Zibel115

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N°115

ZIBELINE

Mensuel culturel engagé du Sud-Est

Festival

LES ÉLANCÉES

LES HIVERNALES

d’Avignon

3€

Où sont

les femmes ?

L 11439 - 115 - F: 3,00 € - RD


Roman-Photo Mucem Exposition

Avec le soutien de

13 décembre 2017—23 avril 2018

Mucem.org

Design : Spassky Fischer Photo © Arnoldo Mondadori editore / DR

Partenaires


FÉVRIER MARS 2018

CULTURE ET SOCIÉTÉ Mensuel payant paraissant le deuxième samedi du mois Édité à 20 000 exemplaires, imprimés sur papier recyclé Édité par Zibeline BP 90007 13201 Marseille Cedex 1 Dépôt légal : janvier 2008 ISSN 2491-0732 Imprimé par Riccobono Imprim’vert - papier recyclé Crédit couverture : © Alouette sans tête Conception maquette Tiphaine Dubois

Directrice de publication & rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@gmail.com 06 09 08 30 34 Rédactrice en chef adjointe Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42 Secrétaire de rédaction Anna Zisman anna.zisman.zibeline@gmail.com

ARTS VISUELS Claude Lorin claudelorin@wanadoo.fr

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LIVRES Fred Robert fred.robert.zibeline@gmail.com MUSIQUE ET DISQUES Jacques Freschel jacques.freschel@gmail.com CINÉMA Annie Gava annie.gava@laposte.net

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La régie Jean-Michel Florant laregie@gmx.fr 06 22 17 07 56 Collaborateurs réguliers : Régis Vlachos, Frédéric Isoletta, Yves Bergé, Émilien Moreau, Christophe Floquet, Pierre-Alain Hoyet, Aude Fanlo, Thomas Dalicante, Marion Cordier, Caroline Gerard, Delphine Dieu, Hervé Lucien Administration Catherine Simon admin@journalzibeline.fr Houda Moutaouakil contact@journalzibeline.fr

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Saint Valentin Familles ! je vous hais ! Foyers clos ; portes refermées ; possessions jalouses du bonheur, écrivait Gide étouffant dans une société rancie. Depuis les portes de la sphère privée se sont ouvertes, et l’intimité des familles s’affiche et se vend : le bonheur jalousement possédé s’exhibe, et sa marchandisation transforme jusqu’à notre perception de nous-mêmes. Fêter, aujourd’hui, c’est offrir. Courir les magasins pour trouver un cadeau, qui vaudra surtout pour le prix qu’on y mettra, valeur monétisée de notre affection. Les marchands ont transformé Noël en une débauche de consommation qui a institué jusqu’au treizième mois, et provoque chaque année des vagues de suicides ; ils ont inventé la fête des mères, des pères, des grands-mères, le chocolat créatif à Pâques. Puis importé Halloween, le Black Friday, l’ouverture des soldes. Plus insidieusement encore ils ont imposé aux jeunes gens des rituels coûteux de fiançailles, d’enterrement de vie de fille et de garçon, de mariage, de cadeaux de noces. Et aseptisé affreusement la fête de l’intimité, de l’amour, celle qui justement s’imposait hors du foyer clos comme une échappée vers un enivrement nouveau, un avenir possible. Alors, une idée cadeau ? Une box week-end en amoureux, un coffret Je t’aime, un anneau pour s’enivrer 115 du frisson de l’engagement éternel, des accessoires coquins pour la transgression nécessaire ? Car il faut que la relation intime colle aux clichés du cinéma et des affichages publics, à ces couples toujours beaux, jamais homosexuels, gros, pauvres, vieux, handicapés. Toujours de bonne taille, l’homme plus grand que la femme, la main sur son épaule en un geste dominant et protecteur. Ceux-là ont droit à l’amour, au désir, à la Saint Valentin. Les autres, c’est-à-dire tous, n’auront qu’à acheter encore pour approcher de cette image, et rester jeune, mince, cacher leur pauvreté, leur sueur et leurs tourments sous des marques, des masques, des fonds de teint. Ou renoncer à l’amour s’ils ne sont pas à la hauteur. Comment lutter contre cette dépossession de nous-mêmes ? À l’heure où s’ouvre pour 7 mois une fête dévouée à l’amour, dans un pays où l’on demande désormais aux opérateurs culturels des résultats économiques et où l’art se marchandise à grands pas, Quel amour ! propose de rencontrer des œuvres d’art, de la pensée, de la subversion. De sortir des foyers clos aux portes refermées, en interrogeant ce que l’on éprouve, et non ses marques. Tant que la culture demeurera une exception, un bien public, elle nous permettra de construire d’autres représentations de nous-mêmes, et un en-commun d’émancipation.

ÉDITO

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AGNÈS FRESCHEL


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FÉV MARS

FÉV MARS

THÉÂTRE

THÉÂTRE

LES ÉVÉNEMENTS

LES ÉVÉNEMENTS

Centre Dramatique National Nancy Lorraine, La Manufacture SAM 17 FÉV 21:00

Centre Dramatique National Nancy Lorraine, La Manufacture SAM 17 FÉV 21:00

THÉÂTRE

THÉÂTRE

ENVOL

ENVOL

DANSE

DANSE

Cie Artefact – Philippe Boronad MER 21 FÉV 16:00

ROCK’N CHAIR

THÉÂTRE

THÉÂTRE

17/18

LES FILLES AUX MAINS JAUNES Chœur

Du à l’ouvrage

Dynamo Théâtre – Michel Bellier / Joëlle Cattino SAM 17 MARS 21:00

04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

Conception, musique et mise en scène Benjamin Dupé Livret original Marie Desplechin Ensemble instrumental L’Instant Donné

13 et 15 mars Échouée sur une île à la suite d’un naufrage, une chorale se trouve livrée à elle-même. Une aventure initiatique portée par les jeunes choristes de la Maîtrise des Bouches-du-Rhône. Réjouissant !

Réservez ! 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

LES

Centre Dra

Cie Artefact – Philippe Boronad MER 21 FÉV 16:00

ROCK’N CHAIR CieF – Arthur Pérole 13 + 14 MARS 19:00

CieF – Arthur Pérole 13 + 14 MARS 19:00

LES FILLES AUX MAINS JAUNES Dynamo Théâtre – Michel Bellier / Joëlle Cattino SAM 17 MARS 21:00

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ÉV MARS THÉÂTRE

ES ÉVÉNEMENTS

sommaire 115

SOCIÉTÉ

amatique National Nancy Lorraine, La Manufacture Pas, ou peu, de femmes, SAM 17 FÉV 21:00 légitime domination masculine ? (P.6-7)

politique culturelle

THÉÂTRE

ENVOL

Les vœux et la culture (P.8-9)

Cie Artefact – Philippe Boronad MER 21 FÉV 16:00

Entretien avec Jean Mizrahi, repreneur des cinémas César/Variétés (P. 10)

DANSE

Dispositif Trop puissant (P.11)

OCK’N CHAIR

Droit de réponse au Théâtre Liberté (P.12)

CieF – Arthur Pérole 13 + 14 MARS 19:00

THÉÂTRE

LES FILLES UX MAINS JAUNES

Jaguar, Marlene Monteiro Freitas avec Andreas Merk, Les Hivernales 2018 © Laurent Paillier

événements

amo Théâtre – Michel Bellier / Joëlle Cattino SAM 17 MARS 21:00

Entretien avec Hubert Colas (P.14)

64 27 34 www.theatredurance.fr

Les Hivernales (P.15)

Festival des Écritures du réel, Lieux publics, festival Greli Grelo (P.16-17) Festival Mars en Baroque, Festival Avec le Temps, Nasser (P. 18-19) Exposition Mastodontes à Quinson (P.20) Exposition Nous et les autres à Pierresvives, Antoine D’Agata à La Friche (P.21)

Hakanai, AMCB, Les Elancées 2018 © Romain Etienne

critiques

Spectacles, musiques (P.22-46) Marseille, Aix, Vitrolles, Martigues, Istres, Arles, Château-Arnoux, Gap, Ollioules, Toulon, Avignon, Chaillol, Montpellier

AU PROGRAMME DU MOIS Musiques (55-59) Spectacles (60-79)

MP2018 Fêtes d’ouverture, La Friche, l’Entre-deux-Biennales, Les Élancées, le Mucem Mobile Home, de Vladimir de Fontenay, présenté en avant première au Festival de nouv.o.monde

cinéma [P.80-84] Marseille, La Ciotat, Vitrolles, Rousset, Martigues, Fos, Grans, Port-St-Louis, Avignon, Bonnieux, Gap, Montpellier, Valbonne

Arts visuels [P.85-91] Marseille, Aix, Istres, Saint-Raphaël, Toulon, La Garde, Nice, Nîmes, Montpellier Trois expositions de Yohanne Lamoulère, à Gap et Marseille Le Guetteur © Yohanne Lamoulère

livres [P.92-98]


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société

CONSTATANT QUE LA PRÉSENCE DES FEMMES SUR LES SCÈNES ET DANS LES FESTIVALS A TENDANCE À RECULER, ZIBELINE REPREND SON PICTO « PAS DE FEMMES ». NON COMME UN REPROCHE, MAIS COMME UN COMBAT

Les femmes invisibles E

n 2013 Zibeline décidait d’apposer le picto « pas de femmes » auprès des annonces et critiques de programmes présentant des œuvres d’hommes interprétées par des hommes, exclusivement ou très majoritairement (plus de 3 sur 4). Ou encore ne proposant aux femmes que des postures stéréotypées : chanteuses dans un ensemble d’instrumentistes masculins, costumières, dévouées au seul « jeune public », modératrices de débats où les hommes seuls délivrent leur pensée. La levée de boucliers fut immédiate : nous avons reçu des lettres d’insultes anonymes, essuyé des reproches de tous ordres, et des marques d’agacement lorsque nous notions, en conférence de presse, l’absence des femmes dans les programmations. Les milieux des musiques actuelles et de l’art contemporain, en particulier, se sont indignés : « Mais il y a des femmes ! » répliquaient-ils quand il n’y en avait qu’une sur 10, ou « J’ai vraiment essayé mais il n’y a pas de femme cinéaste, jazzman, DJ, créatrice d’arts numérique... ». Certains nous ont accusés d’intrusion dans leur univers d’artiste, ou de programmateur, ou de vouloir formater la création par des quotas. On eut même droit, de la part de collègues bien intentionnés, à la remarque qu’on ne pouvait pas être de tous les combats, et qu’il fallait aujourd’hui se

concentrer sur ce qui comptait, c’est-à-dire la représentation de la diversité. Que le combat féministe était d’arrière-garde, voire de droite, un leurre pour camoufler le véritable enjeu : celui de la représentation des Arabes et des Noirs sur les scènes.

Domination et libre arbitre

Bon, historiquement on nous l’avait déjà fait, cette mise sur la touche du féminisme au nom du combat contre la Ségrégation. Et de là était née la notion de Convergence des luttes (merci Angela Davis). Pour ce faire, il avait

fallu nommer la Domination masculine, et plus spécifiquement la domination de l’homme blanc adulte et hétérosexuel sur les jeunes, les vieux, les homosexuels, les racisés et les femmes (merci Pierre Bourdieu). Car le féminisme combat l’éternel masculin, cette priorisation du comportement de l’homme comme mesure de toute chose. Mais il est difficile de penser qu’un fonctionnement qui nous est propre, tel que le patriarcat, est le fruit d’une histoire. Et qu’il faut nous en défaire. Difficile d’admettre que ce n’est pas nous et notre conscience qui décidons, même si la critique du libre arbitre, que construisait Spinoza il y a 350 ans, explique que nous nous croyons libres parce que nous ignorons les causes qui nous déterminent. Ainsi il est difficile d’admettre que le regard porté par les hommes sur les femmes et sur eux-mêmes, que celui des femmes porté sur les hommes et sur elles-mêmes, sont le fruit de préjugés et de déterminants qui les dépassent. Nous sommes attachés à la présomption de notre liberté de conscience et de naturalité des rapports sociaux. Ainsi quand un homme, une femme ou une institution embauche ou place un homme à un poste, c’est dans la croyance ferme à la légitimité de ce choix. Mais dans un rapport de domination, comme le rappelait Bourdieu, aucune perpétuation n’est possible sans la complicité du dominé


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qui l’accepte, en toute liberté et conscience. Le délitement du collectif est connu ; il a pour conséquence le refuge dans la religion, la mise en avant de la réussite personnelle, un gouvernement et ses députés composés de femmes et d’hommes d’affaires… Il a aussi pour effet le reflux de l’idéal et du combat féministes chez les femmes elles-mêmes. En voulant être les égales des hommes par la seule force de leur volonté et individualité, de plus en plus de femmes refusent la prise en compte du combat politique et féministe : il serait ostracisant et ringard. Car la pensée dominante a coupé les femmes de leur Histoire, déterminante pourtant dans la construction des sujets sociaux que nous sommes. Mais cette prise en compte d’une identité collective réduirait ou anéantirait l’illusion orgueilleuse de notre libre arbitre. Alors aux Simone de Beauvoir on préfère les wonder working girl ou les top model. Et aux idéaux d’émancipation un jeune cadre dynamique président.

Aujourd’hui, dans les arts

De fait, chez les opérateurs culturels rares sont ceux et celles qui se pensent consciemment sexistes. Posant inlassablement la question en conférence de presse, répondant à des arguties étonnées, nous avons cru constater en 2015 une amélioration : de nombreuses directrices avaient été nommées à la tête des équipements culturels de notre région, les programmations étaient devenues un peu plus mixtes, et nous avons cessé d’apposer notre picto, en veillant à continuer à poser la question, et à noter les absences caricaturales. Nous nous sommes

même secrètement félicités d’avoir modestement œuvré à un changement important... Hélas, aujourd’hui nous faisons le constat que cette amélioration perçue ne persiste pas, et que l’absence des femmes revient en force. Et la révélation du nombre effarant de victimes de harcèlement sexuel, voire de viols ou d’agressions sexuelles, dans le milieu de la culture, dit toute l’urgence d’un changement nécessaire et radical. Nous ne reviendrons pas sur les infamies et maladresses qui ont fait l’actualité. Celles qui semblent désirer être violentées soulèvent la colère légitime de celles qui savent que leur blanc-seing autorise l’inacceptable. Ceux qui ont peur ne plus savoir comment draguer restent aveugles au nombre et à la gravité des faits rapportés, confondant le jeu de séduction avec ce que les femmes vivent : attouchements fréquents, harcèlements de rue, humiliations, voire relations sexuelles imposées par la force, physique ou de domination (familiale, scolaire, professionnelle). Car ceux qui parlent de « police du flirt », ceux et celles qui appellent à un « juste équilibre » trouvant l’attitude des uns et des autres excessives, oublient qu’il y a des dominants et des dominés : il s’agit aujourd’hui d’ouvrir les yeux sur le fait qu’une femme sur deux a été ou sera victime d’agression sexuelle, et entendre quand les étudiantes des écoles d’art et des conservatoires rapportent qu’elles sont lésées et humiliées par leurs enseignants. Pour les professionnels de la culture, il s’agit d’observer comment nous choisissons, lorsque nous trouvons qu’un spectacle médiocre d’une femme est « faible », tandis que celui d’un homme est « raté ». Il s’agit de comprendre que dans un cas ce sont les capacités de l’une que nous jugeons (insuffisantes) et dans l’autre leur réalisation circonstanciée (perfectible). Il s’agit de travailler sur nos représentations de nous-mêmes, en tant qu’hommes, en tant que femmes. Sommes-nous chasseurs et gibiers ? Sujet ou objet du désir ? Mineures et majeurs ?

Le sens de notre picto

Ces nouvelles questions imposent le retour de notre picto. Parce que la nomination de directrices ne suffit pas à changer fondamentalement le rapport entre les hommes et les femmes dans la culture. Parce que les stéréotypes agissent intimement, à l’intérieur de nous-mêmes (voir Zib’ 112 et journalzibeline. fr), nous projetant dans des rôles et des représentations qui influent sur nos performances et nos choix. Parce que nous savons que les femmes aussi (un peu moins) programment davantage d’hommes que de femmes, et que cela est le signe, indubitable, qu’ils et elles leur accordent moins de génie et de talent. Notre démarche se garde de tout jugement, parce que le problème est complexe, parce que Christian Rizzo a le droit d’écrire un trio pour trois danseurs hommes, et parce que l’histoire a retenu plus d’œuvres d’hommes pour en faire notre répertoire commun. Mais nous voudrions donner de la visibilité, une mesure, à ce déséquilibre. En pointant les spectacles sans femmes avec notre picto rouge qui les barre, en désignant ceux où les hommes sont très majoritaires (plus de 3 sur 4 sur scène et parmi les auteurs) par un picto gris qui les circonscrits ; il nous servira également à désigner ceux où les femmes sont cantonnées à des stéréotypes maternants, sensuels ou d’assistante. Sans agressivité, nous voulons faire un constat. Simplement parce que nous aimerions que nos filles aient les mêmes droits que nos fils à devenir des artistes : en voyant des femmes sur scène, en étant jugées pour autre chose que leur pouvoir de séduction, en n’acceptant jamais le début d’une humiliation. Pour cela il faut compter et rendre compte. Nous le ferons. RÉGIS VLACHOS, PRÉSIDENT DE ZIBELINE AGNÈS FRESCHEL, DIRECTRICE DE PUBLICATION


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politique culturelle

2018. Où est la culture ?

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e constat est amer : personne ne s’en soucie. Renaud Muselier, Jean-Claude Gaudin, Martine Vassal sont en guerre de succession pour la mairie et la métropole, le député Jean-Luc Mélenchon parle de culture mais jamais d’art, et seuls les communistes lors des vœux de la fédération 13 ont énoncé leur volonté de refonder une politique culturelle qui permette l’accès à l’art et protège la création. Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille et président de la Métropole, a à peine cité « nos musées » alors que Marseille Provence 2018 débute, et simplement pour remercier Madame Vassal de les financer. Elle-même n’a parlé que des entreprises, et du resserrement du Département qu’elle préside sur ses missions obligatoires. Quant à Renaud Muselier, président de la Région, son discours différait notablement de celui de Christian Estrosi, sensible jusqu’alors à la vitalité culturelle : il n’en fut question à aucun moment, même lorsqu’il s’agissait d’attractivité du territoire ou de tourisme. La culture, grande absente des allocutions, fut aussi absente du questionnement des journalistes, centrés sur la politique politicienne. La mort programmée et progressive d’un secteur d’activité essentiel, et de ce qui fonde notre société, c’est-à-dire notre capacité collective à produire de la pensée et de l’art, n’est pas à l’ordre du jour, alors même que les subventions

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culturelles sont en baisse en un mouvement général qui est aujourd’hui accepté comme une fatalité.

La mort de la vie associative

À la Région on put prendre la mesure du changement politique : lorsque Michel Gairaud, directeur du Ravi, journal satirique associatif, expliqua que son média était en danger de disparaître en raison de la fin du soutien par la Région de leurs actions d’éducation à la presse, Renaud Muselier lui répondit que les collectivités n’avaient vocation ni à aider la presse, jalouse de sa liberté politique, ni « les actions périphériques » éducatives. Il fit la même réponse à la fédération des radios associatives -40 radios libres de la région- qui faisait état de la fin brutale des aides en investissement et en fonctionnement de la Région. C’est-à-dire à leur mort programmée. Le désengagement conjoint des Villes, des collectivités locales (baisse des subventions), de l’État (fin des emplois aidés, baisse des dotations aux collectivités qui les répercutent sur leurs subventions), ainsi que le fléchage des financements vers les équipements et les compagnies nationales, est en train de mettre à bas la vie culturelle associative, et plus généralement sportive, éditoriale, sociale, de solidarité, éducative, de santé. Autant de secteurs où l’économie sociale et solidaire

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LA PÉRIODE DE JANVIER EST CELLE DES VŒUX À LA PRESSE. À MARSEILLE, CEUX DU DÉPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE, DE LA VILLE, DE LA RÉGION SUD ONT ÉTÉ PARTICULIÈREMENT LOIN DES PRÉOCCUPATIONS CULTURELLES...

crée de la richesse humaine et de l’emploi, et surtout remplit des missions qui pallient les carences publiques dans ces domaines, pour des coûts bien moindres que s’ils devaient être pris en charge totalement par les collectivités dont ils dépendent. Restreindre les dépenses sur ces secteurs relève parfois d’un choix idéologique, mais dans tous les cas c’est un contresens économique : même la Chambre de Commerce et d’Industrie de Marseille l’a compris, qui investit dans Marseille Provence 2018, alors qu’aucun des élus n’en a parlé. Notre société a besoin de passionnés, de bénévoles, de tous ces salariés peu avides qui s’investissent, sans compter leurs heures, pour maintenir une cohésion sociale fondée sur d’autres valeurs que la compétition économique. Nous avons besoin d’une économie solidaire structurée et soutenue, d’un secteur associatif vivace, d’une presse libre et sans œillères, de pensée, et d’art. Ce n’est pas être idéaliste que de le constater, à moins de désirer une société sans âme régulée par un marché aveugle, idéologie que même les libéraux les plus forcenés savent, aujourd’hui, caduque. AGNÈS FRESCHEL


Culture en Occitanie : un bémol à la clé

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a région Occitanie, présidée par Carole Delga (PS) depuis deux ans, s’engage sur une voie différente, avec le vote en décembre d’une hausse conséquente du budget alloué à la Culture, au patrimoine et aux langues régionales. Sur 3,51 milliards d’€ de budget, plus de 3% sont réservés au domaine culturel, ce qui représente une augmentation de 12,3%. Ce choix, fort et revendiqué, résulte d’une volonté d’affirmer une identité politique dans un contexte menacé par le repli identitaire et les sectarismes culturels, mais aussi d’une très large concertation effectuée tout au long de l’année 2017 auprès des 2700 acteurs territoriaux et professionnels. Dix diagnostics, un par secteur artistique, ont été réalisés, avec atouts et faiblesses. Une stratégie s’est dégagée, à développer jusqu’à la fin du mandat en 2021 sous le mot d’ordre « Culture pour tous et partout », ce sont 90 actions qui sont annoncées, déclinées en 4 axes majeurs. Renforcer l’égalité à la culture (développement géographique équilibré des structures, accès aux publics non habitués) ; encourager la création régionale (soutien aux compagnies locales, accueil d’artistes en résidence, inciter à la création d’ateliers d’artistes…) ; fortifier l’économie de la culture (accompagner la formation…) ; et enfin, dynamiser le rayonnement international (développer le tourisme culturel d’excellence et les partenariats internationaux). Grands chiffres et orientations générales sont chantés à l’unisson. Mais le rapport résiste moins à une lecture dans le détail. Le financement de l’Opéra Orchestre national de Montpellier (seul Opéra National jamais dirigé par une femme) est un des points sensibles de cette nouvelle politique culturelle : la structure, émergeant d’une longue période de difficultés financières antérieure à la nomination de Valérie Chevalier, s’est vue infliger une baisse de 200 000 €. Pourquoi ? Si on cherche dans le rapport du budget, aucune mention n’en est faite. Si on demande un communiqué de presse, rien non plus. Réaction immédiate du maire et Président de Montpellier métropole Philippe Saurel : le vote d’une subvention de 150 000 €. Le contexte actuel de passations de compétences et de redéfinition des territoires administratifs crée un flou qui risque de marquer un recul des actions concrètes au profit d’effets d’annonce difficiles à évaluer. La hausse générale, bien réelle, est à saluer, mais Montpellier n’est plus capitale de région. ANNA ZISMAN

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10 politique culturelle

Le cap de bonne espérance EN 2016, JEAN MIZRAHI REPRENAIT LES CINÉMAS CÉSAR/VARIÉTÉS MENACÉS DE NAUFRAGE. UN AN APRÈS, ZIBELINE L’A RENCONTRÉ POUR FAIRE LE POINT SUR LES STRATÉGIES ANNONCÉES ALORS POUR REDRESSER LA BARRE Zibeline : Dans notre entrevue de décembre 2016 (voir Zib’ 103), vous nous aviez parlé des différents volets de votre action dont le premier était de retrouver l’accès aux films. Avez-vous retrouvé la confiance de tous les distributeurs et du public ? Jean Mizrahi : Il y a eu encore quelques difficultés durant 7/8 mois. Tout est rentré dans l’ordre. Le cinéma tourne, les factures sont payées, la gestion a changé et les distributeurs le savent. La fréquentation n’est pas mauvaise vu l’état des salles. 216 000 entrées (le César n’ayant rouvert qu’en février), et après la rénovation, nous visons 350 à 400 000 entrées. Le deuxième volet était la réfection des salles ; les travaux devaient débuter en 2017. Or, rien n’a commencé et les deux cinémas ont continué à se dégrader. Pourquoi le chantier n’a-t-il pas démarré ? Il y a eu des problèmes sur le projet architectural, notamment sur l’accès handicapés. J’ai donc été amené à changer d’architecte et le 2e, Jean-Marc Lalo, spécialisé en salles de cinéma, a conçu un meilleur projet avec toutes les salles accessibles. Il a été présenté en décembre au CNC qui accepte de donner des aides, pas suffisantes pour l’intégralité du projet mais qui assurent son lancement. Les demandes faites à la Région et à la Mairie sont en cours d’instruction. J’espère que le bouclage financier sera terminé en juin/juillet et qu’on pourra commencer les travaux en début d’été. On commencera par Les Variétés où on va rajouter deux salles, contrairement au projet initial. Le cinéma sera fermé au moment où sera refait l’escalier central. Au César il faut changer l’orientation pour un meilleur visionnage, la restructuration sera plus profonde et la période de fermeture plus longue. En février la moitié du montage financier sera sécurisée, et d’ici la fin du semestre on devrait avoir le retour de la Région et de la Ville. L’idée est d’améliorer le look et le confort : un hall plus chaleureux avec une offre de boissons et de repas, 7 salles avec une diminution du nombre de sièges. Il ne s’agit pas de transformer ces

Jean Mizrahi © X-D.R.

cinémas en multiplexes industriels, mais d’améliorer la qualité d’accueil en conservant leur personnalité. Et le 3e volet qui concernait les labels ? Les Variétés ont récupéré leur label Art et Essai. La demande a été faite pour Le César et cela ne devrait pas poser de problèmes. Pour les dispositifs scolaires, une personne a été embauchée à plein temps pour la jeunesse, et beaucoup de scolaires sont de retour dans les cinémas. Outre cette salariée, avez-vous embauché d’autres personnels ? Les salariés sont restés à peu près au même niveau qu’à la reprise. Tant qu’on n’a pas fait les travaux, l’équipe n’a pas de raison de changer. Je voudrais que, plus tard, ces cinémas puissent être ouverts à d’autres moments de la journée pour d’autres utilisations, comme des locations à des entreprises, faire de l’opéra et bien d’autres choses que je ne peux pas proposer aujourd’hui. Pour l’heure on essaie de maintenir une programmation qui fasse que le public le plus fidèle s’y retrouve en matière de films. On passera au cran supérieur après la rénovation. C’est difficile de faire venir un public nouveau dans des salles dans cet état. Est-ce que vous avez pu rencontrer les responsables des festivals qui montrent leurs films au Variétés ? Vous parliez précédemment de conditions particulières au cas par cas ?


11 Je ne peux pas tout faire. L’équipe sur place fait ça très bien et je lui fais confiance. J’ai vu le responsable du FID, l’an dernier. Pour moi un seul vrai problème est l’état des cinémas. J’espérais qu’il se règlerait plus rapidement que cela. L’architecte travaille déjà à des appels d’offre pour être prêt à lancer les travaux

Du son mais pas au prix des oreilles !

Comment cela se passe-t-il avec la Mairie de Marseille, votre bailleur et La Maire du 1/7 qui soutient fortement le projet Artplexe ? Les relations sont très bonnes y compris avec la Maire de secteur qui a intérêt dans son ambition de réhabilitation de la Canebière à ce qu’il y ait le maximum d’animations. Que pensez-vous du projet tel qu’il a été présenté officiellement à la presse le 19 décembre ? J’ai l’intime conviction que le projet Artplexe ne pourra pas se positionner sur l’Art et Essai car il y a un public attaché aux Variétés, et après la rénovation il le sera encore davantage ! De plus, je vois difficilement comment un cinéma peut équilibrer ses comptes et être capable de rembourser des travaux si onéreux sur une offre Art et Essai. À mon avis le projet va s’orienter vers une offre beaucoup plus généraliste. À partir de là, le marché se segmentera de luimême. Le déficit en salles à Marseille est tel qu’il subsistera après Artplexe. Donc je n’ai pas beaucoup de crainte, le partage se fera naturellement, les deux cinémas fonctionnant de manière très différente. Vous ne craignez donc pas une guerre des films ? et du Public ? Non, mais ce serait une guerre qui se ferait au détriment d’Artplexe compte tenu du prix au siège des deux projets. Mieux vaut un partage intelligent des films, même s’il y aura toujours un élément de concurrence. On n’a pas vraiment échangé avec les promoteurs d’Artplexe depuis un an. On annonce ce projet pour fin 2019. On verra bien Comptez-vous organiser une conférence de presse pour faire le point et rassurer vos spectateurs, inquiets de voir que rien ne se passe ? Oui. On a eu une première réunion CNC en septembre, il y en aura une seconde en février pour les avances du fonds automatique de soutien. Je vais attendre cette deuxième réunion avant de communiquer plus largement. L’architecte va préparer des vues 3D du bâtiment après travaux. Le public n’a aucune raison d’être inquiet ! ENTRETIEN RÉALISÉ PAR ANNIE GAVA ET ELISE PADOVANI

© Maryvonne Colombani

A

ujourd’hui, un jeune sur quatre est atteint d’une déficience auditive liée à une surexposition sonore. Le dispositif mis en place par la Région PACA et sa Régie Culturelle, Trop Puissant, s’attache à une campagne de sensibilisation aux risques auditifs. Pour la 16e année consécutive, Trop Puissant propose ses actions à 90 lycées et 8 CFA répartis sur le territoire de la région (près de 4500 élèves). Michel Bissière, Vice-président de la Commission « Rayonnement culturel, Patrimoine et Traditions » insiste sur la logique éducative mise en œuvre, soutenue par la volonté des enseignants, qui préparent en amont et effectuent un suivi aux séances-concert, animées alternativement par deux groupes issus de PACA, PinkNoColor et Namasté !. 2018 voit l’entrée d’Aix-en-Provence, avec le Bois de l’Aune, ce dont Sophie Joissains se félicite : il s’agit d’un « dispositif intelligent », « des professionnels de la musique, de très bons musiciens, disent aux jeunes chez qui s’esquisse une autonomie d’adultes : attention, nous exerçons ce métier mais nous sommes conscients des dangers ». Catherine Béja, responsable de l’Action Culturelle de la Régie culturelle régionale sourit : « Le ton n’est pas moralisateur, il n’est pas question de dire de ne pas aller aux concerts, mais de savoir gérer la relation au son ». Elle résume les trois axes de Trop Puissant ; une ossature culturelle, un axe éducatif, et un axe de prévention, de santé. Ces trois éléments se conjuguent parfaitement avec le groupe PinkNoColor. Le concert de ces derniers est exemplaire, use du biais de l’histoire des musiques amplifiées, se livre au passage à la superbe interprétation d’extraits qui vont du Cotton Club à Herbie Hancock ou Mickael Jackson… Que de progrès depuis le phonographe et les premiers baladeurs de 1979 ! Les explications claires initient à l’anatomie de l’oreille, aux ondes sonores, à la mesure des décibels, au temps d’exposition supportable sans dommage, et aux techniques pour se protéger… Action pédagogique ? Sans aucun doute, avec toutes les qualités d’un spectacle passionnant ! MARYVONNE COLOMBANI

Trop puissant a eu lieu le 11 janvier au Bois de l’Aune, Aix-en-Provence


12 politique culturelle

Suite à l’article intitulé Châteauvallon perd la boussole paru dans le numéro 114 et sur notre site de presse, le Liberté, scène nationale de Toulon, a souhaité apporter quelques précisions, auxquelles nous répondons à notre tour

La libre réponse du Liberté Si les auteurs de l’article soulignent la qualité des propositions du Liberté, son rôle moteur sur le territoire, l’article véhicule des inexactitudes qui peuvent porter à des interprétations biaisées. « Pourquoi Christian Tamet renonce-t-il ? Nathalie Anton a, comme prévu, pris la direction de l’ARCADE depuis le 2 janvier, mais pourquoi le directeur part-il et qui va le remplacer ? » Le public peut se poser légitimement la question du départ des directeurs, mais il est étonnant qu’un journal bien informé comme le vôtre ne connaisse pas les causes de ces départs. Nous pouvons comprendre que vous exerciez un droit de réserve sur cette question mais en aucun cas que vos propos insinuent qu’il pourrait exister d’autres raisons plus obscures… Nous n’avançons pas de réponses sans les avoir vérifiées, d’où ce questionnement, qui n’insinue aucune raison obscure liée au Théâtre Liberté, mais suppose plutôt des problèmes internes à Châteauvallon. « Le Théâtre Liberté construit pour les frères Berling » Non, le projet de théâtre était pré-existant à la nomination de l’équipe de direction. La délibération du Conseil Municipal permettant à la Ville d’acquérir l’ancien cinéma Gaumont Pathé pour en faire un théâtre date de… février 2003 ! Charles et Philippe Berling, rejoints par Pascale Boeglin-Rodier, ont été nommés directeurs en avril 2010. Depuis 2015, le théâtre est codirigé par Charles Berling et Pascale Boeglin-Rodier. Précisons en outre que l’outil de travail et les moyens de production du Liberté sont très largement partagés avec de nombreux artistes puisque Charles Berling met en scène en moyenne moins d’une production par an au Liberté. Si le projet était plus ancien, la construction s’est concrétisée autour de l’implication de Charles et Philippe Berling, ainsi que de Pascale Boeglin-Rodier. Nous ne cessons d’ailleurs de nous réjouir de l’existence du Liberté, qui est largement due à leur projet.

« Châteauvallon sur sa colline tient son rôle, bien différent du théâtre Liberté. Celui qui lui a valu, dès 1988, un label national que le Liberté n’a obtenu qu’en s’alliant à lui. » Le Liberté remplissait seul tous les critères pour répondre au cahier des charges d’une scène nationale, mais le Ministère de la Culture a souhaité que le label soit partagé entre les deux structures afin de porter un projet de territoire ambitieux. Le label national existait déjà pour Châteauvallon, Centre National, et effectivement l’État, qui décerne les labels nationaux, a souhaité qu’il soit partagé : concrètement, c’est lorsque le Liberté s’est allié au Châteauvallon qu’il a eu son label national. Qu’il méritait effectivement amplement ! « Un public varois peu gâté en terme d’offre théâtrale » Les structures culturelles varoises telles que le Pôle Jeune Public au Revest-les-Eaux, l’Espace des Arts du Pradet, le Théâtre Marélios à la Valette, le Théâtre du Rocher à La Garde, Le théâtre Colbert et le Comoedia à Toulon, le Théâtre Galli à Sanary, l’Opéra de Toulon, le Théâtre Denis à Hyères, La Croisée des Arts à Saint Maximin et bien d’autres apprécieront. Il s’agissait bien évidemment de noter qu’avant l’arrivée du Liberté, le public varois manquait d’offre théâtrale en termes quantitatifs, non qualitatifs... « le Théâtre Liberté produit de moins en moins les compagnies locales » Depuis l’ouverture du Liberté en 2011, le Liberté a travaillé avec plus de quarante compagnies régionales : celles-ci sont à la fois programmées dans nos saisons artistiques, accueillies en résidence, coproduites parfois de façon très majoritaire par le Liberté, accompagnées dans leur développement, sollicitées pour des ateliers de pratique artistique et des rencontres avec le public du Liberté… Les bilans d’activité du Liberté montrent une montée en puissance de notre travail avec les compagnies régionales sur les trois dernières années : Kubilaï Khan investigations, la Compagnie Barre Philips, Ridz Compagnie,

la Compagnie de l’Echo, la Compagnie Le Bruit des Hommes, MAALMA Association, Les Bijoux indiscrets, Les Voix Animées, Le GOM, la Compagnie Azeïn, la Compagnie Kerman, l’Autre Compagnie, la Compagnie Cornucopiae, Compagnie de l’étreinte, Kokerboom – Désiré Davids, Compagnie Artefact sont quelques-unes des compagnies varoises avec lesquelles nous avons travaillé, dans les deux dernières années. Et c’est sans compter les compagnies des autres départements de la Région PACA telles que la Compagnie Kadidi - Dorothée Munyaneza, la Compagnie Lanicolacheur, la Compagnie Fragments, 7e ciel, le collectif Manifeste Rien… En 2017/18, la programmation du Liberté compte 10 spectacles réalisés par des compagnies varoises ou régionales, 21 représentations (soit +22% par rapport à la saison précédente), 4 coproductions, 9 résidences, dont 6 compagnies varoises, pour près de 60 jours de répétition. À ces données, s’ajoute la programmation des compagnies sur les évènements Thema (avec la Nuit Liberté, Mardi Liberté), le festival Hors les Murs, les Journées du patrimoine, la Nuit de la lecture. Donc non, le Liberté ne produit pas de moins en moins de compagnies locales, au contraire, il assume pleinement son rôle de scène nationale très impliquée dans le développement du territoire. Le Liberté depuis sa création programme de nombreuses compagnies varoises et régionales, et nous n’avons eu de cesse de le saluer, et de relayer leurs créations. Mais il nous semble pourtant que les productions et coproductions du Liberté, qui vont en augmentant en nombre et nous nous en réjouissons, s’orientent proportionnellement moins vers les compagnies locales, soutenues par ailleurs par des accueils en résidence et des programmations nombreuses. Notre formulation était cependant maladroite et pouvait laisser croire que le Liberté se désintéresse de la création régionale, ce qui n’est absolument pas le cas. PASCALE BOEGLIN-RODIER ET CHARLES BERLING POUR LE THÉÂTRE LIBERTÉ MARIE GODFRIN GUIDICELLI, POUR ZIBELINE 114 AGNÈS FRESCHEL, POUR ZIBELINE 115



Introspection et désordre amoureux

Kolik © Hervé Bellamy

14 événements

Hubert Colas, auteur, metteur en scène et directeur de Montévidéo, reprend Kolik, un solo de Rainald Goetz porté par un Thierry Raynaud hallucinant, et propose une seconde étape de travail de son Désordre portant, saison oblige, sur le désordre amoureux Zibeline : Pourquoi cette reprise de Kolik, qui a été joué plus de quarante fois sur la scène internationale depuis sa création en 2011 ? Hubert Colas : D’abord parce que Rainald Goetz a une écriture singulière, une puissance de poésie sonore qui continue à me hanter. Pour Thierry Raynaud, c’est un objet qui l’a complètement habité, et dont on voudrait explorer plus avant d’autres facettes. Ce texte est un peu comme l’introspection contemporaine d’un corps hamletien, une introspection à la fois individuelle et sociale, vers laquelle nous avions envie de revenir. Thierry Raynaud, seul à table, ingère une quantité impressionnante de verres d’eau ? Pourquoi cela ? C’est Rainald Goetz qui l’inscrit dans son texte, comme si à chaque prise de parole il fallait redonner du carburant à ce corps qui incube. Une énergie cristalline, qui alimente la soif de connaissance de soi, et qu’il faut toujours nourrir davantage, comme si on pouvait tout absorber dans la perpétuelle énigme de l’appréhension de soi, et de la mort. La mort est le thème du monologue ? C’est une des stations de l’apprentissage de

soi-même. Aujourd’hui nous sommes assaillis par la puissance et la présence de la mort, mais par pudeur ou par douleur nous ne nous révoltons pas. Or le travail d’introspection éclaire la vie, et l’axe de ce texte c’est la lumière, qui ouvre les portes de la connaissance et de la parole. C’est un texte de l’épanouissement, qui s’interroge sur comment continuer à vivre dans une société qui est antinomique avec la notion de justice humaine. Le texte n’est pas facile à appréhender... C’est un texte à la puissance poétique : il faut se laisser aller au choc de la rencontre avec cette écriture, dont le but n’est pas la compréhension littérale ou totale, mais de vous attraper par la musique des mots, comme on contemple une couleur. Sur scène, tout est noir... Et lumineux. C’est un espace noir qui est comme l’apparition mentale de l’écriture, mais la vidéo discrète de Patrick Laffont double le corps de Thierry, et grandit. Car ce texte donne vraiment la possibilité de grandir. Il y a quelque chose de noir et de joyeux à la fois... En dehors de cette reprise vous proposez une deuxième étape de Désordre. Oui, une mise en espace, dont la thématique

sera le désordre amoureux. J’en ai commencé l’écriture il y a deux ans. Il y est question des chemins du désordre, l’incompréhension, le malentendu, la nécessité sociale de changer tout le temps, le destin. Porté par vos acteurs ? Oui, ils sont 6, avec des personnalités très différentes et marquées, certains musiciens, performeurs, danseurs. Le plateau aussi sera désordonné, il sera question de cela, de comment la représentation théâtrale s’oppose à l’ordre normal des rapports humains, s’oppose et les combat. La dramaturgie sera aléatoire, on veut que le public participe, soit appelé à remettre en ordre ce qu’il voit, la forme fictionnelle qui sera donc variable chaque fois, et changera d’ordre... Ce travail au plateau implique-t-il que vous écrivez avec vos acteurs ? Non l’écriture est de moi. Mais le travail avec eux me permet de teinter mon écriture, et de leur livrer un objet colorisé pour eux. La création aura lieu... … en octobre, sans doute dans le cadre d’actOral. On fêtera les 30 ans de la compagnie Diphtong. Et comment se portent actOral, Diphtong, et Montévidéo ? Bien. La compagnie va très bien, Montévidéo doit continuer à vivre dans un objectif de partage qui semble désormais compris de tous. Yves Moraine, le maire de secteur, défend l’existence de Montévidéo à cet endroit qu’il trouve pertinent, il en a convaincu le maire et l’État. Des nouveautés ? Oui, nous créons un bureau de production pour accompagner en continu les compagnies et les artistes. Et nous collaborons pour la première fois avec la Collection Lambert, pour une expo sur la déclaration d’amour, Je t’aime je t’aime, autour de François-Xavier Courrèges, mais aussi Jason Dodge, Nan Goldin, Delphine Kreuter... Nous voulons donner une place plus grande aux plasticiens, dont les propositions sont souvent construites, aujourd’hui, en regard avec le théâtre... PROPOS RECUEILLIS PAR AGNÈS FRESCHEL

Kolik 12 et 13 février Désordre 21 et 22 mars Je t’aime, je t’aime 16 au 25 février Montévidéo, Marseille 04 91 37 97 35 montevideo-marseille.fr Kolik 16 et 17 février Bois de l’Aune, Aix 04 88 71 74 80 boisdelaune.fr


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40 ans, le bel âge Les Hivernales, festival du Centre de Développement Chorégraphique National d’Avignon, proposent une édition au programme enthousiasmant

O

n eu peur pour le CDCN, ces dernières années. Avant qu’il devienne national et puisse accueillir des artistes associés, et mettre en place des synergies avec les autres CDC ; avant, surtout, qu’il « redresse la barre » comme le dit Isabelle Martin-Bridot, nommée à sa tête en 2016 et héritant d’un déficit conséquent, et d’une polémique avec leur bailleur. Les Hivernales allaientelles perdre leur théâtre ? La directrice nous assure que le bail les protège jusqu’en 2020, et que les partenaires institutionnels, de la Ville à l’État, sont d’accord pour trouver un lieu conforme aux besoins. C’est donc avec un budget conforté de 900 000 euros, un déficit presque remonté grâce à une équipe réduite et passionnée, que la 40e édition est lancée. Au programme ? Un menu de choix. Qui a commencé par des apéritifs inattendus : Yoann Bourgeois, suspendu entre harpe et trampoline, a donné une couleur cirque à l’opéra Confluence le 2 février, tandis que les étudiants Arts Jaguar, Marlene Monteiro Freitas avec Andreas Merk © Laurent Paillier du spectacle ont mis la ville en marche en qui explore le rapport du corps à l’espace, et hommage à Pina Bausch. Des expos photos au regard (voir Zib’ 106 et journalzibeline.fr. et un cycle documentaire explorent encore Également programmé les 13 et 14 mars au la mémoire de la danse contemporaine... Théâtre Durance, et du 22 au 24 mai à Théâtres en Dracénie) ; enfin Christian Ubl crée H&G, Pour les enfants d’après Hansel et Gretel et son rapport à la À partir du 15 février, les HiverÔmomes nourriture (également le 20 février au Théâtre proposent 5 pièces aux enfants juste avant de Fos dans le cadre des Élancées, voir p 50, les vacances. L’an dernier, la programmation et du 22 au 24 février au Massalia, voir p 62). a eu tant de succès auprès des adultes avignonnais (qui représentent près de 80% du Région et associés public du festival) que les enfants ont eu du Puis on entrera dans les Hivernales proprement mal à s’y rendre ! Cette année, des places leur dites. On y rencontrera de nombreux créateurs seront réservées... Au programme Christian de la région, car Isabelle Martin-Bridot prend sa & François Ben Aïm explorent une Forêt mission de « Développement Chorégraphique » ébouriffée, celle du conte de Mélusine Thiry, très au sérieux : Antoine le Ménestrel qui a créé les vidéos du spectacle ; Isida grimpera la façade de l’Eglise des Célestins, Micani, chorégraphe associée au CNDC de et on retrouvera aussi Eric Oberdorff et son Roubaix, joue la complicité en invitant les Corps Palimpseste, Ex Nihilo sur un plateau enfants autour d’une table -Tavola- sensible ; (Paradise is not enough), Georges Appaix le Théâtre de la Guimbarde propose un Bal (What do you think ?). Michaël Allibert et des bébés, pour que ceux qui ne marchent pas Jérôme Grivel qui reprendront leur Etude encore expérimentent la joie de danser portés ; de la chute des corps à la fondation Lambert, Arthur Perole reprend Rock’n Chair, une pièce sans doute plus adaptée à leur radicalité

plastique que le Forum de Carros (voir Zib’ 113), et Liam Warren viendra créer Intersum, un trio sur l’intervalle suspendu du plongeon, qu’il a répété au Klap. Enfin les artistes associés du CDCN (Naif production) présenteront, cette fois, chacun son spectacle : La Chair a ses raisons où Mathieu Desseigne expose son dos plutôt que son « envie de gigoter », Des gestes blancs où Sylvain Bouillet danse la paternité, avec son jeune fils. Les artistes associés aux autres CDCN seront également présents, conformément à l’esprit de diffusion commune de ce réseau national. Ainsi Alexandre Roccoli qui explore la mémoire des gestes des ouvrières italiennes du textile (Weaver Quintet), et Marlene Monteiro Freitas qui présente avec Andreas Merk un Jaguar déjanté, libertaire et jubilatoire.

Promesses et stars

Mais il y aura aussi des chorégraphes venus du hip hop, comme Rafael Smadja ou Jann Gallois, artiste associée à Chaillot qui crée un Quintette très attendu. Une autre femme dans cette programmation qui en compte peu : Fré Werbrouck, artiste belge qui travaille sur l’immobilité, présentera Phasme aux Doms. Et puis aussi deux stars chorégraphiques : Daniel Larrieu toujours aussi subtil, Maguy Marin toujours aussi géniale. Et le Ballet de Lorraine pour clôturer, avec un programme de créations (Rachid Ouramdane et Jacobsson & Caley) conçu en partenariat avec le Festival d’Avignon. Une première, dans une édition qui rayonne de Cavaillon à La FabricA et met tout un territoire en effervescence. Décidément, les Hivernales vont bien... AGNÈS FRESCHEL

HiverÔmomes 15 au 21 février Les Hivernales 23 février au 3 mars Divers lieux, Avignon 04 28 70 21 82 hivernales-avignon.com


16 événements

Scènes ouvertes sur l’état du monde

L

e credo du Théâtre La Cité se fait entendre d’une Biennale des écritures du réel à l’autre depuis 2012 : « mettre en relation et en résonance des trajets de vie » à travers l’écriture textuelle ou scénique, et œuvrer à l’échange, à la parole et à la pratique en partage. Forte de ses multiples partenaires, la biennale étend son territoire de Marseille à Aix-en-Provence, d’Avignon à Cavaillon, et capte de plus en plus de spectateurs désireux « d’explorer ce très ancien dialogue entre poésie et politique ». Cette quatrième édition, comme toutes les précédentes, est une invitation à « voir le monde avec les yeux des autres », ceux des artistes, des chercheurs et des philosophes conviés au banquet. Elle est dédiée à l’association SOS Méditerranée afin de soutenir ses actions. Les rendez-vous se structurent autour de cinq thématiques qui font se croiser les formes d’expressions artistiques (spectacle, happening, projection, exposition, performance, lecture) avec les rencontres et conférences philosophiques et psychanalytiques. Une manière de faire interagir

une grande diversité de paroles citoyennes… Après l’ouverture publique par la Compagnie Opus, Frédérique Lecomte et Tania Alice, « Continent jeunesse » sera l’occasion d’entendre les retours d’expériences d’adolescents de Marseille ; « Auteurs face au réel, Dans le vif du sujet » questionnera la radicalisation et la rupture affective et sociale ; « Europe quel théâtre » interrogera la construction d’un projet d’avenir commun et « L’expérience Gatti » rendra hommage au poète et à l’homme de théâtre. Parmi les mille et une écritures du réel déployées, nombreux sont les projets participatifs : le film Sécurité de Natacha Samuel tourné l’été dernier au lycée Ampère à Marseille ; les créations théâtrales de Karine Fourcy, D’ailleurs jouée par une troupe constituée de jeunes Marseillais et de jeunes arrivants et Barbare isthme écrit avec des élèves nouveaux arrivants du collège Henri Wallon ; le workshop danse Seuls et ensembles ! de Bouziane Bouteldja et Naïs Haidar, fruit d’une rencontre avec de jeunes danseurs des quartiers nord ; la table-ronde et projection

Barbare Isthme, mes Karine Fourcy © Sigrun Sauerzapfe

Ce qu’ils en disent avec le sociologue Adil Jazouli et les artistes et adolescents ayant traversé les créations partagées du programme Continent jeunesse. Les créations ne font pas exception avec J’appelle mes frères de Jonas Hassen Khemiri mis en scène par Noémie Rosenblatt axée sur la place de l’étranger dans les sociétés occidentales, Pourquoi M. Seguin a-t-il emprisonné sa chèvre ? dont la représentation sera suivie d’une rencontre avec le psychanalyste Hervé Gastanet et l’auteure-metteure en scène Julie Villeneuve,

De jour comme de nuit

La Nuit unique © Théâtre de l’unité

À Lieux publics, les spectacles prennent forme ou se confirment au gré des résidences et des rencontres avec le public. C’est le cas pour ceux du Théâtre de l’Unité et des 26 000 couverts ; ambiance !

Nuit unique Toute une nuit pour faire l’expérience unique (comme annoncé), et collective, d’une traversée théâtrale et littéraire de sept heures, avec la consigne d’apporter un oreiller et un sac de couchage à 23h… Jacques Livchine et Hervée de Lafond, Théâtre de l’Unité, reviennent à Lieux publics (ils avaient proposé le spectacle

après une sortie de résidence l’année dernière en mai) avec cette proposition folle d’une Nuit unique passée à écouter des textes de théâtre, de la poésie, voire du très prosaïque comme une liste de course ou autres particularités personnelles à tel ou tel comédien. Parfois chantés, accompagnés de musiques, joués ou lus, déclamés ou susurrés à l’oreille, les mots

de Jodorowsky, Cendrars, Michaux, Rimbaud, Proust, Novarina, Rodrigo Garcia seront les guides de vos pensées, voire de vos rêves, au gré des lumières propices à l’assoupissement ou aux hallucinations provoquées par un éveil forcé. Peu importe ! Car là réside la magie de cette aventure hors norme, provoquer un état qui permette à l’inconscient de prendre le relais de temps en temps, de faire se confondre sommeil et imaginaire, torpeur et confusion. Et si vous dormez il restera toujours de cette « expérience », ne serait-ce que le partage d’un tel voyage avec vos compagnons d’une nuit. Vous saurez que la Nuit a pris fin lorsqu’il sera temps de partager le petit-déjeuner, signe du retour à la vie, une autre vie.

Véro 1re Reine d’Angleterre Que voilà une bonne nouvelle : les 26 000 Couverts annoncent une prochaine création, prévue en septembre 2018, et profitent de leur sortie de résidence artistique à Lieux publics pour nous présenter une des premières étapes de cette « attraction théâtrale ». L’histoire est comme toujours extravagante, et les premières informations qui nous parviennent


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Tintinnabulez jeunesse !

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a biennale du théâtre d’objet en Pays d’Apt, Greli Grelo, fête cette année ses dix ans et arpente l’univers du théâtre à partager en famille. Désormais fortement ancré dans le territoire, le festival donne une visibilité aux projets de création et au travail des artistes accueillis en résidence tout au long de l’année. Certains parcours s’adressent aux tout-petits : Comment ça sonne ? (dès 6 mois) avec Sophie Bois et Patricia Revault fait naître des matières sonores et musicales et d’étonnants paysages imaginaires ; Entrelacs (dès 18 mois), par Amina Théâtre, itinéraire artistique où l’on suit un fil mystérieux. On sera un peu plus grand (3 ans) pour traverser la nuit avec Night Light d’Andy Manley et le Teater Refleksion, écouter Le chant des baleines de la Cie Histoire de, ou capturer les nuits aux côtés du héros de Y’a un lapin dans la lune par la Cie Vélo Théâtre (4 ans). Plus grands encore, 6 ans, afin d’accompagner le grand-père de Martin Dancoisne, et ses maquettes qui racontent son village et la grande Histoire, dans Respire Picardie forever de la Cie TAC TAC, ou encore se rendre à une exposition sur le Paradis avec A de la Cie Skappa & associés. C’est à l’âge dit de la sagesse, 7 ans, que l’on pourra s’intéresser au Voyage immobile de Pénélope de la Cie La Main d’œuvres, être séduit par les inventions plastiques et musicales de Tremblez Machines ! & Animal épique des Ateliers du spectacle. Enfin, à 9 ans, on sera sensible aux remuements du monde avec le conte musical qui évoque l’histoire récente de la Palestine, Le Bulldozer & l’olivier par la Cie Le 7 au soir (elle animera aussi atelier rap-écriture). Des impromptus musicaux par le Conservatoire Intercommunal de Musique jalonneront le festival… D’autres surprises auditives, visuelles et gustatives sont à découvrir (l’expo Objet toi-même du réseau POLEM des acteurs de marionnettes en région PACA, un stage pop-up…) ! Quelle belle école du spectateur, qui dès le plus jeune âge est amené, grâce au théâtre d’objet qui change les échelles, à distancier les propos et les représentations !

ou encore la performance La découverte de l’Amazone par les Turcs enchantés de Leandro Nerefuh. Sans oublier les récits collectifs à voix hautes, les performances poétiques, un plateau radio live et une marche aux abords du GR2013 pour partager Un bon moment avec la Gare franche, le bureau des guides du GR2013 et Hôtel du Nord. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Biennale des écritures du réel # 4 17 mars au 13 avril Divers lieux, Marseille, Aix, Cavillon, Avignon 04 91 53 95 61 theatrelacite.com

DOMINIQUE MARÇON

Nuit unique 17 février (lieu dévoilé lors de la réservation) Véro 1re Reine d’Angleterre 2 mars Lieux publics, Marseille 04 91 03 81 28 lieuxpublics.com

MARYVONNE COLOMBANI

Greli Grelo 20 au 25 février Pays d’Apt 04 90 04 85 25 velotheatre.com Respire Picardie forever © Cie TAC TAC

laissent entendre que le texte de Gabor Rassov sera « un mélodrame absurde à multiples rebondissements ». Soit l’histoire d’une femme, Véro, qui va finir par devenir Reine d’Angleterre alors même qu’elle n’osait se rêver gérante de Franprix. Comme rien n’est simple avec cette compagnie de théâtre de rue, et pour compléter le parcours chaotique de la dame, il faudra aussi compter avec « des extra-terrestres, un héritier suisse, des bébés, le Duc de Windsor, l’arrière-arrière-petit-fils de Pasteur, un fantôme, un squelette, Albert de Monaco, et de multiples pistolets ». Philippe Nicolle est bien sûr à la manœuvre, pour mettre en scène cette folle fable. Cette fois ce n’est plus la famille Fournel qui sera sur scène, ni dans les coulisses -car tout se montre et se vit dans les spectacles des 26 000 Couverts-, mais la famille Shutman, des célèbres Mélodrames Shutman, des forains modernes où « le père, la mère, les quatre enfants et le cousin aveugle seront tour à tour comédiens, musiciens, bricoleurs de plateau… ». Rendez-vous donc au sein de leur campement bordé de caravanes, où trône une remorque-tréteaux-boîte à jouer, lieu de tous les imaginaires !


Concert Soave © Robert Ayache

18 événements

Un peu... beaucoup... passionnément...

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n Provence, mars est le « mois des fous »... et comme 2018 rime dans le coin avec Amour, Mars en Baroque vit, à la folie, sa saison des Amours ! Son directeur artistique, le claveciniste Jean-Marc Aymes, annonce « six siècles » d’histoire musicale : trois semaines durant lesquelles se perdent la raison et la chronologie d’un temps qui sans cesse réinvente la passion douloureuse, la légèreté

des sentiments, la grivoiserie ou la dévotion... L’événement du festival est la restitution, en version de concert à La Criée, d’un des premiers opéras, qui plus est entièrement composé par une femme. En 1625, la musicienne Francesca Caccini s’inspire du Tasse et son Orlando furioso pour créer à Florence une œuvre de circonstance, politique et diplomatique : La Liberazione di Ruggiero dall’Isola di Alcina.

Au-delà des histoires d’amour, de travestissement, de chevalerie ou de sortilèges se joue la traditionnelle opposition Amour/ Devoir et une mise en scène du pouvoir, de ses « largesses » envisagées comme « arme politique ». Une rareté à appréhender au fil de conférences prévues au Musée d’Histoire de Marseille et à l’Alcazar. L’ensemble Concerto Soave est à la manœuvre et propose aussi, en concert d’ouverture, Un Ballo a Venezia : des textes amoureux mis en musique par Claudio Monteverdi ou ses contemporains, chantés par la soprano María Cristina Kiehr. Puis, en collaboration avec les chanteurs de Vox Luminis, c’est une « vie du Christ » qu’on imagine d’après des pièces sacrées de Palestrina ou Monteverdi. Erosong est un spectacle pluridisciplinaire poético-érotique, alliant l’écrivaine Nancy Huston (lectrice), le peintre-performer Guy Obserson qui « improvise sur la sensualité du moment », les musiciens Michel Godard (serpent) et Freddy Eichelberger (claviers). On découvre un jeune quatuor qui renouvelle l’approche des musiques médiévales : l’Ensemble ApotropaïK. Aux sons des voix, flûte, harpe, vièle et luth, des partitions de Machaut ou Dufay, on évoque l’amour courtois ou le

Comment les (jeunes) femmes ont pris le pouvoir De présences symboliques à têtes d’affiche, leur statut franchit un nouveau pas au sein du festival marseillais

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ncore récemment, Avec Le Temps détenait le secret du cycle imperturbable : d’année en année Arthur H semblait succéder à Arthur H. Avec l’arrivée d’un nouveau producteur, la donne a changé vers plus d’inventivité et d’équilibre. Les artistes féminines occupent le premier plan et se sont internationalisées (comme Christine & the Queens), ainsi les éditions 2016 et 2017 mettaient en lumières Fishbach, artiste dé-genrée avec son univers 80 jouissivement trouble. « Ce phénomène nous tient à cœur mais c’est également le reflet de la scène musicale française et francophone en devenir » confirme Xavier Decleire, son programmateur. Et ces promesses se confirment à nouveau avec une édition qui débute sous le signe des concerts de Juliette Armanet qui sonne comme un retour du meilleur de Véronique Sanson, Clara Luciani et son rock rauque et animal, Maud Octallinn et son électro-pop joueuse, comme une soirée-kaléidoscope dédiée aux multiples visages de la chanson au présent. Élargissant les horizons, Avec Le Temps propose les meilleurs représentants d’un rap exigeant (Lorenzo, Vald, Lonepsi, Wilko & Ndy –voir Zib’ 111), d’une pop synthétique très contemporaine

(Vendredi Sur Mer, Octave Noire, Pépite, Bagarre, Chaton, et notre préféré Malik Djoudi) et même du théâtre (le dialogue entre deux France dans À Vif signée par le rappeur Kery James). Il faudra aussi tendre une oreille vers le slam-rock de Nevché qui, avec Décibel, livre un show annonçant son nouvel album (on y reviendra) ou la chanson spoken word mélodique, déjouant les clichés sur la virilité et la banlieue, d’Eddy de Pretto. Vous êtes d’une chanson française plus hardie/tradi ? Jehan & l’accordéoniste Lionel Suarez reprennent Allain Leprest et le label tête chercheuse La Souterraine présente C’est Extra, un programme de 13 reprises de Léo Ferré par la jeune scène française. Une édition 2018 dans laquelle on retrouvera quand même avec plaisir… Arthur H. Sans rancune ? H.L.

Avec le temps 15 au 25 mars Espace Julien, Dock des Suds, le Merlan, La Meson, Montévidéo, Cri du Port, Marseille festival-avecletemps.com


19 culte marial (Aÿamour), puis on improvise un Cabaret cinquecento à l’image d’un « bœuf » de jazz. L’ensemble Café Zimmermann présente des pièces de Telemann, des cantates de Johan Sebastian Bach et d’un de ses contemporains méconnus, pressenti pour devenir lui aussi Kantor à Leipzig : Christoph Grauper. Sous l’égide du pianiste Rémy Cardinale, c’est L’Armée des romantiques qu’on convoque pour conclure le festival avec des pièces de Liszt, Clara Schumann sur instruments d’époque (Girolamo Bottiglieri, violon), des Lieder et mélodies de Schubert, Mendelssohn, Schumann, Fauré interprétés par la soprano Magali Léger et la mezzo Lucie Roche. La Salle Musicatreize accueille des rencontres « intimes » avec des artistes du festival, animées par le journaliste Nicolas Lafitte. Les banquets festifs et thématiques sont à nouveau à l’honneur comme la projection de films (Les amours d’Astrée et Céladon de Rohmer)... Trois semaines de musiques à effeuiller sans modération ! JACQUES FRESCHEL

Festival Mars en Baroque 9 au 31 mars Divers lieux, Marseille marsenbaroque.com

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Nasser, entre rage et extase

Nasser © Thomas Bertini

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n ne sait pas vraiment comment Simon Henner, qui a ces derniers mois enchaîné les albums et tournées d’Husbands et French 79 (sans compter les enregistrements de Kid Francescoli, Isaya etc.) peut tenir le rythme : il faut croire que c’est l’énergie de Nasser, sa première formation, qui le galvanise. Succédant à un Live in Bogota sorti en octobre dernier, le nouvel album de la formation électro-rock The Outcome (soit Le Dénouement) annonce une nouvelle phase pour le groupe qui se présente aujourd’hui comme un duo. Certes le son de Nasser n’a pas énormément évolué depuis ses débuts, et la furie électro-rock de Come On qui a institué le groupe comme le plus « hot » de la nouvelle scène marseillaise et, grâce à sa puissance scénique, l’a propulsé sur les scènes des plus grands festivals. Les beats insistants, les guitares tranchantes, les arpeggio de synthés façon Giorgio Moroder (l’énorme Rupture, Can’t Get Out, Listeners) sont toujours là, et confortés par le succès d’un des groupes les plus influents de l’électro-rock international LCD Soundsystem. Mais, dans la lancée du précédent album, The Outcome est moins rentre dedans, avec un chant de Nicolas, le chanteur-batteur, encore plus nuancée (The Outcome, Love), lorgnant vers une élégance « Bowiesque » sur les productions de Simon (guitares, machines). Sur deux morceaux la voix (en V.O.) de Kaori Ito, danseuse et chorégraphe d’origine japonaise, vient ajouter du trouble. L’humeur générale de The Outcome reste contemporaine, alliant les émotions extrêmes, la rage et de l’extase. En bon cinéphiles (Nicolas assure parallèlement une carrière de vidéaste avec le duo Hawaii & Smith) Nasser aime à se faire peur, envisager la musique comme un survival de cinéma. Les quatre clips prévus (dont le premier, celui de Love, renvoie au cauchemar, métaphore malheureusement parfois bien réelle, d’une femme harcelée par des fantômes) résument leur vision artistique, à la fois oppressante et libératrice. Finalement une bonne méthode pour se sentir plus fortement en vie. H.L.

Nasser 8 mars L’Antirouille, Montpellier 04 67 06 51 68 montpellier.fr 9 mars Passagers du Zinc, Avignon 04 90 89 45 49 passagerduzinc.com 10 mars Portail Coucou, Salon-de-Provence 09 5296 32 09 portail-coucou.com


20 événements

L’énigme Marito

Crâne & défenses mastodonte sud-américain, « Marito », Notiomastodon platensis, Chili, reproduction 3D © M.C.

Marito, diminutif de Marito… Toute cette recherche va inspirer à la animaux à trompe. La préhistoire en compta 160 réalisatrice Isabelle Legendre Mastodonte, espèces dont il ne reste aujourd’hui que trois Mario, son « découvreur », l’énigme des titans de l’âge de glace, produit représentants, les deux éléphants d’Afrique France 5, et dont le narrateur sera Yves (savane, forêt) et l’éléphant d’Asie. On suit le dernier mastodonte du avec Coppens qui retrace l’histoire de ces géants l’extension géographique des mastodontes, Chili donne lieu à une voyageurs disparus. On peut voir l’intégralité apparus il y a quelques 50 millions d’années et qui ont essaimé depuis l’Afrique sur tous de ce film dans l’exposition. remarquable exposition les continents, excepté l’Australie. Plus de Une histoire de dents quinze moulages en 3D donnent à voir les conçue par PLUS* et Revenons sur les idées reçues, le poids n’est crânes, défenses, fémurs de ces animaux, et le Centre européen de pour rien dans l’identification d’un masto- permettent un début d’étude comparative. recherches préhistoriques donte ! D’ailleurs, le premier de la lignée, Certaines curiosités sont aussi mises en lumière, le phosphaterium (ainsi nommé car il fut de la naissance du mythe des cyclopes à l’oride Tautavel, de passage trouvé dans des gisements de phosphate au gine du terme mammouth, « taupe de terre »… en 1996) n’était pas plus grand qu’un au Musée de Préhistoire Maroc chien (environ 50 cm de haut !) et n’avait À la rescousse des éléphants ? pas de trompe… Ce sont ses dents qui le Si la fin de l’ère glaciaire marqua la disparition des Gorges du Verdon

L

ors d’un chantier d’une usine de traitement des eaux dans la banlieue de Santiago, en 2011, l’un des ouvriers heurte une masse osseuse, et comprend tout de suite qu’il y a quelque chose d’anormal. C’est un énorme crâne complet de mastodonte qui est voit le jour, une première au Chili ! Commence alors une véritable enquête, digne des meilleurs polars. Quelle est l’espèce de cet animal ? Comment est-il arrivé au Chili ? Quelles sont les causes de sa mort ? Et celles des mastodontes ? L’archéologue chilien, Rafael Labarca va faire appel aux meilleurs spécialistes internationaux : l’expert en mastodontes d’Auvergne, Frédéric Lacombat, qui réalisera un scanner en 3D afin de reconstituer le crâne, le Dr Daniel Fischer de l’Université du Michigan qui analysera le fragment d’ivoire extrait par le précédent, le Dr Leonardo Avilla à Rio de Janeiro, spécialiste de la mégafaune sud-américaine, pour identifier l’espèce à laquelle appartient

définissent, avec leurs formes de mamelles (Μαστὸς (mastos), mamelle, et ὀδοὺς, ὀδόντος (odous, odontos), dent), alors que celles des éléphants et des mammouths présente une série de lamelles serrées. C’est le grand anatomiste français Georges Cuvier qui lança le terme aux débuts du XIXe ! C’est grâce aux dents, particulièrement aux défenses, que l’on peut, en analysant des diverses strates qui les composent, déterminer l’âge, l’alimentation, la qualité de l’air, de l’eau, le climat, la santé, la reproduction, l’effet des changements saisonniers sur la nutrition… Les mécanismes de l’évolution des espèces, les raisons de leurs extinctions, leurs modes de vie, leurs milieux, tout cela est déduit grâce aux techniques de datation, de classification.

des grands animaux, le deuxième réchauffement climatique que nous vivons fait apparaître nombre de restes de mammouths et leurs défenses ! Cette manne d’ivoire préhistorique pourra-t-elle endiguer le braconnage des éléphants, et sauver leur espèce de l’extinction ? Le grand mammouth laineux, mascotte du musée, héros de l’âge de glace se voit investi d’une nouvelle mission !

Une grande famille de voyageurs

Mastodontes, une histoire de famille 1er février au 30 novembre Musée de Préhistoire des Gorges du Verdon, Quinson 04 92 74 09 59 museeprehistoire.com

Les mastodontes appartiennent au grand groupe des proboscidiens, c’est-à-dire des

MARYVONNE COLOMBANI

* Palais de l’Univers et des Sciences (communauté urbaine de Dunkerque)


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Montpellier accueille le Musée de l’Homme

A

lors qu’elle vient de s’achever au Musée de l’Homme à Paris, l’exposition Nous et les autres. Des préjugés au racisme s’apprête à migrer à Montpellier, au domaine départemental pierresvives. Le Muséum national d’Histoire naturelle de Paris et le Département de l’Hérault ont en effet engagé un partenariat inédit : jusqu’en 2020, trois expositions seront adaptées pour être accueillies dans le lieu montpelliérain, avant d’être déclinées dans un format réduit destiné à être présenté dans différents espaces du département. Très didactique, cette première exposition propose un éclairage scientifique et dépassionné sur des questions qui traversent autant notre histoire que notre quotidien. À travers les exemples de l’Allemagne nazie et du génocide des Tutsis au Rwanda, l’exposition décline les processus qui mènent du préjugé au racisme, de l’exclusion au drame humanitaire. Au croisement de l’anthropologie, de la biologie, de la sociologie et de l’histoire, l’exposition s’appuie sur des études menées par les chercheurs en sciences de l’Homme et de la société, qui s’attachent à décrypter

de « race » et illustre, à partir d’exemples historiques, la mise en œuvre de racismes institutionnalisés par des états. Un « État des lieux », dans un espace I Am A Man, Sanitation Workers Strike, Memphis, Tennessee., March 28, 1968. Auteur Withers, Ernest C. (1922évoquant un 2007) © Bridgeman Images laboratoire de génépourquoi et comment se mettent en place tique, démontre que la notion de « race » n’est de tels phénomènes dans des sociétés, à un pas scientifiquement valide. Points de vue certain moment de leur histoire. Pour aider de chercheurs, témoignages contemporains le visiteur à comprendre les mécanismes et historiques, présentation d’objets et de individuels et collectifs qui conduisent au photographies nourrissent l’expérience et le rejet des « autres », à prendre conscience des débat, abordés de manière vivante et riche. discriminations dans la société d’aujourd’hui, Une belle initiative citoyenne. ANNA ZISMAN la muséographie propose un environnement immersif. Trois thématiques jalonnent le parcours. « Moi et les autres », où l’on se trouve Nous et les autres. Des préjugés au racisme dans la salle d’embarquement de « l’aéroport jusqu’au 28 juillet des préjugés ». « Race et histoire » explore Domaine départemental pierresvives, Montpellier pierresvives.herault.fr la construction scientifique de la notion

© Antoine d’Agata-White Noise

Bruit blanc, images sombres

N

é à Marseille en 1961, Antoine D’Agata y a certainement puisé son goût pour une humanité perdue, aux frontières du sordide, entre errance et prostitution, qui nourrit son esthétique brute. Son éducation photographique au début des années 90 auprès des New-Yorkais Nan Goldin et Larry Clark aura confirmé ces inclinations. Depuis, ses images bougées, toujours très sombres, à la beauté paradoxale, sont généralement capturées, voire volées, dans une expérience-limite du corps, du sexe et des drogues. Le danger n’est jamais loin. « Le risque fait partie de ma pratique mais il est anodin comparé aux destins violents

et aux existences malmenées de ceux que je croise nous confiait-il alors qu’il préparait le projet Odyssée pour le Mucem en 2013. C’est à mon sens le prix à payer pour ne pas se retrouver en position de voyeur. Le risque est un antidote au cynisme, il me permet de remettre en question, en permanence, la réalité de mon engagement artistique. » Cambodge, Mexique ou Paris, quelles que soient les latitudes sous lesquelles croise l’auteur de Mala Noche qui a intégré l’agence Magnum en 2004, le sujet demeure le même dans l’œil de son Leica : extraire les forces vives des êtres rencontrés, parfois furtivement,

pour les projeter dans ses clichés. Et il en va de même pour ses films. Dans le cadre de La Nuit Éprouvée à la Friche, il présente White Noise, une installation à partir de son long-métrage (3h55) du même nom projeté sur 18 écrans, pour un événement exceptionnel se déroulant dans un lieu de nuit et sonorisé par Mic&Rob du collectif strasbourgeois La Bande Adhésive. Ce travail, qui a pour thème principal la prostitution, a été présentée sous ce format à Salò#1 à Paris il y a un plus d’un an, avec la même idée d’inclure le spectateur dans une œuvre totale qui se joue dans la temporalité et la réalité noctambule : « Je souhaite mélanger la vie à la vie, déclare l’artiste à ce propos, déranger le confort de la fête, contaminer les esprits quand les corps sont sujets à la transe, à l’excès, à l’intensité ». C’est interdit aux -18 ans, âmes sensibles s’abstenir. HERVÉ LUCIEN

17 février (23h à 5h) Cabaret Aléatoire, Marseille 04 95 04 95 09 cabaret-aleatoire.com


22 critiques

spectacles

Penser la nuit et la lutte La Nuit des idées a lancé l’alerte au Mucem, et pensé les festivals à Avignon. Deux beaux succès publics pour une manifestation nationale peu relayée dans la région

Pot de terre contre pot de vin

D

ès l’entrée du Forum des lanceurs d’alerte, organisé au Mucem à l’invitation du collectif citoyen Marseille en commun, on savait que ce serait un succès. Au niveau 0 du Musée, un bel Espace Agora permettait aux visiteurs de prendre contact avec diverses structures tenant De gauche à droite Hervé Kempf, Eric Alt, Martin Pigeon, Michèle Rivasi, Henri Thuillier, Fabrice Risoli, Françoise Nicolas et Edward Snowden par skype © Gaëlle Cloarec stand : Anticor, Transparency International France, la Fondation Sciences qu’ils encourent : Karim Ben Ali, harcelé par Citoyennes, ou encore nos confrères du ArcelorMittal pour avoir filmé les toxiques qu’on Ravi et de Marsactu. Le public, nombreux, lui demandait de déverser dans la nature, a s’est pressé aux tables rondes. On a beau- été hospitalisé pour dépression ; Françoise coup parlé de la nouvelle Loi dite Sapin II, Nicolas, fonctionnaire du ministère des Affaires trop timide avancée en faveur des lanceurs étrangères, a subi une tentative de meurtre d’alerte, ces citoyens qui osent prendre la pour avoir « simplement fait son travail », et parole, souvent avec le soutien d’associations dénoncé des malversations à sa hiérarchie, sans ou d’ONG, parfois avec l’aide de médias, savoir que s’y cachaient les responsables... pour dénoncer une menace sur la société. Thomas Dietrich (ex-secrétaire général de Les lanceurs d’alerte présents ont évoqué la Conférence Nationale de Santé) s’excusait leurs difficultés à se faire entendre, les risques presque d’avoir un honneur « à la Cyrano de

Bergerac ». Les scientifiques, comme Barbara Allen (Fos Epseal), sont convaincus que la recherche peut fournir aux citoyens ses outils, et « le mégaphone pour se faire entendre ». Pour Daniel Ibanez (fondateur du salon Les livres et l’Alerte), les articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen devraient être étudiés à l’école, afin que chacun ose demander des comptes sur les affaires publiques. Jean-Luc Touly (FRICC) insistait : « être lanceur d’alerte, c’est la lutte du pot de terre contre le pot de vin », avec en écho François Pécqueur : « notre silence augmente leurs risques ». Le moment le plus émouvant de la soirée, bien sûr, a été l’intervention d’Edward Snowden. Le wistleblower de la NSA, en liaison vidéo avec le Mucem, a déclaré qu’il serait très content de venir pour de vrai à Marseille. Il ne le peut pas, parce que la France ne lui a pas donné asile. GAËLLE CLOAREC

Retrouvez sur notre Webradio Zibeline l’interview de Michèle Rivasi, eurodéputée écologiste, présente lors du Forum

Les clefs du Festival

À

la Maison Jean Vilar d’Avignon, la nuit était confiée aux étudiants de diverses écoles et tous les espaces étaient bondés. Un public jeune, debout, venu assister aux performances et expositions des élèves du Conservatoire et de l’École Supérieure d’Art (très beau travail de Monsieur Nède sur les visages des spectateurs défilant à toute allure), aux projets de film d’animation en 3D (École des nouvelles images) et de thèses d’étudiants en master « Publics de la culture » à Avignon. Ils ont exposé, en particulier, un travail de recherche sur les Trans Musicales de Rennes qui interroge l’activité du spectateur, ses choix, son activité numérique, la transformation que l’expérience festivalière opère en lui. Et en 180 secondes, Lauriane Guillou a présenté un projet de thèse sur le public du Festival d’Avignon... Car, évidemment, dans cette Maison et dans cette ville « penser les festivals » doit à un moment s’écrire au singulier et avec un grand

© Maison Jean Vilar

F. D’autant que le directeur était là, pour une performance simple et lumineuse : il s’agissait de commenter les affiches du festival depuis 1947 ! Défilèrent une à une les belles, les ratées, les scandaleuses, les insignifiantes, les subtiles, commentées par un Olivier Py très complice dans le cadre intime, et bondé d’étudiants, de la Maison qui porte la mémoire de Jean Vilar. On comprit le sens du geste

national de décentralisation, l’importance des auteurs pour Vilar, l’évolution historique du festival, selon les différents directeurs et les changements esthétiques. La place du théâtre, de l’abstraction, de l’art, du graphisme de Jacno, puis des autres. On comprit surtout pourquoi Olivier Py n’a pas de problème avec l’héritage du fondateur, qu’il n’a plus à dépasser, mais à faire connaître. En reprenant les trois clefs, les couleurs, la simplicité référentielle. Une performance, souvent drôle, que l’on devrait revoir durant le Festival 2018... DO.M.

La 3e édition de La Nuit des idées s’est déroulée le 25 janvier


Redescendre sur Terre

LIEU D’ARTS CONTEMPORAINS I RÉSIDENCES D’ARTISTES I CENTRE D’ART AIX-EN-PROVENCE FÉVRIER À JUILLET 2018

© Tous Chercheurs 2018

L

es Controversations, ces débats sur des questions de société entre deux scientifiques aux points de vue « différents ou divergents », organisés par l’association Tous chercheurs, sont de retour en Paca. Elles conservent ce qui faisait le grand intérêt de leur formule initiée en 2017, une très large place laissée aux échanges avec le public. C’était le cas le 19 janvier, à la Bibliothèque de l’Alcazar (Marseille), autour du thème L’homme doit-il coloniser l’espace pour survivre ? Pour apporter des éléments de réflexion, Michel Marcellin, directeur de recherche en astrophysique (AMU/CNRS/IRD), et Arnaud Saint-Martin, sociologue (CNRS/EHESS/Université Paris I Panthéon Sorbonne). Le premier est convaincu que l’on ira séjourner sur Mars, d’ici 2030 ou 2050. Il évoque les changements de contexte politique depuis les débuts de la conquête spatiale, lorsque la guerre froide battait son plein, les visées de la Chine sur le cosmos, celles des acteurs privés (Jeff Bezos -Amazon- et Elon Musk -Tesla, PayPal- pour ne citer qu’eux). En somme, « il va falloir envisager d’aller vivre ailleurs quand la Terre va devenir invivable », mais les perspectives de tourisme stellaire sont prometteuses... Le sociologue spécialiste de la recherche spatiale qu’est Arnaud Saint-Martin, pour lui apporter contradiction, a commencé par préciser qu’il n’a pas l’habitude de fournir des thèses, mais plutôt de documenter des activités sociales. « Dire « oui, mais » va m’engager, notamment au niveau politique ». Il invite à redescendre un peu sur Terre, à faire évaluer le financement public des agences spatiales par les citoyens, à décoloniser l’imaginaire de l’espace, son esprit de conquête et de prédation. « On entend beaucoup dans le monde spatial que notre planète est perdue, irrémédiablement polluée. C’est assez mortifère de la laisser à son triste sort ! » Un point de vue repris vigoureusement par un membre du public : « Ce n’est pas la peine d’aller sur Mars si c’est pour faire la même chose qu’ici ». Et encore plus vigoureusement par un autre : « L’homme mérite-t-il de survivre ? » GAËLLE CLOAREC

ATTENTION FRAGILE | ROMAIN BERTET | DEMESTEN TITIP DÉTACHEMENT INTERNATIONAL DU MUERTO COCO | SARAH FORREST ICI MÊME [GRENOBLE] | MARTA IZQUIERDO MUÑOZ | AURÉLIEN LEMONNIER LES 3 POINTS DE SUSPENSION | LORETO MARTíNEZ TRONCOSO MATHILDE MONFREUX | ESTEFANíA PEÑAFIEL LOAIZA | LINDA SANCHEZ

RENDEZ-VOUS DE PRINTEMPS, PRÉSENTATION DES PROJETS DE RECHERCHE, DE CRÉATION ET D’ATELIERS AVEC ET PAR LES ARTISTES RESIDENTS.

MARDI 6 MARS À 13H30 Cette Controversation était animée par Marie-Ange Sanguy, rédactrice en chef du magazine Espace & Exploration

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24 critiques spectacles

Nos théâtres parallèles Le festival Parallèle Dans les trous de mémoire À la Joliette Sandra Iché instaure avec le cherche et trouve du public et sa partenaire de scène un jeu de comnouveau, rassemblant plicité et de faux-semblants à tiroir multiples. Entrant en rapport direct avec les spectateurs, pour la huitième année elle leur ment pourtant, jouant à la chercheuse, faisant endosser à sa comédienne le rôle de la un public nombreux

P

as question de ronronner, de retrouver, de s’endormir. Les formes présentées par Parallèle lors de son festival dépotent et décrassent du déjà vu, du convenu, du trop sage. On y découvre des propositions toujours singulières et souvent très abouties. Les créations contemporaines des jeunes artistes conviés se déclinent en propositions multiformes présentées dans de nombreux lieux culturels marseillais, et correspondant toujours à l’esprit du théâtre convié à les coproduire.

Tourner en rond À Montévidéo, le belge Louis Vanhaverbeke défie les lois de la circularité. C’est un cercle d’objets usuels et modifiés, serti d’une lumière d’aube, qui accueille les spectateurs. Le performeur déplace des livres, lance un tourne-disque et psalmodie des extraits d’œuvres cosmogoniques, qu’il feuillète dans un étonnement enfantin. Multiverse est une proposition scénique inventive et pointilleuse. En écho aux théories des univers multiples, on suit un personnage lunaire dans sa course en rond, dans ses manipulations d’objets circulaires. Et les mondes se déplient, et les chansons ouvrent des espaces de jeux, et les planètes dialoguent. Entre le DIY et le théâtre d’objets, le slam et le DJing, l’artiste manifeste la recherche de sa place dans le cosmos. Et de la nôtre, en miroir.

sociologue Melanie Klein inopinément absente, filmant les désarrois d’une comédienne qui se prend pour une historienne et subit les déboires vrais d’une bataille universitaire. La forme, qui navigue entre un jeu très posé, mais ironique, et un pseudo-théâtre documentaire, nous entraine pourtant dans les archives familiales véritables de ses aïeux cachés, juif algérien né français par le décret Crémieux et qui croira aux valeurs républicaines jusqu’après Vichy, ou bourgeois parisien qui inventa le PMU, et l’union improbable de leurs enfants dont les enfants lui ont donné naissance... Ça part délibérément dans tous les sens, fait une escale au cimetière juif d’Alger, dans un cours de kabyle et d’arabe algérien, pour parvenir à inverser les points de vue, à devenir celle qui se déplace, qui apprend, qui comble les trous de l’histoire en fouillant les archives et en s’inspirant de Benjamin Stora. Droitegauche ? Oui, au passage, aussi, on effleure une sociologie du déterminisme politique !

Servitude volontaire Au Merlan Mining Stories est nettement plus rigoureux, d’une radicalité formelle adaptée au propos. Si Silke Huysmans fait elle aussi face au public, elle ne dira pas un mot dans ce spectacle pourtant porteur de tant de mots, de tant de voix. Il est question de la catastrophe écologique et humaine du Minas Gerais, état minier du Brésil. La rupture d’un

Francesca Pennini © Claudia Pajewski

barrage gigantesque qui a anéanti des vies et des villages, et pollué irréparablement la terre et les fleuves. Pour en rendre compte Silke Huysmans déclenche en direct des voix de chercheurs, de témoins, de philosophes, d’écologues, d’habitants, américains, scandinaves, brésiliens, traduites sur des écrans qu’elle met littéralement en scène comme des personnages, dans un ballet assourdissant de mots projetés. Le constat écologique est terrifiant, et plus encore le processus qui amène les mineurs à manifester pour reprendre un travail qui leur a tant coûté. La nécessité d’une véritable révolte, générale, contre un capitalisme inhumain qui obère tout avenir écologique conclut un spectacle magistral, dénonçant une servitude volontaire contre laquelle la seule arme possible est la radicalité.

Gymnaste Francesca Pennini fait elle aussi face au public. Et exécute des danses absurdes, des Miniballets retrouvés sur ses carnets d’enfants. Son corps est sidérant, d’une souplesse de contorsionniste, et d’une force athlétique exceptionnelle. On ne sait trop ce qu’elle cherche et ce qu’elle montre en enchaînant ses grands écarts, ses ponts et ses pliés déconnectés d’un quelconque sens mais sa présence, magnétique, ironique, emmène le public avec elle dans ses rêveries incarnées, peuplées de délires enfantins de corps contraint, de figures et d’arias classiques, de drones et de plumes qui s’envolent... DELPHINE DIEU ET AGNÈS FRESCHEL

Parallèle, festival de la jeune création internationale s’est déroulé du 26 janvier au 3 février dans divers théâtres marseillais


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Désirer l’oubli

L

a littérature et le cinéma aiment à dénoncer les pentes dangereuses où s’aventure notre monde en projetant, dans un futur plus ou moins proche, l’aboutissement radical des choix d’aujourd’hui. De 1984 à Matrix, de Brazil au Meilleur des Mondes, les dystopies passionnent parce qu’elles osent le récit, les péripéties, les héros, les sentiments, tout en édifiant des systèmes politiques et philosophiques, dans la tradition de la littérature utopique. Mais au théâtre, qui a souvent renoncé aux histoires linéaires, la fiction d’anticipation reste rare. La première des qualités de France Fantôme est d’inventer une histoire et un monde : Tiphaine Raffier, jeune auteure et metteure en scène associée à la Criée, choisit qui plus est une protagoniste (fait rare dans les dystopies), ose le sentiment (elle pleure son amour perdu), la musique en direct, les accessoires délicieux et jamais futuristes, le verbe, abondant, le cri, le comique de caractère, l’émotion. Avec les défauts de ces qualités : on entend mal

un texte qui tourne parfois en rond, les passages criés à l’avant scène sur la musique se répètent, et Edith Mérieau, parfaite dans la douleur et le doute, a plus de mal avec l’hystérie. Mais la fable fonctionne, et questionne notre nature : sommesnous notre mémoire, notre image, notre © Simon Gosselin corps ? Si notre pensée nous constitue et peut, grâce au stockage des souvenirs, passer de corps en corps, qu’en est-il de notre être ? Si notre mémoire peut se greffer de corps en corps, serons-nous immortels ou fantomatiques, spectres sans consistance charnelle ? La marchandisation de nos mémoires, de nos données, l’explosion de nos relations

virtuelles, de nos avatars, de nos greffons, nous mènent-elle vers une société où le seul combat possible deviendra l’accès à la « mort totale », à l’oubli ? AGNÈS FRESCHEL

France Fantôme a été joué à La Criée, Théâtre National de Marseille, du 9 au 13 janvier

Effacements leur apparition, changent insensiblement les modes de vie, les mémoires… Ses carnets, doublés de ceux que le chef du village s’est mis à écrire en écho, deviennent les ultimes témoignages d’une époque qui se meurt. Sans doute la confrontation la plus forte est celle vécue auprès des Massaï. Le ton se fait plus incisif, rappelle les expropriations de la colonisation, la mauvaise foi des directives actuelles sur la gestion des territoires. Si le commentaire ethnographique est toujours proche des êtres, sans jugement, il souligne l’atroce exploitation touristique : hordes d’excursionnistes bien nourris qui photographient et filment les guerriers Massaï comme des animaux, trophées de vacances, alors que le problème de l’accès à l’eau et de la réduction des terres fertiles est en train de les chasser… Âmes combien offensées ! Massaï © Pascal Victor

«V

agabond sensible, curieux, exigeant », l’ethnologue Philippe Geslin prend le temps de vivre avec les êtres qu’il photographie et raconte, d’où une collecte d’une richesse documentaire et humaine d’une qualité rare. Trois lectures issues de ses carnets de terrain sont mises en espace avec la complicité de Macha Makeïeff, dans le cycle Les âmes offensées. Ainsi, le public du petit théâtre de la Criée s’est intéressé aux derniers chasseurs Inuits, aux Soussous de Guinée Conakry et aux guerriers Massaï. En route, d’abord, vers le Grand nord… Suspendue au-dessus de la scène, une imposante carotte de glace embuée. Avec la chaleur du théâtre, elle s’humecte et finit par couler, goutte à goutte, dans un baquet. Tout un symbole, dans sa simplicité : l’environnement polaire évolue inexorablement sous les effets du réchauffement climatique. Philippe Geslin relie le passé, les observations de ses illustres prédécesseurs (Knud Rasmussen, Claude Lévi-Strauss...), à ce qu’il a vu lui-même au Groenland, terre des derniers chasseurs Inuits.

Un récit traversé d’images vidéos, archives étonnantes pour le public de zones tempérées que nous sommes, et ponctué de contes traditionnels prononcés d’une voix suave par Macha Makeïeff, notamment une splendide parabole sur la mort, bénédiction invoquée par une femme très sage, au moment où les humains, en surpopulation, risquaient de faire basculer leur île... Suivant le même procédé, mêlant historique des peuples, mythes, traditions, l’ethnologue évoque les Soussous, leur vie liée à la mangrove, à la récolte du sel. Au fil des années, c’est un monde qui s’éteint, les objets de la consommation mondiale font

GAËLLE CLOAREC ET MARYVONNE COLOMBANI

Les âmes offensées, présenté du 25 janvier au 3 février, à La Criée, Marseille


26 critiques spectacles

Les mains sales

Q

u’elles sont belles, les marionnettes de Paulo Duarte ! Finement ciselées, expressives et dotées d’une présence magnétique, même lorsque les artistes qui les animent les laissent seules face au public et ne leur prêtent plus leurs gestes. C’est la première fois que Xavier Marchand recourt à des marionnettes, et il les a senti « bousculer sensiblement (s)es récurrences de mise en scène ». Ponce Pilate est l’adaptation d’un ouvrage de Roger Caillois, publié dans les années 1960 mais réédité depuis. Une uchronie, version alternative de l’histoire (procédé que nombre d’historiens actuels ne se refusent pas, pour ouvrir le champ des possibles en relativisant trajectoires humaines et choix de société). Basé sur le Nouveau Testament et les évangiles apocryphes, le texte retrace, le temps d’un jour et d’une nuit, les affres du doute traversées par le représentant de Rome en Judée. Doit-il céder au Grand conseil juif de Jérusalem, qui lui demande de condamner Jésus, autoproclamé Messie ? Lui-même, en bon adepte de la philosophie stoïcienne, ne voit dans le Galiléen qu’un illuminé inoffensif, mais peut-être vaut-il mieux une injustice qu’un désordre ? Pilate a un peu honte d’être

© Eric Reignier

le genre d’homme à qui l’on peut proposer un crime comme solution politique... Au final sa décision -prise après l’intervention de son épouse, bouleversée par la crucifixion d’un innocent, celle de Judas, qui veut faire de Jésus un martyr pour donner poids à son message, puis la consultation de Ménénius, patricien cynique, et Mardouk, théologien obèse, tenté par la perspective- n’est pas celle qu’ont retenue les Écritures. La face du monde en sera changée. Si l’histoire est fascinante, l’adaptation

gagnerait à élaguer le texte, très dense et parfois trop « lu » par les comédiens. L’interrogation centrale de la pièce, comment un homme tiraillé entre des impératifs contradictoires se recentre sur ses valeurs fondamentales pour effectuer son choix, n’en serait que mieux dégagée. GAËLLE CLOAREC

Ponce Pilate, l’histoire qui bifurque s’est joué du 26 au 28 janvier au Théâtre Joliette, Marseille

Emma Dante et la nudité du silence La femme de théâtre palermitaine, avec sa Cie Sud Costa Occidentale, présente un spectacle sur le dénuement, où le silence témoigne du malaise des arts face aux pouvoirs

L

e spectacle est déjà en cours lorsque le public s’installe. Les comédiens éveillent leur corps et progressivement martèlent le sol dans une belle rythmicité. Ce prologue n’est pas un échauffement. Sous les © Christophe Raynaud De Lage apparats du training aérobic éprouvant, salle permettre de lutter contre le venin de la Tarente, et plateau en pleine lumière, on assiste à la gecko à la morsure provoquant la folie. Quelle formation du chœur, de la communauté, dans attaque les comédiens cherchent-ils ici à ces gestes envoûtants de Tarentelle. Le folklore conjurer ? Les barbaries de notre monde ? se mêle à l’atmosphère frénétique d’un fitness Le dévoiement des artistes ? Le regard du club paroxystique. La danse traditionnelle public ? Celui de la metteuse en scène ? Le sicilienne, menée jusqu’à la transe, devait regard est bien l’enjeu essentiel de la pièce.

Les acteurs se dénudent un à un. Déposant sueur et oripeaux, ils s’exposent aux yeux des spectateurs dans la vacuité d’une scène et un déroutant face à face où se trament la honte et la perplexité. Les « bêtes de scènes » seront ainsi confrontées à des contraintes diverses, balancées des coulisses ou descendant des cintres. Objets multiples, pétards, ballons, balais, boîtes à musique, poupée, comme autant de perturbations et injonctions extérieures à laquelle l’animalité des danseurs répond. On voit à l’œuvre la pression du groupe sur l’individu, la fragile solidarité humaine. Le travail de l’ensemble est impressionnant. Le silence assourdissant, la nudité comme ultime rempart ou premier pas. On attend le prochain, avec le désir que la parole et la fable reviennent sur scène, renouvelées. DELPHINE DIEU

Bestie di scena était présenté les 18 et 19 janvier au Théâtre Joliette, Marseille


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Goodbye Joliette

N

oel Casale, auteur, comédien, et co-metteur en scène de cette pièce (avec Xavier Marchand) a travaillé près de 10 ans comme marin et docker sur le port de Marseille, entre la fin des années 70 et le milieu des années 80. Il est devenu comédien, puis a créé sa propre compagnie en 1995 (Théâtre du Commun), avant de retrouver Marseille et le quartier de la Joliette en 2010. C’est de l’évolution de ce quartier dont il est question dans Les derniers des mohicans ou Marseille l’hiver, où comment un quartier populaire, assez pauvre et à l’atmosphère interlope grouillant de vie et d’une population bigarrée, a subi une mutation radicale et s’est transformé en un quartier d’affaire. Si Casale porte un regard plutôt désabusé et nostalgique sur la disparition d’un monde et d’une époque, il ne cède pourtant pas au pessimisme et réussit un spectacle généreux et plein de panache, convoquant un imaginaire riche, nourri par cette vie antérieure de marin/ voyageur -des vidéos projetées prennent la forme d’un journal intime. À travers un point de départ astucieux (un homme -qu’il joueprétend qu’on lui a commandé une conférence dont il ignore le sujet et demande à 3 ami(e)s de l’aider à la préparer), les 4 protagonistes vont

© Eric Rondepierre

ainsi multiplier les récits et les témoignages : il sera question d’un personnage de truand belge assez truculent (Hubertus Biermann), d’une libraire/pharmacienne objet du désir (Anne Lezervant, également scénographe et costumière du spectacle) et d’une jeune femme ayant grandi à New York (la lumineuse Marie Levy). Si le quartier de la Joliette est le point de départ du spectacle, il s’en éloigne progressivement : vers l’âge d’or du grand banditisme marseillais, en rejouant de manière

jubilatoire la fin de French Connection 2, Rome avec Nanni Moretti, Tanger avec Paul Bowles ou le New York mythique des années 60-70 raconté par Patti Smith dans son merveilleux Just Kids. Les références cinématographiques ou littéraires abondent et nous parlent de manière intime. Loin de s’adresser uniquement aux marseillais ou à ceux qui ont vécu la transformation de la Joliette, le spectacle prend une dimension bien plus large et universelle, et se révèle être une belle invitation au(x) voyage(s). LAURENT SUAVET

Les derniers des mohicans ou Marseille l’hiver a été joué du 11 au 14 janvier au Théâtre Joliette, Marseille

Sangles et chaînes

L

e Théâtre Nono accueillait la première de création de Human, un solo du circassien Anthony Weiss. Malgré la pluie battante, et comme souvent depuis septembre, le vaste théâtre de bois des quartiers sud de Marseille était plein, d’un public que l’on côtoie peu ailleurs, familial, enthousiaste et d’âges très divers. Le jeune artiste, visiblement ému, proposait une démonstration virtuose à ses agrès de prédilection, des chaînes suspendues sur lesquelles il exécutait des acrobaties inventives et © Maurizio Pelizzone impressionnantes, tournoiements désarticulés, très tendue, puis apaisée. Un second numéro descentes virtuoses, figures rapides et amples aérien, plus souple, aux sangles, tout aussi successives, accompagnées par la voix et les épatant, succédait au premier, comme si un instruments percussifs de Josiane Froment équilibre intérieur avait été trouvé. Car Human qui installaient une musique mystico New Age dessinait une histoire, celle d’un homme nu,

aux allures christiques, projeté dans un monde hostile, enfermé par des lasers dans un espace carcéral dont il apprenait à s’affranchir. Les moments entre les numéros aériens étaient cependant moins convaincants, dansés avec trop de tension, et d’une théâtralité expressionniste qui gagnerait à s’épurer. Mais le jeune acrobate a du talent, des capacités physiques indéniables et un univers visuel regorgeant d’idées personnelles. À suivre ! AGNÈS FRESCHEL

Human a été créé le 26 janvier au Théâtre Nono, Marseille


28 critiques spectacles

L’amour sur un plateau

L

a nouvelle pièce de Nathalie Pernette, créée au Merlan, est un acte de foi dans les corps, le mouvement, le contact, le plaisir. Sous la peau met en danse deux hommes et une femme : Lucien Brabec, Vincent Simon et Aimée Lagrange, interprètes aux personnalités affirmées et à la technique impeccable, évoluent dans des espaces cadrés, comme si la lumière délimitait des aires de jeux et de rencontres amoureuses. Les corps se donnent, sensuels, à une exploration de l’autre, consentie la plupart du temps, forcée parfois, comme en écho à l’actualité qui nous interroge : à quel moment le contact avec un autre corps nous convient-il, nous surprend-il, nous violente-t-il ? La danse de séduction, de désir, affleure, les corps se touchent sur tous les modes, ludiques, caressants ou impétueux, mais la plupart du temps la sensualité semble émaner d’un plaisir à danser pour soi, en même temps que l’autre, et rarement en symbiose avec lui : le contact naît de l’étonnement. Et les mouvements amples, dynamiques, invoquent

le plaisir mais provoquent l’épuisement. L’apaisement ? La musique de Franck Gervais tisse des temps haletants, des parenthèses calmées, des superpositions, des silences que les souffles et les cris habitent. Entre les trios, duos, solos des trois corps, des saynètes plus théâtrales : un long déshabillage qui n’a rien d’un striptease, où les corps engoncés dans d’innombrables couches d’habits s’en défont comme autant de pelures d’oignons, pour parvenir à la chair ; un concert de bruit buccaux et corporels qui évoquent une relation sexuelle en coulisse, puis sont exécutés froidement (et ironiquement !) face au public comme des bruitages sans connotation. C’est drôle et, même si elle paraît un peu décalée, la scène concrétise une des questions qui traverse la pièce : que percevons-nous, spectateurs/ voyeurs, de la danse amoureuse ? © Michel Petit

AGNÈS FRESCHEL

Sous la peau a été créé au Théâtre du Merlan, Marseille, les 11 et 12 janvier

Sur les traces de Kylián stop searching), à la gestuelle aussi libre que peut l’être l’univers du chorégraphe associé au Nederlands Dans Theater qui échappe à toute classification. Mais ce foisonnement corporel nous perd un peu en route, malgré une structure géométrique très rigoureuse centrée sur la ligne : lignes transversales qui découpent le plateau entre cour et jardin, lignes diagonales qui recentrent le jeu, et lignes de © José Alfredo

L

e chorégraphe lisboète Paulo Ribeiro signe, pour la Cie nationale du Ballet du Portugal, un hommage à Jiri Kylián sous la forme d’une conversation dansée, le chorégraphe tchèque faisant partie des références majeures avec lequel il veut « communiquer, partager, [se] promener de façon intense ». Ainsi s’esquisse le quintet en forme de promenade, Walking with Kylian (never

démarcation. Le canevas musical, dense mais décousu, ajoute à la surabondance d’effets, de signes, de détails qui brouillent notre perception. Après une ouverture muette où la lenteur des mouvements réverbère le silence, où les pas mesurés et délicats annoncent l’harmonie dans un décor sobre découpé par la lumière, Walking with Kylian (never stop searching) s’engouffre dans une dramatisation musicale qui impacte les mouvements, devenus fébriles, noueux, comme empêchés parfois. Là plus que jamais on sent la présence de Jiri Kylián qui « développe avec une musicalité intense toutes les inflexions du corps humain ». Si la pièce décontenance par son manque de cohésion plastique, et l’impression que chacun joue sa partition en solo sans jamais trouver l’accord parfait, elle est ce que Paulo Ribeiro a souhaité : « une danse d’engagement libérateur ». Le parfait exemple est sans nul doute la phrase jouée sur un air de salsa quand les corps, sans entraves, s’abandonnent au plaisir, un franc sourire aux lèvres. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Walking with Kylian (never stop searching) a été donné le 2 février au Merlan scène nationale de Marseille


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Des raisons nocturnes

C

hristopher a 8 ans et déjà il se pose des questions de grand sage. Tel Tchouang Tseu qui se demande s’il n’est pas un papillon rêvant qu’il est Tchouang Tseu, plutôt que l’inverse, il s’interroge sur sa place dans l’univers : « peut-être que cela aussi, je le rêve ? ». Cela : sa chambre, lieu de toutes les rêveries existentielles, qui virent à l’insomnie. Pourtant il faut dormir à présent, l’école commence tôt demain... Mais cette histoire d’infini laisse perplexe ! Si l’univers a une fin, qu’est-ce qu’il y a après ? C’est © Ex Voto A la Lune quoi, « rien » ? Christopher fait la crêpe sur ne pouvons pas tout comprendre. Au début, son lit : une face, l’autre, pffft ! Il saute, se oui, cela fait peur de penser, mais plus tard, retourne, s’agite, s’inquiète, soupesant des quand on en a pris l’habitude, ça va mieux, scénarios impossibles, et finit par appeler et ça peut même être drôle ! son père à son chevet. Lequel tente, à sa Le court texte de Jon Fosse, à l’écriture manière d’adulte, de rassurer son rejeton : minimaliste et fantasque, joue de répétélui-même a lu Emmanuel Kant et a mieux tions à travers des dialogues très simples. compris pourquoi, simples humains, nous La Cie Ex voto à la lune met en scène

Kant en faisant preuve d’inventivité, notamment visuelle. Le personnage de Christopher, interprété par un adulte (Régis Royer), évolue dans un dispositif scénique calibré au millimètre, avec hologrammes et créations vidéo (signées Maxime Lethelier). Un livre jeté sur le sol crée des cercles concentriques sur le parquet, les plumes d’un édredon secoué deviennent une poussière d’étoile... Les représentations sont complétées de deux installations interactives : un parcours pédagogique entre de nombreux QR Codes, et un casque de réalité virtuelle provoquant l’impression de flotter dans une nébuleuse. Un procédé déroutant, qui vous donne certes l’envie d’appeler Kant à la rescousse ! GAËLLE CLOAREC

Kant s’est joué les 11 et 12 janvier au Théâtre Massalia, Marseille

Art en scène

Ê

tre un artiste maudit, quintessence de la réussite ! Dans son galetas digne de la Bohême, un personnage rêve, se voudrait artiste, créateur de génie, auteur, metteur en scène… Mais ses mots sont ceux des autres, des livres qui encombrent l’étroit espace sur lequel veille une photographie de Godard. S’enivrant de désespoir et de whisky bon marché, notre aspirant aux sphères éthérées de l’art, pardon de l’Art, s’endort… Une succession de tableaux caricature avec brio les diverses représentations de l’artiste, de l’œuvre, et de sa réception. La parodie est excellente : le critique (une pancarte en sautoir définit le rôle de chacun), affublé d’une coiffure-salade directement issue d’une BD de Bretécher, pontifie (n’est-il pas le spécialiste des légumes qu’il porte ici en guise de couvrechef ?), l’« artiste reconnu » traite tout ce qui pourrait le mettre en cause avec morgue et mordant (d’où une dentition accentuée !), le « génie incompris », au visage enduit de bleu (n’est-il pas autre !), se lance dans des imprécations à l’encontre du monde cruel qui le raille, mais ne fait que reprendre des fragments des Souffrances du jeune Werther de Goethe, dénoncé en cela par le « savoir », qui, avec condescendance, rend aux auteurs

Feu !, Les Estivants © JFM photographie

leur propriété littéraire, Genet, Camus, Fassbinder, Vaneigem… Le pastiche s’attarde sur le vaudeville, le cinéma, puis charge les mises en scène contemporaines, les diktats des modes d’expression, qui sont aussi des marques des pouvoirs dominants… Il faut alors lacérer les mots d’ordre pour retrouver la pureté d’un monde sans limites, bercé de l’ouverture de la Norma… dans une célébration de la vie, tout simplement. La jeune Cie Les Estivants proposait, en sortie de

résidence au 3bisf, une étape de travail de sa nouvelle création Feu !, dans la mise en scène de Johana Giacardi. Un petit bijou est en train de trouver ses marques, porté avec un indéniable talent par une troupe entièrement féminine (excepté la régie son). Bravo ! MARYVONNE COLOMBANI

La sortie de résidence de Feu ! a eu lieu le 1er février au 3bisf, Aix-en-Provence


30 critiques spectacles

Colonel astral

G

ustavo Giacosa complète son approche de l’œuvre de Fernando Oreste Nannetti, déjà abordée dans les expositions Nous, ceux de la parole toujours en marche, et Banditi dell’Arte, par le biais d’une mise en espace de ses textes, accompagnés par la musique originale du pianiste et compositeur de jazz Fausto Ferraiuolo. Étonnant représentant de l’Art Brut, Nannetti, « colonel astral », a gravé ses mots sur les 70 mètres de longueur des murs de la cour de l’hôpital psychiatrique de Volterra où il était interné, avec la pointe métallique de la boucle de son gilet. À l’instar du Louis Lambert de Balzac, il énonce des formules lapidaires, « même les animaux rêvent », se livre à de vertigineuses accumulations, restitue les révélations télépathiques que lui confie le monde interstellaire, s’emporte en calculs abscons, ou écrit à des correspondants imaginaires. Une cosmogonie se dessine, la

« clé minérale » ouvre les portes de l’« année géophysique ». On est parfois saisi par la préscience fulgurante de certaines formules : « avec des pilules et la télévision, vous voulez nous contrôler »… « Grand, brun, maigre, lèvres serrées, nez en ypsilon », Gustavo Giacosa interprète avec une bouleversante justesse les textes, les organise par thèmes, trouve leur articulation dans le rythme, dialogue avec la musique, © Fausto Ferraiuolo les silences, sculpte la lumière en même temps que les mots, tableau mouvant qui se joue du clair-obscur comme de l’éclairage le plus cru. Entre le comédien-danseur et le musicien se tissent des élans virtuoses, des variations subtiles, des ruptures, des tournoiements, qui laissent le spectateur en apesanteur. Passant du costume au port d’un simple slip trop grand et enfin d’une robe rouge (lorsque Fernando Nannetti devient Fernanda), Gustavo Giacosa nous fait percevoir l’impossible acceptation d’une réalité unique. Puis le personnage entre dans la vidéo des restes abandonnés de l’hôpital, évolue sous les grands arbres, fantôme du passé qui vient caresser les traces des mots gravés sur les murs… MARYVONNE COLOMBANI

Nannetolicus meccanicus saint a été donné le 18 janvier au Bois de l’Aune, à Aix-en-Provence, et le 26 janvier au Théâtre du Briançonnais

Cette obscure clarté qui vient du théâtre…

D

anielle Bré offre une adaptation lumineuse de la pièce de Tchekhov, Les trois sœurs, avec sa compagnie In pulverem reverteris. Se refusant à présenter une énième interprétation de l’œuvre, elle plonge acteurs et spectateurs dans une vertigineuse mise en abîme qui interroge par ses échos le doute permanent de la justesse de mots, les glissements qui s’effectuent avec une fluide aisance entre les rôles qu’endossent les comédiens (chacun correspondant à une école de théâtre), dont leur propre identité… Mais est-on jamais sûrs ? « Il neige, où est le sens ? ». La distanciation devient ici le lieu même où se développe la signification de l’existence. « Là, je vais dire mon texte »… Fusion subtile entre l’art et la vie, abolition des frontières, jusque dans la quête sans doute vaine de la lucidité… Entre la morosité du XIXe en Russie, et les débuts de notre XXIe se tissent d’étonnants échos. Les déguisements, le leurre des apparences, brouillent les pistes… Une vraie leçon de théâtre, magistralement interprétée. M.C.

Les trois sœurs a été créé les 1er et 2 février au Bois de l’Aune, à Aix-en-Provence

Avec des si…

U

n membre du Programme des Nations Unies affirmait : « l’Afrique n’atteindra pas l’objectif de réduction de moitié de la pauvreté avant 2147. » Y répliquait 2147, l’Afrique, du metteur en scène Moïse Touré en 2007. Dix ans plus tard, 2147, Et si l’Afrique disparaissait se coule dans les pas de Jean-Claude Gallotta, les musiques de Djénaba, Fusco et Rokia Traoré, les mots de huit auteurs (d’Hubert Colas à Alain Béhar, Dieudonné Naingouna…) sollicités pour ce spectacle, les échos d’Aimé Césaire, de Ben Okri… Le spectacle offre un long poème qui conjugue avec brio danse (vivacité des ensembles, pas de deux virtuoses), paroles qui arpentent fantasmes, analyses, rêves, anecdotes bouleversantes d’acuité et chants superbement interprétés. Les 9 danseurs, comédiens, musiciens, déclinent les multiples facettes d’une culture riche, complexe, inventive, qui s’interroge sur elle-même et nous interpelle. Avec « l’imagination en guise de mémoire », Moïse Touré, dans cette œuvre puissante, tente de définir l’Afrique… « J’habite un vouloir obscur ». Et si « demain est dans aujourd’hui », les dates aberrantes devraient revoir leurs chronologies, et penser l’humanité tout simplement. M.C.

© Guy Delahaye

2147, Et si l’Afrique disparaissait donné les 25 et 26 janvier au Bois de l’Aune, à Aix-en-Provence


Du sort des légendes

© Marjory Levy

E

xercice difficile que de rendre proches les légendes antiques ! Avec humour, la Cie Le Scrupule du Gravier s’empare de l’un des textes littéraires les plus anciens de l’humanité, l’épopée de Gilgamesh. Sans doute l’âge minimum pour assister au spectacle doit être révisé, 15 ans plutôt que 10 serait plus approprié, même si tout est mis en œuvre pour rendre accessible le propos : les comédiens n’hésitent pas à surjouer certains passages, à avoir recours à un vocabulaire simple, voire familier, à mêler au récit pantomime, musique électro, textes slamés, beat box… Une belle complicité s’instaure d’emblée avec le public au sein duquel les trois comédiens-auteurs, Forbon N’Zakimuena (aussi à la création musicale), Julien Tanner et Maxime Touron, « découvrent » des habitants de la ville d’Uruk, dans laquelle l’histoire commence. Sur le plateau nu trônent une console de son et deux micros, qui invitent au concert. Comme pour libérer l’imaginaire, les rôles circulent entre les acteurs qui sont tour à tour Gilgamesh, Enkidu, les dieux de l’ancienne Mésopotamie (l’Irak actuel), les parents du héros… mais aussi, leur propre personnage. Parfois la narration s’interrompt, la tablette d’argile est brisée : l’histoire est liée à son support, que le temps ou les guerres actuelles fragilisent… L’essentiel réside dans cette difficile transmission et dans la confrontation du mythe à nos représentations : quelque fois, le jeu s’arrête pour laisser la place à de vives discussions, qui contestent, évoquent la réalité, dénigrent ou raillent les protagonistes… S’effectue ainsi une double distanciation entre le récit antique et l’effet de réel qui apporte une touche espiègle aux tribulations de Gilgamesh, aveuglé par sa puissance, son sentiment d’être invincible qui le mettait au-dessus des lois… Son amitié, sa peur de la mort, sa quête d’immortalité, son acceptation enfin de sa condition humaine, renvoient à des sujets intemporels… Le spectacle en est à ses débuts, souffre encore de longueurs, d’essoufflements, mais est riche de promesses. MARYVONNE COLOMBANI

Gilgaclash s’est joué le 1er février au Théâtre de Fontblanche, à Vitrolles

Le festivaL de cuLture chorégraphique Du 17 mars au 19 avril 2018


32 critiques spectacles

Les pointes, c’est pas le pied !

L

e jeune et enthousiaste Ballet de Lorraine offrait au théâtre des Salins un aperçu de l’histoire de la danse contemporaine du XXe siècle, par le biais d’une belle remontée dans le temps. Le spectacle s’ouvre sur Devoted (créé en 2015 pour 9 danseuses) de Cecilia Bengolea et François Chaignaud. La douleur des pointes portée en œuvre d’art lors de la très longue séquence du quatuor, où seule une danseuse évolue en larges cercles à reculons tandis que les trois autres restent figées -ou Devoted © Arno Paul presque- sur pointes, la souffrance gratuite, symbole d’un genre révolu ? Pour- même si le dernier grand tableau présente tant le reste de la chorégraphie joue entre des accélérations, des figures acrobatiques, la grammaire classique et le contemporain réceptions en grand écart, exercices au sol en tableaux à géométrie variable, écho d’un virtuoses, chaloupés expressifs, qui évoquent formalisme abstrait soutenu par la pièce de davantage la GRS que la danse. Sans doute Philip Glass, Another look at Harmony le temps a manqué pour que les interprètes part IV. Mais on ne voit pas bien ce que s’approprient vraiment cette danse, assimilent les déconstructions (désormais classiques suffisamment les gestes pour s’en libérer. du contemporain) cherchent à montrer, Heureusement, le pas de deux du Duo de

Forsythe (Pauline Colemard et Alexis Bourbeau) glissait son écriture contrapuntique dont le mécanisme parfaitement en place était porté par le piano de Gleb Machylev et la musique de Thom Willems. Les deux danseurs sculptent l’espace, arrêts, équilibres, envols, harmonieuse fragilité… Enfin, dans l’or du décor, explosent la vivacité et les élans de Sounddance de Merce Cunningham. Le rythme des danseurs, leur fraîcheur, apportent leur énergie à cette pièce portée par la musique de David Tudor. Fluidité des portés, sureté des pas, architectures mouvantes sans cesse en reconstruction, aisance, corps qui jubilent… condamnent sans appel les pointes initiales. MARYVONNE COLOMBANI

Le Ballet de Lorraine s’est produit les 19 et 20 janvier au Théâtre des Salins, Martigues

À plus, Gus ! qui irriguent ses spectacles depuis celui du bonimenteur marin breton Ronan Tablantec jusqu’au savoureux Savoir enfin qui nous buvons, et le plus récent Chunky Charcoal. Il retrouve d’ailleurs ses comparses le musicien Nicolas Lafourest, qui accompagne Gus à chaque étape de son épopée, et le dessinateur Benoît Bonnemaison-Fitte, illustrateur fin de quelques moments de vie du félin. À la batterie, Sébastien Barrier rythme le récit, chante,

s’échappe dans de longs poèmes lyriques. Comme toujours chez lui les histoires s’entendent à plusieurs niveaux, le récit n’étant qu’un prétexte pour dire sa vision mélancolique du monde, en dire plus qu’il n’y paraît, subtilement. DOMINIQUE MARÇON

Gus a été joué le 23 janvier au Théâtre d’Arles

© Caroline Ablain

M

al né, dernier de la portée, bigleux, noir (« c’est toujours la même histoire… »), Gus a été recueilli dans une poubelle et offert par son compagnon à une femme qui aurait préféré avoir un enfant. Il n’est pas gâté ce chat, et le sait. Alors il ne fait rien comme il faut, ou plutôt ne fait rien de ce qu’on attend d’un chat, devient un tyran malheureux qui perd ses dents et mange ses poils, « fait pleurer une petite fille rien qu’en la regardant dans les yeux », fait la sourde oreille aux câlins… Sombre héros que ce Gus-là, ou encore Gare à l’Usage Simplifié, Griffes Ultra Saillantes, Gueule Usée Splendide, entre autres ! L’asocial partira donc faire un stage au cours duquel il s’apercevra que d’autres ont autant, voire plus, de problèmes que lui –une girafe naine, un hippopotame anorexique, un poney raciste, un poisson chat obèse… Pas vraiment de quoi le remettre sur pattes tout ça ! Et puis un jour, rencontre lumineuse avec un congénère qui le regardera normalement, et avec qui il pourra parler librement, s’épancher, et qui le secouera. Faut bouger Gus, réagir ! Dans son premier spectacle écrit pour le jeune public, Sébastien Barrier ne perd rien de sa verve, de ces mots débités à la mitraillette


Regarder la réalité en face DU 13 AU 16 FÉVRIER 2018

THÉÂTRE

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C y r i l Te s t e

/ Collectif MxM sur un texte de Pauline Peyrade

© François Langlais

MAR. 13 > 20H30 M E R . 14 > 19H

D

urant près de deux ans, la comédienne Emmanuelle Hiron a filmé la vie dans un Ehpad, celle des résidents et des soignants, celui où travaille une de ses amies d’enfance, la gériatre Laure Jouatel. Une passionnée qui « défend la vie là où l’on penserait qu’il n’y a que la mort ». Du documentaire au théâtre le pas fut fait, tant il paraissait important à Emmanuelle Hiron d’aborder sur scène la question de la vieillesse, de la dépendance, de la déchéance, de la fin de vie en institution. Son monologue, qui retranscrit ses nombreuses discussions avec son amie, n’est ni une conférence, ni un état des lieux. C’est la vision éclairée d’une femme médecin, qui devient personnage de théâtre par la grâce du jeu de la comédienne. Derrière elle, sur un écran, les Résidents, ces femmes (plus nombreuses) et hommes filmés sans commentaires, délicatement révélés par des images respectueuses qui disent leur quotidien. Entre les projections le texte, direct, cru, infiniment humain, se pose ailleurs, ne commente pas mais nous percute pour révéler des questionnements auxquels notre société –basée sur le culte de la jeunesse et de la performance- ne nous prépare pas, nous confronte à nos peurs, notre gêne, notre rapport à la mort, et donc à la vie. À la qualité de vie plus précisément. Comment la prendre en compte quand elle devient synonyme de privations de liberté, de mouvements, de mémoire ? Comment l’améliorer quand il n’y a pas ou peu de souffrances physiques ou morales, mais la vie qui s’éteint doucement ? Appréhender la mort sans en faire « un problème médical » mais en respectant la vie, faire en sorte que la dignité soit préservée, considérer la vie comme un droit, jusqu’à la fin… et le dire sans pathos, sans exagération, sans théâtralisation. Impossible de ne pas se projeter, ne pas retrouver dans ces visages, ces pas lents et mesurés, ces paroles décousues, des émotions intimement vécues. Impossible de ne pas se sentir concerné.

THÉÂTRE JEUNE PUBLIC

MER. 14 > 15H

EXPO / VERNISSAGE

VEN. 16 > 19H entrée libre

WA X

Renaud Herbin TJP - CDN d’Alsace Strasbourg

GYPTIS & PROTIS

DES HISTOIRES D’AMOUR À MARSEILLE

Yo h a n n e L a m o u l è r e

DOMINIQUE MARÇON

Les Résidents a été donné le 20 janvier au Théâtre de l’Olivier, à Istres, dans le cadre d’un focus théâtre documentaire

infos & réservations > avenue Raimu, Marseille 14e > 0 4 9 1 1 1 1 9 2 0 / w w w. m e r l a n . o r g


34 critiques spectacles

Retour au pays natal

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renant le contre-pied de toutes les utopies véhiculées par les mirages de l’Occident, Going Home, écrit et mis en scène par Vincent Hennebicq pour le Théâtre National Wallonie-Bruxelles, revient sur les stéréotypes et les bouscule avec sensibilité. L’histoire du café s’énonce dans l’obscurité, celle où naissent les légendes… auxquelles « il ne faut pas croire ». Et pourtant, cet homme debout qui apparaît dans le clair-obscur, partagé entre l’ombre et la lumière, va nous entraî- © Emilie Jonet ner dans un véritable conte moderne : arrêté, pour récidive de braquage de banque avec un pistolet en plastique. Il subit les horions des policiers, replié sur son silence. C’est à nous qu’il raconte son histoire, depuis son adoption, lui, orphelin d’Éthiopie, par un couple de Salzbourg. Il sera Michalak, « pour faire plus autrichien ». Mauvaises rencontres, aspirations déçues, autres villes, alcool… ses créanciers le poussent à braquer une banque à Hambourg. Et c’est la fuite, salvatrice celle-là, vers Addis-Abeba, la découverte de ses racines,

de la culture du café… Un contrôle policier le renvoie en Allemagne, la prison l’attend, cinq ans… On vous laisse découvrir la fin, le miracle, humain, qui renoue avec les plus belles légendes. Les vraies. En exil dans le pays d’adoption qu’il ne peut jamais considérer comme sien (comment vivre avec son double ?), Michalak trouve le bonheur dans une Éthiopie dont les vues, d’ocre et de joie, défilent grâce aux vidéos d’Olivier Boonjing. Un rideau de longs fils ourle de ses transparences les images, leur accordant une portée

onirique empreinte de lyrisme. Dorcy Rugamba campe un personnage traversé par les évènements, qui garde malgré tout sa capacité de rêve. Aux mots qui s’emballent, s’assagissent, se grisent de vitesse ou se parent de silences, se mêlent les musiques originales jouées sur scènes de Vincent Cahay (piano, batterie) et François Sauveur (violon, guitare), en une écriture qui tient du poème musical, du singspiel, plongée dans les lumières subtiles de Fabrice Murgia et Giacinto Caponio qui font de chaque scène un tableau. Un spectacle initiatique d’une bouleversante intensité dramatique ! MARYVONNE COLOMBANI

Going Home a été joué les 16 et 17 janvier au Merlan, à Marseille, le 20 janvier à La Colonne, à Miramas, les 23 et 24 janvier au Pôle culturel Chabran, à Draguignan, le 26 janvier à l’ECSVS de La Roquette-sur-Siagne, et le 30 janvier au Théâtre Durance, à Château-Arnoux/Saint-Auban

© Milan Szypura

Résister aux éléments

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’est un drôle de numéro que proposent les 5 acrobates du Galaktik Ensemble dans Optraken. Mathieu Bleton, Mosi Espinoza, Jonas Julliand, Karim Messaoudi et Cyril Pernot affrontent un décor qui ne cesse de les agresser, de les dissimuler, de leur envoyer des balles de tennis, des plaques de placo suspendues dans les cintres et qui, littéralement, leur tombent sur la tête. Des pots de fleurs, aussi, de lourds sacs en rafales. Et quand rien ne tombe quelque crochet vient les soulever et les envoyer en l’air... Burlesque, construite en crescendo comme un film de Buster Keaton, la pièce installe pourtant une inquiétude grandissante : à côté des rires et de l’admiration pour quelques très beaux -et trop peu nombreux- instants de virtuosité, l’impassibilité des comédiens danseurs, leur mutisme commun, leur solidarité aussi qui les amène, toujours, à protéger l’autre de l’obstacle -quitte à en être eux-mêmes les victimes à leur tour- installe un malaise. Comme si cet univers qui se délite, ce monde qui tombe en morceaux, qui impose un ordre invivable fait d’inattendus hostiles, parlait de l’état social actuel. De tout ce qui nous arrive chaque jour, nous obligeant à affronter d’inimaginables obstacles qu’un démiurge malveillant aurait posé là pour nous détruire, comme autant de pièges pervers. Car le terme « optraken » désigne le mouvement d’amortissement qu’il faut opérer en ski alpin avant

de franchir un obstacle : cette acrobatie situationniste, mine de rien et sans numéro épatant, est une forme de résistance. Au spectacle, à un milieu hostile, au rire qui naît de la chute, à la fragilité de la chair. AGNÈS FRESCHEL

Optraken a été joué les 16 et 17 janvier à La Passerelle, Gap, et du 25 au 27 janvier à Châteauvallon - Scène nationale, Ollioules


L’enfer à vif

© Jean-Michel Blasco

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éjà dans Mexican Corner, en 2013, Frank Micheletti nous plongeait dans l’enfer de la zone tampon entre le Mexique et les États-Unis. Avec L’Empire, il poursuit son investigation des dérives économiques infligées par le système libéral mondialisé sur la population mexicaine. Et son corollaire : l’immigration, la corruption, la disparition de masse et autres exactions… Notamment dans les maquiladoras, ces lieux de production mexicains tenus par des compagnies américaines, aux conditions de travail déplorables. Là où il créait un duo masculin sous tension, il sculpte dans le corps de la danseuse d’origine mexicaine Gabriela Ceceña un solo sur mesure, matrice de son écriture chorégraphique. Sur une musique techno aux basses profondes, aux notes acides et au rythme hypnotique jouée au plateau, la scénographie évolue, parfois figurative, parfois abstraite, sanglante et sobre. Le live painting réalisé à la palette graphique par Hildegarde Laszak circonscrit un espace géographique (des paysages) et culturel (des silhouettes) et donne des repères. Il accompagne la chorégraphie sans toutefois s’imposer : un jeu de frontière s’installe entre le mur et le corps qui se superpose ou vient en creux. Très resserré dans son propos comme dans sa forme, L’Empire est un voyage musical et chromatique habité par un corps en souffrance, qui se tord, rampe, se recroqueville, s’écartèle. Qui exprime la violence dans l’élan ou le vacillement, expurgeant sa brutalité ou l’intériorisant dans une gestuelle humaine ou mécanique. Reste un corps brisé, un outil de production, qui va jusqu’à s’emballer sur un tempo accéléré. Par-delà la profusion de signes, de détails, d’images, de variations musicales et corporelles, Gabriela Ceceña fait entendre « You have to » et « No Mas ! Corruption » comme des cris de douleurs à propager. MARIE GODFRIN ET JULES GUIDICELLI

L’Empire a été créé le 16 janvier au théâtre Liberté, scène nationale de Toulon

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36 critiques spectacles

Tous merveilleusement en vie

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ors de son précédent passage sur le grand plateau du théâtre Liberté, Abou Lagraa s’était distingué par une chorégraphie inspirée du poème biblique Le Cantique des cantiques adapté à la scène par Mickaël Serre. Trois ans plus tard il revient à la source avec Wonderful One, délaissant toute narration -même poétique- pour se focaliser sur l’intensité du mouvement élégant et fluide, précieux et délié, qui lui permet de toucher à « l’être merveilleux ». Une pièce © Jeanne Garraud double qui associe un duo masculin suivi par le duo qui tangue, ivre de sentiments d’un trio féminin habités par de superbes contradictoires, se déchaîne, s’unit et se désuinterprètes : Ludovic Collura et Pascal nit, se réconforte entre rires et pleurs. Une force Beugré-Tellier brûlants d’intensité, Nawal interne faisant vriller leur corps. Échappés Lagraa, Sandra Savin et Antonia Vitti ensemble d’une « grotte » immaculée, mère envoûtées par leur désir « d’être merveilleu- protectrice, les danseurs s’y retrouveront à sement en vie ». Le combat de Tancrède et nouveau enlacés, apaisés, après avoir mené un Clorinde de Monteverdi lui offrent l’occasion long combat. De la danse au sol à l’élévation, de déployer une grammaire riche d’écritures la composition est une métaphore éclairée contemporaine, classique et baroque entremê- de l’ascension salvatrice de l’homme qui lées. Successions d’étincelles virtuoses offertes « garde la foi et l’espoir dans la sève vitale que

chaque être humain possède ». Trois claustras blancs délimitent l’espace de vie du trio féminin : espace d’enfermement ? De jeu ? De transgression ? Avec une savante maîtrise de l’évitement et de l’affrontement, Abou Lagraa propulse ses trois danseuses dans un canevas d’émotions et de sensations jusqu’à entrer en transe sur la musique soufie des Percussions de Fez, comme dans une spirale infernale. Leurs tensions intérieures se libèrent, la volupté les gagne, les corps s’abandonnent avec frénésie, les mouvements déhanchés et déséquilibrés se déchainent. Duo et trio, masculin et féminin… Abou Lagraa magnifie l’être humain en dansant son unicité. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Wonderful One a été donné le 3 février au théâtre Liberté scène nationale de Toulon et du 6 au 10 février aux Bernardines à Marseille

I

l y a toujours cette petite crainte sourde, avant d’aller voir un spectacle de cirque dit « contemporain », d’être floué de numéros, d’adrénaline. Au prix du sens, des sentiments, les canons circassiens sont en effet parfois sacrifiés. La Cie canadienne Les 7 doigts a au contraire depuis longtemps prouvé que mise en scène théâtrale/chorégraphique magnifie, en les réinventant, les classiques acrobaties, clowneries, jongleries, contorsions. Réversible, mis en scène par l’un des sept doigts Gypsy Snider, puise plus loin encore : le spectacle raconte quelque chose que les 8 artistes présents sur le plateau sont chacun allé découvrir dans leur arbre généalogique. Dans une harmonie bouleversante, ce sont les grands-mères, les grands-pères, les souvenirs, les époques qui jonglent et dansent ensemble. Ils sont tous jeunes et beaux, ils se rencontrent, se brouillent, font l’amour (très délicat duo qui s’envoie littéralement en l’air, c’est coquin et surprenant), se trompent, changent de vie, les portes claquent, les corps plient et traversent les années aussi bien que les cloisons. Sans grands discours, les vies se

mettent à exister : elles filent à toute vitesse, mais ce n’est pas une fuite : c’est un tourbillon. Mouvements d’ensembles réglés au millimètre et solos habitent un espace sans cesse mouvant (scénographie Ana Cappelluto). Trois pans de murs tournent et virent, poussés par les artistes, dévoilant toujours des morceaux de salons différents, des chambres à coucher, des accessoires qui soudain sont embringués pour un numéro de jonglerie, ou un merveilleux moment de poésie avec quatre cerceaux prélevés sur le cadre d’un miroir doré. Tout tourne, le temps, les corps, les souvenirs : les murs se muent en porte tambour, les aïeux rajeunissent, les artistes remontent les années. Un numéro de bascule, d’une maitrise à couper le souffle, brouille tous les repères. Le haut et le bas,

© Alexandre Galliez

Les 7 numéros capitaux

l’apesanteur, le risque, rien ne ressemble à rien, et pourtant l’émotion enfle, tant cela répond à nos vies intérieures. Jusqu’au final, où l’espace domestique a disparu, où tous se retrouvent là-haut, dans les nuages, tellement vivants qu’on a presque hâte de les y rejoindre. ANNA ZISMAN

Réversible a été joué le 3 février au Domaine d’O, à Montpellier, et du 6 au 9 février au Théâtre Bernadette Lafont à Nîmes


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Capdevielle pousse au Crime

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ar où commencer ? Par ce petit pincement caractéristique, qui mêle excitation et appréhension avant le nouveau spectacle d’un artiste qu’on a adoré lors de son précédent ? Par la multitude des personnages, joués par cinq interprètes qui © Pierre Grobois jonglent avec les corps et les voix, les postures, les registres, les mots, comme si tout était brûlant ? Ou alors par le texte justement, adapté du roman policier Un crime de Georges Bernanos, si dense, si surprenant dans les directions qu’il nous invite à suivre qu’on se laisse peu à peu emporter par les sensations, et tant pis pour le sens de l’enquête policière ? Autant commencer par le début. Dans un noir quasi complet, Bernanos s’adresse à nous. Il se présente, c’est un auteur qui redoute la page blanche, qui écrit dans les cafés sans

consommer d’alcool, il a des problèmes d’argent. L’auteur reviendra régulièrement dans (sur) son texte. Il émergera parfois d’un de ses personnages : le premier cadavre, le juge d’instruction, l’inspecteur. Les mots sont extraits de la correspondance de l’écrivain, plein de doutes, d’une autodérision qu’on n’aurait pas soupçonné chez l’auteur de Sous le soleil de Satan. Dédoublement de personnalité, rêves qui s’imposent à la réalité, époques qui se bousculent, langue ciselée, registre comique style haute couture, catholicisme

inquiet et troublant, travestissement des destins autant que des genres : un voyage de trois heures au pays du spectacle vivant. Quel plaisir d’abandonner le fil d’une enquête poussive pour plonger dans une mise en scène qui nous offre quelque chose de l’intimité de la création littéraire, dans le chaos du réel. Un Cluedo poétique : le curé est une femme (Clémentine Baert), la bonne du curé devient sorcière, urgentiste ou osthéo (époustouflante Michèle Gurtner), Jonathan Drillet navigue entre les rôles, vent debout et cap vers l’excellence, l’enfant de chœur est un scout tragique (étonnant Dimitri Doré). Le paysage sonore réalisé en direct (Jennifer Hutt) est une pièce maitresse de la partie, avec le décor (Nadia Lauro), tout en relief et souche d’arbre géante. Et l’auteur du Crime est… Jonathan Capdevielle. À la fin, c’est le spectateur qui gagne. ANNA ZISMAN

À nous deux maintenant a été joué les 23 et 24 janvier au Théâtre de la Vignette, Montpellier

L’Oubli, parfois c’est trop simple

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es grands-parents de Julie Benegmos, qui joue et met en scène l’Oubli, étaient ce qu’elle appelle des « stars de la Shoah ». Grands témoins d’Auschwitz, ils ont inlassablement raconté l’expérience de la déportation. Dans les lycées, les collèges, dans le film Les survivants de Patrick Rotman, au mémorial de la Shoah… Que faire de cet héritage en 2018 ? L’Oubli, premier roman de Frederika Amalia Finkelstein (2014) raconte comment Alma se bat avec ces mêmes souvenirs imposés à la troisième génération. Elle se noie dans les sons de Daft Punk, les bulles de Coca et les écrans de jeux vidéo, elle fait son miel d’une rencontre fortuite avec la petite-fille d’Eichmann, elle supplie qu’on la laisse tranquille avec le passé, elle revient toujours à reformer des images de corps gazés au moment de s’endormir. Pour sa première mise en scène, Julie Benegmos s’est saisie de ce texte, adapté en un long monologue au style provocateur. Lorsqu’on lui demande, avec un ton de celui qui connaît déjà la réponse, si son grand-père est mort à Auschwitz, Alma met un temps à répondre, elle

© Julie Benegmos

a « détesté la question », puis : « Non. Pause.. À Buchenwald ! ». La petite voix enfantine de la comédienne a du mal avec ce genre de réplique costaude/caustique, qui paraît trop énorme pour sortir de sa gorge avec la force qu’elle exige. L’odeur des corps calcinés ressemble-t-elle à celle dégagée par ses semelles de chaussures ? Même impression de décalage, envie de l’entendre dire autrement, besoin de voir bouger l’interprète avec plus de conviction, frustration de sentir un sujet qui échappe à l’ambition de la metteuse en scène. Quelques vidéos YouTube (des jeunes femmes

qui racontent leur expérience « forte en émotions » de visite à Auschwitz, des jeunes habitants voisins du camp qui tentent d’expliquer face à des questions orientées que oui, ils arrivent à vivre là) émaillent le récit de réalités qui semblent piochées au hasard, juste là pour asséner que rien n’est simple avec la Shoah… Une parodie de jeu vidéo, créée pour le spectacle, nous entraine sur les pas de l’avatar d’Alma dans les différents niveaux de difficulté de Lost in Auschwitz, que l’héroïne franchit toujours avec succès, jusqu’au stade de la « Libération ». Tout est bien qui finit bien ? Mais au fait, de quoi parle ce spectacle ? Ah, on a oublié. A.Z.

L’Oubli a été créé au Théâtre Jean Vilar de Montpellier, les 10 et 11 janvier.


38 critiques spectacles

Parade et partage

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es directeurs et chorégraphes Emio Greco et Pieter C. Sholten du BNM (Ballet National de Marseille) ont repris le thème du film culte de Visconti, Rocco et ses frères, dans une version féminine bienvenue, Rocca, qui succède à la version masculine de 2016 (voir Zib’ 95). Performance impressionnante de quatre jeunes danseuses pêchues sur un ring encerclé par les spectateurs. La pièce se déroule en deux moments principaux qui correspondent chacun à un duo différent. Le premier présente les boxeuses (Maria Ribas et Beatrice Cardone) en short réglementaire, souvent face à face, s’affrontant par le regard, parfois côte à côte, tout en tension. Elles bougent dans un mince faisceau lumineux qui tombe du plafond et s’élargira peu à peu. Le deuxième est consacré au duo en tenue entièrement noire avec un masque de souris genre Minnie, avec l’éblouissante Florine Pegat Toquet et Aya Sato. Au fur et à mesure de la chorégraphie le masque, puis les vêtements tombent. Dans une intense confrontation, les deux femmes se mesurent, se provoquent avec des tremblements des jambes, des torses tendus, bras en arrière comme des ailes palpitantes, des balancements sur les hanches. Un gong suraigu et dérangeant résonne régulièrement, marquant

© JC Verchère

le début ou la fin de l’affrontement. La bande son de Peter C. Scholten propose musique électronique, chanson d’enfant ou musique baroque selon les moments, ménage une pause comique avec la chanson en play-back de Dalida Parole, parole, et le lancement de bonbons aux spectateurs -ce qui n’est pas notre passage préféré. Très vite on replonge dans le combat qui se transforme par moments en scènes de séduction au charme sensuel,

malgré les gants de boxe noirs. De la bouche même d’Emio Greco, ce Rocco féminin floute les frontières entre masculin et féminin pour mettre en lumière les énergies vitales et l’accord entre l’esprit et le corps. CHRIS BOURGUE

Rocca s’est donné du 25 au 27 janvier au BNM, Marseille

Trio gagnant !

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ruit de la collaboration qu’entretient le Théâtre National de la Criée avec l’association Marseille-Concerts, le récital qui associait, le 15 janvier, trois jeunes et brillants musiciens, parmi les meilleurs de leur génération, restera dans les mémoires du public venu remplir la grande salle qui jouxte le Quai de Rive-Neuve. Au piano, Adam Laloum affiche une présence fascinante, tisse des sonorités qui ravissent. Formidable chambriste, il moule son clavier Adam Laloum © Carole Bellaiche dans le chant noble et profond du violoncelliste Victor Julien-Laferrière bien pensé, on file d’un classique trio du jeune (tout récent lauréat du prestigieux Concours Beethoven, vers un opus harmoniquement Reine-Élisabeth), fonde aussi une alchimie plus tortueux de Zemlinsky, conçu pour le avec les résonances boisées et chaleureuses même effectif à la fin du XIXe siècle. Lorsqu’au du clarinettiste Raphaël Sévère qui complète rappel les musiciens reprennent un bout un trio d’artistes surdoués. Au programme, du premier, on entend combien tout était

déjà présent chez Beethoven, au fil d’un discours coulant de source, mais aussi quel chemin il restait à accomplir pour faire fructifier sa langue. Entre eux, deux duos postérieurs : la puissante Sonate pour violoncelle et piano de Chostakovitch, mais livrée dans une interprétation sachant manier l’élégance, éviter la rudesse, ainsi que la Rhapsodie pour clarinette et piano de Debussy, jouée aux frontières de la clarté et de la brume, de l’ombre ou de l’aurore... JACQUES FRESCHEL

Concert donné le 15 janvier à La Criée, Théâtre National de Marseille, en association avec Marseille-Concerts


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40 critiques musiques

Le prince du clavecin

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voquer la vie d’un personnage célèbre relève toujours de la gageure, piège de la tentation de l’exhaustivité, du rappel monocorde et fastidieux de faits, de dates, bref, l’exercice est souvent garant d’ennui et de décrochements mandibulaires. Le spectacle Aimez-vous Scarlatti, proposé par l’ensemble Concerto Soave, évite toutes les chausse-trappes avec une fine élégance. Dispositif simple, un clavecin à queue, quelques tapis au sol, lumière de Jean-Marc Aymes © Eric Bourillon bougies tremblotantes dans leurs lanternes, tableaux de Canaletto, Guardi, Goya à 20 ans, en route pour Venise, voyage que projetés en illustration des lieux parcourus… reprend une sonate enjouée, alerte, où se la magie opère, nourrie de quelques quatorze dessinent les paysages traversés… À Venise sonates de Domenico Scarlatti, interprétées sort le Bucentaure de l’Ascension (Canaletto), par Jean-Marc Aymes, et de textes choisis raconté avec espièglerie par Casanova qui avec pertinence et dits par Nicolas Lafitte. narre ses entreprises amoureuses, que de Voici la Naples de l’enfance de Domenico, ses masques charmants ! Le clavecin se joue couleurs, ses bruits, ses odeurs, un portrait de l’aventure, mutin, développe surprises délicieux du jeune homme brossé par son père et malices. On l’imagine ce jeune homme qui, dans une lettre adressée à Ferdinand de vêtu de noir coiffé d’une perruque blanche Médicis, le présente comme « un aigle auquel poudrée sous la plume de Charles Burney, les ailes ont poussé ». On suit le jeune prodige virtuose « comme si mille démons s’étaient mis

à jouer »… montées chromatiques époustouflantes, sauts d’octave, inversion des mains… l’instrument aux cordes pincées résonne, vibre, prend des ampleurs inattendues. On le suit à Lisbonne, aux côtés de son élève royale Maria Barbara de Bragance, ensuite à la cour d’Espagne où le clavecin prend des accents anachroniques de piano, intègre les rythmes flamenco, puis, au soleil couchant de Platero y io, glisse des harmonies lumineuses. Le jeu brillant s’emporte en élans romantiques exacerbés, lutte de virtuosité avec le grand Farinelli. Puis le génie grossit, au point de ne plus pouvoir croiser les mains sur les claviers, la lenteur s’installe, atteint une spiritualité émouvante… Instants suspendus entre la virtuosité sensible de l’interprète et la voix expressive du récitant. Une pépite ! MARYVONNE COLOMBANI

Aimez-vous Scarlatti a été donné le 12 janvier salle Musicatreize à Marseille

Sublime Mozart !

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n joue à guichet fermé le 27 janvier au Grand Foyer de l’Opéra de Marseille. La longue salle richement ornée du premier étage qui surplombe la place Reyer s’est remplie tôt. Rapidement, on n’y a pu pénétrer qu’avec un billet en poche : les habitués savent qu’il vaut mieux réserver pour ces concerts de l’après-midi (vendus à un prix très modéré) d’autant qu’en l’occurrence, ce jour-là, c’était le must de la phalange municipale qu’on attendait. Trois d’entre eux jouent régulièrement ensemble en formation de musique de chambre, figures de proue des pupitres de cordes de l’Orchestre Philharmonique de Marseille : Da-Min Kim (violon « super-soliste »), Magali Demesse (alto solo) et Xavier Chatillon (violoncelle solo). On les a entendus, fin novembre, dans le Quatuor « Le jeune fille et la mort » de Schubert (avec le violoniste Alexandre Amedro) lors de la présentation du ballet éponyme chorégraphié par Julien Lestel (voir Zib’ 113 et journalzibeline.fr).

© Jacques Freschel

Le trio d’acolytes se joint à Virgile Aragau (flûte solo de l’Orchestre Philharmonique de Marseille) pour un programme tout de grâce et d’élégance classiques : l’intégrale des Quatuors avec flûte de Mozart. On en dénombre quatre, dont celui en sol qui ne comporte que deux mouvements et débute le récital. Les musiciens déroulent ensuite un cercle

de tonalités autour de la sonorité cristalline et sereine de la flûte qui tient la « prima parte ». Do majeur puis la majeur s’emboîtent avec clarté, virtuosité, talent, goût du jeu, complicité... L’attention va crescendo jusqu’au sublime Adagio du Quatuor en ré majeur et une mélodie dont Mozart avait le secret, enchanteresse, ponctuée de pizzicati... Elle se stabilise brièvement au point de bascule, suspendue... avant la plongée dans le rondeau final, brillant et enflammé ! JACQUES FRESCHEL

Le concert a été donné le 27 janvier à l’Opéra de Marseille


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C’est Byzance !

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u Petit Palais à Paris est exposée une icône, un chef-d’œuvre peu connu de l’art byzantin signé Franghias Kavertsas (Crétois du XVIIe siècle), qui est une interprétation picturale d’une hymne écrite par l’un des derniers pères de l’église, opposé aux iconoclastes de son temps : Jean de Damas (VIIIe siècle). Son titre : En toi se réjouit toute la création. La © Samuel Bester conservatrice du fond byzantin Raphaëlle Ziadé a eu l’idée de demander au compositeur Michel Petrossian (aussi un érudit des civilisations et langues anciennes) d’effectuer un geste créateur inverse : imaginer une œuvre musicale moderne qui s’inspirerait de cette icône. Elle a été présentée Salle Musicatreize, où on a entendu Chanter l’icône. Raphaëlle Ziadé anime la conférence : d’une voix posée elle dévoile les secrets du tableau qu’on découvre, petit à petit, par fragments, sur

un écran en fond de plateau (Samuel Bester, vidéo). Selon le même principe, on entend, rythmant son discours, les séquences musicales qui constituent, par bribes, la création de Michel Petrossian. Ces partitions à valeur universelle, en cinq langues (hymnes, sonnet, poèmes d’époques diverses), constituent une relecture de l’icône qui comprend, dans un format modeste (58 x 55 cm), une multitude de figures, allégories, détails, portraits, paysages... Les chanteurs de Musicatreize (mise en espace

Toni Casalonga) tissent une polyphonie complexe, aux contours modernes, mais dont les dissonances semblent se fondre dans un langage ancien, modal, voire d’essence populaire... Au final, lorsque l’icône est révélée dans sa totalité, c’est toute la partition qu’on reprend, intégralement, avec en majesté, telle la Vierge à l’enfant qui constitue le sujet central de l’œuvre, l’Hymne de Jean de Damas interprétée dans sa version musicale la plus ancienne conservé à ce jour, datant du XIVe siècle, signée du Byzantin Xénos Koronis. La forme de cette création séduit : elle rend accessible un tableau méconnu (qu’on a hâte de découvrir in situ) et accessible aussi une musique (souvent réputée « difficile ») dont les clefs sont offertes via l’image. Gagnant-gagnant ! JACQUES FRESCHEL

Chanter l’icône a été donné Salle Musicatreize, Marseille le 2 février. Une coproduction du Musée du Petit Palais et du CNCM Voce à Pigna en Corse

PANORAMA Les Cinémas

D’AFRIQUE 24 mars au 1er avril 2018 du

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42 critiques musiques

Allégorie de la peur

«O

© Cédric Delestrade - ACM-Studio

n ne meurt pas seul ; on meurt pour les autres, et même à la place des autres ». La mort, le sacrifice, la peur... autant de sujets propres à la condition humaine émergent de cette phrase de Francis Poulenc et seront au cœur de son opéra, Dialogues des carmélites. Blanche de la Force a peur d’une ombre, a peur du monde qui l’entoure et se réfugie au carmel ; la prieure au terme de sa vie a

peur de la mort ; Blanche a peur de mourir en martyr... La peur est partout, sourde, tapie dans le moindre recoin de l’âme humaine, elle irrigue la pièce, pruine les mélodies tantôt monochromes, froides, tantôt volubiles, écartelées dans de violents sauts d’intervalles. L’orchestration somptueuse oscille entre sonneries de cuivres flavescentes, accords lumineux, et moments livides, froids, où la peur se fige dans d’archaïsantes mélodies marmoréennes. Le temps est suspendu, ralenti, jusqu’à l’agonie de la scène finale qui voit les sœurs mourir exécutées, les unes après les autres. Alain Timár, dans une mise en scène dépouillée, austère, des images vidéo brumeuses tapissant les parois blanches, sonde ce mystère de la foi. Est-ce un rêve,

est-ce la réalité, est-ce une expérience mystique ? Le trouble est saisissant. Dans ce décor d’ombre et de lumière déambulent les chanteurs, habités, mystifiés. Marie Ange Todorovitch rend l’appel de la mort palpable dans une interprétation pétrie d’angoisse et de douleur; Ludivine Gombert, âme errante, endosse à merveille le rôle de Blanche de la Force, pétrissant dans le creux de sa bouche les mots du texte, enveloppant de sa douceur les mélodies d’un Poulenc soucieux de faire chanter la langue française. Impossible de citer toute la distribution ici importante, mais obligé de mettre l’accent sur la qualité et l’homogénéité de l’ensemble à l’unisson dans le chœur final tant vocalement qu’émotionnellement. L’orchestre Régional Avignon-Provence, dirigé d’une main de maître par Samuel Jean, participa amplement à la réussite de cet opéra d’une beauté pétrifiante. CHRISTOPHE FLOQUET

Dialogues des carmélites a été créé les 28 et 30 janvier à l’Opéra Confluence, Avignon

Pas un héros, pas un opéra

L

a musique de Peer Gynt est présente à toutes les oreilles, mais la genèse des deux Suites d’Edvard Grieg est pourtant méconnue. Romantiques mais grotesques, narratives mais symbolistes, on ne sait trop ce que leurs tableaux illustrent : la Norvège, la simplicité, les Nixes et les Trolls ? Conçue portant à l’origine comme une musique de scène, ses mouvements sont intimement liés au drame poétique d’Ibsen, et suivent l’itinéraire initiatique d’un personnage qui traverse le monde mû par un désir nietzschéen mais une volonté faiblarde, aimant les femmes mais saccageant tout, de son village nordique jusqu’au désert africain. C’est à partir de cette musique de scène écrite en 1876 avant les Suites (1888 et 1891) que la production de l’Opéra National de Montpellier (et de l’Opéra de Limoges) retrouve l’intention originelle. Et parvient, grâce à l’adaptation mi-dramatique mi-narrative d’Alain Perroux et à la mise en scène de Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil, à en sublimer l’esprit. Car ce n’est pas un opéra, mais un « objet musical créatif ». L’orchestre est sur la scène,

© Luc Jennepin

intégré à la scénographie, portant le drapeau norvégien comme un emblème, dirigé avec une grande sensibilité par Michael Schønwandt : tempo échevelé mais sans excès dans L’Antre du géant de la montagne, magnifiques couleurs dans Au Matin, et des solos parfaits par les musiciens d’un orchestre grandiose. La musique, sublime, subtile, forcenée, éclate, s’apaise, danse avec Anitra, accompagne, prend le champ. Chanteurs, acteurs et chœurs évoluent sur des passerelles, manipulent des

petits objets projetés sur un écran en forme de maison, ce foyer que Peer Gynt ne sait pas construire. Car le personnage détruit les équilibres, cherche la gloire et l’aventure, fuit, abandonne. La mort de la mère, emmenée sur un carrosse imaginaire, la tempête où la musique devient le décor du fracas, La Chanson de Solveig, berceuse magnifiquement interprétée par Norma Nahoun, sont des moments inoubliables. Et ce Peer Gynt réconcilie le texte et le chant, le théâtre et l’opéra, la musique et le récit initiatique. Intergenre ? AGNÈS FRESCHEL

Peer Gynt a été donné au Corum, Montpellier, par l’Orchestre et le Chœur Nationaux, les 12 et 13 janvier


Noir ____________

14 & 17 FÉVRIER / JOURNÉES DE LANCEMENT

AMOUR

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44 critiques musiques

New York, New York !

C

omme le titre à raison Olivier Bénézech, metteur en scène du premier spectacle de l’année à l’Opéra de Toulon dans sa note d’intention, Wonderful Town, comédie musicale américaine injustement méconnue de ce côté de l’Atlantique, et pourtant due au fameux Léonard Bernstein, a résonné comme un hymne à la Grosse Pomme. Cette © Frédéric Stéphan ville de tous les possibles est donc conçue comme le théâtre des aventures de ses deux héroïnes « provinciales », venues de l’Ohio en quête d’une vie meilleure. Ce spectacle, donné en création française, était d’une énergie explosive et visiblement très inspiré par les « Big Apple contests », tradition chorégraphique typique de la ville. La partition instrumentale, au son plus proche du big band de jazz que d’un orchestre symphonique

classique, était admirablement interprétée par les instrumentistes de la maison dirigés pour l’occasion par le pétillant spécialiste de ce type de répertoire Larry Blank. L’histoire était aussi subtilement mise en scène dans une version contemporaine. Un anachronisme bien vu et parfaitement secondé par une scénographie cohérente de Luc Londiveau, où les décors bien pensés étaient rehaussés

par des lumières très typiques du music hall et du mapping vidéo ad hoc, livrant çà et là quelques saillies humoristiques de circonstance -clin d’œil sans doute aux panneaux souvent utilisés dans les mises en scène des œuvres de Kurt Weill et Bertolt Brecht. Le plateau n’était pas en reste : peuplé d’artistes aux costumes bigarrés, chanteurs mais aussi excellents danseurs et bons acteurs au plaisir de jouer communicatif, il réservait une place de choix aux principaux protagonistes soutenus par des chœurs en grande forme. Les deux héroïnes formaient un duo idéal où la gouaille féline de Jasmine Roy (Ruth Sherwood) répondait à la naïveté juvénile de Rafaëlle Cohen (sa sœur Eileen), perturbé par l’amant timide campé avec une exquise maladresse par Maxime de Toledo (Robert Baker). Un parfait remède à la morosité. ÉMILIEN MOREAU

Wonderful Town a été donné les 26, 28 et 30 janvier à l’Opéra de Toulon

Karpiénia, persistant De nouveau entendu lors de deux soirées à La Meson, le retour à la guitare électrique de l’ancien Forabandit annonce un nouveau cycle, plus rock

L

a musique de Sam Karpiénia n’aura jamais rien eu de « traditionnel ». Après tout, l’aventure Gacha Empega est déjà lointaine. Le chant en provençal ? Pourquoi limiter l’emploi d’une langue à un usage « traditionnel » ? Dans ce verbe aujourd’hui presque enfoui, Karpiénia a trouvé sa vérité et cela n’indique rien sinon que sa musique, marquée régionalement (et encore…) ne s’inscrit dans aucune « tendance » contemporaine. C’est une grande richesse. Mais depuis les premiers concerts à LAM il y a un mois (lire Zib’ 113), son usage de la guitare électrique, qui a remplacé la mandole, vient apporter une nouveauté assez considérable. Jouée en arpège, l’instrument déploie une distorsion « naturelle » remarquable, atteignant une

© Sarah Lepetre

tension palpable sur quelques mesures. Rejoint par son invitée du soir, Pauline Willerval et sa gadulka (un petit instrument bulgare à cordes frottées, qui se joue comme un violon, avec un archet), le trio Karpiénia/Emmanuel Reymond (contrebasse)/Thomas Lippens (et son jeu de batterie atypique, proche de la percussion) évoque d’emblée la dimension répétitive, tendue, du Venus in Furs du Velvet Underground. Entre transe orientale et minimalisme post-rock, le vertige est permanent. On le connaît mais on s’en émeut toujours : de la prosodie flamenco de Karpienia, qui s’élève comme un vortex, émerge à la fois

un cri, une plainte, un appel à tout ce qu’il y a d’humain en nous, à rester debout, persistant. Dans ce miracle de petite salle vivante qu’est La Mesón, dont le public est à hauteur d’artistes, c’est un grand banquet de tensions qui est servi. Parfois malaisé, parfois rassasiant. Qui confirme que l’insaisissable Sam Karpiénia est une des plus puissantes exceptions culturelles qui nous soit donné d’écouter sur la scène musicale locale. Ce soir-là imposait un drôle de raffut, comme une promesse d’une deuxième soirée (à laquelle nous n’avons pas assisté) haute en décibels, avec en invité Nicolas Dick, pionnier du rock noisy. HERVÉ LUCIEN

Sam Karpiénia e Cants de la Crau s’est produit le 19 janvier à La Mesón, Marseille


45

Cuivres des hauteurs

I

ssus du Paris Brass Band, solistes dans des formations de haut vol, depuis 2013, ils se sont lancés dans l’aventure du quatuor, avec le Prestige Brass Quartet, ensemble peu commun en France (ils Prestige Brass Quartet, à Aspremont © Maryvonne Colombani sont les seuls). Seul au cornet, Alexis Demailly entre, pureté du écho habité des premières. Bouleversantes, thème de Abide with me composé par William car peuplées de toutes les émotions qui ont Henry Monk. Un à un, les autres musiciens le parcouru le concert. Nombre de compositions rejoignent, Bastien Baumet à l’euphonium, ont été écrites pour ce groupe atypique : Cédric Rossero, saxhorn alto, aux sonorités Capriccio imagé de Roger Payne, Time voisines du cor d’harmonie, Jean-Philippe Piece de Peter Graham, fluide, aux accents Benesse au cornet. À la toute fin, au troisième cinématographiques, White Rose Elegy de bis, le concert se repliera comme un poème Caleb Hudson (arr. C. Rossero), empreint symphonique sur cet hymne familier des de douceur, Allegro de Gordon Kitto, aux supporters de rugby et des JO d’été de 2012. éblouissantes variations… Dénichée dans Un à un les instruments s’éclipsent, tandis les archives de l’Armée du Salut, la partique retentissent les dernières notes, pures, tion délicate d’Éric Ball, Jewels, prépare à

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l’étonnement du Final du quatuor à cordes Opus 18 n°2 de Beethoven (arr. John D. Corley) : le morceau, tout en conservant sa poésie, s’illumine de la brillance des cuivres. Espièglerie de mise dans le « pot-pourri » de Carmen Fantaisy (arr. A. Demailly), nostalgie de l’air populaire Londonderry Air… Quelle que soit la pièce interprétée, sa vitesse, sa puissance, chaque son est posé, précis, plein. Les jeux entre les musiciens, leurs commentaires, tissent une complicité malicieuse avec le public qui, aux rappels, aura droit à un « quatuor anglais célèbre » (Yesterday des Beatles), à un Ragtime de la meilleure facture et à une note finale en tutti, venue rejoindre des coulisses le soliste resté sur scène. MARYVONNE COLOMBANI

Le Prestige Brass Quartet s’est produit du 25 au 28 janvier à Chaillol, Chorges, Gap et Aspremont dans le cadre des Week-ends musicaux de l’Espace Culturel de Chaillol


46 critiques musiques

Guitar Eros

Rodolphe Berger © Jérôme Sevrette

O

n a un longtemps perdu de vue Rodolphe Burger après avoir vénéré son groupe Kat Onoma, car on estimait, à tort ou à raison, que l’homme avait fait le tour de son vocabulaire musical. Séance de rattrapage à Aubagne à l’occasion de la sortie de Good, dernier album d’une discographie consistante pour le musicien de 60 ans aux airs de Sterling Hayden. Ça tombe bien, c’est une revue (à trois -fortiche !-, avec les basses de l’épatante Sarah Murcia et les rythmes acoustiques/ électroniques de Christophe Calpini) de tout ce qui fait de Burger, collaborateur de Bashung ou d’Higelin, un artiste remarquable. Avec Good, titre qui ouvre le disque et le concert, on retrouve d’abord toute la noirceur sensuelle de son univers, basé sur un texte, répétitif, de Samuel Beckett. C’est avant tout cette dimension Lou Reedienne, cérébrale qui nous attire chez lui. Un rock référencé et pénétrant de guitar hero discret, avec parler-chanté pénétrant, notes félines tenues (à bloc de reverb) et explosions contenues. Mais depuis de nombreuses années, l’association avec l’auteur Olivier Cadiot a apporté à son répertoire une appréciable ouverture vers

d’autres couleurs textuelles, d’humour et de non-sens qui sied aux scènes de théâtre. Burger « emprunte » aux poètes E. E. Cummings, T. S. Eliot, Goethe, Büchner, Michel Deguy et interprète les inévitables Pierre Alféri et Olivier Cadiot (il dédie d’ailleurs le concert à Paul Otchakovsky-Laurens, fondateur de la maison d’éditions P.O.L. récemment disparu). Hétérogène, le mélange possède un charme anachronique (le refrain en onomatopées de Wasteland avant un blues antédiluvien de Skip James). À défaut des six-coups évoqués dans la chanson de Rio Bravo (My Rifle, My Pony & Me) citée en intro d’Happy Hour, ses six-cordes rugissent à travers ampli et sono, instituant un dialogue haché mais intense. Devant le raffut de ces orages d’électricité, le public au début sagement assis, n’a d’autre choix que de se lever sur le rock irrésistible de FX of Love et l’entêtante électro d’Eisbaer, reprise de Grauzone, le premier groupe de Stephan Eicher, son « cousin » rhénan. HERVÉ LUCIEN

Rodolphe Burger s’est produit au Théâtre Comœdia d’Aubagne le 26 janvier

Lee Fields, au Panthéon de la soul

L

ee Fields, vétéran de la soul music, accompagné du groupe The Expressions, a dynamité la scène istréenne de l’Usine. Une expérience époustouflante, anthologique. Question soul, Lee Fields est ce que l’on peut appeler un vieux de la vieille. Né en 1951 en Caroline du Nord, celui qui a commencé sa carrière en tant que sosie de James Brown ne s’est que tardivement extrait du second plan auquel le condamnait ce prestigieux voisinage. C’est au milieu des années 2000 que s’opère le tournant vers la reconnaissance, à la faveur d’une collaboration avec le DJ français Martin Solveig, puis de l’enregistrement de cinq albums aux côtés de la formation The Expressions, dont le très salué My World. Mais comme tous les grands interprètes, c’est à l’épreuve de la scène que Lee Fields révèle en plénitude tous les aspects de son talent. Ferme et ramassé, le chanteur arpente les planches de la scène comme un boxeur la surface du ring, poussé par une brûlure viscérale où il puise une voix rauque, crevassée, mais éclatante. Un souffle d’autant plus saisissant qu’il

Lee Fields © X-D.R

convoque forcément à l’esprit du public tout un Panthéon musical, celui des grands hérauts de l’Histoire de la soul américaine : Otis Redding, Marvin Gaye, Wilson Pickett et tant d’autres. Porté par une tendance au « revival » des genres musicaux des années soixante-dix, qui voit proliférer disciples et épigones plus ou moins inspirés, Lee Fields fait aujourd’hui figure de survivant, apparaissant comme l’un des

derniers dépositaires authentiques de son époque. Ni tout à fait contemporain, ni tout à fait anachronique, le vieux soulman semble désormais s’épanouir dans une sorte d’intemporalité propre aux grands artistes achevés. Après un dernier rappel, concluant près d’une heure un quart d’un spectacle enfiévré, Lee Fields salue une dernière fois son public, manifestement ravi. « Thank you ! I love you ! » lance-t-il, avant de s’éclipser. We love you too Mr Fields. LOUIS GIANNOTTI

Le concert a été donné le 3 février à l’Usine, à Istres


MP2018, notre désir de Fête

Kiss Me, Michel Kelemenis © Laurent Lafolie

I

l est indéniable que la communication tarde à venir, que l’événement n’est relayé par aucun enthousiasme politique ni médiatique, que l’inquiétude règne quant à la présence du public qui est mal informé de l’ouverture, symbolique, à la Saint Valentin. Pourtant la pertinence des organisateurs est là, la programmation est belle, et tous les acteurs culturels du territoire sont activement impliqués. Mais il est difficile de construire un événement de cette importance quand l’argent manque, qu’une partie de la métropole (la Ville d’Aix) s’est retirée, qu’aucun espace de communication n’est prévu par la Ville de Marseille, que les médias se désintéressent de l’événement sinon pour en critiquer aveuglément les (absences de) financements. Pourtant prévoir un événement culturel territorial dans un territoire qui se délite (voir p 8) est une gageure, et un acte de résistance : l’affirmation que la culture est un droit et un besoin, et non une « compétence optionnelle ». Que les artistes et le public ne demandent que cela, cette rencontre désintéressée qui enrichit leur vie. Avec Raymond Vidil, MP2018 a trouvé des financements privés, les entreprises étant paradoxalement moins aveugles que les collectivités publiques aux besoins d’un territoire. Grâce

Le territoire de Marseille Provence veut fêter la culture et propose une programmation enthousiasmante. En un week-end d’ouverture pléthorique, puis un festival d’amours. Cirque, danse, expos, théâtres et rencontres, pour tous les goûts, amoureux ! au mécénat, à quelques maigres subventions publiques et un reliquat de MP2013, l’équipe de MP2018 a réussi à allier toutes les énergies culturelles du territoire (y compris à Aix...) pour tenter de sortir un peu du marasme et faire la fête, faire l’amour, questionner et mettre en scène et en vie le sentiment amoureux. Le miracle public se produira-t-il ? En tous les cas les Fêtes d’ouverture se déclinent en trois programmes pléthoriques, qui devraient rendre chacun avide de son, de baisers et de fureur...

Le grand baiser Tout va commencer par une embrassade générale à la Saint Valentin. Embrassade d’amants, d’amis, de parents, sur la bouche, la joue ou le front (dans le cou ou l’oreille?). Le public fera le spectacle, mais aussi le Groupe F avec flammes, personnages de

lumière et vidéos, pour une mise en scène de ce grand baiser collectif, et son immortalisation photographique... Le succès de l’ouverture dépendra donc du nombre de participants, le 14 février à 19h sur le Vieux Port Marseillais, le 17 février à 19h à Arles, Aubagne, Istres, Martigues et Salon-de-Provence. Après cette effusion collective, les Marseillais pourront prolonger la fête avec les Coups de foudre du MuCEM (ciné, expos, commandos poétiques...) et toutes les propositions pour les enfants, tandis que le 17 février les Arlésiens pourront rejoindre le Duoud (Smadj et Mahdi Haddab) programmée par les Suds au Cargo de nuit, les Martégaux pourront attendre le baiser avec Rara Woulib et la Cie Baninga, et assister ensuite au concert de solidarité à la Halle (voir p 59) ou enchaîner sur les propositions de 2 jours 2 nuits... suite page suivante


Le bal des enfants Les 14 et 15 février la programmation débute avec des propositions tout public qu’enfants et parents peuvent partager à toute heure, et sur tout le territoire, d’Istres à Salon, Aubagne, tous les coins de Marseille et d’Aix (où le GTP, le Pavillon Noir, le Bois de l’Aune, le Festival d’Aix ou la Fondation Vasarely sont de la partie malgré le retrait de la mairie). Parmi la soixantaine de propositions comment faire son choix ? Outre les Lettres d’amour de Télémaque et de l’Erac (voir p 55), les nombreux vernissages d’expo, la programmation de La Friche (voir encadré), celle de L’Entre-deux-Biennales ou des Elancées (voir pages suivantes) ; outre les médiations visites et ateliers dans les musées et galeries, Kelemenis qui reprend Kiss me sur tout le territoire, Lieux publics qui propose une sirène en chantilly (voir p 62)... on vous recommande particulièrement d’emmener vos enfants danser ! Au Bal des P’tits loups à la Cité des Arts de la rue, au Cinébal à l’Alhambra, au Bal Cirque d’Archaos, où dans des formes de spectacles participatifs, comme le Bal des enfants aux Salins où le chorégraphe DeLaVallet Bidiefono a travaillé avec 200 enfants des écoles martégales. Le matin du 15 février, une malette pédagogique proposant de nombreuses activités conçues par les artistes de la programmation sera offerte aux 450 écoles du territoire : un moyen d’ouvrir les arts aux plus jeunes, d’autant que la plupart des propositions destinées aux enfants sont gratuites, ou très peu chères.

2 jours 2 nuits Les 16 et 17 février on passera le week-end entre adultes : la programmation jeune et tout public se poursuit, mais d’autres propositions moins familiales s’y ajoutent, plus sulfureuses ou dialectiques. On parlera donc de désir, de corps, de foyer et de ruptures, de douleur, de sexualité, de genre, de Foucault et d’art contemporain, bref tout ce qui fait que l’amour a du sel, parce qu’il dit aussi un manque et un inassouvi. Wax au Merlan, Liliane Giraudon à la Friche, le cycle Désir et cinéma au Gyptis, les installations d’artistes à la Criée, Letzlove-Portraits de Foucault à la Friche, Je t’aime je t’aime à Montévidéo (voir p 14) sont de ceux-là, mais aussi Hervé Castanet, Zeev Gourarier et Francis Woolf qui parleront, entre hommes, de Lacan à minuit à la Criée ; ou l’Effeuillage du Grand Théâtre et la Nuit sulfureuse du Gymnase (de 21h à 8h du matin) : entre « sieste amoureuse mais pas crapuleuse », lecture érotique et projection de scènes mythiques, les théâtres de Dominique Bluzet font le tour du spectacle « coquin », avant de proposer un opéra porno (voir pages suivantes). Mais le goût âpre ou tendre de l’amour se dit aussi en musique, et la Caravane itinérante des musiques actuelles mettra le Cours d’Estienne d’Orves en joie dès 16h le 17 février avec Isaya, Gari Grèu, Temenik Electric et Ghost of Christmas. Première étape d’un périple qui passera par Arles, Aubagne, Istres, Martigues, Miramas et Salon, et où d’autres artistes rejoindront l’aventure (Anna Farrow, Mekanik Kantatik, Nasser, Otillie [B], PinkNoColor, Ruben Paz, Wilko...). Les musiques du monde ne seront pas en reste grâce aux Suds arlésiens qui programment de Boulbon à Arles, Saint-Pierre-de-Mézoargues et Tarascon un véritable Festival d’hiver, invitant Jasser Haj Youssef, Lo Cor de la Plana, Isabelle Courroy, Tony Gatlif, Chet Nuneta, Lady Maga... du 17 au 24 février. Et il y aura aussi, au cours de ces deux jours, une Veillée d’amour à Saint Victor où Lucile Pessey, Ewa Adamunsiska, Jean-Christophe Borne et Jacques Freschel chanteront l’amour d’Offenbach à Brel au son de deux accordéons, de nombreuses propositions musicales ou théâtrales des étudiants de l’AMU, et bien sûr le Roméo et Juliette de Preljocaj et Entre chiens et loups qui ouvre les Elancées à Istres du 14 au 18 février (voir pages suivantes). Le choix est à vous, mais soyez du voyage ! AGNÈS FRESCHEL

Retrouvez le détail de la programmation des 3 Fêtes d’ouverture, ainsi que les billetteries des spectacles payants, sur mp2018.com

Amoureux du cirque La Biennale du cirque s’ennuie une année sur deux, et propose donc un Entre-deux délicieux, axé pour cette deuxième édition sur les représentations de l’amour. Avec de nombreux duos !

G

uy Carrara et Raquel Rache de Andrade, directeurs d’Archaos, Centre national du cirque de Marseille, sont des idéalistes, persuadés que leur art peut changer le public, la société, le monde. Que le risque, le numéro, le clown, la performance circassienne et son pas de côté ont un pouvoir transcendant. C’est en militants qu’ils défendant le cirque contemporain sous toutes ses formes, dans les théâtres, les chapiteaux et les lieux publics. Entre deux Biennales, manifestation d’envergure inventée en 2013, ils se sont résolus à fédérer les volontés des acteurs culturels du territoire pour bâtir une programmation cohérente, profitant des Elancées (voir page suivante), et cette année de MP2018, pour que le cirque soit partout. Quel amour de cirque commence donc le 14 février par le Bal Cirque à Archaos, mais aussi par les performances sous chapiteau, à Istres, de la Cie 3xrien, deux frères acrobates et poètes qui naviguent Entre chien et loup (jusqu’au 18 février, dans le cadre des Elancées). L’entente avec les Elancées permettra aussi de voir les spectaculaires 7 doigt et


L’amour en Friche Santa Madera, Cie Les pieds les mains et la tête aussi © Christophe Raynaud de Lage

Phasme de Fanny Soriano à Istres, le funambule Jonathan Guichard et le cirque Eloize à Miramas, Amor, création de Josette Baïz, une première autour du conte de fées de la Cie Malunès, sous chapiteau à Istres, La Mondiale Générale à Cornillon-Confoux, des plumes et de l’humour à Fos... Mais l’Entre-deux-Biennales, qui programme nombre de compagnies régionales dans un geste militant de soutien à la création locale circassienne, sera également à Vitrolles avec Phasme et deux autres duos acrobatiques, Apesar de la Cie Sôlta, Vol d’usage par la Cie Quotidienne ; à Velaux avec Machine de cirque pour quatre acrobates virtuoses et un multi instrumentiste ; à Aix avec Camille Boitel au Bois de l’Aune ; et bien sûr à Marseille avec la création équestre de la Chambre des amants par le Théâtre du centaure, un duo très acrobatique autour d’une roue par un jongleur et un danseur (Santa Madera, par la Cie Les pieds les mains et la tête aussi) au Merlan, deux courts duos unisexes en création autour du funambulisme (Marion Collé et Tiphaine Raffier, Nikolaus et Joachim Latarjet) à l’Eglise Saint Cannat. À Archaos on pourra voir aussi des étapes de travail des compagnies en résidence (Collectifs Na Esquina et 18.3), et la restitution d’un travail mené à l’IME Vert pré auprès de 15 jeunes en situation de handicap Un cirque dans ma tête. Finalement, pour un entre deux, grâce aux coréalisations de tous et avec un budget qui ne permet que la mise en synergie, le programme est impressionnant : la Métropole existe au moins par le cirque, avec Istres pour capitale... A.F.

Quel amour de cirque Entre-deux-biennales 14 février au 17 mars biennale-cirque.com

La Friche décline le thème de MP2018 sur tous les tons, mais avec un point d’interrogation. Quel amour ? va-t-on se demander en débats, concerts, expositions et spectacles

C

ela commencera comme ailleurs avec le bal des enfants (voir page précédente), mais le premier week-end surtout sera trépidant, avec un concert d’ouverture le 16 février disco avec Corine, puis house et électro avec Mad Ray, Lil’ Louis, Terence Parker et Jack Ollins ; suivi le 17 par la création de Manu Théron et du saxophoniste Edmond Hosdikian, A-mor, dont on avait eu un aperçu généreux et passionnant lors des journées d’ouverture du Module du GMEM ; puis la Nuit éprouvée de d’Agata (voir p 21) prendra le relais jusqu’au matin, en particulier au Gyptis avec la projection de White Nose. Alphabetville, Lieux Fictifs et Les Bancs publics proposeront une friche plus philosophique, avec une table ronde et un spectacle autour de Michel Foucault, la lecture par Liliane Giraudon de sa pièce L’amour est plus froid que le lac, Spectrographies, un film d’art qui arpente les « non-lieux inhabités ». Les enfants pourront questionner aussi l’amour grâce à la Cie Skappa programmée par le Massalia (voir pages suivantes), et la jeunesse contemplera son image grâce à l’expo collective Jeunes-générations, rassemblant les œuvres sur l’adolescence de 15 photographes lauréats de la commande du CNAP (Centre National des Arts Plastiques, jusqu’au 3 juin). 11 comédiens emmenés par François Cervantes liront des textes sur l’amour « incandescents et stupéfiants », et c’est Stéphane Belmondo qui clôturera le week-end le 18, un concert gratuit proposé par Marseille jazz des 5 continents. A.F.

Quel amour ? 14 au 18 février 04 95 04 95 95 lafriche.org Claire, Anton et eux (L’Amour la nuit), François Cervantes © Christophe Raynaud de Lage


Hakanai, AMCB © Romain Etienne

20 ans, le bel âge

Le festival des arts du geste Les Élancées déploie sa programmation à Istres, Fos, Miramas, Grans, Port-St-Louis et Cornillon-Confoux pour une 20e édition enthousiasmante. Entretien avec Anne Renault, directrice artistique du festival et des théâtres de Scènes&Cinés Zibeline : Quel regard portez-vous sur les 20 dernières éditions ? Anne Renault : Le cirque a énormément évolué depuis une trentaine d’années, s’est professionnalisé avec les écoles qui se sont développées, les promotions qui sont sorties avec un très grand niveau technique et qui fait de la France un des hauts lieux de la vie circassienne mondiale ; on a pu être dans le mouvement de l’ouverture de cet art à toutes disciplines possibles et inimaginables. Nous avons été au cœur de cette évolution, et nous continuons à l’être. L’idée que j’avais dès le début, en février 1999, était de rassembler la danse et le cirque, les arts du geste, les arts non verbaux, pour pouvoir élargir le public de nos lieux, la danse étant plus difficile d’accès que le cirque dans l’imaginaire de beaucoup de monde. De fait on se rend compte qu’il y a des personnes, des familles, qui ne viennent que pour Les Elancées : parce que notre politique tarifaire

est attractive, mais aussi parce que sur un temps assez court les spectacles proposés permettent d’appréhender différentes facettes de la création d’aujourd’hui. Dès le départ ce volet là a été inscrit dans le festival ; le 2e volet essentiel, qui reste toujours d’actualité, concerne toute l’action pédagogique qui accompagne le festival, notamment dans le secteur de la danse. Tous les spectacles de danse sont précédés d’ateliers en milieu scolaire pour permettre aux enfants d’avoir des clés d’entrée dans le spectacle, vivre une émotion personnelle, et être des vecteurs de communication avec les parents et les faire revenir au spectacle en séance tous public. Il y a des compagnies qui viennent assez régulièrement -en danse notamment celles de Christine Fricker, Josette Baïz, Michel Kelemenis- et on utilise les forces vives de leurs danseurs pour intervenir auprès des jeunes ! On s’est aussi rendu compte qu’on pouvait croiser d’autres disciplines avec le cirque

et la danse, comme la musique, la rue (cette année il y a 3D de la Cie H.M.G, Sabordage ! de la Cie La Mondiale Générale et Plouf et Replouf de la Cie Super Super) et les arts numériques qui peuvent intéresser et drainer un public plus large encore (avec Hakanaï de Claire Bardainne et Adrien Mondot). Comment prenez-vous en compte ces évolutions dans la programmation du festival ? On ne programme pas impunément un festival et des lieux -j’ai aussi en charge la coordination de la programmation des différents lieux de Scènes&Cinés- sans être en prise direct avec son temps. En assistant à des spectacles, en allant voir ce qui se passe ailleurs, en étant dans des réseaux comme Territoires de cirque, Tribu ou Traverses, on est forcément dans le cours du spectacle vivant, dans les évolutions, dans les esthétiques qui changent, évoluent. On est aussi attentifs à l’actualité, on a envie de défendre des propos, le bien-vivre ensemble, le plaisir qu’on a d’être dans un pays où les artistes ont la liberté de s’exprimer, et nous la liberté de les accueillir. Tout cela constitue le festival. Et il y a toujours aussi ce plaisir à être ensemble, avec le public, et à partager ensemble une émotion. On a une chance folle ! Les compagnies régionales tiennent-elles toujours une place importante au sein du festival ? Absolument. C’est plus évident pour les compagnies de danse parce qu’elles ont plus de mal à montrer leur travail, alors que le cirque a plus de facilité à s’externaliser, à s’exporter. Cette année on a passé une commande à Christine Fricker qui beaucoup accompagné le festival au fil des années et qui va faire une dédicace, une Signature en quelque sorte. C’est un panorama artistique sur ces 20 éditions : elle a choisi un certain nombre de spectacles qui lui paraissaient emblématiques, et travaille depuis avec des enseignants de Pulsion, de la Maison de la danse, du Conservatoire de danse et de musique, de la section danse du lycée et des écoles élémentaires. Le chorégraphe Christian Ubl (ancien danseur de la formation Coline) est présent aussi, avec H & G, son premier spectacle à destination des enfants à partir de 8-9 ans, Josette Baïz revient avec sa dernière création, Amor, et La Mondiale Générale avec Sabordage !. PROPOS RECUEILLIS PAR DOMINIQUE MARÇON

Les Elancées (lire aussi p 53) 12 au 25 février Divers lieux, Istres, Fos, Miramas, Grans, Port-St-Louis et Cornillon-Confoux scnesetcines.fr


Roméo et Juliette La plus brûlante des œuvres de Sergueï Prokofiev, chorégraphiée par Angelin Preljocaj il y a 22 ans, est reprise avec une énergie nouvelle par son Ballet. Décors et costumes sont signés Enki Bilal, les scènes d’affrontement évoquent West-Side Story, et le sous-texte politique de tension entre classes sociales rejoint la radicalité des sentiments amoureux. Un Bord de scène aura lieu après la représentation du 16 février, traduit en langue des signes. Retrouvez la critique de ce spectacle sur journalzibeline.fr. 14 au 18 février La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

Roméo et Juliette © Jean-Claude Carbonne

Amour, gloire et beauté Parler d’amour en philosophe, cela peut être très amusant. Laurent de Sutter projettera son esprit critique sur les évidences des tendres sentiments et celles de la libido, histoire de les décaper un peu : quel prix faut-il payer pour faire l’expérience véritable de l’amour ? Et s’il n’y avait pas d’amour gratuit ? S’il n’y avait d’amour que cher ? S’ensuivra une intervention du toujours passionnant Zeev Gourarier, directeur scientifique et des collections du Mucem, autour de l’exposition sur l’histoire de l’amour dans l’art. 16 février La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

Contez-moi d’amour

Du chœur à l’ouvrage

La Baleine qui dit « Vagues » invite à une déambulation par groupes de 20 personnes dans les espaces insolites du TNM. Ludivine Hénocq, Jeannie Lefebvre, Matthieu Epp et Julien Labouche vous mèneront à la découverte des plus beaux contes d’amour de notre patrimoine. Ces as du récit sont aussi musiciens, chanteurs, manipulateurs d’objets, ou encore spécialistes de mythologie grecque. À partir de 8 ans. 17 février La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

Du choeur à l’ouvrage © Christophe Raynaud de Lage

Marseille Love Jazz Marseille déclare son amour aux musiciens de jazz, qui le lui rendent bien. De 22h30 à 3 heures du matin, ils envahiront le Grand Hall de La Criée pour une bœuf

exceptionnel, en entrée libre. Le pianiste Paul Lay accueille sa consœur Perrine Mansuy, Eric Longsworth (violoncelle), Jean-Luc Difraya (percussions), Christophe Leloil (trompette) Pierre Fénichel (contrebasse) et Cedrick Bec (batterie). Auparavant, à 20h dans le Petit Théâtre, Paul Lay au piano, Isabel Sörling au chant et Simon Tailleu à la contrebasse célèbreront le 5e anniversaire de la création de Alcazar Memories, concert donné en 2013… à La Criée, et qui a depuis donné lieu à un album. 17 février La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

Alcazar Memories © Jean-Baptiste Millot

Sur un livret original de Marie Desplechin, Benjamin Dupé a conçu un opéra pour voix d’enfants. Les 40 chanteurs de la Maîtrise des Bouches-du-Rhône interpréteront l’histoire d’une chorale échouée sur une île à la suite d’un naufrage, sans aucun adulte. Livrés à eux mêmes, ils devront apprendre la rude leçon des relations humaines, et l’utilité de la solidarité. Sur scène, ils seront toutefois accompagnés par les musiciens de L’Instant Donné ! 13 & 15 mars La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com


Opéraporno Tristan & Iseult Il avait créé sa version de cette fleur de la tradition orale médiévale sur la scène de La Criée, il y a quatre ans (retrouvez notre critique du spectacle sur journalzibeline.fr). Laurent Daycard est de retour avec toujours autant de verve, pour raconter l’histoire des deux tragiques amants, en s’accompagnant au dulcimer. 16 & 17 mars La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

La nouvelle création de Pierre Guillois est une opérette grivoise, voire paillarde, avec un quatuor familial travaillé par une libido rétive, lors d’un week-end à la campagne. Sauf peut-être la grand-mère, malencontreusement oubliée (!) dans la voiture. Le pianiste Nicolas Ducloux signe la composition musicale (et l’idée originale !), accompagné alternativement par Grégoire Korniluk et Jérôme Huille au violoncelle. 20 au 24 février Gymnase, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net Opera Porno © Fréderic Albert

Laurent Daycard © X-D.R

Osez la scène !

El Baile

Les quatre plateaux des Théâtres s’ouvrent 43 heures durant à des amateurs venus délivrer leur message amoureux. Car non, « l’éloquence n’est pas l’apanage des grands acteurs et la créativité celui des artistes » ! Tous les moyens d’expression seront bons : l’Amour est un enfant de Bohème débordant de vitalité, qui aime à danser, chanter, jouer, et se prête volontiers à l’exercice du mime ou de la lecture.

L’histoire de l’Argentine, ses tumultes, ses pratiques populaires, entre football et tango, de 1978 à nos jours. Pièce sans paroles, El Baile s’inspire du spectacle Le Bal, créé par le Théâtre du Campagnol durant les années Mitterrand et centré sur la France. La chorégraphe Mathilde Monnier déplace avec l’écrivain argentin Alan Pauls le focus géographique, mais conserve la teneur émotionnelle et politique des rythmes et du corps.

16 au 18 février Gymnase, Bernardines, Marseille Jeu de Paume, Grand Théâtre de Provence, Aix en Provence 08 2013 2013 lestheatres.net

Écrire et jouer l’amour

Ctrl-X

Le Théâtre Joliette lance plusieurs propositions pour honorer le thème de MP2018. Le 14 février, un Petit théâtre de bouche, repas de midi compris, avec la Cie La Paloma. Suivi l’après-midi d’une bonne tranche de philosophie au goûter, à partager en famille : réfléchir sur l’amour n’est pas réservé aux adultes ! Le 17 février, à l’heure de l’apéro, une lecture de textes amoureux, dont ceux commandés pour l’occasion à Marion Aubert, Julie Aminthe, Antonio Carmona, Philippe Delaigue et David Lescot. Le soir, on découvrira des extraits de L’amour en courtes pièces, série de petites formes sous la direction de Pierrette Monticelli et Haïm Menahem. Un Love DJ Set conclura la soirée : tous sur la piste de danse !

Cyril Teste et son collectif MxM imprègnent leur écriture scénique d’images, sons, lumières et nouvelles technologies. C’est particulièrement le cas dans cette histoire, celle d’une jeune femme seule dans un appartement, mais reliée à ses amours par écran interposé. Un jeu très contemporain sur la présence et

14 & 17 février Théâtre Joliette, Marseille 04 91 90 74 28 theatrejoliette.fr

Ctrl-X © Samuel Rubio

24 février Grand Théâtre de Provence, Aix en Provence 08 2013 2013 lestheatres.net

l’absence, où l’errance affective laisse des traces numériques aussi fugaces -et paradoxalement tenaces- que dans les cœurs. À partir de 15 ans. 13 & 14 février Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org


Carmen(s) La version dansée de Carmen, belle et rebelle, dotée de tant de fougue que José Montalvo a choisi de l’incarner en plusieurs femmes. Prenant la suite de Prosper Mérimée et Georges Bizet, il creuse la dimension féministe de leur œuvre, de même que d’autres thèmes qui le taraudent personnellement : « l’immigration, les valeurs du métissage, l’enfance ». Et fait de Carmen une femme pluriel, figure universelle représentée simultanément ou à tour de rôle par plusieurs danseuses. Fran Espinosa l’assiste à la chorégraphie flamenca. 16 & 17 mars Grand Théâtre de Provence, Aix en Provence 08 2013 2013 lestheatres.net

Wax

Wax © Benoit Schupp

Wax, c’est la cire en anglais. Chauffée, elle fond : Stéphanie Félix s’en empare avec délices pour la modeler. La jeune femme fabrique de petits êtres, puis en démiurge tente de les organiser. Mais les personnages de cire ne sont pas plus disciplinés que ceux de chair et de sang : être et matière se rebellent ! Une proposition labellisée MP2018, quoique traitant plutôt de norme que d’amour, qui s’adresse au jeune public à partir de 3 ans, et bénéficie de l’inventivité de son concepteur, le marionnettiste Renaud Herbin. 13 & 14 février Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org

La Maison où l’on passe La Cie Skappa ! & associés lance une invitation iconoclaste mais non sulfureuse : pénétrer en famille une maison-close ouverte à tous les publics, à partir de 5 ans. Par groupes de 10 personnes, sur un parcours en chambre d’une trentaine de minutes, vous êtes conviés à découvrir de petites formes spectaculaires, et à vous laisser « envelopper, border et déborder ». Pour finir dans de beaux draps ! 17 & 18 février La Friche, Marseille 04 95 04 95 95 lafriche.org

Vers un protocole de conversation ? Georges Appaix poursuit son exploration des liens entre les mots et les gestes, entre les notes et les corps. Une femme, muette, qui danse, et un homme qui parle beaucoup, vont se rapprocher. Paroles et mouvements se font rythme, seul ou à deux. Pendant que Mélanie Venino et Alessandro Bernardeschi s’apprivoisent, le chorégraphe les guide d’un mouvement de tête, chante et danse aussi. Le plateau devient terrain de jeu, lieu des langages communs au corps et à la parole. 23 février Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org

Vers un protocole de conversation ? © Elian Bachini

Tartuffe, d’après Tartuffe…

Criiiic !

En partenariat avec La Gare franche, Le Merlan présente une performance de Guillaume Bailliart, seul sur scène, incarnant tous les personnages de cette pièce mythique. Il en joue la majeure partie les yeux fermés, avec des repères au sol pour chaque protagoniste. Au delà de l’exercice de style, il s’agit pour le comédien de dégager l’énergie du texte de Molière, en maniant ses alexandrins « plus intimement qu’une troupe d’acteurs ».

Sous ce titre en forme d’onomatopée, se cache une proposition jeune public pour 4 danseurs, chorégraphiée par Brahim Bouchelaghem. Il a choisi de développer de vrais récits enfantins issus d’ateliers d’écriture, en travaillant étroitement avec le conteur Emmanuel De Lattre. Un spectacle programmé dans le cadre du Festival Pluhf (pour Peace, Love, Unity and Having Fun), organisé par la Ville de Martigues, et de MP2018. À partir de 5 ans.

Tartuffe, d’après Tartuffe, d’après Tartuffe, d’après Molière 13 & 14 mars Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org

28 février Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 theatre-des-salins.fr

Fête d’ouverture

Forever, Happily

Les Salins s’associent à MP2018 pour plusieurs spectacles à venir en avril. D’ici là, lors des journées d’ouverture, tout sera en entrée libre ! Au programme le 14 février, un bal destiné aux enfants, orchestré par DeLaVallet Bidiefono artiste « invité » au Théâtre cette année ; puis le 17, comme c’est de tradition à Martigues lors des grandes occasions, le Théâtre mettra la ville en fête, en collaboration avec les associations locales.

Vous pensiez connaître les contes de votre enfance sur le bout des doigts ? Le collectif belge Malunés va sans aucun doute mettre à mal vos connaissances et certitudes pour vous plonger dans leur univers baroque, délicieusement kitsch et dont les prouesses techniques, extrêmement maîtrisés, vous surprendront ! D’un agrès à l’autre, les sept acrobates instaurent leur vision des faits, loin des happy end et autres douceurs trop sucrées, mais beaucoup plus caustiques, et drôles ! À voir dans le cadre des Elancées (lire p 50).

14 & 17 février Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 theatre-des-salins.fr

23 au 25 février Sous chapiteau, Stade Audibert, Istres scenesetcines.fr


Le Mucem en quête d’amour DU 19 AU 23 FÉVRIER, LE MUCEM RENOUVELLE SON PARTENARIAT AVEC SCIENCES PO AIX POUR UN CYCLE DE QUATRE GRANDS ENTRETIENS SUR LE THÈME DE L’AMOUR

D

ésir, tendresse, mais aussi souffrance, désenchantement… L’amour, fil rouge retenu par MP2018, est sous le feu des projecteurs au Mucem. En dialogue avec l’exposition Roman Photo, place au cycle de rencontres En quête d’amour, en partenariat avec Sciences Po Aix et en collaboration avec Zibeline et les lycées Georges Duby, Ibn Khaldoun, Saint-Charles et Marseilleveyre. Les étudiants de Sciences Po tenteront de percer les mystères de l’amour à l’occasion de quatre grands entretiens menés avec artistes et penseurs. Au programme : passions violentes, amour et oppression, sortilèges amoureux, évolution des relations amoureuses contemporaines… Entre rupture des modes de vivre l’amour et permanence du sentiment, les écrivains, cinéastes et chorégraphes esquisseront un portrait de cet élan aux contours flous, si universel et en même temps si difficile à saisir.

Parler d’amour aujourd’hui Le 19 février, les Passions incandescentes ouvrent le bal. Dans le Roméo et Juliette du chorégraphe Angelin Preljocaj, La Chambre des époux de l’écrivain Éric Reinhardt ou Grand Central de la cinéaste Rebecca Zlotowski se dévoile une passion potentiellement dangereuse, parfois jusqu’à la mort, parfois sublime, exaltant le sentiment amoureux, révélant sa beauté. Ils seront là pour en parler. Comment vivre son désir dans une société qui oppresse ? Le 21, rencontre avec Abdellah Taïa pour la conférence intitulée Désir et oppression. Auteur de Celui qui est digne d’être aimé, l’écrivain interroge l’homosexualité dans son pays, le Maroc, qui la considère comme un crime. Hostilité de la société envers une sexualité jugée déviante, relations familiales complexes et ombre du colonialisme… il explore un amour tiraillé entre différentes tensions.

Éric Reinhardt © Francesca Mantovani - Editions Gallimard

L’amour, fruit du hasard ou volonté du destin : une vaste supercherie ? L’ethnopsychiatre Tobie Nathan, invité de la rencontre Magie et sortilèges amoureux le 22, imagine la naissance de l’amour comme résultat de stratégies savamment mises en place pour faire tomber l’autre sous son charme. L’amoureux est la victime (heureuse ou non) d’un Philtre d’amour, du titre du dernier essai de l’auteur. L’amour, loin de relever de la spontanéité, est un ensorcellement magique. Déclin du mariage, harcèlement sexuel, mariage pour tous ou encore PMA : alors que les relations amoureuses sont métamorphosées, comment penser l’amour tel qu’il se vit aujourd’hui ? Le 23, rendez-vous avec la juriste et essayiste Marcela Iacub pour une conférence autour du thème L’amour dans la cité. Parfois impertinente, souvent à la marge de l’opinion, elle n’a de cesse d’observer, questionner et déconstruire nos mœurs, nous livrant une analyse étonnante de l’amour en 2018. Avec toutes ses contradictions. FAUSTINE MAZEREEUW, ÉTUDIANTE À SCIENCES PO AIX

Autour de l’Amour

L

a salle des collections au Fort SaintJean accueille du 14 février au 27 août une exposition en forme d’abécédaire, L’amour de A à Z. On attend avec impatience de découvrir la lettre D, comme « Devoir conjugal »... Lors du coup d’envoi de MP2018, le 14 février, différents parcours et performances auront lieu au Mucem, avec notamment une carte blanche offerte à l’Agence de voyages imaginaires. Les membres de la compagnie créeront un « musée imaginaire de l’amour ». Le cinéma L’Alhambra propose des projections de courts-métrages amoureux, parmi la sélection du Festival international de Clermont-Ferrand, assorties de love food concoctée par Buona Forchetta. Guettez également Les Souffleurs, commando poétique distillant de douces paroles au creux de votre oreille, au moyen de longs tuyaux. Effet sensuel garanti ! Enfin les 14 et 25 février, le groupe Zinzika s’inspirera en direct d’une bande-dessinée, Un océan d’amour (à voir et écouter en famille, à partir de 4 ans). G.C.

19 février Passions incandescentes 21 février Désir et oppression 22 février Magie et sortilèges amoureux 23 février L’amour dans la cité Mucem, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org Exposition L’amour de A à Z. O comme Oracle, automate de voyance Le Sphinx, France, 1ere moitié du XXe siècle. Mucem © Mucem


au programme musiques bouches-du-rhône

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Grandes Musiques pour Petites Oreilles L’Ensemble Télémaque organise pour la 3e saison consécutive Grandes Musiques pour Petites Oreilles, Saison 3. De la musique savante, certes, mais accessible à un public jeune. Trois temps forts cette année : la création du Baron de M. (cf Zib 114), un concert littéraire et un ciné-concert. Avec Lettres d’amour et doublescroches, les compositeurs nous deviennent proches ; romantiques Charlot, Octave et Bobine © Bernard Vansteenberghe ou modernes ils jouent, composent des lettres, des airs, qui parlent d’amour, Le rire teinté de tendresse prime dans le d’émotion, de la vie... Entre les mots et les ciné-concert Charlot, Octave & Bobine : le notes, l’Ensemble Télémaque, rejoint par talentueux ensemble vocal toulonnais Les les élèves de l’ERAC dirigés par Frédéric Voix Animées, dirigé par Luc Coadou, Grosche, glissent de Schubert à Chopin et accompagne en live les tribulations de CharSchumann, ou déclinent la poésie de Fauré, lot (Charlot s’évade, Charlot Policeman), sur Debussy, Ravel… des musiques aussi disparates que celles de

Voix nomades

15 février PIC, Estaque 16 & 17 février Alcazar, Marseille Charlot, Octave & Bobine 24 février Cinéma l’Alhambra, Marseille 25 février Château de la Buzine, Marseille 04 91 43 10 46 ensemble-telemaque.com

Concert éclectique que celui donné au Foyer de l’Opéra de Marseille. Le clavecin de Christine Lecoin s’adonnera à des Variations sur le thème des Folies d’Espagne. Basson (Stéphane Coutable), violoncelle (Xavier Chatillon) et contrebasse (Jean-René Da Conceiçao) nous entraîneront sur les territoires de Vivaldi, Teleman, et de Rossini (extraits de Duetto et d’Il Barbiere di Siviglia). Enfin, ce voyage musical s’achèvera avec des extraits de Café 1930, l’Histoire du tango de Piazzolla.

Créée à Londres en 1919, cette opérette de Messager s’inspire d’une nouvelle de Booth Tarkington. L’action se situe à Bath, au XVIIIe siècle. Un certain Monsieur Beaucaire, qui se dit barbier, semble diriger une maison de jeux. Tricheries, amours, jalousies, traîtrises… La belle Lady Mary aimera-t-elle le séduisant barbier ou celui qu’il est vraiment, le duc d’Orléans ? Un petit bijou sous la direction musicale de Bruno Membrey.

17 février Opéra de Marseille 04 91 55 11 10 opera.marseille.fr

La vie parisienne La frivolité érigée en art de vivre, quiproquos amoureux, plaisirs de la séduction, danses, chant, légèreté des êtres, de la vie même… la musique d’Offenbach dit tout cela avec une virtuose aisance. L’Odéon propose une nouvelle production sous la direction d’Emmanuel Trenque dans une mise en scène de Nadine Duffaut. 24 & 25 février Odéon, Marseille 04 96 12 52 70 odeon.marseille.fr

Regis Mengus © Perla Maarek

Musicatreize © Guy Vivien

4 mars Opéra de Marseille 04 96 20 60 10 gmem.org

Lettres d’amour et doubles-croches 14 février La Friche, Marseille

Monsieur Beaucaire

Musique de chambre

Voyageant entre la voix émise par un être humain et celle retravaillée, retranscrite, recréée, transformée par les miracles de l’électro-acoustique, les deux œuvres proposées dans le programme concocté par l’Ensemble Musicatreize surprennent et posent leurs énigmes. La création 2017 d’Alberto Posadas, Voces nόmadas, et les Chants de l’amour de Gérard Grisey nous font entrer dans le domaine fascinant de la recherche acousmatique. Entre naturel et artifice, le concert a deux fées marraines, l’Opéra et le GMEM.

Brahms, Verdi, les Frères Jacques, Chaplin…

17 & 18 mars Odéon, Marseille 04 96 12 52 70 odeon.marseille.fr


56 au programme musiques bouches-du-rhône alpes-maritimes gard vaucluse

Stabat Mater

La Traviata

16 mars Théâtre Croisette, Cannes 04 92 98 62 77 orchestre-cannes.com

Mozart et le Don Juan noir Louis XVI avait promu directeur de l’Opéra Royal le Chevalier de Saint-Georges, qui dut renoncer à cette direction, certaines cantatrices refusant d’être dirigées par un noir. Le contre-ténor et récitant Alain Aubin, accompagné du pianoforte de Jean-Paul Serra et du violon de Pascal Delalée, construit un parallèle entre son œuvre et celle du Mozart abandonné de ses contemporains. Un concert lecture qui interroge sur la condition des artistes. 17 février Théâtre Nono, Marseille 04 91 75 64 59 theatre-nono.com

© Pascal Gély

13 février Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence 08 2013 2013 lestheatres.net

Cette version de la Traviata d’après l’œuvre de Verdi, sous-titrée « vous méritez un avenir meilleur », et mise en scène par Benjamin Lazar, mêle intimement théâtre et opéra. Judith Chemla incarne avec une maîtrise parfaite le personnage de Violetta, inspiré de la Dame aux camélias de Dumas. La joie, l’appétit de vivre, l’amour, les trahisons, la mort, sont ici traités avec une efficacité sensible. 13 au 17 mars Théâtre Bernadette Lafont, Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com

L’enlèvement au sérail

Trios de Beethoven La Chapelle du Méjan décline avec bonheur ses dimanches, offrant au cours des mois des pépites à découvrir et savourer, grâce à des interprètes choisis. David Grimal (violon), Anne Gastinel (violoncelle), Philippe Cassard (piano) offriront un délicat florilège de Trios de Beethoven, n°1 en mi bémol majeur, opus1 n°1, n°4 en si bémol majeur, opus 11 et n°5 en ré majeur, opus 70 n°1, nommé aussi Les Esprits… Un univers subtil et délicat s’il en est !

Katharine Dain © Evelien van Rijn

15 mars Abbaye Saint-Victor, Marseille 06 66 12 45 11 amisdesaintvictor.com

Insula orchestra © Julien Mignot

Les Amis de Saint-Victor nous convient à l’écoute d’une superbe interprétation du Stabat Mater de Pergolèse sous les voûtes romanes de l’abbaye. L’Orchestre de Cannes sera dirigé par Jean-Claude Magloire. Pauline Courtin (soprano) et Pauline Sabatier (mezzo) apporteront la beauté sûre et éloquente de leurs voix à cette belle partition. Le programme se complète avec l’ouverture de L’Italienne à Alger de Rossini et la Symphonie n° 1 en ut majeur, op.21 de Beethoven.

Pour son 3e concert de la saison au GTP, Laurence Equilbey a pris le chiffre comme articulation première. Ainsi Insula orchestra, qu’elle dirige, interprètera le Triple Concerto de Beethoven aux côtés de trois solistes virtuoses, Alexandra Conunova (violon), Natalie Clein (violoncelle) et David Kadouch (piano). Enfin, hommage sera rendu à une compositrice méconnue du XIXe, Louise Farrenc, avec sa Symphonie n°3 en sol mineur op. 36.

Anne Gastinel © Jean-Baptiste Millot

Pauline Courtin © 2012

Beethoven triple concerto

18 février Chapelle du Méjan, Arles 04 90 49 56 78 lemejan.com

Le singspiel en trois actes de Mozart se transpose, dans la Vienne de 1930, au très sélect Serail Cabaret, dirigé par le sulfureux Selim, le Pacha. La belle Konstanze y est meneuse de revue, séquestrée ? Belmonte, chanteur de charme à succès, revient d’Hollywood… La fantaisie se mêle à un Orient rêvé sous la houlette de Roberto Forés Veses dans la mise en scène originale d’Emmanuelle Cordoliani. 18 & 20 février Opéra Confluence, Avignon 04 90 14 26 40 operagrandavignon.fr


au programme musiques vaucluse var hérault alpes-maritimes 57

14-18 Requiem

Jouer et diriger

La princesse Lisa (Amélie Robins) est autrichienne, le prince Sou-Chong (Sébastien Droy), chinois, ils s’aiment, mais chacun se sent en exil dans le pays de l’autre… Accepter les coutumes du pays d’accueil n’est pas toujours aisé, rappelle l’opérette romantique de Lehár. Pierre-Emmanuel Rousseau met en évidence dans sa mise en scène ces exils, écueils de tous les sentiments, sous la houlette de Benjamin Pionnier.

Il ne s’agit pas de la chanson enfantine « j’ai perdu le do de ma clarinette », mais de l’acrobatique performance du clarinettiste et chef d’orchestre Paul Meyer qui, du bord de scène, dirigera l’Orchestre de Cannes dans le Concerto pour clarinette en la mineur de Mozart (que la beauté du son de l’instrument récemment introduit dans l’orchestre avait séduit) avant une courte pièce de Thierry Escaich et la Suite Tchèque de Dvorak.

© Andy Staples

Le pays du sourire

10 & 11 mars Opéra Confluence, Avignon 04 90 14 26 40 operagrandavignon.fr

Lucia di Lammermoor Inspiré du roman La Fiancée de Lammermoor de Walter Scott, l’opera seria de Donizetti conjugue intrigues, amours, mariage forcé, trahisons, rejets, désespoirs, folie (ah ! il dolce suono !), morts… un sommet du romantisme sous la direction musicale de Francesco Lanzillotta dans une mise en scène d’Henning Brockhaus avec les chœurs et orchestre de l’Opéra de Toulon.

Paul Meyer © Laurent Sultan

Œuvre de commande pour l’inauguration de la cathédrale de Coventry en 1962 (reconstruite après sa destruction lors des bombardements de la Seconde Guerre mondiale), le War Requiem opus 66 de Britten associe le cérémonial du Requiem romain en latin et la poésie de Wilfred Owen, qui témoigne de l’horreur de la Première Guerre mondiale. Méditation douloureuse dirigée par Michael Schønwandt.

11 mars Théâtre Croisette, Cannes 04 92 98 62 77 orchestre-cannes.com

16 & 17 février Opéra Berlioz, Montpellier 04 67 601 999 opera-orchestre-montpellier.fr

Norma Les amours de la prêtresse gauloise Norma (Yolanda Auyanet), délaissée par le romain Pollione (Walter Fraccaro) s’achèvent en tragédie sur un bûcher commun… L’opéra de Bellini, modèle du bel canto, offre la pureté de ses airs, dont le célébrissime et sublime Casta Diva, sous la houlette de Renato Balsadonna dans une mise en scène de Nicola Berloffa.

9, 11 & 13 mars Opéra, Toulon 04 94 92 70 78 operadetoulon.fr

Sans doute l’opéra le plus joué au monde, Carmen de Bizet ne cesse de susciter de nouvelles interprétations, répondant à des interrogations sempiternellement renouvelées. Dans cette production de l’opéra de Montpellier, sous la direction de Jean-Marie Zeitouni, dans une mise en scène d’Aik Karapetian, Anaïk Morel campera le personnage de la belle cigarière, aux côtés de Robert Watson (Don José), Ruzan Mantashyan (Micaëla) et Alexandre Duhamel (Escamillo). 16 au 22 mars Opéra Comédie, Montpellier 04 67 601 999 opera-orchestre-montpellier.fr

Renato Balsadonna © X-D.R

Serenad Uyar © X-D.R

Anaïk Morel © Ruth Kappus

Carmen

16 au 22 février Opéra, Nice 04 92 17 40 79 opera-nice.org


58 au programme musiques bouches-du-rhône gard hérault

Lil’ Louis

Chain & the Gang

David Greilsammer © Cabinet de création

Programmer ce pionnier de la house en ouverture d’un MP2018 intitulée Quel Amour ! est un joli clin d’œil à la capacité désinhibitrice de cette musique hédoniste. Car, avec French Kiss, track de dix minutes publié en 1989 et qui lui a assuré la postérité, Marvin Louis Burns ne posait pas seulement une pierre d’angle du mouvement naissant : ce morceau emblématique innovait formellement avec son ralentissement, inattendu en plein milieu du morceau, et ses gémissements suggestifs impliquant un autre rapport, plus “direct”, à la musique.

Belle rencontre entre classique et jazz, entre le chef d’orchestre et le pianiste à la renommée aujourd’hui internationale. Avec son Geneva Camerata, David Greilsammer est reconnu pour ses programmes éclectiques. Ici, le Concerto en sol de Ravel, les chefs-d’œuvre de Lully et Purcell, avec une réinterprétation très libre du Fairy Queen notamment, se voient enrichies d’improvisations de Yaron Herman et de son batteur Ziv Ravitz. Un programme décloisonnant qui fait l’objet d’un album chez Sony Classical à paraître ce mois-ci.

© X DR

© X DR

David Greilsammer & Yaron Herman

16 février Cabaret Aléatoire, Marseille 04 95 04 95 09 cabaret-aleatoire.com

12 février Théâtre des Salins Martigues 04 42 49 02 00 les-salins.net

The Sonics

Ian Svenonius est une authentique icône rock. Chanteur de The Make Up (dont le concert a marqué l’édition 2017 du festival This Is Not A Love Song) l’Américain a d’ailleurs écrit un ouvrage aussi érudit que démystifiant sur le genre (Stratégies occultes pour monter un groupe de rock paru en 2012 et traduit en juin dernier chez Le Diable Vauvert). Avec son quatuor délirant, au trois-quart féminin, et insoumis au business de la musique, Svenonius et Chain & The Gang se hissent au niveau d’Iggy Pop ou des Cramps. Chapeau bas. 17 février La Paloma Nîmes 04 11 94 00 10 paloma-nimes.fr

Girls in Hawaii

Des Cramps jusqu’à Jack White des White Stripes, tous les rockers de l’ère moderne sont fans des Sonics ! Dès 1965 ils ont su rester fidèles à l’insurrection permanente que doit être le rock’n’roll. Les hurlements de Gerry Roslie, les claviers et guitares distordus, hantant des titres sauvages comme Psycho, Strychnine ou encore leurs reprises indépassables de Wild Thing et Have Love Will Travel en font les précurseurs du garage rock. Ces légendes sont de retour sur scène plus de cinquante ans après leurs premiers lives !

© Olivier Donnet

Pionnier de l’afro beat avec Fela, le Nigérian a tout traversé (des projets de Damon Albarn à Oumou Sangaré en passant par la fantastique partie de batterie de La Ritournelle de Sébastien Tellier). À 77 ans, l’insubmersible musicien a sorti The Source (chez Blue Note), accompagné d’un ensemble de onze musiciens réunis par le saxophoniste et arrangeur Yann Jankielewicz, en hommage à ses mentors Art Blakey et Kenny Clarke. L’Africain fait l’histoire inverse de ses prédécesseurs américains, du continent des origines à la naissance du jazz avec, toujours, son inimitable touche de charley.

Groupe fétiche de la scène indie-pop européenne et habitué des grands festivals, Girls In Hawaii s’est résolument mis dans les pas de dEUS, emblématique formation belge qui a su sublimer un héritage pop rock un peu pesant en lieu de réinvention permanente. C’est encore le cas sur le gracile Nocturne, cinquième album studio du groupe dans lequel acoustique, électrique et électronique façonnent des chansons en apesanteur. Si ce n’est pas toujours très gai, comme Radiohead ou Syd Matters, la grâce est là, à l’évidence. © Bernard Benant

© ML Sutton

Tony Allen

18 février Espace Julien Marseille 04 91 24 34 10 espace-julien.com 16 février Le Cargo de Nuit Arles 04 90 49 55 99 cargodenuit.com

10 mars Rockstore Montpellier 04 67 06 80 00 rockstore.fr


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Radio Babel Marseille

Sarah McCoy

Les quatre voix féminines du groupe vocal La Mal Coiffée poursuivent leur exploration d’un chant polyphonique qui mêle la poésie à la langue occitane. Leur 5e album (attendu pour le 2 février), E los leons, s’inspire librement du roman d’Henry Bauchau, Diotime et les lions. Portées par les paroles et les musiques de Laurent Cavalié, elles mêlent voix et percussions pour chanter l’épopée d’une jeune fille qui va faire l’apprentissage de la transgression…

Attention Ovni musical ! La voix de cette chanteuse hors norme est tour à tour grondante, puissante mais peut aussi se faire ténue pour évoquer le blues et la soul de ses origines, la Nouvelle-Orléans. Cette force de possédée, elle la tient d’une vie passée sur les routes, qui a aussi forgé ce timbre unique, débordant d’énergie et d’émotions.

© Marc Oriol

© X-D.R.

La Mal Coiffée

17 février Cité de la Musique, Marseille 04 91 39 28 28 citemusique-marseille.com

16 février Espace Julien, Marseille 04 91 24 34 10 espace-julien.com

Chimichurri Le pianiste de jazz français Baptiste Trotignon et le percussionniste argentin -maintenant installé à Paris- Minino Garay jouent ensemble sur les plus grandes scènes depuis 2011. Chimichurri, premier album des deux instrumentistes, célèbre l’histoire de leurs deux cultures qui s’unissent sur les mélodies de Carlos Gardel et Leonard Bernstein, Charlie Parker et Paul McCartney, entre lesquelles se glissent deux compositions de Baptiste Trotignon.

Martigues solidaire

© Pontenpie

20 février La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

Souhaitant renforcer et amplifier le travail mené par l’ensemble des associations caritatives présentes sur son territoire, la Ville de Martigues organise, en partenariat avec les Restos du Cœurs, le Secours Catholique, le Secours Populaire, la Croix Rouge et l’association partage, un spectacle au principe novateur. En effet pour obtenir un ticket d’entrée il faudra faire un don de 3 denrées de premières nécessités non périssables, ou plus. Au programme, de la musique avec Cali, Kalsa Music, Runaways, de l’humour avec Elodie Poux et son Syndrome du Playmobil, Yann Guillaume, Marco, et du sport avec Giacomo Coustellier champion de VTT trial et Rémi Girard pour du free running et du parkour.

© Benoit Fatou

À l’occasion de la sortie de leur nouvel EP de 4 titres Vers des ailleurs, dont la sortie est prévue en février, les Radio Babel investissent la scène de l’Espace Julien, pour un voyage qui nous mènera des bords de la Méditerranée vers un lointain ailleurs, forcément meilleur... De quoi patienter avant un prochain album prometteur ! Les Dames de la Joliette sont de la partie (la première), avec des chants polyphoniques provençaux, grecs, italiens qui rendent hommage à la poésie et aux chants de travail des femmes.

2 mars Forum de Berre L’Étang 04 42 10 23 60 forumdeberre

biennale théâtre d’objet ´

GRELI G R E LO A U 25 20 F E V R IE R 20 18 ´

Avec :

Andy Manley! & !Teater Refleksion La main d’oeuvres Le

7

au soir

TAC TAC

ILE DE FRANCE)

PACA1/ OCCITANIE)

Anima Théâtre Histoire De

PACA)

PACA)

Skappa !& !Associés

17 février La Halle, Martigues 04 42 44 35 35 martigues.fr

HAUTS DE FRANCE)

Les ateliers du spectacle

Vélo Théâtre

PACA)

PACA)

éCOSSE1/ DANEMARK

ILE DE FRANCE)

APT LU B E RO N (84)

04 90 04 85 25 velotheatre.com


60 au programme spectacles bouches-du-rhône

Tableau d’une exécution

L’Âme humaine sous le socialisme Le dandy et esthète Oscar Wilde a rédigé au XIXe siècle un essai qui résonne étrangement à notre époque de robotique et d’intelligence artificielle. Il imaginait que les machines pourraient épargner aux humains toutes les taches ingrates, afin qu’ils aient le loisir de se consacrer à la beauté sous toutes ses formes... Avec Séverine Astel, Gérald Kurdian et Geoffroy Rondeau. Une rencontre avec l’équipe artistique est prévue à l’issue de la représentation le 21 février.

Pierre et le loup

© X DR

Ah, la musique de Sergueï Prokofiev ! Génération après génération, les personnages du conte symphonique Pierre et le loup –et le grand-père, le canard, le chat, l’oiseau..., identifiés chacun par un instrument- enchantent les enfants, qui adorent frémir. Ils en auront l’occasion dans cette version dansée, chorégraphiée et mise en scène par Émilie Lalande. À voir en famille à partir de 3 ans.

© Jean-Claude Carbone

20 au 23 février La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

Les Chatouilles ou la danse de la colère

7 au 10 mars Théâtre Joliette, Marseille 04 91 90 74 28 theatrejoliette.fr

13 & 14 mars Les Bernardines, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net

Je crois en un seul Dieu

15 au 17 mars Le Gymnase, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net 19 mars Domaine d’O, Montpellier 0800 200 165 domainedo.fr

© Sonia Barcet

Suite à une enquête approfondie auprès des discrètes communautés chinoises d’Aubervilliers et Marseille, Franck Dimech signe la 10e des Pièces d’actualité commandées à des dramaturges par le Théâtre de la Commune. Il y dénonce la pulvérisation du contrat social, le destin de « terre brûlée » des quartiers populaires, et les clichés tenaces collant à la peau des asiatiques qui y vivent. Une rencontre avec l’équipe artistique est prévue à l’issue de la représentation le 21 février.

© Willy Vainqueur

© Daniel Roch

Les Chinois à Marseille

La performance d’Andréa Bescond a raflé tous les prix (dont le Molière du meilleur Seul en scène en 2016) et conquis le public partout où elle est passée. Auteure, danseuse, actrice, elle y raconte son enfance marquée par les « chatouilles » d’un ami de la famille, l’impact qu’elles ont eu sur sa vie, amplifié par l’absence de réaction parentale. Une danse de la colère qui lève le voile sur les conséquences de la pédophilie.

Une artiste peintre de la Renaissance décide de représenter crûment la guerre au lieu de la glorifier, dans un tableau commandé par le Doge de Venise. Cette audace ne va pas être tolérée, et l’idéaliste sera confrontée à la dureté du pouvoir politique. L’œuvre maîtresse du dramaturge anglais Howard Barker, inspirée d’une histoire réelle, celle d’Artémisia Gentileschi. Agnès Régolo encadre les élèves du cursus Arts du spectacle d’Aix-Marseille Université. Entrée libre sur réservation, dans la salle de Lenche.

20 au 23 février Théâtre Joliette, Marseille 04 91 90 74 28 theatrejoliette.fr

Le dramaturge italien Stefano Massini aborde le conflit israélo-palestinien à travers trois sensibilités, trois vies : celles d’une professeure israélienne qui enseigne l’histoire juive, celle d’une étudiante palestinienne qui veut devenir une martyre terroriste, et celle d’une militaire américaine venue soutenir l’armée israélienne. Trois femmes incarnées par la même comédienne, Rachida Brakni, dirigée par Arnaud Meunier. Les destins se croisent et s’imbriquent, dans un déroulement haletant. 14 au 16 mars Théâtre Joliette, Marseille 04 91 90 74 28 theatrejoliette.fr


… de là-bas

8ème Ed.

23 février Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org

23

au

31 Mars

Toulon Le �rad� La �al�te St-Mandrier

18

© Pascale Beroujon

Du

20

Le chorégraphe Romain Bertet, pour créer cette « pièce archéologique », a souhaité « avant tout la création d’un lieu ». Il interroge donc la notion d’espace au moyen d’outils visuels et narratifs : cadre en déplacement, construction d’une histoire avec des traces, paysage changeant d’échelle, ombre du personnage qui creuse son sillon dans sa maison d’argile, jusqu’à s’y fondre... À partir de 12 ans.

INFOS ET RÉSERVATIONS WWW.PRESENCESFEMININES.COM

Partituur

Les NouveLLes Hybrides © Ian Douglas

Le premier projet consacré par Ivana Müller aux enfants, à la demande du festival néerlandais Tweetakt, réputé pour son esprit artistique aventureux. Destiné aux 7 ans et plus, il s’agit d’un jeu participatif qui efface la frontière entre le public et les performers. Tout le monde prend part à la création du spectacle, unique à chaque fois, dans un esprit facétieux propice au détournement des règles.

14 & 15 mars Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org

Saison 2017/2018

Rencontres littéraires

Luberon et Pays d’Aix-Marseille

Les Jodorowsky père et fils (Alejandro à la mise en scène, et Brontis au jeu) adaptent une nouvelle de Franz Kafka. « Au prix d’un effort encore inégalé sur cette Terre, j’ai réussi à acquérir le degré de culture de la moyenne des Européens : je pouvais reconnaître tous les chanteurs de la radio ». La performance n’est pas mince, s’agissant d’un gorille qui décide de devenir un homme. Mais l’humanité s’avérant moins séduisante que prévu, il finit par se demander, comme beaucoup d’entre nous : est-ce que tout cela en vaut la peine ?

© Adrien Lecouturier/ Patricia Béglet - Tristan Bordmann & bj

Le gorille

20 février Théâtre Toursky, Marseille 0 820 300 033 toursky.fr

Stéphane Michaka, Philippe Pujol, Didier Castino, Pascale Petit, Laura Alcoba, Velibor Čolič, Lenka Hornakova-Civade, Alain Guyard, Jean-Christophe Bailly Les NouveLLes Hybrides

04 90 08 05 52 www.lesnouvelleshybrides.com


62 au programme spectacles bouches-du-rhône var vaucluse

Festi’ Femmes

C’est quand qu’on va où !?

Le Théâtre Toursky accueille deux soirées durant le 23e Festival d’art et d’humour au féminin. Au programme le premier jour, RebelleS : Karine Lyachenko y incarne Marylin Punk, une femme fatale qui aime bien tout envoyer valser. Le lendemain, La famille Mamma mia ! devrait vous vacciner à tout jamais des mariages : Zize Dupanier y ravage celui de son fils, armée de mauvaise foi et de gouaille marseillaise.

Les deux premiers épisodes des aventures d’Arletti (clown de Catherine Germain), et son compère Zig (celui de Dominique Chevallier). Un spectacle décliné par François Cervantes depuis 1988 (il fête donc ses 30 ans, de même que le Théâtre Massalia). Qui n’a pas pris une ride, mais mûri et évolué, au rythme de ses interprètes. Ils sont curieux des mystères de la vie comme au premier jour, ces anges dérisoires !

© Philippe Cibille

Rebelles © Thomas Braut

La curiosité des anges

Ils ont grandi dans l’itinérance d’un cirque et racontent leur histoire d’enfants de la balle. Sébastien Armengol et Émilie Bonnafous ont dû s’ancrer un peu en Bretagne après avoir longtemps vécu en caravane ; c’est leur façon à eux de rendre hommage au mode de vie nomade des circassiens traditionnels et contemporains. Le 17 mars, l’équipe animera un atelier cirque (renseignements au Théâtre Massalia). 16 au 18 mars Théâtre Massalia, Marseille 04 95 04 95 75 theatremassalia.com

© Christophe Raynaud de Lage

16 & 17 mars Théâtre Toursky, Marseille 0 820 300 033 toursky.fr

La première pièce destinée au jeune public du chorégraphe Christian Ubl, qui utilise le conte Hansel et Gretel comme porte d’entrée vers la danse contemporaine. Il y explore plus particulièrement le thème de la nourriture dans ses aspects sociaux, émotionnels et physiques, sans oublier son rôle dans la construction de l’identité de chacun. Les danseuses et danseurs de la Cie Cube sont accompagnés d’un musicien, Fabrice Cattalano. Pour les 8 ans et plus.

Choux / Chantilly

6 & 7 mars Théâtre Massalia, Marseille 04 95 04 95 75 theatremassalia.com

© Alain Misrachi-MP2018

© Fabienne Gras

H&G

13 mars Espace Chapiteaux de la Mer, La Seyne-sur-Mer 0800 083 224 polejeunepublic.fr

Le sixième jour François Cervantes revisite l’un de ses spectacles phares. La clown Arletti (Catherine Germain) rôde autour des lieux publics, cherche à s’approcher des gens dans les facultés, dont elle apprécie l’atmosphère. Elle vole le cartable d’un conférencier endormi au pied d’un arbre (est-ce un pommier ?) et le remplace pour son allocution sur la Genèse, en tentant de comprendre comment au 6e jour de la création l’aventure de l’homme a commencé.

16 & 17 février CDCN Les Hivernales, Avignon 04 28 70 21 82 hivernales-avignon.com

9 au 11 mars Théâtre Massalia, Marseille 04 95 04 95 75 theatremassalia.com

Attention : exceptionnellement cette Sirène se tiendra le 2e et non le 1er mercredi du mois sur le Parvis de l’Opéra. Elle coïncidera en effet, Saint Valentin oblige, avec le lancement de MP2018. Deux fous de cuisine, Marie-Josée Ordener et Emmanuel Perrodin, y joueront une « partition pour batteries et culs de poule » avec Vincent Robinot, corniste de l’Orchestre Philharmonique de Marseille. Au menu : chantilly géante et dégustation de choux (à la crème).

20 février Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 scenesetcines.fr

13 au 17 février Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com

14 février Lieux publics, Marseille 04 91 03 81 28 lieuxpublics.com

23 & 24 février Théâtre Massalia, Marseille 04 95 04 95 75 theatremassalia.com


63

Kolik

Oh Boy !

Le rituel urbain de Lieux Publics célébrera cette fois les noces du cirque et de la musique, aux côtés du danseur-circassien Félix Carrelet, du joueur de oud Yadh Elyes, et de la percussionniste Lucie Antunes. Sur le Parvis de l’Opéra de Marseille à midi pile, leur Sirène questionnera la chute : qu’est-ce qui nous fait tomber d’un côté ou de l’autre de la colère, de la folie, de l’espoir ?

Une belle occasion de découvrir ou revoir le petit bijou adapté par Catherine Verlaguet du roman de Marie-Aude Murail, joué et mis en scène par Olivier Letellier : Oh Boy ! Il s’agit de l’exclamation favorite de Barth, qui, à 26 ans, se voit convoqué par le juge des tutelles qui lui confie la garde de ses trois demi-sœurs et frère, dont il ignorait encore l’existence… Seul en scène, l’acteur donne vie à une multitude de personnages. Bouleversant de justesse et d’émotion.

© Herve Bellamy

Bascules

7 mars Lieux publics, Marseille 04 91 03 81 28 lieuxpublics.com

© Christophe Raynaud de Lage

16 & 17 février Salle du Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 88 71 74 80 boisdelaune.fr

21 au 23 février Théâtre du Jeu de Paume, Aix-en-Provence 08 2013 2013 lestheatres.net

12 & 13 février Montevidéo, Marseille 04 91 37 97 35 montevideo-marseille.com

Petit essai sur le temps qui passe

Don Quichotte

Au chevet de son dernier fils mourant, Emma raconte. En France, c’est la misère : elle est veuve avec quatre enfants. L’administration coloniale la pousse à accepter 20 hectares de terre en Algérie, mirage de prospérité… Mais c’est l’enfer qui s’offre. Micheline Welter offre ce texte d’après le roman de Mathieu Belezi. Un témoignage poignant sur la condition humaine et féminine ! 13 & 14 mars Salle du Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 88 71 74 80 boisdelaune.fr

© E. Nobile

Un faux pas dans la vie d’Emma Picard

L’œuvre de Cervantès naît à la danse par la chorégraphie de Marius Petitpa, (qui ne se souvient des fameux 32 fouettés du célèbre pas de deux de Kitri et Basilio !). Éric Vu-An, qui a dansé autrefois le rôle virtuose de Basilio, adapte ce monument de la littérature et du ballet classique, avec le Ballet Nice Méditerranée. Les amours contrariées de Kitri et Basilio tissent la trame de cette œuvre colorée, vive, enthousiaste, qui perpétue la tradition classique. 7 mars Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence 08 2013 2013 lestheatres.net

Créé en 1995, le Petit essai sur le temps qui passe (pièce pour 8 danseurs) d’Angelin Preljocaj décline en courtes saynètes les bribes du temps, fragments d’émotions, échos de chansons… L’insaisissable prend corps dans ces courtes notes poétiques. Suit une comédie musicale d’Hervé Chaussard, en résidence au Pavillon Noir, Willy. Nuit déjantée et surprenante où l’improbable est ce qui a le plus de chance d’arriver !

© JC Carbonne

© Blaise Moulin

« CerveauCrasseHommeVas-yFonce(allez) viteViteDehorsHumainl’hommeAllez »… Le texte au scalpel de Rainald Goetz défie les lois de la syntaxe, et déconstruit le monde. Troisième volet de la trilogie Guerre, Kolik montre et dit une pensée acculée, quand plus rien n’a autant d’importance que la vérité des derniers instants de vie. Thierry Raynaud incarne ce texte brut, dans une mise en scène puissante et tourmentée d’Hubert Colas. (voir p.14)

15 au 17 mars Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 preljocaj.org


64 au programme spectacles bouches-du-rhône vaucluse

J’ai inventé un stratagème…

2043

La Cie Ma voisine s’appelle Cassandre remplace la version initialement prévue de la mise en scène de Bianca, un petit roman Lumpen par la lecture d’un choix de nouvelles extraites des recueils Le Jardinier de Sarajevo de Miljenko Jergović et Ce qui désirait arriver de Leonardo Padura. Histoires particulières et grande Histoire se font écho dans une mise en scène de Nanouk Broche. Sortie de résidence en entrée libre.

Quitter la Terre

© Alexandre Morel et Jeanne Quattropani

J’ai inventé un stratagème pour rester dans cette histoire 16 février Théâtre Vitez, Aix-en-Provence 04 13 55 35 76 theatre-vitez.com

© Collectif Mensuel

Et si… tout était à recommencer ? S’inspirant des mythes du renouvellement de l’humanité, Joël Maillard organise une fin du monde douce pour une population vieillissante et stérile tandis que, dans des stations orbitales, quelques 50 000 représentants de l’espèce humaine vivent, se reproduisent, sont invités à rédiger « l’Encyclopédie de tout ce dont on croit se souvenir », et attendent le retour sur une planète régénérée… Quitter la Terre, pour mieux y revenir ? (spectacle proposé par les ATP)

La Promenade

La société est devenue ultra-sécuritaire et les livres sentent le soufre, le jeune Stefan a le « malheur » d’avoir un père libraire qu’il soupçonne même de fréquenter le groupe révolutionnaire Les Mots… La dystopie évoquée par le roman de Sam Mills, Black-out, et portée à la scène par le Collectif Mensuel et Baptiste Isaia séduit par la puissance de sa réflexion autour de la liberté. (Spectacle des tournées du Réseau du Chaînon) 15 février Théâtre de Fontblanche, Vitrolles 04 42 02 46 50 Vitrolles13.fr

17 février Théâtre des Ateliers, Aix-en-Provence 04 42 26 83 98 atp-aix.net

22 février L’Alpilium, Saint-Rémy-de-Provence 04 90 92 70 37 mairie-saintremydeprovence.fr

La compagnie En devenir s’inspire de l’ouvrage de Robert Walser, La Promenade. Le protagoniste sort de chez lui un matin et passe sa journée à marcher et à décrire les paysages, les êtres qu’il rencontre. Légèreté et méchanceté se glissent dans son regard détaché et moqueur… Un petit régal de poésie et d’humour mis en scène par Malte Schwind. (étape de travail après une résidence)

21 février Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 96 80 auditoriumjeanmoulin.com

Deux temps du cycle Esprit du Théâtre des ATP sont consacrés à l’œuvre de la grande résistante Charlotte Delbo. Le premier (avec la participation des élèves de la classe théâtre du conservatoire sous la direction d’Isabelle Lusignan) est une lecture d’un florilège de textes de celle qui rappela les horreurs d’Auschwitz avec Aucun de nous ne reviendra ; le second lors d’une conférence de Claude Alice Peyrottes autour de la correspondance qu’elle entretint avec Louis Jouvet dont elle fut la secrétaire.

Le Schpountz La ville d’Aubagne a pour tradition de fêter tous les 28 février l’anniversaire de Marcel Pagnol en proposant une pièce de l’auteur : une équipe de cinéma parisienne, de passage dans son village, se joue d’Irénée qui rêve de devenir une star du grand écran, en lui faisant signer un contrat factice. Arrivé à Paris, Irénée comprend enfin la farce dont il est l’objet… Mais le Schpountz (mis en scène par Marco Paolo) peut s’avérer talentueux dans l’univers de la comédie…

Charlotte Delbo © X DR

© Ludivine Venet

Charlotte Delbo

23 février Théâtre Vitez, Aix-en-Provence 04 13 55 35 76 theatre-vitez.com 16 et 23 mars Conservatoire Darius Milhaud, Aix-en-Provence 04 42 26 83 98 atp-aix.net

28 février Théâtre Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr


65

Boucle / Paradoxal wild

Haut les nains !

Les mots sont en effet inutiles dans le spectacle de Léandre Ribera. Avec un humour empli de poésie, il nous convie dans un monde où l’absurde affleure dans le quotidien, où les placards renferment parfois des monstres, où les lampes ont un caractère pas toujours très facile, où tables et chaises sont bancales… Un spectacle de clown qui sait réenchanter le monde.

L’histoire de Blanche Neige revisitée à la sauce fantaisie grâce à une bonne dose d’imagination et deux conteurs-acteurs « mimeurs de fond » truculents ! Yvette Hamonic et Alain Guhur la racontent en quelques mots, beaucoup d’images, de sons, de lumières et de tissus blancs, faisant apparaître et vivre tous les personnages et les lieux sans rien oublier !

© Vincent Vanhecke

Paradoxal Wild © Michel Varlet

Rien à dire

7 mars Théâtre Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr

27 février Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 les-salins.net

Monstres, on ne danse pas pour rien

Jusque dans vos bras © X DR

Artiste invité des Salins tout au long de la saison, le danseur et chorégraphe congolais DeLaVallet Bidiefono est aujourd’hui l’une des figures majeures de la danse contemporaine en Afrique. Artiste engagé, il a construit en 2015 un centre chorégraphique dans la capitale congolaise, l’Espace Baning’Art, avec les danseurs de sa Cie Baninga ; sa dernière création s’inspire de cette expérience, empreinte de la nécessité de construire un avenir artistique dans ce pays, avec une danse physique, acrobatique, véritable élan vital qui donne force et espoir.

© Loll Willems

1er mars Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 theatre-semaphore-portdebouc.com

© Hafid Chouaf

23 février Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 les-salins.net

Deux jeunes chorégraphes partagent le plateau le temps d’une soirée : le performeur Xuan Le propose sa première création, Boucle, qui met à l’honneur la danse sur rollers, entre hip hop et danse contemporaine ; premier solo hip hop aussi pour le danseur et chorégraphe Nacim Battou dans Paradoxal wild, immergé au cœur de la scénographie numérique de son complice Michael « Caillou » Varlet. Dans le cadre du festival Pluhf organisé par le site Pablo Picasso.

Le collectif Les Chiens de Navarre promet une tentative de psychanalyse humoristique de l’Histoire de France dans leur dernière création. Ils s’emparent donc de certains de ses totems : Napoléon, De Gaulle, Robespierre et Obélix, l’exception française… Dérision, perspectives décoiffantes, les travers politiques ne seront pas épargnés, et l’identité française risque de vaciller sur ses certitudes ! Mise en scène de Christophe Meurisse. 16 mars Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 les-salins.net

Le chant du hamac Trois personnages, un piano et un hamac… pour un voyage immobile, un cabaret « lascif et flegmatique » en direction d’Utopie, lieu de tous les possibles. Jeanne Béziers (Macompagnie) convoque pour ce faire les mots de Paul Lafargue, Jules Verne, Rabelais, Érasme ou encore Shakespeare pour mieux les détourner, les retourner et invoquer rêves et colères qui nous constituent. 8 & 9 mars (en appartement) Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 theatre-semaphore-portdebouc.com


66 au programme spectacles bouches-du-rhône var hérault vaucluse alpes

Ophélie

Un break à Mozart 1.1

Le Révizor ou l’inspecteur du Gouvernement

© Macompagnie

Jeanne Béziers crée un « drame aquatique pour trois acteurs et un piano » autour du personnage central de la pièce de Shakespeare, Hamlet. Drapée dans un grand voile qui deviendra écran, elle raconte son Hamlet, sa version de l’histoire. Dans cette fable « où le plus faible n’est pas celui que l’on pense », Jeanne Béziers est accompagnée de Martin Mabz et Cédric Cartaut. 16 & 17 mars Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 theatre-semaphore-portdebouc.com

© Xavier Léoty

Paula Giusti, Cie Toda Via Teatro, revisite l’œuvre de Gogol en faisant du rôle-titre, celui du Révizor, une marionnette manipulée par son valet mais aussi parfois par tous les personnages qui gravitent autour de lui. Une façon, pour la metteure en scène, d’amplifier le quiproquo à l’origine de l’intrigue : l’annonce de la venue d’un inspecteur du Gouvernement dans une petite ville de Russie provoque une paranoïa chez les autorités locales, exacerbée par l’arrivée d’un jeune voyageur que tous se mettent à craindre…

C’est une rencontre époustouflante entre deux univers à priori opposés mais qui vont se nourrir l’un l’autre, créer une osmose surprenante : la danse hip hop et la musique classique, avec deux œuvres majeures de Mozart, Le Requiem et Don Giovanni. Kader Attou fait dialoguer et se répondre la puissance des dix danseurs de sa Cie Accrorap avec le jeu de dix instrumentistes de l’Orchestre des Champs-Élysées, présents sur scène. Accord parfait !

15 mars La Colonne, Miramas 04 90 50 66 21 scenesetcines.fr

10 mars Théâtre de L’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr

Fair Play Patrice Thibaud, le grand, et Philippe Leygnac, le petit, accordent leurs physiques contrastés et complémentaires pour offrir une pantomime sur le sport à couper le souffle… de rire ! Leurs corps vont se transformer au gré des performances évoquant l’élégance des boxeurs, haltérophiles, gymnastes, passant d’états de grâce à la déchéance des perdants émouvants. Dans un irrésistible surpassement de soi !

7 & 8 mars Opéra Berlioz/Le Corum, Montpellier 0 800 600 740 montpellierdanse.com

La petite casserole d’Anatole C’est un petit bonhomme touchant Anatole, qui aime le dessin, la musique… Mais un jour une casserole rouge lui tombe dessus, on ne sait pas pourquoi. Alors il la traîne partout, et ça le rend différent des autres. Difficile de se faire accepter et comprendre dans ces circonstances, autant disparaître. Mais heureusement… La Cie Marizibill a adapté l’album d’Isabelle Carrier (éd. Bilboquet), touchante métaphore du handicap et de l’acceptation de la différence, pour les enfants dès 3 ans.

Le Tarot du grand tout Ce jeu de cartes est tout droit sorti de l’imagination du conteur, auteur et musicien Lamine Diagne. Après une immersion dans les services pédiatriques de l’hôpital de la Timone, à Marseille, il a imaginé ce spectacle nourri par les histoires intimes et imaginaires de jeunes enfants hospitalisés. Ibo, jeune garçon accidenté de la route, est accompagné dans sa guérison par son oncle Slim, musicien qui invente des histoires au cœur de cet univers hors et dans le monde.

17 mars Espace Gérard Philippe, Port-Saint-Louis 04 42 48 52 31 scenesetcines.fr 21 mars Espace 233, Istres © Rebecca Josset

21 février Forum de Berre L’Étang 04 42 10 23 60 forumdeberre.com

16 mars Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 scenesetcines.fr

24 mars Espace Robert Hossein, Grans 04 90 55 71 53 scenesetcines.fr


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Sous le pont

Laurance Henry (artiste compagnonne cette saison à La Garance) aborde le thème de l’enfance, de sa transmission possible, et plus particulièrement dans cette création le rythme, le geste premier. Sur scène deux danseurs confrontent leurs âges, leurs savoirs, leurs mémoires. Françoise Bal Goetz, 75 ans, et Jordan Malfoy, 28 ans, jouent de l’énergie de l’un, de la précision de l’autre, l’une se souvient, l’autre s’éloigne… de l’enfance.

© Marc Coudrais

13 février Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 theatre-arles.com

Il sera question d’exil avec Sous le pont, un texte de Abdulrahman Khallouf mis en scène par Amre Sawah, tous deux syriens, échafaudé à partir d’histoires réelles qui évoquent le chaos des cinq dernières années dans ce pays à travers le personnage de Jamal, jeune réfugié arrivé en France. Seul, vivant sous un pont, il va enchaîner les déboires et les mauvaises rencontres, jusqu’à ce qu’un syrien, militant pour les droits de l’homme et naturalisé français, lui vienne en aide. 15 & 16 mars Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 theatre-arles.com

J’aime pas ma petite sœur

Bovary

Deux sœurs, une rivalité, deux points de vue. Si la grande n’aime pas la petite, l’inverse est tout aussi notable ! Agnès Pétreau, fondatrice de la Senna’ga Cie, adapte le livre de Sébastien Joanniez (éd. du Rouergue), et transforme cette guerre fratricide en une ode à la parole émancipatrice, ainsi qu’au dialogue, et questionne les notions de place (au sein de la famille) et de limite. Dans le cadre de la manifestation Le Mois de la famille.

Il s’agit bien du roman de Gustave Flaubert, Madame Bovary. Mais c’est par le prisme du scandale provoqué par le roman, et le procès qui fut intenté en 1857 à l’écrivain pour outrage à la morale publique et religieuse, que Tiago Rodrigues adapte cette œuvre. La langue juridique des avocats se mêle à celle du roman et d’une lettre imaginaire de Flaubert à une maîtresse, composée à partir de sa correspondance.

© Raphael Cauhepe-Francois

En un éclat

Christian Rizzo, directeur du Centre chorégraphique national de Montpellier, poursuit avec cette pièce son travail empreint d’onirisme et de figures plastiques hybrides. Il propose une incursion dans le monde de l’enfance, en passant par les à-côtés de la scène : le son, les images, la lumière, qu’il élève à la hauteur des corps dansants. Pour éveiller les sensations enfouies dans le quotidien adulte, il plonge dans la dimension insondable de l’invention et des souvenirs, accompagnés par trois danseurs.

© lyad Kallas

D’à côté

17 février La Garance, Cavaillon 04 90 78 64 64 lagarance.com

Les eaux et forêts Une banale histoire d’altercation entre passants à cause d’un chien et c’est Paris qui pourrait être contaminée par la rage, façon film catastrophe. Mais rien n’est banal dans ce texte de Marguerite Duras que Michel Didym met en scène. La comédie, plus profonde qu’il n’y paraît, révèle la complexité des existences des protagonistes, dans une langue magnifique où se mêlent l’absurde et le cocasse.

© Pierre Grosbois

© François Moisette

17 février Centre culturel, Charleval 04 42 28 56 46 charleval-en-provence.org

21 & 22 février Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 theatre-arles.com

22 février La Garance, Cavaillon 04 90 78 64 64 lagarance.com

16 & 17 février Châteauvallon – Scène nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com

16 au 18 février Anthéa, Antibes 04 83 76 13 00 anthea-antibes.fr


68 au programme spectacles vaucluse var

La Belle

Le Chien

© Theatre Rive Gauche

Voilà cent ans que la belle s’est endormie, et qu’elle rêve… Du monde doux et blanc qui l’enveloppe, elle nous convie à la rejoindre, à partager ses songes un peu fous, comme celui qui lui fait espérer voir arriver deux princes pour la délivrer ! Accompagnés de Joachim Maudet, Bérengère Fournier et Samuel Faccioli, danseurs et chorégraphes de la Cie La Vouivre, donnent corps aux mondes intérieurs de la jeune dormeuse dans cette variation onirique sur le rêve et le temps.

Aux sources de la dernière création du Système Castafiore, il y a la découverte d’un manuscrit du XVIe siècle qui répertorie miracles et prodiges, met en mouvements le virtuel et le réel, le merveilleux et l’artisanal, et nous plonge dans l’imaginaire sans fin de Marcia Barcellos et Karl Biscuit. La danse se déploie au cours de seize tableaux éblouissants, des mondes vertigineusement superposés où se côtoient l’émerveillement et la poésie.

Théorie des prodiges

© Marine Drouard

Théorie des prodiges

17 mars Salle Benoît XII, Avignon 04 90 33 96 80 auditoriumjeanmoulin.com

17 mars La Garance, Cavaillon 04 90 78 64 64 lagarance.com

Cabaret flamenco En collaboration avec l’association Les Nuits Flamencas d’Avignon, le Chêne Noir renoue cette année encore avec la tradition andalouse du « Tablao » autour d’un dîner-spectacle. Entourée de jeunes danseurs, et de musiciens de la région, la danseuse et chorégraphe Maria Pérez (qui a fondé et dirige le Centre marseillais Solea) offre une danse spontanée, élégante, issue d’un flamenco qu’elle veut simple et communicatif.

Samuel Heyman a beau être un médecin de campagne retraité, apprécié de tous, il n’en demeure pas moins un mystère pour sa fille. Que cache cet homme admirable qui vécut toute sa vie avec un chien, toujours de race beauceronne ? Sa rencontre avec un écrivain, nouvellement arrivé dans le village, ne permettra pas plus de percer une histoire bien cadenassée… Marie-Françoise et Jean-Claude Broche mettent en scène le texte d’Eric-Emmanuel Schmitt. 17 février Théâtre du Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 theatredubalcon.org

Bovary…

13 février Le Rocher, La Garde 04 94 08 99 34 ville-lagarde.fr

Que serait Emma Bovary aujourd’hui ? Quelle héroïne aurait pu en faire François Truffaut ? Pour avoir des réponses, quoi de mieux que convoquer sur scène, afin de pouvoir partager avec eux doutes et obsessions, l’auteur du roman, le cinéaste putatif, mais aussi les personnages et le public ? Cendre Chassanne met en lumière l’intemporalité et la modernité du roman –le féminisme, l’éducation, l’abandon…- en entremêlant au texte musique et vidéo.

La langue d’Anna Anna Magnani. C’est d’elle dont il s’agit, immense actrice, figure de proue du néoréalisme du cinéma italien d’après-guerre. Bernard Noël lui a donné la parole dans son livre éponyme (P.O.L. éd.), imagine ses confidences, magnifie des souvenirs inventés. Olivier Broda met en scène Annick Gambotti dans un monologue qui remonte le temps, et portraitise autant la femme que l’époque. © Octave Paute

16 février Théâtre du Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 chenenoir.fr

Bovary, les films sont plus harmonieux que la vie 15 & 16 février Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 theatredeshalles.com

7 mars Théâtre du Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 theatredubalcon.org


au programme spectacles vaucluse alpes bouches-du-rhône

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Les événements

Danser ou jouer ? Un peu les deux... Les artistes ont en main des cartes à danser. Le public est avec eux, sur la scène, comme sur un immense plateau de jeu de société. Les danseurs tirent une carte et les spectateurs choisissent comment elle sera interprétée. Les combinaisons s’improvisent au son des mélodies des Doors qui accompagnent Arthur Pérole, le chorégraphe, et ses trois partenaires. La danse se construit sous nos yeux, le spectacle devient création instantanée et commune. (voir p.12)

17 février Théâtre Durance, Château-Arnoux/Saint-Auban 04 92 64 27 34 theatredurance.fr

Comment j’ai dressé un escargot sur tes seins ? De la rencontre à la relation amoureuse, puis l’histoire d’un couple, jusqu’au divorce, le texte de Matei Visniec se fait loufoque et poétique, toujours extravagant et décalé. Serge Barbuscia le met en scène, avec Salvatore Caltabanio dans le rôle de Gérard, un écrivain racontant les épisodes, fétichiste et mystérieux (dresser un escargot pour…), de son histoire d’amour passée avec Madame, avant de réaliser que son inspiration était en elle… 16 & 17 mars Théâtre du Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 theatredubalcon.org

13 & 14 mars Théâtre Durance, Château-Arnoux/Saint-Auban 04 92 64 27 34 theatredurance.fr

20 février Salle Guy Obino, Vitrolles 04 42 02 46 50 vitrolles13.fr

Envol Un oiseau s’est égaré dans un aéroport. Cerné par des colosses aux ailes de métal et des bipèdes chargés de bagages, il erre, tâtonne. Pour aller où ? De lui, on dit qu’il est migrateur. Des hommes qui cherchent à franchir des frontières et s’envoler ailleurs, on dit qu’ils sont migrants. L’un comme l’autre sont animés de liberté. Philippe Boronad met en scène ce texte de Catherine Verlaguet, avec Michelle Cajolet-Couture à l’interprétation.

Les filles aux mains jaunes Celle qu’on croyait la Der des Ders, vorace guerre de tranchées pour les hommes, fut aussi à la source des premières émancipations féminines. Dans cette usine, les femmes fabriquent les obus qui partiront au front. Ce sont les « obusettes », ou « les filles aux mains jaunes ». Malgré les combats qui font rage, l’heure est aussi aux luttes ouvrières, aux revendications salariales, sociales et politiques. La pièce de Michel Bellier, mise en scène par Joëlle Cattino, révèle ces coulisses méconnues de la guerre de 14.

21 février Théâtre Durance, Château-Arnoux/Saint-Auban 04 92 64 27 34 theatredurance.fr 14 mars Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 theatre-du-brianconnais.eu

© X DR

© X DR

8 mars Théâtre du Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 theatredubalcon.org

L’empathie est au cœur de ce texte de David Greig. Une pasteure idéaliste, incarnée par Romane Bohringer, anime une chorale dans un quartier d’immigrés. Lors d’une répétition, un homme surgit et tire sur ceux qui ne sont « pas d’ici ». La pasteure, malgré le choc, cherche alors à dialoguer avec l’assassin et à le comprendre. À Durance, le Chœur Départemental des Alpes-de-HauteProvence sera sur scène, à Vitrolles, ce sera la Chorale de la Maison pour Tous.

© Nina-Flore Hernandez

Rock’n chair

Une femme, dans une maison de retraite dont elle est pensionnaire, se prépare pour une représentation qu’elle va donner le soir même dans le réfectoire. Des souvenirs affluent dans sa mémoire : fantômes convoqués d’une vie consommée ou pure invention ? Qui est-elle donc cette femme qui ressemble tant à Marilyn Monroe, elle ou une autre ? Ivan Romeuf a écrit, et met en scène, ce texte bouleversant pour Marie-Line Rossetti, glissant ça et là des extraits tirés du recueil Fragments de l’actrice (éd. du Seuil), née Norma Jean Baker.

© Eric Didym

L’autre là, la blonde

17 mars Théâtre Durance, Château-Arnoux/Saint-Auban 04 92 64 27 34 theatredurance.fr


70 au programme spectacles alpes var alpes-maritimes

Le pas de Bême

À vif

© Martin Colombet

Le dernier des hommes La Cie Cartoun Sardines s’est fait une spécialité d’adapter au théâtre les chefs-d’œuvre du cinéma muet. Après Faust, elle s’empare d’un autre film de Friedrich Wilhelm Murnau, réalisé en 1924. Le dernier des hommes raconte la mise à pied d’un portier de grand hôtel. Le film est projeté pendant le spectacle et les comédiens font en sorte de « se glisser entre la pellicule et le spectateur ». Ils dépeignent ainsi l’humiliation de ce personnage, dépouillé de sa livrée, puis sa renaissance…

© Philippe Gargon

© Nathadread

Et un jour, Bême décida d’arrêter de faire ce qu’on attend de lui. Tout simplement. Bême est un lycéen comme un autre, et même plutôt meilleur que les autres, adolescent tranquille, docile. Jusqu’au jour où il ne rend plus que des copies blanches. Transgression infime et ultime. Peu à peu, un groupe, une société, un monde se dérègle, car l’un de ses rouages ne répond plus. Trois acteurs de la Cie Théâtre Déplié interprètent ce texte d’Adrien Béal, mis en scène par l’auteur. 20 au 22 février La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu

16 février Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 theatre-du-brianconnais.eu

13 février Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr

Réparer les vivants

Héroïnes #1

© E.Carecchio

Le roman de Maylis de Kerangal est porté à la scène par Sylvain Maurice et interprété par Vincent Dissez accompagné du guitariste Joachim Latarjet. Sur la scène un tapis roulant, comme ceux des aéroports. Invitation au voyage ? En quelque sorte. Voyage sans retour pour l’un, nouveau départ pour l’autre. Le spectacle plonge dans cette course contre la montre que représente le don d’organes. Une transplantation cardiaque doit être réalisée. Simon, 19 ans, va mourir. Son cœur tout jeune va sauver une vie. 12 au 14 mars La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu

C’est à un match poétique et politique que se livrent deux avocats, représentant « deux France opposées », celle des nantis et celle des délaissés. Pour l’un l’État est coupable de la situation des banlieues, l’autre atteste que les citoyens sont responsables de leur propre condition. Le texte du rappeur et poète humaniste Kery James (qui joue aussi l’un des rôles aux côtés de Yannik Landrein) fait éclater la parole, restaure un cadre possible pour le vivre ensemble.

« Titre provisoire permanent », précise le soustitre de ce spectacle de la Cie Les Passeurs. Avec ce monologue écrit par Sabine Tamisier, la comédienne Lucile Jourdan a conçu le premier volet d’un triptyque. Associée au Théâtre du Briançonnais depuis 2012, l’artiste interprète Livia, tombée en déchéance par l’alcool. Alors elle parle, sans cesse. 20 février Bar du Villard, Villard-Saint-Pancrace 21 février Bar Lou Ratel, La Grave 22 février Buffet de la gare, Briançon 23 février Auberge de jeunesse, Guillestre 24 février Foyer culturel, L’Argentière-La Bessée 04 92 25 52 42 theatre-du-brianconnais.eu

15 & 16 février ECSVS, La Roquette-sur-Siagne 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com

Scènes de la vie conjugale Le film d’Ingmar Bergman est adapté par Jacques Fieschi et Safy Nebbou, qui signe également la mise en scène. Laetitia Casta et Raphaël Personnaz incarnent Marianne, avocate, spécialisée dans les divorces, et Johan, professeur de psychologie appliquée. Ils sont mariés depuis dix ans, mais le couple idéal des premiers temps se délite. Il en aime une autre. L’angoisse (ou l’espoir ?) de la séparation s’impose alors à eux. 16 au 18 février Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr 13 et 14 février Théâtre Anthéa Antipolis, Antibes 04 83 76 13 00 anthea-antibes.fr


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Collector

Le tour de valse

Est-il encore besoin de présenter le conte initiatique et humaniste d’Antoine de Saint-Exupéry ? Chacun a en tête les dessins de l’auteur qui illustrent l’ouvrage, personnage à jamais identifié blanc et blond… Dans la version que met en scène Stella Serfaty, le petit prince est noir (Nelson Rafaëll Madel), qui vient bousculer nos aprioris sur l’œuvre, et ainsi prouver que « l’être intérieur n’a pas de couleur ». L’aviateur blanc (François Frapier) et le Petit prince cohabitent, et au-delà des apparences sont une seule et même personne.

La bande dessinée de Denis Lapière et Rubén Pellejero relate une histoire d’amour qui se déroule durant l’époque stalinienne d’après-guerre : en septembre 1946, Vitor Kolonieitsev est arrêté sur dénonciation anonyme et déporté en Sibérie. Montée en une séquence vidéo dynamique, image après image et sur grand écran, la quête de Kalia pour retrouver son mari est accompagnée en direct par les musiciens Jean-Pierre Caporossi (piano, claviers, machines et percussions) et Tony Canton (violon, samples et percussions), qui assure aussi la direction artistique du spectacle.

© Bruno Bayol

© Jean Barak

Le petit prince

22 février Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr

Dans cette chorégraphie, Michel Kelemenis se plonge dans ses souvenirs de jeunesse. À la fois récitant et chorégraphe-danseur, il ravive les duos de ses premiers pas en 1984 à Montpellier, avec Dominique Bagouet et Angelin Preljocaj. Deux danseurs, Luc Bénard et Laurent Le Gall, et deux danseuses, Claire lndaburu et Cécile Robin-Prévallée, s’en font les interprètes. Il leur confie cette sorte d’autobiographie tout en autodérision, où les chansons de France Gall et Christophe se mêlent aux musiques de Debussy.

20 février Théâtre du Rocher, La Garde 04 94 08 99 34 ville-lagarde.fr

La religieuse

13 mars Châteauvallon – Scène Nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com

Poursuivant son travail de recherche entre théâtre et cinéma, le Collectif 8 s’attaque cette fois à cette œuvre de Diderot. Gaële Boghossian, qui signe l’adaptation du texte, l’interprète également aux côtés de Noémie Bianco. Le duo d’actrices, mis en scène par Paulo Correia, s’interroge sur les schémas qui se reproduisent au fil de l’histoire humaine : l’endoctrinement, l’ignorance ou la négation de l’individu, que traitaient déjà Diderot en son temps.

Stadium

Festen

© James Kerwin

15 et 16 mars Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr

Ils sont 53 sur scène. Ils sont supporters du Racing Club de Lens, l’équipe de football emblématique du nord de la France. Mohamed El Khatib et Fred Hocké leur ont proposé d’écrire en commun « une partition pour classe populaire ». Assistés, pour la partie foot, de l’entraîneur Rolland Courbis, et pour la partie sociale, du sociologue Williams Nuytens. Cette peinture du réel, mêlée d’intentions politiques et esthétiques, oscille entre fiction improbable et documentaire saisissant. 16 & 17 mars Châteauvallon – Scène Nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com

© X DR

© X DR

Une quinzaine d’acteurs du Collectif MxM, mis en scène par Cyril Teste, s’emparent du célèbre film de Thomas Vinterberg. Mêlant cinéma et théâtre, leur adaptation unit les deux formes, le spectacle étant filmé et monté en temps réel. Cette œuvre acide et corrosive dépeint la déchéance d’une famille de notables. Lors d’un banquet familial, l’un des fils révèle sans détour son lourd secret. Lui et sa sœur jumelle, qui s’est récemment suicidée, ont été violés par leur père tout au long de leur enfance.

14 mars Théâtre du Rocher, La Garde 04 94 08 99 34 ville-lagarde.fr


72 au programme spectacles var alpes-maritimes

On purge bébé

Amphitryon

15 février, Salle Polyculturelle, Vidauban 17 février, Salle L’Oiseau Lyre, Les Arcs-sur-Argens 19 février, Salle Polyvalente, Trans-en-Provence 21 février, Médiathèque, Le Muy 24 février, Salle des Fêtes E. Soldan, Taradeau

23 février Théâtre Marelios, La Valette-du-Var 04 94 23 62 06 lavalette83.fr

Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com Allan Watsay, détective privé © Cie Sens en éveil.

Mystère et Boul2gom

Comme chaque année à l’approche du printemps, le Festival de magie du Théâtre Marélios accueillera spectacles et ateliers dans toute la ville. Magie technologique, avec Je clique donc je suis, par la Cie Le Phalène, qui transforme les téléphones portables en mentalistes. Magie mystère, avec Allan Watsay, détective privé, de la Cie Sens en éveil. Ou encore magie drôle et poétique, avec Divertimento magique de Jean-Philippe Loupi, qui animera également un atelier d’initiation ouvert à tous. 16 au 18 mars Théâtre Marelios, La Valette-du-Var 04 94 23 62 06 lavalette83.fr

© André Muller

Lorsque les Dieux décident de descendre sur terre pour s’amuser aux dépens des humains, c’est la zizanie assurée ! Entre quiproquos, malentendus et rebondissements, Molière invente une fantaisie mythologique fantastique et joyeusement amorale. La mise en scène de Guy Pierre Couleau pose finement la question de l’ambivalence du rapport entre foi et raison, sujet infiniment actuel… © Guy Labadens

Grand classique du vaudeville, cette farce de Georges Feydeau mêle comique de situation et comédie de mœurs. Chouilloux, mandaté par l’État, a rendez-vous avec Follavoine, le fabricant de porcelaine. Si tout se passe bien, celui-ci deviendra fournisseur attitré en pots de chambre pour l’armée française. Mais tout ne se passe pas si bien. Toto, le fils de Follavoine, a le ventre capricieux... Peinture de la société bourgeoise avec ses travers ridicules, la pièce est mise en scène par Antoine Magnier.

Ces deux sœurs-là ont un point commun : le mari de l’une d’elles les aime toutes les deux. Naïve, l’épouse confie à sa sœur ses soupçons sur l’infidélité de son époux. Puis s’aperçoit que c’est avec sa propre sœur que son homme la trompe. L’avantage, c’est que ça ne sort pas de la famille. Cette comédie burlesque de Fabio Rubiano Orjuela est mise en scène par Jean-Marie Broucaret.

14 mars Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com 13 mars Auditorium de la Dracénie, Pôle culturel Chabran, Draguignan

Raging bull

Le chagrin des ogres Cette pièce de Fabrice Murgia, qu’il a écrite et mise en scène, s’appuie sur deux personnages de faits divers d’exception : Bastian Bosse, 18 ans, auteur d’une tuerie dans son lycée avant de se donner la mort, et Natascha Kampusch, le même âge, kidnappée pendant 10 ans par un homme avant de trouver une faille pour s’évader. À travers ces deux destins, l’auteur nous mène dans les tourments de notre société, où être vu est devenu un enjeu essentiel.

22 février Théâtres en Dracénie, Draguignan 23 février Auditorium de la Dracénie, Pôle culturel Chabran, Draguignan 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com

© leclerc&cielat

© X DR.

Deux sœurs

La vie en dents de scie de Jake LaMotta, boxeur américain, plusieurs fois champion du monde au mitan du XXe siècle, taulard récidiviste, surnommé le « taureau enragé ». Trois artistes – le comédien Mathieu Létuvé, Frédéric Faula ou Lino Merion, danseurs hip hop en alternance, et un musicien sampleur, Olivier Antoncic - cernent la personnalité de la star déchue du Bronx en s’inspirant de son autobiographie, et mettent en scène post mortem une confession tirant le combat intérieur vers la rédemption. 17 février Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 carreleongaumont.com


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Le portrait de Dorian Gray

Black clouds

Véritable voyage à travers l’œuvre et le temps, ce programme exprime toute l’amplitude du vocabulaire chorégraphique d’Angelin Preljocaj. Ce florilège est l’occasion de (re) découvrir l’univers foisonnant du chorégraphe au cours d’extraits de neuf de ses pièces emblématiques, des années 90 à nos jours, parmi lesquelles Roméo et Juliette, Le Parc, Blanche Neige, Retour à Berratham ou Suivront mille ans de calme…

Suite à un atelier mené au Sénégal, d’intenses recherches sur Internet auprès des escrocs en ligne, et en s’inspirant de l’activiste américain Aaron Swartz, Fabrice Murgia a créé une pièce qui plonge dans le « web profond ». Il y traite de fracture numérique entre pays du Nord et du Sud, de tourisme sexuel, de manipulation virtuelle, de trafic d’armes, d’organes, de substances chimiques ou d’êtres humains. Une tragi-comédie des réseaux, entre rêve d’émancipation et cauchemar bien réel de l’asservissement.

© Alizee Chiappini.

Playlist #1

23 février Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 carreleongaumont.com

23 & 24 février Théâtre de Grasse Salle de La Roquette-sur-Siagne 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com

© Andrea Dainef

Le Parc © Jean-Claude

Thomas Le Douarec porte sur scène le roman d’Oscar Wilde et s’interroge : « n’est-il pas sa plus belle pièce de théâtre ? ». Dorian Gray reste jeune et beau tandis que son portrait peint par Basil Hallward vieillit et garde les stigmates de toutes les turpitudes de son modèle… À la question morale de l’impunité, se mêle celle de l’art, de sa transcription du réel et de ses relations avec la vérité.

16 & 17 mars Théâtre de Grasse Salle de La Roquette-sur-Siagne 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com

h.Echos

Bled runner

Besame (mucho)*

les relations Algérie-France (et vice versa) depuis 20 ans. Et surtout, il rend tout cela (la colonisation, la décolonisation, l’indépendance, le racisme, la domination, l’immigration…) si drôle que tout devient simple, finalement. Le « bledard » nous offre un florilège de 20 ans de scène. Quand le rire devient une arme de résistance et une clé pour envisager l’avenir.

* Embrasse-moi (beaucoup), telle est la demande d’une grande amoureuse, la clown Séraphine (Mathilde Dromard). Elle s’est portée volontaire pour expérimenter la vie humaine sur Terre : on lui fournit le corps, et pour le reste, elle va devoir se débrouiller. Heureusement, son enthousiasme naturel est tel qu’elle parviendra à balayer tous les obstacles sur sa route : l’incohérence du destin et les aléas de l’Amour. En lien avec le spectacle, Mathilde Dromard animera un stage le 17 février.

17 mars Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 carreleongaumont.com

Ils ont nommé leur compagnie Le troisième œil (El tercer ojo dans la langue de leur pays, l’Argentine). Wanda Mañas et Paulo Perelsztein sont deux artistes accomplis, qui ne se contentent pas de livrer une performance acrobatique ou d’enchaîner les numéros de jonglage. On ne sait si cet œil supplémentaire leur donne des facultés inédites, mais une chose est sûre : leur complicité éclatante est teintée d’humour et de poésie. 13 mars Théâtre de Grasse Espace du Thiey, Saint-Vallier-de-Thiey 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com

© Vincent Bidault

© Denis Rouvre

© Dilou.

Fellag, seul en scène, conte, analyse et poétise

16 février Forum Jacques Prévert, Carros 04 93 08 76 07 forumcarros.com


74 au programme spectacles alpes-maritimes

De La Fontaine à Booba

Machine de cirque

Ils ont survécu à l’Apocalypse. Pour aller à la rencontre d’autres rescapés, le collectif de circassiens québécois Machine de cirque rivalise d’ingéniosité et de talent : haute voltige, acrobatie, jonglerie… Une performance en constante accélération, d’une précision extrême, dont l’humour réjouit le cœur des pauvres humains soumis à la loi de gravitation.

© X-D.R

On le savait : le rythme des alexandrins se prête à merveille à la scansion du rap. Deux amis aux goûts divergents se disputent dans l’amour des textes, l’un sous sa perruque classique, l’autre avec une casquette vissée sur le crâne. Est-ce faire subir les derniers outrages aux fables de La Fontaine que de rapper leurs vers ? Booba vs Baudelaire, Iam contre Racine : qui a le meilleur flow ? Une production tout public de la Cie Affable, à partir de 9 ans.

Parfois on a envie d’aller écouter un concert en famille, mais ce qui réjouit les petits ne plaît pas forcement aux grands... La proposition du Limite Larsen Théâtre, venu de Nice, est volontairement mixte : leurs chansons s’adressent à tous, adultes et enfants, en s’appuyant sur le charme trop souvent négligé de la pédagogie, « à la fois une source d’inspiration et de création, un outil d’intelligence collective, un vecteur de partage et de transmission ». Dès 3 ans.

© Loup William Théberge

© Magali Martinie

Toi Moi Nous

13 au 17 mars Théâtre National de Nice 04 93 13 90 90 tnn.fr

24 février Forum Jacques Prévert, Carros 04 93 08 76 07 forumcarros.com

Fore !

17 février Scène 55, Mougins 04 92 92 55 67 scene55.fr

Le Petit Théâtre du Bout du Monde, Opus I

La jeunesse est « la matière même de cette création », à travers le vécu personnel des participants réunis à l’occasion de quatre workshops de théâtre, entre l’Université CalArts de Los Angeles et la Comédie de Saint-Étienne. Un groupe international guidé par Arnaud Meunier (mise en scène) et Aleshea Harris (auteure), dans son exploration politique du monde d’aujourd’hui. Spectacle en anglais surtitré en français, à partir de 15 ans. 14 & 15 mars Théâtre National de Nice 04 93 13 90 90 tnn.fr

La compagnie marseillaise Padam Nezi s’empare d’une douloureuse histoire : l’engloutissement de villages entiers sous les eaux suite à la construction de barrages hydroélectriques en Région Paca : Sallessur-Verdon, Castillon, Ubaye, Savines... En se livrant à un important travail de recherche d’archives et collecte de témoignages, Pierre Blain et Yvain Corradi ont conçu un projet pluridisciplinaire, documentaire et poétique. 16 mars Forum Jacques Prévert, Carros 04 93 08 76 07 forumcarros.com

© X.DR

© Getty Images

Sous les eaux du lac

La marionnette contemporaine est loin d’être réservée au jeune public : à preuve, ce Petit Théâtre n’est pas adapté aux enfants avant l’âge de 12 ans. Ezéquiel Garcia-Romeu y poursuit sa recherche de nouvelles écritures scéniques, à travers une série de personnages mystérieux peuplant un univers expérimental. Placés sous surveillance (celle du spectateur, invité à manipuler lui-même certains mécanismes du dispositif ?), ils vivent leur vie en rêvant de liberté. 21 février Scène 55, Mougins 04 92 92 55 67 scene55.fr


au programme spectacles alpes-maritimes gard

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Ombul

Les nuits barbares ou les premiers matins du monde © Philippe Guillot

La caverne

Toujours tourné vers les origines méditerranéennes de notre monde, Hervé Koubi explore encore un peu plus loin dans le temps. Ce spectacle évoque les Peuples de la Mer, ces tribus que les Grecs nommèrent barbares et qui, à la fin de l’âge de Bronze, envahirent tout le Moyen-Orient. Quatorze danseurs, Algériens ou Burkinabés, naviguent entre les rives de la Méditerranée, entre Orient et Occident, avec le métissage pour moteur.

Le Théâtre Désaccordé est spécialisé en « ombrographie », soit étymologiquement l’écriture des ombres. Avec Ombul, il invite les tout-petits à une traversée délicate, aérienne, aux confins de l’endormissement et du rêve, par le biais de la peinture. En s’appuyant sur les œuvres de Mirò et Calder, cette traversée débute avec un mobile suspendu. Par un jeu malicieux de projections naissent d’étonnantes images en mouvement.

La caverne creuse une thématique chère au collectif L’avantage du doute, qui crée au Théâtre de Nîmes son premier spectacle « jeune public » : le rapport aux images, celles de nos souvenirs et imaginaires, et celles véhiculées par les médias. Le mythe de la caverne de Platon revisité via le 2.0, où le Prince Pomme Pomme Pomme et ses technologies se voient dépasser par Manon, qui ose regarder ailleurs que sur les écrans.

© Kristelle Paré

14 février Théâtre de la Licorne, Cannes 04 97 06 44 90 cannes.com 14 février Théâtre de l’Odéon, Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com

Tétris

23 février Scène 55, Mougins 04 92 92 55 67 scene55.fr

Un pianiste et bruiteur, Damien Chauvin, accompagne chaque personnage de cette comédie signée Eugène Labiche, le pape du vaudeville. Quiproquo et démesure sont au programme, bien sûr, mais assortis d’un dispositif scénique proche de la bande dessinée. Le punch de la Cie Hatikva frappe juste, dans le ventre mou « d’une certaine bourgeoisie qui, lorsqu’elle peut échapper à la justice, se croit dispensée de tout sens moral ». 16 mars Scène 55, Mougins 04 92 92 55 67 scene55.fr

© Didier Philipstart

L’affaire de la rue Lourcine

C’est bien du jeu vidéo qu’il s’agit, mais dans un clin d’œil « à ceux qui n’arrivent jamais à rester tranquillement assis, qui ont envie de grimper aux murs et d’aller voir toujours plus loin ». Le chorégraphe Erik Kaiel imbrique le corps de ses danseurs jusqu’à former d’invraisemblables pyramides. Un spectacle à voir en famille à partir de 6 ans, avec les jeunes espoirs du Ballet National de Marseille et du BNMnext. 25 février Théâtre de la Licorne, Cannes 04 97 06 44 90 cannes.com

L’écrivain contemporain américain William T. Vollmann dépeint son pays dans un style cruellement flamboyant, cyniquement poétique. La Cie La Meute s’empare de l’un de ses textes emblématique dans un spectacle plein de bruit et de fureur, musique rock à fond jouée en direct, décors qui valsent, destins extrêmes. Thierry Jolivet adapte et met en scène un pan fascinant de l’Amérique, dans ce qu’elle a d’horrible et de si humain. Fleurs bleues s’abstenir.

© Simon Gosselin

© Didier Philispart

La famille royale

6 & 7 mars Théâtre Bernadette Lafont, Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com


76 au programme spectacles gard

Molière(s) Le Malade imaginaire © Matthieu Wassik

Musique rapide et lente

© Guillaume Chaplot

Dîner en ville

Grand succès depuis 10 ans, le couplé L’Avare / Le Malade imaginaire tourne et retourne, toujours applaudi, toujours surprenant. Alexis Moati et Pierre Laneyrie (mise en scène et jeu, avec Carole Costantini, Sophie Delage) ramènent Molière au public : les spectateurs sont sur le plateau, au plus près des comédiens, qui jouent, jouent, jouent ! © Jean-Louis Fernandez

Chorégraphe nomade, Germana Civera questionne la société à travers le corps. Elle implique cette fois un groupe d’adolescents, réunis lors d’un atelier mené avec Cyrille Martinez, auteur du texte Musique rapide et lente. Des jeunes désœuvrés, dans une époque indéterminée, une ville anonyme, qui s’ennuient et rêvent de musique. Ils montent un groupe de rock, ils deviennent célèbres, puis retombent dans l’oubli. Une suite de tableaux tendres-acides d’une jeunesse synonyme de liberté.

Un dîner aux petits oignons, servi par l’auteure Christine Angot et le metteur en scène Richard Brunel. Autour des tables mondaines, les rituels de pouvoir, les bons mots, les pires vacheries, sont autant d’us et coutumes qui révèlent la fragilité des positions sociales, même dans les plus hautes sphères. Un microcosme pas forcément appétissant, où la cruauté rivalise avec l’humour grinçant. Riche d’enseignement.

9 & 10 mars Le Périscope, Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com

13 & 14 février Théâtre Le Cratère, Alès 04 66 52 52 64 lecratere.fr

Tendres fragments de Cornelia Sno

Le Malade Imaginaire 15 mars, Maison pour tous, St Christol-lez-Alès 16 mars, le Tremplin, Saint Ambroix 04 66 52 52 64 lecratere.fr

Noé

Les soldats Moment d’exception au Cratère, qui nous offre un texte mythique et pourtant très peu monté, Les soldats, de l’auteur allemand Jakob Lenz. Sommet de poésie incisive, texte terrible sur la condition des femmes (au XVIIIe), il est adapté et mis en scène par Anne-Laure Liégeois (qui nous a régalés au Festival d’Avignon avec les lectures engagées de On aura tout). Seize comédiens incarnent cette histoire d’amour contrariée par les parents, les carcans, les on-dit.

© Olivier Houeix

© Loo Hui Phang

L’Avare 13 mars, salle multiculturelle, Bagnols sur Cèze 17 mars, Salle Pagnol, Anduze

Thierry Malandin et son Ballet de Biarritz est l’un des chorégraphes néo-classique les plus appréciés des scènes françaises. Il invente cette année un Noé plein d’espérance, très positif, embarquant notre monde sur une arche prometteuse. Point d’animaux (hormis une colombe), mais 22 corps virtuoses, sur la Messa di Gloria de Rossini, nous content un futur apaisé. © Anne-Laure Liégeois

Que faire lorsqu’on a 15 ans, qu’on est surdoué du piano, hypersensible, et fou amoureux de Cornelia ? Que faire lorsqu’on est tout ça à la fois, et qu’on a un syndrome d’Asperger ? Le texte de Loo Hui Phang aborde l’autisme avec tendresse, dans une mise en scène révélatrice de Jean-François Auguste. L’amour peut endormir la peur, parfois. À partir de 9 ans. 14 mars Théâtre de l’Odéon, Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com

7 & 8 mars Théâtre Le Cratère, Alès 04 66 52 52 64 lecratere.fr

14 & 15 mars Théâtre Le Cratère, Alès 04 66 52 52 64 lecratere.fr


au programme spectacles hérault

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Lettere amorose Il y a 20 ans, deux Africains tentaient de rejoindre l’Europe cachés dans les ailes d’un avion. On les a retrouvés morts, avec, dans la poche de l’un d’eux, une lettre. Le chorégraphe Raimund Hoghe, qui avait créé un premier spectacle en 1999 inspiré de cette tragédie, le recrée aujourd’hui, dans une actualité toujours plus sensible. Seul en scène, danseur intimiste, il donne voix aux chansons populaires, airs classiques, dans une poésie toute personnelle qu’on a appris à connaître au fil de ses spectacles.

Sol b Dirk Boxelaere et Fien Van Herwegen aiment à dire que leurs enfants croient qu’ils jouent lorsqu’ils travaillent. C’est en effet ce qui semble se passer sur le plateau, que le couple occupe en jonglant, en effectuant pitreries et acrobaties de haute volée, sans jamais oublier de jouer du piano, même s’il est suspendu à l’envers au plafond ! Prix du meilleur spectacle de cirque TAC Valladolid 2017. Dès 4 ans.

La Fille du collectionneur Théo Mercier est un plasticien qui investit la scène des arts vivants. Il y a d’abord eu Du futur faisons table rase (2014), puis l’an dernier le magnifique Radio Vinci Park (voir journalzibeline.fr). Comme un retour vers un espace à sculpter, il invente une visite dans un musée où les objets auraient disparu. Marlène Saldana pose nue et mime les fantômes énumérés en voix off. François Chaignaud compose une collection de danses. La trace, le manque, le souvenir habitent la scène. Une expérience sensorielle.

13 février Domaine de Grammont, Montpellier 04 67 99 25 00 humaintrophumain.fr

© Martin Argyroglo

© Yannick Perrin

La Valse

27 & 28 février Domaine d’O, Montpellier 0 800 200 165 domaine-do-34.eu

10 & 11 mars Domaine de Grammont, Montpellier 04 67 99 25 00 humaintrophumain.fr

Le Menteur S’il est l’un de nos auteurs classiques les plus étudiés en classe, Corneille n’a pas toujours la réputation d’être un facétieux comique. Pourtant, Le Menteur réunit une palette d’ingrédients qui en font un texte décapant et subversif : tromperies, quiproquos, déguisements,… Julien Gauthier choisit de le monter dans une atmosphère contemporaine, où le mensonge se révèle être un art difficile et raffiné, à ne pas mettre entre toutes les mains.

6 & 7 mars Domaine d’O, Montpellier 0 800 200 165 domaine-do-34.eu

La performeuse Kate McIntosh est fascinée par le détournement d’objets et l’interaction avec le public. Dans All Ears, la scène est couverte d’accessoires qui lui serviront de base à un enregistrement en direct : papiers froissés, verres renversés… Tout fait sens, et mène à une large réflexion sur le comportement humain et animal, la foule, la linguistique. Et parfois, elle pose des questions à la salle : « Qui sommes-nous lorsque nous sommes seuls ? ».

Accompagné de six danseurs (dont l’artiste invitée Ornella Balestra), Raimund Hoghe transcende les cataclysmes, les conflits, les murs qui tombent ou se dressent, dans une Valse de trois heures (Guy Vandromme au piano) inspirée de la partition de Ravel. Les migrants : voilà le thème de cette pièce fleuve, qui emporte et sidère. 15 février Domaine de Grammont, Montpellier 04 67 99 25 00 humaintrophumain.fr

© Sandra Kormann

© Michel Cavalca

© Rosa Frank

All Ears

14 mars Domaine de Grammont, Montpellier 04 67 99 25 00 humaintrophumain.fr


78 au programme spectacles hérault

In Many Hands

C’est l’anniversaire de Michèle… La Jeune femme à la licorne

Qu’est-ce qu’un créateur de théâtre ? À quoi ressemble-t-il lorsqu’il travaille ? Et d’ailleurs, quel est son espace de travail ? Pourquoi n’aurait-il pas d’atelier, comme ses cousins les sculpteurs, ou les peintres ? La Cie tg Stan (avec aussi les Cies De Koe et Maatschappij Discordia), tisse des liens entre théâtre et peinture. Et donc les trois comédiens « font » du théâtre : ils construisent, défont, et recommencent. Un examen sans paroles et burlesque du métier d’acteur. 13 au 15 mars Théâtre de la Vignette, Montpellier 04 67 14 55 98 theatrelavignette.fr

C’est l’anniversaire de Michèle mais elle a disparu 8, 9 & 10 mars Maisons pour Tous Marie Curie, André Chamson, Georges Brassens, Montpellier 04 67 40 41 39 theatrejeanvilar.montpellier.fr

Arthur et Ibrahim Si ce n’est toi À l’occasion d’un premier travail avec les comédiens de La Bulle Bleue, Marion Coutarel a rencontré Auriane Vivien, atteinte du syndrome de Williams. Ce sera une révélation pour la metteuse en scène, qui reconnaît les symptômes décelés chez son frère, jamais diagnostiqués. Sur scène, elle pose toutes les questions qui lui brulent la langue à la comédienne, et Denis Taffanel interprète le professeur qui a donné son nom à cette maladie génétique. Entre fiction et théâtre documentaire.

© Géraldine Aresteanu

Atelier

6 mars Théâtre Jean Vilar, Montpellier 04 67 40 41 39 theatrejeanvilar.montpellier.fr

© Marie Clauzade

17 & 18 mars Domaine de Grammont, Montpellier 04 67 99 25 00 humaintrophumain.fr

Mais elle a disparu… Sophie Lagier (Cie ACETONE) met en scène le texte à la poésie énigmatique et très contemporaine de Philippe Minyana, qu’il a écrit « pour acteurs et/ou marionnettes ». Autour de l’attente du retour de Michèle, émerge un théâtre de situations singulières autant qu’universelles. Un spectacle hors les murs, dans le cadre des discussions animées. © Marie Clauzade

© Kate McIntosh

Kate McIntosh se mue en professeur de sensations, et invite le public à tester, toucher, écouter, sentir. Véritable laboratoire d’expérimentations des phénomènes physiques, le projet In Many Hands propose un temps d’exploration où les seuls guides sont, à travers les matériaux présentés, le désir et l’intuition. La performeuse étudie quant à elle les motivations et réactions du public, qui font le spectacle.

© La Fièvre

À partir d’improvisations autour du texte La Ménagerie de verre de Tennessee Williams, Laurent Berger a écrit un texte créé et interprété par les comédiens de la Cie La Bulle Bleue. La Jeune fille à la licorne aborde le huis clos familial, le besoin d’en sortir, la nécessité de préserver l’ancrage initial. Marion Coutarel, à la mise en scène, poursuit ici son travail avec les acteurs en situation de handicap de l’ESAT. Entre immédiateté et long travail de répétition. Un rapport différent à la scène.

8 & 9 mars Théâtre Jean Vilar, Montpellier 04 67 40 41 39 theatrejeanvilar.montpellier.fr

Amine Adjina (Cie du Double) se risque à inverser les rôles préétablis des cours d’écoles : c’est Ibrahim qui ne veut plus jouer avec Arthur. Mais pourquoi, demande son copain éberlué ? Parce qu’il n’est pas arabe. « Mais je suis quoi alors ?... » Le texte valse avec les préjugés et se nourrit de la candeur enfantine, pour mieux balayer l’absurdité des parents. L’histoire d’une amitié, qui aborde, sans poncifs, sans morale, la Guerre d’Algérie, la colonisation… 15 & 16 mars Théâtre Jean Vilar, Montpellier 04 67 40 41 39 theatrejeanvilar.montpellier.fr


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Carta blanca

Doreen

Attention, spectacle culte ! En 2012, Irina Brook créait cette version rock de la pièce d’Ibsen, promenant le héros prêt à tout pulvériser pour briller jusque dans les bas-fonds new-yorkais, Iggy Pop au son, adaptation du texte par le poète Sam Shepard, danse indienne et drame humain, le tout interprété par une troupe internationale au top. Ibsen en version comédie musicale, saga fantastique, conte de fées. Du théâtre total.

En 2006 André Gorz, philosophe et essayiste, publiait Lettre à D. Histoire d’un amour (Gallimard), livre dans lequel il se retournait sur l’essentiel de sa vie et déclarait son amour infini à sa femme, Doreen Keir, atteinte d’une maladie incurable. L’année suivante ils décidaient de se suicider ensemble. David Geselson s’est inspiré de ce livre testament en imaginant les mots de Doreen à André, mêlant moments cruciaux de leur vie et anecdotes pour révéler avec justesse la vie de ce couple. Un moment de grâce à l’état pur, au plus près du public.

6 mars Scène nationale Grand Narbonne 04 67 74 66 97 theatredesete

Andrés Marín continue sa quête de perfection et d’invention dans Carta blanca, spectacle issu d’une commande du Musée Picasso, où il a créé une danse pour chacune des pièces du lieu parisien. Gestuelle suspendue entre perfection traditionnelle et échappées personnelles surprenantes autant que vivifiantes, la danse de ce maitre du flamenco contemporain explose de liberté créatrice. Il est ici accompagné de 6 musiciens. 13 & 14 mars Théâtre de Sète 04 67 74 66 97 theatredesete

© Charlotte Corman

© Gaëlle Simon

© Jean-Louis Duzert

Peer Gynt

Ici et ailleurs Colporteurs

14 & 15 février théâtre sortieOuest, Béziers 04 67 28 37 32 sortieouest.fr

Jacques Bonnaffé tire sa deuxième carte blanche, et le jeu lui sourit : c’est un duo avec l’extraordinaire clarinettiste jazz Louis Sclavis. Les textes, nombreux et éclectiques (Verheggen, Baudelaire, Prévert, Queneau, Jacques Darras, Alphonse Allais…) croiseront impros verbales et musicales : les deux artistes évoqueront, en mots, en notes, ce et ceux qu’ils croisent en tournées, l’actualité, le sport. Colporteurs de bonheur.

© Christophe Manquillet

© Bruno Wagner

Ricochets

9 mars Théâtre de Sète 04 67 74 66 97 theatredesete

Quitter un lieu, c’est parfois un arrachement. Alors on emporte un objet, une trace, un souvenir de voix, une odeur, un bruit. Giorgio Pupella (Cie Pupella-Noguès) navigue entre ces vestiges intimes, dans un parcours d’objets guidé par les témoignages d’enfants qui ont vécu cette expérience du départ. Une expérience sensible, qui donne forme à nos musées intérieurs. Dès 5 ans. 17 mars Centre Culturel Léo Mallet, Mireval 04 67 74 66 97 theatredesete

Alex Selmane (Cie Là-bas, Béziers) fait s’entrelacer deux textes de Jon Fosse : Noir et humide, et Kant. Avec Denise Barreiros, ils jouent un frère et une sœur qui se retrouvent dans la maison de famille vide, et revivent chacun un souvenir d’enfance. Deux récits qu’ils livrent chacun pour la première fois, ressurgissant à la faveur de ce retour aux sources. L’une descend à la cave pour la première fois, l’autre écoute son père lui parler d’infini. Dès 9 ans. 12 & 13 mars théâtre sortieOuest, Béziers 04 67 28 37 32 sortieouest.fr


80 au programme cinéma bouches-du-rhône alpes vaucluse hérault

Le Cœur du conflit

Les Garçons sauvages

Goodbye Gauley Mountain

Le coeur du conflit © Inter bay films

Le 13 février à 20h, dans le cadre des soirées Vidéo FID, le FIDMarseille propose, dans ses locaux, la projection de Le Cœur du conflit en présence des réalisateurs Judith Cahen et Masayasu Eguchi (Prix du GNCR, prix des Lycéens - première mondiale - FID 2017). Une fable burlesque et politique où Judith et Masa, de Paris à Fukushima et Hiroshima, s’interrogent sur comment et pourquoi faire un film alors que la catastrophe menace.

Soirée « écosexe » au Mucem, avec la projection de Goodbye Gauley Mountain de Beth Stephens, partie avec son amoureuse Annie Sprinkle, icône queer, sauver les montagnes dans l’ouest de la Virginie, menacées par l’exploitation de mines de charbon. L’écosexualité est une nouvelle approche d’éco-art et d’activisme environnemental, contribuant à une réflexion globale sur les crises écologiques mondiales. L’amour de la nature, au sens propre.

13 février FID, Marseille 04 95 04 44 90 fidmarseille.org

Début du XXe siècle. Cinq adolescents de bonne famille commettent un crime sauvage. Ils sont repris en main par le Capitaine, lors d’une croisière répressive sur un voilier. Les jeunes se mutinent. Ils échouent sur une île sauvage. Premier long-métrage onirique, hallucinatoire, de Bertrand Mandico, où les rôles des garçons sont tous tenus par des filles… Séance suivie d’une rencontre avec le réalisateur. En partenariat avec Vidéodrome 2 et Le Méliès de Port de Bouc 10 mars Le Gyptis, Marseille 04 95 04 96 25 lafriche.org

Goodbye Gauley Mountain de Beth Stephens

Des courts l’après-midi

16 mars Mucem, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org

La Belle et la meute

Carte blanche à Laurent Cantet

Asparagus de Suzan Pitt

Rendez-vous mensuel à La Vieille Charité, on fera le plein d’images en format court autour d’une rencontre avec Laurence Reymond, programmatrice et membre du comité de sélection à Cannes, Belfort et Québec. Cinq fictions, dont trois films d’animation, et un film expérimental (Mynarski chute mortelle, de l’américain Matthew Rankin, derniers instants Andrew Mynarski, héros de la Seconde Guerre mondiale). 3 mars Cinéma le Miroir, Centre de la Vieille Charité, Marseille descourtslapresmidi.fr

C’est à La Ciotat que Laurent Cantet a tourné son dernier très beau film L’Atelier, qu’il viendra présenter avec son premier long-métrage Ressources humaines (César du premier film en 1999). Deux fictions très imprégnées de réel et de politique. Le réalisateur a choisi de présenter également Mamma Roma de Pier Paolo Pasolini (1962).

La Belle et la meute © Jour 2 Fête

Ce quatrième long-métrage de la réalisatrice Kaouther Ben Hania (remarquée avec Le Challat de Tunis en 2014) s’inspire d’un fait divers ayant défrayé la chronique tunisienne, relaté dans l’ouvrage Coupable d’avoir été violée de Meriem Ben Mohamed. En résulte un film qui joue avec les codes du thriller pour aborder un trait brulant de notre actualité, porté par Mariam Al Ferjani. En présence d’Églantine Stasiecki, chargée de la distribution du film.

L’atelier, de Laurent Cantet © Jérôme Prébois

10 février (L’Atelier et Ressources Humaines) 11 février (Mamma Roma) Cinéma Eden Théâtre, La Ciotat 04 96 18 52 49 edencinemalaciotat

11 mars Cinéma Eden Théâtre, La Ciotat 04 96 18 52 49 edencinemalaciotat


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Tewet, le Dayak aux mille grottes Le Conformiste Bernardo Bertolucci dépeint dans Le Conformiste le dilemme de Marcello Clerici (Jean-Louis Trintignant) fasciste bon teint, qui se voit confier la mission de supprimer son ancien professeur de philosophie. Mais il tombe amoureux de la femme de ce dernier (Dominique Sanda)… D’après le roman d’Alberto Moravia. Denitza Bantcheva, romancière et historienne du cinéma animera une conférence sur « Moravia et le cinéma ».

Luc-Henri Fage, spéléologue connu pour avoir découvert des peintures rupestres en Indonésie, a filmé son ami Tewet, qui à 66 ans est contraint d’arrêter son activité de chasseur de nids d’hirondelles. Faute d’arbres, faute d’oiseaux. Mais peut-être que la nature recèle d’autres trésors… Séance/ conférence en présence du réalisateur, au profit de l’Hôpital d’Apt. 11 février Cinéma de la Gare, Bonnieux cinemadelagare.com

Ni juge, ni soumise Il y a eu l’émission star de la télé Strip-tease dans les années 80. Ses deux réalisateurs belges Jean Libon et Yves Hinant s’attaquent aujourd’hui au grand écran. Même formule : le réel explose à la figure, il fait rire, mais d’un rire qui prend la couleur jaune, puis grave. On suit la juge Anne Gruwez, partout, et surtout dans son bureau, concentré d’histoires. Séance organisée par La clef des champs, animée par Jacques Mancuso, professeur.

Dans les pas de Trisha Brown

Ni Juge Ni Soumise © Arp sélection

20 février Cinéma Utopia, Avignon 04 90 82 65 36 cinemas-utopia.org

Le Conformiste © X DR

Livres au cinéma 13 février, Le Renoir, Martigues 14 février, Le Club, Gap 15 février, Les Visiteurs du Soir, Valbonne 16 février, Lumières, Vitrolles 17 février, Espace Gérard Philipe, Port-Saint-Louis cinemasdusud.fr

Les Intemporels Scènes&Cinés poursuit sa programmation de grands classiques, avec cette fois une nouveauté, puisqu’un documentaire sera exceptionnellement projeté : Farrebique (1947), de Georges Rouquier, qui montre le quotidien paysan d’après-guerre, ressemble d’ailleurs un peu à une fiction, tant les choses ont depuis changé. Il reçu le Grand prix de la critique internationale à Cannes, spécialement créé pour ce film.

Dans les pas de Trisha Brown © Vendredi distribution

La réalisatrice Marie-Hélène Rebois a capté une histoire de transmission : celle de l’énergie créatrice exceptionnelle de la chorégraphe Trisha Brown, passée par le souvenir et l’expérience de deux de ses danseuses, Lisa Kraus et Carolyn Lucas auprès du ballet de l’Opéra lors de la reprise de sa pièce Glacial Decoy. Dans le cadre des Hivernales (voir p12), en présence de la réalisatrice et de la journaliste Agnès Izrine.

L’insoumis Gilles Perret (La Sociale, Les jours heureux) a accompagné Jean-Luc Mélenchon tout au long de sa campagne présidentielle 2017. Un parcours plein de rebondissements, mené par un homme qui a l’étoffe d’un héros de fiction. Ambiance garantie dans la salle. Film présenté en avant-première, suivie d’un débat avec Gilles Perret, Muriel Ressiguier, députée La France Insoumise de l’Hérault, animé par Maryse Baute, enseignante cinéma à Montpellier 3.

12 février Cinéma Utopia, Avignon 04 90 82 65 36 cinemas-utopia.org

L’Insoumis © Jour 2 Fête

Farrebique © Les documents cinématographiques

14, 18, 21, 25 février, Cinéma l’Odyssée, Fos 20 & 27 février, Espace Robert Hossein, Grans 19 & 21 février, Espace Gérard Philipe, Port-Saint-Louis scenesetcines.fr

12 février Cinéma Diagonal, Montpellier 04 67 58 58 10 cinediagonal.com 16 Février, Cinéma Les Variétés, Marseille Avant-première, en présence du réalisateur Gilles Perret et de Jean-Luc Mélenchon 08 92 68 05 97 cinemetroart.com


82 au programme cinéma

À la fin, c’est la vie qui gagne

L

a 1ère Fois, c’est un festival d’hiver qui fête cette année ses 9 Printemps ! Dédié aux premiers films documentaires, organisé par Les Films du Gabian, association qui développe tout au long de l’année des activités de réalisation, de production et d’éducation aux médias, le festival se déroulera du 20 au 24 février à Aix et Marseille. L’équipe toute neuve de jeunes bénévoles enthousiastes a sélectionné 12 films sur les quelque 250 reçus. Des courts, moyens ou longs métrages dans lesquels, en symphonie ou en solo, « c’est toujours l’effort pour la vie qui mène la danse ». Invité d’honneur, Jean-Gabriel Périot ouvre le bal le 20 février au cinéma Les Variétés avec une sélection de 8 courts-métrages où on pourra apprécier son art du montage comme moyen politique de déconstruire les représentations. Dix autres seront distillés un à un au cours de la semaine avant chaque projection. Le 21 février de 14h à 17h, dans l’amphithéâtre de

Une Jeunesse Allemande © W-film Distribution/Local Films

Regards sur le monde

D

epuis 1997, Les Films du Delta ont à cœur de promouvoir un cinéma exigeant et créatif, ouvert et accessible à tous ; un cinéma qui se fait l’écho des mouvements du monde et des préoccupations de notre temps. Pour cette édition de nouv.o.monde, qui se tiendra du 16 au 25 mars à Rousset, Aix et Trets, 25 films, longs, courts, en présence d’invité-e-s, cinéastes ou spécialistes de thématiques pour des rencontres avec le public.

Un monde qui ne tourne pas rond !

Les cinéastes en sont bien conscients et la crise est souvent en toile de fond. Faouzi Bensaïdi, six ans après Mort à vendre, raconte, dans Volubilis, l’histoire d’amour d’un agent de sécurité et d’une femme de ménage, un couple qui tente de se construire et se bat contre la précarité. Dans Mobile Homes, Vladimir de Fontenay suit la dérive sans espoir d’une jeune femme sans attaches ni domicile et de son fils de 8 ans dans l’Amérique des trafics et de la pauvreté. Onze ouvrières face à un dilemme : jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour travailler ? C’est la question que pose Michele Placido dans son nouveau film, 7 Minutes. Et quand l’usine est délocalisée, Hervé est

le seul ouvrier à s’y résigner car il poursuit un autre destin : devenir pêcheur et transmettre cette passion à son fils tandis qu’à Tunis, où elle s’installe, Foued, au chômage, pense y trouver le moyen de soigner sa mère, et de séduire la fille qu’il aime : c’est ce que nous raconte Walid Mattar dans son premier long, Vent du Nord. Le développement d’une société d’économie libérale aux yeux de Centaur, projectionniste dans un village du Kirghizistan, engendre la perte des valeurs morales. Il va tenter de s’y opposer. C’est cette lutte que narre Aktan Arym Kubat dans Centaure. Nour, lui, a quitté son pays natal, il y a bien longtemps, pour venir travailler en France. Sans nouvelles de son mari, Rekia, 70 ans, quitte pour la première fois l’Algérie afin de le ramener au village… C’est loin d’être évident ; c’est cette quête

que filme Lidia Terki dans Paris la Blanche, un film généreux et émouvant. Deux thrillers au programme : l’un policier, The Line, quatrième long-métrage du réalisateur slovaque Peter Bebjak ; l’autre, social et psychologique, premier long d’Hubert Charuel, le superbe Petit paysan, avec Swann Arlaud, un éleveur de vaches laitières trentenaire qui organise ses journées autour de ses bêtes et sa sœur vétérinaire, Sara Giraudeau. Tous deux excellents ! Dans Foxtrot, une histoire de deuil avec pour toile de fond deux générations traumatisées par le service militaire israélien, Samuel Maoz montre une armée en plein doute sur son rôle dans la répression contre les Palestiniens. Outre cette belle sélection de longs concoctée par Sylvia Vaudano et sa petite équipe, des séances de courts-métrages avec une Carte Blanche à la Maison du Film, des séances pour les jeunes, des débats, une ambiance chaleureuse : une occasion d’aller à Rousset… ANNIE GAVA

Nouv.o.monde 16 au 25 mars Salle Émilien Ventre, Rousset 04 42 53 36 39 filmsdelta.com Paris la blanche de Lidia Terki © ARP sélection


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la Verrière, le cinéaste donnera une master class publique et, à 18h30, à l’École Supérieure d’Art d’Aix en Provence, on pourra (re)voir Une Jeunesse allemande, film dans lequel le réalisateur montre le basculement de l’action artistique à la radicalisation terroriste de la bande à Baader. La sélection nous emporte de la Grèce meurtrie par la crise économique d’Antoine Danis (Athènes Rhapsodie) au Montréal nocturne de Julian Ballester (Midnight Ramblers, coup de cœur de l’équipe du Festival), qui suit l’errance urbaine de jeunes paumés, captant les rêves d’ailleurs (et d’autrement) de la plus jeune d’entre eux. On suivra les pas d’une escort girl entre New York, Pittsburg et Los Angeles dans Empathy de Jessie Jeffrey Dunn Rovinelli. Et les errements d’un ancien officier de police, fidèle serviteur du système corrompu et violent de Moubarak, dont la vie se trouve bouleversée par la Révolution et la disparition de son frère

dans Whose country de Mohamed Siam. Chaque mur est une porte de Elitza Gueorguieva nous conduit en Bulgarie, au moment de la transition démocratique, tressant les souvenirs intimes de la réalisatrice dont la mère animait une émission télévisuelle à l’Histoire du pays. Bulgare encore et bien accompli, Le rêve de Nikolay de Maria Karaguiozova, où le protagoniste se souvient de son pari fou des années 70-80 au temps du rideau de fer : construire un bateau et réaliser librement un tour du monde en solitaire. On passera aussi par la Pologne pour la Communion d’Anna Zamecka, par la Belgique pour s’interroger avec Coline Grando sur La Place de l’homme confronté à des grossesses non prévues et par le Burkina Faso pour retrouver Rolex et sa bande d’arnaqueurs dans Vivre riche de Joël Akafou. En France, on essaiera avec Olivier Duval de mettre son père dépressif dans une camionnette ou avec Maïlys Audouze de

retrouver l’enfance emprisonnée du sien (Le Saint des Voyous). Le 24 février au Vidéodrome, la clôture sera italienne avec Yvonnes de Tommaso Perfetti pour un dernier voyage ferroviaire et existentiel : celui de Vincenzo vers sa fille. ELISE PADOVANI

Festival La 1ère fois, Aix-en-Provence et Marseille 20 au 24 février Caravane vidéothèque les 23 & 24 février sur le Cours Julien festival-lapremièrefois.org

Les militants d’Amnesty International vous attendent avec passion et enthousiasme pour le festival

« AU CINÉMA POUR LES DROITS HUMAINS »

« Le partage est le seul avenir possible de l’humanité ! Participer au Festival du Cinéma pour les Droits Humains c’est agir en ce sens, pour ne pas rester indifférents à nos semblables, pour aller vers un monde qui appartienne à tout le monde » Robert Guediguian

Des longs et courts métrages de grande qualité, souvent sélectionnées et primés dans des festivals internationaux, en avant-première et pour certains totalement inédits en France. Les spectatrices et spectateurs auront accès à des projections à la suite desquelles ils pourront débattre avec les réalisateurs, les acteurs et des personnes issues de la société civile et engagées dans les associations partenaires. Cinq prix du public seront attribués pour les meilleur longs métrages documentaires et fictions, les meilleurs court métrages documentaires et fictions et le prix du jeune public. Le Festival se déroulera dans de nombreuses villes des régions Paca, Corse et Languedoc : Aix en Provence, Apt, Bastia, Beaulieu-sur-Mer, Cannes, Cucuron, Digne-Les-Bains, Fréjus, Ganges, La Seyne-sur-Mer, L’Ile Rousse, Lorgues, Manosque, Marseille, Martigues, Maugio, Montpellier, Mouans-Sartoux, Nice, Nîmes, Porto Vecchio, Rians, Sainte Maxime, Six-Fours-Les-Plages, Sainte Christol et Valbonne.

TOUTE LA PROGRAMMATION SUR : AU-CINÉMA-POUR-LES-DROITS-HUMAINS.FR


84 au programme cinéma

Regard de Femmes

L

a 11e édition du festival martégal Regard de Femmes mêle avec pertinence un programme de cinéphiles et une thématique forte et actuelle, « S’épanouir ensemble ? ». Le Cinéma Renoir, la Cinémathèque Gnidzaz, les maisons de quartier de Martigues, ainsi que la Ville de Martigues, sont les principaux porteurs de ce beau projet. Une équipe de bénévoles travaille depuis septembre pour concocter le parcours filmique du festival : visionnage d’une quarantaine de films, pour arriver à la sélection exigeante de neuf œuvres. Les projections sont toutes accompagnées d’un débat, préparé en amont par les bénévoles. En ouverture, le film déclencheur de la thématique de cette année : Loving de Jeff Nichols qui rappelle l’histoire du couple Loving, poursuivi en justice par l’état de Virginie ségrégationniste en 1958. Il est blanc et elle est noire ; la cour suprême en 1967 promulguera l’arrêté Loving v. Virginia. Les films de Regard de Femmes s’écrivent autour de portraits, resserrent le propos autour de personnages, de situations qui amènent à réfléchir sur le monde, les relations entre les êtres humains et le développement de chacun : être proche ou s’éloigner pour mieux s’épanouir ? Ainsi, seront projetés De rouille et d’os de Jacques Audiard, Mon Roi de Maïwenn, Albert Nobbs de Rodrigo García

Loving, de Jeff Nichols © Mars films

ou Les lumières de la ville de Chaplin… Une page Jeunes Regards s’ouvre aussi, avec une carte blanche donnée à un groupe de jeunes de maisons de quartier, qui proposent Les figures de l’ombre de Théodore Melfi, et des élèves de la section cinéma du lycée Lurçat ont sélectionné une demi-heure de courts-métrages fins et pertinents. Comme tous les ans, le jeune public n’est pas oublié avec La jeune fille et son aigle d’Otto Bell. Enfin, la clôture présente un film au titre programmatique, Ce qui nous lie de Cédric Klapisch, aux parfums mêlés d’Australie et

de Bourgogne. Pour la troisième année, les surprises de scène déclineront en première partie des séances les talents des bénévoles, danse, chant, textes… Regarder, écouter, rêver… pour appréhender le monde… MARYVONNE COLOMBANI

Regard de Femmes 14 au 17 mars Cinéma Renoir et Cinémathèque Prosper Gnidzaz, Martigues 04 42 44 32 21 cinemamartigues.com

Pour les Droits Humains

D

u 1er au 31 mars se tiendra dans de nombreuses villes de Région Sud, Corse et Languedoc le festival Au Cinéma pour les Droits Humains, présidé par Robert Guédiguian. Un festival inspiré par la vision d’Amnesty International, celle d’un monde où chacun peut se prévaloir de tous les Les Conquérantes de Petra Biondina Volpe © Condor Distribution droits énoncés dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de Coby de Christian Sonderegger (Le Gyptis, 1948 et autres textes internationaux relatifs Marseille, 9 mars) ou La Belle et la meute de aux droits humains. Kaouther Ben Hania (Le Lido, Manosque le Une centaine de projections de longs et 8 mars) ou encore I’m not a witch de Rungano courts-métrages, fictions et documentaires, Nyoni (Le Cigalon, Cucuron le 22 mars). dont certains inédits en France, comme She De nombreuses projections-débats auront has a name des Canadiens Matthiew et lieu dans le cadre de la Fête nationale du Daniel Kooman (Digne, 1er mars). Des films court à Digne les Bains, Nice, Six Fours Les sélectionnés dans de grands festivals comme Plages du 12 au 19 mars et les 23 et 24 mars,

un week-end complet de projections-débats à Rians. Le public pourra dialoguer avec des cinéastes engagés comme Christian Sonderegger, Cyril Brody, Camille Sarret, Pierre Pézerat, Martin Huard, Christophe Switzer, Colia Vranici, Erika Thomas, Melina Tupa et des militants d’Amnesty. L’occasion pour les spectateurs de « se rencontrer, découvrir, partager, échanger, se confronter à l’altérité, et ainsi contribuer à accroître la prise de conscience des violations de droits humains à l’échelle internationale. » Chacun pourra y réfléchir et peut-être s’engager dans le combat pour un monde où seraient respectés les droits de tous et toutes. ANNIE GAVA

Au Cinéma pour les Droits Humains 1er au 31 mars au-cinema-pour-les-droits-humains.fr


au programme arts visuels bouches-du-rhône

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Animalités Des lapins en céramique, des ours, des cerfs, des peluches... L’animal se décline entre dessins et sculptures au gré des univers aussi divers que ceux de Denis Brun, Dominique Cerf, Eva Galtier, Julie Delarme (sa première expo), Lionel Sabatté, Nicolas Nicolini, Nicolas Rubinstein, Philippe Turc et Zhuo Qi. C.L. Best(iaire) jusqu’au 17 mars Galerie Porte Avion, Marseille 04 91 33 52 00 galerieporteavion.org

Julie Delarme, Enfant cerf à la poire, encre et crayon sur papier, 30 x 42cm, 2017. Crédit photo : Porte Avion/JJLB.

Optical Sound et Pierre Beloüin, 1997 ---> X À l’occasion de la sortie de sa seconde monographie, Pierre Beloüin porte un regard rétrospectif sur 20 ans de création sonore et visuelle : sérigraphies personnelles, productions des éditions Optical Sound (multiples, disques, t-shirt sérigraphiés de Claude Lévêque, JeanLuc Verna…), collection de la revue Optical Sound dont le dernier numéro vient de paraître aux Presses du réel. M.G.-G. Galerie Tchikebe, Marseille jusqu’au 3 mars 09 84 12 52 18 tchikebe.com Bas-relief V.3 (Pour Claude Lévêque), 2017 et Bar d’enfer, 2017 © Alexandre Minard, exposition Pierre Belouïn « Do You Really Want To Hurt Me », Le Metaxu, Septembre 2017, Toulon

Harun Farocki, temps 2 L’exposition monographique Empathie d’Haroun Farocki se poursuit dans un programme kaléidoscopique, « Travailler / Œuvrer », composé de rencontres, lectures, projections, conférences, installations qui viennent enrichir et prolonger la réflexion et la production de l’artiste. Le travail est à l’œuvre sous toutes ses formes… M.G.-G. Friche La Belle de Mai, Marseille jusqu’au 18 mars 04 95 04 95 95 lafriche.org The Silver and the Cross © Harun Farocki-2010

Marginaux En Chine, l’art non conventionnel, l’art brut ou l’art outsider ne sont guère considérés. La présentation des œuvres de ces « singuliers de l’art » à Marseille revêt davantage d’intérêt, d’autant qu’elle constitue une première en Europe. Seize créateurs du Nanjing Outsider Art Studio à découvrir sans apriori. Vernissage jeudi 8 mars à partir de 18h. C.L. L’art brut en Chine 8 mars au 28 avril Galerie Polysémie, Marseille 04 91 19 80 52

TIAN Peng Lémuridés, Marqueur sur papier 26,5 x 20 cm. © Nankin Art Studio/Polysémie


86 au programme arts visuels bouches-du-rhône var alpes-maritimes

Le rouge et le bleu Le Pavillon de Vendôme invite à une relecture de sa collection à travers un nouvel accrochage qui souligne la permanence des rouges (vermillon, cochenille,…) et des bleus (indigo, cobalt,…) dans l’art, depuis les pastels et sanguines du XVIIIe siècle jusqu’au vitrail d’Alfons Alt et les broderies de Sophie Menuet. M.G.-G. Pavillon de Vendôme, Aix-en-Provence jusqu’au 11 mars 04 42 91 88 75 aixenprovence.fr

Alfons Alt, Yewa, photo sur verre, 2015 © Jean Bernard. Coll. Pavillon de Vendôme

Revue de détails

Lieu indépendant de rencontres, d’expérimentations et de diffusions culturelles, la galerie Topic met en dialogue les œuvres de six plasticiens autour de pratiques reliant dessin, photographie, peinture et volume : Corinne De Battista, Claudie Lenzi, Geneviève Martin, Sophie Menuet, Joyce Penelle et Fabrice Violante. M.G.-G. Galerie Topic, Saint-Raphaël jusqu’au 3 mars 06 09 17 73 43 galerietopic.wordpress.com

© Fabrice Violante

Des villes et des hommes La photographie, la question de territoire et d’identités font partie de l’ADN du centre d’art du Var. Pour la première fois, celui-ci ouvre ses espaces à une collection privée, celle de Florence et Damien Bachelot, dont il a sélectionné près de 150 images. De Diane Arbus à Koudelka, de Robert Doisneau à Joel Meyerowitz, chaque photographe « documente » l’espace urbain. M.G.-G. Hôtel des Arts - Centre d’art du Var, Toulon 10 février au 22 avril 04 83 95 18 40 hda.var.fr Dairyland, Provincetown, 1976 Tirage d’époque 18 x 23cm, Collection Florence et Damien Bachelot © Joel Meyerowitz

Guy Rottier Il est l’inventeur des mots « arTchitecture » et « urbaNiceme ». Hommage est rendu dans sa ville à cet architecte/designer atypique avec de nombreuses manifestations associées. Son œuvre fait désormais l’objet d’études à partir de ses archives déposées à la ville de Nice dont cette exposition est la première étape. C.L. Guy Rottier, archives du futur jusqu’au 30 mars Forum d’Urbanisme et d’Architecture, Nice 04 97 13 31 51 nice.fr/fr/habitat-et-urbanisme

Villa Arman, Vence, vue extérieure, 1968. Fonds Guy Rottier / D.R. cliché : Jean-Jacques Strauch


au programme arts visuels gard hérault

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Au-delà des barreaux Entre 2013 et 2017, Nicolas Daubanes, Paul Heintz, Sarah Kowalczewski, Laure Tixier ont mené des projets en immersion et à long terme dans des prisons, françaises en particulier. À l’heure où celles-ci se rappellent à l’inhumanité, tournons nos regards vers ce que révèlent les artistes du monde carcéral. C.L. Pour attraper encore quelques détails vivants du dehors jusqu’au 24 mars CACN, Centre d’Art Contemporain, Nîmes 09 86 41 60 33 cacncentredart.com

Laure Tixier, Map with a view, 2014, 33 sérigraphies sur papier velin BFK Rives, 40x40 cm chacune. Photo : Eric Pfliegersdoerfer. Courtesy de l’artiste et galerie Polaris (Paris)

Histoire et photographie

Christian Phéline donne le coup d’envoi d’un nouveau cycle d’expositions consacré au rapport entre la photographie et l’Histoire, et au rôle de la photographie dans l’Histoire : témoin, instrument de propagande, etc. Le premier focus se porte sur Thérèse Rivière et Germaine Tillion, envoyées en mission ethnographique dans l’Est algérien par le Musée de l’Homme. M.G.-G. Aurès, 1935. Photographies de Thérèse Rivière et Germaine Tillion jusqu’au 15 avril Pavillon populaire, Montpellier 04 67 66 13 46 montpellier.fr Fillette (Nara) portant une poupée de tissu, Aurès 1935-1936 © Germaine Tillion

Pierre Fournel C’est un véritable hommage en forme de rétrospective pour l’œuvre de Pierre Fournel. Des débuts parisiens aux expérimentations matiéristes sur les rives de Castelnau-le-Lez à travers ses sculptures totems, carnets, galets sculptés, et les emblématiques peintures de sable, cette « poussière de soleil » privilégiée par le dernier représentant du groupe Montpellier-Sète. C.L. Pierre Fournel, errances et itinérances jusqu’au 1er avril Espace Dominique Bagouet, Montpellier 04 67 63 42 78 montpellier.fr

Plage bleue,1973, acrylique, 100 x 100 cm. Collection particulière © Pierre Fournel ; photographie Jacques Fournel

Jean-Paul Meurice Les années soixante ont marqué le renouveau de la peinture par diverses tentatives de radicalité du geste artistique. Pour le peintre et réalisateur Jean-Paul Meurice, ce sont cinq décennies qui sont couvertes ici par une sélection d’une quarantaine d’œuvres où s’entre-jouent couleur et abstraction, dessin, références à l’art islamique. C.L. Jean-Paul Meurice - Parcours : 1956-2018 jusqu’au 26 avril Musée Fabre, Montpellier 04 67 14 83 00 museefabre.fr Boukhara 10 // 1982, acrylique sur carton, 75 x 105 cm, don de l’artiste, 2015, inv. 2015.16.1


88 critiques arts visuels

Pièce à part à la Double V Gallery

I

l aura suffit d’une année d’existence à la Double V Gallery pour qu’elle accède à la cour des grands, adoubée par ses pairs du réseau Marseille expos et lauréate du premier Prix Camera-Camera à Nice en novembre dernier (Zib’113). Fondée par Nicolas Veidig-Favarel et Véronique Favier, assistés de Romain Chioccioli, la galerie privée s’est installée rue Saint-Jacques à proximité de la maison de ventes Damien Leclère, la galerie Stammegna, la toute jeune Ars Nova, un antiquaire, une encadreuse… « Un quartier qui a une âme » dans lequel elle a investi 45 mètres carrés sur plus de 4 mètres de hauteur sous plafond pour exposer « des œuvres destinées à un public curieux, cultivé et amateur d’art contemporain ». Pour Nicolas Veidig-Favarel, « le projet est de trouver le bon équilibre parmi des propositions artistiques exigeantes mais accessibles intellectuellement

Vue de l’exposition Shapes, Body and Soul, © X DR

et esthétiquement, dont le prix varie de 200 à 2900 euros ». Et, avant de s’attaquer au reste du monde, il est bien décidé à « convertir les amateurs et à fidéliser les collectionneurs de Marseille ». Quand on lui rappelle la fermeture récente de la galerie Gourvennec Ogor, pas de panique ! Il connaît bien le paysage artistique pour l’avoir côtoyé à plusieurs reprises : sur le territoire, au sein d’Art-O-Rama en 2016 et à la galerie Association d’idées pendant 5 ans et au-delà, lors de sa formation à Paris et de sa collaboration au Salon de la Jeune création. Maintenant qu’il est passé de l’autre côté du miroir, il court les ateliers et les salons - son vœu secret est d’être retenu par

Paréidolie - et organise entre 6 et 7 expositions par an. Comme Shapes, Body and Soul dont le commissariat est assuré par sa complice Emmanuelle Oddo, première collection d’œuvres et d’objets d’art proposée par Pièce à Part vouée à intégrer les espaces habités. On y découvre, dans un ordonnancement aéré et chaleureux, les pièces uniques des céramistes Valentina Cameranesi, Daphné Corregan, Jessica Coates & Michel Müller (Studio MC) et Romy Northover. L’ensemble faisant un contrepoint visuel à la fontaine hypnotique et sonore du designer Arthur Hoffner, Prix Design parade 2017 de Hyères, placée au centre de la galerie comme dans les

Marseille Nord, ou la considération Yohanne Lamoulère expose son quartier à Marseille et à Gap en un geste d’amour capital

Y

ohanne Lamoulère fait de la photographie mais se bat contre les clichés. Ceux qui enferment les photographes dans les catégories « artiste » ou « reporter », qu’elle transcende toutes les deux. Ceux qui voudraient que la photographie documentaire soit exempte de pose et de jeux de mots, capturant un réel objectif, triste et sérieux. Ceux de la communication officielle, qui en gomment les aspérités et rêvent d’une architecture aseptisée. Mais surtout, ceux des médias qui voudraient que les arrondissements de Marseille où elle vit et travaille, et qu’on appelle les Quartiers Nord, soient dominés par le trafic, la violence, la misère et la mort. Il s’agit pour elle d’apporter de la considération. Envers les paysages urbains, la

mer, le ciel, l’écorce des murs, les arbres et présentes aujourd’hui à Gap, Yohanne Lamoul’herbe qui y pousse, folle... Envers les gens lère fait un clin d’œil au mythe de la fondation surtout, qui posent, souvent joyeux, le regard marseillaise : Gyptis, princesse des lieux, aurait tourné vers l’horizon, beaux de leur diversité offert son cœur à Protis, navigateur étranger. d’âge, de peau, de leurs déguisements et Ce sont donc (surtout) des couples qu’elle leurs corps assumés, de la Les sauteurs © Yohanne Lamoulère-Picturetank lumière crue qui les nimbe. À Gap, dans la galerie de la Passerelle, Marseille, carte blanche propose des formats et des sujets divers, des « Vivants », mais aussi les traces de la reprise en main en cours : une affiche électorale d’un comorien qui se présente avec Jean-Claude Gaudin, ou la destruction d’un immeuble d’habitation. Des grands formats collés aux murs ; le rappel, écrit, à lire, de l’histoire d’Ibrahim Ali. Au théâtre du Merlan, où elle avait exposé en 2016 la plupart des photographies


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Service minimum

jardins andalous et les riads marocains. Autre contrepoint visuel, et autre dialogue habile, avec la vidéo de Caroline Denervaud dans laquelle elle met en scène son corps et sa pratique picturale, l’un et l’autre soudés par le mouvement, le pinceau, les émotions intimes. Si son corps laisse des traces sur « la chambre de papier », parfois celles-ci font œuvre et vivent de leurs propres ailes. Tels ces trois tirages originaux exposés aux cimaises. Les œuvres de cette danseuse, styliste et plasticienne agissent comme des aimants qui attirent auprès d’elles d’autres pratiques où le corps et la matière dialoguent au grès de performances. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Shapes, Body and Soul jusqu’au 3 mars Double V Gallery, Marseille 06 65 10 25 04 double-v-gallery.com

a photographiés, cherchant leur beauté, leur force vitale faite de leurs origines diverses, et leur donnant, en les considérant, la possibilité d’aimer. D’échanger des baisers à pleine bouche au pied des immeubles, d’attendre l’autre sur un scooter, de germer, de pousser, de vivre. À la Friche elle sera présente pour l’exposition Jeune génération qui réunit 15 photographes autour de la jeunesse d’aujourd’hui. Puis Gyptis&Protis naviguera tout au long de MP2018, pour partie à l’ARCADE (Aix), pour partie aux Rencontres d’Arles... exportant des images renouvelées de Marseille et de l’amour. AGNÈS FRESCHEL

Marseille, Carte blanche jusqu’au 31 mars La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu

à gauche, œuvre de Sylvie Reno, à droite œuvre de Frédéric Clavère © X DR

O

n ne peut pas faire plus confidentiel que l’exposition Le mauvais œil 39 : Bourreaux des cœurs ! Primo, il faut monter au deuxième étage de La Friche la Belle de Mai pour pousser la porte de l’atelier de sérigraphie Le Dernier cri, à la différence d’une galerie ayant pignon sur rue ; secundo, accepter de n’avoir aucun interlocuteur et prendre le risque de déranger ; tertio, ne pas craindre de manquer d’informations sur les artistes invités. Seul un cartel quasi invisible indique les titres des trois œuvres de Sylvie Réno, accompagné de deux ou trois catalogues sur Frédéric Clavère en consultation. Mais quel public aura à cœur de se déplacer dans ces piètres conditions ? On se croirait dans l’avant boutique d’un salon de tattoo réservé à quelques initiés ! D’ailleurs, la seule information obtenue concerne le lien amical et de voisinage qui lie Pakito Bolino, cofondateur du Dernier cri, aux artistes. On se contentera donc de ce lapidaire commentaire et se focalisera sur les pièces présentées, avant éventuellement de se procurer les monographies publiées par Sextant et plus. Sylvie Réno a choisi trois pièces récentes en carton, son medium de prédilection, qui toutes évoquent la douleur. Le Rasoir national est constitué d’un rouleau de scotch, d’une scie circulaire, d’un cutter (outils utilisés dans le processus de création d’une pièce ?) et de trois vanités ; On n’a pas le droit d’emmerder un visiteur qui ne vous a rien fait figure une guillotine réaliste, à échelle réelle mais inversée : le coupable est au ciel et le couperet à terre. Ici tout coupe, tout tranche, tout débite mais rien ne fonctionne. Comme dans Mon cœur en cendre, éparpillement de mini boîtes en forme de cœur, certaines intactes et closes, d’autres ouvertes et encore « fumantes » d’anciens mégots consumés. Dans les six calvaires peints par Frédéric Clavère, il est également question de souffrance avec sa rhétorique guerrière, son imagerie hard-rock (tatouages et logos, évocations multiples de la grande faucheuse), son vocabulaire fantastique, ses références à la Pop-Culture et sa tendance érotico-gothique (scarabée, pin-up sur fond rouge). Bref, rien ne fait réellement peur mais tout inquiète. MARIE GODFRIN ET JULES GUIDICELLI

Gyptis&Protis 16 février au 30 juin Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org Jeune génération 18 février au 3 juin La Friche de la Belle de mai, Marseille 04 95 04 95 95 lafriche.org

Le mauvais œil 39 : Bourreaux des cœurs Frédéric Clavère et Sylvie Reno Atelier Le Dernier cri, La Friche Belle de Mai, Marseille jusqu’au 14 mars 04 95 04 95 95 lafriche.org


90 critiques arts visuels

Effleurements Avec les frères Debailleux, lumière et magie créent des mondes flottants pour le Centre d’art contemporain d’Istres

U

n des attraits de la programmation du CAC d’Istres est de proposer un fil rouge thématique pour chaque exposition, construit avec des projets spécifiques, le plus souvent à l’échelle de l’hôtel particulier qui l’abrite (en attendant un lieu plus adapté). Pour ce second volet d’In Lumine , la lumière prend le chemin de la magie, emprunte à la scène et aux nouvelles technologies comme à la peinture. Celle des tableaux matiéristes vaporeux rappelant Turner de Louis Debailleux, rejoint par son frère Clément, danseur, créateur de la compagnie Cie 14:20 et initiateur du mouvement de la Magie nouvelle.

dispositifs Cependant, ne vous attendez pas à une profusion d’effets spectaculaires, de la prestidigitation ou de l’art forain. Si le principe illusionniste est en jeu, les deux confrères ont conçu des

Émanation, Louis et Clément Debailleul/Cie 14:20, CAC Istres, 2018, installation, vue partielle. ©Zibeline/C. Lorin

dispositifs discrets, le plus souvent plongés dans le noir, avec le renfort de la vidéo et du numérique, suivant des cycles de quelques minutes. Pas d’ostentation techniciste, ni de mise en forme innovante -les arts visuels utilisent depuis longtemps la technologie

dans leur champ d’exploration : art cinétique, installation vidéo... L’essentiel se joue avec le temps, contemplatif et poétique, et des métamorphoses visuelles subtiles. Au premier regard, Transformation silencieuse (salle 2) ne se distingue pas des autres toiles de Louis

« Soyez réalistes, demandez l’impossible ! »

T

hèm’Art prend une longueur d’avance sur le calendrier des commémorations de Mai 68 en proposant en février le temps fort Art et Philosophie Révolution(s). Comme les cinq éditions précédentes, Thèm’Art fera

© Jean-Philippe Roubaud

se croiser les regards des philosophes et des plasticiens, leurs méthodes, leurs instruments, à l’occasion d’une exposition collective et d’un colloque dont la thématique commune interroge notre société et notre époque. Chantal

Delsol et Michel Maffesoli interviendront respectivement sur « La révolution comme matrice et comme naufrage » et « Révolution resolvere ou le retour spiralesque des choses » tandis que l’exposé de Philippe Granarolo traitera d’un « grand écart jamais surmonté – Mai 68 ». En qualité de philosophe et d’adjoint à la culture de La Garde, Philippe Granarolo est à la manœuvre pour atteindre son objectif de « faire se rencontrer deux mondes et mieux relier les deux approches ». Avec une belle énergie semble-t-il, puisque depuis 2013 la venue de Luc Ferry, puis Boris Cyrulnik, Raphaël Enthoven et Cynthia Fleury ont fait salle comble ! Cette année, il innove en invitant les philosophes à découvrir l’exposition en présence des plasticiens, favorisant ainsi le dialogue au plus près des œuvres. Celles-ci ont été sélectionnées par un jury professionnel* sur des critères multiples : inventivité, imaginaire, qualité technique, réflexion, originalité, en résonance avec la thématique « révolutionnaire ».


FRICHE LA BELLE DE MAI du 16 au 18 février 2018 Debailleux présentées à proximité de façon usuelle. Et le visiteur hâtif de passer éventuellement à côté de cette proposition tout en demies teintes, sans en percevoir les imperceptibles transformations (de lentes projections lumineuses colorées). Phénomènes que reprend plus loin Nuances, écran lumineux proche du format tableau, combiné en résonance sonore avec la pièce de György Ligeti, Melodien (1971). Image et son construisent là un continuum sonore et visuel aux évolutions sans origine ni fin, ni centre focal. (à présenter seul de préférence ?). Le dispositif peut aussi se rendre plus ludique. Dans Impressions (salle 1), le visiteur est incité à se prendre au jeu de ses propres gestes transformés en traces fantomatiques, évoquant la photographie spirite. Dans la salle 4, Nur met le visiteur cette fois-ci au centre, dans un déroulement plus séquencé et gestes dansés sur deux écrans géants. Émanation (salle 3) s’inspire du Pepper’s ghost, illusion d’optique à la base de tours de magie en vogue au XIXe siècle, sorte de lente mise en abyme du double des images/tableaux. Entre apparition/disparition, déplacement diffus du regard, on ressort de ce parcours imprégné d’une sensation de poésie lente et fugace, l’esprit un peu flottant. La saison In Lumine s’achèvera avec un important focus sur l’œuvre de Lucio Fanti, de la peinture à la scène.

Deux jours, jusqu’au bout des nuits, avec entre autres Antoine d’Agata, Manu Théron, Lil’ Louis, François Cervantes, Stéphane Belmondo, Cie Skappa !

CLAUDE LORIN

Magie et Lumière - Respiration d’un monde à un autre jusqu’au au 15 mars Centre d’Art Contemporain Intercommunal, Istres 04 42 55 17 10 ouestprovence.fr

Sans pour autant l’illustrer à la lettre ! Pour les jeunes créateurs issus de la région Grand Sud-Est, Thèm’Art est à la fois une vitrine et un tremplin. Ensemble ils captent le bel éclairage offert par l’exposition collective, la présence des philosophes, du public, des médias et des professionnels. Et comme dans toute compétition, un seul sera nommé lauréat - ou lauréate - et bénéficiera d’une double récompense : une dotation de 1500 euros et une exposition personnelle à la Galerie G. l’année suivante. Le challenge est de taille et le jeu en vaut la chandelle, pour preuves les dessins et installations du lauréat 2017, Jean-Philippe Roubaud, qui font les beaux jours des cimaises de la galerie jusqu’au 28 février. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

* Régine Para Tracy (Espace de l’art concret, Mouans-Sartoux), JeanLouis Ramand (galerie Jean-Louis Ramand, Aix-en-Provence), Davia et Lisa Fardelli (galerie Les frangines Hybrid Space, Toulon).

Révolution(s) 16 au 25 février, colloque le 24 février à 15h Complexe Gérard Philipe, La Garde 04 94 08 99 19 ville-lagarde.fr facebook.com/GalerieG

QUEL AMOUR ? www.lafriche.org

PRÉFET DE LA RÉGION PROVENCE-ALPES CÔTE D'AZUR


92 rencontres littérature

D’autres vies que la leur

Anny Duperey au Festival de la biographie © F.R.

L

a 17ème édition du Festival de la Biographie s’est tenue à Nîmes. Une centaine d’auteurs invités, deux parrains d’honneur, Camille Laurens et Laurent Stéfanini, et durant trois jours une succession ininterrompue de grands entretiens et rencontres qui ont souvent fait salle comble. Un beau succès pour cette manifestation littéraire qui mettait l’accent cette année sur « Les sens de l’histoire ». Remarquable diversité des ouvrages et des vies retracées : figures historiques et politiques (de De Gaulle à Kadhafi, en passant par Poutine), religieuses et spirituelles (Jésus, Luther ), littéraires et artistiques (Montaigne, Mme du Deffand, Maria Callas, Camus, Salinger ), il y en avait pour tous les goûts, dans tous les sens. Sans oublier la part importante accordée au cinéma et à la chanson. On ne peut que saluer la passion évidente des auteurs pour leur sujet, leur érudition, leur enthousiasme à la communiquer. Lorsque Clara Laurent évoque brillamment la « femme moderne » que fut Danielle Darrieux, lorsque Kéthévane Davrichewy raconte comment, grâce aux chansons de Barbara,

« les mots ont commencé à faire leur chemin » en elle, lorsqu’Anny Duperey, de façon plus intime, s’interroge sur l’héritage de sa mère et sur les pouvoirs de l’art face à la disparition des êtres chers, on est porté par leur ferveur. Ces itinéraires particuliers ne sont-ils pas d’ailleurs un miroir des nôtres ? Qu’elles soient célèbres ou méconnues, comme la petite danseuse de Degas que Camille Laurens ressuscite, lui redonnant vie dans son contexte social probable. Son roman vraisemblable interroge la nature même de la fiction littéraire et son rapport à l’art à travers le temps. Car la petite danseuse de Degas, gracile et rude, fit scandale : la vie minuscule, marginale, emblématique de la souffrance du peuple, donnée en sacrifice à l’Opéra de Paris, et exposée comme un emblème au Salon des Refusés, mérite aussi, aujourd’hui, biographie, afin de devenir le sujet de notre attention confuse, si éloignée des oublié-e-s de l’histoire des arts. FRED ROBERT ET AGNÈS FRESCHEL

Le Festival de la Biographie s’est tenu du 26 au 28 janvier à Nîmes

Lire l’autre

A

ntoine Mouton et Claudine Galéa se connaissent, se lisent, et sont en résidence d’écriture à Marseille, l’une à La Marelle, l’autre à Peuple et Culture. L’occasion de proposer au public, très simplement, une lecture croisée à Montévidéo. Il commence, par une lecture de Chômage monstre, paru il y a un an. Un texte poétique à la langue osée, incandescente, musicale, qu’il lit en faisant entendre ses rythmes. Un texte qui dit le refus du travail, de l’aliénation du smicard, « le travail est un mensonge » qui lui fait perdre jusqu’à ses mots, et qu’il décide de fuir pour retrouver sa langue, et sa réalité. Claudine Galéa lit à son tour, une pièce radiophonique en cours d’écriture pour France Culture, un texte choral qui dit sa fascination pour Les Hauts de Hurlevent, Emily Brontë et ses personnages, la lande, le rude, la violence des passions. On entend les voix de Catherine, de Hethcliff, de Nelly Dean la narratrice, d’Emily Brontë, et surtout de Claudine Galéa écrivant, admirant, fascinée, incarnant tous ces personnages en changeant

Claudine Galea et Antoine Mouton © François Verrière

légèrement de voix et en levant la main pour indiquer à quel niveau de mise en abyme elle nous entraîne. Puis les deux auteurs échangent : lui lit un texte d’elle, en rythmant poétiquement sa lecture, s’appropriant ses mots. Elle lit un texte qu’il est en train d’écrire, qu’elle dramatise en comédienne, lui insufflant une émotion plus directe. Étrange rencontre, chaleureuse, entre deux lectures différentes, qui donnent

à appréhender, un instant, l’étrange plaisir de l’appropriation des mots de l’autre. Et aussi, mystérieusement, comme un dévoilement de l’acte d’écrire. AGNÈS FRESCHEL

Antoine Mouton et Claudine Galéa ont lu leurs textes à Montévidéo, Marseille, le 17 janvier


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Lecture à l’italienne au MuCEM

E

ve ns al

n janvier, le Mucem et les Écritures en résonnance passé et présent, coloniacroisées d’Aix-en-Provence ont donné lisme, fascisme et montée des extrémismes ; carte blanche à Francesca Melan- d’interroger particularités et universalité ; dri : rencontre autour d’une œuvre de rechercher, comme dans Eva ancrée en Italie mais de portée dort, les origines d’une crise universelle, zoom sur le temps identitaire régionale, celle du Trentin-Haut-Adige, fort des années de plomb avec l’historien Claudio dans les problématiques Melanesi, lecture de son géopolitiques et natioroman Plus haut que la nalistes du XXe siècle. mer par les talentueux Avec son dernier roman Anne Alvaro et FranSangue Giusto (à paraître çois Marthouret, brunch en France en 2019), ro à l’italienne, retour sur son Francesca Melandri achève Fr P an en ces ur ca M Mo métier de scénariste et projection une trilogie remarquable qui s i o elandri © Franç de son documentaire Vera, à propos s’inscrit dans un processus mémoriel de Vera Martin, née à Zagreb dans une récent en Italie. MARION CORDIER famille juive, réfugiée dans la péninsule pendant la Seconde Guerre mondiale. Le Mucem et les Écritures Croisées La grande force des romans de l’auteure, d’Aix-en-Provence proposaient un weekc’est de traverser l’histoire à partir de end de rencontres autour de l’œuvre de drames individuels ou familiaux ; de mettre Francesca Melandri les 13 et 14 janvier.

Premiers Chapitres

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our inaugurer la nouvelle année, le théâtre des Halles proposait une lecture : Dans la foule de Laurent Mauvignier. La foule dont il est question, c’est celle composée des supporters qui assisteront à ce que les journalistes nomment le « match du siècle » : la finale de la Coupe d’Europe des Champions à Bruxelles en 1985. Cet événement se déroulera au stade du Heysel ; ce nom, évidemment, résonne tragiquement dans nos mémoires. Olivier Barrère lut le début du roman, où l’auteur fait entrer en scène une fratrie de Liverpool, deux jeunes Français supporters de l’équipe de Turin et un couple de Bruxellois. Tous rêvent d’être le soir du 29 mai 1985 parmi les soixante mille supporters qui rempliront le stade, l’événement méritant, à leurs yeux, mieux que des images télévisées. Avec, seulement de temps en temps, un tour sur lui-même pour signifier que l’espace de narration change, que le texte présente une double interligne, c’est sans aucune mise en scène que l’acteur Olivier Barrère livra au public le texte nu, brut, sans interprétation. Daniel Pennac écrivait : « L’homme qui lit à voix haute nous élève à hauteur du livre. Il

donne vraiment à lire. » C’est effectivement la vocation d’un tel exercice : proposer la découverte d’un texte, voire d’un auteur. Ainsi, lorsque la lecture du premier chapitre de Dans la foule fut achevé, le public, suspendu à ses lèvres, demanda à Olivier Barrère de continuer. Sans plus se faire prier, il poursuivit pendant quelques pages encore. Puis, les éléments du drame étant en place, et après plus d’une heure de partage autour d’une voix et d’une écriture, chaque spectateur partit libre de s’approprier le roman, d’aller jusqu’au bout de la tragédie et de s’embarquer seul dans le texte. jot Ba La Cie Il va sans dire a choisi ion © Mar trois romans dans l’œuvre de Laurent Mauvignier : Seuls, Dans la Foule, et Des hommes (lecture le 12 avril). Après ce cycle, Olivier Barrère a pour projet d’explorer d’autres territoires littéraires avec un autre écrivain des Éditions de Minuit, Jean Echenoz. CAROLINE GERARD

La lecture de Dans la foule de Laurent Mauvignier a eu lieu le 13 janvier au Théâtre des Halles à Avignon

Lycéenslecteurs

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e deuxième Forum du Prix littéraire des lycéens et des apprentis de la Région PACA a rassemblé les classes de 10 établissements. La rencontre s’est déroulée dans une belle écoute et la pertinence des questions a parfois même dérouté les auteurs. Les thèmes abordés étaient sérieux : amour, migrants, préservation de la nature. Rien de léger. Des textes qui questionnent sur l’humanité, son avenir… Sur le plateau la brillante romancière Julia Kerninon parle de sa conception de l’amour pour répondre à une question sur l’existence ou non de l’amour idéal à propos de son livre Le dernier amour d’Attila Kiss (voir Zib’94). Hugo Boris, qui est aussi réalisateur, s’explique sur son choix, dans Police, de mettre en scène des policiers en action qui reconduisent un migrant à la frontière, avec toutes les interrogations et les doutes que cela déclenche en eux. Quant aux trois albums de styles totalement différent, ils témoignent de la richesse du genre et les lycéens se sont intéressés à leur génèse : réalisation, choix des couleurs, dessin, occupation de la page. Jérome Ruillier dessine sur fonds colorés L’étrange, le migrant qui doit repartir dans son pays, tel que le voient les gens qui le croisent. Le franco-américain Christopher Hittinger s’attaque au récit terrifiant, en noir et blanc et sans phylactères, de la traversée du continent américain par des pionniers qui se rendent au péril de leur vie en Californie en 1846 (Truckee Lake). Fabien Grolleau et Jérémie Royer (scénario et dessin) mettent en scène le premier ornithologue, Audubon, et les merveilleux oiseaux qu’il a observés dans un album à la facture plus classique et très raffinée, Sur les ailes du monde. En ouverture de la manifestation, Michel Bissière, vice-président de la commission Culture, a présenté les nouveaux projets de la Région : un concours d’écriture de nouvelles proposé aux participants et le retour au Salon du Livre de Paris du 16 au 19 mars. À suivre ! CHRIS BOURGUE

La 14ème édition du Prix littéraire des lycéens et des apprentis de la Région PACA s’est tenue à La Fabrica à Avignon le 31 janvier. Remise des prix le 24 mai. Règlement du concours d’écriture : http://blog.prixpaca.com


94 critiques livres

Haiti, bèl péyi

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èl plaj, bèl moun… Loin de la carte postale idyllique, des anses turquoise et des haies d’hibiscus, Yanick Lahens brosse sans relâche le tableau de la réalité haïtienne. À cette ancienne professeure de littérature et journaliste, à cette militante acharnée contre l’illettrisme, pour la mémoire de l’esclavage, pour le développement culturel et durable de son île, le roman offre un espace privilégié où sonder Haïti comme elle va, où refléter sa complexité. Après le splendide Bain de lune (prix Femina 2014), la voici de retour avec Douces déroutes, dont le titre en dit long sur les paradoxes d’une île « qui n’en est pas une, mais juste la moitié d’une et qui, pourtant, fait autant parler d’elle qu’un continent. » Et si l’histoire commence par une mort annoncée, dont on apprendra les détails et les auteurs à la fin du récit, elle ne s’en tient pas à cette trame vaguement policière. Loin de là. Après la mort du juge Berthier, ce sont ses proches que l’on suit. Des jeunes, sa fille Brune, mais aussi ses amis ou des voisins, ainsi que Pierre son beau-frère,

parmi d’autres. En une succession de brefs chapitres qui filent à fond de train, comme Mackenson au volant de sa moto, car « ce qui a poussé sur cet asphalte fertile, c’est une inclination à oublier la mort. » La mort, elle est pourtant partout. Alors on chante pour l’oublier ; on fait l’amour ; on écrit des vers ; on manifeste ; on rit beaucoup aussi car « ici rire est une esquive, la plus douce de toutes.

Pour regarder l’amer et le sombre. […] Rire pour aplanir le monde et avancer comme dans un songe »… Le récit au présent multiplie les points de vue, mêlant le « il/elle » et le « je », dans un flot auquel on s’abandonne volontiers, car il est le vibrant instantané d’une réalité aux multiples facettes, dans laquelle Yanick Lahens, sans commentaires, nous plonge. Certains ont choisi de réussir, quels qu’en soient les moyens. D’autres préfèrent ne pas se soumettre, au risque de leur vie. D’autres décident de partir. Yanick Lahens ne juge pas, elle montre. La dureté des existences, mais aussi l’intense vitalité de la jeunesse haïtienne et de son île, « Haïti la à-jamais-foutue, mais qu’on n’arrive pas à achever ». Un roman haletant, qu’on regrette presque d’avoir lu si vite. FRED ROBERT

Douces déroutes Yanick Lahens éditions Sabine Wespieser 19 €

Le livre venu du froid

A

vec L’homme de l’hiver, Peter Geye offre un roman où l’aventure emprunte autant les chemins périlleux des grands espaces que ceux des circonvolutions des âmes. À 90 ans, sénile, Harry fugue. On ne le retrouvera pas, dans ces confins rudes et glacés du Minnesota. Son fils Gus, et celle qui fut l’amour de toute sa vie, Berit, racontent cet homme insaisissable et pourtant omniprésent dans leur existence. Les temps se mêlent, se croisent, se chevauchent dans cette narration à deux voix principales, et apportent au récit une tension exacerbée. Les mystères des origines, des raisons, des parcours, ruptures, déchirements, abandons, mensonges, secrets, tissent une ample saga qui lie étroitement la communauté de la petite ville de Gunflint et la famille des Eide. Des personnages forts peuplent le récit, Charlie Aas, sans scrupules, avide de pouvoir quel qu’en soit le prix, l’énigmatique Rebekah qui gardera ses secrets jusqu’à la mort, Berit, bouleversante dans la fidélité inconditionnelle

« étendues sauvages » où le jeune Harry (il a 17 ans) voit « le reflet de la sauvagerie de l’âme. La sienne et celle du monde. Indomptable, ingouvernable, impitoyable ». Les hommes qui le traquent y sont plus dangereux que les ours… Dans ce monde de taiseux, la parole prend un relief terrifiant, devient acte, donne à percevoir les fêlures, la profondeur des silences, l’importance d’un geste, d’un regard… Complexité à l’image du réseau des lacs et des forêts dans lesquelles il est si aisé de se perdre, sans compter le gouffre sans fond qui hante les imaginaires… En un style fluide où le moindre geste prend une signification forte, Peter Geye signe un texte flamboyant et glacé, d’une saisissante acuité. MARYVONNE COLOMBANI

de son amour… L’acmé du roman est sans doute l’épisode situé en 1963 où père et fils, Harry et Gus, partent en canoë, pour aller passer l’hiver à la frontière, renouant avec le trajet des anciens pionniers. Il s’agit alors, non pas d’« habiter » mais de « survivre » dans les

L’homme de l’hiver Peter Geye éditions Actes Sud, 22.50 €



96 critiques livres

Un oiseau et des guerres

E

n mai 2015, un traquet kurde, petit passereau dont le cri fait penser à celui du traquet d’un moulin, est repéré et photographié au sommet du Puy-de-Dôme par un ornithologue qui a la bonne idée d’y faire un jogging. Rien n’explique la présence de cet oiseau en ces lieux. Coïncidence ou hasard objectif, cette observation étonnante fait écho dans les esprits avec la libération de Kobané par les forces kurdes, survenue quelques semaines auparavant. À partir de cet événement, Jean Rolin mène une enquête dans les milieux de l’ornithologie. Après Clermont-Ferrand où il rencontre le naturaliste-jogger, c’est dans les collections du British Museum transférées à Tring qu’il poursuit ses investigations. Parmi les collecteurs d’Œnanthes (le nom savant du traquet), on trouve des personnalités militaires ou diplomatiques britanniques de la première moitié du XXe siècle. Jean Rolin affirme que « la relation qu’entretient l’ornithologie avec la guerre, l’espionnage ou la diplomatie est illustrée par de nombreux

exemples… » Meinerzhagen est l’un d’eux, et non des moindres. Personnage plutôt trouble, certainement meurtrier, imposteur et voleur assurément, cet officier de l’armée britannique durant la première guerre mondiale est aussi l’auteur de Birds of Arabia, une référence en la matière. Sur le terrain des opérations, comme beaucoup de ses confrères, il observe

les oiseaux mais aussi les tue pour mieux les étudier. Au total, l’histoire de tous ces ornithologues britanniques s’entrelace avec celle non moins alambiquée du Proche-Orient. En 2016, Jean Rolin, à son tour, part à la recherche du traquet kurde sur sa terre d’origine, aujourd’hui en guerre. C’est sur la montagne du Nemrut Dag, située dans le Kurdistan turc, qu’il se rend. Enfin, il y rencontre son premier traquet kurde qui, à son grand étonnement, se pose presque à ses pieds, comme si le passereau voulait le saluer. Guidé par ce petit oiseau, Jean Rolin trace au fil des pages un voyage au milieu des conflits internationaux, des guerres qui ont secoué le XXe siècle, de celles d’aujourd’hui. Observant les faits à travers des jumelles d’ornithologue, l’écrivain nous livre un récit passionnant en mêlant avec talent l’anecdote et la réalité la plus âpre. CAROLINE GÉRARD

Le Traquet kurde Jean Rolin Éditions P.O.L. 15 €

Lwow, Lvov, Lviv

D

ans Une ville à cœur ouvert, Zanna Sloniowska fait battre l’intime au rythme de l’histoire contemporaine à travers quatre générations de femmes vivant sous le même toit à l’Ouest de l’actuelle Ukraine, dans une ville nommée Lwow, Lvov, puis Lviv, selon ses appartenances successivement polonaise, soviétique et ukrainienne. De la grand-mère à la petite-fille, quatre destins tout en force, passion et douleur incarnent la complexité d’une époque et la coexistence de plusieurs cultures. La fiction interroge de manière subtile les incidences d’un contexte sur les parcours individuels, ce qu’un personnage subit et ce qu’il choisit, les décisions qui libèrent ou entravent, de manière irréversible. Les hommes sont absents, les femmes de l’intelligentsia, artistes contrariées ou accomplies, dures et indépendantes. Mémé Stasia, arrivée de Leningrad en 1944, telle une ombre errante parée d’une robe de chambre, hurle à la mort son amour perdu. Aba a la nostalgie d’une Pologne qu’elle n’a jamais connue et des regrets de vie nichés au creux de sa polyarthrite rhumatoïde. Marianna, cantatrice, mère froide

emboîtés comme des poupées russes, et par le prisme du regard de sa fille qui cherche à comprendre, qui interroge le destin de ses trois aïeules, sonde l’art et l’architecture de la ville, découvre l’amour et le désir. Ce texte, rattrapé par l’actualité de ses dernières années, saisit par son inclination à évoquer une ville, des vies dans leur réalité brute tout en flirtant avec la poésie et l’onirisme. Sa construction narrative et métaphorique prend des chemins de traverse. L’allégorie du Vitrail aux soixantedouze couleurs de l’immeuble occupé par ces quatre femmes porte la charge symbolique de la fiction, et compose le titre originel de l’œuvre (La Maison au Vitrail). MARION CORDIER

et insaisissable, choisit entre l’art et la lutte : ce sera la lutte pour l’indépendance, pour une Ukraine libre, mais au prix de sa vie. Une balle et voici qu’un linceul bleu et jaune aux couleurs du futur État enveloppe Marianna la mezzo-soprano, la résistante. C’est autour de la date de sa mort, 1988, que le roman commence et s’articule, avec un jeu d’allers et de retours entre présent et passé solidement

Une ville à cœur ouvert a reçu le Conrad Award en 2016.

Une ville à cœur ouvert Zanna Sloniowska Éditions Delcourt, 20 €


Kellylee Evans. Photographie : Arnaud Compagne

AIX-EN-PROVENCE 96.2 MARSEILLE 92.8 jazzradio.fr


98 critiques livres

Ce qui ne peut pas être divisé

C

’est un petit livre, mais dense. Le pluriel de son titre, Sociologies de l’individu, est important, tout comme le rappel étymologique qui figure au début : « individu vient du latin in-dividuum (« ce qui ne peut pas être divisé ») ». Federico Tarragoni l’a construit en deux parties complémentaires, l’une retraçant toute une tradition sociologique rapportée à son sujet d’étude, la seconde détaillant les apports contemporains de la discipline. On y perçoit une grande ambivalence, dès l’origine. Les « pères » de la sociologie comme Émile Durkheim n’ont souvent pas assez pris en compte « l’expérience que l’individu fait du monde social », ses idées, représentations, rêves, émotions. Pour les lecteurs qui n’auraient pas déjà été allergiques à Pierre Bourdieu, l’auteur enfonce le clou : il le dit méfiant des mises en récit de soi-même, estimant que seul le sociologue détiendrait les clefs explicatives d’une situation sociale, de par sa vision structurelle. Federico Tarragoni pencherait plutôt du côté de Norbert Elias, « en dialogue étroit avec l’histoire et la psychanalyse », pour lequel

oppose le culte de la performance économique qui prévaut dans nos sociétés modernes. « Désormais réduit à ce qu’il possède, l’individu apparaît plus seul et plus délié, surtout lorsqu’il ne possède rien ». L’injonction institutionnelle de se prendre en charge le rend responsable de ses échecs, le renvoie à ses déficiences par un redoutable dispositif de pouvoir. La conclusion de Federico Tarragoni : des progrès ont été faits en matière de sociologie de l’individu, désormais objet légitime d’étude. Mais il invite à un « patient travail de critique anthropologique, pour démontrer que le modèle néolibéral de l’individu n’est pas le seul possible », en récusant toutes les approches en surplomb. les rapports sociaux sont relatifs au contexte, qui donne lieu à un certain type d’expérience individuelle, mais se jouent de manière intime et réciproque, incompréhensible de l’extérieur. Le grand intérêt de l’ouvrage réside dans son analyse d’un concept à double tranchant, l’individuation. À son versant positif -valeur sacrée de la personne, aux droits inaliénables- il

GAËLLE CLOAREC

Sociologies de l’individu Federico Tarragoni Éditions La Découverte, 10 €

Héraut d’héroïnes

L

es Héroïnes de cinéma sont plus courageuses que moi, c’est le titre choisi par Guillaume Guéraud pour chapeauter 28 récits qui ressuscitent-réinventent dans notre mémoire et la sienne 28 femmes de et au cinéma. Un titre-hommage qui affirme l’admiration pour les femmes face « à tous les salauds qui ont tenté de les museler ». Un titre-aveu qui renvoie au sentiment intime de l’auteur auquel le cinéma, s’il accompagne depuis toujours son existence, s’y insinuant souvent par des hasards prodigieux, n’est parvenu ni à « enterrer toutes (ses) peurs », ni à le rendre héroïque. Et n’ayant pas le cran d’être « un putain de cowboy de western » et ne possédant pas le flingue (minimum nécessaire, avec une fille) pour réaliser un film selon Godard-Griffith, il écrit ! Il écrit sur ces méconnues, mises en scène ou imaginées par des hommes. Il écrit sur Manu, la seule sur les 28 qui soit dirigée par des femmes : Virginie Despentes et Coralie Trinh Thi. La Manu de Baise-moi, qui en possède un de flingue et assouvit le fantasme « anodin » de tirer trois balles dans la poitrine d’un « connard ». Mêlant

personnes et personnages, autobiographie et documentaire, réalité et fiction, passé et contemporanéité, l’auteur balaie l’histoire du cinéma de 1895 à 2012, avec de vrais points de vue. Avec lui, on cherche en vain dans La Sortie de l’usine Lumière à Lyon (1895) Louise Perrigot, ouvrière parmi les autres, ayant contribué à la fortune des Inventeurs du Cinématographe, figurant sur son arbre

généalogique. Anna May Wong victime du racisme efface la Marlene du Shanghai express de Sternberg. Olga Voznesenskaïa, star absolue du cinéma russe d’avant 17, bascule dans la Révolution comme dans un scénario. On suit, tel un polar d’Ellroy, le tournage saboté par Howard Hughes du Sel de la terre de Herbert Biberman, lui-même blacklisté par McCarthy, et le calvaire de l’actrice mexicaine Rosaura Revueltas. On est convaincu que c’est bien grâce à sa sorcière de grand-mère que Princesse Mononoké a été distribué en France... Alors, bien qu’il s’auto-flagelle volontiers, se traitant de « branleur » et de lâche, bien qu’étant incontestablement un homme, Nobody is perfect !, on sera reconnaissant à Guillaume Guéraud pour ce livre tonique, drôle et tendre d’un fou de cinéma qui se fait le héraut enthousiaste et sensible d’héroïnes souvent bien sombres. ELISE PADOVANI

Les héroïnes de cinéma sont plus courageuses que moi Guillaume Guéraud Éd La brune du Rouergue, 18,80 €


Salagon, musée et jardins à Mane, Alpes de Haute-Provence

Histoires de blés

ARPA

ATELIER RÉGIONAL DE PRATIQUE D'ACTEURS

CLASSE PRÉPARATOIRE AUX CONCOURS

Service communication du Conseil départemental 04

Dessins © Simon Maillard

Photos © J-M d’Agruma, Jean Mascaux (collection particulière)

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musee-de-salagon.com Retrouvez-nous sur

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