Zibel113

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9.12.17 > 13.01.18

N°113

ZIBELINE

Mensuel culturel engagé du Sud-Est le ballet national

de Marseille

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l’étang de berre

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DÉCEMBRE JANVIER 2018

CULTURE ET SOCIÉTÉ Mensuel payant paraissant le deuxième samedi du mois Édité à 20 000 exemplaires, imprimés sur papier recyclé Édité par Zibeline BP 90007 13201 Marseille Cedex 1 Dépôt légal : janvier 2008 ISSN 2491-0732 Imprimé par Riccobono Imprim’vert - papier recyclé Crédit couverture : © Alouette sans tête Conception maquette Tiphaine Dubois

Directrice de publication & rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@gmail.com 06 09 08 30 34 Rédactrice en chef adjointe Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42 Secrétaire de rédaction Anna Zisman anna.zisman.zibeline@gmail.com

ARTS VISUELS Claude Lorin claudelorin@wanadoo.fr

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LIVRES Fred Robert fred.robert.zibeline@gmail.com MUSIQUE ET DISQUES Jacques Freschel jacques.freschel@gmail.com CINÉMA Annie Gava annie.gava@laposte.net

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Élise Padovani elise.padovani@orange.fr WRZ-WEB RADIO ZIBELINE Marc Voiry marcvoiry@hotmail.com

Polyvolants Chris Bourgue chris.bourgue@wanadoo.fr Gaëlle Cloarec ga.cloarec@gmail.com

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La régie Jean-Michel Florant laregie@gmx.fr 06 22 17 07 56 Collaborateurs réguliers : Régis Vlachos, Frédéric Isoletta, Yves Bergé, Émilien Moreau, Christophe Floquet, Pierre-Alain Hoyet, Aude Fanlo, Thomas Dalicante, Marion Cordier, Caroline Gerard, Delphine Dieu, Hervé Lucien Administration Catherine Simon admin@journalzibeline.fr Houda Moutaouakil contact@journalzibeline.fr

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Chargée des abonnements Marine Jacquens mjacquens.zibeline@gmail.com Communication Louis Giannotti g.journalzibeline@gmail.com

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Appel à responsabilité Zibeline ne lance pas un appel à soutien. Ayant anticipé la baisse des recettes publicitaires et changé de modèle économique, votre mensuel culturel engagé et son site de presse multimédia tiennent le coup, tant bien que mal et sur le fil. Mais nous redoutons l’avenir, et ne pouvons que déplorer l’état de nos collègues : La Marseillaise, Marsactu, le Ravi, Ventilo lancent tous les quatre, chacun de leur côté, un appel à contribution pour conserver la liberté de publier. Ces journaux -Ventilo en a l’esprit s’il n’en a pas le statut légal- sont nécessaires à la pluralité de la presse dans la région. Qui a besoin d’observateurs politiques, économiques, sociaux et culturels locaux sans lesquels il n’y a pas de démocratie possible, ni de diffusion de la création régionale, ni de soutien à la vie sportive, associative, aux entreprises locales, au débat public. La presse régionale a en France un statut étrange. Très peu aidée par l’État qui concentre l’essentiel de ses subsides sur la presse nationale, elle relève d’une économie privée, tout en remplissant des missions de service public. En échange elle bénéficie d’un taux de TVA réduit mais a besoin de l’attention des collectivités locales qui, parce qu’elles sont en principe attachées à la pluralité de la presse, communiquent à travers elles. Ces recettes publicitaires institutionnelles sont indis113 pensables à la presse régionale. Celle qui comme La Marseillaise est née de la Résistance, a relayé toutes les luttes sociales, et a permis récemment de faire reculer le Front national. Pourtant les collectivités, les villes et départements mais aussi la Région un peu moins oublieuse, préfèrent aujourd’hui fabriquer des journaux et des sites institutionnels que personne ne lit, communiquer dans l’espace public en saturant nos regards d’affichages sans explication, acheter de l’espace publicitaire dans des publications sans qualité éditoriale et assimilées, légalement, à des prospectus. Et favoriser l’achat publicitaire dans les sites et les blogs serviles qui relaient sans distance leurs propos et leurs initiatives. C’est de cela que meurt la presse régionale : les collectivités territoriales n’ont plus de politique de soutien à la presse, et laissent leurs services de communication travailler dans des objectifs de visibilité à courte vue. Or sans un minimum d’argent, la presse ne peut se moderniser, (re)trouver un lectorat volatile et mener d’indispensables actions d’éducation pour lutter contre les fake news des réseaux sociaux. C’est en se fédérant pour proposer une information éditorialisée, et en retrouvant l’oreille des politiques, qu’elle pourra cesser de lancer des appels à soutien dispersés : elle fournit un service indispensable aux citoyens, dont elle n’a pas à attendre l’aumône, mais l’intérêt.

ÉDITO

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AGNÈS FRESCHEL


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sommaire 113

SOCIÉTÉ Bio-raffinerie de Total sur le site de La Mède (P.6-7) Inscription de l’Étang de Berre au patrimoine mondial de l’Unesco (P.8-9)

politique culturelle Accès à la culture : - La culture en prison (P.12-13) - e-PASS jeunes, entretien avec Renaud Muselier (P.14) La bibliothèque Inguimertine ouvre ses portes à Carpentras (P.15) Forum des festivals de cinéma PACA (P.16)

Compagnie Humaine - Corpus Fugit © Eric Oberdorff

événements Expositions au FRAC Paca (P.18-19) BNMFEST au BNM, Festiv’Anges à Klap, Festival Flamenco à Nîmes (P.20-21) Mucem (P.22-23)

Boléro, dansé au BNMFEST © JC Verchère

critiques AU PROGRAMME DU MOIS Musiques (P.46-51) Spectacles (P.52-70)

Spectacles, musiques (P.24-45) Marseille, Aix, Aubagne, Martigues, Avignon, Arles, Istres, Gap, Château-Arnoux, Toulon, Montpellier, Carros, Mougins

Problemski Hotel, Manu Riche © Wayan Pitch

cinéma [P.70-73] Marseille, La Ciotat, Vitrolles, Grans, Istres, Fos, Port-StLouis, Arles, Avignon, Montpellier La Tempête © CRAC OCCITANIE à Sète - Pierre Ardouvin, La Tempête, 2011 Divers, bois, terre... 270 x 350 x 500 cm - Photographie Marc Domage

Arts visuels [P.73-83] Marseille, Aix, Arles, Hyères, Toulon, Montpellier, Sète, Antibes, Saint-Paul-de-Vence, Nice, Monaco

livres [P.84-90]


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société

À Total, la palme du greenwashing

2 janvier 2015. Kisangani, Province Orientale, RD Congo. Une femme prépare l’huile de palme utilisée pour la consommation alimentaire et la production de savon. Photo MONUSCOAbel Kavanagh

TOTAL S’APPRÊTE À IMPORTER DANS LE SUD DE LA FRANCE DES QUANTITÉS MASSIVES D’HUILE DE PALME, FRUIT D’UNE MONOCULTURE INTENSIVE, POUR PRODUIRE DES BIOCARBURANTS. ALORS QUE L’UNION EUROPÉENNE, 2E IMPORTATEUR MONDIAL, CHERCHE À RÉGLEMENTER

« L

a première bio-raffinerie de Total » est Greenpeace, qui préfère d’ailleurs utiliser le supposés renouvelables […] ne fait que déplacer le annoncée sur le site de La Mède, terme agrocarburant, pour éviter qu’on n’assi- problème. Pour produire plus d’agrocarburants, il au bord de l’Étang de Berre. Une mile le préfixe au label biologique. « Remplacer faut augmenter la superficie des terres agricoles. bio-raffinerie « de taille mondiale », précise la les carburants fossiles, fortement émetteurs de gaz à Cela se traduit par la destruction de zones forestières, multinationale, qui prévoit la production de effet de serre (GES), par ces nouveaux carburants, elle-même génératrice de gaz à effet de serre.1» En 500 000 tonnes de biodiesel HVO 2015, la Commission européenne (huile végétale hydrotraitée) délivrées a commandé un rapport à ce sujet, à l’année, dès 2018. Principalement à selon lequel les émissions de GES base d’huile de palme, « qui se mélange des biocarburants à base d’huile de parfaitement au diesel, sans aucun impact On trouve de l’huile de palme dans énormément de produits : palme sont équivalentes à... trois sur la qualité du carburant ou sur les des pâtisseries industrielles aux dentifrices, en passant par fois celles des combustibles fossiles. moteurs, et sans limite d’incorporation ». la lessive ou les rouges à lèvres. La production mondiale a Il vaut mieux avoir les idées claires augmenté de façon exponentielle ces dix dernières années, un sur l’huile de palme, car même si Greenwashing phénomène accéléré par son usage comme carburant. Les Amis le grand public est déjà familier On connaît la tendance des grandes de la terre estiment qu’à elle seule, la bio-raffinerie de La Mède des dégâts causés par cette filière entreprises au greenwashing, et Total doublerait la consommation française : « ce projet représente agricole au niveau de la biodiversité, à cet égard est un cas d’école (lire p autant d’huile de palme que 6 milliards de pots de Nutella ». En de la déforestation et de la mal87 notre article consacré à l’ouvrage réponse aux critiques portant sur le redoutable impact de cette bouffe, la question est complexe. d’Alain Deneault, Le Totalitarisme monoculture intensive, une Table ronde pour une huile de palme On vous recommande vivement la pervers). Aussi on ne s’étonnera pas de durable (RSPO) a été mise en place en 2004. Mais l’enquête lecture de La palme des controverses, d’Amnesty International (cf note n°3) révèle que l’organisme voir une ferme opposition au projet ouvrage coécrit par deux chercheurs « agit comme un écran en empêchant tout examen approfondi des dénoncer son écologie de façade. (IRD-Cirad)2. D’après Alain Rival Le biocarburant est une fausse bonne pratiques des entreprises », ses critères étant extrêmement faibles, et Patrice Levang, « boycotter l’huile idée, selon bien des organisations et fondés sur un système d’évaluation superficiel. de palme n’a que peu de sens, si pour G.C. environnementales. Notamment la remplacer on convertit huit fois plus

Huile de palme « durable » ?


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de forêts en champ de soja ou de tournesol ». Le palmier à huile, comme source de corps gras, est en effet comparativement plus performant que d’autres espèces, d’où son intérêt pour l’industrie. L’objectif, pour les défenseurs de l’environnement, n’est donc pas de se focaliser sur lui, mais selon Cécile Marchand, du réseau Les amis de la terre, « d’exclure du marché européen tous les agrocarburants dits de 1ère génération » (produits à partir de plantes destinées traditionnellement à l’alimentation). De cette façon, on limiterait l’expansion des cultures, en Indonésie et Malaisie notamment, avec son cortège d’expropriations, travail forcé, recours à la main d’oeuvre enfantine etc...3

Le combat de tous

Face à Total et ses consorts, la convergence des luttes commence vraiment à prendre forme. Le 14 novembre à Martigues, une rencontre publique était organisée par Alternatiba, Les amis de la terre et la CGT. Fabien Cros, responsable CGT chez Total-La Mède, dénonce les nombreuses suppressions de postes que la transformation de l’usine en bio-raffinerie

entraînera. Pour Catherine Bonnafé (collectif Alternatiba Martigues), il était primordial de mener une réflexion en commun avec les travailleurs. « Il faut penser la transition écologique dès aujourd’hui, et former les gens pour qu’ils puissent avoir une activité demain ». Le site de La Mède devrait pouvoir connaître une reconversion utile socialement et non nuisible à l’environnement... deux thèmes qui ne sont malheureusement pas les points forts des actionnaires de Total. Invités à la rencontre, les représentants de la multinationale ont fait savoir que pour eux « le sujet était déjà clos ». D’autres structures sont concernées par les agrocarburants : les distributeurs ! Leclerc et Système U se sont engagés à exclure l’huile de palme de leurs carburants, et le 16 novembre, des activistes des Amis de la Terre sont intervenus au siège de Carrefour à Paris, déguisés en orangs-outans, pour demander à ce que l’enseigne se rallie au boycott. Cécile Marchand précise que le Parlement européen espère convaincre l’UE « d’exclure les huiles végétales des agrocarburants d’ici 2020, ce qui en gros enlèverait tout débouché à Total en Europe ».

Les choses bougent, et ce n’est pas le moment de relâcher la pression sur les élus, européens comme nationaux. À l’échelle locale, certains sont déjà mobilisés ; le Maire de Martigues a ainsi émis un avis défavorable au projet de Total à La Mède. À l’heure où l’Étang de Berre présente sa candidature au patrimoine mondial de l’Unesco (lire p.8-9), il est de toute façon urgent de remettre tout le monde autour d’une table pour réfléchir à l’avenir en articulant questions environnementales, industrielles, territoriales et sociales. GAËLLE CLOAREC

greenpeace.fr/fausse-bonne-idee-agrocarburants

1

Retrouvez notre recension de l’ouvrage sur zibeline.fr 2

3 Lire à ce sujet le rapport d’Amnesty International paru en 2016 et intitulé Le scandale de l’huile de palme. De grandes marques tirent profit de l’exploitation des ouvriers

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société

Les rives de l’Étang s’agitent et s’animent ALORS QUE TOTAL ANNONCE SA « PREMIÈRE BIO-RAFFINERIE » SUR LE SITE DE LA MÈDE (LIRE P.6-7), L’UNE DES PLUS GRANDES LAGUNES MÉDITERRANÉENNES D’EUROPE POURRAIT DEVENIR L’UN DES BIENS INSCRITS AU PATRIMOINE MONDIAL DE L’UNESCO. PARADOXAL ?

L

’Inscription d’un bien au patrimoine mondial de l’Unesco a deux objectifs : la protection de la nature et la préservation des biens culturels. Gaby Charroux, maire communiste de Martigues, est à l’origine de ce pari audacieux, « pour redonner à l’Étang de Berre une place prépondérante dans le paysage de notre département, améliorer son image et celle de ses rives, accroître sa notoriété, fédérer un territoire bien souvent dénigré et mobiliser tous ceux qui y vivent et y travaillent ». En juin 2015, le maire avait déjà soumis une première motion au conseil municipal de sa ville,

avant de lancer officiellement la candidature un an plus tard. S’il en est l’initiateur, Gaby Charroux s’est entouré de personnalités déjà engagées localement, et depuis longtemps, dans la sauvegarde et la restauration de ce patrimoine, voire de personnalités publiques connues de tous, véritables soutiens et « promoteurs » de l’aventure. Car pour coller aux exigences du comité des biens de l’Unesco il faut un dossier solide, qui réponde à des procédures complexes et à des critères très précis. Pour ce faire a été créée l’association Étang de Berre, Patrimoine universel, présidée par Claude Cheinet -enseignant, ancien conseiller municipal de la ville de Martigues délégué à l’environnement, et ancien président du Cypres (Centre d’information pour la prévention des risques majeurs)-, dont le but est de faire le lien entre les différents partenaires institutionnels, associatifs et scientifiques, et d’élaborer le dossier final auprès de l’Unesco. Elle est appuyée par un comité scientifique composé d’une dizaine de spécialistes reconnus dans différentes disciplines (historien, géographe, océanologue, architecte, biologiste, sociologue, économiste, écologue). Un fonds de dotation permettra aussi à tous les acteurs économiques du territoire de s’investir dans le projet. Mais « pour porter toujours plus haut ce projet fédérateur d’envergure », il fallait aussi

© Do.M.

créer un Comité des ambassadeurs, qui a vu le jour le 11 octobre, lancé en grande pompe au Théâtre des Salins à Martigues. Une phase symbolique mais d’importance, dont l’action permettra de faire connaître et populariser la démarche auprès du grand public. Présidé par Robert Guédiguian, qui voit dans cette candidature « un atout majeur pour la région, un rempart et une protection pour l’avenir », le Comité s’est adjoint le soutien de nombreuses personnalités, et ne cesse de s’élargir. Tout n’est pas joué, loin s’en faut, mais l’inscription est en bonne voie. Pour pouvoir être inscrit sur cette liste, il faut satisfaire au moins un des dix critères de sélection, dont les trois principaux sont sa valeur universelle exceptionnelle, son authenticité et son intégrité ; or l’Étang de Berre en compte six : il témoigne notamment d’un échange d’influences considérable pendant son histoire (de -7000 à nos jours), il offre un exemple remarquable de la construction et de l’évolution d’un paysage humain, technologique industriel et économique, il représente un ensemble de phénomènes naturels admirables, et est un exemple éminemment représentatif de processus écologiques et biologiques en cours dans l’évolution et le développement des écosytèmes et communautés de plantes et d’animaux terrestres, aquatiques, côtiers et marins.


Enjeux et perspectives

Il devient nécessaire, et inévitable, d’améliorer l’image de l’Étang de Berre, l’une des plus grandes lagunes méditerranéenne d’Europe, « petite mer intérieure » de plus de 15 000 hectares qui rassemble dix communes riveraines sur ses 75 km de côtes (Berre l’Étang, Châteauneuf-les-Martigues, Martigues, Istres, Marignane, Miramas, Saint-Chamas, Rognac, Saint-Mitre-les-Remparts, Vitrolles) ; d’accroître sa notoriété, y compris auprès des populations qui y vivent ; de mobiliser les entreprises qui l’utilisent, raffineries, industries aéronautiques et hydroélectrique ; d’accélérer les travaux d’amélioration et de réhabilitation ; de développer les offres touristiques. Voilà pour les grandes lignes. Le classement au patrimoine mondial de l’Unesco va sans aucun doute permettre d’amorcer une réflexion collective, de mutualiser les compétences et de faire avancer les travaux en cours ou espérés. C’est notamment le cas en ce qui concerne la question de sa restauration écologique, dont s’est emparée une délégation de représentants des pourtours de l’Étang de Berre (représentant sa diversité géographique et politique) prônant la réouverture du tunnel du Rove à la courantologie, selon les modalités basées sur les travaux du GIPREB (Gestion intégrée, prospective et restauration de l’Étang de Berre). Le 20 novembre, Jean-Marc Zulesi (député de la 8e circonscription des Bouches-du-Rhône, REM), Éric Diard (12e circonscription, LR), Pierre Dharréville (13e circonscription, Gauche démocrate et républicaine), Serge Andreoni (président du GIPREB), Didier Khelfa (maire de Saint-Chamas, divers droite) et Vincent Faure (chargé du développement scientifique du GIPREB) ont été reçus au ministère de la Transition écologique et solidaire pour travailler sur la réhabilitation de cette étendue d’eau salée des Bouches-du-Rhône. L’objectif est de « déconfiner le canal du Rove et l’étang de Bolmon (situé au sud-est de l’Étang de Berre, ndlr) qui sont dans des états extrêmement dégradés et d’avoir un impact positif sur l’Étang de Berre par un apport d’eau salée, oxygénée et pauvre en nutriments ». Ils ont aussi exprimé leur désaccord sur le coût de l’investissement nécessaire, que la délégation estime à 16 millions d’euros contre les 25 à 30 millions évoqués par le rapport réalisé par le CGDD (Commissariat général au développement durable) en avril 2017. À suivre donc, d’autant qu’une nouvelle mission du CGDD pourrait voir le jour début 2018 pour étudier la solution prônée par le GIPREB. D’autres actions concrètes sont encore et toujours à l’étude, concernant notamment la centrale hydroélectrique EDF située sur la commune de Saint-Chamas, principale contributrice, depuis sa mise en service en 1966, des apports globaux d’eau douce à l’Étang, avec des conséquences notables sur son écosystème, même si ces derniers ont été déjà réduits depuis 10 ans. Dérivation ou arrêt total des rejets, le débat reste vif, et l’Étang sous surveillance. Nous ne sommes qu’aux prémices de cette aventure enthousiasmante, rythmée par un calendrier très précis : le comité du patrimoine mondial de l’Unesco instruira le projet en 2019, et prendra sa décision d’inscription à l’été 2020.(Lire aussi p.88)

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12 politique culturelle

Culture sous écrou QUELLE EST LA PLACE DE LA CULTURE EN PRISON ? QUELLES SONT LES ACTIVITÉS PROPOSÉES, QUEL IMPACT ONT-ELLES SUR LA VIE CARCÉRALE ET SUR LA RÉINSERTION DES DÉTENU.E.S, ET COMMENT SONT-ELLES FINANCÉES ? ÉTAT DES LIEUX D’UN MONDE TRÈS FERMÉ...

E

n français, « la grande muette » désigne l’armée. L’expression peut parfaitement s’adapter à l’administration pénitentiaire. La France est l’un des pays où l’on enferme le plus. La surpopulation carcérale est régulièrement dénoncée par diverses organisations, l’état de vétusté des prisons également. Face à cette réalité pourtant connue de tous, l’attitude des autorités, administratives ou politiques, peut parfois s’apparenter à la technique des trois singes : ne rien voir, ne rien dire, ne rien entendre. Enquêter sur les prisons, c’est d’abord se heurter à une difficulté majeure : l’accès aux informations est verrouillé. Même une chargée de communication des services pénitentiaires en Région PACA ne communique pas. Du moins pas sur les thèmes abordés dans cet article. Refus de s’exprimer, pour elle, comme pour ses collègues. Quelle est la raison de ce mutisme ? Quelle place et quelle importance l’administration pénitentiaire accorde-t-elle aux interventions culturelles en détention si elle refuse de s’exprimer sur le sujet ? La réponse n’est pas simple. Et cette attitude est peut-être aussi liée aux circonstances du moment. Depuis plusieurs années, une convention Culture/ Justice lie le ministère de la Justice et la Région PACA. Cette convention a été renouvelée fin 2016, mais courant 2017 la Région décide d’en retirer les actions culturelles envers les publics sous main de justice (sous écrous ou sous bracelets). Elle maintient ce qui relève de ses compétences obligatoires (actions d’éducation et de formation), mais ne finance plus, pour l’instant, les actions culturelles, de diffusion ou de pratique artistique. Dans le même temps, le département des Bouches-du-Rhône coupe aussi les crédits consacrés à ces actions.

Attente et blocages

Cela ne signifie pas que les interventions culturelles disparaissent des prisons. Elles sont encore financées par l’État, via la DRAC et les SPIP (Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation) ou par des fonds privés. Mais elles se réduisent. Et cette suppression des subventions publiques locales a de lourdes conséquences pour les acteurs impliqués sur ce secteur. Ainsi, l’association Fu-Jo, qui organise des événements musicaux en prison (ateliers ou concerts) a subi une baisse de 40% sur son budget. Mouloud Mansouri, le directeur de la structure, a dû démissionner de son poste car il n’était plus en mesure de se verser un salaire. Désormais bénévole, il continue à agir mais ne parvient pas à comprendre ce choix. Ancien détenu, Mouloud Mansouri a fondé son association en 2008 et a conçu des projets rap, notamment, avec quelques grands noms (Soprano, Kery James, IAM, etc.). Mais ce retrait financier est comme la suite logique du manque de soutien et de reconnaissance de son travail de la part des institutions. « Ce que nous faisons devrait être considéré comme un réel travail de protection de la société », explique-t-il. « On prépare des détenus à ne pas ressortir avec la haine. Ils sont en attente, et au lieu d’encadrer les choses, on leur met des restrictions. » Car au-delà de l’aspect financier, l’organisation et l’accès aux activités pose aussi problème. D’autant qu’il faut distinguer deux types de prison : les maisons d’arrêt, réservées aux prévenus et aux courtes peines et souvent surpeuplées, et les établissements pour peines, pour des détentions plus longues. En maisons d’arrêt, il est difficile de mettre en place des interventions, en raison des sureffectifs mais aussi car la population carcérale change souvent. S’inscrire sur un travail durable est alors presque

Compagnie Humaine - Corpus Fugit © Eric Oberdorff

impossible. Obtenir l’accord pour participer à une activité peut également être très long et décourageant. En détention, attendre est la principale activité. Dans un article paru en 2016 sur Dedans Dehors, la revue éditée par l’Observatoire International des Prisons, la sociologue Yasmine Bouagga relate que l’organisation d’une prison est pensée pour « la sécurisation du temps d’attente, pas pour donner une consistance à ce temps. » L’offre est si peu développée « qu’une personne qui n’aura pas l’énergie, l’envie ou les ressources pour s’organiser, n’aura rien à faire », ajoute sa collègue Corinne Rostaing. Le budget global consacré aux activités socioculturelles ne risque pas d’améliorer la situation. Selon des chiffres de 2010, il était de 60 € par détenu et par an.

Répression ou réinsertion ?

Dans un tel contexte, le retrait financier des collectivités locales pose une question de fond,


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« Condamnées dehors »

celle du rôle de la culture au sein même de toute la société. Est-elle un simple divertissement ou porte-t-elle une fonction éducative ? En milieu carcéral, cette problématique est essentielle. La logique du tout répressif a montré ses limites et mène souvent à l’échec de la réinsertion. Les 2/3 des sortants de prison sont réincarcérés dans les 5 ans. Il est peut-être enfin temps de penser autrement la détention et de considérer différemment les prisonniers. Un accès plus facilité et plus répandu à la culture est sans aucun doute une piste pour faire évoluer les choses. Et malgré toutes les difficultés, des projets parviennent à se concrétiser. À Marseille, Lieux Fictifs anime des ateliers cinéma aux Baumettes, où une vingtaine de films ont été réalisés en 2016. Nos Villes, composé de huit courts-métrages issus de ces ateliers, a été présenté lors du Festival Image de Ville en novembre. À la prison du Pontet, Olivier Py, directeur du Festival d’Avignon, mène

un atelier théâtre. Cet été, Hamlet, joué par des détenus, était programmé lors du Festival à la Maison Jean Vilar, et leur version d’Antigone était présentée dans le gymnase de la prison. Deux spectacles salués unanimement par la critique et le public. Depuis 2014, la Compagnie Humaine anime des ateliers de danse dans le quartier femmes de la prison de Nice. Une expérience intense, pour les artistes comme pour les détenues et le personnel pénitentiaire. « Si on crée, on a une valeur, si on a une valeur, l’autre a une valeur, et donc on le regarde autrement », relève Eric Oberdorff, le chorégraphe. « Les interventions artistiques ont un résultat profond et durable sur les personnes. Au tout début, les surveillantes étaient un peu irritées par notre présence. Très rapidement, leur attitude a changé, car l’état des détenues avait changé, elles s’étaient pacifiées. » JAN-CYRIL SALEMI

« Ils sont condamnés dedans, nous on est condamnées dehors. » Cette phrase est en exergue de l’ouvrage de Catherine Béchaux. Ce sont des mots qu’elle a entendus, au parloir. Prononcés par des femmes, qui viennent rendre visite à des détenus. L’auteure connaît bien l’univers carcéral. Ancienne journaliste, elle se consacre désormais à l’écriture et est bénévole depuis plusieurs années à l’Accueil des Familles du centre pénitentiaire de Fresnes. Dans Les passagères du 221, elle a souhaité donner la parole à ces femmes, dont elle admire le courage et la persévérance. Son récit est une fiction, inspirée des histoires, des parcours, de celles qu’elle a rencontrées. L’action se déroule dans un bus, celui que ces femmes empruntent pour se rendre à la prison. Univers clos, dont un seul homme décide ou pas d’en ouvrir les portes. C’est Paul, il est « le seigneur du bus ». Il a repéré depuis longtemps ces femmes, chargées de gros cabas remplis de linge, qui descendent toutes à la Maison d’arrêt. Il y a Maryse qui va voir son fils, Marie-Jo qui retrouve son mec qui lui a pourtant tranché la gorge lors d’une dispute, Mireille rend visite à son petits-fils devenu assassin, Fatou, à peine 18 ans, s’est amourachée d’un taulard et Naïma, avec son bébé aux bras et son mari derrière les barreaux. L’écriture est ciselée, épurée, faite de chapitres courts, tranches de vie de chacune. Avec ce trajet en commun, et ce jour-là, où un incident retarde le bus. Devront-elles rater leur parloir ? Impensable. J.C.S.

Les passagères du 221 Catherine Béchaux Editions Liana Levi, 14 €


14 politique culturelle

Chaque jeune aura son pass LA RÉGION PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR LANCE UN E-PASS JEUNES, UN CADEAU POUR TOUS LES LYCÉENS ET APPRENTIS. ENTRETIEN AVEC RENAUD MUSELIER, PRÉSIDENT DE LA RÉGION PACA QUI EST FIER DE CE NOUVEL OUTIL Zibeline : Il existait lors des mandatures précédentes des chèques culture destinés aux jeunes, que Monsieur Christian Estrosi a supprimés. En quoi ce dispositif est-il différent ? Renaud Muselier : Les chèques culture étaient un dispositif figé et coûteux. Les chèques n’étaient pas tous utilisés et durant les dernières années il y avait peu de demandes. Je ne veux pas porter de jugement sur l’efficacité mais nous avons remis le dispositif à plat et nous repartons sur des bases très saines, avec de nouveaux partenaires culturels volontaires. C’est un dispositif construit avec les jeunes, en particulier le Parlement des jeunes. Notre e-PASS, avec son site et son appli, est plus moderne, et d’un usage plus facile qui correspond mieux à leurs habitudes. Ce n’est pas un combat idéologique contre la mandature précédente que nous voulons mener ! Ce dispositif est pédagogique, il faut qu’il fonctionne et donne aux jeunes la volonté de choisir, et la liberté d’action. Les jeunes présents ce soir étaient très enthousiastes. L’e-PASS a-t-il déjà suscité des inscriptions ? Oui, c’est un véritable succès. Le 30 novembre, à l’heure du lancement, il y a déjà 33 800 inscrits, et 1000 par jour supplémentaire. Ce dispositif est potentiellement ouvert à 270 000 lycéens et apprentis, ou étudiants et stagiaires en formation professionnelle. La Région leur offre une carte qui vaut 60 euros, soit 28 euros de livres, 12 euros de cinéma, 10 euros de spectacles et 10 euros pour financer des sorties dans le cadre scolaire. Cela augmente leur pouvoir d’achat, et facilite leur accès à la culture. Pour certains cela sera leur premier budget à gérer. 60 euros pour 270 000 jeunes, cela représente potentiellement un coût important pour la Région, qui va payer directement les partenaires. Cela a-t-il été inscrit au budget ? Évidemment. Mais peut-être faudra-t-il, au vu du succès, augmenter l’enveloppe prévue... Nous serons contents de le faire si nécessaire, cela voudra dire que beaucoup de jeunes se sont inscrits, ont acheté des livres, sont sortis au spectacle... Et ce dispositif est évolutif :

© Jean-Pierre Garufi

nous envisageons dès la rentrée prochaine de l’élargir aux activités sportives. Comment les partenaires, cinémas, salles de spectacles, librairies, sont-ils choisis ? Il faut qu’ils s’inscrivent, simplement. Nous ne voulons pas être prescripteurs, et choisir les partenaires, mais nous allons veiller à privilégier plutôt des librairies et cinémas indépendants que des chaînes, et à ce que l’offre soit complète sur tout le territoire. C’est à cela que les équipes ont travaillé, pour que chaque jeune puisse, près de chez lui, trouver la librairie ou le cinéma qui accepte le PASS. Pour l’instant il y a près de 400 partenaires, musées, lieux d’exposition, salles de spectacle vivant, cinémas, librairies. Et des partenaires nouveaux s’inscrivent tous les jours, et proposent aussi des « bons plans ». C’est-à-dire ? Au-delà du fait d’accepter le paiement par l’e-PASS, les structures culturelles peuvent se servir du site et de l’application pour inviter les jeunes à des avant-premières, des rencontres avec des auteurs, des répétitions, des visites d’équipements, des tournages, des ateliers gratuits. Les partenaires diffuseront

aussi des propositions à prix réduit pour les détenteurs de l’e-PASS. C’est aussi un moyen de communiquer, et d’autonomiser les jeunes, de susciter de nouvelles envies. De s’exprimer aussi ? Oui, une plateforme leur est ouverte sur le site, pour donner leur avis, se regrouper pour sortir ensemble, échanger leurs impressions. Cela peut vraiment modifier leur façon d’accéder à la culture si les inscriptions, comme nous l’espérons, sont massives. N’y a-t-il pas un risque, puisque vous ne voulez pas être prescripteurs, que les jeunes profitent de ces chèques pour consommer des produits culturels peu intéressants, des blockbusters, des livres à la qualité douteuse... C’est pour éviter cela que nous portons une attention particulière aux partenaires ! ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL

Les inscriptions se font sur e-passjeunes.regionpaca.fr


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La maison des Muses LA BIBLIOTHÈQUE-MUSÉE DE CARPENTRAS VIENT D’EMMÉNAGER, APRÈS 13 ANS DE MATURATION DU PROJET, DANS LES BÂTIMENTS DE L’HÔTEL DIEU. LES DEUX INSTITUTIONS FURENT FONDÉES AU XVIIIE PAR L’ÉVÊQUE INGUIMBERT POUR SECOURIR L’INDIGENCE PHYSIQUE ET LUTTER CONTRE L’INDIGENCE INTELLECTUELLE

L

a bibliothèque Inguimbertine, ainsi nommée en hommage à ses origines, quitte les 120 m2 de La Roseraie pour les un peu plus de 1800 m2 des nouveaux locaux, plus adaptés aux collections riches de 250 000 volumes, dont 100 000 anciens, 1000 tableaux, 300 sculptures, 1500 objets d’art, sans compter les 3000 manuscrits et les périodiques. Le fonds ancien comporte des ouvrages rares, voire des incunables -l’évêque Inguimbert fut le bibliothécaire du Pape et à ce titre recevait © Maryvonne Colombani en double toutes les parutions avant la censure. Sa bibliothèque le suivit à Carpentras et les caisses de voyage des livres devinrent les premières étagères. Tout parle de mémoire ici, depuis les lieux mêmes de l’Hôtel Dieu, dont la fonction hospitalière a cessé depuis peu, à l’histoire des collections, enchevêtrées aux œuvres d’art… Espace ouvert, proportions aérées, toutes les propositions d’une médiathèque classique sont offertes, mêlées aux pièces muséales qui, par leur disposition, transforment le rapport de chacun à l’art, le rendant familier, évident par sa présence. La première vague de travaux achevée permet au public de renouer avec la bibliothèque de prêt et 40 000 documents (bientôt 64 000), ses espaces thématiques, ses possibilités multimédia, avec des ordinateurs en libre accès, ses espaces dédiés à la formation, ses 400 m2 consacrés à la jeunesse… et outre les quatre traditionnels spectacles de contes annuels, des lectures d’histoires bihebdomadaires.

Un concept unique

Selon le vœu de son fondateur, bibliothèque et musée sont indissociables. Jean-François Delmas, conservateur depuis 14 ans de cette institution, en souligne la singularité qui lui fait « porter la triple casquette, bibliothèque, musée et monuments historiques ». Partout ailleurs ces fonctions sont dissociées, c’est un privilège merveilleux de les cumuler, de pouvoir passer d’un domaine à l’autre, de leur donner une cohérence. L’axe de travail pour conceptualiser le nouveau projet : « C’est la corrélation entre les collections… Toucher le public par les sens : Inguimbert concevait l’Inguimbertine à travers les œuvres de peintres, de sculpteurs, de musiciens, considérés comme les adjuvants normaux des sens. Ce concept du XVIIIe siècle a été réactualisé dans le contexte du XXIe siècle pour permettre à nouveau de toucher les sens de nos contemporains et de les amener à découvrir les bienfaits de la lecture. Certes, on va pouvoir les aider à faire leur CV, il y

a des espaces de formation […], on est là pour répondre à leurs attentes premières, mais ensuite, et c’est la signification profonde d’une institution culturelle, on est là pour leur apporter autre chose ».

Un projet de ville

« Ce qui me plaît davantage encore, insiste J-F Delmas, c’est que ce projet a été vraiment conçu pour être complètement partie prenante du projet de ville ; ce n’est pas un projet culturel élaboré sur un coin de table, c’est aussi, à travers l’impulsion donnée par la valorisation de ce patrimoine exceptionnel, donner une image nouvelle à la ville. C’est la chance de Carpentras ! ». Pour le Président de la Région PACA, Renaud Muselier, « Le seul moyen pour lutter contre le Front national, c’est d’être équilibré et juste, d’avoir des positions très claires. Je me bats contre le FN, je combats le FN. Je suis pour la culture et pour une culture équilibrée sur la totalité de la Région, par la mise en valeur du patrimoine, des actions culturelles. On gagne par l’intelligence, par le haut. » MARYVONNE COLOMBANI

Les chiffres :

-Budget des opérations de l’étape 1a : 12 696 587 € -Financement des travaux : Ville de Carpentras : 5 062 573 € (39.87%) État – Service du livre et de la lecture (DGD) : 4 399 999€ (34.65%) État – DRAC PACA MH : 184 015 € (1.45%) État – DRAC PACA Muséographie : 150 000 € (1.18%) Conseil Régional : 1 900 000 € (14.96%) Conseil Départemental : 1 000 000 (7.88%) -Financement complémentaire : État – DRAC MH Achèvement de la Tranche 1a – Présentation des donatifs : 39 440€ État – Service du livre et de la lecture (DGD) – Achèvement de la Tranche 1a – RFID : 66 000€ La totalité du budget devrait s’élever avec les tranches 1b (création d’un espace d’accueil accessible à tous sous la verrière) et 2 (transfert de l’ensemble des collections muséales ainsi que des fonds de livres anciens et précieux) à 34.7 millions d’euros (interieur.gouv.fr)


16 politique culturelle

Une charte pour fédérer les Festivals de cinéma

Désormais les chargés de mission s’occupent à la fois d’un volet production et d’un volet diffusion. La convention renforce l’aide à la production, au développement des coproductions internationales, aux projets faisant appel aux nouvelles technologies et aux résidences d’écriture offertes déjà par de nombreux festivals. Le CNC, ayant pris conscience que ces résidences accouchaient souvent de projets plus aboutis, s’implique dans leur financement et la région, qui a initié cette politique depuis 2015 avec Webfest et Méditalents, s’en trouve confortée. Côté diffusion, le CNC encourage la création de postes de médiateurs pour les salles de proximité (art et essai ou pas) : ils seront financés à hauteur de 25% par les salles et le CNC et de 50% pour la Région. Leur challenge : amener de nouveaux publics au cinéma. Dans cette perspective, le e-PASS jeunes à 60 euros, officiellement lancé le 30 novembre pour lycéens et apprentis, permettra l’accès aux manifestations et aux bons plans à ne pas louper, via une appli Smartphone (lire aussi p 14).

Un mariage sans enterrement

L

e Forum des Festivals de cinéma PACA a ouvert sa 6e session, dans le cadre du 15e festival Image de Ville, avec les représentant-e-s des Festivals de la Région, de l’Université d’Aix-Marseille et du Conseil Régional. Né en 2015 d’un besoin d’échanger des expériences, de mener une réflexion commune sur la proposition culturelle de chacun, les modalités de diffusion, les stratégies de communication individuelle et collective, les liens avec les publics, le Forum regroupe plus de la moitié de la quarantaine des Festivals régionaux. Chaque session est organisée par un festival différent et, en 2 ans comme l’a rappelé le maître de cérémonie Bruno Jourdan, l’idée de structurer ce groupe informel, par une charte fédératrice puis d’en faire une Association loi 1901, s’est imposée. Idée réalisée depuis juillet dernier. Un Bureau devant se constituer sans doute début 2018. Une structure dotée d’une loi donc, mais sans toit. La Maison du Cinéma qui pourrait recevoir des créateurs (ARRSE), des producteurs (LPA) et le Forum sur des modèles existant dans d’autres régions comme Film en Bretagne, restant encore une utopie. La volonté de se coordonner, d’être plus efficace, plus « intelligent » est vive. Cette

© Creative Commons

année, RISC, Image de Ville et Aflam ont fait une conférence de presse commune. Il faut dire qu’ils n’ont pu éviter cette bousculade des festivals d’automne (sur les 23 affiliés au Forum, 10 ont lieu en novembre). Car tous sont soumis aux réponses tardives des institutions pour les subventions sans lesquelles ils ne peuvent s’engager.

Convention : ce qui change, un peu À l’ordre du jour, la présentation de la Nouvelle Convention de coopération pour le cinéma et l’image animée 2017-2019. Trois dames-cinéma du Conseil Régional étaient là : Elena Koncke, Charlotte Le Bos Schneegans, et Fanny Graffault, la nouvelle venue en charge des documentaires (pour la diffusion) et des festivals (pour la diffusion). Votée en juillet dernier, cette convention avec le CNC, la DRAC, le conseil départemental des Alpes-Maritimes, a apporté des modifications notables. D’abord une réorganisation des services, pour accompagner l’augmentation du fonds d’aide (de 4 M d’euros à 6), et des sessions qui examinent les projets (de 9 à 15). Davantage de « transversalité ».

Après un long temps de fiançailles, Cinéma du sud, 30 ans, représenté par Vincent Thabourey, et Tilt, 22 ans, représenté par Delphine Camolli s’unissent. Tilt et Cinéma du Sud toujours très attachés à la diversité des territoires et des structures de diffusion, s’emparent de l’opportunité politique de la convention CNC/Région pour développer un projet commun, une médiation versant numérique (un des 2 postes en Région sur les 62 nationaux) et programme un Atelier fin janvier. Objectif : imaginer un outil innovant et réfléchir à une interaction avec les plateformes VOD comme Tënk à Lussas, afin de créer une cinéphilie active. Les projets ne manquent pas. Et même si on a parfois l’impression que rien de concret ne sort des réunions, les liens se tissent, les idées font leur chemin et il en faudra pour maintenir des structures toujours fragiles, toucher, élargir, former un public à l’ère où d’aucuns peuvent croire qu’un festival exclusivement sur le net serait possible. ÉLISE PADOVANI

Le Forum des Festivals de cinéma PACA s’est tenu le 22 novembre au cinéma Le Miroir, à la Vieille Charité, Marseille, dans le cadre du 15e festival Image de Ville


Pierre TAL COAT, Femme au manchon, 1936 Huile sur bois parqueté 100 x 81 cm, Collection particulière, Lyon © Pierre Aubert / ADAGP, Paris 2017

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18 événements

L’art est à tous FRAC ! Le Fonds Régional d’Art Contemporain expose ses œuvres de Gap à Carros, de Marseille à Mougins, pour que l’art contemporain soit offert à tous

© Belle terrasse - Suzanne Hetzel au Château de Tourrettes-sur-Loup

© Mehdi Zannad, Tour CMA CGM, Marseille 2010. Collection Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur. Donation de la Société des Amis du Frac. Exposition du Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur hors les murs

A

u-delà de l’acronyme FRACassant, des missions précises sont dévolues aux Fonds régionaux par l’état et les régions, leurs deux tutelles : acquérir des fonds, les diffuser à l’échelle régionale, les médiatiser pour offrir à davantage de public des œuvres qu’il juge souvent absconses, parce qu’il n’en possède pas les clefs de lecture. Quelle poignée d’amateurs peut en effet comprendre l’intérêt, majeur, des œuvres de Jérémie Sutton, qui exposait à la galerie Sintitulo à Mougins ? L’équilibre de ses anamorphoses de couleurs, qui n’existe que dans le regard

du spectateur, est une illusion si parfaite qu’une démonstration est nécessaire pour comprendre le travail subtil qui est en jeu dans ces objets, et combien cela questionne notre perception, et la nature de la lumière... C’est cette nécessaire médiation qu’appelle de ses vœux Richard Galy, président du FRAC mais aussi maire de Mougins et président de la commission culture de la région PACA. Lors du vernissage de l’exposition de Mehdi Zannad à Mougins, il expliquait combien lui-même prenait de plaisir à cette fonction, qui lui permettait de découvrir le « secret

insoupçonné » des œuvres en rencontrant les artistes. « Le FRAC possède une collection de 1200 œuvres de près de 500 artistes, il faut qu’elles circulent dans toute la région, mais aussi que des événements, des ateliers, des visites commentées soient organisées pour faire connaître l’art contemporain, qui nécessite une explication, et notre fonds, qui est d’une qualité rare. » Une qualité sur laquelle Pascal Neveu, directeur du Frac, veille jalousement : les 1200 œuvres ont été acquises avec beaucoup de pertinence, en accompagnant des artistes souvent peu connus et en les aidant à acquérir une notoriété et une valeur sur le marché de l’art. Les Carnets de villes et les gravures et eaux fortes de Mehdi Zannad acquises par le Frac témoignent de cette pertinence, et aussi de la volonté de faire comprendre leurs enjeux : « On n’imagine pas, avant que l’artiste nous l’explique, combien le travail de gravure est minutieux et complexe. C’est admirable, ce que fait Mehdi Zannad » s’enthousiasmait Richard Galy lors de vernissage. Mais si les dessins témoignent de la technique d’architecte de l’artiste, si les eaux fortes et les gravures retrouvent des savoir-faire anciens avec une maîtrise rare, c’est surtout la désolation de ces paysages urbains qui transparaît : sans vie, sans humains, sans animaux, la nature à Marseille ou Montreuil tente encore quelques surgissements de végétaux rachitiques, de même que l’histoire laisse quelques marques comme des vestiges délaissés. Mais ce sont les murs sans qualité qui fondent ces paysages urbains. Le dessin et les techniques anciennes ajoutent leur


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À Marseille, trois nouvelles expos ont ouvert leurs portes le 2 décembre Le bruit des choses qui tombent Tiré du titre d’un livre de Juan Gabriel Vasquez, Le bruit des choses qui tombent interroge la question de la peur dans ses multiples acceptations : peur de l’inconnu, de l’autre, de l’avenir, de l’obscurité, du vide, de l’effondrement, de la violence… Les œuvres issues de la collection du Frac et de quatorze artistes colombiens contemporains sont mises en regard et permettent d’objectiver, d’analyser, d’interpréter la relation complexe que l’homme entretient avec la peur, entre attraction et répulsion.

Olivier Rebufa Olivier Rebufa investit le plateau expérimental du Frac sous la forme d’une invitation Au royaume de Babok, exposition inventaire de sa quête identitaire entre Dakar où il est né, Marseille où il réside et la Guinée Bissau où il a été initié au chamanisme. Dix ans de réflexions qui l’ont conduit à « un retour sur soi » et à une pratique artistique dont on découvre aujourd’hui l’amplitude et la cohérence : séries photographiques, film, installation, fétiche, autel de libation, radiographie et Wall Painting disent sa « double culture ».

p. Exposition du Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur hors les murs

nostalgie à ces carnets et paysages dont le réalisme n’a d’égale que la mélancolie...

Poussières À Carros, au château, d’autres paysages, photographiques, en couleur, mais tout aussi déserts : la série Never Mind, un ensemble de 45 photographies du marseillais André Mérian, s’attache à poser un regard sur l’impensé, le « sans importance » qui n’a jamais été un sujet photographié : 45 vues d’intérieur, de carrelages, de paysages naturels banals révèlent leur lignes, leurs trous, leur absence de caractère qui les rend presque abstraits, matières où la production humaine, laissée à l’abandon, retourne à la nature dont elle est extraite. À Tourrettes-sur-Loup Suzanne Hetzel expose d’autres traces, des « trouvailles », textes, archives, photographies, collection de chaussures esseulées. Le corps est là, nu, porteur d’objets quotidiens, dans une réalité figée, symbolique d’on ne sait quelle mémoire. Celle d’une tomate aux allures de pomme rouge à croquer, la sensation d’une absence, d’une nudité qui n’est pas une mise à nu, car elle surgit d’une relation rêvée entre des éclats disparates. Une œuvre d’une poésie évidente... Mehdi Zannad jusqu’au 4 février Espace Culturel et Musée de la photographie, Mougins (06) Never Mind André Mérian jusqu’au 14 janvier Centre international d’Art Contemporain, Château de Carros (06) Suzanne Hetzel jusqu’au 17 février Espace muséal Château-Mairie, Tourrettes-sur-Loup (06)

Olivier Rebufa, Autoportrait Mam Serpent, 2007, infographie 3D, 150 x 150 cm. Exposition du Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur

Inventaire d’inventions (inventées) L’écrivain argentin Eduardo Berti et le duo Dorothée Billard et Clemens Helmke, accueillis en résidence à La Marelle à Marseille, manient le verbe, le crayon ou la caméra avec la même soif d’invention ! Le résultat de leurs échanges est une exposition aussi poétique que ludique, à expérimenter physiquement et intellectuellement : une bibliothèque imaginaire, un babyfoot grapheur, une conversation dos à dos… Il suffit de « suivre le fil insolite de la fiction ». jusqu’au 18 février Frac, Marseille 04 91 91 27 55 fracpaca.org


20 événements

Noël au Ballet Depuis trois ans le Ballet National de Marseille propose de commencer les fêtes en danse. Une programmation de 7 jours riches et intenses...

A

ller au BNMFEST, ce n’est pas assister à un festival, mais le vivre. Parce que la danse, plus que tout art peut-être, se comprend d’abord par la pratique, le BNM propose trois ateliers ouverts à tous, pour expérimenter la danse contemporaine, deux autres jeune public et gratuits le dimanche, et deux derniers de breakdance ! Ces ateliers s’inscrivent dans la programmation des spectacles, auxquels ils conduisent. Ainsi les deux jours d’ouverture, contemporains et adultes, débuteront par la projection de L’âge d’or d’Eric Minh Cuong Castaing, un film consacré à son expérience de chorégraphe avec des enfants handicapés moteurs, et à

son travail autour de l’Oculus, casque de réalité virtuelle que les spectateurs seront ensuite invités à essayer. Comme les participants à son atelier le lendemain... Une triple installation, film, dessin, performance, sera proposée toute la semaine dans le cadre du programme Inventeurs d’aventures (Yannick Cosso, Jérôme Grivel et le duo Todèl). Et le samedi, après les ateliers, un double spectacle : Tu meur(s) de terre de Hamdi Dridi, un solo où il évoque son père disparu, et Bombyx Mori, une pièce de Ola Maciejewska qui revisite les solos de Loïe Füller, en faisant danser ses célèbres robes. La pièce sera encore suivie d’un Parlons danse animé par Geneviève Vincent, qui évoquera sa fameuse « danse serpentine »... Le dimanche sera consacré aux enfants, qui pourront après leurs ateliers assister à Tetris d’Erik Kaiel, un spectacle qui se joue malicieusement des jeux vidéos et rubik’s cubes antiques (voir Zib’ 106). Puis à partir du lundi, la semaine virera hip hop : plusieurs ateliers seront proposés, mais aussi un BNMCINE de courts métrages le mardi,

Boléro © JC Verchère

une battle entre les participants, et Ignite, un spectacle explosif de Shailesh Bahoran, pour 5 danseurs hommes du collectif ISH, entre sport de combat et breakdance. Enfin ce sont les directeurs du lieu, Emio Greco et Pieter C. Scholten, qui occuperont les deux dernières soirées avec deux pièces emblématiques de leur recherche esthétique : Two, un duo mixte qui travaille sur la synchronicité du mouvement, cherchant qui guide l’autre ; Boléro, où les 27 danseurs

Le flamenco s’anime à Nîmes

A

ux moments les plus froids de l’hiver, Nîmes se pare de couleurs et de sons, et la ville est plus réchauffée que jamais. Le Festival de Flamenco ponctue, depuis presque 30 ans, les janviers nîmois, et cette fois encore, le programme promet d’être calorifique. Deux monuments pour commencer. Don Quixote et Andrés Marín. Le héros mythique espagnol se glissera dans les pas et le souffle du danseur et chorégraphe plus que jamais

Don Quixote, Andés Marin © Benjamin Mengelle

provocateur et inventeur. Dans cette création coproduite par le Théâtre de Nîmes, Don Quichotte est résolument contemporain et universel. Tantôt motard, tant joueur de foot, toujours en quête de liberté, flamenquissime jusqu’au bout des ailes. Avec Patricia Guerrero et Abel Harana. Ángel Muñoz joue avec les noirs et blancs et mélange les rythmes entre flamenco (Antonio Campos) et électro (Artomático) dans son

récent Claroscuro. Un voyage en ombre et lumière avec nombre de passerelles entre les styles, et où la pureté s’impose même là où on ne l’attend pas. Avec un after (Electroflamenco, joué par les musiciens du spectacle et le danseur David Coria, présent au festival pour son El Encuentro) à la Paloma. Mari Peña, immense voix andalouse, signe son premier disque solo, accompagnée du nîmois Antonio Moya, guitariste et mari de la chanteuse. Du pur chant flamenco, porté par une véritable dynastie dont elle est la flamboyante héritière. On pourra d’ailleurs cette année se plonger dans l’univers du chant gitan : de nombreux rendez-vous le mettent à l’honneur. Il y aura en effet aussi Luis Moneo et Antonio Reyes lors d’une soirée révélant deux générations de grands chanteurs. Le premier à laissé sa guitare à son fils (qui l’accompagne dans ses tournées) pour, à plus de 50 ans, débuter une carrière vers le cante. Risqué, surtout qu’il a deux frères stars en la matière. Pari réussi : la fibre est bien là, qui s’exprime enfin dans toute sa plénitude. Le second, couvert de prix depuis son enfance, entouré d’une famille


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Du live pour sauver des vies Des têtes d’affiches régionales se mobilisent lors des deux soiréesévénements au bénéfice de SOS Méditerranée

D du BNM affrontent la mémoire de la danse, et la répétition, le lent crescendo de Ravel... La FEST se conclura avec DJ Pé Pé et ses mix sensuels et malins : une femme à la console, pour compenser leur quasi absence parmi les chorégraphes invités ? AGNÈS FRESCHEL

BNMFEST 3 15 au 22 décembre Ballet National de Marseille 04 91 327 327 ballet-de-marseille.com

flamenca, défend un style pur au plus haut niveau, sans jamais étouffer ses émotions sous la technique et le succès. Il y aura aussi La Fabi (Fabiola Perez), chanteuse incandescente, présence hypnotique, qui chante, et danse aussi, à la perfection. Et David Carpio invite trois complices à voguer sur sa voix vibrante et gutturale : Manuel Valencia (guitare), Pablo Martín Caminero (contrebasse) et le prix national de danse 2017 Manuel Liñan. Des Solos bien accompagnés. Israël Galván, impérial, clôturera les festivités. La Fiesta, présentée cet été au Festival d’Avignon dans la Cour d’honneur, imposera sa vision extrême des corps, dans une célébration de la marge, de l’autre, d’un otro mundo : le sien. (voir critique sur journalzibeline.fr). Huit conférences (toutes en espagnol et traduites, en accès libre) creuseront dans les richesses des contrées flamenca, avec en particulier la présentation en avant-première du fonds européen RomArchive créé à Berlin, qui va centraliser et digitaliser tous les documents sonores et filmés concernant les artistes roms. Un projet auquel s’associe pleinement le festival nîmois, qui lui a déjà cédé toutes ses sources. ANNA ZISMAN

28e Festival Flamenco 9 au 20 janvier Divers lieux, Nîmes 04 66 36 65 00 theatredenimes.com

epuis le début de l’année, Tour 13 a sillonné la région pour sensibiliser à la question des migrants et récolter des fonds pour SOS Méditerranée, ce bateau européen qui porte secours aux naufragés, belle exception humanitaire dans un climat occidental délétère nourri par la peur et l’indifférence. Au centre de la dynamique, Marc Ambrogiani s’est penché sur la question depuis deux éditions de son festival Nuits Métis : « cette mobilisation est importante pour l’association européenne, dont 95% du budget est assuré par les dons de citoyens ». À ce jour, 21 000 € ont été récoltés lors des quinze premières escales de Tour 13 (19 dates sur 12 villes pour 40 groupes et 40 structures partenaires), une « goutte d’eau » conséquente puisque la somme représente deux journées en mer pour le bateau Aquarius qui, les 22 et 23 novembre dernier, a encore secouru 387 personnes lors de trois opérations de sauvetage dans les eaux internationales. C’est dire si le rôle des musiciens et des acteurs, tous bénévoles, de Tour 13 est signifiante (billetterie, cachets des techniciens et recettes du bar sont aussi reversés). « Cette tournée, portée plus par la réaction aux événements que par la charité, favorise la prise de paroles d’artistes sur scène » précise Marc pour qui les projets, depuis la création de Nuits Métis il y a 25 ans, se sont nourris des échanges interculturels avec l’Afrique. Ce qui donne encore plus de poids à la très belle affiche des 16 et 17 décembre à Marseille : Moussu T É Lei Jovents, Lo Cor de la Plana, Oaï Star et Big Buddha le premier soir puis Temenik Electric, Chinese Man (en DJ), Imhotep (IAM) et Pink No Color le second. Tout ça pour la somme de 18 € par soir (un pass deux jours est disponible pour 30 €). La question des migrants, Temenik Electric en parlait déjà en 2013 dans Ness Jirènin (les affamés) sur son premier album Ouesh Hada : si les créations des musiciens influent peu sur le cours du monde, leur capacité à éclairer les consciences demeure en revanche d’actualité. HERVÉ LUCIEN

Tour 13 SOS Méditerranée 16 & 17 décembre Espace Julien, Marseille 04 90 58 98 09 espace-julien.com / sosmediterranee.fr Ba Cissoko, Nomad’ Café © X-D.R


22 événements

Le Mucem en connexion Le programme de fin d’année du Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, avant d’entamer 2018

R

oman-Photo est dans les starting blocks : l’exposition consacrée à cette pratique populaire commence par une journée porte ouverte le 12 décembre, et se poursuivra jusqu’au 23 avril 2018. En attendant, et jusqu’au 4 février, on peut aller voir Nous sommes foot, belle réussite dont vous retrouverez la critique sur journalzibeline.fr. C’est le moment aussi de visiter les espaces semi-permanents du Mucem, qui ont fait peau neuve. Un lieu spécifique s’ouvre aux enfants accompagnés de leur famille : L’Île aux trésors. Façon sympathique de relier le jeune public à la Galerie de la Méditerranée, où se déploie Connectivités, exposition (permanente) consacrée aux cités méditerranéennes. Sa commissaire Myriame Morel-Deledalle l’a construite en deux temps : l’un, historique, centré sur La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, fameuse thèse de Fernand Braudel, le second, contemporain, portant sur les métropoles d’aujourd’hui. On peut passer de l’un à l’autre dans l’ordre que l’on souhaite. Préférer commencer par

Istanbul, Venise, Alger, Gênes, Séville et Lisbonne aux XVIe et XVIIe siècles, pour comprendre comment les deux grandes sphères d’influence de l’époque, l’empire ottoman et celui des Habsbourgs, ont coexisté. Quels échanges et quelles cultures y circulaient, avec les biens, techniques, armes et épices... Ou bien opter Mathieu, Alger, 2007, extrait de la série Dos à la mer, promenade en Méditerranée urbaine, pour nos villes contempo- Geoffroy Marseille, Beyrouth, Valence, Alger, Gênes, Tripoli, 2005-2008 © Geoffroy Mathieu raines -Le Caire, Marseille, Casablanca, et toujours Istanbul- en gardant à journée d’études organisée le 15 décembre l’esprit le concept de réseau qui les relie, parfois par l’Institut Méditerranéen des Métiers du très physiquement : les datas numériques, « or Patrimoine, en partenariat avec l’Association noir » du XXIe siècle, transitent via d’énormes pour l’Histoire de l’Afrique Contemporaine. Le 20, un séminaire sera consacré aux liens câbles sous-marins. entre la muséologie moderne, les sciences Rendez-vous intellectuels humaines, et la création artistique. Les deux manifestations sont ouvertes au public, sur et culturels Territorialiser l’histoire de l’immigration : inscription (i2mp@mucem.org). Le 13 ville, région et diaspora : tel est le titre de la janvier sera inauguré un nouveau cycle de

D’une île l’autre… préparatoires, séminaire de réflexion et d’échanges autour et avec cet objet un peu flottant qui traîne avec lui depuis toujours rêves et fantasmes. Comment alors envisager « l’île » comme un outil pour comprendre (un peu) le monde ? La séance du 24 novembre exploitait quelques pistes du déplacement métaTerra Australis, Hondius, Nouveau théâtre du monde, ou nouvel atlas comprenant les tables et descriptions de toutes les régions de la terre, Amsterdam, 1640 (cote BM Lille-52628) © X-D.R phorique et croisait ne exposition ça se construit, et 2019 verra les pratiques très diverses d’un artiste, d’un se déployer au Mucem Le Temps de l’île géographe et d’un architecte. David Renaud dont Guillaume Monsaingeon et Jean prend sereinement la cartographie maritime Marc Besse, maîtres d’œuvre, établissent à l’envers et, puisque toute île est la terre les bases à travers une série de rencontres et inversement, nous perd délicieusement

U

dans du bleu à l’infini multipliant le vertige pascalien ; nous rassure par des épaisseurs cartonnées de courbes de niveau à échelle raisonnable ; nous guide en un bel itinéraire intérieur grâce aux peintures sur papier de coordonnées GPS des îles Désappointement, Possession ou Déception… à bon regardeur salut ! Avec beaucoup d’humour, Christian Germanaz fait filer la métaphore « sous le souffle de l’alizée » et met l’insularité en abyme en traitant de « l’îlet » de la Réunion, mot masculin qui se prononce comme s’il était féminin et petite île dans la grande : à la fois lieu et forme d’habitation du centre et des « hauts », lié au marronnage et à la montée des « petits blancs » exclus des grandes exploitations ; difficile d’accès et constitué d’éléments invariants, l’îlet concentre depuis longtemps l’essentiel des clichés générés par l’insularité, de l’Eden en miniature à la dégénérescence supposée et devient, ironie de l’exposition touristique, le dernier refuge


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DÉC JAN

rendez-vous littéraires, avec une carte blanche à l’écrivaine Francesca Melandri (lire notre critique de CIRQUE son ouvrage Plus haut que la mer sur journalzibeline.fr). Notez que cette dernière date est encore susceptible d’être modifiée. Les 15 et 16 décembre, en coréalisation avec le festival Dansem (lire Zib’ 112 et sur journalzibeline.fr),LaleMondiale générale Mucem invite la Cie Ex Nihilo à une relecture duLA PASSERELLE / GAP THÉÂTRE MAR 12 DÉC 20:30 passé colonial et décolonial à travers les archives du musée, en compagnie des artistes Martine Derain THÉÂTRE et Émilie Petit. Les fêtes de fin d’année seront l’occasion de multiplier les rendez-vous proposés aux enfants. Le 17 décembre, ils pourront assister à un ciné-concert, dans le cadre du festival Laterna Magica (Pierrot Pierrette, film de 1924, accompagné par Roberto Tricarri et son Théâtre La Licorne – Claire Dancoisne orchestre). Durant la seconde semaine des vacances, 15 + 16 DÉC 21:00 ils embarqueront pour de Petits voyages en mer, avec une programmation musicale pleine de vitalité (Radio DANSE Babel Marseille), un spectacle (Augustin, Pirate des Indes par la Cie La Baguette), et des contesKelemenis avec& cie – Michel Kelemenis La Farouche Compagnie. VEN 12 JAN 19:00

LE GROS SABORDAGE

LES ENCOMBRANTS FONT LEUR CIRQUE

ROCK & GOAL

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CIRQUE

LE GROS SABORDAGE La Mondiale générale THÉÂTRE LA PASSERELLE / GAP MAR 12 DÉC 20:30

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THÉÂTRE

LES ENCOMBRANTS FONT LEUR CIRQUE Théâtre La Licorne – Claire Dancoisne 15 + 16 DÉC 21:00

DANSE

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ROCK & GOAL Kelemenis & cie – Michel Kelemenis

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sam 13 jan 10:30 ->12:00

VEN 12 JAN 19:00 + atelier « Danse à 2 étages » pour enfants et parents sam 13 jan 10:30 ->12:00

+ ateli

04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

GAËLLE CLOAREC + atelier « Danse à 2 étages » pour enfants et parents

Mucem, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org

patrimonial de « l’âme créole » ! Philosophe, architecte et familier des îles du Ponant, Sébastien Marot embarque l’auditeur dans un brillant exposé dont les ellipses virevoltantes et à tiroirs constituent un parcours palpitant à partir de la Cornell University d’Ithaca -île analogique s’il en est !-, où se croiseront dans les années 1970 trois personnalités incarnant des courants complémentaires de l’architecture moderne, dont Mathias Oswald Ungers et Rem Koolhaas qui se retrouveront autour d’un projet sur « l’archipel vert » de Berlin, ville que son Mur et son isolement constituent en nouvelle Utopie ; urbanisme métaphorique et manifestes comme le Collage City de Colin Rowe empruntent aussi à la figure ou au lexique de l’île et en font définitivement un modèle opératoire pour construire un espace à vivre. Ce séminaire aux horizons dégagés se poursuivra le 9 février avec une réflexion sur l’évolution des modes de vie insulaires. MARIE JO DHO

Le séminaire L’île comme métaphore et comme modèle s’est tenu le 24 novembre au Mucem, Marseille

04 92 6


24 critiques spectacles

Parler de liberté aux portes de l’enfer Les 24 e Rencontres d’Averroès furent particulièrement éprouvantes. Penser la Méditerranée est-il encore possible quand la Syrie, la Libye, la Turquie, l’Egypte sont plongés dans la tourmente ?

I

l y a quelques années les intervenants et le public des Rencontres d’Averroès s’invectivaient et s’opposaient. On y parlait révolution, printemps arabes, féminisme, racisme, on y confrontait des visions marxistes et humanistes, on discutait âprement, pas toujours poliment, et la parole des poètes, des artistes, y permettait souvent de comprendre intensément le présent, l’histoire, la géopolitique, les douleurs et les joies. Les Rencontres ont changé. Parce qu’elles ont moins de moyens cette année à cause du Conseil départemental qui n’entre plus dans leur financement, et que par conséquent la parole des chercheurs, pourtant plus jeunes et rejoints par des chercheuses pertinentes, s’y confronte moins à la vision des artistes. Mais surtout parce que l’état du monde méditerranéen est si alarmant que la parole se fige dans la douleur, dans le lent énoncé des faits, dans l’analyse du mal qui n’atteint pas la pensée dialectique. Ainsi le journaliste de La Croix Jean-Christophe Ploquin ouvrait la 1ère table ronde, intitulée Quelles libertés face au sacré ?, en affirmant : « Le sacré est toujours là, il travaille nos sociétés, parfois pour les nourrir, parfois pour les meurtrir. » Mais quid de la liberté religieuse ? Anastasia Colosimo, enseignante en théologie politique, a parlé du retour du « religieux lourd », et l’un des artisans de la Constitution tunisienne, Yadh Ben Achour, a évoqué la « guerre idéologique » menée dans son pays pour juguler l’islamisation de l’État. Mais c’est un détenu des Baumettes qui posa via un enregistrement la question des libertés. Quelles sont-elles quand nous sommes soumis à de fortes pressions religieuses, politiques, médiatiques ou familiales ? L’écrivain Pascal Amel a répondu : « Si l’on veut une vie intense,

il faut prendre des risques, savoir se déprendre des dominations, ne pas craindre l’opprobre, y compris générale. » En précisant tout de même « Quand c’est possible... » !

Pas de liberté Quand c’est possible... Les Tables rondes n’ont pourtant cessé de dire la faillite de la liberté : celle consacrée au terrorisme n’osa pas même l’évoquer. Mohammad Ali Atassi, documentariste syrien, Loulouwa Al Rachid, spécialiste de la politique irakienne, Nora Lafi, historienne de l’Empire ottoman rappelèrent les alliances passées, les guerres illégales, les armes chimiques, les bombardements occidentaux, l’abandon, les générations de rancœurs. Tous dirent qu’il existe des forces démocratiques, une alternative entre la terreur de Daesh et les dictatures, soutenues par les États-Unis et l’Europe comme s’ils étaient l’unique rempart contre le fascisme islamique. Mais que la solution politique semble s’éloigner chaque jour, et que la souffrance des peuples est sans mesure. L’après-midi fut tout aussi désespérant : il fut question de la Turquie et de l’Egypte, immenses pays qui s’enfoncent dans un autoritarisme effarant. Les prisonniers turcs se comptent par centaines de milliers, victimes d’arrestations arbitraires : Cengiz Aktar, écrivain turc, rappela que quelques années plus tôt l’entrée dans l’Europe était au cœur des Rencontres d’Averroès, la reconnaissance du génocide arménien, la défense des Kurdes. Quel recul ! Lina Attalah, directrice du site égyptien Mada Masr, affirma que l’opposition démocratique égyptienne est forte, qu’elle a su faire la révolution, qu’il faut la soutenir face à la dictature d’El-Sisi, reçu à l’Elysée malgré la série de lois liberticides qu’il a fait

Entretien avec Asli Erdogan © Nicolas Serve

adopter. Lois liberticides et reculs dont, comme Jacques Rupnik le rappelait, l’Europe n’est pas à l’abri, en Hongrie, en Autriche, ou dans cette France qui promulgue un état d’urgence permanent... et s’accommode des dictateurs et des noyés de Méditerranée.

Absence de sens critique ? La dernière table ronde, consacrée à l’économie et au numérique, fut plus contestable. Farah Hached, militante tunisienne, rappela les difficultés économiques de la Tunisie, qui doit inventer sa démocratie sous la menace de ses voisins. Mais si Marilena Koppa s’insurgea contre l’aberration mortifère de la politique économique imposée à la Grèce, qui ne cesse de rembourser une dette grandissante, l’ex-députée européenne préféra stigmatiser le gouvernement de Tsipras plutôt que la dictature internationale de la finance. De même Jean-Marc Manach, journaliste spécialiste des libertés numériques, fit un exposé brillant sur la nécessité, et la possibilité, d’échapper à la surveillance numérique, voire de hacker les systèmes autoritaires, ou corrompus, mais il ne parla pas du coût énergétique du stockage des données, ni des ravages psychologiques du flux d’images de sexe non consenti, de morts et de violence extrêmes, auxquelles nous sommes exposés dès lors que nous ne nous en défendons pas. Quant à Raouf Boucekkine, directeur de l’IMéRA, ancien


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collaborateur du premier ministre algérien, il affirma que la presse algérienne était libre (quid de Mohamed Tamalt mort en prison en 2016, et arrêté pour « offense au Président de la République »?) et que la population y profitait encore des largesses de l’État, qui redistribuait généreusement l’argent du pétrole. C’est dire que Jean-Marie Durand, journaliste aux Inrockuptibles, ne parvint pas à les contredire ! C’est le public, moins à court d’arguments, qui rappela à l’un les dommages des fake news et des illuminati, à l’autre les souffrances de la jeunesse algérienne sans travail, sans avenir et sans mixité... Plus généralement, ce débat qui devait poser la question de la liberté en des termes économiques (les inégalités croissantes sont-elles liberticides ? peut-on être libre si on ne peut se soigner, nourrir ses enfants, se loger, s’instruire ? qui décide de l’ordre du monde, les gouvernements représentant les peuples ou les sociétés multinationales?) resta nettement en-dessous des attentes...

La vérité des artistes... Mais heureusement, deux jours auparavant, Bachar Mar-Khalifé avait apporté une réponse sublime à la première table ronde, déployant sa liberté de ne pas croire, tout en approchant du sacré : pendant près d’une heure et demie, seul sur le plateau de la Criée devant son piano à queue, il a offert au public

une expérience intense, aux échos mystiques. Le grand musicien franco-libanais, qui chante successivement en langues arabe, kurde et française, alterne, souvent au sein d’un même morceau, entre oscillations douces et secousses subites. Alors ses mains, comme animées d’un ressort frénétique, vont et viennent d’une extrémité à l’autre du clavier, s’écrasant, martelant, maltraitant presque son instrument. Le tout donne à l’interprétation, soutenue par une voix chaude et puissante, une indubitable dimension invocatoire. Le musicien, qui concède « ne pas aimer Dieu » ironise d’ailleurs entre deux morceaux « Seigneur épargne nous…et laisse-nous tranquille. » Et lorsque, sans prévenir, il se lève de son siège pour se pencher au-dessus du cadre de son piano, c’est pour se livrer à un exercice percussif aussi déroutant qu’impressionnant. Le pincement des cordes, les coups qui s’abattent sur la table d’harmonie produisent un tumulte métré, invraisemblable, sensationnel. Un morceau de bravoure conclu par une salve d’applaudissements, seulement dépassée en durée et en intensité par celle qui accompagnera le salut final de l’artiste.

parla de sa détention dans les prisons turques, des arrestations quotidiennes, de la torture, des disparitions, de l’impossibilité de vivre. Elle parla aussi de ses livres, de sa manière poétique de rendre compte du réel, de construire une littérature qui s’évade du documentaire. De son enfance et de ses parents, opprimés dans une « dictature ordinaire » où on pouvait être arrêté et torturé pour ses opinions, mais non détenu sans motifs, sans jugement, avec une sentence de prison à vie pour « appartenance à une organisation terroriste ». De son combat d’écriture, par la publication sans commentaire des extraits de témoignages lors des purges Kurdes en 2016, listes infinies d’exactions. De sa difficulté, aujourd’hui à écrire en exil, sans ancrage. Une conclusion d’une grande émotion, admirable comme le courage de cette femme, qui nous rappela que la liberté se nourrit de la fréquentation forcenée des œuvres, et de l’exercice sans limite de la pensée critique. AGNÈS FRESCHEL, GAËLLE CLOAREC ET LOUIS GIANNOTTI

... et leur courage Des applaudissements qui retentirent aussi à la fin du grand entretien donné par Asli Erdogan, et contrastaient avec le silence ému qui accompagna les paroles de l’écrivaine. Elle

Les Rencontres d’Averroès se sont déroulées à la Criée, Marseille, du 16 au 19 novembre


26 critiques spectacles

Sur la pointe des pieds

À mon père, Radhouane El Meddeb © Agathe Poupeney

Au Théâtre Joliette, première étape d’un long parcours dansé jusqu’au 16 décembre à Marseille, Vitrolles et Aix

L

’ouverture de la 20e édition de Dansem – Danse contemporaine en Méditerranée (lire aussi Zib’112) s’est faite sur le mode intimiste, Cristiano Carpanini ayant choisi deux soli puisant chacun dans l’histoire personnelle, familiale et intime de leur interprète. Étranges similitudes, en effet, entre À mon père, une dernière danse et un premier baiser de Radhouane El Meddeb et We wait in the darkness de Rosy Simas. Tous deux se présentent de dos, le torse dénudé ; tous deux ouatent leur propos par une gestuelle

minimaliste ; tous deux réactivent le passé pour envisager leur propre avenir. Le chorégraphe et danseur tunisien Radhouane El Meddeb rend hommage à son père décédé avant le « Printemps arabe » par une écriture épurée, légèrement hésitante, pour extérioriser ses sentiments multiples : l’amour, le deuil, le manque, le silence, l’éloignement. Il embrasse l’air de ses bras tendus, répète « non » d’un mouvement de tête obsessionnel, lâche prise à l’émotion quitte à dessiner une danse brouillonne, au goût d’inachevé, préfère la maladresse -même feinte- à l’aplomb d’une danse sûre d’elle-même. Ses pas hésitants, sa lenteur parfois, ses jeux de mains maniéristes, paumes ouvertes ou doigts recroquevillés, son visage aperçu furtivement, circonscrivent l’espace métaphorique de retrouvailles impossibles. Radhouane El Meddeb se libère progressivement de son état premier de prostration pour atteindre un état extatique, presque heureux. La réalisation sonore d’Olivier Renouf combine avec justesse les silences (l’absence irrévocable du père) et les extraits des Variations Goldberg de Bach interprétées par John Gould (l’évocation d’une présence

La danse à tous les âges Moment de découverte et de convivialité, Festiv’Anges offre au spectateur une formidable proximité avec la danse

L

’École des sables créée par Germaine Acogny en 2004 à Toubab Dialaw, à 53 km de Dakar, est en péril financièrement. Par fidélité à cette grande figure de la danse contemporaine africaine, Michel Kelemenis a décidé d’ouvrir son festival de danse pour l’enfance et la jeunesse (Zib’112) avec la dernière création de la chorégraphe aujourd’hui âgée de 73 ans, À un endroit du début. Une œuvre autobiographique, tout en symboles et en références à son histoire familiale évoquée dans Les récits d’Aloopho de Togoun Servais Acogny. Un solo à l’intensité permanente construite sur les sédiments de son héritage personnel et de la colonisation du Sénégal. Majestueuse, apparaissant et disparaissant derrière un voile d’images vidéos, elle évoque avec tendresse ou colère les figures du père et

de la grand-mère, les traditions sacrificielles, elle danse, elle conte, elle murmure les paroles d’un standard de Johny Cash, elle martèle « je n’ai plus ni maison, ni refuge, ni patrie ». Ce dépouillement est comme une mise à nu d’elle-même, un témoignage d’une force incroyable. Celle qui a imaginé l’École des sables comme un centre ressource pour les Ce qui nous vient de loin © Didier Philispart

danseurs du continent africain et d’ailleurs, qui l’a ouvert au pèlerin en quête de rencontres avec l’homme et la nature, a reçu ce soir-là une de ses plus belles récompenses. Une spectatrice qui n’était jamais venue à Klap et découvrait pour la première fois un spectacle chorégraphique l’a remerciée publiquement « de [lui] avoir fait prendre conscience ».


27 douce et enveloppante). Trop narratif pour certains, trop informel pour d’autres, son solo est un testament chorégraphique dont il est difficile de se sentir étranger. Le contraire de We wait in the darkness de Rosy Simas qui ne parvient pas à nous inclure totalement. La chorégraphe et performeuse amérindienne signe cette pièce « avec l’intention de soigner les cicatrices laissées par l’Histoire dans l’ADN de sa grand-mère sénéca et de ses ancêtres ». Mais que savons-nous de la culture matrilinéaire des Sénécas, son histoire, ses coutumes, ses symboles ? Comment se laisser pénétrer par ce rituel chamanique dont on ignore la codification ? L’artiste nous laisse sur la berge, à distance de sa danse cérémonielle introvertie à l’extrême (une fois revêtue la longue robe blanche de ses ancêtres, elle danse face au public les yeux fermés), séduits néanmoins par le décor de totems blancs, la composition musicale de François Richomme et les lettres adressées par sa grand-mère à sa mère, lues et projetées sur la page blanche de sa mémoire. Imprimées dans son corps.

Si la lecture nous était contée…

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Ces spectacles ont été donnés les 21 et 24 & 25 novembre au Théâtre Joliette, Marseille. Dansem se poursuit jusqu’au 16 décembre 04 91 55 68 06 dansem.org

Son combat pour former, transmettre, partager, trouve dans Festiv’Anges une continuité évidente. Son message est repris à leur compte par les artistes invités soucieux d’ouvrir la danse à tous les publics : Katy Deville et Patricia Guannel (Théâtre de Cuisine) ont écrit en papiers de soie et kraft une forme courte destinée aux tout-petits à partir de deux ans, Ce qui nous vient de loin, c’est la curiosité pour le monde ; Yuval Pick a conçu Playbach comme « une métaphore suggérant l’amitié, la solidarité », des mots qui résonnent aux oreilles des jeunes spectateurs ; Michel Kelemenis propose aux apprentis danseurs de Coline de s’emparer de sa pièce Faire feu… Entretemps, Festiv’Anges aura fait place au trio de Naïf Production et son éloge de la fraternité dans La Mécanique des ombres. Cagoulés, le visage à peine perceptible, Sylvain Bouillet, Mathieu Desseigne et Lucien Reynès se déplacent comme des aimants, un geste magnétisant l’autre, et tentent l’impossible : communiquer. Travail sur la chute, le déséquilibre, le lâcher prise, la répétition et le mimétisme : le trio est interdépendant et la mécanique parfaitement huilée. Belle leçon de danse doublée d’une intention qui sonne juste, à savoir qu’il faut la bienveillance de l’autre pour garder son intégrité. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Festiv’Anges se poursuit jusqu’au 21 décembre à Klap-Maison pour la danse, Marseille

Chun-Liang Yeh, Loïc Jacob, Maya Michalon, Valérie Dumas © M.C

A

vec le Festival Grains de sel, Aubagne est bien la capitale du livre jeunesse, multipliant les propositions : la librairie géante du Salon Shéhérazade, ses duels de dessins et rencontres, les activités déclinées à l’Espace des Libertés et les représentations théâtrales au théâtre Comoedia ou dans la salle du Bras d’Or. Séance complète ? Qu’à cela ne tienne ! On attend la suivante en allant explorer les livres, les faire dédicacer, souvent de manière somptueuse (ainsi par Laurent Corvaisier qui expose au Centre d’art Les Pénitents Noirs), discuter avec des auteurs, dessiner, découper, réfléchir aussi, les thèmes abondent, droits de l’enfant, écologie : les idées fusent autour de Sandrine Dumas-Roy et de son livre Chaude la planète (éditions Ricochet) pour trouver des solutions au réchauffement climatique. Les « pestacles » variés sont attentifs aux mots, à la qualité des textes. La Cie Théâtre des Turbulences offre une interprétation poétique du livre de Saint-Exupéry, Le Petit Prince : le sable envahit la scène, tandis qu’une plasticienne de sable, Lucie Joliot, esquisse les dessins projetés sur une planète lunaire et que l’aviateur et le Petit Prince, François Frapier et Emmanuel Vilsaint, donnent chair aux personnages sensibles du poète dans la mise en scène de Stella Serfaty. La Cie Un Château en Espagne nous mène Au fond du Bois Dormant, où le conte du Petit Poucet subit quelques transformations (dont celle du Petit Poucet en fille), dans une mise en scène ingénieuse et poétique… la Pluie devient conteuse avec le poème débridé de Céline Schepf, et un épouvantail voyage à travers les dessins délicats de la Cie Lunasol dans Le Journal de Lulu. Se célébraient aussi les dix ans des éditions HongFei Cultures, fondées par deux passionnés, Chun-Liang Yeh et Loïc Jacob, qui soulignent ne pas avoir voulu créer cette maison pour faire passer le patrimoine chinois -même si les textes et les illustrations de la plupart des ouvrages en sont nourris-, mais faire passer l’altérité ; d’ailleurs, sourient-ils, « cet autre que l’on fréquente peut ou pas être Chinois »… N’est-ce pas l’ambition de toute littérature ? MARYVONNE COLOMBANI

Le Festival Grains de sel s’est tenu du 16 au 19 novembre à Aubagne


28 critiques spectacles

Mahler ne danse pas

kindertotenlieder © Alwin Poiana

Le Ballet National de Marseille a présenté à l’Opéra de Marseille un spectacle étrange et fascinant. Adaptant les Kindertotenlieder de Mahler, un chant révolutionnaire de Eisler composé pour Brecht et une mélodie de Janacek, Franck Krawczyk a recomposé une musique étrange, portée par la Maîtrise des Bouches-du-Rhône (direction Samuel Coquard) avec beaucoup de talent. Non seulement les voix ont cette clarté particulière de l’enfance, cette pureté sans vibrato qui rend si délicates les parties chorales, mais ils

chantent en solo avec ampleur et justesse, et incarnent sur scène une bande d’enfants nocturnes qui désirent et redoutent le loup qui rode... Le film de Ruben Van Leer projeté sur un tulle en avant-scène fait naître, par transparence, quelques effets sublimes, et la musique transpose très justement les effets orchestraux de masse de Mahler dans les tutti crescendos des enfants, à plusieurs voix, tandis que la rugosité d’Eisler est chantée à l’unisson... Pourtant, si cette Apparition est musicalement

et plastiquement fascinante, on regrette que la partition soit assumée par un piano seul dans ce lieu : pourquoi Julien Lestel (voir ci-contre) bénéficie-t-il de l’orchestre, et non le Ballet National ? Mais surtout, on déplore que la chorégraphie d’Emio Greco et Pieter C. Scholten y soit portée par si peu de danseurs. Sur une bande mixant des paroles murmurées de chansons populaires sur l’enfance, les rares passages où la danse se déploie apparaissent comme des additions à un spectacle musical, ce qui est étrange pour une création du second ballet de France. Que font les danseurs pendant ce temps ? D’autant que les pièces en tournée, comme Tetris, Two ou Rocco, n’occupent que 3 ou 4 d’entre eux. Heureusement, on verra les 24 danseurs du BNM dans le Boléro lors du BNMFEST (voir p20). Et à la Criée, pour la création du second volet des Kindertotenlieder. Car rien n’est plus triste qu’un ballet qui ne danse pas... A.F.

Apparition d’Emio Greco, Pieter C. Scholten et Franck Krawczyk a été créé à l’Opéra de Marseille les 2 et 3 décembre

Vingt ans après La scène nationale de Martigues accueillait un spectacle de Wim Vandekeybus qui a bouleversé la scène chorégraphique en 1999

E

n matière de spectacle vivant, que vaut le souvenir ? Si l’expérience du « live » est si précieuse, c’est qu’on ne peut mettre sur pause ni revoir, une seconde fois, le même spectacle. Ce qui crée une intimité particulière avec l’œuvre, qui dépend profondément de l’état présent du spectateur. In Spite of wishing and wanting, pièce masculine du chorégraphe flamand, avait été un choc. Parce que la danse y était à la fois théâtrale et musclée, acrobatique, souvent au sol, qu’elle empruntait à des postures animales, instinctives, ébrouées, sensuelles. Entre

© Danny Willems

hommes. Parce que la bataille y côtoyait les effusions, parce qu’on n’avait jamais vu les corps d’hommes danser ainsi, à l’unisson mais aussi au contact, dans des élans communs, des embrassements. Depuis 1999 tous les corps se sont mis à danser ainsi, avec cette énergie et cette précision, en tournant et s’effondrant, souples et ancrés au sol, à toute allure. Les danseurs contemporains ont, depuis 20 ans, fait des progrès techniques sidérants, et la nouvelle équipe danse mieux encore,

sans effort apparent, encore plus ensemble, encore plus vite, encore plus largement. Mais la surprise passée, et l’habitude prise de voir des corps danser ainsi, danser autant, laissent de la place pour entendre les textes, qui alignent des lieux communs, sur la sauvagerie naturelle et le nécessaire dressage des instincts (masculins ?). Qui sont mal dits, hurlés ou trop sonorisés, pas toujours traduits, et dont les effets comiques tombent à plat quand ils ne sont pas portés par les corps. Mais la salle comble des Salins a applaudi à tout rompre, longtemps : décidément l’expérience du spectacle vivant est intime, et difficilement réitérable. AGNÈS FRESCHEL

In spite of wishing and wanting a été dansé le 28 novembre aux Salins, Martigues


Musique et danse au diapason

H

istoriquement parlant, l’Opéra de Marseille est bicéphale : les deux fresques du hall d’entrée sont des allégories du théâtre lyrique et de la danse. Mais étrangement le Ballet National de Marseille s’y produit sans les musiciens de l’orchestre et la direction de l’Opéra de Marseille, pour compenser ce déséquilibre récurrent entre les deux arts, fait régulièrement appel au chorégraphe néoclassique Julien Lestel. Les 25 et 26 novembre, ce sont deux partitions phares des histoires de la musique et de la danse qui ont été représentées et, chose de plus en plus rare, jouées en direct par les musiciens de l’Orchestre Philharmonique de Marseille. La jeune fille et la mort (création 2017) a été interprété avec tellement de talent par le must en quatuor des cordes de la formation municipale (Da-Min Kim et Alexandre Amedro aux violons, Magali Demesse à l’alto et Xavier Chatillon au violoncelle), qu’on en aurait oublié les danseurs tournoyant et ondulant au rythme des mouvements et variations imaginés par Schubert. Pour Le sacre du printemps (reprise de 2013) de Stravinski, le chef Victorien Vanoosten a embrasé la fosse d’orchestre, quand la troupe de danseurs s’est hissée au diapason de la force brute de la partition. Prenant l’argument à la lettre, Julien Lestel a plongé le public dans une préhistoire tellurique et fascinante.

17/18

Francefantôme

JACQUES FRESCHEL ET AGNÈS FRESCHEL

La Jeune fille et la mort et Le sacre du printemps ont été dansés les 25 et 26 novembre à l’Opéra de Marseille

Un spectacle de Tiphaine Raffier

9 au 13 janvier Une histoire d’amour futuriste, un théâtre de science-fiction audacieux ! « La maîtrise du plateau dont témoigne Tiphaine Raffier est remarquable, (...) il y a de la liberté, de l’élan, du rythme, des comédiens et musiciens pleinement engagés. » Le Monde

Le Sacre du printemps © Lucien Sanchez

« France-fantôme est une pièce qui dénote, étonne et nous passionne » Mediapart

Réservez ! 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com


30 critiques spectacles

Danser les désillusions

© John Hogg

L

a compagnie sud-africaine Via Katlehong a fait appel au chorégraphe et pédagogue Gregory Maqoma pour sa dernière création, Via Kanana. Le travail entre vidéo, ombres portées sur le double écran de fond de scène, l’approche de divers styles de danse, passant du mime au contemporain, la fougue et l’expressivité des huit danseurs (6 garçons, deux filles), tout contribue à raconter en une série de tableaux d’une étonnante poésie les désillusions et les espoirs de l’Afrique du Sud postapartheid. Le terme « Corrupt » défile sur les écrans, alors qu’un danseur longe les profondeurs du plateau avant de s’avancer, triplé par ses ombres gigantesques. Réalité projetée, rêvée, multipliée, déclinée en gestes, en mots, en chant, en cris de révolte… la terre promise, Kanana, manque cruellement de véracité, la

révolution qu’a été la fin de l’apartheid n’a pas été à la hauteur des espérances qu’elle a suscitées. La danse née dans les ghettos, le pantsula avec ses mouvements rapides de jambes, est autant art de vivre que code d’expression artistique, raconte une culture urbaine, celle des townships, et se joint au gumboot, lié à la tradition ouvrière (danse de mineurs : les mains frappent sur les cuisses et les mollets). Le regard de Grégory Maqoma apporte une cohérence narrative à cet

ensemble, y glisse une pâte contemporaine, permet de superbes mouvements d’ensemble, fait coexister les alternances d’ombre et de lumière, les tableaux stylisés et les chemises chatoyantes des protagonistes. La corruption envahit le monde, séduit, affole, détruit les sentiments les plus tendres -on retrouve le thème de Roméo et Juliette, séparés par des clans rivaux-, manipule la presse (superbe passage qui parodie la comédie américaine où la troupe entière danse avec des journaux), va jusqu’à tuer… Reste le thrène funèbre bouleversant autour du corps recouvert de pages de presse, comme oblitéré par les mots. La danse est ici le lieu de la révolte, du sens, d’une vitalité qui, malgré tout, fait que les êtres restent debout. L’enthousiasme des saluts, qui offrent un bonus joyeusement débridé, en témoigne ! MARYVONNE COLOMBANI

Via Kanana a été donné du 18 au 21 novembre au Pavillon Noir, Aix-en-Provence, le 24 novembre à Châteauvallon – scène nationale, Ollioules, et le 28 novembre au Théâtre de l’Olivier, Istres

Transformer la citrouille

L

e Forum Jacques Prévert à Carros a une histoire aussi complexe que sa ville, partagée entre village médiéval, cité nouvelle et zone pavillonnaire, riche d’un passé communiste qui a pourvu la ville d’équipements culturels, aujourd’hui moins dotés par une municipalité qui a évolué vers le centre gauche, puis droit. La baisse de budget ne permet plus qu’une programmation relativement épisodique, mais un public fidèle est là, habitué aux formes contemporaines les plus radicales par la directrice historique du lieu Sylvie Guigo-Lecomte, et encouragé à s’ouvrir à la culture par l’activité de pratique artistique du centre culturel, qui est une ancienne MJC. Il reste que le nouveau directeur, Pierre Caussin (voir Zib’ 112) devra sans doute programmer, dès l’an prochain, des formes plus aptes à intéresser l’ensemble des habitants de Carros. Les spectacles proposés le 11 novembre étaient en effet très particuliers, ardus ou confidentiels : un concert très sympathique de Luna Paese, chanteuse conteuse au joli brin de voix fragile, et aux contes joliment subversifs ; la performance trash et agressive de Jules Beckman qui classait les femmes

Étude(s) de chute(s) © TCMA

en « toi ta mère a joui en te concevant pas toi dommage » (non mais quelle violence !) ; et enfin Etude(s) de chute(s) de la compagnie niçoise TCMA (Michaël Allibert et Jérôme Grivel), un « spectacle » déroutant : sur une série de supports verticaux, trois « danseurs » aux corps peu normés (une danseuse ronde, deux performeurs plutôt malingres et tatoués) prennent des poses en appuis inconfortables, puis sortent, se dénudent, se rhabillent, reprennent les mêmes poses, se rhabillent, se dénudent, jusqu’à ce que la

danseuse lentement s’écroule à terre. Sans un regard entre eux, sans un contact public, la plupart du temps de dos, inexpressifs, sans intention, et sur une musique « nécrophonique » faite de perturbations électroniques insaturées. Un spectacle à la fois court et ennuyeux, aride et creux, intrigant et insatisfaisant... AGNÈS FRESCHEL

Ces spectacles ont été donnés le 11 novembre au Forum Jacques Prévert à Carros


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Pas d’âge limite pour la danse !

« L

a danse signifiait pour les Coréens autrefois : se libérer des contraintes de la vie » explique celle que l’on a surnommée la Pina Bausch coréenne, Eun-Me Ahn. Elle livre, avec Dancing Grandmothers, un portrait de la société de son pays natal. Spectacle atypique, où vidéo, danse, mime, générations, styles, modes d’expression se rencontrent. Sont projetées en ouverture les images de son itinéraire en Corée sur le mur de scène dont la texture blanche est orchestrée de traces, d’empâtements, qui accordent ainsi au réel une première distanciation esthétique, le muant en tableaux mouvants. La chorégraphe avance à petits pas devant ces paysages, rendant à l’espace son échelle. Le thème de la vieillesse s’inscrit dans ses gestes, puis dans les costumes des jeunes danseurs qui envahissent, traversent, habitent le plateau, courses, sauts, saltos, acrobaties, voltes sur le tempo lancinant et fortement souligné des musiques de Young-Gyu Jang. Robes ou jupes à fleurs, indifférenciant garçons et filles, emportés dans une même frénésie de jeunesse qui laisse place après une lutte contre soi-même, terrifiante, au sol, à des personnages vieillis, aux gestes lourds. Une longue séquence filmée

montre des grandmères qu’Eun-Me Ahn est allée rencontrer au cours de son itinéraire. Sourires, radieux, danses au cœur des lieux familiers, de la maison, du travail, le bonheur du mouve© Young-Mo Cheo ment, mains et bras qui dessinent l’air tandis qu’un rythme régulier et sautillant s’imprime dans les jambes et le buste, la rudesse de la vie de ces femmes transparaît sous la vivacité et le naturel de ces danses. Dix de ces grands-mères, conduites sur le plateau par les danseurs partagent leurs gestes. Peu importe l’âge, les corps expriment tous une émotion, un plaisir d’être, de s’éprouver, de dire encore le bonheur de la communion de la danse. Quittant l’espace d’un instant les tenues fleuries du passé, les jeunes danseurs, en justaucorps roses livrent en une séquence qui tranche avec les libertés précédentes par sa rigueur et son équilibre, leur virtuose ensemble. La totalité de cette troupe atypique se retrouve sous les boules de dancing. Le public est

convié à la fin à rejoindre la scène, le GTP danse, vibre, applaudit, sourit… transporté par l’énergie de ce spectacle qui nous convie à nous interroger sur notre perception de l’art, de sa pratique et de sa relation à nos vies… MARYVONNE COLOMBANI

Dancing Grandmothers a été dansé les 8 et 9 novembre au GTP, Aix-en-Provence

à venir 12 & 13 janvier Scène nationale de Sète 04 67 74 66 97 theatredesete.com

La Barbe a mûri !

P

arfois une pièce, revue après deux ans, révèle des angles morts -ou vivants !-, des strates et des sens, des beautés et frictions, insoupçonnés à la création. D’autant plus lorsqu’elle a, comme La Barbe bleue de Michel Kelemenis, beaucoup tourné, et s’offre non plus sur le plateau gigantesque du Grand Théâtre de Provence aixois, mais sur la Scène 55 de Mougins, à taille humaine, et très bien équipée. On y voit le travail des lumières, qui rougit l’espace du crime, sculpte des couloirs et soubassements, fait © Didier Philispart naître des prisons mentales, des échappées. Comment cela répond à la danse, à cette femme On y entend le travail de Christian Zanesi hantée par les amants qu’elle a assassinés sur la sublime musique de Philippe Her- et qui la poursuivent, l’empêchant, comme sant ; comment il électronise et stoppe ses une mémoire douloureuse, de vivre un nouvel élans lyriques, les met en doute, et fracasse amour sur une page blanche. ses cordes nostalgiques, ses déchirements. Et puis on voit la danse, son équilibre si subtil

entre une narration nécessaire à la compréhension de l’intrigue, et une symbolique qui fait porter par les corps non une histoire, mais des sensations, des sentiments, le désir, la violence, la douleur, la domination, la cruauté, la soumission, l’amour même, l’abandon, la communion, la manipulation, le déchirement. Car les danseurs y sont des interprètes au sens premier du terme : qui font entendre, par leur technique impeccable mais aussi par leur sensible émotion, la traduction, en idées, de la danse... AGNÈS FRESCHEL

La Barbe bleue a été reprise le 11 novembre à Scène 55, Mougins


32 critiques spectacles

Ô vous frères humains

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’est à un superbe spectacle qu’on a assisté sur le grand plateau de La Criée. Un de ces spectacles qui restent ancrés longtemps dans la mémoire et dans les sens. Ils sont poignants, ces six « hommes en devenir » qu’Emmanuel Meirieu donne à voir, et surtout à entendre, avec une force, une justesse qui prennent aux tripes. Adaptant le recueil de nouvelles éponymes du prometteur romancier texan Bruce Machard, Meirieu poursuit son travail de mise en scène d’œuvres romanesques © P. Gely contemporaines ; et il fait bien, car il y réussit brillamment. Selon un dispositif épuré qui va à l’essentiel, la parole. Côté cour, le cadavre d’un chien écrasé (car, après tout, ces histoires qui vont être dites pourraient figurer dans la rubrique du même nom, voire entrer dans la sélection d’histoires vraies du Reader’s Digest) ; côté jardin, un micro devant lequel défileront tour à tour Ray, Dean, Tom et les autres ; pour dire, chanter ou mimer « la faille en eux » ; à l’avant-scène, un écran à peine

perceptible sur lequel les gros plans de leurs visages seront (parfois) projetés. Ajoutées à cela une bande-son puissante et des lumières, des fumées, qui s’étirent dans les lointains comme autant de signaux dans la nuit. Et voilà, c’est parti pour une heure et demie de récits, tous plus atroces les uns que les autres –et pourtant si ordinaires, si envisageables-, que la densité du jeu des comédiens rend plus terribles encore et qu’on reçoit en pleine figure. Un fils, un fœtus, une fiancée, une femme, un

chien, perdus ; et tous les deuils anciens qui viennent ricocher sur le plus récent. Pourtant lorsque le dernier des ces « hommes en devenir » s’avance, lorsque tombe l’écran, plus rien ne nous sépare de ces humains « pas beaux à voir » qui nous ressemblent. « En devenir », d’ailleurs, pourquoi ? Sans doute parce qu’« être un homme accompli, c’est faire en permanence l’expérience du manque. » C’est ce qu’ils nous disent, ces hommes souffrants qui persistent à vivre. Alors on émerge de leurs cauchemars, de leurs paroles douloureuses et terrifiantes. Bouleversé. Et étrangement consolé. FRED ROBERT

Des hommes en devenir a été représenté du 8 au 10 novembre à La Criée, Marseille, et les 17 et 18 novembre à Châteauvallon – scène nationale, Ollioules Les romans et nouvelles de Bruce Machard sont publiées aux éditions Gallmeister

La transmission mise en questions

L

a Cie des Passages revient sur une aventure artistique et sociologique menée en 2014 avec deux classes de lycéens marseillais aux territoires opposés. Avec sensibilité et justesse, Wilma Lévy, comédienne et metteure en scène, questionne les relations entre l’institution scolaire et les praticiens des arts vivants. Le « Récit d’une expérience » s’ouvre sous l’égide d’Annie Ernaux. La lecture d’extraits de Les Armoires vides place le geste théâtral dans la perspective d’un travail d’ethnographe, de témoin. Les frontières tant urbaines que sociales ont été interrogées par les élèves, nourris par les interventions de l’artiste et d’un géographe. Elles aboutissent à une restitution scénique mais aussi à un constat d’échec de la part des instances éducatives. Au plateau : analyse de ce vécu. S’inscrivant dans une forme de théâtre documentaire, W. Lévy ne raconte pas mais incarne à elle seule l’ensemble des protagonistes du projet et rend vivants et palpables les corps et le langage de chacun. Profs, proviseur, élèves apparaissent dans une variété de supports :

enregistrements sonores d’entretiens ou de séances, projections sur écran de paroles retranscrites, jeux très précis et touchants des différents individus. La polyphonie des voix se lit dans la spatialisation lisible des territoires de chaque discours. La construction de l’espace scénique est efficace et l’on croit vivre les scènes à mesure que le témoignage progresse. L’idée ici n’est pas de juger ni d’interroger directement. C’est par la succession des scènes qu’émergent les problématiques soulevées par l’expérience menée. Ainsi que par l’émouvante interview filmée du père sur l’enseignement. Les déceptions et incompréhensions percent. Que peuvent encore l’école et l’art pour aider les jeunes à penser le monde ? Quelle place l’éducation laisse-t-elle à l’art vivant pour transmettre ? Car là où l’artiste a tenté de faire vivre en acte aux élèves le programme et ses valeurs républicaines, on lui rétorquera que sa proposition les a desservis. Le discours final d’un possible

© Jenny Lauro Mariani

ministre de la Culture se teinte de poésie et d’espoir ou bien d’ironie. Le futur évoqué où arts, savoirs et pensées permettraient de franchir les frontières, de les abolir n’est-il que pures formules incantatoires ? DELPHINE DIEU

Du nord au sud, récit d’une expérience s’est joué du 23 au 26 novembre au Théâtre des Argonautes, Marseille


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Histoires collectives et récit intime Au Merlan, les récits intimes révèlent une force de vie et de lutte

S

ur un écran géant au centre du plateau, les images filmées montrent Latifa Tir quittant La Busserine, corps traversant le réel des lieux jouxtant le théâtre. Déterminée, elle passe l’avenue-frontière qui la mène de ce chantier de réhabilitation à l’îlot culturel du Merlan. Elle débarque sur scène, s’incarnant soudain dans le corps-mimétique de Catherine Germain. Ainsi, à la mission première du lieu d’amener la culture à ceux qui n’en ont pas, se substitue celle de rendre visibles les cultures plurielles des quartiers. La proposition rejoint la conception d’un théâtre comme instrument du vivre ensemble. Le personnage principal est le snack de Latifa, reconstitué pour le plateau. Voué à la destruction, l’ancienne épicerie de son père devient le symbole d’une confrontation entre les habitants, leurs mémoires, leurs formes de vie et la machine impersonnelle des « cravatés qu’on ne voit jamais » qui transforme en poussière 80 ans de vie dans un provisoire devenu patrimoine. Le monologue de cette femme tendre et guerrière se joue, avec justesse, par la comédienne, soutenue par 12 participants commentant, tel un chœur, les récits. Ils endossent aussi les personnages, dans un jeu enthousiaste et vibrant (beauté de cette Juliette des quartiers dans ses adieux à son amant mort). François Cervantes propose une fin optimiste à sa fable. On se quitte sur l’évocation de la lumière, celle de Marseille, qui dissipe les zones d’ombre. Mais l’histoire n’est pas terminée, comme le précise la vraie Latifa ovationnée en fin de spectacle. L’hommage rendu par le spectacle à cette lutte se poursuit par le réveil du collectif dans le public. On se surprend à rêver : et si le snack, et derrière lui les « vraies vies », étaient sauvegardées ?

Des bijoux intimes Pauline bureau et sa Cie La Part des anges aime porter à la scène des formes qui ne s’y rencontrent guère. Après sa création Mon coeur sur le scandale du Médiator, elle s’attèle ici aux souvenirs personnels de Céline Milliat-Baumgartner. Dans son livre autobiographique Les bijoux de pacotille, la comédienne plonge dans son enfance et ses souvenirs morcelés pour évoquer la disparition de ses parents dans un accident de voiture.

Le Roiuge éternel des coquelicots © Christophe Raynaud De Lage

L’adaptation scénique est délicate et choisit de représenter le regard rétrospectif avec poésie, tendresse et distance. Le pathos de la situation évoqué fait place à la quête amusée et touchante des traces laissées par les disparus. La scénographie est épurée : rectangle blanc au sol et miroir incliné au-dessus offre des possibilités de poésie visuelle par les jeux de lumière et de projection. L’actrice est immergée

dans ses images-souvenirs comme autant de nuages sur lesquels elle danse. Le partage du vécu et sa transformation en art permet catharsis et résilience. DELPHINE DIEU

Le rouge éternel des coquelicots a été joué les 7 et 8 novembre, Le vol des hirondelles les 15 et 18 novembre, au Merlan, scène nationale de Marseille

Art et pouvoir : impossible entente?

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ne femme au milieu du plateau aux teintes grises, penchée sur un papier grand format posé au sol, déverse des seaux de peinture qu’elle brosse énergiquement. La couleur noire étalée se transforme en un rouge profond. C’est l’atelier d’Anna Galactia, peintre de la Renaissance vénitienne, en quête d’un art humaniste, vecteur de vérités. S’inspirant de la véritable histoire d’Artémisia Gentileschi, Howard Barker propose 17 tableaux vivants qui révèlent l’élaboration et le destin ambivalent d’une œuvre de commande. Le Doge désire une toile majestueuse célébrant la bataille de Lepante contre les Turcs, manière d’exalter l’héroïsme de la République. L’artiste cherche la chair, la sueur et le sang des soldats sacrifiés. Montrer l’horreur. C’est dans cette tension que les personnages se confrontent dans un théâtre d’idées mais aussi de corps, mis en scène par Claudia Stavisky. Celui

de l’actrice Christiane Cohendy ne se départira jamais de son énergie fougueuse. Evoluant dans un décor qui suit les avancées de l’œuvre : croquis, projections du work in progress. Le travail de la lumière joue des clairs-obscurs, évoquant les atmosphères du Caravage. Mais la toile ne sera jamais montrée, si ce n’est figurée par un immense tissu rouge. Car la vérité crue doit être soustraite aux regards. Le tableau n’est pas complaisant. Nous retrouvons les thèmes chers au théâtre-catastrophe de Barker, notamment la responsabilité des artistes mais aussi la façon dont l’art subversif se retrouve finalement intégré à la glorification des pouvoirs. D.D.

Tableau d’une exécution a été donné du 23 au 26 novembre à La Criée, Marseille


34 critiques spectacles

La jeune création emballe le Nono

Retour sur trois des spectacles programmés au Nono lors du Mois de la jeune création

Objets trouvés C’est l’un des trésors de la littérature russe. Vera Rozanova l’annonce ainsi dès son entrée en scène, La Cerisaie de Tchekhov est un véritable monument. Ecrite au tout début du XXe siècle, la pièce porte en elle un message fort, celui d’une métamorphose. Tout dans le texte et dans la situation qu’il décrit évoque la bascule, le changement d’époque, le vieux monde qui s’effondre et le nouveau qui le remplace, triomphant. La jeune comédienne et marionnettiste saisit de manière infiniment juste cette dimension essentielle de l’œuvre de Tchekhov. Seule en scène, elle nous fait vivre l’histoire à l’aide À travers la cerisaie © Jean Henry d’accessoires minimalistes. Des objets tout son enfance, en 1991, la chute de l’URSS. Avec simples, qui deviennent les personnages de trois poupées emboîtées elle résume le sort la pièce. Ses trouvailles sont ingénieuses, de son pays : la première représente Lénine, symboliques et remplies de poésie. Un guéridon elle contient Staline, qui contient Poutine. sert de scène à ces objets. Un samovar est Lioubov Andreïevna, la propriétaire endettée Danses subtiles de la cerisaie. Une petite poupée est Gaïev, Verticalité et horizontalité ont guidé la soirée son frère. Un réveil est Lopakhine, le petit-fils consacrée à la danse, avec des échappées dans de serf devenu commerçant, qui veut acheter des mélanges subtils offerts au spectateur le domaine, raser les cerisiers et construire pour qu’il s’interroge. des datchas sur le terrain. Il présente son Léa Canu Ginoux, depuis un an maintenant projet en alignant des gobelets en plastique à la direction artistique de la Cie MEAARI, comme autant de petites maisons. Quand il présente Boussole. Dès l’entrée une bande-son emportera la vente de la cerisaie aux enchères, donne des conseils de détente, de respiration le samovar deviendra une bouilloire électrique. pour lâcher prise. Déjà appréciée dans Totem Tout en contant cette modernité triomphante, en 2015 pour son énergie et son enthoula marionnettiste se souvient également de siasme, la danseuse se veut aussi guide pour

entraîner le public dans l’aventure. Des lignes se tracent au sol en d’étranges dessins formés par des bandes de scotch qu’elle déroule au fur et à mesure de son trajet et dont le bruit se mélange à la musique de Philippe Festou. Très près du sol au début, toute en lenteur, pendant que sa complice, Giovanna Velardi, marche énergiquement d’avant en arrière sur le rythme d’un métronome et du violon de Chikako Hosoda. Dommage qu’entraînée par son élan généreux Léa ait allongé la durée de son spectacle si original. Quant à Simonne Rizzo de Ridzcompagnie, elle présente avec Pauline Brottes et Claire Chastaing une chorégraphie qui interroge la Monarchie absolue de Louis XIV qui, danseur lui-même, avait créé l’Académie de Danse. Une musique de Lulli précède l’électro d’Atone et Mathieu Calmelet. L’expression est verticale, avec des bras rigides qui s’arrondissent peu à peu, des dos qui se courbent et vont au sol. Écrasés par la puissance du pouvoir ? Mélange des genres avec un bel ensemble maîtrisé et captivant. JAN-CYRIL SALEMI ET CHRIS BOURGUE

À travers la cerisaie a été joué les 10 et 11 novembre, Boussole et Louis PI / XIV ont été donnés les 24 & 25 novembre, au Théâtre Nono, à Marseille, dans le cadre du Mois de la Jeune Création

Butiner la science

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ourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? C’est un peu le principe de la série des Simples Conférences, initiée par la Cie Lanicolacheur au Théâtre Massalia. L’intention est de décloisonner les univers et surtout de s’adresser aux enfants sur des thèmes qui peuvent sembler à priori complexes. Le premier à se prêter au jeu était Guy Rodet, entomologiste à l’Institut National de Recherche Agronomique (INRA) et spécialiste des abeilles. Une quinzaine d’enfants ont réussi à tirer leurs parents du lit en ce samedi matin. Quelques adultes sont

même venus non-accompagnés. Ils n’auront que le droit d’écouter le conférencier. Poser des questions est réservé aux enfants, c’est la règle. « Vous me fascinez », commence Guy Rodet, qui explique qu’il est passionné par le vivant. Il s’insurge devant une photo de mouche illustrant un article sur les abeilles, relevant que les mouches n’ont qu’une paire d’ailes, tandis que les abeilles en ont deux. Il évoque en termes simples la vie familiale et sociale des insectes. Il nous révèle que le cerveau des abeilles, si petit soit-il, contient un million de neurones. À l’issue de la conférence,

un temps d’échange informel a lieu avec les grands. Le scientifique de l’INRA refait surface. À propos du déclin des abeilles, il reste prudent, précisant qu’elles ont une grande capacité de résistance. Concédant toutefois que les produits à base de néonicotinoïdes sont un véritable poison pour la nature. JAN-CYRIL SALEMI

La Simple Conférence de Guy Rodet a eu lieu le 25 novembre au Théâtre Massalia, Marseille


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Que faire avec le Coran ?

C

’est l’une des questions que pose le spectacle Ne laisse personne te voler les mots. Et à laquelle il tente d’apporter les réponses de l’histoire, de l’anthropologie, et même de la lexicologie, en proposant un voyage aux sources de l’Islam, à la fois intime et scientifique, selon les principes chers aux Écritures du réel. Devant une salle archi comble, Michel André précise d’entrée que le sujet est délicat, que le travail, amorcé depuis deux ans, est encore en rodage, et qu’à l’issue de la représentation le public sera invité à débattre, mais aussi à critiquer, à suggérer d’éventuelles améliorations… Un spectacle en cours donc, qui sera très prochainement proposé à des publics collégiens et lycéens. Car c’est à la jeunesse qu’il s’adresse avant tout. Après le 11 septembre, les attentats, face à l’instrumentalisation du Coran par Daesh, il y a urgence à rappeler certains points d’histoire et de vocabulaire que la plupart des jeunes ignorent. C’est ce que fait pendant une heure Selman Reda, dans une conversation à mi-voix qu’on a plaisir à écouter. Le dispositif scénique est simple : un écran vidéo en fond, une grande table rectangulaire au centre, qui devient au gré des étapes du récit table familiale (avec toile cirée), cartons (qu’on met pour se protéger du froid dans la rue), désert enfin (avec dunes, cailloux et même scorpion !). Car ce

© Sigrun Sauerzapfe

monologue théâtral, parti de la douloureuse expérience personnelle de Selman Reda -son père s’est laissé embrigader et lui a imposé une pratique religieuse insupportable avant de le mettre à la rue-, nous conduit jusque dans le désert d’Arabie occidentale. C’est là qu’au VIIe siècle, l’islam est né, au sein d’un peuple de Bédouins nomades. Alors forcément, les mots qu’ils prononçaient n’avaient pas les mêmes connotations, ni parfois le même sens que ceux qu’on leur attribue aujourd’hui, « djihad » par exemple, ou « charia ». En écho au récit, les explications très claires de l’islamologue Rachid Benzine (en vidéo) viennent rappeler

qu’entre la Parole des origines et le Livre d’aujourd’hui, quinze siècles ont passé. Un spectacle pédagogique et vivant, qui sait éviter l’écueil du didactisme et devrait susciter les questions des adolescents. FRED ROBERT

Ne laisse personne te voler les mots a été créé au théâtre La Cité, Marseille, du 29 novembre au 2 décembre. Il sera repris en avril 2018 dans le cadre de la 4e édition de la Biennale des écritures du réel. Il est aussi conçu pour tourner dans les établissements scolaires, éducatifs et sociaux

Prophètes en devenir

© Pierre Ciot

L

a proposition et l’intention sont audacieuses et pertinentes. La Cie Théâtre de la Mer fait dialoguer l’œuvre de Khalil Gibran, le grand écrivain libanais, avec des textes d’aujourd’hui, issus d’ateliers d’écriture menés dans divers quartiers de Marseille. Sur scène, ils sont sept pour porter ces paroles poétiques

et engagées. Trois comédiens professionnels, et quatre jeunes gens, joliment nommés « Les Lucioles ». Tous les quatre sont arrivés récemment en France. Abdal Razak Alsweha, son frère Mohamed Alsweha et Jilan Hassan viennent de Syrie, Raja Assaoui Driouach vient du Maroc. Aux côtés de Louisa Amouche, Jérôme Beaufils et Antoine Mahaut, ils interprètent ce spectacle un peu hybride, mis en scène par Frédérique Fuzibet. Le dispositif scénique est circulaire, le public est placé de part et d’autre du cercle. Les sept artistes se déplacent, du plateau aux gradins, se mêlent aux spectateurs. Le résultat est intéressant, mais manque encore sans doute de rodage

et de maturité. Les mots sont forts, la langue est belle, elle claque et résonne. Parfois elle se perd aussi. Question de tempo donné par la mise en scène. Les jeunes ne sont pas en cause. Leur pratique toute neuve du français fait que quelquefois des mots nous échappent, mais ce n’est pas ce qui freine le spectacle. L’écueil est plutôt l’aspect « scolaire » qu’il prend par moments. Des jeux de corps et de chœur estompent le propos au lieu de le mettre en lumière. L’énergie commune est bien là entre les amateurs et les pros. Il reste à allumer la petite étincelle pour que s’ouvre pleinement la dimension poétique, et politique aussi, de leur rencontre. J.C.S.

Tous prophètes a été joué du 21 novembre au 9 décembre au Théâtre l’R de la mer à Marseille


36 critiques spectacles

In gold we Trust Le texte de Falk Richter repose sur l’aberration linguistique des Trusts, qui portent le nom de la confiance qu’on ne peut leur accorder

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u’est ce que le libéralisme et ses crises font à nos consciences, à nos amours, à nos vies familiales ? Qu’est ce qu’ils détruisent et dévoient ? Trust, pièce politique écrite juste après le Krach de 2008, est construite en une suite discontinue de saynètes qui se répondent pourtant, monologues la plupart du temps, dialogues de sourds quand les personnages se croisent sans s’entendre. Car ce n’est pas la confiance seulement qui est détruite par les crises économiques, mais l’amour, la compassion, le temps même, le silence, l’empathie. La méfiance de tous envers tous règne, dans les couples qui ne parviennent pas même à savoir combien de temps ils ont passé ensemble et pourquoi ils se séparent, entre parents et enfants abandonnés dans

© Thomas Fourneau

des chambres d’hôtels, et bien sûr dans la relation financière. Car de travail il n’est pas question, seulement d’argent, qu’on perd, dépense, emprunte, investit dans des golfs et des résidences de luxe désertes. Cet argent qui circule et n’est rien. La Paloma, compagnie marseillaise en résidence à La Joliette, monte tout cela à perdre haleine. Jusqu’au bout des monologues, en crescendos continus, s’arrêtant de parler seulement pour danser, chanter, déplacer les canapés, puis replongeant dans la langue hystérique encore. Les cinq comédiens, trois très jeunes, deux autres figurant par

moments les parents, tiennent ce parti pris avec panache et sur-énergie, jusqu’au bout de l’épuisement, assumant les personnages comme des doubles d’eux-mêmes -ils portent leurs prénoms- s’engageant face public, au contact. Un excès volontaire qui permet aux fils emmêlés des intrigues de rester tissés, serrés, étouffants. Jusqu’à l’explosion désirée, si elle a vraiment lieu. AGNÈS FRESCHEL

Trust, mis en scène par Thomas Fourneau et Rachel Ceysson, a été créé du 8 au 18 octobre au Théâtre Joliette, Marseille

…sont dans un bateau…

« E

mbarquement immédiat ! » tonne le père, ou plutôt le Capitaine (Hugues Cristianini) ; et Petit Mousse (Nicolas Rochette) s’active, tombe, se trompe, se voit malmené par une figure autoritaire qui se gargarise d’impératifs… Mais les mots dérapent, « Lardez les amarres ! », et soulignent la vacuité de la © Michel Serra forme à laquelle le personnage cherche visiblement à adhérer sans y croire… Sort d’une caisse, comme d’un ventre, une petite fille (Julie Cardile), la petite sœur non voulue, non attendue, reléguée aux tâches domestiques, elle sera Mousse Tâche. Peu à peu elle trouve sa place, apprivoise son frère qui devient son complice, sans toujours la comprendre… Évoquer la famille, les relations entre parents et enfants, et dans la fratrie même, déceler les failles les plus infimes, intimes, derrière les stéréotypes auxquels

chacun croit devoir se conformer, tient de la gageure tant les archétypes sont forts, codés depuis Sophocle ou Euripide, déclinés jusqu’à l’épuisement, jusqu’à la forme dégradée que sont les sitcoms. Et pourtant, le sujet reste inépuisable, parce qu’il nous touche, parce que tous nous avons été des enfants, que le ressassement du thème n’est pas répétition ou référence à ; les archétypes initiaux nourrissent, accordent leur profondeur, et le texte de Sabrina Giampetrone sait avec

élégance en jouer en brossant des personnages attachants, sensibles et drôles. L’Île Pacifique est présentée dans le cadre de Momaix, mais, si la pièce est accessible à partir de 8 ans, elle l’est aussi totalement aux grands enfants qui sont devenues les grandes personnes. Pas de complaisance bêtifiante sur le bateau qui nous emporte aux côtés des protagonistes à la recherche d’une île idéale ! Les mots sont choisis, précis et donnent à réfléchir sur la construction de soi, la vie, avec une pertinence aigue dans une scénographie, très stylisée, évocatrice et libre (Mathieu L’Haridon). Et la mère ? C’est la mer sur laquelle le bateau navigue, « la hautaine », imprévisible, toujours présente, enveloppant l’espace de ses bruits, ses musiques (Matthieu Pernaud). Une œuvre qui fait grandir, portée avec une verve enthousiaste par la Cie Des Accès. MARYVONNE COLOMBANI

L’Île Pacifique a été joué du 28 au 30 novembre au 3bisf, Aix-en-Provence


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Conte initiatique et fable politique Le collectif La Palmera a créé deux spectacles à Gap, adressant aux enfants et aux adultes deux apologues contemporains, ancrés dans des royaumes étranges

C

’est un îlot de tulles, tissus et plastiques épars qui fait territoire pour cette reine mais aussi roi- fantasque et hystérique de ce royaume aux deux sujets. Qu’est-ce que gouverner quand il n’y a pas de peuple puisque les trois représentants suffisent ? Telle est la trame souterraine et enfouie de Faÿas où l’auteure et metteure en scène Néry Catineau veut chercher « l’endroit où l’homme, plus altruiste qu’égoïste, convertit les élans vers son prochain plus en bienfaits qu’en méfaits ». Faÿas est donc une fable sur l’exercice du pouvoir et sur la liberté, entre Le petit prince et La vie est un songe, mais qui n’atteint

Poussère(s) © Damien Richard

pas vraiment l’universalité de l’un ou la fantaisie dramatique de l’autre. Le propos, métaphorique, se dilue dans un verbe dont on ne saisit pas toujours le sens. Pourtant le spectacle fascine, par ses trois puissant(e) s comédien(ne)s, ses lumières et ses sons de hautes volées, la subtilité de ses vidéos jusqu’au final sublime d’une reine en feu. Poussière(s), destiné aux enfants, est plus immédiatement lisible. D’autant que le texte de Caroline Stella est servi par la mise

en scène et la scénographie de Nelson-Rafaell Madel : les espaces y sont délimités, une échelle et un fauteuil permettent

de figurer les fenêtres, les huis clos, les dominations. Car Poussière est une jeune fille qui a peur de partir du moulin de son père, qui la gâte et la retient. Conte sur l’émancipation, sur la cruauté ambiguë des pères, sur la nécessité de l’expérience et de l’exogamie, sur la peur de partir, aussi, et la naissance du sentiment amoureux, Poussière(s) est servi par des comédiens jeunes, enthousiastes et animés d’une belle fantaisie, ainsi que par la musique live de Nicolas Cloche qui, comme dans Faÿas, rythme le spectacle et l’ancre dans une mémoire ancienne... Le collectif marseillais, qui fera partie des artistes associés au Merlan l’an prochain, ne manque pas de talents à cultiver ! RÉGIS VLACHOS ET AGNÈS FRESCHEL

Faÿas et Poussière(s) ont été créés à La Passerelle, scène nationale de Gap, du 15 au 18 novembre

Le sens du sensible

© João Garcia

D

ire sans les mots. C’est là toute la force de la danse. Même si le texte n’est pas tout à fait absent de Douar, c’est bien par le mouvement et les images que l’émotion y est transmise. Les mots, ce sont ceux de flashs infos à la radio qui racontent le chaos du monde. La guerre, les drames, les tensions. Les neuf danseurs parlent aussi, en arabe,

dans une scène qu’on imagine dans un village du Maghreb, avec l’exubérance d’un groupe d’hommes qui se défient, se provoquent, tout en s’amusant. Le spectacle de Kader Attou et sa compagnie Accrorap évoque la proximité et la distance qui lient l’Algérie et la France. Le propos n’est pas direct, il est subtil. Le sens n’est pas toujours lisible, mais il est compensé

par le sensible, qui en dit parfois bien plus. L’explicite réside dans les images et dans ce que chacun se fabrique avec, selon ses références ou son imaginaire. Les neuf interprètes ouvrent par une chorégraphie millimétrée qui plonge dans l’anonymat des villes, son gris terne et sa routine mécanique à la chaîne. Ils portent ensuite de lourds cabas, ces sacs de toile entourés de scotch marron, symboles de voyage, d’exil, de passage d’une rive à l’autre de la Méditerranée. Posés les uns sur les autres, ils deviennent une sorte de totem au sommet duquel se hisse l’un d’eux. Toutes ces séquences sont marquées par l’énergie débordante et le talent des danseurs. Entre hip-hop et acrobatie, ils peuvent enchaîner une dizaine de flips arrière ou plusieurs tours en équilibre sur une main. Et concluent par un battle « à l’ancienne », rythmé par les applaudissements enthousiastes d’une salle pleine à craquer. JAN-CYRIL SALEMI

Douar a été joué le 24 novembre au Théâtre Durance, Château-Arnoux/Saint-Auban


38 critiques spectacles

Une nuit au purgatoire

S

ur la scène deux lits rudimentaires. Dans le fond deux grandes fenêtres au verre opalescent qui laissent supposer que derrière brillent les lumières d’une ville. Nous sommes dans une chambre d’hôpital qui accueille pour une nuit deux adolescents, sans prénom : Elle et Lui. Ils sont là en transit, « comme on l’est au purgatoire », dit la jeune fille qui semble avoir une certaine expérience de la procédure. Pour elle, © Aurélien Serre c’est peut-être le purgatoire, mais le dans la caricature est un exercice périlleux. lendemain, ils ne rejoindront pas le paradis L’auteure, Catherine Verlaguet et la mais bien une institution spécialisée pour metteuse en scène Adeline Arias ont su adolescents en difficulté. Ce qui justifie leur éviter cet écueil. Les dialogues sont vifs et présence dans cette chambre cette nuit-là, contemporains, mais aussi à la fois poétiques c’est que Elle a tenté de tuer sa mère, celle et sincères. Les deux rôles, incarnés par Élise qui l’a abandonnée quand elle avait six ans Hobbé et Mathieu Béguier, sont alternatiet Lui a tenté de se tuer lui-même, comme vement drôles et émouvants. Bien que plus il le dit, le poids d’un secret étant trop lourd âgés que leurs personnages, les acteurs se à porter. Ils sont là, entre un lieu et un autre, les approprient en jouant avec leurs corps à entre deux âges, entre eux deux. l’image d’adolescents dégingandés qui ne Faire parler des adolescents sans tomber savent qu’en faire.

Durant cette nuit, ils parlent, Elle beaucoup, Lui plus sobrement. Ils partagent leurs expériences chaotiques récoltées durant leur court passé. Eux deux si différents se comprennent pourtant. Le spectateur observe les métamorphoses qui s’opèrent sous ses yeux durant cette nuit à l’hôpital : celle de Lui, celle de Elle. Alors, on pense à Françoise Dolto, à son célèbre complexe du homard. Car ces deux adolescents sont en train quitter l’enfance et les fardeaux dont la vie les a chargés. On sait qu’ils vont vers un futur qui ne se borne pas au transfert auquel ils seront soumis le lendemain matin ; ce sera un futur plus lointain et, pourquoi pas, annonciateur d’espérances. CAROLINE GERARD

Entre eux deux, par la Cie À Présent, s’est joué au Théâtre des Halles à Avignon les 9 et 10 novembre derniers

Pour les cinquante ans du Chêne Noir

A

ux États-Unis, dans une ville du sud, Lizzie, une prostituée, est au cœur d’une affaire judiciaire. Son tort ? Avoir été au mauvais endroit au mauvais moment. Alors qu’elle a assisté à un crime, on la presse de déposer un faux témoignage dans le but de faire accuser un Noir à la place du neveu du sénateur. Elle résiste tant qu’elle peut, s’accrochant à la seule vérité. Néanmoins, le discours que tient le sénateur pour la convaincre, un discours maîtrisé inhérent à son statut, réussit à la faire flancher. Et, pendant ce temps, toute la ville blanche traque l’homme noir, celui qu’elle souhaite voir pendu. Outre la dénonciation du racisme, l’autre sujet central de la pièce est la prédestination implacable des individus en fonction de leur condition et leurs origines sociales. En effet, dès le début, on comprend que, malgré sa détermination et son honnêteté, Lizzie va être broyée par la société blanche que représentent le sénateur et son clan. Du fait des sujets qui sont abordés dans ce

texte, et parce qu’il rêvait de monter la P… respectueuse depuis l’âge de vingt ans, Gérard Gélas a jugé qu’il était temps de le faire pour célébrer les © Philippe Hanula 50 ans du Chêne Noir. En coproduction avec le théâtre Le Public de Bruxelles, le projet voit le jour cet automne. L’ambiance imaginée par Gérard Gélas évoque celle des films noirs des années cinquante. D’abord par la musique de jazz diffusée lors de certaines scènes, mais aussi grâce à un subtile jeu de lumière qui nous plonge dans une atmosphère énigmatique en noir et blanc. Mouloud Balaïdi incarne le « nègre » de la pièce, un choix revendiqué par le metteur en scène, pour qui un acteur maghrébin a toute sa place pour représenter le racisme. Flavie Édel-Jaume est une magnifique Lizzie, à la fois fragile et sincère. Damien Rémy lui donne la réplique. Il interprète un personnage rigide

et pragmatique qui revendique la légitimité et la supériorité de ses origines de Blanc dans ce sud sécessionniste. Monter la P… respectueuse aujourd’hui, c’est remettre en lumière un texte un peu oublié d’un théâtre sartrien en disgrâce en raison de son réalisme qui place le questionnement dans le verbe et non dans la dramaturgie. Le pari était osé. Néanmoins, Gérard Gélas, accompagné d’une formidable équipe d’acteurs, a relevé le défi avec talent. C.G.

La P… respectueuse s’est joué du 23 novembre au 3 décembre 2017 au Théâtre du Chêne Noir à Avignon


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Aux frontières du réel répétitifs, qui transforment les corps, les déplacent, les dirigent. Seul le périmètre reste inchangé, frontières visibles désignées par des poteaux à sangles rétractables qu’utilisent contrôleurs et surveillants lors de situations burlesques où fouille et interrogatoire, notamment, font naître des rires irrépressibles tant le ridicule (souvent vécu !) affleure, ou encore la formation d’un futur agent qui devra appliquer des actes sécuritaires formatés et inhumains tournant vite à la torture... hilarante ! Mais toujours resurgit le spectre de l’homme dont l’identité s’efface peu à peu, et qu’entourent les ombres furtives d’humains affairés vers un autre destin. © Les Singuliers

D

’une voix hésitante, légèrement pâteuse, un homme parle et dit attendre des papiers. Un passeport pour aller au Royaume-Uni, une carte verte pour les États-Unis, n’importe quel document pour aller n’importe où. Pour ne plus être enfermé dans cet aéroport, ne plus être réveillé tous les matins à 5h30, depuis 16 ans, lorsque les premiers rais de lumière apparaissent derrière la baie vitrée. D’où vient-il, que fait-il dans cet aéroport avec un carnet sur les genoux, feuilleté de temps en temps comme pour se souvenir de son identité ? Vincent Berhault s’est inspiré de l’histoire et du récit de Mehran Karimi Nassiri -réfugié iranien qui a passé 18 ans dans l’aéroport Charles de Gaulle suite à un énorme et kafkaïen imbroglio administratif- pour écrire et mettre en scène Entre. Cet homme est le point central

d’une réflexion plus vaste menée sur les notions de frontières, et donc de contrôles, de déracinement, sur les migrations et les violences qui en découlent. Loin d’être linéaire, le récit de cet être immobile se fragmente, s’entend de loin en loin tandis que monte une musique jouée en direct sur le plateau et que danseur et acrobate emplissent l’espace de leurs mouvements lents ou énergiques,

DOMINIQUE MARÇON

Entre a été créé les 7 et 8 novembre au Théâtre d’Arles

Au nom du peuple

R

endre visible et audible une œuvre aussi foisonnante et dense que De la démocratie d’Alexis de Tocqueville, tel est le parti pris de Laurent Gutmann et de sa compagnie La Dissipation des brumes matinales. Pour ce faire, un collectif d’acteurs va éprouver sur scène, physiquement, moralement et intellectuellement, la pratique de la démocratie en préparant un spectacle sur cette œuvre ; toutes les situations, tous leurs actes seront passés au crible démocratique. Or, cinq comédiens ce sont autant de visions,

© Pierre Grosbois

d’envies et de volontés différentes. Cinq points de vue qu’il va falloir défendre, argumenter, et organiser ! L’idée est belle, enthousiasmante même, et l’on se dit que le groupe n’aura aucun mal à la mettre en œuvre… Mais une fois passées en revue les différentes propositions, radicalement différentes les unes des autres –récit émerveillé du voyage de Tocqueville en Amérique, définir la pensée du philosophe en exposant ce qu’elle n’est pas, danser la joie d’être tous égaux, conceptualiser l’égalité des conditions en reflétant le public dans un

miroir, ou faire monter un spectateur sur le plateau pour le prendre à témoin-, se pose une question cruciale (première d’une longue série) : quel choix, et comment choisir ? En votant bien sûr ! Encore faut-il que le vote fasse émerger un consensus majoritaire… De la démocratie directe à la démocratie représentative il n’y a qu’un pas, que les comédiens franchissent en élisant un « Maître de cérémonie » (et surtout pas un metteur en scène !) sensé diriger le collectif pour aider au choix d’une esthétique commune à mettre en œuvre. Ce sera le début des dissensions et des inquiétudes, des contestations qui prennent un tour anarchique, voire despotique. Et ce, même en citant à tour de bras des extraits de l’œuvre de Tocqueville. Si l’auteur et sa pensée sont de fait bien vivants sur scène, il n’en demeure pas moins que le constat est imparable : le prix à payer pour vivre pleinement en démocratie est cher, très cher ! DO.M.

De la démocratie a été joué le 16 novembre au Théâtre de l’Olivier, Istres


40 critiques spectacles

En toutes lettres

Souffre douleur

R

L

© Marc Ginot

odrigo García aime les mots. Il les pratique avec brio, sa langue est fluide, acerbe, drôle. On sent qu’ils sont ses amis, qu’il se réfugie en eux pour mieux résister au monde qui crie et pleure, et parfois même les emmène avec lui pour inventer une forme de révolte. Sa dernière création en tant que directeur du CDN de Montpellier, qui débute par l’épilogue (les titres des chapitres sont indiqués sur l’écran en fond de scène, tel un guide de lecture), s’axe cette fois résolument sur l’écriture, et donc la lecture. Dans cette histoire foutraque (encore et toujours plus) de motard cascadeur américain (il a réellement existé, fou et mégalo, à sauter par dessus 13 bus à étage) et d’Orson Wells englué dans son personnage de Macbeth, le tout au Brésil, qu’ils envahissent et salissent chacun par leur arrogance étatsunienne, le plateau est quasi vide, l’écran omniprésent, couvert de mots : les langues se mélangent entre espagnol, anglais et français, et les surtitres sont véritablement des éléments scénographiques. Les deux comédiennes (Núria Lloansi et Inge Van Bruystegem) hésitent entre grandiloquence ou dérision. Elles existent finalement beaucoup moins que les mots, qu’elles prononcent juste pour qu’on puisse les lire. Malgré les costumes délirants, les images inspirées de jeux vidéos,

les corps qui se ruent dans la peinture ou la bouffe (refrain connu chez García), les lettres demeurent les plus fortes, et de loin. Et c’est peut-être une bonne nouvelle. ANNA ZISMAN

Evel Knievel contre Macbeth a été créé au CDN de Montpellier, humain Trop humain, et joué entre le 15 et 23 novembre

Répétition publique

C

ela fait juste un an que la paix a été signée entre les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC) et le gouvernement. Sur la scène du théâtre national à Bogota, une mise en scène internationale ratifiait la fin d’un conflit de 52 ans. La fin d’une utopie aussi, celle du plus vieux rêve révolutionnaire de l’Amérique latine, embourbé dans les luttes de pouvoir, la misère, la corruption, et une légende statufiée. Le collectif Mapa Teatro invente depuis une trentaine d’années un théâtre nourri d’allers et retours entre plongées dans le réel et réévaluations des documents récoltés sur leurs terrains de recherche (à la manière d’ethnologues) portées sur la scène. La Despedida (l’adieu) puise son matériau dans l’ex camp guérillero El Borugo, ouvert aux visiteurs (journalistes, touristes, chercheurs, familles de victimes), où des soldats rejouent, dans la peau des FARC

ou des otages, des moments emblématiques du conflit. Sommet de mélange et mise en perspective : le « théâtre des opérations » devient représentation à guichets fermés. Une mine d’inspiration pour le collectif, qui transpose absurdité, espoirs déchus, violence extrême, discours ronflants et poésie universelle sur un plateau très plastique, envahi de jungle et d’images vidéos, où les comédiens évoluent la plupart du temps masqués par les énormes visages de Mao, Lénine ou du Che. « Surtout, pas de rires ! », intime un soldat dans le camp, filmé avant une scène d’assassinat d’un enfant joué par un adulte en treillis. Le théâtre, c’est des fois plus sérieux que la guerre. A.Z.

La Despedida a été joué à humain Trop humain (hTh), CDN de Montpellier, du 28 au 30 novembre

eur récit est insoutenable de terreur. Tant de douleur, de cruauté, dépasse l’entendement. Et pourtant on écoute. Les voix sont calmes, pleines d’une énergie qui semble presque surnaturelle. Dorothée Munyaneza traduit, d’abord dans la simplicité d’une transcription simultanée, micro à la main, puis en chantant, en dansant, les témoignages qu’elle est allée recueillir auprès de femmes rwandaises qui ont été violées, torturées, violées encore, affamées, battues ; et violées. Celles qui n’en sont pas mortes, celles qui ont pu lui parler, lui ont raconté comment, entre avril et juillet 94, leur corps fut anéanti. L’artiste (elle est chanteuse, danseuse, comédienne) se fait leur porte-voix. Mieux : leur porte-corps. Elle-même rescapée du génocide, elle incarne la multitude. Sur un plateau où tout résonne, sonorisé par Alain Mahé qui improvise en direct une création musicale inquiétante, la chorégraphe et la musicienne Holland Andrews multiplient les registres, leur voix se font cristallines ou rocailleuses, les sons se bouclent, les instruments se tordent comme les mains qui miment l’effroi. Des enfants sont nés après les crimes répétés dans les ventres. Ils sont l’incarnation des bourreaux. Ils font peur, ils font peine. Unwanted. Munyaneza claque des dents, mord le vide, elle est effrayante : elle est l’enfant hyène né du viol. « Il avait tué ma mère avant », dit la voix. Pas d’esthétisation de l’horreur. Un univers qui tient de l’exorcisme, jusqu’à la dernière phrase : « Vestina. Je serai toujours Vestina ». La femme fredonne. Dorothée Munyaneza la suit et l’accompagne, dans une infinie douceur qui subjugue. A.Z.

Unwanted a été joué au Théâtre de Nîmes les 20 et 21 novembre, et au Bois de l’Aune, Aix-en-Provence, les 5 & 6 décembre © Christophe Raynaud De Lage


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Une Antigone moderne

E

ntre le gris de la terre et le bleu du ciel, Elle a choisi : ce sera le bleu. Même s’il se confond avec les raids aériens sur l’Irak et le largage des bombes sur la population. Pas de visage, pas de nom. Un sentiment de super puissance, un vertige absolu. Elle, est une jeune pilote de l’US Air Force shootée à l’adrénaline des missions, protégée de l’horreur par sa combinaison kaki. Armure fétiche dont elle se défait à de rares occasions, quand elle tombe amoureuse ou qu’elle donne naissance à une adorable petite fille rose. Mais le gris recouvre bientôt son horizon lorsque sa hiérarchie la nomme pilote de drone, bunkérisée dans sa base du Nevada avec pour récompense la médaille de la © Marina Raurell pour Le Pole Media « Rocking Chair Air Force » ! Adieu les cieux la stupéfie. Sous la plume directe et percuinfinis, le drone est une arme implacable qui tante de l’auteur américain George Brant, détaille tout sur son passage : les silhouettes, la trajectoire brisée de l’étoile de l’US Air les visages, les regards des victimes. Elle, Force résonne impeccablement dans la voix se sent progressivement prise au piège de rauque et tout aussi percutante de la jeune l’écran gris, le quotidien l’opprime, la barbarie comédienne Pauline Bayle. Et la mise en

scène a minima de Gilles David l’auréole d’une figure « d’Antigone moderne » : frondeuse, le menton en avant, les pieds ancrés dans le sol blanc, protégée par sa combinaison, le débit de voix assuré, le regard droit, les poings serrés, rien ne peut ébranler ses certitudes. Pourtant sa force mentale s’effondre, mise à rude épreuve par la caméra, la surveillance, la mort en gros plan ; son corps peu à peu chancèle, sa voix tremblote, ses mains se nouent. Au bord de la folie et de l’enfermement, Elle aura le courage de désobéir. Cour martiale. Avec une maturité troublante, Pauline Bayle, qui a travaillé notamment avec Christian Schiaretti et Sandrine Bonnaire, fait sien ce monologue vif et intelligent. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Clouée au sol a été joué les 21 et 22 novembre à Liberté scène nationale de Toulon. Pauline bayle mettra en scène l’Iliade d’après Homère le 6 février au Liberté

Bernanos aujourd’hui, quelle résonnance ?

G

illes Bernanos et Jean-Baptiste Sastre s’essayent avec succès à faire théâtre de morceaux choisis dans l’œuvre littéraire de l’écrivain « catholique fulminant » Georges Bernanos. Ils ont choisi des extraits de ses romans, Grands cimetières sous la lune, Liberté, pour quoi faire ?, Scandale de la vérité, Révolte de l’esprit et France contre les robots dont on saisit soudainement la contemporanéité. Mis en voix par Jean-Baptiste Sastre, parfois hésitant ou butant sur un mot, à la fragilité touchante, ils sont simplement ponctués de parenthèses musicales et d’enregistrements. Excepté les lumières de Dominique Borrini, tout autre décorum aurait été superflu pour laisser notre esprit absorber un peu de sa fureur contre « la civilisation capitaliste qui engendre des monstres », « la cupidité déchaînée, la spéculation et la corruption », le progrès qui n’est plus dans l’homme mais dans la technique. La langue de Georges Bernanos

est âpre, ses combats multiples, son ton tantôt professoral, tantôt politique, tantôt clérical : le comédien louvoie entre la chaire, la tribune et le confessionnal selon que l’écrivain évoque l’amour, la justice, l’espérance, appelle à la révolte la jeunesse française d’après-guerre, parle de la patrie comme « d’un être moral ». À l’heure des grand-messes politico-médiatiques, le comité de spectateurs redécouvre un auteur mystique, membre de l’Action Française, qui fut antidreyfusard et prit parti pour Franco avant de faire marche arrière. Étrange parcours d’un homme au discours parfois prophétique. Car aujourd’hui, sa vision du monde vilipendé et des peuples sacrifiés par milliers résonne étrangement, ainsi que son appel à une conscience citoyenne et sa prémonition de l’émergence d’un armement capable de détruire la planète en quelques secondes… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Georges Bernanos © X-D.R

La France contre les robots (et autres textes) a été joué les 28 et 29 novembre à Châteauvallon-scène nationale, Ollioules


42 critiques musiques

Cruel et cru !

Soirée de soutien

À

propos de L’ombre de Venceslao, créé en France en 2016 et représenté à l’Opéra de Marseille en novembre 2017, on savait peu de chose : son trio créateur argentin, sa langue grossière tirée de la pièce de Copi, sa musique moderne signée Martin Matalon et, en tête d’affiche, l’inénarrable metteur en scène Jorge Lavelli ! Comme il est rare de découvrir des productions contemporaines sur la place Reyer, on redoutait une réaction du public marseillais, d’autant que, dans cet opus, on fornique sur scène, on s’insulte vertement, on se joue des tabous, on meurt en se vidant en diarrhée... Dépassant cet aspect délirant, le public a plutôt bien accueilli cette production, en vertu des ses qualités tangibles et de sa singularité. Sa musique inventive mêle le bandonéon d’un tango réinventé à l’instrumentarium classique, des effets sonores orchestraux et électroniques, épouse le découpage en nombreuses saynètes d’une dramaturgie conduisant les personnages d’une petite communauté vivant dans la pampa vers les chutes d’Iguazú et Buenos Aires... On ne sait trop ce qui meut les personnages de Copi, sans grande consistance psychologique, mais ils sont animés d’une énergie dévorante que la musique sous-tend. De fait, les jeunes chanteurs et l’Orchestre de

L L’ombre de Venceslao © Laurent Guizard

l’Opéra de Marseille, placés sous la baguette électrique d’Ernest Martínez Izquierdo, l’ont mise en œuvre à souhait, des colorature acrobatiques d’Estelle Poscio aux cris douloureux du ténor Ziad Nehme, du baryton volontiers falsettiste de Mathieu Gardon aux présences sensible de Sarah Laulan, tonique de Thibaut Desplantes, exaltante du danseur de tango Jorge Rodriguez. Un voyage tragique, grinçant et décalé, drôle parfois, cruel et cru, sur fond de drame social et politique dans l’Argentine des années 50... À voir ! JACQUES FRESCHEL

L’ombre de Venceslao a été donné les 7 et 8 novembre à l’Opéra de Marseille

Question d’audace ?

À

l’entracte, après une première partie fabuleuse, on n’en croyait pas ses oreilles ! Rarement avait-on entendu un programme si peu « classique » : après L’ombre de Venceslao (lire ci-dessus) donné dix jours plus tôt, c’est Bartok et Dutilleux qu’on y jouait… avec quel talent ! Métaboles (1965) d’Henri Dutilleux est un modèle d’écriture sur les plans formel et sonore, jouant avec les timbres de chaque pupitre et un enchaînement subtil entre les différentes sections de la partition. L’opus fut magnifié par le geste magistral de Lawrence Foster, dirigeant Dutilleux comme il le ferait pour Beethoven, avec une évidence confondante ! Malgré ses 90 ans, le Concerto pour piano n°1 de Bartok, joué dans la foulée, reste d’un modernisme hallucinant, avec ses percussions encadrant géographiquement le clavier, l’enrobant, le tirant du côté de leur propre famille (caisse claire et cymbales, grosse caisse et timbales...) tout en lui donnant la réplique. Jean-Efflam

Bavouzet a forcé l’admiration, dominant l’œuvre du haut de son Steinway tantôt joueur et puissant, virtuose et précis, tel un métronome fantasque et fantastique. En bis, le pianiste a interprété L’isle Joyeuse de Debussy qui, si elle a marqué dans le programme un retour à une thématique tonale, n’en est pas moins, sous ses doigts féeriques, demeurée flamboyante. Après la seconde partie et une 3e symphonie de Brahms tombée-là comme pour se faire pardonner tant d’« audace », on est resté un peu sur notre faim : la langue de Brahms, pourtant puissante et enivrante dans le contexte artistique de la fin du XIXe siècle, a perdu de sa force après une première partie aussi dense. Peut-être aurait-on pu (autre « audace » !) inverser l’ordre du programme ? J.F.

Concert donné le 17 novembre à l’Opéra de Marseille

’Espace Léo Ferré, ouvert depuis 3 ans, doit compter sur la générosité d’artistes qui viennent bénévolement, du mois d’octobre au mois de décembre, pour 8 soirées de soutien. Le 18 novembre, l’Académie de Mandolines de Marseille, dirigée par Vincent Beer Demander, accompagnait le texte étonnant de Léo Ferré : La Mémoire et la Mer, porté par un Richard Martin habité et vibrant. En 1re partie, deux chanteuses aux voix très réalistes : Giselle Maurizio qui chante Dieu est nègre puis Est-ce ainsi que les hommes vivent entre parlé et chanté, et Natasha Bezriche qui dégage une incroyable émotion dans Ni Dieu, ni Maître et La Marseillaise, évocation d’une prostituée entre désir et désillusion. L’entrée des 40 musiciens de l’Académie de Mandolines est d’un bel effet. On retrouvera tout au long du récit les frémissements de la mer, les ondulations chères aux mandolines : vibrato incessant, comme des vagues sans fin. Beer Demander compose une partition autour d’œuvres majeures de Ferré, mais écrit aussi des pièces originales, alternant mélancolie, lyrisme, motifs rythmés, très pulsés : ouverture, duo mandoline-guitare, chaconne... Richard Martin se fond dans ce moule comme dans un décor de théâtre et nous offre la chanson de Ferré, déclamée. Il trouve le ton, le son, la ligne, les nuances, le mystère, et maîtrise ce si long poème en octosyllabes... On y goûte les souvenirs de l’auteur, ses rêves, ses délires, jusqu’à l’achat de ce Fort Du Guesclin, en Bretagne. Maniaque des mots et du son, Martin s’accroche à ce radeau. Volcanique, sensible, expressif, il fusionne avec l’orchestre et le chef. On aura droit aussi à un puissant Bateau ivre de Rimbaud, mis en musique par Ferré. Pour conclure, Martin dit Avec le temps, accompagné par la mandoline solo de Beer Demander. La fin, détournée de son sens premier (« Avec le temps, on aime pluss ! ») déclenche un tonnerre d’applaudissements. YVES BERGÉ

La mémoire et la mer a été donné le 18 novembre au Théâtre Toursky, Marseille


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Baroque ou rock provençal : c’est vendable ! Des lumières tamisées, une ambiance feutrée, la petite scène de Leda Atomica a des allures d’alcôve ; tout est propice au plaisir et au délassement

E

n ouverture de la 10e édition des Inovendables, Leda Atomica programmait un concert opératique au thème évocateur, Eros, héros et héroïnes. Alain Aubin, contre-ténor, et la mezzo soprano Murielle Tomao, portés par le son brillant et délicieux du clavecin, ont prêté leur voix et leur cœur aux personnages les plus passionnés des œuvres d’Haendel, en s’attachant à des airs peu connus du compositeur. Ainsi, de la rencontre fiévreuse entre Salomon et la reine de Saba, des tourments du jeune Sextus Pompée face à sa belle mère Cornelia, et d’autres épisodes légendaires et classiques. En costume de ville et devant un décor dépouillé, les deux chanteurs, très complices, ont offert au public une interprétation toujours très incarnée, juste et touchante. En particulier dans la version chantée de la célébrissime Sarabande, adroitement dévêtue de sa solennité originelle par la voix caressante d’Alain Aubin. Quelques jours plus tard, une toute autre ambiance, mais tout aussi atypique : Sam Karpienia, un des apôtres du renouveau

du chant provençal,Sam Karpienia © Senoutaa propose un concert plus rock que jamais. Il a beau utiliser sa guitare électrique comme une mandoline, et Thomas Lippens agrémenter sa batterie de tambourins et tambours de basque, il a beau prendre ses appuis sur la contrebasse d’Emmanuel Reymond qui sait s’emparer de l’archet et sonner jazz dans ses solos, ses compositions sont résolument rock, métissant énergiquement la « tradinovance ». Mais l’on regrette de ne pas entendre tout des paroles, et de ne comprendre que des bribes de sens de ces chansons visiblement engagées et politiques : la voix passe mal, et le provençal sonne bien mais mériterait une traduction au moins partielle... Alain Aubin revenait sur scène, accompagné avec talent par le pianoforte de Jean-Paul Serra, une semaine après son premier concert, pour un autre programme passionnant : le Chevalier de Saint Georges, compositeur noir, bretteur, chef d’orchestre reconnu et violoniste virtuose, est mis en dialogue musical avec son contemporain Mozart. Alain Aubin,

très en forme vocalement, chante avec une musicalité et une émotion rares les mélodies des deux compositeurs et lit leurs lettres à leurs pères. Il laisse entendre à la fois les différences musicales des styles allemands et français, et la condition paradoxale des Noirs au siècle des Lumières : reconnu pour ses immenses talents, mais écarté de tout mariage possible, le « mulâtre » repartira en Guadeloupe, et sera effacé par l’histoire : son opéra sur un livret de Laclos est perdu, ses romances et ses sonates ne sont pas éditées. Il est temps, en dehors des quelques enregistrements qui existent, de reconnaître le Chevalier de Saint Georges comme l’immense compositeur français qu’il était... LOUIS GIANNOTTI ET AGNÈS FRESCHEL

à venir Les Inovendables, Marseille jusqu’au 19 décembre ledatomica.mus.free.fr

Un « Jeudi » en tango !

© Paul Tosi

C

hristelle Abinasr est de ces pianistes qui savent donner le frisson et tirer les larmes. Son récital consacré à Astor Piazzolla, donné dans le cadre des Jeudis de Musicatreize, en a été la preuve. Son travail approfondi sur le compositeur et bandéoniste argentin, sur son œuvre pour piano et des transcriptions à l’instrument, a abouti à la parution récente d’un disque

chez Fy & Solstice. C’est une large part du programme de son enregistrement qu’on a découvert le 16 novembre dans la salle de concert Musicatreize à Marseille. Dans des Préludes pour piano ou des transcriptions de standards tels qu’Adios Nonino, Libertango, Milonga del Angel ou la Muerte del Angel, Oblivion... c’est un véritable orchestre qu’on a cru percevoir, dessiné par des doigts d’illusionniste. C’est tout un travail sur les sonorités qu’on a entendu, de la plénitude hâlée d’un quintette originel à l’intime souplesse d’un phrasé suspendu, comme joué par un bandonéon dialoguant avec un violon complice, chaloupant au rythme enivrant du tango, ou au tempo haletant d’un contrepoint dense, martelé... Voilà un piano qui sait respirer... parfois bouleversant ! Récitante plus sage,

Christelle Abinasr a lu en contre-chant des traductions de poèmes de Jorge Luis Borges ou Horacio Ferrer en lien direct avec les œuvres proposées. Un récital également mis en lumières (couleur tango, cela va sans dire !) et agrémenté de projections de photographies, de représentations de tableaux ayant trait au sujet. On a passé une heure comme on les aime, intime et sensible, ouverte sur les arts, telle qu’on peut en goûter (l’entrée est libre à 19h) lors de ces Jeudis programmés par l’équipe de Roland Hayrabedian au cœur de la cité phocéenne. JACQUES FRESCHEL

Autour de Piazzolla / Christelle Abinasr a été donné le 16 novembre dans la Salle Musicatreize, à Marseille


44 critiques musiques

L’esprit de Lily !

L

e 2 décembre, l’équipe du Théâtre Nono -seul grand plateau (hors BNM) implanté dans les quartiers sud de Marseille- inaugurait des « Rencontres » destinées à perpétuer la mémoire de Lily Pastré, en particulier lorsque, durant la guerre de 1939-45, cette grande dame, mécène et amie des artistes, vivant à quelques pas de l’emplacement actuel du théâtre, a accueilli des créateurs de toutes origines pour les protéger et les aider dans leur fuite de la persécution nazie. Aussi, le soir, un concert accueillait des musiciens et chanteurs venant justement d’horizons très divers, mais se réunissant dans le but de favoriser le dialogue entre les cultures... parce qu’aujourd’hui encore, comme l’écrivait Brecht durant ces heures sombres : « Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde ». C’est donc l’étonnante voix du chanteur haïtien James Germain, mariant habilement les registres de poitrine et de tête, qu’on a entendu, incantatoire, lançant des mots en français et en créole, accompagnés par des musiciens d’ici sur des arrangements latino-jazz du guitariste Marco Quesada. L’auditoire, bien chauffé, a ensuite goûté un moment plus

© Jacques Freschel

intime en compagnie de la diva tunisienne Dorsaf Hamdani. Passant des Antilles à la Méditerranée et à la langue arabe, le public a suivi les dessins mélodiques, vocalises et mélismes réalisés avec suavité par la chanteuse, secondée par ses musiciens au violon et au quanûn (cithare sur table). C’est l’esprit de deux femmes, engagées et humanistes qui a alors régné : l’« Astre d’Orient » Oum Kalthoum et la Libanaise Fairouz ! Si le doudouk (cousin du hautbois) de Lévon Minassian puise à la source du Caucase arménien, de sa musique traditionnelle, son

anche double a depuis longtemps franchi les frontières. L’homme et ses compositions transmettent des valeurs universelles. C’est cette voie-là, alchimie de chant et de danse, d’instruments à vent et de claviers, grave et mélancolique, ce souffle vibrant d’espoir en un monde apaisé qui a conclu la fraternelle soirée. JACQUES FRESCHEL

Rencontres Lily Pastré / Concert de la fraternité des mondes a été donné le 2 décembre au Théâtre Nono à Marseille (lire aussi p 54 et 55)

à venir Les Rencontres Lily Pastré, Marseille jusqu’au 16 décembre 04 91 75 64 59 theatre-nono.com

Mémoires d’exils

© X-D.R

L

e festival De Vives Voix, organisé par la Maison du Chant et son infatigable fondatrice, Odile Lecour, offrait entre autres pépites trois soirées consacrées à la création polyphonique à travers des histoires particulières à la Cité de la Musique. En ouverture, on avait le bonheur de découvrir le groupe Ialma, composé de quatre chanteuses -Veronica Codesal, Magali Menendez, Natalia Codesal, Marisol Palomo- et deux instrumentistes -Didier Laloy (accordéon diatonique) et Quentin Dujardin (guitares). Les quatre chanteuses vivent à Bruxelles, mais leurs grands-parents sont originaires de Galice, fuie lors des heures terribles du franquisme. Entre les deux pays, celui des origines, et celui d’adoption, se construit un répertoire

qui navigue entre les cultures, s’inspirant du passé, de ses rythmes, et des réalités actuelles, où les luttes perdurent. Un travail patient de recherche les a menées à rencontrer les grands-mères qui vivent toujours en Espagne, pour collecter les chants anciens. Certaines confient en cachette, ferment leurs volets, pour livrer une chanson qu’elles pensent encore interdite… Les airs sont autant d’histoires particulières, en proie à la grande histoire qui se joue des êtres. Aux mélodies premières se

tissent les textes d’aujourd’hui. On suit l’exil des parents, image de tous les réfugiés du monde, on gagne Compostelle (rythmée avec des coquilles Saint-Jacques), on danse la rumba (un petit cours est donné aux spectateurs qui esquissent la chorégraphie dans les travées)… Femmes libres, elles savent dire d’entrée de jeu Vai te le !, repris en chœur, choisir d’aimer qui elles veulent, être et rester des femmes debout, Libertade… Le chant populaire prend ici tout son sens, accompagne la vie, épingle les travers de la société, s’implique dans les remuements du monde, dénonce le sort terrifiant des personnes qui sont contraintes de fuir leur pays… Voix fraîches, spirituelles, touchantes, joyeuses, tendres… Le quotidien s’inscrit là, avec justesse et une délicate liberté. MARYVONNE COLOMBANI

Ialma s’est produit le 16 novembre à la Cité de la Musique, Marseille, dans le cadre du festival De Vives Voix CD Camiño, de Bruxellas a Santiago, de Ialma chez Sceneoff, 15€


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Sublime et sucrée

L

e concert de Stacey Kent au Silo a offert quelques véritables moments de grâce. Cette star du jazz vocal qui chante le français et le portugais avec juste ce qu’il faut d’un délicieux petit reste d’accent américain, avait promis que la taille de la salle et l’orchestre symphonique n’éteindraient ni l’intimité ni la douceur de son répertoire... et elle a tenu sa promesse. L’orchestre n’avait rien d’un big band, formé essentiellement de cordes, de flûtes basses, dans des tessitures et des volumes jamais extrêmes, toujours délicats,

© Sony Music-Okey

et des couleurs chaudes. Il s’inscrivait avec justesse dans l’élan donné par le quintet qui entoure habituellement la chanteuse, et dirigé par Jim Tomlinson, saxophoniste, flûtiste, compositeur et arrangeur, mari de la chanteuse comme si le départ était là, dans cette relation qui inscrit leur musique dans la tendresse. Leur jazz naît à cet endroit, dans les harmonies complexes, les retards, les rythmes qui chaloupent et syncopent, et l’esprit est là, même en français, en brésilien, même

quand la samba gagne, ou que les ballades sentimentales effacent le beat léger, que la romance impose son goût sucré. La chanteuse maîtrise merveilleusement son art, le souffle, le vibrato, la justesse, la vitesse et les petits décalages qui génèrent une émotion à a fois souriante et nostalgique. Bien sûr la voix ne racle jamais, n’éclate jamais, dans une maîtrise absolue des nuances du murmure, susurrant ses secrets à l’oreille de chacun. Le répertoire ? quelques extraits du « great american song book », mais surtout des compositions de Tomlinson sur des histoires de Ishiguro, une traversée du Japon en train grande vitesse qui déstructure la forme académique des standards, du Jobim qui fait remonter la saudade, et pour conclure Henri Salvador, « Je voudrais toujours te plaire, dans mon jardin d’hiver », moment de délicatesse suspendu... AGNÈS FRESCHEL

Stacey Kent s’est produite au Silo (Marseille) avec son quintet et l’orchestre Confluences le 14 novembre, programmée par le Marseille Jazz des 5 continents. Elle était également au Monte Carlo Jazz Festival le 17 novembre

Sur les hauteurs Au Merlan, Mélanie De Biasio impose un live aérien et exigeant, entre Nina Simone et Nick Cave

P

ermettez-nous de préférer aux pâles sylphides aux voix diaphanes, qui sont au jazz ce que le papier glacé est au parchemin des incunables, ce majestueux oiseau de mauvais augure qu’est Melanie De Biasio. La chanteuse belge, qui a commencé le jazz avec un ancien comparse de Chet Baker et une inflammation pulmonaire qui a lui imposé sa sobriété vocale, n’est « jazz » que dans le souffle (et par pitié, épargnez-nous cet horrible adjectif « jazzy », merci). Après son album Lillies paru ces dernières semaines, qui succède à No Deal (et un maxi constitué du long morceau Blackened Cities), elle se présente sur la scène d’un Merlan complet. Et c’est peu dire qu’elle n’a recours à aucune grosse ficelle pour conquérir ce public. Son concert crépusculaire est ponctué de longues improvisations climatiques entre guitariste/ claviers (parfois un peu envahissant) et batteur (tout en swing et sobriété), seuls musiciens sur scène autour de sa voix et de sa flûte, qu’elle tient fermement, comme pour l’aider

à tenir en équilibre. L’artiste aura ainsi beaucoup de mal à s’approcher du public, ne s’aventurant en avant-scène que maladroitement. À son rythme, le trio laisse les choses advenir comme dans Lillies qui débute comme un blues conventionnel avant de s’alanguir dans les reverb de guitares, assez © David Haesaert Doorsien, finalement. Jamais on n’aura été aspiré : cette musique saturnienne donne aussi fidèle à Nina Simone que sur Afro Blue, autant qu’elle prend, sous des éclairages (?) une des chansons les plus mélodieuses du très mesurés. Mais c’est dans l’obscurité que répertoire, qui exprime une hauteur et une les étoiles brillent plus fort. HERVÉ LUCIEN dignité rares dans la musique actuelle (on pense clairement à Nick Cave). Se livrant dans une orchestration minimale ou plus Melanie de Biasio s’est produite le 24 novembre ample grâce aux effets d’écho (la reprise au Merlan à Marseille en rappel de The Flow, en guitare/voix), le chant de Melanie De Biasio demeure toujours à venir aussi impérieux comme le nébuleux All My 25 janvier, Words dont le spoken word sonne comme une La Passerelle, scène nationale de Gap prière païenne. Par ses vides et ses textures 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu parcimonieuses, on peut se sentir comme


46 au programme musiques bouches-du-rhône

Les 7 péchés capitaux

Concert du nouvel an

Le Festival des Musiques Interdites rend hommage à la dernière collaboration entre Kurt Weill et Brecht, avec l’opéra Die Sieben Todsünden (Les 7 péchés capitaux), dénonciation de la marchandisation de l’humain, avec une danseuse (Maud Boissière) et son double lyrique (Janice Baird). L’œuvre sera précédée du Concerto pour piano (Vladik Poloniov) et Orchestre (Le Philharmonique de Marseille) d’Erwin Schulhoff, et de Chants graves de Hanns Eisler sous la direction de Victorien Vanoosten.

L’Orchestre Philharmonique de Marseille dirigé par Lawrence Foster offre le rituel Concert du Nouvel An avec un programme où, tradition viennoise oblige, l’on entendra le Danube bleu de Johann Strauss fils, La Marche de Radetzky de Johann Strauss, mais aussi l’ouverture de La Veuve Joyeuse de Franz Lehár, celle de La Bella Galatea de Franz von Suppé et le Concerto pour clarinette (Valentin Favre), alto (Brice Duval) et orchestre en mi mineur op. 88 de Max Bruch…

Elise Dabrowski © Olivier Degen

Les matins sonnants

10 décembre La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

Nouvelle révélation du label Lyrinx, le jeune pianiste Ingmar Lazar propose un récital composé comme un parcours à travers les formes dédié à Beethoven. Entre la Sonate Les Adieux en mi bémol majeur op. 81a et la Sonate en ut mineur op. 11 dont l’Arietta a été baptisée par Thomas Mann « l’adieu à la Sonate », les Sept Bagatelles, ces « petits riens » ou « babioles », qui pourtant contiennent toute la puissance du génie de leur compositeur.

10 décembre Opéra de Marseille 04 96 20 60 10 gmem.org

6 janvier Opéra de Marseille 04 91 55 11 10 opera.marseille.fr

Pierrette et Jacquot

21 décembre La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

Marie-Eve Munger © djuBOX Image & Creation

Ingmar Lazar © Krill Bashkirov-photography

My Fair Lady

La comédie musicale de Frederick Loewe inspirée de la pièce de Bernard Shaw, Pygmalion, narre la rencontre entre deux mondes : la délicieuse marchande de violettes à l’impossible accent cockney, (Marie-Ève Munger), sera transformée par le professeur Henry Higgins (François Le Roux) en une femme distinguée… dans l’adaptation française et la mise en scène de Jean Liermier, avec l’Orchestre et le Chœur de l’Opéra de Marseille, sous la direction de Bruno Membrey. 30 décembre au 7 janvier Opéra de Marseille 04 91 55 11 10 opera.marseille.fr

Les Dimanches d’Offenbach continuent d’offrir des pièces méconnues du maître de l’opérette. Ici, Durand (Frank T’Hézan), un riche marchand de boutons, rêve d’héroïsme mais aussi d’épouser sa voisine Madame Patacha (Jeanne-Marie Lévy), Pierrette (Julia Jérosme) aime Jacquot (Christophe Crapez)… il sera question de danse savoyarde, d’un chien à sauver dans la Seine, de mariages heureux, puisque tout finit bien dans la version concertante du piano de Diego Mingolla.

Julia Jerosme © X-D.R

Beethoven/Ingmar Lazar

Valentin Favre © Julien Benhamou

L’Opéra de Marseille invite le GMEM à ses « Matins sonnants » pour un « trio à deux » qui mêle crissement des cordes, prouesses vocales, sons électroniques ébouriffants, nappes sonores poétiques. Plongée dans un univers singulier et multiforme guidée par la contrebassiste et chanteuse lyrique Élise Dabrowski et le compositeur Sébastien Béranger.

10 décembre L’Odéon, Marseille 04 96 12 52 70 odeon.marseille.fr


au programme musiques bouches-du-rhône vaucluse 47

Le chanteur de Mexico Amours rocambolesques entre le pays basque, Paris et Mexico, le ténor Miguel Morano, la pétillante Cricri, la furie Tornada, l’ami Bilou, sans oublier Eva et l’imprésario Cartoni. L’opérette de Francis Lopez nous emporte dans son tourbillon d’intrigues, de voyages, de mélodies qui sont autant de tubes. Cette fougue est superbement servie dans la mise en scène de Jack Gervais, les ballets d’Estelle Lelièvre-Danvers, le Chœur Phocéen et l’Orchestre de L’Odéon, sous la houlette de Bruno Conti.

Nous ne sommes pas dans un livre de Françoise Sagan, mais ce concert a tout d’un roman, dit par le récitant Nicolas Laffite : nous suivons le compositeur dans ses voyages de Naples à Madrid, via Venise et Lisbonne. Témoignages, lettres, et surtout sonates pour clavecin, interprétées par Jean-Marc Aymes, dessinent, ainsi qu’un superbe portrait de Scarlatti et de la société brillante, foisonnante qui l’entourait.

16 & 17 décembre L’Odéon, Marseille 04 96 12 52 70 odeon.marseille.fr

12 janvier Salle Musicatreize, Marseille 4 91 90 93 75 musicatreize.org

Valses de Vienne

Amélie Robins © A. Faucheur

Musique Française pour flûte, alto et harpe

Rivalité entre père (Jean-Claude Calon) et fils (Christophe Berry) Strauss, histoire amoureuse (la belle Rési -Amélie Robinscomprendra-t-elle les sentiments de Johann Strauss fils ?), dévouement, dépit, renoncement, réconciliation… et un hommage aux deux compositeurs, à l’art de la valse viennoise, tournoiement dirigé par Bruno Membrey, dans la mise en scène de Jack Gervais, et la chorégraphie d’Estelle Lelièvre-Danvers. 13 & 14 janvier L’Odéon, Marseille 04 96 12 52 70 odeon.marseille.fr

L’écrin de La Magalone accueillera un concert de musique de chambre avec les solistes de l’Opéra de Marseille, Magali Demesse (alto), Laetitia Lenck (flûte), Annabelle Jarre (harpe) consacré à la musique française, avec un florilège de compositeurs comme Claude Debussy, Maurice Ravel, Jacques Ibert, Jean-Philippe Rameau et André Jolivet. Un Lever de rideau sera proposé aux élèves de la Cité de la Musique. 22 décembre Cité de la Musique, Marseille 04 91 39 28 28 citemusique-marseille.com

Les mousquetaires au couvent La délicieuse opérette en trois actes de Louis Varney mène deux mousquetaires déguisés en religieux dans un couvent pour enlever leur belle. Le thème burlesque est transposé dans un pensionnat et les mousquetaires deviennent chasseurs alpins dans la mise en scène de Valérie Marestin, dans cette nouvelle production de l’Opéra Grand Avignon dirigée par Dominique Trottein. 29 au 31 décembre Opéra Confluence, Avignon 04 90 14 26 40 operagrandavignon.fr

Concert d’Astrée E. Haïm © Marianne Rosenstiehl

Jean-Marc Aymes © Marie-Eve Brouet

Aimez-vous Scarlatti ?

Haendel achève en avril 1707 son Dixit Dominus, il a 22 ans et touche tellement les autorités religieuses par cette composition qu’elles lui proposent sa conversion au catholicisme, offre que le jeune musicien déclinera. Le Magnificat en ré majeur BWV 243 est l’une des œuvres majeures de Bach avec cinq solistes. L’ensemble vocal Concert d’Astrée dirigé par Emmanuelle Haïm apporte sa virtuosité à ces deux chefs d’œuvre du baroque flamboyant. 12 décembre GTP, Aix-en-Provence 08 2013 2013 lestheatres.net

Parallèle Parallèle Parallèle Parallèle Parallè

Parallèle Parallèle Paral

Parallèle Para

Paralle

Par

Pa

Festival de la jeune création internationale  Marseille 26. 01 — 3. 02. 2018 Théâtre, danse, performance, arts visuels


48 au programme musiques var hérault alpes-maritimes

Oratorio de Noël

Tuuli Takala © Jouni Harala

La flûte enchantée

Le singspiel d’Emmanuel Schikaneder, magistralement mis en musique par Mozart, fait sans doute partie des opéras les plus joués et les plus connus, depuis l’air de la Reine de la Nuit (Tuuli Takala) au duo de Papageno (Armando Noguera) et Papagena (Julie Roset), ou celui de Tamino (Sascha Emanuel Kramer) et Pamina (Andreea Soare) en passant par les airs de Sarastro (Antonio Di Matteo)… Alexander Briger dirige la version toulonnaise mise en scène par René Koering.

Le Chœur de l’Opéra de Nice quitte les velours de la salle de l’opéra pour l’acoustique de la basilique Notre-Dame. Au programme, une pièce de circonstance, l’Oratorio de Noël de Bach, qui raconte la naissance du Christ et l’adoration des Rois Mages. Quatre solistes, Liesel Jürgens (soprano), Cristina Greco (alto), Frédéric Diquero (ténor), Stéphane Marianetti (basse), mêleront leurs voix aux élans du chœur sous la direction de Frédéric Deloche.

Désir et Solitude Entre Schubert et Duke Ellington, Chostakovitch, Dusapin, Nina Simone, il y a la voix de la soprano Karen Vourc’h, accompagnée du violoncelle de Louis Rodde, du piano et des compositions de Guillaume de Chassy et de la clarinette de Thomas Savy. Le concert vagabondera depuis des lieder, des sonates, à Caravan d’Ellington ou des Miniatures contemporaines de Chostakovitch…

17 décembre Basilique Notre-Dame, Nice 04 92 17 40 79 opera-nice.org

Orchestre de Cannes

Peer Gynt

Benjamin Levy © Thomas Chapuzot.

Karen Vourc’h © Cécile Hug

27 au 31 décembre Opéra de Toulon 04 94 92 70 78 operadetoulon.fr

Philippe Estèphe © LucieMdB

17 décembre sortieOuest, Béziers 04 67 28 37 32 sortieouest.fr

L’anti-héros Peer Gynt, toujours insatisfait de ce qui est à sa portée, ivrogne et paresseux, part dans le vaste monde, rate toutes ses entreprises, et revient chez lui ayant découvert avec amertume sa solitude. La fable universelle d’Edvard Grieg est abordée avec poésie par la mise en scène et la scénographie de Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil et la direction musicale de Michael Schønwandt. 12 & 13 janvier Opéra de Montpellier 04 67 60 19 99 opera-orchestre-montpellier.fr

Orchestre de Cannes & Renaud Capuçon L’Orchestre de Cannes a pris pour habitude de travailler avec les plus grands interprètes, ce concert ne fait pas exception à la règle, et c’est le superbe violon de Renaud Capuçon qui le rejoint dans un programme où l’on entendra des extraits de la Musique de ballet d’Idoménée et le Concerto n° 3 pour violon et orchestre en sol majeur KV 216 de Mozart avant la suite de Beethoven, Les Créatures de Prométhée, le tout sous la direction enlevée de Benjamin Lévy. 13 janvier Scène 55, Mougins 04 92 92 55 67 scene55.fr 14 janvier Théâtre Le Forum, Fréjus 04 94 95 55 55 aggloscenes.com

Rituel le concert du nouvel an ? Certes, mais cette année l’Orchestre de Cannes est dirigé par Benjamin Lévy qui a bien l’intention de bousculer un peu la tradition des viennoiseries. Secondé par son complice Jean Manifacier (présentation et conception), le facétieux chef d’orchestre va donner d’autres couleurs au beau Danube qui ne sera pas que bleu… L’imagination au pouvoir ? 1er janvier Palais des Congrès, Antibes-Juan-les-Pins 04 22 10 60 01 antibesjuanlespins-congres.com 6 janvier Théâtre Debussy, Cannes 04 92 98 62 77 orchestre-cannes.com


au programme musiques gard

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Esprits de Noël atypique Le duo emmené par le chanteur Martin Mey, qui sort son nouveau maxi Connect The Dots ce mois-ci, croise avec bonheur pop et électronique de précision

S

’il y a un fantôme dans la machine, il est joueur et sait entretenir les émotions délicates. C’est ce qu’on se dit à l’écoute du projet électronique atypique Ghost of Christmas, porté par les beats aériens de Gaël Blondeau et la voix exaltée de Martin Mey. On a repéré ce dernier, chanteur et musicien, avec son projet personnel de folk élancée et intimiste (mais tout aussi anglophone) bien représentée par son premier album Take Off paru il y a deux ans. Son lien avec Ghost of Christmas ? Le sens des climats, changeants, de préférence, comme une très variable météorologie des sentiments. « Ghost of Christmas est au départ un projet solo instrumental de Gaël précise Martin. Il m’a sollicité pour poser des voix, on a beaucoup aimé le résultat, et progressivement c’est devenu un duo ». À l’approche de Noël, Martin et Gaël se sentent « comme des gamins impatients, excités de déballer quelques jouets : un très beau

clip réalisé par Cauboyz (Kid Francescoli, French 79) et l’EP, bien sûr ». Le nouveau maxi du duo vient en effet de paraître Ghost of Christmas © X-D.R. sur le label Pschent (qu’on a connu par le passé versé dans la house à paillettes de Charles Schillings et Stéphane Pompougnac). La musique du duo s’y épanouit dans un délicat jeu de superpositions entre voix, beats et synthés, qu’on devine élaboré après de multiples tentatives. « Ghost of Christmas permet d’explorer des idées nouvelles confirme Martin, de tenter des choses ». Si la reprise du Temptation de New Order montre des filiations électro-pop lointaines et nobles, Connect The Dots, Hard To Get (avec son break de rythmes entêtant)

VENDREDI 12 JANVIER À 20H30 MAISON DE LA VIE ASSOCIATIVE - ARLES

Membre fantôme - Yes we dance #2 Mickaël Phelippeau et Erwan Keravec

©Guillaume Le Corre

En première partie, le chorégraphe Mickaël Phelippeau et le musicien et sonneur de cornemuse Erwan Keravec présenteront Membre Fantôme. Puis, c’est une invitation à danser que proposera Mickaël Phelippeau avec Yes we dance #2, une soirée où chacun est convié à partager le dance floor pour un moment de joyeuse communion !

www.theatre-arles.com

ou The Rain (superbe titre downtempo dans lequel la voix de Martin se répond à l’infini) évoquent les albums solos de Thom Yorke (Radiohead) ou les titres les plus mélodiques de Moderat. Avec cet esprit-là, Ghost of Christmas pourrait aller plus loin que ce que peut lui promettre la hotte du Père Noël. HERVÉ LUCIEN

16 décembre L’Akwaba, Châteauneuf-de-Gadagne (84) 04 90 22 55 54 akwaba.coop


50 au programme musiques bouches-du-rhône vaucluse hérault alpes-maritimes

I Love Techno

Évoquée dans le n°111 de Zibeline, la scène électro-pop marseillaise fête Noël à la maison. Après quelques belles dates en France (dont un Trianon complet pour Kid Francescoli et de beaux festivals électro pour French 79), ses deux figures les plus populaires du moment surfent sur une vague qui promet de les mener loin. La prochaine étape ? Un nouvel album pour Nasser (dont French 79 est le producteur) ? Un deuxième pour Husbands (projet des deux avec Oh !Tiger Mountain). Rendez-vous en 2018 !

Rémi Charmasson Wilderness Quartet

Paul Kalkbrenner © Thomas Rabsch

Kid Francescoli © Hawaii and smith

Kid Francescoli/French 79

François Corneloup (sax), Claude Tchamitchian (contrebasse) et Bruno Bertrand (batterie) participent à la nouvelle aventure du guitariste Rémi Charmasson, préparée en résidence chez Charlie Jazz à Vitrolles l’été dernier. Un projet qui porte bien son nom de par ses prises de risques et prolonge les affinités de longue date entre le guitariste et le contrebassiste, qui n’ont cessé de se croiser depuis la fin des années 80 et l’invention d’un autre jazz, flirtant avec l’inouï.

Le grand événement techno de l’année dans le sud a rameuté Agoria et Oxia, Boris Brejcha, Etienne de Crécy, Jeff Mills ou encore The Blaze (entre autres). Star de la techno depuis son incarnation sur pellicule de l’archétype du DJ dans Berlin Calling, Paul Kalkbrenner y effectue un retour sur les origines de la rave allemande avec, pour la première fois en France, son live Back To The Future constitué de morceaux de la période 1989-1993 réarrangés. 16 décembre Parc des Expositions, Montpellier ilovetechnoeurope.com

22 décembre Espace Julien, Marseille 04 91 24 34 10 espace-julien.com

Concert de noël Marc-Antoine Charpentier

© Céline Zug.

Rémy Charmasson © Frank Bigotte

Raoul Petite

Dernière date pour la rituelle tournée des fêtes des Raoul ! Trente ans d’activité sur les scènes européennes n’ont pas entamé la folie qui anime la tribu et son chef Carton. Au programme et à l’occasion des 20 ans du Cargo : du rock qui tâche, des funks diaboliques, des blagues pour tester le QI du public et évidemment des costumes juste ce qu’il faut d’outrageant. Et c’est reparti pour 30 ans ? 18 décembre Le Cargo, Arles 04 90 49 55 99 cargodenuit.com

15 décembre AJMI-La Manutention, Avignon 04 90 86 08 61 jazzalajmi.com

Didier Super Relevant nos plus pathétiques bassesses ou nos plus paradoxales faiblesses, le chansonnier 2.0. (ses vidéos non plus ne vous laisseront pas indifférents), toujours attifé de son sous-pull trop petit, vient déverser son humour noir. Musicalement c’est souvent limite-limite, mais dans le registre de la chanson polémique Didier est impitoyablement cynique. Vous êtes masochiste sur les bords ? Concert idéal pour les fêtes ! 22 décembre Les Passagers du Zinc, Avignon 04 90 89 45 49 passagersduzinc.com

Entre sacré et profane, le répertoire du compositeur se prête à un concert de fêtes œcuménique. D’autant que l’Oratorio In Navitatem Domini et la Messe de Minuit sont interprétés ici par des artistes de haut niveau : les chanteurs du chœur de l’Ensemble Aedes soutiennent trois solistes (le haute-contre David Tricou, le ténor Martial Pauliat et la basse Renaud Delaigue) encadrés par le chef de chœur Mathieu Romano et le chef Dominique Visse. Pour compléter ce tableau d’excellence, l’Ensemble Café Zimmerman. 16 décembre GTP, Aix-en-Provence 08 2013 2013 lestheatres.net 21 décembre Cathédrale Sainte-Réparate, Nice 06 12 7363 11 les-moments-musicaux.com 22 décembre Cathédrale de Grasse 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com


au programme musiques bouches-du-rhône vaucluse var gard alpes-maritimes hérault

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Rio Mandingue L’Afrique de l’ouest et le Brésil sont au cœur de ce projet qui mélange les sons et les langues. La kora et le balafon fusionnent avec la guitare brésilienne et le cavaquinho carioca, le Malinké côtoie le Portugais et le Français. Les chanteurs Laure Donnat et Abdoulaye « Prince » Kouyaté sont soutenus par le jeu de Laurent « Samba » Rigaud (percus), Wim Welker (guitare et cavaquinho), Lilian Bencini (basse) et Clément Pernet (batterie et percus).

Chœur Ibn Zaydoun Le compositeur, chanteur et ûdiste Moneim Adwan a fondé cette formation chorale multiculturelle en 2008 et la dirige depuis. Plus de trente amateurs, venus d’horizons diversifiés, la composent et chantent un répertoire de chants traditionnels du Moyen-Orient et de poésies arabes anciennes et contemporaines. Après Ibn al-Arabî, Khalil Gibran ou Mahmoud Darwich elle met à l’honneur, en 2017, le grand poète égypto-tunisien Bayram al-Tounsi.

La vie (titre provisoire) François Morel a toujours raconté des histoires, des petites choses qui disent tout du « monde citoyen » qui lui est si cher. Pour ce nouveau spectacle qui rappelle les cabarets d’antan, il retrouve Juliette à la mise en scène, et Antoine Sahler aux compositions, claviers et trompette. Entre mélancolie et ironie, il distille un délicat réenchantement du quotidien, de la vie, même provisoire.

14 décembre Cité de la musique, Marseille 04 91 39 28 28 citemusique-marseille.com

Malia et André Manoukian

À Correns on n’oublie pas les traditions, mieux, on les fête ! Ainsi en est-il du Gros souper auquel le Chantier vous convie chaque année en décembre, moment de convivialité qui allie les musiques et les voix aux plats et aux odeurs. La veillée provençale est réinterprétée cette année par le chanteur et comédien Renat Sette et le quartette de cordes Drailles qui ont puisé leur inspiration dans le répertoire populaire riche et ancien de la Provence alpine, ainsi que dans les adaptations de noëls traditionnels de Jean-Yves Royer et dans les textes contemporains de Guy Mathieu. On vous laisse découvrir le menu gourmand…

15 & 16 décembre Théâtre Anthéa, Antibes 04 83 76 13 13 anthea-antibes.fr 19 au 21 décembre Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com

Never mind the futur Drailles et Renat Sette © stéphanie Collet

La chanteuse de jazz britannique originaire du Malawi et le pianiste se connaissent depuis longtemps, et ont déjà commis trois albums ensemble. Leur duo piano-voix offre un répertoire qui va du jazz au blues et qui fait se côtoyer des compositions de Manoukian et des reprises de grands standards d’Etta James, Billie Holiday, Jeanne Moreau, Julie London et Nina Simone bien sûr, à qui Malia a rendu hommage dans son album Black Orchid.

Gros souper © Manuelle Toussaint

Choeur Ibn Zaydoun © Vincent Beaume

22 décembre Théâtre du Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 chenenoir.fr

© E. Rioufol

© Solene Renault

16 décembre La Fraternelle, Correns 04 9459 56 49 le-chantier.com

Sarah Murcia revient à Sète avec un nouveau projet, et toujours aussi bien accompagnée ! Pour sa reprise très personnelle de l’album culte des Sex Pistols, Never mind the Bollocks, elle invite le pianiste Benoît Delbecq et le chanteur-chorégraphe Mark Tompkins à rejoindre son groupe Caroline. En mêlant avec audace jazz, rock et chanson, elle revendique un travail de réflexion et de « démontage » de l’œuvre du groupe anglais, en réinterprétant chaque morceau.

16 décembre Théâtre du Gymnase, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net 19 décembre Scène nationale de Sète 04 67 74 66 97 theatredesete.com


52 au programme spectacles bouches-du-rhône

Point d’interrogation

Contes à croquer

France-fantôme Matthieu Epp © X DR

Écrite et mise en scène par Tiphaine Raffier (crée en octobre à Lille), France-fantôme est une fable de science-fiction. L’histoire se déroule dans un univers futuriste où il est désormais possible de se réincarner par le biais de la numérisation, en transférant la mémoire d’un individu dans un nouveau corps. L’immortalité en somme, comme cadeau empoisonné du progrès technique à l’humanité. Une femme, inconsolée après le décès de son mari, décide de procéder à sa résurrection.

© Gaëlle Simon

Au récit, à l’accordéon diatonique et à la flûte harmonique, un seul homme aux multiples talents : Matthieu Epp. Ses Contes sont à croquer, certes ; reste à savoir qui croquera qui, car avec les histoires d’ogres, on ne peut jamais être tout à fait sûr du dénouement. Dans le cadre du partenariat noué par le Théâtre National de Marseille avec La Baleine qui dit « Vagues », pour les enfants à partir de 6 ans.

Franito © Simon Gosselin

Irina Brook met en scène une pièce de Stefano Massini imaginée pour la jeunesse, mais véritablement tout public. Un texte pétri d’humour corrosif, où il sonde l’avenir de l’humanité en se basant sur « les hypothèses réalistes faites par des spécialistes, de l’économie à la géopolitique, de l’écologie à la sociologie ». À quoi ressemblera l’école dans 10 ans, par exemple ? Eh bien peutêtre qu’apprendre sera passé de mode ; on pratiquera le téléchargement de compétences informatives. Ça fait rêver, ou ça fait froid dans le dos ?

13 janvier La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

9 au 13 janvier La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

© Prisca Briquet

13 au 16 & 19 au 21 décembre La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

Tram 83 Ça ira (1) Fin de Louis Spectacle exceptionnel. Pendant 4h30, Joël Pommerat et la quinzaine de comédiens qui l’accompagne explorent en détails la Révolution française. Le bouillonnement idéologique de la période, ce qui pousse le peuple à la révolte, puis toutes les conséquences du changement de régime, leur impact sur la vie des hommes et leur lutte pour l’idéal de démocratie, tout ceci est raconté avec une vitalité débordante et passionnée. Le spectacle a été récompensé par trois Molières. 15 au 17 décembre La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

Création 2017 d’une artiste soutenue et coproduite par La Criée, Julie Kretzschmar, qui adapte le roman éponyme de l’auteur congolais Fiston Mwanza Mujila. Attention ! Tram 83 n’est pas le nom d’une ligne de transports publics, mais celui d’un bar de Lubumbashi où se croisent étudiants en grève et petites prostituées, touristes, serveuses et... l’écrivain. Une œuvre visuelle et sonore, fragmentée comme un souvenir surnageant après l’ivresse. 10 au 12 janvier La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

Dans la vie, quand on a une mère invasive, il faut trouver un échappatoire. Franito a opté pour le flamenco (interprété par Fran Espinosa, bailaor virtuose de son état). Patrice Thibaud incarne la mama espagnole dans toute sa démesure, et pour son quatrième spectacle, se joue des clichés. Une approche burlesque pour secouer un peu une discipline qui -c’est légitime- a tendance à se prendre au sérieux depuis son inscription au patrimoine mondial de l’Unesco, dans la catégorie immatérielle (en 2010). 19 au 23 décembre Le Gymnase, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net


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Early Works

Les derniers des Mohicans ou Marseille l’hiver

Tout ce que vous voulez Trio A, Portland Center © Yvonne Rainer.

L’actrice Bérénice Béjo (The Artist, Le passé...) monte cette fois sur les planches, aux côtés de Stéphane De Groodt. Bernard Murat les met en scène dans une histoire classique de voisinage : elle est dramaturge en panne d’inspiration pour cause de vie trop heureuse, lui est fiscaliste (quelle horreur !), et malgré leurs différends, bien évidemment, ils finiront dans les bras l’un de l’autre. Le bruit court toutefois que la fin de la pièce réserverait une surprise. We shall run, Trio A, Three Seascapes, Three Satie Spoons, Chair/Pillow, Diagonal : six pièces signées Yvonne Rainer, chorégraphe et cinéaste américaine des années 1960. Douze danseurs marseillais les interpréteront aux côtés des Rainders, rendant hommage à cette grande iconoclaste, capable de piétiner symboliquement le mythe de la ballerine, en détruisant un amoncellement de gaze blanche. Une collaboration avec Marseille Objectif Danse.

Inépuisable Alice ! C’est au tour de Céline Schnepf, artiste associée au Merlan, de tourner autour du mythe carrollien. Elle fait entrer son héroïne dans l’adolescence avec fracas, au cœur d’un « pays où la contestation, l’absurde, l’excès, la cruauté s’expriment sans retenue ». Pour les 13 ans et plus. Le spectacle s’articule avec une application numérique très réussie, My wonderland, permettant de partager des créations photographiques passées au filtre du merveilleux.

© Raphael Arnaud

Le personnage maternel créé par Gilles Granouillet tient tête à son fils dans un discours vibrant d’espoirs déçus, de rage, d’amour, de poésie. Un univers tout à la fois tragique et clownesque porté par trois comédiennes (il n’en fallait pas moins pour explorer les multiples facettes de cette mère célibataire confrontée à bien des humiliations sociales) : Marion Duquenne, Audrey Lopez, et la metteure en scène Marie Provence elle-même. 19 au 21 décembre Théâtre Joliette, Marseille 04 91 90 74 28 theatrejoliette.fr

© Christophe Raynaud de Lage

12 au 16 décembre Les Bernardines, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net

Wonderland (une histoire d’Alice et d’exil)

Zoom

Un obus dans le cœur L’écriture de l’auteur libanais exilé au Québec Wajdi Mouawad est à la fois écorchée, remplie de poésie et de réalisme. Guillaume Séverac-Schmitz, jeune artiste accompagné par Les Théâtres, s’empare de son texte, décrivant le voyage intérieur d’un homme qui se rend à l’hôpital en pleine nuit pour veiller sa mère agonisante. Dans sa mémoire revient la blessure intime et profonde causée par un attentat meurtrier dont il a été témoin, alors il n’avait que 7 ans.

11 au 14 janvier Théâtre Joliette, Marseille 04 91 90 74 28 theatrejoliette.fr

14 décembre Théâtre Joliette, Marseille 04 91 90 74 28 theatrejoliette.fr

© Emmanuel Murat

11 au 21 janvier Le Gymnase, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net

Noël Casale a un temps été docker sur le port de Marseille, avant de devenir homme de théâtre, compagnon de route du metteur en scène Xavier Marchand. C’est sur cette expérience qu’ils s’appuient, ainsi que sur des ateliers réalisés avec des habitants de la Joliette, pour créer un récit sous forme de mise en abyme, entre hier et aujourd’hui. L’aboutissement d’un projet de territoire, Place de la Joliette 78-18, mené par l’ex-Théâtre de Lenche depuis 2015.

12 & 13 décembre Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org


54 au programme spectacles bouches-du-rhône

Chorus

Kant

Le danseur Mickaël Phelippeau a conçu Chorus en 2012 avec une idée derrière la tête : permettre au spectateur de vivre « le son de l’intérieur », en se basant sur une partition de Bach, Nicht so traurig, nicht so sehr, qu’il « triture jusqu’à l’os ». Pour ce faire, il utilise des outils musicaux, mais aussi chorégraphiques ou scéniques. 23 chanteurs de l’Ensemble Campana l’accompagnent dans une œuvre hybride.

Sous la peau

© Cécile Chastang

12 janvier Théâtre Toursky, Marseille 0 820 300 033 toursky.fr

Le Merlan et la Gare Franche s’associent pour présenter cette création de Nathalie Pernette. Les danseurs Lucien Brabec, Aimée Lagrange et Vincent Simon y expérimentent un antidote aux inhibitions des corps d’aujourd’hui, « assis bien trop longtemps », « absents à eux-mêmes et aux autres » car saturés d’écrans. Avec pour objectif de réapprendre le langage de la peau. Renseignez-vous : Nathalie Pernette animera, aux mêmes dates, un atelier de danse contemporaine destiné aux adultes et adolescents. 11 & 12 janvier Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org

Un triptyque jeune public consacré à Kant... Celui de La critique de la raison pure ? Oui, lui-même. S’il n’est évoqué qu’un court instant, il est tout de même l’inspirateur de ce conte philosophique conçu par la Cie Ex voto à la Lune. Un dispositif abordant le vertige de l’infini, comprenant le spectacle proprement dit, complété de deux installations interactives, l’une en réalité virtuelle avec port de casque, l’autre sous forme de parcours ponctué de QR codes. À partir de 8 ans.

© Fabien Debrabandère

15 décembre Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org

© Ex voto à la Lune

Sept clowns, membres de la Cie Miranda, s’en donnent à cœur joie avec la pièce emblématique de Molière, sous le regard complice de la directrice du Théâtre National de Nice, Irina Brook. Dans le plus grand respect du texte, dont ils révèlent évidemment la dimension burlesque, ces indifférents au conformisme franchissent quelques lignes aussi rouges que leur nez, en se jouant de la vie, l’amour et la mort.

11 & 12 janvier Théâtre Massalia, Marseille 04 95 04 95 75 theatremassalia.com

Blackpool

Kromos + Robot, l’amour éternel Deux projets reliés sont programmés les mêmes jours à la Maison pour la Danse. Kromos, personnage fantastique interprété par Julien Andujar, est multiface : candidat à la colonisation sur Mars, il est aussi tour à tour martien, ambassadeur de l’humanité, ou astrophysicien. Kaori Ito se demande quant à elle, dans son nouveau solo, s’il ne serait pas plus facile d’aimer un robot qu’un être humain. 12 & 13 janvier Klap Maison pour la Danse, Marseille 04 96 11 11 20 kelemenis.fr

© X DR

© Alain Monot

Dom Juan et les clowns

Blackpool est une performance de danses de salon déjantée, par deux véritables champions finlandais, Milla Virtanen et Jaakko Toivonen. Le couple se livre à un hilarant grand écart entre l’exercice ultra-codifié et le sarcasme, le quotidien et le glamour, la chorégraphie et le théâtre burlesque, assassinant au passage tout espoir de bon goût, à grand renfort de paillettes et de maquillage. Dans le cadre des Rencontres Lily Pastré (voir Zib’ 112 ou journalzibeline.fr) 12 décembre Théâtre Nono, Marseille 04 91 75 64 59 theatre-nono.com


au programme spectacles bouches-du-rhône alpes

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Les encombrants font leur cirque La Verità

Vladimir Gurfinkel, directeur du Théâtre de Perm, présente une grande fresque politique. La vingtaine d’interprètes sur scène confrontera la mise en place de la Constitution de la Fédération de Russie, en 1993, aux réalités sociales actuelles du pays, en s’appuyant sur des témoignages populaires. Le tout sur fond de grands textes classiques signés Anna Akhmatova, Maxime Gorki, Marina Tsvetaïeva, Andreï Tarkovsky, Nicolas Gogol, et Alexandre Pouchkine. Un spectacle inédit en Europe.

« Un vrai Dalí de neuf mètres sur quinze ! Tout le monde va penser que c’est une copie… » La Cie Finzi Pasca menée par son créateur, Daniele Finzi Pasca, offre un spectacle bouleversant de poésie surréaliste. Acrobaties et féérie visuelle se conjuguent en tableaux mouvants d’une rare beauté. Et si la vérité était constituée de l’étoffe des songes ?

© Eric Legrand

La constitution

© Viviana Cangialosi - Compagnia Finzi Pasca

Lorsque les vieilles marionnettes du Théâtre La Licorne décident de faire du cirque, on peut s’attendre à tous les dérèglements ! Claire Dancoisne met en scène un spectacle déjanté où six comédiens manipulateurs accompagnés de leurs marionnettes complices (ou est-ce l’inverse ?) font chanter les chevaux, danser les poissons rouges et les escargots…Magique !

Le réveillon des Nono La Saint Sylvestre promet d’être électrique au Théâtre Nono ! L’équipe a concocté un cocktail détonnant : « music-hall de folie », et piste de danse jusqu’au bout de la nuit (avec un DJ mystère). Sept musiciens s’empareront des standards de la variété internationale pour mieux les détourner, tandis que huit acteurs-chanteurs-danseurs les incarneront en séquences théâtralisées. Claude François, Dalida et Joe Cocker en frémissent déjà dans leur tombe. 31 décembre Théâtre Nono, Marseille 04 91 75 64 59 theatre-nono.com

13 décembre Salle Guy Obino, Vitrolles 04 42 02 46 50 vitrolles13.fr 15 décembre Théâtre Durance, Château-Arnoux-Saint-Auban 04 92 64 27 34 theatredurance.fr

Lamento de Livia Premier volet d’un triptyque consacré à des portraits de femmes en proie à différentes addictions, le texte de Sabine Tamisier évoque avec une délicate et singulière tendresse le personnage de Livia, dont les revers s’abîment dans la boisson. On avait déjà été touchés par les prémices de l’œuvre, (voir journalzibeline.fr), la voici aboutie.

10 & 20 décembre Théâtre La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu

Acting

Dans le huis clos d’une cellule de prison se retrouvent Horace, tueur muet et insomniaque (Patrick Bosso), Gepetto (Kad Merad), petit escroc minable aux rêves de gloire scénique et Robert (Niels Arestrup), acteur condamné pour meurtre. Ce dernier prend le pari de faire de Gepetto un grand comédien… La pièce écrite et mise en scène par Xavier Durringer a été créée au Jeu de Paume en janvier 2016. 8 & 9 janvier Théâtre du Jeu de Paume, Aix-en-Provence 08 2013 2013 lestheatres.net

© Isabelle Fournier

16 décembre Théâtre Nono, Marseille 04 91 75 64 59 theatre-nono.com

20 au 22 décembre Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence 08 2013 2013 lestheatres.net

© Pascale Gely

© Julia Tregub

10 décembre Théâtre du Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 88 71 74 80 boisdelaune.fr

18 décembre Théâtre Vitez, Aix-en-Provence 04 13 55 35 76 theatre-vitez.com


56 au programme bouches-du-rhône

Malfoutus

Chouettes

Looking for Quichotte

15 décembre 3bisf, Aix-en-Provence 04 42 16 17 75 3bisf.com

Le chant des coquelicots

La femme oiseau

Petits crimes conjugaux Lisa, (Fanny Cottençon) est de retour au foyer conjugal après une amnésie. Gilles, (Sam Karmann), doit-il la croire ? Où se situe la vérité ? Pièce au sujet rare, où l’on parle de l’amour qui dure, « le voyage le plus risqué, le plus dangereux », rappelle le dramaturge Éric-Emmanuel Schmitt. Oui, l’amour peut durer, dans la mise en scène de Jean-Luc Moreau.

© Fabienne Rappeneau

La place de la Liberté fêtera le solstice, grâce à l’intrusion de 120 coquelicots géants et lumineux, accompagnés par deux musiciens. L’installation poétique et sonore du collectif Fredandco nous interroge sur le caractère éphémère des choses, de la beauté… une incitation au carpe diem, rythmé par les fleurs comme autant de cœurs qui palpitent. Ce moment de magie éveillée, cette invitation au rêve (en partenariat avec Karwan) est gratuite. 21 décembre à la tombée de la nuit Place de la Liberté, avenue des Salyens, Vitrolles vitrolles13.fr

© Nathalie Sternalski.

12 janvier Théâtre Municipal de Fontblanche, Vitrolles 04 42 02 46 50 vitrolles13.fr

20 décembre Théâtre Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr

13 décembre Théâtre Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr

© BM Palazon

La singularité de l’album jeunesse de Beatrice Alemagna (Actes Sud, Helium), Les Cinq Malfoutus, son étrangeté, ont séduit Maréva Carassou qui a entraîné sa troupe L’insomniaque Cie dans une aventure entre texte, jeu d’acteur et marionnettes qui conjugue poésie et réflexion. Les Malfoutus sont créés à partir de ce que rejette l’océan… touchante fragilité.

Deux petites chouettes attendent leur maman partie chasser. Le nid de l’arbre creux les protège de la nuit mystérieuse et froide, source de peurs enfantines… La Cie 1, 2, 3 Soleil nous fait plonger dans ce temps de la séparation qui permet de se confronter au monde et d’affiner les relations d’une fratrie… À travers un spectacle de marionnettes à table et de théâtre d’ombres. Un petit bijou de finesse dès 2 ans.

© X DR

© Gildas Bitout

Reprenant le personnage du Chevalier à la triste figure, la Cie Vladimir Steyaert se pose la question cruciale « quels combats mènerait Don Quichotte en ce début de XXIe siècle ? » (à partir de 13 ans). Voici de nouveaux moulins à vents : restauration rapide, FMI, Silicon Valley, publicité… deviennent les cibles contemporaines auxquelles s’attaque le héros de Cervantès, accompagné de Sancho Pança… avec l’espoir de trouver encore une idéale Dulcinée du Toboso !

La Cie La Mandarine Blanche s’inspire librement de la légende japonaise La femmegrue sur un texte et une mise en scène d’Alain Batis. Yohei soigne une grue blanche blessée, et le soir même une jeune femme mystérieuse frappe à sa porte… Amour, convoitise, secrets, curiosité fatale, les ingrédients du conte sont réunis avec une poétique tendresse par deux marionnettes, des pop-up, du théâtre d’ombre… magie dès 7 ans. 22 décembre Théâtre Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr


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Les cavaliers

Sombre rivière

Thomas Le Douarec porte sur scène le roman d’Oscar Wilde (« n’est-il pas sa plus belle pièce de théâtre ? » s’interroge le metteur en scène). Dorian Gray reste jeune et beau tandis que son portrait peint par Basil Hallward vieillit et garde les stigmates de toutes les turpitudes de son modèle… À la question morale de l’impunité, se mêle celle de l’art, de sa transcription du réel et de ses relations avec la vérité.

La nouvelle création de l’auteur-metteur en scène Lazare, et de sa Cie Vita Nova, s’ancre une fois de plus dans l’actualité la plus vive pour mieux affirmer une farouche volonté de vivre. Elle nous entraîne au lendemain des attentats du 13 novembre 2015, tissée à partir de conversations téléphoniques avec sa mère et un ami dramaturge, en musique et en chant « pour dire tout à la fois la violence trop actuelle du monde et la force des songes ».

10 janvier Théâtre Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr

Le voyageur du firmament Bon, la lune semble un peu trop loin de la terre pour y aller, certains même sont réputés y avoir déjà leur tête. On peut se contenter de la rêver galette ou fondante brioche, habitée par de fantastiques et fantasques sélénites ou deviner des traits humains sur sa face… Les marionnettes de la Magie de Noël ont, elles, la capacité d’y partir en voyage… Embarquement immédiat dès 4 ans ! 20 décembre Maison du Peuple, Gardanne 04 42 65 77 00 ville-gardanne.fr

04 42 87 75 00

12 janvier Espace Nova, Velaux espacenova-velaux.com

(S)acre Le jeune chorégraphe David Drouard revisite Le Sacre de Stravinsky, avec des interprètes exclusivement féminines -danseuses et musiciennes-, dans un décor signé par le jardinier et paysagiste Gilles Clément. Dans ce dernier volet d’une trilogie dédiée aux mythes, il prend le contrepied de la pièce originelle de Nijinski, et « pose la question essentielle de la présence des femmes, de leur force, face à une domination multiséculaire des hommes ». 15 décembre Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 les-salins.net

21 décembre Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 les-salins.net

Petit bout d’pomme La Cie Lugana propose aux tout-petits une promenade chantée sur les chemins de l’identité, de la liberté, des petites peurs et des grands bonheurs qui permettent la construction de l’être. La guitare, la flûte traversière, le xylophone se mêlent aux mots pour solliciter leur imaginaire et créer un paysage sonore dans lequel ils évolueront pas à pas avec les deux interprètes.

© P. Leïva

© Alice Chiappini

Départ pour l’Afghanistan à la suite de Kessel avec Les cavaliers. Histoire d’initiation, de courage, de fidélité, de trahisons, ce chefd’œuvre nous entraîne en terres de légendes dans la mise en scène d’Anne Bourgeois d’Éric Bouvron, qui a adapté librement le texte et joue aux côtés de Benjamin Penamaria et Maïa Guéritte, accompagnés en live du musicien Khalid K.. Un bijou primé par le Molière 2016 du Théâtre Privé.

© Jean-Louis Fernandez

© X-D.R

Le portrait de Dorian Gray

13 janvier Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 les-salins.net


58 au programme spectacles bouches-du-rhône

Rock & Goal

Savoir enfin qui nous buvons

À partir de quatre ballons de foot, hand, rugby et volley, qui se transforment aussi en sacs à malices, la pièce de Michel Kelemenis fait une apologie réjouissante des mouvements du sport. Les quatre danseurs et danseuses entraînent les enfants du public dans le plaisir et l’étonnement, détournant et déstructurant des services de tennis ou des enchaînements de gym, ou faisant dessiner un cœur rouge par des gants de boxe !

Déjà accueillie à Scènes&Cinés avec leurs précédents spectacles, la Cie Casus Circus revient avec Driftwood, qui signifie Bois flotté. Comme lui, nous sommes façonnés au gré des rencontres que nous faisons, des histoires que nous vivons. Les circassiens australiens, à la fois acrobates, voltigeurs et acteurs, vont raconter avec poésie la rencontre entres des femmes et des hommes, et leur besoin inné et vital de contact.

© Angely Quelyleire

© P.Leïva

Driftwood

Si vous voulez vivre une expérience humaine originale, embarquez dans un enivrant voyage délivré par le conteur d’exception Sébastien Barrier, sur la route de vins naturels et des vignerons et vigneronnes amoureux qui les fabriquent. Savourer des vins d’appellations contrôlées, servis par ce comédien grisant qui ne fait ni une conférence, ni un apéro décadent, mais une célébration de l’oralité et de la littérature est un véritable moment de partage.

21 décembre La Colonne, Miramas 04 90 50 66 21 scenesetcines.fr

12 & 13 janvier L’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr

Fables

Ce sont bien celles de Jean de La Fontaine qui sont revisitées avec humour et fantaisie par la Cie Tàbola Rassa. Olivier Benoit et Alexandre Jean font défiler toute une clique d’animaux aux traits curieusement humains, avec ingéniosité ! Du journal, du carton, un ballon de baudruche, un sac en plastique font apparaître le hibou, l’agneau, la grenouille, le meunier, l’âne… autant de fables bien connues qu’ils triturent et refaçonnent avec beaucoup d’à propos et de piquant ! 16 décembre Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 scenesetcines.fr

12 décembre L’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr

Michel Kelemenis & Coline Les danseurs de Coline poursuivent leur formation, invités par Michel Kelemenis pour une chorégraphie commune, Image & Reflet. Ils vont ainsi traverser des pièces écrites entre 1984 et 2017, extraites du programme Collector du chorégraphe, explorant la notion de miroitement : « pour Image à l’intérieur d’une écriture gestuelle en double duo, pour Reflet dans la révélation progressive des individus aux regards pointés vers eux ». 19 décembre L’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr

© P.Leïva

© Delphine Beaumont

© Dylan Evans

Le journal de Lulu

Comment voyager lorsqu’on a en terre deux pieds fictifs qui nous empêchent de bouger ? Lulu, épouvantail de son état, va narrer sa vie, ses impressions, et faire part de ses états d’âme, planté qu’il est dans un champ aux vastes perspectives. Simona Acerbi, à la fois peintre et conteuse, met en scène et en univers sonore le livre éponyme d’Éric Rolland Bellagamba (édition Grandir). Sur des airs de tango, entre la couleur et les ombres qui se dessinent, Lulu danse et rêve… 16 décembre Espace Robert Hossein, Grans 04 90 55 71 53 scenesetcines.fr


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À vif

14e édition de ce rendez-vous désormais attendu, l’un des temps forts de la programmation culturelle de la ville d’Arles. Cette année encore théâtre de rue, musique, cirque, projections monumentales sur des façades et grands spectacles féériques se côtoieront durant trois jours. Ne ratez pas la pluie de plumes blanches des anges-acrobates de la Cie Gratte-Ciel (Place des Anges), ni leur envolée follement aérienne qui clôturera la fête (L’étoile d’Aribalta), ou la projection de One Shot Production dans les arènes (À la recherche d’Eugène) !

15 décembre Espace Gérard Philippe, Port-Saint-Louis 04 42 48 52 31 scenesetcines.fr

La Mouette Après Le Misanthrope de Molière (pièce accueillie au Théâtre d’Arles en 2015), la jeune troupe Kobal’t, menée par Thibault Perrenoud, s’empare d’une autre œuvre magistrale du répertoire, La Mouette de Tchekhov, dans une version librement adaptée par Clément Camar-Mercier. Au cœur d’une arène ceinte des spectateurs, les acteurs nous transportent dans l’intimité des personnages et leurs conflits émotionnels, avec joie et lucidité.

C’est à un match poétique et politique que se livrent deux avocats, représentant « deux France opposées », celle des nantis et celle des délaissés. Pour l’un l’État est coupable de la situation des banlieues, l’autre atteste que les citoyens sont responsables de leur propre condition. Le texte du rappeur et poète humaniste Kerry James (qui joue aussi l’un des rôles aux côtés de Yannik Landrein) fait éclater la parole, restaure un cadre possible pour le vivre ensemble. 16 décembre Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 theatre-arles.com

22 au 24 décembre Divers lieux, Arles 04 90 49 59 07 droles-de-noels.fr

Cœur cousu A partir d’un roman de Carole Martinez, la Cie De Fil et d’Os livre un spectacle aux grilles de lecture multiples, pour adultes ou pour enfants. L’histoire est féminine. Depuis toujours, une lignée de femmes se transmet une mystérieuse boîte, qui ne doit être ouverte qu’au bout de neuf mois, au risque de perdre ce qu’elle contient. Julie Canadas nous invite dans un atelier de couture, où marionnettes et objets divers vont nous conter cette légende.

Membre fantôme – Yes we dance #2 Le chorégraphe Mickaël Phelippeau propose une soirée en deux temps : dans la première partie il explore, avec le musicien et sonneur de cornemuse Erwan Keravec, la notion d’héritage, et font dialoguer, de façon vive et détonante, des sons et des mouvements. Puis il invitera le public à partager le théâtre/ dance floor, en dansant, pour créer un moment de joyeuse communion. 12 janvier Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 theatre-arles.com

© Gauthier Havet

© Clément Camar Mercier

12 & 13 décembre Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 theatre-arles.com

© Nathanael Mergui

Drôles de Noëls

En 1942, le port de l’étoile jaune pour les juifs est décrété. Joseph Haffmann, bijoutier juif au bord de la faillite, propose à son employé Pierre Vigneau de prendre la direction de la boutique, lequel, en échange, l’hébergera clandestinement dans la cave. Marché conclu, à une condition… Jean-Philippe Daguerre met en scène son propre texte (édition Les Cygnes), qui fait la part belle à l’humanité des personnages.

© Evelyne Desaux-Dumond

Adieu monsieur Haffmann

13 décembre L’Alpilium, Saint-Rémy-de-Provence 04 90 92 70 37 mairie-saintremydeprovence.fr


60 au programme spectacles vaucluse

Cabaret littéraire avec Didier Daeninckx Didier Daenincks (à gauche) © X DR.

Décris-Ravage

© Hichem Dahes

Les enfants c’est moi

Thème complexe et souvent clivant, ce spectacle aborde la question de la Palestine. Pour traiter un tel sujet, la metteure en scène Adeline Rosenstein a choisi d’en faire un long format. Six séquences de 30 minutes composent le spectacle, entrecoupées d’une pause. Elle a écrit les textes et en a recueilli auprès d’artistes occidentaux ayant vécu en Israël ou en Palestine. Une plongée dans plus de 200 ans d’histoire, pour tenter de comprendre « ce qui a bien pu se passer pour qu’on en arrive là. »

De la difficulté d’être mère. Après la naissance de son enfant, une femme se laisse submerger par son amour et plonge dans ses contradictions. Sa propre enfance refait surface et la ramène à ce temps où le petit devient grand. En somme, l’adulte et l’enfant sont bien la même personne à des âges différents. Amélie Roman en est l’interprète, mise en scène par Marie Levavasseur, qui signe également le texte. Par la Cie Tourneboulé, auteure de l’exceptionnel spectacle Le Bruit des os qui craquent, sur les enfants-soldats.

Deux théâtres avignonnais, le Chêne Noir et Le Chien qui fume, ainsi que la Cie Clin d’Œil, s’associent pour organiser une « rencontre/ lecture théâtralisée ». L’invité de ce Cabaret littéraire sera le romancier et scénariste de BD Didier Daeninckx, auteur notamment de Nazis dans le métro, ou de La Der des Ders, avec le dessinateur Tardi. En prenant un verre au comptoir, le public pourra discuter avec l’écrivain et écouter Aurélie Audax lire quelques-uns de ses textes. 14 décembre Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 chenenoir.fr

15 décembre La Garance, Cavaillon 04 90 78 64 64 lagarance.com

Les faux British

Le trapèze est presque l’acteur principal de ce spectacle. Pour le manier, elles sont quatre femmes, et un homme en talons aiguilles, qui cherchent à renouveler, réinventer l’usage de cet agrès. Le cirque ne peut être séparé du risque. Les cinq interprètes le prennent en compte, ainsi que tous les dangers qu’implique l’acrobatie aérienne. La solidarité qui lie le trapéziste au porteur, la quête de l’élévation, et l’ambition de ne plus subir la gravité sont également au cœur de leur création. 20 décembre La Garance, Cavaillon 04 90 78 64 64 lagarance.com

© Christophe Raynaud de Lage

© Cie Virevolt

© Fabien Debrabandere

Départ Flip

12 janvier La Garance, Cavaillon 04 90 78 64 64 lagarance.com

Drôlement magique Grande illusion, close-up ou mentalisme, toutes les cartes de la magie se déploient dans les mains d’Alain Choquette. L’illusionniste québécois, célèbre autant à Las Vegas que de ce côté-ci de l’Atlantique, présentera son spectacle, où l’humour et la fantaisie côtoient le rêve et l’inexplicable. L’art de la magie consiste souvent à émerveiller le public par des effets simples mais qui restent mystérieux. Alain Choquette ajoute une touche de poésie à la recette magique. 16 décembre Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 96 80 artsvivants84.fr

Ils sont sept, tous férus de roman policiers anglais, et ils décident de créer un spectacle à partir d’une œuvre inédite de Conan Doyle, le fameux père de Sherlock Homes. Enfin, du moins, c’est ce que prétendent ces soi-disant comédiens amateurs. Malgré leur enthousiasme, ils vont vite se laisser déborder par la tâche que représente la création d’une pièce de théâtre. Les gags et situations cocasses vont alors s’enchaîner, pour le plus grand bonheur du public. Le spectacle a reçu le Molière de la Comédie en 2016. 9 au 16 janvier Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 chenenoir.fr


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Dans la foule

À la rencontre de Pirandello

Après deux semaines en résidence au Théâtre des Halles, la Cie Souricière présente une première étape de travail. Le texte de cette prochaine création est de l’auteur britannique Dennis Kelly. Le style de ce dramaturge contemporain est plutôt atypique, puisant dans d’autres codes d’écriture, comme celui de la série télé, qu’il pratique également. La pièce, que met en scène Vincent Franchi, aborde des problématiques de société majeures : le rejet de l’autre et le repli sur soi. 15 décembre Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 theatredeshalles.com

Six institutions se sont réunies pour consacrer une journée à l’étude de Luigi Pirandello et de son œuvre : l’Université d’Avignon, l’Université IULM de Milan, l’Institut italien de Culture de Marseille, la Maison Jean VilarBNF, ICTT et le Théâtre du Balcon. Dans ce cadre, Serge Barbuscia, directeur du Balcon, propose des lectures-spectacles à partir de deux ouvrages, Un sogno a Stoccolma (Pirandello Premio Nobel) d’Alberto Bassetti et Non domandarmidi me, Marta mia, de Katia Ippaso.

13 janvier Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 theatredeshalles.com

L’histoire d’une longue journée

© Hombeline Dumas

Un « théâtre mystérieux, musical et dansant. » Ainsi se présente ce spectacle, produit par Théâtre AGORA (Belgique), accompagné de TAK-Theater (Liechtenstein) et Dürener Kulturbetrieb (Allemagne). Le texte et la mise en scène sont d’Ania Michaelis, qui réunit trois comédiens. Accepter la différence de l’autre, même lorsqu’il bouscule nos habitudes, tel est le thème de ce spectacle familial, accessible dès 3 ans. A l’issue de la représentation, un goûter sera proposé et la venue de Saint-Nicolas n’est pas impossible...

21 décembre Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 theatredeshalles.com

Luigi Pirandello © X DR.

L’écriture de ce spectacle vient d’une rencontre entre les sciences et le théâtre. La collection Binôme propose ainsi de faire converser un scientifique et un dramaturge, qui aura ensuite la tâche de retranscrire théâtralement l’échange. L’auteur québécois Daniel Danis a donc tiré ce texte de sa discussion avec Stéphane Sarrade, chimiste et directeur de recherche au Commissariat à l’Énergie Atomique. La Cie Le Sens des Mots, à l’initiative du projet, en propose une version scénique.

Dans le cadre de Premiers Chapitres, événement organisé d’octobre à juin par les bibliothèques d’Avignon, Olivier Barrère propose une lecture du roman Dans la foule de Laurent Mauvignier. 1985, stade du Heysel à Bruxelles, jour de finale de Coupe d’Europe de football entre la Juventus de Turin et Liverpool. Les supporters anglais agressent les Italiens et un mouvement de foule va causer la mort de 39 personnes. L’écrivain imagine le drame tel qu’il a pu être vécu au cœur des tribunes.

15 décembre Le Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 theatredubalcon.org

Contes d’ici et d’ailleurs À l’issue des 15 ateliers mis en place dans plusieurs centres sociaux d’Avignon, conteurs, comédiens professionnels et participants volontaires aux ateliers proposent ces Contes d’ici et d’ailleurs. Serge Barbuscia, Aïni Iften et Fabrice Lebert seront sur scène. À noter que le prix d’entrée sera libre et la recette reversée à Kids Rock, association qui soutient des projets consacrés à l’enfance, notamment au Bénin.

10 & 11 décembre Théâtre des Doms, Avignon 04 90 14 07 99 lesdoms.be © Gilbert Scotti

Un gamin au jardin

© Marion Bajot

Orphelins

17 décembre Le Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 theatredubalcon.org


62 au programme spectacles vaucluse alpes var

Music-hall

Au point du jour

« Parler de la problématique de la comédienne, ou plus exactement de la solitude de la comédienne. » Telle est l’intention qui a motivé la Cie Afikamaya pour créer cette pièce de Jean-Luc Lagarce. La Fille, incarnée par Hélèna Vautrin, joue, chante, danse, comme elle le fait chaque soir, depuis toutes ces années. Entre l’illusion de la gloire et le besoin irrépressible d’être en scène. Elle mène sa vie d’artiste, sans cesse accompagnée de ses deux Boys, qui jouent avec elle la comédie de sa vie.

Pop-up, un fossile de dessin animé

15 & 16 décembre Théâtre Artéphile, Avignon 04 90 03 01 90 artephile.com

© SILEKS

La Cie italienne du Teatro delle Briciole fabrique une sorte de dessin animé sans logiciels informatiques et même sans caméra. Pas besoin d’entrer son identifiant pour ouvrir un livre. Le matériau du dessin animé sera un livre pop-up, que les interprètes manipulent jusqu’à le rendre vivant. Pas besoin non plus de casque ni de lunettes spéciales pour voir alors la 3D s’animer sous nos yeux.

En ces premiers jours de 2018, la Cie Presque Siamoises vous propose de commencer la journée en spectacle. Un petit déjeuner acrobatique et bourré de vitamines vous attend, mis en scène par Gilles Cailleau. Un p’tit déjà spectaculaire, où les tartines, les œufs à la coque et le café s’accompagnent de portés, de contorsions et de mélodies à l’accordéon. © Jacopo Niccoli

Le gros sabordage Chercher l’équilibre. Ou plutôt, trouver comment ne pas le perdre. Dans ce spectacle de La Mondiale Générale, ils sont cinq circassiens sur la piste, quatre hommes et une femme. Ils évoluent dans un décor instable, où la chute peut être dangereuse. De grosses poutres de bois sont dressées, ils tentent de tenir dessus. Ils avancent, ils tombent parfois, ils se relèvent, toujours, et ils essayent, encore. Avec une certitude solidement ancrée : ensemble, on est plus fort.

9 & 10 janvier La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu

L’autre Proust

Un Batman dans ta tête

© Feriel Boushak © EXIT

© La mondiale générale

Le texte de David Léon est un véritable plongeon dans la vie intime d’un ado accro aux jeux vidéo. Ce jeune garçon ne perçoit plus vraiment ce qui distingue la vie et son monde sur écran. Le personnage de son jeu est devenu un double double : un autre lui-même qui a pris sa place et un compagnon à qui il parle. Que maîtrise-t-il encore dans cette bascule vers la folie ? La Cie Exit confie le rôle à Clément Bertani, mis en scène par Hélène Soulié.

12 & 13 décembre La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu

11 au 14 janvier Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 theatre-du-brianconnais.eu

15 décembre Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 theatre-du-brianconnais.eu

Qui aurait imaginé que l’œuvre de Proust puisse être chantée ? C’est pourtant le spectacle inattendu que propose Farida Rahouadj, avec la complicité de Vincent Leterme. Difficile à imaginer aussi, mais l’austère Marcel Proust était amateur de chansonnettes légères. De celles qui fleurissaient dans les cabarets, entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle. La comédienne alterne ainsi entre les extraits chantés de textes de Proust et les chansons de Vincent Scotto ou Mistinguett. 19 au 21 décembre Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr


au programme spectacles var

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Amour et Psyché

Métamorphoses !

Un vaudeville à la russe. Ainsi pourrait-on résumer cette pièce de Mikhaïl Boulgakov. Mais derrière la comédie se cachent aussi la dimension politique et le témoignage sur l’époque. L’action se déroule en 1920, peu après la Révolution russe. Les bolchéviks ont pris le pouvoir, et la fuite, c’est celle des Russes blancs. La satire et le délire côtoient les drames et la douleur de l’exil. Macha Makeïeff met en scène ce texte avec une dizaine de comédiens.

« Un voyage moderne aux racines de la littérature. » C’est ainsi que Guillaume Cantillon présente ce projet d’adaptation de la célèbre œuvre d’Ovide. Sa Cie Le Cabinet de curiosités est associée au Théâtre du Rocher où elle y est en résidence permanente. En montant une telle œuvre antique, l’intention est de la faire résonner de toute sa modernité. La poésie classique et mythologique « agit comme contrepoint à l’actualité », explique le metteur en scène. Il en sera l’interprète aux côtés de Vincent Hours.

© Mario Del Curto

La Fuite

© X DR.

Le mythe de Psyché est ici revisité par Omar Porras. Le texte de base est la pièce écrite par Molière, assisté de Corneille et Quinault. Mais l’adaptation portée en scène s’inspire aussi des versions de La Fontaine ou Calderon de la Barca. L’histoire de l’amour impossible entre une mortelle et un Dieu résonne aujourd’hui, comme au temps de Molière, telle « une secousse qui fait trembler l’imaginaire. »

12 au 17 décembre Théâtre du Rocher, La Garde 04 94 08 99 34 ville-lagarde.fr

Alex Vizorek est une œuvre d’art

Le banquet de la Sainte-Cécile

© X DR

21 & 22 décembre Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr

Cocorico/Fair Play Deux spectacles au programme pour passer en fanfare de 17 à 18 ! Pour franchir le cap, le Liberté donne carte blanche à Patrice Thibaud, qui viendra avec son compère de scène Philippe Leygnac. Le duo jouera d’abord Cocorico, avec des personnages aussi tendres et attachants que timides et maladroits. Puis, place à Fair-Play, et l’univers du sport tourné en délire et en dérision. Dîner, champagne et musique seront aussi de la partie pour atteindre minuit. 31 décembre Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr

En toute modestie, l’humoriste belge, bien connu des auditeurs de France Inter, se considère en quelque sorte comme une œuvre d’art. Car, non seulement il incarne l’art, mais en plus, il a l’art de parler d’art. Avec beaucoup d’érudition, mais aussi de finesse, de talent, et d’art du décalage il disserte sur Visconti, Magritte, Paris Hilton ou Pamela Anderson. De quoi passer un bon Réveillon à Châteauvallon. 31 décembre Châteauvallon – Scène Nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com

Connaissez-vous l’Harmonie municipale de Chauvigny ? Jean-Pierre Bodin en fut l’un des membres (saxo alto de 6 à 26 ans) ; devenu acteur-auteur, il se fait le témoin amusé, discret et tendre de cette troupe bigarrée, de ses répétitions jusqu’aux jours de concerts, sans oublier le banquet qui les réunit une fois par an !

© Vincent Arbelet

© Pascal Victor

13 au 16 décembre Châteauvallon – Scène Nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com

12 décembre, Salernes 13 décembre, La Motte 14 décembre, Montferrat 15 décembre, Bargemon 17 décembre, St-Antonin-du-Var Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com


64 au programme spectacles var

CloC

Le concert

© Alexandra Ancel.

Nouveau cirque, magie, prestidigitation et création plastique… l’univers des deux artistes Maxime Delforges et Jérôme Helfenstein fourmille d’inventivité ! Entourés d’objets du quotidien qu’ils font apparaître ou disparaître, ils plongent les spectateurs dans leur monde absurde, instable, où l’illusion est reine. Avec eux le chaos est esthétique, la folie et l’imagination poétiques ! 19 décembre Pôle culturel Chabran, Draguignan 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com

13 décembre PôleJeunePublic, Le Revest-les-Eaux 0800 083 224 polejeunepublic.fr

Le tour complet du cœur

Bobines

13 & 27 janvier, 3 février Cité scolaire de Lorgues Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com

Bibeu et Humphrey sont des clowns musiciens qui aiment aussi beaucoup les images. C’est en musique que les deux trublions vont accompagner leurs numéros irrésistibles, faits de petits films, de prises d’images en direct et en interactivité avec le public, ainsi que de jeux d’optique. Sous une apparente naïveté et avec beaucoup d’humour, ils expérimentent en direct le lien entre ce que l’on est et ce que l’on veut montrer de soi.

15 décembre Espace des arts, Le Pradet 0800 083 224 polejeunepublic.fr

La clown Arletti (personnage créé il y a 30 ans par Catherine Germain) découvre l’amour, et la musique ! Pour rencontrer le percussionniste Philippe Foch elle va trouver le moyen d’entrer dans la salle de concert dans laquelle il joue. Le concert va s’en trouver perturbé, les deux interprètes aussi tant leur conception de la musique est différente ! Leur relation va se nouer lors d’un affrontement féroce, drôle et émouvant... 16 décembre PôleJeunePublic, Le Revest-les-Eaux 0800 083 224 polejeunepublic.fr

Je me réveille

© Sébastien Dechatre

© Jean-François Gaultier

37 pièces de Shakespeare en 3 heures, le tout interprété par un seul homme. C’est le défi que s’est lancé Gilles Cailleau, comédien, magicien, musicien, et acrobate. Poésies, illusions et émotions ne font qu’un lorsque l’artiste s’élance dans les airs en tenue de roi, se transforme en cracheur de flamme effrayé par le feu, ou encore en magicien attristé par ses propres apparitions. Virtuose, émouvant, et si drôle !

« Un clown ne peut être ni normal ni ordinaire. Un clown ne fait rien comme tout le monde. » Philippe Goudard est un drôle de clown, tout à la fois enseignant-chercheur mais aussi médecin et artiste. Dans ce spectacle il dévoile l’homme sous les facéties, les pitreries, la gestuelle et les symboles. L’introspection donne lieu à des numéros plus drôles les uns que les autres, tout en finesse. Et dans un partage généreux avec le public.

© C.Raynaud de Lage

© Blandine Soulage

Anatomie d’un clown

Un premier vrai concert pour les tout-petits (3 mois à un an) ! Mosai et Vincent mélangent dans leurs compositions acoustiques des poésies sonores, des percussions corporelles, des instruments à cordes et des samples pour les convier à la découverte de la musique et des instruments. Puis, place à la danse, lorsque les bambins sont invités à se lever et à danser sur des compositions électro. 10 janvier PôleJeunePublic, Le Revest-les-Eaux 0800 083 224 polejeunepublic.fr


au programme spectacles var alpes-maritimes

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Eclipse

Monsieur Ibrahim...

Après s’être perdu en forêt, un roi pénètre dans le territoire de son voisin, mi-dragon mi-monstre. Sa vie, et celle des sujets de son royaume, sera sauve s’il répond à une question : « Qu’est-ce que les femmes désirent le plus au monde ? ». La Cie XouY adapte un conte tiré de la Légende du Roi Arthur, en entremêlant théâtre d’ombres, marionnettes, danse et musique.

Dans les années 60, à Paris, un jeune garçon juif de 12 ans et un vieil épicier musulman vont se rencontrer et devenir amis. Le gamin au franc-parler abandonné et l’épicier arabe de la rue dans laquelle il traîne vont devenir père et fils de coeur, tissant une relation faite de bienveillance et de sagesse. Eric Emmanuel Schmitt, auteur du texte, joue les deux rôles, dans une mise en scène d’Anne Bourgeois.

© Paul Allain

© Francesca Torracchi

Un roi sans réponse

13 janvier PôleJeunePublic, Le Revest-les-Eaux 0800 083 224 polejeunepublic.fr

La nouvelle création d’Aïni Iften plonge dans l’invention du langage, à la racine des mots, « les mots magiques », ceux qui rendent libres comme le lui disait sa mère qui la berçait avec des contes traditionnels kabyles. Elle est partie loin pour les trouver, jusqu’à la Préhistoire où elle rencontre Asafuk, puis remontant le temps vers sa grand-mère et ses deux grands-pères. Des mots offerts qui la nourrissent aujourd’hui, et qu’elle peut enfin offrir à sa mère. Elle est accompagnée par Laure Vallès à l’accordéon.

Le fil des contes Dans un salon recréé pour donner l’illusion et l’intimité d’un appartement, une comédienne aux allures clownesque (Elena Bosco) va filer les contes. À chaque fil un conte, qu’elle prend garde à ne pas emmêler pour embarquer le public dans son récit : celui d’un monde rural qu’elle découvre, et dans lequel elle se sent étrangère et inadaptée. Grâce aux contes qu’elle connaît elle saura trouver sa place… Dans le cadre de la Semaine du conte (11 au 15 décembre).

Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran ECSVS, La Roquette-sur-Siagne Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com

Ciel ! mon placard Comme l’indique le titre, la pièce de Nicole Genovese (qui joue aussi) est une parodie des vaudevilles et divertissements bourgeois du XXe siècle. Autour du placard qui, on le sait, cache aussi bien les amants que les maris, la troupe énergique va dézinguer à tout va les poncifs du genre théâtral et les préjugés familiaux, dans un décor fait de bric et de broc et des costumes kitschissimes !

15 décembre Le Carré Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 carreleongaumont.com

13 décembre Le Carré Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 carreleongaumont.com

Sachez-le, l’humanité est menacée par une avalanche de nouvelles, qui s’accumulent jour après jour dans les journaux et dans nos esprits… La troupe du Cirque Bouffon propose des détournements fantaisistes et poétiques pour éviter de se laisser submerger, en conviant une drôle d’humanité composée de clowns, acrobates, danseurs, jongleurs et musiciens. De quoi nous faire retrouver l’allégresse du quotidien, l’esprit libre. 19 au 21 décembre ECSVS, La Roquette-sur-Siagne Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com

© Charlotte Fabre

© Francesca Torracchi

Solvo

12 janvier Salle Mistral, Pégomas 13 janvier Espace du Thiey, Saint-Vallier-de-Thiey 14 janvier Salle Daudet, Peymeinade Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com


66 au programme spectacles alpes-maritimes

Le loup qui voulait être un mouton

Madame Bovary

Les livres de Mario Ramos sont de ceux qui font le plus réfléchir et rêver les tout-petits. La Cie Prod Ladgy a choisi d’adapter cette histoire de loup gentil, qui ne pense qu’à être un mouton, parce qu’il les a vus parfois s’envoler. Avec des marionnettes très stylisées, l’aventure se déroule tout en douceur, sans oublier que le danger rôde, surtout pour le loup poète.

Attention, spectacle culte ! En 2012, Irina Brook créait cette version rock de la pièce d’Ibsen, promenant le héros prêt à tout pulvériser pour briller jusque dans les bas-fonds new-yorkais, Iggy Pop au son, adaptation du texte par le poète Sam Shepard, danse indienne et drame humain, le tout interprété par une troupe internationale au top. Ibsen en version comédie musicale, saga fantastique, conte de fées. Du théâtre total.

16 décembre Salle Juliette Greco, Carros 04 93 08 76 07 forumcarros.com

© Gaelle Simon

Monsieur Mouche

12 & 13 janvier Théâtre national de Nice 04 93 13 90 90 tnn.fr

© Frédéric de Faverney

© Manuelle Toussaint

15 au 21 décembre Théâtre national de Nice 04 93 13 90 90 tnn.fr

Dans cette adaptation de Paul Emond, 4 comédiens rejouent le roman de Flaubert. Une femme (Sandrine Molaro, Molière révélation 2016 pour ce rôle) et trois hommes. Alors l’étourdissement, la quête du frisson, de liberté, de poésie, peut commencer. Madame invente, résiste, plie et se replie, le drame se noue, dans une mise en scène habile aux accents de road movie, où le souffle de l’auteur porte le jeu des acteurs contemporains. 12 décembre Scène 55, Mougins 04 92 92 55 67 mougins.fr

Le cirque invisible

On ne parle pas de monstres sacrés pour le cirque. Mais pour eux, l’expression semble être consacrée. Victoria Chaplin et Jean-Baptiste Thierrée (les parents de James, figure du cirque contemporain) redonnent leur magnifique Cirque invisible, vu dans le monde entier. Lui, malicieux magicien aux costumes extravagants, elle, as de la métamorphose. Féérie et poésie ne sont ici pas de vains mots : ils irradient la scène.

© Brigitte Enguerand.

© LadgyProd.

Peer Gynt

Le Horla Le comédien niçois Samuel Chariéras adapte le célèbre texte introspectif de Maupassant, où il incarne ce personnage qui ausculte son esprit peu à peu envahi par la démence. Il signe une mise en scène entre théâtre et illusion, dans un spectacle qui flirte avec l’univers fantastique, parfois effrayant, des méandres de la pensée qui échappent les limites. À partir de 13 ans. 10 au 19 janvier Théâtre national de Nice 04 93 13 90 90 tnn.fr

Que fait-on lorsqu’on n’a rien à faire ? Tout ! Changer une ampoule peut se révéler plein d’imprévus (musicaux, poétiques, drôles), lorsqu’on a une âme rêveuse et clownesque. Thomas Garcia transcende ses talents de musicien facétieux dans l’incarnation de ce Monsieur Mouche qui promène sa folie douce sur toutes les scènes françaises, devant un public où tous les âges se réunissent dans un grand éclat de rire. 20 décembre Scène 55, Mougins 04 92 92 55 67 mougins.fr


au programme spectacles alpes-maritimes monaco hérault

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Viva Momix Forever

Price

Dwight Rhoden, directeur du Complexions Ballet contemporain de New York, entraine les 21 danseurs du Mariinsky Ballet (l’étoile Denis Matvienko en tête), sur une partition de Konstantin Meladze, dans une chorégraphie qui marie classique et contemporain. Les années 20 flamboient, l’amour brûle, la vanité ronge, Gatsby s’abîme dans la fortune. L’écriture de Fitzgerald, on le savait, est cinématographique. La voici qui se fond dans un ballet.

Steve Tesich est l’auteur de deux romans, dont un posthume, et pourtant, il représente un pan important de la littérature américaine. Rodolphe Dana (Collectif Les Possédés) adapte et met en scène le premier, récit autobiographique axé sur les années de jeunesse de l’écrivain. Comment réussir là où le père a échoué ? Quelle place laisser à l’amour face au besoin d’écrire ? Une pièce d’apprentissage, une ode aux espoirs adolescents.

14 & 15 décembre Opéra de Monte-Carlo 00 377 99 99 30 00 balletsdemontecarlo.com

© Jean-Louis Fernandez

16 & 17 décembre Grimaldi Forum, Monte-Carlo 00 377 99 99 30 00 balletsdemontecarlo.com

13 au 16 décembre Théâtre de l’Odéon, Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com

La mégère apprivoisée

Bled runner

Que des noms prestigieux ! Shakespeare (d’après), Chostakovitch (musique), Ernest Pignon-Ernest (scénographie) : Jean-Christophe Maillot est bien entouré pour cette majestueuse création (2014, pour le Bolchoï, tournée mondiale) qu’il remonte pour les danseurs du Ballet de Monte-Carlo. La thématique est physique et morale : trouver son autre moitié, dans l’océan de conventions et d’incertitudes de la vie en société.

© Regina Brocke

Marco Goecke, habitué de Monte Carlo, revient avec une pièce inspirée de la vie et personnalité légendaire du chorégraphe russe (son extraordinaire puissance créatrice, ses tourments, sa gloire, sa schizophrénie, son génie du mouvement). Sur des musiques de Chopin et Debussy, le style de Goecke se déploie entre minimalisme, énergie, et puissants jeux d’ombres et lumières.

Fellag, seul en scène, conte, analyse et poétise les relations Algérie-France (et vice versa) depuis 20 ans. Et surtout, il rend tout cela (la colonisation, la décolonisation, l’indépendance, le racisme, la domination, l’immigration…) si drôle que tout devient simple, finalement. Le « bledard » nous offre un florilège de 20 ans de scène. Quand le rire devient une arme de résistance et une clé pour envisager l’avenir.

28 décembre au 5 janvier (sauf 1er) Grimaldi Forum, Monte-Carlo 00 377 99 99 30 00 balletsdemontecarlo.com

© Christophe Vootz

Nijinski

En 2015, la Cie Momix fêtait ses 35 ans de scène. L’occasion pour son directeur artistique Moses Pendleton de célébrer en public cette longévité. La pièce réunit trois décennies de succès. Les plus anciens (Momix Classics, Passion, Baseball, Opus Cactus, Lunar Sea), les plus récents, comme Botanica ou le succès planétaire d’Alchemia. Pour ceux qui connaissent le travail de la compagnie, les retrouvailles seront joyeuses, et pour les petits nouveaux, la découverte sera riche de sensations.

© Alice Blangero

31 décembre Palais des festivals et des congrès, Cannes 04 92 98 62 77 palaisdesfestivals.com

© Andrea Chemelli

The Great Gatsby

14 & 15 décembre Le Cratère, Alès 04 66 52 52 64 lecratere.fr 16 décembre sortieOuest, Domaine départemental de Bayssan, Béziers 04 67 28 37 32 sortieouest.fr


68 au programme spectacles hérault

Zone optimum de bonheur

Boxe Boxe Brazil

Le sigle de cette opération menée par la coopérative Label vie (Cie Gravitation) pique un peu ! Oui, oui, ça fait ZOB… Et il s’agira de trouver le meilleur slogan pour définir cette zone tant recherchée, située quelque part à la Grand’ Combe. Dans quel quartier, quelle école, coin de rue est-on à son maximum de bonheur ? L’enquête sera menée, et une restitution (courts-métrages, ateliers, impro) des plus joyeuses sera proposée à l’issue.

Entre autreS

8 au 16 décembre La Grand’ Combe 04 66 52 52 64 lecratere.fr

© Michel Cavalca

Le Centre des Arts du Cirque Balthazar (Montpellier) offre à ses stagiaires de première et deuxième année en formation professionnelle une confrontation avec le public. Tous les modules (solos, duos, collectifs), de nombreuses disciplines (jonglerie, voltige, équilibre), tout un monde à inventer et à partager avec les spectateurs, Entre autreS. 16 décembre Domaine départemental d’O, Montpellier 0 800 200 165 domaine-do-34.eu

The Crazy Mozarts

© JM Coubart

Saut / Bal Trap Deux spectacles de cirque, par le Collectif Bigbinôme et la Cie La Contrebande. Les 4 du premier et les 6 de la seconde s’adonnent tous au saut. Toujours plus haut, toujours plus risqué, il s’agit de laisser agir le grain de folie en chacun, et surtout de se faire confiance les uns les autres. Alors on repousse les limites, et les corps jonglent entre eux.

Ils ne sont que deux sur scène (Sebastiàn Guz, qui trimballe son personnage El Nino Costrini dans le monde entier depuis 20 ans et Santiago Blomberg, le complice, le pianiste) et pourtant cela grouille de vies et d’histoires sur le plateau. Tous les registres défilent, entre cirque et délires, suspens, humour, réflexion sociale… Sans oublier ce que peut donner chaque fois le public, convié à exister à chaque représentation.

La Cie Käfig a 20 ans… Mourad Merzouki a fait plusieurs fois le tour du monde avec ses créations. Il reprend aujourd’hui Boxe Boxe, chorégraphie de 2010 au succès retentissant, dans une version brésilienne. Il associe ainsi 9 danseurs cariocas à l’écriture hip hop du spectacle d’origine. Le tout sur la musique jouée en direct par le quatuor Debussy. Contrastes enrichissants entre les cultures et les registres, le chorégraphe enrichit encore son (notre) ouverture au monde. 19 & 20 décembre Le Corum, Montpellier 0 800 600 740 montpellierdanse.com

Blanc

Bal Trap © Christophe Raynaud de Lage

© Gilles Aguilar

17, 20, 22 & 23 décembre Le Cratère, Alès 04 66 52 52 64 lecratere.fr

16 & 17 décembre Domaine départemental d’O, Montpellier 0 800 200 165 domaine-do-34.eu

Au creuset des cultures sud-américaine et européenne, Vania Vaneau livre un spectacle envoutant. S’inspirant de ses origines brésiliennes, la chorégraphe interprète un solo où son corps se laisse traverser par des présences multiples. Elle tourne, tourne, et peu à peu se laisse recouvrir par des couches successives de costumes, d’histoires, de cultures. Accompagnée par Simon Dijoud à la guitare. 12 décembre ICI, Centre Chorégraphique National de Montpellier 04 67 60 06 79 ici-ccn.com


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L’Odyssée de la moustache

L’Enfant cachée dans l’encrier

En partenariat avec le Centre Chorégraphique, la Cie montpelliéraine PulX anime des ateliers hebdomadaires destinés à créer du lien entre les habitants au sein des quartiers Lemasson, Celleneuve et Pompignane. Les créations de ces « habitants-amateurs-danseurs » sont présentées au studio Bagouet. Chaque fois, une nouvelle aventure, une expérience riche, un spectacle en partage.

Joël Jouanneau est de ceux qui ont donné ses titres de noblesse au théâtre « pour jeune public ». Ses textes et mises en scène élèvent le genre (si tant est qu’il y en ait un) au rang de spectacle tout court. Ellj, garçon solitaire dans le château de son père absent, découvre une petite sœur au fond de son encrier. Il faut la libérer. Larguez les amarres ! Le plateau devient radeau, île déserte, banquise. Et le cahier le témoin de notre enfance à tous.

Ali Bougheraba a une petite fille, et tant mieux pour nous. Parce qu’il nous fait partager les histoires qu’il lui raconte chaque soir, lorsqu’il tente de répondre au mieux (c’est à dire avec humour, intelligence et légèreté) à ses questions d’enfant –les plus ardues. Seul en scène, il aborde quantité de sujets, de la peur à l’amour, de l’identité à la vieillesse. Dans la lignée de Ali… au pays des merveilles, qui l’avait fait connaître, lors du festival Arabesque 2011.

Trois-quatre petites pièces pour vélo Soyons précis : il ne s’agit pas de cirque, mais d’acrobatie dansée sur BMX. Peut-être que le spectacle de Jean-Pierre Carrus (créé en 2006) est tout simplement du théâtre. Avec deux comédiens : l’acrobate et le vélo. Mise en scène du cycle, langage qui roule, variations rythmée et symbiose entre l’homme et son véhicule.

20 & 21 décembre Théâtre Jean Vilar, Montpellier 04 67 40 41 39 theatrejeanvilar.montpellier.fr

© Stéphane Coupé

L’Oubli

13 & 14 décembre Théâtre Jean Vilar, Montpellier 04 67 40 41 39 theatrejeanvilar.montpellier.fr

13 décembre Théâtre Molière, Sète 04 67 74 66 97 theatredesete.com

Je brasse de l’air Depuis 10 ans, Magali Rousseau est une inventrice de mécanismes poétiques. Ressorts, manivelles, boulons, tout prend vie lorsqu’elle les assemble. Dans ce spectacle, elle se met en scène avec ses compagnes d’acier. Sur un texte intime et simple, elle nous raconte leur histoire, qu’elle partage et habite. Les rouages s’animent sous les mots, les matières deviennent sensibles, et leur Pygmalion nous aident à les (nous) comprendre.

Le roman de Frederika Amalia Finkelstein, jeune auteure de 24 ans, est inconfortable. Elle le revendique. Il s’agit de Shoah, et elle cherche à provoquer (le débat, les sentiments, la sensibilité). Julie Benegmos (Cie Libre Cours, Montpellier) adapte, joue et met en scène ce texte. Alma, le personnage de l’Oubli, se perd dans le monde virtuel pour oublier ce qu’on lui intime de se souvenir. Elle voudrait s’échapper d’une mémoire qui lui échappe. Dans un décor de jeu vidéo. Création. 10 & 11 janvier Théâtre Jean Vilar, Montpellier 04 67 40 41 39 theatrejeanvilar.montpellier.fr

© Julien Joubert

8 & 9 janvier ICI, Centre Chorégraphique National de Montpellier 04 67 60 06 79 ici-ccn.com

© Raphaël Arnaud

© Vincent Bartoli

© Johann Hierholzer

District Danse, saison 3

11 & 12 décembre Théâtre sortieOuest, Domaine de Bayssan, Béziers 04 67 28 37 32 sortieouest.fr


70 au programme cinéma bouches-du-rhône

Problemski hotel

Livres au cinéma

Le ciné allemand à l’honneur

Problemski Hotel © Wayan Pitch

Quelque part dans un immeuble désaffecté de Bruxelles, un groupe de réfugiés, sans papiers. Bipul aime Lidia. Lidia aime Bipul. Lui veut arrêter le voyage, rester en Belgique. Elle, veut aller plus loin... Manu Riche, créateur de la fameuse émission Streap-tease qui déshabillait, sans commentaire ni explication, la vie des gens, adapte ici un roman de Dimitri Verhulst, écrivain flamand à succès, déjà auteur de La Merditude des choses porté à l’écran par Félix Van Groeningen en 2009. Suivi d’un débat animé par la CIMADE

Deux thèmes et quatre films à découvrir au Mucem pour ce temps fort consacré à la Cinémathèque allemande. En décembre, pour les grands classiques du cinéma weimarien, deux films des années 30 seront au programme. La tragédie de la mine, réalisé par G.W Pabst, se déroule au sortir de la guerre de 14. Dans les mines de Lorraine, le travail a repris, la présence d’ouvriers allemands y est très mal vécue. Le Testament du Docteur Mabuse, de Fritz Lang, est la célèbre histoire d’un criminel psychopathe qui sème la terreur. Changement d’époque et de contexte en janvier, avec la Nouvelle vague des années 60 en RFA et en RDA et deux visions d’un couple qui se sépare. Côté Ouest, Le Poirier, Madame, de Christian Rischert, et côté Est, Génération 45, de Jürgen Böttcher. Le Journal D’une Femme De Chambre © 1964 Studiocanal – Dear Film Produzione S.p.a. Tous Droits Réservés. Photographe : Jean-Louis Castelli.

13 décembre Cinéma Le Gyptis, Marseille lafriche.org

Forzani au Gyptis

Génération 45, Jürgen Böttcher

22 décembre & 12 janvier Mucem, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org

Voyage à travers le cinéma français Laissez bronzer les cadavres © Shellac

Bruno Forzani présente deux films coréalisés avec Hélène Cattet : L’Étrange couleur des larmes de ton corps (2013) et le petit dernier : Laissez bronzer les cadavres (2017). Le premier fait référence au giallo : un homme enquête sur la disparition de sa femme et s’enfonce peu à peu dans le gouffre de son appartement. Le second se déroule dans un village abandonné où un artiste a élu domicile, et où des gangsters se replient après avoir braqué une grande quantité de lingots d’or. Une adaptation du roman de Manchette et Bastid rendant un hommage au polar anar des années 80. 22 décembre Cinéma Le Gyptis, Marseille lafriche.org

Art et Essai Lumière propose un Voyage à travers le cinéma français, le documentaire de Bertrand Tavernier ; «un acte de gratitude envers tous ceux, cinéastes, scénaristes, acteurs et musiciens qui ont surgi dans ma vie. La mémoire réchauffe : ce film, c’est un peu de charbon pour les nuits d’hiver. » En présence d’Emmanuelle Sterpin, première assistante du réalisateur.

Le jour se lève, Marcel Carné © Pathé distribution

17 décembre Cinéma Eden-Théâtre, La Ciotat 04 88 42 17 60 edencinemalaciotat.com artetessailumiere.fr

Des chefs-d’œuvre de la littérature portés à l’écran, c’est le thème de ce cycle de films, conférences et lectures, qui s’étend de novembre à avril 2018. Une quinzaine de salles de la région accueilleront la programmation, préparée par l’association Cinémas du Sud. À noter parmi les rendez-vous sur le territoire de l’Ouest provençal, la projection du Journal d’une femme de chambre, de Luis Buñuel, accompagnée par une lecture d’extraits du roman éponyme d’Octave Mirbeau. Valérie Barral et Thierry Paillard, de la Cie Le Rouge et le Vert, s’en feront les interprètes. À retrouver le 10 décembre à l’Espace Robert Hossein à Grans, le 12 au Coluche à Istres, le 14 à Actes Sud à Arles, le 15 aux Lumières à Vitrolles, et le 17 à l’Odyssée à Fos. 12 novembre au 15 avril Divers lieux, région PACA 04 13 41 57 90 cinemasdusud.fr


au programme cinéma bouches-du-rhône vaucluse hérault

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El Presidente

Naïs

At (H)ome

Dernières séances de l’année pour le cycle des Intemporels, qui se conclura avec ce film de Raymond Leboursier. L’adaptation de la nouvelle de Zola est signée Marcel Pagnol. Naïs est une jeune paysanne. Toine le bossu, incarné par Fernandel dans un de ses plus grands rôles, est amoureux d’elle. Mais elle s’éprend d’un garçon de la ville.

De 1961 à 1966, la France réalisa des essais nucléaires dans le Sahara. Commencée avant l’indépendance de l’Algérie, cette série se poursuivit ensuite avec l’accord du gouvernement algérien. En 1962, l’un de ces essais causa un très grave accident. Élisabeth Leuvrey relate cette histoire méconnue, recueillant la parole d’habitants et dévoilant des images de paysages irradiés. La réalisatrice sera présente pour un débat, ainsi que Patrice Bouveret, directeur de l’Observatoire des armements.

Naïs © cinema éternel

El Presidente © Pablo Franco

13, 17, 20, 24 décembre Cinéma L’Odyssée, Fos-sur-Mer 04 42 11 02 10 scenesetcines.fr 14, 17 décembre Espace Gérard Philipe, Port-St-Louis 04 42 48 52 31 scenesetcines.fr 19, 26 décembre Espace Robert Hossein, Grans 04 90 55 71 53 scenesetcines.fr

Cet obscur objet du désir Ultime œuvre réalisée par Luis Buñuel, alors âgé de 77 ans, présentée dans le cadre du temps fort « Un souffle de liberté » qui lui est consacré par l’Utopia. Ce film est marqué par une originalité, celle de faire jouer un même rôle à deux actrices, Carole Bouquet et Angela Molina. Incarnant les deux facettes d’une femme qui joue à séduire un homme sans jamais lui céder. La projection sera suivie d’un débat avec Jean-Paul Campillo, professeur à l’Université d’Avignon.

Un réveillon de Noël sur la Cordillère des Andes, ou presque ! En découvrant en avant-première le film de Santiago Mitre. L’œuvre du réalisateur argentin se déroule dans un hôtel isolé au cœur des montagnes andines. Un sommet de chefs d’états latino-américains y a lieu, quand l’un d’eux est rattrapé par un scandale de corruption. Politique et humour acide sont au programme, servis par l’excellent comédien argentin, Ricardo Darín (Dans ses yeux). 24 décembre Cinéma Utopia, Avignon

04 90 82 65 36 cinemas-utopia.org

Ex Libris, The New York public library Depuis 50 ans, Fredrick Wiseman filme en profondeur les grandes institutions, aux USA et dans le monde. Son dernier documentaire est une véritable immersion dans le fonctionnement de la bibliothèque de New York, ses missions, ses usagers, ses employés. Projection suivie d’un débat avec Agnès Defrance, de la médiathèque Pierresvives, et Pascal Wagner, de celle de Saint-Jean de Védas.

At(Home) d’Elisabeth Leuvrey © Les Écrans du large

13 décembre Cinéma Utopia, Montpellier 04 67 52 32 00 cinemas-utopia.org

Nothing to hide Rien à cacher ? Et alors ! Ce n’est pas pour autant que nous devrions accepter la surveillance de masse qui se développe sans frein. Ce documentaire de Marc Meillassoux et Mihaela Gladovic suit un jeune artiste berlinois qui « accepte » d’être surveillé pendant un mois via son téléphone et son ordinateur. Les données renseignées (heures et nombre d’appels, géolocalisation, etc), sans accès aux contenus, révèlent déjà beaucoup (trop). Débat avec Myriam Criquet et Pascal Arnoux de l’association Montpel’libre.

11 décembre

PierresVives, Montpellier 04 67 52 32 00 cinemas-utopia.org Cet Obscur Objet Du Dêsir © Carlotta Films

15 décembre Cinéma Utopia, Avignon

04 90 82 65 36 cinemas-utopia.org

Nothing to hide © DR.

19 décembre Cinéma Utopia, Montpellier 04 67 52 32 00 cinemas-utopia.org


72 critiques cinéma

Emma et ses doubles

Emma Suarez dans Les filles d’Avril © Version Originale/Condor

L

e 10 novembre, le 16 Festival du Cinéma Espagnol de Marseille rendait hommage à sa marraine : Emma Suarez. Au programme, les remises très officielles de la Médaille de Marseille et du trophée CinéHorizontes, une rencontre avec l’actrice et la projection de deux films séparés par 20 années, tous deux sélectionnés à Cannes. L’écureuil rouge du réalisateur espagnol Julio Medem en 1993 pour La Quinzaine et Les filles d’Avril du Mexicain Michel Franco en 2017, dans la Section Un certain regard (Prix du jury présidé par Uma Thurman). Dans le premier, Emma Suarez a 29 ans, dans le second 53 mais dans les deux, celle qui débuta dans le métier à 14 ans, incarne son personnage avec une conviction, une grâce une subtilité de jeu inchangées. L’écureuil rouge est un film en eaux troubles : celles que la caméra immergée parcourt dès la première séquence, celles de l’état amoureux entre une histoire qui finit et une autre qui naît, celles des faux-semblants que Julio Medem agite comme une cape de torero. Sur la jetée de San Sebastian, Jota, ancien chanteur du groupe de rock Las Moscas, plaqué par la chanteuse, s’apprête à mourir en sautant du haut d’un pont sur des rochers, lorsque devant lui une moto franchit le parapet et s’écrase en contrebas sur la plage. Jota porte secours au motard couché sur le sable, et en levant la visière du casque découvre les beaux yeux d’une femme (ceux d’Emma Suarez !) qui se prétend amnésique et à laquelle il va donner e

le prénom de son amour perdu, inventer une vie, un passé avec lui. Jota emmène la belle au camping L’écureuil rouge. On croise un chauffeur de taxi fou de vitesse, macho et violent, une femme au foyer soumise, une autre aux mœurs légères, des enfants qui se donnent d’étranges jeux de rôles, la radio met en garde contre un chauffard meurtrier. Engrenage des mensonges, fausses pistes, malaise... Avant de recoller les éléments du puzzle, de révéler les ruses du hasard dans les jeux de l’amour, le scénario égare avec malice le spectateur. Les filles d’Avril navigue tout autant en eaux troubles. Plus profondes. Il ne s’agit plus de jeu. Et on ne sourira pas à une fin qui, sous des dehors de relatif happy end s’ouvre sur un avenir assombri par une névrose familiale tenace et peut-être «transmissible». C’est un film cruel, dérangeant qui bouscule l’image sacro sainte de la mère, explore la part sombre de l’amour maternel. Valeria a 17 ans. Elle vit au Mexique dans une maison près de la mer avec sa grande demi-sœur Clara de 30 ans et le père de son bébé, jeune homme immature mais attentionné. Elle a caché sa grossesse à sa mère, Avril, (interprétée par Emma Suarez) qui vit loin de là et a divorcé depuis longtemps du père de Valeria, lequel remarié à une jeune femme a engendré deux autres enfants. Avril, quinquagénaire solaire, sensuelle, adepte du yoga, alertée par Clara, arrive pour aider Valeria. Bonne intention, bienveillance de mère et de grand-mère qui

va glisser vers la vampirisation de la vie de ses filles, le vol du bébé et de son géniteur. Avril, ivre d’une jeunesse et d’une énergie amoureuse illusoirement retrouvées, est-elle un monstre ? Comme Faust, on vend facilement son âme au diable pour rester jeune, aimé, aimant. Poids des névroses dévastant chacune de ces trois femmes de générations différentes : Avril, ses échecs mal digérés, son désir de rester femme et mère, Clara sans amour, seule, trop grosse, qu’Avril oblige à maigrir la vidant de sa substance, Valeria mère-enfant qui ne veut plus voir son père et dont l’apparente faiblesse cache une force incroyable. Et que dire du devenir du bébé de Valeria, une fille (aussi !) qui ne cesse de pleurer ! Le réalisateur se garde de porter un jugement et semble adopter comme celles dont il fait le portrait, l’omission, « ne le dis pas à... » étant une de leurs répliques favorites. Sa caméra colle aux personnages, se veut objective. Aucun accompagnement musical pour adoucir les mœurs. Emma Suarez est si convaincante dans ce rôle qu’elle a demandé en souriant au public du Prado de ne pas la confondre avec cette mère perverse et de l’aimer quand même après le film. On ne l’en a aimée que davantage. ELISE PADOVANI

Le festival CineHorizontes s’est déroulé du 9 au 17 novembre. Voir le palmarès sur cinehorizontes.com


critiques arts visuels

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L’Aflam de la mémoire L’idée de maison

Au balcon de Titi © ELANs (Espace libre des Arts Nomades)

L

es 5e Rencontres internationales des cinémas arabes ont mis au cœur de leur réflexion la mémoire. Par son hommage à Ahmed Bouanani (1938-2011), magnifique artiste qui n’a cessé de travailler sur celle du Maroc, amputée, refoulée, déformée, et dont la fille Touda Bouanani s’est donnée pour mission de promouvoir l’œuvre, profuse, avant-gardiste, multiforme, essentielle pour les générations à venir. « Je suis né au Royaume des fausses mémoires » écrit le cinéaste-poète. D’où venons-nous ? Et comment nous en souvenons-nous ? Ces questions bouananiennes, on les a retrouvées dans Le Roman algérien/Chap. 1 de Katia Kameli et Au balcon de Titi de Yasmina Benari. Dans le premier, la vidéaste s’interroge sur le succès commercial d’un kiosque nomade au cœur d’Alger, qui propose depuis des années de vieilles cartes postales, des timbres, d’anciennes photos d’hommes politiques : tout un fond iconographique éclectique figurant l’ère coloniale et post coloniale. En voix off, devant les murs d’images sous plastique, des intellectuels analysent ce besoin de « romance » : présent étouffant, futur anxiogène, pour 20 dinars, on acquiert une identité nationale revalorisée, on s’approprie une ville conçue par d’autres, on nourrit sa nostalgie ou on comble les lacunes de l’histoire officielle des manuels, on se reconnaît ou se réinvente. Dans le second, la jeune réalisatrice fait le portrait de Titi, militant communiste cairote de plus de 80 ans, filmé dans son appartement du Caire, qu’il occupe comme ses parents et grands parents avant lui et dont le long balcon filant s’ouvre sur la Place Tahrir. Un lieu où depuis des générations convulse l’Histoire. De là, il a vu les radars de la défense antiaériennes pendant la Seconde Guerre mondiale, l’incendie du Caire en 52. Et le temps a passé : il a photographié, a été photographié, enfant, jeune homme, mari, père. Titi raconte l’engagement, ses 10 ans de prison, ses doutes, son désenchantement devant le retour des conservatismes. Entre les gestes du quotidien, les remarques incongrues sur la mort de Louis de Funès ou les baskets neuves de la cinéaste hors champ, au moment de passer la main à d’autres, Titi donne une leçon d’histoire vivante parce que, dit-il : « Tu comprends, on oublie tout ça. On oublie l’Histoire. »

Espejismo, de Marcelo Torretta

P

rolongeant le travail de sa pièce La Maison, l’artiste plasticien-metteur en scène-acteur-commissaire d’exposition, Gustavo Giacosa propose à la Cité du Livre, galerie Zola, une exposition qui décline les thématiques ou plutôt les « ouvertures narratives » de sa pièce, par groupes d’opposition : dedans/dehors, adultes/ enfants, ordre/désordre, présences/absences. Deux sas instaurent cette poétique des doubles : on entre d’abord dans une petite pièce cubique peinte de noir, un tapis Welcome nous accueille, des images de la pièce défilent sur un écran, face à nous une porte qu’il est prié de refermer. Éblouissement de blancheur, un long couloir autorise l’accès à l’exposition par ses deux extrémités, les portes blanches donnent la même consigne que la première. Selon votre choix d’itinéraire, vous découvrez face à vous, soit le tableau de l’affiche, Otra vez de Marcelo Torretta, aux teintes fondues, soit la tapisserie aux couleurs vives de Stéphane Blanquet, Cuirs à l’Aurore à Demi-Feutrée. De nombreuses pièces, côte à côte, reproduisent ce jeu des contraires, entre tailles, couleurs, lieux, comme un essai de creuser l’intime dans les failles… Cafetières italiennes réunies par des cordons électriques de Franco Belluci, les photographies d’une véranda détruite puis reconstruite (Javier Olivera, Reconstruction (del desastre)III, tirage numérique). Les peurs des contes habitent l’imaginaire, comme le loup, que le petit Chaperon rouge (de José Benito, Bois Polychrome) a visiblement apprivoisé… Très riche, avec une diversité de regards, d’inspirations, de matériaux, de techniques, l’exposition rend compte aussi de l’art contemporain avec une belle acuité. On restera fasciné par le couple qui s’enfonce insensiblement dans l’eau, en un plan fixe troublant (vidéo Gustavo Giacosa). La plupart des œuvres font partie de la collection privée de l’artiste (Giacosa-Ferraiuolo). Une manière encore de montrer combien l’art nous renvoie à nous-mêmes, en toute subjectivité… MARYVONNE COLOMBANI

ELISE PADOVANI

Les 5e rencontres internationales des cinémas arabes se sont tenues à Marseille du 21 au 26 novembre.

La Maison jusqu’au 30 décembre Galerie Zola, Cité du Livre, Aix-en-Provence 04 42 91 99 19 aixenprovence.fr/sic12.org


74 au programme arts visuels bouches-du-rhône

Bon anniversaire ! Ce sera le deuxième volet pour fêter les 25 ans de la galerie, un des lieux associatifs historiques de la ville pour l’art contemporain. Le commissariat a été confié à Anne-Marie Pêcheur (co-fondatrice avec Jean-Baptiste Audat). Lecture performée de Jean-Paul Thibeau le 14 décembre, et édition d’un catalogue rétrospectif. C.L. jusqu’au 6 janvier Galerie des Grands Bains Douches de la Plaine, Marseille 04 91 47 87 92 art-cade.org

Une œuvre de Yassine Zaiat, présentée lors du premier volet conçu par François Bazzoli. Photo : Michel Disnet

Philippe Weisbecker « En dessinant un tuyau, un lavabo ou encore une vis, j’essaie d’appréhender avec la même passion que je le ferais pour un paysage ou portrait... ». À travers une sélection de dessins, peintures et volumes réalisés ces 20 dernières années, voici l’opportunité de redécouvrir l’œuvre de ce dessinateur protéiforme plus connu au Japon et aux États-Unis. C.L. Elémentaire 9 décembre au 28 janvier Studio Fotokino, Marseille 09 81 65 26 44 fotokino.org © Philippe Weisbecker

Viva la revolución gráfica ! Invité au Mexique et en Colombie en 2016 et 2017, le Dernier Cri a noué des liens solides avec les artistes qu’il invite à l’occasion de trois événements : l’exposition des installations des mexicains Dr. Lakra, Abraham Diaz et du collectif Los Lichis, le salon international du multiple et de la micro-édition Vendetta #05 et son « excroissance siamoise et sonique » Vendetta Tatatatata. M.G.-G. Viva la revolución gráfica ! Tour Panorama, Friche la Belle de Mai, Marseille 16 décembre au 4 février 04 95 04 95 95 lederniercri.org Vendetta Tatatatata L’Embobineuse, Marseille 15, 16, 17 décembre 04 91 50 66 09 lembobineuse.biz © Dr Lakra, exposition Viva revolucion grafica, Le Dernier cri 2017

Quels Maîtres ! Ils ont plusieurs sujets en commun comme le portrait, leur passion pour la corrida, le cirque, leur intérêt pour les maîtres anciens et le souci de leur pays. Une soixantaine d’huiles, dessins et sculptures de Fernando Botero se mesurent au mythe Picasso. Entre désir d’être tant classiques qu’anti-conformistes avec des esthétiques bien divergentes. C.L. Botero dialogue avec Picasso jusqu’au 11 mars Hôtel de Caumont-Centre d’Art, Aix-en-Provence 04 42 20 70 01 caumont-centredart.com

Fernando Botero, Trapèze volant, 2007, crayon sur papier, 30 x 40 cm, collection privée. © Fernando Botero


au programme arts visuels bouches-du-rhône var

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Sylvie Huet Les retrouvailles ont eu lieu grâce à une brocante. Un ours en peluche, l’enfance, les souvenirs qui remontent. Depuis, ce confident intime ainsi que ses copains mènent une vie parallèle sous l’objectif de Sylvie Huet. Les photographies sont tirées de son livre A story of bears, publié chez Dewi Lewis en 2014. C.L. Portraits officiels jusqu’au 6 janvier Flair Galerie, Arles 09 80 59 01 06 flairgalerie.com

Alan Measles, 51 ans. Confident de Grayson Perry. Londres, 2013 Tirage argentique © Sylvie Huet

Innovants

Dans le cadre de son think tank Atelier LUMA, la fondation arlésienne ouvre son prochain programme de bourse de recherche aux designers, architectes, chercheurs et autres praticiens invités à proposer des projets innovants et engagés en relation avec l’un de ses six thèmes de travail et intégrant le potentiel des ressources locales. Limite de dépôt des dossiers le 5 janvier. C.L. Fondation LUMA, Arles atelier-luma.org/opencall

Atelier LUMA © Victor Picon

Nouveaux regards La Villa Noailles, bâtiment manifeste dessiné par Mallet-Stevens en 1924, est le personnage central d’une histoire écrite perpétuellement par les artistes contemporains. Trente-quatre portent sur elle leurs regards singuliers (photographies, dessins originaux, films) et la « déshabillent » pour révéler ses multiples facettes. M.G.-G. jusqu’au 15 janvier Villa Noailles, Hyères 04 94 08 01 98 villanoailles-hyeres.com

© Alexandre Benjamin Navet, 2017

Françoise Nuñez Mahabalipuram, Karnataka, Tiruvannamalai : empruntés à ses séjours en Inde, les titres des photographies de Françoise Nuñez sont une invitation à parcourir le monde. Superbe paradoxe que de photographier des contrées lointaines et de rester silencieuse, pour laisser l’image seule parler. Ni carnet de voyages, ni journal de bord, ni récit, juste une façon d’être au monde. M.G.-G. jusqu’au 3 février Maison de la photographie, Toulon 04 94 93 07 59 maison-photographie.fr

Inde 2009 Karnataka © Françoise Nuñez


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Carmelo Zagari Pour l’artiste il s’agit de pratiquer la peinture comme une « performance autobiographique ». Et de pousser à l’extrême la figuration avec son pendant, la narration. Représentant 12 ans de travail solitaire, la centaine de toiles libres est conçue comme un jeu de tarot, comme pour interroger l’autre, son humanité, son destin, ses amis, ses proches. Plusieurs événements accompagnent l’exposition. C.L. Carnaval des yeux jusqu’au 11 mars MIAM, Sète 04 99 04 76 44 miam.org

© Pierre Schwartz

Simone Picciotto

Les histoires fabuleuses de Simone Picciotto trouvent un écrin idéal dans le nouveau Musée d’art brut, singulier et autres de Montpellier. Ses planches de bois peintes, objets de récupération, collages de papiers peints, de tissus, rebuts plastiques sont assemblés comme par enchantement par cette artiste qui donne libre cours à ses rêves, même les plus fous. M.G.-G. 1er janvier au 31 mars L’Atelier musée, Montpellier 04 67 79 62 22 atelier-musee.com Simone Picciotto, L’âme des ancêtres © X DR

Destination La Panacée Nicolas Bourriaud signe à La Panacée son 3e cycle d’expositions au spectre volontairement ouvert : première rétrospective en France de Jacques Charlier, pionnier de l’art conceptuel en France ; focus sur trois projets récents de Saâdine Afif qui fonctionnent comme des chambres d’écho ; Plurivers. Quatre études d’ethnologie imaginaire avec Mai-Thu Perret, Iman Issa, Norman Daly et Charles Avery. M.G.-G. jusqu’au 14 janvier La Panacée, Montpellier 04 34 88 79 79 lapanacee.org La Panacée - MoCo, Montpellier 2017 © La Panacée - MoCo

Est-ce ainsi que les hommes vivent ? La Fondation Maeght qui interroge la question de l’humanité et de ses représentations à travers 100 œuvres issues de sa collection d’art moderne et contemporain. De Pierre Alechinsky à Henk Visch, le parcours évoquera les contradictions, les combats et les espérances de l’être humain dans toute sa complexité. M.G.-G. 16 décembre au 11 mars Fondation Maeght, Saint-Paul 04 93 32 81 63 fondation-maeght.com

Fabrice HYBER, Vue des Hommes de Bessines à la Fondation Maeght, 1989-2012. Bronze peint, 90 cm x 50 cm x 50 cm. © Adagp, Paris 2017-2018. Photo Roland Michaud Archives Fondation Maeght.


critiques arts visuels 77

Des œuvres comme des révélateurs Par le prisme de l’art vidéo ou de la photographie, Harun Farocki et vingt jeunes artistes algériens développent une réflexion politique nourrie de leurs expériences.

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rois focus embrassent actuellement une partie de la production de Harun Farocki : la rétrospective Section/Interface au Centre Pompidou, l’exposition Empathie suivie d’un temps de rencontres, lectures et projections à la Friche la Belle de Mai et Parallèle I-IV au Mamco de Nice. Né en République Tchèque d’un père indien et d’une mère allemande, décédé à Berlin en 2014, l’artiste a légué plus de cent films, près de trente installations et de nombreux travaux théoriques que son épouse, Antje Ehmann, continue à faire vivre. À la Friche, elle réunit un corpus sur le thème du travail réalisé entre 1995 et 2014, agrémenté du projet participatif Labour in a single shot qui a conduit à la réalisation de plus de 400 films de 1 à 2 minutes dans 15 villes à travers le monde. La scénographie, sobre, sied au travail du réalisateur considéré comme « un ethnographe des espaces capitalistes de vie », attaché à disséquer, analyser et dénoncer les structures de pouvoir. Notamment celles liées au monde du travail dont il pointe les évolutions pernicieuses, les abus, les déviances par une analyse historique des conflits sociaux et de l’objet filmique lui-même (dispositif Travailleurs quittant l’usine en onze décennies). Artiste engagé, son principe d’accusation passe par le témoignage, la narration, l’empathie : quand il s’attaque aux conséquences des processus de rationalisation et d’automatisation industriels, il filme en parallèle le travail manuel en Inde et la robotisation en Europe, au plus près des gestes des ouvriers (Comparison via a Third). De ses premiers Interface marqués du sceau de Godard où il diffuse deux images simultanées sur deux écrans, aux workshops participatifs, il ne cesse d’interroger les questions de productivité et de rentabilité, l’automatisation des tâches qui bannissent la présence humaine. Même lorsqu’il s’essaye à la réalisation d’un film conceptuel, Re-Verser – Variation de l’opus 1 de Tomas Schmit inspiré de la performance de l’artiste du mouvement Fluxus, il transpose le rituel en un acte robotisé.

Exposition Ikbal-Arrivées © Ramzy Zahoual

L’Algérie invisible Là encore la scénographie de l’exposition Ikbal / Arrivées pour une nouvelle photographie algérienne privilégie le rapport direct à l’œuvre. De fait le projet de Bruno Boudjelal prend tout son sens : « montrer l’émergence d’un mouvement photographique en Algérie porté par des photographes qui ne vivent pas de leur art et proposent des formes documentaire et autobiographique ». Partant du constat que « l’Algérie a été beaucoup photographiée par des regards extérieurs », il privilégie les regards intérieurs « pour rendre compte des choses qui se mettent en place ». Il se fait le passeur des regards critiques et politiques de vingt jeunes de 20 à 30 ans sur leur pays qui, contrairement à toutes attentes, n’a opéré aucune censure. Produite entièrement en Algérie, l’exposition souligne la singularité de chacun tout en concédant aux flux d’images qui circulent sur internet et les réseaux sociaux une influence formelle indéniable. Cette génération connectée traque de préférence en noir et blanc les zones périurbaines délaissées, les espaces publics interdits à l’objectif, s’immisce dans la sphère familiale et amicale, se faufile dans l’enceinte d’un stade comme seul lieu

de rassemblement autorisé, met en scène des personnages réels ou fictifs. Seules quatre femmes s’imposent : Sihem Salhi, Liasmine Fodil et Sonia Merabet explorent l’espace de l’intime tandis que Lola Khalfa rencontre les « sans emploi » qui ont envie de mourir. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

À Marseille Empathie (temps 1) jusqu’au 18 mars Travailler / Œuvre (temps 2) Ikbal / Arrivées pour une nouvelle photographie algérienne jusqu’au 18 février Exposition programmée par Les Rencontres à l’échelle Friche la Belle de Mai 04 95 04 95 95 lafriche.org

À Nice Parallèle I-IV jusqu’au 14 janvier Mamac 04 97 13 42 01 mamac-nice.org


78 critiques arts visuels

Les règles du jeu de Véronique Bigo

P

erles de sueur, sang, amidon, fumerolle, nuage… l’eau coule au compte-goutte d’une œuvre à l’autre et d’un musée à l’autre dans Histoires d’Eaux de Véronique Bigo à Marseille. Ses peintures sur toile de lin et ses « pixels » monochromes irriguent un parcours inédit au cœur des collections, tissant des liens ténus ou flagrants avec les œuvres de son choix dont elle révèle d’infimes détails. Par transposition, duplication, évocation, détournement ou mimétisme. « Je souhaitais donner des clefs de lecture et de compréhension de l’art tout en restant moi-même. Je ne voulais pas plaquer mes œuvres préexistantes » précise l’artiste qui préfère raconter la vie des lieux (les musées marseillais) plutôt que la sienne (dans les galeries). D’où la production d’œuvres nouvelles au vocabulaire éminemment centré sur ce qui la préoccupe depuis toujours, l’avenir des objets, en dialogue avec Jan van Bylert, Françoise Duparc, Ingres, Monticelli… Vingtdeux installations disséminées dans les salles du Palais Longchamp* qui, espère-t-elle secrètement, « inciteront le public à s’interroger, à s’instruire, à regarder au delà de l’image ». À relire l’art en quête de sens grâce à ses conversations imaginaires. Véronique Bigo a conçu l’exposition comme

Vue de l’exposition Histoires d’Eaux, Véronique Bigo, 2017 © jcLett

un jeu de piste -à moins qu’il ne s’agisse d’un Cluedo ! - éparpillant des indices plus ou moins aisés à résoudre, des correspondances plus ou moins franches. Entre son Tatouage / Duke Riley / Le Guerchin et Les adieux de Caton d’Utique, l’interaction formelle est immédiate, à l’instar de son hommage à Puget et de ses recherches de vibrations dans les toiles de l’École provençale. Là où l’intrigue se corse, et c’est jouissif, c’est lorsqu’elle déploie autour du tableau de Courbet Le cerf à l’eau un pixel jaune carré, un tableau barré d’une flèche lumineuse horizontale et Le sac de Madame Courbet, toile truffée d’indices : une pipe, une canne, l’ébauche d’un sexe féminin, clins d’œil

au peintre et à L’Origine du monde. Là où l’abstraction est absolue, et c’est audacieux, c’est lorsqu’elle appose sa signature de Bleu / une rue de l’oasis de Cherma / Maurice Bompard en un seul pixel bleu, ou qu’elle relie quatre peintures de Louis Finson par une série de pixels (« les corps nus qui sécrètent ») et sa toile Samson et Dalila / blanc / Malevitch / Finson. Il lui aura fallu un an de vagabondage dans les collections pour s’imprégner des œuvres originelles, se les approprier et en proposer une lecture nouvelle : pas une décalcomanie mais une grammaire personnelle élaborée à partir de son amour de l’Art. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

* 5 œuvres à découvrir dans les 5 autres musées de la Ville Histoires d’Eaux Véronique Bigo jusqu’au 11 février Musée des Beaux-Arts, Marseille 04 91 14 59 30 musees.marseille.fr

Matière Noire, Act II Perception N Mirror I collaboration with Carmen Main © Blind Eye Factory

Gonzalo Borondo Show

A

u marché aux puces à Marseille, Gonzalo Borondo fait son show dans le Hall des antiquaires à l’invitation de la galerie Saint Laurent qui signe une quinzième exposition spectaculaire. L’œuvre protéiforme du « street artiste » espagnol se développe sur 4000 mètres carrés selon un parcours balisé en trois actes : Projeter, Percevoir, Interpréter, qui entrecroise animations, hologrammes, photographies, installations, peintures et vidéos avec la participation de 8 artistes internationaux. Tentaculaire et complexe, Matière Noire est une mise en abyme de « l’univocité de la réalité et de ses représentations » conçue à partir du lieu, avec des meubles et fournitures trouvés au marché. D’où une théâtralisation de la scénographie qui immerge le visiteur dans un monde où plane la figure de Tadeusz Kantor… Ainsi, au fil de deux travées et de box en box, Gonzalo Borondo accompagné par la curatrice Carmen Main et l’artiste italien Edoardo Tresoldi, propose une exploration philosophique de notre univers à travers un dispositif qui emprunte à l’art pariétal comme

aux plateformes digitales contemporaines. Du mythe de la caverne de Platon évoqué par une installation-sculpture à la réalité 2.0, l’artiste et ses complices fabriquent des salons de lecture d’images, ressuscitent un stand abandonné repeint quasi à l’identique, jouent du dédoublement de la forme animée. Images d’archives et images YouTube se télescopent, écrans plasma et projections lumineuses interrogent notre perception de la réalité, installations animées, graphiques ou pétrifiées (espace et objets fossilisés de Pompéi) rendent tangibles l’invisible ou, a contrario, absorbent la lumière pour ne laisser que l’obscurité : « la matière noire de nos lendemains ». L’expérience est troublante car riche en métaphores, en emprunts, en filiations. En espaces mentaux que l’artiste nous invite à construire, reconstruire ou déconstruire à l’infini. M.G.-G.

jusqu’au 31 janvier Galerie Saint Laurent, Marseille 06 76 91 42 61 galeriesaintlaurent.com


Roman-Photo Mucem Exposition

Avec le soutien de

13 décembre 2017—23 avril 2018

Mucem.org

Design : Spassky Fischer Photo © Arnoldo Mondadori editore / DR

Partenaires


80 critiques arts visuels

De la chambre noire à la chambre claire

Le salon d’art vidéo et d’art contemporain Camera Camera est « The New Place to Be » à Nice !

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rois jours durant, galeries, artistes, collectionneurs et publics ont discuté à bâtons rompus dans des chambres-galeries éphémères, plongés dans l’obscurité d’une fausse salle vidéo ou illuminés par la clarté du jardin de l’Hôtel Windsor. Le format intimiste du salon étant propice à susciter curiosité, réflexion, découverte, convivialité : rien de plus facile que d’entrer en conversation avec l’art les fesses posées sur un lit ! Aux foires anonymes, Supervues à l’Hôtel Burrhus à Vaison-la-Romaine, Paréidolie à Marseille, et aujourd’hui Camera Camera à Nice privilégient la relation de proximité pour atteindre leur objectif : donner à voir l’art contemporain à tous. À l’origine de cette première édition, Odile Redolfi-Payen, qui a la passion de l’art en héritage : son oncle n’avait-il pas confié dès 1989 l’aménagement de quelques chambres à Morellet, Viallat ou Ben… Des traces indélébiles auxquelles ont fait écho les propositions des artistes sélectionnés par le jury présidé par Sandra Hegedüs, fondatrice de SAM Art Projects. L’image en mouvement a bousculé tous les étages du Windsor, des mini théâtres optiques de Pierrick Sorin disséminés dans le hall

Prix Camera-Camera 2017 à Alexandre Benjamin Navet et la galerie Double V © Jacques-Yves Gucia

(jusqu’au 10 janvier) aux chambres réservées aux artistes et autres « projets spéciaux », telle la vidéo de Bertrand Gadenne projetée au plafond de l’escalier principal. Sept galeries régionales, douze nationales et trois internationales ont mis en espace des œuvres

en résonance avec l’esprit des lieux, l’ont prolongé ou contrecarré, obturé les ouvertures ou tapissé les murs. La galerie marseillaise Double V et Alexandre Benjamin Navet sont allés au bout de cette démarche et raflé le Prix de la Chambre 2017 avec une installation

Cumul de beautés

A Salle des nus du musée Picasso, Antibes - Photo © J.-L. A. © Succession Picasso, Paris 2017

Le musée Picasso, dans le château Grimaldi d’Antibes, continue d’accrocher les chefs-d’œuvre de son fonds

ntibes a du nez, celui qui repère les artistes, et du panorama, qui permet de les retenir. Les plus grands peintres du XXe siècle ont séjourné à Antibes, et ont légué au château transformé en musée des chefs-d’œuvres absolus. À commencer par Picasso, qui produisit dans l’atelier que Romuald Dor de la Souchère, conservateur visionnaire, lui avait ouvert, les plus heureuses de ses toiles, le Satyre, la Chèvre, la Femme aux Oursins, la Joie de Vivre... Des œuvres apaisées et solaires, complétées depuis par la dation Jacqueline Picasso, comprenant en particulier une collection de céramiques inoubliables sur la corrida et les faunes. Mais les Picasso ne sont pas les seuls trésors du château : une sculpture de Miró, Femme et oiseau, accueille les visiteurs sur la terrasse. Nicolas de Staël eut aussi sa période antiboise et son Concert, toile monumentale (13 x 9,5 m) occupe tout un mur de la salle qui lui


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Traces d’une appropriation en hommage aux peintres ayant séjourné dans le Sud : Matisse, Picasso… Source d’inspiration pour le jeune artiste qui a produit sur mesure 15 pastels à l’huile, une vidéo graphique et une « fresque » en débordement de la tête de lit, preuves de sa maitrise technique, de sa sensibilité à la lumière et à l’histoire des objets iconiques des artistes. D’autres chambres auraient pu être récompensées, notamment celle de Mathieu Mercier reconfigurée par la galerie genevoise Analix Forever avec les pièces de Jeanine Woollard, Marie Hendriks, Jean-Michel Pancin, Guendalina Salini. Celle de Lawrence Weiner rebaptisée « La chambre d’un collectionneur » par la galerie Sintitulo de Mougins où cohabitaient intelligemment les œuvres de Jean Philippe Roubaud, Jérémie Setton et Arnaud Vasseux*. Mais le jury en a décidé autrement, comme Ben a choisi de décerner son Prix à la vidéo The End de Rémi Groussin** parce qu’il aime « les films où il n’y a qu’un générique ». MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

* Arnaud Vasseux expose jusqu’au 22 décembre à La Compagnie, Marseille. ** Rémi Groussin est représenté par la galerie parisienne Un-Spaced.

Camera Camera s’est déroulé du 24 au 26 novembre à l’Hôtel Windsor à Nice

L

e Nouveau Musée National de Monaco, qui se partage entre deux lieux remarquables -la Villa Paloma et la Villa Sauber, construites au début du 20e siècle- propose des expositions contemporaines toute l’année. La Villa Sauber, au bord de la mer, se spécialise dans les arts du spectacle et de l’architecture, et on a pu y voir l’an dernier une exposition remarquable sur Léon Bakst, décorateur célèbre des ballets russes, qui réunissait plus de 150 maquettes, costumes, dessins, et permettait de retrouver les ballets les plus mythiques dans le secret de leur création. Plus récemment une exposition de Saâdane Afif interrogeait malicieusement la fameuse pissotière renversée de Duchamp, en confrontant ses apparitions actuelles dans les manuels d’histoire de l’art et dans la presse. Actuellement, au premier étage, une exposition passionnante cherche également à réinventer les archives d’une autre œuvre d’art : E-1027, Maison en bord de Mer qu’Eileen Gray réalisa en 1929 à Roquebrune-Cap-Martin. Kasper Akhøj, photographe, s’est penché sur la maison, actuellement en cours de restauration, qui porte comme autant de cicatrices la trace de son histoire. L’architecte décoratrice avait conçu un havre lumineux, et photographié ses inventions : l’escalier, la baie vitrée qui s’ouvrait par pans, le mobilier et la décoration à la fois sobres et chaleureux. Ses 59 clichés parurent en 1929 dans la revue L’Architecture vivante puis... Le Corbusier couvrit les murs de ses peintures en 1939 et publia à son tour des clichés dans L’Architecture d’aujourd’hui, dans un article qui ne mentionnait pas du tout Eileen Gray. La maison, longtemps abandonnée, fut squattée, dégradée, vandalisée et recouverte de graffitis. D’où le titre de l’exposition : Welcome (To The Teknival), inscription qui figurait sur les murs avant la restauration. Les 59 clichés de Kasper Akhøj répondent à ceux d’Eileen Gray, cherchent la trace de son œuvre, mesurent la désappropriation, le vandalisme, ce qui reste aussi des espaces, des idées qui paraissent si innovantes aujourd’hui, à l’heure où l’architecture cherche davantage à habiter l’espace et la lumière qu’à construire des emblèmes ostentatoires. Un esprit qu’il n’est pas aisé de retrouver : faut-il travailler au-delà ou avec les peintures du Corbusier ? C’est tout l’enjeu de la restauration en cours depuis 2007, qui doit savoir à quelle couche du palimpseste il faut se référer... AGNÈS FRESCHEL

est aujourd’hui consacrée. À ses côtés le corps bleu de La Figure à nu, présentée avec ses études... Les autres chefs-d’œuvre de la collection, signés Modigliani, Ernst ou Picabia, Arman, Calder ou César, Raysse, Klein ou Viallat, Balthus, Ben ou Combas voisinent dans un nouvel accrochage, non par ordre chronologique ou affinité esthétique, mais, soit par le motif, nature morte ou nu, par les formes, les cercles abstraits répondant à ceux de la figuration, par les couleurs dominantes. Un accrochage qui permet un nouveau regard sur les œuvres, au plus près de leur secrets de fabrique. On peut seulement regretter que la salle la plus étroite et sombre soit consacrée aux femmes ! Au rez-de-chaussée, la donation de la Fondation Hartung, qui comprend aussi quelques très belles toiles d’Anna-Eva Bergman et les sculptures de Germaine Richier. Et au pied du château, la baie d’Antibes, le Fort Vauban, l’horizon enneigé. AGNÈS FRESCHEL

Musée Picasso, Antibes 04 92 90 54 28 antibes-juanlespins.com

Kasper Akhøj Welcome (To The Teknival) jusqu’au 18 janvier Nouveau Musée National de Monaco 377 98 98 91 26 nmnm.mc Kasper Akhøj, Welcome (To The Teknival) NMNM – Villa Sauber Photo: NMNM/François Fernandez, 2017


82 critiques arts visuels

Tempête sous un Crac

Exposition collective La Tempête © CRAC OCCITANIE Sète – Bertrand Lamarche, LAMARCHE Bertrand Réplique (Baphomêtre), 2008 Installation, projecteur, réflecteur, moteur, transformateur, Courtesy de la galerie Poggi, Paris – Photographie Marc Domage

Exposition collective de 50 artistes en forme d’hommage à celle qui les a découverts

L

a tâche d’Hughes Reip était un peu périlleuse : c’est à lui que Noëlle Tissier a confié le commissariat d’une dernière exposition du Crac de Sète, avant de quitter la direction de ce lieu qu’elle a initié, inventé, nourri pendant 20 ans. Grande défricheuse de talents, fidèle protectrice des artistes qu’elle accompagne sur le long cours, elle a créé une synergie riche et surprenante entre la kyrielle de plasticiens invités et le public peu à peu familiarisé avec l’approche résolument contemporaine et aventureuse qu’elle a développée. Ainsi, toujours dans cet esprit de transmission, de lien, elle a demandé à l’un des quelques 500 artistes exposés au Crac depuis son ouverture en 1997 de réfléchir à une thématique qui puisse rassembler, célébrer et surtout poursuivre le dialogue. Or, il y pensait depuis longtemps, à la tempête. Pour ce qu’elle revêt d’ambigu : provoquant à la fois inquiétude, terreur, sidération et fascination, provenant d’une nature indomptée ou d’esprits torturés, le phénomène climato-psychologique lui a semblé être une bonne entrée pour réunir les artistes et faire de cette exposition un « événement indéfinissable ». La tempête évoque quelque chose d’assez noble pour échapper à toute catégorisation. Tout est là, dans cet entre-deux entretenu :

les choix des œuvres procèdent la plupart du temps de l’induit et de l’ellipse, et les rapports entre elles se découvrent ou s’inventent au fil du parcours.

familial Les premières gouttes commencent à tomber. On est dans la crainte, dans l’incompréhension de ce qui risque d’arriver. Pour embarquer, en préambule, il y avait d’abord eu cette photographie négative d’un bateau sur vagues argentiques. Avec cette légende inscrite à la main par Marcel Broodthaers : « Chère Petite Sœur, celle-ci pour te donner une idée de la mer pendant la Tempête… ». Belle entrée en matière. Le familier (artistique, fraternel, amical), dans tout ce qu’il comporte de rassurant et émouvant, s’impose d’emblée comme la clé de ce rassemblement en forme d’hommage à celle qui a cru dans les prémisses des talents de chacun des artistes présents dans l’exposition. Qui est là pour signifier cet instant d’avant le coup de tonnerre ? Jean-Michel Othoniel (Scratch Painting, 1995), avec une toile suggérant une idée de la chambre de Van Gogh, élaborée avec du phosphore, Michel François, qui lui s’attaque au marbre, à coup de vinaigre distillé en goutte à goutte (Time Lapse, 2016-17) formant un trou parsemé d’excroissances minérales, la photographe Florence Paradeis et son poing sur qui tape sur la table du jardin, faisant jaillir le café de sa tasse (Vertement, 2014) Jacques Fournel, dans un Autoportrait photographique (2016) où son visage apparaît en gros plan sur fond vert, la main devant la figure.

dans l’ordre des choses La menace enfle. Mieux vaut en effet se cacher les yeux. Un rideau de pluie (Golden Section, 2009, Ann Veronica Janssens et Michel François) couvre déjà le fond de la première la salle. La feuille de métal miroir entretient le mystère des éléments, et incite à aller voir de l’autre côté. Alors la tempête se déroule -dans une linéarité un peu frustrante. La violence (météorologique, sentimentale), le déluge (Spray 2, 49 secondes de projection d’eau ralentie 2000 fois, Ann Veronica Janssens), le retour sur soi et ses mondes intérieurs (les univers graphytés, étranges et fascinants, de Roland Flexner, LGY 64, 69, 70, 2012), l’envahissement aquatique (Ariane Michel, qui a filmé Hughes (Reip) et les vagues, 2017, lors d’une de ses installations sur une plage d’Audierne), et enfin, le calme qui recouvre tout : Pierre Ardouvin (La Tempête, 2011, un arbre déraciné couché sur un fauteuil en cuir). Yan Pei-Ming, avec ses Fleurs noires des funérailles, souvenir du père de l’artiste (2006) conclut le parcours dans une figuration noire et blanche d’un bouquet brouillé par ce qui pourrait être des gouttes (blanches) de pluie, muant la nature morte en nymphéas renaissants. ANNA ZISMAN

jusqu’au 11 mars La Tempête Centre régional d’art contemporain, Sète 04 67 74 94 37 crac.languedocroussillon.fr


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Simplicité involontaire Faire preuve de simplicité, ce n’est pas si simple. À l’instar de Van Gogh, la recherche de la simplicité s’avère plus complexe que ce qu’on voit.

A

vec cette nouvelle exposition hivernale, la Fondation Van Gogh a fait vœu de simplicité, conformément à l’héritage idéal du maître hollandais. Suivant ce fil rouge, si l’accrochage joue de sobriété (de la jute par endroits sur les murs), il n’est pas toujours si « simple » pour le spectateur de s’y retrouver dans le foisonnement des œuvres et des médiums artistiques. Les photos intimes de Juergen Teller, celles d’Andrea Büttner au sujet de galets peints par des artistes, les graffitis de Dan Perjovschi ou les peintures chamarrées sur murs polychromes de Nicolas Party, une jungle naturelle/artificielle dans le patio transformé en jardin idéalisé avec perruches vivantes par Pawel Althamer, la tendresse incongrue du pêcheur pour sa belle prise dans le film O Peixe de Jonathas de Andrade…détournement narratif du film animé Le livre de la Jungle pour David Claerbout, des santons prêtés par le Museon Arlaten... constituent autant de sollicitations et d’associations libres possibles. Dans le parcours, une œuvre semble vouloir résister à la compréhension. Tant est-elle simple. La plus intrigante aussi car elle est de celles qui en disent en apparence le moins. Une tente de randonnée sans artifice, noire, ready-made manifestement usagé, elle porte les traces d’un vécu. L’entrée en est fermée,

Świetlica Matejki de Pawel Althamer, 2017, vue partielle. © C. Lorin/Zibeline

verrouillée. En tant qu’abri, son intérieur nous est pourtant inaccessible. Elle ne représente rien. Espace clos absurdement. Que pourrait-elle renfermer ? Il nous faut peut-être en appeler ici au principe de « cryptophorie » théorisé par Abraham et Torok à propos des secrets de famille enfouis (dans l’ouvrage L’écorce et le noyau). Le fait qu’une personne se créée inconsciemment un endroit (une « crypte ») pour contenir l’effroi provoqué par un événement trop violent afin de poursuivre une vie simplement normale. Nous imaginons quel poids identitaire a dû peser sur Vincent Van Gogh en portant le prénom de son frère aîné mort précédemment. Dans ce jeu de filiation, pourrons-nous aussi évoquer la période du Nord, vécue sous l’austérité du protestantisme, caractérisée par la sobriété des couleurs et des teintes sombres, puis dans l’admiration des œuvres terreuses de Jean-François Millet pour un commun hommage à la vie humble (mais par forcément simple) des paysans. Pour Van Gogh la vie

arlésienne ne fut pas aussi simple qu’il eut pu l’envisager. Ainsi cette mystérieuse tente, Goodbye d’Oscar Tuazon, intervient en négatif de l’argument de simplicité sous-tendant toute l’exposition qui « ...puise dans les fantasmes et élans nostalgiques que son titre même convoque » et dont les « œuvres mettent en relief nos conceptions de style de vie tournée vers la simplicité ». On retrouvera d’autres perspectives développées dans le catalogue sous les analyses de différents auteurs dont Flora Katz à propos de la quête de simplicité chez Van Gogh. CLAUDE LORIN

La vie simple – Simplement la vie jusqu’au 2 avril Fondation Van Gogh, Arles 04 90 93 08 08 fondation-vincentvangogh-arles.org

Zibeline 114 les saisons d’hiver 3 € chez tous les marchands de journaux Zibeline, le mensuel culturel engagé du Sud-Est

sortie le

13 janvier


84 critiques livres

La langue déplace la Jamaïque

L

e premier roman de Kei Miller traduit en français est sorti en 2016 chez Zulma. Qui une année après l’édite en poche, et le promeut à nouveau. Une bonne idée, qui peut permettre à L’authentique Pearline Portious d’atteindre en France un public plus large, conforté par la sortie concomitante de By the rivers of Babylon, publié en septembre. Les deux romans révèlent la même audace d’écriture, la même force de libération, la même foi dans la puissance du verbe, du rêve éveillé et de l’incantation. Le peuple de Jamaïque en est le personnage principal, diffracté en petites filles aux Mman increvables, en lépreux reconnaissants, en prêcheur volant, en prophétesse vociférante. Autant de personnages passionnants totalement incompris dès lors qu’ils sortent de Jamaïque, ou se heurtent à la prétendue rationalité (post)coloniale. Adamine, fille de l’authentique Pearline Portious, « crieuse de vérité » admirée et redoutée en Jamaïque, est maltraitée en Angleterre, puis internée. Sa parole y est niée, détruite, comme les broderies de sa mère trop colorées qui pourtant soulageaient authentiquement

resserre, dérythme, image, poétise et épice l’anglais, est magnifiquement retranscrit dans la traduction française de Nathalie Carré, qui a l’intelligence de s’attaquer directement aux particularités de langue du créole anglais pour inventer leur musique en français. Surtout dans le récit d’Adamine, prophétesse dont l’invention verbale n’a d’égale que la violence, le souffle, l’oralité qui déconstruit et chante le réel. Sa narration alterne avec celle de Monsieur Gratte-Papyè, personnage miroir de l’auteur, venu en Jamaïque reconstruire les étapes d’une histoire volontairement tue et mythifiée. Car c’est par la langue et le récit retrouvés que la libération peut s’accomplir. les lépreux, mais que ni le révérend blanc, ni la tradition jamaïcaine ne pouvaient admettre. La vérité de la révolte, de l’affranchissement véritable, vient directement de ces personnages aux marges de la société jamaïcaine, qui brodent une autre langue, une autre parole, ou s’envolent authentiquement des arbres comme dans By the rivers of Babylon. Le travail de la langue, qui non seulement introduit de très nombreux créolismes mais plus précisément

Dans une vieille Buick à Port-au-Prince

P

our apprécier pleinement le livre de Dany Laferrière on ne saurait trop vous conseiller d’écouter en même temps la musique haïtienne des groupes Shupa Shupa ou Tabou Combo, de monter le chauffage à

35°C et de vous asperger de parfum ! Vous pouvez maintenant vous imaginer à Port-auPrince, coincé au fond d’une vieille Buick 57 ou attablé dans un boui-boui… Vous êtes en avril 1971, c’est le début des sixties car ici, il y a 10 ans de retard avec le reste du monde. Duvalier père est au pouvoir (en 71, son fils dit « Baby Doc » lui succèdera pour 15 autres années de dictature), les tontons macoutes font régner la terreur et la corruption infiltre tous les milieux. Cela n’empêche pas six jeunes filles de 15 à 20 ans de vivre à pleines dents. L’une d’elle, Marie-Michèle, est née à Pétionville, beau quartier de Port-au-Prince où vivent ceux qui appartiennent au Cercle d’or, les nantis qui se marient entre eux pour accumuler encore plus d’argent et de pouvoir. Les autres sont belles et pauvres, elles ratent l’école, se font entretenir et vivent effrontément leur sexualité. Elles n’aiment pas les hommes

AGNÈS FRESCHEL

L’authentique Pearline Portious, 9,95 € By the rivers of Babylone, 20,50 € Kei Miller traduction Nathalie Carré Éditions Zulma

et s’ingénient à les utiliser. Séduite par leur liberté et leur « rage de vivre », Marie-Michèle s’introduit dans leur groupe pour échapper à l’éducation donnée à Sainte Rose de Lima et à l’hypocrisie de son milieu. Elle peut ainsi admirer de près la meneuse de la troupe, Miki, une icône, et rédiger ensuite son journal. L’auto-fiction de Laferrière est constituée de ce journal, accompagné du scénario pour un film où Fanfan, 15 ans, rejoue la jeunesse de l’écrivain. Il vit avec sa mère et ses tantes en face de l’appartement de Miki, dont il observe avec intérêt les activités jusqu’au jour où il s’y cache pour un week-end et de voyeur devient acteur. De l’art de goûter la saveur féminine… Le goût des jeunes filles séduit par sa peinture crue et vivante d’une société terriblement fractionnée, ce peuple riche de sa misère et de sa culture entre vaudou et poésie. CHRIS BOURGUE

Le goût des jeunes filles Dany Laferrière Zulma, 9,95 €


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Une femme, un été

J

eanne vit une existence paisible, rythmée par les moments de bonheur tranquille qu’elle et Rémy, son mari depuis vingt ans, ont su installer et faire durer. Un travail routinier mais stable, des jumelles étudiantes qui mordent la vie à pleines dents, une amie proche et complice, une famille qu’elle va souvent

voir dans la ferme de son enfance… Avec La beauté des jours, Claudie Gallay offre, en une succession de brefs chapitres limpides, la chronique d’un été dans la vie d’une femme sans histoires. Et pourtant pleine d’histoires. Car Jeanne n’est pas qu’une employée des postes un peu rêveuse, une mère attentive, une épouse et une amie fidèles. De sa vie, en apparence ordinaire, elle fait une œuvre d’art. En y invitant le hasard. Humblement. Subrepticement. En suivant des inconnus dans la rue, par exemple. Elle en fait un poème. En guettant la flamme rousse du renard qui vient parfois boire dans l’écuelle qu’elle lui a installée au fond du jardin. En contemplant la lune, les arbres. En sachant, mieux que les autres membres de la famille, écouter la M’mé ou sa drôle de nièce Zoé. Jeanne sait entendre les silences, elle sait voir au-delà du quotidien. Et puis, dans sa vie, il y a Marina Abramovic, une plasticienne dont elle suit les performances souvent controversées (qui toutes mettent en jeu la relation à l’autre et disent la nécessité vitale de l’art), et à qui

elle écrit régulièrement. En fait, c’est de la figure de cette artiste américaine que le roman est né. De l’incapacité de Claudie Gallay à donner forme à sa biographie et du besoin qu’elle a senti de créer en contrepoint « la figure lumineuse » de Jeanne, qui, selon la romancière, « a tout pour être heureuse, mais porte en elle une petite fille inconsolable. » Comment donner un peu de jeu à nos étroites existences ? C’est ce que Jeanne s’efforce de faire. Et elle y parvient. Un bonheur à petits pas, à touches légères. Modeste et rayonnant. On sort du récit comme Jeanne, serein, apaisé. Ce n’est pas la moindre des qualités de ce roman chaleureux, très humain, et pas mièvre pour un sou. FRED ROBERT

La beauté des jours Claudie Gallay éditions Actes Sud 22 €

Rouge cheval !

V

oici un ouvrage que l’on peut lire d’abord de la page 141 à 171, puis de la page 8 à 138, ou l’inverse, selon que l’on préfère se poser des questions sans réponse ou se régaler de réponses à des questions que l’on ne s’est pas posées ; voici un livre qui en fait deux et en contient bien d’autres ; voici une lecture qui donne l’envie irrépressible de hennir de plaisir en ménageant sa monture, cœur chaud et tête froide, méthodiquement et rigoureusement au plus près du vent ! Et qui invite à s’ébrouer dedans et bien loin de ce Domaine des englués, titre mystérieux (trace scintillante du limaçon « suceur de fenouil », espace d’une narration fantasque) posé en équilibre sur une célébration multiforme de la « puissance d’exister » et de la « joie » à chercher une langue pour l’écrire. Hélène Sanguinetti connaît la chanson et ne manifeste aucun essoufflement dans sa quête d’une parole poétique à la fois libre et ancrée, filante et charriant des mondes d’avant et de partout. Elle affirme son « je »

et lexique courtois, cohabitation des signes et des ponctuations, il s’agit bien du corps dans nombre de ses états et aussi de celui de la lettre qui conte et raconte une histoire d’errance et de saisie du monde. L’écriture avide d’Hélène Sanguinetti creuse à sec la sensation et y trouve toujours motif à partir plus loin « En avant –OHE OHE OHE – Ne pas retenir les chevaux… » sans complaisance mais avec une ardeur qui fouette profond le lecteur ! MARIE-JO DHO

dans l’entretien passionnant et roboratif avec Jean-Baptiste Para -« A notre joie »- qui constitue une deuxième partie lumineuse nourrie dans les plis de la première où la voix est celle d’un « Daniel qui t’écrit » depuis le bord d’un lac, d’une mer, d’une étendue dans laquelle on plonge pour y nager vigoureusement. Vitalité de la forme, onomatopées

Domaine des englués, suivi de six réponses à Jean-Baptiste Para Hélène Sanguinetti Éditions La Lettre volée / Poiesis 20 €


86 critiques livres

Les Mitläufer

C

eux que la journaliste franco-allemande Géraldine Schwarz nomme les Mitläufer composent la majorité des Allemands qui, sous le troisième Reich, ont « marché avec le courant », par conformisme ou opportunisme, contribuant ainsi à l’affirmation d’un régime totalitaire et génocidaire. Contrairement à certaines idées véhiculées, il était pourtant possible de dire non : en 1941, une contestation citoyenne avait permis d’interrompre le programme d’extermination des personnes handicapées. En Italie, l’Holocauste fit moins de victimes parce que la majorité du peuple et de l’administration refusa de collaborer. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Opa, le grand-père de l’auteure, fut un Mitläufer. Il adhéra au parti national-socialiste et acheta, au-dessous de sa valeur, l’entreprise d’un homme d’affaires juif forcé de fuir. Par le truchement de son histoire familiale, l’auteure interroge la responsabilité du peuple allemand de cette époque, et de ce qu’il en advint dans la mémoire collective. D’un refoulement commode à la reconnaissance progressive

d’un passé accablant, elle mène une réflexion profonde sur la Vergangenheitsbewaligung, la « gestion du passé » : des décennies de lutte

mémorielle furent nécessaires à l’émergence d’une conscience nationale. Cette question dépasse les frontières germaniques : à l’orée de la Guerre froide, les pays vainqueurs (ÉtatsUnis, Royaume-Uni, France) donnèrent la

priorité aux intérêts économiques, scientifiques et géopolitiques, et bâclèrent le processus de dénazification. Pour mettre fin au mythe véhiculé par le général de Gaulle d’une France largement résistante, il fallut attendre 1973 et les recherches de l’historien américain Paxton, ramenant à 2 %, soit à quelques milliers, le nombres de résistants actifs, et démontrant que la collaboration fut en réalité une proposition de la France. L’ouvrage de Géraldine Schwarz est un essai dense, pertinent et vif, fruit d’une recherche vaste, qui parcourt la problématique mémorielle de l’ensemble des pays d’Europe sur la période, et fait le lien avec une actualité en demi-teinte, entre la symbolique forte de l’accueil de 890 000 réfugiés syriens en 2015 en Allemagne, et la montée de partis extrémistes et xénophobes comme l’AfD dans ce pays, le FPÖ en Autriche, le FN en France… MARION CORDIER

Les Amnésiques Géraldine Schwarz Éditions Flammarion, 20 €.

Dans l’ombre de Rimbaud

C

inq personnages croisent leurs itinéraires dans le roman choral de Santiago Gamboa, Retourner dans l’obscure vallée. Le Consul (apparu dans Prières nocturnes, Métailié, 2014), ouvre le récit à la première personne, avec un projet : « Je voulais écrire un livre qui parlerait de gens joyeux, silencieux, actifs »… Sa place « d’observateur » est bien vite bousculée par « un petit séisme », un message de Juana, perdue de vue depuis longtemps (le dernier volume pré-cité) et qui lui donne rendez-vous à Madrid. Mais rien ne se déroule comme prévu, le centreville madrilène est paralysé ; des terroristes affiliés à Boko Haram ont attaqué l’ambassade d’Irlande, pris des otages… le monde et ses soubresauts emplissent le roman, servent à la fois de trame et de cadre. La planète devient terrain de jeu, les continents s’arpentent, les distances s’amenuisent. On pense, on réfléchit, non plus à l’échelle d’une région, d’un pays ou d’un continent, mais du globe. D’Europe, nos personnages partent en Colombie, avec Manuela, jeune femme à l’enfance

et l’adolescence ravagées qui survit grâce à l’écriture poétique : un « dieu féroce (…) a mis dans ma main un crayon et m’a soufflé à l’oreille : “Invente-toi un autre monde, rien que pour toi, parce que celui-ci n’est pas

raconte le prêtre, Palacios, au passé obscur et en quête d’un impossible pardon), sera terrible et a pour complices les autres protagonistes de cette vaste fresque qui brosse un portrait des affaires mondiales d’une terrifiante acuité. Autre fil conducteur, la vie de Rimbaud, auquel le fils du Pape, Tertulliano, philosophe, esthète et gourmet, a consacré ses recherches. Le roman s’orchestre avec une précision d’orfèvre entre retours en arrière et narration, suivant une construction proche du polar. Où trouver son harmonie, se réconcilier avec soi ? suivre Rimbaud ? retourner à Harar ? puiser dans la littérature l’énergie salvatrice ? Le poète aux semelles de vent n’avait-il pas « déjà perçu que [la poésie] lui permettait une curieuse alchimie : transformer les souffrances et la pourriture de la vie en un métal précieux » ? Un texte flamboyant ! MARYVONNE COLOMBANI

bon” ». Sa vengeance contre celui qui a tué sa mère, l’a violentée puis est devenu un chef de narco-trafiquants en Colombie, (comme le

Retourner dans l’obscure vallée Santiago Gamboa, traduction de François Gaudry Éditions Metailié 21€


87

Total écœurement

« T

otal : qui affecte toutes les parties, tous les éléments ». Ainsi débute Le Totalitarisme pervers, par une définition du Petit Robert qui en dit long sur les ambitions de la société pétrolière portant ce nom. Le philosophe Alain Deneault a publié aux Éditions Rue de l’échiquier un gros ouvrage, De quoi Total est-elle la somme ?, dont ce livre est à la fois la synthèse et le complément. Il décrit de manière très documentée le parcours de l’entreprise française devenue multinationale tentaculaire, en la considérant comme un cas d’école. En quoi est-elle perverse ? Pour dégager ses bénéfices faramineux (8,29 milliards en 2016, 13,9 milliards en 2008, l’année de la crise...), elle joue sur tous les tableaux. Alors que l’État s’est départi de ses titres au fil des privatisations et que 72% de son capital est à l’étranger, elle « compte sur le bras armé de la France » pour sécuriser ses investissements (Nigeria, Mali, Libye...). Aux fins de rentabilité, elle mène son activité massivement polluante, accapare des ressources, délocalise, collabore avec des dictatures, se rit des journalistes

et des chercheurs quand elle ne les achète pas, et « compte exploiter ses puits jusqu’à la dernière goutte » au mépris du réchauffement climatique.

d’avoir à la contourner a posteriori. Aussi Total, avec son armada de juristes, jongle-t-elle avec les lois, échappe à la fiscalité, profite des zones de non-droit. Berne son monde, instrumentalise avec brio les valeurs morales en se posant comme philanthrope ou mécène des arts (ah, les expositions qu’elle finance au Louvre, au Mucem !). S’érige « en entreprise citoyenne en France tout en saccageant les écosystèmes du Nigeria ». Et prépare tranquillement l’après pétrole, en diversifiant « radicalement ses activités afin de se positionner comme énergéticienne dans les secteurs qui seront en vogue lorsqu’elle et ses semblables auront épuisé les derniers sites pétroliers accessibles »*. Est-ce une planète façonnée par Total et ses semblables que nous voulons laisser à nos enfants ? GAËLLE CLOAREC

Le tout en respectant les apparences de la légalité, avec la complicité des gouvernements successifs. Pour bien des multinationales aujourd’hui, il est plus simple d’influer sur la législation via un lobbying bien rodé que

* Lire p. 7 notre article consacré à la raffinerie de La Mède en Provence.

Le Totalitarisme pervers Alain Deneault Éditions Rue de l’échiquier, 13€

Rock’n roll can never die

E

rwan Larher aime le rock’n’roll et son électricité, il était au concert des Eagles of Death Metal le 13 novembre 2015 au Bataclan, pour s’en prendre une bonne dose. Mais contre toute attente, ce qui le traversa ce soir là fut l’une des nombreuses balles d’AK 47 tirées dans le tas par trois embrigadés de Daech. L’un d’eux s’est approché de son corps cloué au sol, près de la régie son, pour l’achever. Mais le tir n’est jamais arrivé : Erwan Larher est un miraculé. Il est aussi écrivain à plein temps. Informés de sa presence au Bataclan, plusieurs médias n’ont de cesse de le solliciter pour qu’il témoigne, réagisse… mais non. Rien à rajouter au raz-de-marée compassionnel. Aucune envie de participer à la tyrannie de l’émotion. Ce sont quelques ami(e)s, qui, plus tard, finiront par le convaincre : pas rajouter, partager. Ok pour le partage donc. Mais ce sera avec une ambition d’écrivain, pas de victime : il s’agira d’un objet littéraire, à l’intersection du drame individuel et collectif, “ les pronoms

n’auront plus rien de personnel ”, il y aura des “vu du dehors” écrits par une quinzaine de proches, écrivains ou pas (Jérôme Attal, Fréderic Burel, Sigolène Vinson, Alice Zeniter…). Pensées et sentiments parfois

les sensations qui l’ont accompagné pendant cette nuit meurtrière (“ Transe ? Dépersonnalisation ? Déréalisation ? ”), son évacuation brutale et tendue, sa convalescence douloureuse. Ses coquetteries incongrues, ses réactions de “ Super-Chochotte ” ou de “ Super-Lopette ”, ses santiags de rocker et ses érections disparues. Son émerveillement aussi, devant la puissance de l’empathie et la bienveillance des médecins et infirmier(e)s qui le soignent, de l’affection de ses proches qui l’entourent sans relâche. Ni témoignage, récit, roman, ou autofiction, un peu tout ça à la fois, Le livre que je ne voulais pas écrire est donc bien un “ objet littéraire ”, qu’on lit dans un mélange d’effroi et d’amusement. À la fois polyphonique et autocentré : il fallait le faire ! MARC VOIRY

surprenants, décalés, qui se bousculent dans les têtes des un(e)s et des autres. Erwan Larher transmet dans une langue vive, avec un goût prononcé pour l’autodérision,

Erwan Lahrer a été l’un des invités d’Automne en Librairies organisé par Libraires du Sud. Le livre que je ne voulais pas écrire Erwan Larher Quidam éditeur 20 €


88 critiques livres

Un coupable idéal

1

941. Henri Girard a 24 ans quand il est accusé d’un triple meurtre comprenant son père, sa tante et leur bonne. Les preuves sont accablantes : les portes du château - où lui même se trouvait cette nuit-là - fermées de l’intérieur ; aucune marque d’effraction ; sa haine affichée de sa famille ; la fortune dont il hérite. Contre toute attente, la plaidoirie brillante de son avocat Maurice Garçon le sauve d’un verdict couru d’avance. Il est acquitté, mais reste le coupable idéal aux yeux du plus grand nombre. Il dilapide son héritage, s’exile au Venezuela d’où il revient clochard, renommé Georges Arnaud, avec pour seul bien un manuscrit, Le Salaire de la peur, dont Georges Clouzot tirera le célèbre film éponyme. Convaincu de son l’innocence, Philippe Jaenada, nourri du goût des archives et d’un désir de justice déjà prégnants dans son roman La petite femelle, part dans le Périgord où se sont déroulés les faits soixante-seize ans plus tôt, jouant les Hercule Poirot méticuleux et drolatiques. De cette enquête résultent 650 pages foisonnantes, à se perdre parfois dans

le détail. Comme à l’accoutumée, l’auteur se met en scène dans le texte, entrecoupant le récit de digressions personnelles sensibles et truculentes, apportant une légèreté opportune

par souci narratif que par pudeur pour les défunts ou répugnance pour le sensationnel, interrogeant ainsi la place accordée au fait divers dans nos sociétés enclines à quelque fascination macabre ? La Serpe est un roman joyeusement enfantin dans son accroche, rigoureux dans sa recherche, touchant dans son dessein de restaurer l’honneur d’un homme et dans l’évocation de l’amour filial : le sien pour son fils, celui des Girard père et fils. MARION CORDIER

Philippe Jaenada a reçu pour cet ouvrage le prix Femina 2017.

dans un récit à vif, tragique. Il fait courir le suspens, retarde le moment fatidique de la description de la scène du crime, autant

La Serpe Philippe Jaenada Éditions Julliard, 23 €

Visions sur un étang

C

et ouvrage constitue le catalogue de l’exposition éponyme qui se tient actuellement au musée Ziem de Martigues, jusqu’au 28 janvier (lire Zib’ 112). Il n’en offre pas moins un livre consacré essentiellement

à la photographie et à ses auteurs. Ces sept Regards sur l’étang de Berre, ceux de Alain Ceccaroli, Marc Chostakoff, Bernard Plossu, Franck Pourcel, Alain Sauvan, Aldo Soares, et Joachim Vallet, sont présentés avec sobriété, accompagnés d’une courte notice biographique et repères bibliographiques, ce qui octroie aux images toute leur place. Un soin particulier a été manifestement apporté à leur impression pour conserver leurs qualités originelles, d’autant que la majorité d’entre-elles sont reproduites largement ou pleine page. Sous un format à l’italienne favorisant les nombreuses vues de paysage, nous rencontrons aussi de beaux portraits des habitants, magnifiés à l’origine par les tirages en argentique sur papier baryté. Le noir et blanc domine, à l’exception du travail en couleurs caractéristique de Marc Chostakoff qui réinvente son univers sur-réaliste en post-production numérique.

Séparé de la Méditerranée par les collines de la Côte Bleue, l’étang de Berre compose un espace à part, parfois délaissé voire méprisé. À travers ce livre et l’exposition martégale, les artistes-photographes en proposent des visions très singulières, davantage poétiques que documentaires, ce que confirme Michel Poivert dès l’ouverture de son avant-propos : « L’imaginaire d’un lieu se construit par les récits ou les images que l’on en produit ». CLAUDE LORIN

Lire aussi notre article p.8 et 9

Regards sur l’étang de Berre Musée Ziem, h’arpon éditions, 20 €


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90 critiques livres

Lobe Mystérieux

L

’oreille coupée de Van Gogh fait indubitablement partie des anecdotes les plus célèbres de l’art pictural, et l’on ne s’interroge guère sur le fait que ce soit le lobe ou l’oreille complète que l’artiste ait tranché, le terrible dimanche soir du 23 décembre 1888. Bernadette Murphy, si, et avec raison. Elle revient sur les faits, délaissant le mythe du peintre maudit, observe les détails rapportés, les confronte, décèle les contradictions, les incohérences, remonte aux sources avec une patience et une ténacité d’enquêtrice. Le livre, passionnant, se lit comme un polar, une superbe fiction dans laquelle la recherche elle-même est mise en scène et fait autant partie du récit que les tribulations des personnages historiques. Avec une méthode de généalogiste, elle reconstitue la ville d’Arles telle qu’a pu la connaître le peintre hollandais, par un recensement minutieux des cafés, des théâtres, des bordels, des commerces, des familles, reprend les horaires des chemins de fer de l’époque (et vérifie même les heures des levers et couchers de soleil), consulte les archives, compulse les biographies, reprend

les vieux articles de journaux, correspond avec les spécialistes du peintre, compare les sources, va à Amsterdam au musée Van Gogh, part aux USA à l’université de Berkeley, en

réponse au mystère !… Rien n’échappe à notre détective, qui collationne une documentation impressionnante (une trentaine de pages de références se trouvent à la fin du volume) où l’on retrouve tout un monde : les personnes qui sont figurées sur les toiles de l’artiste, celles qui l’ont fréquenté, croisé, dont les plus célèbres, son frère Théo, Gauguin qui vint partager la « maison jaune »… Qui était Rachel à qui Van Gogh offrit son oreille ? Pas du tout la prostituée que l’on a voulu présenter, et le geste désespéré relevait d’une réelle tendresse… Cessons de raconter ! L’ouvrage est à découvrir absolument ! MARYVONNE COLOMBANI

Californie pour observer le dessin griffonné par le docteur Rey, qui avait soigné Van Gogh, et à qui Irving Stone avait demandé de décrire la blessure pour l’écriture de son propre roman sur le peintre, Lust for life. Et apporte une

L’oreille de Van Gogh, Rapport d’enquête Bernadette Murphy Actes Sud 24.80 €

Recettes croquantes et croquis craquants

O

n ne change pas une formule qui gagne. Forte du succès de la première édition, l’illustratrice Malika Moine revient avec Croquis croquants la suite… Un délicieux petit ouvrage qui vagabonde au gré de 52 nouveaux restaurants marseillais. La recette ? C’est Phil G. qui la rappelle dans une préface à l’humour alléchant. Il conseille ainsi de « glisser délicatement chaque chef dans sa cuisine et laisser mariner, jusqu’à inspiration. Lorsque les premières odeurs de création se font sentir, insérer le chef dans une page. » Avant de « tourner régulièrement les pages, et assaisonner en versant les mots de chaque recette en regard de l’aquarelle que vous aurez réservée sur la page de droite. » Etc…etc…On ne va pas tout dévoiler quand même ! Collectée au fil des rencontres et de la fantaisie de Malika Moine, cette nouvelle série de recettes (et d’adresses) offre donc les secrets culinaires que 52 chefs marseillais ont accepté

de divulguer, organisés selon l’ordre traditionnel entrées-plats-desserts. Et de même que les aquarelles, c’est ce qui fait leur charme, surprennent par leur diversité –couleurs ou noir et blanc, vues d’ensemble ou détails, portraits ou scènes de la vie du restaurant, salles vides ou pleines…- les recettes, elles aussi, sont d’une grande variété. Le livre fait

évidemment la part belle à certaines spécialités méridionales, comme les panisses, les sardines à la brousse ou les pieds paquets, mais n’oublie jamais que Marseille est une cité métisse, où les cuisines du monde entier, comme les gens, se retrouvent et se parlent. Ainsi, au fil des pages, on croise « ceviche », « risotto al nero di seppia a l’Albertina » ou « yassa »… Bref, des lieux à découvrir, des recettes à tester (sur place ou chez soi si on se sent) et de délicates aquarelles à feuilleter sans modération. Une excellente idée de cadeau de fin d’année, à offrir aux épicuriens éclectiques. De Marseille ou d’ailleurs ! FRED ROBERT

Croquis croquants la suite… Dessins de Malika Moine, Textes (préface et quatrième de couverture) de Phil G., recette des chefs Éditions R’garde moi ça 20 €


BNMFEST DANSE, CINÉMA, ATELIERS, RENCONTRES, EXPO, DJ SET

© Alwin Poiana

15 AU 22 DÉCEMBRE AU BALLET NATIONAL DE MARSEILLE

BILLETTERIE

ballet-de-marseille.com


FRAC fonds régional d’art contemporain

Marseille 20 bd. de Dunkerque M2 T2 > Joliette fracpaca.org

L’art d’aujourd’hui ouvert à tous Expositions

Le bruit des choses qui tombent

du 02.12.2017

Inventaire d’inventions (inventées)

au 18.02.2018

Olivier Rebufa - Au royaume de Babok

Année croisée France-Colombie

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