Zibel116

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17.03 > 14.04.18

N°116

ZIBELINE

Mensuel culturel engagé du Sud-Est marionnettes à Mougins

Tricastin

danger

châteauvallon

en Liberté

DESTINATION PROVENCE : des villes en concurrence

3€ L 11439 - 116 - F: 3,00 € - RD


CONTEXTE[S] ART / TERRITOIRE

R E N C O N T R E S & D É B AT S

13 & 14 AV R I L 2 0 1 8 menés par Anne Quentin

« Que faire quand la laïcité s’effrite, que le racisme avance et que les problèmes sociaux s’aggravent ? Comment s’émanciper, grandir, rêver pour créer d’autres possibles ? De plus en plus de théâtres tentent de trouver de nouveaux ancrages à leur action pour que les lieux de l’art deviennent des lieux de vie, d’échange, de partage. CONTEXTE[S] réunit intellectuels, artistes, acteurs socio-culturels, enseignants et professionnels pour croiser points de vue et expériences et inventer ensemble des alternatives au prêt-à-consommer et au prêt-à-penser. Deux jours pour rebattre les cartes au Merlan qui fait le pari de son “contexte” pour irriguer son territoire et inventer d’autres voies à l’art. l’art » Anne Quentin

V E N D R E D I 1 3 AV R I L 14H30 accueil > 14h

AR T / TER R ITOIR E > TAB LE 1

VIVRE, RENCONTRER, INVESTIR

Des habitants de Marseille et des artistes s’interrogent ensemble sur les réalités et la fonction d’un théâtre qu’ils côtoient de près ou de loin. Un temps pour faire vivre la rencontre en paroles, en récits ou témoignages autour d’un thème : le territoire peut-il réinventer l’art ? 16H30

AR T / TER R ITOIR E > TAB LE 2

IRRIGUER, ENTREPRENDRE, AGIR Ils sont acteurs de leur territoire. Entrepreneurs, bailleurs, enseignants, travailleurs sociaux et culturels, traversent tout autant qu’ils participent du territoire. Quelle communauté forment-ils ? Comment envisagent-ils leur rôle, comment fabriquentils des territoires pour l’art ? 18H00 durée : ± 1h

AR T / TER R ITOIR E > RENCO NTRE DÉCALÉE

RENCONTRE DÉCALÉE

avec Thierry Thieû Niang

S A M E D I 1 4 AV R I L 11H15 accueil > 10h30

AR T / TER R ITOIR E > TABLE 3

PRESCRIRE, RECONNAÎTRE, DÉBORDER

Juste Heddy © Mickaël Phelippeau

Acteurs culturels et artistes témoignent de l’identité culturelle du territoire qu’ils contribuent à forger. Ils croisent leurs points de vue pour interroger les représentations symboliques, le lien et les interrogations que soulève l’art dans son contexte. Et si l’art réinventait le territoire ? 13H00 durée ± 45 min.

A R T / TER R I TO I R E > S P E C TAC L E (étape de travail) de Mickaël Phellipeau

JUSTE HEDDY

Le nouveau portrait dansé du chorégraphe avec Heddy Salem.

Gratuit (réservation indispensable) Événement réalisé avec la complicité de Radio Grenouille 88.8 fm

Infos & réservations avenue Raimu, Marseille 14e 0 4 9 1 1 1 1 9 2 0 / w w w. m e r l a n . o r g


MARS AVRIL 2018

RETROUVEZ ZIBELINE SUR JOURNALZIBELINE.FR

Édité par Zibeline BP 90007 13201 Marseille Cedex 1 Dépôt légal : janvier 2008 ISSN 2491-0732 Imprimé par Riccobono Imprim’vert - papier recyclé Crédit couverture : © Alouette sans tête Conception maquette Tiphaine Dubois

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Risque d’accident nucléaire majeur. À Fukushima ou Tchernobyl ? Non, ici, à Tricastin, dans notre zone de risque, à 60 km d’Avignon. Qui le dit ? Les allumés antinucléaires, les militants, des ZADistes ? Non, des députés, des citoyens, et certains membres de l’Autorité de Sécurité Nucléaire : la vieille centrale, mise en service en 1980 pour un maximum de 30 ans, est notablement fissurée. Elle a rejeté des gaz radioactifs une semaine après sa remise en route en décembre, elle est située en zone sismique et inondable par le Rhône. Comme à Fukushima. Le plus troublant est que nous continuons à vivre, à travailler, sans protester. La catastrophe écologique qui va, de façon certaine selon tous les scientifiques, affecter gravement la planète, n’est plus évitable. Le point de bascule 116 approche, et on ne sait trop quelles espèces survivront à l’enchaînement d’ouragans, de maladies causées par les pollutions majeures, de migrations massives, de guerres qui s’ensuivront. Ce n’est pas un scénario catastrophe, mais ce qui nous attend. Faut-il s’y préparer ou continuer à vivre ? Faire comme si de rien n’était pendant 10 ans, 20 ans au mieux, et laisser l’enfer en héritage à nos enfants ? C’est aujourd’hui qu’il faut arrêter Tricastin, la surdépendance électrique, éteindre ces écrans énergivores qui nous empêchent de voir le réel, pour nous adapter au monde qui vient, et qui ne sera vivable qu’en changeant radicalement nos règles de vie et en sortant du cynisme capitaliste. En pratiquant la solidarité, la sobriété, la décroissance, l’écoute de l’autre et de la terre, nous pourrons limiter la catastrophe. Une question, plus que jamais, culturelle. On s’y met ? AGNÈS FRESCHEL

Collaborateurs réguliers : Régis Vlachos, Frédéric Isoletta, Yves Bergé, Émilien Moreau, Christophe Floquet, Pierre-Alain Hoyet, Aude Fanlo, Thomas Dalicante, Marion Cordier, Caroline Gerard, Delphine Dieu, Hervé Lucien

Houda Moutaouakil contact@journalzibeline.fr

Point de bascule

ÉDITO

CULTURE ET SOCIÉTÉ Mensuel payant paraissant le deuxième samedi du mois Édité à 20 000 exemplaires, imprimés sur papier recyclé

06 46 11 35 65

04 91 57 75 11


Théâtre

MON TRAÎTRE Mise en scène Emmanuel Meirieu D’après Mon traître et Retour à Killybegs de Sorj Chalandon « Son traître, c’est son ami, un activiste de l’IRA qui a trahi sa cause. Lui, c’est le grand reporter Sorj Chalandon. Voici leur histoire, adaptée avec force. »

La Criée 17/18

Théâtre national de Marseille

Mardi 17 avril 20h30

La Criée ToutCourt

THÉÂTRE DE L’OLIVIER ¦ Istres 04 42 56 48 48 ¦ www.scenesetcines.fr (e-billet) Licence 3-1064783

Étonnant festival de courts métrages !

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DU 5 AU 14 AVRIL 2018 I 20:30 04 91 75 64 59

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Le meilleur du Festival international de Clermont-Ferrand avec la complicité du Festival international du Film d’Aubagne

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Perm - Russie


sommaire 116

SOCIÉTÉ Le nucléaire en procès (P.6)

politique culturelle Entretien avec Nathalie Anton, directrice de l’Arcade, projet artistique à l’Université de Toulon (P.7) Destination Provence, des villes en concurrence avec les investissements privés (P.8-10) Châteauvallon en Liberté : entretien avec Charles Berling et Pascale Boeglin-Rodier (P.12-13)

Bollène, centrale nuéclaire du Tricastin, canal de Donzère-Mondragon 2013 © cc Franck Gavard Perret

événements Le Train Bleu (P.14) Festival + de genres à Klap (P.15)

Projet de réhabilitation de la prison Sainte-Anne © Fabre & Speller Baua Architectes Urbanistes Associés

Entretien avec Alexis Moati, création d’Une famille innocente à La Criée (P.16) Festival Russe au Toursky (P.17) Festival L’ImpruDanse à Draguignan, les Nouvelles Hybrides, Semaine de la marionnette à Mougins (P.18-19) Festival de Pâques à Aix, festival Présences Féminines à Toulon, la ZAT à Montpellier (P.20-21)

critiques MP2018, spectacles, musiques (P.24-50)

Marseille, Cassis, Vitrolles, Aix, Velaux, Pertuis, Istres, Miramas, Grans, Berre, Port-de-Bouc, Martigues, Saint-Mitre, Cavaillon, Avignon, Toulon, Ollioules, Nîmes, Montpellier, Béziers

Mucem (P.22) R-V aux parcs et jardins à Vitrolles, Opera Mundi (P.23)

AU PROGRAMME DU MOIS Musiques (P.51-56) Spectacles (P.58-75)

L’Amour des hommes, de Mehdi ben Attia à voir au festival Panorama des cinémas, Scènes et Ciné © 4 A 4 Productions - Cinétéléfilms - Amel Gellaty

cinéma [P.76-83]

Marseille, Aix, La Ciotat, Aubagne, Vitrolles, Martigues, Portde-Bouc, Salon-de-Provence, Istres, Miramas, Fos, Grans, Port-Saint-Louis, Gardanne, Avignon, Montpellier, Toulon, Berlin

Arts visuels [P.84-93]

MP2018, Marseille, Aix, La Ciotat, Aubagne, Martigues, Arles, Eygalières, L’Isle-sur-la-Sorgue, Toulon, Le Lavandou, Carros, Saint-Paul-de-Vence, Montpellier, Sète, Sérignan

Deux jeunes filles, Tamarone, janvier 2017, exposition Jeunes-Génération à La Friche © Lola Reboud

livres [P.94-98]


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société

Danger nucléaire

Bollène, centrale nuéclaire du Tricastin, canal de Donzère-Mondragon 2013 © cc Franck Gavard Perret

18 HABITANTS DES DÉPARTEMENTS DU VAUCLUSE, DU GARD, DE LA DRÔME ET DES BOUCHES-DU-RHÔNE PORTENT PLAINTE CONTRE L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE POUR MISE EN DANGER DE LA VIE D’AUTRUI

R

isque sur le système de refroidissement des réacteurs, défaillance d’éléments importants pour la protection en cas de séisme, irrégularités dans la fabrication d’équipements... La liste des « incidents » relatifs à la centrale nucléaire du Tricastin (en zone sismique, sur la commune de Saint-Paul-Trois-Châteaux, Drôme) est longue. On la trouve sur le site de l’ASN, Autorité de Sûreté Nucléaire, qui « assure, au nom de l’État, la réglementation et le contrôle du nucléaire pour protéger le public, les patients, les travailleurs et l’environnement »*. Estimant que la centrale est l’une des plus vieilles et des plus délabrées du parc nucléaire français, le Collectif antinucléaire du Vaucluse avait adressé à l’ASN en novembre 2017 une mise en demeure pour que ses 4 réacteurs ne redémarrent pas. N’ayant pas obtenu de réponse, en février, 18 habitants des départements du Vaucluse, du Gard, de la Drôme et des Bouches-du-Rhône ont porté plainte au pénal contre l’organisme, pour « mise en danger de la vie d’autrui et non-interdiction de fonctionnement d’une installation nucléaire en situation d’urgence radiologique et de protection des personnes face à la contamination radioactive de l’environnement », en saisissant les Procureurs des Hauts-de-Seine (siège de l’ASN) et de la Drôme.

En cas de séisme, un accident de type Fukushima n’est pas à exclure. Selon Jean Revest, qui s’exprime au nom de la Coordination antinucléaire du sud-est, « avec le mistral, en cas d’accident, en une heure Avignon serait atteint, Marseille en deux ». Il évoque l’objectif principal de la démarche judiciaire : briser le mur du silence. « La mobilisation citoyenne pourrait changer les choses, car nous avons un pouvoir. Nous pouvons refuser de servir de rats de laboratoire. » Il est vrai que les décennies de lobbyisme intense et la politique nucléariste du gouvernement français, qui soutient coûte que coûte EDF, CEA et Areva, ont bien fonctionné. Le 22 février, des gendarmes ont évacué les opposants au projet d’enfouissement de déchets nucléaires sur la commune de Bure (Meuse). Significativement, malgré un appel à manifester sa solidarité devant les Préfectures, très peu de monde était présent à Marseille. Pour Christine Dardhalon, l’une des plaignantes domiciliée dans le Gard, « à chaque manifestation, on se rend compte que les gens sont conscients du risque qu’ils encourent, mais ils sont résignés ». Les propos répétés du président de l’ASN, Pierre-Franck Chevet, qui anticipe un accident majeur sur le sol français, sans cependant prendre de mesures radicales, ne sont pas fait pour la rassurer : « il essaie de se couvrir ».

Risque d’accident majeur Contamination au quotidien Le canal de Donzère-Mondragon longe le site du Tricastin et assure le refroidissement des réacteurs, mais sa digue présente des faiblesses.

Selon Jean Revest, il y a d’autant plus urgence que, sans même la survenue d’un accident, « le crime est déjà à l’œuvre au quotidien, avec des

rejets toxiques jour et nuit ». L’une des autres plaignantes, Michèle Van Mosse, évoque son sentiment d’être de plus en plus menacée par le nucléaire, et pas seulement à cause du Tricastin : « dans la Vallée du Rhône on est aussi concernés par Cruas, Marcoule, Cadarache... nos enfants vont avoir à gérer 48 centrales en fin de course et leurs déchets ». La Vauclusienne déplore le fait que « tout le monde est arrosé en respirant, en mangeant des légumes ou en buvant du vin produit à proximité des sites ». À l’instar des riverains de l’Étang de Berre, qui ont diligenté eux-mêmes une étude des pollutions industrielles dans leur secteur, faute d’action des pouvoirs publics, des analyses citoyennes pourraient être entreprises, afin d’évaluer précisément l’impact sur l’environnement des centrales. La procédure juridique, elle, est entre les mains de l’avocat des 18 plaignants, Me Riglaire, du Barreau de Lille. Une cinquantaine de plaintes du même type ont été déposées le 9 mars auprès du Procureur d’Avignon, par un avocat du Vaucluse, Me Faryssy. Zibeline reviendra sur la question cruciale du nucléaire, dans ses prochains numéros. GAËLLE CLOAREC

*https://www.asn.fr/L-ASN/L-ASN-en-region/ Auvergne-Rhone-Alpes/Installations-nucleaires/ Centrale-nucleaire-du-Tricastin/Avis-d-incidents

À lire

Nucléaire : danger immédiat Hugues Demeude, Thierry Gadault Flammarion, 21€


politique culturelle

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Diriger l’agence régionale NATHALIE ANTON, DIRECTRICE ADJOINTE DE CHÂTEAUVALLON JUSQU’EN DÉCEMBRE, A PRIS LA DIRECTION DE L’ARCADE, AGENCE RÉGIONALE DES ARTS DU SPECTACLE Zibeline : Qu’est ce qui vous a amenée à ce poste ? Nathalie Anton : Ma volonté de candidater à la succession de Bernard Maarek était liée à mon expérience, et à mon envie de me retrouver de l’autre côté. J’ai toujours placé les artistes au centre de mes préoccupations, et à ce poste je pense que je pourrai inventer un meilleur accompagnement, dans la structuration de leurs démarches, l’information, la formation, l’emploi. La production également ? Aux marges, nous pouvons accompagner la production, même si ce n’est pas notre mission. En fait, je veux redéfinir les missions de l’ARCADE en les adaptant aux changements actuels ; d’abord en la recentrant sur le spectacle

DEPUIS 2013, L’UNIVERSITÉ DE TOULON A SOUTENU QUATRE PROJETS PORTÉS PAR DES ARTISTES OU DES STRUCTURES DE LA RÉGION. CETTE ANNÉE, APRÈS LE METAXU, LES COMPAGNIES GRAND BAL, ARTMACADAM ET RIDZ, PLACE AU COLLECTIF MARSEILLAIS LE NOMADE VILLAGE

L

a plateforme de production audiovisuelle et numérique Telomedia au sein du campus de Toulon a tous les atouts (350 m2 de plateau, régie, etc.) pour faire aboutir le nouveau projet du collectif Le Nomade Village : la réalisation d’un court-métrage avec des étudiants de l’UTLN. Ainsi peut prendre forme Les Oubliés, suite filmique à la pièce de théâtre franco-portugaise This is (not) Europe montée avec le Teatro O Bando à Lisbonne, qui a séduit les étudiants par sa dimension sociale et fantastique. D’octobre 2017 au 30 mars 2018, date de la diffusion du film durant le Printemps de l’Université de Toulon, artistes et étudiants auront œuvré ensemble à chaque étape,

vivant : je veux accompagner les compagnies dans leur structuration, y compris avec de la valorisation quand cela sera possible -des prêts de salles, des aides à résidences, des aides à l’emploi culturel. Mais quelles sont exactement les missions actuelles de l’ARCADE ? N at ha lie L’ARCADE a deux pôles : An to n © X-D .R le pôle ressource, qui concentre l’information sur les lieux, les compagnies et les programmations, à destination des 2500 professionnels qui reçoivent notre lettre hebdomadaire, et du public avec le site Culturo qui répertorie les spectacles de la région ; et le pôle développement, où je veux faire jouer tous les leviers : nous pouvons aider en ingénierie, en expertise extérieure, en diffusion même si nous ne faisons pas de production. Vous allez continuer les actions de formation ? Oui, elles sont essentielles, et en plus elles

génèrent de la ressource propre. Le service formation doit être mis en avant auprès des professionnels, et s’adapter davantage aux demandes du milieu. À propos de recettes, quel est le budget de l’ARCADE ? Il n’a pas baissé au départ de Bernard Maarek, ce que beaucoup redoutaient. La Région et l’État tiennent à leur agence, et la financent plutôt bien : 800 000 euros de la région, 600 000 euros de l’État. Il faut qu’à ce prix là elle soit force de proposition, qu’elle traduise et aide à mettre en œuvre la politique publique et qu’elle développe de la compétence, au service de la vie artistique. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL

arcade-paca.com

Des étudiants co-créateurs « découvre la création d’un scénario et les tournages » et Théo, en D.U.T métier du multimédia et de l’Internet, a conçu et lancé la campagne de crowfounding. « Grâce à eux, on fait plus » s’enthousiasment Philippe Domengie et Virginie Coudoulet-Girard qui L’équipe du court-métrage Les Oubliés, plateau de Telomedia, UTLN Toulon © Théo Dauphin apprécient leur détermide l’écriture du scénario à la postproduction nation, conscients néanmoins du défi que Les du pilote. « Un projet chronophage qui demande Oubliés représente : « C’est un challenge pour beaucoup d’assiduité » reconnaît le réalisateur les artistes qui doivent impliquer des amateurs, Philippe Domengie, heureux d’avoir fidélisé garder la même exigence de qualité, la longévité de un noyau dur d’une vingtaine d’étudiants durant la résidence ». Beaucoup de contraintes, certes, leur temps scolaire et en dehors. Cette réussite mais un plaisir partagé qui fait de leur aventure ne doit rien au hasard car le collectif a déjà une vraie rencontre artistique, professionnelle mené de nombreux projets pédagogiques. En et humaine. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI revanche c’est sa « première expérience dans une université qui compte autant de filières sur les arts numériques, l’audiovisuel ou la danse. Et puis l’outil Université de Toulon est neuf et les conditions hallucinantes ». Même 04 94 14 20 30 univ-tln.fr/Projetsartistiques-Appel-a-projets.html engouement du côté des étudiants : Déborah, inscrite en D.U.T. technique de commercia- Le Nomade Village lisation et éloignée de la pratique artistique, 06 15 55 69 70 lenomadevillage.com


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politique culturelle

Provence, destination concurr ARLES CONTRE AVIGNON, AIX CONTRE MARSEILLE, L’HEURE SERAIT-ELLE À LA MISE EN CONCURRENCE CULTURELLE DES TERRITOIRES PROVENÇAUX ? PARTOUT LE PRIVÉ EST SUR LES RANGS...

D

ans un « Arles-Avignon, le défi culturel » paru dans Le Monde le 16 février, Laurent Carpentier présente Arles et Avignon comme des « sœurs rivales ». Il parle de la « marque Avignon », comme s’il s’agissait d’un produit et non du lieu de vie de 85 000 habitants. Et de « Arles la branchée », qui se réjouit de voir des stars s’installer -Edouard Baer, Benjamin Millepied- au côté des 52 000 autochtones. Constatant la pauvreté commune des deux villes,

toutes deux largement en-dessous du revenu médian, il répertorie les manifestations culturelles contribuant à leur dynamisme. Pourtant il ne cite que les investissements privés pour l’art contemporain et les deux grands festivals d’été, sans mentionner la principale source d’attractivité culturelle de ces deux villes, sœurs jumelles plus que rivales : leur inaliénable patrimoine. Le Palais des Papes et le Pont d’Avignon comptabilisent plus d’1 million de visiteurs

par an, tandis que le patrimoine bâti arlésien, antique et médiéval, en attire quelque 380 000. Quant aux Rencontres d’Arles et aux Suds (respectivement 100 000 et 50 000 entrées) ou même aux Festivals d’Avignon, In et Off (respectivement 150 000 et 700 000 entrées), ils n’existeraient pas dans ces villes sans leur exceptionnel patrimoine, qui leur sert d’écrin. De même les musées d’art contemporain : la Collection Lambert à Avignon, et la Fondation Van Gogh à Arles connaissent

Avignon, Sainte-Anne, Lambert, le Off et les autres DANS LA CITÉ PAPALE ON A L’HABITUDE PLUS QU’AILLEURS DE PROFITER GRASSEMENT DE LA DÉPENSE CULTURELLE DES CITOYENS ET DES ARTISTES : C’EST LE SEUL ENDROIT DE FRANCE OÙ LE THÉÂTRE EST UNE ACTIVITÉ RENTABLE !

L

e Off, magnifique preuve annuelle de l’amour des français pour le théâtre, est une source intarissable de revenus pour les commerçants, hôteliers et restaurateurs, mais surtout pour les propriétaires de salles. Le créneau de deux heures se loue entre 12 000 et 25 000 euros, chaque salle en enchaîne 7 ou 8 dans la journée, et certains « théâtres » ont plusieurs salles. Ainsi le Collège de la Salle en a 7, et alignait plus de 55 créneaux cet été. On peut donc imaginer que cette « école chrétienne de premier plan » parvient à des recettes estivales avoisinant le million d’euros...

Mais certains théâtres permanents ne sont pas en reste : le Théâtre de l’Oulle loue ses 7 créneaux 18 000 euros minimum. Laurent Rochut, son directeur, ouvrira un nouveau théâtre dès 2018 (la salle Tomasi qui était mise en vente pour 270 000 euros par Grand Avignon) et un autre en 2019 (le théâtre des Gémeaux lui aussi intra muros). Le directeur-gestionnaire, qui se félicite de ne pas demander de subventions, n’en a effectivement pas besoin ! Pourtant, contrairement aux nombreux propriétaires maquignons du Off, il se fixe des missions qui relèvent du service public : accueil de création,

#BalanceTonOff Les acteurs de la vie publique ne peuvent se soustraire aux questions des journalistes et cacher leurs financements. Mais les loueurs de salle ne sont pas tenus aux mêmes obligations, et une véritable omerta règne... Nous ne connaissons leurs prix qu’à travers ce que les compagnies nous en disent ! Aussi, puisque ni les théâtres ni AF&C ne publient ces prix de location, Zibeline vous propose de balancer les abus du off (prix du créneau et conditions d’accueil). Dans les théâtres mercenaires, dans les théâtres permanents. Afin qu’on mesure comment l’argent des artistes et du public profite aux marchands du temple culturel. Contactez-nous sur notre site journalzibeline.fr/contactez-nous, nous publierons en juin le résultat de notre enquête

Projet de réhabilitation de la prison Sainte-Anne © Fabre & Speller - Baua Architect

(petite) programmation à l’année, créneaux réservés aux compagnies régionales...

Le privé au service du bien public

C’est toute l’ambiguïté des relations public/ privé dans la culture : certains loueurs de salle choisissent le plus rentable, d’autres ont un projet artistique... D’autres sont même philanthropes, et à l’heure où la puissance publique demande souvent aux opérateurs culturels des résultats en termes de « recettes propres », la donation d’Yvon Lambert à l’État apparaît comme un geste d’une incroyable générosité. Sa Collection, donnée en 2012 à condition qu’elle reste à Avignon et que la Fondation annexe l’hôtel de Montfaucon occupé jusqu’alors par l’École d’Art, est estimée à près de 100 millions d’euros. L’État a payé le musée, la Ville le déménagement de l’École d’Art, et Eric Mézil, directeur de la Collection recruté par Yvon


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rence ! des pics de fréquentation très importants durant les festivals, alors que les monuments du patrimoine attirent presque toute l’année.

Attractivité culturelle

Il ne s’agit donc pas, pour la puissance publique à Arles ou Avignon, de favoriser la branchitude ou de jouer la concurrence entre cités voisines. Il s’agit, pour chacune, d’exister comme ville et de laisser place aux habitants. Pour cela les deux cités rhodaniennes doivent gérer au mieux le lien avec leur passé de capitale antique ou médiévale, et leur coûteux entretien ; leur présent métamorphosé en été par l’afflux festivalier,

tes Urbanistes Associés

Lambert, est resté aux commandes jusqu’en 2018. Le musée magnifique, aux collections uniques et aux expositions passionnantes, mais souvent mal médiatisées, accueille moins de 35 000 visiteurs annuels les bonnes années. Des tensions permanentes régnaient entre la municipalité et un directeur au tempérament d’artiste, on reprochait à la Ville d’avoir déménagé l’École d’Art en périphérie (elle n’est qu’à une centaine de mètres des remparts...). Résultat : la nomination en février d’un nouveau directeur : Alain Lombard, ancien administrateur du musée d’Orsay qui a fait toute sa carrière dans l’administration publique, parviendra-t-il à mieux médiatiser ce trésor avignonnais ?

Récupérer les recettes culturelles

Cette relation complexe entre public et privé a amené la mairie avignonnaise à inventer des modes économiques qui déconcertent parfois les

et leur sécurité dispendieuse ; et l’attrait des investisseurs privés qui n’ont pas de mission de service public mais peuvent financer la culture, en faisant fructifier un capital culturel exceptionnel par intérêt ou philanthropie. L’équilibre entre l’intérêt économique et culturel des citoyens est donc instable. De plus les maires d’Avignon (socialiste) et Arles (communiste) ont une relation fragile avec leur majorité d’alliance, et un lien complexe avec les collectivités de droite qui les régissent (Région, Départements 13 et 84, Grand Avignon) sous la menace permanente d’un prochain basculement vers le FN, qui gouverne bien des communes

voisines : Arles et Avignon n’ont rien à gagner à une rivalité instaurée artificiellement entre elles. Et elles n’ont aucun lien administratif analogue à celui qui oppose Marseille et Aix. Il s’agit aujourd’hui pour elles de mettre en œuvre des politiques publiques de la culture, d’analyser les pratiques culturelles des habitants, et surtout de clarifier la relation avec les investisseurs privés qui, par nature, ne travaillent pas pour le bien public.

acteurs culturels : elle a récupéré, au travers de la société d’économie mixte Avignon Tourisme dont elle est l’actionnaire principal (15 millions de CA, 200 000 de bénéfice annuel) et que Cécile Helle préside, la gestion et les recettes du Palais et du Pont, confiée auparavant à Culturespace. Et la réhabilitation architecturale du centre ville, en particulier le projet de réhabilitation de la prison Sainte-Anne, semble inventer un partenariat public privé intelligent : souhaitant créer un lieu mixte (culture, travail, commerce, habitation) la mairie a lancé un appel à projet pour réhabiliter l’ancienne prison, remporté par LC2I-Marseille, qui livrera dans quelques mois des logements et un parking, des restaurants et des commerces, mais aussi une crèche, un espace de co-working, une auberge de jeunesse et... une friche culturelle de 700 m2, condition indispensable pour remporter l’appel d’offre.

Ce sont elles, les sœurs ennemies de la Destination Provence. Leurs antagonismes ne cessent de les éloigner, à l’heure où le gouvernement demande à toutes les communes des Bouchesdu-Rhône, y compris Arles, de rentrer à toute force dans la métropole marseillaise, puisque le département va disparaître. Les sœurs sont ennemies depuis longtemps, depuis César, depuis que le Tribunal de Grande instance, la faculté des lettres et arts, le Rectorat et la DRAC, bref tout ce qui fait qu’une ville compte de notables, sont installés dans la sous-préfecture (140 000 hab.) plutôt que dans la ville centre (850 000 hab.). Un antagonisme structurel et économique qui s’est aggravé sous les règnes de Jean-Claude Gaudin et Maryse Joissains, qui se font des coups en douce. Aix fait financer l’Arena par la Métropole, mais refuse d’entrer au financement de Marseille Provence 2018, alors même que le Pavillon Noir, la Fondation Vasarely, le Jeu de Paume et le Grand Théâtre y participent... Aix, en général, refuse de concevoir une politique culturelle territoriale avec Marseille. Il faut dire que l’état des bibliothèques et musées marseillais, la programmation de l’Odéon, théâtre municipal, de La Buzine, inexistante, la fréquentation alarmante du musée d’histoire ou du mémorial de la Marseillaise, le peu de crédit accordé à une vie culturelle associative bouillonnante et particulière, mais aujourd’hui exsangue, le peu de considération accordé à la culture par une municipalité essoufflée, mais autoritaire, ne donne pas envie de faire politique commune... C’est ainsi que Martigues la communiste et Aix LR se retrouvent à faire front commun contre une mégapole qui peut les affaiblir, comme un poids trop lourd vous entraîne dans sa chute...

Le service public

Reste que le meilleur acteur de l’intérêt général et du bien public, en matière culturelle, appartient au champ du financement public, direct ou indirect. Parce que les cahiers des charges existent et que ces acteurs culturels doivent rendre compte de leur activité, de leurs comptes, de leurs choix artistiques, de leur relation au public. Ainsi le Festival d’Avignon, le In, se réjouit de concerner les spectateurs de la région (un tiers du public), les jeunes (20% de moins de 30 ans), les employés et ouvriers (10%). Quel opérateur privé se préoccuperait de tels chiffres ? A.F.

suite p.10

AGNÈS FRESCHEL

Aix Marseille, 2000 ans d’inimitié

A.F.


10 politique culturelle

Investissements privés

En Provence comme à Paris les Fondations d’art contemporain se multiplient, appuyées sur des Fonds de dotation, organismes de mécénat destinés à réaliser une mission d’intérêt général. Ils ne peuvent recevoir de fonds publics mais les entreprises mécènes, et les particuliers, défiscalisent leurs dons à hauteur de 60 ou 66%, manière indirecte de financer l’initiative privée d’intérêt général. Le concept commence à faire son chemin en France, et les collectivités à travailler avec elles. Ainsi, jusqu’en janvier la Fondation Blachère (Apt) qui soutient depuis 15 ans l’art contemporain africain a exposé dans tous les musées municipaux de la ville ses Éclaireurs, Sculpteurs d’Afrique. Le Fonds Edis, né de la volonté de Régis Roquette en 2012, a également exposé dans les musées avignonnais, par deux fois, des œuvres numériques (et poétiques !) commandées à des artistes internationaux (à lire sur journalzibeline.fr). Le philanthrope a acquis l’ancien Grenier à Sel, renommé Ardenome, et y ouvre à partir du 31 mars sa première exposition dans les lieux. Planète laboratoire sera la première exposition monographique consacrée aux artistes HeHe (Helen Evans et Heiko Hansen) qui conçoivent des univers oniriques, déstabilisants, apocalyptiques, qui questionnent notre relation à l’environnement.

Arles, une ville en mutation

Musées d’artistes

À Arles les fondations se multiplient : la fondation Van Gogh (art contemporain), la fondation Manuel Rivera-Ortiz (photographie documentaire), la fondation Luma de Maja Hoffmann... La dernière en date (acquisition le 2 mars) est la Fondation Lee Ufan, appuyée sur un fonds de dotation pour l’heure mystérieux, mais l’artiste coréen vient d’acquérir les 1500 m2 de l’hôtel Vernon pour y exposer une partie de ses œuvres dont il a fait donation, et y accueillir des expositions temporaires. Le projet architectural est confié à Tadao Ando, et le lieu devrait être ouvert au public en 2020. À Aix, la belle-fille de Picasso ouvrira un nouveau musée en 2021 : elle a hérité de l’héritage de sa mère, Jacqueline Roque, dernière épouse du peintre, et possède ses dernières œuvres. La Ville vient de lui vendre l’ancien collège des Prêcheurs, soit 1500 m2 en plein centre ville, pour 11,5 millions d’euros. L’héritière ne dit pas si elle fera dation des œuvres, mais sa collection est sans nul doute une des plus importantes collections Picasso du monde et elle déclare « vouloir partager ce qu’elle a reçu »...

Investissement spéculatif

Le bâtiment de Frank Gehry, Fondation Luma © Claude Lorin

Mais à Marseille ou à Aix, les investissements dans les bâtiments à vocation culturelles ne sont pas toujours clairs. Ainsi l’Hôtel de Caumont, ancien Conservatoire d’Aix, est devenu un Centre d’art exploité par Culturespace, accueillant 300 000 visiteurs par an depuis 2015... Or Culturespace vient de le revendre 25,4 millions à Groupama, alors qu’elle l’avait acquis auprès de la Ville d’Aix pour 10 millions, et que l’État, le Conseil Régional et la Ville d’Aix avaient financé la restauration du bâtiment, monument historique, à hauteur de 780 000 euros. Culturespace affirme que le bâtiment conservera sa vocation culturelle, refusant de s’exprimer sur la plus value... À Marseille c’est Le Silo dont le financement n’en finit pas d’être obscur. Sur les murs les logos de la Ville de Marseille, propriétaire du lieu, et de la Caisse d’Epargne, qui programme, mais en partie seulement : la Ville se réserve des soirées, mais la banque encaisse chaque année une compensation dont il n’est pas aisé de connaître le montant. La salle, mal conçue, souvent vide, semble une gabegie financière, et Jean Claude Gaudin ne parle plus de son « Olympia sur Mer » comme en 2012... A.F.

Le bâtiment de Frank Gehry s’élève vers le ciel, scintillant, énorme, métamorphosant le profil de la ville antique. Surplombant, arrogant, prétentieux. La fondation Luma et Maja Hoffmann imposent leur présence et leur argent, transformant la ville. Arles est un pays paradoxal, une commune vaste incluant la Camargue, dotée d’un patrimoine inestimable mais mal mis en valeur, faute de moyens. Ses musées, celui de l’Arles Antique et Réattu, tout comme les Rencontres de la Photographie et les Suds, ou l’École supérieure de la Photographie, ont longtemps bénéficié de la générosité du Conseil Régional et Départemental, et des investissements d’État, lorsqu’ils étaient socialistes. Les changements de majorité ont dans l’ensemble entamé ces subventions culturelles, et les investissements privés, qui font grimper l’immobilier, mettent en difficulté une population plus pauvre qu’ailleurs, et jalouse de son identité provençale très locale. Cette identité, tiraillée entre provençalisme de gauche et d’extrême droite, entre biou et reine d’Arles, art contemporain et patrimoine antique, survivra-t-elle au rapprochement forcé avec la métropole, l’afflux de capitaux et d’habitants « estrangié » ? A.F.


23 Festival russe e

Mardi 20 > Vendredi 30 Mars

L’histoire du soldat

Création et mise en scène par Richard Martin Musique d’Igor Stravinsky Direction musicale Jean-Philippe Dambreville Avec Richard Martin & Marianne Sergent

Soirées cinéma passion

Cinq films inédits en version originale sous-titrée

Cabarets russes

Pour prolonger les soirées en musique

Les Joueurs

De Nicolas Gogol Par le Théâtre de la Comédie N.P. Akimov Spectacle sur-titré en français

RÉSERVATIONS 04 91 02 54 54 + D’ INFOS www.toursky.fr

MARSEILLE

CHRISTOPHE GARCIA ROMAIN BERTET ANDRÉS MARÍN FANNY SORIANO HILLEL KOGAN JORIS FRIGERIO FRANK MICHELETTI JEAN-CLAUDE GALLOTTA

FESTIVAL

L’impruDanse L’impruDanse © master1305 • THÉÂTRES EN DRACÉNIE Licences n° 11088047 et 31088046

du 3 au 7 avril 2018

2ÈME

ÉDITION

04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com


12 politique culturelle

Châteauvallon en Liberté LE 23 FÉVRIER, CHARLES BERLING ET PASCALE BOEGLIN-RODIER ONT ÉTÉ NOMMÉS OFFICIELLEMENT DIRECTEURS DE CHÂTEAUVALLON. UNE DÉCISION DU CONSEIL D’ADMINISTRATION QUI CONFIRME LA VOLONTÉ DE L’ÉTAT ET DES COLLECTIVITÉS. ENTRETIEN. Zibeline : Vous dirigez conjointement le Théâtre Liberté de Toulon, qui jusqu’à présent formait avec Châteauvallon une scène Nationale unique, mais à deux pôles. Cette décision de vous confier également la direction de Châteauvallon remet-elle cette bipolarité en question ? Charles Berling : Les deux institutions restent distinctes, mais effectivement cette décision vient confirmer la volonté des collectivités de rapprocher les deux pôles de la scène nationale. Depuis la création du Théâtre Liberté on nous demandait ce rapprochement entre les deux entités de l’agglomération toulonnaise... Pascale Boeglin-Rodier : De plus l’État, dans un décret de mars 2017, a précisé qu’il fallait un seul projet artistique par label national. Il s’agit d’une seule scène nationale, à deux pôles mais unique : ce rapprochement des directions était légalement nécessaire, et le départ inattendu de Christian Tamet a permis que nous nous conformions à cette décision dès aujourd’hui. Quoi qu’il en soi, cela aurait été indispensable dès juin 2018. Pour les années à venir, cela va-t-il modifier les programmations ? C.B. : Pour la saison prochaine, la programmation est arrêtée à 70% par la direction précédente. Il s’agira pour nous de la compléter par nos propositions, et en 2019/2020 de proposer entièrement notre saison. Tout cela en accord, et je dirai même en co-construction, avec l’équipe actuelle : nous voulons, c’est vraiment important pour nous, travailler avec l’équipe, nous appuyer sur leur savoir-faire et leur expérience.

Cette programmation restera-t-elle artistiquement différente de celle du théâtre Liberté, construite en complémentarités ? C.B. : C’est essentiel, fondamental. Moi qui connais Châteauvallon depuis que j’ai 12 ans je ne veux pas briser cette identité mais au contraire la retrouver. Ses spécificités artistiques étaient moins nettes ces dernières années... on ne peut pas encore vous parler de programmation parce que l’on veut parfaire nos liens avec l’équipe et décider avec elle, mais on a six mois pour retrouver l’identité de Châteauvallon. Retrouver l’identité ? Vous pensez qu’il l’avait perdue ? C.B. : La programmation était devenue moins emblématique qu’à sa naissance, pluridisciplinaire et assez similaire avec celle d’une scène nationale. Nous voulons retrouver les différences qui ont fait la saveur du lieu. P.B.-R. : Oui, la complémentarité va d’ailleurs de soi. Au Liberté nous avons plusieurs salles dont une très grande, mais nous n’avons ni cette histoire, ni ce site en extérieur, ni les moyens d’accueillir les compagnies en résidences de création. Le site de Châteauvallon est parfait pour imaginer une programmation estivale, des événements en extérieur, et pour accueillir la création artistique dans des conditions idéales de logement et de répétition. En aurez-vous les moyens ? Cette fusion des deux pôles s’opère-t-elle sans perte de financements ? P.B.-R. : Pour l’instant l’ensemble des tutelles s’est engagé sur la reconduction des moyens de chacun des pôles. C.B. : Oui, une bataille va être nécessaire les

prochaines années. La mutualisation des équipes et des lieux ne doit pas s’accompagner d’une baisse de moyens pour la création artistique et la programmation. Les tutelles se sont engagées pour l’année prochaine, mais il va falloir qu’elles s’engagent au-delà. La métropole toulonnaise est sous dotée par l’État et la Région, il faut rééquilibrer les choses, et si Châteauvallon et Le Liberté sont aujourd’hui correctement financés, il ne faut pas que cela change sous prétexte de mutualisation. Pensez-vous pouvoir assumer la direction de ces deux lieux très actifs sans recours à un directeur délégué ? P.B.-R. : On se pose la question... Mais plutôt qu’un directeur délégué à Châteauvallon nous souhaiterions quelqu’un de transversal : on veut s’occuper concrètement de la direction des deux lieux. C.B. : Il faut que les deux pôles parviennent à mieux travailler ensemble, à sortir du cycle de la concurrence pour entrer dans celui de l’enrichissement mutuel. On aime les ponts ! Entre les disciplines, les lieux, les publics, les pays... La personnalité de Christian Tamet empêchait un lien véritable, et si nous faisons appel à quelqu’un pour nous aider à programmer l’ensemble des salles, ce sera non pour opposer les lieux, mais pour construire un des volets du projet artistique commun à Toulon et Châteauvallon. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL


13

duo de clowns-danseurs, quelques éléments de décor, un montage musical : trois générations d’une même famille prennent vie sur le plateau.

14 & 15 avril : Couple Gilles Gaston-Dreyfus et Anne Benoît excellent dans ce jeu de massacre amoureux où se télescopent le désir, la haine, la perte, la fuite, les sarcasmes, la déception, la rage et la tendresse, la mélancolie et la fureur ! Une déclinaison fantasque -et cruelle- de la vie à deux interprétée à l’unisson… un comble ! Théâtre Liberté - scène nationale de Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr

AU PROGRAMME DU MOIS

Châteauvallon Pascale Boeglin-Rodier et Charles Berling © Vincent Berenger

Lire aussi, dans les numéros 114 et 115 et sur journalzibeline.fr

Zibeline, informée du départ conjoint de Nathalie Anton et Christian Tamet de la direction de Châteauvallon, avait annoncé ce rapprochement possible entre les deux pôles en janvier (Zib’114). En février, Zibeline publiait le droit de réponse de Charles Berling et Pascale BoeglinRodier, précisant entre autres qu’ils n’étaient pour rien dans ce départ (Zib’ 115).

29 & 30 mars : Nénesse Jean-Louis Martinelli poursuit son compagnonnage avec l’écriture dansante et truculente d’Aziz Chouaki, le « Céline algérois » comme il le nomme, avec cette farce politique, voire « anthropologique » autour de la figure de Nénesse. Personnage complexe et ambigu embringué dans une affaire de sans-papiers qui va mal tourner…

3 avril : PacifikMeltingPot

AU PROGRAMME DU MOIS

Théâtre Liberté 22 mars : Un faux pas dans la vie d’Emma Picard Alain Fourneau adapte à la scène le troisième roman de la trilogie de Mathieu Belezi sur l’Algérie, avec Micheline Welter pour porter la parole, crue et transgressive, d’Emma Picard. Une femme qui, à la fin des années 1860, se débrouilla avec son époque, sa condition, son désir et son Dieu.

23 mars : Unwanted Samedi détente avait déjà fait l’effet d’une bombe, Unwanted aussi qui ne laisse personne indifférent ! Créée au Festival d’Avignon 2017, la pièce de Dorothée Munyaneza dénonce l’utilisation du corps des femmes dans les combats et les conflits à travers un travail théâtral et chorégraphique singulier.

Les yeux et les oreilles ouvertes sur le monde, Régine Chopinot réunit sur le plateau chants, danses et musiques venus de France, de Nouvelle-Calédonie, de Nouvelle-Zélande et du Japon. Une traversée métissée qui lui ressemble, où la présence du corps n’est pas seulement réservée à la danse.

6 & 7 avril : Verso Medea Entre les mains de la metteure en scène Emma Dante, la tragédie grecque d’Euripide est transposée dans la Sicile contemporaine, accompagnée de chansons en dialecte et d’airs populaires. Apre, puissant, le spectacle irradie de la présence d’Elena Borgogni, et prend les couleurs d’une fête incandescente et primitive.

13 & 14 avril : Des roses et du jasmin Histoire et histoires intimes se croisent dans cette épopée contemporaine écrite et mise en scène par Adel Hakim, interprétée par les acteurs du Théâtre national Palestinien. Trois tableaux introduits par un

21, 23 & 25 mars : Traviata vous méritez un avenir meilleur Ni fosse ni orchestre pour cette partition « désacralisée » de La Traviata, mais treize acteurschanteurs-musiciens qui réenchantent le livre et le roman (extraits) agrémentés d’archives. Avec, en guise d’écrin, la mise en scène au cordeau de Benjamin Lazar, spécialiste du théâtre baroque.

5 & 6 avril : Ludwig un roi sur la lune Madeleine Louarn brode autour de Ludwig II de Bavière une « pièce-paysage » composée d’un texte très dense, de moments dansés, de musique live, en totale résonance avec le romantisme allemand et le personnage fantasque dont le règne annonça la fin d’un monde.

10 & 11 avril : Letzlove Des échanges entre Thierry Voeltzel et Michel Foucault étaient nés une amitié amoureuse et un livre d’entretiens. Quarante après, la parole libérée et libertaire du philosophe résonne au théâtre sous les feux des projecteurs braqués par le metteur en scène Pierre Maillet qui déjoue la forme classique de l’interview. (voir aussi p 26).

13 & 14 avril : Orphelins Nouvelle venue à Châteauvallon, Chloé Dabert nous fait entrer de plain-pied dans la vie des Orphelins décrite par le britannique Dennis Kelly. La comédie est noire, l’écriture incisive, le jeu théâtral d’une précision horlogère. Châteauvallon - scène nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com


14 événements

Le Train Bleu passe la quatrième au 15 avril- verra quant à lui se succéder une adaptation de François Rabelais à La Criée (Paroles gelées, mes Jean Bellorini), une lecture de lettres d’amour à la Bibliothèque départementale, ou encore le Coup de fougue de Generik Vapeur, un « trafic d’acteurs et d’engins » sur le débarcadère de l’Estaque. On pourra aussi découvrir deux expositions à La Friche, où l’œuvre de Carlos Kusnir côtoiera celle de 15 photographes invités à questionner « la jeunesse en France ».

Transports en commun

D.Quixote, Andres Marin © Benjamin Mengelle

4 édition pour le Train Bleu, festival itinérant porté par 13 structures culturelles de premier plan sur le territoire provençal e

D

e six jours pour la 3e édition, le Train Bleu passe à neuf cette année, répartis sur trois week-ends. Le directeur des Salins, scène nationale de Martigues, à l’origine -avec La Criée, le Sémaphore, l’Olivier et le Théâtre de Fos- de ce projet collectif né en 2015, prévoit « une édition exceptionnelle ». Pour Gilles Bouckaert, le partenariat noué avec MP2018 a été décisif, permettant une dilatation temporelle et géographique de la manifestation. Raymond Vidil, président de MP Culture*, se déclare séduit par l’idée d’itinérance qui a prévalu à la création du Train Bleu, et représente « tous les territoires, toutes les disciplines ». Il est vrai que la programmation, déjà riche, s’étoffe encore.

9 parcours Le week-end du 30 mars au 1er avril commencera à Martigues, puis Istres et Port-de-Bouc, pour finir à Marseille. Il fera la part belle à des artistes locaux : Kubilai Khan Investigations avec leur chorégraphie Black Belt (aux Salins), la création du metteur en scène Vincent Franchi, Orphelins (au Sémaphore), qui interroge la notion de justice dans notre Europe en crise, un concert en accès libre de

Siska à l’Usine, et une randonnée emmenée par le Bureau des Guides du GR2013. Le dimanche, le Théâtre Nono (nouveau partenaire du Train bleu) présentera son « urgence du moment » : l’Opéra Barokko, sous forme d’étape de travail (voir p.61). Théâtre et danse seront au menu du weekend suivant, du 6 au 8 avril : un Roméo & Juliette « resserré autour de l’histoire d’amour », mis en scène par Anthony Magnier au Sémaphore ; un projet d’Alexis Moati inspiré par le film de Sidney Lumet À bout de course à La Criée (voir p.16) ; et le maître du flamenco, Andrés Marín, qui se confrontera (jusque sur un skate-board !) à Don Quichotte aux Salins. Le dimanche, direction l’Étang de Berre, avec des étapes à l’Estaque (pour un concert de l’Ensemble Télémaque au Pic), à Vitrolles (une chorégraphie plongée dans des billes de polystyrène par la Cie Eponyme, au Domaine de Fontblanche), à Saint-Chamas, où le circassien Mathurin Bolze évoluera dans le Parc de la Poudrerie, et enfin à Miramas où le Théâtre La Colonne accueillera un programme musical centré sur Antonio Vivaldi et Astor Piazzolla. Le week-end de clôture -à Marseille, du 13

Pour chaque parcours, le tarif de 20 à 40€ comprend les spectacles, repas, visites, trajets en bus (pris en charge par la Métropole Aix-Marseille Provence)... ou en bateau ! Comme chaque année, la Région Paca offre la carte Zou ! aux participants du Train Bleu, qui permet de voyager à tarif réduit pendant un an sur son réseau TER. Or le rail est éminemment politique (lire notre article Transportez-moi sur journalzibeline.fr). Le rapport Spinetta, remis récemment au gouvernement, préconise de fermer les petites lignes peu fréquentées et donc non rentables. Le Petit Train de la Côte Bleue, soit celui qui va de l’Estaque à Miramas (lire notre article sur la commémoration de son centenaire en 2015 sur journalzibeline. fr), devrait perdurer, après rénovation. Mais Philippe Maurizot, représentant de la Région Paca lors de la conférence de presse du Train Bleu, n’exclut pas « qu’il soit privé l’an prochain ». La collectivité, dont les relations avec la SNCF sont particulièrement tendues, vient de lancer un appel à manifestation d’intérêt pour ouvrir ses TER à la concurrence. Pour le Conseiller régional, « on peut imaginer que cela ne soit pas complètement négatif... ». Ne serait-il pas pleinement convaincu ? Et quid de la manifestation, dans ces conditions ? GAËLLE CLOAREC

* L’association MP Culture pilote MP2018 sur le territoire Aix Marseille Provence

Le Train Bleu 30 mars au 15 avril Istres, Miramas, Martigues, Marseille, Port-deBouc, Ensuès-la-Redonne, Saint-Chamas, Vitrolles letrainbleu.net


Put your heart under your feet… and walk ! de Steven Cohen © Pierre Planchenault

15

Hymne à la liberté À Klap, + de Genres fait entrer en résonance des œuvres engagées, hors normes, décalées ou subversives ; des œuvres militantes et vibrantes d’humanité. Et détisse l’écheveau du genre

D

ans son étude La question du « genre » ou la défaite de l’homme hétérosexuel en Occident, le psychanalyste Jacques Arènes explore la « problématique de la gender theory [qui] a glissé du refus du monde patriarcal au rejet du modèle hétérosexuel. La revendication d’égalité entre sexes, se déployant sur un registre classique de différenciation assez claire de sexes, fait place progressivement à une logique de l’indifférenciation ». Mais

la question du genre n’est pas le domaine réservé de la psychanalyse, de la sociologie ou de l’anthropologie : il est aussi celui des artistes auxquels Klap Maison pour la danse* se fait l’écho. Son temps fort + de Genres « témoigne en quelques coups de poing des introspections subtiles d’artistes et performeur-se-s qui ne craignent pas de présenter l’humanité en écorché anatomique ». Questionner les frontières du genre, les différenciations de genre, les stéréotypes de sexe, telles sont quelques-unes des réflexions qui sous-tendent les pièces des artistes nationaux et internationaux invités. Dans ses créations provocatrices et anticonformistes, le plasticien-chorégraphe-performeur sud-africain Steven Cohen (lire notre critique sur jounalzibeline.fr) interroge son identité de « monstre homosexuel juif et blanc » dans la société postapartheid. Son travail est déclaré immoral dans son pays, alors il se bat pour l’égalité, et célèbre son amour disparu en produisant « un art vital », la danse : Put your heart under your feet… and

walk ! Les danseurs et chorégraphes Ashley Chen et Philip Connaughton font face à l’adversité et à l’obstruction dans Whack !!, l’un et l’autre empêchés, tantôt adversaires tantôt compagnons, pour dénoncer l’absurde rivalité des adultes qui régit leurs relations. Au Pays-Bas, Arno Schuitemaker est une figure incontournable de la danse, réputé pour ses performances « hautement physiques et rigoureusement conceptuelles ». Klap Maison pour la danse permet au public marseillais de le découvrir et d’expérimenter ensemble le voyage hypnotique de While we strive. Le corps mis en jeu et ses multiples représentations sont au cœur des recherches d’Alexandra Bachzetsis et de son solo Private : wear a mask when you talk to me sur la fabrication des désirs sexuels et du genre. Autre approche du corps avec Camille Mutel qui, délaissant les habits d’interprète, guide les artistes vers une performance rituelle où dialoguent nudités et costumes (Animaux de béance). Le performeur grec Euripides Laskaridis conjugue mythologies et actualités, tragédie et comédie, et s’affranchit totalement de la question du genre : dans Titans, l’Olympe est un monde cosmique et chaotique peuplé de personnages anthropomorphes, d’ombres et de masques… + de Genres, c’est aussi des artistes qui explorent le lien entre le père et son enfant, les notions d’autorité et de dépendance (Des gestes blancs de Sylvain Bouillet avec Charlie Bouillet) ; dansent à contre sens de la bien-pensance en combinant métaphore, référence historique, littérature médiévale pour développer une réflexion digressive queer (Le corps du roi de Matthieu Hocquemiller) ; interrogent la féminité à travers la réinterprétation d’une matière originelle (le solo Woman créé par Andreas Constantinou porté, ce jour-là, par Alice Tatge) ; livrent leur expérience amoureuse personnelle, explorent tabous et cicatrices en racontant des endroits intimes de leur corps (Embrase-moi de Kaori Ito et Théo Touvet). Ou qui puisent à la source des contes et usent de subterfuges, comme Michel Kelemenis dans La Barbe bleue, afin de renverser les codes de la morale. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

* certains spectacles sont programmés avec Le Merlan scène nationale de Marseille (Ashley Chen et Philip Connaughton, Alexandra Bachzetsis, Camille Mutel) et le théâtre Joliette (Michel Kelemenis).

+ de genres 17 mars au 19 avril Klap Maison pour la danse, Marseille 04 96 11 11 20 kelemenis.fr


16 événements

La Criée accueille la Cie Vol Plané et son projet Une famille innocente ? Quatre courtes pièces que nous présente Alexis Moati, metteur en scène et directeur de la Cie Zibeline : D’où est né ce projet ? Alexis Moati : Lorsque nous étions artistes associés à Chalon-sur-Saône on m’a demandé de travailler à l’adaptation d’un film au théâtre. Il y avait ce film qui m’a beaucoup marqué, À bout de course de Sidney Lumet1, qui met en jeu la notion d’héritage, de ce qu’on fait de ce qu’on nous a transmis, thèmes qui me sont essentiels. Pour commencer le processus de création2, et pour qu’ils s’approprient le sujet, j’ai demandé aux acteurs de la compagnie de s’emparer de certains des thèmes du film, avec un cahier des charges à respecter : travailler à la Gare Franche ou dans le 15e arr., prendre au minimum une personne du Groupe des 153, utiliser la Sonate dite « pathétique » de Beethoven, très présente dans le film, et collaborer avec quelqu’un d’extérieur au projet. Ce sont ces laboratoires de recherche, devenus des petites formes latérales autonomes, que nous présentons. Soit quatre formes, présentées successivement dans des parcours différents. Pouvez-vous les détailler ? Chronologiquement nous avons commencé par Do it : portrait de l’auteur en basket, commande à José Amerveil et moi-même. Nous sommes partis de deux scènes du film : celle de l’anniversaire, et celle du départ du fils ; et du livre de Virginie Linhart Le jour où mon père s’est tu, qui explique que les enfants de 68 sentent qu’ils ont un héritage, fondateur, mais qu’ils ne savent pas ce qu’ils doivent accepter, rejeter ou transmettre. Et d’une idée simple, courir jusqu’à bout de course. La dizaine de textes parlent de mon enfance, de mes parents, et de mon père plus particulièrement. À partir de photos, de souvenirs, j’ai travaillé sur la mémoire. José a sonorisé le tapis de course qui devient une machine à remonter le temps et se transforme au fil de la performance. Avec nous il y a Warda Rammach, comédienne, et Léna Chambouleyron, musicienne, qui ont créé quatre morceaux de musique qui évoquent mon adolescence, l’adolescence de mes parents, la jeunesse de mon grand-père et Bob Dylan. La 2e forme, De(s)composition du bonheur en famille, part de la scène d’anniversaire qui dit

Dans l’intimité d’un héritage politique

Le projet Antigone © Vinvent Beaume

le bonheur de se retrouver malgré la cavale. Pierre Laneyrie, Chloé Martinon et Arthur Verret ont retravaillé la scène à partir d’un texte de Nathalie Sarraute tiré de Enfance, sur la mémoire. Presque tout le Groupe des 15 y joue, d’autres personnes et un enfant, devenu le personnage principal, contrairement au film. Un point de vue qui permet de remonter le temps, une fois l’enfant devenu adulte. Cette forme irriguera le spectacle final. La 3e, Good morning, s’attache au passage du militantisme à la lutte armée. Dans le film la référence c’est le groupe militant révolutionnaire Weather Underground, et le couple Bill Ayers et Bernardine Dorn partis en cavale avec leurs deux enfants. Ils voulaient vraiment renverser le gouvernement américain à la fin des années 60 et ont choisi la clandestinité. Et pour ouvrir la pièce sur cet héritage politique, Carole Costantini et Fanny Avram ont fait appel à Thomas Fourneau pour la vidéo et le son. Dans leur installation il y a notamment une radio pirate, qui émet des sons de personnes ayant existé (Ulrike Meinhof, Weather Underground, Brigades rouges italiennes…) et leurs textes. Quant à la 4e forme, In Vivo, c’est une surprise ! Dans le décor de De(s)composition, donc dans une maison, l’idée est de montrer le quotidien d’une famille qui a un secret... Vous jouerez aussi Le projet Antigone avec le Groupe des 15 ? C’est encore la famille qui est au cœur du projet, mais la plus compliquée qui soit : Les Atrides. On a travaillé sur Antigone l’année dernière tous ensemble, à partir de textes

de Sophocle, dans la traduction de Florence Dupont, de Brecht, d’Henry Bauchau, et des leurs. C’est une création collective qui interroge aussi la loi religieuse et les lois de la Cité. PROPOS RECUEILLIS PAR DOMINIQUE MARÇON

Le fils aîné d’un couple d’activiste contre la guerre du Vietnam, en fuite après avoir posé une bombe dans une usine de napalm et tué un des gardiens, se résoudra-t-il à les quitter pour construire sa vie ? 2 La pièce s’intitulera Happy Birthday, Sam ! et sera créée à Chalon-sur-Saône en septembre 2018 pour l’ouverture du nouveau théâtre 3 Projet inventé par la Cie Vol Plané pour la Gare Franche, le Groupe des 15 est constitué d’une vingtaine de jeunes, issus des quartiers Nord et d’ailleurs, associés à la vie de la Cie dans un échange permanent avec l’équipe et ses créations 1

Une famille innocente ? 7 avril 3 parcours : Do it (13h45)/Good morning (14h30)/De(s) composition (15h15) dans le cadre du Train Bleu Good morning (16h15)/ Do it (17h)/ De(s)composition (17h45) Do it (20h)/Good morning (20h45)/ De(s)composition (21h30) 13 avril 4e parcours : De(s)composition (19h)/In Vivo (20h30) Le Projet Antigone 14 avril La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com


Le Toursky à l’heure russe

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e Festival russe du Toursky fête sa 23e édition. Il conjugue toujours avec la même énergie théâtre, musique, cinéma, et ajoute à ses qualités celle, éducative, de se lier (à nouveau) avec le 6e Festival des Centres Russes de l’enseignement extrascolaire pour enfants, organisé par l’association Perspective qui cherche à promouvoir le bilinguisme des enfants d’origine franco-russe, la culture slave et la pratique artistique. Les ateliers et animations (théâtre de marionnettes, initiation aux instruments russes traditionnels, aux chants, aux danses) seront suivis d’un grand gala des centres extrascolaires russes hexagonaux et européens, au cours duquel l’on pourra applaudir performances musicales et dansées. La musique sera reine, comme tous les ans lors des cabarets russes après les spectacles, prolongation conviviale de la fête. Deux formes seront proposées, l’une sera animée par la troupe du Théâtre de la comédie N.P.Akimov, atmosphère saint-pétersbourgeoise au programme, festive et joyeuse, l’autre permettra de découvrir Héléna Maniakis qui mêle culture grecque, arménienne et amour de la langue russe et interprète, accompagnée de Dario Ivkovic et Branislav Zdravkovic, des chansons passant des répertoires tziganes, révolutionnaires aux textes bouleversants de Vissotski. Le pôle cinéma est toujours d’une belle et éclectique richesse, essentiellement composé cette année, à l’exception de Morozko d’Alexandre Rou (1964), de films récents ; on se laissera emporter par l’épopée d’Andreï Konchalovsky, Paradis (2016), l’émotion du Prix François Chalais, Le disciple (Kiril Serebrennikov, 2016), le thriller, prix de l’Aigle d’Or à Moscou et grand prix du Festival russe de Paris 2017, La dame de Pique de Pavel Lounguine (2016), et enfin Matilda d’Alexei Uchitel (2017). S’inscrivant dans la lignée de l’arroseur arrosé, la pièce de Nicolas Gogol, Les Joueurs, est présentée par le Théâtre de la comédie N.P.Akimov, pour la première fois au Toursky, dans la mise en scène de Tatiana Kozakova. L’intrigue, riche en rebondissements aborde le monde avec une ironie caustique et connaît une chute étonnante. Clou du festival, la création de l’Histoire du soldat de Ramuz, adapté librement par Marianne Sergent, mis en scène par Richard Martin et dirigé par Jean-Philippe Dambreville. Pourquoi dans le festival russe ? La pièce fut créée il y a cent ans (1918) par Georges Pitoëff. Un bijou musical et une histoire intemporelle à savourer !

ASPAS ASSOCIATION SOLIDARITÉ PROVENCE / AMÉRIQUE DU SUD

20 ans qui ont libéré des rêves et des réalités

MARYVONNE COLOMBANI

Festival russe 20 mars au 8 avril Théâtre Toursky, Marseille 04 91 02 54 54 toursky.fr

¡ 20 años desatando sueños y realidades !

Les joueurs © X-D.R

20 RENCONTRES DU CINEMA SUD-AMERICAIN ES

23 AU 31 MARS 2018 MARSEILLE

CINÉMA LE GYPTIS FRICHE LA BELLE DE MAI (GRAND PLATEAU)

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18 événements

Danses nomades à Draguignan

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our sa deuxième édition, le festival L’impruDanse se déploie dans la cité dracénoise pour cause de travaux au théâtre, irriguant ainsi la danse à l’auditorium du Pôle culturel Chabran, à la Chapelle de l’Observance et au complexe Saint-Exupéry. Les arts du mouvement en mouvements, voilà qui n’est pas pour déplaire ! L’ouverture le 3 avril se fera sous le signe du cinéma, comme l’an dernier, avec la projection du film de Thierry Demaizière et Alban Teurlai, Relève, histoire d’une création, qui ausculte le processus de création du ballet Clear, Loud, Bright, Fonward de Benjamin Millepied. Après cette immersion au plus près du travail créatif de l’ex-directeur du ballet de l’Opéra de Paris, place à la danse au plateau avec la version inédite et singulière de Don Quichotte par le chorégraphe espagnol Andrés Marin, profondément habité par le héros chevaleresque de Cervantès au point de le réinventer. De le personnifier, peut-être, d’une manière contemporaine, troquant cheval et épée pour des rollers et des gants de boxe dans D. Quixote créé au Théâtre national de

Chaillot à l’automne dernier. Avec la pièce engagée du chorégraphe israélien Hillel Kogan, We Love Arabs, interprétée avec le danseur arabe Adi Boutrous, véritable autofiction décalée au propos provocateur et drôle. Avec no.W.here de Frank Micheletti, vertigineux duo porté par Viktoria Andersson et Sara Tan aimantées par le mouvement et la composition sonore du chorégraphe et de Jean-Loup Faurat. Avec la playlist rock ultra-féminine de Jean-Claude Gallotta, My Ladies Rock, chorégraphiée en hommage aux figures incandescentes passées et présentes de la scène internationale, patchwork énergique et émouvant de pièces dansées et d’images allégrement contées par le chorégraphe. Le festival L’impruDanse se plaît à flouter les frontières entre la danse, le théâtre et les arts du cirque en conviant Christophe Garcia pour une partition jouée et dansée aussi vive et colorée que l’été (Lettre pour Éléna écrit par Érika Tremblay-Roy) ; Romain Bertet plongé dans un corps à corps physique et symbolique avec la matière, englouti par l’argile et la lumière dans … de là-bas, performance

Phasmes, Fanny Soriano © Tom Proneur

intime et mystérieuse ; Fanny Soriano pour deux courtes pièces au langage très personnel autour d’un corps-matière malléable et métamorphosable (Hêtre et Phasmes). Autant de chemins de traverse imprudents parfaitement contrôlés par Maria Claverie-Ricard, directrice de Théâtres en Dracénie, curieuse d’une danse plurielle, ouverte aux autres arts, aux autres disciplines et aux autres formes. Et soucieuse de donner la danse en partage

Velibor Colic © C. Hélie - Gallimard

Venir d’ailleurs, écrire en français

C

haque mois, les Nouvelles Hybrides permettent de découvrir de nouveaux auteurs aux voix singulières et pertinentes. Après la plasticienne des mots, orfèvre des langages, Pascale Petit (voir p.47), cette vivante association nous conduit à rencontrer Laura Alcoba, Velibor Čolič et Lenka Horňáková-Civade, qui ont pour point commun d’être des auteurs en langue française, qui pour tous les trois est leur langue d’adoption. Laura Alcoba, écrivain, traductrice, maître de conférence à l’université Paris Ouest Nanterre, est d’origine Argentine, a rejoint la France à l’âge de dix ans ; Velibor Čolič est journaliste, critique musical, écrivain, constatant les atrocités commises dans les « zones ethniquement purifiées », il a déserté l’armée bosniaque, et trouvé refuge en France (1992) ; Lenka Horňáková-Civade, peintre, écrivain, est née en République Tchèque, elle s’installe d’abord à Paris où elle complète ses études dans le cadre du Programme

Copernic (1994-95) puis en Provence (1998), d’abord écrivain d’expression tchèque, elle publie son premier roman directement écrit en français en 2016 (Giboulées de soleil). La dernière par choix, les deux autres par nécessité, ces trois auteurs vivent en France et en ont adopté la langue pour composer leurs œuvres. Bernard Magnier, journaliste et directeur de la collection Lettres africaines (Actes Sud), animera une table ronde les réunissant. La question essentielle réside dans ce choix de la langue, nouvelle pour chacun d’entre eux : « nouvel espace de liberté », refondation de soi, distanciation nécessaire à l’écriture, manière d’être plus pertinent en appréhendant le monde d’un ailleurs ? Ou est-ce un « exil dans l’exil » par l’abandon de la langue maternelle en même temps que celui du pays d’origine ?. Bernard Magnier abordera, lors d’une conférence à travers les œuvres d’écrivains nés à l’étranger et qui ont contribué à l’enrichissement des lettres


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Marionnettes et fières de l’être

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à l’occasion d’un workshop dirigé par Cécile Renard, danseuse de la compagnie de JeanClaude Gallotta, et de rencontres-débats avec les artistes à l’issue des représentations. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Festival L’impruDanse 3 au 7 avril Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com

françaises (Ionesco, Beckett et tant d’autres), cette relation charnelle et conflictuelle avec la langue adoptée. Deux rencontres complèteront cette passionnante approche, une séance « À haute voix » avec Laura Alcoba entre lecture de passages de La Danse de l’araignée par Pauline Huruguen, et discussion menée par Christiane Dumoulin, et une Rencontre avec Velibor Čolič animée par Bernard Magnier et des lectures de Jean-Marc Fort. Ironie, poésie, fantaisie, humour, tour à tour se déclinent pour livrer avec acuité récits d’enfance, de dictature, de conquête de la liberté… au cœur des pages. MARYVONNE COLOMBANI

6 & 7 avril Bibliothèque, Ansouis Médiathèque, Pertuis Médiathèque, Saint-Saturnin-les-Apt 04 90 08 05 52 lesnouvelleshybrides.com

’est une 4e édition enthousiasmante de la Semaine de la marionnette qui se profile à Mougins ! À fils, en ombres portées, à gaines, sur baguettes… elles seront de tous les styles, matières et formes, témoignant de la diversité de cet art fascinant qui fait aussi montre de constructions scénographiques épatantes. En ouverture de cette Semaine (qui s’étale cette année du 7 au 19 avril), deux merveilles du genre : Stalingrad et Ramona, spectacles du Théâtre Gabriadze, l’une des formations de marionnettes à fils les plus réputées que l’on doit à son fondateur, le Géorgien Rezo Gabriadze. Des figurines au décor, du texte à la mise en scène il crée des univers poétiques infiniment humains, chaque détail révélant partout le merveilleux. Dans Stalingrad il est moins question de la bataille du même nom que de la vie d’êtres ordinaires s’efforçant de vivre durant ce siège. Petite et grande histoires s’entremêlent dans ce conte sur fond de chaos, d’amour et d’espérance. Sa dernière création, Ramona, est une histoire d’amour qui a pour protagonistes deux locomotives que les aléas des aiguillages séparent et contrarient, mais qu’un petit cirque et sa troupe d’acrobates vont réunir... (Les deux spectacles sont joués en russe et en géorgien, surtitrés en français). Avec son Passager clandestin, la Cie Arketal adapte le texte de Patrick Kermann, The Great disaster, l’histoire d’un berger italien en quête de travail, rêvant d’un destin américain, qui sera engagé clandestinement en tant que plongeur sur le Titanic, et y périra. Revenu du fond de l’océan, il va mêler sa voix à celle de ses compagnons d’exil et raconter en filigrane l’histoire du XXe siècle, et celle de tous ceux qui, fuyant la guerre ou la misère mettent leur vie en péril, en meurent parfois.

Un quatuor de marionnettistes, dirigé par Sylvie Osman, leur donnent vie. Pour les plus jeunes le programme est tout aussi alléchant ! C’est dans Le ciel des ours que nous convie la Cie italienne Teatro Gioco Vita ; entre théâtre d’ombres et danse, deux histoires se croisent : celle d’un ours qui cherche à devenir papa, et celle d’un ourson attristé par la mort de son grand-père. C’est dans le ciel que l’un et l’autre tournent leur regard et cherchent des réponses. Sur le thème de la différence et de l’acceptation de soi et des autres, deux compagnies présentent des spectacles sensibles et poétiques : le théâtre de papier de la Cie Balsamique Théâtre accompagne Le vilain petit canard sur un chemin semé d’embûches en quête de créatures lui ressemblant ; la Cie Marizibill, elle, s’attache aux pas d’un drôle de petit bonhomme pas comme les autres, Anatole, et de son encombrante casserole qui le suit partout. Les marionnettes de Francesca Testi, très expressives, disent avec finesse sa solitude et sa détresse, mais aussi sa force de caractère et son ouverture au monde. C’est Guignol qui clôturera les réjouissances. Ou plutôt Cyrano-Guignol de Bergerac, revisité par Albert Chanay ! Tout y est, les envolées lyriques, la bravoure, et la tirade du nez (si ce n’est qu’il n’en n’a pas, lui, de nez)... et tout est mené de main de maître par Guignol, Gnafron et leurs amis, manipulés par Julie Doyelle et Alexandre Chetail. DOMINIQUE MARÇON

Semaine de la marionnette 7 au 19 avril Scène 55, Mougins 04 92 92 55 67 scene55.fr Ramona, Rezo Gabriadze © Christophe Raynaud De Lage - Avignon 2017


20 événements

Festival de Pâques « L’excellence pour tous, sans élitisme », tel est le principe majeur du Festival de Pâques énoncé par ses fondateurs, Dominique Bluzet et Renaud Capuçon

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e festival prend son allure de croisière, et attire pour sa 6e édition les formations les plus prestigieuses au monde : London Symphony Orchestra, la Camerata de Salzburg, l’Orchestre National de France, le Luzerner Sinfonieorchester, Insula Orchestra Accentus, la Deutsche Kammerphilharmonie Bremen, le Quatuor Hagen, l’Orchestre National de Russie, le Wiener Staatsoper, sans compter les solistes les plus doués de leur génération, durant les deux semaines de cette manifestation éclectique. En effet, le contenu s’attache à s’ouvrir à la création contemporaine autant qu’à l’interprétation des « classiques ». On aura ainsi la possibilité d’entendre des pianistes d’exception : Sir András Schiff (aussi à la direction de la Capella Barca qu’il a fondée), Lucas Debargue, Khatia Buniatishvili accompagnée de la flûte d’Emmanuel Pahud, Sergei Bezrodny, ainsi que Claire-Marie

Le Guay dans la Sonate pour piano n° 11 en la mineur (alla Turca) et la Fantaisie en ré mineur de Mozart, le violon de Vadim Gluzman en formation de quintette, le piano de Yefim Bronfman, l’ensemble Les Surprises (Juliette Hurel à la flûte et la soprano Maïlys de Villoutreys), les violons de Vladimir Spivakov, Véronika Eberle... Le violoncelle de Truls Mørk rejoindra le Luzerner Sinfonieorchester sous la houlette de James Gaffigan, tandis que Francesco Piemontesi sera aux côtés de l’Orchestre National de France dirigé par Emmanuel Krivine dans les Variations Symphoniques pour piano et orchestre de César Franck. Renaud Capuçon quant à lui dirigera depuis son violon virtuose la Camerata de Salzburg et jouera des œuvres de Paul Ben-Haim et de Mozart, accompagné de l’alto de Gérard Caussé ; auparavant, lors de la soirée d’ouverture, il aura suivi le chef François-Xavier Roth. Fêtes de

Khatia Buniatishvili © Caroline Doutre

Pâques obligent, de grandes œuvres sacrées tiennent une place centrale : La Passion selon Saint-Jean de Bach sera portée par l’ensemble Pygmalion dirigé par son fondateur Raphaël Pichon et la Grand-Messe en ut mineur de Mozart dirigée par Laurence Equilbey. L’art lyrique est aussi à l’honneur, que ce soit avec la version de concert de l’opéra mozartien, Le Nozze di Figaro, ou des airs de Ravel, Fauré, Hahn, Rossini, par la mezzo-soprano Catherine Trottmann accompagnée par le piano de Karolos Zouganelis. On aura le privilège de pouvoir assister à une master-class du violoniste Gérard Poulet, de se familiariser avec le travail du compositeur contemporain Éric Tanguy. Une page sera laissée à la toute jeune génération, avec la

Toujours plus de femmes

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our sa 8e édition, le Festival Présences Féminines, fidèle au credo de sa directrice artistique Claire Bodin, se propose une nouvelle fois d’essaimer, du 23 au 30 mars, à travers le territoire de la communauté d’agglomération Toulon Provence Méditerranée des concerts, ainsi que des conférences, des rencontres, des Master class et quelques levers de rideau pour mettre à l’honneur le parcours de femmes compositrices. La qualité artistique de la programmation sera à la hauteur de l’enjeu et convoquera pour l’occasion des figures emblématiques du répertoire, Tiziana de Carolis © Bruno Mazodier mais aussi de nouvelles venues, le tout servi Sirmen, Laura Aulin Valborg et Iris Szeghy par de fidèles interprètes, habitués du festival en traversant les époques et les esthétiques (23 mars au Musée National de la Marine à comme novices. Pour le concert d’ouverture, en partenariat avec Toulon). C’est le Foyer Campra de l’Opéra le Festival belge Europart, les 4 musiciennes de Toulon qui accueillera le lendemain une du Quatuor Alcea interpréteront pour leur conférence et un trio d’exception composé première participation, et en guise d’inédit, d’Anne Le Bozec, Olivia Hugues et Marion des œuvres de Maddalena Laura Lombardini Grange pour un voyage Dans les jardins de

Lili Boulanger où seront jouées des pièces de la compositrice trop tôt disparue mais aussi de sa sœur Nadia et de Camille Pépin, marraine de la précédente édition. Le Théâtre Marc Baron de Saint-Mandrier réunira un duo mixte composé de Marie Van Rhijn au clavecin et du danseur Pierre-François Dollé pour un hommage contemporain autour de Suites de danse baroques de la désormais célèbre Elisabeth Jacquet de la Guerre (le 25). Temps fort de cette programmation, la Marraine de l’édition, Tiziana De Carolis, sera à l’honneur du concert à l’Espace des Arts du Pradet (le 27), ainsi que lors d’une rencontre au Café culture (le 23) et au Théâtre liberté à Toulon (le 28). L’heure exquise sera donnée en création mondiale en hommage à Irène Régine Poldowski, dont on entendra également 22 mélodies sur les textes de Paul Verlaine et l’andante languido extrait de la Sonate pour violon et


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ZAT is beautiful

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es ZAT se suivent et ne se ressemblent pas, c’est ce qui fait tout le piquant de ces Zones Artistiques Temporaires, initiées par la Ville de Montpellier et Pascal Lebrun Cordier, dont Pierre Sauvageot et ses Lieux Fictifs (Marseille) reprennent les rênes pour la troisième fois. Onze lieux montpelliérains ont déjà été investis, et cette année, ce sera le quartier Près d’Arènes qui accueillera cette manifestation festive, gratuite, inventive, qui toujours draine un public curieux et complice. Pendant deux jours, on est invité à redécouvrir un espace montpelliérain, à l’arpenter, à le voir sous un angle inattendu, à croiser ses habitants, à mélanger les histoires de vie et de scène. La ZAT propose une incursion sensible dans les quartiers Celui de Près d’Arènes n’est pas inscrit dans les guides touristiques. C’est un lieu hétéroclite, entre zone commerciale, rond point monumental et petites enclaves pavillonnaires. Difficile à cerner. C’était le défi de Pierre Sauvageot pour cette 12e édition : « attraper » cet espace, faire sens en le reliant aux quartiers mitoyens. Il a ainsi demandé au metteur en scène britannique Julian Maynard-Smith de concevoir l’un de ses parcours de Dominoes, une ligne de blocs en siporex, déposés par les habitants pendant trois jours, qui parfois passe par l’intérieur des maisons, les terrasses de café, dessinant un chemin sculptural, fragile et magique à travers la ville. Jusqu’à sa mise en vie et mort, lorsqu’à la fin de la ZAT le premier domino sera couché sur le deuxième, qui fera chuter le troisième, et ainsi de suite… Frissonnement de ce serpent urbain et communautaire. Les habitants sont aussi invités à raconter

violoniste et compositrice Alma Deutscher, née en 2005, « nouveau Mozart de l’opéra », aux côtés d’Anastasia Kobekina (violoncelle) et Jérôme Ducros (piano). Enfin, la soirée de clôture rendra hommage aux immenses musiciens que sont Martha Argerich (piano), Kian Soltani (violoncelle), Daniel Barenboim (piano) et Renaud Capuçon (violon). Festival de dimension internationale, assurément ! MARYVONNE COLOMBANI

piano arrangées par David Jackson pour un ensemble violon-contrebasse-piano et voix de soprano. Dans une veine plus chambriste le théâtre Marelios à La Valette accueillera le duo violoncelle-piano Marie Ythier et Jonathan Fournel dans un programme post-romantique de sonates d’Ethel Smyth et Dora Pejacevic, et plus contemporain autour de Kaija Saariaho (le 29). Pour la clôture au Théâtre Liberté, les habitués Anne Baquet (soprano) et Damien Nédonchelle (piano) inviterons les festivaliers à une pétillante flânerie musicale dans un programme d’œuvres exclusivement composées par une dizaine de femmes issues d’univers différents, qu’il s’agisse de la musique savante ou de la chanson française (le 30). ÉMILIEN MOREAU

Présences Féminines 23 au 31 mars Toulon, Le Pradet, Saint-Mandrier, La Valette 06 13 06 06 82 presencesfeminines.com

1789 secondes © Jean-Alexandre Lahocsinszky

Festival de Pâques 26 mars au 8 avril GTP, Jeu de Paume, Conservatoire Darius Milhaud, Aix-en-Provence 04 42 91 69 69 festivalpaques.com

leurs histoires, familiales, légendaires, vraies ou fausses, un poème… Dans le Parc à Palabres (Parc de La Rauze), 33 arbres abriteront leurs récits, et Jean Guillon, conteur, animera des ateliers en amont de la ZAT pour les volontaires. Trois spectacles déambulatoires, là encore, pénétreront les lieux à travers des entrées subjectives et suggestives. 1789 secondes (CIA - Cie Internationale Alligator) embringuera les passants dans une Histoire pleine de questions sur la Liberté, l’Égalité, et la Fraternité, où chacun est citoyen plus que spectateur. Les Arts Oseurs, avec Les tondues, rappelleront que sous les pavés, il bien autre chose que la plage : un passé enfoui, celui de ces 20 000 femmes qui entre 1941 et 1946 furent tondues sur les places publiques, devant des habitants avides de vengeance et de spectacle… Le regard en biais (Cie La Hurlante) plonge la rue dans les failles mentales, la différence, le décalage. L’historique Théâtre de l’Unité propose une Nuit unique au gymnase Saint-Martin : couchés dans des lits, les spectateurs, entre sommeil et veille, navigueront parmi théâtre et littérature. Tandis qu’à la piscine Suzanne Berlioux, Ludovic Nicot dirigera un concert subaquatique. Maillot de bain requis. Il y aura aussi un match de foot à 4 équipes (Véronika Tzekova), une fête au Parc de la Rauze (Rara Woulib avec le JAM et Figuenotes)… Près d’Arènes : the place to be. ANNA ZISMAN

ZAT 14 & 15 avril quartier Près d’Arènes, Montpellier zat.montpellier.fr


22 événements

Algérie et Comores au Mucem

© Pascal Grimaud

Le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée axe sa programmation de printemps sur la colonisation Expositions et temps forts Outre les Voyages imaginaires de Picasso et L’Amour de A à Z (lire p. 88 et 89), et en attendant la prochaine exposition du Mucem, consacrée à l’or, il est encore temps d’aller voir Roman-photo, jusqu’au 23 avril (lire notre critique sur journalzibeline.fr). De même que Connectivités, dans les espaces semi-permanents du musée (à lire aussi sur journalzibeline.fr) : une Nuit vernie sera consacrée à cette vision « braudelienne » des cités méditerranéennes, le 6 avril, avec comme à l’accoutumée sur ce dispositif une visite nocturne, et de la musique (cette fois, un DJ set proposé par le festival arlésien Les Suds). Autour des expositions, des ateliers et parcours spécifiques sont prévus pour le jeune public : lors des dimanches d’avril (8 et 15), les enfants à partir de 7 ans pourront fabriquer leur propre roman-photo ; les 2 et 7 avril, ceux de 3 à 6 ans partiront en balade avec un guide-cuisinier, pour goûter des « histoires à croquer » faites d’ingrédients issus de l’agriculture méditerranéenne. Les 14 et 15 avril, le Mucem vibrera au rythme des Comores, avec un temps fort consacré à cet archipel dont sont originaires nombre de

marseillais. Au programme, des documentaires radiophoniques réalisés par la journaliste Anne Pastor, les somptueuses photographies de Pascal Grimaud (séries Filles de Lune et Territoires d’outre-tombe), des contes musicaux collectés par Jorus Mabiala, ou encore un concert d’Ahamada Smis (afro-soul). Mais aussi des tables rondes consacrées à l’actualité des Comores, territoire scandaleusement négligé par la France, qui prévoit malgré tout d’ouvrir un musée de société à Mayotte.

Conférences et ateliers Alphabetville, le laboratoire de recherche et d’expérimentation sur les écritures et les médias de La Friche, invite à une réflexion sur la violence de notre temps, à partir des œuvres de Walter Benjamin. Le philosophe Bernard Stiegler ouvrira les débats au Mucem, lors de la conférence d’ouverture le 22 mars, avant de laisser la place à l’historien des idées François Cusset (le 5 avril) puis au sociologue Michel Wieviorka (le 13 avril). Le séminaire « La geste technique » : parler objets... par les milieux tiendra sa seconde session le 22 mars. L’occasion de découvrir comment les

institutions patrimoniales s’y prennent pour conserver les habitats, ou plus précisément la façon dont les habitants les occupent à travers les âges. Le 29 mars, dans le cadre du cycle Représentations fictionnelles au regard de l’archive, on pourra assister à un atelier sur la fiction en tant qu’outil et l’imaginaire comme domaine de recherche, avec deux artistes : Leandro Nerefuh et Sophia Al-Maria. Le premier sera également invité, les 30 et 31 mars, à revisiter les concepts de colonisation et décolonisation... voire les formes de recolonisation qui apparaissent (La découverte de l’Amazonie par les Turcs enchantés, en partenariat avec le Théâtre de la Cité). Par ailleurs le Mucem reconduit son partenariat avec La Cité de la Musique, pour renouveler le cycle Algérie-France, la voix des objets, qui mêle tables rondes et installation à partir de la collection du Musée d’histoire de la France et de l’Algérie, projet abandonné par la ville de Montpellier en 2014. Trois rencontres sont prévues, avec à chaque fois une première partie musicale en lien avec la thématique : les 4 avril (émigration harkie), 9 avril (juifs d’Algérie) et 16 avril (berbères kabyles). GAËLLE CLOAREC

Mucem, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org


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La sorcière et le robot

Tous au parc de Fontblanche !

DO.M.

Dad is dead, Mathieu Ma Fille Foundation © Frédéric Joyeux

Rendez-vous aux parcs et jardins 14 avril Parc de Fontblanche, Vitrolles 04 42 02 46 50 vitrolles13.fr

© France Cadet

L

a ville de Vitrolles ouvre grand les portes du parc de Fontblanche pour un deuxième Rendez-vous aux parcs et jardins durant lequel se succèderont, gratuitement !, cinq spectacles de danse, de théâtre, et un conte, de 14h à 18h. Avec ses petits pots et autres calebasses, Claire Pantel raconte des histoires connues ou un peu moins, transmises de bouche à oreille ; en piochant au hasard des graines de cumin, de haricot magique, de bois de lit… elle transporte son auditoire en Orient, en Afrique, en Europe. Paul Durand, lui, est un héros du quotidien, à qui il arrive un tas d’aventures. Après ses déboires avec une cabine téléphonique, il s’attaque à l’un des objets les plus diaboliques qui soit : la fameuse tente qui se déplie et se replie en Deux secondes… Ivan Chary, alias Petit Monsieur, est un clown élégant et irrésistible ! Changement d’univers avec la mise en espace du roman de Romain Gary, La vie devant soi, par la Cie Les Chiennes nationales. Les deux comédiens nous invite chez Madame Rosa, vieille dame juive à qui Momo, petit garçon arabe dénué de préjugé, tient compagnie. Un beau moment de fraternité et de citoyenneté auquel participe le public, installé au cœur de la pièce… La Cie Antipodes propose un petit moment de grâce, le pas de deux d’un couple amoureux qui ne fait qu’un, dans une chorégraphie de Lisie Philip. De portés rapides en regards complices, Morena Di Vico et Michaël Pascault dansent, virevoltent, inscrivent dans leur histoire d’amour l’espace qui les entoure. Enfin, c’est dans le théâtre de Fontblanche que vous attendent Arnaud Saury et Mathieu Despoisse (Dad is dead, Mathieu Ma Fille Foundation) sur leur vélo acrobatique ! Sans cesser de pédaler autour d’une piste circulaire, et tout en effectuant des acrobaties invraisemblables, le comédien et le circassien conversent, échangent sur le bien-fondé du militantisme, sur les mystères de l’identité sexuelle, sur les contradictions qui nous habitent tous et les choix que l’on fait… Hilarant et pertinent !

A

près avoir fait déborder l’auditorium de la Bibliothèque de l’Alcazar en invitant le paysagiste Gilles Clément (lire p 44), Opera Mundi poursuit son cycle de rencontres Le vivant dans tous ses états. La venue de l’anthropologue Nastassja Martin, prévue initialement le 14 mars au Frac Paca, est reportée au 19 mai ; on était très curieux de l’entendre raconter la résistance subversive des chasseurs-pêcheurs du Grand Nord face aux métamorphoses de leur environnement, et aux politiques d’assimilation auxquelles ils sont confrontés. Ce n’est que partie remise ! Pour patienter, on assistera avec plaisir à la conférence d’Anna Colin, commissaire d’exposition et critique indépendante, qui s’exprimera à la médiathèque La Passerelle (Vitrolles), le 20 mars, sur les sorcières d’hier et d’aujourd’hui. Une thématique dans le vent : plusieurs lieux marseillais -L’Équitable Café, L’Asile 404, et le Vidéodrome2- viennent d’accueillir une Semaine des magies où l’on a beaucoup évoqué la sorcellerie, à la croisée du féminisme et de l’écologie. Anna Colin se penchera quant à elle sur le « potentiel de renversement du pouvoir » des sorcières, et la façon dont certaines artistes se sont emparées de leur détonante aura symbolique. On ne boudera pas non plus Jean-Gabriel Ganascia, venu parler d’un autre sujet brûlant : les rapports entre l’intelligence artificielle et le vivant... Enseignant à l’Université Pierre et Marie Curie (Paris), ce spécialiste en intelligence artificielle et en modélisation cognitive démêlera le vrai du faux dans un domaine fourmillant de « déclarations fracassantes ». Sans entrer dans les fantasmes technologiques les plus délirants, l’existant « induit des risques effectifs contre lesquels il convient d’ores et déjà de se prémunir ». L’artiste marseillaise France Cadet, spécialisée en numérique et en robotique, interviendra à la fin de la conférence (le 14 avril, à la BMVR Alcazar). GAËLLE CLOAREC

Des sorcières d’hier et d’aujourd’hui 20 mars Médiathèque de Vitrolles L’intelligence artificielle et le vivant 14 avril BMVR Alcazar, Marseille

Opera Mundi, Marseille 07 82 41 11 84 opera-mundi.org


Aimer, embrasser, réfléchir L’ouverture de MP2018 a rassemblé, ému, émerveillé mais surtout... donné à penser ! L’amour mettrait-il du plomb dans la tête en même temps que du feu au cœur ?

Le Grand Baiser, Groupe F © Thierry Nava-MP2018

C

ela a commencé par un embrasement. Gigantesque, réussi, une foule de 40 000 personnes se pressant sur le Vieux Port pour admirer, en cette Saint-Valentin, les cœurs et les lèvres qui se dessinaient aux cieux. L’animateur qui ouvrait la soirée avec le poème Le baiser de Germain Nouveau (1885) invitant les spectateurs à s’embrasser et à se faire photographier, était peu convaincant mais la création pyrotechnique du Groupe F, leurs gerbes de feu où dominaient le violet et l’or, leurs cascadeurs aux tenues fluorescentes suspendus au milieu du port, s’apprêtant à la conquête des airs et de la mer allumaient une ville à nouveau rassemblée, répétant l’amour d’écho en écho... A midi Quel Amour ! avait été lancé avec Choux/Chantilly sur le Parvis de l’Opéra pour la Sirène de Lieux Publics, exceptionnellement déplacée le 2e mercredi du mois. Une Saint-Valentin orchestrée aux sons métalliques des fouets alimentaires sous la direction de Christian Bini en harmonie avec les cors de l’Orchestre Philharmonique de Marseille et Vincent Robinot. Chantilly montée de main de maître par les élèves du lycée hôtelier Pastré-Grande Bastide. Tout cela sur une proposition de la cheffe des Grandes tables, Marie-Josée Oderer, jusqu’à la dégustation de petits choux qui fondent délicieusement dans la bouche !


Etage X, court métrage de Francy Fabritz © Eike Eckold

Muc’ aime

À

côté de Roman-Photo et de L’Amour de A à Z (voir page 89), 13 salles laissées vides en attendant Picasso et les ballets russes étaient malicieusement investies par l’Agence de Voyages imaginaires : une foule d’artistes déplaçait les cadres des textes classiques et des chansons populaires, transformant l’expo en spectacle vivant, et le spectateur en visiteur mobile. Une belle réussite !

Court toujours La salle de l’auditorium du MuCEM était comble elle aussi pour L’amour court(s) toujours, une série de quatre courts métrages, venus du Festival du court métrage de Clermont-Ferrand, proposés par l’Alhambra. En écho avec ces films, trois comédiens de l’Officine théâtrale Barbacane, Margaux Borel, Olivier Corcolle et Niccolò Scognamiglio, interprètent quelques variations autour de l’amour. Les séances se succèdent, et pour pouvoir s’installer il faut attendre que des places se libèrent ! Dans The Spa de l’Australien Will Goodfellow un vieil homme ne veut plus le spa qu’il a commandé comme cadeau pour sa femme. Or les livreurs qui l’ont déchargé du camion sont pressés -un match de rugby les attend-, ils vont découvrir la raison du refus et regarder le match, avec le vieil homme… dans le spa. Un film drôle et émouvant, suivi de Welcome Home Allen, une parabole sur la guerre d’un autre Australien, Andrew Kavanagh, puis d’Etage X, un court de Francy Fabritz, primé à Locarno, avec deux excellentes comédiennes, Eva Medusa Gühne et Morgana Muses. Deux femmes, quinquagénaires, se retrouvent coincées ensemble dans l’ascenseur d’un grand magasin. Quand l’une d’elles a besoin d’uriner, l’autre lui propose… son propre sac, ce qui va créer

Après le feu d’amour c’est vers le Mucem que le public s’est déplacé : plus de 6000 d’entre eux, du moins, envahissant tous les espaces ! une situation propice à de drôles de jeux. Le dernier court est un film d’animation en noir et blanc, clin d’œil à la bande dessinée, I Want Pluto to Be A Planet Again de Vladimir Mavounia-Kouka et Marie Amachoukeli : dans une société à deux vitesses, faisant coexister des humains H- et H+, Marcus, un H- est amoureux depuis l’enfance d’une H+ ; il va tout tenter pour qu’elle puisse s’intéresser à lui, c’està-dire se « faire augmenter ». Espérons que ce court, qui répondait à une proposition thématique « une télé-transportation vers le monde de 2050 », ne soit que pure fantaisie !

Conférences d’amour La semaine suivante le Mucem partait En quête d’amour avec un cycle de quatre conférences en partenariat avec Sciences Po Aix. Rebecca Zlotowski, Angelin Preljocaj et Eric Reinhardt expliquaient la présence de la mort dans leurs œuvres, liées à la passion qui brûle, ressorts dramatiques, témoins de la folie, mais aussi de la tendresse ; Abdellah Taïa parlait d’amour et de politique, d’homosexualité, de pauvreté et de relation postcoloniale, de la violence qui naît de la répression du désir ; Tobie Nathan, moins convaincant, liait la naissance de la passion amoureuse aux philtres intentionnels de celui qui veut être aimé. Et Marcela Iacoub, militante, réclamait l’expression possible du désir féminin, non le consentement mais le vouloir, pour qu’homme et femmes soient enfin égaux... AGNÈS FRESCHEL, CHRIS BOURGUE, ANNIE GAVA

Voir aussi sur journalzibeline.fr le compte rendu détaillé des conférences et expositions en cours


La Friche en fêtes Du 14 au 17 février la Friche était en ébullition amoureuse, et intellectuelle ! Avec les enfants d’abord, puis pour tous les publics, plutôt avertis Enfance et intimité Raoul Lay et une formation de chambre de Télémaque proposaient un concert littéraire dans les locaux de l’IMMS, puis à L’Alcazar le lendemain. Lettres d’amour et doubles-croches, deux petites formes de 40 mn, sont des voyages dans le patrimoine musical des deux derniers siècles. La partie consacrée aux Romantiques proposait Chopin, Schubert et Schumann avec des échanges épistolaires de George Sand et Chopin avec leurs amis parisiens au sujet du séjour marseillais des deux amants, ce qui ne manqua pas d’amuser le public. Les jeunes apprentis-comédiens de l’ERACM, Mama Bouras et Basile Duchmann, dirigés par Frédéric Grosche, ont lu avec beaucoup de ferveur la correspondance de Schumann avec Clara, l’« ardente fiancée ». La partie des Modernes proposait des extraits de Fauré, Debussy et Ravel, accompagnant un texte de Proust, des morceaux cocasses de la correspondance entre Debussy et Fauré, et un passage étonnant du Ravel d’Echenoz à propos de la tournée triomphale du compositeur aux États-Unis. Avec Charlotte Campana à la flûte, Nicolas Mazmanian au piano, Yann Le Roux-Sèdes au violon et un nouveau venu au violoncelle, Jean-Florent Gabriel. Un spectacle sensible et attachant. Skappa proposait aux adultes et aux enfants une Maison où l’on passe, allégorie des maisons closes où l’on viendrait chercher non du sexe mais des images et des mots. Les enfants, surpris, ne comprennent pas le double jeu mais une mère maquerelle chanteuse nous invite à choisir l’ordre de nos passages en chambre, à deux... On y voit des ombres qui prennent vie, des jeux de lumières, on y entend des histoires et des poèmes, dans l’intimité retrouvée d’une relation à l’art et au désir.

Letzlove © Tristan Jeanne-Vales

Amour militant Letzlove parlait aussi de désir, avec un autre voyage, dans le temps. L’histoire DU jeune homme de 20 ans, Thierry Voeltzel, découvert par Michel Foucault, symbole d’une époque post 68, et d’une liberté incommensurable. Le spectacle, réjouissant, jouissif, épatant, prenait l’allure d’interviews conférences, récit de la rencontre en stop, digressions sur la politique, la drogue et le plaisir, le militantisme homosexuel, le refus joyeux des cadres sociaux, des conventions, de la construction d’un avenir tracé ou non, loin de la peur du Sida qui allait surgir et tout bouleverser, et de l’avènement de la gauche socialiste qui allait briser d’autres possibles. Une leçon de liberté et de théâtre, portée par Pierre Maillet incarnant Foucault et Maurin Olles un comédien mutin dans tous les sens du terme, séduisant, séducteur, libre comme l’air. Avec la nostalgie, à la fin du spectacle, de ce sens frémissant de la vie et de l’engagement joyeux, de ce désir de révolution, qui donne par comparaison la mesure de nos prisons intellectuelles et sociétales.

Une pouf’ et du barouf Temps doux pour l’ouverture, la Cartonnerie a été joliment réaménagée pour un public assez clairsemé et une soirée en mode « confort ». Instrumentarium assure le début, la clôture et la transition de ce live & DJ’s : ce dispositif scénique a été conçu pour remuer le plein air des grands festivals (programmé au Sziget à Budapest l’an dernier et aux Vieilles Charrues cette année). La structure tubulaire tendue

de grilles et de toiles expose intégralement les quatre musiciens et leurs instruments de métal, de plastique et d’électronique à la vue du public pour une performance qui doit autant aux Tambours du Bronx qu’à la culture DJ (machines assurées par Matthieu Pernaud de Temenik Electric). Si cette fois la structure est placée sur le côté (et pas au milieu du public comme ça devrait être le cas) elle garde un sacré punch, tout en démystifiant l’artisanat techno. On aime les titres les plus mélodieux comme Push, à paraître sur un EP en préparation. Lui succédant, la « star » de la soirée Corine apparaît avec son total look disco : nue sous son survet’ et perruque-crinière de lionne. Cette Farrah Fawcett mâtinée d’Olivia Newton-John affiche ainsi tout le vocabulaire de la femme-objet : voix de velours et discours aguicheur. Quelle quiche, quelle piche, quelle pouf, cette Corine ! Mais au fil du set le malaise s’installe : recycler les gimmicks disco-funk de pacotille, OK, titiller l’imaginaire sexiste, why not, mais Pourquoi, Pourquoi (le titre de son « hit ») se complaire dans cette vacuité musicale et ce cliché permanent ? Le saxophoniste Raphaël Imbert (son frère à la ville) viendra distiller en fin de concerts ses solos sans nous apporter la réponse. On n’aura pas la patience que s’installe le set éclectique du DJ Madrey : la qualité des basses demeure problématique dans ces grands espaces frichistes, dommage.

Les zones grises d’Agata De Quel Amour ! à Quel amour ? La Friche passe à l’interrogation pour nommer l’événement.


Aimer pour tous

L

Le sexe, la drogue et la stupéfaction devant la violence des hommes irriguent l’art photographique du Marseillais, mais l’amour n’est présent que sous forme paradoxale. White Noise, installation-cadavre exquis réalisée à partir du film éponyme de plus de quatre heures est projetée via dix-huit écrans suspendus au plafond du Cabaret Aléatoire. Samedi dans la nuit, elle jouxte la rave party assurée par les DJ’s du collectif Métaphore. Cette étonnante proximité avec le dancefloor empli de ravers ravive la part dynamique d’une œuvre excessive par ses sujets et les moyens qu’emploie l’artiste pour en capter l’essence. D’Agata y documente sa plongée dans les zones grises de la psyché humaine. Ses relations troubles avec prostituées, dealers et toxicos nourrissent son art jusqu’au-boutiste, conçu avec force gros plans et ralentis, à même les plaies d’une société malade. « Je sais que le plaisir est trop court mais je ne peux pas renoncer aux passions » légende-t-il un de ses montages. Cette transgression morale constitue à la fois le plus grand danger éthique de son travail et son plus conséquent mérite artistique. En projetant parallèlement des images d’archives de charniers et de massacres, l’artiste, prolongeant l’interrogation bataillienne de « l’expérience intérieure », accroit la tension insoutenable entre jouissance et mort. Désespérée, sa création, d’une grande beauté plastique, n’avilit cependant pas ses sujets. Appuyée par des sous-titres éloquents, elle reflète, avec la lucidité qu’on connaît au Marseillais, les dégâts de notre modèle économique sur les corps de nos congénères, l’artiste (récemment hospitalisé à Calcutta après une overdose) s’incluant physiquement dans le processus. « Il faut faire le sacrifice de soi » assène-il… Vertigineux, White Noise révèle avec une douloureuse acuité ce que nous nous cachons de l’état du monde vu par ses marges. CHRIS BOURGUE, AGNÈS FRESCHEL ET HERVÉ LUCIEN

Voir aussi page 90 l’exposition Jeunes générations

e jour de la Saint-Valentin, le Théâtre Joliette organisait avec l’association Des livres comme des idées un goûter philo destiné aux enfants accompagnés de leur famille. Animée par Juliette Grégoire, éditrice jeunesse, la rencontre tournait autour des nombreuses questions que l’on peut se poser au sujet du sentiment amoureux. En se basant sur l’ouvrage Ce que je sais de l’amour, de Philippe Katerine (qui clôturera en mai prochain la prochaine édition du festival littéraire Oh les beaux jours ! au Mucem), ainsi que sur des extraits de pièces commandées spécialement à des dramaturges, par le théâtre, pour MP2018. Le dialogue, riche et souvent émouvant, s’est noué entre des participants de sexe et d’âge très différent. De la fillette encore naïve mais déjà fort capable de réflexion (« l’amour c’est dire aux gens plein de jolis mots pour qu’ils se sentent heureux dans leur année », au grand-père qui a dû assumer les reproches de ses petits-enfants après avoir refait sa vie. Il arrivait que l’on se tortille sur sa chaise, ou que les rires fusent, au fil des témoignages de coups de foudre, d’espoir ou de blessures. Certains se sentent écrasés par le fait d’aimer, d’autres parlent de légèreté. La conclusion générale étant que d’un tel sujet, on ne fait pas le tour en une après-midi, mais qu’il est bon, ainsi, de se retrouver pour en parler. GAËLLE CLOAREC

Le prix de l’amour

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mour, gloire et beauté. Il fallait assumer un tel titre, et c’est le défi qu’a relevé à La Criée le 16 février Laurent de Sutter, président de l’association qui porte chaque année à Marseille la Semaine de la Pop Philosophie. Dans un exposé prolixe, le brillant professeur de droit s’est intéressé au prix de l’amour à travers les âges. Depuis Platon, chez qui l’amour est « une théorie hors-sol, dénuée de chair », au cinéma japonais, où « un amour qui se dit est déjà de qualité moindre », en passant par la nécessité de la transcendance chez Héloïse et Abélard. Une chronologie menée tambour battant, qui a laissé bien des auditeurs un peu ébouriffés, mais pas tellement plus avancés sur la question centrale : oui, en matière amoureuse, l’addition semble proportionnelle aux enjeux, quelle que soit l’époque. La seconde partie de soirée donnait la parole à Zeev Gourarier, directeur scientifique et des collections du Mucem, pour donner un avant-goût de l’exposition Une histoire des manières d’aimer, qui s’ouvrira en septembre au Louvre-Lens, et dont il assure le commissariat. Un parcours dans l’histoire de l’art qu’il a conçu comme un récit, avec un sens aigu des inégalités de genre. Plus intimidé que Laurent de Sutter, lui aussi a laissé son public sur sa faim, mais pour des raisons inverses : on aurait aimé qu’il ait plus de temps pour développer ses différents choix, guidés par sa faramineuse érudition. G.C.


L

e bonheur des enfants issus des conservatoires du territoire de MP2108 se lisait sur leurs visages au fur et à mesure qu’ils entraient sur scène : 120 instrumentistes en herbe prenaient d’assaut le Grand Théâtre pour ne former plus qu’un avec les deux quatuors professionnels Béla et Cadences, et proposer une improvisation toute en plasticité explorant

Essai argentin Et en danse ? El Baile, composé par la chorégraphe Mathilde Monnier et l’écrivain argentin Alan Pauls tente de représenter les 40 dernières années de l’histoire de l’Argentine, à travers des chants emblématiques, dont les

C’est la moite

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uoi de mieux pour s’offrir à l’amour que de plonger dans un bain de vapeur ? Renaître à son corps, respirer la moiteur ambiante... On connaît les plaisirs harassants et revigorants du hammam ou du sauna. Mais s’y livrer dehors, juste au-dessous de la fontaine du Palais Longchamp, dans un écrin choisi pour ces rituels de l’eau, à la vue des passants, au son de la musique, c’est nettement plus insolite. C’est à cette expérience inédite que le collectif Yes We Camp, assisté de Sidi&Co, a convié les volontaires, le temps d’un week-end. Bains du Sud ou bains du Nord ? Hammam ou banya ? De part et d’autre de la tente qui abrite les platines des DJ et le bar, deux drôles d’installations métalliques, à mi-chemin entre la fourgonnette et la cabane mobile. À gauche le hammam, tapis bariolés, lampes orientales et gants de gommage ; à droite la banya, tabourets de bois rustique et (fausses) peaux de bêtes. On peut choisir ; on peut aussi tester les deux. C’est gratuit. Chaque session dure trente minutes. On y entre à 5, après s’être changé dans un vestiaire rudimentaire ; on circule en maillot, on se rince à l’extérieur. Et aussi étrange que cela puisse paraître, on trouve ça très naturel. Vapeur ! Vapeur ! ou l’art de questionner en douceur la place du corps dans l’espace public et la notion d’intimité. FRED ROBERT

Vapeur vapeur a été donné le 16 février au Palais Longchamp, Marseille

paroles sont distribuées aux spectateurs, et des danses que les interprètes déconstruisent dans l’enceinte d’un bal populaire, chaque époque correspondant à un style, salsa, techno, samba, cumbia, rap, hip-hop, chamamé… Corps et voix se mêlent, évoquent les années terribles de la dictature, le foot, les « folles » de la place de Mai avec leur danse des foulards… Consensuel, le tango apporte l’un des rares beaux moments, avec un couple rejoint par les autres danseurs en une chaîne émouvante : une femme mènera finalement la danse, réponse au machisme, et lors des applaudissements l’une des danseuses appellera à la « révolte des femmes » le 8 mars. Inspiré par Le Bal d’Ettore Scola, le spectacle comporte quelques belles performances, mais demeure cependant bien éloigné de sa force évocatoire de l’histoire populaire. CHRISTOPHE FLOQUET ET MARYVONNE COLOMBANI

© Lisa George, Yes we camp

Danse et musique d’amour au GTP

différentes textures sonores dans un jeu de stéréophonie déconcertant : quelques pièces rythmées comme une Bourrée, ou une musique matinée d’orientalisme avant de clore un spectacle dans un Chant de l’ardent désir. Comme à la tête d’un taraf Anne Playoust dirigea avec entrain cet ensemble multi-générationnel et multiculturel : les musiciens du quatuor tunisien Cadences dispensèrent les plaisirs de la tradition orientale croisant leurs archets avec le superbe quatuor Béla qui ouvrit le spectacle avec le deuxième quatuor n°2 du sublime Janácek. Métissage, amitié, partage sont des mots doux quand ils s’écrivent en musique.


Reflets, fenêtres, écrans

C Kolik © Hervé Bellamy

Logorrhée insatiable

H

ubert Colas et Thierry Raynaud trimballent ce texte de Rainald Goetz depuis près de 7 ans. En lecture, puis mis en scène, sur les scènes régionales, nationales, internationales, francophones. La reprise vaut le coup, même si l’on ne comprend pas trop la labellisation Quel amour ! pour un texte introspectif où il est très peu, voire pas, question de l’autre, et encore moins de la relation à lui, sinon dans le rejet. Texte solitaire, sa dramaturgie est fondée sur la lente prise de conscience d’un moi révolté, dégoûté par le monde, perdu ou trouvé dans sa propre pensée, ses obsessions mathématiques, ses ordres et ses désordres, son inaptitude à composer avec le réel social, et son lent et violent, drôle, ironique, cheminement en lui-même, dans les mots qui finissent par construire un éveil philosophique à la connaissance de soi. Texte existentialiste, mais pas philosophique puisqu’il ne démontre pas les concepts mais les met en œuvre, il est porté avec un rare génie d’acteur par un Thierry Raynaud habité, inspiré, souffrant, souriant, s’enfilant crescendo

une multitude de verres d’eau qui semblent l’amener vers un degré acceptable de force de vie, depuis le cri de révolte jusqu’à l’acceptation de sa condition mentale, en passant par le rangement obsessionnel des chiffres et des syllabes, des émotions et des ombres. La vidéo de Patrick Laffont, fantomatique, illustre en arrière plan la croissance de la conscience de Kolik, être assis et logorrhéique, qui fascine les spectateurs sans rien raconter, sans bouger de sa chaise, dans un voyage où les mots sans idées suffisent, par leur rythme, leurs dynamiques et les nuances que le comédien leur impose, à construire un trajet vers une certaine lumière. Fascinant, tout près de la vacuité averbale, surverbale, mais touchant miraculeusement à quelque chose du tréfonds. AGNÈS FRESCHEL

trl-X est la touche modifiante signifiant : couper. C’est bien cela que nous montre Cyril Teste et le collectif MxM dans la mise en scène du texte éponyme de Pauline Peyrade. Ida est dans son appartement, c’est la nuit, les baies vitrées projetées en fond de scène donnent sur les tours d’un quartier de Paris. Elles sont aussi les écrans multiples de la jeune femme : téléphone, Mac, webcam, caméra de sécurité d’entrée d’immeuble... L’univers du personnage est poreux : l’extérieur lui parvient sans répit et se transforme vite en sensation de harcèlement. La sur-connexion conduit Ida comme le spectateur à la nausée. Celle du trop plein d’injonctions, d’informations, d’images. La saturation provoque l’étouffement qui prend une forme duelle chez Ida : la boulimie des clics qui ouvrent sur le monde et le refus d’ouvrir sa porte à un réel déréalisé devenu anxiogène (sa sœur comme l’amant ne parviendront jamais à entrer chez elle. Seul le fantôme, c’est significatif, d’un amour perdu pénètrera dans l’appartement). Car Ida est coupée : des autres et d’elle-même. Les créations vidéos, comme autant de fenêtres digitales, figurent l’enfermement, soutenu par un bel environnement sonore continu. La mise en scène parvient à porter une écriture éclatée. Tout comme le jeu des comédiens, explorant une présence-absence nouvelle et difficile au théâtre, tant les images peuplant le plateau peuvent engloutir le corps de l’acteur, son aura. C’est aussi la question que soulève la pièce : que deviennent nos corps derrière ces fenêtres virtuelles ? DELPHINE DIEU

Kolik a été joué à Montévidéo, Marseille, les 12 et 13 février, et au Bois de l’Aune, Aix, les 16 et 17 février

Ctrl-X a été joué au théâtre du Merlan, Marseille, les 13 et 14 février


Au croisement du cirque et de la danse Grands spectacles et petites pépites étaient au rendez-vous de la 20e édition des Élancées et de l’Entre-deux-Biennales

C

omme toujours, et c’était encore le cas lors de cette 20e édition, se croisent compagnies régionales et internationales, avec des spectacles de cirque qui invitent parfois la danse au cœur des agrès et acrobaties, ou l’inverse lorsque la danse approche les formes circassiennes. Dans les 6 communes de Scènes&Cinés aucun temps mort lors de ces 14 jours durant lesquels le taux de remplissage des salles et chapiteaux a atteint 94%, soit plus de 14 000 spectateurs (du territoire Istres Ouest Provence et des alentours, le festival étant au cœur du « coup de projecteur » donné par l’Entre-deux-Biennales et dans la programmation de MP2018) au cours des 75 représentations !

Hors des plateaux L’après-midi était frais malgré le soleil, mais le lieu propice à l’enchantement : le Théâtre de verdure de La Colonne, à Miramas, (enfin une programmation en ce lieu !) accueillait une petite forme atypique et remarquable, 3D. C’est un objet singulier qui trône au centre de la petite scène recréée pour l’occasion, fait de bois recourbé en demi-cercle traversé d’un filin métallique. Objet que Jonathan Guichard (Cie H.M.G) va lentement apprivoiser, lors de glissements, contournements, poses alanguies… qui le font vibrer et résonner de sons divers. Puis, sur une partition sonore jouée en direct par Cyril Malivert, les acrobaties vont se faire dansantes au gré des balancements et retournements ; de la légèreté de ses mouvements, au cœur des prouesses, naît une poésie délicate, qui suspend le temps. C’est une étrange maîtresse qui fit son apparition dans une classe de l’école élémentaire Georges Brassens, à Grans, à la surprise générale. Une musique se fait entendre dans le couloir, la porte s’ouvre… qui donc est cette personne qui frôle les murs, se cogne, repart et revient sans regarder personne ? « C’est bizarre » laisse échapper une fillette. Bizarre

oui, mais excitant, et l’impact sur les enfants est immédiat. Attentifs et curieux ils suivent ses déplacements -jetés, sautillements, courses dans les rangées-, ses regards appuyés sur chacun, jusqu’au bureau qui deviendra bien d’autres choses, et le tableau devenu support d’un dessin fait de lettres… Sans cesser de danser, et sans un mot, Stefania Branetti évolue telle une enseignante loufoque, et sensible, donnant à voir dans cette gestuelle très rythmée les émotions d’une « vraie » maîtresse : crainte, joie, fatigue, rêve, doute, étonnement… Soulagement mêlé de joie des enfants après la représentation, cette « maîtresse » jouait donc « la comédie » et savait parler ! Créé pour être joué dans des salles de classes élémentaires et maternelles, le solo clownesque Ma Maîtresse ? a été présenté par le collectif Sauf le dimanche dans toutes les classes des écoles de Grans durant le festival.

Grands spectacles À l’Olivier, à la Colonne et sous chapiteau, les grands spectacles ont attiré les foules. Explosion de sons, d’énergie, de couleurs : les seize acrobates de la troupe Circolombia envahissent les sens avec leur show époustouflant Urban. Tous issus de la Circo Para Todos, école nationale de cirque de Colombie dédiée à l’insertion socio-économique de jeunes en difficulté, ils mettent en scène, dansent et chantent leur vie quotidienne à Cali. Du barrio émergent les guerres de clans, les battles sensées mesurer les valeurs de tel ou tel, les confrontations de filles entre elles, mais aussi les rêves d’un avenir meilleur, voire fortuné… Omniprésent, le hip hop accompagne les acrobaties très spectaculaires (au trapèze, à la roue Cyr, à la corde dynamique, à la bascule coréenne ou sur fil de fer), chanteurs, rappeurs et danseurs se succédant au son d’un reggaeton enlevé. Energisant ! Une ville-usine terne et grise, des employés

Cirkopolis, Cirque Eloize © Patrick Lazic

robotisés, interchangeables, un engrenage dont il est difficile de s’échapper. Pourtant, peu à peu les couleurs vont faire leur apparition, la gaieté et la fantaisie s’installer. Avec le québécois Cirque Eloize le mot spectaculaire prend tout son sens. Ce que l’on voit provoque quantité d’émotions, de réactions, décuple les perceptions. Inspiré du film de Fritz Lang, Cirkopolis envoûte par sa poésie, sa finesse, l’élégance de certains tableaux (à la roue allemande notamment), par la créativité qui se dégage de numéros pourtant très connus comme les massues ou le diabolo. Les douze circassiens internationaux sont les brillants interprètes de cette ode à la liberté. Sous le chapiteau du collectif franco-belge Malunés on est loin des happy end… et les contes de fées vont être particulièrement malmenés ! Le monde merveilleux bascule rapidement dans le délire, et les personnages incontournables vivent des situations improbables. Car l’histoire qu’ils racontent, celle du Petit Chaperon Rouge, ne les passionne pas vraiment… autant convoquer alors plus de personnages, les faire se rencontrer et réinventer une histoire ! Celle de comédiens circassiens très joueurs (notamment avec une Blanche Neige endormie transformée en poupée de chiffons, disloquée), qui ont bien du mal à se défaire des clichés et à nouer une relation. Une aubaine pour les « héroïnes » qui


Ailleurs, aussi, la Biennale

C

vont en profiter pour crier leur ras-le-bol de toujours devoir être des cruches et prendre le pouvoir, dans les airs et sans leur étouffante et éternelle robe de princesse ! Les sept acrobates-voltigeurs, et pour certains aussi musiciens et chanteurs, passent des trappes magiques au trapèze, des cadres aériens et coréens aux portées les plus folles, pour recréer leur propre monde, bien plus féérique et délirant. Et Forever, Happily…

Dédicace dansée Depuis sa création en février 1999, la transmission est dans l’ADN du Festival. 20 ans de rencontres et d’échanges autour d’un même projet : « proposer à un large public un panorama de la création contemporaine des arts du geste ». Ce panorama c’est Christine Fricker (Cie Itinerrances) qui s’en empare, sollicitée par le Festival. La chorégraphe marseillaise ne feuillette pas seulement les souvenirs, elle offre aux regards sa vision d’un instantané en partant de photos de certaines pièces emblématiques. Un « après », l’« évocation » d’un geste dansé ou d’un geste de cirque. Sur la scène de l’Olivier vont se succéder, au fil des tableaux, 29 danseuses et danseurs amateurs issus de la formation Coline, de l’association Pulsion, de l’option danse du lycée Rimbaud et du Conservatoire de danse, auxquels viennent se joindre trois danseurs de sa compagnie, Aude Cartoux, Simon Gillet et Jessy Coste. On reconnaît, ou pense reconnaître, tel spectacle (les images ne sont pas annotées), on cherche un moment… puis, très vite, la photo figée prend vie. Pas de jeux de va-et-vient entre le fond de scène et le plateau, ce qui se danse dit l’ici et le maintenant. Des variations très émouvantes alliant passé et présent, parfois hésitantes souvent maîtrisées, ont aboli le temps. Le spectacle terminé, Christine Fricker reprenait sur scène son rôle de chorégraphe pour faire danser le public. Transmission toujours, amplement partagée !

irque encore, au Merlan, à Marseille, et à l’Espace NoVa, à Velaux. Le cirque contemporain aime à fonder ses spectacles sur un agrès unique et original, expérimenté jusqu’au bout de ses possibilités scéniques. Juan Ignacio Tula et Stefan Kinsman s’attachent dans Santa Madera à explorer la roue Cyr, sorte de grand cerceau à taille d’homme qui leur permet, à chacun et ensemble, de sonder la circularité, le tournis, le porté mouvant, l’équilibre. Autour de ces figures ils tissent une relation, faite de rapprochements, de méfiance, de tendresse et d’étreintes, parfois. La musique accompagne ces changements de relation et l’exploit physique épate, mais la pièce tourne littéralement en rond dans son cercle de sable, épuisée au bout d’une petite heure. Vaincue par une monomanie circulaire ? Pas de femmes dans Machine de cirque, univers d’après l’apocalypse. Restent cinq hommes et une étrange machine sur plusieurs niveaux au centre de la scène ; tubulures d’échafaudage, poulies, ficelles, trapèze, bascule, roues de vélos, constituent un assemblage hétéroclite qui autorise aux protagonistes, essais, envols, sauts, descentes vertigineuses de mât chinois, esquisses d’appels, rythmés avec un humour démoniaque par le multiinstrumentiste-clown Frédéric Lebrasseur. Le spectacle va crescendo, multipliant les difficultés, les défis à la pesanteur. La capacité des uns et des autres à se glisser dans n’importe quel numéro est époustouflante, les solos de spécialité glissent vers des mouvements d’ensemble aussi étourdissants que potaches. Le fastueux numéro de jonglage de massues en cadence, celui, poétique, de vélo, puis ébouriffant de monocycle, celui, virtuose, de planche coréenne assorti de figures acrobatiques vertigineuses, temps forts du parcours, laissent aux passages moins spectaculaire tout leur sel : même partager un verre d’eau est propice à d’étonnantes variations. La mécanique parfaitement huilée du spectacle s’appuie sur une chorégraphie inventive, aux accélérations effrénées. Yohann Trépanier, Raphaël Dubé, Maxime Laurin, Ugo Dario, apportent énergie, vivacité et humour à cette post-fin du monde, cherchant à donner un sens à une machinerie aux rouages étranges ; théâtre et cirque se rejoignent ici, en une poésie touchante et cocasse. AGNÈS FRESCHEL ET MARYVONNE COLOMBANI

DOMINIQUE MARÇON

Le Festival des arts du geste Les Elancées s’est déroulé du 12 au 25 février sur le territoire Istres Ouest Provence

Santa Madera a été jouée au Merlan, Marseille les 20 et 21 février ; Machine de cirque le 16 février à l’Espace NoVa, Velaux


32 critiques spectacles

Amélioration continue

© Simon Gosselin

I

ls nous attendent en veste de survêt des années 80, moulinant énergiquement, pour les rallumer de temps en temps, les pédaliers de 5 vélos d’appartements-lampes à bras télescopiques, bricolés maison. Des marques au sol dessinent les zones de jeu d’un sport inconnu. Des futs étanches insubmersibles sont posés à intervalles réguliers sur les côtés. Le tout baigne dans une musique synthétique, jouée en direct, surplombé par l’étrangeté large et haute de deux chaises de juge-arbitre de tennis. Une cloche de ring de boxe à l’ancienne sonne à l’avant-scène :

premier tableau. Kasparov, champion du monde d’échec, nous raconte sa défaite devant la machine Deep Blue en 1997, et sa conversion technophile : car si les machines sont bien les plus fortes, les humains continuent encore de jouer aux échecs ; alors pourquoi avoir peur ? Travaillons plutôt avec elles pour construire un monde meilleur ! Oui mais. Deuxième tableau. Perchés sur les chaises de juge-arbitre, avancées maintenant sur le devant de la scène, Mélanie Fonce, vélo-factrice au chômage, désemparée mais

rageuse, fait face à son conseiller Pôle-Emploi, légèrement compréhensif mais implacable. Mélanie, bien qu’ayant accepté de participer aux séances collectives organisées par son entreprise « tous ensemble et main dans la main avec les robots » s’est fait virer de son boulot, remplacée par ces mêmes robots. Elle va devoir se « réinventer ». Par exemple comme pleureuse lors d’enterrements de gens seuls. Car chance : il n’y a pas encore de machines qui savent pleurer ! Dans Le Monde dans un instant, laboratoire machinerie sportif musical domestique de Det Kaizen, les questions que les avancées technologiques posent à l’homme -sur sa présence à soi, aux autres, au monde, et aux machines !- sont mises en scène, en 5 tableaux branchés les uns sur les autres. La fragilité de l’humain et la férocité des situations se muent en vertiges augmentés, dans un mélange de mélancolie retro-futuriste et de jubilation archaïquo-théâtrale. Question mélancolique rétro-futuriste : c’était quand la première fois qu’un robot vous a donné un ordre ? MARC VOIRY

Le monde dans un instant a été créé du 7 au 10 février à La Criée, Marseille

L’artiste en utopie

L

orsqu’Oscar Wilde écrit L’Âme Humaine sous le socialisme en 1891, il conçoit avec humour et finesse une société dans laquelle l’art sauve l’humanité. Les individus, enfin libérés des contraintes avilissantes grâce à l’exploitation des machines, développent un raffinement du rapport esthétique à la vie, qui les élève et provoque des élans de joie. Ce texte hybride et décapant, relevant de l’essai, du programme politique, du discours utopique ainsi que du manuel de développement personnel, est transposé avec inventivité et justesse au théâtre par Geoffroy Rondeau, Séverine Astel et Gérald Kurdian. Le plateau propose un univers évoquant à la fois un intérieur design raffiné et un assemblage de formes rectangulaires découpant des espaces, traçant des lignes renforcées par des couleurs acidulées. Bientôt certains volumes s’ouvrent, figurant frigo, Smartphone et surfaces digitales. Comme issus d’un livre pop-up, les personnages apparaissent, disparaissent, délivrant en coup de point des aphorismes

© Pascal Victor

percutants. Dès les premiers instants nous assistons à une incarnation adéquate de la pensée parfois paradoxale du dandy irlandais. Deux comédiens et un musicien forment un trio soutenu par des créations vidéos étonnantes et envoûtantes qui rendent compte avec joie et singularité de l’individualisme socialiste cher à Wilde. On regrettera parfois un déséquilibre entre parties filmées et parties jouées. Mais la dramaturgie est efficace et la musique

live électro-pop nimbe de poésie le regard en creux sur notre société qui dénature un individualisme potentiellement artiste en vulgaire culte de soi. Car l’issue humaine pour Wilde est le devenir-artiste de tous. Ainsi l’adresse directe aux spectateurs est un choix judicieux pour illustrer une idée centrale du texte : ce n’est pas à l’art de devenir populaire mais au public de se faire artiste. C’est d’ailleurs à une position d’artistes-citoyens que nous convient progressivement les comédiens, réalisant le rêve de l’auteur. DELPHINE DIEU

L’Âme humaine sous le socialisme a été présenté à La Criée, à Marseille du 20 au 23 février


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Répertoire et domination sociale

Musset au Sémaphore, Marivaux à la Garance, Tchekhov à la Criée... Trois textes du répertoire qui mettent en scène la relation maître/valet

E

va Doumbia recréait Badine à Port-deBouc. Un titre qui laissait entendre une adaptation de la pièce de Musset, même si, finalement, il s’agissait bien de mettre en scène On ne badine pas avec l’amour dans son intégralité, en ajoutant simplement deux scènes qui du coup pimentaient judicieusement le texte : un prélude était lancé par deux acteurs dans le public, jouant les spectateurs rebelles, jeunes kaïra au verbe haut qui peu à peu se mettent à incarner les caractères comiques de la pièce, prêtre aviné et précepteur glouton, racailles d’une époque où la domination sociale s’affichait comme un principe. L’autre scène ajoutée est tout aussi politique : Rosette, fille du peuple trahie par Perdican, au lieu de mourir en silence se révoltera, empruntant ses mots à Noun, sœur de lait non de Camille mais d’Indiana : dans le roman de George Sand la femme du peuple humiliée, noire qui plus est, ne reste pas silencieuse. Les plus célèbres passages de la pièce de Musset, largement empruntés à sa correspondance avec George Sand, parlent aussi de ces dominations entre les hommes et les femmes, entre les habitants du château et ceux du village, les éduqués et les autres, exploités, trompés, avilis. Eva Doumbia fait jouer Perdican et Rosette par deux comédiens noirs, réactivant une autre domination, et assoit ses comédiens à la table, s’appropriant les mots comme d’un texte lu. Les jeunes s’en sortent bien, mais les deux comédiens plus âgés ont du mal à jouer entre lecture et incarnation, jeu et ironie, présent et passé. Un Badine qui, au-delà de l’analyse dramaturgique qui réactive le sens politique du texte, aurait nécessité une direction d’acteurs plus précise.

L’ordre et la classe Chez Marivaux, avant la Révolution Française, le rapport de classe est moins sournois, la domination faisant partie de l’ordre politique de la monarchie. Le Jeu de l’amour et du hasard affirme que l’on aime dans sa propre classe, c’est-à-dire que le hasard n’existe pas dans le choix amoureux au regard de la détermination sociale. Là encore, Pascale Daniel-Lacombe (Théâtre du Rivage) propose une mise en scène de l’intégralité du texte, avec quelques

JAHM © Xavier Cantat

ajouts : ses JAHM par leur acronyme l’annoncent, et L’Île des esclaves s’invite, questionnant la légitimité de la domination de classe. Ainsi Silvia qui se fait passer pour sa suivante se montre particulièrement odieuse et dominatrice, résistant au sentiment amoureux qu’elle éprouve pour celui qu’elle croit être un valet, et piétinant celui de Lisette, elle-même dédoublée par une servante muette endossant véritablement l’esclavage domestique : la Révolution française passera par là et abolira les ordres et leurs privilèges, mais non la domination des classes populaires, qui s’inscrit jusque dans le rapport amoureux, le vocabulaire, les usages, les vêtements, dont la metteure en scène joue habilement. Mais là encore la concomitance de deux discours, celui de la pièce plongé dans son temps, celui de ses actualisations qui le complètent et le détournent, placent les acteurs dans un entre deux indécis qui les empêche souvent d’être convaincants.

Servitude volontaire La mise en scène de La Cerisaie par Christian Benedetti repose sur le pari inverse : il s’agit de monter le texte à nu, avec de grands acteurs, dans une scénographie et des costumes les plus insignifiants possible. La force de la pièce, écrite avant une autre révolution, parle immédiatement à notre époque. Elle dit la fin d’un temps, d’un mode de vie où la liberté sexuelle, la beauté et la nature en fleurs n’appartenaient qu’à une classe délicieuse et dominante qui ne voulait pas envisager sa fin, ni la dure exploitation qu’elle imposait à ses serviteurs. Dans cette Cerisaie tout se rate, se brise et se dévoie,

et le vieux serviteur oublié mourra tout seul, nostalgique d’une féodalité qui au moins maintenait debout la maison des maîtres... Dans la mise en scène de Benedetti rien n’est déplacé, actualisé ou pimenté. Il s’agit de plonger dans l’œuvre, de la jouer au plus juste, de faire confiance au texte dans une modernité qui doit tout à la maîtrise du jeu : lui-même est un comédien fabuleux qui donne à Lopakhine, fils de serf et commerçant qui deviendra propriétaire de la Cerisaie, une épaisseur humaine inédite. De petits décalages, brefs temps d’arrêts, apartés murmurés au public, scène de réception jouée dans la transparence de paravents, introduisent une discrète distanciation avec un réalisme de façade, tout comme le rythme adopté -tout va à toute allure- et décor sonore qui laisse entendre le retard du train, la fermeture définitive de la maison ou la mise à bas de la cerisaie à la tronçonneuse. Ainsi le spectateur peut entendre le texte pour ce qu’il est, s’attacher à des personnages et à leurs ambiguïtés incarnées, mais aussi mesurer par instants comment cette fin de monde résonne aujourd’hui, dans nos maisons délitées où l’argent règne en maître, et où les exploités continuent de souffrir et mourir en silence, et souvent consentants... AGNÈS FRESCHEL

Badine a été joué au Sémaphore, Port-de-Bouc, le 9 février, #JAHM à la Garance, Cavaillon, le 8 février, La Cerisaie à La Criée, Marseille, du 8 au 10 février


34 critiques spectacles

Les chinois de l’ombre

L

a dernière pièce de Franck Dimech interroge la situation des populations d’origine chinoise à Aubervilliers et Marseille. Si sa préparation a demandé un travail d’investigation et d’écoute, il ne s’agit en aucun cas de livrer une œuvre documentaire, mais plutôt de restituer un climat et surtout de briser les © Willy Vainqueur clichés et les représentations folkloriques d’une population et sa civilisation. Donc pas de dragon, ni de pieds bandés, mais une dénonciation du travail des immigrés exploités dans des ateliers clandestins sous l’autorité de chinois nantis. Ainsi la scène dans les cuisines d’un restaurant où s’échinent les ouvrières tandis que la patronne hurle des ordres et consulte son téléphone portable : pas besoin de traduction surtitrée pour comprendre ces échanges verbaux. C’est aussi en chinois, sans traduction, que la comédienne

Jung-Shih Chou dit un long texte à voix soufflée, et l’expression de son visage en dit beaucoup sur la douleur qu’elle ressent. Mais sa traduction aurait certainement permis une meilleure compréhension et imprégnation de la situation… D’autres récits sont faits en français pour évoquer l’arrivée en France, la tragédie de la défénestration d’une ouvrière effrayée par un contrôle de police dans un atelier… Franck Dimech révèle par touches l’opacité de ce monde impénétrable et muet. L’illustration

en est donnée par une mèche allumée côté jardin au début du spectacle qui se consume lentement sans jamais exploser. Pas de révolte dans ce monde souterrain. Le spectacle ne baigne pas pour autant dans le drame. La fantaisie est amenée par le personnage de l’européen bienveillant et curieux, excellent Olivier Horeau qui semble le double naïf du metteur en scène. Il cherche le contact à tout prix en exhibant la photo de sa maison familiale, engage une conversation sérieuse avec un lapin posé sur le clavier d’un piano, puis s’applique à manger des raviolis avec des baguettes. Surréaliste ! Sans oublier l’envahissement de la scène par une multitude de tabourets rouges ou de baguettes tombées du ciel. Le spectacle s’achève sur l’évocation de Xu Lizhi, poète suicidé à l’âge de 24 ans, et le texte tracé sur une immense banderole, hommage à toutes les victimes de la société marchande. CHRIS BOURGUE

Les chinois à Marseille s’est joué au Théâtre Joliette, Marseille, du 20 au 23 février

Exécution d’une œuvre

D

ans la pièce d’Howard Barker, Tableau réussite un collectif artistique d’une vingtaine d’une exécution, le doge lance : « Je d’étudiants, dont onze comédiens. La rigueur méprise les artistes autant que je vénère du travail effectué est perceptible dans la clarté l’art ». Ou bien est-ce le cardinal ? Affirmation provenant des pouvoirs, qu’ils soient politiques ou religieux, posant clairement les relations paradoxales entre art et dirigeants mis en lumière dans la pièce. L’auteur britannique contemporain, inventeur du théâtre de la catastrophe, peint avec nuances les contradictions humaines, les cruautés comme les intelligences. Le choix de ce texte dense pour cette production universitaire est ambitieux et judicieux. La richesse des thèmes abordés, l’actualité de leurs © Roxane Samperiz questions nourrit la création des étudiants. des propos dont l’exigence et la subtilité sont Comment créer dans un système de mécénat ? portées par des comédiens investis et précis Quelles places les femmes occupent-elles dans dans leur jeu. Les personnages prennent vie et l’art ? Agnès Régolo, metteuse en scène corps dans un rythme tenu et ponctué d’une chargée d’enseignement dans la formation création sonore évoquant la catastrophe en Arts du spectacle de l’AMU, emmène avec cours. La scénographie sert efficacement les

enjeux de la pièce, préférant l’abstraction en gommant les références à l’époque et aux lieux. Car la République vénitienne du XVIe siècle, dont les dirigeants réclament une œuvre de célébration à la peintre Galactia, assurant leur hégémonie et initiant un récit national fondateur, ressemble à notre système libéral, dans lequel tout art subversif ou d’avant-garde est récupéré et digéré. La toile scandaleuse de l’artiste qui montre la cruauté et les horreurs de la guerre sera comprise. Mais : « Être comprise, c’est la mort ! » avait-elle annoncé prophétiquement. Et les diverses Galactia, figées dans un cri rouge et silencieux clôturant la pièce, indiquent avec beauté ce moment où l’œuvre exécutée exécute son auteur. DELPHINE DIEU

Tableau d’une exécution a été joué du 7 au 10 mars à la salle de Lenche du Théâtre Joliette à Marseille


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Epuiser les signes

C

’est à une chorégraphie d’enquête que nous convie Ambra Senatore dans sa dernière création Scena madre. Les signes sont dévoilés peu à peu, par accumulations, déplacements, variations de situations minimales. Au départ, le vide d’une scène blanche, encadrée de lourds rideaux noirs. Par solo, puis duo, des personnages entrent, sortent. Cousant et décousant des gestes ébauchés. Abstraits. On cherche une logique, un legato entre ces reprises de micro saynètes qui semblent issues des souvenirs fragmentaires de rencontres ordinaires, de réminiscences de films, de livres. On cherche un ordre à ces apparitions / disparitions ainsi qu’aux actions chorégraphiées avec minutie, alliant théâtralité, légèreté et facétie. Bientôt les sept interprètes occupent chacun leur espace, délimité par des jeux de lumières. Et il semble que le lieu où ils se trouvent détermine la danse et la posture, le personnage. Puis le fil que l’on croyait tenir s’écroule comme ces châteaux de cartes fabriqués par un des danseurs. La grammaire des corps alterne entre virtuosité et jeux d’échos, mouvements extraits de notre plat quotidien. On nous présente des signes, des indices qui s’effacent aussitôt. Ou plutôt

Scena Madre, photo de répétition © ccn de Nantes - Bastien Capela

qui n’en sont pas. Autant les petits papiers montrés à la dérobade, comme des pièces à conviction ou des informations essentielles, que les actions répétées, déplacées et augmentées, ces signes ne font pas sens. Et c’est de cela qu’il s’agit : l’épuisement du sens derrière le jeu infini des fausses pistes. Il n’y a rien à chercher. Il y a à Voir. Un des personnages le souligne : « Le tableau est la solution à tout. » En cela le soulèvement récurrent du rideau au

lointain, montrant une mystérieuse femme épluchant des patates dans sa cuisine, fonctionne comme un motif qui rythme un récit à l’envers. Comme une scène primitive. Entraperçue furtivement. Et non une scène de crime comme on aurait pu initialement le croire. La madre qui prépare son repas (sa scène ? La cena di madre ?) est l’action dramatique hors-scène qui permet l’exploration ludique des enfants-danseurs le temps que le plat soit prêt, ou bien plutôt ses épluchures qui s’accumulent comme autant de significations éparpillées. DELPHINE DIEU

Scena madre était présenté les 8 et 9 février au théâtre du Merlan, Marseille

Diablotin

I

l est irritant, ce diable. Jeune et beau gosse, il frime en pantalons moulants, persuadé d’avoir raison, mais prompt à changer d’avis. « On apprécie d’autant plus les choses que les autres ne peuvent pas en avoir », assène-t-il avec cynisme, précisant un peu plus tard « faut pas croire tout ce que je dis ». C’est vrai qu’il est difficile à suivre, ce personnage inspiré librement du Méphisto de Faust. Tout comme les autres protagonistes de la pièce. Ce n’est pas faute d’enthousiasme, au contraire, les deux rôles féminins déclarant avec conviction qu’elles n’ont « ni Dieu, ni maître », et se fichent de savoir qui a © Anne Sendik créé le monde. Mais il faut un moment avant d’identifier Marguerite ; le jeune premier a tellement peu de caractère que l’assistance est désolée pour lui, et l’ensemble manque singulièrement de tenue. C’est en allant chercher la note d’intention de la

compagnie Pour ainsi dire que l’on comprend la raison de cette atmosphère déstabilisante. Le texte de Philippe Dorin, mis en scène par Sylviane Fortuny, plutôt que « d’aborder le

mythe d’un point de vue sociétal ou religieux » se focalise sur l’adolescence, ce temps de transition entre l’enfance et l’âge adulte, règne du doute et des volte-faces. De ce point de vue, et s’il s’agit de mettre le spectateur en situation de ressentir les affres adolescentes,

l’objectif est atteint. La pièce Le chat n’a que faire des souris mortes pose toutefois un problème, car elle s’adresse aux enfants à partir de 9 ans. Soit un âge où l’on n’a -à moins d’être très précoce- pas encore les clés pour comprendre les références au roman de Mikhaïl Boulgakov Le Maître et Marguerite, ou à l’œuvre de Faust. Et pas non plus l’expérience des incertitudes existentielles communes à l’adolescence, pour en reconnaître les allusions sur scène. Quant aux adultes qui les accompagnent, probablement trop éloignés de cette période inconfortable, ils émergent de la représentation plus perplexes qu’agacés, mais surtout nostalgiques de la profondeur faustienne. GAËLLE CLOAREC

Le chat n’a que faire des souris mortes s’est joué les 8 et 9 février au Théâtre Massalia, Marseille, et le 3 février au Théâtre de Fos


36 critiques spectacles

Naïveté voyageuse

Q

u’aurait dit Jules Verne de l’adaptation déjantée proposée par la Cie La Naïve de son Tour du monde en 80 jours ? Sans doute, le père de la science-fiction aurait apprécié l’usage de machines futuristes, le personnage d’un savant illuminé, le recours à des personnages robots, dont l’animation semble tellement vraie que leur effondrement final constitue un élément de surprise… L’Espace NoVa de Velaux accueillait la création 2018 (qu’elle coproduit) de la © Ville de Velaux troupe fantaisiste et iconoclaste dans le cadre de ses Carnets de voyage, thème de la saison. Et quel carnet ! Les personnages de Jules Verne, revenus de leurs pérégrinations, se lancent dans un show burlesque où ils évoquent leurs aventures. Du cœur de Londres où Phileas Fogg parie la moitié de sa fortune avec ses collègues du Reform Club, la course contre le temps nous entraîne à Suez, Bombay, Calcutta, Hong Kong, Yokohama, San Francisco, New

York… Obstacles et contretemps rythment le parcours haletant. Une énorme horloge occupe la scène, ajoutant au pari du riche anglais celui des comédiens qui tentent d’achever la narration de ses aventures en une heure. De même que pour Phileas Fogg, épris de précision (« l’imprévu n’existe pas » !), et voit son trajet perturbé par l’inspecteur Fix, persuadé qu’il tient là le voleur de la Banque d’Angleterre, mais aussi par le sauvetage

de la douce Mrs Aouda (lointaine dans une prise vidéo), ou l’attaque des Sioux, le déroulé de la pièce subit des à-coups, le mécanisme d’horlogerie connaît de tonitruants ratés, le personnage de Passepartout refuse de narrer l’histoire sous prétexte que ce n’est pas son rôle… Hervé Pezière, Patrick Henry et Bruno Bonomo s’en donnent à cœur joie dans la tonique mise en scène de JeanCharles Raymond qui use d’une esthétique aux maints retournements, dans un décor que n’aurait pas renié Méliès. Le roman devient un show, abondé de chansons anglaises (sic !) des Beatles, de Queen et la musique originale de Fredo Faranda (groupe Valmy)… Du Music-Hall ? Une belle manière d’appréhender la distanciation propre à toute fiction ! MARYVONNE COLOMBANI

Le Tour du monde en 80 jours a été créé le 9 février à l’Espace NoVa, Velaux

Le Chien, MFB © X-D.R

Un chien trop sage

Q

uand le nom d’Eric-Emmanuel Schmidt est sur une affiche, le théâtre est plein. Ce soir-là, le théâtre du Balcon n’a pas dérogé à la règle. On jouait l’adaptation d’une de ses nouvelles, Le Chien, extraite du recueil Les deux messieurs de Bruxelles. Un médecin à la retraite se suicide cinq jours après la mort accidentelle de son chien, un beauceron nommé Argos. Ce geste est incompris par tous,

aussi bien par les gens du village que par sa propre fille et son ami l’écrivain. Percer le mystère qui a accompagné cet homme tout au long de sa vie constitue la trame du récit. Cette énigme sert à introduire un thème cher à l’auteur : le pardon. Il semble ici quelque peu plaqué, n’apportant rien à l’intrigue. Autre ingrédient indispensable au récit : la minute d’érotisme au passé simple : « Nous passâmes la nuit ensemble, coquins, respectueux, alternant la volupté et le chagrin, (…) tantôt bestiaux, tantôt raffinés, toujours complices… ». En fait, Marie-Françoise et Jean-Claude Broche, les metteurs en scène de la compagnie du Roseau n’ont pas adapté la nouvelle, celle-ci nous étant livrée in extenso. Deux acteurs : l’un, Patrice Dehent, incarne le médecin, l’autre, Laurent Feuillebois, est à la fois l’ami écrivain (le narrateur) et tous les autres personnages. Alternativement, chacun récite de longs monologues en mettant fidèlement leur voix, leur sensibilité au service de la nouvelle. Ayant pris le parti de privilégier le texte, craignant sans doute qu’une réécriture ne bouscule le classicisme rassurant et convenu de la prose d’Eric-Emmanuel Schmidt, on exclut ainsi toute forme de théâtralité. Une prose empesée, récitée par les deux acteurs n’alluma pas l’étincelle susceptible d’enflammer le spectateur, de faire de cet instant un vrai moment de théâtre. Le chien était mort une deuxième fois. CAROLINE GERARD

Le Chien a été joué le 17 février au Théâtre du Balcon, Avignon


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Littérature en résistance

Filmer Flaubert

I

C

omment Truffaut aurait-il filmé Madame Bovary ? Pas comme Chabrol, c’est sûr, il l’aurait décalée et rapprochée de nous... Cendre Chassanne se met en scène, fantasmant un film qu’elle écrirait pour Truffaut, dialoguant avec Gustave aussi, adaptant les scènes de son roman avec les yeux de Berthe, la fille d’Emma et de Charles qui a fini orpheline et ouvrière… La lecture, intéressante, souligne la frustration, l’insatisfaction sexuelle et intellectuelle d’Emma, son romantisme décapité, sa jeunesse trompée et incomprise. La modernité de cette Bovary nous frappe, la description de la condition féminine, conjugale, toujours à l’œuvre aujourd’hui, dans la négation du désir féminin. Oui, Truffaut en aurait fait un grand film... Mais on ne sait ce qu’incarne au juste Cendre Chassanne sur le plateau : Bovary, elle-même lisant le roman, un autre personnage qu’elle qui raconte cela ? Cette indécision, dont elle pourrait jouer en passant d’un plan à l’autre, reste informe et vague, affaiblissant la portée d’une relecture de Flaubert pourtant très pertinente. Le plaisir du texte persiste, mais le spectacle échoue de peu, manquant de jeu, de je et d’elle. Madame Bovary, c’est qui ?

© Collectif Mensuel

nspiré du roman-jeunesse de Sam Mills Black-out, le spectacle concocté avec une éblouissante intelligence par le Collectif Mensuel adopte un titre date, 2043, à l’instar de 1984 de George Orwell (traduction de Valérie Le Plouhinec pour l’édition française, éd. Naïve livres, 2010) ; texte d’anticipation plus que de science-fiction, qui nous entraîne dans une dystopie qui n’est pas sans rappeler celle de Fahrenheit 451 de Ray Bradbury. Le gouvernement britannique, suite à des attentats perpétrés par des jeunes gens qui auraient lu le subversif 1984, a instauré un système totalitaire « pour le bien de tous », et éradiqué des livres tout ce qui pouvait induire à une subversion quelconque. L’adolescent Stéphan qu’interprète avec une belle vérité un jeune comédien, enserré dans une arène étroite surplombée par quatre musiciens-comédiens qui créent un décor sonore et musical. Solitude devant ses actes, sa responsabilité, ses lectures… après avoir renié son père libraire, été adopté par une famille conforme, « parfaite », et consommé les pilules « du bonheur » qui annihilent toute

pensée critique, peu à peu sa conscience se forme, par ses lectures, Sa majesté des mouches, L’attrape-cœurs, Lady Chatterley, l’écoute d’un bon vieux rock, ses discussions avec le groupe résistant « Les Mots ». Se pose la question de la forme que peut prendre la révolte : violente, pacifiste ? Le choix reste ouvert, posé dès l’incipit de la pièce qui, en un long retour en arrière, raconte son histoire ; il la referme, laissant au spectateur son libre arbitre, principe premier d’humanité. Un théâtre d’anticipation d’une troublante actualité ! MARYVONNE COLOMBANI

2043 a été joué le 15 février au théâtre de Fontblanche, Vitrolles

Du pourquoi et de la tragédie

M.C.

Les événements a été donné le 20 février à Vitrolles, salle Guy Obino

AGNÈS FRESCHEL

Bovary, les films sont plus beaux que la vie a été créé au théâtre des Halles, Avignon, les 15 et 16 février © Octave Paute

© Serge Martinez

«P

ourquoi ? » est la question fondatrice de la pièce de David Greig, Les Évènements, traduite par Dominique Hollier et mise en scène avec sobriété et intelligence par Ramin Gray. Cruellement contemporaine, elle renvoie tour à tour aux problèmes des migrations et des attentats. Claire, jeune prêtre, chef d’une chorale où se retrouvent des chanteurs issus de toutes les parties du monde en une communauté idéale et réalisée, cherche à comprendre non pas ce qu’elle a vécu en survivant de peu au massacre de son ensemble par un jeune homme qui veut détruire tout ce qui est étranger mais ce qui a poussé le criminel à la barbarie.

À l’instar d’une tragédie antique, le chœur (toujours une formation locale invitée -à Vitrolles le très beau Chœur de la Maison Pour Tous) est témoin, commentateur, acteur, ourle le récit, de chants qui le parcourent de leur innocence, de leur confiance, jusqu’au superbe temps final, bouleversant dans sa pureté mélodique. Entre réalité et fiction, actualité et distanciation théâtrale, la pièce sait aborder avec une sensible pertinence un acte sidérant, poser des mots sur l’indicible, tenter de mettre du rationnel dans ce qui nous échappe. Claire (merveilleuse Romane Bohringer), dans sa quête pour comprendre, approcher l’assassin (Antoine Reinartz qui endosse avec une aisance circassienne tous les autres personnages) va tout perdre ; chemin de dénuement, de dépouillement, de sainteté… La tragédie est là, actuelle, dans cette faille où la raison n’est plus, bouleversante d’humanité.


38 critiques spectacles

Maudit soit Peer Gynt

P

ourquoi Peer Gynt d’Henrik Ibsen créée en 1876 n’a-t-elle pas pris une ride ? Pourquoi la quête de Peer et sa malédiction résonnent-elles encore aujourd’hui ? Parce

© Arnaud Bertereau

que Peer est dans le même temps un héros, un mortel et un mythe. Parce que l’adaptation et la mise en scène de David Bobée agissent comme un feu d’artifices avec son tourbillon d’images, de récits, de musiques, de folies scéniques sans jamais perdre de vue l’essentiel de la trame originelle. L’affabulation, la quête de soi, la lâcheté. Portée par une troupe aussi éclectique que magnifique dans sa présence inspirée, la pièce repose

sur la brillante performance de Radouan Leflahi, d’une sincérité troublante dans tous ses états. Effronté, farouche, vaurien, bagarreur, baratineur, imposteur pris au piège de ses propres mensonges. Avec la frénésie de la jeunesse, il mord goulûment dans une vie qui ne pourra jamais lui donner le bonheur tant il se vautre dans la veulerie, la tromperie, la violence, le déni malgré toute l’attention d’une mère aimante. Mais lucide :

A Vif © Nathadread

Plaidoiries à vif !

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’autobiographie de Kery James, Banlieusard et fier de lettres, sert de prétexte à un duel entre celui qui porte haut les couleurs du rap depuis vingt ans et le comédien Yannik Landrein. Avec la voix off de Jean-Pierre Baro, comédien et metteur en scène formé à l’ERAC, fan de la première heure de ses albums. Dans un dispositif a minima (une longue table, un écran, deux chaises et deux pupitres), deux avocats s’affrontent autour d’une question centrale : « est-ce que les Français ont les dirigeants qu’ils méritent ? ». Arguments contre démonstrations, les deux adversaires vont déployer ruses, invectives et humour cynique dans deux plaidoiries inversement attendues à la couleur de leur peau, balayant les préjugés d’un revers dialectique. État, République, Démocratie, Citoyenneté sont passés au crible par le « black des banlieues » et le « bourgeois blanc de Neuilly » qui rebattent les cartes à leur manière, piochant dans leurs notes, l’un citant le Petit Larousse l’autre l’écrivain argentin Julio Florencio Cortázar !


39 « un cochon de fils comme toi ! »… Son destin est cauchemardesque et ses rêves inaboutis, car celui qui se croyait roi ou empereur terminera sa course dans une solitude effroyable. David Bobée crée un théâtre cinématographique dans lequel le spectateur plonge avec délectation durant 3h40, excepté quelques « minuscules longueurs », et son immersion est totale dès le rideau levé. Dans une ambiance de fête foraine où les montagnes russes ont remplacé les montagnes norvégiennes, les scènes s’enchaînent en une succession de tableaux vivants ; c’est la place du cirque avec sa danseuse et son musicien, la place du village avec son forgeron, la cour de ferme à l’orée d’une noce, la montagne peuplée de trolls, l’antichambre d’une société du CAC 40, un bateau dans la mer du Nord. David Bobée et ses compagnons de théâtre chevauchent avec fougue la monture de Peer qui court au devant de son destin, aveuglé par son individualisme triomphant. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Peer Gynt a été joué les 8 et 9 février au théâtre Les Salins, scène nationale de Martigues

Qui de Yann Jaraudière et Souleymaan Traoré remportera le concours d’éloquence de la petite conférence ? Difficile à dire car les deux tribuns prennent à partie le public, à bon escient et au bon moment, qui réagit au quart de tour et n’hésite pas à s’exprimer à voix haute. À chaud et en direct, la partie de ping-pong fonctionne à merveille car chacun tient le rythme avec une verve piquée d’humour et de saillies, avec des séquences slamées entrecoupées de projections vidéo, sur le ghetto, la pauvreté, la rue, la discrimination, les affamés du pouvoir, l’éducation. Jean-Pierre Baro a donc visé juste, qui transforme le théâtre en agora et œuvre au dialogue avec le public. M.G-G

À vif a été joué le 13 février au Liberté scène nationale de Toulon 20 et 21 mars Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org

La voix de son Maître

© Pierre Grosbois

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elire Madame Bovary à voix haute, quel pari osé ! Le metteur en scène et dramaturge portugais Tiago Rodrigues s’en empare et réussit une pièce à l’extrême limpidité là où l’on pouvait craindre l’inextricable car « sa » Madame Bovary est un entrelacs de voix, de langes, d’écritures. Prenant prétexte du procès intenté contre Gustave Flaubert en 1856 pour immoralité, Tiago Rodrigues réécrit l’histoire, mêlant les procès-verbaux des audiences, la correspondance entre le romancier et l’amour de sa vie, Elisa Schlesinger, et quelques extraits du célèbre roman. L’artistique, le politique et le privé ne font plus qu’un. La démarche est habile, la visée est juste : interroger la porosité entre ces espaces prétendument étanches, mettre en débat l’immunité de l’art, la censure, et, selon l’expression contemporaine, « le politiquement correct ». Comme est pertinente et joyeuse la mise en abime sur scène : sur un sol jonché de feuilles blanches éparses sans cesse foulées ou brandies (pages du roman, actes du procès…), les comédiens embrassent leurs personnages à pleine bouche. Avec espièglerie, fraicheur, et une totale conviction. Tout se joue dans la salle du tribunal. Les amours adultères d’Emma, son alanguissement dépressif, la fidélité de Charles, jusqu’à l’ennui mortel de la vie provinciale. Mais, surtout, l’expression d’une droiture morale bafouée aux yeux de la société bourgeoise. Avocats de la défense et de l’accusation, Charles, Gustave, les amants Léon et Rodolphe, Emma prennent vie - du rire aux larmes et de la valse à la transe techno - dans un espace ouvert, éclaté, simplement fragmenté par quatre paravents mobiles. D’épaisses loupes filtrent la lumière, grossissent le ridicule des accusations, examinent les mystères du cœur…

Mais n’est-ce pas là, justement, l’objectif du procès : ausculter chaque détail de la vie d’Emma pour juger la parole licencieuse de l’écrivain ! M.G-G

Bovary a été joué les 16 et 17 février à Châteauvallon scène nationale, Ollioules et les 21 et 22 février au Théâtre d’Arles


40 critiques spectacles

Scènes d’intérieur

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ue se passe-t-il pendant 20 ans, 30 ans, lorsqu’on est enfermé ? Tous les jours la même chose ? Rien à faire -rien à dire ? Didier Ruiz, metteur en scène d’un théâtre qui vient recueillir la parole pour la restituer telle quelle sur le plateau, entre témoignage et acte artistique, a rencontré pour sa dernière création des anciens détenus. Ils ont tous les quatre une longue expérience de la prison. Des flots à déverser, des monceaux à partager. Il y a aussi Annette, compagne de l’un d’eux, envers du dedans, qui raconte la détention en creux, celle vécue par les proches, l’amour en pointillés, quelques minutes au parloir, et tout le reste du temps les larmes qui ne peuvent plus couler. Il y a peu, Joël Pommerat présentait le travail accompli avec les détenus « longue peine » de la Centrale d’Arles (voir Zib’ 114). Sur scène aujourd’hui, des « anciens » : récidivistes ou « sorties positives ». Sur fond de grève des surveillants, projets de nouvelles prisons, augmentation du nombre des prisonniers (tandis qu’ailleurs en Europe, les chiffres baissent), le monde artistique réagit, s’engage, dénonce. Le public suit. Découvre. Pendant une heure et demie, les cinq « innocents » (Didier Ruiz les appelle comme ça, ces comédiens qui n’en sont pas, qui parlent brut

pauvres, d’avoir voulu résister à une société qui les aiguillait toujours dans le même sens, de s’être débrouillés avec les moyens du bord, d’avoir voulu s’évader, d’avoir espéré autre chose. 35 ans d’enfermement, 9 ans à l’isolement total, interdiction d’assister à l’enterrement d’un père, fers aux pieds et bras entravés devant la tombe d’un fils, 27 prisons en 19 ans, auto arrachage de dents, grève de la faim. La liste est longue, les mots déchirent. Les regards ne cillent pas. Ceux-là ont résisté. Écoutons-les pour mieux entendre les autres. ANNA ZISMAN © Emilia Stéfani

et bref), face public, les pieds écartés, le dos droit, racontent. Et même si on s’était préparé à entendre du dur et du lourd, on était loin du compte. Très loin… Dès les premiers instants, on pénètre dans un monde inconcevable, où l’absurde le dispute à la violence, où les lois se dissolvent dans l’arbitraire. Démesure et effroi. Ils sont tous coupables d’être nés

Une longue peine a été joué au théâtre sortieOuest, à Béziers, les 9 et 10 février. La réalisatrice Stéphane Mercurio a suivi l’élaboration du spectacle, qu’elle restitue dans Après l’ombre. Sortie en salles le 28 mars En avant-première à Montpellier le 23 mars (voir P 77)

Cauchemar en famille

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illiam T. Vollmann se lançait dans le siècle en publiant, chez Actes Sud, l’un de ses écrits les plus tonitruants. En 2000 sortaient les 1000 pages gargantuesques, sadiennes, effrayantes et fascinantes de La famille royale, incursion © Simon Gosselin infernale et biblique dans l’underground de San Francisco, hanté par les prostituées et le crack, les pédophiles, les indics, les mac, les clients aussi fauchés et défoncés que les filles, les fœtus abandonnés, doublée d’une fresque au cynisme désenchanté au pays du capitalisme, ses cocktails, ses lignes de coke, sa loi de l’offre et de la demande, ses costumes Hugo Boss et ses sacs Prada. Deux gourous naviguent sur ses eaux poisseuses. Dans les bas-fonds, c’est Maj (pour Majesté), la « Reine des putes », qui règne sur les trottoirs,

terrible et salvatrice, sans passé, pleine d’une compassion christique. Dans les lofts et les bureaux, John Brady prophétise un avenir plus noir encore : la vanité de l’existence, l’avilissement, l’obsolescence de tout et tous. Et pour siphonner toujours plus le suc, dépenser plus, gagner plus, il projette d’ouvrir un bordel virtuel, où les naufragés des open space pourraient assouvir leur fantasmes les plus terribles. Pour cela il va falloir trouver Maj et sa famille déglinguée.

Thierry Jolivet et sa Cie La Meute nous entraîne dans le tourbillon. Les 9 comédiens et les 3 musiciens du groupe lyonnais Mémorial* occupent un plateau survolté, où les mots s’entrechoquent dans une orgie du verbe, les corps se livrent et se volent, les histoires se croisent, les sons déchirent les dialogues. La scénographie marque les deux mondes, le clinquant et le sombre, avec des éléments qui sans cesse tournent pour signifier qu’on est ici ou là. Au fond, chant, guitare et batterie soulignent le trait. L’esthétique est réaliste, le découpage dramaturgique évoque un récit de BD, on passe d’une case à l’autre, l’espace s’élargit pleine page ou se multiplie dans des cadres simultanés. La langue sulfureuse de Vollmann dégouline et étourdit, masturbation lexicale. L’Ancien testament surplombe cet ensemble apocalyptique. L’expérience théâtrale n’en est pas pour autant sublimée. A.Z.

La famille royale a été joué au Théâtre de Nîmes les 6 et 7 mars


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Radio thérapie

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à, maintenant, il y a des gens qui écoutent On traversera le pont une fois rendus à la rivière. Mathilde Maillard et Sébastien Vial (co-créateurs, avec Antoine Defoort et Julien Fournet), muets, au moyen de panneau messages qu’ils font défiler façon témoignage douloureux sur YouTube, nous expliquent que tout est radio-diffusé via Internet, que 17 auditeurs sont en ce moment même à l’écoute. Heureusement, la salle d’hTh est pleine, on se sent moins seuls. Mais, étrangement, le déséquilibre entre public présent et public invisible persiste tout au long de la pièce, qui s’adresse à ceux qui ne sont pas là : tout est

© Simon Gosselin

fait pour qu’une interaction opère entre scène et ailleurs fantasmés, devant des spectateurs finalement laissés de côté. Le dispositif invite à une communion quasi spirituelle, autour de (petits) événements que les trois comédiens (avec Arnaud Boulogne) partagent avec la poignée d’auditeurs. Le public présent assiste à une pièce en différé. Quelque chose se passe, qui nous renvoie à notre condition de spectateurs, pendant que, peut-être, émotion et aventure pénètrent dans le domicile des 17 personnes qui se sont connectées ce soir sur le site de la Cie L’Amicale de production. Mathilde, qui se fait appeler Brigade, tombe en

panne. Il fait nuit, elle abandonne sa voiture, et tombe sur deux hommes qui émettent, comme autant de bouteilles à la mer, des sensations, des moments à vivre ensemble : une émission de radio. Tous les trois se livrent à des exercices d’auto suggestion pour pénétrer les intérieurs des auditeurs (« Il y a une plante à droite du canapé ? Oui ? Et à gauche, c’est la bibliothèque à CD ? Vous avez du Lou Reed ? »), qui répondent via leur ordinateur par « oui », « non », ou « heu… ». Entre transe (répéter 50 fois Brigade, pour que le mot prenne une allure poétique) et personnalisation des objets qui peuplent les espaces domestiques (« Plante est là, qui toujours te regarde et t’entend »), le spectacle approche quelque chose de nos moyens détournés pour tenter de vivre ensemble. D’ailleurs, les buches électriques s’allument : ce sont les auditeurs qui sont intervenus. Jouer à avoir froid. Jouer à se faire réchauffer par des spectateurs invisibles. On dirait que c’est du théâtre. ANNA ZISMAN

On traversera le pont une fois rendus à la rivière a été joué à hTh, Domaine de Grammont, Montpellier, les 8 & 9 février Expérience à vivre via Internet lors de chaque représentation : s’inscrire sur ontraverseralepont.com

Pièce de collection

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héo Mercier, artiste plasticien, élabore un travail autour de l’objet : il les assemble, bouscule les contextes, leur invente une (autre) histoire ; il procède à des greffes, il les anthropomorphise. Les objets sont ses compagnons, inspirateurs, matière à récit, il les emballe et les nous les rend intelligibles. Depuis quelques années (magnifique Radio Vinci © Martin Argyroglo Park, présenté l’an dernier à hTh), il s’affranchi sa propre collection, au point d’en oublier des genres, invite son univers à s’épanouir au sa fille, d’oublier de lui envoyer les cartes spectacle vivant. La fille du collectionneur est postales qu’il lui adressait, retrouvées dans un hybride entre les deux langages. Les objets son bureau. Il a depuis disparu (s’est-il sui(d’art) y sont rois, les humains sont réifiés, cidé, comme ses écrits le suggèrent ? s’est-il la vie passe des uns aux autres, le souvenir seulement échappé de l’étouffante charge s’ancre au creux d’un fauteuil, dans un tiroir, paternelle ?) et sa fille ploie sous la charge les corps se rigidifient, et se révoltent pour de la collection. On assiste à un pantomime exister au-delà de la tyrannie de l’exposition. de vente aux enchères, où elle (excellente De la filiation, surtout, car il s’agit bien ici Marlène Saldana) se transforme en table d’héritage, matériel et familial, celui d’un père Art nouveau, en chandelier, en divan, tandis qui semble lui s’être totalement perdu dans que la voix, parfaite de détachement classieux,

de Jonathan Drillet (qui a écrit les textes avec Marlène Saldana) égraine les formes, les styles, les époques. Et subrepticement, la vie s’invite, sort littéralement du cadre. Dans la description du tableau Danse sous l’empire de la peur (Paul Klee), il est question d’un personnage qui voudrait s’échapper, qui se cogne contre le bord. Alors la narration s’impose : le père absent-écrasant, sa fille annihilée par la matérialité des souvenirs, la folie qui rode parmi les fantômes. Le décor (Théo Mercier et Arthur Hoffner) se dévoile peu à peu, monumental, abri pour l’inconscient collectif. Et François Chaignaud, véritablement subjuguant, ressuscite la complexité de l’absent. Si les murs ont des oreilles, les objets recèlent bien nos histoires les plus intimes. A.Z.

La fille du collectionneur a été joué les 10 et 11 mars à hTh, domaine de Grammont, Montpellier


42 critiques spectacles

C’est (pas) de la danse ! et c’est tant mieux

La quarantième édition des Hivernales fut une indéniable réussite publique et artistique, démontrant la variété esthétique de la danse d’aujourd’hui, jusqu’à ses frontières

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a valeur n’attendrait pas le nombre des années ? Visiblement l’expérience des festivals et la culture chorégraphique d’une équipe de programmation, ça compte. Car si toutes les propositions n’étaient pas également passionnantes, chacune risquait, à son endroit, la recherche et la création. Quitte à déconcerter ceux qui s’attendent à « de la danse ».

Grands spectacles En ouvrant et clôturant par des spectacles qui rassemblent, les Hivernales ont rempli les grandes salles de la Fabrica et de l’Opéra Confluence : pour commencer le 2 février Minuit, la danse circassienne de Yoann Bourgeois, désormais codirecteur du Centre Chorégraphique de Grenoble, jouait du pouvoir comique de la chute, et onirique de l’envol ; l’autre codirecteur de Grenoble, Rachid Ouramdane, faisait, pour clore le festival le 3 mars, danser le Ballet de Lorraine. Courir plutôt, dans un désordre feint et une belle harmonie de rouges, pour former des lignes, des ellipses et dessiner sur le plateau

des figures où chaque danseur est un élément d’un groupe en mouvement, comme dans les vols d’oiseaux migratoires.

Souvenirs Le même principe collectif était à l’œuvre dans Record of ancient things de Petter Jacobsson et Thomas Caley, directeurs du Ballet de Lorraine : il s’agissait, à partir des impros de la talentueuse troupe en baskets, de se souvenir des sauts, tours et déboulés académiques, de les exécuter à toute allure, répétitivement, puis enfin de s’essayer au contact, et à l’écartèlement collectif... Mais si les moments véritablement chorégraphiés de la fin étaient fascinants, la première demie heure s’étirait en longueurs sans écriture : pourquoi ces longs souvenirs brouillons d’un classicisme mort ? La « nouvelle danse », celle des années 80, le serait-elle autant ? Daniel Larrieu, son rapport doux au corps, au geste naturel, son côté pop parfois, abstrait toujours, sa fascination pour la transmission de la phrase

chorégraphique juste... son univers a longtemps permis une respiration à la virtuosité et à l’expressivité des autres. Mais son Littéral l’est sans doute trop, avec ses 60 balais pour fêter son anniversaire, une musique sèche et froide, cinq danseurs en rose qui reprennent et multiplient ses mouvements sans rien exprimer que leur combinaison. Essoufflé ?

Furieuses Maguy Marin, qui appartient à la même génération, tient un propos autrement radical. 2017 est de notre temps. Direct, comme un coup de poing. Ses interprètes dansent à peine, au début, comme sur un dance floor policé, puis ils s’harnachent de sacs de shopping, de marques, de firmes, de fausses dents trop blanches, de chapeaux en formes d’églises ou de chars, dollars au poing, symboles sans ambiguïté d’une élite profitant du libéralisme sur le dos des ouvriers, des femmes, des vieux, des damnés de la terre. Les images sont d’une force à couper le souffle, le sol se peuple de tombes, les loups s’y faufilent, la musique


43 d’un quotidien qui ouvre la porte à l’utopie est une vraie réussite ; Georges Appaix continue d’interroger la parole dansée, et le couple diffracté en 6 danseurs, dans What do you think ; Mon corps Palimpseste d’Eric Oberdorff joue de mystère : les danseurs évoluent autour de cocons de tissus, cherchant à faire corps ensemble. Quant à Naïf Production, en résidence aux Hivernales, les deux chorégraphes ont chacun à leur manière touché à l’essence de la danse : Mathieu Desseigne en offrant sa chair partiellement, par bribes éclairées lentement, jusqu’à l’abstraction (La chair a ses raisons), Sylvain Bouillet en dansant avec son fils, petit garçon de 7 ans. Essence du spectacle, de la danse, dans sa façon de n’incarner que soi, sans distance, ce qu’aucun adulte n’est capable de faire : rien n’est plus miraculeux qu’un enfant sur une scène. Charlie capte tous les regards : son père ne le fait pas danser, ils évoluent ensemble comme pour jouer, s’étreindre, se repousser aussi, s’agacer. Ils dansent vraiment, explorant la relation père fils comme un nouveau pas de deux, à inventer, acrobatique, émouvant, disant la paternité qui écoute, la tendresse, le rêve, l’éveil et l’autorité bienveillante. Tout un monde chorégraphique à explorer ! Deux mille dix sept © David Mambouch

lamine, les noms de tous nos oppresseurs milliardaires s’inscrivent dans le décor, comme un mur infranchissable où les ennemis sont enfin désignés. Magistral, dans la forme, le rythme, la force et la clarté du propos. Le Jaguar de Marlene Monteiro Freitas est tout aussi sauvage, portant lui aussi ses coups sur l’élite en tenue de tennis surmaquillée et délétère. Avec Andreas Merk elle produit une performance criarde, déjantée, où les mouvements sont toujours excessifs, nerveux, où les corps semblent des mécaniques, des marionnettes en proie à des saccades, à une folie salvatrice qui s’acharne à détruire jusqu’aux références artistiques, Blaue Reiter, Sacre du printemps, qui envahissent la scène pour mieux succomber à la fureur. Long parfois, mais comme un excès nécessaire.

Aux marges Il y avait aussi Phasme, de Fré Werbrouck, où la danseuse belge coincée dans une table bouge inlassablement les bras provoquant, malgré de belles lumières parfois, un profond ennui : l’absence de danse ne suffit pas à faire spectacle... En revanche les compagnies de la région ont brillé : Ex Nihilo, habitué à la rue, a transporté sur scène son propos politique et poétique : Paradise is not enough, centré sur l’évocation

Escalier Corps en état de veille secoués de brefs soubresauts, pénombre insistante, mouvements à angles vifs, lente apparition des danseurs, boucles sonores, danse robotisée quand la musique techno prend son envol... la création de Liam Warren, Intersum -littéralement « je suis à l’intervalle »-, est un objet plus conceptuel que chorégraphique. Le chorégraphe confronte ses trois interprètes à un grand escalier mobile, tour à tour échafaudage, cage, tremplin, qui les conditionne et les emprisonne. Difficile d’atteindre le sommet, d’y garder l’équilibre, de combattre le vertige, de s’élancer sans file ! La danse abstraite, presque désincarnée, est une valse d’hésitations que les corps, entravés dans leurs mouvements, subissent : l’immobilisme contraint est une aliénation. On ne saura pas si Intersum met en jeu des robots ou des humains tant sa composition est ordonnancée et structurée, et son propos rationnel. Ici pas d’affect ni de palpitations, pas de chair ni de peau. Les corps, habillés à la manière des fleurettistes, sont en guerre contre le vide. Le rythme est hypnotique, l’esthétique lunaire, mais la pièce, concise et techniquement irréprochable, met à rude épreuve la capacité de résistance du spectateur face à la lenteur calculée du mouvement.

Plastoc La première pièce jeune public créée par Christian Ubl, H & G, librement adaptée du conte Hansel et Gretel des Frères Grimm est « croquignolesque » ! Doit-on vraiment pour parler aux enfants, se déguiser, jouer avec des bouées en plastique en forme de sucettes et de bouteille de Coca Cola, emprunter leurs expressions et exagérer leurs postures ? S’il veut « mettre la junk-food au cœur de l’adaptation du conte », sur le plateau, c’est carrément indigeste. Danse gesticulée, narrateur lourdement impliqué dans le jeu, mimes, grimaces, vocalises et bruits de bouche, roulades, sauts, vraie fausse ingénuité… on s’interroge sur le second degré ! Seule l’arrivée des sorcières, à la manière d’un derviche tourneur, projette les enfants au cœur du conte, apeurés mais heureux d’être invités sur scène à les réveiller pour les rendre éternellement aimables.

Reflet Christophe Béranger et Jonathan Pranlas-Descours (Cie Sine qua non Art) n’hésitent pas à s’aventurer dans des contrées méconnues. Pour Versus ils se sont associés au plasticien marseillais Étienne Rey qui sculpte la lumière et l’espace avec d’immenses lames de plexiglas qui diffractent les rayons colorés qu’elles reçoivent. Les deux danseurs y évoluent, d’abord l’un après l’autre puis ensemble ou plutôt côte à côte. Ils suivent les déplacements de la structure plastique qui partage l’espace scénique et crée des anamorphoses des mouvements : les danseurs se confondent avec leur image... Les déplacements, d’une grande lenteur, étirent les corps qui s’enroulent ensuite au sol. La création musicale de Damien Skoracki oppose musique baroque et électronique et un chanteur lyrique ajoute encore à l’étrangeté du climat. Tout déstabilise le spectateur, emporté par cette très belle proposition. AGNÈS FRESCHEL, MARIE GODFRIN-GUIDICELLI ET CHRIS BOURGUE

Retrouvez les critiques de Rock’n chair d’Arthur Perole et de Etude(s) de chute de Michaël Allibert et Jérôme Grivel sur journalzibeline.fr

Les 40e Hivernales se sont déroulées du 2 février au 3 mars à Avignon, Cavaillon, Vedène Intersum a été créé le 8 février à Klap Maison pour la danse, Marseille H & G a été donné le 20 février au Théâtre de Fos (durant Les Elancées), et du 22 au 24 février au Massalia, Marseille Versus a été créé le 22 février à Klap Maison pour la danse, Marseille


44 critiques rencontres

Accueillir les vagabondes et la conférence abécédaire destinée au jeune public, qui complétaient ce Grand format, ont également fait le plein. C’est dire si la parole de ce paysagiste, théoricien du « Tiers-Paysage », élément du « Jardin Planétaire » qui désigne les espaces de plus en plus restreints où l’homme laisse l’évolution des lieux à la seule nature, était attendue. À mesure que les © Gaëlle Cloarec interrogations liées à la destruction de e 13 février, il fallait arriver tôt pour trouver l’environnement se font plus anxieuses, le désir une place encore libre dans l’auditorium de participer à une réflexion de fond sur nos de la BMVR Alcazar : la venue de Gilles pratiques devient plus prononcé. À Marseille Clément, invité par Opera Mundi à donner se crée d’ailleurs une Cité de l’Agriculture*, une conférence dans le cadre de son cycle pour fédérer circuits courts, jardinage urbain, Le vivant dans tous ses états, a drainé un permaculture, agro-foresterie et mille autres large public. À tel point qu’il a fallu prévoir propositions concrètes. une projection dans le hall d’entrée de la Selon Gilles Clément, la planète entière peut bibliothèque, pour accueillir les visiteurs en être regardée comme un jardin, soit « un rêve : surnombre. Les ateliers philo adultes et enfants, le lieu où l’on place ce que l’on veut protéger ».

L

D’après lui, « certains ne le savent pas, tous ne sont pas bons, mais les habitants de la Terre sont des jardiniers ». Un optimisme qui n’empêche pas la lucidité du constat ! À Dubaï, en plein désert, on cultive irrationnellement toutes les fleurs du monde, on répand de la neige sur des pistes de ski artificielles. En Californie, où il ne pleut plus sous les effets du réchauffement climatique, on peint les sols en vert pelouse. « Savez-vous qu’il faut aussi arroser les gazons en plastique, sinon ils brûlent sous le soleil ? » Le paysagiste recommande, pour quitter le « stupidocène », de se débarrasser de l’illusion de la maîtrise ; déplorant que le culte des machines et de la chimie soit encore enseigné dans les lycées agricoles. Et suggère « d’accueillir les vagabondes », ces plantes qui poussent spontanément dans nos interstices. GAËLLE CLOAREC

* cite-agri.fr

Vues d’artistes

C

onsidérer les Calanques comme territoire de science et source d’inspiration. C’est l’ambition qui a prévalu lors de la mise en place d’une résidence de recherche organisée par la Fondation Camargo, le Parc National des Calanques et l’Institut Pythéas (AMU/ CNRS/IRD). Suite à une réflexion menée avec le paysagiste Gilles Clément (lire ci-dessus), un appel à projet international a été lancé, et huit artistes ont été sélectionnés : Ryo Abe, Julien Clauss, João Modé, Nicolas Floc’h, Frank Gérard, Lisa Hirmer, Katie Holten et Shanta Rao. Invités à travailler sur le rapport homme/nature, ils ont présenté le fruit de leurs réflexions lors d’une Journée portes ouvertes, le 10 février, sur le site de la Fondation Camargo à Cassis. Les visiteurs se sont pressés dans ces beaux espaces, bâtiments et jardins dominant la mer, chaque artiste répondant volontiers aux questions. Parfois en anglais non traduit, hélas, dans le cas de l’irlandaise Katie Holten, qui a dessiné un intrigant « alphabet inconscient » du paysage. La lumière somptueuse des calanques, sur terre ou perçant sous les flots, a de quoi inspirer ! Mais la démarche du projet ne consistait pas à esthétiser un lieu, si magique soit-il, sans en éluder les graves problèmes écologiques.

Alphabet inconscient des calanques - Katie Holten © G.C

Le travail le plus abouti s’est révélé être celui de deux photographes, Franck Gérard et Nicolas Floch. Le premier s’est lancé dans une documentation visuelle des « espaces de frottement » entre l’homme et la nature, les conflits d’usage étant... d’usage sur le littoral méditerranéen. Le second, qui « espère pouvoir continuer sur tout le Parc un projet au long cours », s’est plus particulièrement penché sur les récifs artificiels sous-marins. Les trois tableaux monochromes de Julien Clauss, réalisés avec des « boues rouges » -pigments

issus de l’usine Altéo (cf Zibeline n°93), qui continue de déverser ses toxiques dans le canyon de Cassidaigne- étaient sans doute une façon de représenter un monde étouffant sous la pollution. On a été moins convaincus par la démarche de Shanta Rao : pour évoquer les méduses, elle a travaillé une matière irisée à base de peinture navale, particulièrement nocive. Le FRAC PACA exposera un rendu de résidence sous forme de plateau expérimental, jusqu’au 8 avril. G.C.


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ascale Petit, invitée en résidence à La Tour d’Aigues par l’association Nouvelles Hybrides, arpente les genres à travers plus de vingt publications. Lors de la rencontre organisée dans la médiathèque Les Carmes (Pertuis), elle offrait une lecture d’extraits de son ouvrage poétique Le Parfum du jour est fraise (éditions de l’Attente, 2015). Sa voix précise aux inflexions sobres (intonations « d’aéroport », de « coaching », de « performeuse ») laisse transparaître un humour décapant, subtil. La ponctuation nerveuse aiguise le texte, qui parfois s’évade en expressions anglaises, entre les larges nappes de respiration et le vertige des accumulations. L’adresse permanente au lecteur, cet autre indispensable de l’exercice littéraire, accorde une théâtralité, une connivence, mais aussi, par l’abondance interrogative et impérative, le met en demeure. S’exacerbent alors les angoisses générées par un univers construit à base de tests de personnalité, amplifiés au

Pascale Petit à la Médiathèque Les Carmes, Pertuis, février 2018 © M.C

Des règles du jeu

point d’être rendus délirants. Les logiques poussées à l’extrême nous renvoient à une analyse du monde contemporain, à ses manipulations, sa cruauté, sous couvert de questions engageantes, de formules de « management » ou de « relaxation ». « Je ne suis pas un objet, mais un projet » (sic !)… Il

y a du Flaubert, son Dictionnaire des idées reçues notamment, dans ce travail qui semble rassembler les parts hétéroclites de tous les clichés qui régissent les discours censés nous informer et pourtant nous éloignent du sens à force de le traquer, de chercher à tout définir à travers des « grilles de lecture » qui déforment la réalité… à quelles fins ? Légèreté et profondeur se mêlent ici en un portrait inquiétant du monde. Détournement ? « De toute façon pour moi, la littérature est un détournement » sourit Pascale Petit, « il y a toujours une transposition de la réalité dans l’espace d’un livre, chaque fois le décalage est différent, le propre de l’œuvre d’art est de décaler, de décaper, j’aime bien le terme de décapage par l’écriture ». Nous aussi ! MARYVONNE COLOMBANI

Rencontre avec Pascale Petit le 17 février à la Médiathèque Les Carmes, Pertuis


46 critiques musiques

Per un barbier di qualità !

L

a nouvelle production du Barbier de Séville, représentée à l’Opéra de Marseille au mois de février, est de ces réussites dont on doit parler. De fait, elle permet à un profane d’adhérer d’emblée à un spectacle, une œuvre, un univers qui resterait, sans ses qualités singulières, plus distant à sa perception et son plaisir. Certes, la musique de Rossini © Christian Dresse 2018 est facile d’accès : sa machinerie rythmique huilée, ses airs enlevés, voire jingelisés (Fiiii... garooo !!)... De même, la comédie originelle de Beaumarchais possède des ressorts dramatiques qui ont fait leur preuve. Cependant, donner Il barbiere di Seviglia dans son jus d’il y a quelques années (scénographie, décors, costumes, mise en scène, postures parfois poussiéreuses...) n’est plus possible

aujourd’hui. C’est en partie grâce à l’inventivité virevoltante de Laurent Pelly (et son équipe) qu’on doit cet attrait. Le cocon scénographique dans lequel il place ses interprètes est illico accrocheur, fascinant : une déclinaison de partitions, portées musicales vierges ou non, servent de décors, de barreaux ou rambarde... Des panneaux s’ouvrent ou s’enroulent autour

des artistes, s’accessoirisent... c’est poétique et efficace ! On est plongé dans un monde abstrait où, in fine, règne... la MUSIQUE, et dans lequel le jeu des acteurs/chanteurs s’exprime pleinement. C’est l’incarnation de Figaro, puissante, impressionnante de Florian Sempey qui emporte l’adhésion avec aussi, en contrepoint, celle de Rosine endossée par Stéphanie d’Oustrac, tout à fait crédible en jeune pupille séquestrée qu’on rêverait d’enlever. Son mezzo grimpant habilement se moule dans les exigences vocales horsnorme du rôle. Philippe Talbot (Almaviva), Pablo Ruiz (Bartolo), Mirco Palazzi (Basilio) Annunziata Vestri (Berta), Mikhaël Piccone (Fiorello), les messieurs du Chœur de l’Opéra (préparés par Emmanuel Trenque) complètent un drôle de plateau emmené avec maestria par Roberto Rizzi Brignoli à la tête de l’Orchestre-maison. Un barbier au poil ! JACQUES FRESCHEL

Il Barbiere di Seviglia a été représenté à l’Opéra de Marseille du 6 au 15 février

Chanter le genre !

F

ort d’un parcours créatif entamé il y a plus de vingt ans, enrichi de rencontres avec les arts de la scène, du théâtre, de la danse et du cirque, l’ensemble Télémaque proposait en février, à l’Odéon à Marseille, un nouvel opus dont il a le secret. Étrange objet que cet opéra bouffe intitulé Le Baron de M. ! Sa musique et son livret (collaboration avec Charles Eric Petit) ont été conçus par le directeur artistique de la compagnie musicale, Raoul Lay. Son propos s’inspire du © Pierre Gondard récit des aventures rocambolesques du Baron de Münchhausen imaginé par R. E. Raspe au XVIIIe siècle, comme pour Le Chevalier déconcertant, spectacle présenté dans les éditions précédentes du festival Grandes Musiques pour Petites Oreilles. La salle est pleine de petits et grands qui s’immergent dans l’atmosphère fantastique et délirante du conte. On joue avec les mots en vue de proposer à tous différents niveaux de lecture ; on joue avec les notes pour créer

des décors sonores propres aux lieux traversés par les héros : la Vienne impériale, le palais du Pacha d’Istanbul et son sérail, un champ de bataille et ses canonnades, la lune accueillante, le ventre d’une baleine en guise de prison... On voyage avec cette musique enluminée d’accordéon, de piano et percussions, contemporaine sans en avoir l’air, au fil des dialogues chantés par Brigitte Peyré (soprano) et Alexandre Dubois (baryton), de l’errance de la flûte, du hautbois, de la

clarinette et de la trompette intégrés à la scénographie (Marie Hervé) et la mise en scène (Louise Moaty et Florence Beillacou). On s’envole avec les comédien.ne.s Agnès Audiffren et Thibaut Mullot qui se disputent l’identité de ce.tte Baron.ne-là, homme ou/et femme, hermaphrodite, tantôt séduisant la maîtresse de l’empereur d’Autriche ou incarnant la favorite du harem du Pacha... Du coup, insensiblement, c’est la question contemporaine de l’identité sexuelle que l’on aborde et que les enfants appréhendent au delà des tabous, grâce à la magie du conte. Que d’ambitions pour un spectacle en apparence simple d’accès ! Que de matières sonores nouvelles, de questions nécessaires s’imposant aux oreilles et à l’esprit des petits... mais pas qu’eux ! J.F.

Le Baron de M. a été créé les 9 et 10 février au Théâtre de l’Odéon à Marseille


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Entre héritage et nomadisme

D

ans le cadre des Matins sonnants du Gmem, l’Ensemble Musicatreize et les musiciens de l’Ircam, jouaient les œuvres d’Alberto Posadas (Voces Nómadas) et Michel Petrossian (Horae quidem cedunt). Ce dernier, sur les images du film de son compatriote Artavazd Pelechian, Les Saisons, signe une musique puissante, très ciselée, avec 12 voix a cappella qui libèrent aussi des sons populaires que le compositeur aurait pu sans doute exploiter davantage, même si les tessitures sont très complexes, de la voix lyrique à la voix plus poitrinée. La première partie s’appuie sur les Géorgiques de Virgile, et des poèmes de Philippe Mahaud. Relais permanents des voix, cris de bergers, appels incessants, le texte en latin semble structurer le discours, croisements, répétitions, tension extrême. Dans une deuxième partie, sur la fuite inexorable des saisons, l’on retrouve des articulations de la Genèse biblique ; bouches fermées, bourdons, phonèmes répétés, extrêmes graves des basses sur les aigus soutenus des soprani. Un final âpre se fait sur la phrase-titre

© X-D.R

de Cicéron : Horae quidem cedunt (Certes, les heures-saisons disparaissent). Alberto Posadas a quant à lui composé son œuvre pour 12 voix et un dispositif électroacoustique, sur un de ses textes. Jeu en tuilage hommes/femmes, relayé par les sons électroniques, agitation, bruissement de la nature, sons concrets, tout se mêle. L’informatique se fait vocale, la voix devient synthèse, troublant. Final extraordinaire, voix entremêlées fortissimo. Le traitement informatique se fait en temps réel grâce aux 2 ingénieurs-musiciens de l’Ircam, un clavier-midi Studiologic sur scène servant

de relais aux tempi du chef. Un travail de réverbération à convolution par l’Ircam (simulation numérique de la réverbération d’un espace virtuel) donne une sensation de profondeur incroyable, six haut-parleurs diffusant l’ensemble. Roland Hayrabedian, concentré, distille de ses gestes toujours sûrs départs et nuances, avec rigueur et souplesse. Du cycle des saisons de Petrossian aux voix nomades de Posadas, des sons qui fuient, se croisent, s’installent ailleurs pour trouver d’autres identités, se font symboles des réfugiés d’aujourd’hui retrouvant une place, enfin méritée, après tant d’errance pour fuir les dissonances du monde. YVES BERGÉ

Les concerts ont été donnés dans le cadre des Matins Sonnants du Gmem à l’Opéra de Marseille le 4 mars

Garder la Maîtrise !

C

omme pour de nombreuses structures artistiques de la région, le fonctionnement de la Maîtrise des Bouches-du-Rhône est menacé par un désengagement financier des collectivités territoriales. C’est pourtant l’une des vitrines de l’art vocal du Département (mais aussi de la ville de Marseille et de la Région) dont les vertus artistiques et pédagogiques sont indéniables. Dans un quartier peu « favorisé » (le 13e arrondissement à Marseille), c’est tout une jeunesse qui est formée à l’excellence, accompagnée tout au long de sa scolarité, de la Pré-maîtrise (primaire) à la Maîtrise (au collège Malraux), jusqu’au Jeune chœur (lycée et au delà). Certains talents émergent comme le jeune sopraniste Théo Imart promis aujourd’hui à un brillant avenir. On ne compte plus les collaborations fructueuses que Samuel Coquard, son directeur artistique, entretient avec les Chorégies d’Orange, le Festival d’Aix, l’Opéra de Marseille... Partout où l’on a besoin d’un chœur d’enfants entraîné, performant et sûr, on fait appel à la Maîtrise des Bouches-du-Rhône ! Fin janvier, un concert de soutien était organisé à l’église St Vincent de Paul (Réformés) à Marseille. Une fois de plus, le talent, la rigueur,

Kintertotenlieder, création 2017 du BNM avec les chanteurs et solistes de la Maîtrise des Bouches-du-Rhône © Alwin Poiana

la justesse et l’équilibre des voix (soutenues par instants par deux professionnels du chœur Asmara -Jean-Bernard Arbeit et Guilhem Bernard Chalbos- et l’orgue manié par Frédéric Isoletta) ont été au rendez-vous ! Des pièces sacrées de différents styles et époques ont brillamment résonné dans la nef : de Purcell ou Buxtehude au temps baroque, de Rheinberger ou Mendelssohn parmi les romantiques ou, plus modernes, Kodaly, Poulenc (magnifiques et difficiles Litanies à la Vierge noire interprétées au cordeau !), Fauré et son

Cantique de Jean Racine royalement donné en bis. Un programme ou de jeunes solistes se sont également illustrés : Luca Volfin, Sacha Viala, Ian Esteban Grinblat, Alia Hadjem ou Majda Boughamni... Combien il serait dommageable de perdre ce pôle d’excellence et d’intégration ! À bon entendeur... JACQUES FRESCHEL

Concert de soutien au profit de la Maîtrise des Bouches-du-Rhône donné le 28 janvier à l’église Saint Vincent de Paul, Marseille


48 critiques musiques

Voyage d’hiver

P

our changer sa formule, le Festival de Musique de Toulon proposait cette année aux mélomanes une programmation resserrée sur 8 jours avec une bonne partie des dates en résidence à l’Opéra de Toulon. Après un premier concert symphonique avec l’Orchestre de la maison en guise d’ouverture, la deuxième soirée invitait le fameux Quatuor Pražák pour un programme mêlant répertoire classique et romantique. Dans la première partie consacrée à deux quatuors de Schumann et Brahms, c’est l’écrin un peu vaste du lieu qui mettait en danger l’équilibre tonal de l’ensemble, car l’acoustique était un peu mate. L’écueil était amplifié par un premier violon à la sonorité légèrement verte, dont le jeu était plus assuré sur une écriture en homorythmie que dans les moments où sa sonorité de soliste devait se détacher par une écriture plus horizontale. Ces œuvres très romantiques dans leurs canons stylistiques étaient d’autant plus difficiles à appréhender. Dans la deuxième partie, les membres du groupe retrouvaient leur superbe accompagnés du pétillant Raphaël Sévère dans le Quintette pour clarinette et cordes en la majeur, K581de Mozart. Il y assumait avec une évidente aisance son premier rôle, tandis que le premier violon retrouvait une sonorité plus assurée et mieux fondue avec les autres membres du quatuor. Le lieu fut réinvesti lors de la venue de Kit Armstrong. Non sans humour mais aussi humilité, il présentait chaque pièce, éclairant

Nathalia Milstein © Frederic Labrouche

ainsi son programme d’explications bienvenues, peu convenues et sincères mettant à nu sa personnalité artistique. Ses interprétations de transcriptions du « Ring » de Wagner brillaient d’une éloquence rare pour montrer deux approches de la transcription diamétralement différentes : l’une de Liszt au service du piano, l’autre de Busoni totalement au service de l’œuvre orchestrale originale et focalisée sur

l’imitation. Le soliste nous offrit également l’occasion d’entendre les magnifiques et rarement entendus au concert Chants du Rhin de Bizet. Dans les Geistervariationen et Trois Fantasiestücke, op.111, l’interprète ne cachait pas non plus son émotion à jouer Schumann. La prestation fut saluée par deux rappels généreux sur les compositions de Bach, pour une soirée digne d’éloges. Pour son final, le Festival proposait la troisième édition de La Nuit du Piano. Investi par des prétendants au titre de roi ou reine des 88 touches, l’Opéra se mua en temple du clavier pour le plus grand bonheur d’un public comblé par le talent indiscutable des différents interprètes : Nathalia Milstein livra une version de référence de la célèbre Fantaisie en Ut majeur, op.17 de Schumann ; Judith Jaurégui était en lévitation sur les Estampes et l’Isle Joyeuse de Debussy ; Jean-Paul Gasparian s’érigeait en Dieu du martellement frénétique autour du Regard de l’Esprit de joie de Messiaen, et prince du legato dans les Impromptus D.899 n° 2 et 3 de Schubert. C’est à François Dumont que revenait l’honneur suprême de clôturer la soirée sur le Gaspard de la Nuit et La Valse de Ravel avec des interprétations d’anthologie. Vivement la prochaine édition. ÉMILIEN MOREAU

Le Festival hivernal a eu lieu du 9 au 17 février à Toulon

Sirène de mars

L

ucie Antunes, compositrice et percussionniste, formée au conservatoire de Marseille avant d’enchaîner les récompenses nationales, a donné un avant-goût de son prochain spectacle Bascules sur le parvis de l’Opéra lors des rituelles Sirènes mensuelles de Lieux publics. Accompagnée Bascules, Lucie Antunes © Grégoire Edouard d’un oudiste (Yadh Elyes) et d’un acrobate elle semblait donner vie par ses accélérations, danseur (Félix Carrelet), encerclée par un ses crescendos et ses scansions, au corps de dispositif de gongs, des cloches et de tubes, l’acrobate, qui risquait des équilibres et sauts

périlleux de plus en plus impressionnants, et restait d’autres fois comme cloué au sol par les sons. Le oud, paradoxalement, partageait basses et frottements avec des percussions qui savaient se faire mélodiques... Une histoire née de la musique semblait se mettre en place, entre le corps très présent de la percussionniste, les tourments de l’acrobate, les sons préparés, électriques du oud. Comme un univers mental partagé, qui donnait envie d’en savoir plus long. En novembre, lors de la création du spectacle ? AGNÈS FRESCHEL

Bascules a été créé le 7 mars à Marseille


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Et Venise danse! Ouverture de la 16e édition de Mars en Baroque : Saint-Mitre les Remparts accueille Un bal à Venise

J

ean-Marc Aymes décline la soirée en 3 parties : enjouée, plaintive, festive. Dirigeant son Concerto Soave il domine magistralement orgue, clavecin et Lautenwerk (clavier au jeu luthé), pour interpréter des compositeurs qui ont animé les soirées dansées de la Sérénissime : les Scherzi Musicali de Claudio Monteverdi en sont la clé de voûte. María Cristina Kiehr, soprano, fidèle depuis toujours, nous fait apprécier sa science du chant baroque, avec ses sons tenus et ses ornements. Simon Pierre et Anaëlle Blanc Verdin, jeunes et brillants violonistes, se jouent des tuilages, questions-réponses et anacrouses. Concert où tout s’enchaîne, du presto endiablé à l’adagio planant ! Grâce aussi à Sylvie Moquet, viole de gambe, pulsation et legato subtil, complément indispensable du continuo. Lidia épine de mon coeur, pièce très enlevée, fuse et surprend : style

concitato, alternance chant-instruments, agitation au service de la parole. Si doux est le tourment de Monteverdi, à la ligne mélodique plaintive d’un large ambitus, est orné d’arpèges luthés, transcendé par Maria Cristina Kiehr et Jean-Marc Aymes © Marie-Eve Brouet la chaleur de la viole, se concluant par une C’est donc avec succès que Mars en Baroque demi-cadence d’une étrange modernité. De a posé ses affects vénitiens hors les murs, Maurizio Cazzati, la merveilleuse Passacaille de dans la belle salle de la Manare, tout près de 1660, à partir d’une basse obstinée : la danse la Venise provençale. Prémices d’un festival à 3 temps et ses belles variations sont une exceptionnel, sous le signe de l’Amour ! YVES BERGER respiration solennelle avant le feu d’artifice de Marco Uccellini. Car La Poule et le Coucou mariés donne à entendre le combat ironique Un Ballo a Venezia a ouvert Mars en Baroque, entre les violons, leurs caquètements qui qui se poursuit jusqu’au 31 mars, le 9 mars rivalisent avec les grands accords du clavecin ! 04 91 90 93 75 marsenbaroque.com

Provocations musicales

Alan Sapritch © Laurent Ferrigno

D

rôle de personnage que celui que joue Alan Sapritch dans sa drôle de One man conférence sur les musiques actuelles, T’as vu c’que t’écoutes ?! Ni conférencier, ni prof, mais véritable fondu de musiques, de toutes les musiques (ou presque !), et passeur hors pair de ses connaissances en la matière. C’est rien moins que l’histoire de l’évolution du monde musical, du blues des années 30 à nos jours, qu’il va raconter et jouer à la guitare, accompagné de Roland, son précieux batteur numérique. Comment va-t-il s’y prendre ? Les premières phrases donnent le ton : « Comment en est-on arrivé là ? Ou plutôt, qu’a-t-on fait pour mériter ça ? », tandis que se déverse dans nos oreilles, plus ou moins sensibles, le tube du moment Despacito... Pour le comprendre il faut repartir des racines, des origines, de l’Histoire, et donc du blues. Durant deux bonnes heures il va ainsi remonter le temps, faire se succéder les styles -rhythm’n’blues, jazz, soul, funk, rock, rap, punk, house, électro...- soulignant l’épopée d’anecdotes savantes et instructives, et d’un zapping musical très fourni (quelques 120 extraits musicaux plus ou moins longs !) qui transporte le public de découvertes en

découvertes. Simple ? Non bien sûr, car il s’agit-là de sa version de l’histoire, de ses choix, mis en avant ou quasiment passés sous silence (le disco, la période yéyé en France...), avec une mauvaise fois chevillée au corps, revendiquée et hilarante ! Au-delà du panorama musical, de l’évocation de l’évolution des techniques et des esthétiques, c’est de changements sociétaux dont parle Sapritch, et notamment de l’émergence des femmes dans un milieu hétéro-patriarcal, avec un bel appel à celles qui étaient présentes ce soir-là à se réveiller et à poursuivre la prise de pouvoir… Alors bien sûr, comme il le dit lui-même « il y a autant d’avis sur la musique que de personnes dans cette salle », et autant de ressentis, de joies, de transports frissonnants ou de désapprobations. Il n’en demeure pas moins que quelques certitudes auront été subtilement titillées, suffisamment ébranlées pour provoquer discussions et réflexions à posteriori, et pour longtemps ! DOMINIQUE MARÇON

T’as vu c’que t’écoutes a été donné le 16 février au Forum de Berre


50 critiques musiques

Lydia la survivante

D

ans le décor joyeusement déglingue de la salle alternative marseillaise, les valeurs sont renversées et on n’est pas choqué que la tête d’affiche du soir débute son concert à… 23h30 ! En première partie, les Grrzzz jouent à cent à l’heure un rock totalement régressif mais finalement assez jouissif. À sa manière Lydia Lunch, 60 ans au comptoir, est aussi régressive, en mode poésie nihiliste. Avec Brutal Measures, Lydia Lunch fait toujours du Lydia Lunch. Depuis le milieu des années 70, l’artiste, qui a collaboré avec des ténors de la scène indépendante (Sonic Youth, Nick Cave, Einsturzende Neubauten) exhorte le public de son spoken word. Elle expose dans sa poésie offensive, qui doit autant à Kathy Acker qu’à Jim Morrison, les turpitudes humaines : avidité, cruauté, violence. En dentelle noire et bottines à talons hauts, la poétesse sait de quoi elle parle : victime d’inceste dans son enfance, elle fait partie de ces rares survivantes du mouvement no wave new yorkais, pionnier du punk anglo-saxon. Lydia Lunch (repas) doit d’ailleurs son nom à Willy De Ville qui avait remarqué qu’elle volait la nourriture en backstage

des concerts pour se nourrir. Ici elle sirote sa bouteille de vin blanc mais ne perd pas sa lucidité : « this planet is a fucking madness, welcome to my world » assène-t-elle avec autorité. Weasel Walter (à la batterie, pads et effets), vu par le passé avec le quatuor de free jazz cinglé Flying Luttenbachers, lui fournit un fond sonore rythmique qui décape les oreilles. La voix de pythie déjantée de Lydia, rauque et cassée, tient la distance sur 45 minutes de live. Le public du premier rang n’était pas né lorsqu’elle a commencé à performer mais paraît sensible à la radicalité de l’icône underground, désormais installée à Barcelone. Il boit son commentaire social, mâtiné de cabaret critique, qui touche au cœur des désespoirs actuels : « Ils nous appellent “sorcières” mais avant qu’ils n’inventent les dieux, nous étions simplement des femmes ». Lydia le dit elle-même : « Toutes mes chansons sont littéralement des autopsies ». Chirurgical. HL ©

HERVÉ LUCIEN

Lydia Lunch s’est produite le 22 février à L’Embobineuse, Marseille

Wynton Marsalis, le jazz à la racine classique que dans le jazz, directeur général et artistique du Jazz at Lincoln Center de New York, récompensé en 1997 du très prestigieux Prix Pulitzer de la musique pour l’un de ses 70 albums studio, il est vrai qu’à 56 ans Wynton Marsalis n’a plus grand chose à prouver. Chacune de ses interventions solo prend les allures d’une escapade, virtuose et si maîtrisée qu’elle parait, en forme de paradoxe, libérée de tout encombrement technique. Tout l’art se retrouve ainsi concentré vers la sensibilité et la sincérité de l’interprétation, à telle

enseigne que la complexité labyrinthique de la partition jouée sonne à l’oreille comme les pas légers d’une promenade sur un chemin clair. Performance exceptionnelle élevée ce soir-là au GTP au rang de règle, tant à l’égard des solos successifs de chaque instrumentiste que des parties exécutées de concert avec une alchimie absolue, proche de celle des meilleurs quartets. Une quête primordiale de pureté dans le style revendiquée par Marsalis lui-même, quitte à faire fi de l’air du temps : « La popularité n’est pas ce qui importe. Ce qui compte c’est la qualité de ce que nous faisons. » Et pourtant, au terme du concert, c’est bien une salle unanimement enthousiaste qui rappelle le Big Band. Wynton Marsalis entame alors seul La Vie en Rose, en guise de dernier hommage à son public, ravi. Ce soir assurément, il est entré dans son cœur une part de bonheur, dont il connaît la cause. LOUIS GIANNOTTI

© Frank Stewart

A

u milieu de son Big Band de 15 musiciens, Wynton Marsalis passerait presque inaperçu. Assis au dernier des trois rangs sur lesquels s’étage l’ensemble orchestral, le trompettiste fait d’abord entendre sa voix. Petit laïus de présentation, remerciements d’usage, Marsalis, loin de l’engoncement auquel semblait devoir le consigner son veston et sa cravate bien serrée, apparaît croulant de décontraction. Reconnu comme l’un des plus grands trompettistes de son temps, aussi à l’aise dans le

Wynton Marsalis & Jazz at Lincoln Center Orchestra s’est produit le 12 février au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence


au programme musiques bouches-du-rhône

Hérodiade

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Marseille, mes amours

Béatrice Uria-Monzon © Philippe Gromelle

Quintette pour piano et cordes

Inspiré de Hérodias, l’un des Trois Contes de Flaubert, l’opéra de Massenet sur un livret de Paul Milliet et Henri Grémont rappelle la fin de Saint-Jean-Baptiste. Aimé de Salomé, (Inva Mula) fille de la cruelle Hérodiade (Béatrice Uria-Monzon), Jean (Florian Laconi) sera condamné à mort par Hérode (Jean-François Lapointe), jaloux de l’amitié que lui porte le peuple, alors que lui-même en est seulement craint. Une partition vocale virtuose sous la direction de Victorien Vanoosten.

© X-D.R

C’est dans l’écrin de La Magalone, après un lever de rideau assuré par les élèves de la Cité de la Musique, que, réunis en quintette, Alexandre Amedro, Nina Pissareva (violons), Frédéric Lagarde (violoncelle), Olivier Lechardeur (piano) et Aurélie Entringer (alto), issus de l’Orchestre Philharmonique de Marseille, proposeront deux monuments : le Quintette pour piano et cordes en mi bémol majeur op.44 de Schumann et celui en sol mineur op.57 de Chostakovitch.

Pour les amoureux de l’opérette marseillaise, les amateurs des douceurs de la vie dans Un petit cabanon, certes « pas plus grand qu’un mouchoir de poche », mais délicieusement festif, le spectacle concocté par le ténor Jean-Christophe Born multipliera les bonheurs. La verve du ténor s’adjoint à la vivacité de la soprano Perrine Cabassud et à l’accordéon de Cyrille Muller. Une bouffée de fraîcheur et de gaîté.

31 mars La Magalone, Marseille 04 91 39 28 28 citemusique-marseille.com

23 mars Théâtre Municipal de Fontblanche, Vitrolles 04 42 02 46 50 vitrolles13.fr

Schumann/Marie-Josèphe Jude La grande pianiste Marie-Josèphe Jude apporte sa virtuosité et sa sensibilité à l’interprétation de deux œuvres majeures de Schumann, la Fantaisie op.17, voyage initiatique de l’amour, trouble, ascension vers la sérénité, lumière, et le cycle de huit pièces de la Fantasiestücke op.12. Palette aux subtiles couleurs que l’on retrouve dans le disque Schumann qui fête les 40 ans du label Lyrinx.

War Quintets 1918

Eric Le Sage © Neda Navaee

23 au 30 mars Opéra, Marseille 04 91 55 11 10 04 91 55 20 43 opera.marseille.fr

Là-haut

Marie-Josèphe Jude © Eric Manas

Ils sont au Paradis, élus, heureux…non ! La seule vie agréable est parisienne ! Évariste Chanterelle (Grégory Benchenafi) retourne sur terre pour séduire de nouveau sa femme, Emma (Caroline Gea). Elle suit son époux au Paradis, mais Saint-Pierre (Philippe Fargues), exaspéré, les chasse, et Évariste se réveille... Cette charmante opérette bouffe d’Albert Willemetz est dirigée par Bruno Conti dans une mise en scène de Carole Clin. 14 & 15 avril Odéon, Marseille 04 96 12 52 70 odeon.marseille.fr 9 avril Théâtre La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

Le subtil pianiste Éric Le Sage (né à Aixen-Provence) rejoint le prestigieux Quatuor Modigliani sur un programme dédié principalement à des quintettes dont l’inspiration fut liée à la première guerre mondiale. Le Quintette op.42 de Louis Vierne, dédié à son fils mort en 1918, celui de Gabriel Pierné, dédié à Fauré et composé durant ce terrible conflit. Plus tendre, enfin, la formation des cordes offrira le romantique Quatuor à cordes op. 41 de Schumann. 30 mars Théâtre Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr


52 au programme musiques bouches-du-rhône alpes vaucluse

Impressions françaises

Geneviève Laurenceau © Yvan Schawandascht

Stabat Mater Œuvre lyrique aux élans enthousiastes, le Stabat Mater de Rossini transporta son public lors de sa création et s’attira les foudres des partisans d’une morose gravité. Le Chœur Amadeus s’attache à cette pièce avec le pianiste Pierre Contat et Nicolas Dolce aux percussions, sous la direction de Mireille Abram Bonhomme. Les délicates envolées solistes seront interprétées par Isabelle Escalier (soprano), Karine Magnetto (mezzo-soprano), Jacques Calatayud (baryton basse).

Le concert violon piano Impressions françaises réunit deux des plus brillants artistes de leur génération, la violoniste Geneviève Laurenceau et le pianiste David Bismuth, sur un programme essentiellement composé de sonates de musique française, Sicilienne de Fauré, Sonate n°1 et Danse macabre de Saint-Saëns, Clair de lune de Debussy et d’autres pièces tout aussi délicates et inspirées.

14 avril Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 scenesetcines.fr

Quatuor Bela & Duo Sabil

Elle ne lui laisse pas de nom, pas de souvenirs. L’héroïne du Testament de Vanda de Jean-Pierre Siméon se retrouve en centre de détention après avoir traversé toutes les horreurs. L’oubli est le cadeau qu’elle laisse à sa fille avant de mourir. C’est à nous qu’elle raconte sa terrifiante histoire, bouleversante de dénuement, dans l’opéra de chambre de Lionel Ginoux, mezzo-soprano (Ambroisine Bré) accompagnée d’une viole de gambe (Marie-Suzanne de Loye), dans la subtile mise en scène de Nadine Duffaut.

Ambroisine Bré © X-DR

14 avril L’Alpilium, Saint-Rémy-de-Provence 04 90 92 70 37 06 29 19 69 78 mairie-saintremydeprovence.fr

Dans le cadre de la semaine du Bien Vivre Ensemble, organisée par la Ville d’Istres, deux formations de haute volée se rencontrent, le Quatuor Bela, aux cordes iconoclastes : Frédéric Aurier et Julien Dieudegard (violons), Julian Boutin (alto), Luc Dedreuil (violoncelle) et le Duo Sabil aux audacieuses approches (Ahmad Al Khatib, oud), Youssef Hbeisch aux percussions). Délicatesses classiques et contemporaines uniront ces musiciens hors pair sur des compositions d’Ahmad Al Khatib et de Frédéric Aurier.

Du chœur à l’ouvrage

© Christophe Raynaud de Lage

6 & 7 avril La Chartreuse, Villeneuve-Lez-Avignon 04 90 14 26 40 operagrandavignon.fr

Quatuor Béla © G.Garitan

21 mars Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr

Vanda

Par une sombre nuit d’hiver, un navire fait naufrage au large des îles anglo-normandes… Une quarantaine de jeunes choristes se retrouvent seuls. La création de Benjamin Dupé, sur un livret de Marie Desplechin mêle réalisme et fantastique pour évoquer le délicat passage de l’enfance à l’âge adulte. L’opéra, accompagné par le bel ensemble contemporain L’Instant donné, met en scène les enfants de la Maîtrise des Bouches du Rhône. Magique ! 30 mars Théâtre Durance, Château-Arnoux-Saint-Auban 04 92 64 27 34 theatredurance.fr

Messe en Si mineur Catholique par sa forme et luthérienne dans son esprit, la Messe en si mineur BWV 232 de Bach est sans doute l’une des plus célèbres. Elle sera interprétée par les sopranos Olivia Doray et Mathilde Rossignol, la mezzo-soprano Blandine Folio-Peres, le ténor Rémy Mathieu et la basse Geoffroy Buffière. L’Orchestre Régional et le Chœur Symphonique Avignon-Provence seront sous la direction de Samuel Jean. Incontournable ! 30 & 31 mars Opéra Confluence, Avignon 04 90 14 26 40 operagrandavignon.fr


au programme musiques var gard hérault alpes-maritimes bouches-du-rhône 53

L’Italienne à Alger

Création mondiale

Violon solo

Laura Verrecchia © Carlo Terenzi

Sonia Wieder Atherton © X DR.

La violoniste Viktoria Mullova, lauréate des concours Tchaïkovski et Sibelius, est l’invitée de Michael Schønwandt qui dirigera trois monuments, Till l’espiègle op.28 de Richard Strauss, le Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op. 77 de Brahms et les Variations Enigma op. 36 d’Edward Elgar. De pures merveilles, servies par le Stradivarius (1723) de la grande artiste.

13 au 17 avril Opéra, Toulon 04 94 92 70 78 operadetoulon.fr

Viktoria Mullova © X DR

Chassés-croisés amoureux, fuites, tromperies, quiproquo… L’opéra bouffe de Rossini multiplie les imbroglios qui permettent aux chanteurs moult acrobaties verbales, en considérant l’amour cruel alors qu’ils aspirent à l’amour d’une belle. Francesco Lanzillotta dirige cette œuvre aux multiples rebondissements dans une mise en scène de Henning Brockhaus.

L’Orchestre de Cannes, auquel se joint exceptionnellement la violoniste Sonia Wieder-Atherton, propose la création mondiale du Concerto pour violoncelle et orchestre du compositeur contemporain Olivier Penard, sous la houlette de Samuel Jean. Répondra à cette création la Symphonie n°9 en mi mineur op. 95, dite Du Nouveau Monde, d’Anton Dvorak.

29 & 30 mars Opéra Berlioz, Montpellier 04 67 601 999 opera-orchestre-montpellier.fr

5 avril Théâtre Croisette, Cannes 04 92 98 62 77 orchestre-cannes.com

Roméo et Juliette

Nîmes comme un miroir de Nantes, connaîtra non une Folle Journée, mais une Folle Nuit, de 15h à 22h, à travers quatre concerts déclinés sur le thème de l’exil. René Martin rassemble des œuvres musicales composées par des artistes qui ont été poussés à fuir leur pays pour des raisons politiques, artistiques ou autres. Un voyage bouleversant.

Ils ont enregistré moult CD ensemble, se sont partagé les scènes les plus prestigieuses du monde. C’est à un concert d’exception que nous convie le récent Théâtre Scène 55 avec la soprano Nathalie Dessay et le pianiste Philippe Cassard. Tout devient magie grâce à leurs délicates interprétations, Schubert, Mozart, Chausson, Debussy… Natalie Dessay © S. Fowler-Sony Classique

Folle nuit

Catherine Trottmann © X DR

Piano-Voix Dessay

7 avril Théâtre Bernadette Lafont, Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com

13 avril Scène 55, Mougins 04 92 92 55 67 scene55.fr

Comment conter encore la sanglante rivalité des familles Capulet et Montaigu, et les amours tragiques de leurs enfants, Roméo et Juliette ! Tant d’œuvres retracent les malheurs des amants de Vérone… L’opéra de Gounod, inspiré de la pièce de Shakespeare, sera mis en scène par Irina Brook et dirigé par Alain Guingal dans l’écrin de l’opéra de Nice… 21 au 27 mars Opéra de Nice 04 92 17 40 79 31 opera-nice.org


54 au programme musiques bouches-du-rhône var gard hérault

Suuns

L’Or du Commun

General Elektriks © maxresdefault

Carry No Ghosts est le nouvel album pour le plus américain des frenchies qui rappellons-le a fait ses armes au sein des brillants groupes hip hop de la côte ouest. Aux claviers et au chant, Hervé Salters sollicite lui aussi d’excellents musiciens : Jessie Chaton (basses), Antonionian (rythmes et programmations), Touski (batterie et vibraphone) et Eric Starczan (guitare). Belle brochette de musiciens jazz funk pour un répertoire qui évolue vers le rock à l’image du dernier single Different Blue.

Emily Jane White Dans la lignée de cette alt-folk qui va droit au cœur et soulève notre enthousiasme (Sufjan Stevens, Alela Diane), la Californienne sait elle aussi poser un décor assez sombre derrière une voix on ne peut plus gracieuse. Le titre de son dernier album They Moved in Shadow All Together (sorti en 2016 sur le label aquitain Talitres) est inspiré d’une phrase de L’Obscurité du Dehors du terrible romancier américain Cormac Mc Carthy, référence plutôt parlante pour une œuvre où se meuvent ombres et fantômes. Concert gratuit organisé par Tandem. 31 mars Hôtel du Département Toulon 04 98 07 00 70 tandem83.com

11 mai La Cigalière Sérignan 04 67 32 63 26 lacigaliere.fr

Chinese Man Record

Feu ! Chatterton Avec son premier album Ici Le Jour (A tout Enseveli) en 2014, le quintette parisien a prouvé qu’on pouvait conjuguer tremolos dans la voix, textes entêtants et esprit rock. Dans la lignée d’un Dominique A mais en groupe. Avec son nouvel opus L’Oiseleur (qui vient de paraître, précédé de trois titres plus solaires), la bande d’Arthur Teboul, chanteur moustachu et possédé, veut confirmer les espoirs placés en elle pour un renouveau canaille et décadent et de la chanson française.

MC Youthstar © X DR

1er avril Espace Julien, Marseille 04 91 24 34 10 espace-julien.com

23 mars Victoire 2, Saint-Jean de Védas victoire2.com 31 mars L’Affranchi Marseille 04 91 35 09 19 l-affranchi.com

7 avril Festival de la Meuh Folle Alès 07 85 24 35 61 meuhfolle.com

© Fanny Latour Lambert

Dans le genre art-rock, le groupe canadien est un des plus emballants du moment, avec son rock tendu et ses chansons qui enserrent les esprits comme des serpents. La voix de Ben Shemie n’y est pas pour rien : le garçon chante sans desserrer les dents, figurant parmi les vocalistes les plus singuliers entendus ces dernières années, dans une veine psychédélique qui nous ramène au Pink Floyd de Syd Barrett. Vu en 2015 au This Is Not A Love Song et en 2016 au Festival Yeah à Lourmarin, le quatuor vaut le détour !

© Jeremy Toix

© X DR

Les récentes, et souvent stériles, polémiques sur le rap français (qui n’intéresse que les journaux à sensation et le microscosme de Skyrock) rappellent que pas si loin d’ici, on sait conjuguer rimes riches et beats souples avec discrétion et créativité. Ainsi cette formation bruxelloise, au très joli nom, renoue avec les origines d’un rap jazzy, mélodieux et conscient. Proches du petit prodige belge Roméo Elvis, Primero, Loxley et Swing pourraient profiter de la confusion pour imposer leurs lignes claires.

22 mars La Paloma Nîmes 04 11 94 00 10 paloma-nimes.fr 20 avril Le Moulin Marseille 04 91 06 33 94 lemoulin.org

Le label du groupe aixois met en avant ses artistes : MC Youthstar, partenaire vocal du duo (accompagné de son partenaire Senbeï) mais aussi Saro, beatboxer de référence mondiale (lauréat du Grand Beatbox Battle 2017) et le duo électronique Baja Frequencia qui croise sur un canevas de beats bass music des influences asiatiques et sud-américaines pour un global mix étourdissant. Bonus en prélude de la soirée : une projection exclusive (et gratuite) du film documentaire Independant Music qui évoque la mutation de l’économie et de l’industrie musicale. 23 mars Espace des libertés Aubagne


P.r2b © X DR.

© Charlotte Maria / ze-factory.fr

by Cité de la Musique de Marseille

La jeunesse Souterraine aime Pépé Ferré

Q

uel rapport entre la jeune scène française et Léo Ferré ? La grandiloquence décomplexée, la capacité à mêler le trivial et le grave, les images poétiques audacieuses font partie des arguments communs de ces générations que, pourtant, tout devrait séparer. La première est post-moderne, affranchie des codes, pas terriblement anarchiste mais on n’y fait pas dans le jeunisme et ça fait du bien. Dans le mini-drame musical d’Ocean Forever, Pauline Rambo alias P.r2b, ancienne de la Fémis et du Cours Florent, exprime sa jeunesse avec dégoût et emphase, avec des mots qu’aurait pu employer Pépé Ferré (étrangement, on pense à la prosodie des Étrangers). La chanson ouvrait la dernière anthologie de La Souterraine, précieux label français qui documente avec passion et sérieux toute la créativité de la nouvelle scène française, mêlant sans distinction chanson, pop et électro, tant ces catégories n’ont plus de sens. La version de Tu ne dis jamais rien de P.r2b ouvre aussi (bonne habitude) C’est Extra, treize reprises du grand Léo que La Souterraine a réalisé à l’initiative d’une famille Ferré qu’on sait rétive aux réappropriations trop classiques (parution le 27 avril chez Universal/La Mémoire et la Mer). Le festival Avec le Temps accueille une présentation en live et en avant-première française. Et, logiquement, P.r2b y chante quatre des chansons aux côtés du chanteur iconoclaste Guillaume Marietta (rocker pilier de l’écurie rock Born Bad Records, qui livre sa version de Thank You Satan) et les timbres plutôt classiques d’Eddy Crampes (pour qui la chanson underground n’a plus de secret) et Sarah Maison (l’interprète du fameux et étrange Western Arabisant plébiscité sur les ondes de France Inter en 2016). Reprenant les arrangements de l’album créés par les membres des groupes Aquaserge et Forever Pavot, les instrumentistes du groupe Biche officieront en backing band de ce concert dont le répertoire embrasse les styles successifs de Ferré, du réalisme au post-classicisme en passant par le psychédélisme avec Zoo. Bel et rare hommage. HERVÉ LUCIEN

C’est Extra En Live 25 mars Montévidéo, Marseille festival-avecletemps.com

KALLIROI ET LE FADOREBETIKO PROJECT Jeudi 29 mars – 17h30 Conférence illustrée* Vendredi 30 mars – 20h30 Concert

SHONO Samedi 31 mars – 20h30 Concert

MUSIQUE & DANSE DE L’INDE Les 31 mars et 1er avril – 11 h à 17 h Stage

Cité de la Musique de Marseille, Auditorium 4, rue Bernard du Bois – Marseille 1er - 04 91 39 28 28 *BMVR l’Alcazar 58, cours Belsunce - Marseille 1er www.citemusique-marseille. com


56 au programme musiques bouches-du-rhône vaucluse

Riccardo Del Fra/Nik Bärtsch

© Charlotte Maria.

La chanteuse et pianiste grecque Kalliroi Raouzeou dirige le projet musical FadoRebetiko, porté aussi par les musiciens marseillais Jean-Marc Gibert (bouzouki et guitare), Jérémie Schacre (guitare) et Nicolas Koedinger (contrebasse). Tout en continuant à tisser des liens entre le rebetiko et le fado, le quartet aux multiples influences présentera sa toute nouvelle création, Marika, hommage à la chanteuse populaire grecque Marika Papagika et aux femmes du blues. Le 29 mars aura lieu une conférence-concert à la BMVR Alcazar.

Dans les années 80 Riccardo Del Fra fut pendant près de dix ans le contrebassiste de Chet Baker. Sur l’album My Chet My Song, accompagné d’un quintet magnifique, il donne sa version de l’univers musical et poétique du trompettiste, entremêlant à la reprise de standards ses propres compositions inspirées par cette collaboration (24 mars). Changement radical de registre avec le jazz contemporain du pianiste Nik Bärtsch et de son quartet Ronin. Au confluent du jazz, du funk et de la musique minimaliste, sa musique transmet « une énergie à la fois intense et calme » (7 avril).

C’est en chantant en Arc de cercle que la Cie Rassegna convie les plus jeunes des auditeurs (à partir de 7 ans) à la découverte des musiques populaires méditerranéennes. Dans cet espace intimiste, au plus près des jeunes oreilles, la guitare flamenca de Bruno Allary croise le oud et le violon oriental de Fouad Didi, soutenus par les chants hispanique de Sylvie Paz et sicilien de Carine Lotta.

Théâtre de Fontblanche, Vitrolles 04 42 79 63 60 charlie-jazz.com

30 mars Cité de la Musique, Marseille 04 91 39 28 28 citemusique-marseille.com

14 avril Espace Pièle, Cornillon-Confoux 04 90 55 71 53 scenesetcines.fr

Lisa Simone Latcho Divano

Tarkos Opéra…

Dans le cadre du festival des cultures tsiganes, la Cité reçoit Norig et son No-Gypsy Orchestra : après de nombreuses collaborations, avec Tony Gatlif entre autres, et deux albums, la jeune chanteuse poursuit son exploration de la musique tsigane en y mêlant jazz, pop, classique, tango… Quatre musiciens l’accompagnent à la guitare, l’accordéon, la contrebasse et le violon. Tchavolo Schmitt, guitariste virtuose du jazz manouche, donnera quant à lui une master class pour amateurs confirmés ou professionnels.

Après une résidence de création au Vélo Théâtre, le collectif Inouï Productions présente un opéra « de poche » qui met en musique, et en chant, la langue du poète Christophe Tarkos. À l’aide d’un instrumentarium THÉÂTRE minimaliste fait de « petits claviers, piano jouet, bribes de percussions, clarinette, bidouillages Dynamo Théâtre – Michel Bellier / Joëlle Cat sonores divers », Stéphane Keruel (chant 21:00 et SAM 17 MARS mise en scène), Guigou Chenevier (compositions musicales) et Emmanuel GilotINCLASSABLE (création sonore) enchanteront la « pâte-mot » du poète.

© Alexandre Lacombe

MARS AVR

Norig © Olliver Robert

6 & 7 avril Cité de la Musique, Marseille 04 91 39 28 28 citemusique-marseille.com

Rassegna

© Damien Tomasi

Nik Bärtsch © Marton Möll

FadoRebetiko Project

Elle n’est pas seulement la fille de son illustre mère, Nina, mais aussi et surtout une exceptionnelle chanteuse à la voix ample et puissante. Depuis sa rencontre avec Hervé Samb, musicien polymorphe et fer de lance du son africain d’aujourd’hui croisant blues, jazz, pop et rythmiques ancestrales, Lisa Simone a commis deux albums ; ses chansons, simples mais somptueuses, disent son bonheur de vivre, sa sérénité nouvelle. En 1re partie, le Massilia Blues Band de Philippe Troisi et Mylène Del Biondo offre un blues électrique, fait de reprises et de compositions personnelles. 6 avril Forum de Berre 04 42 10 23 60 forumdeberre.com

LES FILLES AUX MAINS JA

…de là-bas Cie L’œil ivre - Romain Bertet

MARS 21:00 Tarkos Opéra, ou À quoi bon encoreMER des21poètes ? 24 mars Vélo Théâtre, MUSIQUEApt 04 90 04 85 25 velotheatre.com

Du chœur à l’ouvr

UN OPÉRA POUR VOIX D’ENFANTS Comme je l’entends, les productions – Benjamin VEN 30 MARS 21:00 +++ TABLE RONDE Création artistique avec des jeune MAR 27 MARS 19:00

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LA PETITE CASSERO D’ANATOLE Cie Marizibill – Cyrille Louge MER 04 AVRIL 16:00

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19 AU 22 AVRIL 2018

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MARS AVRIL THÉÂTRE

LES FILLES AUX MAINS JAUNES Dynamo Théâtre – Michel Bellier / Joëlle Cattino SAM 17 MARS 21:00

INCLASSABLE

MARS AVRILDU THÉÂTRE

LES FILLES AUX MAINS JAUNES Dynamo Théâtre – Michel Bellier / Joëlle Cattino SAM 17 MARS 21:00

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…de là-bas Cie L’œil ivre - Romain Bertet

…de là-bas Cie L’œil ivre - Romain Bertet

MER 21 MARS 21:00

MER 21 MARS 21:00

MUSIQUE

MUSIQUE

Du chœur à l’ouvrage

Du chœur à l’ouvrage

UN OPÉRA POUR VOIX D’ENFANTS Comme je l’entends, les productions – Benjamin Dupé VEN 30 MARS 21:00 +++ TABLE RONDE Création artistique avec des jeunes au plateau MAR 27 MARS 19:00

UN OPÉRA POUR VOIX D’ENFANTS Comme je l’entends, les productions – Benjamin Dupé VEN 30 MARS 21:00 +++ TABLE RONDE Création artistique avec des jeunes au plateau MAR 27 MARS 19:00

THÉÂTRE

THÉÂTRE

LA PETITE CASSEROLE D’ANATOLE

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Cie Marizibill – Cyrille Louge MER 04 AVRIL 16:00

Cie Marizibill – Cyrille Louge MER 04 AVRIL 16:00 Rejoignez-nous

ET

JASMIN Texte et mise en scène Adel Hakim

Avec les acteurs du Théâtre National Palestinien VEN. 13 ET SAM.14 AVRIL


58 au programme spectacles bouches-du-rhône hérault vaucluse

Kindertotenlieder

Adieu, Ferdinand !

Librement adapté pour chœur d’enfants, piano, danseurs et chants d’animaux par Franck Krawczyk, Apparition est le premier volet, créé en décembre 2017 à l’Opéra de Marseille, du diptyque d’Emio Greco et Pieter C. Scholten, les directeurs du BNM Marseille, inspiré des Kindertotenlieder de Mahler. Un spectacle sensoriel, musicalement et plastiquement fascinant, qui confronte fragilité de la vie et force de l’imaginaire.

Bien sûr, avec Philippe Caubère, un spectacle c’est deux spectacles, et deux spectacles c’est trois ! Trahison sexuelle et camp de naturiste à Montalivet dans Clémence, sinistrose familiale, hiver et marasme belge dans Le casino de Namur. Ils seront joués en alternance dans cet adieu-bouquet final du comédien au Ferdinand de son historique et phénoménal Roman d’un acteur.

© Philispar

© Thomas Jorion

La Tragédie de Macbeth

22 au 24 mars La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

Après l’opéra, le théâtre ! Frédéric Bélier-Garcia semble décidemment fasciné par « la pièce maudite » de Shakespeare. Un Macbeth qu’il a décidé de concentrer autour de cinq personnages, en utilisant la traduction d’Yves Bonnefoy, et où les sorcières, fantômes, rois, prétendants, assassins et comploteurs sont embarqués dans une plongée au cœur des replis les plus intimes de l’être humain.

Vaut-il parfois mieux être soumis à des contraintes, et pouvoir continuer à vivre en sécurité, plutôt que vouloir être libre à tout prix, et risquer de se faire manger, comme la Blanquette de Monsieur Seguin, par le loup ? Question d’actualité, que la metteure en scène Julie Villeneuve explore depuis deux ans avec des adolescent(e)s à Marseille. Qu’en est-il des bergers, des chèvres et des loups aujourd’hui ? 23 & 24 mars La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

Clémence et Le casino de Namur joués en alternance 27 mars au 7 avril Le Gymnase, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net

Un fils de notre temps

© Guillaume Chapeleau

Pourquoi Monsieur Seguin a-t-il emprisonné sa chèvre ?

© Gilles Vidal

28 au 30 mars La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

Monologue intérieur d’un jeune paumé au chômage au début de la seconde guerre mondiale, qui, pour survivre, deviendra soldat. Monologue que Jean Bellorini a choisi de faire porter à un quatuor d’acteurs-musiciens-poètes, pour déployer les résonnances personnelles que le propos suscite. Une épopée tragique, dernier roman écrit par Ödön von Horváth, « auteur dégénéré », publié en 1938, alors qu’il est en exil, fuyant le régime hitlérien. 3 au 6 avril La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

Georges Dandin ou Le mari confondu Le paysan devenu riche Georges Dandin veut aussi être Georges de la Dandinière en se faisant donner comme épouse par un couple de nobles désargentés leur fille Angélique contre espèces sonnantes et trébuchantes. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Une comédie que Jean-Pierre Vincent a choisi de traiter comme un méchant rêve, dans un décor épuré mettant à nu les rapports de force. Une farce noire où les parvenus sont ridiculisés. 10 au 14 avril Le Gymnase, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net


LES BALLETS DE MONTE CARLO SOUS LA PRÉSIDENCE DE S.A.R. LA PRINCESSE DE HANOVRE

We love arabs

© Gadi Dagon

Assistant du célèbre chorégraphe israélien Ohad Naharin, Hillel Kogan manie à forte dose l’autodérision et l’ironie dans cette proposition où l’on assiste au processus de création d’un spectacle chorégraphique contemporain engagé, prônant le rapprochement des peuples palestinien et israélien. Boursouflure artistique et politique de pacotille dansent ensemble, comme pourraient le faire Bouvard et Pécuchet. 20 & 21 mars Théâtre Jean Vilar, Montpellier 04 67 40 41 39 theatrejeanvilar.montpellier.fr 27 au 31 mars Les Bernardines, Marseille mp2018 08 2013 2013 lestheatres.net 4 avril La Garance, Cavaillon 04 90 78 64 64 lagarance.com

Sur la musique de Stravinsky, premiers pas de danse pour l’actrice Bérénice Béjo, qui en compagnie du chorégraphe Sylvain Groud, donne voix et corps à trois états pulsionnels de l’amour : l’attraction irrépressible, le côte à côte intime, et l’union fusionnelle. Avec des textes d’Anne Bert, Françoise Simpère, Christine et Olivier Walter.

© Grégoire Korganow

Trois sacres

10 au 14 avril Les Bernardines, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net

Orphelins Texte de l’auteur contemporain britannique Dennis Kelly, Orphelins est un thriller familial à huis clos. Le diner en amoureux d’Helen et Danny est perturbé par l’irruption de Liam, couvert de sang, porteur d’un récit confus. Une interrogation sur les violences qui traversent la société occidentale, et la façon dont chacun(e) s’y confronte, tout en y étant partie prenante. Une création théâtrale et politique de la jeune Cie Souricière. 20 au 24 mars Théâtre Joliette, Marseille 04 91 90 74 28 theatrejoliette.fr 5 & 6 avril Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 theatredeshalles.com

JEAN-CHRISTOPHE MAILLOT


60 au programme spectacles bouches-du-rhône alpes

Mélancolie(s)

L’autre là, la blonde

Le collectif In vitro, adepte d’un théâtre très vivant, dirigé par la metteure en scène Julie Deliquet, fait résonner le monde d’aujourd’hui à travers cette adaptation de deux œuvres majeures d’Anton Tchekhov : Ivanov et Les trois sœurs. Une adaptation nourrie d’improvisations, qui désacralise le texte (« même si tous les mots sont de Tchekhov, ou presque… ») où le cinéma fait son apparition, et qui prolonge la réflexion du collectif sur la disparition d’un monde et ses illusions.

Josette Baïz aime la richesse de la diversité, et Amor, compilation de danse qu’elle a concocté autour du thème de l’amour, sous toutes ses formes, ne déroge pas à cet état d’esprit. Huit extraits de pièces signés par des chorégraphes prestigieux (Angelin Preljocaj, Joëlle Bouvier et Régis Obadia, Sharon Fridman…) seront dansés par les interprètes de sa Cie Grenade, et reliés entre eux par des extraits de Les déclinaisons de Navarre, espièglerie de Claire Laureau et Nicolas Chaigneau.

© Leonard Ballani

La convivialité

29 au 31 mars La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu

ÜBM

10 & 11 avril Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org

Ligne (s) d’horizon

© La meta carpe

Un spectacle d’images, avec le papier comme acteur central, aux frontières du théâtre, de la marionnette, de la danse, des arts plastiques, et de la vidéo. Une drôle de petite bonne femme, un bureau-établi qui tangue, et une ligne d’horizon qui s’étire, prend la forme d’un mot, d’une phrase, d’une histoire. Une performance magique proposé par la Cie toulousaine Le Lutin Théâtre d’Images.

© David TRIVES

© Véronique Vercheval

27 & 28 mars Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org

La nouvelle création d’Ivan Romeuf, ex-directeur artistique de l’ex-Théâtre de Lenche, où il est question de Marylin Monroe, ou bien de l’une de ses admiratrices, de solitude, d’actrice, de folie. Et d’un espace temps dans lequel on se perd, sur les traces d’une femme étrange dont on ne sait si elle s’adresse à nous, ou si elle se parle à elle-même. Interprétée par Marie-Line (!) Rossetti. 7 avril Théâtre Toursky, Marseille 0 820 300 033 toursky.fr

4 & 5 avril Théâtre Joliette, Marseille 04 91 90 74 28 theatrejoliette.fr

Passer un moment de convivialité autour de l’orthographe française, il fallait y penser, et il fallait l’oser ! Arnaud Hoedt et Jérôme Piron, anciens professeurs de français, sillonnent, sous le nom croquignolet de Cie Chantal et Bernadette, les salles de spectacle en proposant, autour d’une table de douze, leur approche courte (25 mn) et rafraichissante de cet outil technique déguisé en outil de prestige.

© X-DR

© Simon Gosselin

Amor

6 avril Théâtre Toursky, Marseille 0 820 300 033 toursky.fr

ÜBM, pour Über Beast Machine, c’est à la fois un spectacle, une exposition et un site web. Une création transmédia donc, autour d’une créature électrique et végétale qui ne peut survivre sans soins humains, étudiée de près par le Laboratoire Pro-Vivance, le tout imaginé par Michaël Cros et sa Cie transdisciplinaire Méta-Carpe, qui creuse les rapports entre corps, marionnettes et outils numériques. À partir de 12 ans 29 au 31 mars Théâtre Massalia, Marseille 04 95 04 95 75 theatremassalia.com


au programme spectacles bouches-du-rhône alpes 61

Barokko

Collectif marseillais pluridisciplinaire, tourné essentiellement vers la création en espace public, le collectif Micro Focus a puisé dans la Magie Nouvelle et les Arts de la rue pour mettre au point EkivokE, une déambulation loufoque et hallucinée, un spectacle hybride qui conjugue jeu théâtral, techniques d’illusionnisme, street art et photographie. Pour créer un tour de magie à l’échelle d’une ville, et faire se révéler le grand EkivokE !

© Julia TREGUB

EkivokE

Aboutissement d’un vaste chantier artistique débuté en 2009 en Belgique, création maison à laquelle se sont joints depuis 2016 plusieurs théâtres d’Europe et du monde, Barokko, grande forme de théâtre-opéra va enfin venir envahir le vaste plateau du Théâtre Nono. Le spectacle, créé à Perm en 2017, renoue avec horreur et bonheur avec l’esprit Nono !

Marion Coutris et Serge Noyelle ont rassemblé une foule d’artistes européens, chanteurs, acteurs, danseurs, Marco Quesada est à la commande musicale, on y croisera des acteurs russes, et Alain Aubin, Noël Vergès, Magali Rubio et William Petit. Ensemble ils réinventent la démesure d’un baroque archaïque et contemporain. Il sera question d’un Pape destitué, d’un Ange Noir et d’un Roi déchu, du désir, de passion et de chaos, autour du songe éveillé d’un pontife de carnaval, à l’heure de sa mort. Dentelles, visages de poudre, volupté, décadence, injonctions lyriques et joutes verbales vont s’aligner sur un long plateau bi-frontal...

5 au 14 avril Théâtre Nono, Marseille 04 91 75 64 59 theatre-nono.co

Atelier

À mains levées

© Jean-Louis Fernandez

© Ulysse Fiévé

Familiers du Bois de l’Aune, les complices des compagnies tg STAN / De KOE / Maatschappij Discordia présentent le théâtre comme un art plastique, qui se modèle, se dessine, se construit, se défait, s’esquisse, se sculpte… avec quels matériaux, quels instruments ? Un chantier déjanté qui nous amène à déchiffrer les arcanes de la création théâtrale.

30 mars Lieux publics, Marseille 04 91 03 81 28 lieuxpublics.com

Ni une ni deux ! Puisque le père d’Ibrahim veut qu’il cesse de s’amuser avec Arthur, pour jouer avec des gens « comme eux », Arthur va se transformer en Arabe pour préserver son amitié avec Ibrahim ! Confrontation du monde des enfants et celui des adultes, blessures toujours vives de l’histoire entre la France et l’Algérie, une comédie, et une invitation au questionnement à destination des jeunes et des adultes. À partir de 10 ans. 7 au 9 avril Théâtre Massalia, Marseille 04 95 04 95 75 theatremassalia.com 3 au 5 avril La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu

© Jorn Heijdenrijk

Arthur et Ibrahim

20 au 22 mars Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 88 71 74 80 boisdelaune.fr

La trilogie de Nathalie Garraud et Olivier Saccomano, La beauté du geste, suit le parcours théâtral et politique d’une troupe d’acteurs. L’an dernier, nous en avions applaudi le premier volet, L’instant décisif, où les comédiens (Cie du Zieu) sont aux prémices d’une pièce, avec ses questionnements. Le deuxième temps, À mains levées, les voit en quête de représentation dans leurs démêlés avec l’ordre et les entités qui le symbolisent. (voir Zib’ 114) 28 au 30 mars Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 88 71 74 80 boisdelaune.fr


62 au programme spectacles bouches-du-rhône alpes-maritimes

L’héritier de village

It’s Always Here / Scarabeo, Angles and The Void / 12 Posdated Checks 12 Postated checks © Gadi Dragon

© Christophe Henry

Mass B L’homme marche, c’est bien connu, depuis la nuit des temps, et investit dans ce mouvement irrépressible le monde… fuite, conquête, espoir de reconstruction, ailleurs… Béatrice Massin met en scène dix danseurs dans une marche intemporelle sur la Messe en si mineur de Bach, entrecoupée d’éclats contemporains, pour une bouleversante fresque humaine, baroque et réinventée.

© Patrick Cockpit.

À l’instar du Bourgeois Gentilhomme de Molière qui cherchait à singer les manières des nobles, Blaise, paysan récemment enrichi par un héritage, adopte les us et coutumes de ce qu’il croit être digne de son nouveau statut social… Le texte de Marivaux mis en scène par Sandrine Anglade est savoureux, drôle, corrosif et nous renvoie aux fonctionnements du libéralisme actuel, jusqu’à la banqueroute !

Trois opus, trois talents de la scène israélienne au Pavillon Noir, témoignent une fois encore de sa créativité et de son énergie. Le duo très « lié » d’Adi Boutrous, qui interprète avec Avshalom Latucha It’s Always Here précède la joyeuse dualité de celui d’Andrea Costanzo Martini, Scarabeo, Angles and The Void. Enfin, 20 jeunes danseurs du Ballet Preljocaj se livreront à la performance de 12 Postdated Checks d’Ella Rothschild. 7 & 8 avril Pavillon noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 preljocaj.org

23 & 24 mars Pavillon noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 preljocaj.org

20 au 24 mars Théâtre du Jeu de Paume, Aix-en-Provence 08 2013 2013 lestheatres.net

Le Corps du Ballet National de Marseille

5 avril (It’s Always Here et Scarabeo, Angles and The Void) Scène 55, Mougins 04 92 92 55 67 scene55.fr

© Alwin Poiana

Théorie des prodiges Système Castafiore (Marcia Barcellos et Karl Biscuit) revient au Pavillon Noir, en cultivant son goût de l’étrange et du merveilleux. Avec La Théorie des Prodiges, on entre dans un univers baroque et fantastique à l’esthétique rappelant les tableaux de Bosch et de Dali, en une série de saynètes, vignettes d’instants qu’ourle la voix superbe d’une chanteuse (Camille Joutard)… Un spectacle à la frontière des genres à partir de 8 ans.

Vader Le premier volet de la trilogie familiale selon le collectif Peeping Tom, Vader (père) s’appuie sur l’hyperréalisme, familier de la compagnie belge. Les danseurs devenus « élastiques » rendent compte du huis clos familial, jonglent entre émotion et humour en une expression toujours décalée et ironique d’une intense poésie.

© Herman Sorgeloos

Réinvention du genre du ballet classique, avec la célébration de chaque individualité tout en gardant une superbe cohérence d’ensemble, l’œuvre d’Emio Greco et Pieter C. Scholten met en scène 23 danseurs du Ballet National de Marseille. Nous est offerte ici une célébration énergique et puissante de l’art de la danse. 14 avril Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence 08 2013 2013 lestheatres.net © Karl Biscuit

13 & 14 avril Pavillon noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 preljocaj.org

30 & 31 mars Pavillon noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 preljocaj.org


au programme spectacles bouches-du-rhône vaucluse

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Monsieur Kaïros

Yvonne, princesse de Bourgogne…

23 au 29 mars Théâtre des Ateliers, Aix-en-Provence 04 42 38 10 45 theatre-des-ateliers-aix.com

Tout l’univers en plus petit La fantaisie foraine de Gilles Cailleau se glisse dans un petit théâtre à l’italienne aux splendeurs déchues. La mémoire saura-t-elle repeupler ces objets de jadis de leur magie passée, rendre vie à cet ensemble rafistolé, recousu, rapetassé ? Souvenirs fragmentés, diffraction du temps pour s’apercevoir de la permanence d’un univers ancien. C’est délicieux, avec le charme des dorures et des pourpres délavés auxquels deux personnages rendent vie… Spectacle des ATP AIX.

© Christophe Leclaire

Dernier volet du triptyque initié avec Sous le signe du chien, puis de Jaloux de Dieu, Aimer aimer, écrit et mis en scène par Alain Simon, suivra les mêmes et jubilatoires règles de composition que les opus précédents, jonglant entre improvisations et ruptures, en un style à sauts et gambades titillant autant l’intelligence que les zygomatiques. Mots, danse, musique (répartis entre Jeanne Alcaraz, Elyssa Leydet-Brunel et Mickaël Zemmit), tout parle d’amour… Le temps, pas le météorologique, ni celui qui nous entraîne, mais celui de l’occasion, de l’opportunité, jeune dieu de l’antiquité grecque qu’il fallait savoir « saisir par les cheveux », est-ce lui qui a inspiré Fabio Alessandrini pour son Monsieur Kaïros où l’on voit des personnages refuser leur identité, et la scène abolir les frontières du réel entre comique et goût du paradoxe… Spectacle des ATP AIX 17 & 18 mars Théâtre des Ateliers, Aix-en-Provence 04 42 26 83 98 atp-aix.net

IMAGO-GO Marta Izquierdo Muñoz interroge à travers cette nouvelle création les imaginaires développés autour de la majorette. Circassiens, comédiens, danseurs, musiciens, arpentent ses diverses incarnations avec pertinence et humour. Ce fleuron de la culture populaire est présenté lors d’une étape de travail dans le cadre du dispositif TRIDANSE. 24 mars 3bisf, Aix-en-Provence 04 42 16 17 75 3bisf.com

Yvonne, princesse de Bourgogne sur château-toboggan 10 avril Théâtre Fontblanche, Vitrolles 04 42 02 46 50 vitrolles13.fr

Le tarot du grand tout Aubagne accueille le conteur Lamine Diagne, qui nous invite à pénétrer dans l’hôpital de La Timone à Marseille. Un jeune musicien y accompagne son neveu, victime d’un accident de voiture ; il s’aventure dans le dédale des couloirs hospitaliers pour glaner de fantastiques histoires (le cheval du 8e étage, l’enfant-bulle, l’étage fantôme...), et ainsi stimuler sa guérison. Un spectacle réalisé suite à une immersion dans les services de l’hôpital pour enfants, avec l’aide à la dramaturgie de François Cervantes. À partir de 7 ans.

17 & 18 mars Salle Jean Monnet, Plan de Meyreuil 04 42 26 83 98 atp-aix.net

© X DR

© Sébatien Armengol

14 avril Vélo Théâtre, Apt 04 90 04 85 25 velotheatre.com

Avant de passer par La Criée à Marseille (fin mai), le décapant spectacle d’Édith Amsellem fait étape à Vitrolles. Elle transpose une pièce de l’auteur polonais Witold Gombrowicz dans une cour de récréation. Une comédienne différente chaque soir interprétera l’héroïne au physique ingrat que le beau jeune premier choisit -par provocation ! Façon de laisser sa part au risque, ce que n’aurait pas renié le dramaturge, adepte de « l’anarchie illimitée de la forme ». À partir de 13 ans.

© Jm Coubart

Aimer aimer

28 mars Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr


64 au programme spectacles bouches-du-rhône

Cabane

Tuyauterie

Mais d’où vient ce fantasme apparemment très répandu, d’une femme au foyer irrésistiblement attirée par le plombier venu faire des réparations chez elle ? On trouvera peut-être réponse à cette question dans le spectacle de Philippe Blasband, avec Charlie Dupont et Tania Garbarski. Le piquant de l’histoire étant que ces derniers, hors scène, forment un « vrai » couple, prêt à titiller le voyeur qui sommeille en tout spectateur... © Théâtre du Maquis

Céline Schnepf a choisi d’offrir un Petit cabaret pour forêts miniatures à son très jeune public (à partir de 1 an : le spectacle dure une demi-heure). Un homme et une femme se partagent un territoire forestier ; il dresse les renards tandis qu’elle collectionne les cerfs. Elle vit dans une jupe, c’est pratique, lui dans une caisse en bois, ce qui a ses avantages aussi. Et tous deux se rencontrent à mi-chemin entre la danse et le théâtre.

Guillaume Apollinaire avait le sang chaud et on lui doit des pages enflammées : certains de ses poèmes, ou ses correspondances avec diverses maîtresses. Pierre Béziers s’inspire ici de ses Lettres à Madeleine, une jeune femme rencontrée dans un train alors qu’il partait au front en 1915. « Je pense à ton corps exquis divinement toisonné » s’énamoure le poète depuis les tranchées, tandis qu’autour de lui hurlent les obus de la grande boucherie.

© Marianne Grimont

© X DR.

Et l’acier s’envole aussi

11 avril Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr 23 mars Halle Léo Ferré, Gardanne 04 42 65 77 00 ville-gardanne.fr

Le jeu de l’amour et du hasard

6 avril Espace NoVa, Velaux 04 42 87 75 00 espacenova-velaux.com

Tamao

Monsieur Orgon et son meilleur ami ont convenu de marier leurs enfants Silvia et Dorante. Mais tous deux, voulant rencontrer leurs promis respectifs, prennent les traits de leurs valets Lisette et Arlequin. Marivaux souligne la cruauté de l’amour, et des rapports de classe. Car dans cette pièce adaptée par Philippe Calvario avec la collaboration de Valérie Nègre, les couples réassortis vont jusqu’au « jeu de massacre ».

La Cie Marbayassa suit Candide de découverte en découverte. Il s’agit bien du conte philosophique de Voltaire, mais tel qu’il serait écrit aujourd’hui, en Afrique, fécondé de culture orale avec l’art des griots, et en musique s’il vous plaît ! L’Espace Nova dédie cette soirée à l’association humanitaire AMNS Les Enfants de Tangaye, qui œuvre pour le développement du village de Tangaye au Burkina Faso.

© Olivier Thillou

© Christophe Vootz

Candide l’Africain

© X DR

12 avril Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr

24 mars Espace NoVa, Velaux 04 42 87 75 00 espacenova-velaux.com

De la sortie de son œuf jusqu’à son retour, pour la première ponte, sur la plage de sa naissance, la vie de la petite tortue de mer Tamao s’apparente à un parcours initiatique. Accompagnée de créatures loufoques, mi-sirènes, mi-marins, elle raconte ses aventures… Leïla Mendez et Sophie Laloy plongent les tout-petits dans un univers aquatique enchanteur où se mêlent film, théâtre, et une musique -jouée sur scène- composée essentiellement autour des poèmes de voyage de Blaise Cendras. 21 mars Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 les-salins.net


au programme spectacles bouches-du-rhône var

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Mon frère ma princesse

L’abattage rituel de Gorge Mastromas

Couak !

27 mars Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 les-salins.net

Alyan, petit garçon de cinq ans, n’en démord pas : il veut être une princesse. Et une maman. Face à la cruauté des autres enfants, et à l’incompréhension de ses parents, Alyan s’échappe dans les contes de fées et porte une robe… de princesse. Émilie Le Roux, Cie Les Veilleurs, met en scène le texte de Catherine Zambon (Ecole des Loisirs) qui met en lumière la question de l’identité sexuelle et de l’acceptation de la différence. À partir de 8 ans.

Faire écouter aux plus petits (dès 4 ans) des œuvres issues du répertoire, peu diffusé, de grands compositeurs de ces cinquante dernières années, tel est le contenu du spectacle d’Annabelle Playe, soprano et électroacousticienne. Écrites pour la voix, les œuvres de Luciano Berio, Georges Aperghis, John Cage, Jacques Rebotier, François-Bernard Mâche et Cathy Berberian sont revisitées par cette drôle de cantatrice qui donne du sens aux sons, et en fait des images !

11 avril Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 les-salins.net

© X DR

© Solange Abaziou

© Adrien Patry

On peut être un type bien, et se métamorphoser en un salaud cynique dénué de scrupules. Entre la morale et le pouvoir Gorge Mastromas a choisi, il vendra son âme pour devenir un richissime chef d’entreprise à qui rien ni personne ne résiste, ou presque… Après Orphelins, Chloé Dabert retrouve la langue acérée de l’auteur anglais Dennis Kelly, poursuivant une réflexion sur la place de l’individu dans nos sociétés contemporaines.

28 mars La Colonne, Miramas 04 90 50 66 21 scenesetcines.fr

Alban Richard & Coline Nanan

Georges Méliès n’a certes pas inventé le cinéma, mais il est bien à l’origine d’un grand nombre de techniques cinématographiques, particulièrement des premiers effets spéciaux, mis en œuvre dans Le Voyage dans la lune en 1902. Pour leur premier spectacle écrit pour le jeune public (dès 8 ans), Elise Vigier et Marcial Di Fonzo Bo se sont inspirés de ses textes et d’entretiens pour montrer comment l’art se fabrique tout en rendant hommage à ce précurseur de génie.

Le jazz n’est pas réservé qu’aux adultes, les oreilles des tout-petits apprécient aussi le genre, surtout quand ils peuvent participer. Par le biais de la douceur et du jeu, le quintet composé de Lydie Dupuy (paroles, musique et batterie), Rémi Ploton (arrangements et piano), Mélina Tobiana (chant), Vincent Perier (saxo et clarinette) et Julien Sarazin (contrebasse), invite les enfants à utiliser leurs mains, leurs corps et leurs voix. Un régal !

4 avril Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 les-salins.net

À l’occasion de la création d’une chorégraphie commune avec les danseurs de la formation Coline, Alban Richard présente en deuxième partie de soirée Vivace, sa dernière pièce. Dans ce duo, interprété par Yannick Hugron et Anthony Barreri (ancien danseur de Coline), la danse est faite de pulsions, basées sur une rythmique, une dynamique qui évoque l’endurance, la vitalité. 20 mars La Colonne, Miramas 04 90 50 66 21 scenesetcines.fr

© X DR

© Vigier Fonzobo

© M. Barret-Pigache

M comme Méliès

31 mars Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 scenesetcines.fr 24 mars Théâtre Marelios, La Valette 04 94 23 62 06 lavalette83.fr


66 au programme spectacles bouches-du-rhône var

Mille batailles

Groenland Manhattan

© JC Verchere

Du Chevalier inexistant d’Italo Calvino, la danseuse et chorégraphe canadienne Louise Lecavalier, icône féminine de la danse contemporaine, livre une version très personnelle qui, entre solo et duo exécutés avec Robert Abudo, offre une allégorie de nos combats contemporains, sur une scène qui a tout d’un ring. La musique jouée en direct par Antoine Berthiaume accompagne et rythme cette danse époustouflante.

Sur un texte d’Érika Tremblay-Roy et une chorégraphie de Christophe Garcia, la Cie La Parenthèse aborde le thème délicat du deuil. Trois jeunes filles, de retour de l’école, découvrent des lettres déposées sur le bord de la route pour elles. « Il y en a de tout le monde, sauf d’Éléna », l’amie absente. Entre danse et théâtre s’instaure alors un jeu de piste épistolaire qui les mènera vers une vérité pas toujours facile à entendre…

© Tony Canton

© Cornellier

Lettre pour Éléna

27 mars Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr 7 avril Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr

29 mars Châteauvallon - Scène nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com

14 avril Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr

Au-dessus de la mêlée

Floating flowers

3 et 4 avril Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr

© Chantal Depagne Palazon

Bretteur valeureux au sein des armées du Roi de France, mais aussi poète éloquent, Cyrano est un amoureux malheureux. Affublé d’un nez disgracieux qui le rend laid, il reste invisible aux yeux de sa cousine Roxanne qui aime le beau Christian… Jean Liermier met en scène le chef-d’œuvre d’Edmond Rostand en mettant à nu les défauts et fragilités d’un Cyrano magistralement interprété par Gilles Privat, plus mélancolique que fier, assaillis de doutes qui le rendent infiniment humain et attachant.

Inspirée d’une fête religieuse taïwanaise au cours de laquelle des lanternes lumineuses lâchées sur l’eau des fleuves et rivières accompagnent l’âme d’un défunt vers un au-delà apaisé, la pièce du jeune chorégraphe Po-Cheng Tsai transforme les corps des huit danseurs –quatre femmes et quatre hommes vêtus d’un jupon blanc- en ondes paisibles, ou flots impétueux, qui répondent aux rythmes obsédants de la musique de Rockid Lee. Tradition et modernité se rejoignent pour célébrer la vie, éphémère et précieuse.

© Yi Wen Chou

© Rudy Sabounghi

Cyrano de Bergerac

Un explorateur américain, parti au pôle Nord en 1897 pour y planter un drapeau vainqueur sur des terres de « sauvages » à coloniser, échoue dans sa mission. Autant revenir avec des souvenirs vivants, des esquimaux qui feront sa fierté ! Parmi eux un enfant, Minik, va vivre la violence de l’immigration forcée. Après Le Tour de Valse, Tony Canton réunit à nouveau, avec pertinence, BD (roman graphique de Chloé Cruchodet, éd. Delcourt) et musique (Stéphane Milleret et Sébastien Tron) !

10 avril Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr 14 avril Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 carreleongaumont.com

Il est à lui tout seul tout ce qui fait un match de rugby, des joueurs au coach, sans oublier les supporteurs, parents y compris… Cédric Chapuis plonge les spectateurs la tête la première dans cet esprit de corps qui va bien au-delà d’un sport adoré ! C’est une aventure humaine qu’il raconte en la jouant, louant, avec humour et sensibilité, des valeurs aussi précieuses que l’endurance et l’amitié, une fraternité révélatrice d’une belle humanité. 23 mars Espace Gérard Philippe, Port-Saint-Louis 04 42 48 52 31 scenesetcines.fr


au programme spectacles bouches-du-rhône hérault

67

Les Veufs

Hospitalités

Entre stand-up et master class, le spectacle de Céline Lefèvre livre une riche histoire du hip hop, dansée, jouée, avec beaucoup d’énergie et d’humour. Immergée depuis plus de vingt ans dans l’univers de cette culture, la danseuse et chorégraphe en décortique les codes, les styles et les courants, démonstrations à l’appui !

Cet exaltant projet a été mené par le performeur suisse Massimo Furlan à l’invitation du musicien Kristof Hiriart avec des habitants de La Bastide-Clairence, petit village du Pays Basque. La fiction imaginée pour la performance en ce lieu (faire croire à l’arrivée de migrants dans le village pour y faire chuter le prix de l’immobilier) a rejoint l’actualité lorsqu’une famille de syrien s’y est installée… C’est cette histoire que racontent neuf des villageois.

© Collectif L’Isba

Ma class’ hip hop

Un homme et une femme se rencontrent dans les allées d’un cimetière ou l’un et l’autre se rendent fréquemment pour conserver intact le souvenir qui les lie à leurs défunts conjoints. S’instaure alors un dialogue fait de petites choses, comme un frémissement de vie. José Renault met en scène le texte de Louis Calaferte avec le Collectif L’Isba.

© Pierre Nydegger

23 mars Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 theatre-arles.com

La Compagnie des spectres

7 avril Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 theatre-arles.com

© X-D.R

10 & 11 avril Théâtre La Vignette, Montpellier 04 67 14 55 98 theatrelavignette.fr

La Maison Pénétrer dans une maison, en parcourir les pièces, s’interroger sur ses habitants, leur vie… Cet espace dans lequel nous convie Inne Goris nous enveloppe de sa propre histoire, d’une relation mère-fille qu’elle livre avec beaucoup de finesse et de poésie. Un casque sur les oreilles, les spectateurs se laissent guider par les chuchotements de ces deux voix, celle de la mère parlera aux enfants, celle de la fillette aux adultes, sur la musique et les bruitages de Wouter Snoei. 19 & 20 mars Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 theatre-arles.com

Dans l’appartement d’une cité de banlieue, une mère, Rose, et sa fille, Louisiane, font face à un huissier venu procéder à un inventaire avant saisie. Un état des lieux qui va réveiller chez Rose les fantômes du passé, elle dont la vie s’est arrêtée en 1943… Drames familiaux liés à la Deuxième Guerre mondiale, nondits, souffrances, tout se dévoile dans une logorrhée sensible et désespérée. Le texte de Lydie Salvayre est mis en scène et adapté par Zabou Breitman, qui joue les trois rôles.

Zvizdal Après la catastrophe de Tchernobyl, en 1986, des centaines de milliers de personnes ont été déplacées et les abords de la centrale nucléaire ont été déclarés zone interdite. C’est là, dans le village de Zvizdal où ils sont nés, que vivent, seuls, Pétro et Nadia, un couple d’octogénaires qui n’a pas voulu partir. Avec la journaliste Cathy Blisson, le Collectif Berlin trace un portrait filmé bouleversant de ces survivants au fil des saisons, au fil d’un temps qui s’étire.

© Collectif Berlin

© Chantal Depagne Palazon

Espace Gérard Philippe, Port-Saint-Louis 04 42 48 52 31 scenesetcines.fr

24 mars L’Alpilium, Saint-Rémy-de-Provence 04 90 92 70 37 mairie-saintremydeprovence.fr 27 & 28 mars Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 theatre-arles.com

12 & 13 avril Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 theatre-arles.com


68 au programme spectacles vaucluse bouches-du-rhône var

While we strive

Ça ira (1) Fin de Louis

Dans les spectacles du chorégraphe hollandais Arno Schuitemaker, corps, mouvement, musique et lumière fusionnent, bouleversent les perceptions de l’espace pour créer de nouvelles et fascinantes sensations. Emportés dans une danse hypnotique, à la limite de la transe, les trois performeurs de While we strive portent le rythme jusqu’à une extrême limite physique.

Dionysos... Ce nom vous évoque sûrement quelque chose ! Figure majeure de la mythologie grecque, Dieu du vin, de la vigne et de l’ivresse, de la végétation et de la génération... Cette divinité complexe est au cœur du conte que propose Jeannie Lefebvre qui emporte loin, très loin, son auditoire immobile ! Laissez-vous guider, la rencontre est belle.

© Elisabeth Carecchio

© Jochem Jurgens

Dionysos…

La dernière mise en scène de Joël Pommerat est un grand spectacle. Liant l’intime et le politique il plonge dans l’histoire de la Révolution Française, et s’introduit au sein de la sphère publique transformant la salle en agora, là où se déroulent les réunions citoyennes, les discours et les négociations. Au cœur de la démocratie naissante.

Dionysos, ou plus exactement l’étrange étranger 23 mars Médiathèque, Charleval 04 42 28 56 46 charleval-en-provence.org

23 & 24 mars Opéra Confluence, Avignon

Ivo Livi ou le destin d’Yves Montand

27 mars La Garance, Cavaillon 04 90 78 64 64 lagarance.com

6 & 7 avril Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 carre-sainte-maxime.fr

La vie d’Yves Montand est revisitée par Ali Bougheraba et Cristos Mitropoulos, dans une mise en scène de Marc Pistolesi. Quatre comédiens et un accordéoniste remontent le temps pour raconter comment un fils d’immigrés italiens va devenir un artiste majeur et un citoyen engagé dans les grands moments de l’histoire du XXe siècle. De Marseille à Hollywood, de la guerre froide au communisme, tout se joue, se danse et se chante, sans artifice et avec une énergie follement communicative !

Loretta Strong

9 au 14 avril en tournée Nomade(s) La Garance, Cavaillon 04 90 78 64 64 lagarance.com

© Fabienne Rappeneau

Ce spectacle s’inspire de l’histoire qu’a vécue enfant l’auteur-illustrateur Hervé Walbecq avec un oiseau. Durant 8 ans le verdier en question évolua librement dans sa chambre. Sur le plateau, l’homme-dessinateur est accompagnée de Marie-Aude Thiel, clown et musicienne, pour faire vivre, en direct par des dessins à la ligne claire, la suite : l’envol, la migration. Dorian Rossel met en scène cette invitation au voyage, à la découverte de soi et des autres.

© Ultima Necat

© P. Bretelle et J. Jolivet

L’oiseau migrateur

12 avril Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 97 32 auditoriumjeanmoulin.com

Ultima necat, c’est le nom de la compagnie qui porte ce spectacle : la dernière (minute) tue. Il va bien avec l’ambiance de fin du monde de l’œuvre de Copi : une cosmonaute perdue dans l’espace apprend que la Terre vient d’exploser, suite à une invasion d’hommes-singes. Dans sa navette, elle lutte contre l’invasion de rats, qui assaillent son propre corps. Fantasme fantasque ? Une métaphore de la vie et de la mort mise en scène par Gaël Leveugle. 24 mars Artéphile, Avignon 04 90 03 01 90 arthephile.com


au programme spectacles vaucluse

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Les carnets d’un acteur

Lettre à monsieur le futur Président

Dernier jour d’un condamné

Charles Gonzalès © Jean Didier Tiberghien

Dans cette lettre écrite en 2007, entre autres questions de politique-poil à gratter, Gérard Gelas se demandait si on pourrait déplacer le Palais de l’Élysée dans la banlieue parisienne, par exemple vers ce département de la SeineSaint-Denis que l’on ne désigne quasiment plus que par le familier « 9-3 ». Cette création 2018, mise en scène par François Brett, convaincu que le texte reste pertinent après le résultat des élections pour interpeller le pouvoir, est conçue comme un slam : percutant, et fougueux. Avec Franck Etenna.

7 & 8 avril Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 chenenoir.fr

L’amour dans tous ses états Sandra Valentin et Hervé Pauchon parcourent sur scène les étapes de la vie d’un couple. Cela s’est déjà vu, au théâtre ! L’originalité de cette œuvre est d’apporter un regard très particulier sur ce processus, qui peut aller de la construction au délitement : celui d’une psychothérapeute. Marie-Lise Labonté ponctue chaque moment de passion montante, d’intimité ou de détresse avec son éclairage théorique. 10 avril Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 chenenoir.fr

22 au 25 mars Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 theatredeshalles.com

12 & 13 avril Le Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 theatredubalcon.org

… de là-bas Le chorégraphe Romain Bertet, pour créer cette « pièce archéologique », a souhaité « avant tout la création d’un lieu ». Il interroge donc la notion d’espace au moyen d’outils visuels et narratifs : cadre en déplacement, construction d’une histoire avec des traces, paysage changeant d’échelle, ombre du personnage qui creuse son sillon dans sa maison d’argile, jusqu’à s’y fondre... À partir de 12 ans.

Être et ne pas être Sept jeunes acteurs issus du Conservatoire de théâtre d’Avignon (Coline Agard, Marion Bajot, Anne Sophie Derouet, Léa Guillec, Sean Lempérière, Mathie Lisi, et Sarah Rieu) confrontent leurs incertitudes existentielles. Au terme d’un parcours initiatique, ils se révéleront « capables d’un sentiment de compassion et d’empathie, ce qui autorisera enfin la rencontre authentique ». Une pièce théâtrale et chorégraphique, sur le thème de l’identité, écrite et mise en scène par Silvia Cimino (création 2018). 6 & 7 avril Le Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 theatredubalcon.org

© Pascale Beroujon

Franck Etenna © X DR

La création 2018 d’Alain Timár s’inspire de Dostoïevski (Les carnets du sous-sol et Le rêve d’un homme ridicule), Shakespeare, et la Bible. Charles Gonzalès, seul en scène, interprète Fedor, homme à tout faire dans un théâtre, qui rêve de brûler les planches plutôt que de les balayer. Un jour, l’occasion est là, et il va se risquer sous les feux de la rampe, avec son amour des textes, sa rage et ses frustrations.

L’ombre de la guillotine plane sur le personnage interprété par William Mesguich, condamné à mort. On ne connaît pas son nom, ni son crime ; là n’est pas l’important dans ce fameux texte de Victor Hugo, mis en scène par François Bourcier. Il s’agit plutôt de rappeler ce qu’implique la peine de mort : les affres de l’attente, avant que ne tombe le couperet de la violence légale sur un individu.

21 mars Théâtre Durance, Château-Arnoux/Saint-Auban 04 92 64 27 34 theatredurance.fr


70 au programme spectacles alpes vaucluse

La petite casserole d’Anatole

Gus

© Cyrille Louge

Iliade © Benjamin Rullier

Il a été abandonné tout petit dans une poubelle, et son destin en est marqué. Le chat Gus reste griffeur et hostile, alors que, recueilli, il est désormais entouré d’amour. Un mystère qui intrigue Sébastien Barrier. Avec son ami et musicien Nicolas Lafourest (propriétaire du matou), il consacre ce spectacle à l’éclaircir. Pour parler de perte et d’attachement, ainsi que « de la difficulté et du plaisir d’aimer ». (voir Zib’ 115) À voir en famille dès 10 ans.

© Pauline Le Goff

Décidément cette histoire d’un petit garçon qui trimbale une casserole encombrante inspire les créateurs ! Publiée par Isabelle Carrier aux éditions Bilboquet, elle a été adaptée à plusieurs reprises au cinéma et sur scène. Le Théâtre Durance accueille à son tour cette touchante métaphore du handicap, sous la forme d’un spectacle de marionnettes adapté aux enfants de trois ans et plus, avec en alternance Francesca Testi et Anthony Diaz ou Marjorie Currentin et Dominique Cattani.

Pauline Bayle adapte Homère avec le sens de l’épure, et une scénographie réduite au minimum, ce qui ne l’empêche pas de bousculer le mythe. En assouplissant les rôles genrés, par exemple. Ses acteurs et actrices se glissent tour à tour dans la peau de personnages masculins ou féminins, qu’ils soient humains, héroïques ou divins. La Guerre de Troie oppose deux camps, mais surtout deux visions du monde, qui, selon la jeune metteure en scène, ont encore des choses à nous dire aujourd’hui.

20 & 22 mars La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu

4 avril Théâtre Durance, Château-Arnoux/Saint-Auban 04 92 64 27 34 theatredurance.fr

Quatorze

21 & 23 mars La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu

Les malédictions

Aborder la guerre de 14-18 par l’humour, il fallait oser ! C’est le pari de la Cie Cassandre, qui s’attaque aux racines de la grande boucherie. En remontant 38 jours avant son déclenchement, concentrés en deux heures de spectacle historique. Six comédiens incarnent de multiples personnalités de l’époque, ayant participé à l’engrenage fatal : généraux, dignitaires, journalistes... Dans un clin d’œil appuyé aux insuffisances du « devoir de mémoire » officiel. 13 avril Théâtre Durance, Château-Arnoux/Saint-Auban 04 92 64 27 34 theatredurance.fr 18 avril La Garance, Cavaillon 04 90 78 64 64

© Richard Volante

La Cie À tire-d’aile livre le second pan de son travail « homérique ». Pauline Bayle et ses comédiens choisissent cette fois un temps apaisé après la guerre, la ruse d’Ulysse plutôt que la force des guerriers. Son Odyssée n’est pas de tout repos, certes, mais chaque épreuve le rapproche de lui-même, avec ses ambivalences et ses contradictions. Comme dans l’Iliade, cinq artistes interprètent une quinzaine de rôles, sans sacrifier la clarté de l’histoire.

© Pauline Le Goff

© Pierre Grosbois

Odyssée

21 & 23 mars La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu

Le Théâtre La Passerelle envoie régulièrement des artistes en tournée dans les Hautes-Alpes, avec ses « Excentrés ». C’est le cas pour cette œuvre de Nicolas Bonneau, qui fait appel à la marionnette et à la magie dans un propos documentaire. Inspiré par l’ethnologue Jeanne Favret-Saada, il a enquêté sur les guérisseurs, magnétiseurs et rebouteux qui exercent en Mayenne et Bretagne. La comédienne Hélène Barreau et la musicienne Fannystatic ont plongé avec lui dans l’opacité de ces pratiques encore très répandues. 8 avril, à Veynes 10 avril, à Tallard 12 avril, à Chabottes 13 avril, à Embrun 15 avril, à Chorges La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu


au programme spectacles alpes var

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Rue des voleurs

Bella

Balthazar se pose des questions profondes sur la vie, la mort, la destinée. Le voyage initiatique d’un petit garçon et sa maman, sous la forme d’une déambulation dans les espaces du Centre d’art contemporain de Briançon. Un spectacle à voir en famille à partir de 8 ans, adapté et mis en scène par Viviane Escazut, professeure au Conservatoire du Briançonnais, d’après le texte de Claire Gatineau, son ancienne élève.

Bella, enfant rêveuse, regarde autant les gens que les nuages. Ce serait si beau de voler… Et voilà qu’elle remarque que de jour en jour, elle est plus légère ! Elle peut alors se laisser tomber comme une fleur de la branche de son arbre vigie. Jusqu’à ce qu’elle perde contact avec le sol, pour de bon. Marina Montefusco propose un conte délicat pour marionnettes, qui nous parle de ces moments où la vie, l’âge, nous font passer d’un état à un autre. Une création de la Cie Le Clan des songes.

© Nicolas Rubat

© Jessica Calvo

Balthazar, Dieu et moi

20 mars Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 theatre-du-brianconnais.eu

Bruno Thircuir adapte le roman de Mathias Énard, qui voit un jeune marocain quitter son pays au moment des printemps arabes, pour rejoindre les indignés espagnols. Les représentations ont lieu dans un camionthéâtre, avec lequel La fabrique des petites utopies circule depuis des années sur les deux rives de la Méditerranée, à la rencontre d’une jeunesse bouillante, car éprouvée. À partir de 14 ans. 4 au 6 avril Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 theatre-du-brianconnais.eu

Batman contre Robespierre

© Laura Mac Coll

Mettre les points sur le i et projeter un esprit délirant sur le reste du monde, c’est la spécialité de la Compagnie du i qui se lance dans la création d’un spectacle de clown. Séraphine, chignon tiré et talons vertigineux, aime tout ce qu’elle contrôle, mais bien sûr, la vie est récalcitrante à ce genre d’aspiration ! Nous suivons sa découverte des imperfections humaines aux côtés d’un musicien muet et mystérieux, un certain Gabriel… délicieusement séraphique !

© Vincent Bidault

Les « Échappées » du Théâtre du Briançonnais conduiront ce spectacle d’Alexandre Markoff en tournée dans les Hautes-Alpes. Pourquoi un tel titre ? L’histoire d’un homme banal, doté d’une famille, d’un boulot et d’un crédit à la banque, et qui va tout perdre, sert à évoquer l’ensemble d’un « peuple divisé, qui ne croit plus en l’action collective, résigné, que la publicité, la télévision, le cinéma ont fini par convaincre que seul un justicier solitaire pouvait encore quelque chose pour lui ».

22 & 23 mars Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 theatre-du-brianconnais.eu

10 avril, à Villard-Saint-Pancrace 11 avril, à La Grave 12 avril, à Guillestre 13 avril, à L’Argentière-la-Bessée Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 theatre-du-brianconnais.eu

© Séverine Cadillac

Besame (mucho)

4 avril Théâtre du Rocher, La Garde 0800 083 224 polejeunepublic.fr

La mécanique des ombres Les trois danseurs acrobates de la Cie Naïf Production continuent leur travail de mélange entre danse hip hop et cirque. Après Je suis fait du bruit des autres, ils poursuivent la démarche avec un spectacle qui invente un langage gestuel plein de promesses. Avec les trois mêmes costumes (sweet et jean, et visages cachés dans la profondeur des capuches), ils évoluent aussi dans le domaine du mime, déclinant les gestes du quotidien et les dérapages des accidents de la vie. 20 mars Auditorium de la Dracénie, pôle culturel Chabran, Draguignan 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com


72 au programme spectacles var

Le Nouveau monde

Boutelis

© Pierre Morel

Gilles Cailleau (Cie Attention fragile) s’affronte au contemporain, de plein fouet : celui, dur et plein de questions, qui ouvrent sur des abîmes d’incompréhension et de révoltes. Il s’adresse autant aux enfants qu’à leurs parents : avec des poupées, des objets, de la magie, mis en situation devant les spectateurs, il rejoue, en musique, en mots, les enjeux de notre XXIe siècle. Alors la poésie apparaît comme un moyen d’éclaircir et d’adoucir le monde.

Les trois artistes de la Cie Defracto jonglent avec les règles : oui, ils manient les balles à la perfection, mais aussi et surtout, ils déjouent les codes de la discipline. L’art de la chute est parfois plus subtil que celui de toujours tout réussir. Et parfois aussi, on peut jongler sans objet. Ou sans les bras. Avec la transgression comme moteur, ils présentent un spectacle de haute voltige, où tout est chorégraphié, surtout les ratés.

© Jacques Sampic

© Claire Bossuet

Flaque

11 au 14 avril Complexe Saint-Exupéry, Draguignan 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com

14 & 15 avril Pôle Jeune Public, Le Revest-les-Eaux 0800 083 224 polejeunepublic.fr

L’univers de la Cie Lapsus regorge d’images oniriques. Tout semble suspendu sur la scène : les corps, les objets, les histoires. Les 7 circassiens évoluent entre voltige, monocycle, théâtre, un lit, une pluie de miroirs, des perruques, des talons aiguilles : la vie s’invite sur le plateau, et tissent des récits entre les numéros. 31 mars La Croisée des Arts, Saint-Maximin 04 94 86 18 90 st-maximin.fr

Au loin

30 mars Pôle Jeune Public, Le Revest-les-Eaux 0800 083 224 polejeunepublic.fr

24 mars Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 carre-sainte-maxime.fr

© Guillaume Gabriel

C’est l’histoire d’Ulysse. Il est ici un petit personnage de papier, qui navigue sur des feuilles de livres pliées en forme de bateau. Blaise Ludik a adapté ce monument de la littérature pour les tout-petits (à partir de 3 ans), en en faisant une métaphore : le voyage comme autant d’étapes de la croissance, de l’avancement vers le moment où on devient un « grand ». Et, au-delà des péripéties, il est question aussi de bonheur et de liberté.

Les Nuits barbares…

Elles ont réussi à grimper sur les plus hautes marches des podiums des concours de hip hop. Parmi des concurrents presque exclusivement masculins, les 7 danseuses de la Cie Swaggers cassent les barrières et ouvrent le champ de la street dance aux femmes. Attention ça bouscule les genres ! Marion Motin ose le hip hop alternatif et détendu : un crew organique et sensuel.

© Dati Photography

© Virginie Delattre

In the middle

Les Barbares… Effrayants et fascinants, depuis que la société fait société, depuis les Grecs, il y a « les autres », dangereux, inconnus. Hervé Koubi lance 16 danseurs dans l’Histoire. Masques, couteaux, percussions, tout envoute, la chorégraphie fait tournoyer les corps, les peurs et les mythes. Les Nuits barbares ou les premiers matins du monde 7 avril La Croisée des Arts, Saint-Maximin 04 94 86 18 90 st-maximin.fr


au programme spectacles alpes-maritimes bouches-du-rhône

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Le tour de la dette en 80 minutes Tartuffe

Le Turak Théâtre y va fort avec Carmen ! Voilà qu’elle est bretonne, qu’elle vit dans un phare, que le drame fait place à la comédie, et que les personnages se dédoublent derrière des marionnettes. Quant à la musique, elle invite un clavecin, un sitar, du bouzouki… (adaptation musicale Laurent Vichard) L’opéra se pare des accessoires du théâtre d’objets, maniés par les 4 interprètes, qui, défient autant les lois de l’amour que celles de la scène lyrique. Dès 8 ans.

Tartuffe est un imposteur, Orgon se laisse prendre à ses mensonges. Elmire, sa femme, n’est pas dupe. La mise en scène de Jean de Pange (Cie Astrov) inclut le public dans la mise à nu de Tartuffe, et le rend complice du piège monté par Elmire, qui verra enfin Orgon ouvrir les yeux sur la duplicité de son hôte. Le dispositif quadri frontal permet un jeu intime et dynamique, au service du texte de maitre Molière.

© Greg Tabibian

Une Carmen en Turakie

Christophe Alévêque ne s’en laisse pas conter. Sous ses allures de bouffon décapant, il s’est entouré (avec Vincent Glenn) de spécialistes en économie pour écrire son spectacle. Alors, oui, on rigole, et beaucoup, mais on entrevoit aussi des solutions à cette crise, qui passe par les paradis fiscaux et l’austérité bien tempérée. Tout d’un coup, les évidences installées se transforment en scandales qu’on pourrait dynamiter. Spectacle en partenariat avec le Secours Populaire.

© Romain Etienne

27 & 28 mars Scène 55, Mougins 04 92 92 55 67 scene55.fr

Ballet de Lorraine

30 mars Salle Guy Obino, Vitrolles 04 42 02 46 50 vitrolles13.fr Sounddance © Laurent Philippe

22 & 23 mars ECSVS, La Roquette-sur-Siagne 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com

© X DR.

13 avril Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com

Cartes blanches Käfig a fêté ses 20 ans ! La Cie de Mourad Merzouki, apôtre du hip hop, fête l’événement avec un spectacle qui réunit 6 danseurs dans un décor baroque. Les mouvements croisent l’histoire des 25 créations (depuis 1996, tournées dans plus de 700 villes et 61 pays…), dans une atmosphère de retrouvailles et de célébration avec un public familier de cette danse qui a largement décroché ses titres de noblesse.

Trois spectacles, trois chorégraphes, trois pièces majeures où l’art des danseurs du Ballet de Lorraine se développe dans toute sa diversité. The Fugue (chorégraphie Twyla Tharp remontée par Richard Colton) : 20 variations sur un thème à 20 temps. Duo (William Forsythe), ou l’art de remonter le temps. Et Sounddance (Merce Cunningham), sommet de danse d’ensemble, à la fois complexe et uniforme.

Le porteur d’Histoire Ils sont cinq, sur un plateau nu, un tabouret pour chacun, et deux portants de costumes à portée de main. Le voyage peut commencer. À travers le temps et les continents, à travers les faits historiques et les petites histoires, Alexis Michalik (texte et mise en scène, deux Molière) nous transporte au monde du théâtre et de l’imaginaire. On y croit, on en redemande.

© Benoite Fanton

© Alejandro Guerrero

22 mars Scène 55, Mougins 04 92 92 55 67 scene55.fr

5 & 6 avril Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com

19 mars Théâtre Croisette, Cannes 04 92 98 62 77 palaisdesfestivals.com


74 au programme spectacles gard bouches-du-rhône hérault

Cuisine et dépendances

Fantaisie littéraire

Voilà un texte contemporain qui est déjà entré dans le répertoire classique. La pièce écrite il y a une vingtaine d’années par Jean-Pierre Bacri et Agnès Jaoui, succès historique, est aujourd’hui reprise avec 5 nouveaux comédiens. Petites frustrations, jalousies, lâchetés, amitié, regrets, c’est tout un ballet social qui remonte sur scène (Jaoui à la mise en scène). On rit, on grince, on s’émerveille de tant de justesse.

Cela fait 30 ans que Patrick Timsit caresse le rêve d’incarner le livre d’Albert Cohen, ode magnifique à sa mère, aux « mères de tous les pays ». Bien des films et one man shows plus tard, Dominique Pitoiset le met en scène pour cette interprétation d’un des textes les plus sensibles et universels sur ce rapport unique entre un enfant et sa mère.

© Gilles Vidal

22 & 23 mars Théâtre Bernadette Lafont, Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com 13 avril Théâtre de la Colonne, Miramas 04 90 50 66 21 scenesetcines.fr

3 & 4 avril Théâtre Bernadette Lafont, Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com

Il y a un an disparaissait l’une des figures majeures de la danse contemporaine, l’américaine Trisha Brown. Une soirée hommage retrace en trois pièces 10 ans de création, entre 2000 et 2009. Pureté, invention, intensité. L’Amour au théâtre (sur la musique de Rameau), Geometry of quiet (musique du compositeur contemporain Salvatore Sciarrino), et Groove and Countermove (new jazz de Dave Douglas).

51e et 52e écrivains invités par la Maison des littératures à voix hautes, Jean-Yves Lacroix (romancier, traducteur, libraire ; dernier ouvrage : Pechblende, Albin Michel, 2016) et Mariette Navarro (auteure, co-directrice de collection chez Cheyne éditeur, dernier ouvrage : ZAE, Zone à étendre, éditions Quartett, 2018) viendront à la rencontre des nîmois pour une Fantaisie littéraire : lectures par les auteurs, rencontre, questions, échanges. 22 mars, Jean-Yves Lacroix 5 avril, Mariette Navarro Maison des littératures à voix hautes, Nîmes 04 66 62 06 66 triptyktheatre.fr

12 avril Théâtre Toursky, Marseille 04 91 02 54 54 toursky.fr

Trisha Brown Dance Company

La conquête de l’inutile Chotto Desh

© X-D.R

Le chorégraphe Akram Khan écrivait en 2011 un solo (Desh) pour raconter son désir de danse, qu’il a fallu défendre et nourrir envers et contre tout, et surtout son père. Il le remonte aujourd’hui, adapté pour le jeune public (dès 7 ans). Sur des contes imaginés par Karthika Nair et le chorégraphe, dans un mélange de danse traditionnelle et contemporaine, se dessine l’itinéraire d’un garçon épris de liberté et de mouvement.

© Richard Haughton

Geometry of Quiet © Service Culturel Musée Art moderne 2017

28 & 29 mars Théâtre Bernadette Lafont, Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com

Mariette Navarro © Philippe Malone

© Pascal Victor

Le livre de ma mère

11 avril Théâtre Bernadette Lafont, Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com

« Effort maximum, résultat minimum, ou comment faire des efforts surhumains pour obtenir des détails infimes. » La Cie genevoise L’Alakran, Oscar Gómez Mata en tête, cultive l’art du spectacle performance, mêlant intervention du réel et invention de l’absurde. Dans cette dernière création, les ombres de Virginia Woolf et Jorge Borges devisent avec Anatole… Acteurs et personnages échangent les rôles, fiction et réalité se brouillent. 27 au 29 mars Domaine de Grammont, Montpellier 04 67 99 25 00 humaintrophumain.fr


au programme spectacles hérault bouches-du-rhône 75

Ça occupe l’âme

Mon grand-père

Auteur, metteur en scène, et fondateur de la maison de production de théâtre et de cinéma International Institute of Political Murder, le Suisse Milo Rau, manie les extrêmes : tabous, voyeurisme, violence, dans un travail qui érige le théâtre comme exutoire et outil de compréhension. Sa dernière pièce va peut-être plus loin encore, en mettant sur le plateau 7 enfants, rejouant l’histoire du pédophile Éric Dutroux. Malaise garanti. Réflexion sur l’acte théâtral en prime.

Dag Jeanneret (Cie In Situ) a eu la bonne idée d’adapter le texte de Valérie Mrejen pour la comédienne Stéphanie Marc. Les mots claquent comme des fouets, pour raconter cette histoire de famille intranquille, avec grand-père volage, suicides en chaine, amour rentré, le tout emballé dans les années 70. C’est drôle, c’est beau, et c’est vrai. Poignant.

© X-DR.

Five easy pieces

© Christian Pinaud

© Phile Deprez

Deuxième spectacle de la saison pour la Montpelliéraine Marion Pellissier, cette fois avec la Cie La Raffinerie. Un couple est séquestré. Ils ne savent plus pourquoi : peu importe. Ce qui les occupe, c’est la volonté de ne pas perdre la mémoire, de garder vivants leurs souvenirs pour continuer à rester ce qu’ils sont. Mais les images du passé et du présent divergent de l’un à l’autre, d’un moment à l’autre. La vidéo surveillance, toujours active, entérinera le décalage. 27 & 28 mars Théâtre Jean Vilar, Montpellier 04 67 40 41 39 theatrejeanvilar.montpellier.fr

20 au 22 mars Église Saint Félix de Bayssan, Béziers 04 67 28 37 32 sortieouest.fr

4 au 6 avril Domaine de Grammont, Montpellier 04 67 99 25 00 humaintrophumain.fr

Tram 83

Jusqu’ici tout va bien

© Danny Willems

© Didier Nadeau

Très narratif, le dernier spectacle du chorégraphe Wim Vandekeybus plonge dans un univers peu abordé en danse : la science-fiction, doublée d’une atmosphère plutôt dystopique. Sur des textes de Bart Meuleman et Ultima Vez, les danseurs sont les survivants d’une catastrophe, réfugiés dans un espace protégé, surplombés par des révélations messianiques, et rejouent la comédie humaine.

Mockumentary of a contemporary saviour 11 & 12 avril Domaine de Grammont, Montpellier 04 67 99 25 00 humaintrophumain.fr

Tram 83 recouvre un certain nombre de significations, entre la ligne nocturne de tram bruxelloise, le nom d’un bar-bordel grouillant de personnages et le titre du roman de Fiston Mwanza Mujila qu’adapte et met en scène Julie Kretzschmar. Une date, le 30 juin, inauguration du tram et indépendance du Congo (ex-Zaïre), et une écriture lucide et poétique pour un spectacle choral coup de poing. 21 & 22 mars Théâtre de la Vignette, Montpellier 04 67 14 55 98 theatre.univ-montp3.fr 12 & 13 avril Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 88 71 74 80 boisdelaune.fr

© X-DR

Mockumentary…

Une mise en scène collective par Le Grand Cerf Bleu (Laureline Le Bris-Cep, Gabriel Tur, Jean-Baptiste Tur) pour présenter une mise en scène que chaque famille ou presque réitère à Noël : le bonheur, l’entente, la fratrie… À partir de recueils de témoignages et de souvenirs, les comédiens rejouent ce grand moment de théâtre intime, en dévoilant successivement les scènes de salons, avec cuisine en sourdine, et inversement. Espace de figuration et envers du décor nous livrent des secrets que nous reconnaissons tous…

3 & 4 avril sortieOuest, Domaine départemental de Bayssan, Béziers 04 67 28 37 32 sortieouest.fr


76 au programme cinéma bouches-du-rhône

Vidéo FID

Sur le chemin de l’école

Continent Jeunesse

Lutte jeunesse © Thierry de Peretti

Le 20 mars à 20h, le FIDMarseille propose dans ses locaux la projection de Lutte jeunesse de Thierry de Peretti. Casting pour le rôle principal du film Une Vie Violente. Des jeunes hommes corses témoignent face caméra du rapport qu’ils entretiennent avec leur île. Se dessine ainsi le portrait kaléidoscopique d’une génération, entre tentation du nationalisme et rêves d’un nouveau départ, ailleurs.

Dans le cadre du Continent Jeunesse de la Biennale des écritures du Réel : « Des aventures artistiques à l’école », projection de 3 films réalisés avec des élèves marseillais. Une envie lui vint d’être aimé de Natacha Samuel et Florent Klockenbring, libre interprétation du livre Max et les Maximonstres. Terra Nova de Marie Lelardoux et Béatrice Kordon, jeu de pistes dans un village abandonné. Et Sécurité de Natacha Samuel, plongée dans les rêves d’avenir des lycéens en CAP Sécurité du Lycée Ampère.

20 mars FID, Marseille 04 95 04 44 90 fidmarseille.org Sécurité © Natacha Samuel

Amour, amours

21 mars Le Gyptis, Marseille 04 95 04 96 25 lafriche.org

Sur le chemin de l’école © The Walt Disney Company France

Dans le cadre du Printemps des Ecoles 2018, le 10 avril à partir de 18h30, à l’Eden Théâtre de La Ciotat, projection/débat « Du recueil d’initiatives associatives à l’Alliance éducative » avec le film de Pascal Plisson, Sur le chemin de l’école. Jackson, Zahira, Samuel et Carlos, quatre enfants, vivent l’un au Kenya, l’autre au Maroc, les autres enfin en Inde et en Patagonie. Tous les quatre, même s’ils ne se connaissent pas, sont prêts à relever tous les défis pour aller à l’école, espérant que l’éducation leur permettra d’échapper à leur destinée. 10 avril Eden Théâtre, La Ciotat 04 88 42 17 60 edencinemalaciotat.com

L’Uruguay à La Ciotat Jean Douchet, le passeur d’images

Maestro © 2014 Mandarin Cinema - Rezo Films Nicolas Schu

Après Les Amours d’Astrée et de Céladon de Rohmer, à l’occasion de la 16e édition du festival Mars en Baroque, Les Variétés proposent Maestro. Michael Lonsdale en double d’Eric Rohmer y dirige un jeune acteur, plus fan de blockbusters que de films d’auteurs. Imaginé par Jocelyn Quivrin, le Céladon de Rohmer, réalisé par Léa Fazer, Maestro est un récit d’initiation et un hommage au cinéma français. La projection sera précédée d’un prélude musical avec à la viole de gambe, Louise Bouedo et au luth, Clément Stagnol. 28 mars Cinéma Les Variétés, Marseille 08 92 68 05 97 cinemetroart.com

Jean Douchet sera au Méliès de Portde-Bouc et au Renoir de Martigues. Le documentaire de G. Namur, F. Hagege et V. Haasser, Jean Douchet, l’enfant agité, trace le portrait de ce critique de cinéma qui sillonne les cinémathèques du monde entier pour parler des films qui le passionnent. Une Carte Blanche lui est donnée au Méliès où il présentera Une Partie de campagne de Renoir.

Jean Douchet © 2017 KIDAM CARLOTTA FILMS

6 avril Cinéma Jean Renoir, Martigues 09 63 00 37 60 cinemartigues.com 7 avril Cinéma Le Méliès, Port-de-Bouc 04 42 06 29 77 cinemelies.fr

Otra Historia Del Mundo © Lavorágine Films

Le 22 avril à l’Eden Théâtre de La Ciotat, Art et Essai Lumière, en partenariat avec les 20e Rencontres du Cinéma Sud-Américain, propose Otra historia del mundo de l’Uruguayen Guillermo Casanova, adapté du roman Alivio de Luto de Mario Delgado Aparaín. À Mosquitos, un village imaginaire dirigé par le Colonel Werner Suárez, deux grands amis Gregorio Esnal et Milo Striga tentent de convaincre le village de se rebeller et de retrouver leur liberté perdue… La projection aura lieu en présence de l’équipe de l’ASPAS. 22 avril Eden Théâtre, La Ciotat 04 88 42 17 60 edencinemalaciotat.com artetessailumiere.fr


au programme cinéma bouches-du-rhône var vaucluse hérault 77

Toujours éco-citoyen !

Allemagne, mère blafarde

Avant-premières au Sud

Suite de la programmation délivrée par la Cinémathèque allemande à l’invitation du Mucem, avec un film d’Helma Sanders-Brahms (1980, RFA). L’histoire d’un couple formé au début de la Seconde Guerre mondiale, l’homme part au front, la femme survit pendant toutes les années du conflit avec leur enfant. Au retour du mari, Hans, la vie de famille oppresse sa femme Lena qui se trouve prise dans un étau.

Les 8e Rencontres cinématographiques du Sud permettent de découvrir des films en avant-première à Avignon, suivis d’une rencontre avec chacun des réalisateurs. Trois titres sont présentés à l’Utopia : Luna, d’Elsa Diringer (20 mars), Trois jours à Quiberon d’Emily Atef (21 mars) et Une année polaire de Samuel Collardey (23 mars).

© X DR

23 mars Mucem, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org

Human Flow d’Ai Weiwei

Contre vents et marées, le cinéma 3 Casino de Gardanne sait préserver son attachement aux valeurs sociales et citoyennes. Cette année, les rencontres font peau neuve, deviennent Soirées éco-citoyennes, et rendront compte des remuements du monde, avec le soutien des AMAPs et la participation des élèves de BTS du Lycée Valabre, qui proposeront, lors de la présentation du film L’intelligence des arbres réalisé par Julia Dordel et Guido Tölke, un court-métrage de leur cru, Les mystères de la Sainte-Victoire. À suivre, le documentaire de Damon Gameau, Sugarland, L’enfant de Goa de Miransha Naik, Human flow de Ai Weiwei. Pour les enfants, le film d’animation Willy et les gardiens du lac de Zsolt Pálfi. Enfin, un film surprise nous attend…

Une année polaire de Samuel Collardey © Ad Vitam

20 au 24 mars Cinéma Utopia, Avignon 04 90 82 65 36 cinemas-utopia.org lesrencontresdusud.fr

5 au 10 avril Cinéma 3 Casino, Gardanne 04 42 51 44 93 cinema3casino.fr

Paul Carpita Le musée d’Histoire de Marseille, Image de ville, l’Agam et le Mucem présentent Le rendez-vous des quais (1950-53) de Paul Carpita, suivi de deux de ses courts-métrages : Graines au vent (1964) et Adieu Jésus (1970). Un regard personnel et politique sur le port de Marseille, son économie (sur fond de Guerre d’Indochine), son bouillonnement social, sa prégnance dans la vie de la ville. Projection suivie d’un débat avec Katharina Bellan, chercheuse en études cinématographiques et Jean-Pierre Daniel, cinéaste et collaborateur de Paul Carpita.

Le rendez-vous des quais © Les Films de la liane

8 avril Mucem, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org

Après l’ombre L’homme qui répare les femmes

Stéphane Mercurio a suivi la genèse du spectacle de Didier Ruiz, Une longue peine (voir P 40). Témoignage d’anciens détenus au long cours, que le metteur en scène à encouragé à la parole, jusqu’à les mener sur scène pour raconter leur expérience inimaginable de dureté. L’histoire d’un apprivoisement mutuel. Projection en avant-première, en présence de la réalisatrice.

© X DR

En prélude à son dernier spectacle Unwanted (voir P 13), Dorothée Munyaneza présente le beau documentaire de Thierry Michel (2015), qui retrace l’activité et le combat du Docteur Mukwege. Inlassablement et malgré les menaces, il redonne à des milliers de femmes violées durant 20 ans de conflits à l’Est de la République Démocratique du Congo une intégrité physique et morale. Un destin exceptionnel. 22 mars Théâtre Liberté - scène nationale de Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr

© X DR

23 mars Cinéma Utopia, Montpellier 04 67 52 32 00 cinemas-utopia.org


78 au programme cinéma bouches-du-rhône

Jallalla !

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es Rencontres du Cinéma Sud-Américain organisées par l’ASPAS ont 20 ans ! Une aventure humaine et politique initiée par Hernan Harispe, poursuivie par Leonor Harispe sa compagne, épaulée par une équipe dévouée. Faire connaître un cinéma qui dénonce les injustices de tous ordres, les dictatures liberticides, défend les solidarités, entretient et interroge la mémoire, célèbre la vie et l’amour jusque dans la douleur, et rêve de possibles meilleurs. Voilà une mission à laquelle ne dérogera pas cette 20e édition qui se déroule à la Friche de la Belle de Mai et au Gyptis du 23 au 31 mars, se plaçant sous le cri de ralliement à la Joie, exprimé en langue aymara : Jallalla ! Au programme : 10 longs-métrages et 12 courts en compétition, 10 Prix décernés (dont le fameux Colibri d’or), 4 jurys, de nombreuses rencontres avec des réalisateurs-trices, une leçon de cinéma, 4 hommages, une carte blanche au FID, une programmation scolaire et la traditionnelle séance cinéma-littérature en

partenariat avec la Marelle. Pascal Jourdana cette année fera revivre, comme Nicolás Herzog dans Vuelo nocturno, la figure légendaire de Saint-Exupéry. Ouverture chilienne le 23 mars à 19h30 au Gyptis avec Cabros de mierda de Gonzalo Justiniano, qui suit la jolie Gladys et un photographe nord-américain dans les Sinfonia para Ana, de Ernesto Ardito et Virna Molina © Ernesto Ardito, Virna Molina quartiers défavorisés de Santiago lors des premières manifestations indigène du Chaco. On s’accroche aux rêves contre Pinochet. C’est l’ombre de la dictature sur les toits de La Havane dans El Techo de argentine qui obscurcit l’adolescence d’Ana, Patricia Ramos ou sur la côte de Guerpartagée entre deux amours dans Sinfonía rero au Mexique à la recherche d’un trésor para Ana d’Ernesto Ardito et Virna Molina. caché par Francis Drake dans Tesoros de Les valeurs se confrontent entre les jumeaux María Novaro. La musique devient refuge séparés de Ley Primera de Diego Rafecas : et échappatoire pour la bande de jeunes mis l’un élevé aux États-Unis dans le culte de la en scène par Juan Sebastián Mesa dans consommation, l’autre resté dans la culture Los Nadie. Et symbole de liberté, d’échanges

Un Amour de Festival

Luna, Elsa Diringer © Pyramide Distribution

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u 3 au 10 avril, Salon-de-Provence vivra aux riches heures du Festival des Rencontres cinématographiques. Créé il y a 28 ans, adoubé par Télérama et par MP2018 pour la qualité de sa sélection, inscrit dans le tissu institutionnel et associatif de la ville,

le festival, animé par des bénévoles, se place cette année comme Marseille sous le signe de l’Amour. Les chemins de l’amour croiseront d’autres thématiques. La programmation zoome sur le cinéma américain, la comédie, le Polar international, les Premiers films. Elle

offre, venus de 32 pays, 43 longs-métrages et 5 courts dont Written/Unwritten de Adrian Silisteanu projeté lors de la Séance spéciale du 8 avril. Entre autres petits bonheurs, on dégustera la noirceur du polar politique Le Caire confidentiel de Tarik Saleh, on suffoquera dans l’été madrilène sur les traces d’un tueur en série (Que Dios nos perdone de Rodrigo Sorogoyen) et on découvrira le tarantinesque western féministe, sauce indonésienne, Marlina la tueuse en 4 actes de Mouly Surya. Les prima opera nous feront voyager mettant en évidence l’universel sous les particularités : l’Algérie (En attendant les hirondelles de Karim Moussaoui), l’Argentine (Patagonia, el invierno d’Emiliano Torres), l’Iran (Téhéran tabou d’Ali Soozandeh), sans oublier le Caucase avec Dede de Mariam Khatchvani (inédit). À travers le focus sur les premiers films français, on ira vers un cinéma plus social, psychologique voire psychotique avec par exemple Jusqu’à la garde de Xavier Legrand. Les histoires d’amour finiront mal en général, à cause du destin (In the fade de Fatih Akin), des tabous sociaux (Moonlight de Barry Jenkins), ou ne seront que rêves (Corps et âme d’Ildikó Enyedi, Ours d’or 2017). L’amour sera un combat paternel


surprenants dans Charco de Julian Chalde qui nous fait découvrir les chansons du Río de la Plata, entre l’Argentine et l’Uruguay, convoquant 70 musiciens venus de genres différents (Tango, Rock, Candombe, Murga) pour interpréter les plus belles mélodies de la région. Et c’est toujours en musique que se clora la manifestation le 31 mars. En marge de la programmation cinématographique, notons le 29 mars, la Nuit de la Cucaracha, comédie en chansons révolutionnaires proposée par la Cie Meninas, et l’exposition TOURiSTE or not TOURiSTE par l’atelier FáBRiKa de Valparaiso, qui organise par ailleurs des ateliers de sérigraphie. Le printemps sud-américain est prometteur ! ÉLISE PADOVANI

Rencontres du Cinéma Sud-Américain, Marseille 23 au 31 mars cinesudaspas.org

(Brooklyn Yiddish de Joshua Z Weinstein, La familia de Gustavo Rondón Córdova) ou aura disparu dans la déliquescence de la société post-soviétique (Faute d’amour d’Andrei Zvyagintsev). Événements de la semaine : les rencontres avec les invité.e.s. Les actrices Daphné Patakia et Eleftheria Komi pour Djam de Tony Gatlif, road movie musical sur fond de crise grecque. Elsa Diringer pour l’avant-première de son film Luna. Philippe Van Leeuw pour Une famille syrienne. Le slameur Loubaki Loussalat pour À voix haute : la force de la parole de Stéphane de Freitas et Ladj Ly, dont il est un des protagonistes. Un débat sera organisé autour de Sami Blood, une jeunesse en Laponie d’Amanda Kernell. En clôture, le 10 février, la soirée s’ouvrira à tous pour le partage des deux films primés par le Public et le Jury. ELISE PADOVANI

Festival des Rencontres cinématographiques, Salon-de-Provence 3 au 10 avril rencontres-cinesalon.org

Makala de Emmanuel Gras © Bathyspere productions

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Mélomanes, cinéphiles, tous à Aubagne !

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a 19e édition du Festival International du Film d’Aubagne (FIFA), organisé par ALCIMÉ, qui met l’accent sur la musique de film, invitant réalisateurs et compositeurs, se tiendra du 18 au 24 mars, une programmation toujours aussi foisonnante et aussi intense. 77 courts-métrages et 10 longs-métrages en compétition, le plus souvent premières œuvres qu’on regarde et qu’on écoute, films inédits ou en avant-premières. Secret Ingredient du Macédonien Gjorce Stavreski nous dépeint le double combat d’un père et son fils. Az állampolgár du Hongrois Roland Vranik, est un poignant réquisitoire contre les politiques du gouvernement Orbán. Maze de Stephen Burke évoque l’évasion de la prison de Maze, surnommée « la Great Escape » qui a eu lieu le 25 septembre 1983 en Irlande du Nord. Ou encore Different kinds of rain de l’Allemande Isa Prahl, un drame social et familial qui tourne autour d’une porte fermée, au sein d’un foyer et Vent du Nord du Tunisien Walid Mattar, un film drôle et grave sur les délocalisations. Comme chaque année, des « Cartes Blanches » sont données à 4 festivals internationaux, permettant de découvrir la jeune création du Canada, de Croatie, de Pologne du Portugal. Sans oublier les Regards croisés qui mettent à l’honneur, outre le SATIS d’Aubagne, 3 écoles de cinéma, le Pulse Collège d’Irlande, le Conservatoire Royal de Mons et le Conservatorio Francesco Venezze. Sont aussi proposées des séances « coup de cœur » comme Vaurien en présence du réalisateur Mehdi Senoussi et du

compositeur Sébastien Damian ou encore Flying Revolution : The Story of a Lifetime Battle, le documentaire de Steve Won sur un groupe de break dance. La Nuit du court le 23 sera d’abord musicale puis engagée, sans doute aussi heureuse que la séance Les courts qui rendent heureux, le lendemain. Évidemment, on pourra croiser ou rencontrer de nombreux invités aussi bien des réalisateurs/acteurs, Laurent Cantet, Édouard Deluc, Philippe Rebbot que des compositeurs, Éric Neveux, Laurent Perez Del Mar, Alexis Rault, Julie Roué et le célèbre Gabriel Yared nous invite à (re)découvrir sa création musicale pour le thriller d’Anthony Minghella, Le talentueux Mr. Ripley. Quant à Stephen Warbeck, il dirigera la Master Class de composition musicale pour l’image, organisée avec le soutien de la SACEM, huit jeunes compositeurs qui montreront leur travail en live à la soirée de clôture. Tout ce beau programme commencera le 19 mars à 20h au cinéma Le Pagnol avec Makala, le documentaire d’Emmanuel Gras, Grand Prix de la Semaine de la Critique à Cannes, qui raconte l’odyssée d’un jeune Congolais, décidé à connaître un avenir meilleur, qui entreprend un périlleux voyage de son village jusqu’à Kinshasa. Et c’est le groupe marseillais, Thomas Laffont Group qui terminera la soirée avec son jazz pop électrifiant. ANNIE GAVA

Festival International du Film d’Aubagne 20 au 25 mars aubagne-filmfest.fr


80 au programme cinéma bouches-du-rhône

À mon âge je me cache encore pour fumer, de Rayhana © Les Films du Losange

Sous des horizons africains Après l’Extrême-Orient l’année dernière, c’est l’Afrique qui est à l’honneur de la 10e édition du Panorama des cinémas

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our Alain Bombon, directeur artistique des cinémas de Scènes&Cinés (Istres, Miramas, Fos, Grans et Port-Saint-Louis), le Panorama « offre une vue d’ensemble de la production cinématographique contemporaine d’un pays, d’un continent, au travers de projections, mais également d’éclairages donnés par des spécialistes, intellectuels, chercheurs, journalistes et professionnels du cinéma ». L’Afrique, immense continent de plus de 50 pays, dont la population est très jeune, « est obligatoirement en devenir. Le cinéma n’échappera pas à ces mutations. Loin d’être un folklore, il offre des œuvres de qualité, abouties, aptes à traduire une réalité de façon riche et pertinente. » Au programme, 24 films, et de nombreux invités.

Des soirées particulières La soirée d’ouverture donne le ton : entre la projection d’Une saison en France, de Mahamat-Saleh Haroun (un professeur de Français qui a fui la guerre en Centrafrique demande le droit d’asile en France et tente d’y reconstruire sa vie) et de Vent du nord de Walid Mattar, en avant-première (le parcours de deux ouvriers, l’un en France l’autre en

Tunisie, qui vivent la délocalisation de leur usine), Olivier Barlet (critique et rédacteur en chef d’Africulture) donnera une conférence sur les Langages des cinémas d’Afrique. Le cinéma Algérien sera mis en avant, avec les projections de Les Bienheureux de Sofia Djama qui dresse le constat implacable d’une société post guerre civile, et En attendant les hirondelles de Karim Moussaoui qui raconte une Algérie très contemporaine, présentées par Dominique Chansel, enseignant et formateur en cinéma ; il introduira aussi les films de Theresa Traore Dahlberg, Ouaga Girls (formidable documentaire sur le quotidien d’un centre de formation féminin à des métiers qui leur étaient jusque-là interdits au Burkina) et d’Emmanuel Gras, Makala, l’histoire d’un jeune charbonnier congolais parti sur les routes en quête d’un avenir meilleur. Dragoss Ouédraogo, anthropologue, cinéaste et réalisateur, donnera une conférence sur l’éducation et la transmission en Afrique de l’Ouest, avant la projection du film de Berni Goldblat, Wallay, qui conte le difficile retour aux sources d’un jeune métis franco-burkinabé. Lui est originaire du Burkina Faso : griot et cinéaste, Dani Kouyaté sera présent pour faire partager ses deux passions. Lors d’une même soirée aura lieu un spectacle/causerie autour du conte, où il sera accompagné d’un musicien, puis la projection de son film Tant qu’on vit, comédie aux allures de conte pour un retour « au pays » très inattendu d’une mère et son fils, si différents. Un autre de ses films, Soleils, coréalisé avec Olivier Delahaye (road-movie lumineux au cœur de l’histoire africaine), suivra une table ronde

des plus intéressantes sur l’avenir, les enjeux artistiques, culturels et sociaux des cinémas africains. Animée par Mathieu Macheret, journaliste, elle réunira D Chansel, O. Delahaye, D. Kouyaté et D. Ouédraogo.

Programme de choix Faites vos choix, le champ des découvertes est large, le plaisir assuré ! Pourquoi pas, entre autres, À mon âge je me cache encore pour fumer, de Rayhana, où confidences entre femmes s’échangent au hammam sur fond de solidarité ; Enquête au paradis de Merzak Allouache qui rend compte de la montée des intégrismes ; I’m not a witch de Rungano Nyoni, qui interroge les traditions et la volonté de s’en libérer ; L’amour des hommes de Mehdi Ben Attia, qui s’intéresse à la place de la femme dans la Tunisie aujourd’hui ; La vie de château de Modi Barry et Cédric Ido (en sa présence), au cœur du quartier de Château-Rouge et de sa diaspora africaine… Le public le plus jeune n’est pas oublié, avec le film d’animation Adama de Simon Rouby, entre rêverie humaniste et road movie initiatique, Lamb de Yared Zeleke, Kirikou et la sorcière de Michel Ocelot… DOMINIQUE MARÇON

Panorama des cinémas d’Afrique 24 mars au 1er avril Fos, Grans, Istres, Miramas, Port-Saint-Louis scenesetcines.fr


rencontres cinéma

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Vitrolles en quête de Noir

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a particularité du festival Polar en Lumières de Vitrolles réside dans la relation particulière établie entre les grandes réalisations du répertoire du cinéma, les nouveautés, et l’univers romanesque. L’édition 2018 adoptait le titre de « Mafia sous contrat ». D’une belle richesse éclectique, cette manifestation proposait conférences, exposition et Remise du Prix de la Gachette d’or © Ville de Vtrolles ateliers de BD, (Fumetti), pièce de théâtre, le superbe Zoom par la Cie Vitrolles à partir d’une sélection d’ouvrages 7e Ciel et mis en scène par Marie Provence proposés aux lecteurs : Un petit boulot (Iain (voir aussi journalzibeline.fr), une quarantaine Levison), La dame dans l’auto avec des de films souvent en présence du réalisateur lunettes et un fusil (Sébastien Japrisot), (David Grieco, Nader Takmil Homayoun), Commis d’office (Hannelore Cayre), Tony et bon nombre de monuments du patrimoine, Susan (Nocturnal Animals, Austin Wright), mais aussi présentation d’un imposant corpus Avant d’aller dormir (S.J.Watson). C’est ce de pistes bibliographiques par la librairie dernier ouvrage, une histoire d’amnésie au L’Alinéa et un Prix littéraire, La Gâchette cœur d’un thriller remarquablement construit, d’Or, organisé par les médiathèques de qui recueillit les suffrages du jury composé

de lecteurs et de bibliothécaires. Le goût des mots se retrouvait aussi dans le choix de certains films d’anthologie, charpentés autour d’une œuvre livresque, et présentés avec une érudite passion par Patrick Bedos, spécialiste du Film Noir et du Polar, programmateur du FIRN. Ainsi, il offrit une brillante introduction à un sommet du polar, L.A. Confidential de Curtis Hanson avec Kevin Spacey, Russell Crowe, Guy Pearce, Kim Basinger, virtuose adaptation du roman éponyme du grand maître James Ellroy. Superbe leçon de cinéma, tant par les cadrages, le rythme, l’efficacité des dialogues, du jeu des acteurs, de la mise en scène. L’écriture sèche, nerveuse et crue du romancier trouve toute sa saveur et son acuité dans la version cinématographique. Le festival sait conjuguer formes et discours en ouvrant sur des problématiques esthétiques qui interrogent le monde. MARYVONNE COLOMBANI

Le festival Polar en Lumières s’est tenu du 3 au 11 février au cinéma Les Lumières, Vitrolles


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critiques cinéma 83

Des images à la pellicule D evant la salle comble du Cinéma Les Variétés (Marseille) la nouvelle « dream team » du festival La 1ère fois, entièrement composée de bénévoles, se présente. Un discours bref à quatre voix (deux féminines, deux masculines, belle parité), plein d’humour. Les jeunes organisateurs laissent rapidement la place à l’invité d’honneur de cette 9e édition, Jean-Gabriel Périot. Pas de premiers films documentaires ce soir : la soirée est consacrée au cinéaste, dont on projettera huit courts-métrages réalisés entre 2000 et 2017. Le panorama de son œuvre se poursuivra durant tout le festival. Une bonne occasion de plonger dans l’univers expérimental de ce réalisateur atypique et engagé, qui joue, de façon très efficace, très troublante aussi parfois, sur le montage d’images d’archives et sur la musique, véritable fil conducteur de la narration. Périot coupe, condense, étire, accélère, ralentit l’image comme le son, pour déconstruire l’histoire officielle, affûter le regard. En témoignent magnifiquement The Devil (consacré aux Black Panthers), Nijuman No Borei, 200 000 fantômes (sur Hiroshima, bouleversant dans sa captation de l’invisible) et Eût-elle été criminelle…, où le « Marchons, marchons » d’une Marseillaise distordue accompagne les femmes que l’on va tondre en 1944 sous les rires et les applaudissements de la foule. Glaçant. Le dernier film de la soirée Song for the jungle (2017) était une surprise. Pas d’effets cette fois. Juste des silhouettes encapuchonnées dans ce qu’il reste de la « jungle » de Calais ; avec seulement le bruit du vent tempétueux, le vacarme des poids lourds qui filent vers l’Angleterre et quelques sirènes policières. Encore plus glaçant. « La musique, toujours choisie avant le montage, porte le film, lui apporte émotion et énergie soulignera le réalisateur

200000 fantômes, de Jean-Gabriel Periot © Envie de Tempête

lors de sa master class le lendemain à l’amphithéâtre La Verrière (Aix-en-Provence) : « avec le montage, je procède par un travail sur les harmoniques plus que sur les cadences, même si je commence par faire des marques sur temps et contretemps ». Au cours de cet entretien mené par Katharina Bellan, le cinéaste aborda sa démarche, son approche de technicien du cinéma, grâce à son métier initial de monteur, son intérêt pour l’image d’archives, et les questions inhérentes à sa représentation, qui induisent les manières dont la mémoire est modelée. L’accumulation de photographies concernant un même événement, ou un même type d’événement, laissent entrevoir des codes de représentation semblables, quelle que soit la partie du monde où le cliché a été pris : « L’inconscient collectif visuel m’intéresse ». D’autre part, « mettre des éléments hétérogènes ensemble, fait question ». Si « prendre des images est un

acte violent, en ce qu’il découpe le monde d’une manière chirurgicale, on fait des images pour comprendre le monde dans lequel on vit. Le discours cinématographique, celui qui accepte l’intelligence du spectateur est politique. » Ou encore : « Pas de naturalisme pourtant, tout est construit, le premier degré est impossible… d’ailleurs, je ne crois pas à la catégorisation entre documentaire et fiction. » L’émotion sourd des images accumulées. Se fonde ici une nouvelle poétique. FRED ROBERT & MARYVONNE COLOMBANI

Le festival La 1ère fois s’est tenu à Aix-en-Provence et Marseille du 20 au 24 février

Ecoutez, on est bien ensemble francebleu.fr


84 au programme arts visuels bouches-du-rhône

Denis Brun Denis Brun pratique le « freestyle » depuis de nombreuses années et s’autorise toute forme de création, sans échelle de valeur. Ainsi se télescopent, s’agrègent, se superposent, s’additionnent toutes sortes d’objets, d’images, de formes, de matières, de films, faisant de Vidéochroniques une « auberge espagnole » peu commune. Mais ne nous y trompons pas, ce chaos est pensé, équilibré et harmonieux. M.G.-G. How creep is your love jusqu’au 14 avril Vidéochroniques, Marseille 09 60 44 25 58 videochroniques.org

© Denis Brun

100% numérique L’institution scolaire, les artistes se retrouvent pour cette édition consacrée à La part du numérique dans la création contemporaine. 16 établissements marseillais, autant de créateurs, d’expositions et de rencontres tout au long de ces quatre mois. Entrées libres et gratuites. C.L. L’Art Renouvelle le Lycée, le Collège, la Ville et l’Université 17 mars au 22 juin Divers lieux, Marseille, La Ciotat passagedelart.free.fr

Marc Chostakoff : Le bateau rouge- Chenal de Caronte, 2002 © Musée Ziem, Martigues

Illustrateurs Dans le cadre de la manifestation L’illustration jeunesse au musée, les planches originales de Alibeu, Carrier, Chardonnay, Crausaz, Ducros, Fortier, Perrin et Sara s’enrichissent d’un focus sur le Ziem peintre, dessinateur et aquarelliste. Nombreuses manifestations complémentaires dont les ateliers tous publics et gratuits. C.L. jusqu’au 27 mai Musée Ziem, Martigues 04 42 41 39 60 ville-martigues.fr

Max Ducos, L’Ange disparu © 2008, éditions Sarbacane, Paris

Rencontres du 9e Art 10 expositions, 10 lieux, des créations et des résidences, des artistes internationaux, des workshops et des performances : la 15e édition des Rencontres du 9e art s’aventure vers des terrains d’expérimentations graphiques innovants. Parmi les figures imposées, le Black Medecine Book du suisse Helge Reumann, l’univers onirique de l’allemand Atak, ou le dernier ouvrage du français Yann Kebbi à découvrir dans l’atelier de Cézanne. M. G.-G. 7 avril au 19 mai divers lieux, Aix-en-Provence 04 42 16 10 91 bd-aix.com Black Medecine Book © Helge Reumann


au programme arts visuels bouches-du-rhône vaucluse

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Alfred Latour Peintre, aquarelliste, photographe, graveur, illustrateur, relieur... il est de ces artistes aux multiples talents, épris de la Provence et des Alpilles : Alfred Latour (1888-1964) avait installé son atelier à Eygalières. Hommage lui est rendu et son œuvre est à redécouvrir entre son village d’adoption et Arles, avec un catalogue chez Actes Sud. C.L. Les gestes d’un homme libre 29 mars au 2 mai musée Réattu, et Espace Van Gogh, Arles Maison des Consuls, Eygalières alfred-latour.org

Alpilles et nuages blancs, 1954, huile sur toile, 115x146cm © Musée Cantini, Marseille

Hilary Dymond De grands, de très grands formats. De la peinture. Et une représentation qui se joue de la mimesis, des codes, des apparences autour d’un unique sujet. Le paysage est pour Hilary Dymond comme une obsession, un motif à épuiser au fil du temps long de séries qui structurent la forme même de cette rétrospective. C.L. Landscape (Paysage) jusqu’au 17 juin Campredon centre d’art, L’Isle-sur-la-Sorgue 04 90 38 17 41 campredoncentredart.com

Winter Paths, 2015, huile sur toile, 130 x 200 cm, Courtesy Galerie Claire Gastaud.

Edward Steichen En 1979, la ville de Toulon faisait l’acquisition de plus de 80 œuvres d’Edward Steichen, photographe américain d’origine luxembourgeoise, co-fondateur du groupe Photo Secession avec Alfred Stieglitz. À la Maison de la Photographie, sa créativité polymorphe explose : paysage, nu, portrait, nature morte, mode, spectacle, publicité, photographie de guerre, photographie aérienne, graphisme, typographie… M.G.-G. jusqu’au 28 avril Maison de la photographie, Toulon 04 94 93 07 59 toulon.fr

Edward Steichen, Agnes Meyer, 1910, collection du musée d’art de Toulon © The estate of Edward Steichen/ADAGP, Paris 2018

L’eau en lumière L’ancienne maison du peintre néo-impressionniste Théo Van Rysselberghe, dénommée « Villa Théo », est le nouveau centre d’art du Lavandou, situé sur le chemin des peintres. Un bel ensemble d’une trentaine de photographies issues de la collection de l’Hôtel des arts est actuellement exposé autour du thème de l’eau et de la lumière : Basilico, Bourret, Desplats, Millet, Plossu, Salmon et Sluban. M.G.-G. jusqu’au 24 mars Villa Théo, Le Lavandou 06 06 58 45 02 le-lavandou.fr Zéro l’infini, 130 x 180 cm, 2014 © Éric Bourret


86 au programme arts visuels alpes-maritimes hérault

Eglé & Ieva Babilaité L’une vit à Carros, l’autre à Vilnius. Leurs pratiques artistiques, leurs conceptions esthétiques, leurs techniques sont différentes et leurs regards complémentaires. Le Centre international d’art contemporain fait dialoguer leurs univers dans une exposition en forme de point d’interrogation, Twins ?, pour « rappeler le caractère incertain et toujours mouvant de l’art contemporain ». M.G.-G.

Bon rêveur, 2018, 100 cm x 200 cm, technique mixte, huile, papier, or sur toile © Églé Babilaité

Twins ? jusqu’au 20 mai Centre international d’art contemporain, Carros 04 93 29 37 97 ciac-carros.fr

Lee Bae « J’exprime les images vitales avec de la matière morte : le charbon ». Pourtant l’art de Lee Bae incorpore la nature, la vie, l’énergie, la symbolique et l’immatérialité du noir. Pour cette exposition, peintures, sculptures, installations sont conçues en fonction de l’espace architectural et de la lumière de la fondation. C.L. Plus de lumière 24 mars au 17 juin Fondation Maeght, Saint-Paul de Vence 04 93 32 81 63 fondation-maeght.com

Issu du feu, 2000. Troncs de charbon de bois attachés par des fils élastiques. © Lee Bae

Évasions, l’art sans liberté En présentant des œuvres et travaux plastiques produits dans des espaces de privation des libertés, l’exposition pose l’expression artistique comme dernière des libertés de l’homme. Elle s’organise autour de trois sections : Territoires imaginaires (camps et campements de migrants), Dehors imaginaires (prisons), Festins imaginaires (carnets de recettes de cuisine illustrés, imaginés et rédigés dans les camps de concentration). M.G.-G. 7 avril au 23 septembre MIAM, Sète 04 99 04 76 44 miam.org

© Hafiz el Sudani

Lubaina Himid Lauréate auréolée du prestigieux Turner Prize en 2017, Lubaina Himid se voit offrir sa première exposition personnelle en Europe. Dans les 450 m2 d’exposition, on rencontrera des œuvres historiques comme les plus récentes. Un parcours sur trente années de création qui interroge les multiples connexions entre Afrique et art occidental. C.L. Gifts to Kings 7 avril au 16 septembre Musée régional d’art contemporain, Sérignan 04 67 32 33 05 mrac.laregion.fr

Lubaina Himid, Le Rodeur (The Pulley), 2017. Acrylique sur toile, 183 x 244 cm. Courtesy de l’artiste et Hollybush Gardens, Londres. Photographie par Andy Keate.


critiques arts visuels

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La vie au naturel

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a montagne des nuées à La Compagnie, puis Giornata au Gallifet Art Center, et enfin Que se passe-t-il encore ? à la galerie Béa-Ba, la plasticienne et vidéaste Raphaëlle Paupert-Borne « déplie son travail » comme on agite un éventail, avec doigté et sensualité. Dans les grands formats accrochés à La Compagnie, on plonge dans les paysages comme elle-même s’y est fondue auparavant, parfois à peine vêtue, dans un corps à corps avec les couleurs nuageuses, la matière, une « acrylique très mate pour que cela sèche vite ». Dans une relation à l’intime : « Je regarde le paysage différemment, je rentre dedans comme les impressionnistes qui découvraient le grand air. J’aime cette sensation ». À notre tour, on sent le vent sur sa peau, l’herbe rare et folle, l’air vif des cimes entre Sisteron et Grenoble, le plaisir du pinceau sur la toile tendue à même la terre. Dans les dessins sur papiers peints exécutés d’un geste rapide, le noir incruste les plis, joue à cache-cache avec le fond : la figure combat les motifs, la main de l’artiste saisit l’instant. Cette contagion du plaisir de peindre et dessiner sourd de l’ensemble

elle est aux manettes pour le tournage de Port de Bouc, on sent sa présence, on entend en off ses consignes aux modèles. Elle est là, tout près, terriblement vivante. Exhibitionniste, peut-être… Généreuse, certainement, nous offrant simplement des moments de vie, de bonheur, avec les acteurs, la famille ou les amis. Des souvenirs communs embués de nostalgie. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI Vue de l’exposition La montagne des nuées, La Compagnie, 2018 © Sébastien Arrighi

tout autant que du film tourné en super 16, La montagne des nuées, produit par Film Flamme. Un documentaire sur sa manière de peindre que l’artiste souhaitait réaliser « pour montrer au public sa relation au paysage et les allers-retours entre peinture et image ». Sous l’œil du cameraman, la voici, seule, qui trace et ébauche et recouvre la toile. Nuages, vent, pierre, ciel, brume : la force des éléments se mêle à la douceur des formes. Même quand

La montagne des nuées La Compagnie, Marseille jusqu’au 14 avril 04 91 90 04 26 la-compagnie.org Giornata Gallifet Art Center, Aix-en-Provence 17 mars au 5 mai 09 53 84 37 61 hoteldegallifet.com Que se passe-t-il encore ? Galerie Béa-Ba, Marseille 4 mai au 9 juin 09 67 25 68 89 galerie-bea-ba.com

Qualité des tirages, poésie des images

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es photographies de Véronique Ellena grignotent les murs de la Rue des arts à Toulon, tandis que les cimaises de l’Hôtel des arts accueillent la collection Florence et Damien Bachelot. Une collection « historique » qui compte, parmi ses quelque 650 spécimens, justement, San Luca e Martino de Véronique Ellena prise en 2002 lors de sa résidence à la Villa Médicis à Rome. Œuvre qui, selon Damien Bachelot, « prend du sens dans la collection car il y a ce corps, couché, une présence, une trace humaine qui est suggérée et non imposée ». Le credo de l’artiste de « donner à voir ceux que l’on ne voit plus » pourrait, presque, être partagé par tous les photographes réunis sous la bannière muséale Des villes et des hommes. Clin d’œil au roman de Steinbeck, mais surtout, au regard humaniste et documentaire porté par les photographes sur le paysage urbain, la ville habitée. La collection Florence et Damien Bachelot compte essentiellement des pièces rares, « des tirages vintage » comme ils les nomment, réalisés entre 1910 et 2017 par des auteurs

ses choix, elle offre, autour d’une recherche commune, une grande diversité de regards, de styles et de techniques, l’exposition venant en contrepoint faire émerger des tendances. D’où son découpage séquentiel qui fait fi de la chronologie (La rue, L’automobile, La photographie témoin, La trace de l’homme) et permet de faire apparaître à plusieurs reprises un même auteur si nécessaire (on pense à Doisneau ou à Boubat). Petits formats à vivre de près ou clichés majestueux, en noir et blanc ou en couleur, les images font sens et dialoguent, comme les différents thèmes s’enchevêtrent ou se recoupent pour composer le canevas de l’exposition. M.G.-G.

San Luca e Martino © Véronique Ellena

américains pour la plupart : Bruce Davidson, Robert Frank, Saul Leiter, Marvin Newman… Et français : Édouard Boubat, Brassaï, Robert Doisneau, Sabine Weiss, Henri Cartier-Bresson, Janine Niépce, Stéphane Couturier, Philippe Chancel, Luc Delahaye… Classique dans

Des villes et des hommes - Regard sur la collection Florence et Damien Bachelot Hôtel des arts, Toulon Pendent ce temps, Véronique Ellena Rue des Arts, Toulon jusqu’au 22 avril 04 83 95 18 40 hda.var.fr


Scénographie Picasso Mucem S. Massot, Février 2018 © François Deladerriere

Le rideau se lève sur Picasso

Les âmes chagrines rouspètent à l’idée d’un énième évènement sur Picasso dont elles croient tout connaître ! Réjouissons-nous, au contraire, des nouvelles expositions du Mucem et du Centre de la Vieille Charité qui éclairent l’œuvre du génial créateur

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e ses voyages en Espagne et en Italie à ses voyages imaginaires, Picasso s’est nourri des cultures ancestrales et des traditions artisanales, des rites et des coutumes. Il a toujours tout concepté et transformé comme si les sources populaires se fixaient dans son œil à tout jamais. Elles ressurgissent,

transfigurées, dans les décors, les rideaux de scène et les costumes créés pour les ballets de Serge Diaghilev entre 1916 et 1921 : Parade, Le Tricorne, Pulcinella, Cuadro flamenco. En collaboration avec le Museo e Real Bosco di Capodimonte de Naples, le Mucem met en perspective son œuvre théâtrale avec

les arts et traditions populaires italiennes et espagnoles. Car Picasso se réjouissait du théâtre de rue et des marionnettes, s’imprégnait de la gestuelle simple des affiches et des ex-votos, remarquait les drapeaux et les bannières brandis à l’occasion des fêtes votives et des processions. Des images profondes, amusantes, qu’il façonnait ensuite à sa guise ! L’impact des villes vivantes et « théâtrales » se manifeste dans ses créations pour les ballets de Diaghilev aux couleurs chatoyantes, aux compositions savamment orchestrées. Mise en scène comme une pièce de théâtre, l’exposition Picasso et les Ballets russes, Entre Italie et Espagne explique combien les spectacles de danse et sa vie amoureuse ont compté dans ses recherches (on reconnaît ses muses), combien ses collaborations avec des artisans d’art experts dans chaque discipline ont été fructueuses. On perçoit la perspicacité de son regard face à la transformation du corps du danseur en mouvement, notamment dans ses projets de costumes pour Le Tricorne : des tenues traditionnelles espagnoles agrémentées d’ornements audacieux révélatrices de l’âme des personnages (œuvres graphiques prêtées par le Musée national Picasso-Paris). La scène fut un espace de création formidable pour Picasso, un moment-clef de son œuvre et de sa vie personnelle. Comme un immense espace de jeu.

Entre souvenirs de voyages et itinéraires fictifs À la Vieille Charité, Picasso Voyages imaginaires touche du doigt le paradoxe d’un artiste qui a vampirisé toutes les cultures du monde pour les intégrer dans son œuvre sans les avoir connues. Il a su recréer un monde en soi, un monde infini dans lequel l’exposition donne envie de se plonger une fois encore. Par son cheminement limpide, elle noue des dialogues visuels et formels entre ses peintures, sculptures, assemblages, dessins, et des œuvres maitresses des collections du Mucem et des musées de Marseille. Cinq itinéraires nous guident dans ce dédale de 100 œuvres et plus de 200 documents d’archives qui, par leur conversation muette, racontent de manière intelligible l’inextinguible soif de Picasso pour les objets extra-occidentaux. Depuis ce jour d’octobre 1900 où il représente l’Espagne à l’Exposition universelle avec Les Derniers moments, jusqu’aux années 60 où il peint Femme nue au bonnet turc dont les formes girondes ne sont pas sans évoquer celles d’une statuette acéphale d’Ishtar Inanna du IIIe millénaire av. J.-C. « Bohême bleue »


raconte son épopée parisienne au Bateau-Lavoir quand ses premières toiles sont encore influencées par Murillo et Goya. Sa série sur les saltimbanques et son célèbre Le Repas frugal représentent une humanité déchue, exténuée, écrasée par l’alcool et la misère. Dans la séquence « Afrique fantôme » ponctuée d’huiles et d’études mises en regard avec des statues du Gabon, on imagine l’électrochoc provoqué par le musée d’Ethnographie du Trocadéro, qui le plongea « dans une recherche intérieure proche de l’exorcisme ». Voici que celui qui écrivait « l’Afrique, connaît pas ! » allait être bouleversé par les arts premiers au point d’en faire la synthèse dans son art cubiste, notamment dans Les Demoiselles d’Avignon… « Amour antique » entre pour partie en résonance avec l’exposition du Mucem et ses nombreux portraits d’Olga, la ballerine à la beauté classique. En 1917, Picasso s’arrête à Pompéi avec Cocteau, et les idoles cycladiques en marbre de 2500-2400 av. J.-C. se superposent aux traits stylisés de L’Homme à la pipe de 1923. Dora Maar est à ses côtés dans « Soleil noir », période où l’Espagne s’enfonce dans la terreur et sa palette dans la noirceur. Ses sculptures et objets se nimbent alors du même pouvoir mystérieux que l’art égyptien, amérindien ou néolithique. Après le décès de son ami Matisse en 1954, Picasso s’empare du thème de l’odalisque en le dénuant de tout exotisme, empruntant au vocabulaire arabo-andalou l’arabesque et la calligraphie. Son « Orient rêvé » puise dans le geste artisanal et non dans le phantasme occidental. L’appétence de Picasso pour le monde n’est pas un vain mot, donc, qui a collectionné plus de 700 cartes postales écrites par ses amis, ses admirateurs et ses marchands. Quelques spécimens nous accompagnent dans cette traversée du monde unique. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

jusqu’au 24 juin Picasso Voyages imaginaires Centre de la Vieille Charité, Marseille 04 91 14 58 80/56 marseille.fr

L’alphabet de l’amour

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a Salle des collections au Fort Saint-Jean est désormais consacrée à la mise en valeur des fonds du Mucem. Tous les six mois, une nouvelle exposition abécédaire y sera présentée, concoctée à partir des riches possessions du musée, iceberg dont on ne voit souvent émerger qu’une infime partie. C’est la thématique de MP2018 qui a inspiré L’amour de A à Z, première de ces expositions, inaugurée le jour de la Saint-Valentin, et en place jusqu’au 27 août. Julia Ferloni, sa commissaire, a sélectionné une série d’objets, répartis dans les 130 m2 de la salle en un parcours circulaire. Les visiteurs ont ainsi la possibilité de découvrir d’étonnantes reliques d’un passé pas si lointain. La lettre G, comme Gage d’amour, dévoile une paire de sabots à la pointe fort virile. Dans la vallée de Bethmale (Pyrénées), il était encore d’usage il y a moins d’un siècle que les soupirants offrent à leur promise cette marque de leur affection... d’autant plus longue qu’elle était intense. En retour, la demoiselle leur remettait une bourse, toute aussi symbolique. Mention spéciale aux parents de jeunes enfants : il convient de sauter la lettre K, comme Kamasutra. La commissaire, avec un sourire, précise qu’à l’origine, il s’agissait d’un manuel à destination des jeunes filles, dans lequel la sexualité tenait une place mineure, mais l’image sélectionnée est explicite. Au fait : « le Mucem possède la plus grosse collection de préservatifs au monde ». Mais on pourra mener les plus jeunes sans crainte pour leur pudeur jusqu’à la lettre R, comme rupture, avec ses badges ludiques aux mentions cruelles : « Ne reviens plus » ou « Il embrasse mieux » ! Rappelons que les fonds du musée dit « de société » qu’est le Mucem sont énormes : 350 000 objets du quotidien collectés depuis 130 ans* et plus d’un million de cartes postales, affichettes, disques, photographies, enregistrements... Ils s’enrichissent chaque année d’acquisitions provenant désormais plus particulièrement de l’espace méditerranéen. La rotation semestrielle qui se met en place dans la Salle des collections est prometteuse. Elle permettra au public, selon la jolie formule de Zeev Gourarier, directeur scientifique et des collections, de se promener « comme avec une lampe de poche dans l’immense grenier de la société française ». La prochaine exposition, au second semestre 2018, s’intitulera Les animaux de A à Z. GAËLLE CLOAREC

* Le Mucem a hérité des collections du Musée national des arts et traditions populaires, qui était situé à Paris, fermé en 2005. L’Amour de A à Z jusqu’au 27 août Mucem, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org

Picasso et les Ballets russes, Entre Italie et Espagne Mucem, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org Picasso et les Ballets russes, Entre Italie et Espagne Coédition Mucem et Actes sud, 25 € Picasso voyages imaginaires Coédition Musées de Marseille et RMN, 39 €

Sabots de la Vallée de Bethmale, Pyrénées, 19e siècle © Mucem


Portrait de l’avenir L’exposition Jeunes-Générations brosse le portrait d’une jeunesse inattendue et émouvante

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ls sont 15, lauréats de la commande photographique nationale « La jeunesse en France ». Si les expositions collectives sont souvent frustrantes, celle-ci est suffisamment importante pour qu’on l’appréhende comme 15 expositions monographiques. Car chacune des séries témoigne d’une vision personnelle, loin des clichés, sur une jeunesse particulière. Pourtant un point de vue global émerge, un témoignage précieux susceptible de fabriquer une nostalgie future : une génération diverse, inventive, festive, révoltée, en souffrance ou en joie, ironique ou à terre, fidèle à sa façon au passé, invente aujourd’hui l’avenir. Les photographes approchent tous leur sujet de front, de face, cherchant les regards et donnant à voir les êtres qu’ils accrochent à l’éternité. De façon assez formelle, Chimène Denneulin place sur ses sujets des aplats étranges qui obstruent le réel, et Gilles Coulon compose ses portraits, comme un pointilliste, de petites photos couleur ; poétique, Alexandra Pouzet accole image et texte (de Bruno Almosnino), humain rural et végétation symbolique ; d’autres attrapent la jeunesse dans ses plaisirs, comme Guillaume Herbaut et sa série de geeks Superhéros en Picardie ; Pablo Baquedano, ses Night-Clubs et leurs coulisses, Lola Reboud, ses jeunes filles et leurs étreintes. Mais la plupart des œuvres, directement militantes, donnent à voir des invisibles, des marginaux, des exceptions. Avec un regard d’ethnologue comme Stéphane Lavoué qui compose des portraits, très picturaux, de jeunes Bigouden ayant choisi de rester au bout du pays breton, ou Patrice Terraz qui s’approche de l’hostilité ambigüe des jeunes kanaks. Plus sociologiques Claudine Doury, qui cherche à capturer la transformation en artistes de jeunes du dispositif Premier acte* ; Gabrielle Duplantier qui a retrouvé les enfants d’une école ZEP devenus de jeunes adultes ; son noir et blanc, tout autant que les couleurs éclatantes de Yohanne Lamoulère (voir Zib’ 115) donnent de la dignité et de l’effronterie aux classes populaires. Les séries remarquables de Marie-Noëlle Boutin sur les jeunes agriculteurs du Nord, ou de Géraldine Millo sur les nouvelles Vestales, apprenties du soin à la personne, qui donnent à voir des visages lumineux, comme sortis d’un autre temps, d’une autre exploitation de classe. Enfin, deux photographes s’attachent au traitement de l’actualité directe, et de la marge légale : Myr Muratet photographie les réfugiés sans refuge, les errants du Grand Paris, et Klavdij Sluban les jeunes détenus de Fleury-Mérogis : les visages adolescents disparaissent, en contrejour ou sous les couches de tissus protégeant du froid. Ils resteront dissimulés, loin de la visibilité offerte aux autres jeunes par les photographes. AGNÈS FRESCHEL

*Cycle d’ateliers du Théâtre National de Strasbourg destiné à promouvoir la diversité, et à lutter contre la discrimination des acteurs racisés.

© Géraldine Millo, Idaline – donner le bain au nourrisson, CAP petite enfance, lycée Camille Claudel (Mantes-La-Ville)

JR au J1

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n jour à Clichy-Montfermeil, au Brésil, au Kenya, un autre à Ellis Island, au Louvre ou à Los Angeles pour son documentaire Visages, Villages co-réalisé avec Agnès Varda, nominé aux Oscars… Aujourd’hui JR est à Marseille, une ville qu’il connaît bien pour s’être intéressé à l’identité du quartier La Belle de Mai, son histoire et ses habitants, dans le cadre de son projet au long cours Unframed*. Invité par MP2018, l’artiste français s’installe au hangar du J1 pour lequel il a imaginé une installation monumentale, Amor Fati, mise en scène et en images de l’amour porté par la cité phocéenne à la mer et aux voyages. Déjà, en 2013, en collant le portrait d’une inconnue sur le mur emblématique de la corniche du Président John Fitzgerald Kennedy, là où s’imposait avant celui de Zidane, il rappelait « l’éternelle ouverture de Marseille sur le monde ». Cette fois il en souligne sa force - « terre d’accueil, point de passage ou lieu de départ » - à travers un parcours ouvert à de multiples circulations mentales et physiques. Chacun y cheminera au gré de ses impulsions et de ses réactions aux images exposées. Car JR développe un travail d’imagier par la photographie, le collage et l’affichage, dans un jeu avec les supports. Photos d’archives croisées avec des photos documentaires, personnelles, voire intimes, JR nous invite à regarder autrement notre vie, notre ville, et plus largement le monde. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Le très beau catalogue de la commande nationale (texte de Christian Caujolle) est édité chez Bec-en-l’air (28 €)

*Unframed, Belle de Mai / Marseille, éd. Alternatives, décembre 2013.

Jeunes-Générations jusqu’au 3 juin La Friche, Marseille lafriche.org

Amor Fati – Carte blanche à JR jusqu’au 13 mai J1, Marseille mj1.fr


Leur Muse m’a-Muse !

Charles Sandison fell in love with Aubagne

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CHRIS BOURGUE

Sa Muse… jusqu’au 26 août Musée Regards de Provence, Marseille museeregardsdeprovence.com

mmersive mais pas interactive, l’installation lumineuse The Nature of Love de Charles Sandison aux Pénitents noirs à Aubagne est une œuvre ambitieuse. Fruit d’un long processus de repérage des espaces, de la ville et de son environnement, de recherche historique et de travail plastique, et d’un réel challenge technique. Une œuvre de commande conçue pour la chapelle (l’artiste écossais a modélisé l’architecture), éphémère (temps d’exposition calé sur celui de MP18) et évolutive ! Spécificité particulièrement troublante pour le public qui ne verra jamais la même œuvre, et pour cause, puisqu’elle est générée et régénérée par la combinaison de 12 systèmes d’algorithmes différents. Au-delà de la prouesse technique, les effets d’optique obtenus par « l’artiste geek », comme il se définit lui-même, produisent une constellation mouvante où s’entrecroisent, se superposent, défilent et s’animent extraits d’une encyclopédie de 1911, chiffres et pixels. Un vocabulaire visuel lumineux en flux continu qui interroge l’amour. L’amour, vraiment, mais comment ? En réfléchissant sur les émotions. Pour Charles Sandison, ses recherches scientifiques, ses lectures philosophiques et les mille et une expressions de l’amour sont des pistes infinies qu’il explore et dont The Nature of Love est le suc. À charge pour le public d’être réactif et de vibrer à l’unisson : « Je propose de [vous] cuisiner un délicieux repas composé d’images digitales, de lumières et d’expériences, et en retour, si je le mérite, j’aurai bénéficié de votre intérêt au moins un moment ». L’amour est ainsi, une connexion infinie de milliers de cellules vivantes projetées en étoiles qui transforment le plafond de la chapelle en voûte céleste. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

The Nature of Love, Charles Sandison jusqu’au 1er septembre Centre d’art Les Pénitents noirs, Aubagne 04 42 18 17 26 aubagne.fr © Nathalie Ammirati

u’est-ce qui motive l’artiste et le pousse à créer ? Sa Muse…, nouvelle exposition du Musée Regards de Provence questionne le regard de l’artiste sur son modèle. Les deux commissaires, Adeline Granereau et Bernard Muntaner, interrogeant l’Histoire de l’Art, se sont étonnés de l’absence d’une Muse de la peinture et du dessin. Pourtant la femme inspiratrice ou adorée est présente dans les peintures, ne serait-ce que dans les représentations de Vénus ou de la Vierge… mais il est certain que ce sont les poètes romantiques qui ont développé amplement cette notion. Les commissaires se sont donc appliqués à en chercher les différentes expressions. Amoureuse, inspiratrice, consolatrice. Au XXe siècle elle change de forme, de profil et même de sexe. Dans cette exposition nécessairement non-exhaustive, elle devient idole ou diva, renversant en cela les critères classiques et se rapprochant de la problématique contemporaine. Cela donne un ensemble assez disparate qui peut laisser perplexe. Sans chronologie, d’une œuvre à l’autre on passe à des styles, des techniques et des points de vue très différents. Quelques sculptures, mais surtout des peintures fauves et frontales (Manguin, Lebasque ou Carrera), discrètement raffinées (Katia Bourdarel, qui montre son modèle de dos). Des œuvres où l’image de la femme est multipliée comme dans la pièce de Surian, caricaturée comme avec les Barbies photographiées par Rebufa, désacralisée avec les photos repeintes de Chostakoff…Des œuvres où c’est un homme qui est au centre comme dans la très belle photo de Preljocaj par Nicole Tran Ba Vang ou l’immense toile de Marie Ducaté. L’exposition questionne aussi la notion du genre avec les photos de Philippe Ordioni qui joue sur l’ambiguïté des hommes parés et maquillés ou celle de Michèle Sylvander, un autoportrait qui vous regarde droit dans les yeux et montre des poils fournis dans l’échancrure de son corsage. Le travail de Sabine Pigalle mérite une attention particulière avec la reprise très fidèle du Portrait d’une princesse d’Este de Pisanello, lui donnant une modernité déconcertante, et des miniatures façon Cranach. Des photos d’ORLAN insistent sur l’aspect narcissique que prend le culte de la Muse, ici reflet ou miroir. On remarque aussi la présence des idoles des jeunes, et des moins jeunes, avec des clichés de Sylvie Vartan, Jane Birkin… les Muses se démocratisent !


92 critiques arts visuels

Retrouvailles au Pavillon

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935. Deux jeunes françaises arrivent dans l’Est algérien, à la lisière du Sahara, dans la région des Aurès. Elles sont ethnologues. Dans la lignée des grandes missions menées au nom du futur Musée de l’Homme (il s’appelle encore musée d’ethnographie du Trocadéro), après Michel Leiris et Marcel Griaule en Afrique sub-saharienne (1931-33), puis Claude LéviStrauss en Amazonie (1934), Thérèse Rivière et Germaine Tillion pénètrent cette région berbère, où les quelques 60000 habitants conservent une relative indépendance visà-vis du gouvernement colonisateur. Seuls une vingtaine de français vivent dans les Aurès, dans cette partie de l’Algérie qu’on appelle « montagne rebelle ». 150 clichés, choisis parmi les milliers de documents qu’elles ont rapportés, constituent le premier volet des trois expositions consacrées au rapport entre Histoire et photographie par le Pavillon populaire (Montpellier) au long de l’année 2018. Aurès, 1935 présente un double regard, exposé pour la première fois conjointement, celui de ces deux chercheuses aventurières de « terrain » parties avec carnets, caméras, appareils de photos, micros. Thérèse Rivière observait plus particulièrement les activités

Femme portant un tatouage sur le front, population Ouled Abdi, août 1937 © Thérèse Rivière

matérielles et l’économie domestique ; Germaine Tillion commençait sa réflexion sur les relations de parenté et de pouvoir. Les aléas de l’Histoire, justement, et de la vie, ont fait que ces matériaux recueillis n’avaient jamais été réunis. L’une s’est engagée dans la résistance et fut déportée : Germaine Tillion avait réussi à

emporter ses notes d’Algérie à Ravensbrück, finalement perdues. L’autre s’est débattue avec une lourde pathologie psychiatrique, et après la présentation de son travail en 1943 au Musée de l’Homme, elle ne put continuer ses activités. Christian Phéline, commissaire de l’exposition

La Panacée révise ses matières

ue de l’exposition Crash Test avec, au premier plan, les termitières réalisées par Agnieszka Kurant. Courtesy Tanya Bonakdar Gallery, New York

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ls sont 25, ils sont jeunes, beaucoup d’entre eux sont des elles, ils vivent un peu partout dans le monde – et ils sont tous blancs. Ils représentent ce courant artistique que Nicolas Bourriaud, directeur du MoCo à Montpellier, a réuni à La Panacée pour sa nouvelle exposition Crash Test. Ces plasticiens manient la

matière. Rien de nouveau à priori. Mais l’angle qu’a choisi le curateur pour faire sens entre les œuvres s’inscrit dans la volonté de déceler une approche radicalement nouvelle dans le rapport entre culture et nature. Il s’agirait d’un véritable retour aux sources, de décrire notre monde actuel en s’affranchissant de toute

référence sociale, voire humaine. Travailler le réel à son niveau moléculaire. Dans l’élégant catalogue*, trois textes, pointus et inspirants, bâtissent les contours de cette réflexion émergente ; on y trouve des mots qui réunissent la chimie et la poésie (pulvérisation, solution, précipité), des formules qui ouvrent vers des contrées mystérieuses (« peut-être que les extrêmophiles, (…), sont-ils ce que nous avons de plus proche en tant que forme de vie étrangères ou extra-terrestres »), des pistes troublantes (la poussière intelligente, développée dans les laboratoires de recherche militaire). Certaines des œuvres présentées provoquent une émotion spontanée, quelque chose qui justement échappe à la théorie, aux mots, aux références artistiques. Search, 2018 (Caroline Corbasson), sur fond sonore de vent balayant le désert d’Atacama au Chili, montre des paysages filmés avec un microscope électronique : la matière qui préexiste largement à l’humain,


montpelliéraine (direction artistique Gilles Mora) fait donc dialoguer enfin ces deux visions, restituant ainsi l’approche ethnologique d’un monde « indigène » sur le point de disparaître, et l’enrichissement mutuel des esthétiques des deux photographes. Tillion investiguait son terrain à travers le cadre carré (6 x 6) du Rolleiflex. Rivière préférait le Leica (24 x 36). Ce détail géométrique n’est pas un détail artistique. Le mode de visée des deux appareils diffère également : regard vertical avec des temps de pause longs pour le Rolleiflex, et cadrage à hauteur d’œil, prises de vue en rafale avec celui de Rivière. L’une observe, l’autre s’implique et invite à la confrontation physique dans l’image. Tillion archive, Rivière propose une histoire chaque fois qu’elle déclenche l’obturateur. Les tirages présentés dans la grande salle du Pavillon, parfois regroupés par auteure, souvent mélangés, montrent à quel point tout est affaire de subjectivité, en sciences humaines comme en art. On reconnaît le langage et la sensibilité de chacune, dans un flou, un regard baissé, un hasard capturé (Rivière), dans une composition documentaire et centrée (Tillion). Les vies renaissent, les sourires, les quotidiens, les familles, les rues de villages, les chemins montagneux, tout s’exprime à nouveau, et l’Histoire s’impose. La vie triomphe aussi, souvent : lorsque les personnages, bord cadre, en mouvement, bousculent l’arrêt sur image. Lorsqu’on perçoit le plaisir de ces deux femmes à se photographier l’une l’autre. On remarque d’ailleurs que les mères et les filles sont plus déliées, plus libres dans leur posture et leur regard que les hommes, contraints, timides. Alors on comprend que les chercheuses ont trouvé : une rencontre a réellement eu lieu. C

M ANNA ZISMAN J

CM

Aurès, 1935 jusqu’au 15 avril Pavillon Populaire, Montpellier 04 67 66 13 46 montpellier.fr

MJ

CJ

CMJ

N

scrutée et réinterprétée via les synapses de nos cerveaux sociaux du XXIe siècle. Un tas de poussière grise, si fine qu’on voudrait y passer la main : c’est ce qui reste d’un moteur d’avion pulvérisé par Roger Hiorns (Sans titre, 2008) ; matière première. Au sol encore, une flaque (Puddle, Faint Green, 2014, Marlie Mul), un extrait du dehors en trompe-l’œil : de l’eau, des résidus, sur du bitume (sable et résine). Les deux magnifiques pièces de résine époxy et fibre de verre de Estrid Lutz et Émile Mold réunissent tout un imaginaire très contemporain, couleurs, images puisées sur internet, disruption des échelles, apparition/disparition des sujets, rêve à portée de main, fake-réalité. D’autres s’appuient plus sur la sacro-sainte médiation, qui décrypte et invite au voyage. Alors l’humain reprend le dessus. A.Z. * Crash Test, La Révolution moléculaire, Nicolas Bourriaud, Noam Segal, Stefanie Hessler, bilingue franco-anglais, La Panacée – MoCo Montpellier Contemporain, 27 € Crash Test, La Révolution moléculaire jusqu’au 6 mai La Panacée, Montpellier lapanacee.org


94 critiques livres

Western à l’irlandaise

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ort Laramie, la guerre de Sécession, les bisons des grandes plaines de l’Ouest américain évoquent les westerns. Or, dans ce roman, si le décor y est, le héros n’a rien de John Wayne. Thomas McNully est un migrant irlandais, un orphelin qui a fui son pays ravagé par la famine. À ses côtés, son amour, son « galant » comme il dit, John Cole. Engagés tous deux dans l’armée, ils se battent avec bravoure contre les Sioux et les Sudistes. Thomas décrit l’engrenage de la violence qui les saisit lors des batailles exécutant les ordres autant que les adversaires, comme s’ils étaient des machines à tuer : « même les gens “bien” peuvent s’engager corps et âme dans un massacre. » Puis, ce couple devient une famille avec Winona, l’orpheline sioux qu’ils adoptent. Inspiré par la vie d’un arrière-grand-oncle (portrait en couverture) racontée par son grandpère lorsqu’il était enfant, Sebastian Barry a mis cinquante ans à se la réapproprier, tout en prenant des distances avec la mythologie familiale. Il a fait revivre cet ancêtre et lui a

rendu la parole en faisant de lui le narrateur de ce roman. Sans préjugés, Thomas McNully relate les événements avec une candeur sur-

jambes grandit. On dirait les offrandes d’un abominable boucher. » La force de supporter l’indicible, Thomas la puise dans les valeurs qui le meuvent : l’amour, l’amitié et la part de féminité qu’il porte en lui : « Je me sens plus femme que je ne me suis jamais senti homme, alors que j’ai été soldat la plus grande partie de mon existence. Je finis par croire que ces Indiens vêtus de robes m’ont montré la voie. » Avec cette épopée romanesque à la fois grave et poétique, Sebastian Barry rend magnifiquement hommage aux victimes des guerres et génocides d’Amérique et d’ailleurs. CAROLINE GÉRARD

prenante. Pourtant aucun détail des horreurs de ces massacres n’est épargné : « Au bout de la table du chirurgien, la pile de bras et

Des jours sans fin Sebastian Barry Joëlle Losfeld, 22 €

Sans trône ni couronne

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inar Már Guðmundsson ouvre son roman par l’arrivée à l’école d’une petite ville islandaise d’un nouveau professeur, « un homme qui ressemblait à un maffioso tout droit sorti d’un film ». C’est Arnfinnur Knudsen, qu’on peut considérer comme le personnage principal de ce roman qui vient d’être traduit en français. Personnage haut en couleurs, tout comme les membres de sa famille, ses amis et ses adversaires. Le narrateur, un ancien élève, campe le décor : un petit port de pêche entouré de champs de lave et occupé par des conserveries de harengs et des séchoirs de morues. Le sujet de son récit : Les Knudsen, une lignée de pêcheurs enrichis, grands buveurs et coureurs de jupons, souvent menteurs, un peu bandits, et leurs femmes qui n’ont pas froid aux yeux. Tout cela sur deux siècles et dans un joyeux désordre, sans aucune chronologie ; les anecdotes se succèdent et, si au début le lecteur s’accroche pour retenir le grand nombre de personnages, leurs fonctions et leurs liens familiaux, il finit par y renoncer pour se laisser promener d’une époque et d’une aventure à l’autre, goûtant leurs cocasseries et leur

énormité. Une construction en emboîtement qui donne un peu le vertige, à laquelle on soupçonne l’auteur d’avoir pris beaucoup de plaisir. Avec un narrateur qui intervient

occupé des postes politiques sans aucune qualification. Parfois ruinés après avoir trempé dans des trafics louches, ils rebondissent pour la plupart avec panache. Au passage, Guðmundsson règle quelques comptes avec les politiciens de cette république longtemps sous la coupe du Danemark, indépendante seulement depuis 1944. Son humour caustique s’en donne à cœur joie en caricaturant les partis politiques, notamment Le Parti, celui de tous les Knudsen, qui n’a de démocratique que le nom, ou en parlant du conflit de la guerre de 39-40 avec désinvolture. Une saga savoureuse, même si on finit par se lasser des rebondissements en chaine de ce récit. CHRIS BOURGUE

régulièrement et mène le jeu de ces marionnettes. Ces descendants des vikings qui se croient de grand lignage ont exercé tous les métiers, ont gagné beaucoup d’argent et

Les rois d’Islande Einar Már Guðmundsson, traduction Éric Boury Éditions Zulma, 21 €


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L’apprentissage du bonheur

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oyez heureux ! » Le récit d’Ivan Jablonka commence par cette injonction hurlée par le père à ses fils lors d’un séjour au Maroc en camping-car. Durant les vacances et souvent accompagnée d’amis, la famille avait l’habitude de sillonner les routes avec un Combi VW. Dans sa bulle itinérante, elle bivouaquait dans des « spots de rêve » hors des sentiers battus, de Corse en Turquie, du Portugal en Italie, de la Grèce au Maroc ou en Sicile. Robinsonnades, baignades dans la tiédeur de la Méditerranée, parties de tarot, visites de vestiges antiques et autres lieux culturels étaient son quotidien durant la parenthèse estivale. « Historien de l’enfance, j’ai voulu évoquer la mienne en historien » confie Jablonka. En effet, l’originalité de ce récit réside en partie dans sa construction. L’auteur ne fait pas appel uniquement à ses souvenirs comme s’il s’agissait une autobiographie mais il bâtit son ouvrage à la façon d’un essai historique. Il interroge les témoins, les acteurs de ces périples en camping-car, consulte ses

« archives de soi » : le journal de bord qu’il tenait lors des voyages et les multiples petits objets rapportés en souvenir qui dorment dans

ajoute des notices de contextualisation afin d’esquisser le portrait d’une époque, dans laquelle se déroulaient ces voyages. En restant à mi-chemin entre le récit d’apprentissage et la socio-histoire sur les années 80, Ivan Jablonka exprime la gratitude qu’il nourrit envers ses parents qui lui ont offert ces étés de liberté. « Le camping-car a été pur sentiment d’exister, droit au bonheur. » écrit-il. En lisant cela, son père, celui dont l’enfance avait été broyée par la mort de ses parents en déportation et qui hurlait à ses propres fils « Soyez heureux ! » est sans doute rassuré aujourd’hui. C.G.

un tiroir comme, par exemple, trois bonbons en verre de Murano ou des fioles remplies de sable de diverses plages. Enfin, l’auteur

En camping car Le Seuil, 17 €

Ivan Jablonka

Les Marseillais n’aiment pas tous le foot

L

es Mexicains ne sont pas tous des narcotrafiquants. Les Mongols ne vivent pas tous dans des yourtes… « Briser les murs et les clichés », tel est l’objectif que se sont fixé les ateliers Henry Dougier, en créant la collection Lignes de vie d’un peuple, une collection « nourrie d’enquêtes où un peuple exprime sa mémoire, ses valeurs, son imaginaire, sa créativité », riche de nombreux titres déjà. Le dernier en date s’intitule Les Marseillais. Rien à voir (heureusement) avec l’émission de téléréalité éponyme, même si les auteurs sont amenés à y faire allusion. Y a-t-il un peuple marseillais ? C’est la question que se sont posée Patrick Coulomb et François Thomazeau, tous deux écrivains, journalistes… et marseillais. Pour entrer dans la réalité complexe d’une ville composée de communautés disparates, d’une ville « d’ici et d’ailleurs », dont les habitants « ont pris l’habitude et le goût de vivre côte à côte en se foutant la paix » mais dont on ne sait pas au juste s’ils vivent « ensemble ou seulement dans la même ville », les deux auteurs ont emprunté le biais du tarot de Marseille. Et interrogé vingt-deux personnalités emblématiques

de la ville, comme les vingt-deux arcanes du célèbre jeu divinatoire. Ainsi se succèdent les portraits-interviews –chacun suivi d’un point plus général sur tel ou tel aspect de la

avocats, capitaines d’industrie et même bandits…Sarah Soilihi y incarne La Force, Robert Vigouroux L’Empereur, et Le Pape bien sûr, c’est Pape Diouf. Les deux auteurs le reconnaissent, ces pages « sont à l’image de Marseille, incomplètes, imparfaites, contestables ». Mais elles ont le mérite de proposer une entrée, forcément subjective mais souvent éclairante, dans le « grand puzzle en désordre » de Marseille et de mettre en lumière les sentiments contradictoires que la ville suscite, même chez ses plus ardents défenseurs. À lire donc, pour sortir des clichés rebattus. FRED ROBERT

ville- de celles et ceux qui font Marseille : politiques, syndicalistes, militants associatifs, personnalités du monde de la culture, de l’éducation, de la recherche, des médias,

Les Marseillais Patrick Coulomb et François Thomazeau Ateliers Henry Dougier Collection Lignes de vie d’un peuple, 14 €


96 critiques livres

À rebours

I

ls meurent tous avant quarante ans. Une malédiction semble avoir frappé les habitants du petit village dit des Trois Patronymes, aux fins fonds de la province du Henan dans la zone montagneuse des Balou. Le premier roman de Yan Lianke, La Fuite du Temps (sorti en France en 2014 et réédité aujourd’hui en poche) brosse une fresque magistrale de la destinée de ce village, et esquisse l’histoire de la Chine communiste, Grand Bond en avant, Révolution culturelle, Quatre Modernisations, à travers cinq livres qui remontent progressivement le temps, sur une trame qui semble se répéter : l’amour qu’éprouvent depuis l’enfance la douce Sishi et Sima Lan, toujours contrarié, les efforts de chaque chef de village pour lutter contre la mort précoce, en diversifiant les cultures, en creusant un canal, la récolte terrifiante des fonds, qui poussent à vendre, les hommes leur peau au dispensaire des grands brûlés, les femmes leur corps. Tragique saga où tout est voué à l’échec, la destruction : nuées de sauterelles, famines, eaux polluées, terres impropres… et une ténacité collective

poignante. Pas de misérabilisme pour autant dans cette saga aux couleurs naturalistes que vient éclairer parfois l’éclair d’images à

des jalousies, des passions : avidité de pouvoir destructrice, alliances, complots… Malgré les échecs répétés, l’espoir subsiste, au plus fort de la famine, des solutions sont tentées, jusqu’au renoncement à tout sentiment humain, l’essentiel étant la survie. En filigrane, des notes de fin de chapitre donnent des réponses objectives, notes historiques, économiques et politiques, terrifiantes, ainsi, le « mal de la gorge obstruée » qui tue les villageois est lié (entre autres) au taux de fluor excessif contenu dans l’eau et la terre, mais aucun déplacement de population ni aucun traitement n’a jamais été mis en œuvre ! De la mort de Sima Lan à sa naissance, le roman foisonnant de Yan Lianke brosse un portrait bouleversant de notre humanité, dans laquelle on vient quand même au monde avec « un petit rire léger et brillant comme une aiguille d’argent ». MARYVONNE COLOMBANI

l’intense poésie. La construction à rebours du roman ajoute à sa puissance, remonte le fil des inimitiés, des haines familiales, des rivalités,

La fuite du temps Yan Lianke, traduit du chinois par Brigitte Guilbaud éditions Picquier poche, 11 €

Des saumons et des hommes

C

onnaissez-vous la Gaspésie, dont le nom vient de Gespeg, « la fin des terres » en langue autochtone ? Connaissez-vous la Ristigouche ? Éric Plamondon, bien qu’il ait passé toute son enfance au Canada, ne connaissait pas non plus cette péninsule, berceau du débarquement de Jacques Cartier au Nouveau-Monde, ni cette rivière, jusqu’à ce qu’il y fasse un voyage en 2012. Il en est revenu habité de l’histoire de cette région, et des luttes (perdues d’avance ?) du peuple autochtone des Mi’gmaqs pour conserver ses traditions, ses territoires de pêche et de chasse, malgré la sédentarisation, malgré les réserves dans lesquelles on le parque. Il nous livre aujourd’hui Taqawan, un drôle de texte fragmenté en une succession de « courts chapitres qui nous baladent dans la réserve indienne », comme le déclarait ce Québécois de Bordeaux lors d’une passionnante rencontre à la librairie L’Histoire de l’œil*. Pour lui, comme pour l’un de ses écrivains de référence, Richard Brautigan, la littérature doit rester « une zone de liberté absolue » où dessiner le monde de façon éclatée. Histoire d’en rendre toutes les nuances ? Lui ce n’est pas la truite

en Amérique (Brautigan est devenu célèbre avec La pêche à la truite en Amérique, paru en 1974), ce serait plutôt le saumon en Gaspésie. Car Taqawan, c’est le nom qu’on donne, en

politique, touristique…Dans Taqawan, on croise également Céline Dion, Cléopâtre, le Chieftain 1976 (un modèle de camping-car), la recette de la Miskwessabo (ou soupe aux huîtres) ; on en apprend énormément sur l’histoire de la région (depuis la plus lointaine préhistoire jusqu’aux affrontements violents de 1981). Tout cela sous-tendu par un fil narratif -en mode thriller et en pointillés- qui met en scène des personnages attachants : Océane, une adolescente indienne violentée, Yves, un garde-chasse, Caroline, une institutrice française, William, un autochtone dont l’animal totémique est justement le taqawan… Drôle de genre, mais vrai plaisir de lecture, et belle leçon d’humanité. FRED ROBERT

langue mi’gmaq, au saumon qui revient dans sa rivière natale pour la première fois. De saumon, il est ici beaucoup question. Car il est un enjeu de taille dans la région. Culturel,

*Éric Plamondon était invité à la librairie L’histoire de l’œil (Marseille) le 19 janvier, avec Anthony Poiraudeau, venu parler de Churchill, Manitoba (éditions Inculte). Une rencontre sous le signe de l’ailleurs et du voyage « loin de tout ».

Taqawan Éric Plamondon Quidam éditeur, 20 €


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98 critiques livres

L’Afrique plurielle

Q

uand la Fondation Dapper et la Fondation Clément œuvrent ensemble à promouvoir la création africaine d’hier et d’aujourd’hui, leur collaboration prend la forme d’une exposition et d’un catalogue d’autant plus précieux que l’exposition a lieu sur la commune du François en Martinique. Sous la direction de Christiane Falgayrettes-Leveau, commissaire de l’exposition et Présidente de la Fondation Dapper, l’ouvrage réunit 13 contributeurs dont Patrick Chamoiseau. Dans sa préface, l’écrivain martiniquais évoque les « rapports entre l’Afrique et nos Antilles », leurs retrouvailles, citant le Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire, le roman Le Quatrième siècle d’Édouard Glissant et la vie de Frantz Fanon qui « ne sera rien d’autre qu’une rencontre entre l’Afrique et les Antilles dans un passage à l’acte contre la colonisation ». Une fois posée l’existence d’une Afrique plurielle (« Afriques ! Afriques ! »), les doubles pages textuelles et iconographiques se déroulent selon un

ordonnancement classique. Le catalogue ne cherche ni à innover graphiquement, ni à bouleverser les codes éditoriaux mais à rendre

partie consacrée aux arts anciens privilégie les approches historique, mythologique et ethnographique qui permettent de décrypter les us et coutumes liés aux sièges, aux statuettes, aux figures et autres masques. La seconde, dédiée à l’art contemporain, introduite par Françoise Monnin, interroge l’histoire à travers l’œuvre d’Ousmane Sow, la diaspora sénégalaise à travers celle du photographe Omar Victor Diop, la négritude à travers le « faiseur de mondes » qu’est Hassan Musa, etc. D’autres artistes bénéficient d’une approche circonstanciée à l’œuvre choisie, notamment Chéri Samba, Barthélémy Toguo, Soly Cissé, Joana Choumali ou Freddy Tsimba… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

compréhensible la signification des pièces, depuis « l’objet » du début du XXe siècle à l’œuvre d’art contemporaine. La première

Afriques, artiste d’hier et d’aujourd’hui Préface Patrick Chamoiseau Éditions Chopin / Fondation Clément / Fondation Dapper, 28,50 €

Tous les oiseaux de l’Ouest

D

ans un très bel album, traversé par le vol de milliers d’oiseaux, ponctué de paysages grandioses, le scénariste Fabien Grolleau et le dessinateur Jérémie Royer retracent l’existence extraordinaire, et somme toute assez méconnue, de JeanJacques (John James) Audubon. Né français et mort américain, cet aventurier des sciences naturelles entreprit, au début du XIXe siècle, de peindre et de répertorier tous les oiseaux d’Amérique. Rien que cela ! Abandonnant les affaires familiales (pour lesquelles il n’était pas très doué), laissant derrière lui femme et enfants, il s’en alla, du Kentucky au Mississipi, de la Nouvelle-Orléans au Missouri, tirant, dépeçant, naturalisant et peignant les espèces rencontrées sur sa route. Essayant toujours, dans une approche très romantique, de saisir la vie… ce qui lui valut de ne pas être reconnu par les scientifiques de son temps. Trop artiste, trop nouveau. La BD s’appuie essentiellement sur les récits d’Audubon, histoires sans doute enjolivées, mais qu’importe. Les auteurs ne cherchent pas à livrer une biographie minutieuse. Ils nous emportent plutôt « sur les

ailes du monde », à la suite de cet homme « happé » par l’ampleur et « la folie de [s]a tâche ». Dans une Amérique encore vierge, Audubon découvre les horreurs de l’esclavage,

est condamnée à disparaître, observe avec dégoût les hécatombes de bisons des chasseurs blancs. Plus qu’un simple naturaliste, il apparaît ainsi comme un pionnier de l’écologie, témoin précieux d’un monde fragile que la fièvre « civilisatrice » n’épargnera pas. Un personnage hors-normes, tout à fait digne de figurer dans cette fiction dessinée, qui sait lui rendre hommage. La reproduction de quelques planches à la fin de l’album permet de mesurer le talent de celui que les médias contemporains surnommaient avec condescendance The American Woodman. Et si l’on veut en savoir plus, les auteurs proposent également une bibliographie sélective. FRED ROBERT

L’album est en lice pour le Prix littéraire des Lycéens et Apprentis PACA. Les deux auteurs étaient invités le 1er février à la librairie La Réserve à Bulles (Marseille). contemple « la vision idyllique d’une race humaine en osmose avec la nature » (les tribus autochtones), dont il pressent qu’elle

Sur les ailes du monde, Audubon Fabien Grolleau (scénario) et Jérémie Royer (dessin) éditions Dargaud 21 €


L   ’amour de A à Z U   n abécédaire des c   ollections

M   ucem

Exposition 14 février —27 août 2018

Mécènes fondateurs

Partenaire


A R T D E S N O U V E AU X M É D I A

DU 31 MARS AU 3 JUIN

PLANÈTE LABORATOIRE

©design EDIS 2018

Exposition HeHe (Helen Evans et Heiko Hansen)


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