Zibel118

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12.05 > 16.06.18

N°118

ZIBELINE

Mensuel culturel engagé du Sud-Est

Le festival

de Marseille

3€

L 11439 - 118 - F: 3,00 € - RD

OH LES BEAUX

jours !

Gap : tous

DEHORS ENFIN !


TOUS

GRATUIT

Théâtre / 1

ères

DEHORS (ENFIN)!

de création

J’AI PEUR QUAND LA NUIT SOMBRE Edith Amsellem (artiste de la Ruche) / C ie ERD’O

La Ville de Gap et le théâtre La passerelle présentent

23 > 26 M A I 2018

Festival des arts de la rue À GaP

± 1h30 en libre circulation ≥ 12 ans

S P E C TA C L E E N P L E I N A I R ! RDV AU MERLAN > 20H, 20H30 OU 21H Départs en navette vers le lieu de représentation : 20h15 / 20h45 / 21h15 Retour vers St-Just (métro) et Le Merlan (parking) : 22h / 22h30 / 23h / 23h30 Parking gratuit au Merlan Buvette sur le lieu du spectacle Tenue confortable recommandée

01 02 03

JuiN 2018

© Edith Amsellem

Edith Amsellem et la compagnie ERD’O tirent le fil rouge d’un Chaperon en quête de ses origines. Loin des best-sellers édulcorés de Perrault ou des frères Grimm, cette installation vivante, en libre circulation dans un parc boisé, vous invite à (re)découvrir les versions originelles de ce conte issues de la tradition orale… Une proposition buissonnière et déambulatoire pour se réapproprier un récit initiatique qui enseigne aux jeunes filles l’audace et la liberté.

Un rendez-vous MP2018 Quel Amour ! en coréalisation et coproduction avec La Criée, Théâtre National de Marseille

Tarifs : 15 / 10 / 5 / 3 €

infos & réservations > avenue Raimu, Marseille 14e > 0 4 9 1 1 1 1 9 2 0 / w w w. m e r l a n . o r g

04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu


AVRIL MAI 2018

CULTURE ET SOCIÉTÉ Mensuel payant paraissant le deuxième samedi du mois Édité à 20 000 exemplaires, imprimés sur papier recyclé Édité par Zibeline BP 90007 13201 Marseille Cedex 1 Dépôt légal : janvier 2008 ISSN 2491-0732 Imprimé par Riccobono Imprim’vert - papier recyclé Crédit couverture : © Alouette sans tête Conception maquette Tiphaine Dubois

Directrice de publication & rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@gmail.com 06 09 08 30 34 Rédactrice en chef adjointe Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42 Secrétaire de rédaction Anna Zisman anna.zisman.zibeline@gmail.com

ARTS VISUELS Claude Lorin claudelorin@wanadoo.fr

06 25 54 42 22

LIVRES Fred Robert fred.robert.zibeline@gmail.com MUSIQUE ET DISQUES Jacques Freschel jacques.freschel@gmail.com CINÉMA Annie Gava annie.gava@laposte.net

06 88 46 25 01

06 82 84 88 94

06 20 42 40 57

06 86 94 70 44

Élise Padovani elise.padovani@orange.fr WRZ-WEB RADIO ZIBELINE Marc Voiry marcvoiry@hotmail.com

Polyvolants Chris Bourgue chris.bourgue@wanadoo.fr Gaëlle Cloarec ga.cloarec@gmail.com

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Maryvonne Colombani mycolombani@gmail.com

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Marie-Jo Dhô dho.ramon@wanadoo.fr Marie Godfrin-Guidicelli marie.godfrin83@gmail.com

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Maquettiste Philippe Perotti philippe.zibeline@gmail.com

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Commerciale Rachel Lebihan rachel.zibeline@gmail.com

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La régie Jean-Michel Florant laregie@gmx.fr 06 22 17 07 56 Collaborateurs réguliers : Régis Vlachos, Frédéric Isoletta, Yves Bergé, Émilien Moreau, Christophe Floquet, Pierre-Alain Hoyet, Aude Fanlo, Thomas Dalicante, Marion Cordier, Caroline Gerard, Delphine Dieu, Hervé Lucien, Julie Bordenave Administration Catherine Simon admin@journalzibeline.fr Houda Moutaouakil contact@journalzibeline.fr

Mission de service public « Le théâtre est au premier chef un service public, tout comme le gaz, l’eau, l’électricité ». Si aujourd’hui l’affirmation de Jean Vilar nous sidère, ce n’est pas parce que l’utilité sociale des arts n’est plus à la mode. Non. Mais parce que l’eau, le gaz et l’électricité ont été privatisés. En revanche l’art rempart contre la barbarie, qui doit aller jusque dans les prisons, les hôpitaux et les écoles ghettos, la mission sociale des artistes, tout cela est acté, compris, admis. Par les artistes et les acteurs culturels, dévoués, missionnés, surqualifiés et sous-payés, placés dans une constante concurrence, et soupçonnés toujours d’élitisme. La culture service public ? L’essentiel de l’argent public alimente les ors du Château de Versailles et de l’Opéra de Paris, et la restauration du patrimoine privé. Stéphane Bern y veille. Hors de cette sphère aristocratique, la puissance publique délègue aux artistes des missions de service public, tout en exigeant une rentabilité de leurs projets, un équilibre économique, 118 un nombre de représentations, un « impact public » mesurable. Et en baissant le financement de cette mission déléguée, qui consiste à répondre aux droits culturels des Français. Oui, l’ambition vilarienne d’inscrire l’art dans l’histoire sociale était belle, et son souvenir fait affleurer aujourd’hui la mémoire des grandes nationalisations d’après-guerre, de la sécurité sociale, de l’audiovisuel public. Du gaz et de l’électricité financés par l’État. D’Air France, des PTT, de la SNCM et de la SNCF, qui assuraient la continuité territoriale, portaient le courrier et les colis tous les jours jusque dans les coins reculés, jusque chez les ultramarins. C’est aujourd’hui cette idée même du service public qui est perdue. La rentabilité a gagné, dans les esprits, dans les médias qui ne croient plus à leur mission d’information et gèrent l’audimat. Qui préfèrent les micros-trottoirs d’usagers excédés plutôt que l’explication, à portée de leur travail d’enquête : si le service public du transport disparaît, des territoires seront définitivement désertés ; les avions, la voiture, les camions et les cars gagneront, au détriment de notre santé, de notre mobilité. Et de notre droit à disposer, parce que nous payons des impôts qui sont censés les financer, des services publics que nos parents ont gagné de haute lutte sociale.

ÉDITO

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AGNÈS FRESCHEL 04 91 57 75 11

Chargée des abonnements Marine Jacquens mjacquens.zibeline@gmail.com Communication Louis Giannotti g.journalzibeline@gmail.com

06 46 11 35 65

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E   xposition

2   5 avril—10 sept. 2018

O   r

M   ucem

Avec le soutien de

Avec la participation exceptionnelle du musée du Louvre

Partenaires :

Photographie : Lingot en forme de disque plat, Élam (actuel Iran), Suse, vers 1500-1200 av. J.-C., Paris, musée du Louvre, département des Antiquités orientales © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux


sommaire 118

SOCIÉTÉ États des eaux (P.6)

politique culturelle Conférence régionale des arts et de la culture à Mougins (P.7) ExtraPôle, ou la production des arts de la scène en questions (P.8-13) Place aux compagnies, Aubagne (P.14) Balance ton Off (épisode 3) (P.15) La décentralisation ministérielle sur la sellette (P.19) Faut-il sauver les Chorégies d’Orange ? (P.20-21) Le coeur a ses saisons, Cie si sensible - Place aux Compagnies 2018 © Christophe Raynaud de Lage

événements

Musées d’Avignon, Forum des médias, Contexte(s) au Merlan (P.22-23)

Le Mucem, la Nuit européenne des Musées (P.24-25)

FESTIVALS

Oh les beaux jours, Printemps du livre de Cassis (P.26-27) Les Eauditives, Comédie du livre (P.28-29) Festival de Marseille, Uzès danse (P.30-31) Le Merlan, l’Erac (P.32-33)

Printemps des comédiens, Tous dehors enfin !, Théâtre Forain (P.34-35) GR2013, Tendance clown, Arts et festins du monde (P.36-37) Scènes de bistrots, Aix en Juin (P.38-39) Caravansérail, Joutes musicales, Musique à la ferme (P.40-41)

Requiem pour L., Alain Platel - Festival de Marseille 2018 © Chris Van der Burght

critiques

Spectacles, rencontres musiques (P.46-61) Marseille, Aix, Pertuis, Martigues, Berre, Arles, Cucuron, Avignon, Château-Arnoux, Toulon, Correns, Montpellier, Monte-Carlo

L’Édition, Marsatac, le Bon:Air (P.42-43) Couleurs Urbaines, Sons dessus de Sault, Jazz des 5 continents (P.44-45)

AU PROGRAMME DU MOIS Musiques (P.62-66)

Spectacles (P.68-79) Silva, Fanny Soriano - Tous dehors (enfin) ! © Vincent Brière

cinéma [P.80-84]

Marseille, La Ciotat, Aix, Fos, Grans, Port-St-Louis, Toulon, Montpellier

Arts visuels [P.86-91]

Marseille, Aix, Châteauneuf-le-Rouge, Les Baux-de-Provence, Istres, Arles, Lourmarin, Reillanne, Avignon, Carpentras, Montpellier, Sérignan

Exposition Soleil chaud, soleil tardif, les modernes indomptés à la Fondation van Gogh, Crâne, Vincent van Gogh, Paris, mai 1887

livres [P.92-97] patrimoine [P.98]


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société

État des eaux L’AGENCE DE L’EAU RHÔNEMÉDITERRANÉE ET CORSE VIENT DE PUBLIER UN BILAN SUR LA SANTÉ DU RÉSEAU AQUATIQUE : DES AVANCÉES, MAIS L’EFFORT EST À POURSUIVRE... AVEC MOINS D’ARGENT

D

ans notre numéro de janvier, nous avions consacré un article au circuit de l’eau en Méditerranée, en évoquant les actions menées pour la dépolluer et l’économiser face à l’aggravation du réchauffement climatique (lire Dans le courant d’une onde pure, Zibeline n°114 ou sur journalzibeline.fr). Nous revenons sur ce sujet primordial à l’occasion de la publication par l’Agence de l’Eau Rhône-Méditerranée et Corse* d’un bilan établi en 2017, après analyse des données récoltées depuis 1990 dans les cours, nappes et plans d’eau de son territoire.

Verre à moitié plein

Première constatation : le nombre de cours d’eau en « bon ou très bon état » a doublé ces 25 dernières années, pour atteindre 52% sur le continent, tandis que la Corse peut s’enorgueillir d’aller jusqu’à 86%. Les rivières sont toujours polluées, mais la tendance est à la baisse sur le long terme, grâce notamment aux efforts des communes pour améliorer réseaux d’assainissement et stations d’épuration. Les Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques dégagés par le chauffage résidentiel et le transport routier sont moins présents, de même que les micropolluants émis par l’industrie, comme les solvants chlorés ou les retardateurs de flamme. Idem, moins de métaux lourds. Apparemment, « les opérations

© Métropole Aix Marseille Provence

mobilisant les collectivités et le tissu industriel local avec l’aide de l’Agence de l’Eau** ont permis une nette amélioration de la qualité des milieux », ce qui a un effet bénéfique direct sur la faune et la flore. En ce qui concerne l’état chimique des eaux souterraines, il est stable depuis 2009, 87% étant « bon » sur le continent, la totalité en Corse moins affectée par les pollutions aux nitrates.

Verre à moitié vide

L’Agence de l’Eau constate une baisse de la toxicité moyenne des substances phytosanitaires envers le milieu aquatique, parce que la réglementation retire (très) progressivement les substances les plus dangereuses du marché, mais relève que la quantité totale de pesticides vendus n’a pas diminué. Précisons que selon les données publiées par le ministère de l’Environnement en 2017, sur les milliers de tonnes épandues chaque année en France, les produits « toxiques, très toxiques, cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques » représentent encore 23% des ventes... Lors de la conférence de presse donnée à Marseille le 10 avril dernier, Laurent Roy, directeur général de l’Agence Rhône Méditerranée Corse, ne plastronnait pas : « Il reste

Gravière sur la commune de Cheval-Blanc, Vaucluse © G.C.

la moitié des efforts à faire ». Les urgences : décorseter les rivières, encourager la végétalisation des berges. Car un parcours entravé et artificialisé fragilise leur capacité à se régénérer, tout en favorisant les inondations en cas de forte pluie. Et, inlassablement, économiser. Dans la cité phocéenne, l’Agence de l’Eau a négocié la suppression d’une partie des « boîtes de lavage » de la chaussée, une spécialité locale qui consiste à ouvrir grand les vannes d’eau potable pour nettoyer les rues. Un million de mètres cubes seront épargnés chaque année. Des efforts payants et des démarches prometteuses, donc, mais dommage ! Le budget de la structure va baisser : après une année 2017 exceptionnelle à 550 millions d’euros, Laurent Roy prévoit 480 millions en 2018, 400 millions en 2019... Là aussi, l’austérité va frapper. GAËLLE CLOAREC

*En France 6 Agences de l’Eau, établissements publics du ministère chargé du Développement durable, ont pour mission de contribuer à réduire les pollutions de toutes origines et à protéger les ressources en eau et les milieux aquatiques. **L’Agence perçoit une redevance auprès de tous les usagers de l’eau et la redistribue sous forme d’aides financières pour des actions de préservation des milieux aquatiques et de la biodiversité. Pour connaître la santé des cours d’eau près de chez vous, il existe une appli disponible sur iPhone et Androïd : Qualité des rivières. Elle donne accès aux données de l’Agence sur leur état écologique, la présence de poissons, invertébrés, algues, le taux d’oxygène...


politique culturelle

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Tous à Mougins ! LE 9 AVRIL À LA SCÈNE 55 À MOUGINS, LES PROFESSIONNELS DE LA CULTURE ET DES ARTS ONT RÉPONDU MASSIVEMENT PRÉSENT À L’INVITATION DE LA RÉGION PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR

C

ertains ont franchi les berges du Rhône, d’autres ont traversé les massifs montagneux pour participer à la Conférence permanente des Arts et de la Culture, lieu d’échanges et de propositions créé le 30 juin 2016 par le Président du Conseil régional d’alors, Christian Estrosi, absent à la grandmesse. Un comité directeur constitué de vingt personnalités -Charles Berling, Olivier Py, Irina Brook, Bernard Foccroulle…- étant chargé de veiller à la mise en œuvre des politiques suggérées par la Conférence. L’heure était donc à la restitution de leurs travaux auprès des responsables de labels nationaux, d’établissements d’enseignement supérieur, de théâtres, de festivals, de centres d’art et d’associations qui, par leur force de propositions, maillent et irriguent le territoire. Quand la séance s’ouvre, l’ambiance est bon enfant dans la salle (on est entre soi) mais teintée de protocole (pupitre et estrade réservés aux officiels). L’un après l’autre, les membres de la commission culture ont remercié la Région « qui a fait un travail de soutien plus important qu’avant, notamment dans l’accompagnement des compagnies de la région » selon Dominique Bluzet1, tandis que « La Région a permis des rencontres qui ont débouché sur des propositions concrètes avec le Pavillon Noir pour la création d’une biennale de danse » constate Pascale Boeglin-Rodier2. Alain Arnaudet3 met en avant « le soutien de la collectivité territoriale qui est primordial pour assurer le rayonnement de notre région dont la dynamique culturelle est importante » et Alain Chouraqui, président-fondateur de la fondation du Camp des Milles, exprime « toute [sa] gratitude à la Région qui a compris que l’activité culturelle de [son] lieu patrimonial permet de faire vivre les enseignements du passé ».

Bilan et annonces

Après ce satisfecit collectif, qui sentait l’obligation politique, la parole des élus s’avère plus instructive et pragmatique. En présence de PhilippeVittel4, Richard Galy5 et Michel Bissière6, Renaud Muselier, président de la Région, dresse un bilan opérationnel des ateliers de la Conférence 2017 qui a planché sur le mécénat, l’innovation et le développement

© JP Garufi

numérique, la valorisation du patrimoine, la structuration et le renforcement des identités régionales, l’accroissement de l’économie de production du secteur culturel. Aucun calendrier ni arbitrage budgétaire précis sont annoncés, excepté le rappel de l’augmentation du budget de la culture en 2016 (+ 53 M€) et en 2017 (+ 10%). « La nouvelle ambition culturelle de la Région, précise Renaud Muselier, passe par « la création du label Pôle régional de mécénat culturel pour favoriser la synergie entre le monde culturel et le monde de l’entreprise ; le lancement d’une plateforme de crowdfunding qui permettra de soutenir des projets en amont ; l’organisation d’un « forum annuel du patrimoine et de l’innovation » ; la création d’un appel à projet annuel thématique pour inciter les associations à innover et à renouveler leurs pratiques ; la création d’un comité d’experts qui réfléchira à la mise en place d’un pack pédagogique à destination des enseignants pour les enfants et à la démocratisation de la pratique des langues régionales ». À ces annonces, certains intéressés sont stupéfaits d’apprendre leur nouvelle feuille de route… De fait, espérons que les structures concernées par les thèmes de 2018 soient associées aux projets qui viendront

à naître pour structurer l’offre lyrique et la filière cinématographique, coordonner les actions des collectivités publiques et les acteurs associatifs. Sans oublier le projet de « mobiliser le jeune public et l’encourager encore davantage dans la consommation d’offre culturelle et dans la pratique artistique » qui fit réagir à haute voix Frank Éric Retière, directeur du Théâtre du Briançonnais, qui milite pour la sensibilisation du jeune public et non pour sa consommation. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Directeur des théâtres du Gymnase, des Bernardines, du Jeu de paume et du Grand Théâtre de Provence 2 Co-directrice de la scène nationale Châteauvallon - Le Liberté avec Charles Berling 3 Directeur de La Friche la Belle de Mai 4 Vice-président de la Région en charge de l’identité régionale et des traditions 5 Président de la commission Rayonnement culturel, patrimoine et traditions ; Maire de Mougins 6 Conseiller régional délégué à la création artistique 1


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politique culturelle

Produire des spectac APRÈS LA CRÉATION DU PÔLE DES ARTS DE LA SCÈNE, DESTINÉ À MUTUALISER LES MOYENS DE COPRODUCTIONS ET SOUTENIR AINSI LA CRÉATION RÉGIONALE, LA RÉGION-PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR A MIS SUR ORBITE EN 2017 UN PLAN D’AIDE À LA PRODUCTION DU SPECTACLE VIVANT, EXTRAPÔLE. LE PÔLE ET SON EXTRA SONT PILOTÉS PAR LA FRICHE BELLE DE MAI. ZIBELINE FAIT LE POINT SUR CES DISPOSITIFS ET SUR LES MOYENS DE PRODUCTION DES SCÈNES DE P.A.C.A.

C’est Extra ! LE DISPOSITIF RÉGIONAL EXTRAPÔLE, QUI S’ADRESSE AUX OPÉRATEURS CULTURELS CAPABLES FINANCIÈREMENT D’ASSUMER UNE PRODUCTION DÉLÉGUÉE, ENTAME SA DEUXIÈME ANNÉE DE FONCTIONNEMENT. RENCONTRE AVEC FLORIAN LAURENÇON, DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT DES SERVICES EN CHARGE DE LA CULTURE À LA RÉGION, QUI L’A CONÇU Zibeline : Pourquoi ce dispositif d’aide à la production ? Florian Laurençon : Quand je suis arrivé dans ce territoire, à la DRAC d’abord puis à la Région, je me suis rendu compte que les opérateurs ne travaillaient pas ensemble, et que cela ne relevait pas de divergences esthétiques. À partir du Pôle des Arts de la scène (voir l’encadré Pôle des Arts de la rue p.11), j’ai créé un outil pour faire en sorte qu’une mise d’argent public les incite à produire ensemble. La Région

verse donc 300 000 euros par an à la Friche qui pilote l’ExtraPôle, et consomme cet argent en basculant un éventuel excédent sur l’année suivante. Nous avons édicté des règles strictes pour encadrer le dispositif : nous aidons au minimum 3 spectacles par an, à hauteur de 30% de leur coût, s’ils réunissent au moins 3 coproducteurs qui les diffusent au moins 3 fois chacun. Il s’agit de prendre en charge tout le processus de la production, depuis son élaboration jusqu’à la diffusion déléguée. Les trois coproducteurs doivent s’engager sur un minimum de 25 000 euros, et avec les 30% de la Région on est donc sur une base minimale de 120 000 euros par production. Qui compose ce comité de production ? Dès l’origine Paul Rondin du Festival d’Avignon, Dominique Bluzet des Théâtres (Gymnase, Jeu de Paume, Grand Théâtre de Provence et Bernardines ndlr), Macha Makeïeff et Irina Brook qui dirigent les deux centres dramatiques de la Région, Alain Arnaudet directeur de la Friche et Jan Goossens du Festival de Marseille, auxquels se sont adjoints récemment Daniel Benoin d’Anthéa (Antibes) ainsi que les codirecteurs du Théâtre Liberté, et désormais de Châteauvallon, Pascale Boeglin et Charles Berling (voir L’Extrapôle p.11). C’est donc un comité qui a vocation à évoluer ?

Oui, et nous allons désormais y inviter systématiquement un membre du réseau Traverses (voir L’Avis du Réseau Traverses p.14 ), pour que nos travaux soient mieux compris par les théâtres de la région. Vous avez le sentiment qu’ils sont incompris ? En partie, cela peut être vu comme le fait de donner de l’argent à ceux qui en ont déjà, les « gros » contre les « petits », mais ce n’est pas le sens du dispositif. Pourquoi, par exemple, n’y-a-il pas dans ce comité les directeurs des scènes nationales en dehors de celle de Toulon ? Ce n’est pas un classement d’importance, mais une mise en synergie. Il ne s’agit pas, comme avec le Pôle des Arts de la Scène, de réunir des coproducteurs pour soutenir la production de la région, anticiper sa diffusion, veiller à l’emploi culturel local. Il s’agit d’un dispositif « Extra » Pôle justement, de production déléguée. Les membres du réseau Traverses n’ont pas la capacité financière d’assumer une production déléguée, ou d’apporter un socle de 25 000 euros à une coproduction. Le but est de faire exister ces spectacles en les produisant correctement, ce qui fera baisser leurs coûts d’approche pour les scènes régionales qui pourront, ensuite, les programmer. Nous accompagnons à la diffusion, et donc nous suite p.10


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Petit lexique de la production Les contrats qui régissent les relations entre les artistes qui les créent et les salles qui les diffusent diffèrent : coréalisation, coproduction, production déléguée, contrat de cession, résidence... ces mentions que nous lisons sur les programmes de nos théâtres ne relèvent pas du même partage du risque, ni du même engagement. Les contours en sont flous et variables, et dépendent généralement des moyens des scènes qui les proposent. La production par les compagnies : la plupart des spectacles sont produits par les compagnies sur leurs moyens propres, parfois en coréalisation : l’établissement qui accueille prend en charge la communication et l’accompagnement technique, et partage avec la compagnie une partie des recettes. Plus couramment, les théâtres passent des contrats de cession, c’est-à-dire achètent les représentations, et payent les défraiements de transport et d’hébergement. Les contrats de cession peuvent être engagés avant la création du spectacle, et entrent alors, pour partie, dans le montage de la production. Les conventions de résidence : dispositif d’usage récent et souple, il permet aux théâtres d’aider les compagnies avant la création, en les faisant bénéficier d’un lieu de répétition et d’apports techniques. Le lieu n’a pas d’obligation de coproduire ou même de diffuser ensuite le spectacle élaboré durant la résidence, même si c’est en général le cas. Les résidences se concluent de plus en plus souvent par des sorties de résidence, qui permettent de présenter un premier état du travail de création. Les résidences peuvent avoir des durées

et des conditions très variables, de quelques jours sans présentation publique, à plusieurs années pour les artistes associés qui bénéficient aussi d’aides à la production et/ou à la diffusion. La « fausse coproduction » : les compagnies s’occupent en général de la production de leurs créations et prennent seuls le risque financier : ils en sont les producteurs. Mais ils cherchent des financeurs dits « coproducteurs » qui viennent apporter une somme variable, entre 100 000 et 5000 euros, sans intéressement à l’exploitation des spectacles. La disparité des volumes de ces coproductions pousse souvent les compagnies à multiplier les coproducteurs pour parvenir à « boucler » leurs productions. Les coproducteurs, par ailleurs, s’engagent sur des options d’achat des représentations. La production déléguée : un groupe de producteurs se réunit pour produire un spectacle. L’un d’entre eux est désigné comme producteur délégué, c’est à dire qu’il s’occupe, pour la compagnie, de réunir les fonds, et de suivre la production puis la diffusion des représentations. Dans les « vraies coproductions » les coproducteurs assument le risque financier et sont intéressés au bénéfice, ou doivent compléter les sommes prévues au prorata du contrat passé. Ces productions, en cours seulement dans les « grandes » maisons, peuvent si elles ont du succès permettre de générer des recettes propres. Elles entrent dans le cahier des charges des Centres dramatiques, et des Opéras nationaux, ainsi que dans ceux de certains Centres chorégraphiques et Centres de création musicale nationaux.


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veillons à ce que le coût du plateau, qui a beaucoup augmenté ces dernières années, reste raisonnable, pour que les spectacles puissent tourner dans la région. Et sur les 300 000 euros que la région apporte, 100 000 euros sont consacrés à la diffusion régionale, sur toutes ses scènes. Sans que ce soit un bureau d’aide à la diffusion, un autre dispositif régional existe pour cela. Comment s’effectuent les choix des productions ? C’est le comité de programmation qui décide, sans aucun conseil de ma part sinon économique, pour veiller à l’équité de la coproduction. Chacun arrive avec ses opportunités, discute, puis ensemble ils votent. Pas d’arbitrage de votre part ? Pas de critères ni de règles ? Non, pas d’arbitrage, mais quelques règles bien sûr : il ne l de Marseille © Dan stiva n e faut pas que les artistes du comité présentent leur y F Wil ns, lem sse s oo propre production, on veille à ce qu’il n’y ait G n Ja pas de troc entre opérateurs... Pas de critères de multidisciplinarité, de parité, de compagnies régionales ? Si ! Au moins une compagnie régionale par an, et une autre qui s’appuie sur l’emploi régional pour sa création. Pour la parité on n’y est pas... mais Macha Makeïeff veille très activement au rééquilibrage. Quant à la multidisciplinarité, oui, il s’agit des arts de la scène en général, c’est-à-dire de toutes les formes sauf l’opéra. Pourquoi pas l’opéra ? Parce qu’il est produit très différemment, et que nous sommes en train de mettre au point un dispositif de mise en synergie des opéras reposant sur les bases de leur fonctionnement. Les membres d’ExtraPôle sont donc ceux qui ont le pouvoir de faire fabriquer des spectacles. Ils font généralement partie aussi des comités d’experts qui décident des conventionnements, des subventions, à toutes les échelles, et participent à la conférence régionale (voir p 7). N’y a-t-il pas un risque à cette concentration de la décision artistique dans les mains de quelques-uns ? Oui, le risque existe, mais on arrête le om dispositif quand on veut... et pour l’instant in iq ue Blu on constate plutôt une grande ouverture. zet , Le s Th tre u Même si on doit améliorer le repérage des coméâtres © o D Caroline pagnies régionales, sans que cela donne l’impression d’une ligue 1 internationale et d’une ligue 2 locale. Pour l’instant les deux productions régionales concernent Ézéquiel Garcia-Romeu et le Centaure. N’est-ce pas un signe peu enthousiasmant pour les interprètes de la région, que la production de ces deux spectacles de marionnettes et de chevaux, dont le coût est essentiellement technique ? En tous les cas cela ne dénote pas un désamour des acteurs ! Dans le spectacle de Garcia-Romeu il y a beaucoup de monde au plateau... Êtes-vous pour l’heure satisfait de ce qui a été accompli ? Le dispositif, qui est né en juillet, a déjà permis la production de Sopro, de Où sont les ogres ? et de Sanctuary, et celle d’Ézéquiel

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10 politique culturelle


Garcia-Romeu. Où sont les ogres ? a peu tourné, Sanctuary, qui est allé à Hambourg et Athènes, n’est pas adaptable dans la région. Nous devons améliorer cela, y veiller davantage à l’heure du choix, pour fabriquer un répertoire qui puisse circuler au local comme à l’international, et mieux travailler la diffusion. Ainsi cette année Thomas Joly dans la Cour, avec Thyeste (voir l’encadré Les productions d’Extrapôle p.13), prévoit une forme plus légère, adaptée. Et nous devons dialoguer avec le réseau Traverses, et écouter les remontées du réseau vers ExtraPôle. Ce dispositif est aussi fait pour eux.

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Charte graphique MP2018 Bloc marque MP2018+Ville

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL

Composé de Liliane Schaus (Uzès danse), François Cervantes (metteur en scène), Sylvie Gerbault (3bisf), Emilie Robert (Théâtre Massalia) et Paul Rondin (Festival d’Avignon) le Pôle, créé en 2015, est présidé par Alain Arnaudet (La Friche), et Laetitia Padovani (La Friche) en assure le suivi opérationnel comme celui de l’ExtraPôle. Il dispose d’un budget de 260 000 euros annuels et coproduit les projets pour lesquels il est sollicité par au moins deux coproducteurs. L’apport du Pôle est fléché vers la masse salariale, et « une connexion avec le territoire est nécessaire ». Depuis 2015, le Pôle a aidé à la production de 58 spectacles, dont deux tiers de compagnies régionales, dans tous les arts de la scène.

La Criée 18/19

Théâtre national de Marseille Direction Macha Makeïeff

Lancement de la

Saison18/19 Couleur ____________

Couleur CMJN

Couleur RVB

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C : 00 % M : 93 % J : 100 % N : 00 % ____________

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L’ExtraPôle RÉUNIS POUR UNE SÉANCE DE TRAVAIL, LES MEMBRES DU COMITÉ DE PROGRAMMATION ONT LIVRÉ QUELQUES IMPRESSIONS Zibeline : Comment s’est passé, pour vous, la naissance de l’ExtraPôle ? Dominique Bluzet : MP2013 nous avait appris à travailler ensemble et, du moins sur son territoire, on avait pris l’habitude de se parler. Paul Rodin : Nous nous sommes rapprochés aussi durant les conférences régionales, pendant l’entre-deux-tours des élections, avec la menace du Front national. Nous avons ressenti le besoin de bomber le torse et de nous serrer les coudes, d’appeler ensemble à préserver la liberté de création. Macha Makeïeff : Oui, la nécessité politique était là, avec l’idée que la création artistique est une arme. C’est ce territoire qui nous lie à présent, nous sommes persuadés qu’il faut défendre concrètement la vie artistique, parce que les artistes peuvent lutter contre la tentation du repli, et nous ouvrir sur l’autre, sur la compréhension et l’empathie. Jan Goossens : Nous avons ressenti que ce territoire avait besoin de grands projets de théâtre et de danse, pour parler de lui-même, pour regarder et accueillir le monde. Autour de cette table il n’y a pas que de grandes statures, mais tous nous avons de grandes ambitions pour lui. L’ExtraPôle a été suite p.12

Noir ____________

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Photographie @ Macha Makeïeff

Le Pôle des Arts de la scène


12 politique culturelle

la clef de notre rapprochement, et le résultat au niveau de la production et de la diffusion est déjà étonnant. Un catalogue émerge, et la conscience que la région est un territoire international de production. Macha Makeïeff : Plus qu’un catalogue, je dirai un répertoire, cohérent et polymorphe. ExtraPôle est un outil pour un élan, qui existait, et qu’il a renforcé. Cela a-t-il augmenté vos propres budgets de production, et à quel niveau de production êtes-vous ? Jan Goossens : Le Festival de Marseille coproduisait peu jusque là. Cette année (voir p 30) 30% de notre budget est consacré à la production, et chaque année nous aurons 1 ou 2 spectacles en production déléguée. Alain Arnaudet : Nous avons défini 3 niveaux d’accompagnement à la Friche, qui est une coopérative regroupant Massalia, les Bancs Publics, Zinc... Nous aidons en nature et en ingénierie ; depuis 2015 il y a le Pôle Arts de

la scène qui est bien rodé et apprécié par les artistes de la région, qui en bénéficient en priorité. En dehors des budgets dédiés au Pôle et à l’ExtraPôle, la Friche consacre 320 000 € à la production Pascale Boeglin-Rodier : Le Théâtre Liberté a 1 ou 2 productions déléguées par an, et y consacre entre 200 000 et 300 000 €, selon qu’il en a 1 ou 2... Pour les coproductions, c’est entre 150 et 200 000 €. Paul Rondin : Pour le Festival d’Avignon le volume global est de 400 000 € en production déléguée et 400 000€ en coproductions. Macha Makeïeff : Entre 100 et 300 000 € de production pour la production principale, plus la production de l’artiste associé, qui est variable. Irina Brook : À Nice également, une production principale entre 100 et 300 000 €, un artiste associé produit entre 100 et 150 000 €, et un accompagnement en coproduction entre 10 000 € et 20 000 € par projet.

Dominique Bluzet : 280 000 € en coproduction cette année. Vincent Brochier (pour Daniel Benoin) : Les montants engagés cette année par Anthéa sont de 300 000 € dans 5 productions et 125 000 € dans 6 coproductions. Quelles évolutions vous semblent nécessaires pour ce dispositif ? Macha Makeïeff : On n’a qu’une année d’existence, on expérimente, il faut qu’on apprenne à mieux faire tourner nos productions. Il y a un embouteillage de la diffusion, des problèmes de calendriers, il faut qu’on invente une circulation. Dominique Bluzet : Il faut que l’on améliore notre relation avec les autres opérateurs du territoire, qui ont l’impression que l’on crée deux niveaux parmi nous. Il faut les associer aux choix, parce que s’ils n’ont pas toujours les moyens ils ne manquent pas d’expertise. A.F.

L’avis du réseau Traverses Une trentaine de théâtres, de taille et de statuts très divers, a pris l’habitude de travailler ensemble à la diffusion. Sept d’entre eux nous parlent de leurs moyens de production, et de leur sentiment sur les dispositifs Pôle des arts de la scène, et ExtraPôle. PIERRETTE MONTICELLI, THÉÂTRE DE LA JOLIETTE, MARSEILLE Budget global 1 777 000€, dont 229 000 € pour la coproduction. Ne pratique pas la production déléguée Choix des productions : Il se fait autour des auteurs contemporains, mis en scène par des compagnies de la région (8 sur 10) accompagnées en résidences longues (3 ans). Pôle des arts de la scène : c’est un partenaire devenu indispensable, un véritable coproducteur. Sa présence a permis à un grand nombre de projets d’aboutir, dans un contexte de baisse générale des moyens de création. ExtraPôle : les choix de production sont intéressants, mais le dispositif reste encore flou pour les autres opérateurs : nous voudrions participer au dispositif de diffusion des spectacles, y apporter notre souci des écritures contemporaines, des auteurs et du texte. Et veiller à produire davantage de femmes ! ÉMILIE ROBERT, THÉÂTRE MASSALIA, MARSEILLE Budget global : 1 100 000 €, dont 49 400 € pour la coproduction. Ne pratique pas la production déléguée Critères de choix des productions : Nous sommes

une scène conventionnée Enfance et jeunesse, nous choisissons des artistes dont nous avons vu le travail, sur des projets qui nous semblent singuliers et pertinents. En favorisant les compagnies de la région. Pôle des Arts de la scène : Je fais partie du comité artistique et technique du Pôle et suis assez fière de ce que nous réalisons et notamment des nombreux effets de levier qu’il a eu sur un grand nombre de productions. Mais je suis juge et partie... ExtraPôle : Les premiers choix artistiques me paraissent bons. Mais consacrer 300 000 € aux opérateurs les plus importants après avoir augmenté les soutiens à certains et au moment d’annoncer une baisse des moyens pour la création pour d’autres me paraît tout à fait contestable.

mais un suivi de diffusion. Choix des productions : nous coproduisons, sauf exception, les créations des 10 artistes associés (7 La Bande, 3 La Ruche), et 60% des coprods vont aux artistes régionaux. 6 artistes associés sont des femmes. Pôle des Arts de la scène : Il permet de rassembler les coproducteurs autour d’un projet artistique au bénéfice de la production, et d’étudier la faisabilité en amont. ExtraPôle : Pour l’instant, le dispositif n’est pas limpide. Mais les choix artistiques sont beaux ! L’accompagnement d’artistes m’importe énormément, j’aimerais vraiment y voir plus clair et y être impliquée.

ÉLODIE PRESLE, THÉÂTRE DURANCE, CHÂTEAU-ARNOUX Budget global : 1 150 000 € dont 150 000 € de production Pas de production déléguée. Critères de choix des productions : Nous rencontrons les artistes et équipes artistiques et travaillons avec des réseaux de coproduction (Tribu, Traverses, Tridanse). Nous choisissons par rapport au propos et à la forme, avec une attention particulière à la création régionale, à la musique et au jeune public… ExtraPôle et Pôle des Arts de la scène : Il serait souhaitable que nous soyons plutôt consultés à ce sujet par la Région et l’ExtraPôle.

PHILIPPE ARIAGNO, LA PASSERELLE, SCÈNE NATIONALE DE GAP Budget global : 2 100 000 €, dont 115 000 € pour la production. Pratique la production déléguée Critères de choix des productions : L’instinct, le goût, la viabilité du projet, la rencontre humaine, et la connaissance au préalable du travail de la compagnie (on a déjà vu le travail et on aime), avec une attention particulière aux projets régionaux. Pôle des Arts de la scène : C’est très bien ! ExtraPôle : Il faudrait plus de clarté, et d’accueil : nous n’avons pas pu avoir de places pour voir Sopro l’an dernier ! Mais si des tarifs « régionaux » nous permettent de recevoir en tournée ces spectacles, c’est une bonne chose pour nous aussi.

FRANCESCA POLONIATO, SCÈNE NATIONALE DU MERLAN, MARSEILLE Budget global : 2 267 263 € dont 77 114 € pour la coproduction. Pas de production déléguée,


Les productions de l’ExtraPôle Sanctuary de Brett Bailey, production déléguée Festival de Marseille, créé le 16 juin Où sont les ogres ? de Pierre-Yves Chapalain, production déléguée Festival d’Avignon, créé le 6 juillet Sopro de Tiago Rodrigues, production déléguée Festival d’Avignon, créé le 7 juillet Kirina de Serge Aimé Coulibaly, production déléguée Festival de Marseille, création le 29 juin Thyeste de Sénèque, mise en scène Thomas Jolly, production déléguée Festival d’Avignon, création le 6 juillet Centaures, quand nous étions enfants, de Fabrice Melquiot, par Camille&Manolo, production déléguée Les Théâtres (+ CDN de Nice) création octobre 2018 Le Petit théâtre du Bout du monde, opus II, d’Ézéquiel Garcia-Romeu, production déléguée CDN de Nice, création en octobre 2018 Épouse-moi de Christelle Harbonn, production déléguée La Criée (+ les Théâtres), création saison 2018/2019

SYLVIE GERBAULT, 3BIF, AIX Budget global : 450 000 € dont 100 000 € pour la coproduction. Pratique la production déléguée « de temps en temps ». Critères de choix des productions : la pertinence artistique, la non reproduction des modèles existants, en accordant une attention particulière aux compagnies de la région. Pôle des Arts de la scène : Je fais partie du comité du pôle et je pense qu’il a atteint ses objectifs : une modification du mode d’investissement des directions de théâtre dans la coproduction de spectacles. ExtraPôle : Nous avons trop peu d’information sur ce dispositif. AGNÈS LOUDES, THÉÂTRE VITEZ, AIX Budget global : 363 796 €, pas de budget de production, mais dégage 10 000 € en aides techniques. Choix de la programmation : Nous sommes sur du préachat, et nos critères sont le propos, le texte, les sorties d’école, avec une priorité aux compagnies de la région. Pôle des Arts de la scène : J’apprécie énormément ce dispositif dont le fonctionnement est transparent (fiches sur le site de la friche) et souple. Plusieurs sortes de partenaires peuvent être associés ou porteurs. Nous l’avons été pour la Criatura avec Le cas blanche neige où nous avons pu établir un budget sur 2 ans, avec de l’artistique et de l’action culturelle. Cela a permis à cette compagnie de trouver une nouvelle place professionnelle. C’est rare ! Cela permet de mesurer les coûts de production et son équilibre via la diffusion, à 2, avec la compagnie. ExtraPôle : Il est évident que nous ne pouvons être associés à la production en amont vu notre surface financière ! Ces « gros »opérateurs ne sont pas des ennemis, ce sont des autres. Les spectacles produits sont de très bons spectacles.


14 politique culturelle

PLACE AUX COMPAGNIES AFFIRME POUR LA 3E ANNÉE SON SOUTIEN À LA PRODUCTION DU SPECTACLE VIVANT. ENTRETIEN AVEC CHRISTOPHE CHAVE, DIRECTEUR ARTISTIQUE DE LA DISTILLERIE, À AUBAGNE Zibeline : Comment définir Place aux Compagnies ? Christophe Chave : C’est un dispositif de soutien à la production du spectacle vivant dans notre région, dont La Distillerie est le porteur de projet, qui met en lumière tout le travail fait au cours de l’année. Ce n’est pas du tout un festival. C’est un temps donné, sur un territoire donné, avec un choix artistique de compagnies qui sont dans un processus de création. Après un temps de résidence à La Distillerie, chacune d’entre elles reçoit une enveloppe de soutien de 2000 euros, un accompagnement logistique, technique et de communication.

11e édition

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Le coeur a ses saisons, Cie si sensible © Christophe Raynaud de Lage

À l’écoute des compagnies

Le public, et des professionnels (une vingtaine de diffuseurs et producteurs de la région Paca) assistent à des sorties de résidence, à des chantiers en cours. Pour la première fois cette année le Cercle de midi est partenaire (avec une dizaine de programmateurs), ce qui ouvre des perspectives de diffusion supplémentaires. L’échange, la réflexion, le partage sont privilégiés- au-delà de toutes querelles-, entre les compagnies, les structures et l’institution. Le but étant que les compagnies puissent, le mieux possible, mener à terme, dans le temps et financièrement leurs projets de création. Et que les structures et les professionnels entendent ce qu’elles ont à dire sur leurs besoins, leurs nécessités et leurs temporalités. Comment choisissez-vous ces compagnies ? Il faut déjà qu’elles aient un travail en cours, pas ou presque fini. Ce sont souvent des jeunes compagnies, ou peu aidées, et qui valent vraiment le coup d’être vues, lues et entendues. La Distillerie n’a jamais fait de la création pour la création, on est un tout petit lieu qui intervient auprès de compagnies qui ont déjà un petit suivi de soutien à la production, institutionnelle ou par le biais de théâtres sur la région. On ne veut pas de projets qui naissent et meurent avec Place aux compagnies, ça n’aurait aucun sens. Comment sont-elles accompagnées après la manifestation ? La Distillerie ne peut pas assumer un soutien complet. Un passage de relais se fait donc avec des théâtres, des structures, présents lors de la manifestation, qui sont plus à même d’apporter financièrement un soutien plus

concret. Puis on fait un bilan avec elles en septembre/octobre pour savoir où elles en sont dans leur production, et avec qui elles travaillent. Sur les deux années précédentes elles ont toutes trouvé un point de chute ! Tous les projets accueillis cette année (à La Distillerie pour les sorties de résidences, au Comoedia, transformé en plateau de travail pour les premières de créations et à la Médiathèque Marcel Pagnol pour les lectures) ont d’ores et déjà des soutiens à la production. La pièce de Martin Crimp que met en scène Jesshuan Diné (L’Exploitation Théâtre), qui était proposée en lecture l’année dernière est soutenue par La Joliette, le 3bisf, et était en résidence au Bois de l’Aune (Lire aussi sur journalzibeline.fr) ; le Cadran d’Ensuès va aider la Cie 1000 Tours, la Cie Lr a rencontré le réseau Traverses ; Le Grand bureau des merveilles (Cie Pirenopolis) est coproduit par le réseau La Tribu ; Le Cœur a ses raisons (Cie Si sensible) est épaulé par la Spedidam, aidé par la Comédie de Poitou Charentes ; et Olympe de Gouges (Cie La Bretzel) par le Comoedia, Joliette et Générik Vapeur ; sans oublier la lecture de Tout est là (Cie Stélisto de Tempo), soutenue par le CR des Hauts de France, La Distillerie… PROPOS RECUEILLIS PAR DOMINIQUE MARÇON

Place aux Compagnies jusqu’au 26 mai Aubagne 04 42 70 48 38 ladistillerieaubagne.wordpress.com


F F O N O T E C N A L #BA Avignon Off, ou l’éloge de l’opacité

Zibeline 119 sques sortie en kio le 15 Juin

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U

Rediviser

On peut comprendre que les théâtres craignent la fin de l’opacité des conditions d’accueil : pour parvenir à programmer dans une ville où la spéculation immobilière a fait grimper le prix des salles, leurs créneaux ont augmenté. Mais la plupart des théâtres fédérés dans AF&T ont-ils conscience qu’ils rejoignent Greg Germain et Raymond Yana, qui ont successivement été mis en minorité à AF&C ? Qu’ils s’allient à Bernard Le Corff, qui gère les 59 créneaux du Collège de la Salle, générant des bénéfices énormes dont personne ne sait ce qu’il reverse au diocèse qui lui loue les lieux ? Avignon Off n’a-t-il pas assez souffert de sa gestion pendant des années par deux associations concurrentes ? Et cette alliance des lieux a-t-elle pour but de contrer l’association des compagnies, Sentinelles, dont les représentants sont présents à AF&C ? Il serait plus raisonnable, plutôt que d’empêcher l’enquête et l’application de la loi, de regarder du côté de ceux qui, en bas de la rue de la République, laissent 11 mois par an le Palace fermé, et promeuvent dans l’espace public leurs stand-up dans des parades débordant largement le cadre autorisé. Du côté des hôteliers qui font flamber les prix l’été, augmentant considérablement le coût du Off pour les compagnies. À Zibeline, nous continuons l’enquête. Le questionnaire #BalanceTonOff est en ligne pour quelques jours encore, avant publication des résultats de l’enquête, le 16 juin. AGNÈS FRESCHEL

journalzibeline.fr/balancetonoff/

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n mouvement est né qui veut clarifier, moraliser, réguler la vie du Off. Non pour la contraindre, mais pour en signaler les dérives et les abus. Les compagnies se regroupent et se défendent, les théâtres permanents expliquent leur fonctionnement, la presse relaie cette prise de conscience... qui intervient après un début de reprise en main d’AF&C, l’association qui régule le Off, qui a créé un fonds de soutien aux compagnies, une charte de bonnes pratiques et des aides à la professionnalisation. Prise de conscience qui intervient, aussi, après l’exigence d’observer les lois du travail : un jour de relâche par semaine, des fiches de paye légales, une déclaration des recettes, l’observation des règles de sécurité et d’accueil des handicapés. Qui s’en plaindrait ? Et bien, cela est possible... Voilà qu’une nouvelle fédération des théâtres avignonnais s’est créée, AF&T, concurrençant AF&C, remettant en cause le droit du travail et les avancées sociales au prétexte de la rentabilité, pointant le fait que les créneaux ne sont pas remplis pour la première fois cette année, et que le nombre des compagnies désirant se produire pendant le Off est en baisse. Oui, les théâtres avignonnais, une quarantaine à ce jour, dont tous les théâtres permanents qui pourtant -nous le soulignions dans notre article du mois dernier- respectent la loi et défendent une certaine idée du théâtre, oui, une quarantaine de théâtres se liguent pour... protester contre une volonté de régulation qui risque de faire diminuer l’attraction du Off !

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La centralisation sur la sellette

16 politique culturelle

C

’est une réalité, que depuis 10 ans nous ne cessons de répéter dans Zibeline : le déséquilibre culturel entre Paris et les Régions, du point de vue de l’engagement de l’État, est sidérant, et contraire à l’Egalité qui est pourtant un des trois piliers de notre République. C’est aujourd’hui Françoise Nyssen, ministre de la Culture, qui l’affirme : l’État dépense 139 euros pour un francilien et 15 euros par habitant des autres régions. Une situation à laquelle elle veut s’attaquer : « Tous les Français ont les mêmes droits. Je veux les mêmes chances, les mêmes possibilités pour tous... j’affirme solennellement, puisque c’est une chose qui me tient à cœur, que les droits culturels ne sont pas des droits accessoires, pas plus que le droit à l’éducation ou le droit à la santé. » Elle aurait pu relever d’autres déséquilibres : l’Île de France concentre 60% des emplois culturels et 57% du tourisme étranger ; elle héberge peu d’enfants et de retraités mais beaucoup d’étudiants, le revenu médian y est supérieur de 20% au revenu des français, et les cadres, chefs d’entreprise, commerçants et professions intellectuelles y sont nettement plus nombreux, surtout à Paris (69% de la population parisienne, contre 42% en France). Des différences démographiques qui expliquent aussi l’abondance de l’offre culturelle à Paris, de même que la centralité de l’administration du ministère (dépenses en personnel) mais aussi de la presse et de l’audiovisuel public expliquent une partie du déséquilibre abyssal des budgets.

Provincial ou plouc ? Mais au fond, est-ce de ce déséquilibre dont il est question ? Très rapidement dans le discours de la Ministre une confusion apparaît entre l’opposition Paris/Régions et celle de l’urbain et du rural. « Je refuse qu’il y ait la culture des villes et la culture des champs. Mon ministère doit porter un projet

LE 19 MARS FRANÇOISE NYSSEN, MINISTRE DE LA CULTURE, FAISAIT UNE DÉCLARATION FRACASSANTE SUR LE DÉSÉQUILIBRE DE FINANCEMENT ENTRE PARIS ET LES RÉGIONS. SES SOLUTIONS SONT-ELLES À MÊME D’ENGENDRER PLUS D’ÉQUITÉ ? global, une politique déterminée pour ces territoires ruraux, ultramarins, périurbains identifiés comme prioritaires, pour investir le cercle de proximité des citoyens, loin du cœur des métropoles. » Méconnaissance des territoires ? S’il existe, à l’échelle de chaque région, des déséquilibres de centralité entre Montpellier et l’Hérault, Nice ou Toulon et les petites communes de l’arrière-pays, elles ne sont pas du même ordre dans les villes plus pauvres : Avignon n’est pas mieux dotée par l’État que Cavaillon ou Orange ; Arles, Aix et Martigues bénéficient d’équipements nationaux tout autant que Marseille, et Nîmes est franchement délaissée. L’effet de centralité des métropoles, qui se justifie en partie parce qu’il n’est pas illogique de regrouper les équipements là où le plus de gens habitent et travaillent, n’est vraiment pas du même ordre que le déséquilibre constaté avec le véritable centre de la vie culturelle française, c’est-à-dire la Capitale. Ce déséquilibre culturel est tellement ancré qu’il a pénétré notre langue, relayé par Balzac et Sévigné. Le mot provincial, si français, désigne bien celui qui n’habite pas la capitale, mais il est entaché de son sens second : qui marque une gaucherie, un manque d’aisance que l’on attribue, par opposition à Paris, à la province.

Le Larousse rappelle aussi que le mot latin qui a donné Province (et Provence !) désignait les territoires vaincus. Ces connotations sont le fondement de notre centralisme qui méprise le provincial et le plouc (habitant d’un village en breton), et les confond. Car déplacer le problème historique du centralisme culturel français pour le confondre avec une opposition champs et villes, c’est ignorer qu’il y a d’autres villes que Paris en France... 12 millions de Français vivent en milieu rural, 12 autres millions en Île de France, et 42 millions dans ces villes de province qui reçoivent 15 euros de l’État par habitant... et ne font pas pour autant partie des territoires ruraux, ultramarins, ou périurbains qui vont bénéficier du plan de 6,5 millions du Ministère. Ce qui d’ailleurs sur un budget de 10 milliards d’euros, ne peut être présenté comme une mesure de rééquilibrage...

Une décentralisation inachevée

Reste que le constat de l’inachèvement de la décentralisation semble, enfin, posé. Notre région du grand Sud-Est est d’ailleurs


culturelle

particulièrement touchée par les « zones blanches » définies par le Ministère (voir la carte ci-dessus). Étrangement, ce ne sont pas les territoires alpins ou les arrière-pays qui sont le plus mal lotis par les deniers du Ministère : peu peuplés, ils possèdent des établissements financés par l’État et, au prorata de la dépense par habitant, ils arrivent loin derrière les zones périurbaines de Marseille, Toulon ou Aix. La carte colore les « zones blanches » en rouge « 86 bassins de vie, où il y a moins d’un équipement culturel public pour 10 000 habitants ». C’est dire que le maillage de la décentralisation a fait son œuvre en 70 ans, et le problème de l’inégalité des Français face à leurs droits culturels ne se mesure pas en termes d’éloignement des équipements, en particulier dans la région. La Ministre cite en exemple de désert culturel le Limousin ou la Guyane : « Je pourrais vous parler de cette famille guyanaise qui m’explique que la première bibliothèque est à plusieurs heures de route, ou de voie navigable. Ou de ce couple d’enseignants, rencontré dans le Limousin, qui trouve le premier cinéma à 20 minutes, le premier musée à 50, le

premier théâtre à plus d’une heure. » Or nous ne vivons pas dans ces déserts culturels, et les « zones blanches » naissent du délaissement, ou des difficultés économiques, des collectivités locales et territoriales. Car ce que la Ministre ne pointe pas, parce qu’elle n’y peut rien sans doute, c’est que la

vie culturelle en région a été affectée par les baisses de financement du ministère de la Culture, mais surtout par les baisses successives des dotations aux collectivités par l’État. Car ce sont elles qui, en province, financent la culture. (voir tableau ci-dessous)

Dépense culturelle par habitant en 2014

en Ile de France en Région PACA

en Occitanie

Par l’État

139,20 €

19,90 €

13,80 €

La Région

7,80 €

11,90 €

11,90 €

Les Départements

14,40 €

21,80 €

26,30 €

Communes

132,00 €

133,10 €

126,90 €

Groupements de communes

56,00 €

56,30 €

43,70 € suite p.14


18 politique culturelle

©

PrD K1 Tn

En Île de France la dépense culturelle de la Région et des départements est faible, ailleurs, ce sont les collectivités territoriales qui payent : l’Opéra de Paris est entièrement financé par l’Etat, ceux de Marseille, Toulon, Nice et Avignon (presque) entièrement par les villes. Plus étonnant encore, les établissements nationaux : l’état est minoritaire dans le financement de l’Opéra national de Montpellier, les centres dramatiques, chorégraphiques ou musicaux, les musées nationaux de province, sont majoritairement pris en charge par les collectivités et les villes, alors que les théâtres nationaux, dont 4 sur 5 sont à Paris, sont entièrement financés par l’État. Résultat direct : les provinciaux payent beaucoup plus d’impôts locaux que les Parisiens (taux d’imposition locale le plus bas de France à Paris 13%, il est de plus de 40% à Marseille), alors que ceux-ci bénéficient pourtant des meilleurs équipements, et sont

les plus riches... Tant que cette inégalité existera, tant que l’État ne dotera pas plus généreusement ses établissements régionaux en exigeant des collectivités parisiennes ce qu’il exige des provinciales, inventer une itinérance des chefs-d’œuvre et des productions parisiens aura un côté franchement surplombant.

Rififi chez les Nationaux de Province

Car le plan de la Ministre (voir encadré ci-dessous) a déclenché une levée de boucliers bien compréhensible, d’abord celle de l’Association des Centres dramatiques Nationaux, suivis des Centres de Création Musicale, des Centres chorégraphiques, des FRAC, des Musées et Scènes nationaux, ou conventionnés par l’État. Autant d’établissements qui maillent depuis 60 ans le territoire provincial, et souffrent depuis

20 ans des baisses de financements de l’État. Tous assument les missions d’itinérance, de résidences, de création dont il est question dans le plan de la Ministre. À la Passerelle de Gap les Excentrés, scènes itinérantes qui investissent jusqu’aux villages les plus reculés, existent depuis 20 ans. L’école du spectateur, le dispositif « Curieux de nature », le festival « Tous dehors, enfin ! » sont autant d’outils que la scène nationale perfectionne chaque année pour aller vers les populations éloignées, malgré les diminutions des financements. Et tous les établissements nationaux font de même : la Garance a ses « Nomades », le Ballet Preljocaj ses « Guid », les FRAC multiplient les expos hors les murs, les prêts d’œuvres aux musées et galeries... Le Merlan, avec ses 10 artistes en résidence, tisse des liens serrés entre artistes et territoire, et s’attache même à y réfléchir (voir p 23). L’Orchestre National de Montpellier, qui n’a pas grand chose à envier aux orchestres parisiens, sinon leurs financements, se produit partout en grandes et petites formes. Et tous mènent des actions de médiation en milieu scolaire, fomentent des rencontres avec les spectateurs, des temps d’échanges et de fête, travaillent sur les publics dits « empêchés », ceux qui ne peuvent se rendre au spectacle car ils sont en prison, à l’hôpital ou invalides. Ils le font avec des artistes en résidence qui intègrent le public à leur démarche de création, et la partagent. Et les collectivités ne sont pas en reste : lorsqu’elles sont opérateurs, elles imaginent des Scènes de Bistrot (voir p 38), ou des In situ qui en Occitanie exposent des commandes contemporaines dans des lieux patrimoniaux, pour que chacun y accède.

Rétablir la confiance

Faut-il en faire davantage ? Sans doute, toujours, et les scènes nationales itinérantes qui

Le plan ministériel « Culture près de chez vous » Doté de 6,5 millions d’euros annuels, qui devraient atteindre 10 millions en 2022, il consiste à : favoriser l’itinérance des spectacles dans des lieux non dédiés : les festivals et structures culturelles qui produisent des spectacles dans des structures mobiles, des lieux polyvalents ou dans l’espace public seront aidés par le Ministère prévoir des tournées de l’Opéra de Paris, du Théâtre National de Chaillot et de la Comédie Française dans toute la France, et en particulier dans les territoires ruraux (communes de moins de 5000 hab.) et ultramarins porter une attention particulière aux cirques traditionnels itinérants, alors que le Ministère s’est jusque là concentré sur le cirque

contemporain faire circuler les « chefs-d’œuvre iconiques » des musées nationaux tels la Joconde (un catalogue précis sera dévoilé lors de la Nuit des Musées dans des lieux muséaux et non muséaux) organiser des expositions événementielles des fonds des musées nationaux dans des lieux non muséaux mettre en place 200 Micro-folies, Fab-Lab conçus par 12 « grands opérateurs du Ministère » (tous à Paris, sauf le Festival d’Avignon) qui permettent une approche ludique et interactive des « grandes œuvres ». L’État participera à hauteur de 15 000 euros à l’installation, pérenne ou éphémère, de ces structures en milieu rural ou dans les quartiers « Politique de la Ville ».


19 ÉCOLE RÉGIONALE D'ACTEURS DE CANNES & MARSEILLE

s’inventent actuellement à Chaillol ou à Sault (voir p 44), les Micro folies, relèvent des mesures nouvelles bienvenues. Mais les tournées des établissements Nationaux parisiens, de la Joconde et autres chefs-d’œuvre des musées parisiens, qui sont terriblement onéreuses et grèveront les budgets décentralisés du Ministère, relèvent pour les acteurs acharnés de la décentralisation, en province, d’un véritable camouflet. (voir encadré ci-dessous)

s

g

peed levin

Extrait du communiqué de l’Association des Centres Dramatiques Nationaux : « Une fois encore les « déserts culturels », les « zones

blanches » sont regardées d’un point de vue surplombant et aérien. Quant à nos établissements, chevilles ouvrières de la structuration d’une véritable politique culturelle décentralisée sur le territoire, ils sont une nouvelle fois laissés sans perspectives et sans considération. Comment est-il possible, en partant d’un état des lieux aussi lucide, de répondre par encore davantage de centralisme ? Demander aux établissements nationaux parisiens de rayonner davantage dans nos campagnes et autres « zones blanches », en diffusant leurs productions sur ces territoires, relève au mieux d’une méconnaissance totale de la situation, au pire d’une irresponsabilité politique et d’un mépris pour l’ensemble des acteurs culturels. La décentralisation, c’est-à-dire la présence en région d’institutions d’envergure nationale, productrices d’œuvres à rayonnement national, est à l’œuvre depuis soixante-dix ans. N’aurait-il pas été plus intelligent et efficace de s’appuyer sur cette expertise ; plus glorieux, d’agir hautement pour que l’État redonne du souffle à cette politique d’ensemencement local et de coaction avec les collectivités territoriales et les opérateurs locaux ? »

Ce mépris n’est pas nouveau, et on se souvient des déclarations en juillet 2017 de Régine Hatchondo, directrice de la création artistique au Ministère, face aux directeurs de Centres Dramatiques Nationaux : « Quand vous me parlez d’argent, vous ne me faites pas rêver… Votre modèle économique est à bout de souffle... Heureusement, j’ai autre chose que vous dans ma vie ». Outrée à juste titre, l’ACDN avait réclamé sa démission. Françoise Nyssen, à la suite sans doute du communiqué des Centres dramatiques, vient de se séparer de la directrice, partie vers ARTE, signifiant peut être ainsi que le mépris et la méconnaissance allaient cesser. On le souhaite : il serait vraiment dommage que le constat de l’inégalité territoriale, et de la nécessité de remettre en route la décentralisation, reste lettre morte à cause de la maladresse des mesures mises en œuvre. AGNÈS FRESCHEL

projet franco israélien • textes Hanokh levin • mise en scène laurent brethome • avec 5 élèves comédiens de l'eracM • 5 élèves comédiens de nissan nativ acting studio - tel aviv • coproduction eracM / le menteur volontaire

MARSEILLE - IMMS DU 8 AU 13 JUIN 2018 (relâche le 10) Réservations 04 88 60 11 75

CANNES - THÉÂTRE LA LICORNE LE 16 JUIN 2018 Billetterie www.cannes.com

PARIS - THÉÂTRE DE L’AQUARIUM DU 21 AU 24 JUIN 2018 Réservations 01 43 74 99 61

AVIGNON - LA MANUFACTURE DU 17 AU 26 JUILLET 2018 (relâche le 19) Billetterie www.lamanufacture.org

Manifestation organisée dans le cadre de la Saison France-Israël20 18 Manifestation organisée dans le cadre de la Saison France-Israël20 18

Manifestation organisée dans le cadre de la Saison France-Israël20 18


20 politique culturelle

Quel prix politique pour les Chorégies ?

AU BORD DE LA FAILLITE DEPUIS DES ANNÉES, EN DIFFICULTÉ DEPUIS QUE JACQUES BOMPARD, MAIRE D’EXTRÊME DROITE, DIRIGE LA VILLE, LES CHORÉGIES D’ORANGE ÉTAIENT EN MARS 2018 AU BORD DE LA CESSATION DE PAIEMENT

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n financement public exceptionnel s’apprête à sauver cette institution qui fêtera l’an prochain ses 150 ans d’existence, la consacrant plus ancien festival d’Europe. Une solution qui tranche avec les décisions prises par l’État et la Région depuis 1995, c’est-à-dire l’élection de Jacques Bompard, alors Front national, à la tête de la Ville.

Au chevet des Chorégies d’Orange Les représentants de l’État et les élus des collectivités territoriales étaient rassemblés le 12 avril à Avignon, pour une improbable union de personnalités. Renaud Muselier, président de la région Paca (LR), Maurice Chabert, président du conseil départemental de Vaucluse (LR), Michel Bissière (LR), vice-président de la Commission culture de la région Paca et actuellement président des Chorégies d’Orange, Marc Ceccaldi, directeur régional des Affaires Culturelles, John Benmussa, Sous-préfet, et Jean-Louis Grinda, directeur depuis 2017 des Chorégies d’Orange, partageaient la table et la parole avec Jacques Bompard, maire d’Orange. Le constat était identique pour tous : « On n’a pas le droit de laisser tomber un tel monument ». Renaud Muselier développait les termes de ce sauvetage, après avoir insisté sur la place essentielle de la culture dans notre région, avec ses sites classés, ses nombreux festivals,

© Jean-Pierre Garufi

ses acteurs culturels, ses écoles supérieures… « La culture n’est pas seulement dans notre ADN, c’est aussi 5% de notre PIB ». Il redéfinissait aussi le rôle du politique dans la vie culturelle : « Ce n’est pas au politique de dire ce qui est beau ou laid, mais il doit soutenir la culture, et le caractère sacré de la liberté de création ». Nécessité donc d’assurer « la continuité de ce fleuron culturel de notre région », l’année même où la Région a sacrifié Babel Med, symbole d’une culture ouverte sur le monde, la jeunesse et l’autre rive ?

Quelle liberté de création ?

On se souvient des Chorégies d’Orange avant 1995. De ses concerts au jardin, de ses risques artistiques, de ses créations. On sait que, depuis, elles ont été malmenées périodiquement par la Ville, lâchées partiellement par l’État et la Région qui n’ont pas su prendre la décision de cesser de les cofinancer avec une municipalité d’extrême-droite, ou de maintenir leurs financements pour en faire un lieu de résistance culturelle. Les Chorégies sont donc


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dans l’obligation de faire des recettes, financées à 80% par les billets vendus, et donc programmant année après année Verdi, Bizet et Verdi, dans des productions consensuelles passant à la télé. Les directeurs font ce qu’ils peuvent, et il fallait, c’est certain, sortir les Chorégies de cet appauvrissement artistique par une refonte de son financement public. Mais s’asseoir à la table de Jacques Bompard et lui laisser la parole sur le sens de l’engagement public, vraiment ? Faut-il rappeler que ce maire, qui qualifie la dynastie Le Pen de modérée, a interdit les drapeaux étrangers lors des mariages dans sa commune, qu’il a demandé pardon « pour les enfants qui ne naîtront pas » lors de débats parlementaires sur l’avortement en 2014, qu’il demande d’« entraver » ceux qui pratiquent l’avortement, qui a par analogie assimilé le mariage homosexuel à un inceste, une union polygame ou pédophile, qu’il refuse comme sa femme maire de Bollène de les célébrer en sa mairie ? Quelle culture peut-on défendre avec lui, qui sous-finance sa médiathèque, déplorait en 1995 la « culture cosmopolite » des Chorégies, et dont le fils, Yann Bompard, conseiller départemental de Vaucluse, a mené la fronde contre les subventions allouées au Festival d’Avignon qui « aborde le thème du transgenre » et proposait de les orienter plutôt vers les Chorégies de son père ?

Ce qui est sain selon Bompard Népotisme et appel à la censure n’empêchent pas le maire de donner, devant des représentants de l’État et des collectivités, des leçons de

morale : « Les Chorégies d’Orange ne sont pas orangeoises, mais internationales. Depuis trois/ quatre ans, elles ont connu un « petit tangage », mais ont trouvé un équilibre grâce à Jean-Louis Grinda, si l’on ne compte pas la dette. Il est sain que les financeurs prennent la direction des choses, mais pas sain que l’argent public soit géré par des structures privées. » Sain ? On ne peut que se souvenir des éclats qui ont conduit à la démission du directeur des Chorégies, Raymond Duffaut, en 2016, sur fond de conflit avec le maire qui voulait placer son adjointe à la présidence du festival lyrique. D’ailleurs les banques refusaient l’emprunt souhaité afin de combler un déficit cumulé qui s’élève à 1,5 millions d’euros, et il n’est pas du tout certain que les Amis des Chorégies, association qui administre le Festival et reste majoritairement affiliée à Jacques Bompard, accepte la liquidation au profit d’une société où elle ne sera plus majoritaire. Car Renaud Muselier annonce la création d’une SPL, Société Publique Locale, pour remplacer l’association loi 1901 qui gère le festival. Même si l’association n’a pas (encore ?) prononcé la liquidation. « Cette SPL fera une offre de reprise qui garantira la conservation des emplois (cinq temps pleins), des contrats, de la marque et l’apurement des dettes ». À quelle hauteur ? Le Sous-préfet précisait la répartition des comptes : « La SPL sera dirigée par la Région, et son financement sera à hauteur de 51%, celui de la ville d’Orange de 33% et celui du conseil départemental de 16%. Le partenariat des collectivités sauve les Chorégies. L’État n’apparaît pas dans la SPL, mais maintient son aide, 450 000€ cette année, et salue le volontarisme et l’ingénierie territoriale mise en œuvre. » Il s’agit « d’une opération particulièrement délicate pour les deniers publics » fait remarquer Renaud Muselier, qui en appelle à une augmentation

de la participation de l’État, « les diminutions de moyens sont conséquentes : alors que nous avons des compétences différentes avec la loi NoTRE, nous participons lourdement au financement des Chorégies, nous ne sommes pas un tiroir-caisse ».

L’avenir des Chorégies, et d’Orange

La programmation 2018 (20 juin au 4 août) est donc préservée, aucun spectacle n’est supprimé. Mais la réflexion pour le futur est loin d’être achevée : les Chorégies font partie d’une procédure de classement au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, et dans le cadre de la Conférence Permanente des Arts et de la Culture (voir p20), Renaud Muselier a « décidé de créer un groupe de travail, autour de Dominique Bluzet et de Monsieur Grinda, pour réfléchir à l’avenir du modèle des Chorégies ». Avec une volonté forte d’amener la jeunesse à la culture, et la création d’un aménagement qui existe déjà sur les autres grands festivals, dispositifs pédagogiques et places offertes. Avec ou sans censure implicite ? L’an denier, les collégiens cosmopolites réunis pour Pop the Opera chantaient en français, anglais et provençal. Pourraient-ils défendre les répertoires d’autres rives méditerranéennes ou caribéennes, dans une ville où l’on interdit les drapeaux étrangers, et où on lutte contre le mariage homosexuel et le droit à l’avortement ? MARYVONNE COLOMBANI ET AGNÈS FRESCHEL

La conférence « quel avenir pour les chorégies ? » a été donnée le 12 avril à l’Hôtel du Département, Avignon

Ecoutez, on est bien ensemble francebleu.fr


22 politique culturelle

Gratuité aux musées ! LA VILLE D’AVIGNON ADOPTE LE PRINCIPE DE L’ENTRÉE LIBRE POUR SON PATRIMOINE MUSÉAL MUNICIPAL

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es 800 000 touristes et 90 000 festivaliers qui traversent chaque année la Ville d’Avignon, son Pont, son Palais et ses théâtres, s’attardaient très peu dans ses musées, que les habitants négligeaient tout autant : à peine 90 000 visites dans les 5 musées en 2016 ! Il fallait réagir, d’autant que les musées d’Avignon possèdent des collections exceptionnelles, exposées dans des bâtiments sublimes, et formant un tout cohérent et très complet. Le label Avignon Musée adopté en 2017, permettant une communication commune, et l’organisation d’une semaine de la gratuité et d’événements transversaux, a conduit à une hausse de fréquentation de 14%. Suite à cette expérience concluante, la gratuité des musées a été adoptée à l’unanimité par le conseil municipal, malgré le manque à gagner de 100 000€ qu’elle induit. Parce que « la culture n’a pas de prix », comme l’affirme Cécile

la fréquentation de leurs musées augmenter considérablement. « Il y a là un enjeu de démocratie, le manque à gagner sera compensé en termes d’attractivité de la ville, mais aussi, surtout, par le plaisir de voir des visiteurs plus nombreux devant nos chefs-d’œuvre. La gratuité est un enjeu d’égalité donc, pour combler les fossés culturels, mais de liberté aussi, car on a un autre rapport au musée quand on peut y passer une demi-heure pendant la pause déjeuner, y amener un ami voir un tableau, un seul tableau, qu’on a aimé. » Les relations avec les musées privés d’Avignon ont également été pensées : le risque de voir les touristes préférer le Petit Palais ou le Musée Calvet, gratuits, à la Collection Lambert ou au Musée Angladon, qui demeureront payants, existe. Mais il est question de concevoir des Sainte Elisabeth, École d’Avignon, fin du XVe ?. Tempera et huile/panneau bois 26X20. Petit Palais © E. Lambert - C2RMF projets communs, et de parier que Helle, maire d’Avignon (PS), mais aussi parce la gratuité entrainera un mouvement profond que les villes qui ont adopté la gratuité ont vu qui ramènera les habitants au musée, comme

Derrière l’actualité INFORMATION, DÉSINFORMATION, THÉORIES DU COMPLOT, FAKE NEWS... ENSEIGNER L’ESPRIT CRITIQUE, UN SACRÉ DÉFI

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n Forum des Médias avait lieu le 12 avril dans les locaux de l’ex-CRDP, désormais Canopé1, à Marseille. Rassemblant élèves, enseignants et professionnels de la presse, il s’agissait de récompenser les meilleurs médias scolaires de l’Académie d’Aix-Marseille, réalisés en classe sous forme écrite, radio ou multimédia. Après la remise des prix, une douzaine d’ateliers étaient prévus, portant sur la déontologie du journaliste, l’édition d’un journal papier, ou encore l’animation d’une webTV.

Dessiner l’actu

L’un des ateliers était consacré au dessin de presse : les auteurs Ysope (Le Ravi) et Red (Le Ravi, Reporterre, L’Âge de faire) répondaient chaleureusement aux questions des jeunes sur leur métier. Pour rassurer les aspirants dessinateurs,

Un zadiste, dessiné par Red © Gaëlle Cloarec

le premier expliquait qu’« inventer un style, ça peut prendre 10 ans » ; le second précisant : « Moi je voulais avoir le trait de Franquin, et au final je travaille comme Hergé, en laborieux ». Pour opérer une synthèse de l’actualité en une image la plus évocatrice possible, il leur faut « transformer la réalité brute avec notre lumière », en évitant l’écueil de l’autocensure. Démonstration immédiate, ils ont croqué en deux coups de crayon un zadiste effacé du paysage par le gaz des lacrymos, ou Emmanuel Macron en soutane

de prêtre, avant de se faire dédicacer, avec esprit de corps et générosité, les œuvres des élèves.

Enseigner l’esprit critique

Un peu plus loin, l’atelier Désinformation et esprit critique ne comptait que des adultes. L’occasion pour les enseignants de faire état de leur détresse : « Il est difficile, voire impossible, d’organiser un simple débat en classe, où l’on s’écoute parler les uns les autres, sans tomber très vite dans la défiance et les invectives ». En cause, le passage


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Écouter le territoire une habitude, en ravivant leur plaisir et leur goût. Quand aux touristes, il est question de les amener à rester plus longtemps dans une ville que les tour-opérateurs considèrent comme une étape courte ! Et, de fait, chacun gagnerait à s’attarder dans les collections époustouflantes de peinture italienne du Petit Palais, ainsi que face à son patrimoine unique de sculpture et peinture avignonnaises ; au Musée Calvet, qui possède des collections extraordinaires de peinture classique, moderne et contemporaine, mais aussi une collection égyptienne, asiatique, d’art d’Islam, d’art premier... et un fonds de dessins remarquable ; deux musées d’art passionnants, complémentaires du bijou qu’est le Musée Lapidaire (antiquités), mais aussi du Palais du Roure (arts, littérature et traditions provençales) et du Musée Requien (histoire naturelle). Gratuits depuis le 20 avril, ils accueilleront cet été (à partir du 30 juin), ensemble, l’exposition Mirabilis, conçue par Christian Lacroix comme un itinéraire à partir du Palais des Papes. Miraculeux ? AGNÈS FRESCHEL

avignon.fr/ma-ville/culture-et-tourisme/avignon-musees

LE MERLAN A PROPOSÉ DEUX JOURS DE DÉBAT SUR LES RAPPORTS ENTRE UN BÂTIMENT CULTUREL ET SON QUARTIER

À

l’heure où le monde culturel en région s’insurge contre la vision de la Décentralisation du ministère de la Culture, ils posaient quelques paradoxes... Celui du premier débat d’abord, où des habitants de ces Quartiers de Marseille dits Nord pour ne pas dire pauvres, racontaient leur fierté de ce lieu de culture, que certains ne fréquentaient pas pourtant, comme s’il n’était pas vraiment pour eux. Paradoxe qui était relayé aussi dans le second débat, où les bailleurs et travailleurs sociaux, les enseignants, disaient la difficulté à mettre en place des actions culturelles, ou éducatives, qui concernent les habitants. Car le sentiment de délaissement pousse au rejet de tout ce que l’on ressent comme institutionnel, y compris quand l’institution se penche sur vos besoins... Les institutions culturelles, justement, avaient la parole lors du troisième débat, qui fut passionnant. Parce que tiraillé. Les directeurs de lieux culturels réunis étaient, tous, des militants de l’action culturelle. Activistes, pour certaines, comme Béatrice Josse qui en prenant la direction du Magasin de Grenoble a profondément changé la fabrique même de l’art, pariant que les habitants « sauraient faire », débattre, administrer, créer, médiatiser ; ou comme Myriam Marzouki (metteure en scène) qui détesterait « être l’artiste d’un territoire » tout en affirmant qu’elle veut concerner la population des lieux délaissés, et défendre la diversité sur les scènes. Qui est arabe ici ? demande-t-elle. Quelques mains se lèvent dans la salle, à son étonnement.

Classe et diversité

continuel du monde virtuel où règnent les trolls2 au monde réel, et l’attrait pour l’émotionnel au détriment de l’analyse : « Internet est la nouvelle industrie du divertissement ; plus c’est gros plus ça passe ». Qu’est-ce qui fait que l’on accepte une information sans contester sa validité ou même s’interroger à son sujet ? Qui a intérêt à mener le lecteur ou l’internaute sur tel ou tel terrain ? Le représentant du Mesclun, publication portée par des habitants de la cité des Flamants (14e arrondissement de Marseille), soulignait avec raison que les journalistes professionnels peuvent aussi faire des choix idéologiques à questionner : « Ce que l’on ne dit pas ou ne montre pas est également révélateur ». Les professeurs présents au Forum des Médias se sont sentis très seuls ces dernières années, même si des outils, développés notamment par le Clémi3, apparaissent. Sur les tables, on trouvait en accès libre brochures et dossiers pédagogiques. Le thème 2018 de la Semaine de la presse et des médias dans l’école était « D’où vient l’info ? ». Mais où va-t-elle ? GAËLLE CLOAREC

Réseau de création et d’accompagnement pédagogique dépendant du ministère de l’Éducation Nationale. 2 Provocateurs agressifs sur les réseaux informatiques 3 Centre pour l’éducation aux médias et à l’information, il a pour mission d’apprendre aux élèves une pratique citoyenne des médias. 1

Mais est-ce bien de cette diversité dont il est question, et quelle aurait été sa réponse si elle avait demandé que les non bacheliers venus au colloque lèvent la main ? La fracture culturelle se pense en termes de classes et de savoir... Paul Ardenne, critique d’art et universitaire, fit preuve du recul nécessaire pour poser autrement le problème. En effet les rapports entre l’institution culturelle et les territoires pauvres est toujours ambigu : souvent fabriqué contre l’art institutionnel, le hip hop, le street art ou en 68 l’art situationniste ont perdu de leur force subversive, et esthétique, lorsque l’institution les a fait monter sur scène ou entrer au musée. La résistance, constitutive de l’art, s’accommode mal des territoires figés et des modélisations. Que doit faire, alors, un programmateur culturel ? Ouvrir les portes 24h sur 24 pour qu’ils deviennent des lieux de vie pour tous, comme le suggérait une « habitante » ? Ne pas être prescripteur de formes mais écouter davantage les attentes, au risque d’une programmation consensuelle, puisqu’aujourd’hui les arts dits populaires sont formatés par les industries du divertissement ? Hortense Archambault, directrice de la MC 93 (Bobigny) proposait d’adopter une démarche modeste : être à l’écoute, et ne pas oublier ce que l’on représente. C’est-à-dire l’institution, même lorsqu’elle veut apporter la culture en banlieue, même lorsqu’elle programme sur scène le reflet militant des inégalités sociales. Et pour renverser le regard, rien de mieux que Juste Heddy, de Mickaël Phelippeau, qui conclut le week-end : le solo est construit avec ce jeune homme fascinant qui a toujours vécu là, au quartier, entre la boxe et l’armée, la violence et le racisme. Le théâtre, pour lui, est important. Heddy, pour le théâtre, est essentiel. AGNÈS FRESCHEL

Contexte(s) Art/territoire a eu lieu au Merlan, Marseille, les 13 et 14 avril


24 événements

Héritages L’Or s’expose au Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée

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près le succès de RomanPhoto (90 000 visiteurs), Or, la nouvelle exposition du Mucem a débuté. Elle rassemble près de 800 pièces, chiffre exceptionnel d’après Myriame Morel-Deledalle, l’une de ses commissaires. Un avis partagé par Jean-François Chougnet, patron de l’établissement : « Le Louvre notamment s’est montré généreux, y compris en prêtant ses faux, ce qui pour un musée est très courageux ». Ainsi que par Jean-Roch Bouiller, co-commissaire, pour lequel « le dialogue entre pièces historiques, œuvres contemporaines et collections du Mucem fait la grande force de l’exposition, sans qu’une accumulation de beaux objets n’occulte une dimension plus sombre, politique, guerrière, de l’or ». Il est vrai que le parcours pré- Sebastiao Salgado, Serra pelada, Brésil, mine d’or, 1986 © Sebastiao Salgado sente une grande variété d’univers, reliés par le fil doré du métal précieux, honte d’avoir monnayé un souvenir de sa grandvirant parfois, comme de juste, au clinquant. À mère et qui s’interroge : « quand vous héritez l’entrée, The treasure room, immense gouache de quelque chose, est-ce vraiment à vous ? ». de Gilles Barbier réalisée en 2012, réveille des fantasmes de guerrier viking. Un peu plus loin, Au programme du mois une vidéo : le doux bruit de mains plongeant Parmi les autres événements du Mucem en ce dans un sac de pièces endort Louis de Funès, printemps, ne ratez pas la table ronde animée ministre des finances du Roi d’Espagne dans par Emmanuel Laurentin le 14 mai. Elle portera La folie des grandeurs de Gérard Oury. Une sur l’iconographie et la symbolique de Mai 68. affiche de 1915 demande un sacrifice : « Pour L’historienne Sophie Gebeil et le réalisateur la France, versez votre or ! » Les splendides Jacques Kebadian se demanderont en quoi tirages gélatino-argentiques de Sebastião affiches, tracts et photographies ont nourri et Salgado, prêtés par le Centre national des arts influencé la construction médiatique de notre plastiques, révèlent les atroces conditions de mémoire collective. Ni, le 31, le colloque en travail des mineurs brésiliens dans les années entrée libre centré sur l’œuvre de l’historien 1980, photographiés comme des termites trem- Benjamin Stora, à l’occasion de son départ pés de boue. Le pouce de César en bronze à la retraite. Le grand spécialiste de l’histoire poli, venu du Musée d’art contemporain de coloniale et de l’immigration, chaleureusement Marseille, côtoie une troublante sculpture de entouré de ses élèves et collègues, donnera une Louise Bourgeois, aux mamelles métalliques. leçon spéciale sur les enjeux de sa discipline. De ce riche contenu, outre les très belles pièces La Nuit Européenne des Musées fait étape archéologiques rassemblées (notamment des le 19 mai au Fort Saint-Jean et au Centre de casques grecs du VIe siècle avant J.C.), ressort conservation et de ressources du Mucem à la particulièrement le parcours parallèle réalisé par Belle-de-Mai (lire page suivante). Ainsi bienle duo d’artistes gethan&myles. Après avoir sûr que le Festival Oh les beaux jours !, le racheté des bijoux mis « au clou » au Mont de dernier week-end de mai (lire p 26). Le premier Piété, ils ont mené l’enquête pour retrouver leurs week-end de juin sera quant à lui consacré à anciens propriétaires et écouter leur histoire. la langue des signes : un spectacle de contes Celle de Mathilde, par exemple, qui raconte sa bilingues français/LSF sera proposé par la Cie

Rouge Vivier aux enfants à partir de 6 ans, assorti d’un atelier d’initiation à suivre en famille. Enfin, un rendez-vous important : L’appel du 8 juin, lancé par SOS Méditerranée. L’objectif, à l’occasion d’une soirée festive et musicale (en présence notamment de l’écrivain Daniel Pennac et du groupe Les Ogres de Barback, ainsi que des DJ Oil et Big Buddha) étant de soutenir l’action de cette association qui a affrété en février 2016 un navire pour recueillir les migrants naufragés. 30 000 personnes ont ainsi été secourues, avec le Centre de coordination des sauvetages en mer de Rome et Médecins sans Frontières. SOS Méditerranée fonctionne à plus de 90% grâce aux dons privés, la politique de l’État français dans ce domaine étant ce qu’elle est... GAËLLE CLOAREC

Mucem, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org


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Un musée, la nuit

Le 19 mai, la 15e Nuit européenne des musées permettra de parcourir gratuitement des lieux, découvrir des expositions et participer à de nombreux événements ludiques et insolites

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uelque 640 événements émailleront La Nuit européenne des musées sur l’ensemble du territoire, notamment dans la région, richement dotée d’animations familiales. Impossible d’être exhaustif car chaque musée déploie un trésor d’inventivité pour faire se croiser tous les arts ! Au musée d’Allauch la nuit s’annonce fondante et croquante à la fois, alliance de poésie, de joyeux délire, de marionnette maladroite, de fausse magie et de vraies chansons. Des duos chorégraphiés par Simon Bailly révèleront l’éclat et le relief d’œuvres choisies dans la collection du Musée Réattu à Arles ; des visites nocturnes et des ateliers d’initiation à la poterie seront proposés par le Musée des Arts et traditions populaires de Draguignan au moment où le Musée de la préhistoire des gorges du Verdon, à Quinson, organisera un ciné-débat avec l’auteur-réalisateur et préhistorien Marc Azéma. À l’Espace de l’art concret à Mouans-Sartoux, au cœur de l’exposition Dialogue concret, Carlos Cruz-Diez et la donation Albers Honegger, Eve Risser interprètera au piano Le seul parce que sans pourquoi possible, transcription pour piano d’Eve Risser des peintures d’Anne Pesce.

Pleins feux sur Marseille Le J4, le fort Saint-Jean et le Centre de Conservation et de Ressources (CCR) resteront ouverts jusqu’à minuit pour laisser libre accès aux expositions Voyages imaginaires, Picasso et les ballets russes, entre Italie et Espagne, Or (voir page ci-dessus) et Rêvons la ville. Dans le cadre de l’opération « La classe, l’œuvre ! », le Mucem accueillera deux projets pédagogiques : l’orchestre de la classe de 3e

Mucem J4 passerelle - FSJ - éclairage Yann Kersalé © Mucem - Lisa Ricciotti Architectes Rudy Ricciotti et Roland Carta

du collège Longchamp dirigé par Frédéric Isoletta (collaborateur de Zibeline) investira la place d’Armes pour un concert dont les mélodies nous entraineront, justement, dans l’univers de Picasso ; et le CCR se prêtera à un jeu collectif, « Espace Game - Le tarot des mauvais sorts », autour du jeu de tarot de Marseille. Par petits groupes, les équipes devront libérer de leur coffre des cartes maudites conservées au Mucem afin de le sauver d’un funeste sort… Au CCR toujours, les commissaires en herbe du collège Versailles de la Belle de Mai présenteront l’exposition Rêvons la ville qu’ils ont entièrement conçue et imaginée : cette nuit-là, ils passeront leur grand oral ! Le [Mac], l’artiste Yazid Oulab et l’École supérieure d’art et design Marseille-Méditerranée invitent artistes, étudiants et public à partager diverses expériences artistiques durant « La nuit des Veilleurs » et le Musée Cantini ouvrira exceptionnellement ses espaces à la musique pour un concert avec Eyma Jazz Quartet. L’opération « La classe, l’œuvre ! » prendra tout son sens au Musée d’archéologie méditerranéenne quand les jeunes

de la classe de 5e du collège Coin-Joli-Sévigné conteront les grands épisodes de la mythologie grecque ; de même qu’au Musée d’Histoire quand les élèves de 5e du collège Notre Dame de la Major évoqueront la vie quotidienne au Moyen-Age à travers un choix d’œuvres. Le même musée organisera une projection-rencontre autour de l’exposition Marseille et mai 68 pour témoigner de ce qui a changé dans nos vies, une lecture déambulatoire « La vérité vraie sur la fondation de Marseille ! » et une démonstration de tournage céramique. Au Préau des Accoules, l’exposition Si la couleur m’était contée servira de décor au spectacle interactif de la comédienne Sabine Goyon, Retour chez grand-mère. Enfin, au Musée des arts décoratifs, de la faïence et de la mode, les productions des élèves inspirés par leur visite du musée s’acoquineront avec les chefs-d’œuvre de la collection tandis que dans la cour de la Vieille Charité, la Cie Sun of Shade exécutera des pas de danse… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

nuitdesmusees.culturecommunication.gouv.fr

D’après © Yohanne Lamoulère, création graphique : Atelier 25

22—27 mai 2018 frictions lit téraires à Marseille lit térature & histoire, BD, amour, sciences, futurs, musique, jeunesse ohlesb eauxjours.fr


26 festivals littérature

Marseille, ville littéraire Depuis longtemps la ville que les écrivains aiment tant attendait un festival littéraire à son échelle. Oh les beaux jours sont là, enfin !

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vec son beau titre, le nouveau festival littéraire de Marseille revient pour sa 2e édition. Fort de son succès en 2017 avec la fréquentation de 12 000 personnes, il programme plus de 120 invités, soit 60 propositions pour 6 jours de festival, du 22 au 27 mai. Lors de la conférence de presse du 19 avril, Anne-Marie d’Estienne d’Orves, adjointe à la Culture de la Ville, s’est réjouie de cet « événement phare » qui contribue au rayonnement de Marseille et « permet d’élargir les territoires de la lecture ». On sait qu’elle a dû lutter pour imposer l’idée qu’un festival littéraire ancré dans le territoire était nécessaire à Marseille : pendant des années les énergies littéraires ont été découragées, et Colibris de la Marelle, les rencontres littéraires en librairie ou au Mucem, ont défriché un terrain difficile, puis disparu faute de financements, et à force de clichés : Marseille serait une ville inculte où l’on n’aime pas lire... Mais la volonté publique de créer un grand festival littéraire a repris du poil de la lettre après MP2013, et a failli aboutir sur un festival importé sans ancrage sur le territoire. Elle s’est concrétisée grâce au projet de l’association marseillaise Des livres comme des idées créée en 2015, codirigée par Nadia Champesme (libraire, Histoire de l’œil) et Fabienne Pavia (éditrice, Le Bec en l’air). Le conte serait beau si le compte l’était : l’événement est très largement sous-doté, et c’est avec une énergie et un dévouement sans bornes que l’équipe pousse les portes des musées, ouvre ses tiroirs, fait appel à des musiciens, des dessinateurs, investit les théâtres, l’Alcazar, la Friche, le Mucem et la Salle des Rotatives de la Marseillaise. Combien d’années tiendra-t-elle à coup d’emplois aidés et de demi-salaires ? Pourra-t-elle continuer à proposer un festival d’une telle qualité ?

Amour et avenir Car la qualité y est, et l’abondance... Cela commence le 22 mai avec L’amour 24 fois par

Marie Darrieussecq et Arnaud Cathrine © X-D.R

seconde, performance littéraire qui réunit sept auteurs autour de scènes d’amour au cinéma qui les ont marqués, rejouées et commentées sous la direction d’Alexandra Tobelaim. Les jours suivants mélangeront les propositions autour de grands thèmes : l’amour, thème de Marseille 2018, puis les relations qu’entretient la littérature avec l’histoire, la fiction, la musique, la bande dessinée, les sciences et la jeunesse… avec des formules originales qui renouvellent l’entretien littéraire : ainsi cinq auteurs au cours de portraits-kaléidoscopes seront mis en relation avec des invités surprise, pour évoquer ce qui les fait vibrer : Laurent Gaudé, Dany Laferrière, Philippe Claudel, Pierre Lemaître et Laurent Mauvignier. Pour parler d’amour, Marie Darrieussecq et Arnaud Cathrine ont visité six musées de la ville et choisi des objets autour desquels ils ont libéré leur imaginaire : la restitution de l’expérience aura lieu au Mucem le 26 mai ; Isild Le Besco, trois comédiennes et une

danseuse livreront des passages du recueil de nouvelles S’aimer quand même ; histoire d’une liaison ratée de Grégoire Bouillier ; enfin Philippe Katerine et un musicien complice évoqueront l’amour mais aussi la mort (Mucem, 27 mai). Le futur sera revu et corrigé à l’occasion d’une nouvelle traduction de 1984 d’Orwell, jamais réédité depuis 1959 ; un concert dessiné avec cinq dessinateurs sous la houlette d’Alfred mettra en images une scène du roman accompagnée de la musique live de Yan Wagner. Quant à Pierre Ducrozet il livrera avec la musique d’Isard Cambray ses interrogations sur l’avenir de la modernité et la place de l’humain.

Dessin, photo, sciences Les bédéistes seront à l’honneur : Guy Delisle dessinera la géographie des lieux présents dans l’œuvre de Jean Echenoz, tandis que Sébastien Gnaedig dialoguera avec Sorj


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Chalandon dont il a adapté Profession du père en bande dessinée. La photographie aura sa place avec des propositions inédites d’Yves Pagès, qui s’intéresse aux écrits muraux et autres graffitis (Rotatives, 26 mai), Florence Aubenas et Bruno Boudgelal évoqueront leur immersion dans Marseille tandis que Marie Darrieussecq confiera ses souvenirs d’enfance. Les sciences de la vie proposeront de jeter un nouveau regard sur la Terre avec le philosophe Bruno Latour qui livrera une conférence-spectacle (Criée, 24 mai) ; sur la ville avec Olivia Rosenthal qui parlera de ses animaux invisibles (Criée, 25 mai) ; sur le corps et l’esprit avec la romancière Joy Sorman qui lira en musique son dernier roman Sciences de la vie (Mucem, 27 mai). L’histoire se taille aussi une belle part avec Patrick Boucheron, médiéviste éclairant, qui collabore avec Bruno Allary de la Cie Rassegna, mélangeant les échos et les époques dans Contretemps, spectacle musical inédit avec flûte, guitare et danse. Il sera aussi question

de l’histoire des migrations juives avec le roman graphique de Camille de Toledo et Alexander Pavlenko, Herzl, une histoire européenne, et du regard contradictoire des femmes sur mai 68 avec Leslie Kaplan et Isabelle Sommier.

Frictions et ouverture Pour retrouver leur histoire intime, David Vann et Michèle Audin partiront à la recherche d’échos à leurs écrits dans les collections du Mucem. Et les « frictions littéraires » mettront face à face trois duos d’auteures, échanges d’expériences et d’univers littéraires : Nathalie Kuperman et Véronique Ovaldé, Jakuta Alikavazovic et Emmanuelle Lambert, Constance Debré et Dominique Sigaud. Le partage des découvertes littéraires est également un principe : du groupe de hiphop La Rumeur avec la participation du comédien Reda Kateb lors d’un concert inédit (Fort St Jean, 26 mai). Et les jeunes ne sont pas oubliés : Arnaud Cathrine présentera sa trilogie À la place du cœur,

premières expériences amoureuses avec pour toile de fond les événements tragiques de 2015, récit fort et riche qui touchera toutes les générations (Les Rotatives, 25 mai). Pour les petits ? des conférences dessinées avec les auteurs d’albums de La petite bédéthèque des Savoirs des éditions Le Lombard, des animations ludiques, notamment à La Criée. Et une rencontre scolaire ouverte à tous avec Erik L’Homme, auteur de best-sellers pour la jeunesse, autour de son dernier roman Nouvelle Sparte ((Friche, 23 mai). Car l’équipe d’Oh les Beaux jours ! travaille toute l’année pour que la littérature devienne, à Marseille, la nourriture quotidienne de tous. Et pour l’offrir, toutes les manifestations en journée sont gratuites et un Pass permet un tarif réduit pour les propositions en soirée... CHRIS BOURGUE ET AGNÈS FRESCHEL

Oh les beaux jours ! 22 au 27 mai Marseille 09 72 57 41 09 ohlesbeauxjours.fr

La littérature en dialogue

© X-D.R

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e Printemps du Livre de Cassis a 30 ans, une belle et longue histoire d’amour entre auteurs et lecteurs qui se fêtera, comme chaque année, au sein de l’écrin magnifique qu’est la Fondation Camargo. C’est bien « L’amour dans tous ses états » qui sera le fil rouge des rencontres, débats, discussions et partages merveilleux, et souvent intimes, qui nous lient les uns et les autres à travers les livres et la lecture. Et l’occasion d’appréhender, et comprendre, l’acte d’écrire… Chacune des trois journées sera rythmée, en jazz, par le Trio Tenderly qui ouvrira les rencontres animées par Patrick Poivre d’Arvor et Marc Fourny (après l’inauguration par Danielle Milon, maire de Cassis, à l’origine de la manifestation, et des auteurs invités). Seront présents, entre autres : Boris Cyrulnik (Psychothérapie de

Dieu, Odile Jacob) avec Anny Duperey (Le rêve de ma mère, Ed. du Seuil) ; Mazarine Pingeot (Magda, Ed. Julliard) avec Cali (Seuls les enfants savent aimer, Flammarion) ; Vladimir Fédorovski (Au cœur du Kremlin, Des tsars rouge à Poutine, Stock) avec Xavier de Moulins (Les haute lumières, J.-C. Lattès) ;

Christine Orban (Avec le corps qu’elle a…, Albin Michel) avec David Foenkinos (Vers la beauté, Gallimard) ; Jean-Noël Pancrazi (Je voulais leur dire mon amour, Gallimard) avec Valérie Perrin (Changer l’eau des fleurs, Albin Michel) ; François-Henri Désérable (Un certain M. Piekielny, Gallimard) avec Claire Berest (Gabrièle, Stock) et Diane Ducret (La meilleure façon de marcher est celle du flamand rose, Flammarion). Enfin, Christian Carion, auteur et réalisateur, sera particulièrement mis à l’honneur : il sera reçu pour ses deux ouvrages En mai, fais ce qu’il te plaît (Flammarion) et Joyeux Noël (Perrin), et quatre de ses films L’Affaire Farewell, Une hirondelle a fait le printemps, Mon garçon et Joyeux Noël (deux projections par soir, à 18h45 et 21h au Centre Culturel). DO.M.

30e Printemps du livre 19 au 21 mai Fondation Camargo, Cassis 04 42 01 31 60 printempsdulivre.fr


28 festivals littérature

La ZIP de Barjols et les éditions Plaine Page défendent la poésie contemporaine dans ses manifestations performées, plastiques et livresques. Vitrine majeure de cette effervescence, le festival Les Eauditives

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e festival Les Eauditives fête ses dix ans avec un deuxième embarquement pour Toulon. La ville, déjà l’an passé, avait accueilli cette manifestation itinérante et déjantée au cœur de divers lieux culturels. Plus de quarante auteurs, artistes et étudiants de l’ÉSADTPM* proposent un itinéraire poétique de la Galerie Les Frangines au Théâtre Liberté, du Port des Créateurs à la Galerie Salle des Machines, à l’Hôtel Départemental des Arts du Var, de la Librairie Le Carré des

Eauditives 2018 © MC

Ondes poétiques

Mots à la Galerie du Canon ou au Musée National de la Marine, et s’autorisent une escapade au Lycée Raynouard de Brignoles. On se plaît à déambuler d’une performance à l’autre : les lieux ne sont pas seulement des écrins où se déroule quelque chose, mais s’irisent de palettes nouvelles ; les poètes donnent du sens jusqu’aux endroits qu’ils hantent, et en transforment notre perception. Patrick Sirot ouvre les festivités avec son exposition Portraits de Poètes : paroles libres ou entravées selon les régions de la planète, mais qui trouvent toujours un moyen de dire, d’effectuer les rapprochements qui deviennent évidences signifiantes une fois formulées. On Écouter(a) le silence lors du

workshop/performance/chorégraphie de la Cie 7Pépinière et l’ÉSADTPM, on visionnera le documentaire de Stéfanie Brockhaus et Andreas Wolff, The Poetess, qui évoque Hissa Hillal, poétesse saoudienne qui, finaliste du plus grand show télévisé du monde arabe, Million’s Poet, s’empara de l’occasion pour dénoncer les extrémismes et devint un symbole politique pour la liberté. Catapultant les termes en un beau néologisme, les étudiants de l’ÉSADTPM livreront leurs Poéssonies. Transmission, réflexion et pratique se déclinent avec force, que ce soit avec ces derniers ou les lycéens de Brignoles qui rendent compte de leurs travaux par un ensemble de vidéo-poèmes, réalisés avec le

Des livres plein la ville

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epuis 1986, la Comédie du Livre à Montpellier a su se renouveler au fil des éditions. Conservant son caractère premier, qui consistait à faire se rencontrer public et auteurs dans les allées de stands aux couleurs de chaque librairie (10, cette année), à côté des maisons d’éditions locales et des associations littéraires, elle est devenu un événement plus « éditorialisé ». Il y eut d’abord les programmations thématiques autour de littératures étrangères, puis les Cartes Blanches à un auteur, et la délocalisation de certains rendez-vous en dehors des lieux fondateurs de la place de la Comédie et de l’Esplanade. Pierre Ducrozet © Jean-Luc Bertini Cette année, la Comédie sera balayée par un petit vent frais du nord, tout faire découvrir ces courants littéraires que l’on droit descendu des Pays-Bas et de la Belgique. commence seulement à appréhender en France 30 auteurs et dessinateurs sont invités à nous (hormis les auteurs de bandes dessinées, bien

sûr). La cheffe de file est peut-être Anna Enquist, l’une des plus connues ici. Son Quatuor (Actes Sud, 2016), ouvrage sombre et musical (elle est aussi pianiste) est une synthèse romanesque des grands thèmes qui parcourent son œuvre : musique salvatrice, sentiments sourds (elle est aussi psychanalyste !), fragilité des liens. Herman Koch, très lu aussi en France et traduit dans une cinquantaine de pays (dernier ouvrage : Cher Monsieur M., Belfond), sera là avec d’autres, confirmés ou émergents, comme Thomas Olde-Heuvelt, nouvelle sensation du thriller fantastique (salué par Stephen King), auteur du terrifiant Hex (Bragelone). Le maître du dessin de presse Willem (Libération) ouvrira la voie à des noms moins connus (Judith Vanistendael, Tom Schamp,...).


concours de Claudie Lenzi et Éric Blanco (chevilles ouvrières et fondateurs des Eauditives) à partir de poèmes de Julien d’Abrigeon. Expositions, performances, nous mènent sur les rives de la Palestine (Tarik Hamdan), d’Algérie (Mustafa Benfodil), d’Italie (Viviane Ciampi), d’Israël (Roy Chicky Arad). Les entretiens animés par des journalistes s’attachent aux 100 ans de la mort d’Apollinaire et aux auteurs publiés cette année aux éditions Plaine Page. L’on (re)découvre avec bonheur, au cours de multiples performances, Cédric Lerible, Maxime Hortense Pascal, Serge Pey, auxquels se joindra parfois le saxophoniste Olivier Culoma. Cette confrontation joyeuse des arts apporte un regard aiguisé, sans cesse renouvelé, en une indispensable distanciation où les esthétiques joutent, et nous donnent de nouvelles lectures de notre monde. Ici, ce sont les poètes qui nous parlent de poésie avec une pertinente profondeur. MARYVONNE COLOMBANI

* École Supérieure d’Art de Design Toulon Provence Méditerranée Les Eauditives 17 au 28 mai Divers lieux, Toulon 04 94 72 54 81 plainepage.com PARUTIONS PRÉSENTÉES AUX ÉDITIONS PLAINE PAGE : Je suis d’accord, Natyot, collection Les Oublies, 5€ Suite Apollinaire, Jacques Demarcq, collection Calepins, 10€ P.Articule, Julien d’Abrigeon, collection Connexions, 10€ Rire et gémissements, Tarik Hamdan, collection Connexions 10€ La suite infinie du monde est dans le colimaçon, Béatrice Brérot, collection Calepins, 10€ Bleu autour, Viviane Ciampi, collection Calepins, 10€

La bande dessinée bénéficie désormais d’une place importante dans l’ensemble des propositions. Ainsi, une exposition, Infinity 8, présentera les différents auteurs de cette série éponyme dès le 18 avril à l’Espace Bagouet. La Carte Blanche est offerte à la lauréate du Prix Goncourt des Lycéens, Alice Zeniter (L’art de perdre, Flammarion). Elle invite six écrivains (Jakuta Alikavazovic, Alain Damasio, Pierre Ducrozet, Julia Kerninon, Sylvain Pattieu et, bonne joueuse, Éric Vuillard) avec la réalisatrice Amandine Gay. Lectures et rencontres croiseront ces différentes plumes. Deux éditeurs seront à l’honneur : Sabine Wespieser (8 auteurs invités) et Rue du Monde, qui depuis plus de 20 ans enchante la littérature jeunesse, son fondateur Alain Serre et le dessinateur Zaü en ambassadeurs. L’an dernier, 15 000 livres se sont vendus en trois jours. Un bol d’air et d’idées pour la littérature contemporaine. ANNA ZISMAN

Comédie du Livre 25 au 27 mai Divers lieux, Montpellier comediedulivre.fr


30 festivals danse

Requiem pour L., Alain Platel © Chris Van der Burght

Marseille accueille le monde Pour sa 23e édition le Festival de Marseille se veut plus ouvert que jamais. À tous les publics, à l’Afrique et au monde, à toutes les esthétiques, à la multidisciplinarité, aux habitants de Marseille. Mais surtout à l’avenir ! Entretien avec son directeur, Jan Goossens Zibeline : L’édition 2017 était la première dont vous aviez conçu entièrement la programmation. Quel bilan en avez-vous tiré ? Jan Goossens : Cette première édition a donné l’indication claire et forte que ce nouveau projet peut susciter l’adhésion sur ce territoire. Avoir un impact. Toucher un public populaire comme au Silvain ou dans 100% Marseille, étonner et questionner artistiquement comme le Rito de Primavera ou le spectacle de Julien Gosselin qui ont provoqué des discussions, et l’étonnement. Est-ce que vous avez noté une évolution du public ? Oui, une évolution notable. Nos salles étaient pleines à 87% alors même que nous avons considérablement augmenté le nombre de places mises en vente. Nos recettes de

billetterie ont été clairement au-dessus de nos attentes, qui étaient optimistes ! Mais, plus qu’au niveau quantitatif, le public a également changé dans sa composition : davantage de jeunes, davantage de spectateurs qui viennent voir une ou deux propositions, un nombre important de spectateurs qui viennent pour la première fois, et la billetterie solidaire* qui explose. Nous sommes allés nettement au-dessus des quotas, nous avons financé 400 places supplémentaires sur nos fonds propres pour les gens en situation de précarité, avec plaisir, car cela fait la démonstration éclatante que chacun a besoin de culture et d’art quand il peut y avoir financièrement accès. Il y a eu aussi une forte présence professionnelle, régionale et internationale, correspondant à notre projet : s’ouvrir au monde, s’ancrer à

Marseille, dans la multidisciplinarité. Le Festival 2018 conserve-t-il le même esprit ? Le cadre reste le même, mais nous nous sommes plus fortement engagés dans des coproductions : le montage final de Kirina se fait à Marseille, nous accompagnons Éric Minh Cuong Castaing pour la création de Phoenix depuis 1 an. Notre engagement vis à vis des jeunes artistes du territoire se traduit aussi dans les Mars Lab, des petites formes qui seront présentées aux Bernardines. Nous proposons aussi des séries plus longues, Requiem pour L., de Platel et Cassol, sera joué trois fois au Silo, Kirina, de Serge Aimé Coulibaly et Rokia Traoré, quatre fois en première mondiale sur le Grand Plateau de la Friche : l’important est de faire venir de


31 nouveaux spectateurs, que le bouche-à-oreille fonctionne, même si cela peut faire baisser le taux de remplissage. Le Festival de Marseille reste-t-il un festival de danse ? À l’international on dit que je suis devenu un programmateur de danse, et ici qu’il n’y en a pas assez ! Si le Festival est clairement multidisciplinaire, la part de la danse est prépondérante. Mais il s’agit de danses au pluriel, de mouvement, de corps, dans des esthétiques aussi différentes que celles d’Olivier Dubois, Lisbeth Gruwez, Eko Supriyanto ou Boris Charmatz. Jamais de danse comme discipline académique. Et on débute avec un projet qui n’appartient pas au domaine de l’art vivant mais que je suis très fier de proposer : Domo de Europa est une exposition de Thomas Bellinck, un projet lourd en termes de montage, une première en France portée aussi par le Mucem et MP2018. Sa fiction nous projette dans l’avenir d’une Europe qui revient sur son passé. En fait cette anticipation nous parle de notre présent, de ce que l’on pourrait perdre si on persiste dans le repli actuel, nationaliste et insulaire, en renonçant à construire une Europe unie autour d’autres intérêts que le calcul économique à court terme. C’est passionnant. Du théâtre aussi, avec Jan Lauwers... … et Viviane De Muynck, qui est une grande dame... La Chambre d’Isabella avait marqué Marseille, Jan Lauwers a continué son trajet et aujourd’hui son théâtre qui avait déclenché une vraie révélation fait naître une tenson, très belle, entre rébellion et maîtrise, avant-garde et classicisme. Il vient à Marseille avec un grand texte, Guerre et Térébenthine, adaptation du grand classique de Stefan Hertmans, un roman d’amour durant la première guerre mondiale que les Français connaissent peu. Ce sera au Gymnase, et il y aura aussi du cinéma à l’Alhambra, une conférence de Felwine Sarr, grand penseur de l’Afrique, au Mucem... Et de la musique ! Des musiques, au pluriel aussi, et dans des formes multidisciplinaires. Un concert d’Imhotep et Soly Casey en plein air et en entrée libre Koko Dembelé maître du reggae au Mali en première partie de Jupiter, figure emblématique de Kinshasa. Et puis bien sûr Fabrizio Cassol, qui avec une partie de l’orchestre de Coup fatal et deux chanteurs du Macbeth de Brett Bailey, est allé beaucoup plus loin dans l’adaptation musicale de Mozart. Et la musique de Rokia Traoré dans Kirina, dont le point de départ est l’histoire politique et culturelle de l’Afrique de l’Ouest, de Soundiata Keita, fondateur de l’empire du Mali et symbole d’une gestion démocratique africaine. Dans la tradition mandingue des griots il est question de l’avenir, et de la marche d’un peuple. Sur scène il y aura dix danseurs, six musiciens et une quarantaine de figurants marseillais. Une grande production qui est possible grâce au dispositif ExtraPôle, et dont la création aura lieu à Marseille avant la Ruhr Triennale qui est aussi coproducteur. PROPOS RECUEILLIS PAR AGNÈS FRESCHEL

* La Charte Culture propose 2000 places à 1 € aux personnes en situation de précarité ou de handicap. Un dispositif financé par Arte, la préfecture à l’égalité des chances et toutes les mairies de secteur de Marseille, sauf le 13/14 (maire Stéphane Ravier, FN) et celle du 2/3 (maire Lisette Narducci). Festival de Marseille 15 juin au 8 juillet Divers lieux, Marseille festivaldemarseille.com

Uzès, en quête de danse émergente

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epuis 23 ans, le festival Uzès danse déploie les nouvelles écritures européennes dans les lieux patrimoniaux ou insolites de la cité cévenole. Artiste associé à La Maison CDCN, David Wampach met à profit sa carte blanche pour installer un chapiteau et inviter le public à partager des moments inédits avec son équipe artistique. Des expériences en continu ou en pointillé, depuis l’éveil du corps et de l’esprit à la soirée clubbing avec l’homme orchestre Erwan Ha Kyoon Larcher et le DJ Lebe Mit, en passant par des petits-déjeuners, des ateliers de danse, des filages… pour tous entrer dans le mouvement ! Mouvement qui aura été irrigué dès le 13 juin avec sa pièce Endo où le corps, au centre de l’action dansée, est « à la fois matière, support, sujet et spectateur ». Avant le week-end de clôture, le festival ouvre la boîte de Pandore avec deux soli de la trilogie Choreoversations du brésilien Thiago Granato : Trança qui emmène le corps dans des états de transe et Treasured in the Dark à l’ambiance mystérieuse. Avec The Automated Sniper de l’allemand Julian Hetzel qui use de la forme conférencière pour interroger les nouvelles formes de violence et Le jour de la bête, portrait de groupe de la barcelonaise Aina Alegre. Côté scène française, Malika Djardi met en dialogue dans 3 le vivant (le corps) et l’inerte (un monolithe), Fabrice Ramalingom joue les briseurs de genres en croisant hip-hop et danse contemporaine (Nós, tupi or not tupi ?), Olivier Muller convoque les gestes et les postures d’un soulèvement dans sa création 2018 HooDie, Emmanuel Eggermont creuse la question de la cité à la manière d’un archéologue (Polis). À la croisée de la France et des États-Unis, Bryan Campbell se fait rédacteur en chef de la « revue performative » Marvelous. Formes émergentes et approches expérimentales sont la colonne vertébrale de ce festival qui agrège spectacles, expositions, ateliers, tables-rondes, projections, rencontres, pique-niques et surprises diverses… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Uzès danse 13 au 17 juin 04 66 03 15 39 lamaison-cdcn.fr Le Jour de la Bête, Aina Alegre © Laurent Philippe


32 festivals spectacles

Chaperon rouge pour enclos humain Après les terrains de sports et les cours d’école maternelle, le collectif ERD’O investit les parcs et jardins publics avec un Chaperon rouge aux allures de safari introspectif

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e conte du Chaperon rouge fait partie d’un patrimoine commun, qui transcende époques et continents. Pour en retrouver l’essence, Edith Amsellem a choisi de piocher dans des versions non expurgées issues de la tradition orale, quelques siècles avant le happy end consacré par les frères Grimm. « Viol, pédophilie, gérontophilie, cannibalisme, scatologie et fétichisme y sont réunis en un cocktail explosif ! » commente la directrice artistique du collectif ERD’O, passée experte dans l’art d’ausculter les plus troubles relations humaines, après ses audacieuses relectures de Gombrowicz et de Laclos. Comme la metteuse en scène a aussi le goût de l’espace public, elle invente cette fois une inédite scénographie tissée

© Edith Amsellem

de rouge… pour espaces verts. Un véritable enclos de jeu, parquant cinq comédiens menant quatre parcours différents, sur deux sessions répétées en boucle. Quasi-muséographique, cette « installation vivante » donne la parole au chaperon et à son ascendance -mère et grand-mère. « Il ne s’agit pas d’un spectacle anti hommes ! », précise Edith Amsellem. « La figure du loup y est polymorphe. Il embrasse tour à tour les figures masculines que fantasme

chacune de ces générations : l’homme idéal de la grand-mère, de la mère, d’un chaperon hétérosexuel, et d’un chaperon bisexuel ».

Conjurer les peurs collectives Le loup s’y fait peu à peu l’allégorie d’une virilité prédatrice, une figure récurrente dans l’univers du collectif ERD’O -Valmont dans Les liaisons dangereuses, ou le Prince d’Yvonne, princesse de Bourgogne. L’animalité est ici

© Olivier Quéro

La non-demande en mariage

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n connaît le principe du speed dating, ces rencontres ultrarapides qui se déclinent sous diverses formes : même les chercheurs s’y mettent pour transmettre un fragment de leur savoir (lire à ce sujet notre article Quelle science veut-on ? sur journalzibeline.fr). Mais qui sait où est née cette pratique ? Il s’agit d’une méthode créée par un rabbin américain dans les années 1990, pour promouvoir les mariages intracommunautaires en mettant en contact successivement, durant quelques minutes, des célibataires compatibles. Son efficacité étant basée sur une première impression fugace, la félicité du futur couple n’est évidemment pas garantie... Le metteur en scène Laurent Brethome, considérant manifestement qu’elle pouvait être améliorée et rendue plus corrosive encore, l’adapte au « mode de vie urbain contemporain : décadence, vitesse, surconsommation, mensonge et dépression ». Le speed dating devient Speed LevinG, un projet franco-israélien mené avec l’École Régionale d’Acteurs de Cannes et Marseille et le Nissan Nativ Acting Studio de Tel Aviv. Cinq étudiants de chaque structure ont travaillé ensemble sur quatre textes du dramaturge Hanokh Levin, Une mouche, Être ou ne pas être, Que d’espoir, et Parce que moi aussi je suis un être humain. En y intégrant des chansons, pour produire un cabaret bilingue, français/hébreu, où l’ironie (dé-)frise la cruauté. Il est précisé qu’à l’issue de chaque soirée, les organisateurs


LES 25 ET 26 MAI transcrite par la corporalité du danseur performer Yoann Boyer, un être hybride nourrissant une relation quasi chamanique à la nature, apte à embrasser d’un même élan les arbres, la terre et les femmes. Les comédiennes sont pour certaines des fidèles du collectif ERD’O, telle Anne Naudon, qui campa dès 2012 une inénarrable Merteuil, puis la Reine de Gombrowicz en 2015 ; ou encore Laurène Fardeau, sortie de l’ERAC en 2013, qui endossa le rôle d’Yvonne. Chacune porteuse d’un pan de l’histoire du féminisme, elles en transcrivent les enjeux aux étapes clés de la vie d’une femme. Déambulant autour de l’espace de jeu, le public pourra y suivre l’histoire par le prisme successif de chacun de ces personnages, « comme au musée… ou au zoo ! », s’amuse Edith Amsellem, qui s’est toujours repue de mises en abyme autour du statut du spectateur-voyeur. En marge des représentations, l’action artistique Broder la ville utilise les équipements urbains -grillages, barrières…- comme autant de trames de canevas, prompts à accueillir en écarlates lettres capitales des phrases issues d’ateliers d’écriture : « Je veux être au sommet du vide » dominant Marseille depuis les quartiers Nord, « J’aimerais ne plus rougir » en face du Théâtre du Merlan… En jetant en pâture ces peurs collectives aux yeux du monde, il s’agit toujours pour Edith Amsellem de « trouver un écrin pour que la proposition artistique résonne plus fort. »

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AU PROGRAMME : CIRQUE, THÉÂTRE, MARIONNETTES, LECTURE ET CONFÉRENCE JEUNE PUBLIC

Propositions à 6€ et en entrée libre www.theatremassalia.com

JULIE BORDENAVE

FRICHE LA BELLE DE MAI

J’ai peur quand la nuit sombre 23 au 26 mai Théâtre du Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org

Salagon, musée et jardins à Mane, Alpes de Haute-Provence

Rendezvous aux Rendezjardins vous

mettront en fuite les participants qui souhaitent se revoir mutuellement : l’objectif est d’aboutir à des mariages qui ne verront jamais le jour. L’œuvre sera créée début juin à l’Institut Méditerranéen des Métiers du Spectacle (Friche la Belle-de-Mai, Marseille), avant de continuer sur son élan. Elle sera notamment présente à Cannes le 16 juin (Théâtre La Licorne), et cet été, dans le cadre du Festival d’Avignon, à La Manufacture (16 & 17 juillet, puis du 20 au 26).

2 et 3 juin2 et 3 2018 juin

GAËLLE CLOAREC

16 juin Théâtre de la Licorne, Cannes 04 89 82 20 95 cannes.com 17 au 26 juillet La Manufacture, Avignon 04 90 85 12 71 lamanufacture.org

Design graphique : Chevalvert

2018 Design graphique : Chevalvert

Speed LevinG 7 au 13 juin IMMS, Marseille 04 95 04 95 78 eracm.fr

aux jardins

La Méditerranée, un jardin à ciel ouvert Conférences, animations, spectacles, visites guidées, espaces artisans et producteurs

Tarif : 4€ par jour - Gratuit pour les moins de 6 ans À partir de 14h le samedi, de 10h à 19h le dimanche www.musee-de-salagon.com Retrouvez-nous sur


34 festivals théâtre rue

Le Printemps sera chaud à Montpellier

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oilà, on y est, cette année le Printemps des Comédiens est passé du côté de Montpellier Méditerranée Métropole, après de longues tractations avec le Département, initiateur du festival en 1987, pour une répartition des compétences respectant la loi NOTRe. Un changement dont il est de bon ton aujourd’hui d’annoncer qu’il s’est fait dans la continuité et la concordance, l’ensemble des parties (État, Département et Métropole, donc) se félicitant des « remarquables et exceptionnelles relations entre tous » (Bernard Travier, vice-président de la Métropole, délégué à la Culture). Les dissensions ont été mises en sourdine. Le Département reste le principal partenaire financier, avec 1,2 million d’euros versé, et Jean Varela vient de quitter ses fonctions de directeur artistique de l’EPIC Hérault Culture pour se consacrer pleinement à son poste de directeur du festival*, qu’il occupe depuis 2011. Un geste fort, qui répond à la demande de Jean-Claude Carrière, président historique du Printemps : développer le festival, devenu depuis quelques années l’un des plus importants dans le domaine des arts vivants. Étalée sur la totalité du mois de juin, la programmation compose un savant dosage

Le Procès, de K. Lupa © Magda Hueckel

de créations, de spectacles internationaux présentés en premières françaises, de pièces récentes en tournée, de compagnies régionales mises au premier plan, de chantiers de spectacles en cours de création... L’ouverture sera polonaise, et donnera le ton : politique, foisonnant, inventif, inquiétant et inspirant : Le Procès mis en scène par Krystian Lupa,

5 heures de spectacle, 17 comédiens, pour un voyage entre fiction et réalité, dans un temps qui traverse les époques. La déambulation, rendez-vous traditionnel du festival, sera feuilletonesque. Le Collectif 49701 reprend le flambeau avec Les Trois mousquetaires, version série. Trois épisodes (deux représentations en intégrale, 7 heures !) à suivre, au sens propre

Nature et culture

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epuis 2013 il est un rendez-vous que l’on ne s’avise pas de rater dans les HautesAlpes : fêter l’arrivée des beaux jours lors du festival Tous dehors (enfin) ! Aussi le premier weekend de juin convergeront vers Gap les amateurs d’arts de rue de qualité, ravis de retrouver l’ambiance chaleureuse qui caractérise la manifestation, portée par l’équipe du Théâtre La Passerelle. L’an passé, malgré une pluie diluvienne survenue au mauvais moment, 21 000 spectateurs ont pu apprécier les spectacles. Croisons les doigts pour que cette année la météo soit favorable, car de belles découvertes attendent petits et grands.

Rêves éveillés À commencer par une spectaculaire lune flottante de sept mètres de diamètre, conçue par un plasticien anglais, Luke Jerram, à partir d’images de la Nasa. Éclairée de l’intérieur,

avec les airs de trois musiciens (Collectif FredandCo, même lieu, les 1er et 2 juin).

Spectacles caustiques Parmi les propositions plus « musclées » du festival (nos préférées), on ne saurait trop vous conseiller de courir voir La jurassienne de réparation, hilarante session de mécanique auto, une affaire de famille vraiment « en marge du commerce international ». Il faudra aussi découvrir le specMiss Dolly, Marcel et ses drôles de femmes © Xavier Alvarez tacle solo de Jean-Marc Royon elle invite à la rêverie, comme si l’astre était et son personnage d’alcoolique gouailleur, descendu jusqu’à nous (tous les soirs, au parc pour mesurer sa performance à l’aune de de La Providence). En journée, il sera d’ailleurs celle de Christophe « Garniouze » Lafargue, possible d’entrer soi-même en apesanteur, sur venu en 2014 et inégalé depuis. Ainsi que un tapis volant, avec Le Manège du Contrevent Maure Aura de l’Association Des clous, de de la Cie Grandet Douglas, installé sur les et avec Véronique Tuaillon. Clown ayant pelouses. Autre « féérie lumino-poétique », un beaucoup fréquenté les hôpitaux, elle sait champ de coquelicots géants qui s’éveillent à de quoi elle parle quand il s’agit de mener la tombée de la nuit, pour entrer en résonance un ardent combat pour la vie.


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Au vert sous les platanes du terme, dans les allées du Domaine d’O. Le spectacle des élèves de l’ENSAD est aussi un moment attendu chaque année depuis la présentation mémorable par Richard Mitou d’un texte de Jean-Luc Lagarce en 2011. Cette année, 10 comédiens de la promotion 2018 pour 4 pièces et 4 metteurs en scène : 4 X 10. Amélie Enon, François-Xavier Rouyer, Stuart Seide et Gildas Milin croiseront les approches et multiplieront les univers textuels. Le reste de la programmation annonce un mois de juin où le théâtre sera à son plus haut niveau. Macbettu, spectacle en Sarde d’Alessandro Serra, Le Faiseur de théâtre par André Engel, Hate, écrit, mis en scène et joué par Laetitia Dosch et le cheval Corazon (scénographie Philippe Quesne), Jean-François Sivadier qui recrée son Italienne scène et orchestre ; beaucoup d’autres encore, et finalement, et bien, On s’en va (texte Hanokh Levin, mise en scène Krzysztof Warlikowski). ANNA ZISMAN

* Il prendra ses fonctions à temps plein au Printemps des Comédiens à compter du 1er juillet 2018. Kléber Mesquida, président du conseil départemental de l’Hérault, a souhaité que Jean Varela poursuivre cependant la programmation « Théâtre » de l’EPIC Hérault Culture (sortieOuest). Le Tour complet du coeur © Jean-François Gaultier

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Printemps des Comédiens 1er au 30 juin Domaine d’O et autres lieux, Montpellier 04 67 63 66 67 printempsdescomediens.com

Acrobaties Comme toujours, les circassiens seront largement représentés à Gap. Fanny Soriano revient avec Silva, œuvre de danse-voltige inspirée par la nature préservée du Domaine de Charance. D’Espagne nous arrive un dompteur de mât, Joan Català. Les quatre équilibristes de La mondiale générale seront présents, avec leurs bastaings, lourds blocs de bois aux dimensions variables. Ainsi que l’équipe de Marcel et ses drôles de femmes, quatuor d’acrobates issu du Centre National des Arts du Cirque de Châlonsen-Champagne. Ou encore Monsieur O, qui régalera le jeune public avec sa maîtrise ludique du hula hoop. Bien-sûr, on va regretter de ne pas revoir le superbe Slow Park, clou de l’édition 2017 avec ses escargots-acrobates (qui avaient adoré le temps pluvieux), mais il faut se faire une raison, et comprendre qu’il n’est pas possible de les inviter chaque année. Le reste de la programmation vaut tellement le détour qu’un caprice serait malvenu !

e théâtre forain de Gilles Cailleau installera son chapiteau, ses caravanes et sa yourte Kirghize dans la cour du 3bisf, à l’ombre des platanes, du 23 mai au 3 juin. L’occasion pour le public du lieu d’arts contemporains, et les habitants du centre hospitalier Montperrin, de (re) découvrir les spectacles de sa compagnie Attention fragile, participer aux ateliers et partager un peu leur vie de nomades. Invités par le 3bisf et les Amis du Théâtre Populaire d’Aix-en-Provence, Gilles Cailleau et sa troupe débarqueront en fanfare pour lancer l’apéro d’ouverture qui donnera le ton des autres rendez-vous : forcément festifs, clownesques et conviviaux ! Gilles Cailleau, le « garçon de théâtre » comme il se définit lui-même, a concocté un programme au maillage fin et serré : sept représentations de son plus grand succès, Le Tour complet du cœur qui, en 37 comédies, tragédies et tragi-comiques, fait entendre toutes les pièces de Shakespeare ; trois représentations de Tania’s Paradise sur une micro-scène circulaire propice aux confessions de la jeune femme ; quatre séances de l’atelier « Le clown nous invite à sortir des sentiers battus » pour que naissent l’émotion du jeu et de la rencontre ; trois séances de « Tea-time aériens » ou comment faire l’expérience des agrès aériens sous la férule de la comédienne, danseuse de tango et circassienne Hadas Lulu Karen, interprète de Tania’s Paradise. Le tout ponctué d’impromptus, d’apéros aériens, de brunchs ouverts à tous et pour tous. Des propositions fidèles à la mission d’éducation populaire et d’école du spectateur des ATP qui œuvre à la rencontre du public avec les artistes, une équipe, une démarche, un univers. En sortant les spectacles du cadre du théâtre pour les déplacer dans un lieu de vie et de création, le 3bisf et les ATP font honneur à la compagnie de théâtre itinérante qui, depuis 1999, préfère rêver à ciel ouvert que ronronner dans une salle obscure. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

GAËLLE CLOAREC

Tous dehors (enfin) ! 1er au 3 juin Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu

Théâtre forain 23 mai au 3 juin 3bisf, Aix-en-Provence 04 42 16 17 75 3 bisf.com


36 festivals

1001 Nuits sous les auspices du GR2013 À l’occasion de MP2018, le Bureau des Guides poursuit l’activation artistique de son GR2013. La saison 2 des 1001 Nuits propose 7 événements à l’échelle de la métropole

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ans le hall du 152 La Canebière, investi depuis octobre par le Bureau des Guides du GR2013, les moustiques se réduisent en confit pour agrémenter une confiture, ou se font houspiller par de vindicatifs Playmobil. Cette mini-exposition, venant en écho à la soirée Les Animaux ont la parole du 28 avril dernier au camping Marina Plage de Vitrolles, s’inscrit dans la pléthorique programmation imaginée par le Bureau des Guides dans le cadre de MP2018 : 21 propositions sur 7 mois à échelle de la métropole. 1001 Nuits est le premier événement d’envergure depuis le révélé du tracé du sentier en 2013, cette désormais célèbre boucle se croisant à Aix, pour rayonner autour des deux espaces naturels

1001 Nuits - Bureau des guides du GR 2013 © Caroline Dutrey

que sont le Massif de l’Étoile et l’Étang de Berre. Fidèles au postulat du GR2013, les 1001 Nuits proposent de « jouer avec le paysage, le mettre en perspective, en profondeur, pour regarder et ressentir différemment ce qui nous entoure », nous explique Loïc Magnant, coordinateur de la production. Toujours, les propositions artistiques se pensent en écho à un contexte et se maillent avec les acteurs locaux. De février à avril, la Saison 1 faisait

la part belle à l’arpentage sensoriel : visite gustative du paysage avec le Collectif SAFI, Trekdanse de Robin de Courcy, balade littéraire avec la Folie Kilomètre…

Déclamer son amour au paysage Jusqu’en juin, la saison s’articule autour des Corps métropolitains, pour en appréhender l’organicité. Au pied de la Sainte-Baume le

Clowns toujours

Garden party, Cie N°8 © Béa-Gillot

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our la 13 fois, le festival Tendance clown, porté par le Daki Ling, aura lieu à Marseille. Le nom de cet ancien monastère médiéval devenu tour à tour jeu de paume, école de musique ou salle des ventes signifie « Jardin des Muses » en sanskrit. Espérons qu’elles présideront encore longtemps aux destinées de l’association City Zen Café, qui e

gère le lieu et la manifestation, malgré un remaniement dans l’équipe et des difficultés budgétaires. L’édition 2018 annonce en effet, en raison de l’évolution des contraintes de sécurité dans l’espace public (et de leur coût), « moins de parcs, moins d’extérieur, moins de gratuit mais toujours la crème de l’expression du clown

d’aujourd’hui ». Les tarifs iront de 6€ à 15€ la place, et le festival, qui investissait volontiers les pelouses du Palais Longchamp ou les places du quartier Noailles, se déplacera vers d’autres lieux. L’Hôpital de la Timone, par exemple, dès l’ouverture le 11 mai : Le Rire Médecin, association qui forme et emploie des clowns hospitaliers dans les services pédiatriques, y fêtera sous la forme d’un cabaret ses 15 ans de présence. Taillé sur mesure pour les petits patients, leurs proches et le personnel soignant, il est gratuit et ouvert au public. Le Théâtre Nono sera aussi de la partie, en ouvrant ses portes à la faramineuse Compagnie n°8. Lors d’une Garden party mémorable, le 19 mai, neuf comédiens emmenés par Alexandre Pavlata brocarderont l’aristocratie avec le regard de « sociologues du superflu ». Le 23 mai, on se rendra au Centre pénitentiaire des Baumettes, pour un « spectacle d’erreur qui fait peur (…) avec des illusions et beaucoup de promesses » assuré par Frédéric Blin, que l’on connaît pour son travail avec les Chiche Capon et les Clowns sans frontières. Parmi les autres propositions, on retiendra


37 19 mai, le musicien électro Stéphane Massy proposera une création musicale imaginée avec des détenus, à l’issue d’une semaine de résidence dans le parc départemental de Saint-Pons. À Cabriès le 12 juin, Hendrick Sturm plongera dans la mémoire de la présence militaire américaine sur le plateau de l’Arbois. À Gardanne le 17 juin, l’urbaniste gonzo Nicolas Mémain et le Collectif Etc narreront l’histoire du Puis Morandat, dernier site minier construit dans le sud de la France… Chaque événement se ponctue par le rituel du Coucher du soleil, invitant le public à déclamer son amour au paysage via un haut-parleur géant. Le Bureau des Guides profite également de l’événement pour affiner le concept de son GR, en l’asseyant comme un véritable équipement culturel de coopération : « De Vitrolles à Aubagne en passant par Martigues, Miramas, Marseille ou Aix-enProvence, le sentier opère le lien géographique entre les principales structures culturelles du territoire », souligne Loïc Magnant. « Nous souhaitons coopérer avec les acteurs culturels qui jouxtent son tracé : nous les aidons à sortir de leurs murs en amenant une curiosité envers le paysage, eux soignent la rencontre avec le public, c’est une belle complémentarité. » Ainsi, la coproduction effectuée avec le GMEM le 5 mai, qui a présenté sa nouvelle création Pétrole sur la base d’aéromodélisme d’Aix. Le Bureau continue également de bûcher sur les « Hospitalités du GR », projet de structures éphémères permettant d’habiter littéralement le sentier. En septembre prochain dans le Parc de l’Arbois sera inauguré le Rocher, un observatoire du paysage construit par les collectif SAFI, Etc et Geoffreoy Mathieu.

Recette sucré-salé à Gardanne

JULIE BORDENAVE Lalita © Paul Evrard

1001 Nuits, saison n° 2 jusqu’au 30 juin gr2013.fr/1001-nuits

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particulièrement le solo de Marie-Magdeleine, qui raconte une Histoire de fous avec son G.R.A.I.N., « Groupe de Réhabilitation après un Internement ou N’importe quoi ». Rien de tel que la vision décalée de cette actrice venue du théâtre de rue pour remettre en question le jugement porté sur les troubles mentaux (le 24 mai, au Daki Ling). Elle sera aussi sur scène le lendemain soir, avec Clara Gasnot et Camille Durand-Tovar, pour recracher leurs histoires d’amour mal digérées. Sans oublier les spectacles programmés à La Friche ! La structure de la Belle de Mai accueillera le 26 mai les circassiens de La Mondiale Générale (voir p 70), les acrobates et la structure métallique « art nouveau » de la Cie Les p’tits bras, un prophète teinté d’hémoglobine (Cie Du grenier au jardin), et enfin le Détachement international du Muerto Coco, tout juste sorti de résidence à la Cité des arts de la rue (voir p 69). Pour conclure ce festival, Tendance Clown intègre la programmation des Dimanches de la Canebière, le 27 mai, avec la Cie Kartoffeln en mode « on va à la plage » sur le parvis du Lycée Thiers, avant un retour au bercail en compagnie de Marc Prépus et Viktor French, musiciens... mais pas que.

’est en goûtant aux saveurs des cuisines du monde, en dansant aux rythmes des musiques du monde et en découvrant la richesse artisanale du monde que l’on œuvre à créer ou à entretenir l’amitié entre les peuples. La Ville de Gardanne l’a bien compris qui organise les 18 et 19 mai la manifestation Arts et Festins du monde pour « montrer une fois de plus que nos différences culturelles traduisent nos similitudes ». Du rond-point de la gare jusqu’à la mairie, en passant par l’office de tourisme, l’esplanade de l’église et le cours Forbin, l’espace public se transformera en une gigantesque scène à ciel ouvert avec les Chroniques formosanes (danse), Fast Bastard Gang Band (Bohemian groove), Zahaar (musique orientale), Africa Tiékala (déambulation au rythme des djembés), The Grasslers (folk), Bekar (chanson groove aux accents Yiddish) et Lalita (Christina Rosmini, chanson méditerranéenne). Mais aussi en halle gourmande pour picorer les spécialités de Bretagne, du Mexique, de Grèce ou du Liban. En marché forain pour promouvoir les créations artisanales des cinq continents. En ludothèque géante pour accueillir familles et enfants le temps d’un atelier musical ou d’un nouveau jeu à expérimenter. Enfin, à la mi-temps du parcours saltimbanque, Gardanne installera un espace solidaire et équitable qui regroupera les associations engagées dans des actions de solidarité ou de développement durable. M.G-G

GAËLLE CLOAREC

Tendance Clown #13 11 au 27 mai Divers lieux, Marseille 04 91 33 45 14 dakiling.com

Arts et festins du monde 18 et 19 mai Divers lieux, Gardanne 04 42 65 77 00 ville-gardanne.fr


38 festivals musiques

Tous au bistrot ! Scènes de Bistrots veut bouleverser le rapport des populations rurales avec la culture

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epuis le 27 avril et jusqu’au 26 mai deux compagnies régionales sillonnent les villages reculés des de la région ProvenceAlpes-Côte d’Azur, pour 18 représentations, précédées d’un repas (de 18 à 25€). Le dispositif Scènes de Bistrots s’appuie sur le réseau des Bistrots de pays, ces établissements, souvent derniers commerces des villages, qui permettent aux communes reculées de rester en vie. Pour être labellisés les Bistrots doivent être ouverts toute l’année, et présenter une multiplicité de services, bar et restauration, mais aussi souvent épicerie, Internet, voire

La Fabia © Juan Conca

cantine scolaire et portage aux personnes dépendantes... Ils doivent aussi proposer des informations touristiques, une restauration de terroir reposant sur des circuits courts, et une programmation festive et culturelle. Le label existe depuis 25 ans et la région PACA regroupe 50 établissements, soit un quart des Bistrots de France. Ce réseau essentiel pour la vie des territoires ruraux a la possibilité, 2 fois par an et hors saison estivale, d’accueillir des artistes :

la Région produit 30 représentations de 4 spectacles, 2 au printemps dans le 06, 84 et 83 et 2 en automne dans les 04 et 05, pour un budget annuel de 70 000 €. L’organisation et le soutien technique sont mis en place par la Régie culturelle, et les Bistrots participent aussi aux cachets des artistes. La formule, qui permet également de soutenir la création régionale, existe depuis 4 ans. 20% du public assiste à un spectacle pour la première fois, et 30% du public pousse, aussi pour la

Brillant miroir du Festival d’Aix

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n entendra trois concerts à l’Abbaye de Silvacane : Messe du Pape Marcel de Palestrina, par l’Ensemble Les Voix

animées de Luc Coadou (15 juin) ; Françoise Atlan et le Chœur amateur Ibn Zaydoun et de sensuels Chants d’Amour (16 juin) ; Viva Amore par les chanteurs de la Résidence Mozart de l’Académie du Festival d’Aix : Mozart toujours (16 juin). Trois concerts des Lauréats HSBC de l’Académie se poseront à l’Hôtel Maynier d’Oppède : le Trio Sōra, avec une œuvre du compositeur portugais contemporain Vasco Mendonça (22 juin) ; le duo piano/chant (Florian Caroubi/Andreea Soare) dans les captivantes mélodies du Cacher la profondeur - Théâtre impérial de Compiègne © Patrick Delicque

Le Festival Aix en Juin est devenu un événement artistique majeur, prélude du prestigieux Festival d’Aix qui fête ses 70 ans

roumain George Enescu (26 juin) ; le récital d’Alphonse Cemin, au piano, dont les très contemporaines Shadowlines du britannique Georges Benjamin (27 juin). Le Palomar Trio enflammera aussi l’Hôtel Maynier d’Oppède, grâce aux mélanges de sons improbables de la mandoline électrique de Patrick Vaillant, du tuba de Daniel Malavergne et de la batterie de Frédéric Cavallin (28 juin). Un concert et Prix Gabriel Dussurget rendra hommage au premier Directeur du Festival d’Aix (1948), incroyable découvreur de jeunes artistes lyriques : Krzysztof Baczyk donnera un récital le 30 juin au Conservatoire Darius Milhaud, avant de recevoir ce prix. Des spectacles illumineront aussi cette édition : La Nuit d’Antigone, écritures contemporaines de femmes en Méditerranée, poèmes syriens, turcs, égyptiens... mis en musique, soutenus par le chant vibrant et le ùd de Moneim Adwan (9 juin au Conservatoire Darius Milhaud) ; Du Chœur à l’ouvrage, opéra contemporain pour enfants de Benjamin Dupé, avec la Maîtrise des Bouches-du-Rhône (13 et 14 juin au GTP) ; Cacher la profondeur, autour des opéras de Richard Srauss et de sa


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18 première fois, les portes des Bistrots ! Le dispositif facilite donc la mixité et la vie culturelle rurale, avec des propositions artistiques étonnantes : ainsi l’an dernier c’est une danseuse indienne qui a fait vibrer Saint-Roman-de-Malegarde (voir journalzibeline.fr) et les propositions 2018 sont tout aussi exigeantes et ouvertes THÉÂTRE / CLOWN LES ÉCHAPPÉES sur le monde. Czardas Princesse réunit trois musiciens d’exception : le violoniste virtuose Yardani Torres Maïani, le guitariste de jazz Engé Helmstetter et l’accordéoniste Sorin Andreescu, pour un programme alliant répertoire tzigane, musique hongroise, swing et klezmer, mais aussi Brahms et Piazzolla, enLeandre explorant MAR 22 MAI 19:00 PEYRUIS les liens entre les folklores et les musiquesMER savantes... Acento 23 MAI 19:00 ST-MARTIN-LES-EAUX LE CHAFFAUT-ST JURSON JEU 24 MAI Flamenco réunit la danseuse La Fabia, Jesus de19:00 la Manuela VEN 25 MAI 19:00 CHÂTEAU-ARNOUX-ST-AUBAN (chant) et Antonio Cortès (guitare) pour un flamenco traditionnel, enflammé, inventif. Les bistrotiers jouent le jeu, et servent tortilla, gaspacho et paëlla !

MAI JUIN

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MAI JUIN

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THÉÂTRE / CLOWN LES ÉCHAPPÉES

RIEN À DIRE RIEN À DIRE RIE Leandre MAR 22 MAI 19:00 PEYRUIS MER 23 MAI 19:00 ST-MARTIN-LES-EAUX JEU 24 MAI 19:00 LE CHAFFAUT-ST JURSON VEN 25 MAI 19:00 CHÂTEAU-ARNOUX-ST-AUBAN

PRÉSENTATION DE SAISON 2018-2019

PRÉSENTATION DE SAISON 2018-2019

AGNÈS FRESCHEL

Czardas Princesse le 11 mai à Peillon (06), le 12 à Beuil (06), le 18 à Saint-Roman-de-Malegarde (84), le 19 à Moissac-Bellevue (83), le 25 à Saint-Martin-de-Pallières (83), le 26 à Murs (84)

Deux soirées en compagnie de quelques artistes invités

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LES EAUDITIVES

arts & poésies

TOULON 17 18 23 24 25 26 27 28 MAI

YVES BERGÉ

Aix en Juin 9 juin au 3 juillet Divers lieux, Aix-en-Provence 08 20 922 923 festival-aix.com

Deux so

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10e correspondance avec le librettiste Hugo Von Hofmannsthal, par les artistes de l’Académie du Festival (20 juin à l’Hôtel Maynier d’Oppède). Le Concert final des musiciens de la Résidence Mozart de l’Académie donnera à entendre les Airs et ensembles de Mozart (23 juin à l’Hôtel Maynier d’Oppède). Les répétitions d’opéras donnés lors du Festival d’Aix, ouvertes au public, seront l’occasion d’une immersion avec des artistes invités sur le plateau de l’Archevêché, du GTP, du Jeu de Paume pour retrouver les chefs-d’œuvre Didon et Enée, L’Ange de Feu, Ariane à Naxos, La Flûte Enchantée, et découvrir l’opéra contemporain Seven Stones du tchèque Ondřej Adámek. À noter aussi, le parcours urbain présentant Orfeo & Majnun, prologue à l’opéra conçu par Airan Berg qui se déroulera le 8 juillet : performances, fanfares et chants réuniront tous les interprètes de ce projet participatif (24 juin sur le Cours Mirabeau). À côté du septuagénaire voisin, aux prix souvent inabordables pour un public modeste ou les étudiants, Aix en Juin propose des prix attractifs, la découverte de jeunes talents, l’ouverture vers la création et l’innovation : pass à 20€ donnant droit à toute la programmation, billets à 5€, gratuité pour les moins de 30 ans ! Rare dans la région en cette période... festivalière !

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Deux soirées en compagnie de quelques artistes invités et de notre équipe. N’oubliez pas de réserver, à partir du 1er juin. [nombre de places limité] 19 + 20 JUIN 19:00

et de notre équipe. Acento Flamenco N’oubliez pas de réserver, à partir du 1er juin. le 11 mai à Saint-Antonin-du-Var (06), le 12 à Caseneuve [nombre de place limité] (84), le 18 à Oppède (84), le 19 à Beaumettes (84), 19 + 20 JUIN 19:00 le 25 à Sauze (06), le 26 à Beuil (06)

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40 festivals musiques

Oasis musicale

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e terme de Caravansérail n’est pas sans évoquer l’Orient, celui fascinant des Mille et une Nuits. Rendez-vous des marchands au cours de leurs longs voyages, le lieu est imprégné des senteurs d’épices, de musc, vibre des couleurs chatoyantes des étoffes précieuses, s’emplit de récits fantastiques et de musiques venues des quatre coins du monde. Échanges, partages, foisonnement envoûtant d’une myriade de genres, de rythmes, de cadences… délices sans nombre du cosmopolitisme, de l’accueil, de la générosité. Deux jours précieux se parent de ce terme et nous invitent dans l’écrin du Théâtre Silvain, à l’invitation de la Cité de la Musique, de Arts et Musiques, de la Maison du Chant et de MCE Production/L’éolienne. Temps d’écoute des échos de la planète avec des formations toutes œuvrant à Marseille et dans la région, Caravansérail, festival des musiques du monde, fort du succès de l’an passé, renouvelle son pari avec des artistes de haut vol. Internationaux, les musiciens de la Tit’ Fanfare mêlent influences

Les dames de la Joliette © Mangaretto

orientales, indiennes, africaines, balkaniques, américano latines, en mélodies épicées et bouillonnantes. Le Duo Luzi-Nascimento entrelace guitare et mandoline en délicates compositions instrumentales et chantées inspirées du choro de Rio de Janeiro, du forro dansant ou du frevo de Recife, soutenus par les percussions de Wander Pio. Palette irisée de

sens que celle des Dames de la Joliette (à lire sur journalzibeline.fr), les cinq interprètes arpentent la Méditerranée par des chants qui rendent hommage à la poésie écrite par les femmes, bouleversantes de justesse, de rythmes, d’originalité. Départ pour les Balkans avec Aksak qui évoque dans son 7e album une Europe Orientale où la danse jubile, où

Roger Raspail © Willy Vainqueur

Le printemps joute à Correns

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yez, oyez ! La nature bourdonne, les fleurs éclosent, les fruits se forment, les champs reverdissent, tout embaume, respire, zinzinule, bourdonne, bruit, frémit, palpite. Et les musiciens entre frettes, peau de tambours, cordes, anches, bois, taillés, sculptés, creusés, limés, s’apprêtent, vocalises

et rythmes, à fêter le renouveau des Joutes musicales de Correns. Un festival parmi tant d’autres ? Que nenni ! Il n’est pas question de rassembler sur un temps donné une série de concerts, si intéressants soient-ils. La démarche du Chantier, structure organisatrice, ne se contente pas d’un rituel printanier,

le festival rend visible l’intense travail de recherche et de création qui s’échelonne sur l’année entière, et offre un espace aux diverses formations qui ont œuvré, réfléchi, composé, réorchestré, remodelé, analysé, techniques, pratiques et répertoires. Il s’agit de faire un point sur ce que l’on a coutume d’appeler « musique du monde », de lui rendre justice. « Les musiques d’essence patrimoniale ont des choses intéressantes à nous dire, participent à la construction mentale des peuples… Il y a un rapport étroit entre nature, culture, cosmos dans ces musiques qui construisent et transmettent », rappelle Franck Tenaille, programmateur et conseiller artistique du Chantier (Centre de création des musiques traditionnelles et du monde). À l’heure où l’on se tourne vers l’écologie, « les sociétés humaines ont pris acte depuis longtemps de la nécessité de ne pas séparer la nature et la culture mais de les féconder l’une par l’autre ». Véritable poumon dans le territoire rural de la Provence Verte, les activités du Chantier insufflent une vraie dynamique de création à travers les résidences d’artistes. L’aspect pédagogique est aussi essentiel


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Country music... les musiques traditionnelles jouent de l’improvisation et de la création contemporaine… Autre approche des musiques tziganes avec le groupe Nova Zora, qui hante Bulgarie, Hongrie, Russie, et cultive nostalgie et esprit de fête avec ses quatre musiciens et trois chanteuses. Le Duo Maria Mazzotta (voix) et Bruno Galeone (accordéon) s’immisce dans le répertoire des Pouilles, avec un travail méticuleux de recherche, et s’empare des répertoires méditerranéens avec une verve virtuose, en dépoussiérant, parfois avec humour, les traditions. Plongée dans l’Afrique du Sud, portée par la langue natale de Mandela, le Xhosa, grâce à Sibongile Mbambo : la terre des ancêtres frémit d’histoires où spiritualité et humanité se fondent. Enfin, les sonorités traditionnelles de l’Afrique du Nord, du jazz, des harmonies latines, turques, tziganes de Fanfaraï Big Band et ses douze musiciens nous donneront à parcourir le globe en une conversation stimulante des instruments issus de toutes les cultures. Leur dernier disque (sortie le 27 avril) Raï is not dead, renvoie à une parole libre, émancipée des conservatismes sclérosants. MARYVONNE COLOMBANI

Caravansérail 15 & 16 juin Théâtre Silvain, Marseille 0 892 68 36 22 festival-caravanserail.com

avec un long travail en amont avec les professeurs et plus de 1000 élèves qui bénéficient de ces actions. Le village entier de Correns (premier village entièrement bio de France), participe, avec pléthore de bénévoles de tous âges, à offrir cinq scènes à plus de 30 concerts dont 8 créations du Chantier. On pourra s’intéresser aux instruments traditionnels, galoubets et flûtes qui fréquentent l’électro (Montanaro, Sébille), à la vielle qui se mêle à la flûte (Artho Duo), ou encore aux tambours qui chantent l’esprit du Gwo-ka (Roger Raspail), tandis que Guy Thévenon nous fait découvrir les premiers instruments de l’humanité, lithophones, cornes, os, coquillages… Les polyphonies glisseront de la Renaissance (Voix animées) aux chants traditionnels corses (Lea Antona Trio), ou aux Caraïbes (La Petite Bête qui swingue). Occitanie et Provence (Julie Garnier, Miqueu Montanaro…) dialogueront avec la Colombie, l’Argentine, le Moyen-Orient, l’Afrique, les Balkans… Concerts intimistes, interprètes virtuoses, nous invitent à un voyage fantastique autour du monde auquel nous aura préparés la conférence animée par Franck Tenaille, Les musiques des peuples. L’âme du monde palpite indubitablement à Correns. M.C.

Jérémie Honnoré © Simon Barral Baron

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arrainé par des personnalités musicales de premier choix, Sofi Jeannin et Bruno Rigutto, le festival Musique à la Ferme prendra place à Lançon-Provence et Salon-de-Provence. L’éclectisme est un mot qui semble convenir au directeur artistique et pianiste Jérémie Honnoré, tant dans le programme embrassant une période historique large, de la Renaissance à nos jours (Hersant, Pärt...), à l’éventail esthétique et stylistique ouvert, de la mélodie française au jazz... que dans la diversité des concerts, de l’iconique Schubertiade au tremplin pour jeunes talents. Aux portes de l’été, ce festival champêtre décloisonne le monde un peu corseté de la musique classique et permet à chacun de venir picorer un moment de musique et de poésie. Rien d’étonnant donc à ce que l’univers créatif bouillonnant de la Renaissance soit représenté dans deux concerts présentant deux volets de cette période : l’or des Sacqueboutes de l’Ensemble Sacqueboutae redorera le blason des Scheidt, Holborne... dans un répertoire enlevé de danses, canzon et polyphonies, musique brillante et sonore qui contrastera avec l’intériorité de la musique élisabéthaine de John Bull, Gibbons... dans un délicieux duo basse de viole (Marianne Muller) et accordéon (Vincent Lhermet). Le XIXe siècle, autre période riche et foisonnante de l’histoire de la musique, sera admirablement représenté dans une palette allant du Romantisme allemand au monde de la mélodie française, en passant par les couleurs gorgées de soleil des ibériques Albeniz et Granados. Des interprètes de premier choix : Girolamo Bottigieri au violon, Rémy Cardinale sur Pleyel d’époque 1830 !, ou encore Jérémie Honnoré, Sébastien Hurtaud au violoncelle et tout une constellation d’artistes qui joueront Schubert, César Franck, Brahms, Berlioz, Duparc, Ravel, Liszt sans oublier le couple Schumann, Clara et Robert ! Pas si loin de cet univers « romantique », le 7e art trouvera également sa place dans de grands classiques, de Titanic à Cinéma Paradiso... doux moments de nostalgie avant de se régaler des rythmiques endiablées du Trio Surel, Segal & Gubitsch dans un Swing à la ferme qui s’annonce explosif ! Le Festival n’oublie pas la relève et pense à l’avenir en permettant à de nouveaux talents de l’Académie Musicale Philippe Jaroussky de se mettre au devant de la scène ; plus jeunes encore, les enfants des classes de CM1 des écoles de Lançon- Provence chanteront un mini opéra de Julien Joubert sous la direction de Nicolas Debard et, toujours, Jérémie Honnoré au piano qui prendra soin de ces « Jeunes pousses ». CHRISTOPHE FLOQUET

Les Joutes musicales 17 au 20 mai Divers lieux, Correns 04 94 59 56 49 le-chantier.com

Musique à la ferme 19 mai au 3 juin Divers lieux, Lançon-Provence, Salon-de-Provence 07 81 97 10 58 musiquealaferme.com


42 festivals musiques

L’Édition, sur les rives du son

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Pa tri ck Me ssin a

sortie de Music Hole il y a dix ans, on s’énerve parfois des paroles en marabout-de-ficelle (aux belles allitérations de Lasso et Sous Le Sable répond ici l’absurdité vaine de Twix). D’ailleurs, autant la chanteuse, qui oscille entre babils dadaïstes (Fille à Papa) et comptines médiévales (Les Loups) a conquis un public, autant elle possède ses contempteurs. Mais Camille reste unique en son genre ce qui reste en soi une petite performance. Avec elle, la pop afro solaire du nomade d’origine congolaise Témé Tan et la pop synthétique du duo Hollydays devraient donner de beaux accents acidulés à cette soirée d’été. À noter le lendemain une soirée gratuite au MAC avec l’électro hors normes de Daedalus, la techno climatique de Mondkopf et la chanson ovni, orientale et post-moderne, de Johan Papaconstantino, plus une Ca clôture festive en bateau le dimanche. m

C

onçu en collaboration entre le tourneur parisien et une boîte marseillaise hyperactive en termes d’accompagnement d’artistes et de production de concerts (La SAS), ce festival « à taille humaine » prend peu à peu sa place dans le paysage marseillais depuis sa création en 2015. Il a trouvé son écrin au Théâtre Silvain, qui n’a jamais été aussi actif ces dernières années, notamment avec des soirées exceptionnelles organisées par le collectif Borderline. C’est là que les 7 et 8 juin prennent place les concerts têtes d’affiche de L’Édition. D’abord avec Polo & Pan, héraults français d’une électro-pop à la fois accessible et sophistiquée. Le duo a su rassembler en quelques titres ludiques et solaires, surjouant une dimension artificielle très 80’s, un large public de néophytes en électro, qui apprécieront aussi L’Impératrice, sextet parisien jouant dans le même bac à sable avec un registre un peu plus éclectique, et le live en trio de Danton Eeprom, le pirate marseillais de l’électro déviante dont on attend un troisième album prochainement. Le lendemain, Camille viendra présenter son nouvel album, le toujours très inventif Ouï. Si on se rappelle un très beau concert au Palais des Congrès à la

H.L.

L’Édition 7 au 10 juin Théâtre Silvain, MAC et bateau L’Illienne, Marseille 04 96 17 57 26 ledition-festival.fr

Marsatac, 20 ans et toutes ses dents

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’an dernier, le festival des musiques urbaines et électroniques a réussi son atterrissage au Parc Chanot. Un défi peu évident relevé haut la main (une histoire d’habitude…) en évitant des obstacles qui ne manqueront pas de se poser à nouveau cette année : salles à la chaleur étouffante et sonorisation aléatoire d’espaces pas toujours propices à la musique. Mais comme chaque année depuis sa création il y a 20 ans (bon anniversaire !), Marsatac met d’abord © Florian Gallene en avant son armada de têtes d’affiches rivalisant avec les « gros » festivals son rôle de découvreur avec (entre autres) européens : les têtes de pont IAM et Nekfeu la house lumineuse et toute en rondeurs de et les dernières sensations françaises comme Ross From Friends (qui se produira en live Moha La Squale, le producteur Myth Syzer après Aphelion, un maxi remarqué chez Ninja et Lomepal (featuring Roméo Elvis) pour Tune) et le rap hardcore et bien dérangé des le rap, Nina Kraviz, Paul Kalkbrenner ou États-Uniens Ho99o9 (prononcer « horror »), Boris Brechja pour la techno. Là où Marsatac à classer clairement dans le registre des voix se révèle plus curieux et intéressant, c’est politiquement incorrectes de l’Amérique des dans les interstices de cette programmation surburbs. Dans des genres différents, on perdra « poids lourds » : l’événement joue pleinement aussi volontiers la tête sur le rap mellow du

Britannique Rejjie Snow et de son flow rafraîchissant, sur le punk funk dingo/bricolo de nos chouchous zaïrois Kokoko!, sur l’électro-rock incendiaire des Marseillais de Nasser qui vienne présenter sur leurs terres leur nouvel album The Outcome paru ce printemps, ou le live audio-visuel de Chloé, dont le dernier album Endless Revisions est une petite merveille d’électronique sensorielle. Sans compter que le festival pare à la chaleur et aux limites des sonos avec un début de soirée en extérieur (à partir de la fin d’après-midi) et un « bonus » en clôture à la plage le dimanche (de midi à 20h) pour un troisième jour en forme d’after en plein air. HERVÉ LUCIEN

Marsatac 15 au 17 juin Parc Chanot et Plage du Roucas, Marseille marsatac.com


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Là où le Bon Air nous porte

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HERVÉ LUCIEN

Le Bon : Air 1er au 3 juin Friche Belle de Mai, Marseille le-bon-air.com

Joy Orbison © X-D.R

Des femmes aux beats puissants En 2016, lors du festival Marsatac, on tombait en arrêt au milieu de la nuit devant Paula Temple au Cabaret Aléatoire. Un mix furieux, étouffant même, à base de techno surpuissante, tribale et industrielle, qui jouait à fond le jeu de la transe. Avec cet arsenal musical implacable, la Britannique entend refléter l’état de chaos du monde actuel et, même si on le sait bien entamé, cette bande-son digne de Game of Thrones fait peur. Cette radicalité s’accompagne d’une démarche militante : alors qu’elle sort des disques sur les plus grands labels, la musicienne coupe les ponts avec l’industrie musicale, qu’elle juge misogyne et inégalitaire, pour partir prodiguer des formations en Musique Assistée par Ordinateur vers les enfants défavorisés. Mais quand elle revient en 2012, c’est le couteau entre les dents. Désormais basée à Berlin, elle prodigue ses mixes violents et sombres dans les clubs électroniques les plus réputés et crée son propre label Noise Manifesto, principalement dédié aux artistes femmes et trans. Sur scène, l’artiste innove avec une performance hybride

live/DJ plutôt costaud, on s’en doute. Avalon Emerson n’a pas à frémir devant le mur du son de sa consœur : avec sa techno cérébrale largement saupoudrée d’électronica abstraite, l’Américaine est une valeur montante et sa mine d’étudiante rangée (elle n’a pas 30 ans) laisse peu augurer de son amour pour la techno, contracté très tôt dans les raves clandestines de San Francisco. Celles-ci extraient cette native de l’Arizona d’une sage carrière de développeuse informatique. Derrière ses lunettes et sous une coupe de cheveux sage qui tranche avec l’allure étudiée des clubbeuses/modeuses européennes, elle a su intégrer les valeurs cruciales (partage, engagement, créativité) d’une scène tournée vers le futur, toujours prête à accueillir les innovateurs, qu’ils soient aventuriers ou militants. Pa ula Tem ple © Tania Gualeni

’est un des lieux les plus hallucinants qui aura été donné à Marseille pour écouter de la musique. Depuis son ouverture, le toit-terrasse de la Friche Belle de Mai (8000 m2 aménagés en contrebas de l’espace d’exposition du Panorama) permet de découvrir les sons d’aujourd’hui en plein ciel, au faîte d’un des plus singuliers équipements culturels de la ville. Et depuis trois ans maintenant, Le Bon : Air, festival porté par la société Bi-Pôle installée à la Friche, ne fait qu’accentuer cette impression positive. C’est là que chaque soir est donné le départ du marathon d’un week-end qui aboutit ensuite dans trois espaces distincts, plus sombres et confinés, certes, à partir de 22h30 : La Boîte, le Ballroom (les deux occupant les salles dites des Plateaux) et évidemment le Cabaret Aléatoire. Cette année, le line-up de 30 artistes du Bon Air, clairement orienté vers l’underground décomplexé, mélange valeurs sûres, découvertes et artistes locaux. On y repère entre autres le petit prince de la techno anglaise Daniel Avery qui vient de faire paraître son nouvel album Song for Alpha, le pionnier du post-dubstep anglais Joy Orbison, le prodige islandais de la techno sans compromis Bjärki, le mix global de Malcolm, la curiosité éclectique de Louise Chen et les figures souvent féminines de la nouvelle scène électro française, suisse et allemande comme Myako, Oko, Sassy J ou Perel (nouvelle sensation siglée DFA). Pour valider l’ensemble, le grand pionnier de la house américaine Mr Fingers alias Larry Heard (en live) et les DJ’s Bone et Stingray soldats de la techno originelle de Detroit viendront valider cette ébullition. Notons que parallèlement à des acteurs émergeants comme le Parisien Bambounou ou le hérault de la scène vogguing frenchy Kiddy Smile, les acteurs locaux du mouvement électro sont représentés, avec les DJ’s du shop marseillais Extend & Play, le collectif de mix Tropicold avec L’Amateur (programmateur avisé du festival) et Why Pink ?, la house brute du duo aixois Dub Striker ou les membres du collectif Métaphore : Donarra et Shlagga qui interprète en live ses remixes du groupe pionner des années 80 marseillais Martin Dupont, pour boucler la boucle. Enfin le dimanche aprèsmidi, ateliers et boums dédiés aux enfants sont en accès gratuit.

H.L.

1er juin Cabaret Aléatoire, Marseille le-bon-air.com


44 festivals musiques

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ouleurs urbaines, festival varois créé à l’initiative de l’association Culture Plus fête sa 10e édition, une belle longévité sur un territoire qui ne privilégie pas toujours les musiques urbaines. Grâce à des personnels souvent bénévoles, encadrés par des professionnels du spectacle, très actifs tout au long de l’année dans le milieu des musiques, reggae, ragga et rap seront maîtres du jeu pour un week-end, afin de lancer la saison d’été. Elle s’annonce chaude et trépidante si elle s’accorde avec le line up très hot du festival. Le 22 mai à l’Oméga Live, les Américains de Cunninlynguists (nom évocateur s’il en est) lancent les hostilités sous les meilleurs auspices avec un rap ludique et virtuose, posé sur une musique atypique déjouant les clichés du genre. Le 1er juin au Chapiteau, 34 ans après leurs débuts, les Massilia Sound System continuent de célébrer le oaï en prônant

l’identité locale, et à 50 km de Marseille elle n’est pas si différente. Avant eux, et ce n’est pas une blague, le duo parisien de Jahneration pourrait bien donner du fil à retordre à nos porte-étendards locaux. Débutée aux côtés de Naâman, les jeunes pousses reggae/hip hop Théo et Ogach incarnent la relève d’un reggae hexagonal (qui chante en anglais) ayant retrouvé de la verve. Le lendemain, sous le même soleil, le reggae dancehall de Biga Ranx viendra bercer le bassin seynois, le Tourangeau est un des leaders de cette scène ragga hip hop frenchy, tout comme le sound system du quatuor breton Stand High Patrol, dans un registre plus rub a dub. Aux côtés de ces têtes d’affiche, en before et en afters concerts, des MC’s nationaux et locaux se succèderont au micro en mode sound system. Tonton David clôturera, lui, le festival le 3 juin : longtemps sorti des radars

Cunninlynguists © X-D.R.

Rap, reggae ragga en festival

Bersault musical

Loïc Guénin © Vincent Beaume

Le Festival Sons Dessus de Sault mêle depuis 11 ans musiques de création, musiques improvisées, performances… Entretien avec Loïc Guénin, compositeur, musicien et directeur artistique du Phare à Lucioles Zibeline : En 15 ans les missions du Phare à Lucioles ont beaucoup évolué, pouvez-vous nous les rappeler ? Loïc Guénin : C’était au début une structure qui faisait de la diffusion -les « Rendez-vous du Phare à Lucioles » proposaient concerts,

conférences, débats et projections de cinéma deux fois par mois sur le secteur Ventoux sud-, puis de l’action culturelle lorsque j’étais professeur de musique dans le collège de Sault. Là j’ai développé des résidences d’artistes, lesquels travaillaient ensuite avec les élèves

à des créations ensuite jouées, à l’époque, au Festival Jazz en Luberon ; puis est né le Festival Sons Dessus de Sault où ces artistes jouaient une de leur création, qui est devenu la vitrine artistique de toutes les actions menées au collège avec eux. Un peu plus tard a été mis en œuvre le CREA, Cursus Recherches et Expérimentations Artistiques qui concerne les élèves de la 6e à la 3e : en plus des enseignements classiques, ils ont 3 heures d’ateliers par semaine, travaillent avec les artistes en résidence, et participent à des sorties qui les confrontent au milieu culturel du territoire et au-delà (Lyon, Marseille, Sète, Nice et Paris), et portent un projet avec le FRAC, du choix des œuvres à l’installation et l’accueil du public. Ce dispositif prend fin cette année, mais un nouveau projet est en cours… Quel est-il ? On a récupéré un lieu sur la commune, l’ancien collège, avec des salles de travail, et un appartement avec plusieurs chambres, et donc avec la possibilité de faire des résidences d’artistes, toujours en milieu rural. On a le soutien du ministère de la Culture, de la Sacem… On prévoit de faire entre 5 et 10 résidences par saison, de 3 semaines, avec un axe fort qui serait « Art et Paysage ». On va monter un groupe entre 15 et 20 ados du territoire, qui travaillera avec les artistes durant le temps


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Marseille au cœur du Jazz après avoir porté le mouvement naissant du raggamuffin en VF, l’interprète de Peuples du Monde se produira dans un club du Mourillon, Le Satyn’s à Toulon. Bref et il faut le dire : une belle brochette d’artistes masculins que Souad Massi (programmée en préambule le 26 mai à l’Espace Malraux à Six-Fours), n’aura pas le loisir, malheureusement, de diversifier… Révélée il y a près de vingt ans avec son folk oriental tout en douceurs, représentative d’une jeunesse algérienne en quête de liberté, la Kabyle incarne toujours une musique née en Afrique du Nord mais qui se veut universelle. Investie aujourd’hui dans le mouvement citoyen Ibtykar (Innovation) en Algérie, sa musique est aussi l’occasion de donner une voix aux exigences de liberté, de démocratie et d’égalité entre hommes et femmes dans ce pays, un vrai défi dans le Maghreb aujourd’hui. HERVÉ LUCIEN

Couleurs urbaines 22 mai au 2 juin Divers lieux, La Seyne, Toulon, Six-Fours festival-couleursurbaines.com

de leur résidence ; l’idée est de les suivre sur plusieurs années pour les faire travailler sur la réflexion artistique d’un territoire, suivre la genèse d’un projet... Avec des lieux partenaires comme La Passerelle de Gap, La Gare de Coustellet, mais aussi la bibliothèque, l’école de musique et l’école primaire de Sault. Le Festival Sons dessus de Sault a t-il évolué ? Non, depuis 11 ans on a toujours voulu proposer une programmation éclectique et pointue, qui mêle en même temps des artistes professionnels et des élèves du cursus CREA. Il sera certainement différent l’année prochaine, avec le nouveau projet, mais en restant toujours un festival très populaire avec une programmation exigeante. Cette année nous recevons les groupes Aksak, Frisette, La Mossa, qui proposent des répertoires très festifs et populaires avec une grande qualité d’exécution ; nous accueillons aussi le clarinettiste Xavier Charles, en solo, Mathieu Bec qui joue de la batterie horizontale et travaille les matières sonores, le poète Dominique Quelen qui va performer sur Noorg, notre projet avec Eric Brochard, une musique de drone électro acoustique ; et bien sûr tous les projets CREA, de la photo… La particularité cette année c’est qu’on accueille un ensemble de musique contemporaine, L’Instant donné, avec trois sets. Donc rendez-vous le 10 juin dès midi pour partager un repas avec les artistes sur la place du village, avant d’enchaîner les concerts toute la journée ! PROPOS RECUEILLIS PAR DOMINIQUE MARÇON

Festival Sons dessus de Sault 10 juin Le Phare à Lucioles, Sault 04 90 64 12 26 pharealucioles.org

Erik Truffaz © Justine Hamy

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our sa 19e édition, qui se déroulera cette année du 18 au 27 juillet, le Marseille Jazz des cinq continents s’offrira encore une fois une programmation de choix. La jeune vedette de la Soul Selah Sue, le groupe mythique Kool & the Gang, l’interprète sénégalais Youssou N’Dour feront partie des nombreuses têtes d’affiche de cette édition. En avant programme, place aux concerts de juin, avec cinq soirées exceptionnelles assurées par le très éclectique trompettiste Erik Truffaz, qui puise cette fois son inspiration dans la musique du Moyen-Âge : sa pièce pour trompette et voix La Voce della Luna associe le Choeur Emelthée de l’Opéra de Lyon dirigé par Marie-Laure Teissèdre. S’ensuivront deux concerts dans le cadre grandiose de l’Hôtel Dieu de Marseille, les Before HD : le trio du jeune vocaliste Kevin Norwood s’y produira le 19 juin, puis le groupe Francine y diffusera son Jazz aux couleurs pop et folk le 26 juin. À noter que ces deux concerts seront proposés gratuitement, tout comme le sera celui de Robin McKelle. Aussi à son aise dans la Soul, le Blues, le Jazz ou le Rhythm’n’blues, la chanteuse américaine d’origine irlandaise transcendera les courants le 22 juin, aux pieds de la très pittoresque villa Bagatelle. Ce prélude se poursuivra le 24 juin, puisque le festival investira les Dimanches de la Canebière. Mise en bouche copieuse, mais loin d’être rassasiante. La suite du festival est attendue avec appétit ! LOUIS GIANNOTTI

La Voce della Luna, Erik Truffaz et le Chœur Emelthée 12 juin, abbaye Silvacane, La Roque-d’Anthéron 13 juin, abbaye de Saint Victor, Marseille 14 juin, église de la Sainte Famille, Istres 15 juin, église Sainte Madeleine, Martigues 16 juin, église Saint-Michel, Cassis Kevin Norwood Trio 19 juin Hôtel Dieu, Marseille Robin McKelle 22 juin Villa Bagatelle, Marseille Francine 26 juin Hôtel Dieu, Marseille Les dimanches de la Canebière 24 juin Lieux publics, Marseille marseillejazz.com


46 critiques spectacles

Ceux qui disent oui

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epuis trois ans Alexis Moati et sa compagnie Vol Plané se sont installés à la Gare Franche, et un de leurs projets phare pour cette longue résidence au cœur des quartiers déshérités de Marseille était la mise en place du Groupe des 15, classe libre du Conservatoire de Marseille destinée, hors les murs, à des jeunes de Marseille, pour l’essentiel venus des quartiers, dans un principe de mixité et de rencontre. Ils ont été 25 à partager le projet, c’est-à-dire les sorties, les répétitions et tournées de la compagnie, et surtout l’enseignement et le dialogue, qui les ont transformés. Heddy Salem travaille au Merlan (voir p 23), Warda Rammach a joué dans L’Atelier de Laurent Cantet, Mama Bouras a réussi le concours de l’ERAC... Et au-delà des réussites individuelles ils font groupe, et sont tous entrés de plain-pied dans la vie. Sur scène, leur singularité se voit : ils ne sont pas devenus ces corps lisses, maigres, blancs, ces voix sans accent qui mangent les syllabes qu’on aime à faire sonner, au Sud. Ils ont appris à bouger, à danser même, à faire porter

© Vinvent Beaume

leur voix, à incarner, mais pas à effacer qui ils sont. Et ils rendent à Antigone toute sa force de révolte. Celle de Sophocle, celle de Bauchau, bref celles où Créon a tort, est un père indigne, un tyran opposé au bien public qui pense par catégories et méprise les femmes et la jeunesse. Les jeunes passent d’un rôle à l’autre, enfilent des t-shirts qui portent le nom des personnages, disent non, brisent tout, le

quatrième mur, les conventions, leurs propres limites quand ils décrivent avec un dégoût que l’on sent véritable, les incestes fondateurs du cycle de Thèbes. Ils sont frais, vivants, mis en scène dans l’énergie, la plasticité et l’amour du théâtre caractéristiques de la Cie Vol plané. On aura besoin de leurs visages sur les écrans, et de leur singularité sur les scènes. AGNÈS FRESCHEL

Le Projet Antigone a été joué à la Criée, Marseille, le 14 avril

Cléopâtre fait son cinéma

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eux écrans blancs en angle droit, des pupitres, des chaises, un homme à la guitare et la lumineuse et pétillante Judith Henry portant son Platon sous le bras. Le ton est donné et les ombres des deux artistes, projetées sur les fonds vides grâce à l’éclairage transversal, figurent non seulement les © X-D.R. illusions platoniciennes mais aussi les différents angles choisis pour donner la parole à l’icône égyptienne. Christophe Fiat et Judith Henry proposent une Cléopâtre pop. C’est-à-dire une mise en question et en tension d’un phénomène culturel populaire. Qu’a donc à nous dire cette reine antique aujourd’hui ? Cette étape de travail à Montévidéo est l’occasion d’une lecture mise en espace de La plus belle des femmes.

L’écrivain-performer fait dialoguer son héroïne successivement avec Marc-Antoine, Elisabeth Taylor, le public, les femmes d’aujourd’hui... La diversité des adresses se lit dans les différentes postures de la comédienne qui parvient, dans une vibrante fragilité, à porter ce texte aux registres variés. De l’épopée revisitée au chant d’amour, des constats lucides d’une femme libre et intelligente aux descriptions enjouées des mille robes possédées, Cléopâtre est une

boule à facettes malicieusement incarnée par l’actrice. Une sphère réfléchissant les images, leurs sens et leurs impacts. Ainsi l’évocation verbale de scènes du film de Mankiewicz suscite le désir de revenir à ce péplum. Le cinéma devient déclencheur de paroles et semble renvoyé au royaume des ombres de la caverne platonicienne. L’héroïne, elle, est une icône devenue une idole car elle s’est incarnée dans des corps, des représentations fortes, questionnées ici comme autant de reflets irréels. Entre l’Idée et le réel, le texte progresse. Nos relations au visuel sont ainsi interrogées, mises à plat sur fond blanc. Face à un Marc-Antoine apathique qui joue de la guitare, dans une grammaire musicale minimaliste, la reine traverse les siècles pour inviter les femmes réelles à vivre leurs désirs sans jamais y renoncer. DELPHINE DIEU

La plus belle des femmes a été proposé à Montévidéo, Marseille, le 11 avril


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Le désir des femmes

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e duo formé entre Sylvain Groud et Bérénice Bejo renverse la musique la plus dansée sur les scènes, proposant un Sacre du printemps divisé en trois temps du désir. L’argument de la musique de ballet de Stravinsky est celui de la poursuite sexuelle, le désir masculin étant le moteur, jusqu’au sacrifice de l’Élue. Or dans ces Trois sacres le chorégraphe, qui est un merveilleux danseur, se pose en objet du désir. Il se dénude, s’habille, se fait © Eric Miranda élégant, et bouge si bien qu’il provoque le surgissement sur scène de la comédienne, qui l’enlace et lui déclare sa flamme. Son attirance physique plutôt, irrépressible (texte d’Anne Bert), qui la dépasse. Le danseur se protège, étonné, puis se laisse approcher, et invite le corps de Bérénice Bejo dans sa danse. En reprenant

ses gestes banals, en bougeant avec elle, en l’enlaçant de ses bras et ses mains précieux. La comédienne devient danseuse, parle de son corps transformé par l’amour (texte de Françoise Simpère), et lui danse la transe, la perte de soi, la fureur, le plaisir. Et puis enfin, sur la très belle correspondance d’Olivier et

Christine Walter, survient l’évocation de l’amour. Tendre, douloureux, enivrant, troisième Sacre. Désir, plaisir, amour le trajet féminin vers l’homme se déploie sur la musique de Stravinsky comme une évidence, sans doute parce qu’il peut, 110 ans après, se montrer aussi actif que celui de l’homme. Ce discours en danse d’autant plus précieux qu’il reste rare : les chorégraphEs sont de moins en moins programmées, et dansent rarement le plaisir amoureux, comme si la mémoire codifiée du pas de deux les accrochait à la position d’objet à conquérir, qui hésite et qui cède. Un déséquilibre contre lequel Sylvain Groud, nommé directeur du Centre Chorégraphique de Roubaix, compte lutter, en programmant des femmes, en les invitant à travailler sur la beauté du corps des hommes, continent inconnu du désir. AGNÈS FRESCHEL

Trois Sacres a été joué/dansé aux Bernardines, Marseille, du 10 au 14 avril

Naufrage humain

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a Compagnie cannoise Arketal évoque avec finesse et beauté le naufrage du Titanic. À travers le prisme d’un personnage attachant, Giovanni Pastore, nous suivons la dernière soirée du paquebot censé insubmersible. Giovanni émigre, clandestinement, vers le nouveau-monde pour fuir la misère et la décrépitude du monde ancien. Derrière lui se profilent tous les exilés, toutes les victimes des inégalités sociales d’un monde difficilement habi© Brigitte Pougeoise table, hier comme aujourd’hui. Le texte de Patrick Kermann est puissant arrêtés par le départ. La mise en scène de et ciselé. Le présent du naufrage offre des Sylvie Osman sert admirablement l’écriture ouvertures sur les souvenirs et c’est toute nostalgique de l’auteur. Tout semble nimbé une vie qui se raconte. Les fantômes pas- du voile de l’onirisme qui peut seul, peut-être, sés et futurs hantent la scène en créant une dire avec humilité et justesse les tribulations atmosphère suspendue. Le temps est comme des plus démunis. Les marionnettes sont arrêté finalement et devient l’instant continu magnifiques et touchantes, voire troublantes de tous les naufrages, de tous les adieux. de vie (la scénographie et la fabrication des À la terre natale, à la mère, aux possibles marionnettes, par Greta Bruggeman, sont

à saluer). Le travail effectué par les comédiens (anciens de l’ERACM) est minutieux et sensible : leurs corps d’humains se mêlent aux matières multiples composant les personnages animés, de taille et d’esthétiques différentes, créant un univers à part entière. Maniés par trois acteurs en trois points différents, comme c’est le cas dans le Bunraku japonais, les protagonistes évoluent avec fluidité, expressivité et poésie. Les quatre acteurs alternent ainsi les rôles et passent avec aisance du jeu à la manipulation d’objets, de marionnettes. L’ensemble crée une pièce envoûtante et émouvante qui, unissant les morts aux vivants, invente un langage scénique et textuel consolateur. DELPHINE DIEU

Passager Clandestin a été présenté au Théâtre Joliette, à Marseille, les 19 et 20 avril


48 critiques spectacles

Sans achever Mahler

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a demi-véronique est une passe de corrida, qui permet de mettre fin à la danse avec le taureau, et de replier la cape en arrêtant la charge de l’animal. Quel rapport avec le spectacle de Jeanne Candel ? Et pourquoi la 5e Symphonie de Mahler ? Sans doute parce que la symphonie, symbole d’un art savant hyper-romantique, des règles cérémonieuses

du concert, et de l’élégance bouleversante de Mort à Venise, avait besoin d’être interrogée dans une salle de théâtre où cette emphase n’a plus cours. Affrontant de face la 5e Symphonie de Mahler, Demi-véronique suit au corps sa force étrangère et insaisissable. La secoue, la fracasse, pour la laisser, respectueusement, entière et arrêtée. Les spectateurs sont © Jean-Louis Fernandez accueillis par un acteur monté sur des enceintes diffusant une musique déformée, et commentant nos raclements de gorges, rires, toux et déplacements comme un chef d’orchestre s’empare d’un matériau sonore. C’est de la cérémonie du concert dont il est question mais le rideau se lève sur une chambre noire, brûlée, les images baroques se succèdent, les acteurs se maculent de

boue, s’abreuvent dans des flaques, tuent longuement un poisson, creusent, fracassent les murs, hystériques ou neurasthéniques, dans un univers si loin de la symphonie de Mahler qu’on se demande pourquoi c’est cela qu’on entend... Pourtant cela se répond, comme la danse du torero épouse les mouvements du taureau. Si les références de Jeanne Candel, distanciées, populaires, latines, sont aux antipodes de celles de Mahler, elle suit pas à pas sa symphonie : procession funèbre, mise en terre, orage, toute la violence désespérée de la première partie est incarnée, malaxée. Puis elle laisse place à des contre-performances de cirque dans la seconde partie, primesautière : Caroline Darchen et Lionel Dray y sont furieux et hilarants... Enfin vient l’Adagietto célèbre qui, dans un apaisement déchirant, forclos sans l’achever la demi-véronique. Par une apparition, et l’immobilité qui gagne. AGNÈS FRESCHEL

Demi-véronique, création collective de La vie brève, a été jouée au Bois de l’Aune, Aix, les 19 et 20 avril

Textes en rebonds un tremblement de terre, un coup d’état, ou à la réussite d’un tel au dernier concours de tricotin. Jouant de la distorsion du temps et de l’espace, le protagoniste de la future pièce, Le Grand N’Importe Quoi, télescope les choses, en une ivresse salvatrice, dénonce la perte des repères, avec des gens qui préfèrent s’entasser dans la photo plutôt que de la regarder. Le tragique s’inscrit dans une sorte de cinémascope ; l’effarement, le burlesque, l’absurde, s’embrasent d’ironie. Les accumulations prennent un relief incantatoire, célébrant la multiplicité, les richesses humaines infinies par leur diversité… Métapoésie, couleurs pop à la Andy Warhol… « On traîne dans l’écriture et on s’y perd… la faute à la couche d’ozone ! »… Un régal de fin gourmet ! Bateau en papier, peut-être celui du Grand n’importe quoi © MC.

A

lain Béhar, sur une sollicitation de Moïse Touré, avait écrit un court passage pour la pièce 2147, Et si l’Afrique disparaissait (à lire sur journalzibeline.fr et dans le Zib’ 115 ). Ce sont « les bribes de ce moment-là » que cet artiste inclassable reprend, développe, et à l’occasion du troisième Rebond de l’année, se propose de nous lire. Ce seront « 42 minutes de (s)on travail » : La clairière du grand n’importe quoi. On le suit, acculé dans une impasse improbable par une armée de rats (souvenir de Casse-noisette ?). Les phrases s’enchaînent, en un rythme cadencé, à l’instar d’une improvisation classique, virtuose, démesurée, étonnante, nous conduisant dans un univers où se superposent « Baudelaire et les majorettes » et des catastrophes de fin du monde… Le récit « post-apocalyptique » part d’une Afrique fantasmée, et imagine des migrations généralisées vers un immense bateau de papier, lieu de refuge de tous les

métissages… On est tous embarqués dans cette narration fantastique et fantasque où bouillonnent les images, où le temps perd sa direction, avec une « terre qui tourne dans un sens puis dans l’autre ». Au cœur de l’orgie verbale s’immisce la colère, politique, sociale, qui passe les travers de notre époque à la moulinette. Tout se télescope, sans hiérarchie, imitant l’aplatissement de toute chose par les journaux télévisés qui dévident de manière égale les informations, même temps dédié à

MARYVONNE COLOMBANI

Lecture donnée le 9 avril au Bois de l’Aune, Aix-en-Provence


© Agnès Maury

C’est pas juste !

N

MARYVONNE COLOMBANI

J’aime pas ma petite sœur a été donné par la Cie Senna’ga le 18 avril au théâtre de Pertuis

à venir 26 mai Espace Robert Hossein, Grans 04 90 55 71 53 scenesetcines.fr

la ciotat berceau du cinéma

36e festival du premier film francophone cinéma eden-théâtre, la ciotat / 30 mai - 3 juin 2018

infos : www.berceau-cinema.com - Billetterie : www.edencinemalaciotat.com Partenaire Officiel LA CiotAt

Mylène Demongeot par Henry Coste © Collection privée - Conception, réalisation Agathe Rescanières 04/2018

on, ce n’est pas juste ! L’aînée des deux sœurs qui doit donner l’exemple, céder sur tout, même l’achat d’un seau de plage décoré d’une manière stupide, pour satisfaire les caprices de la plus petite, justement parce qu’elle est plus petite… Cette dernière trouve que la plus grande est insupportable, « se croit trop », prend des airs, justement parce qu’elle est la plus grande… Naïveté, fraîcheur, ton de l’enfance, avec une délicate exactitude qui renvoie tous les spectateurs à leurs enfances propres. Le texte de Sébastien Joanniez joue des résonnances, en croisant les mots des deux enfants (Emilie Alfieri et Sofy Jordan), monologues où chacune parle de l’autre, miroirs déformés par l’accumulation des griefs, des rivalités. Difficile d’être l’aînée, tout autant d’être la « petite » alors que l’on souhaite plus que tout « être grande »… Détruire les objets de l’une, imposer ses choix, ne pas hésiter à mentir, à bouder, à s’enfermer dans le mutisme ou la colère… Les portraits se dessinent en creux, abondés par le regard de l’autre, son vocabulaire, son langage particulier (lié à l’âge des deux protagonistes, phrases courtes et mots écorchés pour la plus jeune, formulations plus construites et termes plus précis lorsque la plus grande s’exprime). Les personnalités des deux petites filles sont brossées avec intelligence et humour, jusque dans la scénographie en épure qui délimite les espaces par de grands panneaux tendus de papier de soie. Quelle jubilation de le déchirer, exprès ! Les adultes interviennent, pas toujours à bon escient, parfois injustement, ou rétablissent l’équilibre, sous le regard enfantin, sans concession. Trouver sa place dans l’architecture familiale, être soi. Les mots prennent ici une valeur cathartique, tissent, comme malgré eux, grâce à l’alternance des monologues, le lien infrangible de la fratrie. En devenant théâtrale, la récrimination devient un lieu où l’on s’affirme, où l’on grandit… et la complicité se noue enfin dans la reconstruction commune du château de sable. Échos finement orchestrés par la mise en scène d’Agnès Pétreau.


50 critiques spectacles

L’histoire d’une « fée-garçon »

«J

e suis pas un garçon » ! Le cri est déchirant, plusieurs fois proclamé par Alyan qui traverse la scène en courant, vêtu d’une robe rose de princesse, celle de sa grande sœur Nina. Alyan a cinq ans et sait –il l’affirme déjà, son souhait a tout de la certitude- que plus tard il voudrait être maman. Et princesse. Seule sa sœur semble prendre la mesure de son mal-être, sa mère aussi, un peu, qui trouve la situation angoissante quand son père, trop occupé par son travail, pense qu’il s’amuse. Il ne veut fâcher personne, mais la question le taraude : est-ce qu’il peut refuser cet état qui ne lui va pas du tout, donner à quelqu’un ce qui n’est pas à lui dans ce corps, simplement revenir en arrière et le « refaire autrement » ? Sa baguette magique n’y change rien ; jusqu’à ce que, dirigée vers sa sœur pour la faire disparaître et prendre sa place, ça fonctionne… Car entretemps Nina, pour défendre et soutenir son petit frère qui « a le droit d’être comme il veut », a subi brimades et agressions violentes de la part des enfants de l’école, s’est coupé les cheveux pour alerter ses parents, puis a décidé de disparaître. Parce qu’elle n’était pas écoutée, encore moins entendue. Point de rupture

© Adrien Patry

essentiel à la prise de conscience de tous. Le texte de Catherine Zambon aborde intelligemment, et avec franchise, mais aussi légèreté et poésie, la question de l’identité sexuelle, du genre, en s’adressant avant tout aux enfants. Sans didactisme ou tentative de réponse généralisée. La mise en scène d’Emilie Le Roux alterne les tableaux courts, joués (magnifiques et sensibles comédiens) ou éclairés d’apartés qui nourrissent la pièce de confidences, voire d’aveux parfois déchirants, qui placent chacun face à ses questionnements et responsabilités.

Si le travestissement général de la fin -papas, mamans, directeur de l’école dansent tous, en robe, comme Alyan- peut faire sourire, ce ne n’est que de courte durée. Car leur engagement souligne bien la difficulté de la prise de conscience, spectateurs y compris, qui fait dire à l’un des protagonistes : « ça a choqué, ça choquera encore ». DOMINIQUE MARÇON

Mon frère, ma princesse a été joué le 11 avril au Théâtre des Salins, Martigues

La vie, envers et contre tout

I

ls sont face caméra, assis devant une vieille barricade, ne bougent pas ou très peu, ne parlent pas. Le silence environnant nous enveloppe, on sent qu’il va falloir prendre le temps. Leur temps. Car ici il ne s’écoule pas comme partout ailleurs. En fait il s’est arrêté le 26 avril 1986, jour de l’explosion de réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Zvizdal est un village situé dans la zone contaminée ; c’est là que vivent Pétro et Nadia, couple

d’octogénaires, ayant refusé d’être relogés, ne pouvant imaginer de quitter la terre qui les a vus naître, leur ferme avec vache, cheval, chien et chat. Sans électricité, et donc sans téléphone, sans eau courante, avec une vieille radio qui cessera de fonctionner finalement. Mais le travail est incessant : il faut s’occuper de planter les pommes de terre, faucher les blés, ramasser et scier le bois... Autant de gestes de tous les © Frederik Buyckx jours de plus en plus difficiles à exécuter, qui prennent le temps qu’imposent les corps usés. Qu’importe, « l’essentiel c’est la santé » dira-t-elle, sans qu’on ne puisse discerner-là un quelconque trait d’humour. Bart Baele et Yves Degryse (collectif Berlin), et la journaliste Cathy Blisson qui la première a rencontré Pétro et Nadia, les ont suivis, filmés, durant cinq ans, de 2011 à 2015 pendant de cours séjours (une semaine, pas plus, zone contaminée oblige) au fil des

saisons. Le public est disposé de chaque côté d’un double écran, sous lequel trois maquettes de la ferme à divers moments sont scrutées par des caméras manipulées en temps réel sur le plateau. Des images s’incrustent alors, focus arrêtés qui prennent le relai pour poursuivre le récit des événements, quand l’équipe n’était pas là. Sans commentaires, sans explications superflues, l’urgence du témoignage entre en résonnance avec le temps qui s’écoule, lentement, implacablement, dans ce coin du monde irradié. « On vit, c’est tout » ne cessent-ils de répéter. Mais la perte du cheval, puis de la vache, vont transformer le tempo. Pétro meurt, Nadia reste seule. Et va devoir quitter sa chère terre, à son corps défendant, pour rejoindre sa fille qui vit loin de là. « Ils m’ont récupérée et ramenée… jusqu’ici. » DOMINIQUE MARÇON

Zvizdal a été donné les 12 et 13 avril au Théâtre d’Arles


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Un homme, une femme, une psy

L

’Amour dans tous ses états, plutôt qu’une pièce de théâtre, est un laboratoire où l’on est invité à observer et analyser l’évolution d’une relation amoureuse. Les cobayes sont Céline et André, interprétés respectivement par Sandra Valentin et Hervé Pauchon dont la voix est familière aux auditeurs de France Inter. Le début est tout feu tout flamme. Ils se rencontrent, ils se plaisent et se désirent. Une passion brûlante naît. Entre chaque saynète, Marie Lise Labonté (qui est psychothérapeute à la ville) intervient, commente et questionne le public. Dès le début, elle nous a prévenus : ces deux-là, ça ne va pas durer. Quand elle dit en citant Coluche : « Le couple permet de résoudre les problèmes qu’on n’aurait jamais eu tout seul », elle démontre que la relation à deux catalyse les souffrances non cicatrisées du passé. Les non-dits en attente et les frustrations constitueraient le poison du couple. Au fur et mesure que le récit avance, elle va décortiquer la mécanique destructrice qui se met en place. L’originalité du spectacle

se situe dans l’interaction que crée ce personnage de psychothérapeute avec le public. Les spectateurs observent et s’impliquent dans l’histoire qui se déroule sous leurs yeux. Ils s’impliquent d’au- © Fabienne Rappeneau tant plus qu’il est facile de s’identifier aux comportements d’André et Céline. Cette histoire renvoie au vécu de chacun de nous, nos erreurs, nos maladresses. Le dialogue entre la salle et la scène est l’axe original du spectacle. Comme un cours de sciences naturelles où le professeur, par l’observation, voire la dissection, guiderait les élèves vers la compréhension des lois de la nature, la psychothérapeute procède avec les mêmes méthodes. L’effet miroir que constitue ce couple est non seulement instructif mais drôle aussi, car il révèle nos

failles, nos faiblesses, avec légèreté. Quitte à contredire Alain qui écrivait « On n’instruit pas en amusant », cette « leçon » sur les travers relationnels en est le parfait contre-exemple. CAROLINE GERARD

L’amour dans tous ses états s’est joué au Théâtre du Chêne Noir, Avignon, le 10 avril

La peine de mort en question

E

n 1829, profondément révolté qu’une société puisse faire à l’accusé ce que, précisément, elle lui reproche, Victor Hugo écrit Le dernier jour d’un condamné. Il s’agit d’un condamné à mort qui décrit, durant les vingt-quatre dernières heures avant l’exécution de la sentence, les six semaines qui se sont écoulées depuis son procès : les diverses rencontres avec le friauche, le directeur de la prison, le prêtre, sa fille, et aussi © Chantal Depagne-Palazon ses états d’âmes qui oscillent entre rage, tonnerre scandent violemment le texte, de angoisse et repentance. façon excessive, comme pour rappeler au Ce texte est porté à la scène par François spectateur la sentence fatale qui attend le Bourcier. William Mesguish interprète le personnage. À de trop rares occasions, l’acteur misérable criminel. Celui-ci évolue dans un s’écarte de cet espace, se rapproche du bord espace symbolisant la cellule, limité au fond de scène, braque son regard limpide sur le par un mur blanc dans lequel s’inscrit une public et s’adresse sobrement à lui. À cet petite fenêtre armée de barreaux. Il hurle sa instant, la sincérité du personnage vibre, touche révolte, ses peurs, se jette au sol à plusieurs beaucoup plus sensiblement le spectateur. reprises comme s’il était abattu par le poids William Mesguish est beau, émouvant, humain. de son destin. Il semble pris de folie. Des La parole de l’acteur est souvent accomflashes de lumières vertes et des coups de pagnée de vidéos projetées sur le mur

blanc de la cellule, insistantes et interprétatives. De la petite fille qui court sur la plage avec un ballon, pour évoquer la fille du condamné à mort, jusqu’au discours de Badinter en 1981, elles agacent par leur côté appuyé. François Bourcier semble peu faire confiance au public et à sa capacité à s’approprier le texte d’Hugo. De nombreux lycéens sont venus, ce jour-là, assister à la représentation. Nés longtemps après l’abolition de la peine de mort (nombreux sont d’ailleurs, chez nous, ceux qui plaident son retour), ils ont été confrontés à une réalité encore trop présente dans de nombreux pays. Ce texte reste d’une impérissable actualité : afin d’agiter les consciences, le jouer est incontestablement salutaire. C.G.

Le dernier jour d’un condamné a été donné les 12 et 13 avril au Théâtre du Balcon, Avignon


52 critiques spectacles

Jeux d’États

T

ragiques « Jeux d’enfants » que ceux qui menèrent à la première guerre mondiale… La Compagnie Cassandre rend sensible « ces disputes de bac à sable »* dans son approche remarquablement documentée de la courte période de 38 jours qui précéda les débuts du conflit. Pas de conférence pontifiante cependant, comme l’incipit de la pièce © Pierre Grosbois pourrait le faire craindre, avec l’installation de la table, des micros, les essais, l’entrée des « spécialistes » sentencieux qui attendent avec impatience les retardataires. Poncifs, formules à l’emporte-pièce, graves hochements de tête, cèdent vite la place aux acteurs mêmes du conflit. Voilà, dans la foulée de l’attentat de Sarajevo, l’empereur d’Autriche-Hongrie, François-Joseph, qui veut faire preuve de fermeté et menace la Serbie, que défend la Russie, cette dernière soutenue par la France,

elle-même liée à l’Angleterre par l’Entente cordiale, tandis que l’Allemagne s’engage à soutenir l’Autriche-Hongrie. Les comédiens sont tous excellents dans un exercice d’équilibre où la vérité des personnages historiques reste tangible jusque dans les traits forcés de la caricature. Le ton de la comédie domine, elle qui « au contraire de la tragédie qui écrase, n’empêche pas de réfléchir »*, et « permet d’éviter le côté commémoratif, d’une grand-messe nationale qui ne s’adresse qu’à

l’affect »*. Le texte de Vincent Fouquet, dans une mise en scène d’une redoutable efficacité (Sébastien Valignat), conduit l’ensemble au vertige débridé des colères, depuis les aveuglements terrifiants, les rodomontades, les mensonges, les approximations, les fuites, les supputations diverses, les jeux d’alliances… « Personne ne voulait la guerre. L’affirmation du contraire est un mythe »*, qui participe de la propagande, comme celle, conçue par Edwards Bernays engagé par le président Wilson pour faire basculer l’opinion américaine et permit l’entrée des USA dans le conflit. Résonnance glaçante avec notre actualité : cette nuit-là, on apprenait les frappes en Syrie… MARYVONNE COLOMBANI

* Propos tenus par la troupe lors du bord de scène après la représentation.

Quatorze a été donné le 13 avril au Théâtre Durance, Château-Arnoux-Saint-Auban

À La Bastide !

I

l fait bon vivre à La Bastide-Clairence. Classé parmi les Plus Beaux Villages de France, le bourg aux 1000 habitants défend ses traditions basques et s’accroche à ses deux écoles élémentaires (une publique, l’autre religieuse) pour continuer de respirer au présent. Huit villageois s’installent un à un devant le public. Figure ouverte, regard franc. Ils font spectacle. Ils sont spectacle. Ils incarnent leur village. On est là pour les voir et les écouter raconter leurs histoires. Leurs origines. Le retour au village après les hasards de la vie. Le métier de potière. La dure vie de paysan d’il y a 60 ans. La responsabilité de maire. Ils sont eux, jusqu’au bout des ongles. Un long préambule projeté sur un écran expliquait au début de la représentation la genèse de ce spectacle. Massimo Furlan, performeur, avait été convié par un ami habitant de La Bastide à faire une intervention. L’homme de théâtre s’était saisi (en 2014) d’une inquiétude lancinante : la hausse des prix de l’immobilier, chassant la jeunesse du bourg. Il avait trouvé la réponse : l’accueil de migrants. Aussitôt le village allait perdre son aura et les prix

© Pierre Nydegger & Laure Cellier

chuteraient... La performance a pris corps dans une mise en situation de cette fiction, à laquelle prirent part le maire et quelques Bastidots complices. Les autres villageois ont vécu « en vrai » cette proposition à la fois provocatrice et novatrice. Et finalement, une famille de Syriens a été accueillie pour de bon à La Bastide. Massimo Furlan a continué ses interventions, ceux qui avaient joué le jeu ont continué de jouer, jusque sur scène dorénavant.

Dans ce portrait de village en chair et en os, l’actualité mondiale affleure. Pourtant, rien n’est abordé frontalement, les nouveaux arrivants sont à peine évoqués. Mais ils sont bien là, en creux parmi ces Bastidots ancrés dans le territoire. Tout est un peu trop beau - trop gentil : aucun adversaire du projet fictif puis réel de l’accueil de migrants n’est sur le plateau. Le recours aux citations de professionnels de la profession (Agier, Arendt, Todorov, Rabhi) et aux formules pontifiantes sur l’hospitalité transforment la prestation en une course au « Tout est bien qui finit bien ». Cette fois, on entre en pleine fiction. ANNA ZISMAN

Hospitalités a été joué les 10 et 11 avril au Théâtre de la Vignette à Montpellier


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Un Mockumentary d’enfer

C

laquements de doigts. Très vite, la salle répond : claquements de doigts généralisés. Saïd Gharbi, comédien danseur complice de longue date de Wim Vandekeybus ouvre Mockumentary of a saviour en robe de bure. Il baisse les mains. Silence. « Pourquoi Dieu nous a-t-il créés ? Pour jouer avec nous. » Le spectacle du chorégraphe multi styles et multi succès annonce d’emblée la couleur : il sera religieux. Il y sera question d’un sauveur. Un mocumentaire : une forme détournée pour aborder le sujet par le biais de la fiction. Ils sont six sur la scène, sous un cercle-couvercle oppressant. Le ciel, les cieux, le mystère, le pouvoir invisible. Des corps disparates. Le gigantesque Flavio D’Andrea, qui se désole chaque fois qu’il envoie bouler Yun Liu, aussi menue qu’effrayante lorsqu’elle développe ses gestes d’arts martiaux. Il pleure et recommence aussitôt. Elle valdingue et se relève. Ronde infernale. Anabel Lopez est enceinte jusqu’aux yeux. Ce n’est pas un costume, l’accouchement est imminent. Jason Quarles, impérial, et Maria Kolegova, maigre et douce à la fois, complètent

© Danny Willems

ce groupe humain improbable, en dehors de tout, microcosme à eux seuls. Le temps s’est arrêté, ils ne savent pas ce qu’ils attendent. Et puis un corps tombe du ciel. Gros ventre à l’air, sorti de sa combinaison orange. « C’est peut-être un signe d’espoir ? » Beaucoup de suppositions (texte Bart Meuleman). Et soudain l’homme se relève ! Stupeur sur le plateau, saisissement dans la salle (tombé de plusieurs mètres, surgit de nulle part, cela ne pouvait être qu’un mannequin !). Wouter Bruneel est le septième élu. Un psychologue

sauvé par le messie, extrait d’un monde invivable, choisi pour évoluer dans celui-ci, sans début ni fin, sans but, mais pourquoi ? « I want to feel ! » clame l’un d’eux. Alors ça hurle, ça roule, ça danse (très bien), ça se triture les sens et les méninges. La musique embrase le tout (Charo Calvo, avec Manuel Poletti de l’IRCAM), le ciel tombe sur les têtes, le messie a la voix d’un enfant perdu. Et puis ça y est, tout s’éclaire : ils montent dans les travées et nous passent le message : « Quelqu’un vous aime ». Ouf, on est sauvés. Claquements de doigts. ANNA ZISMAN

Mockumentary of a saviour a été joué les 11 et 12 avril à hTh, domaine de Grammont, Montpellier

Une ZAT tout Prés d’Arènes

L

a 12e Zone Artistique Temporaire a été mitigée. Un jour de pluie, un jour de franc beau temps. Un jour les tables prévues autour des food trucks (toujours plus nombreux d’une édition à l’autre) tristement recouvertes de film plastique, l’autre débordant de familles en goguette. Des propositions étonnantes et fortes, d’autres qu’on a l’impression de voir à chaque épisode des ZAT montpelliéraines (les conteurs, les Regards en biais © Marc Domage acrobates, les artistes échappés dans l’espace public, cette année moins per- embarque tout le monde. Le voilà grimpé sur cutants que d’autres fois). Toujours, et tant un lampadaire, il nous diffuse des enregistremieux, la volonté d’intégrer les habitants du ments de vents d’ici et là. Et il a l’idée de les quartier (Prés d’Arènes), cette fois peut-être mélanger. Un mix de vents. Noël (Collin Hill) encore plus partie prenante des spectacles. a un grain. Et il le crie à tous les vents. Une Retenons, parce que la rencontre fut magni- autre (Sarah Fréby) nous entraine dans son fique et courageuse, les Regards en biais de sillage, rue des Épicéas : elle va s’envoler, elle la Cie montpelliéraine La Hurlante. Rue monte sur les épaules d’un spectateur, il faut des Abricotiers, Noël Folly surgit en cou- courir, battre des bras, ça va marcher, c’est rant et bondissant : « Venez ! Vite ! On va certain ! On croise un couple qui fête son être en retard ! » Son regard est lumineux, il anniversaire de mariage au bas d’un immeuble.

Caroline Cano (texte et mise en scène) propose des verres de Pic Saint Loup, et raconte avec fougue que sa plus grande folie, c’est d’avoir épousé son mari qui toujours la surprend si fort. C’est tout une kyrielle de personnages qui se passent le flambeau d’une rue à l’autre, les trois comédiens donnent vie et droit de cité, au sens propre du terme, à tous les bizarres. Un jardinier récolte des bananes et des oranges poussées dans les haies. D’autres habitants, intégrés comme lui à la mise en scène, tissent et incarnent quelque chose que nous tous pouvons toucher du doigt. Il y a soudain une communion entre les spectateurs du haut, ceux restés dans leur tour, et ceux du bas : partout la folie sème ses graines, et nous sommes là pour cultiver leur poésie. A.Z.

La ZAT s’est tenue à Montpellier les 14 et 15 avril


54 critiques spectacles

En attendant la pluie bienfaitrice…

A

près le succès de The Color of Time créé pour Marseille 2013,toujours en tournée, qui s’inspirait des traditions indiennes, la Cie Artonik a effectué une résidence au Cambodge pour découvrir les traditions khmères au sein d’une association qui forme des jeunes aux arts graphiques et de la scène. Installés à la Friche de la Belle de mai depuis 1994, ses deux co-directeurs artistiques, Caroline Sélig et Alain Beauchet ont créé de nombreux spectacles de rue qui allient arts plastiques, danse, musique, pour mettre en scène le quotidien et le rêve. Leur nouvelle création : Sangkhumtha, « espoir » en Khmer, évoque la raréfaction des ressources en eau dans de nombreuses régions asiatiques. Une vingtaine d’artistes ont mis leurs émotions et leurs craintes en gestes et en musique. Les trente minutes présentées en avant-première lors de l’événement L’étoile du nord organisé à la Cité des Arts de la Rue démarrent sur des rythmes très actuels, une chorégraphie échevelée et déhanchée sur un tapis de déchets jetés hors de sacs

traditions ancestrales de l’agriculture et les danses traditionnelles ou sacrées, avec des bâtons de pluie invoquant la bienveillance des dieux. Portant des palmes desséchées par la pénurie d’eau, les danseurs déambulent dans la nuit, éclairés par des poursuites hissées par une vingtaine de bénévoles. Des dessins originaux de Craoman et des découpes aux effigies de divinités effectuées par Caroline Sury animent les façades. Le tout baigne dans une musique composée par les trois complices musiciens du groupe Nataraj XT, qui marient magnifiquement instruments classiques et traditionnels khmers, créant des ondes musicales tout à fait originales. Présentation très prometteuse ! CHRIS BOURGUE

Présenté en avant-première le 21 avril lors de la soirée L’Étoile du Nord à La Cité des Arts de la rue (Marseille) Sangkhumtha : hope sera créé le 18 mai à La Rochelle. Cette création est dédiée à Alain Beauchet, disparu prématurément en novembre 2017 et qui laisse un vide douloureux derrière lui.

© Marie-Christine Ferrando

plastique. Images de notre monde de l’accélération et de la consommation débridée. Puis, déambulation dans un univers qui rappelle les

L

e grand ménage de printemps, festival des arts en espace public du Sud Luberon, a eu lieu du 19 au 22 avril, avec une programmation plus inégale que lors des éditions précédentes. Sans doute parce qu’il accueillait plusieurs tout jeunes spectacles, à peaufiner, comme Parrêsia #2 du collectif Bonheur Intérieur Brut, ou EkivokE, de Micro Focus. Mais deux propositions ont marqué les esprits. Dans un verger, sous une pluie de pétales - la floraison des cerisiers étant bien avancée les auditeurs de BoxSons, média audio créé par Pascale Clark et Candice Marchal, ont découvert un reportage enregistré dans une école scolarisant des migrants à Ivrysur-Seine. Les nombreux enfants assis sur l’herbe, très attentifs, ont posé de multiples questions au réalisateur venu le présenter, Hayati Basarslan. Des habitants du Luberon apportant leur propre témoignage : à La Tour d’Aigues, on se relaie auprès d’une famille de migrants pour un coup de main administratif ou les accompagner chez le médecin. « Les politiciens disent toujours que les français ne veulent pas les accueillir, mais à chaque fois que l’on va quelque part on voit qu’ils se

mobilisent et font ce que ne fait pas l’État », confirme le journaliste. Devant le succès de ce temps d’écoute, Romaric Matagne, qui coordonne le festival, explique son intention de poursuivre un travail sur la façon dont le son circule dans l’espace public : « C’était un premier fil à tirer, pour voir où ça va... » Autre ambiance, très poignante elle aussi mais d’une vitalité plus adaptée à la rue, avec Quizas de la Cie Amare. Deux danseuses-comédiennes explosives (Maëva Lambert et Amandine Vandroth) ont réussi l’exploit de soulever le thème éculé du sentiment amoureux, en récoltant des récits anonymes au fil de leurs résidences. Maëva Lambert raconte avoir été surprise, dans les cités du Nord, de découvrir que les enfants de familles monoparentales, très nombreuses, grandissent sans rêver à l’amour, tant il est associé pour eux à des disputes et séparations. Un spectacle drôle et profond, ponctué de textes d’André Gorz, Roland Barthes ou Henri Laborit, auquel on pressent un bel avenir. GAËLLE CLOAREC

Le Gand Ménage de Printemps s’est tenu à Cucuron, Vaugines et Cadenet du 19 au 22 avril.

Les amoureux de Cucuron © G.C

L’amour à Cucuron


critiques rencontres

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Le cauchemar de Snowden

U

n spécialiste en modélisation est intervenu à la BMVR Alcazar le 14 avril dernier pour parler d’intelligence artificielle au public marseillais. L’invité du cycle de conférences d’Opera Mundi, JeanGabriel Ganascia, a une double formation d’ingénieur et de philosophe : il a donc commencé son exposé en imbriquant l’histoire des idées et la cybernétique. Si les aspects très techniques de sa démonstration en ont dérouté certains - pour expliquer © Cécile Arnold que les scientifiques cherchent à simuler ce qu’on s’affole à l’idée d’être dépassés le fonctionnement du cerveau avec leurs par des robots plus intelligents que nous algorithmes, il a détaillé celui d’un réseau de (la « singularité technologique »). Parce que neurones à trois couches - il a réussi à rattraper d’après Jean-Gabriel Ganascia, cela dissimule tout le monde en revenant... à la politique. leur ambition réelle : rivaliser, à l’aide de leur Derrière ces machines qui nous connaissent toute-puissante technologie, avec les États. mieux que nous-mêmes, puisque nous les Pour lui, « la mémoire n’est pas un disque dur ; nourrissons de datas au quotidien, au point sinon on pourrait y stocker tout ce que l’on qu’elles en arrivent à anticiper nos désirs veut, et surveiller tout ce qu’il y a dedans : avant même que nous n’en ayons conscience, la pire dictature ». Le cauchemar d’Edward il y a des hommes. Qui ont tout intérêt à Snowden, en somme.

Le chercheur constate que la majorité des fonctions régaliennes sont peu à peu grignotées par les grandes entreprises, privées, qui misent sur l’IA : la défense (cybersécurité), la sécurité intérieure (systèmes de reconnaissance faciale, surveillance des citoyens...), battre monnaie (PayPal, Bitcoin...). Et bientôt la perception de l’impôt (le fisc utilise Google Maps pour débusquer les piscines non déclarées), la justice, la santé, l’instruction... Sa conclusion s’est faite sous forme de question : peut-on se sentir libre dans un monde dominé par des humains qui utilisent l’intelligence artificielle ? Et comment faire pour que la peur ne masque pas les dangers réels ? Le cauchemar, on y est déjà. GAËLLE CLOAREC

La conférence L’intelligence artificielle et le vivant de Jean-Gabriel Ganascia, organisée par Opera Mundi, a eu lieu à la Bibliothèque de l’Alcazar à Marseille le 14 avril.

Histoire partagée

U

ne rencontre avec Jean-Pierre Filiu, historien du Moyen-Orient contemporain à Sciences Po Paris, et Rostane Mehdi, directeur de Sciences Po Aix, a conclu le premier cycle des Rendez-vous de demain portés par l’Institut méditerranéen de recherches avancées à Marseille. Comme toujours lors de ces débats publics, le Théâtre du Gymnase était plein. Il faut dire que le thème de la soirée, les révolutions et contre-révolutions en Méditerranée, était brûlant. Syrie, Libye, Égypte, Israël, Iran... autant de poudrières. Les deux invités de Stéphane Paoli, concepteur avec Thierry Fabre de ces Rendez-vous, ont évoqué les rapports compliqués du droit international avec la force et la morale. Une morale qui, selon Jean-Pierre Filiu, ancien diplomate, est « une arme stratégique que l’on utilise trop peu ». En laissant les dictatures perdurer sans réagir dans le bassin méditerranéen comme ailleurs, les gouvernements occidentaux se discréditent et instillent un doute chez leurs propres concitoyens. Son confrère renchérit : « nombre de nos dirigeants se contentent d’une façade démocratique : cela peut être commode quand d’autres intérêts,

Méditerranée », sans embrayer avec un accompagnement dans la durée. Mais face à des régimes à bout de souffle, il croit que l’on peut se préparer à la suite, en restant au plus près des populations. Ce à quoi Rostane Mehdi rétorque « j’aimerais partager votre optimisme, mais je crains la stratégie du De gauche à droite : Stéphane Paoli, Jean-Pierre Filiu, Rostane Mehdi © G. C. pire, une logique suiciéconomiques ou de sécurité, sont en jeu ». En daire dans ces pays ». Et pourtant, lui répond Syrie, notamment, l’un et l’autre estiment que son interlocuteur, « Ce qui se passe là-bas l’intervention internationale est un facteur affecte notre vie ici. On voit les conséquences d’instabilité durable, parce que chacun des immédiates - attentats, réfugiés -, mais cela acteurs, russes, américains ou turcs a son touche aussi nos valeurs. Notre histoire est propre agenda. « La solution, qui serait de partagée, qu’on le veuille ou non. » G.C. reconstruire par le bas un contrat social, est donc empêchée. » Jean-Pierre Filiu pense que les européens ont La rencontre Quels grands défis politiques « raté l’occasion de 2011, lorsque les Printemps et internationaux ? s’est tenue le 24 avril arabes ont fait chuter le mur de la peur en au Théâtre du Gymnase, Marseille


56 critiques danse

L’inénarrable performance de Peeping Tom

L

e style Peeping Tom est reconnaissable au premier coup d’œil et toujours bluffant ! On ne se lasse pas de l’entrelacement de la danse avec la théâtralité, le texte, les chansons, la scénographie et, parfois, la pratique amateur. La première image de Vader (Père) évoque un tableau d’Edward Hopper : tout y est figé, grisâtre, malgré les rideaux de velours rouge et le faux air de salle des fêtes. Vader (Père), créé en 2014, est le premier acte d’une nouvelle trilogie (Moder (Mère), Kind (Enfant)) à l’esthétique hyperréaliste, semblable à la précédente Le Jardin, Le Salon, Le Sous-sol. Avec les mêmes principes fondateurs : éléments de décor cheap, personnages au caractère exacerbé, superposition d’actions tragi-comiques. Et le même regard acide et aimant sur la vie : Léo le père est en détresse, nouvel arrivé dans son dernier refuge, l’antichambre entre le monde des vivants et celui des morts… Si ce temps est propice à l’introspection, il l’est aussi pour le lâcher prise. Des situations burlesques naissent des contorsions physiques inimaginables - à moins que cela ne soit l’inverse -, fer de lance de l’écriture chorégraphique du tandem Gabriela Carrizo et Franck Chartier. Avec eux, se débarrasser

Vader © Herman Sorgeloos

simplement de son manteau devient un acte quasi héroïque ! Au sous-sol de la maison de retraite, l’assemblée a les cheveux blancs, la démarche malhabile, les gestes hésitants et se laisse guider par un personnel névrosé. Une fois enclenchée, d’abord comme un métronome, la mécanique se dégrippe très vite au fil d’un texte échevelé énoncé en français, en anglais et en coréen ; la salle se transforme en mouroir ; les scènes réalistes (la toilette d’un vieil homme) et surréalistes (l’attaque en

règle des moustiques) s’enchevêtrent à vitesse grand V. Comme si une épidémie contagieuse de folie et d’absurde contaminait chaque personnage, de la bande de Peeping Tom en costumes de scène au groupe d’amateurs dont il faut saluer la performance. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Vader a été donné les 13 et 14 avril au Pavillon Noir, Aix-en-Provence

Indispensables fantaisies dadaïstes

P

rendre des libertés avec les formes, jouer des convenances comme le feraient des enfants, inventer un nouveau langage qui serait imagé, dansé, musical… « Ils font quoi là ? » « Ils nous regardent, à travers un cadre » « C’est bizarre… » Ils sont un peu « dada » ces deux danseurs hip hop, qui glissent du cadre strict et rigide d’un tableau qui délimite leurs gestes et leurs visages, à la scène de tous les possibles, attirante et accessible ! © Laurent Ferrigno Rafael Smadja et Iliass Mjouti n’aspirent aussi du cinéma muet de Charlie Chaplin ou qu’à jouer dans et de l’espace qui s’offre à Buster Keaton ! eux, essayer tout ce qui passe entre leurs Hors du cadre tout s’anime, prend vie : les mains, par le corps, obstacles ou lumières, pour corps se réveillent, se déplient, la danse se construire et déconstruire le spectacle. Pour frotte aux illusions et effets d’optique. Les donner à voir, à des spectateurs souvent très deux interprètes remodèlent leurs visages en jeunes (à partir de 3 ans) toutes les facettes y superposant des photos d’yeux, de bouches inspirées du dadaïsme, du surréalisme, mais (moues étranges, sourires éclatants…), jouant,

avec la musique, de situations burlesques ; de la même façon leurs bustes se superposent à des images de jambes projetées, gestuelle exagérée qui rappelle les collages et assemblages improbables dada recréant une image, racontant une autre histoire, dans un univers fait de gaieté créatrice. Si l’impression de départ s’avérait « bizarre » pour beaucoup de bouts de chou présents au Forum de Berre, la magie des tableaux successifs, montages de sons, d’images et de mouvements dansés, emportait l’adhésion de tous. Belle occasion pour laisser toute sa place à l’imaginaire et à la liberté ! DOMINIQUE MARÇON

Zoom Dada a été joué le 18 avril à la salle polyvalente de Berre L’Étang


57

Danser l’abstraction ?

L

es Ballets de Monte Carlo font sans doute partie des rares formations à être capables de danser avec une telle éloquence l’académisme rigoureux d’un Balanchine, et son redoutable Violin Concerto. Sa grammaire néo-classique était rendue avec une précision de métronome, assortie d’un supplément d’âme, qui accordait au brillant des interprètes une certaine distanciation jubilatoire, qui s’emparait avec humour des références à la comédie musicale américaine. La géographie quasi mathématique des différents tableautins tisse des échos entre les « quintettes », les ensembles, et sublime les deux pas de deux qui savent rendre une puissante émotion, déclinant tous les registres. À la pièce baignée de lumière et portée par la musique de Stravinski, les recherches du violon (Liza Kerob), dont la complexité se transcrit dans la danse, répondait un monde en clair-obscur post apocalyptique fondé sur la composition de Bruno Mantovani, (commande du Printemps des Arts de Monaco), Abstract, titre auquel le chorégraphe Jean-Christophe Maillot ajoute le terme Life, soulignant la dichotomie

Abstract-Life © Alice Blangero

entre l’incarnation de la vie et les concepts abstraits. Le travail du directeur des Ballets, habituellement construit à partir d’improvisations avec ses danseurs, sur des musiques choisies, subit de nouvelles contraintes. Il puise alors dans le vocabulaire chorégraphique élaboré depuis des décennies, et se sépare du lien organique entre gestes et phrases musicales pour s’adapter aux fulgurances, aux tempêtes sonores (magistral Orchestre Philharmonique de Monte Carlo, avec le

violoncelliste soliste Marc Coppey, sous la houlette de Pascal Rophé), aux répétitions qui évoquent des élytres d’insectes, en une tentative de narration (scénographie Aimée Moreni). Superbes mouvements d’ensemble au cœur de jeux de lumière poétiques (Dominique Drillot), transmissions en chaîne, duos, trios, myriade de détails précieux difficiles à appréhender dans leur particularité propre tant le propos est dense. Écartelée entre la recherche d’un sens et une abstraction qui n’en a guère, cette proposition laisse perplexe, bien que séduisante par son indéniable beauté virtuose. MARYVONNE COLOMBANI

Spectacle donné du 26 au 29 avril au Grimaldi Forum, Monte-Carlo.

Printemps du livre

Cassis du 19 au 21 mai 2018

3AN0S

avec la participation de nombreux écrivains : Boris Cyrulnik Annie Duperey Grégoire Delacourt Christian Carion Mazarine Pingeot Cali Vladimir Fédorovski Xavier De Moulins Jérôme Clément Dan Franck Christine Orban David Foenkinos Jean-Noël Pancrazi Valérie Perrin François-Henri Deserable Claire Berest Diane Ducret

Rencontres Littéraires animées par

Patrick POIVRE D’ARVOR et Marc Fourny


58 critiques musiques

L’épreuve du temps

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©

ngmar Lazar est un jeune pianiste bourré de dons. Il a donné un récital mettant en lumière d’indéniables qualités ainsi qu’un potentiel impressionnant. C’est Marie-Josèphe Jude qu’on avait annoncée au Théâtre National de Marseille, mais elle a dû déclarer forfait pour des raisons de santé et la maison Lyrinx a fait appel à son dernier poulain pour la remplacer. Ingmar Lazar vient d’enregistrer pour le label marseillais, inlassable découvreur de talents, un magnifique disque consacré à Schubert. Ce qui est remarquable chez ce jeune pianiste, c’est qu’il sait rendre à chaque opus son style propre, en adéquation avec son temps, et ce malgré un Steinway de concert ayant tendance à, justement, uniformiser les interprétations. De fait, il n’y a pas grand chose de commun entre le Je an -M ar pianoforte de Mozart (fin du XVIIIe siècle) et cB ou rdo celui, considérablement hypertrophié au passage n e romantique, de Prokofiev ou Ravel (au XX siècle). Au récital, son clavier sonne avec modestie, simplicité dans la fameuse Fantaisie en ré mineur K.397 de Mozart, avec poésie chez

Chopin (Nocturnes op.48), fougue dans la délirante Mephisto-Valse de Liszt, brio pour le final particulièrement virtuose de la Sonate n°4 op. 9 de Prokofiev. Dans Ravel et ses Miroirs, les « Oiseaux tristes » chantent et enchantent quand l’« Alborada del gracioso » emporte le public vers des danses hispaniques. Ingmar Lazar ne s’épanche, ni ne s’attarde : ses tempi, plutôt enlevés, ne souffrent d’aucune faille technique. Aucun accroc à se mettre à l’oreille au fil d’un récital dressé au cordeau ! L’interprète y met du souffle et de la force, de la couleur et du courage... Cependant, il manque peut-être au tableau général un geste singulier, un coup de patte qui serait propre à l’artiste et qui fascinerait d’autant plus que le pianiste possède les atouts pour y parvenir. Au temps de faire son œuvre ! JACQUES FRESCHEL

Ingmar Lazar était en concert le 9 avril à Marseille à La Criée.

Signatures contemporaines

U

ne fois n’est pas coutume, c’est à un concert de musiques d’aujourd’hui qu’on s’est rendu : un programme proposé par Les Amis de Saint-Victor autour des trois compositeurs marseillais Lionel Ginoux, Régis Campo et Nicolas Mazmanian. C’est dans la crypte souterraine de l’abbaye marseillaise que s’est massé le public, autour des artistes, tels d’antiques fidèles... Dès lors, une alchimie s’est produite : les vieilles pierres, riches d’un passé millénaire, sont entrées en résonance avec les harmonies d’aujourd’hui. Il faut dire aussi qu’on avait invité une musicienne exceptionnelle ! Emmanuelle Bertrand, rayonnante, a porté le concert vers des sommets artistiques et émotionnels rares. Dès ses premiers murmures au violoncelle (Après un rêve de Fauré, seul opus « classique » à l’affiche), secondée par Nora Lamoureux à la harpe, la barre a été placée haut... elle n’est pas retombée ! Omniprésente, Emmanuelle Bertrand a défendu, en solo et avec une grande générosité de jeu, les partitions de Pascal Amoyel (Itinérance, 2003) comme le vibrant hommage à Henri Dutilleux signé Régis Campo (To be alive in power, 2016). C’est aussi l’ensemble vocal féminin Hymnis (dirigé avec talent par

Lionel Ginoux & Emmanuelle Bertrand © Amis de Saint-Victor

Bénédicte Pereira) qu’on a entendu dans les Cinq rondels de Charles d’Orléans (1998) de Jean-Michel Damase. L’équilibre des voix, la justesse de ton, l’engagement artistique font de cet ensemble vocal un des fers de lance de la musique chorale dans la région. Et c’est en compagnie de ces dix voix-là qu’on a pu découvrir deux œuvres inédites. War is kind (2017) confirme (si besoin est !) qu’on possède dans la région l’un des compositeurs français les plus talentueux de sa génération : Lionel Ginoux. Dans ses opéras (Médée Kali

ou Wanda, voir Zib’ 117), ses cycles de mélodies, le jeune créateur puise dans des sources poétiques pointues une matière sémantique qui laisse libre cours à une imagination toute personnelle. Il développe une matière sonore, une langue et un lyrisme qui fondent une véritable signature. Dans une autre mesure, plus traditionnelle du point de vue formel et harmonique, Nicolas Mazmanian possède un style propre : ses Cinq miniatures (2017) oscillent entre les musiques du monde (l’Arménie de Komitas) et des arrangements jazzy qui rendent sa partition immédiatement accessible. J.F.

Le concert Trois compositeurs à cœur ouvert a été donné à Marseille dans l’Abbaye de Saint-Victor le 12 avril


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Une issue au labyrinthe

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’écrivain belge Henry Bauchau (1913-2012), dans sa correspondance et ses journaux, livre ses réflexions intimes au sujet de la rédaction de son roman L’enfant bleu paru chez Actes Sud en 2004. Le vieil homme y évoque son expérience de « psy- © Isabelle Françaix chothéraprof » vécue auprès de Lionel D., un adolescent psychotique qu’il a rencontré, en hôpital de jour dans les années 70, comment il l’a, une douzaine d’années durant, guidé vers la création plastique. C’est aussi à sa vocation d’écrivain qu’il fait référence, suscitée, une trentaine d’années auparavant, par sa propre cure psychanalytique... Ou comment des êtres bloqués dans leur existence trouvent une issue à leur « labyrinthe » : par l’art !

Le spectacle L’île paradis qu’on ne doit pas dire tire les fils de cette double expérience, de l’écriture et de la création, des cris et des douleurs, des peurs et des voix du démon, met en forme, au prix d’un travail méticuleux, un labyrinthe de sons et d’images, de couleurs et de mots, de voix et de chant... où chacun peut se perdre au gré de son imaginaire. La musique électro-numérique de Pierre-Adrien Charpy développe un monde sonore riche, parfois

« orchestral », soutenant le chant, souvent cauchemardesque à l’image des peurs du jeune patient. Elle est omniprésente, mais laisse une place nécessaire au discours, au récit en mosaïque des voix parlées et/ou chantées de Raphaële Kennedy et Vincent Bouchot. Leur duo émeut au delà du propos, par leur présence puissante et complice, amplifiée par la « mise en son » fantasmagorique de l’ingénieux-ingénieur Franck Rossi. Le spectacle d’ « art total » vaut aussi par la poésie de la création vidéo d’Isabelle Françaix et ses images mouvantes illustrant le livret, tout en s’en échappant, incluant par touches discrètes des plans des productions de l’artiste Lionel D. qui, au moment des rappels, est venu participer aux saluts, plaçant l’émotion collective à son comble. J.F.

L’île paradis qu’on ne doit dire a été créé à Marseille, le 27 avril, Salle Musicatreize.

Match au sommet

U

n peu à l’image d’un match de foot, quand Rossini et son librettiste Angelo Anelli provoquèrent la rencontre entre deux cultures méditerranéennes en 1813 dans L’Italienne à Alger, ce n’était que pour la beauté du spectacle, un prétexte à une série de joutes vocales ébouriffantes et non dans le but d’opposer deux nations aux mœurs éloignées. En l’ayant très bien compris, le metteur en scène Nicola Berloffa a imaginé pour cette saison à l’Opéra de Toulon un « Dramma giocoso » plus comique que tragique, l’aspect dramatique de l’œuvre ayant été littéralement balayé au profit du burlesque et de la bouffonnerie, art dans lequel le compositeur transalpin savait exceller avec truculence. Déjà auteur d’une scénographie enjouée dans Un Ballo in Maschera la saison précédente, il signait également ici les costumes, aidé par les décors ad hoc et somptueux de Rifail Ajdarpasic, donnant à l’ensemble une cohérence esthétique sans faille et visuellement saisissante. Dans ce duel au sommet, c’est Francesco Cilluffo qui arbitrait les innombrables airs, duos et ensembles d’envergure que compte la partition, dirigeant d’une main alerte l’orchestre et les chœurs, personnages eux-mêmes de

© Cédric Delestrade

cette comédie délirante où triomphe in fine l’intelligence féminine. Le plateau de solistes ne déméritait pas et emportait l’adhésion des amateurs d’opéra italien, emporté avec autorité par Andrea Mastroni qui donnait au personnage de Mustafà (basse) un caractère patibulaire, mélange subtil d’autoritarisme pervers et de naïveté placide. Cette incarnation mettait en orbite la performance des deux rôles principaux, Laura Verrecchia (Isabella, plus mezzo qu’alto), et Alasdair Kent (Lindoro, ténor) qui rivalisaient de talent et de technique

pour venir à bout d’un bel canto redoutable où l’on regrettera juste un léger manque de puissance, dû à des timbres singuliers mais au demeurant légers sur certaines parties de la tessiture. À ce bémol près, l’articulation musicale excellente et le jeu scénique parfait emportaient l’auditoire dans une pyrotechnie vocale digne d’éloges. ÉMILIEN MOREAU

L’Italienne à Alger a été donné les 13, 15 et 17 avril à l’Opéra de Toulon


60 critiques musiques

Mélodies et chansons françaises

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© Marie-Anne Baillon

’est à un concert inhabituel que nous ont conviés nos collaborateurs Jacques Freschel et Fred Isoletta, l’un au chant, l’autre au piano. Un concert conférence joliment intitulé De Fauré à Ferré, avec une mise en perspective du musicologue Lionel Pons.

Si celui-ci, analyste précieux de l’histoire musicale, se perdit un peu, ce jour-là, dans de longues périphrases, la thématique autour de la mer avait tout d’un voyage, et inventait une sorte de medley à la française, cheminant sans à-coups de la chanson populaire à la mélodie française, en passant par l’opérette marseillaise, la chanson à texte et la création contemporaine. Jacques Freschel, baryton au timbre chaleureux et aux intonations d’une justesse au cordeau, avait conçu son récital autour d’airs évoquant la Méditerranée, et déclinait en plusieurs chapitres les thèmes du départ, de la mémoire, de la rencontre, de Marseille... Les extraits s’y répondaient par analogies ou contraste, Calogero et Helmert côtoyaient sans complexe Duparc et Fauré, Ferré et Trenet mêlaient leurs vers à ceux de Baudelaire ou Rimbaud, ne souffrant à aucun moment de la comparaison : il faut dire que le baryton servait avec la même délicatesse la chanson et la mélodie françaises. Accompagné avec une belle complicité par Fred Isoletta, il donna toute sa mesure comique dans la Chanson du cabanon popularisée par Fernandel, puis

montra l’étendue de son registre dans Un Chant d’Ulysse, de Lionel Ginoux, partition difficile et d’une beauté toute contemporaine, imprégnée d’une délicate inspiration antique : dans la lignée figurative de la mélodie française, le compositeur fait entendre les tourments de l’âme et les cris des sirènes... La Mémoire et la mer et Marseille de Ferré furent interprétés avec une fine et émouvante musicalité, devant une salle comble : les concerts de l’Alcazar, gratuits, rassemblent un public nombreux qui vient écouter les avants goûts des propositions musicales marseillaises. Car De Fauré à Ferré sera repris à l’Église des Réformés, en version concert, l’orgue de Philippe Gueit remplaçant le piano de Fred Isoletta... MARYVONNE COLOMBANI

Concert donné à L’Alcazar, Marseille, le 21 avril

à venir De Fauré à Ferré 27 mai à 17h Église des Réformés, Marseille marseilleconcerts.com

Trans Kabar, l’esprit est là

«I

l est encore temps de se lever et de bouger tout ça ! » exhorte Jean-Didier Hoareau, l’enthousiaste chanteur de Trans Kabar, avant d’entamer le dernier morceau de la soirée. À ce moment-là, il y a beau temps déjà que la plupart des spectateurs s’est dégagée de l’ankylose du siège pour répondre à l’impérieux appel du rythme. Aux quatre coins de la salle, les pieds s’affolent, les hanches chaloupent, s’avoisinent, dans une inénarrable chorégraphie, dont © N’Kruma Lawson Daku la seule cohérence semble être la joie de se et festives, le marqueur d’une identité forte. déborder ensemble. Et comment imaginer Craignant ses intonations émancipatrices, qu’il en fût autrement, tant la musique de l’administration coloniale ira même jusqu’à Trans Kabar sonne comme une invitation réprimer lourdement sa pratique dans les à l’exultation des corps et à la réunion des années 50 et 60. Le Maloya finit pourtant esprits, dans la grande tradition du Maloya. par s’extraire de la clandestinité dans les Ce genre musical réunionnais, apparu décennies suivantes, mâtinant la coutume de sur l’île à partir du XVIIe siècle et fruit du modernité, par imprégnation de rock, de jazz métissage progressif entre esclaves et colons, ou de reggae, sans toutefois perdre de vue demeure, outre ses dimensions populaires ses origines. « C’est vrai qu’on ne joue pas

avec des instruments traditionnels, mais l’esprit est là, c’est ce qui compte. » glisse entre deux morceaux Jean-Didier Hoareau, qui s’accompagne néanmoins du kayamb, instrument percussif emblématique de la Réunion. Idéalement complété par Stéphane Hoareau à la guitare, Théo Girard à la contrebasse et Ianik Tallet à la batterie, Trans Kabar oscille entre mélopées langoureuses et rengaines endiablées aux accents incantatoires, auxquelles la salle est souvent invitée à adjoindre un contre-chant. Jusqu’au bout, le rythme, renforcé par les secousses des sursauts cadencés du public, ne faiblira pas, bien au contraire. La preuve qu’aujourd’hui encore, les particularismes peuvent aussi rassembler. LOUIS GIANNOTTI

Trans Kabar s’est produit le 21 avril à la Cité de la Musique, Marseille


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Familiarités du cœur

«L

e souffle de lumière, le tremblement concentré qui rayonne de certaines rencontres contredit parfois sa propre brièveté et s’étend comme une lente alchimie sur tout le reste de la vie.»* Le poème d’amour ouvre le CD concocté avec délicatesse par Shadi Fathi, lumineuse interprète des instruments subtils que sont le setâr et le shourangiz, et Bijan © Muriel Despiau Chemirani, une référence pour le jeu du zarb, qui tisse de virtuoses contre-chants aux mélodies des luths à long manches. Rencontre précieuse entre ces deux artistes nourris de musique traditionnelle persane, ayant, chacun, appris auprès des plus grands maîtres. Depuis 2016, le duo mêle aux inspirations classiques une approche plus contemporaine et nous livre aujourd’hui un ensemble de 14 titres rassemblés sous le nom de Delâshena. « Le

grands espaces, grâce des saisons où le monde renaît… Thèmes de la musique classique persane, compositions de Bijan Chemirani ou de Shadi Fathi se croisent, virevoltent, se réinventent. L’ancrage dans la tradition n’impose pas de limite poussiéreuse, les musiques ancestrales, loin d’être des pièces de musée, restent toujours en mouvement, dans un dialogue permanent avec la contemporanéité. Les divers apports s’étoffent d’échos dans cette mise en acte de l’hospitalité où chacun accueille l’imaginaire de l’autre… Un disque d’une poésie et d’une élégance rare. M.C.

terme est composé de deux mots, cœur et familier », Shadi Fathi sourit, « qui est familier au cœur, semblait une bonne présentation de notre conversation musicale ». Le disque, enregistré au studio du Théâtre Durance, n’est pas ici qu’une simple captation destinée à saisir l’instant, mais conduit l’auditeur au cœur d’un voyage poétique où le temps et l’espace échappent à la matière. Promenade éblouie dans les jardins de l’âme, appel des

*d’après un extrait de la Douzième poésie verticale de Roberto Juarroz Présentation le 10 avril à L’Éolienne, Marseille Sortie du CD Delâshena le 18 mai chez Buda Music –Distribution Socadisc (MCE Production) Concert de sortie de l’album le 1er juin à la Cité de la Musique, Marseille 04 91 39 28 28 citemusique-marseille.com

Les voix des tambours

«D

es tambours au loin et une maison de maître brûle… les rythmes constituent un langage commun aux esclaves qui, depuis le XVIIe, sont convoyés aux Amériques et n’ont pas forcément la même langue… », sourit Roger Raspail, complétant l’introduction documentée de Frank Tenaille lors de la rencontre qui précède le concert de fin de résidence de son ensemble. « Les tambours du Gwo Ka résonnent en Guadeloupe depuis l’arrivée des premiers esclaves. Fortement enracinée dans la ruralité de l’île, cette manifestation musicale symbolise la reconquête par la population de son identité profonde, le public d’aujourd’hui renoue avec cette culture lors des soirées Léwoz, au cours desquelles on se livre aux improvisations dansées, chantées, jouées sur les percussions ». Les tambours sont fabriqués à l’origine à partir des « gros quarts » (d’où leur nom) de tonneaux destinés à acheminer les salaisons. Ce tambour, symbole de ralliement et de résistance, servit à annoncer des rassemblements clandestins, voire des révoltes contre les propriétaires de plantations, qui en sanctionnèrent l’usage… en vain ! En 2014 le Gwo Ka est inscrit au Patrimoine

© MC.

culturel immatériel de l’Humanité. Gardien de la valeur patrimoniale du Ka, Roger Raspail a apporté sa contribution artistique à une multitude de groupes, dont celui de Cesária Évora, de Kassav, d’Anthony Joseph,... À la demande du Chantier, il a accepté le projet d’une variation autour du « Ka », accompagné par des musiciens de haute volée, Maryll Abbas (accordéon et vocalises jazzées), Moïse Marie (chant, basse, percussions) et Jony Lerond, alias Somnanbil, (chant, percussions). Avec une belle complicité, cette formation talentueuse décline les sept

rythmes ou plutôt cadences de base du Gwo Ka, chacune correspondant à une signification particulière. La virtuosité n’est jamais gratuite, mais souligne l’appartenance de cette musique à une aventure humaine séculaire, et, à l’instar du jazz ou du reggae, répond par sa vertu de résistance à une philosophie de vie. Un art communicatif du bonheur ! M.C.

Concert donné le 20 avril au Fort Gibron, Correns. On pourra entendre L’esprit du Gwo Ka lors des Joutes de Printemps à Correns, le 20 mai (lire P 40)


62 au programme musiques bouches-du-rhône

La fille du tambour major L’Odéon nous donne rendez-vous en Lombardie sous l’occupation autrichienne (1800) durant les campagnes napoléoniennes. Jeunes filles au couvent, amours contrariées, reconnaissances, passages drolatiques, et une conclusion où tout se finit bien, scellée par des mariages. Une délicieuse opérette d’Offenbach menée avec entrain par Guy Condette dans une mise en scène de Jack Gervais.

Jennifer Michel © Arnaud Hervé

L’Orchestre Philharmonique de Marseille quitte les ors de l’Opéra pour la salle du Silo en un programme comprenant trois grandes pièces, L’Apprenti sorcier de Paul Dukas (qui ne connaît la version de Fantasia ?), le Concerto pour piano (Irena Gulzarova) et orchestre n°5 en fa majeur op. 103, dit « Égyptien » de Camille Saint-Saëns, et Le Tricorne de Manuel de Falla avec la mezzo-soprano Marie-Ange Todorovitch. Le tout sous la direction précise et enlevée de Lawrence Foster.

Orchestre symphonique AMU © AMU

OSAMU Irena Gulzarova © Ernest Kurtveliev

Orchestre Philharmonique

17 mai Silo, Marseille 04 91 55 11 10 / 04 91 55 20 43 opera.marseille.fr 26 & 27 mai Odéon, Marseille 04 96 12 52 70 odeon.marseille.fr

L’orchestre symphonique dont s’est dotée l’Université d’Aix-Marseille en 2015 (OSAMU) est non seulement une initiative originale en France, mais sait aussi faire preuve d’une grande qualité, en recrutant étudiants et membres du personnel de l’AMU au meilleur niveau. On aura le plaisir de l’entendre sous la direction du jeune et talentueux chef, Sébastien Boin au parc de Bagatelle dans le cadre de son Festival de Musiques. 14 juin Parc de Bagatelle, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

Sortir au jour

Ernani

Francesco Meli © X DR

L’opéra de Verdi, inspiré du drame romantique de Victor Hugo nous entraîne dans l’enchevêtrement d’intrigues à l’issue tragique. Elvira (Hui He), aimée d’Ernani (Francesco Meli) est promise à Silva (Alexander Vinogradov) qui ourdit une conspiration contre Don Carlo (Ludivic Tézier), futur Charles Quint… grandeur, reconnaissance, terrible vengeance… dans une mise en scène de Jean-Louis Grinda, sous la houlette de Lawrence Foster. 6 au 16 juin Opéra de Marseille 04 91 55 11 10 / 04 91 55 20 43 opera.marseille.fr

Les versions du conte sont multiples. Le Ballet de l’Opéra Grand Avignon reprend l’histoire de Cendrillon dans une chorégraphie d’Éric Belaud, sur la musique de Sergueï Prokofiev, dans les décors d’Emmanuelle Favre. Le merveilleux, la magie, conduisent le récit, où l’adresse de la jeune fille et les pouvoirs de la fée surmontent tous les obstacles… 1er & 2 juin Odéon, Marseille 04 96 12 52 70 odeon.marseille.fr

© Anne Loubet-MP2018

Cendrillon

Création Musicatreize 2018 en coproduction avec MP2018 « Quel amour ! », l’oratorio a capella de Zad Moultaka, Sortir au jour, s’inspire du Livre des morts égyptien, et connaît deux versions possibles : un concert participatif avec des chœurs amateurs (l’invitation est lancée !) ou un concert à 16 voix solistes et bande. La première version sera jouée à l’Abbaye de Silvacane, la seconde dans l’écrin de la salle Musicatreize. 20 mai Abbaye de Silvacane, La Roque d’Anthéron abbaye-silvacane.com 22 mai Salle Musicatreize, Marseille 04 91 00 91 31 musicatreize.org


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Salut Salon

Dans le cadre des Mercredis du Conservatoire, le théâtre La Colonne accueille une soirée d’une intense poésie, grâce au pianiste Bruno Rigutto (lauréat entre autres du concours Tchaïkovski 1966) qui interprètera les Nocturnes de Chopin. Pour compléter l’atmosphère des soirées de Nohant, l’auteur et comédien Jean-Yves Clément lira quelques-uns de ses poèmes écrits en l’honneur du compositeur.

1er juin Salle Musicatreize, Marseille 04 91 90 93 75 musicatreize.org

LES NUITS FLAMENCAS JESúS CARMONA MARíA PAGéS 018

29 JUIN

UN BREAK à MOZART 1.1 KADER ATTOU / ACCRORAP — ORCHESTRE DES ÉLYSéES

ÉTÉ

2

23 mai Théâtre de la Colonne, Miramas 04 90 50 66 21 scenesetcines.fr

30 JUIN

HUGH COLTMAN THE GREAT AMERICAN SONG BOOK

SCÈNE NATIONALE

CHÂTEAUVALLON AM

6 & 7 JUILLET

ALEATORIO LES BALLETS DE MONTE-CARLO

Sous la présidence de S.A.R la Princesse de Hanovre

20 & 21 JUILLET

27 & 28 JUILLET

MISE EN SCÈNE DENIS PODALYDÈS

Johan Inger

LE TRIOMPHE DE L’AMOUR MARIVAUX

Jean-Christophe Maillot

T. 04 94 22 02 02

CHâteauvallon.com

TRE

22 & 23 JUIN

29 mai Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 les-salins.net

ÉÂ

Jean-Marc Aymes © Eric Bourillon

La virtuosité espiègle des musiciennes rend ce quatuor incontournable, avec Angelika Bachmann ou Rahel Rilling (violon), Iris Siegfried ou Meta Hüper (violon et chant), Anne-Monika von Twardowski ou Olga Shkrygunova (piano), Sonja Lena Schmid ou Frederike Dany (violoncelle). Le Carnaval des animaux de Saint-Saëns côtoie avec humour des chants issus du folklore, un air de tango, une musique de film, tandis que des sketches désopilants tissent l’architecture de l’ensemble. Irrésistible !

Bruno Rigutto © X DR

Nuits de l’âme

Rareté que celle d’un programme à quatre mains pour un clavecin, les œuvres du répertoire n’abondent guère… Jean-Marc Aymes et son élève, Yukari Ishikawa, claveciniste accomplie, interpréteront de petits bijoux, depuis des œuvres du jeune Mozart, à celles de Jacques Duphly ou Pancrace Royer. Un rendez-vous précieux !

© Thorsten Wingenfelder

Quatre mains pour un clavecin

PHIT

GOLDEN DAYS ATERBALLETTO

H


64 au programme musiques vaucluse var alpes maritimes gard hérault

La Traviata

Artiste associé au théâtre de Nîmes, le compositeur violoncelliste Vincent Courtois prend pour base de son travail de recherche La Tosca de Puccini et reprend, sous le titre Les Démons de la Tosca, le thème du démon de la création artistique. Traversée collective, avec saxophone, basse électrique, piano, batterie, voix, violoncelle, pour une pièce musicale d’une époustouflante liberté novatrice.

© Andrea Graziosi

1er juin Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 96 80 auditoriumjeanmoulin.com

La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils a inspiré à Verdi l’un de ses plus beaux opéras, La Traviata. Les amours impossibles de Violetta (Maria Teresa Leva) avec le beau, mais influençable Alfredo Germont (Davide Giusti) seront mis en scène par Stefano Mazzonis di Pralafera et dirigés par Samuel Jean, à la tête de l’Orchestre Régional Avignon-Provence. 8 & 10 juin Opéra Confluence, Avignon 04 90 14 26 00 operagrandavignon.fr

Un Barbier Inspiré de l’opéra-bouffe Il Barbiere di Siviglia, mais adapté à un jeune public, en insistant sur l’aspect de comédie, Un Barbier est adapté avec jubilation par Gilles Rico et mis en scène par Damien Robert. L’œuvre enjouée de Rossini fait renaître les personnages de Rosine (Valentine Lemercier), Figaro (Mathieu Gardon), Almaviva (Pierre-Emmanuel Roubet), Bartolo (Thibault De Damas), Basile (Olivier Dejean) sous la houlette d’Adrien Perruchon.

29 mai Théâtre Bernadette Lafont, Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com

Nabucco

Nabucco L’opéra de Verdi, inspiré du drame d’Auguste Anicet-Bourgeois et de Francis Cornu, Nabuchodonosor, évoque l’épisode biblique de l’esclavage des Hébreux à Babylone. Les Milanais, subissant l’occupation autrichienne s’identifièrent au fameux chœur des esclaves, Va pensiero… On pourra l’applaudir deux fois, avec la même distribution à Nice et à Toulon, où les orchestres et chœurs « maison » seront dirigés respectivement par György G.Ráth et Jurjen Hempel.

Valentine Lemercier © X DR

© Christophe Charpenel

Vincent Courtois

Poésie de Federico García Lorca, musiciens masqués, embarquement pour le rêve assuré avec l’Ensemble C Barré, dirigé par Sébastien Boin, dans une mise en scène onirique de Pablo Volo. Ce délicat opéra de chambre pour baryton-basse s’enveloppe d’électronique, d’élans, de retours, en un rêve éveillé envoûtant. « El Niño Lorca », éternellement émerveillé de la beauté du monde.

Maria Teresa Leva © X DR

Ensemble C Barré

Politique et jalousie amoureuse s’entremêlent inextricablement dans la partition de Verdi. Nabucco, chef d’œuvre du compositeur, évoque un épisode de l’ancien testament, mais rappela à ses contemporains leur situation, sous le joug de l’occupation autrichienne. Ce bijou du répertoire lyrique sera dirigé par Michael Schønwandt, dans une mise en scène de John Fulljames.

3 au 6 juin Opéra, Toulon 04 94 92 70 78 operadetoulon.fr 18 au 24 mai Opéra, Nice 04 92 17 40 79 opera-nice.org

Giovanni Meoni © X DR

19 mai Opéra Confluence, Avignon 04 90 14 26 00 operagrandavignon.fr

15 au 20 mai Opéra, Montpellier 04 67 601 999 opera-orchestre-montpellier.fr


au programme musiques bouches-du-rhône gard 65

Le Banquet des sources

Ruben Paz y su Chévéréfusion

© Elio Guidi

Joué une première (et seule) fois lors de l’exposition Le Banquet - De Marseille à Rome il y a un an, Le Banquet des sources a depuis été retravaillé par Bruno Allary, Nathalie Négro et Sylvie Paz lors de résidences de création à La Cité de la Musique. Les sons des guitares, du saz, du piano et des percussions se rejoignent dans des compositions qui font voyager des rythmes des Balkans aux Gymnopédies de Satie.

Le trompettiste sarde, le pianiste cubain et le percussionniste indien sont trois des plus talentueux musiciens de la scène jazz actuelle. Le concert qui les réunit pour clore la saison jazz du GTP s’annonce des plus colorés, leur goût commun pour les expériences musicales les plus variées créant une fusion qui « nous emporte dans une transe hypnotique d’un genre nouveau ».

Ruben Paz © Fred Reggalover

Bruno Allary © Muriel Despiau

Paolo Fresu, Omar Sosa, Trilok Gurtu

18 mai GTP, Aix-en-Provence 08 2013 2013 lestheatres.net

18 mai Cité de la Musique, Marseille 04 91 39 28 28 citemusique-marseille.com

19 mai Cité de la Musique, Marseille 04 91 39 28 28 citemusique-marseille.com

© X DR

Les auditeurs de France Inter connaissent Frédéric Fromet, il chante l’actualité, version caustique, à la guitare, dans l’émission Par Jupiter tous les vendredis. S’il dit ne rien prendre au sérieux, c’est néanmoins très sérieusement qu’il concocte ses textes percutants et bourrés d’humour et de seconds degrés. L’accordéon de François Marnier et la contrebasse de Rémy Chatton complètent le trio.

© Sandra Sanji

© Cyril Gabbero

Dans son dernier album Motozot (moi, toi et vous en créole guyanais), le compositeur, chanteur et flûtiste mêle à des rythmes blues, funk et rock les sons des tambours de la tradition guyanaise, issus notamment de la culture bushinengué (du nom des « Nègres marrons » de Guyane, esclaves qui prirent la fuite au temps de l’esclavage). Il est accompagné par Sonny Troupé à la batterie, Boris Kulenovic à la basse, Karim Attoumane à la guitare, Jean-Emmanuel Fatna aux percussions et du DJ Charly Sy.

24 mai Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 theatre-semaphore-portdebouc.com

9 juin Cour de l’école Igor Mitoraj, Cornillon-Confoux 04 90 55 71 53 scenesetcines.fr

alt-J

Frédéric Fromet Trio Yann Cléry

Avec Ruben Paz et son groupe Chévéréfusion composé d’une dizaine de musiciens, c’est Salsa para todos ! Le flûtiste et saxophoniste cubain, qui a fait de Marseille son port d’adoption depuis 1998, mêle à la musique afro-cubaine de ses origines des sons jazz et word qui font danser. Du groove envoûtant de la cumbia aux rythmes affolants de l’afrobeat, vamos a bailar !

En 2012, les Britanniques ont immédiatement connu le succès avec An Awesome Wave, œuvre pop follement tarabiscotée. Séparé après leur deuxième album mais pas fâché, le trio s’est reconstitué pour Relaxer (nouvel album à paraître le 2 juin chez PIAS). La formule, mélange de rock cowboy, d’avant folk climatique et d’électro bricolo est toujours aussi atypique et d’ailleurs Joe Newman (et sa voix hors-normes), Gus Unger-Hamilton et Thom Green n’ont rien changé à leurs habitudes de composition et d’enregistrement. Les fans ne seront pas déçus. 15 mai Dock des Suds, Marseille 04 91 99 00 00 dock-des-suds.org 16 mai La Paloma, Nîmes 04 11 94 00 10 paloma-nimes.fr


66 au programme musiques bouches-du-rhône gard vaucluse hérault

South Vintage Festival

Yeah !

© X DR.

Dominique A Kokoko ! © X DR © Jean-Baptiste Millot

Rendez-vous atypique et festif pour le weekend de Pentecôte. L’équipe marseillaise de Ze BourgeoiZ prend la main sur le festival familial au Moulin de l’Arc. Sur deux scènes pendant trois jours, la programmation placée sous le signe du voyage mêle figures populaires comme Dick Rivers avec des rockers underground talentueux (le Portugais The Legendary Tigerman) et d’énergiques groupes régionaux : Rodéo Spaghetti, Cowboys From Outerspace ou PorCaPiZZa SHoW. Un espace exposants et un volet animation pour petits et grands est aussi prévu.

Depuis 25 ans, il est une des figures tutélaires de la pop française, qui a littéralement enfanté une nouvelle génération d’artistes, de Katerine à Barbara Carlotti. Mais l’auteur du Twenty-Two Bar n’en a jamais fini avec les dilemmes qui fondent son identité de musicien. Ainsi cette année sont sortis deux albums développant ses deux inclinations contradictoires : Toute Latitude fraie avec l’électricité tandis que La Fragilité développe un côté plus intimiste. Les deux nourrissent son live conçu lors d’une première à La Philharmonie de Paris mi-avril.

Le festival vauclusien créé par Laurent Garnier & co propose une vision à 360° de la musique actuelle. Au delà de la pop de Girls in Hawaii, de la techno planante de Rone ou de l’électro déglinguée d’Aufgang, on sera sensible au live du récemment césarisé Arnaud Rebotini (pour 360 battements par minute de Robin Campillo) au récital post-classique de Vacarme (les violonistes Carla Pallone, Christelle Lassort et le violoncelliste Gaspar Claus) ou au retour dans l’arène des sons afro avec le punk funk insensé des Zaïrois de Kokoko ! ou le rap-électro de Thsegue. 1er au 3 juin Château et autres lieux, Lourmarin festivalyeah.fr

18 mai Les Passagers du Zinc, Avignon 04 90 89 45 49. passagersduzinc.com

19 au 21 mai Domaine du Moulin de l’Arc, Trets 09 87 32 35 37 southvintagefestival.com

26 avril Rockstore, Montpellier 04 67 06 80 00 rockstore.fr

This is Not A Love Song

Mike Milosh © Genevieve Medow Jenkins

Thérapie TAXI

© X DR

La Mossa

Hit Sale fait partie de ces plaisirs coupables qu’on avoue volontiers. Un rap-pop sexy/ déluré clairement modelé par des experts en refrains accrocheurs qui empruntent autant à la chanson sentimentale qu’aux hymnes en plastique des années 80. Simulacre d’affrontement féminin/masculin (Salop(e)), le jeune duo Adélaïde/Raphaël déploie une tension sexuelle sous-jacente, post moderne et assez drôle, sur fond de mix acidulé un rien futile dans lequel la bonne variété (oui, ça existe) va puiser inlassablement pour renaître de ses cendres. 25 mai Le Cargo, Arles 04 90 49 55 99 cargodenuit.com

Lilia Ruocco, Aude Marchand, Emmanuelle Ader, Gabrielle Gonin, Sara Giommetti et Mélissa Zantman ont créé en 2015 cet ensemble polyphonique entièrement féminin dédié aux musiques du monde. De l’Italie au Brésil, en passant par l’Albanie, la Finlande, la Réunion et l’Occitanie, les voix s’emparent de la profondeur des chants traditionnels et l’incarnent comme l’évoque leur nom, avec une “mossa”, en roulant des hanches tel qu’on le fait à Naples. Organisée par Garance, une jolie boucle dans le département pour faire voleter ces voix au grand air. Le 28 mai à Morières-les-Avignon (Espace Folard), le 29 mai à Maubec (Salle des Fêtes) le 30 mai à Cavaillon (Place de la Révolution), le 31 mai à Caumont (Jardin Romain), le 1er juin à Gadagne (Parvis de l’Arbousière) et le 2 juin à Bonnieux (Boulodrome). lagarance.com

Belles têtes d’affiches pop-rock pour le festival gardois, désormais bien installé dans le paysage national : Phoenix, Beck, The Jesus & Mary Chain, Sparks… Sont attendus en lives la pop asymétrique de Deerhunter, la lounge ouatée de Rhye et de son troublant chanteur androgyne Mike Milosh, la séduisante soul hagarde de Nick Hakim, le rock hardcore du stakhanoviste californien Ty Segall, la country folk classieuse de Father John Misty... Une belle réserve de gourmandises pour les fans de nouvelles tendances musicales. 1er au 3 juin La Paloma, Nîmes 04 11 94 00 10 thisisnotalovesong.fr


27/04/2018 14:53

7 - 10 JUIN 2018 MARSEILLE

CAMILLE • POLO & PAN L’IMPÉRATRICE • TÉMÉ TAN • DAEDELUS DANTON EEPROM LIVE ! BAND ! • MONDKOPF HOLLYDAYS • JEAN TONIQUE JOHAN PAPACONSTANTINO THÉÂTRE SILVAIN MUSÉE D’ART CONTEMPORAIN DE MARSEILLE [MAC] CROISIÈRE ÉLECTRONIQUE LEDITION-FESTIVAL.FR

©Elodie Lascar - Mise en page ©Marie Masi

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68 au programme spectacles bouches-du-rhône var

Les parisiens © Christophe Raynaud de Lage

Bouvard et Pécuchet

C’est dans des costumes réalisés par Macha Makeïeff que Jérôme Deschamps et Micha Lescot interprètent les deux greffiers-copistes, imaginés par Gustave Flaubert comme deux escargots frénétiques sur le chemin de croix de leur vanité. Une épopée de la bêtise humaine très méchante et très drôle, actualisée par quelques touches personnelles de Jérôme Deschamps, également metteur en scène de cette farce au « burlesque triste ». À partir de 12 ans.

Après « Les liaisons dangereuses sur terrain multisports », voici « Yvonne, princesse de Bourgogne sur château-toboggan » ! Édith Amsellem cherche, depuis 2011, en confrontant le théâtre aux lieux décalés et à l’aléatoire, l’endroit « where the magic happens ». Pour son adaptation du texte de Witold Gombrowicz, c’est au Parc de la Colline Puget que sont convoqués la magie, la princesse, et « la cruauté nue, l’égoïsme infantile et la perversité polymorphe ». À partir de 13 ans.

26 & 27 mai Le Gymnase, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net

29 et 30 mai Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr

Frères Du théâtre et théâtre d’objet proposé par la Cie Les Maladroits, qui se penche avec humour et sensibilité sur les vies, liées à la guerre d’Espagne et à l’exil en France, d’Antonio, Angel et Dolorès. Par l’intermédiaire de bibelots, jouets, cartes postales, tasses de café, santons, crucifix, les petits-fils d’Angel se réapproprient un passé disparu, ressuscitent les héros et les défaites, les espoirs et les douleurs, et transmettent le goût de la jeunesse et des utopies. À partir de 11 ans.

Happy Hour

31 mai & 1er Juin Parc de la Colline Puget, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

La maladie de la mort Du non-amour dans une chambre d’hôtel au bord de la mer. Librement adapté du roman de Marguerite Duras, un spectacle de cinéma en direct mis en scène par Katie Mitchell, avec Laetitia Dosch, Nick Fletcher et Irène Jacob. Une exploration du vide existentiel, de l’absence d’émotion entre un homme et une femme, de l’intimité, du genre, de la pornographie et du sexe. Un des textes parmi les plus implacables et dérangeants de Marguerite Duras. Spectacle déconseillé aux moins de 18 ans.

© Stephen Cummiskey

22 au 26 mai Jeu de Paume, Aix-en-Provence 08 2013 2013 lestheatres.net

© JM COUBART

15 au 19 mai La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com 13 mai Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr

Adapté de son roman éponyme sorti en 2016 chez Actes Sud, la pièce d’Olivier Py décrit, en 4h30, dans un tourbillon d’intrigues, de grandes tirades, de dialogues philosophiques, et de sexualité débordante, toute une humanité à la fois misérable et flamboyante de politiques, artistes, courtisan(e)s, prostitué(e)s, homos, hétéros, transexuels en quête de leur propre vérité. Une comédie lyrique et corrosive.

© Alice Piemme

© Enguerrand

Yvonne princesse de Bourgogne

17 et 18 mai La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com 15 & 17 mai Le Gymnase, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net

Deux danseurs italiens, Mauro Paccagnella et Alessandro Bernardeschi qui se connaissent depuis 20 ans, jouent de leur proximité amicale et physique pour partager avec le public, pendant cet Happy Hour où un danseur en vaut deux, quelques tranches mouvementées de leurs expériences communes. Le tout en huit tableaux, où s’entremêlent plumes, perruques, déhanchements comiques, entrechats, réalités et fictions. 12 au 16 juin Les Bernardines, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net


69

D’où venons nous © Yohanne Lamoulere

Plateaux ouverts/ Sorties d’ateliers Jeunesse en mai

© SIGRUN SAUERZAPFE - MP2018

Sous-titrées « Écrire et jouer l’amour », ce sont deux journées et deux soirées de présentation du travail mené pendant toute la saison, sur le thème de l’amour, par le Théâtre de la Joliette, dans trois lycées (Montgrand, Victor Hugo, Saint-Exupéry) et deux collèges partenaires (Izzo, Vieux-Port). Accompagnés par 5 auteurs et 8 artistes intervenants, collégiens et lycéens donneront à voir en public leurs visions de l’amour.

18 & 19 mai Théâtre Joliette, Marseille 04 91 90 74 28 theatrejoliette.fr

Sept soirées pour témoigner de la vitalité des ateliers artistiques conduits tout au long de l’année par les artistes proches de la scène nationale de Marseille. Tout un programme qui sera inauguré, le mercredi 30 à 19h, par Stimmlos d’Arthur Perole, chorégraphie liée au romantisme de Wagner et de Baudelaire, revisitée par un groupe de seniors accompagnés de jeunes interprètes de la CieF.

26 mai Théâtre Joliette, Marseille 04 91 90 74 28 theatrejoliette.fr

Sirènes & midi net, le rituel urbain de Lieux Publics sur le parvis de l’Opéra de Marseille, s’enrichit d’un mystérieux nouvel opus. Un accusé, pas de juge, pas de jurés, mais une foule en colère... qui ne sait même pas pourquoi elle l’est. La Mondiale Générale présente sa création 2018 sous forme de spectacle-installation. En recourant comme précédemment aux bastaings, courtes poutres de bois, la spécialité du circassien Alexandre Denis. 6 juin Lieux publics, Marseille 04 91 03 81 28 lieuxpublics.com

30 mai au 6 juin Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org

PompierS La Töy Party

© Gilbert Scotti

L’amour en (courtes) pièces 5 textes commandés par le Théâtre de la Joliette à 5 auteur.e.s sur le thème de l’amour donnent lieu à 5 petites formes courtes, constituées de duos et trios, mis en scène par 4 metteur.e.s en scène, qui seront jouées par 6 interprètes. Prémisses de l’amour, drame shakespearien, origine de l’humanité, roadmovie déjanté, rupture ancienne qui resurgit.. Rendez-vous en journée sur un parcours déambulatoire dans les divers lieux du J5/ArchiCulturel, et en soirée au théâtre.

Tout le monde aime les super-héros

Imaginé à partir d’un fait divers sordide largement commenté : l’histoire d’une amoureuse transie, fascinée par un beau pompier, pompier qui après s’être satisfait, la jettera en pâture à ses copains de caserne. Un texte écrit par Jean-Benoît Patricot qui sonde l’abus, le consentement, le désir, le mépris, l’amour. Un huis clos où se joue « une lutte sans merci entre le machisme calculateur et l’amour pur et total ». 22 mai Théâtre Toursky, Marseille 0 820 300 033 toursky.fr

Sortie de résidence pour le Détachement international du Muerto Coco, à la Cité des arts de la rue. Avec une obsession, le jouet pour enfant, et plus précisément le jouet électronique (du clavier au pingouin à piles), ses artistes bâtissent un monde. L’objectif avoué est de refaire le chemin de l’enfance à l’adolescence puis à l’âge adulte, « mais de manière plus libre cette fois ». La création de Töy Party aura lieu dans le cadre du Festival Tendance Clown. 24 mai Lieux publics, Marseille 04 91 03 81 28 lieuxpublics.com


70 au programme spectacles bouches-du-rhône

Cabanes

La noche flamenca

Michel et Michelle apprennent à vivre ensemble. Cela implique des compromis, parfois des disputes, mais il faut reconnaître que quand on est deux les orages font moins peur. La Compagnie du Dagor s’inspire de l’œuvre de jeunesse d’Alan Mets, faite selon son éditeur (L’École des Loisirs) « d’aventure et de mystère, de pirates et de baleines, de rêverie et d’humour, de personnages loufoques et tendres ». Du théâtre sans paroles destiné aux 5 ans et plus.

Maria Pérez et son Centre Solea rallient le Théâtre Nono pour une nuit-kaléidoscope consacrée au flamenco. La star en sera sa fille Ana, accompagnée de la crème des danseurs sévillans. Musique, danse et repas à l’espagnole, avec tapas, tortillas et vins andalous... une bonne façon de célébrer cette expression populaire immémoriale, inscrite depuis 2010 au patrimoine immatériel de l’humanité par l’Unesco.

© Sylvie Girond

Culotte et crottes de nez

© Thiérry Laporte

À l’heure où l’on détruit sans pitié celles des zadistes de Notre-Dame des Landes, le pouvoir évocateur des cabanes a touché Sylvie Giron. La danseuse et chorégraphe a centré sa nouvelle création autour de cet abri de bric et de broc « où tout est possible ». Chloé D’Aniello et Jazz Barbé l’accompagnent sur scène lors d’une « parenthèse onirique pour petits et grands bâtisseurs ».

26 mai Théâtre Massalia, Marseille 04 95 04 95 75 theatremassalia.com

26 mai Théâtre Nono, Marseille 04 91 75 64 59 theatre-nono.com

29 mai Klap Maison pour la Danse, Marseille 04 96 11 11 20 kelemenis.fr

Scène Ouverte Le Théâtre Nono ouvre sa scène aux artistes de tout poil, qu’ils soient acteurs, metteurs en scène, chanteurs, danseurs, musiciens, ou encore plasticiens. Ne pouvant répondre à toutes les sollicitations dont elle fait l’objet pour présenter leur travail au public ou aux professionnels afin d’en assurer la promotion, la structure les accueillera ponctuellement lors de Scènes Ouvertes, succession de formats courts, dont voilà la première édition

Danser avec Nusrat / Faire feu

Week-end de clôture

26 & 27 mai Théâtre Massalia, Marseille 04 95 04 95 75 theatremassalia.com

Le même jour, Thomas Lebrun et Michel Kelemenis présenteront leurs pièces réalisées avec les jeunes interprètes de la formation Colline (Istres). L’un et l’autre se sont gorgés de leur énergie, de leur vitalité, de leur capacité à s’embraser. Si le premier fait appel à la musique spirituelle de Nusrat Fateh Ali Khan, le second cherche ardemment à disparaître dans le geste qui s’efface. 12 juin Klap Maison pour la Danse, Marseille 04 96 11 11 20 kelemenis.fr © Jeanne Lois

Le Gros SAbordage © Hervé Tartarin

Faire Feu © M.Barret-Pigache

Le Massalia a ouvert sa saison 2017-2018 par un anniversaire, en fêtant joyeusement ses 30 ans. Mais comme on ne célèbre jamais assez les bonnes choses, rebelote ! Le dernier week-end de mai sera l’occasion de boucler sa programmation avec les fidèles du théâtre. L’auteure Claire Rengade dévoilera notamment sa revue numérique constituée tout au long de l’année, tandis que Catherine Germain donnera une « simple conférence » pour enfants et parents, sur son métier de clown.

2 juin Théâtre Nono, Marseille 04 91 75 64 59 theatre-nono.com


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Dingo Dingue

Stadium

What do you think?

« La folie est un long poème qui se conserve au frais » ! Lacan, Bonnafé, Oury… la fine fleur de la psychanalyse est convoquée par Christian Mazzuchini mais aussi les poètes comme Tarkos, Bellier, envahissent la scène derrière les plumes d’indien de l’acteur, prolixe, brillant, intarissable, amoureux des mots, en un spectacle jubilatoire et profond. (lire journalzibeline.fr)

© X DR

8 & 9 juin Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 88 71 74 80 boisdelaune.fr

29 & 30 mai Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 88 71 74 80 boisdelaune.fr

Rice Finir en beauté

© Un été avec Monika d’Ingmar Bergman, 1953

Infidèles

Le BLA convie Mohamed El Khatib pour les dernières représentations de Finir en beauté. Pièce, ovni théâtral, confidence intime, monologue sensible, dans lequel l’acteur, metteur en scène, dramaturge, évoque la mort de sa mère, son deuil, et l’environnement administratif kafkaïen qui entoure de procédures insupportables ce moment terrible.

© LIU Chen-hsiang

15 & 16 mai Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 88 71 74 80 boisdelaune.fr

Le Cloud Gate dance Theatre of Taiwan nous entraîne dans un voyage époustouflant au cœur d’une Asie magnifiée dans une chorégraphie influencée par les arts martiaux. Lin Hwaï-min s’inspire du cycle de la vie du riz, imprègne ses 24 danseurs de l’univers des villageois. Les éléments envahissent un plateau végétal où évolue la troupe avec un talent poétique rare. © Anthony Anciaux - Fonds Porosus

Il n’est guère plus besoin de présenter la compagnie tg STAN / De Roovers, fidèle du Bois de l’Aune, qui revient avec un bel hommage à Bergman, qui aurait eu 100 ans cette année. C’est à son œuvre d’écriture que s’attache cette troupe inventive, qui joue entre mots et aspects visuels avec une délicate élégance. 24 & 25 mai Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 88 71 74 80 boisdelaune.fr

Poursuivant son travail qui unit réalité et fiction, Mohamed El Khatib s’est attaché aux supporters du RC Lens, autoproclamés « meilleur public de France ». Témoignages sur le foot, mais aussi sur la vie, extrais filmés, enregistrés, réécrits, un spectacle-performance auquel participent 53 supporters… Monumental et unique ! © Elian Bachini

© Richard Patatut

Entre littérature et danse, dans la suite du spectacle Vers un protocole de conversation, Georges Appaix et sa Cie La Liseuse offrent un nouveau chapitre dans la pure ligne alphabétique d’une pensée dansée, d’un mouvement qui renvoie à une écriture du monde, habité d’un humour décalé et d’une subtile sensibilité.

31 mai & 1er juin Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 88 71 74 80 boisdelaune.fr

15 & 16 mai Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence 08 2013 2013 lestheatres.net


72 au programme spectacles bouches-du-rhône

Roméo et Juliette

L’opéra pour voix d’enfants, coréalisé avec le Festival International d’Art Lyrique d’Aixen-Provence, conçu et mis en scène par Benjamin Dupé sur un livret original de Marie Desplechin, est une perpétuelle nouvelle création puisqu’il s’appuie sur les chœurs d’enfants liés à chaque salle de spectacle. Un petit bijou d’intelligence et de fraîcheur. (lire journalzibeline.fr)

Distancias paralelaS C’est l’Espagne entière qui débarque au Pavillon Noir grâce au duo chorégraphié et dansé par deux artistes hors pair, Antonio Pérez et David Sánchez. Du flamenco au contemporain, toutes les danses y passent, classique de la Escuela Bolera, langage de la danza estilizada, castagnettes et « furia latina »… La danse se glisse avec une virtuose élégance dans tous les registres. Une « danza española » sublimée.

© X DR

© Christophe Raynaud de Lage

Du chœur à l’ouvrage

Libre interprétation de l’oeuvre de William Shakespeare, la pièce de la Cie Le MilleFeuille se situe en un temps où la science est parvenue à maîtriser la dimension émotionnelle des êtres humains... et donc leur propension à tomber amoureux. Via une scénographie kaléidoscopique, l’usage de marionnettes, de miroirs déformants et de masques de cire, elle évoque des individus « pris dans la toile d’une société vouée au culte de l’image » ; qui est déjà la nôtre. À partir de 10 ans. © X-DR

13 & 14 mai Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence 08 2013 2013 lestheatres.net

25 & 28 mai Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 preljocaj.org

Chotto Desh

15 mai Théâtre Fontblanche, Vitrolles 04 42 02 46 50 vitrolles13.fr

El Niño Lorca

15 au 17 mai Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 preljocaj.org 25 mai Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 01 les-salins.net

© Jean-Yves Delattre

Entre images animées, dessins, ombres chinoises et danse, le solo Chotto Desh, adapté de la pièce DESH, conduit les jeunes spectateurs sur les traces d’un jeune homme qui rêve de devenir danseur. Le récit semi-autobiographique d’Akram Khan, entre Londres et le Bengladesh, est porté par une danse virtuose et singulière et prend des allures initiatiques. Magie visuelle et sonore à partir de 7 ans.

La saison voyageuse de Velaux se referme sur un petit bijou d’Hervé Koubi, inspiré du roman éponyme de Yasmina Khadra. Douze danseurs autodidactes s’emparent avec passion des langages issus de la danse contemporaine et africaine, du hip-hop, de la capoeira, pour un parcours qui revisite l’histoire, entre Orient et Occident. Un hymne dédié au mouvement.

© Didier Philispart

© Richard Haughton

Ce que le jour doit à la nuit

2 juin Espace Nova, Velaux 04 42 87 75 00 espacenova-velaux.com

Il est mort en 1936, assassiné par les milices franquistes, mais quelque chose de ce brûlant poète a survécu, résistant à l’interdiction totale de ses écrits en Espagne sous le régime de Franco. L’auteure et compositrice Christina Rosmini s’accompagne du guitariste Bruno Caviglia pour un spectacle musical centré sur sa vie et son œuvre. Retrouvez notre critique enthousiaste de ce spectacle sur journalzibeline.fr. 24 mai Théâtre Fontblanche, Vitrolles 04 42 02 46 50 vitrolles13.fr


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Olympe de Gouges...

Un soir chez Victor H.

Le « rendez-vous des familles et des enfants » aura lieu comme chaque année à Vitrolles, au Parc de Fontblanche. Toute l’après-midi du 2 juin se succéderont spectacles et ateliers. Dans la première catégorie, on citera notamment Pierre et le loup, sous forme de conte dansé par la Cie Lalande, ou Dépêche-toi, de la Cie Clandestine, fruit d’une résidence au Théâtre Massalia. Dans la seconde, une découverte de la gravure, une fresque collective, ou encore une initiation à la harpe.

Sa fille Léopoldine, morte noyée dans la fleur de sa jeunesse, lui manquait tellement que Victor Hugo s’est laissé convaincre d’un dialogue possible avec les défunts, par la pratique du spiritisme. Le poète en exil à Jersey a tenu chronique de ses séances, menées avec un cercle de proches jusqu’à ce que l’un des membres y mette fin par un coup de folie. La Cie Les 3 Sentiers s’empare des procès-verbaux pour en faire un spectacle étonnant.

2 juin Théâtre Fontblanche, Vitrolles 04 42 02 46 50 vitrolles13.fr

Trois splendides comédiennes (Laure Dessertine, Catherine Swartenbroekx et Muriel Tschaen) s’emparent de la figure féministe et révolutionnaire par excellence, Olympe de Gouges. Guillotinée en 1793, celle qui a rédigé la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne ainsi que des écrits contre l’esclavage leur a inspiré une conférence à plusieurs voix. Parce que la figure de la femme de lettre est complexe, nuancée, autant que puissante et inspiratrice. Olympe de Gouges, de l’intérêt d’ouvrir sa gueule, ou pas 24 mai Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr

© X DR

Dépêche toi © Cie Clandestine

© X DR

Festi’ Pitchou

17 au 19 mai Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 theatre-des-salins.fr

Les trois sœurs Les Arts de la Rue

Stanislas Grassian met en scène l’histoire d’une résistante, Liliane Armand, poursuivie par les nazis en 1944. Réfugiée dans une maison close, elle dût s’en remettre à la solidarité des pensionnaires. Une pièce qui a remporté un franc succès au festival Off d’Avignon en 2017, pour sa puissance évocatrice : en partant d’un récit individuel - on entend la voix de la vieille dame, enregistrée avant sa mort - elle en arrive à sonder les rapports entre conscience politique, préjugés sociaux, et instinct de survie.

La commune de Charleval (13) organise la 6e édition de son Festival Les Arts de la Rue, au centre du village et sur la promenade Adam de Craponne. Au programme, entièrement gratuit, le cabaret-guinguette de la Cie Cirk’Mosphère (Cadenet) de 16h à 20h, puis à 21h une démonstration de piano et diva sur échasses (vous avez bien lu !) par la Cie La Rumeur.

© Norbert Ghisoland

Résistantes

Suite à une résidence de création en 2017 au 3bisf (Aix-en-Provence), Danielle Bré propose son adaptation d’Anton Tchekhov à l’ère contemporaine, en invitant les spectateurs à « jouer aux Trois sœurs avec les quatre

© Xavier Cantat

acteurs et le musicien présents sur le plateau ». Une façon pour elle de sonder les

16 mai Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr

impasses d’une société frappée de morosité, en dressant le parallèle entre l’univers du dramaturge russe et le nôtre. 30 & 31 mai La Distillerie, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr

Divers Lieux, Charleval 26 mai 04 42 28 56 46 charleval-en-provence.org


74 au programme spectacles bouches-du-rhône var

J’habite une ville...

Tartuffe

Les quatre centres sociaux de Port-de-Bouc, ainsi que les collèges Frédéric Mistral et Paul Éluard, ont participé à la création de ce spectacle, réalisé à partir d’une collecte de témoignages d’habitants de la commune. L’objectif étant de « questionner son identité, l’apport des différentes populations méditerranéennes, la mixité, la mémoire mais aussi une ville future, utopique, rêvée ou fantasmée ».

Rue de la bascule

J’habite une ville, de la mémoire à l’utopie 8 juin Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 theatre-semaphore-portdebouc.com

© Olivier Dancy

Germain est depuis longtemps facteur dans le quartier d’une ville où toutes les maisons se ressemblent et où tout le monde se connaît. Aussi, le jour où il trouve une lettre sur laquelle figure un mystérieux destinataire et une adresse étrange, sa curiosité vire à l’enquête générale ! Au cœur de son théâtre d’objets, Marina Le Guennec raconte et donne vie à cette communauté de curieux personnages…

Tartuffe est un imposteur. Si Orgon se laisse prendre à ses mensonges, il n’en est pas de même pour sa femme Elmire, rusée et bien décidée à démontrer l’hypocrisie du personnage. Dans la mise en scène de Jean de Pange (Cie Astrov), le public entoure les protagonistes, témoin complice des joutes verbales qu’ils s’échangent et acteur du piège monté par Elmire pour démasquer Tartuffe. © Marion Héry

Alex Vizorek est une œuvre d’art

15 & 16 mai (à l’Usine) L’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr

16 mai Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 scenesetcines.fr

Works

19 mai La Colonne, Miramas 04 90 50 66 21 scenesetcines.fr

Quel est le lien entre l’humour et l’art ? Alex Vizorek ! Le spectacle de l’humoriste belge, qui cultive la dérision, l’originalité et l’intelligence, est hilarant et surréaliste : l’art moderne, la musique, la sculpture, le cinéma sont prétextes à des questions existentielles qui ne trouvent de réponses que dans d’absurdes paradoxes désopilants. Et instructifs !

La dernière création d’Hamid Ben Mahi aborde la fougue et la folie de la jeunesse par le biais de ce mot inventé, qui ouvre grand les portes du rêve et du jeu ! Cinq interprètes se parent de costumes et d’accessoires improbables pour traverser un monde de tous les possibles, celui d’un imaginaire sans borne, exaltant. Le chorégraphe ne cesse de casser les codes du hip hop pour les réinventer, loin des clichés, enrichis de sa signature.

Milena & Michael © EMANUEL GAT

© Mathieu Buyse

Immerstadje

14 mai Théâtre du Rocher, La Garde 04 94 08 99 34 ville-lagarde.fr

© JP Marcon

18 mai Forum des Jeunes, Berre L’Étang 04 42 10 23 60 forumdeberre.com

26 mai Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 scenesetcines.fr

Composé de quatre pièces, indépendantes mais cohérentes dans leur ensemble, Works est un programme spécialement conçu par le chorégraphe Emanuel Gat pour cette soirée au Théâtre de l’Olivier. Une seule pièce de groupe, Couz, et trois duos, Milena & Michael, Sara & Sunny, Genevieve & Karolina, qui reflètent son besoin de retour à l’essentiel, « l’acte de danse », l’essence même du langage chorégraphique. 25 mai L’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr


au programme spectacles bouches-du-rhône vaucluse

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Dad is dead – Manifeste

Les Vagues

Ils sont cinq personnages mal foutus, qui vivent ensemble en toute amitié dans un joyeux désordre : il y a un « troué », une « pliée », une « renversée », un « mou » et un « raté ». Tout se passe à merveille jusqu’à l’arrivée d’un sixième larron, « parfait », qui va provoquer de dôles de confrontations. Maréva Carassou donne vie aux personnages de Béatrice Alemagna, avec des marionnettes faites de bois flotté, coquillages, plumes. Dès 6 ans.

Sylvie Boutley adapte et met en scène le roman de Virginia Woolf, l’histoire de six amis, trois filles trois garçons, dont la vie s’écoule de la petite enfance à la vieillesse. Un septième personnage, Perceval, reste invisible, sa présence centrale étant le fil qui les relie tous. Cinq groupes de six acteurs figurent les monologues intérieurs, ces « vagues » qui explorent autant le temps qui s’étire que les voix intérieures qui se répondent. Pièce présentée par le pôle théâtre du Conservatoire à Rayonnement Régional du Grand Avignon.

© Pierre PLANCHENAULT

Malfoutus

30 mai L’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr

© X-DR

© X DR

Dans Dad is dead, sans cesser de pédaler autour d’une piste circulaire, et tout en effectuant des acrobaties invraisemblables, Arnaud Saury et Mathieu Despoisse (Mathieu Ma Fille Foundation) conversent, échangent sur le bien-fondé du militantisme, sur les mystères de l’identité sexuelle, sur les contradictions qui nous habitent tous et les choix que l’on fait… Hilarant et pertinent ! Tout aussi bavard, Manifeste réunit A. Saury et Olivier Debelhoir pour un jeu d’équilibres sur cales qui les fait dépendre l’un de l’autre… 15 & 16 mai Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 theatre-arles.com

18 mai Théâtre des Halles, Avignon 04 90 85 52 57 theatredeshalles.com

Des Paradis

My Ladies rock

La chair et l’algorithme

© Martin Argyroglo

Après My Rock, Jean-Claude Gallotta livre sa playlist rock ultra-féminine, chorégraphiée en hommage aux figures incandescentes passées et présentes de la scène internationale –de Janis Joplin à PJ Harvey, en passant par Patti Smith et Marianne Faithfull, entre autres-, patchwork énergique et émouvant de pièces dansées par sa compagnie le Groupe Émile Dubois, auxquelles se mêlent des images d’archives.

Résolument ancrée dans le présent, la pièce de Jean-Louis Bauer, mise en scène par Antoine Campo, décortique, jusqu’à l’anéantissement algorithmique, la vie d’une de nos contemporaine, Jeanne, aliénée à son téléphone portable. Travail, famille, amis, amours, santé… son monde se fait de plus en plus virtuel, jusqu’à l’installation d’une application sensée lui faciliter la vie… Pièce programmée dans le cadre du Festival Sciences en Scène organisé par le Café des sciences d’Avignon.

1er juin L’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr

22 mai (au musée Départemental Arles Antique) Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 theatre-arles.com

© KFStudio

© Benoite Fanton

Après Des autres paradis, spectacle partagé avec des habitants d’Arles et des alentours, Kevin Jean propose sa dernière pièce, un trio qui interroge la notion d’insularité à partir des transformations que subissent les humains au sein d’une nature perpétuellement bouleversée. Avec Laurie Giordano et Bastien Lefèvre, qui complètent le trio, la danse révèle une cohabitation faite de corps à corps, de peau à peau.

31 mai Théâtre des Halles, Avignon 04 90 85 52 57 theatredeshalles.com


76 au programme spectacles vaucluse alpes var

Les Nautilus

La domination masculine

Sur une île, une décharge, un terrain vague où vivent quelques étranges personnes : une femme-maison, une petite fille trop à l’étroit dans sa chambre, un architecte fantôme, un incendiaire… Chacun cherchera à s’émanciper des autres pour se construire. Pauline Haudepin, du Groupe 43 de l’Ecole du Théâtre National de Strasbourg, adapte très librement et met en scène le conte des frères Grimm, Raiponce, dans le cadre des cartes blanches d’élèves proposées par Stanislas Nordey.

De la forme très particulière de domination qu’est la domination masculine selon Pierre Bourdieu, aux extraits de mythes et de contes kabyles analysés par Tassadit Yacine, Jeremy Beschon (collectif Manifeste Rien) tire un spectacle qui « expose de manière ludique une domination que l’on pense d’ordre naturel, alors que celle-ci est d’ordre culturel ». Seule sur scène la comédienne Virginie Aimone s’appuie sur cette riche matière pour mettre en relief la violence symbolique infligée aux femmes jour après jour.

14 mai Théâtre des Doms, Avignon 04 90 14 07 99 lesdoms.eu

Écrite par Jean-Marie Piemme, à leur demande, pour les étudiants du master interprétation dramatique de l’Institut national supérieur des arts du spectacle et des techniques de diffusion de la Fédération Wallonie-Bruxelles, la pièce relate la vie d’un groupe de jeunes activistes vivant en communauté. Entre les espoirs d’une société nouvelle et les réalités de la vie, le collectif se structure pour envahir l’espace public.

16 & 17 mai Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr 25 & 26 mai Théâtre de l’œuvre, Marseille 04 91 90 17 20 theatre-œuvre.com

15 mai La Garance, Cavaillon 04 90 78 64 64 lagarance.com

Au point du jour

Le Pays lointain

Pourquoi Jessica a-t-elle quitté Brandon ?

© Cie MAPS - P. Beheydt

© SILEKS

La question amuse mais l’on n’en saura pas beaucoup plus momentanément. Pour le savoir il faudra suivre la reconstitution d’un puzzle fou dont les pièces font appel à la comédie, à la musique, s’apparente parfois à une conférence, mais aussi et surtout à divers outils numériques (jeux vidéos, projections…). Le comédien Emmanuel De Candido et le musicien Pierre Solot brouillent les pistes entre réel et virtuel.

29 mai Théâtre des Doms, Avignon 04 90 14 07 99 lesdoms.eu

Comment faire en sorte que le petit déjeuner soit un moment exceptionnel dans votre journée ? En répondant présent à l’invitation de la Cie Presque Siamoises qui se propose de vous le rendre spectaculaire ! Café, thé, tartines et autres viennoiseries vous seront servis par les deux acrobates contorsionnistes Flora Le Quémener et Sophie Ollvion, et leur facétieux factotum Vincent Hanotaux… Tout sera prétexte au plaisir, à la légèreté, à l’extra ordinaire ! 19 & 20, 22 au 24 mai Théâtre La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu

Ultime pièce de Jean-Luc Lagarce, Le Pays lointain raconte le retour chez les siens, après une longue absence, « d’un homme jeune à l’heure de sa mort ». Il a à leur parler, leur dire qu’il va mourir, mais n’en fera rien. Famille, amis, amants seront de ce voyage introspectif et essentiel, dans les mots comme les silences, que met en scène Clément Hervieu-Léger avec une troupe, une « famille », de comédiens exceptionnels.

© Jean-Louis Fernandez

© Jean-Louis Fernandez

© Samuel Rubio

Les Terrains vagues

25 & 26 mai Châteauvallon – scène nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com


au programme spectacles var

La Fresque

L’arrière boutique #7 Le Cabinet de Curiosités, en résidence au Théâtre du Rocher, propose de passer derrière le rideau, au cœur de la création où se côtoient formes courtes et éclectiques : dans L’arrière boutique, des propositions d’un soir, des présentations de travaux en cours, mêlent les expressions. Danse, musique, théâtre, de 18 à 23 h, pour découvrir la création régionale et échanger avec les artistes.

David Wahl est un conteur, un conférencier, un inventeur, un historien ; bref, un artiste ! Dans ses récits, il convoque faits avérés, propos de savants et de fous, anecdotes et dates inscrites dans les ouvrages érudits. À l’écouter, on part en voyage dans le temps, et la vérité prend des allures de fiction. Peut-être allonsnous savoir enfin ce que nous réserve l’avenir ?

28 mai Théâtre du Rocher, La Garde 04 94 08 99 34 tandem83.com

Sweet home... David Wahl © Philippe Savoir

© Jean-Claude Carbonne

Traité de la boule de cristal

En évoquant un conte inspiré des récits chinois, Angelin Preljocaj entraine ses dix interprètes dans une chorégraphie tout en finesse et sensualité : l’histoire d’un amour fantasmé, qui mêle merveilleusement le rêve et la réalité. Le chorégraphe dessine, avec les pas des danseurs, les cheveux des femmes, une histoire traditionnelle qui réveille nos désirs et nos questions d’aujourd’hui. Sur la musique de Nicolas Godin (groupe Air), et dans les costumes d’Azzedine Alaïa.

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12 & 13 juin Châteauvallon - Scène Nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com

Rita Burattini, échappée de l’Illustre Famille Burattini campe un personnage aussi cynique que frustré, cruel et ridicule. Une véritable sorcière qui fomente le projet de faire fuir tous les habitants de son immeuble, pour enfin pouvoir en profiter seule... Sa haine des autres la poussera à fomenter une stratégie entre farce et machiavélisme. Drôle et mordant. Par le Théâtre de la Licorne. Tout public.

© Christophe Loiseau

30 mai au 2 juin Châteauvallon - Scène Nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com

Images J’ai des doutes Hommage en forme de création musicale au grand poète à l’humour absurde qu’était Raymond Devos. François Morel assemble des textes du maître et se les approprie, avec sa verve et son humour : de l’humour au carré en quelque sorte ! Antoine Sahler l’accompagne au piano. Aucun doute : ce sera un grand moment d’émotion et de rire.

Venue de la scène internationale street dance, Antoinette Gomis propose une première création, consacrée à Nina Simone. Avec le « dansigneur » Laurent Verite, elle transforme les mots en gestes pour les malentendants, et sa chorégraphie mêle hip hop, afro, free style, danses traditionnelles de sa Guinée Bissau d’origine. Alors les textes de Simone résonnent dans sa peau et ses pas pour un plaidoyer adressé à toutes les femmes, à tous les Noirs.

Sweet home, sans états d’âme 22 mai, Médiathèque, Le Muy 23 mai, Salle des fêtes, Bargemon 24 mai, Centre d’animation, Figanières 25 mai, Salle polyvalente, Trans en Provence 26 mai, Salle polyculturelle, Vidauban 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com

© Rabgui

7 au 9 juin Châteauvallon - Scène Nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com

15 juin Châteauvallon - Scène Nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com


78 au programme spectacles var alpes-maritimes

Rock’n chair

Darius

La danse, appréhendée comme un jeu. Le public est sur scène avec les quatre interprètes. Le plateau est celui d’un jeu de société. On tire des cartes avec les règles à suivre : « lent », « proche du public »,… Il y a aussi les cartes « action », et les jokers. Les Doors accompagnent le jeu au son. La CieF invente une danse ludique, qui s’élabore en direct, dans un joyeux mélange de spontanéité et de création commune. À partir de 8 ans.

Dans un aéroport, deux êtres se rencontrent. Un oisillon, tombé du nid, perdu. Une dame, tombée sur la tête, engagée l’esprit à l’envers dans la vie. Deux solitudes, au milieu des dangers, vont se comprendre et s’entraider. Avec la complicité du Chat-Poubelle, pas très beau, mais plein de ressources dans ce monde de brutes à apprivoiser. Par la Cie Artefact.

© Richebe

© Nina-Flore Hernandez

D’un battement d’ailes

Il s’agit pour Paul (Pierre Cassignard), célèbre « nez », de créer des fragrances qui rappellent ses meilleurs souvenirs à Darius, le fils malade de Clémentine Célarié. Anne Bouvier adapte le roman de Jean-Benoît Patricot dans une mise en scène subtile et sensuelle. Les souvenirs se matérialisent à travers les odeurs et les mots, la rencontre entre la mère et Paul éclot, et peut-être reprendront-ils goût à la vie.

30 mai PJP, Le Revest les Eaux 0800 083 224 polejeunepublic.fr

Envol Dans un aéroport. Un homme, cabossé de la vie, y passe ses jours et ses nuits depuis si longtemps qu’il ne se souvient plus depuis quand. Sa raison vacille. Il ramasse un oiseau presque mort. Il le soigne. Il réapprend à vivre grâce à l’attention qu’il porte à ce mouchoir froissé. Les chiens policiers, les contrôles, les barrières, il saura les surmonter avec ce compagnon imaginaire. Et il retrouvera son intégrité. Une histoire de migrant racontée aux enfants avec la poésie de la Cie Artefact.

22 mai Salle Saint-Exupéry, Draguignan 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com

Là, maintenant, tout de suite…

Du cirque qui fait numéro de tout bois, y compris des planches de skis ! La Cie Kadavresky met tout sur le plateau : les objets sont les accessoires, et la danse, la musique, le théâtre font le ciment des acrobaties. Jusqu’à ce qu’un escargot traverse la piste et bouleverse tout ! 9 juin, Sillans la Cascade 10 juin, Claviers 16 juin, Les Arcs 17 juin, Chateaudouble 23 juin, Saint Antonin du Var 24 juin, La Motte 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com

© X DR.

© Manu Reyboz

Didier Landucci © Thibault Teychene

L’Effet escargot

15 mai Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com

1er juin PJP, Le Revest les Eaux 0800 083 224 polejeunepublic.fr

L’art de se sortir de toutes les situations avec panache et humour… Quel atout ! Didier Landucci (Les Bonimenteurs), dans une vraie-fausse conférence, nous livre les clés de l’improvisation théâtrale. Quel que soit le sujet, il s’agit de trouver le personnage qui saura emporter l’assemblée, les mots qui font rire et rêver à ce que tout cela soit vrai. Et il assure que chacun en est capable ! Là, maintenant, tout de suite ; ou l’art d’improviser 16 mai, Terrasse des Arts, Châteauneuf de Grasse 17 mai, Centre de loisirs des Aspres, Grasse 18 mai, Salle polyvalente, Le Tignet 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com


au programme spectacles alpes-maritimes gard hérault

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Pierre et le loup

Sur scène, deux gangsters ayant purgé leur peine de prison, un comédien, et le metteur en scène argentin Gerardo Naumann, jouant son propre rôle. Théâtre documentaire, matière vivante, la pièce interroge les façons de faire, les savoir-faire. Ceux des voleurs, ceux du comédien, ceux de l’auteur. Des façons d’être, de bouger, de nommer. Les manières, dans leur singularité, d’être au monde.

La Cie (1) Promptu transpose cette pièce, musicale avant tout, en une chorégraphie qui, en plus des thèmes sonores associés à chaque personnage, leur offre un mouvement de danse. Pierre sautille, l’Oiseau est rapide comme le vent, le Grand-père a la tremblote, le canard marche avec des palmes, et le loup... est puissant, troublant... Une jolie façon de pénétrer dans l’univers de la danse. 24 mai Scène 55, Mougins 04 92 92 55 67 scene55.fr

© Gerardo Naumann

Los trabajos improductivos

Dans Dialogues avec Rothko, elle avait déjà dialogué avec la peinture. Elle danse cette fois dans et avec la poésie, la calligraphie. Les mots sont les siens. La légendaire danseuse chorégraphe Carolyn Carlson offre une performance scénique qui élève le corps comme une sculpture en perpétuel mouvement, le verbe comme une danse de la pensée. Spectacle gratuit, dans le cadre de La Nuit européenne des musées.

© Jean-Claude Carbone

Poetry Event

15 au 17 mai Domaine de Grammont, Montpellier 04 67 99 25 00 humaintrophumain.fr

© Yoshi Omori

Choréoversations Cendrillon

Cannes Jeune Ballet © X DR

Les jeunes danseurs en voie de professionnalisation du Cannes Jeune Ballet Rosella Hightower, dirigés par Paola Cantalupo, présentent des extraits de Cantate 51 (Maurice Béjart), Altro Canto (Jean-Christophe Maillot), Larmes blanches (Angelin Preljocaj), et en avant-première une création de Lukas Timulak, des Ballets de Monte Carlo. Soirée de gala !

© N.Sternalski

Thiago Granato, chorégraphe performeur germano-brésilien, est en résidence au Théâtre de l’Odéon à Nîmes, dans le cadre de la création du dernier solo de sa trilogie Choréoversations. Depuis 2013, cette série de soli, proposés chaque fois à différents chorégraphes, ouvre une réflexion sur un large champ thématique : histoire, nature, espace, transmissions... Les deux invités sont cette fois « Stone » et « Ounce ». La présentation des deux premiers soli aura lieu en juin lors du Festival Uzès Danse. (voir p.30).

15 mai Scène 55, Mougins 04 92 92 55 67 scene55.fr

9 juin lieu à définir, Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com

© Pascal Riondy

19 mai (deux représentations) Jardin du Musée d’Art et d’Histoire de Provence, Grasse 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com

Joël Pommerat excelle dans l’adaptation des contes traditionnels. Sans jamais tourner en dérision le propos, et toujours en lui rendant une profondeur contemporaine. Camille De La Guilloniere met en scène son texte. Réinterprétation de la réinterprétation. Cruauté, sacrifice, révélations, acceptations, découvertes et courage donnent à la pièce tous les ingrédients d’un conte universel. Dans le cadre des représentations du Grand Tour !

16 mai, Salle Jean Ferrat, Portiragnes 17 mai, Salle polyvalente, Creissan 18 mai, La Tour sur Orb 19 mai, Théâtre sortieOuest, Béziers 8 juin, Parc du Château Girard, Mèze 9 juin, Butte du Château, Pézenas sortieouest.fr


80 au programme cinéma bouches-du-rhône

Cour(t)s-y-vite !

Aux Capucins

Avec Anna

Made in China, de Vincent Tsui © Miyu Distribution

Une programmation de courts choisis PAR des enfants POUR des enfants, c’est ce que proposent pour la 15e année les clubs Cinétilt des écoles Révolution, Bernard Cadenat et du collège Belle de Mai. Tout au long de l’année, les élèves ont visionné des courts-métrages, les ont analysés, commentés et en ont retenu quelques-uns. Ils les présenteront le 6 juin à 14h30 au cinéma Le Gyptis au public qui pourra ainsi voir L’École des facteurs de Jacques Tati, La première séance de Jonathan Borgel, Rentrée des classes de Jacques Rozier, Made in China de Vincent Tsui et bien d’autres. Une excellente manière de s’approprier un langage commun : celui du cinéma. 6 juin Le Gyptis, Marseille 04 95 04 95 95 lafriche.org

Algérie

Enquête au paradis © Zootrope Films

Qu’est-ce que je peux faire, je sais pas quoi faire. Aller passer une soirée avec Anna Karina le 24 mai à L’Eden Théâtre de La Ciotat où l’égérie de la Nouvelle Vague, l’icône des sixties vient présenter un film culte du couple Godard/Karina, et son premier long-métrage tourné en 1973. À partir de 18h30, Vivre sa vie de Jean-Luc Godard suivi de Vivre ensemble d’Anna Karina, une chronique douce-amère sur l’usure des sentiments.

Vivre ensemble © Malavida

24 mai Eden-Théâtre, La Ciotat 04 88 42 17 60 edencinemalaciotat.com

La Juste route Le 27 mai à 18h30 Art et essai Lumière propose à l’Eden Théâtre de La Ciotat, La Juste route, un film en présence de son réalisateur, Ferenc Török. Une sorte de western hongrois, en noir et blanc. Dans un paisible village, au lendemain du bombardement de Nagasaki, on s’apprête à célébrer le mariage du fils du notaire tandis que deux juifs orthodoxes arrivent, chargés de lourdes caisses. Un bruit circule qu’ils sont les héritiers de déportés et que d’autres, plus nombreux, peuvent revenir réclamer leurs biens. Leur arrivée questionne la responsabilité de certains et bouleverse le destin des jeunes mariés.

Le 16 mai à partir de 18h, Merzak Allouache sera à L’Eden Théâtre de La Ciotat pour présenter son dernier opus, Enquête au paradis, ainsi qu’un autre de ses films qu’il a choisi, Les Terrasses. Dans son docu fiction, il questionne des Algériens de toutes conditions sur leur vision du paradis, esquissant ainsi par touches successives un véritable état des lieux de la société algérienne. © Septième Factory

16 mai Eden-Théâtre, La Ciotat 04 88 42 17 60 edencinemalaciotat.com

27 mai Eden-Théâtre, La Ciotat 04 88 42 17 60 edencinemalaciotat.com

© Marmitafilms

Une Place de marché. Celle des Capucins à Bordeaux. Lieu de mixité urbaine, où se croisent des Bordelais de toutes générations, des « étrangers », et le soir venu, des fêtards. De l’aube à la nuit, avant, pendant et après le marché, au centre et alentour, Anna Feillou a pris le temps des rencontres pour faire le portrait de ce quartier. Son documentaire Aux Capucins sera projeté au Vidéodrome2 en sa présence. Une séance organisée par Image de Ville. (Les dialogues de l’urbain #14) 15 mai Image de Ville, Aix-en-Provence imagedeville.org

Les Intemporels

Les portes de la nuit, Marcel Carne © X-D.R

Trois films ce mois-ci dans le cycle développé par Scènes & Cinés. Les Portes de la nuit, de Marcel Carné (1946), dans sa dernière collaboration avec Prévert pour le scénario : la fin de la guerre à Paris, les clans qui se déchirent, l’amour qui survient, sur la chanson les Enfants qui s’aiment. Le Bel Antonio (1960), où Mauro Bolognini aborde le thème tabou de l’impuissance masculine, et La Flèche brisée (1950), de Delmer Daves, un des premiers westerns qui adopte un point de vue réaliste sur les Indiens et les colons blancs. dates réparties dans 3 lieux pour les 3 films Cinéma l’Odyssée, Fos-sur-Mer Espace Robert Hossein, Grans Espace Gérard Philipe, Port-Saint-Louis scenesetcine.fr


au programme cinéma bouches-du-rhône var hérault

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Rendez-vous à la Quinzaine Les Citronniers Eran Riklis parvenait, en 2008, à aborder le conflit israélo-palestinien à travers la jolie métaphore d’une plantation de citronniers. Le ministre israélien de la Défense ordonne à Salma (Hiam Abbass) de couper ses arbres, sous prétexte que des terroristes pourraient s’y cacher. Salma, bien décidée à sauver son bien, trouvera une alliée inattendue en la personne de l’épouse du ministre. L’amitié entre les deux femmes passera au-delà des murs et des peurs. Séance en présence Hiam Abbass.

Amin, de Philippe Faucon © Pyramide Distribution

Pour la 14e fois - et c’est SUPER ! - l’Alhambra cinémarseille du 22 mai au 3 juin reprend intégralement la Quinzaine des réalisateurs. La dernière programmation d’Edouard Waintrop, son délégué général : 20 longs et 10 courts-métrages.

En langue espagnole

© Ocean films

17 mai Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr

Hedy Lamarr : from extase to wifi La comédienne Susan Sarandon rend hommage à Hedy Lamarr. Elle fut paraît-il la première à simuler un orgasme au cinéma, dans Extase (1933). Mariée à un industriel travaillant avec l’Allemagne nazie, la jeune juive autrichienne fuit sur un paquebot où le producteur Louis B. Mayer est subjugué par sa beauté et son culot. Elle deviendra l’actrice la plus glamour des 40’s. C’était aussi une inventrice, entre autres d’un système à l’origine du Wifi... Beauté, invention, liberté, tout pour affoler. Avant-première en présence des associations Montpel’libre et Femmes et sciences.

Parmi les longs, on notera la présence de 6 films en espagnol dont 3 latino-américains parmi lesquels le film d’ouverture à Cannes, Pájaros de verano (Les Oiseaux de passage) de Ciro Guerra et Cristina Gallego, « un film majeur » selon Edouard Waintrop, une guerre des clans en Colombie, la naissance des cartels de la drogue. El motoarrebatador de l’Argentin Agustín Toscano « parle de gens qu’on ne voit pas dans d’autres films ». Dans Los silencios de Beatriz Seigner deux enfants et leur mère fuyant le conflit armé colombien, dans lequel leur père a disparu, arrivent dans une petite île au milieu de l’Amazonie et découvrent... La réalisatrice basque Arantxa Echevarria, dans Carmen y Lola, raconte une histoire d’amour entre deux jeunes femmes gitanes dans un milieu où l’homosexualité est un tabou, et dans Petra de Jaime Rosales, une femme part à la recherche d’un père qu’elle n’a jamais connu. Quant à Cómprame un revólver (Buy Me a Gun) de Julio Hernández Cordón, « un film réalisé sans moyens, ce sera sans doute une leçon de cinéma ».

Six films français et des invités. Outre l’énigmatique Climax de Gaspar Noé, dont on ne sait rien, on pourra voir le deuxième film de Romain Gavras, Le Monde est à toi « coup de cœur » de Waintrop. Joueurs de Marie Monge, la rencontre d’Ella (Stacy Martin) avec Abel (Tahar Rahim) dans un Paris cosmopolite et souterrain, Les Confins du monde de Guillaume Nicloux avec Gaspard Ulliel et Gérard Depardieu. En ouverture, le 22 mai à 20h30, Pierre Salvadori sera présent avec son film En Liberté, l’histoire d’une inspectrice de police (Adèle Haenel) qui découvre que son mari n’était pas le flic courageux et intègre qu’elle croyait mais un véritable ripou. Le 31 à 21h, Philippe Faucon sera à l’Alhambra pour présenter Amin, le récit d’un migrant venu seul de Mauritanie qui fait la rencontre de Gabrielle (Emmanuelle Devos). Et bien sûr, vous pourrez voir tous les autres films présentés à La Quinzaine y compris les 10 courts-métrages le samedi 26 mai à partir de 14h30. Une chance dont il faut profiter ! ANNIE GAVA

© Urban Distribution

15 mai Cinéma Utopia, Montpellier 04 67 52 32 00 cinemas-utopia.org

Reprise de la Quinzaine des réalisateurs 22 mai au 3 juin Cinéma l’Alhambra, Marseille 04 91 46 02 83 alhambracine.com


82 au programme cinéma

Andalousie, mon amour

Blancanieves de Pablo Berger © Arcadia Motion Pictures

Le festival L’Espagne des trois Cultures, créé il y a 16 ans, change de nom pour devenir CultureS d’Espagne. Chaque nouvelle

édition concernera désormais une communauté autonome différente. Du 26 mai au 10 juin, à la Friche de la Belle de mai,

au théâtre Toursky, au Conservatoire, à l’Espace Julien, aux cinémas le Prado, le Miroir-Vieille Charité et les Variétés, on vivra à l’heure andalouse. Conférences, débats, rencontres littéraires, concerts et deux soirées cinéma ! Le 31 mai, flamenco et corrida en doublé au Prado. D’abord, à 18h45, Paco de Lucia : légende du flamenco, un film réalisé par Curro Sánchez, le fils du grand Paco, mort en 2014 à Cancun, né 66 ans auparavant à Algésiras, « entre deux eaux », et qui a su « culbuter » la tradition flamenca, comme en attestent les témoignages de Chick Corea, John McLaughlin, Jorge Pardo ou encore Rubén Blades ! Puis, à 21 h, en habit de lumière : Blancanieves. Pablo Berger revisite, dans un superbe film muet en noir et blanc, le conte de Grimm en le transposant dans le monde impitoyable de la tauromachie. (Voir Zib 69). Le 6 juin, autre doublé autour de la mémoire du franquisme avec la carte blanche donnée par le cinéma Les Variétés à Juan Madrid.

Premières œuvres Fin mai, le Festival de Cannes est terminé, la Quinzaine à l’Alhambra aussi. On peut allègrement continuer à voir des films à La Ciotat avec le Festival du Premier Film Francophone qu’organise l’association Berceau du Cinéma en partenariat avec Les Lumières de l’Eden. En effet du 30 mai au 3 juin se tiendra la 36e édition : une compétition de 10 courts-métrages et 10 premiers longs-métrages sortis en 2017/2018, des films qui ne sont pas restés longtemps en salle ou des avant-premières, tous accompagnés par leur équipe. C’est ainsi qu’on pourra découvrir Luna, la belle adolescente rebelle et déboussolée dans Luna d’Elsa Diringer, l’amitié fusionnelle entre deux jeunes femmes fragiles, Céleste et Sihem, qui essaient de sortir de leur addiction dans La Fête est finie de Marie Garel-Weiss. (lire journalzibeline.fr). Des jeunes aussi dans Les Affamés que Léa Frédeval a adapté à partir de son roman, présenté en avant-première. Des jeunes qui en ont assez d’entendre « c’est normal, t’es jeune ! » et qui, bien décidés à changer les choses, vont faire entendre leur voix ! On assistera à la rencontre d’Irène (Clara Ponsot) qui sort d’une dépression et de Yann, le marin, qu’interprète le réalisateur

La Finale, de Robin Sykes © UGC Distribution

Nicolas Giraud de Du soleil dans mes yeux. On suivra les trajectoires de deux travailleurs, l’un en France, l’autre à Tunis quand une usine se relocalise dans Vent du Nord de Walid Mattar. Si on aime les films de genre, on ne manquera pas La nuit a dévoré le monde de Dominique Rocher, adapté du roman de

Pit Amargen : lorsque Sam émerge de son sommeil dans un immeuble haussmannien parisien, il se retrouve au milieu d’un océan de zombies. Il va devoir se protéger et s’organiser pour continuer à vivre. Coté courts, outre les dix en compétition, 4 films tournés en PACA dont Boomerang


critiques cinéma

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Pas de danse L’écrivain-réalisateur y présentera Malaga 1937, La Carretera de la Muerte. Un film documentaire qui se construit autour du récit que son père lui a fait de la conquête de Malaga par les armées du Caudillo. Suivi, à 21h30, de La Isla minima, le polar haletant d’Alberto Rodriguez couronné par 10 Goyas. On y est transporté dans l’ère post franquiste, durant la transition démocratique. Deux inspecteurs antagonistes mènent l’enquête sur un double meurtre sordide dans la zone marécageuse du Guadalquivir et les cadavres enfouis de la dictature refont surface. ELISE PADOVANI

CultureS d’Espagne – un amour d’Andalousie 26 mai au 10 juin Divers Lieux, Marseille. horizontesdelsur.fr

de David Bouttin qui vient d’obtenir le Grand prix du jury au Festival d’Ales et Le Film de l’été d’Emmanuel Marre (Prix Jean Vigo). Profitons de la « La Fantaisie de 7 courts-métrages belges », en particulier Kapitalistis de Pablo Muñoz Gomez et Avec Thelma d’Ann Sirot et Raphaël Balboni (lire journalzibeline.fr). Il y aura aussi un Coup de cœur pour le cinéma africain avec le multi primé Wallay de Berni Goldblat, le parcours initiatique d’Ady de la banlieue lyonnaise à Gaoua, bourgade des environs de Bobo-Dioulasso au Burkina-Faso. Des projections pour les jeunes ainsi qu’une Carte blanche aux étudiants du Cours Florent. Pour commencer ce programme alléchant, le 30 mai à 19h, ce sera La Finale, une comédie de Robin Sykes, qui a remporté le Grand Prix du Festival du film de l’Alpe d’Huez 2018. ANNIE GAVA

Festival du Premier Film Francophone 30 mai au 3 juin Cinéma Eden-Théâtre, La Ciotat 06 23 92 59 52 berceau-cinema.com

Foxtrot © Pola Pandora – Spiro Films – A.s.a.p. Films – Knm – Arte France Cinema

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ui a tué le soldat Yonatan Feldmann ? Ou plutôt quoi ? Un concours de circonstances ? La Parque goguenarde ? Une justice divine ? Une société qui arme des gosses ? Une culpabilité héréditaire ? Un placide dromadaire ? Ou un scénario qui ne laisse rien au hasard, où tous les détails comptent, et qui donne son sens propre à l’expression officielle du « soldat tombé » pour la patrie ? Foxtrot est une tragédie en trois actes, une réflexion politique et métaphorique sur une démocratie piégée dans une guerre interminable, une parabole sur la transmission des traumas familiaux et nationaux. Le film précédent de Samuel Maoz, Lebanon, se déroulait à l’intérieur d’un char, Foxtrot circonscrit également son sujet en huis clos. Le premier acte se déroule dans un appartement bourgeois, chic, gris, brun. Le deuxième sur une route en plein désert, à un check point tenu par quatre jeunes militaires. Ils dorment dans un container échoué près d’un marécage, et qui s’enlise peu à peu. Ce nulle part onirique, surréaliste, qui apparaît en travelling avant, au début et à la fin du film comme un cadre, est au cœur du triptyque. Le tragique s’y teinte d’absurde et donne quelques scènes d’anthologie dont la danse (macabre) du jeune homme avec son fusil pour partenaire. Le dernier acte ramène à l’appartement familial le limitant à la cuisine, quand enfin se libère la parole entre les parents. Toute la mise en scène traduit l’enfermement. Celui de la souffrance et des secrets du père qui s’est construit en bon architecte une carapace contre ses faiblesses et dont les excès de violence révèlent les failles. La caméra l’isole

devant un tableau où se superposent des enchevêtrements de lignes, figuration d’un livre des destins ou construction mentale arachnéenne du protagoniste. Elle fragmente les corps en gros plans, mains, jambes, bottes créant des champs opératoires, s’attarde sur un insecte prisonnier d’un bocal. Les plongées verticales écrasent les personnages devenus des pions, sur des carreaux Escher, entre échiquier et labyrinthe. Ailleurs, elles les collent au sol ocre et boueux. Comme dans le pas de danse du foxtrot, on revient sans cesse au point de départ. Seules, les mains de Michael et Dafna Feldmann portant les stigmates de leurs blessures intimes, en se joignant dans la dernière séquence, peuvent encore donner l’espoir d’une paix personnelle. Multiprimé, ce film très intelligent a provoqué la colère de Miri Regev, Ministre de la Culture, une réaction particulièrement stupide. Car, si on est bien en Israël. S’il est bien question du poids de toutes les culpabilités, celle des survivants de la Shoah comme de leurs descendants qui voudraient bien tourner la page. Si les « procédures » de Tsahal sont bien ridiculisées. Si on évoque évidemment les humiliations des Palestiniens par des jeunes gens dépassés par la situation, ainsi que les dérapages qui peuvent en découler, le film dépasse largement le contexte géopolitique local pour tendre vers l’universel, et nous parler à tous de douleur, et d’amour. ELISE PADOVANI

Le film a été présenté en avant-première au cinéma le César le 18 avril en présence d’un des producteurs : Marc Baschet Sortie nationale : 25 avril


84 critiques cinéma

Garden party, des élèves de MoPA © Miyu distribution

En Courts

J

eudi 19 avril, les spectateurs, amateurs de courts-métrages qui sont venus voir le programme 2 de La Criée Tout Court, ne sont jamais allés au Festival de Clermont-Ferrand, le festival de courts le plus important au monde celui qui fait le plus grand nombre d’entrées en France, comme l’a rappelé Emmanuel Vigne, directeur du cinéma Méliès à Port de Bouc, chargé d’animer la séance. Ils ont pu là en découvrir la richesse et la diversité tout comme l’avaient fait dans l’après-midi, écoliers, collégiens et lycéens. Au programme 2, sept films proposés par Sébastien Duclocher du Festival de Clermont dont trois d’animation : le premier, Garden party, film de fin d’études de six élèves de MoPA (Arles), qui a obtenu l’Oscar du meilleur court, nous présente un palace outrancièrement décoré, fontaines en forme de lion, sièges en or, lit rouge luxueux : peut-être un clin d’œil aux goûts de Donald Trump. Laissé à l’abandon par les humains - le seul qu’on voit est un macchabée flottant dans la piscine - il est envahi par des… batraciens qui s’en donnent à cœur joie. Un crapaud drague une grenouille, un autre se gave de caviar. Un film étonnant où le rire le dispute au malaise. Le deuxième, multi primé, Goya du meilleur court, est l’œuvre du réalisateur et illustrateur espagnol Alberto Vázquez . Un petit ourson anxieux ignore s’il évolue dans le rêve ou la réalité, si ce qui l’entoure est un décor ou sa propre vie. Un refrain « Decorado »

rythme ce court inspiré par la gravure et le conte. Le troisième, Estate, né d’une photo prise en mai 2006 par Juan Medina sur une plage des l’îles Canaries montre un homme africain, à bout de forces, qui se traîne au milieu de touristes figés. Ronny Trocker filme des personnages comme congelés, mettant en évidence la passivité devant la tragédie migratoire. Un documentaire dans la sélection, celui d’Axel Danielson et Maximilien Van Aertryck, Plongeons, qui pose la question du choix et la peur de se jeter à l’eau. Sauter ou non d’un plongeoir de 10 mètres, seul, à deux. Qu’est-ce qui demande le plus de courage : sauter ou faire demi-tour et redescendre ? Avec un dispositif minimal - une caméra qui cadre le tremplin, un micro qui enregistre tout ce qui se passe là-haut - les réalisateurs suédois ont su créer une tension extrême qui ne disparait qu’au moment des sauts. Le Comité de Gunhild Enger et Jenni Toivoniemi se déroule en Laponie, où se trouve Treriksröset (Le cairn des trois royaumes) marquant la frontière entre la Norvège, la Suède et la Finlande. Les représentants de ces pays se réunissent pour choisir une œuvre d’art qu’on y placerait. Mais rien n’est évident quand le projet retenu est… une danse nordique. Un film qui montre avec humour que la démocratie n’est pas toujours facile. C’est aussi avec un humour glaçant que Stéphan Castang aborde la question

de la marchandisation de la médecine et de l’humain dans Panthéon Discount. On est en 2050. Un médecin, hors champ, fait passer à des patients un scanner au diagnostic infaillible. Le « Sherlock » leur propose des traitements adaptés à leurs moyens financiers et non à leur état. À l’un, un « arrêt volontaire des fonctions vitales » car sa mutuelle rembourse trop peu, à l’autre, un effacement des souvenirs pour reformater son cerveau, à un aveugle, une opération dont il n’a nul besoin. Un futur angoissant ! Le dernier, Chasse royale, réalisé par deux femmes, Lise Akoka et Romane Gueret, campe une adolescente rebelle, d’un quartier populaire de Valenciennes à qui on propose un casting. Après avoir longtemps hésité, elle accepte, et son petit frère voit déjà sa sœur à Paris… Angélique (remarquablement interprétée par Angélique Gernez), ne pleure jamais, est toujours en colère, crache des mots violents, son seul mode de communication aussi bien dans son collège qu’au sein de sa nombreuse famille. Un film coup de poing. On peut regretter que cette belle programmation n’ait pas rempli la salle de La Criée. Les premiers beaux jours ont sans doute détourné les Marseillais des salles obscures ! ANNIE GAVA

La Criée Tout Court a eu lieu au Théâtre La Criée du 18 au 21 avril à Marseille


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86 critiques arts visuels

Théâtre en exposition

Ellipses

Dernier volet de la thématique In lumine du Centre d’art intercommunal d’Istres, Lumière et spatialité est consacré à l’œuvre picturale et théâtrale de Lucio Fanti

P

eintre affilié très tôt au mouvement de la Figuration Narrative, Lucio Fanti poursuit parallèlement voici plus de 40 ans un travail de scénographe. Installé à Saint-Rémy de Provence depuis une dizaine d’années, il a été peu exposé dans la région. Le projet original du CAC d’Istres vient combler cette lacune à partir de ses réalisations pour le théâtre ou l’opéra. Le parti-pris des organisateurs a été de sélectionner des éléments scénographiques conçus à l’origine pour des pièces de théâtre, repensés et exposés pour le Centre d’art contemporain en tant qu’œuvres à part entière. De fait, les modalités d’exposition différant du dispositif théâtral -espace scénique global éphémère- convertissent l’élément scénographique en un objet isolé à contempler pour lui-même. Réadapté à la salle d’exposition, son « aura » plastique restreinte (espace, son, mouvement notamment) est compensée par l’accrochage dans une autre forme de mise en scène : travail de la lumière/ ombre, éclats et reflets lumineux, jeux de matière, modification du rapport d’échelle. Chaque salle propose ainsi une installation originale conçue entre l’artiste et la directrice artistique Catherine Soria (et pose la question de ce qui relève de l’artiste ou du

projet de commissaire) : Machine à écrire (étain et miroir), Râpe (aluminium), Arbres de Falstaff (bronze)...Quelques peintures et aquarelles complètent la visite. En renfort de la feuille de salle, on aurait apprécié aussi une partie plus informative sur les nombreuses collaborations de l’artiste avec les metteurs en scène les plus renommés –Bernard Sobel, Peter Stein, Klaus Michael Grüber ou encore Jean Jourdheuil. Cette traversée dans la création plastique et théâtrale de Lucio Fanti se poursuit à Marseille au Théâtre de la Criée (jusqu’au 5 juin) et au FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur (jusqu’au 3 juin) où l’on pourra découvrir le documentaire réalisé par les étudiants de l’école supérieure d’art d’Aix-en-Provence, le vendredi 18 mai à 18h30, suivi d’une discussion en présence de l’artiste. CLAUDE LORIN

Teatrini jusqu’au 20 juillet Centre d’art contemporain intercommunal, Istres 04 42 55 17 10 ouestprovence.fr marseilleexpos.com

Les feuilles volantes, 2018, Lucio Fanti, tirage marouflé sur papier Arche, d’après la scénographie de «Zand», B. Sobel, 2007. © Zibeline/C. Lorin

Sigmar Polke - Moderne Kunst, 1968

Un titre surprenant, une sélection d’œuvres hétérogène : la nouvelle exposition de la Fondation van Gogh compose un parcours déroutant sous le signe de la Méditerranée et du soleil

P

arcourant Soleil chaud, Soleil tardif ainsi que la première rétrospective consacrée au peintre anglais Paul Nash (1889-1946), le visiteur ne devra pas chercher un traitement stricto sensu de la lumière dans les arts visuels. Pour la commissaire du projet, Bice Curiger, il s’agit davantage d’une métaphore « questionnant le rapport des artistes à la Méditerranée, terre d’expérimentation, au modernisme, au post-modernisme ». Si le rapport couleur/lumière entre Adolphe Monticelli et Vincent van Gogh s’instaure d’entrée, le propos par la suite apparaît plus elliptique, tant les liens entre les œuvres ne tombent pas toujours sous l’évidence. On zigzague entre Picasso, Giorgio De Chirico, Germaine Richier, Alexander Calder, Joan Mitchell, Sigmar Polke, Etel Adnan. La belle surprise vient du choix iconoclaste porté sur l’inclassable musicien au patronyme évocateur, le coruscant Sun Ra tout imprégné du mythe solaire. En fait, c’est surtout la période historique des années70 qui sert de pivot : la période dite « tardive » pour Picasso, mais aussi moment de renouvellement pour d’autres générations artistiques. C’est aussi


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Paul Nash,Circle of the Monoliths, vers 1937–1938

le Midi de la France et la fréquentation des avant-gardes parisiennes qui nous mènent à découvrir l’œuvre du « moderniste » anglais Paul Nash montrée pour la première fois en France. Afin de tirer tout le parti de l’exposition,

4 >18 MAI 2018

il sera utile de se tourner vers le catalogue à paraître prochainement, tandis que l’œuvre de Paul Nash fait l’objet d’une monographie indépendante. CLAUDE LORIN

Parc et Salons de Maison Blanche

Soleil Chaud, Soleil Tardif, les modernes indomptés Paul Nash, éléments lumineux jusqu’au 28 octobre Fondation Vincent van Gogh, Arles 04 90 93 08 08 fondation-vangogh-arles.fr

10 ANS

Entrée libre dans le Parc de Maison Blanche tous les jours de 9h à 19h

FROTTEMENT

Salons ouverts du lundi au vendredi de 9h à 18h hors jours fériés 150, Bd Paul Claudel 13009 Marseille www.marseille9-10.fr

M

M


88 critiques arts visuels

« La Complainte du progrès », vue de l’exposition au Mrac, Sérignan, 2018. Au premier plan, Boulevard de la Villette, mars 1971, Jacques Villeglé, à droite, Coca-Cola, 1976-1986, Andy Warhol, au fond, Untitled (Skyline), 2007, Kader Attia. Photographie Aurélien Mole

Toujours plus au Mrac

« Ah ! Gudule ! Viens m’embrasser, et je te donnerai un frigidaire, un joli scooter... »

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n 1956 déjà, Boris Vian prenait ses distances avec l’esprit Trente Glorieuses. La complainte du progrès... Quel titre évocateur et incisif ! Sandra Patron, directrice du Mrac, le lui a emprunté pour l’une des trois expositions de l’été de ce haut lieu de l’art contemporain sérignanais. Elle réunit un magnifique ensemble d’œuvres de 28 artistes qui triturent, inventent, amalgament, dénoncent, rient de notre société de consommation. Depuis les années 60, la réponse plastique au déferlement matériel, au bonheur arrimé à l’objet, se scinde dans ce qu’on pourrait circonscrire en trois « moments ». Il y eut d’abord le Pop Art et les Nouveaux réalistes, qui se sont emparés de notre lexique et environnement quotidien. Slogans, matières détournées, icônes réinvesties : le regard critique passait par une instrumentalisation joyeuse et / ou grave de ces vecteurs dont ils dénonçaient la prééminence sociétale. Vingt ans plus tard, dans un monde devenu globalisé, où les échanges commerciaux sont hystérisés par les médias et une production toujours plus rapide et massive, les plasticiens produisaient un langage dérivé des stéréotypes du marketing triomphant. Aujourd’hui la situation est plus complexe. Les flux se dématérialisent, tandis que les déchets incompressibles s’agrègent en montagnes toxiques, en continents flottants. Les artistes se plongent dans ce hiatus entre virtualité toujours plus investie par nos affects et désirs,

par un pouvoir invisible qui saurait mieux que nous comment être heureux, et une matérialité galopante devenue inquiétante, qui envahit les espaces et déstabilisent nos certitudes. Sandra Patron a choisi de ne pas suivre un fil chronologique, et présente des œuvres qui se répondent dans un dialogue intime de formes et de signes. Les pièces se répondent l’une l’autre, et nous interpellent dans un langage que leur coprésence rend intuitivement intelligible. Les périodes s’entrelacent, les gestes artistiques se confrontent et se confortent : la visite est bien une incursion frontale dans quelque chose que nous ressentons chacun, entre frayeur et fascination. Témoins vigilants, traducteurs intimes, de Tom Wesselmann (Still Life #56, 1967-1969, tableau en trois dimensions, téléphone à cadran monumental, cigarette fumante posée dans un cendrier : solitude connectée) à Camille Henrot (Skypesnail, 2015, téléphones stylisés, diffusant des conseils-viatiques pour un mieuxvivre addictif) les artistes de cette Complainte nous accompagnent et soulignent d’un trait lumineux, ravageur, les dérives contemporaines. Le Boulevard de la Villette, mars 1971 de Jacques Villeglé fait dos (l’œuvre est présentée au milieu de la salle, on tourne autour du châssis) à Untiteld (Skyline) (2007) de Kader Attia. La ville lacérée de Villeglé -morceaux d’affiches déchirées, éclats de tracts, traces d’images ré agencés qui créent un instantané coloré

subversif- s’oppose ainsi aux 19 buildings frigos d’Attia -scintillants sous leurs milliers de miroirs carrés, froids, doublement froids. L’enseigne fondue d’un garage Speedy (Spee, 2010, Jean-Baptiste Sauvage) vestige tronqué, témoin des émeutes de 2005, provoque la pièce de Richard Baquié (Sans titre, 1985), assemblage d’objets métalliques prélevés dans les décharges marseillaises, reconstitués en un immense « LE TEMPS DE RIEN » mélancolique et poétique. Beaucoup de grands noms encore nourrissent le parcours. Warhol, Arman, Rotella... La vidéo du collectif danois Superflex (Flooded McDonald’s, 2008), qui en 21 minutes montre une réplique du fast-food, vidé de présence humaine, saturé de logos, de bouffe et de cartons, en proie à une montée des eaux qui le submergera totalement, offre une fin apocalyptique et peut-être libératrice. ANNA ZISMAN

Une « visite MiRACle » est proposée le 27 mai, en compagnie de Maria Martinez, psychanalyste. Cet événement s’inscrit dans le cadre d’un nouveau cycle de rendez-vous : le musée invite des professionnels, issus de différents champ disciplinaires, à porter un regard sur les expositions à travers leur expérience et leur savoir-faire.

La Complainte du progrès jusqu’au 16 septembre Mrac, Sérignan 04 67 32 33 05 mrac.laregion.fr


au programme arts visuels bouches-du-rhône

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The big trouille Made in France Pour Julien Blaine, la lutte de 1968 continue et celle de 2018 recommence. Et toujours il manifeste, sous forme d’idéogrammes, d’expositions, de poésies ou d’éditions, comme on lance un pavé dans la mare. Dernière performance en vue à Marseille chez son complice Jean-François Meyer, galeriste et éditeur de son nouvel opus aux accents révolutionnaires et à la formule acérée : « Et après ça… la fête ? ». M.G.-G. Galerie J-F Meyer, Marseille 10 mai au 28 juin 04 91 33 95 01 marseilleexpos.com

© Julien Blaine

Arts Éphémères

Des salons au jardin, Maison Blanche revêt ses habits de printemps à l’occasion de la manifestation Arts Éphémères. Pour sa 10e édition, Isabelle Bourgeois et Martine Robin imaginent tous les « frottements », entre les genres, les styles, les matériaux, les ambivalences, les générations, mêlant talents en herbe et confirmés, travaux des étudiants et des ateliers publics des Beaux-arts de Marseille. M.G.-G. jusqu’au 18 mai Parc et salons de Maison Blanche, Marseille 04 91 14 63 56 marseille9-10.fr Éric Baudart, Cubikron 3.0, 2015 10 sommiers à ressort métalliques 200 x 200 x 200 cm Jardin des Tuileries Courtesy Galerie Valentin, Paris © Marc Domage

Quel amour !? Entre point d’exclamation et d’interrogation, pas d’hésitation : la réponse du MAC est multiple, foisonnante et intergénérationnelle. De Monticelli à Kara Walker, plus de 150 œuvres de 68 artistes seront exposées tout l’été avec, notamment, quelques réponses spécifiques à l’injonction. L’amour sous toutes ses coutures sera ainsi exploré par le prisme de la création, tous médiums confondus et en toute liberté. M.G.-G. jusqu’au 2 septembre Musée d’art contemporain [MAC], Marseille 04 91 25 01 07 culture.marseille.fr

Convulsion © Éric Rondepierre

Love Letters Le 10e Printemps de l’art contemporain irrigue Marseille, Aix-en-Provence et Châteauneuf-le-Rouge avec 12 expositions, des performances et des concerts placés sous le signe de l’année MP2018 Quel Amour !. L’itinérance est de mise avec des parcours découvertes à Marseille, une floraison de rendez-vous décalés dans les lieux, des finissages au gré des galeries et un focus exceptionnel sur la scène actuelle écossaise. M.G.-G. À partir du 10 mai, durées variables selon les expositions Marseille, Aix-en-Provence, Châteauneuf-le-Rouge 09 50 71 13 54 marseilleexpos.com

La Cicatrice, 2013 © Frédéric Nakache - Où galerie Paradis


90 au programme arts visuels bouches-du-rhône vaucluse

Hervé André L’artiste marseillais Hervé André enchaine les « vies de tube » au gré de ses nombreuses huiles sur toile, encres de chine sur papier, gouaches sur carte et autres « haïkus mélopées cantilènes » qu’il chante à la guitare quand il a le blues. De cet état mélancolique naissent aussi des dessins animés à l’esprit satirique, celui-là même qui lui fait écrire qu’« un sang impur bat dans ses veines ». M.G.-G. Affect 24 mai au 15 juin Urban Gallery, Marseille 04 91 87 43 35 facebook.com/urbangallerymarseille

Art War Raw Rat, 142 x 115 cm, 2015 © Hervé André

Plein soleil Sous la bannière « Plein Soleil », 49 centres d’art contemporain en France unissent leurs forces pour proposer un parcours d’expositions en miroir de la production et de la diversité des artistes qui y sont régulièrement présentés. Le 3bisf à Aix, le Cairn centre d’art à Digne, la Villa Noailles à Hyères, le Cirva et Triangle France à Marseille, l’Espace de l’art concret à Mouans-Sartoux, la Villa Arson à Nice sont les haltes à prévoir sur l’agenda estival. M.G.-G. 1er juin au 30 septembre 01 42 39 31 07 dca-art.com Liv Schulman, L’Obstruction, 2017, Film HD 26’03, Production Triangle France avec le soutien de Mécènes du Sud Aix-Marseille

Paul Signac C’est à bord de son bateau l’Olympia que Paul Signac s’est rendu au début du siècle dernier dans le sud de la France, séduit par la lumière et les vibrations colorées. L’exposition réunit une trentaine d’aquarelles et lavis réalisés dans le Midi et le long des rivages de la Corse. Certaines œuvres, issues de collections privées, sont montrées pour la première fois. C.L. La lumière du Midi 19 mai au 27 septembre Musée Yves Brayer, Les Baux-de-Provence 04 90 54 36 99 yvesbrayer.com Paul Signac, Bateau sur le port d’Ajaccio, 1935, Aquarelle 28 x 43 cm, Inv RF 31432, © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay)-Michèle Bellot

Cabu Le dessinateur satiriste est reconnu pour ses illustrations parues dans Le Canard enchaîné, Hara-Kiri, et bien sûr Charlie Hebdo. On sait moins qu’il était aussi un passionné de théâtre, auquel il se rendait plusieurs fois par semaine. Dans le noir, il esquissait des croquis à main levée. 34 de ces dessins sont présentés à l’occasion de la réouverture de la Maison Jean Vilar, dans le hall entièrement rénové aux couleurs du Festival d’Avignon. Cabu, le théâtre à main levée. Croquis d’un spectateur amoureux 15 mai au 21 décembre Maison Jean Vilar, Avignon 04 90 86 59 64 maisonjeanvilar.org

Cher Antoine, 1969 © V. Cabut


au programme arts visuels vaucluse alpes hérault

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Laurent Perbos Expositions d’art contemporain ou historiques s’offrent une belle vitrine au Centre d’art pédagogique « qui fait bouger les lignes » en valorisant l’action du Centre de soutien pour personnes handicapées, du quartier, de la ville… Pour l’heure, le plasticien marseillais Laurent Perbos expose installations et sculptures aux côtés des œuvres réalisées par les artistes de l’APEI. M.G.-G. CEVAD-APEI, Carpentras jusqu’au 4 juin 06 80 72 12 54 cevad.org

Oléa 2011, tuyau d’arrosage en pvc, 205 x 90 x 80 cm, exemplaire unique © Laurent Perbos

Corps

Corps entiers ou fragmentés, corps sensuels ou rêvés, corps elliptiques ou imaginaires, la représentation du corps dans la photographie va de pair avec la naissance du premier appareil photo, évoluant selon les contextes, les technologies et les tendances. Trois « mises en scène » différentes sont proposées par Pierre-Jean Amar, Sook Shin, Florence Verrier, invités de la galerie Parallax dédiée à la photographie contemporaine. M.G.-G. Galerie Parallax, Lourmarin jusqu’au 8 juillet 06 60 55 20 60 galerieparallax.fr Le dos de Julie 1986 © Pierre-Jean Amar

Icare Les peintures de Luc Gerbier et Christiaan Kuitwaard ouvriront la cinquième saison de la galerie sous le signe d’Icare. Si les deux artistes partagent des motifs communs - paysage, portrait, nature morte – ce sont leur style et leur vision qui les singularisent. Le mythe antique servira de fil d’Ariane de la programmation jusqu’en novembre. C.L. Quand les extrêmes se touchent jusqu’au 10 juin Galerie des Arts en Luberon, Reillanne 06 73 13 52 78 galerie-des-arts-en-luberon.com

Bomen, 11.12.2015 60 x 60, Christiaan Kuitwaard. Photo : courtesy Galerie des arts en Luberon

Figuerolles… la nuit Philippe Artaud ne prête aucune importance à sa collection. Sa passion est avant tout de correspondre avec le monde entier et récolter mille et une poésies volatiles, objets insolites et autres cartes postales improbables. Aujourd’hui la vidéo l’occupe, dont il tire toutes sortes d’incongruités télévisuelles : zapping, images volées en caméra cachée… Exposer sa collection tient aussi du miracle ! M.G.-G. 17 mai au 23 juin Atelier-galerie La Jetée, Montpellier 09 83 02 09 82 la-jetee.fr

Tapettes à mouches © collection Philippe Artaud (extrait)


92 critiques rencontres littéraires

Coïncidence exorbitante

S

idéré : étymologiquement, subir l’influence néfaste des astres, être roman Austerlitz, que les Nazis utilisèrent pour entreposer les biens frappé de stupeur. Considérer : contempler les astres. pillés aux familles juives parisiennes pendant la Seconde Lors de la rencontre à la librairie L’Histoire de Guerre mondiale. Et c’est cette même guerre durant l’œil organisée dans le cadre de la Biennale laquelle Walter Benjamin tenta, exil après exil, des écritures du réel et autour de son essai de sauver sa bibliothèque pour finir par la Sidérer, considérer, Migrants en France disperser puis l’abandonner, n’emportant en 2017, Marielle Macé introduit son que l’indispensable, un masque à gaz propos en soulignant l’importance et des effets de toilettes… Face à une actualité crue de flots de l’effort littéraire pour dire juste et pour traiter avec justice. Quel d’images où toutes les existences monde nos mots et nos phrases ne se valent pas, l’auteure se réfère au texte Ce qui fait soutiennent-ils ? Comment, devant une vie, essai sur la violence, la situation des migrants, passer d’un état de sidération qui nous la guerre et le deuil de Judith saisit et nous tient éloignés, nous Butler et ouvre une réflexion sur la touche sans parvenir à nous relier, reconnaissabilité des vies. S’il faut à l’action de considérer, de regarder avoir conscience des souffrances, attentivement, avec égards, de tenir il faut également reconnaître les compte ? Sous nos yeux émergent personnes à partir de leur héroïsme des bords en plein centre et avec eux la et leurs réalisations, comme dans la brutalité des collusions de réalités comme jungle de Calais où églises, mosquées, celle des quais de Seine où un campement de bibliothèques, théâtre, écoles, restaurants, réfugiés érythréens, éthiopiens, somaliens, s’inscrit salle informatique, épiceries ont surgi du néant. Marie nt lle Macé © Olivier Vince Un point de vue partagé par le collectif PEROU « pôle dans un côtoiement impossible avec La Cité du Design et de la Mode, sa discothèque, le siège de la banque Natixis et la BNF. d’exploration des ressources urbaines » dirigé par Sébastien Thierry C’est d’ailleurs ce même espace, comme l’évoque Sebald dans son et composé de politologues, juristes, urbanistes, architectes et artistes

R

égion PACA 2040. Après le F.LA.S.H. (acronyme pour Faille Latérale du Système Hospitalier) de 2028, une crise sanitaire majeure due aux assauts conjoints d’une grave épidémie de grippe aviaire, d’une canicule sans précédent et de brutales attaques informatiques, tout le système a été revu. Et corrigé ? Pas sûr. Malgré l’optimisation et la rationalisation des offres de soins, malgré les AV (assistants virtuels) qui mettent de l’huile dans les rouages des relations sociales et collaborent plus qu’efficacement avec chaque citoyen, malgré l’adhésion collective à la grande Transparence, à la Démocratie en santé, tout n’est pas si rose dans le meilleur des systèmes de santé. Antoine, le protagoniste de l’histoire, sorte d’aiguilleur de la santé (il s’occupe de réguler les flux de demandes de soins en orientant les patients vers la structure la mieux adaptée à leur pathologie), l’apprendra à ses dépens… Dans son dernier ouvrage publié, Philippe Pujol a choisi la voie de l’anticipation. Mais le lauréat du prestigieux Prix Albert-Londres (pour sa série d’articles sur les Quartiers shit en 2014), l’auteur de La fabrique du monstre (2016) et de Mon cousin le fasciste (2017 ; lire chronique sur journalzibeline.fr) reste avant tout un journaliste. Marseille, 2040, Le jour où notre système de santé craquera est d’ailleurs sous-titré « enquête ». De fait, le récit s’appuie sur des centaines d’interviews, menées pendant plus de deux ans auprès de professionnels de la santé de l’Agence Régionale de Santé PACA. De fort instructives annexes le complètent, qui font le point sur les évolutions probables du système de santé en PACA. Pourquoi un tel

Rencontre avec Philippe Pujol (à droite) © Lisa Solano

Bienvenue dans la Transparence


critiques livres

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Nos Possibles...

qui installaient en 2012 une « Ambassade du PEROU » dans un campement rom du bord de la nationale 7. Ce dernier fut rayé de la carte en 2013 sous le coup d’un arrêté municipal dont les 70 occurrences du mot « considérant » ne manqueront pas d’être relevées et parodiées… À Calais, ce même collectif dénonce le projet public d’un parc d’attractions, Heroïc Land dont le financement s’élèverait à 270 millions d’euros, et propose à la place un chantier de l’hospitalité ; ce qui leur vaut un procès ! Le texte de Marielle Macé, tout en tact, en précision et en finesse, regorge de nombreuses autres références empreintes de clairvoyance et d’humanité, telles Jean-Christophe Bailly, Francis Ponge, Henri Michaud, Edouard Glissant, Michel Agier… La rencontre avec l’auteure, en présence de l’association SOS Méditerranée, est ainsi lumineuse et vive. Elle résonne avec autant de force que la période est marquée par le projet de loi très contesté Asile et Immigration… MARION CORDIER

sujet ? Pourquoi la SF ? C’est à ces questions, entre autres, que Philippe Pujol était invité à répondre lors d’une rencontre à la librairie Maupetit. Le journaliste-écrivain-scénariste s’est prêté au jeu avec spontanéité et humour, émaillant ses réponses d’exemples précis et très parlants. L’ancien étudiant en biologie, titulaire d’un master en science et santé, ne pouvait que s’intéresser à un tel sujet, d’autant qu’il a souvent eu affaire au milieu hospitalier ces dernières années, en tant qu’accompagnant. Dans ce genre de situation « on attend et on observe » ; c’est ainsi qu’il a vu le langage de l’entreprise investir l’hôpital. Avec une logique de rentabilité, on gagne en efficacité… mais cela ne va pas sans une certaine déshumanisation. Ni sans soulever certaines interrogations éthiques ; car « trier les problèmes de santé », comme le dit Philippe Pujol, n’est-ce pas à terme choisir qui et comment on va soigner ? Dans ce livre, il avoue avoir « poussé les curseurs Macron à fond ». Afin de mettre en lumière les dérives possibles d’un système fondé sur

La rencontre avec Marielle Macé s’est tenue le 5 avril à la librairie l’Histoire de l’œil, dans le cadre de la Biennale des écritures du réel organisée par le Théâtre de La Cité.

Sidérer, considérer, Migrants en France en 2017 Marielle Macé éditions Verdier, 6,50 €

le « process », une sorte de « programmation de la société par la machine ». Et de faire réfléchir un large public à des questions de santé qui pourraient bien devenir cruciales ; à des questions politiques également, qui touchent à la protection des données personnelles et aux pouvoirs grandissants de l’intelligence artificielle. Mais comme il déteste se cantonner à un genre, il s’est pour l’heure attelé à la rédaction d’un « western figatelli », tout en s’engageant dans plusieurs projets audiovisuels. Philippe Pujol n’a visiblement pas fini pas de nous surprendre …et c’est tant mieux. FRED ROBERT

Philippe Pujol était invité à la librairie Maupetit (Marseille) le 21 avril pour parler de son dernier livre Marseille 2040, Le jour où notre système de santé craquera, paru aux éditions Flammarion (15 euros). On peut aussi lire Marseillais du Nord : les seigneurs de naguère, paru aux éditions Le Bec en l’air en 2016. De ce bel ouvrage, enrichi des photographies de Gilles Favier, Philippe Pujol déclare qu’il est son préféré.

«V

ous êtes debout, un micro à la main... », ainsi débute le nouveau roman de Laurent Quintreau, qui interpelle le lecteur en lui proposant de jouer différents personnages plongés dans des moments limites. À l’instar d’un Butor dans La Modification ou des Livres dont vous êtes le héros, dix tableaux se succèdent, saisissant des instants où tout (semble) chavirer. Les destins se répondent, s’entremêlent pour former un monde, miroir du nôtre, celui de la course à la performance, aux objectifs chiffrés, à la folie néo-libérale. L’auteur est romancier et essayiste, mais aussi concepteur-rédacteur pour des agences de pub, et syndicaliste impliqué dans la vigilance aux formes de souffrances au travail. Ce qui nous guette, publié récemment aux éditions Payot & Rivages, est le reflet de cette personnalité aux multiples casquettes. Ainsi, pour rendre compte de l’éclatement individualisant de notre monde et des différents points de vue qu’il suscite, l’auteur imagine une narration fragmentée que seul le Vous du lecteur peut tenir dans un ensemble cohérent. Dans une écriture simple, précise, mais non départie d’ironie, l’humanité est dépeinte dans ses hybris ancestrales : désir d’abolir la mort, l’échec, la faiblesse. Progressivement le réel représenté, identifiable, bascule dans le temps d’après et le récit devient celui d’une dystopie. Le transhumanisme, l’humain augmenté, l’intelligence artificielle sont questionnés dans leur utilisation à visée capitaliste. Les personnages déclinent alors nos possibles, avec humour et quelques pointes d’espoir. Les signes de ce qui nous guette sont visibles tout autour, et les alertes, nombreuses. À nous de les infléchir avec inventivité. DELPHINE DIEU

Ce qui nous guette Laurent Quintreau Éditions Rivages, 16,50 €


94 critiques livres

Guerres et paix

A

vec Des ailes au loin, Jadd Hilal offre un premier roman lumineux où les voix de quatre femmes palestino-libanaises se croisent sur quatre générations : Naïma, née en 1930 à Haïfa, sa fille, Ema (1948), Dara (1974), fille d’Ema, Lila (1998), fille de Dara. Les guerres qui bouleversent le Moyen-Orient influent sur les vies, les choix, poussent aux exils, nourrissent les nostalgies, installent des distances qui accordent des regards neufs sur les êtres. La violence réside aussi dans le sort réservé aux filles, Naïma est mariée à 12 ans à un garçon de 21, qui lui-même a été forcé à cette union, pour « oublier » une autre, interdite… Chacune des protagonistes a un caractère fort, résiste aux tempêtes du monde, porte un regard d’une pertinente acuité sur ce qui l’entoure. Brillantes, les descendantes de Naïma travaillent auprès des instances internationales, ce qui leur permet de partir, aux moments les plus dangereux des conflits qui ravagent le Liban, en Suisse. Genève, Ferney-Voltaire, deviennent les nouveaux lieux d’ancrages. La fiction s’arc-boute au réel

avec une délicate intelligence, se refuse à tout pathos facile. Les drames les plus terribles n’entament pas la vitalité de ces femmes,

désordre ! », assène Dara à sa mère, lorsqu’elle décide, fille de « deux parents à l’ONU », de se marier avec un maçon à Arsoun. Mais les déchirures se répètent, le départ du Liban inévitable. « Gigantesque(s) et minuscule(s) », les histoires particulières s’articulent avec les remuements du siècle. L’écriture limpide va à l’essentiel : un verbe, un nom suffisent à caractériser un personnage, une situation, une émotion. L’ironie affleure, savoureuse. Ainsi une colère maternelle devient un morceau de bravoure : « Elle a déployé tous ses talents de cantatrice orientale. Moitié martyre moitié génitrice acharnée, elle a ténorisé un à un les sacrifices quasi coraniques auxquels elle s’était contrainte pour ses enfants… ». Un roman sensible, au rythme soutenu, qui nous donne à voir le monde autrement. MARYVONNE COLOMBANI

leur capacité d’indignation, leur volonté d’émancipation, leur lucidité, ni leur humour. « C’est ça le paradoxe libanais ! L’envie de

Des ailes au loin Jadd Hilal Éditions elyzad, 18.50 €

De mélasse et d’or

N

ourri par ses origines chilienne et vénézuélienne, amoureux des mots, de leur musique et de leurs parfums, inspiré par ses voyages, le très jeune Miguel Bonnefoy a choisi d’écrire en français. Enthousiaste et généreux il avait charmé le public des Correspondances de Manosque en septembre dernier, évoquant la luxuriance des Caraïbes où se déroule son dernier roman. Les premières pages de Sucre noir nous projettent dans un navire échoué dans la mangrove, au milieu de la canopée. C’est celui du célèbre flibustier Henry Morgan qui agonise en fond de cale avec son trésor. Trois siècles plus tard, nous sommes dans un village et ses plantations de cannes à sucre, dans un lieu qu’on suppose au Venezuela mais qui n’est volontairement pas nommé par l’auteur, de même qu’il n’indique aucune date pour garder à son récit quelque chose d’universel et d’intemporel, proche de l’univers de la fable. La famille Otero y vit dans une ferme. La fille, Serena, passionnée de botanique, rêve d’un grand amour. Un jour survient un jeune homme, attiré par la rumeur

du trésor enfoui, qui déclare posséder des plans indiquant sa position. D’abord hostile, Serena se rapproche de Severo ; désormais

planteur et épouse la fille. Tous deux développent l’exploitation, créent une distillerie dont la réputation dépasse la frontière. Ils en oublient le trésor du pirate, surtout après avoir recueilli une petite fille sauvée des flammes, Eva Fuego. Vingt ans après, l’enfant fragile devient une maîtresse-femme, autoritaire et riche, crainte par tous. Le pays a changé, on y a trouvé du pétrole, l’or noir, et Eva Fuego porte « le destin des reines ». Miguel Bonnefoy développe dans une langue chatoyante une fiction proche de la réalité sociale du Venezuela qui n’a pas su reconnaître ses vrais trésors, ceux offerts par le travail de la terre, et qui a sombré dans l’inflation. CHRIS BOURGUE

Miguel Bonnefoy est actuellement en résidence à Manosque

ils partent tous deux en forêt à la recherche de ses trésors : plantes inconnues et coffre rempli d’or. Severo apprend le métier de

Sucre noir Miguel Bonnefoy Rivages, 19,50 €



96 critiques livres

Irréversibles passés

D

ans l’Amérique où l’on dit que tout se renouvelle et se refonde, l’Histoire s’immisce, et les passés s’interposent. Avec Le bracelet, la romancière Andrea Maria Schenkel arpente le XXe siècle. Si le texte débute en 1943 par un court et énigmatique épisode que seule la fin éclairera, le récit commence en 1938, dans la ville de Ratisbonne où vit la famille du petit Carl Schwarz. Les exactions contre les juifs ont commencé, mais Monsieur Schwarz se refuse à penser au départ : certes, ses propres parents étaient juifs, mais lui a épousé une catholique, s’est converti : « Je suis catholique, et aussi allemand que vous » assène-t-il au docteur qui lui suggère la prudence et lui offre des billets de bateau pour Shanghai. Gretel, la mère, veut protéger ses enfants (Ida et Carl) d’un « État qui les considère comme des moins que rien », et pousse à l’exil. Au port de Gênes, le père reste à quai, incapable de quitter sa patrie. La vie des expatriés se dessine alors en un texte foisonnant de vie, de couleurs. Découverte passionnée d’un Orient connu par

le seul biais de la littérature, confrontation des imaginaires à la réalité, en un style nerveux, aux dialogues vifs qui mêlent efficacement

Parallèlement, on suit les tribulations de la jeune Erna envoyée par son père à Munich auprès de sa tante, Marga, diseuse de bonne aventure et faiseuse d’anges. Milieu proche du pouvoir nazi, médecin affecté à Dachau… débâcle, départ pour les États-Unis… Carl s’est refusé à rentrer au pays et vit aux USA. Il y rencontre Emmi. Désir de renouveau, de rompre avec l’horreur ? « Le passé n’existe pas, (lui dit-il), la seule chose qui compte, c’est le présent ». En 2010, ils sont mariés depuis 60 ans. Un coup de téléphone d’un homme mandaté par le Musée de l’Holocauste, des lettres, une photographie, bouleversent le paisible bonheur du couple. Peut-on tout gommer ? Qui est vraiment Emmi ? « Le passé ne disparaît jamais »… Un roman bouleversant d’acuité sur ce qui nous fonde. MARYVONNE COLOMBANI

leurs voix à la narration. Shanghai apparaît, « hydre gigantesque aux multiples visages », subissant elle aussi les effets de la guerre.

Le bracelet Andrea Maria Schenkel, traduction Stéphanie Lux Éditions Actes Sud, 23 €

Veil, fraîchement nommée à la présidence de Radio France. Expliquer ces réussites hors du commun par le seul prisme du réseau serait réducteur. Qu’est-ce qui fait que les

chances qu’on leur tend, des avancements qu’ils savent se ménager » explique Mathieu Larnaudie. D’autre part, leur rapport au temps semble aussi être un atout. Ils utilisent les trois concepts des Grecs pour l’appréhender : chronos, la durée ; aiôn, la destinée ; kairos, l’occasion. Autre corde à leur arc : ils sont façonnés pour utiliser un langage propre à la négociation, et ainsi infléchissent aisément leurs interlocuteurs dans la direction voulue. Au total, à l’ENA, plus qu’un savoir technique, on y apprend un rôle. Plus qu’une école, c’est un conservatoire. Outre un portrait d’Emmanuel Macron dressé par ses camarades de promo, cette investigation par l’éclairage qu’elle porte sur ces jeunes gens constitue une formidable initiation au décodage des postures et agissements de l’élite qui nous gouverne.

Un millésime

S

ur le bandeau qui habille la couverture, une photo de groupe : la promotion Senghor de l’ENA (2001-2004). Parmi les 187 visages, il n’est pas aisé de reconnaître celui du plus célèbre d’entre eux, Emmanuel Macron. Bien avant qu’il soit élu président de la République, il y a quatre ans, Mathieu Larnaudie a mené une enquête sur cette promotion. Il était intrigué par le nombre important de ceux qui en étaient issus officiant dans les cabinets ministériels. En 2017, après l’élection présidentielle, il décide de ressortir ses dossiers. L’auteur dresse les portraits d’une trentaine d’anciens élèves de la promo en essayant de comprendre comment ils ont accédé si rapidement aux plus hautes sphères de l’État ou de la finance. Un noyau non négligeable d’entre eux possèdent déjà un « pedigree » avec des parents ou grands-parents énarques. D’autres ont des origines plus atypiques avec néanmoins un parcours remarquable depuis leur sortie de l’école. Ne serait-ce que dans l’actualité de ce printemps, on retrouve en première ligne Mathias Vicherat en tant que directeur général adjoint de la SNCF ou Sybile

CAROLINE GÉRARD

portes s’ouvrent aussi largement pour ces jeunes gens ? « Pour eux la mobilité est permanente, naturelle (…) ils changent de travail constamment au gré des opportunités, des

Les jeunes gens Mathieu Larnaudie Éditions Grasset 18 €


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Se réapproprier Proust

N

athalie Quintane écrit « Il faudrait déclarer l’O.O.P.: un Oubli Obligatoire de Proust pendant un demi-siècle. ». Cette phrase exactement provocante fait réagir et explose l’embaumement dont l’écrivain est victime. Les Enthoven père et fils dans leur dictionnaire amoureux parlent de l’auteur de la Recherche comme d’un être bon, « le meilleur ami du genre humain » quant à Antoine Compagnon, il écrit que « des lecteurs très divers ont l’impression que Marcel Proust a écrit son livre uniquement pour eux ». Mais Nathalie Quintane déplore que Proust soit réduit à ce rôle d’exhausteur de sensations. Souhaitant rééditer des extraits du Contre Sainte-Beuve, l’éditeur Éric Hazan demande à Nathalie Quintane un texte pour les accompagner. Elle n’est pas une proustienne patentée comme ceux précédemment cités. Mais est-il nécessaire d’être spécialiste pour pouvoir en parler ? Pour Nathalie Quintane, il est du devoir de chacun de s’emparer de la littérature quitte à la trahir. Elle ne doit pas rester coincée dans le carcan dans laquelle la maintiennent certains, la cantonnant ainsi à sa seule fonction d’excitatrice du sensible.

Nathalie Quintane en réponse à l’éditeur va écrire Ultra-Proust, comme on a dit « UltraGauche », un plaidoyer pour faire sortir les œuvres littéraires de l’enclos dans lequel on

général avec une dimension politique. Pour Nathalie Quintane,« Proust attend des lecteurs qu’ils soient… des correcteurs ; et qu’ils poursuivent, en quelque sorte, l’infini travail de corrections et d’ajouts qu’est pour lui le travail de l’écriture. ». Comme l’auteur de la Recherche qui utilisait ses célèbres paperolles pour les insérer dans le texte, elle souhaite que les lecteurs s’immiscent dans la littérature, la corrigent, la sorte du statut imposé par les spécialistes. Mais, quelle serait la façon d’y parvenir ? Elle ne le dit pas. Comme elle l’affirme : « Je ne suis pas une intellectuelle engagée. Je suis poète. ». De même, ce livre n’est pas un essai mais un écrit inclassable qui bouscule notre rapport figé à la littérature. CAROLINE GÉRARD

les a volontairement enfermées afin qu’elles puissent changer la vie, pas dans le sens où l’on trouverait dans les œuvres une réponse à nos questions existentielles, mais la vie en

Ultra-Proust Natahlie Quintane La fabrique édition 12 €

C’est quoi, être étranger ?

L

’Étrange et non « étranger », c’est le titre de cette bande dessinée de Jérôme Ruillier. Celui qui est étranger n’est-il pas obligatoirement ressenti comme étrange, en effet, car différent, non connu, inclassable, donc rejeté ? Le héros en est un : plus grand, plus gros, plus triste que les indifférents qui le croisent ou les grincheux qui le surveillent. Il a voulu quitter son pays pour aller ailleurs où la vie est meilleure, croit-il. Les pays ne sont pas nommés, de même que le tarif du transit n’indique pas le nom de la monnaie. L’auteur-dessinateur a voulu toucher les lecteurs de tous les pays et son récit a une résonnance amère en ces périodes où les problèmes de l’émigration sont de plus en plus préoccupants. Ses personnages sont des animaux et son « étrange » un gros ours aux yeux ronds et noirs qui disent son incompréhension de ce nouveau pays. Le récit est découpé en petits chapitres présentés par des personnages qui le croisent : logeur, passant, même les poissons d’un aquarium et une corneille qui

le suit du haut des immeubles. Rencontres multiples qui soulignent la vulnérabilité et les difficultés du parcours de celui qui n’a

pays. Les dessins au crayon ou feutre en noir et blanc sur fonds de couleurs vives et unies ne sont pas tous dans des cases et occupent parfois la page entière. On suit ce récit très rythmé avec une sorte de rage à la suite de cet auteur résolument engagé dans les luttes sociales, qui semble manier ses crayons avec l’énergie de la révolte, convaincu de l’urgence d’alerter le plus grand nombre. CHRIS BOURGUE

Ce livre, soutenu par Amnesty International, fait partie de la sélection pour le Prix littéraire des apprentis et des lycéens de la Région PACA qui sera décerné le 24 mai

pas de nom. Sans papiers il travaille sur des chantiers, se cache le reste du temps. Mais la loi est plus forte et il sera renvoyé dans son

L’étrange Jérôme Ruillier L’Agrume, 20 €


98 patrimoine

Articuler l’histoire au contemporain

La nouvelle exposition du musée de Salagon, Céramiques, met en résonnance collections ethnologiques et nouveaux potiers céramistes d’art cuisson et le vaisselier présente une palette de gris à quelques exceptions près. Ce sont les Italiens, qui migrent dans la région aux XVe et XVIe siècles, qui apportent la technique de la céramique colorée, vernissée. Le catalogue précise que « L’implantation de ces « étrangers » en Provence Occidentale a marqué un bouleversement complet dans la production régionale ». Des villes spécialisées se développent alors, Moustiers-Sainte-Marie, Apt. L’industrie épouse les besoins de la société et son évolution…

Face à la globalisation

«I

Jérôme Galvin, Service de Table (détail), Terre vernissée, 2017 Photo : N. Bineau

l s’agit vraiment d’une exposition de la maturité, sourit Isabelle LabanDal Canto, directrice de Salagon musée et jardins, nous avons réussi à articuler l’histoire et le contemporain, souligner l’intérêt des collections ethnologiques du musée et les inscrire dans une histoire longue qui montre comment une société paysanne perçue comme immobile a évolué. » Un objet symbolique ouvre l’exposition, une roue de terre cuite, découverte intacte et abandonnée aux intempéries en 1957 par Pierre Martel. Il raconte dans sa revue, Les Alpes de Lumière (n° 69) comment au cours de la Deuxième Guerre mondiale, Marius Roux, tuilier à la retraite, ne pouvant obtenir les matériaux nécessaires pour réparer la roue de sa charrette, en fabriqua une en terre cuite ; d’abord pleine et cassante, enfin avec des trous et qui résista parfaitement :« Sans le savoir, et simplement pour répondre à un besoin précis,

un humble artisan de Haute Provence avait refait en quelques jours le chemin que l’humanité avait mis des siècles à parcourir pour passer de la roue pleine à la roue à rayons ».

De la terre à l’architecture À l’origine de la céramique, il y a la terre, cinq argiles différentes se trouvent dans la région d’Apt ! Kaolin (porcelaine), marne, pour les sigillées fines, les ocres, la terre à briques, et la smectite qui permet de dégraisser, bouche les trous du barrage de Serre-Ponçon, et s’utilise dans la fabrication d’un célèbre pansement gastrique ! Tuiles, briques, carreaux, un univers de bâtisseurs naît ici. Travail de forçat depuis l’extraction à la pioche, le chargement des fours, à la main (un four contenant 50 tonnes de matériaux) ! Les territoires bas-alpins, à l’image de la Provence, sont gris au Moyen-Âge : la céramique locale subit un « enfumage » en fin du cycle de

Un catalogue extrêmement fouillé, indispensable complément, accompagne l’ensemble, propose en introduction le texte que Georges Duby avait écrit pour le catalogue de l’exposition montée en 1977 par François Mathey au Musée des Arts Décoratifs, intitulée Artistes/Artisans, où il décrypte les relations entre l’art et le pouvoir, les confusions entre notions d’esthétique et de culture. Céramiques, dialogue entre tradition et contemporain, sous la direction d’Isabelle Laban-Dal Canto, édité par le musée de Salagon, 20 €

La petite industrie céramique disparaît avec la production de masse qui marque la deuxième partie du XXe, les imprimantes 3D peuvent modeler l’argile, les logiciels remplacent les artisans… qui deviennent « artisans d’art », avec leurs pièces uniques, leur technique fine, complexe, les créations ne sont plus uniquement utilitaires, mais s’orientent vers la sculpture, le dessin, offrent des variations multiples, construisent un discours sur le monde, dans une pertinente distanciation, ainsi avec les œuvres exposées de Jérôme Galvin, Fanny Lavergne, Camille Virot, Jean-Nicolas Gérard, Agathe Larpent. Frivole parfois, la porcelaine se fait perruque, fausses moustaches, les tomettes entrent dans l’espace public, connectées à vos smartphones, et racontent à ceux qui les foulent l’histoire du lieu arpenté… Au fil des salles, le face à face entre l’ancien et le nouveau se charge de sens, accorde au contemporain la poésie et l’épaisseur du temps qui l’a mûri, et aux formes anciennes une éloquente mise en perspective. MARYVONNE COLOMBANI

Céramiques, dialogue entre tradition et contemporain jusqu’au 15 octobre Musée de Salagon, Mane 04 92 75 70 50 musee-de-salagon.com


MARSEILLE

DES

JAZZ CINQ CONTINENTS

illustration : Ji Dahai

18 • 27 JUILLET 2018

19e FESTIVAL YOUN SUN NAH • THOMAS DE POURQUERY • SELAH SUE • CHICK COREA • JEFF MILLS & ÉMILE PARISIEN KOOL & THE GANG • YOUSSOU NDOUR • FRED WESLEY & MARTHA HIGH • JOHN SCOFIELD • JOHN MEDESKI • SCOTT COLLEY • JACK DEJOHNETTE • YOSHICHIKA TARUE • HENRI TEXIER • SOMI • ERIK TRUFFAZ • AVISHAI COHEN • CORY HENRY • SANDRA NKAKÉ • ACCOULES SAX • THE VOLUNTEERED SLAVES • ONEFOOT • DHAFER YOUSSEF • LUO NING • SYLVAIN RIFFLET • AWAKE • SARAH QUINTANA & CHRISTOPHE LAMPIDECCHIA • GOGO PENGUIN • YILIAN CAÑIZARES • ROY HARGROVE • www.marseillejazz.com



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