bord de l’eau. Elle recherche des lieux sympas pour la réalisation d’un guide gay-friendly. De l’autre côté, des touristes visitent le vieux pont tronqué d’Avignon du haut duquel se jette une autre femme. La première va ramener la désespérée sur la rive de la vie. Alea jacta est : le fleuve est franchi et les deux femmes feront un bout de route ensemble. En longs travellings latéraux balayant l’horizontalité de la plaine de la Crau,

© Shellac

la réalisatrice nous embarque dans ce road movie féminin, loin de la voix de synthèse du GPS, des guides formatés et des ronds points idiots plantés d’oliviers et de lavande.

Avec Dolores et Irma, on va poser un regard bienveillant sur le monde et rencontrer les « vrais » gens qui l’habitent : un plongeur, des pêcheurs, des métallos, une bistrotière


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Woman at War de Benedikt Erlingsson © Jour2 Fête

pèse sur le pays. Les jeunes filles refoulées à l’entrée du Club Rock rentrent par la fenêtre et si on n’a pas le droit de danser pendant les concerts, les chansons de Kino et Zoopark éclatent dans leurs yeux. Les scènes sur la plage sont éblouissantes et on n’a qu’une envie, c’est de sauter dans les vagues ou de chanter avec eux, comme lorsque dans un bus, les passagers se mettent à entonner The Passenger d’Iggy Pop. « Cela n’existe pas et cela n’a jamais existé » nous rappelle à plusieurs reprises un personnage conteur. Et pourtant si ! Et durant presque deux heures, on est sur un nuage, on a envie d’y rester. Tout aussi solaire, inventif, étonnant, Lazzaro

Felice, tourné en Super 16, récompensé par un Prix du scénario, balance entre le réalisme du grand cinéma italien sur le Mezzogiorno et le Merveilleux de la fable. Héritière des Taviani, de Pasolini et de tant d’autres, la réalisatrice Alice Rohrwacher confirme son originalité et sa maîtrise. Dans ce troisième long-métrage de fiction, elle suit les tribulations de paysans maintenus en servage par une aristocrate sans scrupule. « Libérés » de cette condition, ils deviennent, dans le monde moderne des villes, des déracinés, des sans-abris vivant de petits larcins. Seul, Lazzaro (Adriano Tardiolo), fils de personne, exploité par tous, allégorie d’une bonté absolue qui fait baisser

parolière, chansons en tête, cœur sur la main, un jogger africain, un berger roumain, des ouvriers agricoles de toutes origines. Le paysage qui défile n’existe que dans la subjectivité. Pour Dolorès l’Espagnole (Lola Dueñas) il ressemble à l’Andalousie et pour Irma la Bulgare (Bojena Horackova) à la Bulgarie. Il est hanté par les migrants anciens et nouveaux et les histoires qui s’y sont jouées et s’y jouent encore. Celle de Tango, par exemple, installé dans ce coin de Provence, heureux, tiré du désespoir par ses amis, baptisé ainsi parce que ces derniers lui disaient : « Go Tang, allez Go ! » pour l’encourager. Révéler, au sens photographique du terme, passer du négatif au positif, demeure le fil conducteur du film d’Anne Alix. Ce n’est pas forcément simple. Dolores la vaillante, incapable « chimiquement » de s’installer dans une relation amoureuse durable a du vague à l’âme alors qu’Irma

renaît peu à peu au plaisir d’exister. Mais les cartes sont formelles, et Dora la voyante reste optimiste : Dolorès aura un enfant et ne vieillira pas seule. D’un paysage à un visage, d’un territoire à une histoire. Irma feuillette un livre réunissant des (auto)portraits de Van Gogh où une citation mise en exergue l’affirme : « Il n’y a rien de plus artistique que d’aimer les gens » Dès lors, fiction et documentaire, actrices professionnelles et personnes rencontrées au fil des repérages se mêlent tout naturellement. Côté documentaire, on pense au récent Villages Visages de Varda et JR qui partagent l’assertion vangoghienne. Le film commence et se clôt par une séance de spiritisme. Convoquer les fantômes, les faire apparaître et les entendre, c’est ce que propose la réalisatrice comme une mission cinématographique et humaine. ELISE PADOVANI

leur gueule aux loups mais n’éteint pas la méchanceté des hommes, traverse le temps avec le même regard pur. Pour finir en beauté le marathon : le film de Hirokazu Kore-eda, Une Affaire de Famille, choisi, avant qu’il ne remporte, à juste titre, la Palme d’Or. Une chronique douce-amère où le cinéaste japonais explore un de ses thèmes de prédilection, les liens familiaux. « C’est mieux de choisir sa famille » même si celle qui s’est construite ici fonctionne par la débrouille et peut s’agrandir subitement. C’est ainsi qu’un soir, Yuri, grelottante, amenée par Osamu et son fils Shota dans la famille, va y rester : la fillette était battue par ses parents. C’est Shota, initié au vol à l’étalage par son père, qui forme à son tour à la petite. Beaucoup de tendresse dans cette maison meublée de bric et de broc autour de la grand-mère qui vit de sa pension et… d’autres revenus, ce qu’on découvrira à sa mort. Une critique en creux de la société japonaise et beaucoup d’humanité dans le regard du cinéaste. Un cru 2018 d’excellente qualité, à l’image du 71e Festival de Cannes. ANNIE GAVA ET ÉLISE PADOVANI

La manifestation CinÉcole s’est déroulée les 19 et 20 mai dans la salle du Miramar à Cannes

Le film a été projeté au Cinéma Les Arcades à Cannes dans la sélection ACID du Festival de Cannes en mai dernier


84 critiques arts visuels

Éclosion d’art printanière souhaitée par les co-commissaires Martine Robin et Françoise Aubert. Exposition dont le titre énigmatique OKLM se révèle limpide après immersion dans l’installation… Les loisirs offerts par Vacances Bleues ont suscité chez lui une réflexion sur « le ressourcement », « le temps porté à soi-même », « le bien-être » qui trouve sa source dans ses liens personnels et familiaux avec la santé, le corps, la souffrance. Son expérience en résidence l’a conduit à imaginer de nouveaux gestes artistiques, comme incruster dans des plaques de verre des paysages ancrés dans la réalité en donnant la sensation d’immatérialité (projection de limaille de fer), recouvrir le sol de 120 couvertures militaires (douillettes mais potentiellement tragiques), installer une sirène militaire réactivée, prête à sonner l’alerte. La douceur de vivre est éphémère, voire fantasmée, car le temps des vacances n’est qu’une parenthèse…

De la dynamite !

Nicolas Daubanes, à l’oeuvre pour son exposition OKLM, Château de Servières, 2018 © X.D-R

À Marseille, Istres, Aix-en-Provence et Châteauneuf-leRouge, le Printemps de l’art contemporain mobilise un vaste réseau de galeries, musées et centres d’art

À

l’occasion du 10e PAC et de MP2018, certains lieux prolongent leur temps d’exposition au-delà de mai, notamment Château de Servières et Vidéochroniques qui mettent en lumière les œuvres d’artistes réalisées en entreprises, dans le cadre des « Ateliers MP2018 Quel Amour ! ». Mehdi Zannad introduit à Vidéochroniques des éléments empruntés directement à Milhe & Avons1, entreprise marseillaise spécialisée dans la fabrication d’emballages publicitaires et imprimés. Outils usagers et bobine de 5 km de papier, sceau à chiffons et bâtons mélangeurs se mêlent aux productions artistiques : cartographie des différents espaces (administration, stockage, atelier d’impression, etc.), dessins sur le vif répertoriés dans de petits carnets noirs, création sonore, gravures, diaporama, flexographies. Mehdi Zannad dessine comme il grave en noircissant les pages de traits fins comme un scalpel, et grave comme il dessine en laissant les traces

de ses esquisses : aucun détail n’échappe à l’acuité de son regard et de son corps qui se sont frottés durant quatre mois aux hommes et aux machines. Beaucoup d’essais et de recherches pour s’éloigner de l’illustration et faire ressentir l’univers de cette « cathédrale de papier » de 10 000 mètres carrés ! Bolduc sur l’emballage, l’artiste glisse dans l’exposition Vedute des travaux anciens réalisés à Montreuil et Nancy, dont un diaporama qui éclaire son process in situ, temps de poses station debout, à l’affût de l’endroit idéal pour que le dessin prenne forme. Contrairement à Vidéochroniques où des indices flagrants évoquent le lieu de résidence de Mehdi Zannad, Nicolas Daubanes laisse flotter le mystère, excepté pour ceux qui fréquentent les hôtels de Vacances Bleues1 et leurs paysages. Il poursuit son propos engagé lors de sa précédente exposition à Château de Servières, Souviens toi d’aimer 2, autour des liens familiaux, dans une nouvelle production

Dans un registre explosif et décalé, Château de Servières propose un autre solo show produit à l’occasion du jumelage de Marseille avec Glasgow. La proposition visuelle est osée mais l’immense talent de Rachel Maclean, représentant l’Écosse à la Biennale de Venise 2017, fait de ses dérapages kitsch et farfelus des pamphlets de la surconsommation planétaire. Sa maitrise parfaite de la comédie, de la mise en scène, du scénario, de la peinture et de la création sonore ; son art du transformisme et de la métamorphose font de cette exposition un ovni total ! Grotesque et trash, drôle et acide, caricatural et réaliste : sa critique des médias, des séries TV et des vicissitudes humaines est implacable, son analyse est clairvoyante. Faut-il en rire ou s’angoisser ? Ou peut-être les deux ? L’identification aux modèles imposés est inévitable, à l’instar du rejet qu’elle suscite violemment. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Entreprise membre de Mécènes du sud Aix-Marseille 2 Avec Pauline Bastard 1

Mehdi Zannad jusqu’au 13 juillet Vidéochroniques, Marseille 09 60 44 25 58 videochroniques.org Nicolas Daubanes , Rachel Maclean jusqu’au 7 juillet Château de Servières, Marseille 04 91 82 42 78 chateaudeservieres.org


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Kaléidoscope amoureux de mante religieuse réalisée en bronze par Germaine Richier... On s’attardera également devant les chimères d’Annette Barcelo ou de Mohamed Ben Slama (l’animalité semble avoir inspiré bien des artistes), les fauteuils dos à dos de Claude Lévêque, avec le mot « désert » en surplomb, ou encore le film en noir et blanc de Chantal Akerman, Dans le miroir. L’amour peut être narcissique. Mais il faudra aussi se pencher sur les lettres sélectionnées, pleines de grands sentiments depuis longtemps prisonniers du papier : Arletty écrit à son bel officier allemand Hans Soehring en 1947 : « J’ai mal et j’espère ». Parfois assaisonnées d’humour : au détour d’une missive, Juliette Drouet demande à Victor Hugo de lui rendre sa culotte. Ou carrément torrides : Guy de Maupassant rédige une ode truculente à l’attention d’une prostituée.

Photographies en force

GILBERT & GEORGE, Praying Garden - 1982. Épreuves chromogènes, photographie. Collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne - Centre de création industrielle, Paris.

Quel Amour ?!, la nouvelle exposition du musée d’art contemporain de Marseille, bel atout de MP2018

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n ne sait pas si c’est sa préférée, mais la voix d’Éric Corne, commissaire de l’expostion, monte d’un cran dans l’enthousiasme lorsqu’il s’arrête devant Oedipus and the Sphinx after Ingres, « œuvre majeure de Francis Bacon », qui figure en bonne place dans son exposition. L’homme au pied blessé, symbole du désir interdit fouaillant tout être humain... Artiste lui-même, le commissaire a conçu un parcours à deux entrées, au propre comme au figuré. Quel Amour ?! est un hommage à ce qui ne plie pas dans l’appétit de vivre, ce qui résiste aux diktats, aux normes, aux stéréotypes, ce qui fendille le Moi ; tout autant qu’aux tendresses et à ce qui peut relier les individus. Le dispositif permet « aux couples d’accéder chacun par un côté, et de se retrouver au milieu... ou pas ». Éric Corne a ajouté un point d’interrogation à l’exclamation qui ponctue le thème de MP2018, Quel Amour !, « pour sa notion supplémentaire de surprise ». Depuis le 14 février, lancement

de l’événement culturel sur le territoire de la métropole Aix-Marseille et du pays d’Arles, le sentiment amoureux a été décliné sous bien des formes, sans jamais que les diverses propositions ne fassent le tour de l’inépuisable sujet. Son travail s’en approche indéniablement, de par son ampleur et sa richesse. Volupté, fantasme, fragilité, consolation, discordance, violence, désamour... Tout y est en germe, au visiteur du [mac] d’amener avec lui ce qui l’étreint, et de repartir avec d’autres élans.

œuvres majeures, détails croustillants Bien sûr, on retiendra les pièces maîtresses de l’exposition : devant le musée, les poignantes Mains de bienvenue de Louise Bourgeois ; à l’intérieur, le gigantesque cœur animé, fait de couverts en plastique rouge, conçu par Joana Vasconcelos ; la fresque géante de Gérard Fromager, scène débridée de sexe collectif sur plus de 30m2 ; la terrible sculpture

Le plus marquant, peut-être, de l’exposition, est dû aux photographes. Sans doute un effet collatéral de notre époque saturée d’images : la vision sans filtre d’une autre humanité nous touche d’une manière particulière. Ou simplement le goût très sûr du commissaire pour cette forme d’art. Une fois dépassées les miniatures d’Antoine d’Agata qui invitent ostensiblement au voyeurisme, quelle douceur dans les tirages de Michèle Sylvander ! Un jour mon prince viendra, s’intitule l’émouvant portrait, de dos, d’une femme à la couronne de cheveux grisonnants. Chance meeting, la série narrative de Duane Michals, serre également le cœur en six prises de vue : deux hommes se croisent dans une allée, mais quand l’un regarde l’autre, il s’est déjà détourné. Sur un cliché de Todd Hido, une jeune femme au genou ensanglanté remonte ou baisse ses collants, on ne sait. Un crépuscule américain dans ce qu’il a de plus banal, de plus brutal. Son mascara coule. Ses larmes, la délicatesse de son geste parlent d’un au-delà de la violence, de ce qui reste vivant malgré la douleur. L’une des métaphores de l’amour ? GAËLLE CLOAREC

Le catalogue de l’exposition est paru chez Manuella Éditions, au prix de 30 €. Quel Amour !? jusqu’au 2 septembre [mac], Marseille 04 91 25 01 07 culture.marseille.fr


86 critiques arts visuels

Sir William Burrell, un collectionneur éclairé Le temps des ruptures

Édouard Manet, Le Jambon, vers 1875-1880, huile sur toile, 32,4 x 41,2 cm © CSG CIC Glasgow Museums Collection

Après six mois de fermeture pour travaux et mise en sécurité, le musée Cantini ouvre ses portes pour accueillir 58 peintures et dessins de la collection Burrell. Un événement artistique de portée internationale

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’Aumône d’un mendiant à Ornans de Gustave Courbet introduit l’exposition des œuvres françaises de la collection de Sir William Burrell (1861-1958), exposées pour la première fois hors de leur villégiature en Écosse. Interdite de traversée par l’armateur lui-même qui en fit don en 1944 à la ville de Glasgow - à condition de choisir des espaces verts protégés de toute pollution -, celle-ci franchit le Channel dans le cadre du jumelage entre Marseille et Glasgow. Une coopération majeure pour la ville qui profite de la présence des toiles de Boudin, Daumier, Degas, Cézanne, Fantin-Latour, Monet, Manet, Pissarro et Monticelli pour exposer simultanément un précipité de la collection du musée des Beaux-Arts avant son redéploiement à l’automne. Où l’on croise, comme dans un jeu de miroir, d’autres pièces des mêmes artistes… La peinture française se taille une place

de choix dans ce corpus de plus de 8000 œuvres composé de tableaux, porcelaines, vitraux de toutes les époques et de tous les continents. Rien d’étonnant, Paris était à cette époque le phare de l’art contemporain, avec ses « classiques » et ses « précurseurs ». Qui plus est, en cette fin du XIXe siècle, Glasgow et Marseille se plaçaient économiquement au deuxième rang de leur pays : leur puissance financière favorisait ainsi l’émulation de l’art, du marché et donc des collections. Dont celle de l’armateur, qui débute à Marseille une tournée de trois ans, pendant des travaux de rénovation du musée niché dans le Pollok Country Park, au sud de Glasgow.

Qualifié de « Jeff Koons du XIXe siècle » par le directeur des musées de Marseille Xavier Rey, Gustave Courbet alternait provocation (Enterrement à Ornans), « œuvres rococo à visée commerciale », et portraits ultra classiques (Mademoiselle Aubé de la Holde) tandis que Daumier incarnait la classe sociale ouvrière, que Millet se tournait vers le XVIIIe siècle, et Corot se faisait le passeur entre le classicisme académique et le réalisme. Gommés des livres d’histoire, Ribot et Bonvin comptaient parmi les précurseurs, le premier puisant à la source de José de Ribera comme Manet à la source de Vélasquez. Sir William Burrell ne s’était pas trompé lors de leur acquisition, au même titre qu’il collectionna Jongkind, témoin de l’urbanisation galopante (Démolition de la rue des Francs-Bourgeois à Paris), Manet et sa nature morte Le Jambon qui fit écrire à Jacques-Émile Blanche : « On n’a jamais peint comme cela avant lui ». Parmi ses préférés figurait également Fantin-Latour, « demi gagnant et demi perdant de l’histoire » selon Xavier Rey, engagé dans des natures mortes très travaillées avant de simplifier son regard photographique pour atteindre des représentations plus sensibles. Réunies dans la salle des chefs-d’œuvre de l’Impressionnisme, quatre huiles de Degas dont La Répétition au cadrage révolutionnaire et délibéré, trois de Monticelli très prisé des collectionneurs étrangers, une de Cézanne représentant Le Château de Médan intimement lié à sa relation avec Zola et L’église de Noisy-le-Roi effet d’automne de Sisley peinte en 1874, année de la première exposition des Impressionnistes. L’héritage de ce collectionneur éclairé est un coup de maitre pour Glasgow qui fut, comme Marseille, nommée capitale européenne de la culture en 1990, sept ans après l’ouverture du bâtiment imaginé par Sir Barry Gasson, Brit Andersson et John Meunier. MARIE GODFRIN-GUIDICELI

Chefs-d’œuvre réalistes et impressionnistes de la collection Burrell Une collection en miroir, École de Barbizon et Réalisme au musée des Beaux-Arts jusqu’au 23 septembre Musée Cantini, Marseille 04 91 54 77 75 marseille.fr



88 critiques arts visuels

L’odyssée Picasso Picabia

Après Picasso Cézanne en 2009, le musée Granet met au défi la peinture dans un face à face entre deux « géants » : Picasso et Picabia.

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e musée Granet à Aix-en-Provence et la Fundación MAPFRE de Barcelone évitent l’écueil d’un rapprochement fallacieux entre deux initiateurs des plus grands courants du XXe siècle, prétexte à une énième exposition Picasso. Celle-ci s’inscrit néanmoins dans le cadre de la saison « Picasso Méditerranée 2017-2019 » initiée par le Musée national Picasso-Paris dont le Président Laurent Le Bon admet l’éventuelle lassitude : « Ah, encore Picasso ! Pourtant une exposition comme celle-ci ne sera jamais réitérée car elle est exceptionnelle. Vous ne l’avez jamais vue et vous ne la reverrez jamais »… Sauf à la Fundación MAPFRE qui l’accueillera du 12 octobre au 13 janvier 2019. En effet, la mise en parallèle des œuvres de Picasso et Picabia est une démarche muséale inédite. Le propos scientifique du commissariat d’Aurélie Verdier et Bruno Ely produit une moisson d’informations sur les thématiques, les influences, les techniques et les amitiés communes, et la richesse documentaire est remarquable (archives, notes, manuscrits, correspondances, photographies et revues). En auscultant à la loupe leurs similitudes et leurs différences, leurs cheminements respectifs, leurs points de jonction et d’achoppement, l’exposition interroge : lequel des deux était le plus subversif, le plus libre, le plus incisif ? Leur rivalité était-elle une posture ou la réalité ? Et questionne plus largement leur vision de la peinture dans la première moitié du XXe : était-elle vouée à mourir ? Si Picasso a cru en elle toute sa vie, Picabia en a douté.

« Surtout pas le style ! » Comme Gertrude Stein l’écrivait en 1937, Picabia et Picasso étaient de même petite taille, avaient approximativement le même poids « plutôt honnête » et « ne seraient pas ce qu’ils sont si l’un était l’autre ». Ce jugement éclaire ce qui les détermine l’un l’autre, l’un par rapport à l’autre, et qui apparaît comme une évidence au fil de l’exposition. Depuis le face à face introductif où l’on reconnaît la palette Cézanienne dans les peintures de Picasso et Picabia, qui « rattrape » le mouvement cubiste dans La Procession à Séville, jusqu’à l’épilogue déroutant des années 1950-60, où Picasso produit « une peinture sénile », selon un collectionneur américain, tandis que Picabia

Francis Picabia, La Femme au monocle, Huile, Ripolin et crayon sur carton, 105 x 75 cm, Collection particulière © ADAGP, Paris 2018

explore une œuvre cosmogonique, empâtée, qualifiée d’abstraite - terme qu’il récusait -, qui influença néanmoins Soulages, Tal Coat, Klein ou Mathieu… Picasso et Picabia ont communément et parallèlement exploré les thèmes de la tauromachie, de la mécanique, peint ou dessiné des scènes hispaniques, mixé matériaux et techniques, évoqué la figure du monstre et usé de métaphores pour rendre compte du monde dont ils étaient les sismographes. Tous deux se sont érigés contre « le style », sans jamais rester en place ni se répéter, en véritables têtes chercheuses de l’art… comme leurs amis Erik Satie, Guillaume Apollinaire, André Breton dont ils ont chacun tiré le portrait. Mais au-delà de cette proximité, les divergences sont multiples : Picasso sera avec Braque le précurseur du cubisme quand Picabia s’y lancera en introduisant la vitesse et

le mouvement ; Picasso développera un dessin ingresque durant l’entre-deux-guerres, que Picabia ne manquera pas de moquer ; Picasso s’investira politiquement dans les années 1930-40 tandis que Picabia restera en dehors des événements. « Toujours ailleurs » selon Bruno Ely. Picabia décèdera en 1953, vingt ans avant Picasso, qui fera de la Méditerranée sa terre d’élection. Un « territoire picassien » pour Laurent Le Bon qui justifie, peut-être, une longue saison dont Aix-en-Provence est la vingtième escale. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Picasso Picabia, la peinture au défi jusqu’au 23 septembre Musée Granet, Aix-en-Provence 04 42 52 88 32 musee-granet-aixenprovence.fr


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Game Play, mobilité et traces

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es albums de Bowie et Balavoine, des éditions pour la jeunesse, Ionesco, Pierre Boulle ou H. G. Wells figurent parmi les œuvres « tutélaires » de DJEFF réunies dans son Atelier moderne. L’artiste, ancien pensionnaire de la Villa Médicis, est de retour à la Fondation Vasarely qui l’a accueilli pour Gamerz et LAPS en 2014. Sa nouvelle exposition Now Here Else se déploie en deux parties distinctes avec flashbacks et productions in situ, les thèmes imbriqués les uns dans les autres faisant office de fil rouge. Sous le titre Genesis, DJEFF regarde dans le rétroviseur avec une installation à plusieurs bandes où le jeu vidéo sert de matrice à la création d’histoires, de situations, d’interactions. « La partie ludique m’intéresse beaucoup en tant que première interface de l’art » expliquet-il devant l’alvéole « vasarelienne » transformée en Space Arcade propice au rassemblement et au contact social. D’ailleurs le public se transforme en joysticks et participe physiquement aux compétitions : Simon Leone, Hyper Olympic, Vidéo Pong, Pentapong… DJEFF opère un retour au présent dans Now

performance filmée Résolution 37/7 (cette pièce vaut à elle seule le déplacement). Son questionnement sur l’homme idéal, l’humanité, la planète, l’intelligence artificielle s’immisce dans Vitruve comme dans Rise, « première pièce de ma bascule après ma résidence à Shanghai ». DJEFF n’a donc pas fini de basculer en bousculant les technologies pour revenir à l’essentiel : l’humain.

Resolution 37/7 © OHNK

Here Else composé d’œuvres in situ, récentes ou en cours, qui plaident en faveur d’une autre perception de l’environnement naturel et technologique. Moins ludiques et plus réflexives, elles mettent en jeu ses talents d’auteur, scénariste, plasticien, enseignant… Dans Now trois sabliers donnent la mesure du temps : l’humanité (mèches de cheveux encapsulées), l’éternité (quartz) et la termite (éclat de bois mangé). Évocation philosophique des règnes animal, minéral et végétal que l’on retrouve appréhendés, différemment, dans la

M.G.-G.

Now Here Else jusqu’au 8 septembre Fondation Vasarely, Aix-en-Provence 04 42 20 01 09 fondationvasarely.org

L’amour et la mémoire nous unissent

Korakrit Arunanondchai © DR - MP2018

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ymbole du passé industriel et portuaire de Marseille, le hangar du J1 prête son premier étage à des expositions à caractère évènementiel. Ainsi l’artiste multidisciplinaire Korakrit Arunanondchai succède à JR avec une production in situ développée sur 5000 m2 qui mêle sculpture, son et vidéo autour de ses thèmes de prédilection : « la spiritualité dans un monde globalisé et le frottement entre animisme et technologies modernes ». Une œuvre qui fait la connexion entre ses origines - l’artiste a grandi à Bangkok dans les années 1990 à une époque « dont l’Histoire se rappellera comme le règne du roi Rama IX » - et son présent en Occident, particulièrement à New York où il vit. Elle reflète son intérêt pour le bouddhisme et l’animisme thaïlandais, la culture populaire, la géopolitique et la technologie dont on retrouve les traces dans l’enchevêtrement d’objets et d’images, certaines filmées par des drones. Lorsque MP2018 a proposé à Charlotte Cosson et Emmanuelle Luciani d’inviter un artiste à investir le J1,

la présence de Korakrit Arunanondchai est apparue comme un évidence car « Marseille est une ville haute en contrastes, à la fois historique et en pleine expansion, saturée de paradoxes et arborant pourtant une identité

unique et reconnaissable ; une unité dans la diversité qui correspond parfaitement à [son] art qui dépasse les contraires, voire les réconcilie ». Les couches civilisationnelles qui composent sa sédimentation historique l’ont profondément marqué, et son œuvre, une fois encore, lie passé et présent, orient et occident : « Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il coule un sol au dessus de la Méditerranée, en hommage aux empires qui l’ont encerclée et en guise de terreau pour un futur par définition incertain ». L’artiste nous convie à fouler un peu de la terre de ses ancêtres qu’il utilise ici, pour fabriquer « le sol »… M.G.-G.

With history in a room filled with people with funny names. 4 Conférences et performances ponctuent l’exposition 20 juin au 29 juillet Hangar J1, Marseille mp2018.com


90 critiques arts visuels

COUSU MAIN La Villa Datris tricote 102 œuvres de 74 artistes internationaux dans une exposition intergénérationnelle qui élève l’art du textile au rang d’art contemporain

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es salons à la façade, au fil de La Sorgue jusqu’à la cime des arbres, l’exposition Tissage tressage, quand la sculpture défile ressemble à un inventaire à la Prévert ! Par les thématiques qui la structurent : Tradition et modernité, Intimités exposées (les arts féministes dans l’art contemporain), Sur le fil (les années 50), Fil organique, Identités textiles, Vernaculaires, Cordées (minimalisme et art pauvre), Folie du fil (l’influence de l’art brut), Tisser le monde, Le jardin des Pénélopes. Par la diversité des matériaux : chanvre, cuivre, sisal, fibre végétale, laine, soie, nylon, bâton de bambou, coton, épingle, mousse, perles, paillettes, capsule de bouteille, polypropylène… Par une sémantique moins sensuelle qu’attendue : atrophier, recouvrer, emballer, tisser, coudre, tresser, crocheter, envelopper, obturer, dessiner, brûler, statufier, épurer, souder… La Villa Datris déroule avec dextérité le fil de l’histoire et des techniques dans un parcours qui révèle la richesse des esthétiques, la multiplicité des contenus politique, symbolique et familial. La contemporanéité de l’art textile, sous toutes ses coutures, ne fait plus aucun doute depuis que les pionnières Sonia Delaunay et Anni Albers ont révolutionné les savoirfaire traditionnels en se les réappropriant à leur guise. Dans leur sillage, Daniel Dewar & Grégory Gicquel sortent le tricot de la sphère intime avec un pull-over de 170 x 140 x 25 cm tricoté à quatre mains, et l’inscrivent dans le champ du ready-made de Marcel Duchamp. La monumentalité, croisée avec l’art performatif, est de mise chez Romina de Novellis qui met son corps en procession dans un labyrinthe arachnéen obstinément construit, auquel elle tente ensuite d’échapper durant plus de six heures. Évocation de la

Nick Cave (premier plan) et El Anatsui (arrière-plan) © Heymann Renoult

tragédie éternelle de l’homme prisonnier de sa condition. La philosophie s’invite également sur le métier à tisser de Chiharu Shiota qui, comme toujours, emprisonne les objets ou les espaces de milliers de fils en tension : ici, un globe de noir vêtu et un atlas emmailloté de rouge dans la pièce frontale State of Being. Tandis qu’Adrienne Jalbert laisse de côté la douceur du coton et fait des fils métalliques la matrice de Sphère du Parc pour alerter, comme Chiharu Shiota, sur l’instabilité du monde chaotique et dangereux. De la tragédie à la comédie, de la tapisserie traditionnelle (Caroline Achaintre, Jagoda Buic) aux pièces les plus expérimentales, l’art textile déploie une force d’invention perpétuelle. Laure Prouvost utilise la tapisserie murale comme support à une installation vidéo The TV Mantelpiece où elle entremêle fiction familiale et histoire de l’art. Dans Tâche, la benjamine de l’exposition Céleste Castelot ose un mélange hétéroclite pour évoquer Pénélope, son ouvrage de laine inachevé pénétré par des aiguilles géantes en céramique. La suspension attend une éventuelle réapparition… Dans les petites pièces ludiques

de Cécile Dachary, L’Arpenteuse, Partie de jambes en l’air, Hum, la technique du crochet n’a rien de gnangnan et déborde du cercle des nouveaux-nés pour surfer avec malice sur l’érotisme. Autres sujets sensibles, la place de la femme dans la société portugaise, dénoncée avec une fausse diplomatie par Joana Vasconcelos qui use des « arts mineurs » de la terre et du textile connotés plus festifs et exubérants ! Et la situation des Noirs en Amérique du nord évoquée par Nick Cave dans sa série de costumes sonores Soundsuit exposés ou chorégraphiés, inertes ou vivants, mais toujours « revendiquant un espace pour les éventuels interprètes ou personnages imaginaires qui les habitent ». MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Tissage tressage, quand la sculpture défile jusqu’au 1er novembre Fondation Villa Datris, L’Isle-sur-la-Sorgue 04 90 95 23 70 fondationvilladatris.com


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Pierres vivantes L’exposition Résonance, l’Esprit des Ruines proposée au château de Lourmarin met en dialogue poétique des gravures de Piranèse et un ensemble de photographies de Ferrante Ferranti

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ne image ne naît pas seulement du hasard, elle cherche sa place, pour mieux trouver sa résonance », écrit en exergue de son site le photographe Ferrante Ferranti. C’est aux résonances que s’attache l’exposition qui court sur les murs du château de Lourmarin, se conjuguant aux lieux, suscitant d’intimes échos qui dépassent le propos initial, comme si les murs-mêmes dialoguaient avec les gravures et les photographies. De subtiles correspondances s’établissent, creusant l’épaisseur du temps.

Deux visions d’architectes Sont mises en échos des photographies de Ferrante Ferranti et des gravures de Piranèse, issues de la collection Robert Laurent-Vibert*. Entre elles, transparaissent des constructions, des regards, étonnamment proches. Travail d’imprégnation, visions semblables… les artistes ont tous deux suivi une solide formation d’architecte. Ferrante Ferranti, nourri des travaux du graveur du XVIIIe, ne cherche pas lors de ses voyages à imiter ou retrouver « la manière de », mais suit involontairement la même approche. « Travail non d’imitation, mais d’insufflation réciproque, d’interpénétration, fruit neuf, original, savoureux, de l’admiration et de la reconnaissance, modèle de croisement esthétique et de métissage culturel », souligne dans sa préface au catalogue de l’exposition l’écrivain Dominique Fernandez.

Palimpsestes Il s’agit d’une approche personnelle que tous peuvent expérimenter, « à propos de ce que chacun peut sentir de la ruine, découvrir d’elle : y déchiffrer le palimpseste de l’histoire, de la mémoire » explique le photographe. Sont rendues sensibles les strates de sens, par le catapultage des époques : décors grandioses des temples antiques dont subsistent des pans émouvants, auxquels s’accrochent les constructions récentes, imbriquant les périodes en un raccourci saisissant. « Le regard de Piranèse marque de son empreinte la littérature et les paysages, accordant une

Temple de Ségeste, Sicile, Ferrante Ferranti © MC

lecture sans cesse renouvelée du monde ». Compréhension et émotion se mêlent et offrent des pages captivantes. Les photographies en noir et blanc répondent aux gravures, dont la composition reconstruit le réel, offre un raccourci des géographies, rapproche éléments de statuaire, temples, édifices, ainsi le sublime Caprice composé de ruines avec une statue de Minerve. La réalité réside ici dans la force suggestive des divers éléments, et autorise le spectateur à se livrer à son imagination. La photographie d’une sculpture brisée sur le Forum d’Ostia Antica, dressée à côté d’un tronc de pin, contient la même puissance évocatrice : la vie palpite dans la pierre, et le tronc d’arbre devient sculpture. Les perspectives se répètent, même angle de vue du Colisée ou de la Pyramide de Caius Cestius, écho des silhouettes qui donnent

l’échelle dans les gravures de Piranèse avec le personnage capté dans l’instant, au bout de la vue rythmée d’arches des Écuries royales de Moulay Ismaël à Meknès (Maroc)… Entre l’architecte-graveur et l’architecte-photographe, le même amour du détail qui « fait éclater le champ de vision ». Le temps aboli ici renaît, et nous accorde sa profondeur… MARYVONNE COLOMBANI

*Normalien, membre de l’École française de Rome, Robert Laurent-Vibert acheta le Château en 1920 et le légua à l’Académie d’Aix en même temps que ses collections et sa bibliothèque afin qu’elles constituent la Fondation de Lourmarin Laurent-Vibert. Demeure ouverte à l’art, elle héberge tous les ans de jeunes artistes, les déchargeant de tout souci matériel afin qu’ils se consacrent à leur travail. La « Petite Villa Médicis de Provence » promeut aussi les activités culturelles en milieu rural et illustre bien sa devise E cinere Phoenix (il renaît de ses cendres). Catalogue de l’exposition Résonance, l’Esprit des Ruines, réalisé par la Fondation Laurent-Vibert, 15 € Résonance, l’Esprit des Ruines jusqu’au 31 octobre Accessible dans le cadre de la visite du Château de Lourmarin 04 90 68 15 23 château-de-lourmarin.com


92 au programme arts visuels bouches-du-rhône

Ai Weiwei, Fan-Tan Cinquante œuvres du performeur chinois et activiste du net (dont deux inédites) confrontées à autant d’objets du musée, asticotent des concepts opposés tels que Orient/Occident, art/artisanat, destruction/ conservation, et par là la validité de nos systèmes d’interprétation. En écho avec le séjour en Occident de son père, célèbre poète chinois débarqué à Marseille en 1929. C.L. Fan Tan 20 juin au 12 novembre Mucem, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org

Ai Weiwei, Up yours, 2017. Courtesy Ai Weiwei studio

Claude Lévêque Conçus spécialement pour Marseille, les deux projets immersifs de Claude Lévêque invitent le visiteur à des « expériences sensorielles totales » inédites. En ressortira-t-on indemne ? Le vernissage débute dans la chapelle du Centre de la Vieille Charité à 17h, vendredi 29 juin. C.L. Back to Nature, Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur, Marseille Life on the Line, Centre de la Vieille Charité, Marseille 30 juin au 14 octobre 04 91 91 27 55 fracpaca.org musees.marseille.fr

Sous le plus grand chapiteau du monde (partie 2), 2015, fossés du musée du Louvre © archives Kamel Mennour/Julie Joubert © ADAG

César (1921 - 1998) Compressions, Fers soudés, Combustions, Expansions...et un trophée éponyme célébrissime ! Pour les vingt ans de sa disparition, l’exposition rend hommage à l’enfant de la Belle de Mai dont le critique Pierre Restany qualifiait le travail de « recyclage poétique du réel urbain, industriel et publicitaire ». C.L. César / marseillais jusqu’au 12 juillet Galerie Alexis Pentcheff, Marseille 04 91 42 81 33 galeriepentcheff.fr

César, Centaure, Hommage à Picasso, 1983-1987, Bronze, fonte Bocquel, numérotée 5/8, 101x105 x 48,5 cm. Courtesy Galerie Alexis Pentcheff

Pietra vivente Les photographies de Jean-Christohe Ballot du musée du Louvre, des Offices à Florence ou des jardins de la Villa Médicis sont déjà des classiques ! Pendant les Rencontres d’Arles, l’artiste investira de manière éphémère la façade d’une galerie avec des silhouettes des gisants de Saint Denis, brouillant les pistes et redonnant aux sculptures un incroyable sentiment de vie. M.G.-G. Point rouge Gallery, Saint-Rémy-de-Provence 21 juin au 8 juillet 04 90 21 19 61 Diane au bain, musée du Louvre 2004 © JC Ballot


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94 au programme arts visuels bouches-du-rhône vaucluse alpes-Maritimes

Territoires sonores Chassé-croisé entre la France et l’Écosse pour Pierre-Laurent Cassière, Anne-James Chaton, Isabelle Dehay, Hanna Tuulikki, et dialogue créatif entre deux cultures, deux scènes artistiques, qui prennent la forme, aujourd’hui, de vastes Territoires sonores. Plus qu’une installation, l’exposition explore le mode de perception du son par les artistes et sa retraduction dans différents mediums. M.G.-G. Mac Arteum, Châteauneuf-le-Rouge jusqu’au 7 juillet 04 42 58 61 53 mac-arteum.com

Sing Sign a close duet © Hanna Tuulikki

De l’Amour

De la Vénus sourire de Dominique Coutelle à la Grande Vénus de François Stahly, de l’Oiseau amoureux de Niki de Saint Phalle aux Oiseaux amoureux de Francis Guerrier, du Couple d’Albert Hettinger à la Porte du paradis de Jean Daviot, tous les artistes invités par la Fondation Salinger reprennent à leur compte « Il n’y a que l’amour qui nous rende à nous-mêmes » d’Albert Camus. M.G.-G. jusqu’au 15 octobre Musée Pierre Salinger, Le Thor 04 90 02 14 33 pierresalinger.org

© Claudia Rogge

Siffler en travaillant Suite à leur résidence de création, Pascale Stauth et Claude Queyrel proposent un regard renouvelé sur les collections du muséum et le patrimoine alpin. Coffres sculptés du Queyras, chapelle des Pétètes... tous sont repensés dans des rapports scénographiques inédits. C.L. jusqu’au 16 septembre Musée muséum départemental des Hautes-Alpes, Gap 04 92 51 01 58 museum.hautes-alpes.fr

Vue partielle, Siffler en travaillant, C. Queyrel et P. Stauth, 2018. Photographie CQPS

Matisse et Picasso Entre dialogue et rivalité, la relation entre Matisse et Picasso fut l’objet d’un échange permanent et régulier à partir des années 1940. L’exposition du musée Matisse de Nice explore les méandres de cette relation complexe, féconde, autour notamment de « la comédie du modèle » comme la désignait Aragon. Une section photographique et une autre documentaire enrichissent le parcours. M.G.-G. Matisse et Picasso, la comédie du modèle 23 juin au 29 septembre Musée Matisse, Nice musee-matisse-nice.org

Pablo Picasso, Femme couchée lisant, 21 janvier 1939 Huile sur toile Musée national Picasso Paris Dation en 1979 © Succession Picasso 2018 Photo © RMN Grand Palais (Musée national Picasso Paris) / Adrien Didierjean


Ai Weiwei Fan-Tan Portes ouvertes

Mucem Exposition Mucem.org

Avec le soutien de

Mardi 19 juin, de 16h à 23h Entrée libre

20 juin—12 novembre 2018

Photo © Judith Benhamou-Huet, Ai Weiwei, Marseille, 2017 Design graphique : Spassky Fischer

Partenaires


96 au programme arts visuels alpes-maritimes var

Lilian Bourgeat Quand l’art contemporain se confronte à l’échelle d’un centre commercial c’est l’esprit de démesure ! Dans le genre post-Pop art revu par un drôle de Gulliver, les objets « augmentés » de Lilian Bourgeat investiront les espaces publics, avec deux sculptures monumentales réalisées spécialement pour l’événement. C.L. Des mesures 19 juin au 14 octobre Polygone Riviera, Cagnes-sur-Mer polygone-riviera.fr

Caddie, 2014 Acier galvanisé, roulettes et résine polyester 210 × 230 × 150 cm Courtesy Galerie Lange+Pult photo : Sully Balmassière

Curiosité(s) Après 10 ans de nocturnes de l’art contemporain, les Visiteurs du soir cèdent leur place à deux mois de manifestations rebaptisées Curiosité(s) qui vont essaimer sur le territoire, à Nice, Embrun, Gap, Digne, Saint-Paul-de-Vence, Mougins, Monaco, Vence, Mouans-Sartoux. Le réseau Botox(s) élargit ainsi son offre, la diversifie dans un esprit de synergie fertile. M.G.-G. Curiosité(s) parcours art contemporain jusqu’au 29 juillet Maison Abandonnée, Nice botoxs.fr

© Laurent Prexl

Shirley Baker

Des villes balnéaires de la côte ouest de l’Angleterre à la cité des dauphins, l’œuvre photographique de Shirley Baker s’attache à la figure humaine : ses activités quotidiennes, son labeur, ses loisirs, dans un souci permanent de coller à la réalité. Avec fidélité et empathie. Le Lavandou lui rend hommage en organisant sa première exposition personnelle en France. M.G.-G. Espace culturel, Le Lavandou 7 juillet au 9 septembre 04 94 00 40 50 ot-lelavandou.fr

Buste Reyer © Shirley Baker

Alain Clément Les Amis du Centre d’Art, sous le commissariat de Gilles Altieri, vous invitent à (re)découvrir l’œuvre récente d’Alain Clément à travers une sélection de peintures, sculptures et gravures réalisées entre 2012 et 2018. Vernissage samedi 7 juillet à 18h ; conférence « L’extase colorée » par Xavier Girard, historien de l’art et artiste, le 29 septembre à 17h. C.L. 8 juillet au 25 novembre Centre d’Art contemporain, Châteauvert 07 81 02 04 66 acac83.fr

Alain Clément, acier peint, 2015, 97 x 64 x 35 cm © Atelier AC


fete de la musique 21 juin 2018 Place Jourdan

concerts gratuits 22H

KIMBEROSE EN 1ERE PARTIE

17H > 22H

caravane musicale « L’amour pour itinérance » anna farrow / carbon copper ruben paz y cheverefusion / wilko & ndy

Infos : 04 90 17 48 38 / miramas.fr


98 au programme arts visuels hérault

Faune, fais moi peur ! On ne pouvait choisir thème plus réjouissant que celui du faune pour la réouverture d’un musée ! À travers près de 170 œuvres de toutes époques, le mythe antique expose son imposante richesse sous toutes ses formes. Faunes, satyres, nymphes, jeux érotiques s’incarnent de l’Antiquité à Picasso. C.L. du 7 juillet au 7 octobre Musée de Lodève 04 67 88 86 10 museedelodeve.fr

Marc Chagall, lithographie, extrait de Sur la Terre des dieux, 1967, Paris, BNF©ADAGP, Paris 2018 Photo © BNF

Pavillon Populaire

Alain Sayag interroge le rôle de la photographie dans la propagande du régime nazi en mettant en parallèle les photographies « officielles » (clichés du photographe d’Hitler de 1922 à 1945, Heinrich Hoffmann) avec celles prises par les photographes juifs des ghettos d’Europe orientale (George Kadish ou Mendel Grossman). Deux apports documentaires exceptionnels sur l’Histoire. M.G.-G. Un dictateur en images et Regards sur les ghettos 27 juin au 23 septembre Pavillon Populaire, Montpellier 04 67 66 13 46 montpellier.fr

George Kadish, « the body is gone » (Le corps a disparu). Ghetto de Kaunas, ca. 1941-1944. Photo : George Kadish © United States Holocaust Memorial Museum

Picasso, Donner à voir Le Musée Fabre parcourt 77 années de création de Picasso à travers plus de 120 œuvres, avec un parti-pris d’éclairer 14 dates charnières dans son travail et une scénographie ouverte qui met en perspective l’évolution formelle, les procédés, les ruptures… Peintures, gravures, sculptures, dessins associés aux archives, carnets et croquis préparatoires soulignent le bouillonnement de son art. M.G.-G. 15 juin au 23 septembre Musée Fabre, Montpellier 04 67 14 83 00 museefabre.fr

Pablo Picasso, Femme assise aux bras croisés, [Le Tremblay-surMauldre], 1937, huile sur toile, 81 x 60 cm, Musée national PicassoParis, MP162, dation en 1979, Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Mathieu Rabeau, service presse / musée Fabre © Succession Picasso 2018

In Situ Le patrimoine architectural et l’art d’aujourd’hui offrent de belles rencontres depuis plusieurs années grâce à l’association Le Passe Muraille. 5 départements, 12 sites classés Monuments historiques, 12 œuvres contemporaines dont 9 inédites pour cette 7e édition. Tous les détails sur le site concernant les nombreuses propositions de parcours. C.L. IN SITU Patrimoine et art contemporain 22 juin au 30 septembre divers lieux en région Occitanie/Pyrénées-Méditerranée patrimoineetartcontemporain.com Felice Varini, Cercles concentriques excentriques, Château et remparts de Carcassonne, In Situ 2018. Photo © Centre des monuments nationaux


38e Festival International de Piano

L a R o q u e d ’A n t h é r o n 20•07•2018 >18•08•2018

ArcAdi Volodos • Michel Dalberto • bertranD cuiller • DaviD KaDouch • Jean-luc ho • Dana ciocarlie • braD MehlDau • MAude GrAtton • eliane reyes • edouArd Ferlet • shAni dilukA • JeAn rondeAu • eMManuel strosser • BAptiste trotiGnon • clAire désert • YoAnn Moulin • oliVier lAtrY • YuliAnnA AVdeeVA • Aline piBoule • roMAin dAVid • tAnGuY de Williencourt • nAthAnAël Gouin • pierre hAntAï • denis MAtsueV • FrAnçois Guerrier • MAriA-João pires • ABdel rAhMAn el BAchA • pierre GAllon • bertranD chAMAYou • skip seMpé • VikinGur ÓlAFsson • Brice sAillY • nicholas angelich • Justin tAYlor • BoJAn Z • sAnJA BiZJAk • lidiJA BiZJAk • JonAs VitAud • gasparD dehAene • rAY leMA • lAurent de Wilde • seonG-Jin cho • philippe hAttAt • Florent BoFFArd • Alexei Volodin • MoMo kodAMA • boris berezovsKy • FreddY eichelBerGer • JeAn-clAude pennetier • kotAro FukuMA • niKolaï luGAnskY • FloriAn noAck • Vincent coq • luis FernAndo pereZ • dMitrY sin • renA sheresheVskAYA • MAroussiA Gentet • réMi Geniet • lucas Debargue • MArie-AnGe nGuci • JonAthAn Fournel • Anne queFFélec • pavel kolesnikoV • lArs VoGt • MArie-cAtherine Girod • séliM MAZAri • FrAnçois-Frédéric GuY • nelson Freire • AiMi koBAYAshi • MAtAn porAt • Daniil triFonoV • iddo BAr-shAï • nelson Goerner • christiAn iVAldi • cléMent leFeBVre • serGeï BABAYAn • MArc-André hAMelin • aDaM lalouM



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