Zibel112

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11.11 > 09.12.2017

N°112

ZIBELINE

Mensuel culturel engagé du Sud-Est

Focus

DANSE

L 11439 - 112 - F: 3,00 € - RD

non

au compteur Linky

3€


NOVEMBRE 2017 MOIS DE LA JEUNE CREATION TARIF : 15€ (TARIF RÉDUIT 12€) I PASS JEUNE CRÉATION : 25 €

10 ET 11 NOVEMBRE 2017 I 20:30 MARIONNETTE I A

TRAVERS LA CERISAIE

d’après la pièce d’Anton Tchekhov La Cerisaie I VERA ROZANOVA

SOIRÉE 2 SPECTACLES

DANSE I BOUSSOLE I LÉA CANU-GINOUX DANSE I LOUIS

18 NOVEMBRE 2017 I 20:30 THÉÂTRE I VINGT

24 ET 25 NOVEMBRE 2017 I 20:30 PI/XIV I SIMONNE RIZZO

ANS ET ALORS !

d’après le texte de Don Duyns I BERTRAND CAUCHOIS

RENCONTRES LILY PASTRÉ Les rendez-vous de la création internationale à Marseille en danse, théâtre, arts du cirque PASS LILY PASTRÉ : 60€

02 DÉCEMBRE 2017 I 18:00 I ENTRÉE LIBRE

PRÉSENTATION DES RENCONTRES LILY PASTRÉ

02 DÉCEMBRE 2017 I 20:30 I 25 € (TARIF RÉDUIT 20 €) LE CONCERT DE LA FRATERNITÉ DES MONDES MUSIQUE • Arménie - Levon Minassian • France - Marco Quesada • Haïti - James Germain • Tunisie - Dorsaf Hamdani

12 DÉCEMBRE 2017 I 20:30 I 18 € (TARIF RÉDUIT 15€) DANSE I BLACKPOOL • Finlande - Milla Virtanen

15 DÉCEMBRE 2017 I 20:30 I ENTRÉE LIBRE SORTIE DE MASTER CLASS

Autour DES TROIS SOEURS d’après Anton Tchekhov - Vladimir Gurfinkel avec les étudiants du CERISIER, école internationale d’acteurs.

16 DÉCEMBRE 2017 I A PARTIR DE 17H I ENTRÉE LIBRE I LES ARTS DE LA SCÈNE

DÉBAT

08 DÉCEMBRE 2017 I 20:30 I 18 € (TARIF RÉDUIT 15€) CIRQUE - DANSE I UMAN • Canada - Anthony Weiss

09 DÉCEMBRE 2017 I 20:30 I 18 € (TARIF RÉDUIT 15€) DANSE I ALBAN & A TASTE OF POISON

EN RUSSIE

16 DÉCEMBRE 2017 I 20:30 I 18 € (TARIF RÉDUIT 15€) THÉÂTRE I LA CONSTITUTION • Russie - Vladimir Gurfinkel

• Belgique - Compagnie Mossoux - Bonté

04 91 75 64 59 www.theatre-nono.com

35 traverse de carthage 13008 marseille


NOVEMBRE DÉCEMBRE 2017

CULTURE ET SOCIÉTÉ Mensuel payant paraissant le deuxième samedi du mois Édité à 20 000 exemplaires, imprimés sur papier recyclé Édité par Zibeline BP 90007 13201 Marseille Cedex 1 Dépôt légal : janvier 2008 ISSN 2491-0732 Imprimé par Riccobono Imprim’vert - papier recyclé Crédit couverture : © Alouette sans tête Conception maquette Tiphaine Dubois

Directrice de publication & rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@gmail.com 06 09 08 30 34 Rédactrice en chef adjointe Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42 Secrétaire de rédaction Anna Zisman anna.zisman.zibeline@gmail.com

ARTS VISUELS Claude Lorin claudelorin@wanadoo.fr

06 25 54 42 22

LIVRES Fred Robert fred.robert.zibeline@gmail.com MUSIQUE ET DISQUES Jacques Freschel jacques.freschel@gmail.com CINÉMA Annie Gava annie.gava@laposte.net

06 88 46 25 01

06 82 84 88 94

06 20 42 40 57

06 86 94 70 44

Élise Padovani elise.padovani@orange.fr

Polyvolants Chris Bourgue chris.bourgue@wanadoo.fr Gaëlle Cloarec ga.cloarec@gmail.com

06 03 58 65 96

06 72 95 39 64

Maryvonne Colombani mycolombani@gmail.com

06 62 10 15 75

Marie-Jo Dhô dho.ramon@wanadoo.fr Marie Godfrin-Guidicelli m-g-g@wanadoo.fr 06 64 97 51 56 Jan Cyril Salemi jcsalemi@gmail.com

Maquettiste Philippe Perotti philippe.zibeline@gmail.com

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WRZ-Web Radio Zibeline Marc Voiry marcvoiry@hotmail.com Commerciale Rachel Lebihan rachel.zibeline@gmail.com

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La régie Jean-Michel Florant laregie@gmx.fr 06 22 17 07 56 Collaborateurs réguliers : Régis Vlachos, Dan Warzy, Frédéric Isoletta, Yves Bergé, Émilien Moreau, Christophe Floquet, Pierre-Alain Hoyet, Aude Fanlo, Thomas Dalicante, Marion Cordier, Caroline Gerard, Delphine Dieu, Hervé Lucien Administration Catherine Simon admin@journalzibeline.fr Houda Moutaouakil contact@journalzibeline.fr

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Des hommes puissants Depuis 10 ans Zibeline s’étonne, régulièrement, de la difficulté qu’ont les femmes artistes, auteurs, chercheurs... à faire entendre leur voix. À être simplement présentes sur les scènes, les cimaises, aux micros des conférences, dans l’édification architecturale des cités. Et depuis plusieurs années Zibeline constate que la nomination volontariste de femmes directrices ne réduit pas le déséquilibre sexiste dans les programmations culturelles, les représentations communes et les assignations genrées : les femmes artistes restent en charge du jeune public, chanteuses ou actrices éblouissantes, idéalement sexy, fragiles ou maternantes. Or depuis 10 ans, depuis toujours, nous savons, plus intimement, que les hommes, certains hommes, imposent leur désir, impérieux comme une force vitale, en piétinant celui des femmes. Et que c’est justement cette chose-là, l’expression valorisée du désir des hommes, qui construit nos représentations genrées de femmes idéalement sexy, fragiles ou maternantes. Aujourd’hui le nombre de femmes qui balancent leur porc, qui disent « moi aussi », est effarant. Particulièrement dans le milieu culturel. Si bien qu’on se demande, 112 puisque peu d’entre elles ont porté plainte, quel est le nombre réel de femmes violées. Est-ce le lot commun, celui de presque toutes, d’avoir été, enfant, tripatouillée par un oncle ou un grand cousin ? jeune fille, forcée dans une chambre ou dans un coin sombre ? adulte, poussée au cœur d’une relation consentie à des actes non désirés ? Autant de viols. Sans compter les masturbateurs publics, les palpeurs de métro, les harceleurs de rue qui insultent quand on ne sourit pas (t’es bonne t’es bonne c’est quoi ton zéro six), qui reluquent les formes de vos filles à peine pubères, fiers de leur regard concupiscent. Autant d’hommes puissants ? 96% des violeurs sont des hommes. Il serait temps de faire le lien entre le sentiment de toute puissance de ces hommes et les stéréotypes genrés que véhicule le monde culturel. En particulier le cinéma et la mode, qui les objectivent, mais aussi la musique ou le théâtre, qui les effacent ou les minorisent. On commencerait par faire cesser le harcèlement dans l’enseignement artistique, puis on s’attaquerait à la surreprésentation des imaginaires masculins ? Nos filles, alors, pourraient devenir artistes comme nos fils, parce qu’elles n’auraient plus à enfouir leurs fantômes, ni à séduire par leur grâce sexy, fragile ou maternante.

ÉDITO

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AGNÈS FRESCHEL


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sommaire 112

SOCIÉTÉ

Les femmes et les maths (P.6-7) Le Populisme de gauche (P.8) Non au compteur Linky (P.10-11)

politique culturelle

La Corderie (P.12) Ministère : rééquilibrages budgétaires et lutte contre le harcèlement (P.13) Faire de l’art, c’est pas du luxe ! (P.14-15) Le projet Chevalier Roze, Expositions au J1 (P.16) Entretien avec Pierre Caussin, directeur du Forum J. Prévert à Carros (P.17)

© X-D.R

événements

Focus danse : BNM, Klap, Dansem, festival de danse de Cannes (P.18-21) Les Rencontres d’Averroès (P.22-23) Festival Grains de sel, Rencontres Lily Pastré, rencontres de l’IMéRA (P.24-25) Mucem (P.26-27)

À un endroit du début, Germaine Acogny (Festiv’Anges 2017) © Thomas Dorn

AU PROGRAMME DU MOIS Musiques (P.40-45) Spectacles (P.46-74)

critiques

Spectacles, musiques (P.28-39) Marseille, Aix, Velaux, Martigues, Istres, Saint-Rémy, Port-Saint-Louis, Château-Arnoux, Toulon, La Seyne, Draguignan, Nîmes, Montpellier

Soleil Battant, de Clara et Laura Laperrousaz, sélectionné au Festival d’Automne de Gardanne

cinéma [P.76-83] Marseille, La Ciotat, Gardanne, Ouest Provence, Avignon, Montpellier, Aix, Vitrolles, Port-de-Bouc

Arts visuels [P.84-92] Martigues, Marseille, Aix, Saint-Chamas, Arles, Aubagne, Avignon, Tarascon, Montpellier, Sète, Mougins, Nice

livres [P.93-98] Ralph Gibson au Pavillon populaire, Montpellier. The somnambulist, 1970 © Ralph Gibson Lustrum Press Inc


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société

Les Femmes et les ou le poids des stéréotypes LES FEMMES N’AIMENT PAS LES MATHS ? NE SAVENT PAS LIRE UN PLAN ? ONT UNE INTELLIGENCE SENSIBLE MAIS MANQUENT DE LOGIQUE ? ISABELLE RÉGNER, ENSEIGNANTE CHERCHEUSE À AIX-MARSEILLE UNIVERSITÉ, DÉMONTRE COMMENT LES STÉRÉOTYPES DE GENRE INFLUENT SUR LES RÉSULTATS

Zibeline : Vous êtes chercheuse en psychologie cognitive, et enseignante à la Faculté des Sciences d’Aix-Marseille Université. Comment en êtes-vous venue à vous intéresser aux stéréotypes de genre, et à leur rôle dans les contreperformances des femmes en sciences ? Isabelle Régner : Ces études sur l’influence des stéréotypes ont commencé aux ÉtatsUnis. Deux chercheurs américains, Steele et Aronson, ont voulu comprendre comment on pouvait parler d’infériorité intellectuelle des Afro-Américains. En 1995, ils ont travaillé sur des tests standardisés d’intelligence verbale, utilisés aux Etats-Unis notamment pour l’admission à l’Université. Ils ont constaté que lorsque le test était présenté comme un test d’intelligence, les performances des étudiants Noirs étaient inférieures à celles des Blancs, alors que lorsque le même test était présenté comme une tâche de résolution de problèmes, les performances des deux groupes d’étudiants étaient similaires (et tout aussi élevées !).

Tests verbaux. Steele et Aronson1995.

DES TESTS ET EXAMENS, ET CONDUISENT LES FILLES, MALGRÉ ELLES, À PRODUIRE DES CONTREPERFORMANCES...

Noirs

Blancs

Test d’intelligence

8,5

12

Tâche de résolution de problèmes

12,1

12,4

gner © X-D.R le Ré bel Isa

Selon Steele et Aronson, le fait de parler de test d’intelligence rendrait saillant, pour les Afro-Américains, le stéréotype négatif dont ils sont la cible ainsi que la crainte de le confirmer. Cette crainte représente un stress supplémentaire pour les Afro-Américains, que les autres étudiants n’ont pas à gérer ; d’où le nom de « menace du stéréotype » que les auteurs ont donné à ce phénomène. Mais comment les Noirs, capables donc de faire aussi bien que les Blancs, peuvent ils produire des contreperformances lorsqu’ils passent un test d’intelligence ? Il s’agit de tests très difficiles, qui nécessitent l’ensemble des ressources de mémoire et d’attention pour être réussis. Or, lorsque le

test est présenté comme évaluant l’intelligence, la menace de stéréotype induit chez les Afro-Américains un stress supplémentaire et des pensées interférentes liées à la peur de confirmer le stéréotype qui mobilisent leurs ressources cognitives, ce qui nuit nettement aux performances. Et pourquoi les effets de Menace du stéréotype s’observent surtout sur des tests difficiles ? Parce que lorsque les exercices sont très complexes la peur de l’échec se combine avec la peur de renforcer le stéréotype, et le résultat entre Blancs et Noirs (pour les tests d’intelligence) ou hommes et femmes (pour les tests de mathématiques) se met à différer, alors même que les étudiants sont de même niveau. Dans le cas de tests simples, les individus peuvent compenser les effets de menace du stéréotype. Car Claude Steele a aussi fait travailler sur le stéréotype de genre. Oui, à partir de 1999. Dans leur étude, les étudiantes inscrites en sections mathématiques à l’université obtiennent de moins bons résultats que leurs homologues masculins lorsque le test est présenté comme un test de mathématiques (condition classique de passation d’un test de mathématiques). En revanche, elles obtiennent d’aussi bons résultats que les hommes lorsque le même test de mathématiques est décrit comme ne révélant aucune différence de performance entre les deux sexes. Autrement dit, une simple petite phrase « pas de différence de performance entre hommes et femmes » suffit à annuler l’effet de menace du stéréotype chez les femmes en math.

Test de mathématiques, Steele 1999 SAT.M Items difficiles Femmes

Hommes

sans la phrase

7

23

avec la phrase

18

19

Vous avez donc, avec Pascal Huguet, poursuivi ces recherches en France. Oui, notamment en écoles d’ingénieurs. Nous avons obtenu les mêmes résultats que Steele,


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maths, avec la version la plus complexe des Matrices de Raven. Il suffit de prononcer la petite phrase pour que les performances des femmes et des hommes ingénieurs soient exactement identiques, alors qu’elles diffèrent sensiblement sans. Vous vous êtes aussi penchée vers des populations plus jeunes, et de tout niveau. Pourquoi des collégiens ? 70% des lycéens en filières scientifiques sont des garçons, il n’y a que 20% de femmes dans les écoles d’ingénieurs. Qui subissent, ensuite, des retards de carrière et le plafond de verre. Il nous semblait donc intéressant, puisque les performances des filles sont dans l’ensemble plutôt meilleures que celles des garçons au collège, y compris en maths, de nous pencher sur le poids des stéréotypes dès cet âge-là, où cela s’enclenche puisque une orientation est ensuite décidée. Nous avons donc fait passer un test à plus de 450 collégiens de 6e et 5e. Exactement le même test, dans les mêmes conditions de temps, corrigé de la même manière, par les mêmes correcteurs. Mais en disant à certains groupes qu’il s’agissait d’un test de géométrie, aux autres d’un test de dessin. Il s’agissait, pour tous, de mémoriser et reproduire un ensemble de figures complexes, dit Figure de Rey. Et le résultat est édifiant. Effectivement. Les filles qui croient passer un test de géométrie n’ont pas la moyenne, alors que celles qui pensent passer un test de dessin ont plus de 25 sur 44... Quant aux garçons, qui ont 23,7 sur 44 en géométrie, soit 3 points de plus que les filles, ils perdent plus d’1 point lorsqu’il s’agit d’un test de dessin. Le stéréotype agit donc sur la performance dès les petites classes du collège, chez les bons comme chez les mauvais élèves...

Test de géométrie pour collégiens. Huguet & Régner. 2007 (sur 44) Figure de Rey

Test de géométrie

Test de dessin

Filles

20,7

25,4

Garçon

23,7

22,4

« Femmes 3000 » est un réseau national, créé en 1989 par Michèle Barzach sous le nom de « Femmes politiques », et destiné à faciliter le contact et la visibilité des femmes dans des domaines où elles sont sous-représentées. Rebaptisé « Femmes 3000 » depuis 1997, ce réseau veut penser la femme du 3e millénaire : il est mixte (10% d’hommes), connu à Paris pour ses Mardis de Flore très discutés, et organisé en délégations régionales. Celle des Bouches-du-Rhône, présidée par Dominique Mucchielli, est particulièrement active : tables rondes, diners thématiques, soirées festives, et surtout conférences sur les femmes en sciences, dans les arts, dans la finance, sur les cheffes d’entreprise... Sa réflexion porte plutôt sur les « plafonds de verre », qui empêchent d’accéder aux plus hauts postes de responsabilités, que sur les « planchers collants » qui maintiennent les femmes en sous-emploi, bas salaires, domination masculine et harcèlements de tout type. Car « Femmes 3000 » veut promouvoir plutôt que défendre, et son combat est celui de la valorisation, aux côtés des hommes féministes s’ils le veulent. Un réseau positif, ouvert, agissant, en contact avec d’autres réseaux de femmes (ils sont de plus en plus nombreux) et précis dans ses réflexions alimentées par des chercheus-e-s et nourries d’expériences. L’adhésion est ouverte à tous et toutes, retraité-e-s, étudiant-e-s, actifs et actives. Avec une A.F. réflexion, bientôt, sur l’écriture inclusive ? femmes3000.fr/Bouches-du-Rhone femmes3000.fr/Cote-Azur femmes3000.fr/Languedoc-Roussillon

Il agit sur les filles, qui produisent des contreperformances en maths, mais aussi sur les garçons... Oui. La différence de 1 point n’est pas aussi significative, mais le stéréotype repose bien sur des associations implicites. Les femmes seraient reliées aux Lettres, les hommes aux Sciences. Or on peut affirmer, puisque la différence de performance peut être annihilée par une consigne, qu’il n’y a pas de différence de compétence entre les filles et les garçons : c’est le contexte, la situation où les gens se trouvent qui influence leur performance cognitive. Il suffirait donc de repenser les conditions d’examen et d’enseignement pour remédier aux contreperformances des filles ? Oui. Cela marche. Lorsqu’on faisait passer les tests d’évaluation en math et en français , on a remarqué que les résultats des filles en maths étaient meilleurs lorsqu’elles passaient le français d’abord, par exemple, sans doute parce qu’elles étaient confortées par le test de français qu’elles pensaient mieux réussir... On sait aussi que le

fait de se trouver dans des filières scientifiques où les garçons sont très majoritaires en lycées décourage beaucoup de filles. Un test réalisé par Claude Steele pour montrer que les étudiants blancs en mathématiques de haut niveau peuvent être troublés par des stéréotypes m’a beaucoup amusée... Oui, il est assez drôle. Il s’est demandé ce qui pourrait constituer une menace de stéréotype pour eux... Il leur a fait passer le test en disant qu’ils étaient mis en compétition avec des Asiatiques, réputés très forts en maths. Les contreperformances de ces étudiants qui avaient tout réussi étaient manifestes ! L’influence des stéréotypes va bien au-delà des groupes stigmatisés... ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL DANS LE CADRE D’UNE RENCONTRE MENSUELLE DE « FEMMES 3000 »

Lire aussi, à propos des stéréotypes de genre, leur influence dans le monde de l’éducation artistique p13


8

société

« Populisme »

© X-D.R.

n’est pas un gros mot

LE POPULISME EST UN TERME GALVAUDÉ ET LARGEMENT DISCRÉDITÉ PAR L’IDÉOLOGIE DOMINANTE ; CAR CÉSAR DÉCIDAIT DES GUERRES MAIS AUSSI DE LA GRAMMAIRE. RETOUR SUR L’ILLUSION DU CONSENSUS DE CHANTAL MOUFFE

E

st décrétée « populiste » toute politique visant à satisfaire les besoins élémentaires du peuple, et non celles des entreprises et des marchés ; ce qui permet de balayer d’un revers de main, sans observer leurs effets, les politiques alternatives en Amérique latine et ailleurs qui ont considérablement fait reculer la pauvreté et la misère. Et par là-même montrer que les démocraties occidentales, qui ne sont pas populistes, ne sauraient s’abaisser à de telles politiques démagogiques, dangereuses et proches du fascisme. Mais une autre caractéristique du terme populiste est aussi stigmatisée comme dangereuse pour la démocratie : il s’agit de la passion politique. Le populisme de gauche est ce concept -notamment forgé par Laclau et Mouffe- qui s’intéresse aux passions et les considère comme fondamentales dans toute société politique ; et par là-même ne veut pas laisser le terrain des passions à l’extrême droite avec le nationalisme et sa xénophobie. Car l’individu politique auquel veulent nous faire croire les théories politiques dominantes serait un être rationnel, choisissant ses options politiques suivant ses intérêts propres, de manière purement instrumentale. Théories qui s’appuient sur la fin des idéologies et le

dépassement du clivage droite-gauche. Mais comme le rappelle Chantal Mouffe, les gens ont aussi des rêves et des désirs, et le bulletin de vote n’est pas l’extension du marché, ni même de l’intérêt personnel : on extrapole au politique le comportement instrumental de l’homo économicus.

Se construire en s’opposant

La passion politique que forge ce populisme de gauche s’appuie aussi sur les notions de base de la construction de l’identité : toute identité est relationnelle et n’a pas rapport qu’aux idées exposées rationnellement, comme dans les rayons d’un supermarché : « Étant donné l’importance accordé aujourd’hui au consensus, il n’est pas surprenant que les gens s’intéressent de moins en moins à la politique et que l’abstention atteigne des niveaux records. La mobilisation exige la politisation, mais la politisation ne peut exister sans la production d’une représentation conflictuelle du monde, avec des camps opposés auxquels les gens puissent s’identifier. Il faut ainsi que les passions puissent être mobilisées politiquement à travers un processus démocratique. » Ainsi, pour le dire cavalièrement, le populisme de gauche doit s’opposer à la passion xénophobe pour construire une passion « ploutophobe ».

On se construit et on s’identifie politiquement en s’opposant. Toute identification se passe dans la détermination d’un autre, d’un « nous » et d’un « eux », les Riches comme les désignent les Pinçon-Charlot, c’est-à-dire ceux qui possèdent les moyens de production et capitalisent la plus-value. Car, et tel est le sens du titre du livre, le consensus politique dans lequel s’engouffrent les démocraties libérales fait fi de l’antagonisme présent dans toute société. C’est ce que Chantal Mouffe nomme la dimension « adversariale » de la société politique. Les questions sémantiques sont donc importantes : il faut que « populisme de gauche » ne soit plus un gros mot… afin de commencer à gagner la bataille des mots. « Adversaire » n’est pas « ennemi », et « adversarial » permet d’éviter la traduction de « contradictoire », issue du « conflictuelle », proche de la lutte où il faut la mise à mort de l’autre. La société démocratique -qui doit prendre en charge la dimension du conflit et non le nier- doit faire en sorte que ces antagonismes consubstantiels à toute société se muent en « agonismes » : au lieu d’ennemis, on trouve des institutions politiques où des adversaires s’affrontent. Mais autour de projets politiques différents, où le cadre libéral n’est pas le seul possible. En niant cette dimension du conflit et des passions, en offrant la même politique libérale, nos sociétés n’ont fait que permettre à ces passions de prendre des formes religieuses ou ethniques qui mettent en péril la démocratie même. RÉGIS VLACHOS


Nouvelle création ! Artiste de la Bande / coproduction Merlan théâtre

JEU 30 NOV VEN 1 DÉC 20H30

LES BIJOUX D E PA C O T I L L E Pauline Bureau C ie L a P a r t d e s A n g e s

Sur un texte de / et avec Céline Milliat Baumgartner Le 19 juin 1985, à 3h30 du matin, une voiture sort de la route à l’entrée du tunnel de St-Germain-en-Laye – et prend feu sur le bas-côté. Les pompiers trouvent dans l’habitacle deux corps carbonisés, enlacés, un homme et une femme... Pour toute trace, ne restent plus de cette nuit là, qu’une boucle d’oreille en forme de fleur et deux bracelets en métal, noircis par le feu, des bijoux de pacotille qui sont restitués à la famille... « Il ne suffit pas de parler pour être bien, il faut partager » Boris Cyrulnik Seule en scène, l’auteure Céline Milliat Baumgartner entreprend dans ce texte autobiographique un long travail de mémoire pour dresser le portrait de ses parents disparus. Un père souvent absent pour son travail et une mère actrice qui embrasse Depardieu dans un film de Truffaut... Puis vient le récit d’une enfance presque normale, celle d’une enfant sans parent.

Durée : ± 1h15 • Tarifs : 15 / 10 / 5 / 3 €

infos & réservations > avenue Raimu, Marseille 14e > 0 4 9 1 1 1 1 9 2 0 / w w w. m e r l a n . o r g


10 société

Le compteur vert (de rage)

LINKY : LE COMPTEUR CONNECTÉ DÉPLOYÉ PAR ENEDIS (EX-ERDF) ÉCHAUFFE LES OREILLES Résultat : un bris de lunettes et 5 jours d’ITT. Sur Facebook, des groupes recensent d’innombrables témoignages de harcèlement (30 ou 40 appels par jour), intimidations, menaces et violations de domicile, malgré le recours à des cadenas ou à des courriers d’huissier pour protéger les anciens compteurs.

Oppositions

«

Linky : un gaspillage de 8 milliards ? » C’est le titre d’une tribune publiée par un Inspecteur général des finances honoraire, Patrice Cahart, dans l’édition du quotidien Le Monde du 6 octobre 2017, concernant le remplacement des compteurs électriques par un modèle « intelligent » dans 35 millions de foyers français. Cette décision, prise par le gouvernement dans le cadre de la Loi de transition énergétique votée en 2015, pose plusieurs problèmes. Outre le côté ubuesque d’un dispositif chiffré en milliards et qui n’aura quasiment aucun impact sur la consommation d’électricité des français*, les conséquences sur la santé d’un tel appareil suscitent des inquiétudes, et pas seulement auprès des personnes électrosensibles. Rien ne prouve l’innocuité des ondes électromagnétiques, classées par l’OMS dans la catégorie « cancérigènes possibles ». Pas besoin d’être un expert pour comprendre l’autre écueil majeur

de Linky : son côté « communiquant ». Les données -monnayables- qui transitent sur le réseau en disent beaucoup sur notre vie privée, jusqu’à révéler combien de personnes vivent chez vous, à quelle heure vous vous levez, les heures ou périodes d’absence... À peine l’appareil est-il en place que l’on se voit proposer par téléphone des « services liés ». 1,5 millions de compteurs ont déjà été remplacés, et bien des dysfonctionnements sont signalés. Linky prend parfois feu spontanément ; selon une enquête de l’UFC-Que Choisir, 26% des répondants ont constaté, suite à sa pose, des appareils électriques hors service, des problèmes de chauffe-eau ou des installations qui disjonctent. Pose qui se fait parfois de manière musclée, comme en témoigne la rubrique « faits divers » des médias : ainsi en Bretagne au printemps dernier, une grand-mère a été bousculée par un sous-traitant d’Enedis qui voulait installer Linky malgré son désaccord.

En conséquence, une opposition spontanée se manifeste un peu partout en France, prenant diverses formes. Il y a la méthode légale, assortie d’une procédure collective (lire ci-contre l’entretien avec Me Arnaud Durand). Les pétitions circulent. Associations et collectifs organisent des réunions d’information, des manifestations. L’obstruction se pratique de plus en plus. À Saint Michel de Vax, Sébastien Delpech du groupe Faut pas pucer (mémé dans les ordis) a publié une Lettre ouverte aux salariés d’Enedis, sollicitant leur conscience sociale, politique et écologique. Il y souligne que « Les opposants à Linky refusent, entre autres, l’automatisation des relevés de consommation d’électricité ; donc, ils défendent en quelque sorte vos emplois à votre place. Et vous, vous travaillez activement à leur suppression ! ». Parfois, les opposants passent à l’offensive. En mai, 11 véhicules d’Enedis partaient en fumée à Grenoble ; en juin, les locaux de la société s’enflammaient à Crest dans la Drôme ; le 24 octobre, c’est à Limoges qu’un incendie a détruit une vingtaine de véhicules... La fronde n’est pas réservée aux militants d’extrême gauche, loin de là. De nombreux élus municipaux de tous bords ont validé des délibérations anti-Linky sur leur commune. 360 à ce jour, si l’on en croit la carte interactive publiée sur le site poal.fr, dont Aix-en-Provence, Jouques et Velaux par exemple, pour ne mentionner que le territoire des Bouches-du-Rhône. À mesure que l’information circule, le mouvement s’accélère. GAËLLE CLOAREC

L’objectif déclaré est de permettre aux particuliers de maîtriser leur consommation d’électricité ; selon Patrice Cahart « seulement 0,2% des usagers raccordés ont demandé à connaître leur consommation en temps réel ». *


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« Un bel exemple de technocratie » ENTRETIEN AVEC ME ARNAUD DURAND*, AVOCAT AU BARREAU DE PARIS, QUI CONDUIT L’ACTION COLLECTIVE EN JUSTICE DES OPPOSANTS AU COMPTEUR LINKY Zibeline : Quel est le principe de cette action collective ? Me Arnaud Durand : Dans le droit américain, cela s’appelle une Class action. En France, nous avions deux options : une « Action de groupe », procédure complexe, et celle que nous avons adoptée, une « Action conjointe ». À ce stade, il s’agit d’une démarche collective entamée par des particuliers. Si suffisamment de collectivités territoriales se manifestaient, alors ? en Droit administratif ? une procédure spécifique serait envisageable à ce niveau-là également. On y travaille avec un autre avocat, Me Rémy Philippot. Il faut savoir que les anti-Linky sont en guerre contre Enedis, mais aussi contre l’État. Dans quelle mesure ? Quand une collectivité locale prend un arrêté s’opposant au déploiement du compteur communiquant, elle agit contre le Préfet, dépositaire de l’autorité de l’État. Les trois derniers gouvernements ont successivement fait en sorte de favoriser ce déploiement. Un ancien cadre d’EDF a été chargé de promouvoir Linky auprès des instances nationales, et un ample dispositif a été chargé de dire qu’il est obligatoire : bel exemple de technocratie. Mais en droit, c’est faux. Rien n’oblige le consommateur à accepter le compteur Linky. Pourtant c’est ce que répond Enedis quand on a un opérateur au téléphone... Il y a un seul appareil de collecte de données qui soit obligatoire en France, c’est le bracelet de surveillance électronique ! Ils invoquent un décret dont nous n’avons jamais vu la trace. Les lobbyistes ont tout de même essayé de faire passer un article de loi pénalisant le refus de Linky, mais il aurait été retoqué par le Conseil constitutionnel, donc la démarche n’a pas abouti... De nouvelles Conditions Générales de Vente sont adressées ces jours-ci aux particuliers pour leur enjoindre de faciliter la pose, et nous allons les contester devant les tribunaux. Il est manifestement illicite de forcer un consommateur à accepter un objet capable d’analyser ses données de consommation, et de les transmettre à des tiers. Quel est votre calendrier ? L’objectif est de mobiliser 1000 personnes ; nous n’y sommes pas encore, mais avons de bonnes chances d’y arriver. La clôture des inscriptions est fixée au 7 avril, Journée mondiale de la Santé, pour une procédure de référé engagée le 5 juin, Journée mondiale de l’Environnement. Il ne faudrait pas trop traîner, car si le déploiement est trop avancé ce sera plus difficile pour les juges d’ordonner le retour à des modèles non connectés ou la désactivation de Linky. Gagner un procès avec 1000 personnes pourrait avoir des conséquences politiques plus générales. La procédure est ouverte à ceux qui « estiment subir un dommage ou un risque de dommage imminent (santé, vie privée, dommages matériels) » causé par Linky. On comprend bien les enjeux de vie privée, mais pour les deux autres points, pouvez-vous apporter des précisions ? Les dommages matériels concernent l’incompatibilité entre le compteur communiquant et certains appareils électriques ménagers ou autres, qui perturbe complètement leur fonctionnement. En ce qui concerne la santé, de nombreuses études scientifiques démontrent les dangers liés aux ondes électromagnétiques. Même si Linky n’est pas installé chez vous, vous serez affectés si tout le réseau est pollué par ce qu’on appelle les CPL, courants porteurs en ligne. Les États-Unis et le Canada ont d’ailleurs fait machine arrière, sur leur territoire, pour leurs projets de compteurs connectés. PROPOS RECUEILLIS PAR G.C.

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Me Durand intervient régulièrement en matière de dommages liés aux ondes électromagnétiques.

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12 politique culturelle

Cœur de pierre L’HISTOIRE EST DIGNE D’UNE TRAGÉDIE GRECQUE. UNE SORTE D’ELECTRE REVISITÉ. AVEC MARSEILLE EN HÉROÏNE, QUI TUE SA MÈRE ET ÉPOUSE UN PROMOTEUR DE PASSAGE, VINCI LE VICTORIEUX, QUI VA L’AIDER À ACCOMPLIR LE MEURTRE...

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ur le boulevard de la Corderie, en plein cœur de Marseille, Vinci, promoteur immobilier, bénéficiaire coutumier des faveurs de la municipalité, envisage de construire un immeuble. La ville lui a vendu le terrain et Vinci peut en disposer pour son projet. Mais après les premiers coups de pelleteuse, la terre dévoile un trésor sorti de l’Antiquité. La mère grecque de Marseille se révèle. Une carrière, dont la pierre a servi à construire Massalia, au VIe siècle avant J.C, dormait là-dessous. Ailleurs, une telle découverte conduirait à l’arrêt immédiat du chantier, et à la préservation du site comme un bien patrimonial inestimable. Pas à Marseille. Ici, on ne fait pas de sentiment avec l’Histoire et on est habitué à enfouir la mémoire. La plus ancienne ville de France garde peu de traces de ses 26 siècles passés. Il y a 50 ans, quand les vestiges du port antique ont été mis au jour, le maire Gaston Defferre envisageait de les ensevelir sous un centre commercial. Une vaste mobilisation les a sauvés. Et même si aujourd’hui ils ont plutôt l’allure d’un terrain vague en friche, ils ont été préservés.

Un site fondateur

La mobilisation qui entoure la carrière matrice de la ville est également d’une grande ampleur. Plus de 15 000 personnes ont signé une pétition afin qu’elle soit sauvegardée. Archéologues, historiens, chercheurs, disent l’importance

scientifique du site, sa spécificité, ce qu’il peut apporter pour comprendre Marseille et les techniques de constructions antiques. Jean-Noël Bévérini, historien à l’initiative de la pétition, considère la carrière comme « l’acte de naissance de la ville ». L’architecte Rudy Ricciotti estime qu’« on atteint le niveau maximal de la honte ». Car d’avril à juin, l’INRAP (Institut National de Recherche Archéologiques Préventives) mène des fouilles sur place. Des sarcophages, datant du Ve siècle avant J.C. sont mis au jour, confirmant l’intérêt exceptionnel du lieu. Les citoyens ne baissent pas les bras. Les collectifs de soutien, Communistes, Insoumis, habitants du quartier, sont rassemblés par la volonté de sauver la carrière. Certains souhaiteraient que Vinci renonce à la construction de l’immeuble, d’autres envisagent un compromis avec le promoteur, à la condition qu’un large périmètre de la carrière soit protégé.

Le compromis ou la protection Ainsi, Sandrine Rolengo, qui représente à Marseille la Société pour la Protection des Paysages et de l’Esthétique de la France (SPEFF), explique que « l’enjeu, c’est que le caractère exceptionnel du site soit reconnu bien au-delà des limites qui ont été fixées par la ministre de la Culture ». Car face à la polémique

La carrière antique de 2600 ans de la Corderie© X-D.R

montante, Françoise Nyssen s’est prononcée, cet été, pour sanctuariser une petite partie des vestiges, environ 600m2, sur les 4200m2 qui ont été fouillés. Une décision prise suite à des conclusions d’experts jugeant que la totalité du site n’était pas suffisamment digne d’intérêt : le président de l’INRAP, Dominique Garcia, y précisait que ce n’était ni un monument, ni un bâtiment, mais les restes d’une carrière de pierre contenant peu d’objets, surtout des fragments, sans intérêt muséal majeur. Ce que contestent de nombreux scientifiques, persuadés, comme les citoyens, que ce sont en fait les intérêts des promoteurs qui prévalent. Que va devenir la carrière ? Le jardin privé d’une résidence de luxe de 8 étages ? Y aura-t-il un accès public ? Le périmètre protégé va-t-il être élargi ? Le flou demeure... La mairie de Marseille paie le déplacement de la porte de sortie de l’école qui jouxte le chantier, laissant faire Vinci, qui ne semble pas prêt à revoir son projet. Le constructeur a barricadé les lieux, les vestiges sont bâchés pour la plupart, mais soumis aux vibrations des tractopelles et camions qui circulent quotidiennement. Fin octobre, Samia Ghali, maire du 8e secteur de Marseille, a rencontré Françoise Nyssen. Elle affirme que la ministre a accepté de classer le site « monument historique ». Mais sur quel périmètre ? On l’ignore encore. Et même si c’était le cas, Vinci resterait propriétaire du terrain et libre d’en disposer. Seuls les vestiges seraient propriétés de l’Etat, sauvés de l’enfouissement, mais peut-être pas de la privatisation à l’usage réservé aux résidents. Un engagement ferme de la ministre pourrait garantir que la mémoire ne soit pas écrasée sous le poids du béton et de l’argent. JAN-CYRIL SALEMI


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Les rééquilibrages du ministère AUGMENTATION DU POSTE « CRÉATION », DES CRÉDITS DÉCONCENTRÉS, DE L’ÉDUCATION ARTISTIQUE, LE MINISTÈRE DE LA CULTURE CHEMINE VERS UN DÉSIR D’ÉGALITÉ, ET FRANÇOISE NYSSEN S’ATTAQUE ENFIN À LA VIOLENCE DU RAPPORT HOMME/FEMME DANS LES ARTS*

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on, ce n’est pas le ministère dont on rêvait. Celui qui ne concentrerait plus les investissements à Paris. Celui qui obtiendrait que le gouvernement augmente son budget, insuffisant aujourd’hui pour stopper l’érosion générale, et cesse d’appauvrir des collectivités territoriales qui réduisent les leurs. Celui qui pourrait accompagner les élans nouveaux, subvenir aux droits culturels de chacun, et penser les arts et la culture non en pansant les plaies, mais en insufflant des idées et des ambitions nouvelles... Mais il est indéniable que Françoise Nyssen travaille, dans la petite marge que le gouvernement lui laisse, pour une culture moins inégalitaire. Dans un contexte dit « contraint », elle obtient que le budget du ministère soit légèrement augmenté, et orienté vers des pistes nouvelles. Si le déséquilibre Paris/Régions est loin d’être comblé par la légère augmentation des budgets alloués aux Directions Régionales ; si la baisse de l’audiovisuel public interroge, à l’heure où il faudrait le réformer et repenser ses missions de service public ; si le chantier lancé pour généraliser une politique d’éducation artistique et culturelle (EAC) ne pense pas assez finement la transmission des œuvres aux publics, et ne peut, faute de moyens suffisants, s’adresser vraiment à tous... du moins Françoise Nyssen tente de préserver l’existant, de redonner un peu de moyens à la création et d’ouvrir plus grand les portes des maisons d’art et de culture. Tout en comprenant les difficultés de la presse, l’enjeu du numérique et des patrimoines, la nécessité d’une politique du livre et d’un soutien au cinéma dit d’auteur.

Harcèlement sexuel

Mais sa décision la plus révolutionnaire, dans le sens où elle peut vraiment changer les comportements du milieu culturel, et de la société, concerne les femmes. À l’heure où les Balance ton porc et les Me too disent l’effroyable fréquence, l’effroyable violence, de la domination masculine dans ce qu’elle a de plus abject, la ministre

souligne que l’affaire s’est déclenchée dans le milieu du cinéma. De la Culture. Depuis quelques années le ministère cherche à compenser l’inégalité d’accès des femmes aux postes de direction, sans voir qu’elles et leurs œuvres restent absentes des plateaux. Il constate que les écarts salariaux persistent, que les 60% d’étudiantes qui fréquentent les écoles d’art ne représentent que 34% des jeunes artistes, et les moins payées, mais ne pense pas la relation Homme/Femme dans son rapport de domination.

« Les étudiants dénoncent un problème latent dans les écoles d’art en France : la normalisation d’attitudes, remarques et propos sexistes et homophobes de la part de personnes auxquelles leur statut d’enseignant confère le pouvoir de briser ou de promouvoir la carrière de leurs étudiants.

La ministre va au cœur du problème, c’està-dire à sa source, en remettant en cause les mœurs dans les écoles d’art. Les harcèlements des jeunes filles, leur dévalorisation, la place des mentors. Il est plus que temps : Reine Prat le disait déjà en 2013. « Dans les écoles d’art, pour le dire schématiquement, des générations de « Lolitas » travaillent sous l’égide de mentors qui sont le plus souvent des hommes, le plus souvent d’un certain âge. »

Et la délégation nommée pour observer ces faits faisait plus que sonner l’alerte. « Les étudiants dénoncent un problème latent dans les écoles d’art en France : la normalisation d’attitudes, remarques et propos sexistes et homophobes de la part de personnes auxquelles leur statut d’enseignant confère le pouvoir de briser ou de promouvoir la carrière de leurs étudiants. Pour faire cesser l’omerta, la délégation demande de généraliser dans toutes les écoles de formation (écoles de journalisme, écoles d’interprètes, écoles d’arts) des modules dédiés à la question du genre qui incluront une sensibilisation à la question du harcèlement sexuel et des comportements sexistes. »

L’ampleur des dégâts

Car le harcèlement sexuel, dans le domaine des arts, ne relève pas du fait divers anecdotique. C’est l’image de la femme et les stéréotypes qui construisent inconsciemment nos comportements (voir p 6 et 7) qui sont affectés par la couverture des Inrocks glorifiant un féminicide, l’absence de femmes instrumentistes dans les musiques actuelles et le jazz, l’absence d’œuvres de femmes étudiées à l’école, les schémas érotisés, souvent infantilisés, de la beauté féminine fabriqués par le cinéma, la photo et les médias. Tant qu’elles seront aussi souvent, dans les écoles d’art et d’archi, mais aussi les conservatoires et écoles d’acteurs, rabaissées au statut d’objets, dominées, humiliées, agressées, il y a peu de chances que les femmes artistes sortent de l’invisibilité ou du stéréotype. Qui persistent malgré les nominations volontaristes de femmes aux postes de direction, et véhiculent l’image d’une femme inférieure, destinée avant tout à être belle, à rester jeune et à ne pas penser. AGNÈS FRESCHEL

*Le ministère de la Culture vient d’obtenir les deux labels AFNOR de la Diversité et de l’Égalité. Première administration d’État à les détenir conjointement il est récompensé, en particulier pour son action pour la parité, contre les disparités salariales et le harcèlement.


14 politique culturelle

L’autre Festival d’Avignon

C’est pas du luxe, 2015 © Joss Dray

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n petit chemin de terre, beaucoup de plantes, des fleurs, un poulailler. Au milieu de l’allée, un grand arbre avec une pancarte, « Place des palabres ». Un peu plus loin, quelques personnes reviennent du champ cultivé en maraîchage bio. À la cuisine toute proche, on a récupéré la récolte du jour pour préparer le repas de la cantine associative. En arrivant au Village, une sensation domine, celle d’être accueilli. L’association se trouve à quelques kilomètres de Cavaillon, et depuis bientôt 25 ans, elle est engagée dans la lutte contre la précarité. Une trentaine de personnes y sont hébergées, en échange d’une petite « redevance » (c’est le terme utilisé) et de leur implication sur divers chantiers d’insertion. « Vivre, cultiver, construire », ces trois mots sont la devise du Village. La cuisine, l’agriculture, le bâtiment, les parcours d’insertion peuvent se tenir dans tous ces domaines. Mais avec le terme « cultiver », plusieurs lectures sont possibles. Cultiver la terre mais aussi cultiver l’esprit. En 2012, germe l’idée du Festival C’est pas du luxe. Le Village s’associe avec La Garance, scène nationale de Cavaillon -grâce à la volonté de Jean-Michel Gremillet qui en était alors directeur, puis de Didier Le Corre, l’actuel directeur qui l’a reconduit- et avec la Fondation Abbé Pierre (FAP) pour mettre en œuvre le projet. L’objectif est de lier la dimension artistique au travail social et de créer un événement pour rassembler des propositions de ce type menées sur le long terme. « Le Festival est une ponctuation d’un processus qui doit être quotidien », explique Vincent Delahaye, le directeur du Village. Ce qu’on défend, c’est que le sensible et le beau doivent être constamment présents sur les lieux d’accueil comme le nôtre. Non seulement ça revalorise le travail social, mais en plus, cela installe les personnes dans une dynamique de vie, pas uniquement dans une logique de survie, se nourrir et se loger. »

DEPUIS 2012, LE FESTIVAL C’EST PAS DU LUXE MÊLE L’ACTION SOCIALE À Succès et rejets Mais entre l’idée du Festival et sa réalisation, L’ACTION CULTURELLE, EN PRÉSENTANT LE TRAVAIL RÉALISÉ EN COMMUN des obstacles se dressent. Le projet est pourtant PAR DES PERSONNES DÉMUNIES ET DES ARTISTES. PORTÉ PAR L’ASSOCIATION soutenu par deux structures d’envergure, La Garance et la FAP, qui se posent d’emblée en CAVAILLONNAISE LE VILLAGE, PAR LA GARANCE, SCÈNE NATIONALE DE partenaires solides. Les pensions de famille gérées par la FAP à travers toute la France y CAVAILLON, ET PAR LA FONDATION ABBÉ PIERRE, L’ÉVÉNEMENT A ÉTÉ participent et la scène nationale cavaillonnaise MAL PERÇU PAR PLUSIEURS COMMUNES DU VAUCLUSE, QUI ONT REFUSÉ s’implique dans l’organisation. Mais c’est du côté des décisions politiques que viennent les DE L’ACCUEILLIR. IL VIENT DE TROUVER UN ANCRAGE STABLE À AVIGNON embûches. En toute logique, le Festival aurait


saison

Théâtre La passerelle nov./dec.

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Vendredi 24 novembre à 20h30

Ceux qui errent ne se trompent pas Mise en scène Maëlle Poésy dû se tenir à Cavaillon. Mais la municipalité s’y oppose. Sans que la ville en assume ouvertement les raisons, il apparaît clairement que des questions de sécurité et d’image ont motivé ce refus. L’événement trouve alors refuge au Thor, où sont organisées les deux premières éditions, en 2012 et 2013. D’emblée, le succès est au rendez-vous. Les spectateurs se comptent en milliers. Deux jours durant, ils découvrent le travail accompli dans tous les domaines culturels, danse, théâtre, musique, arts plastiques, etc. Des têtes d’affiches sont également associées à l’événement : concerts de HK et Les Saltimbanks en 2012, de Moussu T e Lei Jovents, des Ogres de Barback ou des Fatals Picards en 2013. L’accueil, parmi une grande majorité de la population, est également enthousiaste. La convivialité et le partage sont indissociables de cette expérience humaine très forte pour tous ceux qui y participent, de près ou de loin. Mais en 2014, après les élections municipales, Le Thor change de couleur politique. La nouvelle équipe penche à droite et ne souhaite plus que la commune soit associée au Festival. L’édition suivante, en 2015, aura lieu à Apt. Ce sera la seule. Le succès est pourtant croissant, avec près de 6000 spectateurs présents. Mais la mairie d’Apt fait savoir aux organisateurs que le Festival ne correspond pas à l’image qu’elle souhaite donner de sa ville.

Mardi 28 novembre à 20h30

DJ set (sur) écoute Conception Mathieu Bauer Jeudi 30 nov, vendredi 1er et samedi 2 déc à 19h

Les Lectures [z]électroniques Détachement International du Muerto Coco Mercredi 6 décembre à 18h

Rock & Goal Conception & chorégraphie Michel Kelemenis Mardi 12, mercredi 13 décembre à 20h30

Le Gros sabordage Cie La Mondiale générale

Renseignements & réservations

04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

Avignon terre d’accueil

Malgré ces rejets, personne ne renonce, ni dans le travail au quotidien, ni dans l’intention de le présenter lors d’un Festival. Les fruits portés par le projet sont bien trop précieux pour être abandonnés. L’une des illustrations en est L’Orchestre Pile-Poil. Créée dès 2011 au Village, cette formation musicale atypique peut compter jusqu’à une trentaine de membres, venus de tous les horizons. « C’est un groupe ouvert à tous, que l’on peut rejoindre ou quitter à tout moment », explique Sylvain Mazens, qui en est le chef d’orchestre. MUSIQUE Cette grande souplesse ne nuit pas à la qualité artistique, bien au contraire. Une fois par semaine, des répétitions ont lieu au Village. Les personnes hébergées qui le souhaitent y participent. Le visage de Jeanine, qui vit sur place depuis plusieurs années, rayonne quand elle parle de l’orchestre. « Je joue des maracas, j’ai écrit des textes des VEN 17 NOV 21:00 chansons, on a fait plein de concerts. Pile-Poil, c’est vraiment génial ! » DANSE Pour que ce type d’aventure puisse se poursuivre, les organisateurs de C’est pas du luxe ont fini par trouver un écho favorable à Avignon. L’édition 2018 y aura lieu fin septembre, etCiel’engagement de la ville Accrorap / CCN de La Rochelle – Kader Attou et de sa maire, Cécile Helle, et des élus Front de gauche, apparaît 21:00 VEN 24 NOV durable. « 70 ans après Jean Vilar, nous créons un autre Festival d’AviMUSIQUE« C’est gnon », lance André Castelli, l’adjoint en charge du projet. pas du luxe est en lien avec le Festival d’Avignon, et les passerelles se mettent en place. L’ambition est que cet autre Festival, avec ses spécificités, trouve sa place dans plusieurs lieux culturels, mais aussi danslestoute la ville, Comme je l’entends, productions – Benjamin Dupé DU 30 NOV 02 DÉC et même au-delà. » Ce partenariat avec Avignon mène leAUFestival dans une autre dimension. Il est aussi la reconnaissanceCIRQUE du travail accompli, déjà soulignée par le geste fort apporté récemment par le ministère de la Culture : un label, qui souligne le soutien de la ministre et fait de la manifestation un modèle à généraliser. En espérant qu’un soutien financier vienne compléter cette labellisation.

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MICHAEL WOLLNY & VINCENT PEIRANI DOUAR

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MICHAEL WOLLNY & VINCENT PEIRANI VEN 17 NOV 21:00

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Cie Accrorap / CCN de La Rochelle – Kader Attou VEN 24 NOV 21:00

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MUSIQUE

COMME JE L’ENTENDS Comme je l’entends, les productions – Benjamin Dupé

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DU 30 NOV AU 02 DÉC

CIRQUE

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Blizzard Concept JAN-CYRIL SALEMI VEN 08 DÉC 19:00

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Chevalier Roze acte 1

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st-ce que l’art peut aider à la requalification des quartiers ? Question à laquelle a déjà répondu la Ville de Toulon en créant La Rue des arts (Zib’107), et à laquelle Renaud Haberkorn, Président d’ANF Immobilier, emboîte le pas avec Chevalier Roze, à Marseille. Inauguré pendant Art-O-Rama, le pôle artistique dédié à l’art contemporain est situé derrière la rue de la République dont ANF Immobilier est déjà propriétaire en partie : du Vieux-Port à la place Sadi Carnot et du Monoprix à la Joliette. Trop étriqué ? Oui, puisque la foncière d’investissement vient de réhabiliter les espaces désertés par les commerçants. « La politique de mécénat est développée sur trois ans, explique Ombline d’Avezac*, coordinatrice du projet depuis un an. C’est la force du privé que d’aller vite ! ». Homogènes et complémentaires, les projets retenus proposent « un parcours de l’œuvre exemplaire, depuis sa création jusqu’à son analyse, qui fait de la rue un musée à ciel ouvert ». Sept espaces distincts ont ainsi été rénovés et proposés sans loyer (uniquement les charges eau, EDF et taxe professionnelle) à des acteurs du secteur culturel du territoire. « J’ai d’abord réfléchi à l’implantation de galeries nationales, mais le marché marseillais étant

South Way Studio et Espace Catherine Bastide © X.D-R

quasi inexistant et les galeries d’art des lieux réservés à une élite, j’ai proposé des ateliers, des studios de création, un espace dédié aux métiers d’art, un café… pour que la rue reste ouverte aux habitants. » L’avenir dira si, effectivement, la population s’investira à son tour en participant aux événements, aux visites commentées, aux ateliers pour enfants, le tout gratuitement. Pour l’heure ce n’est pas encore la foule, reconnaît Ombline d’Avezac,

mais il lui tenait à cœur d’acter l’ouverture avant de poursuivre son développement : « Chevalier Roze peut être le vaisseau amiral d’un nouveau quartier ». À suivre donc. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI * Ancienne responsable des relations avec les collectionneurs et les institutions pour la FIAC et responsable du service communication du Musée d’art moderne de Paris

Arles à Marseille

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eux qui ont arpenté avec bonheur ses 4000m2 tout au long de la Capitale Européenne de la Culture Marseille-Provence 2013 sauront retrouver le chemin : une nouvelle exposition s’est installée au J1, bâtiment industriel de la Joliette. La Ville de Marseille, qui loue les lieux jusqu’à la fin 2018 au Grand port maritime (GPMM), a confié à l’association MJ1* le soin de les faire revivre. Sandra Chalinet, sa vice-présidente, convient que le démarrage s’est fait attendre, mais déclare que son équipe a voulu « frapper fort, avec une exposition d’envergure ».

Mathieu Asselin © G.C.

Envergure, c’est bien le mot qui vient à l’esprit lorsqu’on découvre Le monde tel qu’il va !, prolongement des Rencontres d’Arles à Marseille. Pour Sam Stourdzé, leur directeur, l’occasion était belle de profiter d’un écrin d’acier et de béton, à l’environnement maritime spectaculaire, pour ré-éditorialiser les images de sept photographes sélectionnés cet été, en y ajoutant une marseillaise, Monique Deregibus. Courez au J1, car la visite est gratuite, et le résultat, vision d’artistes branchés sur l’actualité la plus brûlante, vaut le détour ! On vous en parlait longuement

dans notre n°109 : les Rencontres d’Arles cette année ont apporté une forte visibilité aux photographes enquêteurs. L’exposition marseillaise poursuit ce travail de diffusion indispensable : on y retrouve, entre autres, l’atroce vision des méfaits de Monsanto par Mathieu Asselin, dont l’œuvre s’apprête à tourner partout en Europe. Ainsi que celle de son aîné Gideon Mendel, révélatrice de notre vulnérabilité face aux changements climatiques (lire aussi sur journalzibeline.fr). GAËLLE CLOAREC

* MJ1 rassemble aux côtés de la Ville de Marseille et de la CCI Marseille Provence 19 acteurs privés, dont la BNP Paribas et la Caisse d’Épargne, Bouygues, Eiffage Construction, JC Decaux, ONET, Sodexo, Orange... Le budget de son action au J1 jusqu’à la fin 2018 est de 4,2 millions, dont 24% pris en charge par la Ville, le reste par les partenaires. Le monde tel qu’il va ! jusqu’au 7 janvier 2018 J1, Marseille mj1.fr


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Roulez Carros !

Entretien avec Pierre Caussin, le jeune directeur du Forum Jacques Prévert à Carros, qui vient de prendre ses fonctions Pierre Caussin © Serge Martiano

Zibeline : Vous venez tout juste d’arriver à Carros, d’où venez-vous ? Pierre Cassin : En effet, j’ai pris mes fonctions le 16 octobre. Mais je suis arrivé en Paca il y a une quinzaine d’années, après des études de sociologie, philosophie et gestion culturelle en Belgique. J’ai ensuite travaillé en tant qu’administrateur de production pour plusieurs structures à Marseille. Ces dix dernières années, au Théâtre de la Cité. Là, à travers la Biennale des écritures du réel notamment, j’ai eu la possibilité d’un investissement plus large, en touchant aux partenariats, au mécénat, ainsi qu’au volet artistique. Qu’est-ce qui vous a amené au Forum Jacques Prévert ? J’ai postulé, tout simplement, suite à une annonce parue sur l’Arcade*. Ensuite a eu lieu la procédure habituelle, avec short list, etc. Et mon projet a été retenu. Il était centré sur un esprit de continuité : la structure était une MJC à l’origine, il y a plus de 35 ans, avec une forte dimension d’éducation populaire. Il y a énormément d’ateliers pratiques qui se tiennent ici, environ 600 personnes sont inscrites dans diverses disciplines qui vont du théâtre à la danse, en passant par les activités de bien-être et le tir à l’arc ! La programmation en tant que telle se fait dans la salle municipale Juliette Gréco juste à côté : de 20 à 25 spectacles à l’année y sont portés par le Forum. En matière de programmation, quels sont vos projets ? La précédente directrice, Sylvie Guigo-Lecomte, a assuré la programmation jusqu’en

fin de saison. Je reprends le flambeau avec l’intention de travailler auprès des acteurs associatifs du territoire, de façon coopérative. En premier lieu les structures municipales, le CIAC, centre d’art contemporain, et la Médiathèque. Je veux aller aussi vers les petites villes alentour, Le Broc, Gattières. Chaque année depuis 21 ans a lieu le Festival Roulez Carros !, plutôt orienté arts de la rue. J’entends garder son esprit de convivialité mais en le tirant vers les arts de la parole : conte, slam, balades urbaines, chansons... Je vais lancer également une formule qui a bien marché au Théâtre de La Cité, des conférences à l’attention du jeune public. Quelles sont les caractéristiques de ce territoire ? À Carros même, il y a trois entités géographiques : en haut le village historique, le cœur de ville avec une population très métissée, populaire, et en bas une zone pavillonnaire plutôt aisée. Nous voudrions faire en sorte que les habitants se rencontrent. Il y a ici un amphithéâtre de verdure magnifique, des espaces extérieurs exceptionnels, aux portes du Mercantour... Je vais prendre contact avec le bureau des guides du GR13. Le Forum draine un public en provenance de la Métropole de Nice et des Moyen et Haut Pays. Comment s’est passée la prise de contact avec vos équipes ? En me comptant nous sommes 7 salariés, plus 22 animateurs. Je laisse ma porte ouverte, en privilégiant une relation transversale. Nous avons commencé par une réflexion sur les valeurs du Forum, pour que chacun évoque le sens de son travail ici. Et puis nous allons

retravailler le projet collectivement pour le proposer au Conseil d’Administration. En conservant l’objectif de créer des passerelles entre pratiques culturelles et création professionnelle. Nous accueillons des compagnies en résidence, et allons lancer des chantiers de production partagée avec les habitants. PROPOS RECUEILLIS PAR GAËLLE CLOAREC

* Agence des Arts du spectacle Provence Alpes Côte d’Azur

AU PROGRAMME DU MOIS

11 novembre : Ceci n’est pas un concert d’amour

C’est à la fois un concert de rock et une lecture poétique sur l’amour et la beauté que propose Luna Paese, avec le comédien/musicien/ danseur Jules Beckman en invité spécial.

25 novembre : Ta peau comme le ciel/Mon corps palimpseste

Deux Cies au programme : en extérieur Antipodes danse l’amour dans un duo fusionnel, tandis qu’Eric Oberdoff offre, dans un autre duo, une belle réflexion sur l’état intermédiaire entre conscience et inconscience.

1er décembre : At Home

la Cie /TranS/ nous met en relation avec l’Autre et avec le monde, dans une interaction riche entre la danse et la musique.

8 décembre : City

Le circassien Joris Frigerio rend hommage à la ville de Nice en mêlant à ses voltiges la danse, les mots et la vidéo. En solo ou avec son porteur, Matthieu Renevret. Forum Jacques Prévert, Carros 04 93 08 76 07 fourumcarros.com


18 événements

Regardez danser, c’est politique ! Dansem va essaimer, le KLAP va faire danser les anges, le BNM crée ses Kindertotenlieder, Cannes fait son Festival... Tout un territoire entre en danse !

L’

art de la danse est politique. Toujours, éminemment. Surtout en France où Louis XIV créa le spectacle de danse face aux danses populaires et aux danses de Cour, la danse classique imposant peu à peu l’élévation (pointes, portés, sauts et... verrouillage physique), l’hyper distinction des genres et... la passivité du spectateur, qui jusqu’alors dansait ! C’est tout cela qui est remis en cause par la danse moderne puis contemporaine, depuis un siècle, au gré des libérations du corps : celles des avant-gardes, des femmes, des noirs, des peuples opprimés, des genres classifiés, des couples de tous types, des enfants, des pubères... Car la danse fait, forcément, corps : avec le rythme, avec les mots, elle fait porter sur soi, en soi, souvent inconsciemment, les évolutions du monde, les changements imprimés sur nos corps, leurs libertés et leurs prisons, leurs douleurs et leurs jouissances, leurs fantômes et leur trivialité, leur transcendance et leurs humeurs, leur genre et

leurs origines, leur vitesse ou leur atonie, leurs performances ou leurs révoltes, leur histoire et leur intimité. La présence de la danse sur notre territoire est donc réjouissante, dans sa grande diversité. Depuis les propositions classiques et néoclassiques présentes à Monaco et Cannes, ou avec Julien Lestel à Marseille, jusqu’aux formes participatives de Festiv’Anges, à la danse engagée de Dansem ou des chorégraphEs invitées par NoNo, en passant par le flamenco (Ana Perez à Fos) ou la street danse (féminine à Alès !) qui font revenir les arts populaires sur la scène, et toutes les formes de danse contemporaine où le corps exulte : Josette Baïz au GTP, Grégory Maqoma à Aix, Istres et Châteauvallon, Vandekeybus aux Salins, Blanca Li à Sainte Maxime, Keersmaeker à Nîmes, Thomas Lebrun à Alès (voir le détail dans notre rubrique au programme). Les choix y sont, plus que jamais, politiques, jusque dans la chair. AGNÈS FRESCHEL

Le BNM en enfance

C

e sont les chants les plus déchirants de la littérature musicale. Composés par Mahler sur les poèmes de Rückert après le décès de ses enfants (1833), et avant que Mahler perde lui-même sa fille, ils disent à la fois le

deuil absolu, les accès poignants de douleur, mais aussi le souvenir de l’enfance, de ses peurs, de la nature et de la joie. Franck Krawczyk a composé une libre adaptation de ces lieder, pour chœur d’enfants et piano, en y ajoutant quelques mélodies de Janáček et Eisler : c’est la Maîtrise Gabriel Fauré, dirigée par Samuel Coquard, qui sera sur scène pour ce premier volet intitulé Apparition : habituée des plateaux lyriques des festivals d’Aix ou d’Orange, elle incarnera la fragilité, la force d’imagination de l’enfance, et, Kindertotenlieder - Apparition © Alwin Poiana

Emio Greco et Peter Scholten présentent à l’Opéra de Marseille le premier volet de leur création autour des Kindertotenlieder de Mahler

plus douloureusement, sa fin, sa mort. Il sera question de loup, de contes, d’esprit caché... En 7 parties, correspondant à 7 niveaux sensoriels, et accompagnés par 7 danseurs adultes : 5 du Ballet National de Marseille, et 2 de ICK, la compagnie néerlandaise également dirigée par Emio Greco & Peter Scholten. La mise en relation des Ballets, de la voix et de la danse, des adultes et des enfants, de la création musicale et du répertoire, se poursuivra dans le second volet des Kindertotenlieder, Disparition, où les enfants chantants auront disparu de la scène pour laisser place aux adultes dansants. Cela sera créé en mars, à La Criée. D’ici là les danseurs du BNM, aujourd’hui au nombre de 29, dont 9 issus ou appartenant au BNMNext, danseront Rocco (voir Zib’ 95 et sur journalzibeline.fr), créeront Rocca, sa version féminine, tourneront Tetris, pièce pour jeune public (voir Zib’ 106 et sur journalzibeline.fr). Tournés vers l’enfance, la jeunesse, la création contemporaine et l’émotion. A.F. Apparition 2 & 3 décembre Opéra de Marseille 04 91 32 72 72 ballet-de-marseille.com


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À un endroit du début, Germaine Acogny © Thomas Dorn

Familles… la danse vous aime

A

kram Khan, Fabrice Ramalingom, JeanClaude Gallotta, Montalvo-Hervieu, Carolyn Carlson, Arthur Perole, Mourad Merzouki, Josette Baïz… Les chorégraphes sont de plus en plus nombreux à créer des pièces pour le jeune public qui prend ses parents par la main pour, ensemble, « s’enrichir par l’apport de beautés, d’élans, d’interrogations » rappelle Michel Kelemenis, chorégraphe et directeur de Klap Maison pour la danse. Michel Kelemenis qui a créé à son attention Monsieur muscle, Henriette et Matisse, Rock & Goal et signe la programmation du 4e Festiv’Anges, pour l’enfance, la jeunesse, et la famille ! Qui dit spectacle pour l’enfance et la jeunesse, dit implicitement audience captive et engouement traditionnel pour le cirque, le jonglage, le théâtre d’objets, la magie, les marionnettes. Et aujourd’hui, plus que jamais, la danse, dont Festiv’Anges est une formidable caisse de résonance. L’inauguration à Marseille de cette 4e édition est un peu particulière car elle célèbre le travail de la chorégraphe sénégalaise Germaine Acogny et tire la sonnette d’alarme sur la situation financière de l’École des sables, son projet éducatif et citoyen bâti en 1998 à Toubab Dialow (voir Zib’49, 2012). Une soirée notable car rares sont les occasions de voir danser en solo Germaine Acogny, ici dans À un endroit du début, et ce d’autant plus que l’intégralité

de la billetterie sera reversée à son école. À ouverture exceptionnelle, clôture non moins exceptionnelle, imaginée par Kelemenis & Cie en trois temps partagés : Faire feu… conçu pour les danseurs de la formation Coline (qui viennent de présenter à Question de danse le résultat de leur résidence avec Thomas Lebrun) ; Image & Reflet, deux quatuors extraits du programme Collector tout juste créé par Kelemenis ; et la création Pour Liam de Kaori Ito (Cie Himé) inspirée par sa rencontre avec « Lucienne, 70 ans, lumineuse et pleine de vie ». Entre les deux points d’orgue, le festival s’adresse aux tout-petits dès 2 ans avec une pièce qui devrait susciter leur émerveillement et leur enthousiasme : Ce qui nous vient de loin, c’est la curiosité pour le monde de Katy Deville et Patricia Guannel (Théâtre de Cuisine). Le public à partir de 7/8 ans ne devrait pas rester insensible à l’expérience poétique proposée par Yuval Pick qui, dans Playbach, part à la découverte d’œuvres de Bach, ni à la réflexion d’Olivier Dubois (Ballet du nord) sur les errements de l’âme et les émotions qui traversent la pièce 7 x rien. De même, les jeunes de 10/12 ans ne devraient pas rester hermétiques à l’éloge de la fraternité célébré dans La Mécanique des ombres par le trio avignonnais Sylvain Bouillet, Mathieu Desseigne et Lucien Reynès (Naïf production), ou aux interrogations posées par

Manon Avram sur les frontières ambigües entre intégration et assimilation (découverte dansée Chacun sa place).

Je danse, tu danses, nous dansons… Telle est l’invitation de Festiv’Anges le temps du week-end des 25 et 26 novembre ! Les artistes de Kelemenis & cie se mêlent aux invités de Klap Maison pour la danse pour multiplier les occasions d’un JEU DANSE en famille, d’ateliers en mouvements, éducatifs et joyeux, d’un goûter partagé pour se remettre de ses émotions, d’un projet participatif restitué par les amateurs immergés dans le processus de fabrication de la pièce Rock’n chair d’Arthur Perole, d’ateliers dessins et danse avec Fotokino, de jeux chorégraphiques. Aussi, comme les anges sont des êtres célestes doués de toutes les perfections, tous ces petits « â coté » sont gratuits ! MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Festiv’Anges 28 novembre au 21 décembre Klap Maison pour la danse, Marseille Théâtre de l’Olivier, Istres Théâtre de la Colonne, Miramas Théâtre de la Passerelle, Gap 04 96 11 11 20 kelemenis.fr

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20 événements

Le Cinquième hiver, Mal Pelo © Jordi Bover

Dansem d’hier et d’aujourd’hui

L

a programmation de Cristiano Carpanini, fondateur de Dansem, témoigne de la présence des artistes tout au long de son histoire, de son ouverture sur la chorégraphie de demain, de la fédération de partenaires culturels et de compagnies du territoire autour du festival. Une édition riche de multiples écritures chorégraphiques, nationalités et potentialités à développer encore pendant 20 ans… si les soutiens financiers et structurels perdurent. Avec des subventions en baisse (15 000 euros de la Région et 5000 euros de la Ville de Marseille cette année), « L’Officina* doit renouveler sa manière de travailler pour pouvoir continuer ses activités et sa capacité à accompagner les artistes » concède Cristiano Carpanini. Jamais à cours de perspective : « Nous avons envie de construire notre parcours, autonome, au sein d’un équipement qui pourrait nous permettre de développer nos projets car la présence de Dansem fait sens ». Ni d’interrogation : « Doit-on continuer à travailler sur le même territoire géographique (le bassin méditerranéen, ndlr) comme on le fait depuis 20 ans, alors que celui-ci est aujourd’hui investi par d’autres ? »…

4 semaines intenses Le parcours 2017 est émaillé de belles retrouvailles et autant de découvertes. Radhouane El Meddeb inaugure Dansem de manière personnelle avec À mon père, une dernière

La 20e édition de Dansem est un cru mature, le reflet de la mémoire de ce qu’il a été et une invitation à ce qu’il adviendra

danse et un premier baiser, solo dansé dans un espace scénographique particulier sur des extraits des Variations Goldberg de Bach interprétées par Glenn Gould. Dans cette même veine, We Wait in the Darkness de la chorégraphe américaine Rosy Simas -dont c’est la première venue en France- développe un travail expressif autour de la mémoire familiale, sensorielle et culturelle sur une composition originale de François Richomme, collaborateur notamment de Fabrice Ramalingom. La deuxième semaine est d’une autre nature avec un focus sur l’histoire du festival. Les catalans Maria Munoz et Pep Ramis créent une poésie chorégraphique, Le Cinquième hiver, sur des textes d’Erri De Luca, tandis que la danseuse-chorégraphe s’empare du Clavier bien tempéré de Bach dans un solo où l’action dansée prévaut. Préparé en résidence l’an passé, Les Architectes de Youness Atbane et Youness Aboulakoul se joue du milieu de l’art contemporain et de ses codes à travers un travail sur la relation entre rêves et objets. Fidélités encore avec, le temps d’une même soirée, le 4e épisode d’une série de performances chorégraphiques d’après un roman de Kathy Acker par Mathilde Monfreux, Ackerisme 4 - Effets du réel et de l’imaginaire, inspiré par « la multiplicité des formes, la grande liberté de style et d’expression qui interroge (sa) pratique de la danse ». Lui succèdera la création Impact ! de Marc Vincent, 2e épisode d’une

trilogie dont Dansem avait présenté Distant, qui dessine des entrelacs constants entre les cinq interprètes. Autres univers et autres couleurs la troisième semaine en présence de deux artistes majeurs de la scène internationale : le marocain Radouan Mriziga, de retour à Marseille avec sa première pièce, 55, qui utilise son corps comme instrument de mesure du temps et de l’espace, et l’italien Alessandro Sciarroni pour un double programme performatif (l’objet scénique Aurora et l’exploration intérieure Don’t be frightened of turning the page) et filmique (Aurora de Cosimo Terlizzi). Enfin, pour clôturer le festival, Cristiano Carpanini a choisi de mettre en lumière la Cie Ex Nihilo « qui a construit avec nous le festival et participé à l’aventure » en présentant sa création Iskanderia Leh ?. Sans oublier l’exposition Chacun sa place du Collectif Ko.Com, l’étape de travail One Lillte Finger de Iacopo Fulgi et Yendi Nammour et la performance-projection Sahman-Grenze-Kuş de Jasmin Ihraç accueillie par La Zouze en résidence. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI *

Atelier marseillais de production

Dansem 21 novembre au 16 décembre Marseille, Aix-en-Provence, Vitrolles 04 91 55 67 76 dansem.org


Cannes à « l’air » de la danse

L

e Festival de danse de Cannes, dirigé par Brigitte Lefèvre, célèbre sa 21e édition en portant attention à la création contemporaine : sur les 14 spectacles présentés, six sont des créations DIPTYQUE ou des premières françaises. Cette édition est placée sous le signe KINDERTOTENLIEDER de l’air : la danse, défi à la pesanteur, donne corps à l’invisible. L’évènement du festival sera sans doute la présentation de Carmina 1er VOLeT Burana avec 250 danseurs du Ballet du Grand Théâtre de Genève sur une chorégraphie de Claude Brumachon (voir Zib’ 111). Lui répondent des formes plus intimes, comme le Trio Concert Danse, EMIO GRECO PIETER C SCHOLTEN qui réunit les étoiles internationales Alessandra Ferri et Herman Cornejo et le pianiste Bruce Levingston. On traversera l’océan avec le Ballet national d’Uruguay qui dansera Don Quichotte (Silvia Bazilis et Raúl Candal), on se laissera surprendre par la pièce de Robyn Orlin Oh Louis…, qui met en scène Louis XIV, DANSE père de la danse classique. On voyage en littérature avec Thomas MUSIQUE CHANT Lebrun et le CCN de Tours, qui explore la matière même de création la danse dans Another look at memory (titre provisoire). Départ encore avec quatre compagnies européennes membres du réseau 2 & 3 décembre 2017 À L’OPÉRA DE MARSEILLE européen de danse Studiotrade, qui auscultent les soubresauts du monde : Resistdance (Allemagne) de Silke Z. pour STILL (here) ; Sandman (Pays-Bas) avec A moment ; Culture Comp (Islande) avec Between Us ; enfin, Hope Hunt de Oona Doherty RÉSA 04 91 327 327 (Irlande). On sera emportés par l’énergie tellurique de Yama, créaballet-de-marseille.com tion de Damien Jalet pour le Scottish Dance Theatre, émus pas la soirée Roland Petit concoctée par le Ballet de l’Opéra Théâtre de Rome dirigé par l’étoile Eleonora Abbagnato. zibeline-bnm.indd 1 06/10/2 Autres chefs-d’œuvre du répertoire au programme : Beach Birds de Cunningham par le CNDC d’Angers, Cantate 51 de Béjart par le Cannes Jeune Ballet (issu de l’école de Rosella Hightower), THÉÂTRE / DANSE qui dansera aussi Altro Canto I de J-C Maillot, et Soli-Ter de Cheptel (Nouvelles José Martinez. Trois jeunes chorégraphes livreront leurs écritures du parc humain) MARDI 5 DÉCEMBRE À 20H30 singulières : Maud Le Pladec avec Professor, Anne Nguen avec bal.exe, Jann Gallois et sa création Quintette. Actions de conception, scénographie et direction Michel Schweizer sensibilisation, rencontres, discussions, master classes, colloque thématique viennent compléter cette manifestation d’exception. © Alwin Poiana

APPArITION

MARYVONNE COLOMBANI

©Frédéric Démesure

Festival de danse de Cannes 8 au 17 décembre Divers lieux, Cannes 04 92 98 62 77 palaisdesfestivals.com

© F. Desmesure

Inclassable, Michel Schweizer opère dans ses différentes créations un croisement entre la scène, les arts plastiques et une certaine idée de « l’entreprise ». Avec Cheptel, il choisit d’inviter une communauté d’enfants à vivre une expérience artistique. Il crée les conditions qui conduisent ces jeunes à un usage libéré et assumé de la parole. Vont-ils nous dire quelque chose ? Allons-nous les croire ?

Carmina Burana, Ballet du Grand Théâtre de Genève © GTG-Gregory Batardon

www.theatre-arles.com / 04 90 52 51 51


22 événements

Redire son nom La liberté sera au cœur des 24e Rencontres d’Averroès, qui interrogent le sacré et la terreur. Privées du soutien du département, comme tant d’opérateurs historiques, et essentiels, des Bouches-du-Rhône (voir encadré ci-dessous)

D

epuis 24 ans les Tables Rondes des Rencontres d’Averroès réunissent un public nombreux, curieux, actif, autour des questions qui agitent la Méditerranée. Depuis 24 ans hélas notre mer et ses rives ne vont pas mieux, et les Rencontres d’Averroès sont un lieu nécessaire pour mettre des mots, de la

Les coupes froides du Conseil départemental On ne compte plus les opérateurs culturels qui ont vu leurs subventions départementales baisser, voire disparaître. Le budget consacré à la culture est en forte baisse depuis l’élection de Martine Vassal, et orienté vers des événements qui se passent dans les communes amies : Trets, décrétée capitale culturelle, la Mairie du 1/7 de Marseille avec ses Dimanches de la Canebière organisés conjointement par Sabine Bernasconi, maire du secteur et... Sabine Bernasconi, conseillère départementale en charge de la Culture. Des procédés qui avaient aussi cours durant la longue présidence de Jean-Noël Guérini, mais qu’on espérait voir disparaître. Pourtant Martine Vassal déclarait, lors du congrès de l’association des départements, que « depuis deux ans nos résultats dans de nombreux domaines (emploi, culture, éducation, numérique...) ont démontré que notre département était innovant et à l’écoute des Provençaux », et que « son utilité n’était plus à démontrer ». Pour mettre à bas le monde culturel, surtout celui des penseurs et artistes qui ont une réflexion politique autour de la Méditerranée, l’efficacité du département est certaine... La censure économique reste, en démocratie, la plus efficace. A.F.

pensée complexe, des désaccords discutés, sur les plaies des pays où les armes parlent, où les morts s’additionnent, et où les libertés disparaissent.

Un présent liberticide Il sera donc question dans cette édition de la Syrie, de la Turquie, de la Lybie, et de la terreur exercée ici où là-bas, contre les populations. Les quatre Tables rondes interrogeront d’abord la liberté face au sacré, et plus particulièrement, on l’espère, face au religieux : le sacré, intime par essence, doit il envahir la sphère publique ? Quelle liberté avons-nous de ne pas croire ? Que faire lorsque les lois divines vont à l’encontre des droits des femmes minorées, des homosexuels réprimés, et imposent des jeûnes, des interdits ? Qu’est-ce qu’un État laïque ? Autant de questions qui seront débattues par Pascal Amel, critique d’art, Yadh Ben Achour, tunisien spécialiste des théories politiques islamiques, Anastasia Colosimo, enseignante en théologie politique à Sciences Po Paris, Isy Morgensztern, réalisateur, enseignant en histoire des religions. La terreur sera le sujet de la deuxième table ronde. Dans les pays européens, qui instituent un état d’urgence permanent, et où plus personne ne s’étonne de voir passer des militaires lourdement armés, d’être fouillé, d’admettre qu’on investisse des millions dans des portiques de sécurité. Dans les pays en proie à la violence, où tous les droits des peuples sont bafoués, comme en Syrie : 310 000 morts, 100 000 disparus, plus de la moitié de la population déplacée, exilée, cantonnée. La Liberté, là-bas, a sans doute un autre nom. Ces questions seront débattues par Mohammad Ali Atassi, documentariste militant des droits de l’homme en Syrie, Loulouwa Al Rachid,

spécialiste de la politique irakienne, Nora Lafi, spécialiste de l’histoire de l’Empire ottoman, Christian Vigouroux, membre du Conseil d’État, professeur de droit public. Autre terreur, celle des pouvoirs autoritaires. La montée des nationalismes identitaires en Europe qui contamine toute la pensée politique, et l’arrivée au pouvoir en Hongrie, en Tchéquie, en Pologne, de régimes autoritaires et identitaires, remettent en cause l’illusion européenne d’une démocratie indéboulonnable. Et introduisent l’idée d’une relativité des universaux, comme si les droits de l’homme devaient être modulés selon les latitudes... Avec Cengiz Aktar, politologue et écrivain turc, Lina Attalah, journaliste égyptienne, Jacques Rupnik, spécialiste de l’Europe centrale et orientale, et Michel Tubiana, avocat et ancien président de la Ligue des droits de l’homme. Enfin la Liberté sera interrogée dans son rapport à l’économie libérale, et au numérique. Quelle liberté avons-nous d’échapper aux écrans qui nous happent, aux systèmes qui exercent leur surveillance (voir l’article sur Linky, p10 et 11) ? Quelle liberté face à la crise économique permanente, instaurée, face à la dette sans fonds


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Bachar Mar-Khalifé, larmes de joie

C’

Bachar Mar-Khalifé © Lee Jeffries

que les citoyens remboursent tandis que les banques capitalisent ? Quelles libertés face à la pauvreté, qui pousse à l’exil économique ? Ces questions seront débattues par Raouf Boucekkine, professeur d’économie et directeur de l’IMéRA, Farah Hached, juriste et militante tunisienne, Marilena Koppa, professeure de politique comparée à Athènes et ancienne députée européenne et Jean-Marc Manach, journaliste spécialiste des libertés numériques.

Autour des Tables Ces tables rondes seront complétées par une programmation artistique de grande qualité (voir ci contre), mais en berne par rapport à l’année précédente, et son formidable Radio live qui donnait la parole à de jeunes gens, lycéens, exilés : les coupes du Conseil départemental sont passées par là... Une soirée sera consacrée à la Syrie, à partir de photographies et de textes, pour faire naître Des images face aux clichés. Celles du photographe Laurent Van der Stockt, qui a couvert le conflit syrien, du documentariste Mohammad Ali Atassi, de l’éditeur Farouk Mardam-Bey, et de Justine Augier, auteure de De l’ardeur. Histoire de Razan Zaitouneh, avocate syrienne. Deux temps particuliers pour ouvrir et clore ces Rencontres : une soirée d’ouverture proposée par l’IMéRA autour de la figure d’Averroès. Et un grand entretien, exceptionnel avec Asli Erdogan, scientifique, écrivaine, journaliste, opposante turque, emprisonnée il y a quelques semaines encore, risquant la perpétuité pour ses écrits... La figure même de la liberté, et de la résistance. AGNÈS FRESCHEL

est une belle, étrange et émouvante version du Kyrie Eleison, qui ouvre le dernier album de Bachar Mar-Khalifé, Ya Balad (sorti en 2015 sur In Finé). Chantée en arabe littéraire, langue de ce Libanais expatrié, elle commence dans un murmure et des notes de piano basses : le musicien implore Dieu d’épargner les hommes. « J’ai tout d’un croyant mais je n’aime pas Dieu » confesse-t-il, attribuant à la musique cette dose d’humanisme sacré qui manque tant aux revendications religieuses d’aujourd’hui. Ensuite le rythme et les orchestrations s’emballent, ressemblant à l’hymne d’un pays inconnu, où la musique et la fraternité constitueraient les composants essentiels d’une communauté retrouvée. Si l’intro est solennelle, la suite du troisième album de Bachar Mar-Khalifé est beaucoup plus joueuse et défricheuse, à l’image de son auteur. Exilé depuis l’âge de six ans en Europe, il est né à Beyrouth d’un père musicien, Maurice Mar-Khalifé, et a été élevé à Paris. Comme son frère Rami (moitié du très punchy duo électro-acoustique Aufgang), Bachar ne sait pas se limiter à un usage orthodoxe des instruments. Il les brusque volontiers pour briser les règles trop contraignantes. Dans son approche orientale du piano, il frappe ainsi ses touches comme un derbouka, restituant sur Balcoon, Lemon (au clavecin halluciné) ou Wolf Pack l’atmosphère de fête frénétique d’une contrée libanaise dont le musicien fantasme encore tous les ingrédients. Avec sa voix rauque, il mêle la musique populaire arabe à la pop et au jazz, sans faute de goût. D’une intense vitalité, d’une folle liberté, Ya Balad sonne par ailleurs comme si on assistait à son enregistrement, par ses sautes d’humeur, ses improvisations, ses coups de folie (la transe dingue, au sens propre, de Laya Yabnaya, une chanson populaire à laquelle Bachar rend sa signification originelle). Musiques de réjouissance auxquelles succèdent logiquement des phases mélancoliques : c’est dans cette conséquente amplitude émotionnelle que réside la force de cette œuvre. Car au fil de l’album on en revient, fatalement, à l’expression nostalgique d’un retour aux origines, forcément plus pathétique sur la complainte Layla (on ne parle pas d’une reprise d’Eric Clapton) et bien sûr Ya Balad (mon pays), expression très brute, très forte, d’un déchirement. Il y figure aussi deux berceuses : la comptine traditionnelle libanaise Yalla Tnam Nada, interprétée dans une tonalité ténébreuse avec l’actrice Golshifteh Farahani et Dors Mon Gâs(e) ancienne ritournelle (interprétée en français) du Breton Théodore Botrel. L’inspiration enfantine est omniprésente ici, puisqu’avec Madonna le musicien invoque la Vierge pour réconforter les enfants « partis » prématurément (sur une musique de Marcel Khalifé et des paroles du poète irakien Saadi Yousef). Après Kyrie Eleison, il s’agit de la seconde prière de l’album et qui le clôt. Comme si musicien ou homme, il s’agissait de rester enfant pour retrouver le sens des choses dans ce monde irrationnel. HERVÉ LUCIEN

Rencontres d’Averroès 16 au 19 novembre La Criée, Marseille rencontresaverroes.com


24 événements

Assaisonnements livresques Le Festival du livre et de la parole d’enfant, Grains de Sel, s’inscrit cette année en épisode phare dans la manifestation métropolitaine La Lecture par Nature

L

e caractère singulier de cette manifestation réside dans sa capacité à fêter le livre sous toutes ses formes -albums, pop-up, bande dessinée, livres de fiction, de réflexion, sur la jeunesse, la société, le monde-, mais aussi à abonder en spectacles (pardon, « pestacles »), tables rondes, performances, ateliers, lieux de parole, de partage… un kaléidoscope d’activités !

Une grande librairie éphémère Le Salon Shéhérazade reçoit la fine fleur de la littérature jeunesse, éditeurs, auteurs, illustrateurs, grâce aux librairies partenaires (librairie du Lycée,Aubagne, et Alinéa, Martigues). Les nouveautés sont assorties des grands classiques de la littérature jeunesse en une diversité passionnante. On apprend, on se cultive, on observe, on recherche, on découvre, on se laisse surprendre par les thèmes, les formats. Jouxtant

le salon, l’Espace Rencontres accueille les tables rondes, animées par Maya Michalon, des présentations d’ouvrages, des duels de dessins… Plus de 5000 élèves d’Aubagne et du département, de l’école primaire au lycée, sont conviés à la fête, rencontrent les créateurs, partagent leurs expériences de lecture et d’écriture. D’autre part se tiendront deux rencontres : la première destinée aux professionnels du livre et de la lecture publique sur le thème Réforme territoriale en pratique : nouvelles solidarités de territoire, la seconde adressée aux enseignants, sur les troubles DYS.

Ateliers et pestacles Les auteurs animeront de nombreux ateliers, création de pantins, de masques, de pop-up, de poésie… On s’interroge, à l’heure de la COP

Grains de Sel 2016 © Marc Munari

22, sur les raisons du réchauffement climatique, à cause des vaches ? Ou est-ce plus compliqué ? Aubagne, ville partenaire de l’UNICEF depuis 2003, donne la parole aux enfants par le biais d’ateliers où ils deviennent tout à tour super-héros, bédéistes, photographes, Sherlock Holmes... Inspirés de contes, de poésie, les spectacles sont joués au Théâtre Comoedia ou à la Salle du Bras d’Or : Le Petit Prince, par la Cie Théâtre des Turbulences, Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler, Cie La

Marseille, porte du monde Le Théâtre NoNo, dans ses habits de bois neuf, affirme que Marseille est à la croisée de l’émergence et de l’international. Pas forcément méditerranéens !

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Levon Minassian © X-D.R

n temps fort consacré à la création émergente, qui offre à de jeunes chorégraphEs, auteurs et metteurs en scène l’espace de répéter, puis de jouer ? c’est le premier pari réussi du NoNo nouveau. On y retrouvera aussi le joli voyage vers la Cerisaie de Vera Rozanova, dont le théâtre d’objet est en compagnonnage avec Nono depuis 2014,

les 10 et 11 novembre, puis trois propositions jeunes et effrontées (voir p 50)... Ce mini festival consacré aux jeunes créateurs sera suivi d’un temps qui peut sembler aux antipodes, si on y regarde mal. Il s’agit en effet, sous le signe de la Comtesse Pastré (à lire aussi p 94 et à écouter sur WebRadio Zibeline), d’accueillir les artistes venus d’autres pays, riches d’esthétiques différentes à partager. Car Lily Pastré a fait de son Château tout proche, durant l’Occupation fasciste puis nazie, un lieu de refuge pour les artistes et les intellectuels, juifs ou opposants, pourchassés. Si le contexte politique n’est pas le même, il s’agit pourtant de retrouver à cet endroit un creuset prestigieux, attentif en particulier à l’Europe du Nord, et à la Russie. Cela commencera le 2 décembre par un triple concert du merveilleux joueur de doudouk marseillo-arménien, Levon Minassian ; suivi de James Germain, haute-contre haïtien, albinos, sublime et étrange incarnation de la misère et de la splendeur de cette île francophone, misérable, au passé révolutionnaire immense ; puis de Dorsaf Hamdani, chanteuse tunisienne subtile inventant à chaque concert une tradition paradoxalement actuelle... À cette exceptionnelle soirée, qui finira en

bœuf international, succéderont du cirque canadien et de la danse belge (voir p 50), puis Les Rencontres Lily Pastré iront vers le Nord et ses glaces... revigorantes : le duo finlandais Virtanen/Toivonen, ex-champion de danse de salon, explore le kitsch avec un humour ravageur (le 12 décembre), qui met en danse les relations de couple... Mais c’est sur un spectacle monumental que se concluront, le 16 décembre, ces rencontres internationales du spectacle : 32 artistes du Théâtre national de Perm, jeunes, qui n’ont pas connu l’URSS, illustrent, sous la direction de Vladimir Gurfinkel, les paradoxes de La Constitution russe de 1993, en regard de la réalité sociale actuelle, et des utopies ou désillusions de Gorki, Pouchkine, Gogol ou Tarkovski. Un spectacle qui n’est jamais venu en Europe ! AGNÈS FRESCHEL

Mois de la jeune création 10 au 25 novembre Rencontres Lily Pastré 2 au 16 décembre Théâtre NoNo, Marseille 04 91 75 64 59 theatre-nono.com


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Turbulences du temps Bouillonnante, Journal de Lulu, Cie LunaSol, Au fond du Bois dormant et Pluie, Cie Un Château en Espagne. La musique du Duo Nascimento déclinera ses harmonies brésiliennes sur le recueil Comptines et chansons de Papagayo. Les éditions HongFei (« Grand oiseau en vol » en Chinois) fondées par Chun-Liang Yeh et Loïc Jacob, célébreront leurs dix ans avec la complicité de l’illustratrice Valérie Dumas qui réalisera une fresque. Une manière de lier deux cultures, et d’aborder la multiplicité du monde au cours d’une splendide rétrospective. Ajoutez les expositions, dont celle de Baobooks de la photographe Mathilde Bernos, la possibilité de parler « en vrai » avec les auteurs, de découvrir des pépites… Ici commencent les histoires… ! MARYVONNE COLOMBANI

Festival Grains de sel 16 au 19 novembre Centre-ville, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr grainsdeselaubagne.f

Transaction, Mithkal Alzghair © Didier Nadeau

Élargir le monde

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es Rendez-vous de demain, ce sont des rencontres publiques portées par l’IMéRA, l’Institut d’études avancées d’Aix-Marseille Université dont la mission est de promouvoir l’interdisciplinarité, et qui organise des collaborations entre artistes et scientifiques. Pour lancer une série de six conférences accueillies en 2017-2018 par le Théâtre du Gymnase, leur modérateur Stéphane Paoli recevait un professeur d’histoire des idées, Levant Yilmaz, et l’astrophysicien Jean-Pierre Luminet. Le thème de leur intervention, Ordre et désordre du temps, s’annonçait pointu, et les deux hommes ont replacé avec brio en perspective historique notre conception du passé, du présent et du futur. Car longtemps on a cru qu’il y avait eu un début, et qu’il y aurait une fin. On a pensé tour à tour qu’il n’y avait pas d’évolution possible -si la création était d’origine divine, elle devait être d’emblée aboutie- ou bien qu’au contraire les sociétés étaient plus ou moins avancées sur la voie de la civilisation. L’astrophysique, science récente, explore la profondeur du temps : ce que l’on perçoit avec un télescope sophistiqué provient de sources tellement lointaines qu’on y voit... le passé, à retardement. Or les dernières spéculations remettent en question bien des conceptions communément admises : on commence à envisager un avant-Big bang, coup d’envoi de l’univers, et même l’irréversibilité de l’écoulement du temps chère à Héraclite (« On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ») n’est plus garantie. Le public, venu très nombreux, a bien perçu l’intérêt d’aborder un tel sujet en croisant sciences dures et sciences humaines. Toutefois l’enthousiasme palpable des organisateurs amène une remarque d’ordre général. Après un échange nourri de leurs longues années d’étude, les deux intervenants et le modérateur ont unanimement regretté un âge d’or de la recherche, désormais soumise aux lois du marché. On comprend que les scientifiques idéalisent leur champ disciplinaire, mais on préfère nettement quand ils admettent aussi les aspects moins reluisants de leur histoire. Si des mercenaires mettent aujourd’hui leur savoir au service du plus offrant, ils étaient également nombreux à servir les pouvoirs politiques ou militaires dans le passé. GAËLLE CLOAREC

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2e édition des Rencontres à l’échelle, festival dédié à la création contemporaine internationale, initié et produit par les Bancs publics. Les spectacles programmés sont ceux d’artistes qui, depuis divers endroits du monde, fabriquent de nouvelles frontières géographiques et culturelles, réinventent les rapports Nord Sud. Ainsi en est-il d’Ahmed El Attar, Mithkal Alzghair, Ali Chahrour, Laila Soliman, Malika Djardi, Massimo Furlan, Yan Duyvendak et Omar Ghayatt, Chrystèle Khodr et Waël Ali, pour ne citer qu’eux. DO.M. Les Rencontres à l’échelle 15 au 26 novembre Montévidéo, Le Merlan, La Friche, Marseille Exposition Ikbal – Arrivées 25 novembre au 18 février La Friche, Marseille 04 91 64 60 00 lesrencontresalechelle.com

Ce premier « rendez-vous » s’est tenu le 17 octobre au Théâtre du Gymnase, Marseille Retrouvez l’interview de Thierry Fabre, à l’initiative des Rendez-vous de demain, sur notre WebRadio Zibeline.

à venir Du génome et de l’humain Avec Nicolas Lévy (médecin-généticien) et Michel Cassé (astrophysicien) 14 novembre Théâtre du Gymnase, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net imera.univ-amu.fr


26 événements

La balle au Mucem Au Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, le programme d’automne se place sous le signe du renouveau

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es expositions temporaires se renouvellent au Mucem. En attendant Roman-Photo, qui commence le 13 décembre, et se tiendra jusqu’au 23 avril 2018, on peut depuis le 10 octobre et jusqu’au 4 février 2018 s’immerger dans la chaude ambiance de Nous sommes foot. Un dispositif émaillé de vidéos -le football s’y révèle vrai spectacle sportif, puissamment mis en scène par le collectif madrilène Democracia- avec clameurs de stade prégnantes (beau travail sur l’ambiance sonore), et témoignages plus intimes, au casque, sur lesquels on gagne à s’attarder. Car les commissaires de l’exposition Florent Molle et Gilles Perez, s’ils ne boudent pas leur plaisir avec un sujet après tout ludique, n’esquivent pas les dimensions politiques ou économiques de ce jeu officiellement né au XIXe siècle, mais dont les formes primitives existent depuis... très longtemps. Selon la FIFA, « cela fait des milliers d’années que les gens apprécient de taper du pied dans un ballon ». Aussi, à côté de clins d’œil amusants (on peut prendre des selfies avec une réplique de la Coupe du Monde), on trouve matière à réflexion dans leur travail. Un angle qui se manifeste de manière évidente dans les choix des marraines de la manifestation : Honey Thaljieh, footballeuse arabe chrétienne, première Palestinienne à avoir pratiqué ce sport en compétition, et l’équipe de 3e division espagnole Alma de África, constituée de migrants. Les deux commissaires voulaient inviter « les visiteurs de musée à dépasser leurs préjugés sur le football », et « le public des stades à entrer au musée ». À les en croire, « amener un ballon au Mucem n’a pas été facile », mais après 4 ans d’enquête et de collectes dans 10 pays méditerranéens, le but est atteint selon les témoignages qui apparaissent sur les réseaux sociaux.

Un succès mérité car l’exposition est une réussite, qu’elle traite le football sous ses aspects... religieux (le ballon rond, opium du peuple ?), culturels (avec un focus sur les Ultras, ces supporters très politisés), ou historiques (colonisation, totalitarismes et résistances) ; jusqu’aux dérives mercantiles d’aujourd’hui et aux phénomènes de starification des joueurs. L’ensemble est même -avouons le !- assez émouvant. Le cœur bat plus vite devant un extrait du film d’Abderrahmane Sissako, Timbuktu : de jeunes africains qui s’entraînent dans le sable sans ballon, déjouant la surveillance des djihadistes. Ou marque un temps d’arrêt à l’écoute d’un membre du Hamas, clamant que sa religion « interdit aux femmes de jouer au foot ». Comme le démontre Honey Thaljieh, qui a dû lutter pour s’imposer dans un univers dédié aux hommes, l’importance du foot devrait se mesurer à sa capacité à briser les barrières : « peu importe le genre, la couleur, l’âge, tout le monde peut jouer ».

Lionel Briot, OM-Olympique Lyonnais, stade Vélodrome, Marseille, 16 août 2002, is

Nouveautés d’automne Parmi les nouveautés de cet automne, n’oublions pas les espaces semi-permanents du Mucem qui font peau neuve : la Galerie de la Méditerranée rend hommage à Fernand Braudel, à travers Connectivités, une exposition consacrée aux grandes cités portuaires des XVIe et XVIIe siècles (Istanbul, Alger, Venise, Gênes et Lisbonne), puis dans un second temps aux villes contemporaines (Marseille, Casablanca, Le Caire et Istanbul). Myriame Morel-Deledalle, commissaire, s’est appuyée sur la démarche du grand historien, « en privilégiant non pas l’histoire événementielle mais le contexte et la longue durée ». Après l’inauguration de l’exposition par une journée portes ouvertes le 28 novembre, l’éditeur et essayiste Olivier Mongin prolongera le propos le lendemain, à travers des rencontres et projections portant sur l’avenir de la mondialisation. Notez qu’en lien avec Connectivités, de nouveaux espaces destinés aux familles s’ouvrent le 2 décembre au Mucem : L’Île aux trésors remplace L’Odyssée des enfants, dispositif qui accueillait jusque là les 7-12 ans, pour recevoir aussi les 3-6 ans. Dotés d’une tablette tactile, ils partiront en quête de trésors à collecter de port en port. La scénographie, ludique et adaptée aux plus jeunes, est signée Matali Crasset, étoile montante du design.


ssue de la série Virage © Lionel Briot - Adagp Paris2017

Autres activités La période invite à se retrouver douillettement dans les salles obscures : l’auditorium Germaine Tillion ne désemplira pas en novembre et décembre, avec la Cinémathèque allemande, le PriMed, les Rencontres internationales des cinémas arabes et le Festival international Jean Rouch (voir p 76, 78 et 79). Enfin, il devrait être encore possible de s’inscrire aux Cours en régions de l’École du Louvre qui se poursuivent, centrés sur Francisco de Goya, l’Impressionnisme, la légende dorée de Bouddha, ou une initiation à l’histoire générale de l’art en Europe, de la Préhistoire au Moyen-âge (tarifs et renseignements au 01 55 35 19 23 ou cours.regions@ecoledulouvre.fr). GAËLLE CLOAREC

Retrouvez Comme au Mucem, notre traversée webradiophonique mensuelle du musée, sur journalzibeline.fr, avec sa Chronique des libraires et de nombreuses interviews !

Mucem, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org


28 critiques spectacles

Magie noire

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a figure de l’artiste en rêveur écorché dont le délire est seul capable de bousculer les banalités bovines de nous autres mortels, a bien vieilli : on en a sans doute trop abusé pour autoproclamer toute la force subversive, et passablement complaisante, du « Gêêste artistique ». Sauf qu’il y a en la matière quelques précurseurs autrement plus crédibles. Le poète Georg Trakl en est un. Infirmier militaire, mort d’overdose à 27 ans, il incorpore aux chimères et aux bestiaires morbides de la folie, qui sont © Pascal Victor 2016 déjà devenus des poncifs du romantisme, la violence de ses hantises familiales et de sa culpabilité incestueuse, celle aussi des charniers de 14-18. Et, pour donner à écouter les lamentations terrifiées d’une « race maudite », la précision implacable du maître de la magie noire : Claude

Regy. C’est, à 93 ans, son dernier spectacle, paraît-il. Souhaitons qu’il n’en soit rien. Ce n’est d’ailleurs pas à proprement parler un spectacle. Plutôt une expérience ritualisée et nocturne, qui comme chaque fois avec Regy, crée de l’intensité, au sens physique, électrique

du terme. Décor, acteur, scène, texte : tout ceci est dissout. C’est la lumière qui fait naître une forme, qui devient des mots pris dans un mouvement unique, rectiligne. La gestuelle virtuose de Yann Boudaud d’une lenteur lancinante, les variations infinitésimales du clair-obscur, font surgir des grimaces monstrueuses et déchirantes. Et si la diction expressionniste est trop forcée, au point qu’elle en paraît tantôt discordante, tantôt conventionnelle, ce qui compte en définitive c’est la force hypnotique de ce mouvement. Un cauchemar de David Lynch, mais en noir et blanc. AUDE FANLO

Rêve et Folie a été joué du 11 au 14 octobre au Théâtre de la Joliette, Marseille, dans le cadre du Festival Actoral (lire aussi sur journalzibeline.fr)

Drame pavillonnaire

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l est rare d’avoir l’impression d’assister à la naissance d’un auteur dramatique. Baptiste Amann est cela, doublé d’un metteur en scène qui a le sens du collectif, l’élan de la jeunesse, le goût intime du politique, et la science du récit dramatique : Diderot avait inventé le drame bourgeois, mettant en scène la classe dominée par les nobles et dominant le peuple, lui invente le drame pavillonnaire, celui d’une classe dominée mais au-dessus des habitants des barres HLM qui les entourent, et les effraient. Une classe qui croit encore posséder quelque chose, héritage minable sujet de dissensions d’où surgissent des fantômes de révolutionnaires. Des Territoires est une trilogie, dont le premier volet, Nous sifflerons la Marseillaise, avait été créé à Théâtre Ouvert (Paris). Elle met en scène une fratrie qui se retrouve à la mort des parents. Une famille cabossée, accidentée, comprenant un frère handicapé, une fille sacrifiée, et deux frères, dont un Algérien adopté, qui se disputent un héritage symbolique. Interprété par des comédiens formidables qui n’ont peur ni du réalisme ni de l’excès,

Des territoires, D’une Prison l’autre, photo du filage © Sonia Barcet

ni du jeu ni de l’adresse, il s’échappait à la fin en faisant surgir Mirabeau et la Révolution de la terre remuée du jardin... Le second volet, D’une Prison l’autre, élargit la scène, fait entrer des habitants des cités dans le pavillon, et fait surgir, dès le début, la Commune. C’est la guerre des classes voisines qui prend corps, hier et aujourd’hui, l’intérêt n’étant plus le renversement de la classe dominante, mais le ralliement de la classe à

peine moyenne à la cause du peuple. La banlieue brûle, le drame familial prend des allures d’allégorie... D’une Prison l’autre est un peu plus brouillon que Nous sifflerons la Marseillaise : on sent que ces Territoires avancent vers un troisième volet qui sortira de la banlieue pour ouvrir sur le monde. Baptiste Amann, toujours édité par Théâtre Ouvert, sera dès l’an prochain associé à la Bande d’artistes du Merlan. Il sera d’ici là passé au Festival d’Automne, à Paris... AGNÈS FRESCHEL

Des territoires, D’une Prison l’autre a été créé au Merlan, scène nationale de Marseille, dans le cadre d’actOral. Il sera repris du 2 au 25 novembre au Théâtre de la Bastille, Paris, dans le cadre du Festival d’Automne


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Le peuple des errants à l’ère numérique

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ignes, démarcations, données, traces, géolocalisation… Les migrations économiques, politiques et climatiques forment la trame de la pièce e-passeur.com de Sedef Ecer. Plus particulièrement les trajectoires de trois femmes incarnées par Estelle Meyer, à la présence et au chant lumineux, reliées à leur « ancien » monde par leur smartphone. Trois apatrides numériques dont le destin dépend de leur cyber-identité ! Sans larmoiement et avec clairvoyance, son texte oscille entre révolte (« ça ne peut pas continuer comme ça ! ça s’arrêtera ! »), interrogation (« quel chez toi, quel chez nous ? ») et constat amer : la vie, une même histoire de chaque côté du bout du monde, que l’on s’appelle Anaba, Hoa Mi ou Zeynab. L’artiste turque a choisi une forme hybride pour évoquer cette effroyable réalité en injectant dans sa mise en scène images vidéo (Mathilda May introduit le récit avec toute la distance politique), éléments de web, captures d’écran, musique live. Et en propulsant les

comédiens devant ou derrière l’écran, dans les gradins ou en coursive, le plateau traversé de filins élastiques comme pour les emprisonner dans le piège de leur vie connectée. Si le texte résonne du premier au dernier mot, la mise en scène perd l’équilibre © Cie Sur Le Seuil en forçant l’aspect bateleur du maître du nouveau monde, le seigneur des frontières, un Lucifer aux yeux bandés de peinture rouge. Ce rouge agressif répété dans un drapé suspendu, les habits du musicien en Monsieur Loyal, les chaussures de la femme amoureuse. Certes, la démultiplication des espaces du récit fait écho aux destins brisés et aux rêves désenchantés, mais la mise en scène met à mal Lucifer qui surgit, disparaît,

harangue d’un ton badin et avec un humour cynique sans faire corps avec ses complices de jeu. Malgré tout, l’objectif d’e-passeur.com est atteint : difficile d’accepter l’existence d’une multinationale prospère œuvrant à la marchandisation des humains. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

e-passeur.com a été donné les 12, 13 et 14 octobre au Liberté-scène nationale de Toulon

Musique au balcon

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nattendue et originale, la dernière création du compositeur-directeur de Lieux publics a rassemblé 2500 spectateurs enthousiastes dans la cour de grands immeubles du 8e arrondissement de Marseille, lors de 4 représentations (lire aussi Zib’ 110). Pourtant la concurrence était rude : en face, au Vélodrome, des foules s’étaient déplacées pour voir Soprano ! Réunir les habitants d’un immeuble en compagnie de musiciens, de passants et de spectateurs avertis pour © Dan Warzy un vrai partage, telle était bien l’ambition de Pierre Sauvageot. Le résultat est là : public installé sur des chaises longues ou des tapis, soleil éclatant, sourires échangés pendant que les musiciens s’installent sur les balcons avec leurs instruments. Le contact avec les habitants avait commencé au printemps, car il avait fallu expliquer, convaincre. Composée pour un orchestre symphonique, la partition

est accompagnée d’éléments préenregistrés, diffusés en surimpression, qui rendent compte de la vie des habitants, des bruits familiers du quotidien : portes qui claquent, sonneries de téléphone, bébés qui pleurent ou rient, aboiements et miaulements, messages sur les portables… C’est l’Orchestre Régional Avignon-Provence qui joue en acoustique sans chef, les musiciens sont reliés par des

écouteurs qui transmettent des consignes. Au début, une voix off rappelle que les bâtiments ont été construits dans les années 60 sur l’emplacement de l’Usine Paulet qui fabriquait des moteurs et des voitures dans les années 20. La musique éclate avec percussions, cordes, tuba, harpe, mélodique ou très rythmée, avec de grands moments répétitifs hypnotiques assortis d’envolées d’éventails et du piou-piou de Sophie la girafe bien connue des enfants. On s’amuse, on apprécie. Une spectatrice confie qu’elle a d’ailleurs été élevée ici, que ses parents y habitent toujours et son émotion affleure… CHRIS BOURGUE

Grand Ensemble s’est joué les 7 & 8 octobre rue Léon Paulet, à Marseille Prochain rendez-vous le 24 juin quartier de la Barbière à Avignon


30 critiques spectacles

Originelle argile

© Pascale Beroujon

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étaphysique de l’argile ou le mythe de la caverne revisité : l’étonnante performance du jeune chorégraphe Romain Bertet, … De là-bas, captive par son énigmatique relation à la terre. Un large cube ouvert, grotte des commencements, noyée de pénombres dans lesquelles un corps émerge. Seul en scène, le danseur-acteur-plasticien arpente ce territoire clos, l’éprouve, y trouve sa mesure, dans un clair-obscur entrecoupé de fondus au noir. Son personnage devient

l’aune de cet antre dont il s’échappe parfois, plongeant dans la matière souple et malléable de l’argile, pour revenir inlassablement. L’alchimie opère, des masques de terre émergent, doubles du protagoniste, sans doute, ou peuple magique, émanation du lieu ? Entre la terre qui se modèle et la rigidité des représentations, Romain Bertet malaxe, bat, arrache aux cloisons argileuses, au sol, des fragments, boules rondes d’argile qui roulent, s’évadent, se forment. La matière prend une dimension

mythologique, les gestes une valeur incantatoire, dans le travail ardu auquel le corps s’attelle, jusqu’à l’épuisement, jusqu’à se fondre dans la couche argileuse… Les lumières (Gilbert Guillaumond) façonnent l’espace, le révèlent, l’occultent, pans de mémoire arrachés au silence, qui entre en résonance avec les sons orchestrés par Marc Baron. Poésie au sens premier de la création dans ce décor (Barbu Bejan) composé de 700 kilos d’argile. On entre ici dans une esthétique de la lenteur, du recueillement. L’art y retrouve sa dimension sacrée, sensuelle et bouleversante. L’œuvre en devient inclassable, expérience intime et troublante en ce qu’elle nous renvoie aux mystères d’une conscience en train de se forger. MARYVONNE COLOMBANI

… De là-bas a été joué les 19 et 20 octobre à la salle du Bois de l’Aune, Aix, et le 17 octobre aux Salins, Martigues. Prochaines dates, dans le cadre de la programmation du Réseau Traverses : le 23 février au Merlan, Marseille, le 30 mars à Théâtre Durance, Château-Arnoux et le 5 avril à Théâtres en Dracénie, Draguignan

Danser les contes

L’

Espace NoVa de Velaux accueillait deux compositions de la jeune et talentueuse danseuse et chorégraphe Émilie Lalande : Pierre et le Loup, dont Zibeline a déjà applaudi la performance (voir journalzibeline.fr) et une toute nouvelle création, Le Roi et l’Oiseau, d’après le film de Paul Grimault et Jacques Prévert. La pièce de Prokofiev a gagné encore en aisance, fluidité, les mots réduits au strict nécessaire ; la danse est langage, narre avec délicatesse et humour les divers mouvements du conte et captive l’assemblée difficile du public enfantin. Le vocabulaire de la danse épouse le texte avec un subtil à propos, exagère ironiquement le jeu des personnages, le saut de chat pour le chat qui minaude, arabesque envolée pour l’oiseau, pas mécaniques et autoritaires pour les chasseurs, vacillements appuyés sur sa canne pour un grand-père qui se veut sévère et protecteur, vivacité légère de Pierre, brutalité plus stupide que cruelle du loup qui se fait prendre au piège. Émilie Lalande choisit d’ailleurs la fin du film britannico-polonais de Susy Templeton (2009), et Pierre relâche l’animal sauvage.

© JC Carbonne

Un petit ajustement de décor, draps blancs tendus sur des portants, et voici la magie du récit de Jacques Prévert, émaillé de quelques poèmes dits avec une sobre intelligence. Les bruitages, le caractère décalé, les attitudes, l’atmosphère du film d’animation Le Roi et l’Oiseau sont rendus avec finesse. Entre l’égoïsme cabotin du Roi de Takicardie et l’histoire d’amour du ramoneur et de la bergère, la danse apporte son éclairage dynamique,

renouant avec les vertus de la pantomime. Le caractère malicieux de la pièce précédente délicieusement iconoclaste se teinte d’émotion nostalgique. On veut croire en des sentiments plus forts que la bêtise, la folie des grands, la couardise des valets… sans doute Le Roi et l’Oiseau s’adresse à des « un peu plus grands » que Pierre et le Loup, mais la troupe de la jeune chorégraphe, Cie (1)Promptu, (issue des Ballets Preljocaj) sait rendre avec talent la poésie de l’instant. M.C.

Pierre et le Loup et Le Roi et l’Oiseau ont été donné le 13 octobre à l’Espace NoVa, Velaux


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Les couleurs du spectre

M

oins il voit, plus il regarde. Moins il espère, plus il célèbre la vie. Derek Jarman, cinéaste anglais qualifié d’underground dans les années 70, conjugue transgression et poésie. À l’époque, on appelait ces artistes des punks, des anarchistes, des graines de liberté. Il perd progressivement la vue. Il est séropositif. En 1986, il achète une maison de pêcheur au sud de l’Angleterre. Nature désolée. Galets, vent, sel, et centrale nucléaire habitent l’environnement du cottage. Il décide pourtant, là où rien ne pousse, lui qui ne voit presque plus, de créer un jardin. Bruno Geslin s’est emparé de son dernier ouvrage, Chroma, autobiographie centrée sur le thème de la couleur, pour élaborer une pièce dansée, jouée, rêvée. Les deux interprètes masculins disent, dansent, en anglais (sur titré), en français, les mots de Jarman. Les tableaux s’inspirent des images tantôt érotiques (tendance rouge et dorée), tantôt nébuleuses, tantôt rocks, tantôt furieusement discos (Nicolas Fayol décline les registres), de l’univers du cinéaste écrivain. C’est parfois agressif, souvent caustique, détaché, provoquant. La musique, jouée en direct par Benjamin Garnier et Alexandre Le Hong, participe à façonner une

© Bruno Geslin

atmosphère onirique : quelque chose de l’ordre du souvenir, à la fois très précis et pourtant volatile. Il y a des morceaux d’enfance, des amants, la glaçante interrogation de comment se passera le dernier moment, des bribes de séduction, des saynètes à l’hôpital, des tests de vue, le constat que la maladie progresse. Danse et mots se marient ; les mots prennent le dessus. Lorsqu’Olivier Normand raconte les premières pousses surgies parmi la roche, la fragilité, la fougue des petites fleurs qui s’accrochent dans la bise, les éclats de lumière à l’angle des silex, les cascades de couleurs

graciles, c’est une lame de fond d’émotion qui surgit. Il est si beau, si émerveillé, sa diction est tellement pure et douce : on se dit qu’il parviendra à apprivoiser la mort en embuscade, le temps qui broie. C’est presque miraculeux. Anna Carlier, dont on regrettait qu’elle soit cantonnée en arrière plan, tournoie dans un mouvement envoûtant, final en noir et blanc, robe en corolle, fleur qui résiste à l’obscurité qui mange le plateau. ANNA ZISMAN

Chroma, reprise d’une pièce créée en 2015, a été jouée dans le cadre d’un programme hommage au chorégraphe Alain Buffard le 20 octobre au Théâtre de Nîmes

à venir 17 novembre sortieOuest, Béziers 04 67 28 37 32 sortieouest.fr

Serments tenus

«

Hein ? Quoi ? » Et encore une fois, la même fausse réponse à une question trop vaste posée par Mathilde à François : « À quoi tu penses ? » Hein, quoi… À rien… À plein de choses… François est las, il est fuyant. C’est le soir, Mathilde voudrait échanger, parler pour de vrai, dire des choses qui comptent, lui veut sortir, c’est son heure, comme tous les jours. Et plutôt sans elle, puisque Mathilde travaille, elle, et qu’elle doit se lever tôt demain. C’est le début de Nos serments, inspiré du film La Maman et la Putain de Jean Eustache. Affranchissons-nous immédiatement de cette paternité. Julie Duclos, qui avec Guy-Patrick Sainderichin a écrit la pièce et la met en scène, explique joliment qu’ils sont partis de ce film « comme on part : pour le quitter ». Le monument cinématographique ne les a pas paralysés, il a au contraire donné des ailes aux comédiens (remarquables) dans les improvisations qui ont nourri le travail des auteurs. François est un homme qui porte son désœuvrement en posture politique ou artistique (quand il n’avoue pas qu’il est tout

© Pierre Sautele

simplement flemmard) ; c’est l’Alexandre / Jean-Pierre Léaud du film. David Houri est réjouissant d’égoïsme brillant, et les trois femmes qui gravitent autour de ce personnage libre à la parole cinglante de vérité souffrent et vivent bien plus fort que lui. Les cinq personnages (il y a aussi le meilleur ami) exposent, dans des dialogues d’une justesse enthousiasmante, leurs « utopies privées ». Vivre vrai, tout se dire, et tenter que ça ne fasse pas trop mal. Sacré défi. Il se passe beaucoup de choses (on se quitte, on se rencontre, les disputes

sont flamboyantes, ponctuées de vidéos diffusées comme des respirations introspectives), et le temps de la pièce sait pourtant parfaitement se laisser surprendre dans de belles suspensions : les scènes offrent une place aux petites choses de la vie, là où se tapissent les émotions. En plein bilan sur ce que ça fait d’inventer une vie amoureuse à trois, François propose un jeu : faire semblant de dormir, et se faire réveiller par l’autre. « J’y joue depuis que je suis petit. Seul. » L’éternelle comédie de l’existence. A.Z.

Nos serments a été joué au Théâtre Jean Vilar, Montpellier, les 11 & 12 octobre, à l’Olivier, Istres, le 14 octobre, et à Châteauvallon – scène nationale, Ollioules, les 6 & 7 octobre


32 critiques spectacles

La danse en partage De découvertes dansées en projets en cours, de créations en rencontres informelles, Question de danse veut rendre la danse accessible à tous. Sous toutes ses formes !

C

ertaines sont abouties, d’autres sont en travail comme la proposition d’Olivier Muller qui verra son apogée au Festival Uzès danse en juin 2018. D’autres sont en généreux partage, comme Thomas Lebrun qui crée pour la Compagnie Coline.

Jeunesse et débuts Avec Danser avec Nusrat, il propose aux jeunes danseurs en formation une pièce pleine d’élans, de vitesse et d’unissons mâtinées de déhanchements orientalistes. Les danseurs portent avec allant et talent, émouvants jusque dans leur concentration un peu crispée... et leur façon de si bien vibrer ensemble. Installé à Toulon, Sébastien Ly est un habitué de Klap où il bénéficie de temps de recherche, notamment pour sa nouvelle pièce Aux portes de l’oubli. Se font écho textes de Laurent Gaudé et Marie NDiaye, évocation de souvenirs familiaux, lumières, entrées successives des interprètes. Quand Sébastien Ly parle, ses mains dansent. L’absence de musique laisse entendre le murmure des corps, distinctement : bruissement, souffle, frottement au sol. Un mouvement organique se transmet de l’un à l’autre par de minuscules vibrations qui les lient : c’est une plainte chuchotée à nos oreilles et à nos yeux, puis une révolte qui gronde en lentes vibrations. Pas de cinglants coups de lame fendant l’air mais des gestes qui effleurent, avec senteur d’encens et Miserere de Gregorio Allegri pour fermer les portes de l’oubli... La proposition, encore fragile, ne demande qu’à mûrir un peu pour atteindre sa plénitude. Comme celle d’Arno Schuitemaker ? Bénéficiant également d’une résidence au Klap, le chorégraphe met ses trois danseurs en mouvement comme on entre en transe répétitive, et les agite des petits pas restreints de dance floor. Avec des variations, infimes, à peine décelables, fascinantes comme dans la musique répétitive : rapprochement, variation d’amplitude ou de dynamique, passage d’une nappe sonore à une autre, ce qui est proposé au regard captive, ou ennuie : au moins dans le principe, on a déjà vu cela...

Créations L’an dernier à Question de danse, le chorégraphe niçois Éric Oberdorff avait dévoilé quelques premiers éléments de Mon corps palimpseste. Une installation textile était déjà présente, et le duo en était aux prémices. Aujourd’hui, dernier acte du cycle « Traces », Mon corps palimpseste développe une énergie séquentielle : lui s’impose dans la vitesse, l’énergie ; elle s’inscrit dans la lenteur et la retenue, et inversement. À quelques moments clefs leurs corps se trouvent

Bibi Ha Bibi © Pierre Ricci

dans le même état de danse. La sculpture arachnéenne les recouvre, les emprisonne, les ensevelit tour à tour, efface les traces sur leurs corps pour les faire renaître ensuite. La construction de la pièce aux combinaisons délicates manque encore de fluidité dans les enchaînements, mais elle nous entraîne vers un ailleurs d’inconscience. Dans un dispositif bi-frontal resserré, Bibi Ha Bibi a pris le public par surprise, estomaqué par la performance de Henrique Furtado et Aloun Marchal imaginée « comme un acte guerrier dans une arène ». Sans relâche durant 50 minutes, le duo met en jeu sa virilité dans un face à face impitoyable : nez contre nez, crachat contre crachat, dos à dos, leur accouplement est féroce, rythmé par leurs râles incessants inspirés des chants de gorge, inuit en particulier. Tensions, cadences, endurance, travail respiratoire ventral ininterrompu, la partie de ping-pong corporel qu’ils inventent est exigeante, et inédite. À la précision horlogère qu’elle requiert s’ajoute un jeu de regards soutenus au public. Les danseurs le rendent complice de leur rituel primitif avec un talent pour les grimaces synchronisées indiscutable ! Blessé, Olivier Muller ne fut pas en mesure de danser Hoodie, et projeta un film réalisé à Montpellier dans le cadre du Master 2 « Recherche et représentation ». Avec quelques extraits de matériaux, il a déjà mis l’eau à la bouche de l’assistance. Son projet appréhende la figure de la sorcière comme « un objet à étudier et illustrer », et la performance laisse présager un spectacle riche en matières : rituels chamaniques, mouvements d’émeutiers, histoires et fictions, objets urbains récoltés… de quoi créer un carnet de gestes captivant. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI ET AGNÈS FRESCHEL

Question de danse s’est déroulé à Klap Maison pour la danse, Marseille, du 28 septembre au 21 octobre


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Célébration amoureuse

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’ensemble fondé il y a quelque vingt ans par Josette Baïz, Grenade, célèbre (clin d’œil au fruit éponyme, symbole d’amour et de vie ?) le thème de l’amour dans son nouveau spectacle, Amor. Huit chorégraphies, offertes par leurs © Cécile Martini auteurs au groupe des jeunes danseurs, le composent, déclinaison des diverses manières de traiter le sujet universel. Chaque pièce reste fidèle à l’esprit des chorégraphes qui ont choisi leurs interprètes. Scène nimbée d’une lumière de soir d’été (Nicolas Diaz) pour le délicat extrait de Khallini Aïch, de Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou, pas de deux intemporel où sont explorées avec une infinie tendresse les facettes de l’amour, du rêve à la solitude. Une chaise, un tapis de joncs tissés, une esthétique du dépouillement, et la finesse

des jeunes danseurs qui racontent l’angoisse, le désir, la séparation, la complicité… Déferle ensuite l’extrait d’UNITXT de Richard Siegal, portés, sauts, battus, arabesques et pointes classiques, emportés par la musique électronique de Carsten Nicolai, fragilité des gestes que contraste la violence des sons. Les ensembles conjuguent la vivacité des danseurs de Grenade, et la dynamique d’extraits de haut vol, Clash de Patrick Delcroix, où les solitudes s’animent, se croisent se cherchent, se découvrent avec fluidité, Noces d’Angelin

Preljocaj, qui revisite les ballets russes en une orchestration d’horloger sur la partition de Stravinsky. Émergent de superbes pas de deux masculins : ¿Hasta Dònde… ? de Sharon Fridman, où deux hommes, mêmes facettes d’un seul être, se soutiennent, s’empoignent, sans jamais perdre le contact physique avec l’autre ; Les indomptés de Claude Brumachon, empli d’une énergie passionnée. Les déclinaisons de Navarre (Nicolas Chaigneau et Claire Laureau), fragmentées, glissent leurs interludes jubilatoires entre les différentes pièces, allégeant les tensions, en d’époustouflants exercices de pantomime. Sans doute, la jeunesse des interprètes ne transcrit pas toujours la profondeur des œuvres abordées, mais leur fraîcheur, leur justesse, offrent un spectacle d’une belle tenue qui atteint des sommets de beauté pure avec le sublime duo Welcome to Paradise de Joëlle Bouvier et Régis Obadia. Danse amoureuse, hypnotique, bouleversante… l’amour est une danse. MARYVONNE COLOMBANI

Amor a été créé du 7 au 9 octobre au Pavillon Noir, Aix-en-Provence

Danser la guerre

© Rahi Rezvani

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a dernière pièce d’Hofesh Shechter, accueillie aux Salins à Martigues, démontre une fois encore la force artistique du chorégraphe musicien. Vivant en Angleterre mais formé en Israël à la Batsheva Dance Company par Ohad Naharin, il a emprunté au maître sa technique qui libère les corps et les amène vers une vitesse et une résistance folles. Mais on retrouve aussi dans sa danse, décuplée, la force contestataire d’un exilé, désormais

citoyen anglais, qui critique directement la politique de guerre de l’État israélien. Affichant des drapeaux rouges et des poings levés, ses chorégraphies précédentes étaient sans ambiguïté. Grand Finale va plus loin encore, avec ces corps qui s’écroulent sous des impacts invisibles, les cadavres qu’on traîne, les murs qui séparent les groupes ou accueillent les lamentations, les danses folkloriques yiddish esquissées puis brisées comme une identité qu’on peine à endosser, les musiciens classiques qui, comme sur le Titanic, jouent une musique romantique qui n’a plus de sens, et disparaissent sous les nappes électroniques. Grand Finale tout entier est apocalyptique. Les danseurs tentent parfois de sortir du mouvement qui les écrase et se

remettent debout, de dos, écoutant la musique comme un appel lointain du passé. Puis ils repartent, dos courbés, nuques pesantes, bras qui peinent à s’ouvrir, comme emportés par une marée sombre. Les couleurs ont disparu, la détente, le contact, il n’y a plus de larmes. Les seules danses de couples se partagent avec des cadavres inertes, dans quelques moments d’émotion poignante. Tout est parfaitement maîtrisé, les lumières rasantes et froides, les décors mobiles qui créent des recoins, mais les corps sont comme des chevaux rebelles ruant en tous sens, à peine apaisés un instant en musique par la nostalgie d’une Veuve Joyeuse dévoyant ses élans romantiques, et laissant place aux scansions assourdissantes d’une techno mimant le bruit des armes. Jusqu’au bout du souffle, dans un dernier tableau époustouflant, où le groupe parvient à peine à faire masse, mais jamais société. AGNÈS FRESCHEL

Grand Finale a été dansé à la scène nationale des Salins, Martigues, les 6 et 7 octobre


34 critiques musiques

Autumn lives !

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e théâtre lyrique de la Place Reyer n’a pas chômé au mois d’octobre avec pas moins de trois opéras à l’affiche ! C’est avec Le dernier jour d’un condamné que s’est ouverte la saison, un ouvrage pensé par les frères Alagna d’après le livre éponyme de Victor Hugo publié en 1829. Les représentations ont obtenu un franc succès auprès d’un public sensible à l’engagement du propos et à celui des artistes, Roberto Alagna et Adina Aaron en tête ! Dans les rôles parallèles, deux condamnés à mort attendant leur exécution à 170 ans d’écart, le ténor et la soprano ont été exemplaires autant vocalement que scéniquement. Tout le plateau a suivi, des rôles annexes très caractérisés aux scènes de foule animées par le Chœur de l’Opéra. La scénographie imaginée par Nadine Duffaut a porté ses fruits : elle dessine deux lieux symétriques, en clair-obscur, où se meuvent distinctement les condamnés ; elle permet de libérer les angoisses, les faux espoirs face à la mort précipitée. Les décors tournent, coulissent, ménagent des espaces illusoires... car l’issue est fatale, les danses macabres interchangeables ! Si la musique de David Alagna recherche l’effet, souvent réussi, abonde d’idées (puisées de-ci de-là chez Moussorgski ou les Viennois de la seconde école), elle manque peut-être d’UNE idée... directrice. On passe d’une espèce de chaos sonore au premier acte, laissant peu de repères aux chanteurs pour prendre leur intonation,

Le dernier jour d’un condamné © Christian Dresse 2017

fameux airs de Leonor, Fernand ou d’Alphonse dans leur version originale, en français, on a goûté au bel canto, prisé par les Marseillais et royalement servi par le maestro italien. Clémentine Margaine dans le rôle-titre fut fabuleuse, puissante tragédienne, comme Jean-François Lapointe au chant toujours noble, si robuste dès le haut médium ! Si le jeune ténor Paolo Fanale n’a pas pu offrir toute la plénitude de son chant, à cause d’une souffrance laryngée, on a apprécié la souplesse de sa ligne vocale et de superbes demi-teintes dans l’aigu. Nicolas Courjal, Jennifer Michel et Loïc Félix ont complété à souhait ce beau plateau lyrique.

à un prélude, au second, gentiment tonal et larmoyant (la projection qui l’accompagne, une petite fille courant dans un pré, est franchement kitch). La seconde partie, harmoniquement plus sage, s’articule autour des deux airs des condamnés, dans un style plutôt vériste, appelant des applaudissements à leur coda, et du final, puissant et tragique... à l’instar de l’opus !

La Favorite Jean-Yves Ossonce a laissé la place à Paolo Arrivabeni à la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Marseille qu’on a retrouvé, avec son Chœur (préparé par Emmanuel Trenque), sur la scène du théâtre. C’est que La Favorite de Donizetti a été jouée en version de concert : un choix un peu néfaste, il faut l’avouer, à la préhension dramatique du livret ! Cependant, outre l’intérêt d’y entendre les

JACQUES FRESCHEL

Le dernier jour d’un condamné a été donné le 28 septembre et les 1er et 4 octobre, La Favorite les 13, 15, 18 et 21 octobre, à l’Opéra de Marseille

Quand l’âme lutte, l’esprit voyage ! Carine Lotta © Aurélie Fernando

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uelques arpèges de gumri et le voyage commence. L’instrument méridional, proche de la guitare et dont le coffre est tout entier recouvert de peau, rompt d’abord le silence qui s’était installé dans la salle à l’entrée des musiciens. Un chant viscéral et doux, bientôt effleuré par le frémissement progressif des cymbales. Carine Lotta, chanteuse et initiatrice du projet l’Anima Lotta, est là au centre de la scène, résolue, les pieds nus, comme enracinée. Tantôt en français, tantôt en sicilien,

l’interprète libère avec exaltation une rapsodie fascinante, imprégnée d’une poésie humaniste et transcendante. Alors la musique s’emballe. Tandis que le

tempo de la batterie vient percuter l’aria, mandole et mandoline emportent inexorablement les esprits, qui s’envolent des côtes italiques aux frontières arabiques. À ces transports méditerranéens, s’ajoutent les murmures affûtés des flûtes, la plainte de la cornemuse, le souffle épais du tuba. Le tout s’entremêle, s’accorde et s’ensemence, dessinant une musique mosaïque aux airs de blues métissé, instinctif et puissant. Après plus d’une heure vingt de concert enfiévré, le groupe sort de scène. Les applaudissements, qui toute la soirée ont soutenu les tempos, redoublent en forme de rappel. L’Anima Lotta répond par deux derniers titres. Lorsqu’enfin le silence revient, on peut encore sentir vibrer son âme. LOUIS GIANNOTTI

L’Anima Lotta s’est produit le 12 octobre à la Cité de la Musique, Marseille


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© Pierre Gondard

Diva, enfance et éléphant

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nstallé à L’Estaque depuis 2013, l’Ensemble Télémaque développe de nombreuses actions culturelles en direction des enfants et des adolescents en milieu scolaire. Il sait se mettre à leur portée pour les initier à la musique moderne et contemporaine d’une façon ludique, mêlant approche musicale, jeu théâtral, chant. Ainsi en 2016 s’est créé le Festival d’automne, Grande musique pour petites oreilles, en coproduction avec Les Théâtres dirigés par Dominique Bluzet. Cette deuxième saison vient de proposer L’Histoire de la Musique moderne en 3 fois 22minutes. Pari osé que de proposer une promenade musicale en franchissant les siècles d’un coup de baguette ! Et ça marche ! Les enfants qui assistaient à la représentation scolaire ont manifesté leur plaisir et participé volontiers au jeu proposé après le goûter : reconnaître les animaux évoqués par la flute, la clarinette et le hautbois dans Pierre et le loup. Raoul Lay et ses 9 musiciens ont donné une belle présence à la musique symphonique et l’on va d’un compositeur à l’autre très facilement tant le propos est finement amené, de Grieg à Janáček, de Sibelius à Piazzolla. Le comédien Olivier Pauls incarne avec verve un professeur fantasque, Paulus Olivierus, qui part à la rencontre des compositeurs qu’il aime en traversant le XIXe et le XXe siècle, l’Europe et même une partie de l’Amérique. Voulant trouver l’œuvre idéale, il nous entraîne à sa suite avec une infirmière, puis rencontre une cantatrice exceptionnelle.

Les Théâtres ont fait entendre la musique aux Enfants d’abord ! Avec l’ensemble Télémaque et l’orchestre de Toulon, dirigés par Raoul Lay

C’est Brigitte Peyré qui incarne ces rôles avec une désinvolture renversante et interprète Summertime de Gershwin de façon magistrale pour ensuite danser le tango avec son partenaire. La mise en scène d’Agnès Audiffren installe une atmosphère avec trois fois rien : un chapeau, une paire de gants, une rose, un fauteuil roulant transformé en bateau à voile !

Trompe et couronne Voyages, perte d’un parent, nécessité de se confronter au monde… les histoires du petit éléphant Babar font partie d’un humus commun : un itinéraire de formation, dispensé l’air de rien par les plumes légères de Jean et Cécile de Brunhoff. L’Orchestre de l’Opéra de Toulon, mené avec une délicate précision par Raoul Lay, offrait l’écoute de deux œuvres symphoniques reprenant les aventures de celui qui devint le Roi des éléphants. En première partie, une création, celle de la version orchestrale du Voyage de Babar en français (commande originale de l’Orchestre Philharmonique de Turin en 2016) de François Narboni. Renaud Marie Leblanc livre une lecture vivante, habitée, des tribulations de Babar et Céleste lors de leur voyage de noces. On suit le départ du ballon royal, son survol des eaux marines dont l’harmonie se transcrit en un mouvant ostinato, puis les cuivres se déchaînent, la tempête bouleverse tout, et le vent emporte les violons en bourrasque. Après bien des

émois, les deux héros retrouvent la vieille dame qui les accompagne dans la grande forêt où, nouveau coup de théâtre, c’est la guerre contre les rhinocéros et leur terrible chef, Rataxès ! L’intelligence de Babar dénoue les tensions. La partition colorée commente le texte de courts élans, à l’instar de notes posées en bas de page ou, plus ample, dessine paysages et émotions. Mais qui est Babar ? L’enfance de l’éléphanteau est narrée à son tour dans la sublime partition de Francis Poulenc, Histoire de Babar, le Petit éléphant, lyrique et chatoyante. L’orchestre entre avec subtilité dans toutes les nuances, saisit le pittoresque, l’enthousiasme et la force d’innocence de cet univers aux sources de l’enfance. Une pépite ! CHRIS BOURGUE ET MARYVONNE COLOMBANI

L’Histoire de la Musique moderne en 3 fois 22 minutes s’est donné aux Bernardines, Marseille, du 19 au 2 octobre Babar forever a été joué le 28 octobre au Grand théâtre de Provence, Aix, et le 29 octobre à l’Opéra de Toulon


36 critiques musiques

Yasmine Hamdan, diva du chaos

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a commence par un rock gothique empreint de larsens et finit sur une balade populaire libanaise des années 40 (Beirut d’Omar El Zenneh). En l’espace d’un concert, tout un dialogue entre la tradition populaire et la contemporanéité d’un Moyen Orient qui n’en finit pas de voyager, de se mêler aux registres les plus modernes, les plus technologiques. Et, en creux, l’expression d’un pays et d’une culture qui ont tout connu, de l’insolente prospérité économique à la guerre fratricide. Yasmine Hamdan est bien placée pour être le médium de cette complexité postmoderne : avec son groupe Soapkills, elle inaugurait il y a près de vingt ans un mélange des genres détonnant à travers un trip hop frondeur (et censuré). En 2009 on l’a découverte sur cette même scène des Sucres avec la formation Y.A.S., ondulant en Fairuz électro sur les beats de Mirwais (ex-Taxi Girl et producteur de l’album et du titre Music de Madonna). C’est en solo (depuis son album éponyme en 2012) que son répertoire est le plus convaincant : en

Yasmine Hamdan © Jean de Pena

vêtements lycra et babouches roses, diva du chaos, elle en donne une interprétation façon électro-rock-oriental, entourée d’un trio original guitare-batterie-claviers/programmations qui alterne sobriété et incandescence. Au début lancinante, elle joue avec nos nerfs : sur le lascif Hal, filmé à Tanger par Jim Jarmusch pour son Only Lovers Left Alive, elle orchestre un beau raffut au rythme des percussions berbères, les karkabous. Puis progressivement les chansons deviennent virevoltantes dans une forme de rock inquiet (Neddiyah) ou de pop orientale naïve et sophistiquée (Al Jamilat) : c’est bien la première fois qu’une artiste nous parle du choubi, le groove irakien des années 80 ! Dans tous ces registres, l’artiste livre un message

simple : l’individu, avec ses émotions des plus profondes aux plus triviales, demeure le seul rempart contre la furie du réel, qu’elle prenne la forme de l’autoritarisme paternaliste ou du terrorisme salafiste. Le lendemain, le Syrien Omar Souleyman (dont le dernier album s’intitule To Syria With Love) viendra aussi à la Fiesta témoigner par la transe de sa techno puissante de l’état de survivance de cette scène musicale exilée qui relate les blessures de conflits n’en finissant plus. HERVÉ LUCIEN

Yasmine Hamdan s’est produite le 19 octobre à Fiesta des Suds, Marseille. Nouvel album : Al Jamilat (Crammed Disc)

Bas tout en haut

I

l a le smile, Bas Bron. Il faut dire qu’il revient de loin et que le public nombreux qui est devant lui pour l’accueillir chaleureusement malgré l’horaire anticipé (21h), n’aurait en fait jamais dû être là. Emigré aux Pays-Bas pour former un groupe qui n’a finalement pas vu le jour, il a commencé son projet Fatima Yamaha sans beaucoup de succès. Fatima Yamaha au Cabaret Aléatoire © Valentin Chalandon Il aura attendu huit longues années avant un je-ne-sais-quoi de demie-tonalités orienque son « hit » What’s A Girl To Do ne fasse tales révélant un peu de ses origines. Même son chemin sur les platines de grands DJ’s, si celles-ci restent énigmatiques, comme ce qui lui a offert une belle exposition ces son pseudonyme (brouillage des genres, derniers mois. Le lot quotidien (et impitoyable) quand tu nous tiens !). Si l’entame est aussi des artistes de musique électronique. Mais nuancée que la charmante petite animation relativisons : Bas a aujourd’hui la possibilité effet « aquarelles » projetée derrière lui en d’exposer son talent, non pas en DJ, mais en vidéo, le Hollandais n’hésite pas à accélérer live avec ses machines et son clavier sur lequel sur des beats plus musclés (Love Invaders, il entame dès le début des solos épiques, avec Araya, Borderless II) entre nu disco batave,

techno américaine et house allemande. Pour résumer c’est aussi accrocheur que Daft Punk sans être lassant. Mais ce qu’on préfère de lui sont les morceaux au tempo mesuré comme l’apesanteur suggérée d’Only of The Universe. Qu’on appelle cela de la house music est anecdotique. Pour cela, What’s A Girl to Do demeure un cas d’école : c’est une ritournelle entêtante, magique et futile, magique parce que futile. C’est de cela, entre autres, dont nous parle l’électro : regarder l’instant passer dans une rêverie hédoniste. Il ne s’agit que de ça ici, et c’est précieux. À 22h52, l’affaire est pliée. Le Cabaret Aléatoire, en mode club et cintré de rideaux noirs, avait prévu une soirée commençant et finissant tôt, probablement pour préserver le week-end chargé de l’artiste. Qui a dit que la techno, c’était fatiguant ? H.L.

Fatima Yamaha s’est produit le 26 octobre au Cabaret Aléatoire, Marseille


De l’antique au contemporain

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n ouverture de saison, l’ensemble Musicatreize proposait un programme construit autour d’extraits des 24 préludes pour piano de Maurice Ohana, et des deux compositeurs contemporains Zad Moultaka et François-Bernard Mâche. Cinq des 24 préludes (hommage à Chopin) étaient interprétés par le piano précis et élégant de Victoria Harmandjieva, le 1, à la clarté ascendante, le 7, aux accents Debussystes, le 8, moiré de pluie, le 9, aux accents jazzy, le 10, aux couleurs lumineuses et emportées… Deux œuvres de Zad Moultaka enserraient ces fulgurances inspirées : Sept variations sur un Mouwachah (poème à forme fixe, arabe ou hébreu de 5 à 7 strophes rimées, inventé en al-Andalus au XIe siècle), dont modulations et rythmes orientalisants, décalages, respirations, échos des récits d’une Shéhérazade, s’estompent dans l’obscurité qui s’installe progressivement sur le plateau, magie nocturne des notes égrenées du piano, telles un chant de grillons. Avec La Scala del Cielo, le piano se transforme en instrument percussif, la pianiste au clavier et le percussionniste Christian Hamouy sur la caisse et les cordes, rythmes auxquels répondent les douze chanteurs, sopranos (Kaoli Isshiki, Élise Deuve, Claire Gouton), altos (Estelle Corre, Sarah Breton, Marie-George Monet), ténors (Xavier de Lignerolles, Jérôme Cottenceau, Gilles Schneider), basses (Patrice Balter, Grégoire Fohet-Duminil, Éric Chopin). Le texte en italien d’après le Livre des morts des anciens Égyptiens, projeté sur un écran, est modulé, repris, répété, fait sonner les allitérations, dessine un univers heurté où sifflent comme des serpents les démons de Sek. À cette œuvre étonnante répondait la composition de F.-B. Mâche, Danaé pour 12 voix et percussions. Les chanteurs y sont éblouissants de virtuosité, se font insectes, oiseaux, vent, mer, donnent à percevoir le monde dans ses plus intimes frémissements. Cette palpitation était rendue sensible dans la première pièce, Invocation pour 6 voix et percussions (avant-première à laquelle se joignait le percussionniste Raphaël Simon), par de somptueux élans qui savaient se résoudre en murmures propices à l’éclosion des mystères de la création. MARYVONNE COLOMBANI

Le concert a été donné le 31 octobre, salle Musicatreize à Marseille Zad Moultaka © Charlelie Marange


38 critiques spectacles

« Est-ce que vous m’aimez ? »

T

roublant, déroutant, déstabilisant, drôle, tendre, grave. Diktat, le spectacle seule-en-scène présenté par Sandrine Juglair est tout cela à la fois. Le Diktat qu’elle impose et qu’elle expose est celui du regard de l’autre. Nous y sommes tous soumis, et l’artiste s’amuse à jongler avec les situations où la façon dont les autres nous voient nous perturbe ou nous transforme. Elle décale les rôles et les repères, pour mieux surprendre et embarquer le public. Son personnage initial est un clown, plein de de stress, de maladresse, de précipitation. Elle l’interrompt pour venir s’installer sur un fauteuil de la salle, demandant à ses voisins si le spectacle a commencé. Quand elle retourne en scène, c’est dans la peau d’une femme assurée, qui joue du charme et de l’érotisme. Dressé au milieu du plateau, le mât chinois est à la fois un support d’acrobaties et une barre de pole dance. La comédienne se déshabille, elle est maintenant en short, torse nu, une serviette sur les épaules. Toute la posture de son corps est alors celle d’un homme. Un

boxeur même, qui avance, les jambes arquées, la démarche virile. Elle retire la serviette qui dissimulait ses seins. À demi-nue, avec des petits cœurs rouges collés sur ses tétons, son attitude reste étonnamment masculine. Avant qu’une montée au mât en escarpins rouges ne raniment la femme et l’actrice, désormais en longue robe noire. C’est même une diva qui se révèle, avec toutes les outrances que cela implique. La star enchaîne les rappels pendant qu’une bande-son diffuse acclamations et applaudissements à tout rompre. Puis quand les projecteurs s’éteignent, le coup de blues l’envahit. Rongée de doutes et d’angoisses, l’artiste panique. Et si on ne la voyait plus ? Elle aime son public, elle le lui clame, elle n’est rien sans lui. Et nous tous ? Existerions-nous si personne ne nous regardait ? JAN-CYRIL SALEMI

Diktat a été joué le 13 octobre à L’Alpilium à Saint-Rémy-de-Provence, dans le cadre du temps fort Des Cirques Indisciplinés, organisé par le Théâtre d’Arles © Milan Szypura

Electro libre

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onner l’apparence du délire à ce qui est sérieux et faire passer pour sérieux ce qui relève du délire. C’est ce double paradoxe que parvient à atteindre la compagnie 1 Montreur d’Ours. Après une résidence de création au Théâtre Durance de Château-Arnoux, les comédiens-musiciens de la troupe ont élaboré un spectacle étonnant et réjouissant. Sur la scène, le décor évoque un centre de la NASA. Partout des consoles, des manettes, des curseurs, des boutons et des câbles. Nous © 1 montreur d’ours sommes en fait dans le laboratoire du GRAMI, de la musique concrète à la fin des années le Groupe de Recherche et d’Analyse de la 40, à Kraftwerk, groupe allemand des années Musique et des Instruments. Trois hommes 70, à l’univers post-industriel et robotique, en blouse blanche s’affairent autour de ces l’histoire de la musique électronique est machines. Ils sont scientifiques et musiciens scrupuleusement expliquée. Synthétiseur et vont nous conter L’histoire probable de la modulaire, filtrage, oscillateur, l’aspect techmusique électronique. L’exposé est rigoureux nique est également abondamment développé. sur les références historiques ou techniques Mais derrière le voile scientifique se cache qu’il comporte. De Pierre Schaeffer, inventeur le décalage humoristique et pourtant fidèle

à l’objet d’études. Pour illustrer ce qu’est un paysage sonore, le trio diffuse celui qu’il a réalisé en 1998 pour la Fédération Française d’Hypnose. Il est composé de sons de gouttes d’eau et de phrases relaxantes, pour permettre un voyage facile dans nos vies antérieures. Il est utilisé encore aujourd’hui comme musique d’attente du serveur téléphonique de la Fédération, assurent les chercheurs. Comme dans une véritable conférence, la parole est donnée à la salle. Les questions du public laissent libre cours à l’improvisation des artistes, amplifiant cet effet de délire sérieux qui fait toute la réussite du spectacle. J.-C.S.

L’histoire probable de la musique électronique a été joué le 18 octobre au Théâtre Durance à Château-Arnoux/Saint-Auban


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Tilt

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maginez-vous tout à coup prisonnier d’un flipper. C’est la mésaventure qui arrive à un jeune homme, dans Insert coin, le spectacle de la Cie La Grosse B. Happé par la machine sur laquelle il jouait, il est projeté dans cet étrange univers et rencontre les personnages délirants qui y vivent. Une sorte de Monsieur Loyal avec chemise à jabot, et collant rayé noir et blanc, un clown déguisé en pilote de course, un docteur en blouse blanche, peutêtre plus malade que médecin, © Laurent Filoche une Wonder Woman un peu charmeuse et bricoleuse ou un drôle de Superman, qui aime autant se prélasser qu’utiliser ses super pouvoirs. En tout, sur la piste-flipper, ils sont six acrobates et deux musiciens. Tous se croisent et s’entrechoquent, dans ce décor où un toboggan figure une des rampes du flipper et deux bascules représentent les flips. Au lieu des

billes d’acier, ce sont ces personnages qui sont propulsés par les planches à bascule. L’ambiance est graphique, survoltée, vive, colorée et sonore, avec une musique très rock, jouée en direct. Les prouesses s’enchaînent, sauts, pirouettes, saltos, la palette technique est vaste. Mais, si la qualité des acrobates et des musiciens est au rendez-vous, le scénario du spectacle n’est pas assez fourni. C’est

l’un des écueils auquel se heurte parfois le nouveau cirque. L’univers visuel et musical est abouti, mais le contenu de l’histoire reste un peu court et souvent confus. Les numéros manquent aussi de variété, l’utilisation de la bascule devient systématique, et l’effet finit par s’essouffler. L’énergie est là, la fantaisie aussi, le délire s’impose sur la piste. Mais il n’y a pas le petit ingrédient pour créer le liant, et dépasser cette succession de séquences un peu décousues, qui laisse le public sur sa faim. Et à force de secousses répétées sur les bascules, le spectacle-flipper finit par tilter. J.-C.S.

Insert coin a été joué les 20 et 21 octobre à L’Espace Chapiteaux de la Mer à La Seyne-sur-Mer, dans le cadre de la Saison Cirque Méditerranée, organisée par Le PôleJeunePublic du Revest-les-Eaux

À l’ouest, la rue est vivifiante !

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ort-Saint-Louis-du-Rhône s’est une fois de plus muée en un espace d’expressions artistiques des plus variées. Cette année c’est en plein centre-ville –des rues, une place, une cour d’école- qu’ont eu lieu les spectacles programmés lors de la 9e édition de Carrément à l’Ouest. Le plan en main, un œil sur les horaires, il ne reste plus qu’à ouvrir grands les yeux et les oreilles. Non loin de l’Orgarêve du Théâtre de la Toupine, magnifique manège « à propulsion parentale » qui régale les plus petits, un homme et une planche, une femme et un rouleau de bois, trois musiciens (excellent groupe au nom délicieux : les Tahiti Miam Miam), des morceaux de bois flotté, une corde… Lentement, le temps de faire connaissance et de s’accorder leur confiance, Rosa et Moritz (Zirkus Morsa) vont chercher un point d’équilibre, précaire, subtile et étonnant, au fil de portés acrobatiques qui rendent compte d’un amour naissant et lumineux. À peine aperçoit-on du monde au milieu d’une rue, qu’un homme insiste pour fourguer ses minuscules tours Eiffel multicolores, passant de l’un à l’autre en secouant son barda. Refus polis ou moqueurs. Mais il a de la suite dans

Je m’appelle, spectacle de Garniouze (Carrément à l’Ouest 2017) © Do.M.

les idées, et s’installe face au public. Christian Lafargue, alias Garniouze, déballe des breloques, les dispose. Derrière lui une sucette publicitaire diffuse des images et une musique sourde et lancinante. Il se met à parler, crier parfois, presqu’à la sauvette, comme il vend, les mots empruntés à Enzo Cormann. Le texte de l’auteur, paru en 1999 (éd. de Minuit), n’a rien perdu de son urgence ni de sa force, rappelant, dans un rythme que le comédien rend presque étouffant, des luttes ouvrières, un militantisme et un syndicalisme qui nous sembleraient presque oubliés,

dépassés. Garniouze vibre et nous réveille, avant de nous laisser repartir, ébranlés mais combatifs… Tandis que l’impressionnante « toile d’araignée » faite de corde, patiemment tissée par Juhyung Lee, structure quelques rues adjacentes, les quatre comédiens/danseurs/bucherons de la Cie Claudio Stellato entament leur travail de destruction/construction sur un plateau rempli de quatre stères de bois. Au milieu, dessus après divers rééquilibrages fragiles, lancers de bûches et courses effrénées, ils créent avec une douceur surprenante, et beaucoup d’humour, une histoire faite de confiance et de complicité. Pas de parole, mais les sons du bois entrechoqué, fendu et déchiré, des souffles d’endurance qui s’échappent de corps mis à rude épreuve, des rires parfois… et des applaudissements nourris, organiques ! DOMINIQUE MARÇON

Carrément à l’Ouest, organisé par le Citron Jaune et Scènes&Cinés, a eu lieu le 14 octobre à Port-Saint-Louis


40 au programme musiques bouches-du-rhône var

Isaya, double trouble

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es percussions, des chœurs tribaux, des beats électroniques mais toujours la guitare et le chant country : rien ne change vraiment chez Isaya, le groupe des deux jumelles aixoises Caroline et Jessica. Sur Go With Yourself, leur nouvel album sorti au printemps, c’est toujours la sécheresse de leur folk-blues unplugged, sans âge tant il a été adapté, décliné depuis cent ans, qui frappe. On aime ou on n’aime pas, on peut trouver ça un peu trop simple ou trop rêche mais c’est dans ce parti pris que réside la vérité du groupe, son identité révélée depuis l’âge de 12 ans et poursuivie sur le bitume du Cours Mirabeau où entre Anaïs, Deluxe et elles, il semble que toute la scène aixoise a défilé : « lorsqu’on a commencé à faire de la musique, nous confiaient-elles au moment de la sortie de leur premier album, ce style “country” acoustique est sorti tout seul, de nulle part. On n’avait pas beaucoup d’albums à la maison, pas de modèles à suivre, nos références sont arrivées après !». On pense bien sûr aux reines de la country, à leurs âmes batailleuses dans cet univers si masculin : Dolly

Isaya (Live au Café de la Danse) © Christophe Crénel

Parton qui implore l’amante de son homme dans Jolene, Tammy Winette recommandant Stand By Your Man aux femmes d’un deep south propice à la flambée des sens… Comme on comprend un peu l’anglais, on entend bien que Caroline et Jessica se placent dans ce registre des histoires d’amour rugueuses, des romances nerveuses de leur époque, sans sensiblerie, voix éraillées et sex-appeal en avant. Femmes fortes qui s’épaulent, le chant à la tierce comme ciment d’une sororité affirmée à la ville comme à la scène. Celles qui s’appellent elles-mêmes les « toxic twins » halètent, haranguent et jettent d’improbables charmes dans le chamanique Shadow of The Monkey, un des temps forts du long format.

Mais leur registre varie clairement avec l’apport de Simon Henner alias French 79 (lire Zibeline 111), à nouveau aux manettes et plus présent sur l’aérienne deuxième partie de l’album avec Five et Oh Lord, qui adoucissent et font évoluer un propos musical toujours aussi reconnaissable. HERVÉ LUCIEN

24 novembre L’Affranchi, Marseille (avec Maï Lan) 04 91 35 09 19 l-affranchi.com 17 novembre Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com

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ix ans déjà que Les Inovendables insuffle dans nos oreilles un air d’improvisation et de liberté musicales, loin des sentiers battus et des circuits les plus empruntés. Le collectif Léda Atomica Musique (LAM) en est l’instigateur, sous l’impulsion, entres autres de Phil Spectrum, musicien-compositeur innovateur et prolixe, âme de LAM, décédé en juillet. La comédienne et chanteuse Marie Démon, cofondatrice de LAM, reprend le flambeau et « oriente le festival vers les voix, le texte en musique, la chanson, la poésie sonore, le théâtre musical ». Il y est toujours question de découvertes faites d’inventions et de collaborations entre les artistes, de rencontres étonnantes et partagées. Deux lieux accueillent les spectacles cette année, non loin l’un de l’autre, dans le quartier

Annextesie, Juliette Z et Guy Zollkau © Boniface Lisa

Innovateur, toujours

de la Plaine : le leur, et le Théâtre Marie-Jeanne (qui vient de rouvrir ses portes). Là s’installera El Kabaret avec L’homme est bon, mais le veau est meilleur, fable divertissante et édifiante sur le culte de l’argent-roi et du plaisir effréné, d’après Le petit Mahagonny de Bertolt Brecht et Kurt Weil, et Rock’n rouge, une version slam et glamour du Petit Chaperon Rouge. À LAM, on découvrira Alain Aubin (contre-ténor), et Jean-Paul Serra (piano forte et clavecin) dans Mozart et le Dom Juan noir, puis avec Murielle Tomao (mezzo-soprano)

au cœur des héros et héroïnes des opéras de Haendel ; le chant de Sam Karpienia, accompagné par Thomas Lippens (percussions) et Emmanuel Reymond (contrebasse) ; les chansons de Juliette Z, en compagnie de Guy Zollkau au saxophone soprano, basse et contrebasses électriques, dans son pays intime qu’elle nomme Annextesie ; la voix de Géraldine Baldini posée sur les textes de Chrissie Hynde, Barbara et Maria Callas ; et une coréalisation LAM/Manifeste Rien, L’ombre des Lazzi. Jeremy Beschon met en scène Virginie Aimone, Roland Peyron, Maurice Vinçon, Marie Démon et Tom Spectrum dans « un combat dialectique et musical entre le pouvoir et l’art, qui va de la commedia dell’arte au hip hop de la France post coloniale ». DOMINIQUE MARÇON

Les Inovendables 17 novembre au 18 décembre Léda Atomica Musique, Théâtre Marie-Jeanne, Marseille ledatomica.mus.free.fr/lam/


au programme musiques bouches-du-rhône gard alpes

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One Foot © Aramio Pazzo photography

Stacey Kent Avec I Know I Dream, la chanteuse joue sur du velours en replongeant l’auditeur dans l’âge d’or de la musique des années 50 : standards du jazz vocal, classiques de la bossa nova, grande chanson française... et compositions originales écrites par son mari saxophoniste Jim Tomlinson. Le plus indéniable du concert : les arrangements de l’Orchestre Symphonique Confluences dirigé par Philippe Fournier. Y’a de la romance dans l’air, quoi ! Dans le cadre de Jazz sur la Ville, une date organisée par Jazz des 5 Continents.

© Sony Music Entertainement

Premier album Mektonized pour la formation des frères Karapetian (Yessaï aux claviers, Marc à la basse et aux synthés, complétés par Matthieu Font à la batterie). Avec son jazz électrique façon « grand mix électro/ acoustique », le trio ressuscite avec inspiration le bon vieux jazz progressif des années 80, agrémenté d’incursions électro réussies. Dans le cadre de Jazz sur la Ville, un concert organisé par l’association aixoise Comparses et Sons.

Tinariwen

30 novembre Le Poste à Galène, Marseille 04 91 47 57 99 leposteagalene.com

Venu du désert, leur groove touareg fascine depuis de nombreuses années, que ce soit les fans de rock ou de world music. C’est d’ailleurs dans le désert de Joshua Tree en Californie (fief des rockers de Queens Of The Age) que le dernier album a été enregistré, le groupe ayant dû fuir sa terre natale de l’Adrar des Ifloghas, entre Algérie et Mali, proie de conflits et de l’emprise du groupe islamiste Ansar Dine. Un Elwan plus rock que les précédents donc, mais toujours aussi hypnotisant.

Christina Rosmini

Mélanie De Biasio

© Paul Evrard

17 novembre Le Toursky, Marseille 04 91 02 54 54 toursky.com 23 novembre Le Café Provisoire, Manosque (dans le cadre de Parcours de Femmes) 04 92 72 19 70 mjc-manosque.com

© X-D.R.

La musicienne et danseuse vit toujours dans la philosophie d’Al Andalus, cet idéal de cohabitation des cultures, auquel elle a consacré un spectacle il y a quelques années. Toujours marquée par les influences du flamenco, de l’Orient et de la chanson française, sa création est dédiée en 2017 à la figure de Georges Brassens auquel elle consacre son spectacle Tio Itinéraire d’un enfant de Brassens. © Olivier Donnet

24 novembre Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org

Pony Pony Run Run clôturera le festival Meltin Art organisé par Orizon Sud du 17 novembre au 9 décembre (avec en têtes d’affiche Gilles Peterson, Flavia Coelho, L’Entourloop), mais on observera avec attention le même soir, parmi les nombreux invités locaux, la formation PinkNoColor, dont l’album est sorti le 27 octobre, constituée d’un all stars des scènes jazz et world marseillaises pour un essai poprock carrément réussi. 9 décembre Cabaret Aléatoire, Marseille 04 95 04 95 09 cabaret-aleatoire.com

14 novembre Silo de la Joliette, Marseille 04 91 90 00 00 silo-marseille.fr

Loin des divas feutrées du jazz vocal, la Belge a hérité de la morgue d’une Nina Simone : son chant un peu distant, bien mis en valeur par des compositions et des arrangements parcimonieux, possède un charme vénéneux. Après No Deal, qui l’a révélée à un public plutôt rock en 2013, vient de paraître un troisième album Lilies, aux atmosphères toujours aussi prenantes et énigmatiques.

PinkNoColor

30 novembre La Paloma, Nîmes 04 11 94 00 10 paloma-nimes.fr


42 au programme musiques bouches-du-rhône

Lalala Napoli

Sanacore © Jacky Joanne

Concocté depuis 2004 par l’association Les Voies du Chant, le festival met la voix à l’honneur et en valeur, sous toutes ses formes. La 14e édition ne déroge pas à la règle, en présentant des créations locales mais aussi des artistes venant de beaucoup plus loin, « là où les sons ne ressemblent en rien à notre univers quotidien », autour de la polyphonie à 2, 3 et jusqu’à 50 voix. Pour l’occasion, les chœurs

Lalala Napoli © Laetitia Gessler

De Vives voix amateurs résidents de la Maison du Chant, Babelika, les Bottines et E Voce di l’Alma ouvriront et clôtureront le festival. Toujours « et bienheureusement » nomade, le festival posera ses valises à La Cité de la Musique durant trois jours : avec les cinq femmes du groupe Ialma qui chantent un folk galicien ; le quartet vocal féminin napolitain Sanacore ; et le groupe de polyphonies occitanes Lo Barrut ; dans l’église Saint-Pierre et Saint-Paul, Les Choralys réuniront l’Académie du chant populaire, ensemble créé par Alain Aubin, les Chœurs indéchiffrables, groupe vocal féminin dirigé par Brigitte Cirla, et l’Ensemble Irini ; quant au Musée Borély, il ouvrira son grand salon au FadoRebetiko project, mené par la chanteuse et pianiste grecque Kalliroi Raouzeou.

Emmenés par François Castiello, les six musiciens du groupe réinventent à leur sauce la musique napolitaine et la tarentelle. Dans leur nouvel album, Disperato, des compositions crues ou douces viennent se greffer au répertoire traditionnel, et le détournent audacieusement. Dans une transe mi trad mi rock, accordéons et violon se mêlent aux trilles de la flûte et aux riffs électrifiés de la guitare... C’est joyeux, généreux, libérateur, comme une fête collective amplement partagée !

10 novembre au 2 décembre Divers lieux, Marseille 09 54 45 09 69 lesvoiesduchant.org

8 décembre Forum des Jeunes, Berre 04 42 10 23 60 forumdeberre.com

Blond & Blond & Blond Born to rave

25 novembre Cabaret Aléatoire, Marseille audiogenic.fr

© Pascal Ito

Le label Audiogenic promet de faire danser les foules avec un marathon sonore à tout casser ! Sept artistes, parmi les plus connus de la scène Hard Beat et Frenchcore. Autour de Maissouille, et de sa « french-hard-tribe-core touch », le duo italien The Sickest Squad, Darktek et ses sets explosifs, le showman Adrenokrome, Anticeptik, membre du crew Kaotek, et les talentueux activistes des nuits marseillaises, Walter Bishop et Man. L’ensemble est mis en scène avec les projections 3D et le mapping vidéos de VJ EYE. (2x2 places sont à gagner, écrire à g.journalzibeline@gmail.com)

Sur son premier album, Days & Moods, la jeune chanteuse franco-britannique mêle sa voix suave à un jazz mélodieux qui flirte parfois avec des rythmes soul, folk et blues. Elle est accompagnée par Ben Rando (piano, co-compositeur), Sam Favreau (contrebasse) et Cédric Bec (batterie). Un deuxième album est annoncé pour la fin de l’année 2018. (Concerts donnés dans le cadre de Jazz sur la ville).

© X-D.R.

The Sickest Squad © X-D.R.

Anna Farrow

25 novembre Bibliothèque du Merlan, Marseille 04 91 12 93 65 bmvr.marseille.fr 1er décembre Espace Gérard Philippe, Port-Saint-Louis 04 42 48 52 31 scenesetcines.fr

Ils ont tout pour plaire : dégaine (version Abba), voix et répertoire… et pas n’importe lequel, puisque les deux sœurs et leur frère, suédois, rendent Hømaj à la chonson française ! Ils réécrivent, détournent et interprètent les plus grands standards, de Gainsbourg à Barbara, en passant par la danse des canards (version lyrique !), NTM ou Joe Dassin. L’improbable fratrie n’épargne personne, pas même eux ! 24 novembre Espace NoVa, Velaux 04 42 87 75 00 espacenova-velaux.com


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Rêve de valse Orchestre Philharmonique de Marseille

Broadway Symphonique

17 novembre Opéra de Marseille 04 91 55 11 10 opera.marseille.fr

Le foyer de l’Opéra de Marseille accueille les œuvres russes Tableaux d’une exposition de Moussorgski et la suite Roméo et Juliette de Prokofiev, toutes deux dans les arrangements de Joachim Linckelmann, pour le superbe quintette que forment Jean-Marc Boissière (flute), Guillaume Deshayes (hautbois), Alain Geng (clarinette), Stéphane Coutable (basson) et Julien Desplanque (cor).

Les jeudis de Musicatreize joignent aux interprétations musicales les mots des poètes, des philosophes, des rêveurs… À l’occasion de la sortie de son CD Astor Piazzolla, la musique de Buenos Aires (label Disques Fy & du Solstice), Christelle Abinasr (piano et récit) présente un panorama des œuvres du musicien sur des poèmes de Jorge Luis Borges et Horatio Ferrer. 16 novembre Salle Musicatreize, Marseille 04 91 00 91 31 musicatreize.org

Trio Guarneri / Quatuor Akilone

Miroirs et Monteverdi

Quatuor Akilone © X-D.R Guillaume Deshayes © X-D.R

La Société de Musique de Chambre de Marseille offre dans l’écrin de l’auditorium de la faculté de médecine des soirées musicales d’une exceptionnelle qualité. Novembre verra ainsi le Trio Guarneri interpréter des œuvres de Suk, Mendelssohn, Beethoven, puis le Quatuor Akilone des pièces de Webern, Mozart et Schumann. Attention, l’adhésion est nécessaire. 14 & 28 novembre Auditorium Faculté de médecine, Marseille musiquedechambremarseille.org

30 novembre Odéon, Marseille 04 96 12 52 70 odeon.marseille.fr

Autour de Piazzolla

25 & 26 novembre Odéon, Marseille 04 96 12 52 70 odeon.marseille.fr

Musiques russes

18 novembre Opéra de Marseille 04 91 55 11 10 opera.marseille.fr

Oscar Straus nous invite à la légèreté d’un bal de la cour de Vienne dans son opérette Ein Walzertraum (1907) (Rêve de valse). Le beau lieutenant français Maurice de Fonségur (Lionel Delbruyère) a confondu la Princesse héritière de Snobie, encore une belle Hélène (Charlotte Bonnet), et l’a embrassée dans le cou. Seul le mariage peut éviter le scandale. Si la Princesse est ravie, le lieutenant l’est un peu moins… dans le tournoiement enlevé de l’Orchestre de l’Odéon, sous la baguette d’Emmanuel Trenque dans la mise en scène de Jack Gervais.

L’Orchestre Philharmonique de Marseille, dirigé par Emmanuel Trenque, nous entraîne à Broadway, là où l’opéra et le jazz se sont rencontrés par la grâce de compositeurs tels George Gershwin, Leonard Bernstein, Andrew Lloyd Webber, Richard Rodgers… Les voix lyriques des solistes Manon Taris et Grégory Benchenafi se teinteront de swing…

L’ensemble Musicatreize s’allie à Concerto Soave pour un programme spirituel dans le cadre de Marseille-Concerts : une œuvre sacrée majeure de Monteverdi, les Litaniae della Beata Vergine, déclinera la pureté de ses lignes mélodiques sous les voûtes de l’abbaye de Saint-Victor, puis le Stabat Mater a dieci voci de Scarlatti évoquera les larmes de la Vierge avant la composition de Lucien Guérinel, Quatre chants pour un visage, composés sur des textes de Manbrino, Pierre Emmanuel, Pierre-Jean Jouve et un anonyme du IXe. Ensemble Musicatreize © Guy Vivien

Jean-Efflam Bavouzet © Paul Mitchell

Charlotte Bonnet © X-D.R

Trois œuvres du répertoire au programme de l’Orchestre Philharmonique de Marseille sous la direction de Lawrence Foster : Métaboles pour orchestre, opus symphonique d’Henri Dutilleux composé à la demande du chef d’orchestre George Szell, pour l’Orchestre de Cleveland ; le Concerto n° 1 pour piano de Béla Bartók interprété au piano par Jean-Efflam Bavouzet ; enfin, la Symphonie n° 3 en fa majeur op. 90 de Johannes Brahms.

7 décembre Abbaye Saint-Victor, Marseille 06 31 90 54 85 / 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com


44 au programme musiques bouches-du-rhône vaucluse alpes alpes-maritimes

Les Noces de Figaro

L’élixir d’amour

Julie Robard-Gendre © Ledroit-Perrin

L’opéra buffa de Mozart, inspiré de la pièce de Beaumarchais, décline ses quiproquos, ses confusions, ses dénonciations aussi d’une société fondée sur les inégalités, de classes, de sexes, dans le rythme enlevé de cette Folle journée. La nouvelle production de l’Opéra Éclaté présente des chanteurs qui ont l’âge de leur rôles, et savent en conserver la fraîcheur impertinente, sous la houlette de Gaspard Brécourt dans une mise en scène d’Éric Perez.

L’opéra en quatre actes de Gluck, révisé par Hector Berlioz, nous raconte une fois encore la magie de la création artistique, sa capacité à explorer le monde, à le sublimer, mais nous en montre aussi les faiblesses humaines. Orphée (Julie Robard-Gendre) se retourne et perd Eurydice (Olivia Doray) que son art avait sauvée. L’Orchestre Régional Avignon-Provence, dirigé par Roberto Forés Veses, le Chœur et le Ballet de l’Opéra Grand Avignon offrent un spectacle total de haute volée.

Gabrielle Philiponet © Ribaltaluce Studio

© Nelly Blaya

Orphée et Eurydice

3 décembre Théâtre de la Colonne, Miramas 04 90 50 66 21 scenesetcines.fr

Comme je l’entends

3 & 5 décembre Opéra Confluence, Avignon 04 90 14 26 00 operagrandavignon.fr

22 au 28 novembre Opéra de Nice 04 92 17 40 79 opera-nice.org

30 novembre au 2 décembre Théâtre Durance, Château-Arnoux/Saint-Auban 04 92 64 27 34 theatredurance.fr

La truite de Schubert

Elsa Cassac ©c X-D.R

En coréalisation avec Musique Baroque en Avignon, le concert Pien d’amoroso affetto réunit, dans la tradition du XVIIe siècle qui a connu de grandes familles de musiciens, le baryton Marc Mauillon et sa sœur, la harpiste Angélique Mauillon. Le programme arpente le grand siècle baroque avec des œuvres de Caccini, Peri, Luzzaschi et Piccinini.

Angélique et Marc Mauillon © Jean-Baptiste Millot

© Agnès Mellon

Angélique et Marc Mauillon

La pièce de théâtre musical (création 2009) de Benjamin Dupé met en scène la musique du compositeur. Comment expliquer, raconter simplement ce qu’est son approche musicale du monde ? Les mots s’avèrent pauvres et insuffisants, aussi c’est la musique elle-même qui se met en scène, en un « solo pas tout seul » auquel les auditeurs du Merlan ont prêté leurs voix. Symphonie dans un espace « où l’on s’invente dans l’écoute ». Une pépite ! 26 novembre Conservatoire du Grand Avignon 04 90 14 26 00 operagrandavignon.fr

L’opéra de Donizetti joue du thème de l’élixir donné à Tristan et Iseult. Le jeune énamouré Nemorino (Davide Giusti) pense que l’élixir donné par le charlatan Dulcamara (Marc Barrard) lui ouvrira le cœur de la belle et spirituelle Adina (Gabrielle Philiponet) qui doit épouser Belcore (Philippe-Nicolas Martin)… Entre Una furtiva lagrima et le vin de Bordeaux, tout finit bien sous la houlette de Roland Böer et la mise en scène d’Éric Chevalier.

Les mardis de l’orchestre se glissent au théâtre Alexandre III avec un quintette issu de l’Orchestre de Cannes, Marie Fraschini (violon), Alain Baldocchi (alto), Yannick Fournier (violoncelle), Georges Thiery (contrebasse), Elsa Cassac (piano). Le programme passera avec humour du Duo pour deux Lorgons Obligés de Beethoven au Trio pour piano en sol H25, Gypsy de Haydn et à l’éternelle vagabonde de Schubert. 28 novembre Théâtre Alexandre III, Cannes 04 92 98 62 77 orchestre-cannes.com


au programme musiques alpes-maritimes var gard hérault

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Neoarctic

Le Barbier de Séville ou la Précaution inutile de Beaumarchais, premier volet de la trilogie Le roman de la famille Almaviva, a inspiré à Rossini un opéra vif, satirique, au rythme enlevé. La jeune Rosina que se réserve le vieux docteur Bartolo s’est éprise du beau et jeune Comte Almaviva. Figaro vient en aide aux amoureux avec la complicité de Martin Mázik à la direction musicale, dans une mise en scène de Matteo Peiron. Une collection d’airs virtuoses !

Alexandra Soumm © Balazs Borocz

3 décembre Théâtre Croisette, Cannes 4 93 48 61 10 orchestre-cannes.com

Madama Butterfly L’œuvre de Puccini fait partie des opéras les plus joués au monde. Le récit tragique inspiré de la pièce en un acte de David Belasco, Madame Butterfly, a Tragedy of Japan (d’après l’histoire racontée par John L. Long), est situé dans le Nagasaki de 1945 par le metteur en scène Daniel Benoin. La délicate Cio-Cio-San (Deniz Yetim), séduite et abandonnée par le volage officier Pinkerton (Roberto De Biasio), chantera ses bonheurs, ses désespoirs et son sacrifice sous la houlette de Valerio Galli.

La compagnie danoise Hotel Pro Forma propose une expérience musicale et visuelle de haute volée, en un opéra d’un genre nouveau, épousant dans sa forme hybride des remuements et les transformations de notre environnement. 12 chansons, 12 images sonores, 12 paysages et une planète : douze tableaux pour créer des paysages sonores et plastiques d’une étonnante et bouleversante poésie sur la musique électronique d’Andy Stott et Krists Auznieks. (en anglais surtitré). 28 novembre Théâtre Bernadette Lafont, Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com

© Opera 2001

Le Barbier de Séville

Le double concerto pour violon, violoncelle et orchestre de Saint-Saëns donne son titre au concert dirigé par Benjamin Levy, avec l’Orchestre de Cannes et les solistes Alexandra Soumm (violon) et Victor Julien-Laferrière (violoncelle). La magie de cette œuvre subtile se conjuguera à celles de pièces de Claude Debussy, Emmanuel Chabrier, Darius Milhaud, Maurice Ravel, avec les solistes Florent Bontron (flûte), François Draux (clarinette), Bertille Dufour (violon), Altin Tafilaj (alto), Cécile Bontron (harpe).

© Andreas Sommer

La muse et le poète

26 novembre Théâtre Molière, Sète 04 67 74 66 97 theatredesete.com

Manfred

Stabat Mater Furiosa

Robert Schumann compose sur le poème dramatique en trois parties de Lord Byron, Manfred, une forme lyrique où voix, orchestre, poésie et musique se fondent en une œuvre inclassable et bouleversante. Manfred (Julien Testard), archétype de l’homme romantique fatal, dévoré par le remords d’avoir tué la femme aimée, vit reclus au cœur des Alpes, cherche un oubli qui lui est refusé. David Nieman dirige cette œuvre tragique aux accents surnaturels.

« Furiosa et point dolorosa » insiste l’auteur Jean-Pierre Siméon ; « Je rêve d’une parole dont on ne se remet pas, non en raison de sa violence, mais parce qu’elle porte en elle une évidence sans réplique. » Un texte puissant contre la guerre, la brutalité, parole sans filtre qui dénonce, les mécanismes qui engendrent la folie sans cesse renouvelée des guerres et leurs insupportables justifications. Stéphanie Marc porte cette œuvre coup de poing dans la mise en scène de Dag Jeanneret.

© D. Jaussein

Ensemble Contraste © Amelie Baudry

29 novembre au 3 décembre Opéra Comédie, Montpellier 04 67 601 999 opera-orchestre-montpellier.fr

17 au 21 novembre Opéra de Toulon 04 94 93 03 76 operadetoulon.fr

30 novembre Théâtre sortieOuest, Béziers 04 67 28 37 32 sortieouest.fr


46 au programme spectacles bouches-du-rhône var

Tableau d’une exécution

Palestro

Une artiste peintre de la Renaissance décide de représenter crûment la guerre au lieu de la glorifier, dans un tableau commandé par le Doge de Venise. Bien évidemment, cela ne va pas être toléré, et l’idéaliste interprétée par Christiane Cohendy sera confrontée à la dureté du pouvoir politique. Une œuvre maîtresse du dramaturge anglais Howard Barker, inspirée d’une histoire réelle, celle d’Artémisia Gentileschi.

Quelle idée, d’enfermer des contes en cage ! Heureusement, Jean-Michel Hernandez va s’empresser de les libérer, et les trois moutons, le monstre et le grain de sel qui en sont les protagonistes goûter une enivrante émancipation. Pour les enfants de 2 à 5 ans, en partenariat avec La Baleine qui dit « Vagues ».

© Alain Richard

© Simon Gosselin

Petits contes en cage

Les horreurs de la Guerre d’Algérie vues par les fils de ceux qui l’ont vécue : Bruno Boulzaguet et Aziz Chouaki s’appuient sur les travaux d’une historienne, Raphaëlle Branche, consacrés à l’embuscade de Palestro et à ses conséquences. Ils co-signent une pièce qui met la fiction au service de la lucidité, les archives en perspective, et le théâtre à son meilleur, face à l’histoire.

3 décembre La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

Les Bas-Fonds Maxime Gorki adapté par Éric Lacascade, qui s’attache à décrire et comprendre les exclus de la société russe pré-révolutionnaire, au début du XXe siècle, « pour mieux nous comprendre nous-mêmes, dans l’état de crise que nous vivons ». Le metteur en scène joue lui-même un rôle dans cette pièce polyphonique, avec une quinzaine de comédiens.

23 au 26 novembre La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com 9 décembre Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr

21 au 25 novembre Les Bernardines, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net

Julie Victor fait ce qu’elle veut

1er & 2 décembre La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

6 au 9 décembre Le Gymnase, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net

© William Let

En partenariat avec Marseille Concerts, La Criée programme le premier opéra de l’histoire, écrit en 1607 par Monteverdi. En mélangeant les genres au prix d’anachronismes loufoques (on y entend du jazz et de la bossa nova), Samuel Achache et Jeanne Candel mettent en scène un théâtre musical glissant du profane au sacré... ou peut-être l’inverse ?

© Brigitte Enguérand

© Jean-Louis Fernandez

Orfeo je suis mort en Arcadie

Une humoriste Normande en visite à Marseille ! Elle fera ce qu’elle veut, sauf manger. « Nous vous rappelons qu’il est formellement interdit de nourrir Julie Victor pendant le spectacle, sous peine de poursuites judiciaires » : vous voilà prévenus par une voix impérative. Que cela ne vous empêche pas d’apprécier ses réparties fantaisistes, sa gestuelle, ses imitations, et son sens du rythme. Car en plus elle chante. 28 novembre au 2 décembre Les Bernardines, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net


Sicilia + Tunisia

Sicilia © Le Générateur, Frasq 2012

Clyde Chabot se livre dans un solo d’autofiction en deux volets, exhumant par un processus « d’archéologie familiale » l’histoire de ses ancêtres. Ses arrière-arrière-grands-parents ont quitté la Sicile et rejoint la Tunisie à la fin du XIXe siècle, puis ses grands-parents sont partis à leur tour de Tunisie pour arriver en France en 1956, après l’Indépendance. Une façon pour l’artiste de se pencher sur les flux migratoires à travers les âges. 14 & 15 novembre Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org

Le vol des hirondelles

© Baptiste Jacquemin

Spectacle pictural et sonore destiné aux tout-petits (à partir de 12 mois), un petit cirque d’hirondelles « comme une invitation délicate à prendre son envol ». Dans le cadre de Nos Forêts Intérieures #4, le temps fort pour la petite enfance construit par Céline Schnepf et sa Cie Un château en Espagne, accompagnés par le Théâtre Le Merlan depuis trois saisons.

21 NOVEMBRE > 16 DÉCEMBRE MARSEILLE > AIX-EN-PROVENCE > VITROLLES

15 au 18 novembre Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org

#20

2017

Les bijoux de pacotille La création 2017 de Pauline Bureau, artiste de la Bande du Merlan. Elle y met en scène Céline Milliat-Baumgartner, auteure et interprète du texte, où elle raconte son histoire d’enfant de la balle, ayant perdu très jeune ses parents. Une œuvre commune pour interroger « Ce qui fait une enfance et ce qui la défait. Et le long chemin qu’il faut faire parfois pour regarder en face l’enfant qu’on a été ». À partir de 15 ans.

© Céline Milliat Baumgartner

DANSE CONTEMPORAINE EN MÉDITERRANÉE

30 novembre au 1er décembre Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org INFOS & RÉSERVATIONS

+33 (0)4 91 55 67 76 www.dansem.org


48 au programme spectacles marseille

3 Perrault sinon rien

La Mémoire et la Mer

Notre petit théâtre de bouche Déjà la 7e édition de Notre petit théâtre de bouche, jolie proposition de pause déjeuner gourmande et artistique ! Agnès Régolo et sa Compagnie Du jour au lendemain s’installent en longue résidence à la Joliette, et c’est l’occasion d’investir le Bar du Théâtre. Au menu, les savoureuses Lettres de non-motivation répondues par Julien Prévieux à de vraies offres d’emploi. À 12h30, formule à 15€ incluant le repas.

Académie de Mandoline © X-DR

18 novembre Théâtre Toursky, Marseille 0 820 300 033 toursky.fr

5 au 9 décembre Théâtre Joliette, Marseille 04 91 90 74 28 theatrejoliette.fr

Le garçon qui volait des avions

Compagnie Julien Lestel La troupe de Julien Lestel interprétera deux œuvres classiques revisitées par le chorégraphe. La jeune fille et la Mort, sa création 2017 : une danseuse face à huit personnifications de la Faucheuse, sur le quatuor n°14 de Franz Schubert. Et Le sacre du printemps, une commande du Centre Culturel Tjibaou de Nouméa. Il s’y appuie de belle manière sur la culture Kanak. L’orchestre Philharmonique de Marseille est dirigé par Victorien Vanoosten.

24 novembre Théâtre Joliette, Marseille 04 91 90 74 28 theatrejoliette.fr 25 & 26 novembre Opéra de Marseille 04 91 55 11 10 opera.marseille.fr

Colton’s mother © 2011 Brian Smale

28 novembre au 3 décembre Théâtre Joliette, Marseille 04 91 90 74 28 theatrejoliette.fr

Un gala dédié à Léo Ferré, avec Richard Martin en maître de cérémonie et « le Paganini de la mandoline » alias Vincent Beer-Demander à la baguette, pour diriger l’Académie de mandoline de Marseille, un orchestre de quarante musiciens.

© X-D.R

Haïm Menahem tire avec brio vers la comédie Cendrillon, Le Petit Poucet et Le Petit Chaperon Rouge ; en maître de cérémonie décidé, Philippe Séjourné reçoit sur une scène « qui a accueilli avant nous Paul Bocuse, John Wayne et Napoléon », les trois mythiques personnages participant à un concours de théâtre-irréalité. Une œuvre à voir en famille, pour renouer de manière décalée avec l’émerveillement de l’enfance.

Le Théâtre Joliette coproduit cette création de la Cie Les travailleurs de la nuit. Frédéric Poinceau, d’après un texte de Roland Schimmelpfennig, y met en tension deux couples de médecins qui se retrouvent pour un dîner après quelques années de séparation : les uns sont restés en Europe à réunir une patientèle cossue, les autres ont rempli une mission humanitaire en Afrique. Un repas à couteaux tirés en perspective.

La Jeune Fille et la Mort © Cécile Manoha

© Agnès Mellon

Peggy Pickit voit la face de Dieu

C’est d’abord un livre d’Élise Fontenaille paru aux éditions du Rouergue, d’après l’histoire vraie de Colton Harris-Moore, qui vola très jeune un vélo, fut accusé à tort, et récidiva avec alacrité. Julien Bleitrach et Cécile Guérin présentent cette étape de travail à la suite d’une résidence au Toursky : commentaires, suggestions et ressentis suite à la représentation bienvenus. 24 novembre Théâtre Toursky, Marseille 0 820 300 033 toursky.fr


À l’amour, citoyens !

© Pascal Elliott

Les musiciens Didier Lockwood et Lévon Minassian ainsi que les danseurs et chorégraphes Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault répondent à l’appel à l’amour et à la poésie de Richard Martin. Un partage des styles et des disciplines qui promet bien des surprises. 28 novembre Théâtre Toursky, Marseille 0 820 300 033 toursky.fr

Guy Rodet

© Laurent Guilbaud, Inra

C’est l’une des nouveautés de cette saison au Massalia, qui fête ses 30 ans. Une série de Simples Conférences de novembre à mai, dont voici la première : Guy Rodet, entomologiste spécialiste des abeilles, viendra témoigner de leur déclin. Une proposition de la Cie Lanicolacheur pour les enfants de plus de 10 ans, accompagnés ou non de leurs parents.

by Cité de la Musique de Marseille

25 novembre Théâtre Massalia, Marseille 04 95 04 95 75 theatremassalia.com

Mécanique Librement inspirée du livre d’Anthony Burgess, L’Orange mécanique, cette pièce destinée aux adolescents à partir de 13 ans questionne la violence de nos sociétés. Une mise en scène de Georgios Karakantzas qui fait appel comme c’est la coutume chez Anima Théâtre à l’art de la marionnette pour servir son propos.

TAMBOR Y CANTO COLOMBIE #2 © Hugues Cristianini

8 & 9 décembre Théâtre Massalia, Marseille 04 95 04 95 75 theatremassalia.com

FESTIVAL DE VIVES VOIX Jeudi 16 Novembre – 20h30 IALMA Vendredi 17 Novembre – 20h30 SANACORE Samedi 18 Novembre – 20h30 LO BARRUT

Vendredi 24 Novembre - 17h30 Conférence illustrée* Samedi 25 Novembre 10h / 16h Ateliers - 20h Projection 21h QUE VIVA EL PACIFICO COLOMBIANO !

SORN Vendredi 24 Novembre – 20h30 Cité de la Musique de Marseille, Auditorium 4, rue Bernard du Bois – Marseille 1er - 04 91 39 28 28 *BMVR l’Alcazar 58, cours Belsunce - Marseille 1er www.citemusique-marseille.com


50 au programme spectacles marseille

Uman

Les Souffleurs, un commando poétique, reprennent le flambeau des Sirènes et midi net en décembre. On les reconnaît à leurs longues cannes creuses, au moyen desquelles ils susurrent au creux de nos oreilles des textes variés, visant à « ralentir le monde » par ce moyen de communication intime. Leur création 2018 portera sur la multiplicité des langues parlées sur Terre, et pour le rituel urbain inventé par Lieux Public, ils en ont prévu un avant-goût, une petite fantaisie langagière en forme de performance-devinette.

© Charles Rostan & Soledad Gomez

Sur le bout de la langue

Vingt ans et alors ! Quatre jeunes comédiens, emmenés par Bertrand Cauchois, s’inspirent librement d’un texte de Don Duyns pour questionner, le temps d’un abécédaire mené tambour battant, le monde (tel qu’il ne va pas), les idéaux (ou ce qu’il en reste), les émotions, les sentiments de cette génération qu’on appelle « Y », ce qui en anglais se prononce « Why », comme pourquoi. Ils témoignent de leur temps en s’inspirant, avec un humour cynique, de leurs aspirations et de leur désarroi. (voir journalzibeline.fr)

6 décembre Lieux publics, Marseille 04 91 03 81 28 lieuxpublics.com

Première création d’Anthony Weiss, Uman allie danse, acrobaties aériennes et musique pour évoquer la volonté d’élévation de l’homme dont la condition même le voue fatalement à la pesanteur et à la marche. Josiane Froment l’accompagne en direct de son chant et d’un jeu de tambour et de bols. 8 décembre Théâtre NoNo, Marseille 04 91 75 64 59 theatre-nono.com

A Taste of Poison © Thibault Grégoire

Dans le cadre de son projet Jeunes à vif (« chemin de création et de pensée entre artistes, communauté éducative, jeunes, parents, acteurs de terrain et chercheurs autour des questions de décrochage affectif et social, voire de radicalisations »), La Cité interroge les origines de l’Islam en compagnie du chercheur Rachid Benzine, dans une démarche historique et critique du fait religieux. Un spectacle de théâtre nourri de l’expérience personnelle du comédien, Selman Reda, assorti pour les enseignants qui voudraient s’en emparer avec leurs classes d’un groupe de réflexion, de conférences-rencontres et d’outils vidéos.

Alban & A Teste of poison

18 novembre Théâtre NoNo, Marseille 04 91 75 64 59 theatre-nono.com

Boussole & Louis Pi/XIV Issue de la Cie Geneviève Sorin, la jeune chorégraphe Léa Canu Ginoux invite à l’imaginaire avec Boussole. La marche, le regard, la rencontre sont les moteurs de cette pièce qui convoque les émotions pour évoquer la liberté d‘expression. Avec Pi XIV, de Simonne Rizzo, 3 danseuses et 2 musiciens transposent le pouvoir absolu du Roi Soleil et la danse qu’il a codifiée pour explorer la sacralité de l’homme et non sa fonction.

Nicole Mossoux et Patrick Bonté élaborent des spectacles aux frontières de la danse et du théâtre qui interrogent les incohérences de notre rapport au monde. Dans le solo Alban, le corps de Victor Dumont oscille entre pulsions de vie et de mort, dans un dialogue étonnant avec la musique. A Taste of poison contribue à révéler, avec humour, les impasses et illusions de notre univers contemporain, avec cinq « experts » loufoques aux manettes, testeurs de nos pires pulsions. Boussole © Vincent Beaume

© Sigrun Sauerzapfe

© Alain Szczuczynski

Ne laisse personne te voler les mots

29 novembre au 2 décembre Théâtre La Cité, Marseille 04 91 53 95 61 theatrelacite.com

24 & 25 novembre Théâtre NoNo, Marseille 04 91 75 64 59 theatre-nono.com

9 décembre Théâtre NoNo, Marseille 04 91 75 64 59 theatre-nono.com


au programme spectacles bouches-du-rhône

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L’enfant cachée dans l’encrier

L’île pacifique

Ils sont désormais des habitués, plébiscités du Bois de l’Aune : les acteurs de la Cie Scimone-Sframeli reviennent avec un spectacle truculent et mélancolique. Le cadre, une tombe sur le modèle étrusque, et un quatuor de vieillards. Répétitions, métaphores… un art de la désillusion, décapant et génial, poétique et burlesque et qui sans aucun doute parle d’amour.

Dans le cadre de Momaix, le théâtre Vitez se glisse hors les murs au cœur du 3bisf pour une allégorie de la quadrature familiale. Un capitaine, un apprenti marin et une petite fille passagère clandestine voguent à la recherche d’une île idéale. La mer devient un quatrième comparse dans cette histoire qui tricote et détricote les postures d’autorité d’obéissance, de révolte et apprend à chacun à de retrouver… grâce à la fantaisie de la Cie Des Accès et Sabrina Giampetrone.

© Raphaël Arnaud

Amore

© Paolo Galletta

La pièce de Joël Jouanneau revient au lieu de sa création, pour décliner sa poétique magie. Le temps s’exclut de l’enfance et de son récit, avec des verbes résolument à l’infinitif, rendant chaque fait intemporel et absolu, comme le rêve, le départ sur une île évidemment déserte à bord du Pourquoi pas (Charcot, l’explorateur n’est pas loin)… Un spectacle écrit à l’encre des rêves…

17 & 18 novembre Théâtre du Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 88 71 74 80 boisdelaune.fr

28 & 29 novembre 3bisf, Aix-en-Provence 04 42 16 17 75 3bisf.com

14 novembre Théâtre du Jeu de Paume, Aix-en-Provence 08 2013 2013 lestheatres.net

Via Kanana La nouvelle création de la troupe sud-africaine Via Katlehong Dance est marquée du sceau de Grégory Maqoma, l’une des figures majeures de la danse contemporaine africaine. En langue Sotho, Kanana évoque une terre sans corruption ni avidité qui a été promise mais dont la promesse n’a pas été tenue… caractère éphémère d’une danse vibrante, virtuose, élégante…

Le Menteur

28 au 30 novembre Théâtre du Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 88 71 74 80 boisdelaune.fr

L’intrigue virtuose de Pierre Corneille multiplie quiproquo, imbroglios de toutes sortes. Dorante qui s’est inventé un personnage flamboyant, refuse d’épouser celle qu’il aime : Clarice, qui se fait appeler Lucrèce, et pousse son amie Lucrèce à se faire appeler Clarice, pour mieux observer son promis. Arrive l’amant de Clarice, ou Lucrèce ? Bref, du Marivaux avant la lettre, un régal éblouissant de « cavalcades mensongères » dans la mise en scène de Julia Vidit. 7 au 9 décembre Théâtre du Jeu de Paume, Aix-en-Provence 08 2013 2013 lestheatres.net 5 décembre Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr

© X-D.R

Une histoire de caméra achetée, une rencontre par erreur, celle du cinéaste Alain Chevalier et du metteur en scène Mohamed el Khatib, des bavardages désordonnés… Résultat, une pièce de théâtre ou plutôt une conversation publique à bâtons rompus, où se poursuivent les rêves et les préoccupations de chacun des artistes. Privilège de la familiarité !

© X-D.R.

Conversation entre Mohamed el Khatib et Alain Cavalier

18 au 21 novembre Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 preljocaj.org 28 novembre Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr 24 novembre Châteauvallon – Scène nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com


52 au programme spectacles bouches-du-rhône

55

Index

© Queen B Wharton

Dans son solo 55, le jeune danseur et chorégraphe Radouan Mriziga devient un « artiste-géomètre », utilisant son corps au service de la forme. La performance est spectaculaire, faisant appel à la fois aux sports physiques et cérébraux. « La danse est abstraite et pure » affirme l’artiste ; sa déclinaison du chiffre 5 en est un condensé architectural et tellurique.

Alonzo King présente avec sa troupe, le LINES Ballet de San Francisco, deux pièces inspirées du mouvement des grains de sable et des bruits de la terre. Les paysages sonores de Bernie Krauze mêlés aux compositions de Richard Blackford nourrissent Biophony, tandis que les musiques de Charles Lloyd et Jason Moran, grandes figures emblématiques du jazz, suivent la danse sans fin de SAND. Éblouissant et envoûtant !

© Thebault Nicolas

© Benjamin Boar

Biophony & SAND

5 & 6 décembre Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 preljocaj.org 7 décembre GTP, Aix-en-Provence 08 2013 2013 lestheatres.net

Cabaret

18 novembre Salle Guy Obino, Vitrolles 04 42 02 46 50 vitrolles13.fr

Bach

© Jordi Bover

Le Collectif Sauf le dimanche offre une pièce délicieuse (à partir de 6 ans) chorégraphiée et dansée par Émilie Buestel et Marie Doiret : si une danseuse remplaçait le maître ou la maîtresse dans une salle de classe ? Le spectacle empli de fantaisie clownesque sera proposé aux scolaires, mais aussi au public le 22 novembre à l’École Prairial. Que d’émotions, de questionnements et de rires !

© Cie Sauf le dimanche

© Marianne Grimont

Ma maîtresse ?

Bien sûr on a tous en mémoire l’inoubliable film de Bod Fosse et l’interprétation de Lisa Minelli. Le metteur en scène Michel Kacenelenbogen reprend le « musical ». Au Kit Kat Club dirigé par l’étrange et inquiétant Emcee, la parodie du monde extérieur, et son énergie subversive n’en évitent pas moins la déliquescence… écho sombrement prémonitoire ? Wilkommen, Bienvenue, Welcome…

Avec Index, la Cie Pyramid propose un spectacle mêlant hip-hop, mime, détournement d’objets. Les cinq danseurs évoluent dans un salon où trône une grande bibliothèque. Le livre devient objet de questionnements. Quelle est sa place dans le quotidien de chacun ? Poésie, humour, dérision se conjuguent avec une fougue talentueuse et débridée sur les compositions de Franck Gervais. À partir de 6 ans.

17 au 19 novembre GTP, Aix-en-Provence 08 2013 2013 lestheatres.net 22 novembre École Prairial, Vitrolles 04 42 02 46 50 vitrolles13.fr

Glenn Gould, Le clavier bien tempéré de Bach, et la danseuse Maria Muñoz : une rencontre artistique de haut vol. En un solo d’une fascinante intensité, la danseuse espagnole co-fondatrice de Mal Pelo aborde avec une précision d’orfèvre les moindres élans musicaux, les transcrivant en une danse enlevée, qui bouleverse jusque dans les silences. Une pépite nimbée des illuminations d’August Viladomat à savourer ! À partir de 12 ans. 29 novembre Théâtre municipal de Fontblanche, Vitrolles 04 42 02 46 50 vitrolles13.fr


au programme spectacles bouches-du-rhône var alpes

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Paradoxal wild

En partenariat avec l’association le Syndicat Des Mouettes, le Service Culture de Gardanne propose la première édition du Festival Oh la la, le temps des petits, avec en thème de lancement Même pas peur. En parallèle à la semaine des Droits de l’enfant, spectacles, animations culturelles et artistiques combleront les petits et les grands qui les accompagnent. Ainsi : Les bruits du noir, Ploùm, Ruses et aventures des 3 petits cochons, Chouettes, Bab et l’orchestre des chats, Kamishibaï…

Bab et l’orchestre des chats © X-D.R.

Paradoxal wild, ou l’indicible histoire de nos sourires, est la première création du danseur et chorégraphe Nacim Battou pour sa compagnie fondée en 2015, Ayaghma, suite à une commande pour le Festival International de Baalbeck au Liban. Le solo, qui tient à la fois du hip-hop et de la danse contemporaine s’exalte dans un univers d’une blancheur aseptisée sur les compositions de Mathieu Pernaud. 29 novembre Théâtre Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr

15 au 22 novembre Divers lieux, Gardanne 04 42 65 77 00 ville-gardanne.fr

Le cercle de Whitechapel

8 décembre Théâtre Durance, Château-Arnoux/Saint-Auban 04 92 64 27 34 theatredurance.fr

Tara sur la lune

Brasseur et les enfants du paradis Daniel Colas met en scène et en mots l’idée d’Alexandre Brasseur, raconter la conception du chef d’œuvre du cinéma Les Enfants du Paradis : Prévert, Carné, Trauner et Kosma, réfugiés en Provence l’hiver 43, décident de se battre avec les armes de l’art. Alexandre, le petit-fils de Pierre Brasseur, raconte le tournage du film en 44. Une belle réflexion sur l’histoire, l’art qui permet de tout affronter ou presque… 24 novembre Théâtre Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr

© X-D.R

11 décembre PôleJeunePublic, Le Revest-les-Eaux 04 94 98 12 10 polejeunepublic.fr

La Cie Le Renard Argenté s’attaque à l’une des plus célèbres énigmes policières du XIXe, celle qui impliqua le tragiquement fameux Jack l’éventreur. Suivant le texte de Julien Lefebvre, Sir Herbert Greville, éminent personnage de la gentry londonienne, réunit pour découvrir la vérité le jeune Conan Doyle, George Bernard Shaw, Bram Stoker, Mary Lawson. Tout ceci en 1888 dans une mise en scène de Jean-Laurent Silvi. 1er décembre Théâtre Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr

Elle rêve devenir astronaute, mais, à la disparition de son grand-père, elle décide de sauver la lune avec l’aide de ses oies. Et c’est le public entier qui suit Tara jusqu’aux étoiles en un voyage poétique et drôle entre théâtre et jeu d’animation. Dans l’inventive mise en scène de Cynthia Miranda, Olivia Algazi est seule sur scène… Vraiment ? (à partir de 4 ans).

© X-D.R

29 novembre Théâtre municipal de Fontblanche, Vitrolles 04 42 02 46 50 vitrolles13.fr

© Jean-Michel Blasco

Oh la la le temps des petits

Prix spécial du Jury et Trophée Annie Fratellini au Festival Mondial du Cirque de Demain 2014, le spectacle de la Cie Blizzard Concept nous entraîne à la suite de deux personnages clownesques désopilants, Antoine (A. Terrieux), poète et inventeur, magicien adepte d’expériences qui sont de perpétuelles sources d’émerveillement, et Julien (J. Mandier), bouleversant de candeur. Une pépite pour zygomatiques et cinquante sèche-cheveux. À partir de 6 ans.

© Benoit Dochy

Opéra pour sèche-cheveux

1er décembre Espace NoVa, Velaux 04 42 87 75 00 espacenova-velaux.com


54 au programme spectacles bouches-du-rhône

Democracy in america

Ponce Pilate

© Danny Willems

S’inspirant très librement de l’essai d’Alexis de Tocqueville écrit en 1835 De la démocratie en Amérique, Roméo Castellucci éclaire de sa lumière toute personnelle les origines de la civilisation américaine, faisant alterner tableaux dansés et scènes de théâtre réaliste. Ici la réflexion n’est pas politique, c’est lui qui l’affirme, mais tend plutôt vers une parabole de tout ce qui sous-tendrait notre monde actuel et qui fait appel à notre subconscient historique et religieux. (voir journalzibeline.fr)

En 1999 le chorégraphe flamand Wim Vandekeybus créait cette pièce qui connut un succès mondial. Dans un monde sans femmes, douze hommes se retrouvent en proie à leurs pulsions : tension, rage, violence rythment leurs luttes, leurs confrontations, qui s’illustrent en danse et mouvements d’arts martiaux. Il la revisite avec une nouvelle distribution, qui résonne aussi fortement aujourd’hui qu’à sa création, soulignée par la musique de David Byrne et des projections de films.

© Paulo Duarte

© Marie Lauzade

In Spite of wishing and wanting

16 & 17 novembre Les Salins, Martigues 04 42 49 02 01 les-salins.net 28 novembre Les Salins, Martigues 04 42 49 02 01 les-salins.net

La Belle au bois dormant

1er décembre Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 theatre-semaphore-portdebouc.com

Sommes-nous prêts à accepter la différence ? Comment la société et nous-mêmes accueillons l’Autre dans ses faiblesses, ses fragilités, son handicap ? Écrite et mise en scène par Fabio Marra, la pièce aborde ses sujets en lorgnant sur l’histoire d’une famille et ses non-dits. Isabella (impressionnante Catherine Arditi) a deux enfants, Sandra et Miquélé. Avec ce fils simple d’esprit, impulsif et généreux, elle vit une relation fusionnelle, dévouée jusqu’à l’oubli d’elle-même et des autres. À l’heure de la revendication de l’épanouissement personnel, le questionnement prend tout son sens.

© Maomendivelso

Tu nombre me sabe a tango

© Stéphanie Benedicto

© Ronan Thenadey

Ensemble

La version du conte de Perrault de Jean-Michel Rabeux est à mille lieux de Walt Disney, et c’est tant mieux ! Bien sûr il reste le fuseau interdit, le bois initiatique, le sommeil de 100 ans, les fées, le baiser salvateur… et le Prince (des quartiers) qui a fugué sur son skate, la Reine, hystérique ogresse du dollar sur talons aiguilles… S’y mêlent de surprenants éléments repris d’autres contes, des trouvailles géniales et des décalages hilarants qui réjouissent tous les publics ! 24 novembre Les Salins, Martigues 04 42 49 02 01 les-salins.net

17 novembre Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 theatre-semaphore-portdebouc.com

Le préfet de Judée doit décider si Jésus doit vivre ou mourir. Pour préserver la paix sociale, vaut-il mieux sacrifier un homme ou affronter une révolte ? Quelle décision prendra le romain, déterminante pour l’histoire du christianisme ? Ces épineuses interrogations sont au cœur du récit de Roger Caillois, qu’adapte Xavier Marchand avec marionnettes et comédiens-manipulateurs.

Dans les années 50, en Argentine, le tango était dansé par des vilains garçons et des dames du soir, dans les bars des bas-fonds de Buenos Aires… C’est l’histoire que raconte le chorégraphe Tino Fernandez, aidé de Juliana Reyes pour la dramaturgie, avec quatre danseurs virtuoses de la Cie L’Explose, deux des plus fameux tangueros de Bogota, et le quintette Leopoldo Federico. 14 novembre La Colonne, Miramas 04 90 50 66 21 scenesetcines.fr


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Carmen Flamenco

Sur le sentier d’Antigone

Pour le trompettiste Erik Truffaz, l’œuvre de Marguerite Duras est particulièrement propice à l’oralité, y compris dans les silences qui entrecoupent les mots. Dans une mise en espace de Richard Brunel, Sandrine Bonnaire dit des extraits de L’Homme assis dans le couloir et de L’Homme Atlantique, tandis que la partition musicale improvisée de Truffaz et de Marcello Giuliani se joue en réaction ou contrepoint.

Séraphin, clown tendre et malicieux, accompagné de ses deux anges gardiens musiciens, raconte à sa façon l’histoire d’Antigone. La tragédie est bien là, et avec elle l’humour et le merveilleux, judicieusement entremêlés dans la mise en scène de Philippe Car. Valérie Bournet (bluffante !), actrice polymorphe, joue tous les rôles, passant de Séraphin à Antigone ou Créon d’un geste, d’un accessoire, d’une inflexion. Ce discours de résistance intemporel reste intact, il en est même magnifié !

17 novembre Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 scenesetcines.fr

© Lot

Si l’amour est au cœur des écrits de Marivaux, c’est le côté « politique » du sentiment qui anime les personnages de ses pièces : aimer et dépendre de l’autre, être aimé et posséder l’autre sont autant de variations stratégiques implacables. René Loyon met en scène cette comédie cynique avec une équipe de jeunes comédiens prêts à endosser les habits des amoureux Arlequin et Silvia, du pervers Prince et de ses séides habiles et dévoués…

1er décembre Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 scenesetcines.fr

Un roi sans réponse

De la démocratie

© Paul Allain

La Double inconstance

29 novembre La Colonne, Miramas 04 90 50 66 21 scenesetcines.fr

© Elian Bachini

24 novembre La Colonne, Miramas 04 90 50 66 21 scenesetcines.fr

Quand Bizet rencontre Mérimée c’est pour faire danser et chanter la bohémienne la plus célèbre de la littérature et de l’opéra : Carmen. Et pour faire surgir le duende qui l’anime, le metteur en scène Jean-Luc Paliès et les magnifiques interprètes que sont, entre autres, Luis de la Carrasca (chant flamenco), Magali Paliès (chant lytique) et Ana Perez (danse) font se rencontrer chant lyrique et Cante jondo, illustrés des mouvements savoureux des bailaores.

Après s’être perdu en forêt, un roi pénètre dans le territoire du roi voisin, mi-dragon mi-monstre. Sa vie, et celle des sujets de son royaume, sera sauve s’il répond à la question : « Qu’est-ce que les femmes désirent le plus au monde ? » La Cie XouY adapte un conte tiré de la Légende du roi Arthur, en entremêlant théâtre d’ombres, marionnettes, danse et musique. Dès 7 ans. 25 novembre Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 scenesetcines.fr

Comment représenter théâtralement la démocratie ? C’est avec les mots de Tocqueville que Laurent Gutmann y répond, près de deux cents ans plus tard, en mettant en scène cinq comédiens, femmes et hommes d’origines et âges variés qui recréent de fait une microsociété. Au cours des répétitions de leur pièce, dont nous serons témoins, une seule règle : que le fonctionnement soit le plus démocratique possible, à chaque moment, dans chaque relation.

© Pierre Grosbois

@ Hamza Djenat

© Magali LH

L’Homme A

16 novembre L’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr


56 au programme spectacles bouches-du-rhône alpes-maritimes

Quand souffle le vent du nord Tout commence par un email envoyé par erreur à une mauvaise adresse… C’est ainsi qu’Emma et Leo se rencontrent, dialoguent et nouent une relation, virtuellement. Bien vite ils ne vont plus pouvoir se passer l’un de l’autre, jusqu’à tomber amoureux. La Cie Talon Pourpre adapte le best seller éponyme de Daniel Glattauer, avec Caroline Rochefort et Stéphane Duclot dans une mise en scène de Judith Wille.

Le livre de ma mère Il y a plus de trente ans, Patrick Timsit a lu le texte magnifique d’Albert Cohen -le récit d’amour inconditionnel, partagé, d’une mère et son fils, jusqu’à la disparition qui fait place à un manque indicible-, qui ne l’a plus quitté. Sa rencontre avec Dominique Pitoiset fut décisive : il est celui qui met en scène le comédien dans cette lettre d’amour poignante, bouleversante d’humanité.

Après la pluie, le beau temps Claire Pontel raconte doucement, à l’oreille des tout-petits, comment se suivent les saisons et comment se rencontrent et se transforment la pluie, la neige, le soleil, les nuages… dans des paysages superbes et délicats faits de papier buvard, papier de soie, froissés ou mouillés, avec trous et bosses, en couleur ou noir et blanc. Mi-parlée mi-chantée, sa parole se superpose aux sons d’instruments ou objets insolites.

8 décembre Espace Robert Hossein, Grans 04 90 55 71 53 scenesetcines.fr

© Frédéric Récanzone

Patrick Timsit © G. Vidal

Malfoutus

21 novembre L’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr

22 novembre Espace Pièle, Cornillon-Confoux 04 90 55 71 53 scenesetcines.fr

23 & 24 novembre Anthéa Antipolis, Antibes 04 83 76 13 00 anthea-antibes.fr

Le goéland qui fait miaou Une heure au ciel

© T Breton et M Linotte

© Gildas Bitout

Parfois, pour mieux la comprendre, il faut aller voir comment est la Terre, vue d’en haut. Et quelle ambiance au ciel ! On peut rencontrer de beaux nuages, des oiseaux, des divinités, regarder la lune se coucher la tête en bas… Avec l’hôtesse de l’air-chanteuse Tartine Reverdy et ses deux accompagnateurs-musiciens la vie est belle, simple et rythmée ! Dès 5 ans.

25 novembre L’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr

Ils sont cinq personnages mal foutus, qui vivent ensemble en toute amitié dans un joyeux désordre : il y a un « troué », une « pliée », une « renversée », un « mou » et un « raté ». Tout se passe à merveille jusqu’à l’arrivée d’un sixième larron, « parfait », qui va provoquer de dôles de confrontations. Maréva Carassou donne vie aux personnages de Béatrice Alemagna, avec des marionnettes faites de bois flotté, coquillages, plumes. Dès 6 ans, dans le cadre du Festival En Ribambelle (voir Zib’ 111). 18 novembre Espace Robert Hossein, Grans 04 90 55 71 53 scenesetcines.fr

En tombant de son nid, Kino, bébé goéland, a atterri dans le jardin d’une petite fille. Trop petit pour s’envoler, il va devoir se tourner vers les habitants de ce lieu inconnu pour retrouver son chemin ; tortue, ver de terre… Jérôme Attal et Constance Amiot (auteurs du livre-album) mettent en sons et mots cette histoire d’amitié et d’apprentissage qui sent bon les embruns. Dès 4 ans. 17 novembre Salle Gérard Philippe, Port-Saint-Louis 04 42 48 52 31 scenesetcines.fr


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Da Capo

Cheptel

Deux danseuses (Daphné Abécassis et Pauline Meguerditchian, Cie Item) vont devoir composer avec deux énormes ballons, des livres qui se déploient, une mouche provocante, des sons parasites, des dissensions dans les rythmes musicaux… autant d’agaceries amusantes qui vont les faire tanguer entre instabilité et éternel retour, logique et imaginaire. Une poésie qui n’échappera pas aux enfants dès 3 ans.

Entre les rêves fous de l’enfance et la réalité de l’âge adulte, il y a le temps de l’adolescence. C’est cet âge où les corps se transforment, où les parents agacent, ne comprennent rien, où on s’éloigne que met en scène Pauline Bureau. Théo, solitaire, noue un dialogue avec un crapaud imaginaire, tandis qu’Aurore compte ses pas, ses bouchées, ses mots… Enfermés chacun dans sa bulle ils se rejoindront grâce aux rêves, dans lesquels ils vaincront leur terreur des tigres et leur incapacité à pleurer…

© Pierre Grosbois.

9 décembre Salle Gérard Philippe, Port-Saint-Louis 04 42 48 52 31 scenesetcines.fr

© Frédéric Desmesure

© X DR.

Dormir cent ans

23 novembre Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 theatre-arles.com

Doreen

Les pièces de Michel Schweizer sont atypiques, ne s’apparentent pas à un genre en particulier mais toujours à une expérience artistique faite de rencontres d’individus de tous horizons, professionnels du spectacle ou pas. Dans Cheptel il réunit huit préadolescents, sans pratique de la scène, invités à formuler leurs réflexions sur le monde, tel que l’univers des adultes en définit les contours. Nos certitudes en seront, à n’en pas douter, fortement ébranlées ! 5 décembre Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 theatre-arles.com 7 & 8 décembre Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org

14 & 15 novembre Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 theatre-arles.com 22 au 24 novembre Théâtre du Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 88 71 74 80 boisdelaune.fr

Et pendant ce temps Simone veille

© Christelle Gilles

En 2006 André Gorz, philosophe et essayiste, publiait Lettre à D. Histoire d’un amour (Gallimard), livre dans lequel il se retournait sur l’essentiel de sa vie et déclarait son amour infini à sa femme, Doreen Keir, atteinte d’une maladie incurable. L’année suivante ils décidaient de se suicider ensemble. David Geselson s’est inspiré de ce livre testament en imaginant les mots de Doreen à André, mêlant moments cruciaux de leur vie et anecdotes pour révéler avec justesse la vie de ce couple. Un moment de grâce à l’état pur, au plus près du public.

Dans Déplacement, le chorégraphe syrien Mithkal Alzghair explore par la danse et le mouvement l’exil, lui qui vit depuis quelques années en Europe. Deux volets composent le spectacle : un solo dans lequel il recompose ses propres héritages corporels ; puis, en trio (avec Rami Farah et Shamil Taskin), il allie tradition et modernité pour envisager une libération et souligner l’urgence à se réinventer.

© Dajana Lothert

© Charlotte Corman

Déplacement

28 novembre Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 theatre-arles.com

Si l’on peut rire de tout, alors le féminisme en fait partie ! C’est le parti pris de ce spectacle qui tente de répondre à une question essentielle : sommes-nous enfin capable d’avancer ensemble ? Pour tenter d’y répondre, Trinidad réunit quatre comédiennes qui représentent quatre générations de femmes et d’hommes qui ont vécu et vivent une évolution faite de combats, de désirs, de doutes dans le simple souhait de pouvoir choisir sa vie. 8 décembre L’Alpilium, Saint-Rémy-de-Provence 04 90 9270 37 mairie-saintremydeprovence.fr


58 au programme spectacles vaucluse

Le cercle de craie caucasien

Dom Juan… et les clowns

14 & 15 novembre La Garance, Cavaillon 04 90 78 64 64 lagarance.com

La pesanteur est-elle vraiment atroce…

18 novembre Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 96 80 auditoriumjeanmoulin.com

Tact

21 novembre La Garance, Cavaillon 04 90 78 64 64 lagarance.com

Boomerang

© Julie Cherki

Ecole du TNB © Nicolas Joubard

À l’invitation de l’école du Théâtre National de Bretagne, Mélanie Leray réinterroge L’Insoutenable légèreté de l’être de Milan Kundera avec sept élèves-comédiens de 3e année. L’atelier-spectacle qu’elle imagine est une « déambulation politique, philosophique, érotique et esthétique […] nourrie par le travail d’improvisation des acteurs et par une création vidéo principalement filmée en direct ».

Molière, oui, mais version burlesque ! La Cie Miranda apporte un éclairage inattendu sur les personnages de la pièce, faisant de Sganarelle, valet fidèle et homme d’esprit, un clown qui détient l’humanité de la pièce. Le nez rouge est omniprésent, comme pour mieux souligner que les limites peuvent être franchies sans rien prendre au sérieux, ni la vie ni la mort. Eleves de l’ERAC © Olivier Quéro

Dans le Caucase, après l’avènement de la révolution, le gouverneur est décapité. Son fils, abandonné par sa mère, sera élevé par une servante qui le recueille. Par les yeux de cet enfant, Bertolt Brecht questionne l’innocence face à la brutalité du monde. Bérangère Vantusso met en scène cette pièce avec les jeunes diplômés, spécialité acteur-marionnettiste, de la 10e promotion de l’École supérieure nationale des arts de la marionnette (Charleville-Mézières), qui fête ses 30 ans en 2017.

L’École Régionale d’acteurs de Cannes et Marseille (ERAC) est à l’honneur avec deux pièces : les élèves de 2e année, avec Nadia Vonderheyden, proposent des lectures de textes d’Asli Erdogan puisés dans ses chroniques journalistiques et ses nouvelles ; ceux de 3e année, sous la direction de Gurshad Shaheman, restituent (voir aussi, p 25, les Rencontres à l’échelle) les paroles d’artistes et personnes de la communauté LGBT issus d’Iran, de Syrie et d’Iraq, contraints à l’exil.

© Fabien Debrabandereimg

© Christophe Loiseau

Le journal d’une folle + De l’autre côté du mur

Pour le danseur-chorégraphe Bouba Landrille Tchouda issu de la mouvance hip hop, la violence n’est pas uniquement destructrice, elle est aussi potentiellement une force qui permet le dépassement de soi, l’audace de l’action, du rassemblement pour s’affirmer contre la frénésie des temps qui courent. Les huit danseurs qu’il réunit dans Boomerang se lancent, par goût du jeu et du défi, dans un simulacre de courses et de luttes, pour prendre le dessus afin de vaincre et de survivre.

Abdou N’gom, danseur et chorégraphe, et Damien Traversaz, musicien et concepteur en arts et interactions numériques, travaillent depuis plusieurs années ensemble sur le sens du toucher physique et émotionnel. Tact réunit leurs univers et provoque une expérience sensorielle où le mouvement se fait lumière, son, images qui se confondent et se créent en direct. 25 novembre Centre départemental, Rasteau 04 90 33 96 80 auditoriumjeanmoulin.com © Fabrice Hernandez

La pesanteur est-elle vraiment atroce et belle la légèreté ? 17 novembre La Garance, Cavaillon 04 90 78 64 64 lagarance.com 7 décembre La Garance, Cavaillon 04 90 78 64 64 lagarance.com


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Peligro

Persian

En cette année du cinquantième anniversaire du Chêne Noir, Gérard Gélas, le directeur du lieu, a choisi de créer cette pièce de Sartre. Considérée comme un classique, ce texte résonne en fait profondément par sa modernité. C’est cette résonance avec notre monde actuel qui a orienté le metteur en scène vers cette création. Racisme, violences sexuelles, injustice, voilà pour les thèmes de l’intrigue, qui se déroule dans les USA des années 50, mais qui transcende les lieux et les époques.

Ce texte, signé Jean-Benoît Patricot, conte l’histoire d’un enfant autiste. Sa mère l’emmène un jour assister à un spectacle de théâtre, et bien des choses étranges vont en découler. Habitué à accueillir dans son théâtre des œuvres inédites d’écriture contemporaine, Serge Barbuscia retrouve ici l’auteur de PompierS. Dans Persian, comme dans les autres pièces de ce dramaturge, le verbe est ciselé, il fuse, et les mots percutent tant sur la forme que sur le fond. À découvrir.

© philippe Hanula

© Marcelo Meneses

La p… respectueuse

23 novembre au 3 décembre Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 chenenoir.fr

14 novembre Le Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 theatredubalcon.org

Le 19/20, Rencontre avec Christian Ubl

15 novembre Théâtre des Carmes, Avignon 04 90 82 20 47 theatredescarmes.com

« En attendant l’hiver », le CDC Les Hivernales d’Avignon propose régulièrement des rencontres avec un chorégraphe, ou une personnalité liée à la danse. Découvrir un univers et échanger, en toute simplicité, tel est le principe de ces 19/20. Le 7 décembre, Christian Ubl en sera l’invité. Il animera le samedi qui suit un atelier de danse pour parents-enfants. Il est le directeur artistique de CUBe (Marseille), compagnie de danse contemporaine ouverte sur la poésie et l’imaginaire.

J’appelle mes frères

Nannetolicus Meccanicus Saint

© Fausto Ferraiulo

Ce texte est à l’origine une tribune, que publia Jonas Hassen Khemiri dans un journal suédois, après les attentats de Stockholm en 2010. Il en fera par la suite une pièce de théâtre, sur laquelle travaille la Cie du Rouhault, en résidence de création aux Doms. Avec pour thèmes des questions de société majeures : discrimination, peur, regard de l’autre, comment agir, ou réagir, quand votre apparence vous assimile à ceux qui ont semé la mort. Noémie Rosenblatt met en scène ce spectacle qui sera présenté en répétition publique. 8 décembre Théâtre des Doms, Avignon 04 90 14 07 99 lesdoms.be

Christian Ubl © X-D.R

© X DR

Troublant spectacle que celui que Gustavo Giacosa met en scène et interprète accompagné par le pianiste Fausto Ferraiuolo. Le texte de ce théâtre musical, en italien, surtitré en français, est issu de la poésie délirante et dérangeante de Fernando Oreste Nannetti. Interné neuf ans en hôpital psychiatrique, il y a gravé sur les murs, à l’aide d’une pointe métallique, un véritable livre. Il se vivait relié à des présences cosmiques et n’a cessé de l’écrire, dans un mélange étonnant de folie et de lucidité.

30 novembre & 1er décembre Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 theatredeshalles.com

Attention danger ! Mais de ce danger-là, le « peligro » en espagnol, on aurait finalement tort de se méfier. Au contraire, mieux vaut s’en approcher sans crainte. La Cie Altoteatro, qui porte ce spectacle, vient de Bolivie. La diffusion en France d’œuvres artistiques issues de ce pays est suffisamment rare pour être soulignée. Dans ce théâtre musical, une douzaine d’artistes content l’histoire d’un jeune homme qui résiste à l’oppression familiale et refuse de renoncer à son rêve de devenir acteur.

7 décembre CDC Les Hivernales, Avignon 04 90 82 33 12 hivernales-avignon.com


60 au programme spectacles vaucluse alpes alpes-maritimes var

Contagion

DJ set (sur) écoute

© Frédérique Ribis

Nery Catineau met en scène une parabole politique ou, qui sait ? familiale : l’arrivée d’un tiers troublant sur une île gouvernée par un/ une autocrate, Turia, et son bras droit-bras gauche Vox Populi. La jeune Page intervient, au risque d’un déséquilibre fécond. Le Collectif La Palmera part à l’assaut du « vivre ensemble », confrontant calcul et naïveté dans une œuvre pour adultes et adolescents à partir de 14 ans.

Ce texte, mis en scène par Valérie Grall, touche au cœur de nos problématiques actuelles, piégées entre angoisses sécuritaires suramplifiées et menaces terroristes avérées. François Bégaudau, (Entre les murs), plonge dans plusieurs dimensions de cette réalité à travers le personnage d’un professeur de banlieue. Quel est le degré de radicalité de certains adolescents qu’il côtoie ? Peut-il l’évaluer ? Comment ne pas être asphyxié quand, de toutes parts, on le sollicite à ce sujet ?

Les lectures (z)électroniques © X DR © X DR.

Ceux qui errent ne se trompent pas Que se passerait-il si le vote blanc devenait majoritaire ? La fable politique écrite et mise en scène par Maëlle Poésy a des allures de fin du monde diluvienne, mais aussi de printemps nouveau. Créée au Festival d’Avignon par une bande de jeunes acteurs enthousiastes, elle dit à la fois leur grande méfiance de la politique, et leur volonté de renouer avec l’idée d’un avenir. 24 novembre La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu 28 & 29 novembre Théâtre Anthéa Antipolis, Antibes 04 83 76 13 00 anthea-antibes.fr

© Virginie Hollaind

17 & 18 novembre La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu

Poussière(s)

15 & 18 novembre La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu

Mathieu Bauer « creuse le sillon de l’écoute » à travers un concert-conférence. Accompagné d’un musicien (Sylvain Cartigny), d’une chanteuse lyrique (Pauline Sikirdji) et de deux comédiens (Kate Strong et Matthias Girbig), il utilise la bande-son d’une vie, les airs qui vous accompagnent de l’enfance à la maturité, comme matière à un cabaret. Mais tout en profondeur, se référant à L’art des bruits, manifeste futuriste de Luigi Russolo écrit en 1913, ou à la réflexion de Vladimir Jankélévitch sur l’ineffable de la musique. 28 novembre La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu

1er décembre Théâtre Artéphile, Avignon 04 90 03 01 90 artephile.com

Pour désobéir il faut affronter sa peur de l’inconnu, ce qui est palpitant mais pas facile. Aimer l’autre, serait-ce le soutenir dans ses choix, même ceux que l’on désapprouve ? Caroline Stella a écrit un texte « sur l’accomplissement de soi », à travers une jeune fille prénommée Poussière, qui s’ennuie dans le moulin familial et va s’émanciper. Le Collectif La Palmera livre un conte qui donne du courage, à voir en famille à partir de 8 ans.

© Jean Louis Fernandez

Faÿas

Foncez à La Passerelle pour ces Lectures (z)électroniques du délicieux Détachement International du Muerto Coco ! Une expérience mémorable vous attend, que ces lectures soient animales, super-héroïques, horrifiques, médicales, familiales, politiques, voire même sexuelles ou insurrectionnelles pour les plus audacieux. Maxime Potard et Raphaëlle Bouvier y célèbrent les amours de la poésie contemporaine et de la musique de bric et de broc, et c’est bon. 30 novembre, 1er & 2 décembre La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu


DANSE • ENFANCE • JEUNESSE 28 novembre • 21 décembre 2017

Parler de politique et d’enjeux de société à travers l’engagement des corps et des mots, telle est l’intention de ce spectacle de théâtre chorégraphique. Créé par la Débordante Compagnie, il est mis en scène par Héloïse Desfarges (en duo avec Antoine Raimondi) et Jérémie Bergerac. Corps et mots s’entremêlent, l’acteur se fait porte-voix de la danseuse. Ils nous interrogent sur nos responsabilités individuelles vis-à-vis de l’état instable et incertain de notre monde.

© Sileks

Ce qui m’est dû

20 au 23 novembre Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 theatre-du-brianconnais.eu

Médina Mérika

© Samir Hadjazi

KLAP Maison pour la danse • 04 96 11 11 20 • www.kelemenis.fr

Ce spectacle est une « tragi-comédie musicale ». La Cie Nomade in France crée ce texte d’Abdelwaheb Sefsaf, qu’il interprète aux côtés de Marion Guerrero, Toma Roche, et Nestor Kéa, avec des musiques signées Aligator. L’intrigue se déroule dans un pays arabe imaginaire. Ali, un jeune cinéaste est retrouvé mort. L’enquête dérive entre Orient et Occident. Les traditions et les aspirations révolutionnaires s’enrobent des influences d’un monde globalisé et américanisé. 24 novembre Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 theatre-du-brianconnais.eu

Vous n’aurez pas ma haine Ce texte est un cri écrit. D’abord paru sur les réseaux sociaux, sous forme de lettre qu’Antoine Leiris rédigeait au lendemain des attentats du 13 novembre 2015. Sa femme comptait parmi les victimes de l’attaque. Il exprimait dans ce courrier sa douleur et sa volonté de rester vivant. Cette lettre est devenue un récit, qu’interprète Raphaël Personnaz, accompagné de la pianiste Lucrèce Sassella, dans une mise en scène de Benjamin Guillard. Première au Liberté, après une résidence de création. 8 au 11 novembre Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr


62 au programme spectacles var bouches-du-rhône

L’atome

Slava’s snow show

Sujet rarement traité au théâtre, ce spectacle, écrit et mis en scène par Julien Avril, évoque la question de l’énergie nucléaire. Il l’interprète avec les membres de sa compagnie Enascor, Clémence Laboureau, Clémence Weill et Mathieu Ricard. Dans ce « théâtre documentaire », les artistes abordent l’aspect scientifique de ce thème, mais aussi les interrogations plus profondes qu’il implique sur nos vies humaines. Le spectacle sera créé au Liberté.

Éric Reinhardt lira son dernier roman, aux côtés de Mélodie Richard et de la flûtiste Marion Ralincourt. Inspiré de son expérience avec son épouse, il évoque l’art, l’amour, l’écriture, forces dont ils se sont tous deux saisis pour résister à la spirale mortifère du cancer que subissait sa femme pendant que lui écrivait son roman Cendrillon. Un combat dont ils sortent victorieux.

Arrivé avec une tempête de neige, le clown Slava Polunin décline une poétique magie. Grotesque dans sa barboteuse jeune et ses pantoufles rouges, il traverse le monde en poussant une énorme boule de neige. Créatures improbables, araignées géantes et bulles de savon hantent la scène, aux côtés d’autres clowns étranges. Pas un mot, l’influence du mime Marceau est là, ainsi que la sensibilité de Chaplin. À partir de 8 ans.

18 novembre Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr

Clouée au sol

Charles Berling © Ben Dauchez Charlette Studio

Lettres à Nour

Voici le destin d’une jeune femme qui se rêvait pilote de chasse. Aux manettes de cet avion de l’US Air Force, elle vibre de sa passion. Puis les aléas de la vie, une rencontre, la maternité, et à l’heure de reprendre son travail, c’est le pilotage télécommandé d’un drone qu’on lui propose. Dans sa base, clouée au sol, le combat prend une toute autre tournure. Ce texte de George Brant est mis en scène par Gilles David, avec Pauline Bayle à l’interprétation.

29 novembre au 3 décembre Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr 6 au 10 décembre Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 theatre-des-salins.fr

Au but

© X DR

15 & 16 novembre Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr

© Marina Raurell pour Le Pole Media

Pendant le Fête du Livre du Var, du 17 au 19 novembre, le Liberté propose deux soirées lecture. Charles Berling et Pauline Cheviller liront Lettres à Nour de Rachid Benzine. Ce texte est la relation écrite entre un père, intellectuel musulman pratiquant, et sa fille, partie en Irak épouser un homme qui combat avec Daesh. 17 novembre Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr

© V.Mishukov

© Bikini Test

La chambre des époux

21 & 22 novembre Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr

Ce texte de Thomas Bernhard est rarement monté au théâtre. Il porte pourtant, comme ses pièces plus connues, toutes les subtilités du style de l’auteur. Mélange de cruauté et de dérision, semant le malaise autant que la légèreté. Christophe Perton signe la mise en scène de ce spectacle, où une mère et sa fille bousculent une habitude vieille de plus de trente ans : elles ne partiront pas seules en vacances, elles demandent à un écrivain, rencontré récemment, de les accompagner. 6 au 9 décembre Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr


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La France contre les robots

Monsieur Mouche

Une femme parle, d’elle, du monde et se livre sur son métier, un « métier comme les autres » selon ses mots. Aglaé est prostituée, depuis toujours et à 70 ans encore. Le texte de Jean-Michel Rabeux, qu’il met en scène, a été écrit à l’issue de rencontres avec « Aglaé », une Dame, avec majuscule, qui touche, agace, fait rire, bouleverse, dégomme nos préjugés et interroge nos certitudes. La comédienne Claude Degliame interprète ce personnage infiniment humain. Réservé aux plus de 16 ans.

Un homme à tout faire assure les menus bricolages qui font le quotidien des salles de théâtre. Mais il est aussi un tantinet cabotin, et Monsieur Mouche, alias Thomas Garcia, aimerait bien passer de l’art de changer les ampoules à celui d’attirer les regards sous les feux de la rampe... Ni une ni deux, le voilà qui investit la scène, dans un « solo clownesque musical » où il révèle un talent certain, armé d’un ukulélé, d’une scie musicale, et d’autres instruments nettement plus improbables.

© Alain Richard

Georges Bernanos © X-DR

Aglaé

14 & 15 novembre Châteauvallon – Scène Nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com

Ce texte est l’un des derniers signés par Georges Bernanos, en 1944. Son petit-fils Gilles Bernanos et Jean-Baptiste Sastre en signent une adaptation, avec la collaboration artistique de Hiam Abbass. Cette œuvre frappe par son avant-gardisme. Elle résonne lourdement dans ce qu’est devenu le quotidien de nos sociétés, où la technologie et les machines, du smartphone au robot-aspirateur, occupent une place majeure. À considérer cependant avec le recul nécessaire face à une pensée teintée de nationalisme tendance nettement réactionnaire.

5 décembre Théâtre Marelios, La Valette-du-Var 04 94 23 62 06 lavalette83.fr

28 & 29 novembre Châteauvallon – Scène Nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com

polly maggoo présente

Je suis Fassbinder

© XDR

17 & 18 novembre Châteauvallon – Scène Nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com

11e reNcONtres iNterNatiONales scieNces & ciNémas

du 24 au 29 NOVembre 2017

L’auteur allemand Falk Richter est l’auteur de ce texte, dont il co-signe la mise en scène avec Stanislas Nordey. Il s’y interroge sur l’Europe, sa culture, son identité. S’il s’approprie l’identité de Fassbinder, c’est en référence à l’un des films du réalisateur phare du cinéma underground. Dans un court-métrage tiré de L’Allemagne en automne, le cinéaste réagissait aux mouvements terroristes révolutionnaires des années 70. Richter en fait le point de départ de sa réflexion sur nos sociétés modernes. 8 & 9 décembre Châteauvallon – Scène Nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com

marseille

© Sabine allard

Le thème de ce spectacle est à la fois simple et multiple. D’après le roman de Bruce Machart, jeune auteur américain, Emmanuel Meirieu met en scène cinq hommes, tous frappés par la perte, la disparition, l’absence ou le deuil. Chacun d’eux éprouve un manque profond, un creux dans le cœur. Ils vont se croiser, et tous vont se raconter, se livrer, se révéler, sans fard ni pudeur. Cette rencontre bouleversera leur vie à jamais.

© Jean-Louis Fermandez

Des hommes en devenir

www.festiValrisc.Org tel. 04.91.91.45.49


64 au programme spectacles var

Centaures, quand nous étions enfants

Le trait d’union Un adolescent, obèse, qui mange et mange encore. Pourquoi ? Il y a bien une explication à cette volonté irrépressible d’engloutir toujours plus. À 15 ans, les choses sérieuses du monde alentour peuvent atteindre en profondeur. Comme le divorce des parents. Mêlant théâtre et vidéo, la compagnie belge Trou de Ver ASBL propose un spectacle subtil et sensible.

Les résidents

8 décembre Théâtre Marelios, La Valette-du-Var 04 94 23 62 06 lavalette83.fr

© François Langlais

Le roi des rats

© Martin Dutasta

Les vieux. Il est rare qu’on dise comme ça. Notre monde occidental, pudique ou hypocrite, c’est selon, les appelle personnes du 3e âge, ou anciens. Signe d’une société qui peine à nommer le réel. Et qui, peut-être, assume mal ce qu’elle fait de ses vieux. Souvent elle les rassemble pour attendre la mort dans des « maisons », au confort très variable. Pendant plus d’un an, Emmanuelle Hiron, de la Cie L’Unijambiste, a suivi des vieux dans une maison de retraite. Elle en parle avec tendresse, humour et dignité.

La légende du Joueur de flûte de Hamelin est à la source de ce spectacle que mène seule en scène Annabelle Sergent. Le titre original en allemand de ce conte, rapporté par les frères Grimm, se traduit par « l’attrapeur de rats de Hamelin ». La comédienne transpose ce texte, qui se déroule au XIIIe siècle, dans le présent. Des enfants vont découvrir par hasard la fameuse flûte magique, qui, des siècles en arrière, envoûta les rats et fascina tous ceux qui en entendaient le son.

7 au 10 décembre Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com

Tombé du ciel Qu’est-ce qui peut bien tomber du ciel ? La pluie ? Une étoile ? Ou peut-être un aviateur et sa machine en panne. L’allusion au Petit Prince de Saint-Exupéry est évidente. Mais dans cette adaptation chorégraphique qu’en propose la compagnie Arcane, le Petit Prince ne demande pas à un pilote perdu en plein désert de lui dessiner un mouton. Ce Petit Prince-là vit en pleine ville, dans un décor d’industrie et de béton. Son message, ouvrir son cœur pour voir mieux qu’avec les yeux, reste identique.

Moun

© Serena Gropelli

© Emmanuel Ligner

21 au 25 novembre Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com

« Toute l’enfance tient dans un cheval de bois. Et nos rêves s’y balancent encore. » Fabrice Melquiot, qui signe ce spectacle de théâtre équestre, explique ainsi son rapport au cheval et à l’univers qui l’entoure. Il se plonge ici dans l’aventure de Camille et Manolo, créateurs du Théâtre du Centaure (Marseille). De « vrais » centaures occuperont le plateau, avec une place privilégiée pour l’imaginaire, la musique et la beauté.

© François Come

15 novembre Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com

29 novembre & 2 décembre Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com

C’est une histoire étrange et un peu troublante que celle de Moun. Dans son pays sévissent la guerre et la famine. Alors ses parents fabriquent une petite boîte en bambou, ils mettent Moun à l’intérieur et la laissent voguer au hasard des vents et des mers. Comme un cercueil pour vivant. A partir d’un livre jeunesse signé Rascal et illustré par Sophie, la Cie Gioco Vita propose un spectacle doux et sensible, fidèle à l’univers en couleurs pastels de l’ouvrage. 22 & 24 novembre Espace des Arts, Le Pradet 04 94 01 77 34 le-pradet.fr


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Dans la solitude des champs de coton Beyond

Intense, extrême, vibrant, envoûtant. Ces adjectifs s’accordent parfaitement avec le spectacle que propose Circa Tsuica, la fanfare-cirque issue de la troupe Cheptel Aleïkoum. Ils sont une douzaine en piste, et leur énergie déborde jusqu’aux gradins. Musique, vélo, bascule, trapèze, portés, ils enchaînent les prouesses sans limite. Ah si, celle du temps, qui finit par clore l’émerveillement. Dans le cadre de La Saison Cirque Méditerranée, portée par le PJP.

Par-delà les frontières, les limites (en anglais Beyond signifie au-delà), la Cie australienne Circa explore l’animalité cachée en chacun de nous, parcourant tout ce qui peut rapprocher l’homme et la bête. Dans des costumes de circonstance, les circassiens enchaînent les numéros spectaculaires, au cours desquels, dans une savoureuse égalité hommes-femmes, ces dernières sont d’incroyables porteuses déployant leur force avec grâce pour propulser les voltigeurs dans les airs...

© Richard Daveport

25 & 26 novembre Pôle Jeune Public, Le Revest-les-Eaux 04 94 98 12 10 polejeunepublic.fr

Avec une envie folle, Charles Berling relève le défi de succéder à Patrice Chéreau et sa version incandescente de la pièce de Bernard-Marie Koltès. C’est aux côtés de Mata Gabin qu’il rejoue le combat entre un client et un dealer. Le verbe se creuse, il devient râpeux, et fait de cette rencontre crépusculaire, chorégraphiée par Frank Micheletti, une mise en abîme des mots et des corps.

2 décembre Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 carreleongaumont.com

18 novembre Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 carreleongaumont.com

The melting pot pourri

© Antoine Dubroux

8 décembre Pôle Jeune Public, Le Revest-les-Eaux 04 94 98 12 10 polejeunepublic.fr

La vie en rose

Déesses et démones

© Laurent Philippe

Le titre donne le ton, il y aura du clown dans l’air ! Au cas où subsisterait un doute, le nom de la compagnie, Los Excentricos, le confirme. Comme tout bon clown qui se respecte, ils sont tous trois à la fois acteurs, jongleurs, musiciens, et surtout un peu poètes. Ils présentent ici une sorte de compilation de leurs meilleurs numéros, mêlée de créations. Dans le cadre de La Saison Cirque Méditerranée.

Une danseuse étoile du Bolchoï attirée par la liberté de la danse contemporaine, Maria Alexandrova, et la chorégraphe Blanca Li qui monte ici elle-même sur scène, se lancent dans un duo ardent. À partir des mythes de l’Antiquité riches en puissants personnages féminins (Gaïa, Déméter, Perséphone, les Érinyes...), elles puisent une inspiration nouvelle. En espagnol, russe et anglais, elles vont « surtout parler de la femme ». 25 novembre Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 carreleongaumont.com

Cette pièce de théâtre musical est inspirée des Portes de la nuit, le film écrit par Jacques Prévert. Elle dévoile le Paris de l’hiver 45, à peine libéré, et les chansons de cette époque, de Trenet à Piaf ou Montand, y sont orchestrées en version jazz. Au milieu du bonheur de la Libération et de son renouveau joyeux, deux histoires d’amour, liées par un lourd secret, vont s’entrecroiser. La compagnie Lelli Fabre Productions signe cette adaptation, tout en rythme et en poésie.

© XDR

© Vincent Berthe de Pommery

© Jean-Louis Fernandez

Maintenant ou jamais

19 novembre La Croisée des Arts, Saint-Maximin 04 94 86 18 90 st-maximin.fr


66 au programme spectacles bouches-du-rhône alpes-maritimes

Là, maintenant, tout de suite… Ivo Livi ou le destin d’Yves Montand

La fine mouche Cette pièce classique de Carlo Goldoni prend place en plein cœur du Carnaval de Venise. À l’abri des masques, tout peut être permis, mais, même le visage caché, on ne peut dissimuler ses sentiments. La belle Rosaura est convoitée par trois hommes. Par de savants stratagèmes, elle tente de dévoiler quel est celui dont le cœur est le plus ardent. Tout en humour, fines intrigues et subtile poésie, ce spectacle est co-réalisé par la Comédie Ballet et La Comédie d’un Autre Temps.

La vie d’Yves Montand, de son vrai nom Ivo Livi, est revisitée par Ali Bougheraba et Cristos Mitropoulos, dans une mise en scène de Marc Pistolesi. Quatre comédiens et un accordéoniste remontent le temps pour raconter comment un fils d’immigrés italiens va devenir un artiste majeur et un citoyen engagé dans les grands moments de l’histoire du XXe siècle, de Marseille à Hollywood, avec une énergie follement communicative !

En jouant les plus grandes partitions des films de Charlie Chaplin –que ce dernier composait lui-même-, le saxophoniste Paul Mancini raconte et interprète l’artiste au travers de son enfance, des rues de Kennington à son exil forcé en Suisse, de ses amours, mais aussi de ses démêlés avec le FBI… Un hommage sincère et vibrant !

© Jean-Louis Neveu

Là, maintenant, tout de suite, ou l’art d’improviser 16 novembre Salle Daudet, Peymeinade Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com

14 novembre Espace du Thiey, Saint-Vallier-de-Thiey 15 novembre Salle Daudet, Peymeinade 17 novembre Cinéma La Strada, Mouans-Sartoux Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com

Femme de couleurs « Je suis d’origine tunisienne mais je m’habille comme ça parce que j’ai toujours rêvé d’être noire. » C’est ainsi que se présente Samia Orosemane, qui met en scène et interprète son propre texte, une gigantesque histoire de famille qui mêle allègrement les communautés, couleurs et religions. Ainsi les Maghrébins, les noirs africains, les juifs sont-ils ses frères, sœurs et cousins, qu’elle fait se côtoyer dans une liberté de ton et une impertinence rafraîchissantes ! 2 décembre Espace Culturel et Sportif, La-Roquette-sur-Siagne Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com

18 novembre Espace Culturel et Sportif, La-Roquette-sur-Siagne Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com

John et Joe Quoi de mieux, pour une fable de bistrot que d’être jouée… au bistrot ! Quatre des bars de la ville de Grasse accueillent Pierre Blain et Éric Monvoisin (qui signe la mise en scène), deux vieux amis fauchés comme les blés, mais dont l’un vient de gagner à la loterie. Au cœur du brouhaha ambiant, les mots d’Agota Kristof prennent une tournure très réelle, et s’ils restent drôles, deviennent vite grinçants. Leur relation y survivra-t-elle ?

© Claude-Fievet

Didier Landucci vous le connaissez sûrement : il fut longtemps l’une des moitiés du duo des Bonimenteurs, avec Jean-Marc Michelangeli. Dans cette vraie fausse conférence interactive, il vient livrer tous les secrets de l’improvisation théâtrale au travers d’anecdotes hilarantes et d’astuces inimaginables. Et pour illustrer et tester cet enseignement, le public est un allié tout trouvé !

Charlie Chaplin, sa vie, son œuvre (solo)

© Fabienne Rappeneau

© Thibault Teychene

25 novembre La Croisée des Arts, Saint-Maximin 04 94 86 18 90 st-maximin.fr

28 novembre au 1er décembre (dans quatre bars) Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com


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Un poyo rojo

Revue de presse

Deux sportifs très mâles et très drôles font éclater les poncifs sur la masculinité en un... pugilat ? Un ballet ? Un spectacle de cabaret ? Plutôt un combat de coqs, mais des plus réjouissants (poyo rojo signifie « coq rouge » dans leur pays d’origine, l’Argentine, de ceux qui se déplument allègrement dans l’arène sous une surenchère de paris). Alfonso Barón et Luciano Rosso jouent ce duo depuis des années, toujours à guichets fermés. Dès 12 ans.

Faites un effort d’imagination : à la veille du second tour des dernières élections présidentielles, une historienne de gauche et un avocat frontiste tombent sous le charme l’un de l’autre. Sur ce terrain savonneux, Salomé Lelouch a écrit et mis en scène une comédie politique : le dialogue entre deux protagonistes aux positions intellectuelles si opposées parviendra-t-il à se nouer ? C’est qu’il en faut de l’imagination pour dépasser un tel dilemme idéologique !

© Ch.Vootz

13 & 14 novembre Anthéa Antipolis Théâtre d’Antibes 04 83 76 13 00 anthea-antibes.fr 21 & 22 novembre Anthéa Antipolis Théâtre d’Antibes 04 83 76 13 00 anthea-antibes.fr

29 novembre L’Alpilium, Saint-Rémy 04 90 92 70 37 mairie-saintremydeprovence.fr

« Salut les intermittents, profitez-en, ça va pas durer », lançait Christophe Alévêque dans sa Revue de presse en 2011. Six ans plus tard, ce grand caustique dissèque toujours le monde tel qu’il ne va pas, en piochant dans les actualités de quoi nourrir son énervement chronique. Il faut dire que même si certains personnages ont changé dans les hauts lieux du pouvoir, le contexte est toujours aussi riche en dysfonctionnements. 30 novembre Anthéa Antipolis Théâtre d’Antibes 04 83 76 13 00 anthea-antibes.fr

Extrêmités À deux mètres de hauteur, en équilibre sur une planche posée sur des bouteilles de gaz, chaque pas devient important et délicat. Beaucoup d’humour côtoie la menace perpétuelle de l’effondrement, et une mise en scène originale qui permet de prouver à quel point la solidarité peut garantir la survie d’un groupe. Le talent des acrobates du Cirque Inextremiste éclate, notamment celui de l’artiste en fauteuil Rémi Lecocq (écouter son interview sur journalzibeline.fr).

© Torsten Giesen

Ah, la Russie, ses oligarques, sa vodka... et ses clowns. Vous aviez adoré le Slava’s snowshow ? Voici La famille Semianyki, dotée d’un humour corrosif et d’une vitalité à toute épreuve. Bizarrement peu reconnue dans son pays d’origine, cette troupe de six artistes basée à Saint-Pétersbourg sillonne la planète de succès en succès. Pas de barrière de langue : leur éloquence ne recourt pas aux mots. À voir en famille à partir de 6 ans.

Le chant du cygne

© Fabien Queloz

© Maria Mitrofanova

La famille Semianyki

15 au 19 novembre Anthéa Antipolis Théâtre d’Antibes 04 83 76 13 00 anthea-antibes.fr

© Xavier Canta

©Paola Evelina

Politiquement correct

29 novembre & 1er au 3 décembre Anthéa Antipolis Théâtre d’Antibes 04 83 76 13 00 anthea-antibes.fr

Robert Bouvier adapte très librement une courte pièce de Tchékhov. Le chant du cygne est celui d’un vieil acteur, Svetlovidov, qui se réveille de torpeurs éthyliques, enfermé dans un théâtre après une soirée de gala. De sa confrontation avec un autre occupant des lieux, venu s’abriter clandestinement pour la nuit, surgit une évocation poignante de ses accomplissements passés. 6, 8 & 9 décembre Anthéa Antipolis Théâtre d’Antibes 04 83 76 13 00 anthea-antibes.fr


68 au programme spectacles alpes-maritimes var

Ramona

L’avis bidon

Il ne sait pas quand a commencé le XXIe siècle, si c’est « en novembre 1989, à la Chute du Mur de Berlin, dans les années 90 à la naissance d’Internet, ou avec les attentats du 11 septembre 2001 ». Gilles Cailleau se livre à une médiation poétique sur notre époque, sa façon à lui de se débarrasser des cauchemars qui hantent notre modernité. Il fait appel pour cela à toutes les facettes de son art : la gestuelle, le théâtre d’objet... et la philosophie.

Première représentation « en salle » de ce spectacle créé par quatre garçons dans le vent : les acrobates du cirque La Compagnie, qui viennent de s’installer dans les Alpes Maritimes après avoir raflé pléthore de prix internationaux. La performance physique, pourtant impressionnante, est le moindre de leurs accomplissements : très drôles, ils affinent contexte et narration, avec un souci du sens assez rare chez les circassiens pour être souligné.

© Irakli Sharashidze

Le nouveau monde

15 au 18 & 21 au 23 novembre Théâtre National de Nice 04 93 13 90 90 tnn.fr

© Marlene Braka

Où l’on retrouve l’humanité de Rezo Gabriadze, à travers l’histoire d’amour de deux locomotives cette fois. « Un coup de foudre contrarié par un caprice d’aiguillage », on pourrait trouver cela gentillet, seulement détrompez-vous ! Voilà du concentré d’émotion, délivré à grand renfort de magnifiques voix slaves. Le spectacle, destiné aux adultes et aux enfants à partir de 9 ans, est en géorgien et en russe mais surtitré en français. 9 au 13 décembre Théâtre National de Nice 04 93 13 90 90 tnn.fr

Stalingrad Un spectacle qui tourne depuis plusieurs années dans plusieurs continents, c’est souvent signe qu’il ne faut pas le rater. Le marionnettiste géorgien Rezo Gabriadze s’est attaqué à la bataille de Stalingrad, rien de moins, et il traite la démesure de la Seconde Guerre mondiale sous un angle inattendu. Staline y côtoie une artiste de cirque, un maréchal allemand, un vendeur de citronnade, des fourmis et des chevaux... et toute la dérisoire intensité de la vie vous saute au visage.

1er décembre Scène 55, Mougins 04 92 92 55 67 scene55.fr

La légende d’une vie

6 au 8 décembre Théâtre National de Nice 04 93 13 90 90 tnn.fr

Stephan Zweig a aussi écrit pour le théâtre. La légende d’une vie détaille un processus psychologique finement étudié par ce grand admirateur de Sigmund Freud : la possibilité pour un fils (Gaël Giraudeau) de commencer à aimer son père, figure écrasante de poète à succès, dès lors que la façade du défunt se craquelle et révèle les imperfections d’un être humain. Une adaptation de Michael Stampe mise en scène par Christophe Lidon, avec Natalie Dessay et Macha Méril. 21 novembre Scène 55, Mougins 04 92 92 55 67 scene55.fr

Une étendue d’eau couvre le plateau, sur lequel évoluent d’incroyables marionnettes ciselées. On s’immerge dans une culture traditionnelle millénaire, à travers la vie quotidienne, les jeux et le travail de villageois vietnamiens. Dans le cadre du 21e Festival de l’Imaginaire, scène ouverte à Paris et en régions « aux peuples et civilisations du monde contemporain et à leurs formes d’expression les moins connues ou les plus rares ».

© XDR

© Irakli Sharashidze

Gaël Giraudeau © Sylvain Norget

Les marionnettes sur eau du Vietnam

5 décembre Scène 55, Mougins 04 92 92 55 67 scene55.fr 8 décembre Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 carreleongaumont.com


au programme spectacles alpes-maritimes gard bouches-du-rhône

Passager clandestin

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Unwanted

Le Pari

« No Time’s Land » Durant plus de 16 mois, une troupe de 53 enseignants et 65 élèves d’écoles primaires et collèges de la Principauté et de l’Académie de Nice ont suivi la Cellule éducative des Ballets de Monte-Carlo dans le cadre de Chorévoix. La formation débouche sur une comédie musicale, « No Time’s Land », (livret Patrick Goujon) sous la direction artistique de Bruno Roque, danseur-chorégraphe aux Ballets. Essentielle mise en œuvre de la pratique artistique, et quel privilège dans de telles conditions ! 8 & 9 décembre Grimaldi Forum, Monaco 00377 99 99 30 00 balletsdemontecarlo.com

© Bruce Clarke

5 & 6 décembre Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 88 71 74 80 boisdelaune.fr

Eva Peron

Farces et attrapes Il ne se prend pas pour n’importe qui ce Prince Islapète ! La Princesse Guimauve ne va pas se laisser impressionner, ni même non plus par la Sorcière Pifcrochu. Les trois personnages déjouent les codes du conte, sur une musique interprétée sur scène par un quatuor à cordes. Premier spectacle dédié au jeune public (à partir de 6 ans) de Jeanne Plante (auteure compositrice et chanteuse) et Patrice Tibaud (mise en scène).

© XDR.

17 novembre Théâtre de la Licorne, Cannes 04 97 06 44 90 cannes.com

20 & 21 novembre Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com

14 & 16 novembre Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com

© X DR

La compagnie cannoise Arketal présente sa création 2017, d’après la pièce The great disaster de Patrick Kermann. L’histoire d’un berger italien qui embarque sur le Titanic pour y faire la plonge dans ses immenses cuisines, croyant naïvement en sa bonne étoile. Un spectacle de marionnettes (magnifiques réalisations de Greta Bruggeman) pour les 14 ans et plus.

La chorégraphe Dorothée Munyaneza est allée à la rencontre de quelques-unes des milliers de femmes violées pendant le génocide rwandais qui ont choisi de garder leur enfant. Elle leur a demandé de lui livrer une chanson ou une danse qu’elles aiment, et a composé un spectacle qui leur rend leur dignité. Sensible et poignant.

© Paul Poncet

© Brigitte Pougeoise

Rare et exigeant, François Verret est cette année l’un des deux artistes associés du Théâtre de Nîmes. Il tente une nouvelle expérience, entre poésie, danse et réflexion à partager avec le public qu’il convie à s’associer à cette création, puisque les imaginaires se mélangeront dans un spectacle qui convoque la mémoire du XXe siècle. Deuxième volet d’un triptyque tout en performance.

15 novembre Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com

Retrouvailles, 30 après sa mort, entre l’auteur Copi, interdit dans son pays pendant la dictature argentine et le théâtre National de Buenos Aires, où ont été créées ces deux pièces emblématiques, Eva Peron et L’homosexuel, ou la difficulté de s’exprimer. C’est son compatriote non moins délirant Marcial Di Fonzo Bo qui signe la mise en scène. Concentré d’humour et de drame portés par des figures travesties. 21 & 22 novembre Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com


70 au programme spectacles gard

Rain

Nous qui habitons vos ruines Marie Lamachère (Cie Interstices) mène un travail ambitieux, qui verra ici son aboutissement dans une création théâtrale entre documentaire et imaginaire. Elle a mené l’enquête en Ardèche, recueillant récits utopistes et expériences concrètes portés par les idéaux de Fourier. Barbara Métais-Chastanier a compilé les témoignages en un texte plein d’une énergie qui incite à continuer d’exiger le meilleur pour tous.

© Anne Van Aerschot

In the middle

10 danseurs sur la Music for 18 musicians (1976) de Steve Reich : pièce majeure de la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker, Rain (2001) associe danse pure et musique minimaliste. Répétition inlassable de la phrase musicale sur des mouvements qui provoquent vertige et euphorie, utilisation géométrique de l’espace, elle est ici au sommet de son art.

Elles ont réussi à grimper sur les plus hautes marches des podiums des concours de hip hop. Parmi des concurrents presque exclusivement masculins, les 7 danseuses de la Cie Swaggers cassent les barrières et ouvrent le champ de la street dance aux femmes. Attention ça bouscule les genres !

© Dati Photography

22 au 24 novembre Le Vigan, Les Vans, St Martin de Valgalgues 04 66 52 52 64 lecratere.fr

1er décembre Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com

Les rois de la piste

14 novembre Le Cratère, Alès 04 66 52 52 64 lecratere.fr

Edmond

Grand moment de théâtre pour parler d’un chef-d’œuvre de la scène ! Alexis Michalik a imaginé l’avant Cyrano de Bergerac, lorsque le jeune Edmond Rostand bataillait auprès des critiques, pairs, comédiens tandis qu’il écrivait et montait sa fameuse pièce, à laquelle personne ne croyait sauf sa femme. 12 comédiens incarnent les figures de l’époque (30 personnages !). Edmond a raflé 5 Molière cette année. 6 & 7 décembre Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com

© Thomas Lebrun

Une pièce sur le travail de répétition de plateau. Redonner vie à ce moment si subtile de la relation entre metteur en scène et comédienne, lorsque le texte prend corps. Paula de Elie répète le rôle d’Elvire (Dom Juan) avec Jouvet. Nous sommes en 1940. La secrétaire Charlotte Delbo (devenue ensuite immense écrivaine témoin de la vie concentrationnaire) a tout noté. Brigitte Jacques-Wajeman en a fait une pièce, mise en scène par Stéphane Laudier.

© Marc Ginot

© Alejandro Guerrero

Elvire Jouvet 40

16 au 18 novembre Le Cratère, Alès 04 66 52 52 64 lecratere.fr

Le chorégraphe Thomas Lebrun (Centre Chorégraphique de Tours) rend hommage aux danseurs du samedi soir. Désinhibés, prêts à tout, ils sont prêts à tout pour capter les regards, le temps d’un mouvement fulgurant. Les danseurs professionnels s’approprient la spontanéité de l’amateur. Sans se moquer, mais en conservant ce que cette mise à nu comporte de léger et vivant. 30 novembre Le Cratère, Alès 04 66 52 52 64 lecratere.fr


au programme spectacles gard hérault bouches-du-rhône

Ça ira (1) fin de Louis

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Face à Médée

© Frank W. Ockenfels

Spectacle fleuve, pièce monumentale, sujet fondateur… Joël Pommerat porte la Révolution sur scène, et la sensation est celle d’une déflagration qu’on n’oublie pas. Il y a l’Histoire, il y a l’émotion du jeu, il y a l’espoir qui renaît dans les mots. Production flamboyante (équipe de 50 personnes, décors imposants), Ça ira s’installe dans la ville des Camisards.

Ils tournent dans le monde entier, ils sont jeunes et plein d’audace. Les quatre acrobates du Cirque Le Roux adaptent l’univers des années 30, celui des mystères d’Hercule Poirot ou du Faucon Maltais, à l’expression nouveau cirque. Une enquête de haute voltige, à l’humour salvateur.

© Christophe Raynaud de Lage

© Elizabeth Carecchio

The elephant in the room

7 au 9 décembre Le Cratère, Alès 04 66 52 52 64 lecratere.fr 21 novembre Domaine départemental d’O, Montpellier 0 800 200 165 domaine-do-34.eu

Évidences inconnues

François Cervantes (Cie L’entreprise) difracte le personnage de Médée en trois personnalités, trois comédiennes qui s’emparent du mythe et le rejouent face au public, et tentent d’expliquer le pourquoi de l’infanticide auquel la tragédie grecque l’a poussée. Poignant et déstabilisant. (voir critique dans journalzibeline.fr). 28 & 29 novembre Domaine départemental d’O, Montpellier 0 800 200 165 domaine-do-34.eu

Borborygmes Je clique donc je suis

Quand le hasard est érigé en valeur poétique. La Cie belge Rode Boom fait de la magie pour célébrer ces étranges moments où tout coïncide. On appelle cela la synchronicité. On y croit ou pas, mais l’évidence est là : quelque chose se passe, cela échappe, cela porte, cela fait rêver. Mentalisme, magie nouvelle, musique live, quelques certitudes risquent de vaciller. 16 & 17 novembre Domaine départemental d’O, Montpellier 0 800 200 165 domaine-do-34.eu

© Diane Barbier © Nathaniel Baruch

© Jana Arns

Le téléphone est l’acteur principal de cette pièce proposée par la Cie Le Phalène. Grâce à la magie, Thierry Collet interroge en direct notre rapport aux « nouvelles technologies ». En sollicitant le public dans sa relation affectivo-dépendante à notre prothèse mobile, le spectacle aborde un pan éminemment contemporain du réel observé à travers le prisme des réseaux.

22 & 23 novembre Domaine départemental d’O, Montpellier 0 800 200 165 domaine-do-34.eu 24 novembre Forum de Berre 04 42 10 23 60 forumdeberre.com

Coline Garcia (Cie SCOM) s’adresse aux bouts de choux (dès 3 ans) qui n’ont pas encore d’a priori sur le corps, juste des questions et beaucoup de curiosité. Du cirque contemporain pour aborder les secrets et petits travers de nos enveloppes, vecteurs d’émotions et de surprises. 9 & 10 décembre Domaine départemental d’O, Montpellier 0 800 200 165 domaine-do-34.eu


72 au programme spectacles hérault

Sorcière(s) !

Titre provisoire

Une histoire d’exil transgénérationnel, autobiographique et ancrée dans une histoire contemporaine. Chrystèle Khodr a trouvé une cassette audio où son aïeul, réfugié en Suède, s’adressait à ceux restés au pays, le Liban en pleine guerre de 1976. Temps de la scène et temps exhumé de l’enregistrement sont mêlés, l’écriture (avec Waël Ali) oscille entre passé, présent et les continents. © Santiago Sepulveda

L’envers du décor des contes pour enfants. Elsa Caillat et Clémentine Lamouret (Cie Toron Blues) détournent les archétypes des méchantes sorcières et des loups effrayants. Via un spectacle de cirque contemporain, elles réhabilitent les unes et les autres en incarnant leurs nouvelles représentations : la sorcière d’aujourd’hui serait une femme émancipée, et le loup un homme fort qui cherche sa place…

En 2010, le Mapa teatro initiait le projet au long cours « Anatomie de la violence en Colombie ». En 2017, la signature des accords de paix entre les FARC et le gouvernement scellent la fin de 52 ans de conflit –et donc du projet. La Despidida est la dernière pièce de ce travail. Installation théâtrale et montage poétique d’archives, mélange de réel et de fiction, une histoire au présent, une forme novatrice qui explore le direct pour l’arracher à l’oubli.

© Didier Nadeau

© Joao Paulo Santos

La Despedida

9 & 10 décembre Domaine départemental d’O, Montpellier 0 800 200 165 domaine-do-34.eu

28 au 30 novembre hTh , Domaine de Grammont, Montpellier 04 67 99 25 00 humaintrophumain.fr

15 & 16 novembre Théâtre de la Vignette, Montpellier 04 67 14 55 98 theatredelavignette.fr

Tumore

Evel Knievel contre Macbeth

Dernière création de Rodrigo García dans les murs d’hTh. Apothéose délirante pour deux comédiennes et un enfant. Elles seront tour à tour sorcières, Jeanne d’Arc, jumelles séparées, et il s’agira d’évoquer un personnage entré dans le folklore américain, Evel Knievel, dont les combats se faisaient dans la rue et à moto.

© Giuseppe Distefano

Les Belges Les Chiens de Navarre débarquent avec leur nouvelle création, et ça va déménager. Ils s’emparent des totems de l’Histoire de France : Napoléon, De Gaulle, Obélix, l’exception française,… Dérision, perspectives décoiffantes, les travers politiques ne seront pas épargnés, et l’identité française risque de vaciller sur ses certitudes ! Mise en scène de Christophe Meurisse.

Le titre l’annonce, l’histoire que raconte Tumore est celle de la maladie. Lucia Calamaro (auteure et mise en scène) imagine l’hôpital X, avec la Patiente, sa Mère, et la Doctoresse. Un non lieu où tout peut arriver, même les miracles, qu’on appelle à coup de prières, où tout est permis puisque c’est la fin. « Le plus beau texte dramatique en langue italienne de ses dernières années », a-t-on pu lire dans le Corriere della Sera. © Yohann Gloaguen

© Pierre Alexandre Dupont

Jusque dans vos bras

17 au 17, 21 au 23 novembre hTh, Domaine de Grammont, Montpellier 04 67 99 25 00 humaintrophumain.fr 7 & 8 décembre hTh, Domaine de Grammont, Montpellier 04 67 99 25 00 humaintrophumain.fr

21 & 22 novembre Théâtre de la Vignette, Montpellier 04 67 14 55 98 theatredelavignette.fr


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Dom Juan désossé

Guidés par les travaux de l’urbaniste Nicolò Bassetti et de l’écrivaine Annie Ernaux, les Italiens Daria Deflorian et Antonio Tagliarini ont conçu un spectacle qui fait résonner de multiples réflexions centrées sur l’idée de périphérie. Le pourtour des villes, la limite, l’en-dehors. Un questionnement autour du réel et de sa représentation théâtrale.

La substantifique moelle de la pièce de Molière ! Deux comédiens pour les 19 personnages du texte original (Cyril Amiot et Laurent Dupuy, Machine Théâtre). De quoi redécouvrir ce texte parfois étouffé sous les oripeaux de la scène, et mettre en lumière le travail de l’acteur. Le théâtre à l’état pur.

Le ciel n’est pas une toile de fond 28 & 29 novembre Théâtre de la Vignette, Montpellier 04 67 14 55 98 theatredelavignette.fr

À mains levées

Pendant le festival Corée d’ici (2 au 25 novembre à Montpellier), le théâtre Jean Vilar accueille un spectacle franco-coréen qui fait rire en réfléchissant ; ou l’inverse. Geung Ho Nam et Laurent Clairet, s’appuyant sur Actes sans paroles de Beckett, croisent les situations dans un ensemble qui dissèque les comportements humains, des plus fous aux plus banaux. Les plus étonnants ne sont pas ceux qu’on croit.

© Marc Ginot

© Giorgio Termini

© Song In-ho

Le ciel n’est pas...

5 au 7 décembre Théâtre Jean Vilar, Montpellier 04 67 40 41 39 theatrejeanvilar.montpellier.fr

15 & 16 novembre Théâtre Jean Vilar, Montpellier 04 67 40 41 39 theatrejeanvilar.montpellier.fr

Juste avant de s’installer à hTh, dont ils prennent la direction en janvier 18, Nathalie Garraud et Olivier Saccomano (Cie du Zieu) présentent le deuxième volet de leur trilogie La beauté du geste, autour de la vie d’une troupe de théâtre. Il y avait eu L’instant décisif, moment créatif, voici maintenant celui de la représentation. Elle a lieu au sein d’une compagnie de CRS…

Je veux seulement que vous m’aimiez Première pièce des trois prévues par Bruno Geslin (artiste associé à l’ESAT La Bulle Bleue) pour son événement Prenez garde à Fassbinder !, écrite par Jacques Allaire avec les comédiens de la structure. « Travailler avec des acteurs en situation de handicap, comme on dit, c’est accepter de reconnaître nos propres failles. » Un voyage au pays de l’homme monde Fassbinder, avec des interviews imaginaires du cinéaste.

© Jeff Garraud Sabrina Noiraux

5 au 8 décembre Théâtre de la Vignette, Montpellier 04 67 14 55 98 theatredelavignette.fr

François Salon et Sébastien Dehaye donnent vie, sur scène, à trois mottes d’argile. À mains nues, ils sculptent et auscultent la matière, qui devient marionnettes, allégories de nos craintes et espoirs, paysages mouvants. Un croisement entre cirque, art de la céramique, théâtre corporel et d’objet. A partir de 5 ans. 21 & 22 novembre Théâtre Jean Vilar, Montpellier 04 67 40 41 39 theatrejeanvilar.montpellier.fr

© Jacques Allaire

© Bart Beys

MoTTes

15 novembre au 1er décembre ESAT La Bulle Bleue, Montpellier 04 67 42 18 61 labullebleue.fr


74 au programme spectacles hérault var

Je parle à un homme…

Ilka Schönbein

Hommage d’un fils à son père. Les deux générations de Liebman sont présentes sur scène, à travers le texte et le jeu du fils, Henri. Les engagements de l’un, les questionnements de l’autre, les divergences politiques, la tendresse filiale, la figure omniprésente du père, l’émancipation du fils. Portés par la musique de Philippe Orivel. Révélation festival off d’Avignon 2016.

Ilka Schönbein est l’une des artistes allemandes les plus envoutantes d’aujourd’hui. Elle manie les formes, les tissus, les marionnettes, les sons, et crée un univers inquiétant où tout se métamorphose, où le rêve affleure sous chaque allusion. Ricdin-Ricdon et Et bien, dansez maintenant peuvent être appréciés dès 7 ans. En résidence à Mireval.

© Yannick Perrin

Liebman renégat

Je parle à un homme qui ne tient pas en place 22 & 23 novembre Théâtre de Sète 04 67 74 66 97 theatredesete.com

© Marinette Delanné

© Alice Piemme

Alors qu’il tente de battre le record de vitesse à la voile autour du monde, le navigateur Thomas Coville entretient une correspondance assidue avec Jacques Gamblin. Une pièce est née de cet échange interprétée par le comédien, porté par un vent d’amitié, de lutte, de défi, d’intimes.

1er au 3 décembre Scène nationale de Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com

17 novembre Le Sillon, Clermont-l’Hérault en partenariat avec le Théâtre de Sète 04 67 74 66 97 theatredesete.com

5 décembre Centre culturel Léo Malet, Mireval 04 67 74 66 97 theatredesete.com

Hôtel Feydeau

Connais-tu l’heure…

Carnets du sous-sol

© Thierry Depagne

À l’issue d’une résidence de création au nouveau Pôle de production jeunesse de Mireval, Luc Sabot propose un diptyque en musique (Antonin Grob) du texte Matin brun (Franck Pavloff) et de l’essai poétique Rosa (Samuel Gallet). La montée d’un fléau invisible, étouffant, quelque chose qui ressemble au fascisme. Ça se passe aujourd’hui, ça se passe tous les jours. À partir de 12 ans.

Ce sont les mots d’un « homme malade, d’un homme méchant… ». Les premiers d’un long monologue écrit par Dostoïevski en 1864, qui donne la parole à un désenchanté du XIXe siècle : il se désole de la montée du rationalisme, qui grignote le « beau et le sublime ». Nicolas Oton (Machine Théâtre) crée et joue ce texte, dans une mise en scène sobre qui laisse toute sa force aux mots.

Connais tu l’heure de la fin de la nuit 21 novembre Centre culturel Léo Malet, Mireval 04 67 74 66 97 theatredesete.com

© Marc Ginot

© Marc Ginot

Cinq pour le prix d’un ! Georges Lavaudant offre 5 pièces de Feydeau dans sa nouvelle incursion vaudevillesque avec cette adaptation de 5 morceaux d’anthologie où les portes claquent, les placards sont plein d’amants, et Monsieur et Madame se retrouvent à la fin. 28 & 29 novembre Théâtre de Sète 04 67 74 66 97 theatredesete.com 22 & 23 novembre sortieOuest, Domaine départemental de Bayssan, Béziers 04 67 28 37 32 sortieouest.fr


Paul Cézanne (1839 – 1906), Vue vers la route du Tholonet près de Château Noir, 1900 – 1904 Prêt pour une durée d’un an de la Henry and Rose Pearlman Foundation. Oeuvre actuellement conservée au Princeton University Museum of Art.

20 octobre 2017 > 1er avril 2018

Cézanne

MUSÉE GRANET

Aix-en-Provence museegranet-aixenprovence.fr

at home


76 au programme cinéma bouches-du-rhône

Festival International Jean Rouch

Le dernier cochon

L’Assemblée

Le dernier cochon © Argo Film

Soirée exceptionnelle au Gyptis avec la diffusion en première française du documentaire d’Allison Argo : The last pig, dans le cadre du Festiv’ALARM* Ve édition. Le pouvoir que s’est arrogé l’homme sur l’animal est de plus en plus souvent remis en cause. Élever des bêtes, les côtoyer, en prendre soin pour les conduire à l’abattoir, peut créer un conflit intérieur profond. The last pig suit le cheminement et les interrogations de Bob Comis, un éleveur de cochons. Le film l’accompagne dans la dernière année de l’exercice d’une profession «qui colporte la mort» et qu’il a décidé d’abandonner. La projection sera suivie d’un débat et d’un buffet vegan à prix libre. *Festiv’ALARM Vème édition : 5 jours-soirées d’événements pour la Libération Animale et l’Antispécisme à Marseille 16 novembre Cinéma Le Gyptis, Marseille lafriche.org

Le 31 mars 2016, place de la République à Paris naît le mouvement Nuit Debout. Présente comme citoyenne, Mariana Otero comprend qu’il se passe quelque chose d’extraordinaire et prend sa caméra. Pour capter ce qui se joue là, sur cette place qui a été un lieu de deuil après les attentats et devient un lieu de résistance. Cela donne L’Assemblée, un documentaire où l’échange démocratique est le personnage principal et où la réalisatrice s’interroge sur la question qui, selon elle, demeure au centre de son cinéma : comment construire quelque chose ensemble tout en considérant chacun dans sa singularité ? Comment réinventer le collectif ? Soirée débat avec la réalisatrice organisée en partenariat avec l’ACID.

Dans le cadre des Rencontres à l’échelle et en partenariat avec Image de Ville (voir p 78), le cinéma Le Gyptis reçoit Tamer El Saïd pour la projection de son film : Les Derniers jours d’une ville. Cette ville, c’est le Caire alors que le régime de Hosni Moubarak vit ses derniers jours. Tout à la fois documentaire, fiction, journal intime d’une désillusion sentimentale et politique, chronique poétique, immersion sensible dans la Capitale égyptienne et dans l’Histoire récente des Printemps arabes, ce

Depuis quatre ans, le Mucem accueille ce Festival dédié au cinéma ethnographique, avec une sélection issue principalement de films primés en 2016 et 2017. Exceptions toutefois avec deux œuvres signées Jean Rouch : La Pyramide humaine, fiction du réel sur les relations entre Africains et Européens, réalisée en 1959 au lycée français d’Abidjan ; et Cocorico ! Monsieur Poulet, ou les mésaventures d’un vendeur de volailles au Niger. À noter encore, Des rêves sans étoiles, de l’iranien Mehrdad Oskouei, une immersion dans un centre de détention pour mineures en banlieue de Téhéran ; ou Un Noyer, d’Ammar Aziz, qui filme un vieil homme rêvant de retrouver sa terre natale et sa vie d’avant l’exil, dû au conflit entre les talibans et l’armée pakistanaise.

L’Assemblée © Epicentre films

21 novembre Cinéma Le Gyptis, Marseille lafriche.org

Douloureuse beauté

Les derniers jours d’une ville, de Tamer El Saïd © Zéro production

La pyramide humaine, de Jean Rouch © les films de la pléiade

8 au 10 décembre Mucem, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org

Justice et libertés long métrage met en scène Khalid, double de Tamer, jeune cinéaste qui entreprend de tendre « un miroir honnête » à sa ville. Il sillonne les rues avec sa caméra, visionne en écho les images de Bagdad, Beyrouth, Berlin. Le temps file, la réalité se brouille, la violence collective gronde. Les fragments collectés se superposent, se mêlent. On flotte dans l’entre deux, vivant avec le personnage principal «la douloureuse beauté des derniers jours d’une ville». Tamer El Said a mis dix ans pour réaliser ce premier film très personnel conçu avant la révolution, monté pendant et après. 19 novembre Cinéma Le Gyptis, Marseille lafriche.org

La Juge et l’Affaire des Dioxines © Andanafilms

Dans le cadre du Mois du Film documentaire, Art et essai Lumière propose à l’Eden Théâtre de La Ciotat trois films autour de la justice et des libertés. Le 17 novembre, La Juge et l’affaire des Dioxines en présence de la réalisatrice Clarisse Feletin et de la magistrate Corinne Hermerel. Le 19, ce sera 12 jours de Raymond Depardon, en avant-première, en présence de René Frégni, écrivain, et de Jean-Luc Lioult, directeur de la collection Hors Champ (PUP). Enfin, le 24, Joseph Beauregard présentera son documentaire, La Parole est au Garde des Sceaux. 17, 19 & 24 novembre Cinéma Eden-Théâtre, La Ciotat 04 88 42 17 60 edencinemalaciotat.com


au programme cinéma bouches-du-rhône vaucluse hérault 77

Festi-Life

La caméra de Claire Inspecteurs du travail, une rencontre

Aurora © Alessandro Sciarroni

Indifférence blessante ou compassion excessive, les attitudes face aux personnes handicapées manquent souvent de justesse. Faire changer les regards, les perceptions, telle est l’ambition de ce Festival International du court-métrage sur le handicap. Une trentaine de films seront en compétition, et le jury sera présidé par Clémentine Célarié. Deux sélections, de six films chacun, s’adresseront à un public jeune (11-14 ans et 15-18 ans), en complément de la programmation internationale tout public. En ouverture, le 7 décembre, le spectacle Aurora, de Alessandro Sciarroni. Proposition chorégraphique sur un terrain de goalball, sport paralympique réservé aux non-voyants. 8 & 9 décembre La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

Cinémanimé

Wallace&Gromit, Coeurs à modeler © Folimage

18e édition déjà pour ce Festival du cinéma d’animation qui se tient sur 5 communes d’Ouest-Provence. Projections, ateliers et rencontres sont au programme, avec des films s’adressant à toutes les tranches d’âges de l’enfance. Séries de courts-métrages pour les plus jeunes, comme Des trésors dans ma poche, ou Polichinelle et les contes merveilleux. Ou pour les plus grands, un choix oscillant entre l’ambiance manga de One Piece, l’univers déroutant de Zombillenium, ou celui envoûtant de La Passion Van Gogh. jusqu’au 5 décembre Fos, Grans, Istres, Miramas, Port-St-Louis scenesetcines.fr

Projection à ne pas louper en cette période de casse du code du travail prescrit dans les ordonnances du Docteur Macron. Pendant plusieurs mois, Jean-Pierre Bloc a suivi dix inspecteurs du travail dans leurs missions un peu partout en France. Ils témoignent des difficultés de leur métier, dans ce contexte où les droits qu’ils défendent sont accusés par le pouvoir d’être des freins à l’embauche, et qu’il compte supprimer. Soirée organisée avec l’Union Syndicale Solidaires, en présence du réalisateur et d’un inspecteur du travail.

La Caméra de Claire © jour2fete

Beau cadeau offert dans le cadre du Festival Corée d’ici : le film de Hong Sang-soo en avant-première, entre sa projection à Cannes et sa sortie en salle au printemps prochain. Cinéma léger, qui célèbre le pouvoir de l’art, celui de la photo plus précisément, dont Claire (Isabelle Huppert) use comme de la magie. Cela se passe à Cannes, pendant le festival de l’an dernier… Débat avec JEON Chan-il, critique de cinéma en Corée. 20 novembre Diagonal, Montpellier 04 67 58 58 10 cinediagonal.com

Inspecteur du travail © Sahira production

13 novembre Cinéma Utopia, Avignon

We Blew it

04 90 82 65 36 cinemas-utopia.org

12 jours

We blew it © lost films

Présenté dans le cadre du Festival du film précaire, ce nouveau film de Raymond Depardon est une plongée dans un univers mêlant psychiatrie et justice. Depuis 2013, les personnes internées sans leur consentement doivent passer devant un juge des libertés et de la détention, qui fixe leur sort. Le cinéaste suit ces confrontations entre le magistrat et les patients. Les scènes oscillent entre profond malaise, franche comédie, et réalité abrupte et glaçante. En avant-première, projection débat avec des psychiatres hospitaliers.

Ce documentaire signé Jean-Baptiste Thoret est une plongée dans l’univers des USA, au moment de la dernière campagne électorale. Dans un voyage personnel, le réalisateur s’interroge sur les atouts et contrastes de la société américaine, en revenant sur une époque dorée et mythifiée, les années 60-70. Il rencontre ceux qui en furent les acteurs, illustres ou anonymes. En présence du réalisateur. (voir p.82) 20 novembre Cinéma Utopia, Avignon 04 90 82 65 36 cinemas-utopia.org 21 novembre Cinéma Utopia, Montpellier 04 67 52 32 00 cinemas-utopia.org

12 jours © Palmeraie et désert

18 novembre Cinéma Utopia, Avignon 04 90 82 65 36 cinemas-utopia.org


78 au programme cinéma bouches-du-rhône

Les Cinémas Arabes

P

roposer, à côté de la masse informe d’images et de discours déversée par les médias sur le Maghreb et le ProcheOrient, un festival de cinéma qui déchiffre, met en forme et en perspective la réalité ou l’imaginaire de nos cousins méditerranéens devrait être déclaré d’utilité publique. Les Rencontres Internationales des Cinémas Arabes, organisées par AFLAM, qui assument cette mission, ont dû comme tant d’autres lutter pour survivre. C’est donc toujours avec plaisir et soulagement qu’on

Wajib, de Annemarie Jacir © Pyramide film

accueille l’annonce d’une nouvelle édition, la 5e qui se déroulera du 21 au 26 novembre au MUCEM, à la Villa Méditerranée, au Cinéma Les Variétés et au Vidéodrome2. Richesse de la proposition : une trentaine de séances à Marseille et en région, plus de 40 œuvres, dont plusieurs avant-premières, des installations vidéos, des conférences, des restitutions d’ateliers de médiation, des café-ciné, deux résidences d’écriture, des échanges avec les invités. Occasion de découvrir le dynamisme et la pluralité des cinémas arabes d’aujourd’hui.

À côté des longs-métrages, arrivent en force les web séries, voix de la jeunesse du Maghreb, d’Irak, de Syrie, de Jordanie, du Liban… Ces formats courts abordent, avec un humour décapant, tous les sujets « poils à gratter » : radicalisme, censure, sexualité comme le No Vaseline Fatwa de Hicham Lasri, également invité pour son dernier long-métrage Headbang Lullaby. Les Rencontres aiment le cousinage. Cette année il se fera avec la Grèce à travers son « weird greek cinema», un cinéma contemporain bizarroïde né avec la crise économique. On pourra (re)voir la comédie noire de Filippos Tsitos : Akadimia Platonos dans le cadre d’une journée commune avec Image de Ville (voir ci-dessous) et RISC (voir p.81). Comme les années précédentes, hommage est rendu à un réalisateur : ce sera le Marocain Ahmed Bouanani (1928- 2011). Un documentaire d’Ali Essafi évoquera La Septième Porte, Histoire du cinéma marocain entreprise par Bouanani, qui y réfléchit sur la mémoire de son pays, entamée, bousculée, déformée par le récit colonial et celui tout aussi falsifié du pouvoir mis en place après la fin du Protectorat. En présence de Touba Bouanani qui a largement contribué à la reconnaissance posthume de

La ville nous appartient

A

ix-en-Provence (17 au 19 novembre), Vitrolles (21 novembre), Port-de-Bouc (22 novembre), Martigues (23 novembre) et Marseille (24 au 26 novembre) accueilleront la 15e édition du festival Image de Ville qui propose chaque année des rencontres entre cinéastes, architectes, urbanistes, sociologues, philosophes autour des questions que pose la ville et que nous lui posons. Un programme foisonnant : une quarantaine de films, docs, fictions, courts, longs, des avant-premières, des films en chantier, des tables rondes, des débats avec une cinquantaine d’invités. Des événements aussi comme celui organisé avec Pensons le Matin à la Villa Méditerranée le 25 novembre (cycle : que signifie changer le monde ?) : projection en avant-première de Athènes Rhapsodie de Antoine Danis suivie d’une discussion avec Alain Badiou. Ou encore à Aix, le 18 novembre, Considérant Calais et tout autour avec Sébastien Thiéry directeur du PEROU (association qui se définit comme un « laboratoire de recherche action

A taste of cement, de Ziad Kalthoum © Bidayyat for Audiovisual Arts

sur la ville hostile »), avec la lecture de Frères Numains de et par Florence Pazzottu. Le thème fédérateur de 2017 se formule en une phrase lapidaire : la ville nous appartient dont le sens peut fluctuer de la constatation au mot d’ordre, de l’affirmation au vœu plus ou moins pieux, suivant qui parle et d’où. Handicapés (table ronde animée par Michel

Chiappero), SDF à Naples (La Barraca de Pietro Marcello), habitants d’un bidonville turinois (I Ricordi del fiume des frères De Serio), migrants de la jungle calaisienne (L’Héroïque Lande de Nicolas Klotz), hommes des chantiers (Quelque chose de grand de Fanny Tondre), cinéaste dans le crépuscule d’un monde (Les derniers jours d’une ville Tamer el


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Regards sur la Méditerranée son père, on pourra voir quatre de ses films qui, chacun à sa façon, s’appuyant sur des recherches formelles contemporaines, se réapproprient le patrimoine. Autre réflexion sur l’imaginaire collectif et la Mémoire d’un pays, celle de la vidéaste Katia Kameli, dans Le Roman algérien à travers de vieilles cartes postales et des photos d’anciens journaux. Les Rencontres s’ouvriront au cinéma Les Variétés avec un film palestinien présenté en avant-première : Wajib d’Annemarie Jacir (sortie nationale le 14 février 2018). À Nazareth, un père marie sa fille. Pour l’occasion, son fils exilé à Rome revient. Tandis que selon la coutume, tous deux distribuent les invitations au rassemblement festif, divergences et tensions remontent à la surface. Un film social, politique, humain « qui raconte une famille, une ville, une culture ». Une belle entrée en matière ! ELISE PADOVANI

5e Rencontres internationales des cinémas arabes 21 au 26 novembre divers lieux, Marseille lesrencontresdaflam.fr

Said), Syriens exilés reconstruisant Beyrouth (Taste of Cement de Ziad Kalthoum, lauréat cette année du prestigieux festival Visions du réel, Nyons), jeune Chinoise sur une île perdue (Isola de Fabianny Deschamps) ou témoin impuissant des bouleversements de la Chine (Béhémoth - le dragon noir de Zhao Liang)... Fascination, vertige, angoisse devant l’urbanisation planétaire. Le coup d’envoi officiel du festival se fera dans l’amphithéâtre de La Verrière le 17 novembre à 20H30, par une « confidence » du philosophe spécialiste de la ville Thierry Paquot : Vous avez dit Habiter ? ou quelques images, suivie d’un ciné-concert-performance : Au nord/ Journées blanches de Brice Kartmann et Damien Monnier, pour aborder la ville par la périphérie, l’errance, l’immersion poétique et sonore. E.P.

Image de ville 17 au 26 novembre Aix-en-Provence, Vitrolles, Port-de-Bouc et Marseille imagedeville.org

Né en Syrie, de Hernán Zin © Java films

L

e monde est en crise et la Méditerranée ne fait pas exception, bien au contraire. Et ce sont des regards sur cette situation, des espaces de rencontres et d’échanges qu’offre le PriMed (Prix International du Documentaire et du Reportage Méditerranéen) au public, en particulier aux jeunes. Pour cette 21e édition, parmi les 385 films reçus venus de 40 pays, 25 ont été sélectionnés dont la moitié sont inédits en France. Une douzaine d’invité-e-s parleront de leur travail et des thèmes qui leur tiennent à cœur. Le drame syrien, bien entendu, est bien présent puisque 3 des documentaires de la section Enjeux méditerranéens y sont consacrés : celui de Francesca Mannocchi et Alessio Romenzi, If I close my eyes, sur les enfants syriens réfugiés au Liban et exclus du système scolaire ; celui de Hernán Zin sur 7 enfants sur la route de l’exil dans Né en Syrie ; dans Syrie, le cri étouffé, Manon Loizeau montre comment, là-bas, le corps de la femme est devenu territoire de guerre, un film dur et nécessaire. La place des femmes est d’ailleurs un des thèmes importants de cette sélection : dans Child Mother, Yael Kipper et Ronen Zaretzky donnent la parole à des femmes mariées de force alors qu’elles n’avaient que 5, 6 ou 10 ans. A footnote in ballet history d’Hisham Abdel Khalek évoque le parcours d’une danseuse étoile devenue porte-étendard et promotrice engagée de la culture égyptienne. La danse encore, qui dit non à l’obscurantisme dans le film de Blandine Delcroix, Je danserai malgré tout. La danse flamenco, outil d’expression pédagogique dans Alalà de Remedios Malvarez Baez.

Et, bien sûr aussi, on parlera de la crise migratoire ; vue par les habitants de Lampedusa dans le premier film de Laura Auriole et Annalisa Lendaro, Benvenuti. Drame vécu par ces mères africaines, attendant au nord du Maroc de pouvoir rejoindre l’Europe avec leurs enfants : Bolingo, la forêt de l’amour d’Alejandro G. Salgado. Dans la section Mémoire de la Méditerranée, il ne faudra pas rater Alger, la Mecque des révolutionnaires (1962-1974) de Ben Salama qui nous montre Alger la rouge… Les projections, en entrée libre, se déroulent du 20 au 25 novembre à l’Alcazar qui accueillera aussi le Prix Averroès Junior. Mais notez qu’une journée spéciale Prix du public se tient le 19 novembre au MUCEM où seront proposés les 5 films de la section Court méditerranéen. À la Villa Méditerranée, projection débat et master class pour les lycéens autour du film If I close my eyes le 24 novembre puis, Palmarès de ce 21e PriMed qui aura proposé 30 heures de projections gratuites. Et si vous n’avez pas le temps de tout voir, tous les films vous seront proposés en VOD à l’Alcazar en janvier et février 2018. ANNIE GAVA

PriMed, Prix International du Documentaire et du Reportage Méditerranéen 19 au 25 novembre Divers lieux, Marseille 04 91 42 03 02 primed.tv


80 au programme cinéma vaucluse bouches-du rhône

Cabrières sur courts

À

Cabrières d’Avignon, du 15 au 19 novembre, se tient la 24e édition des rencontres Court, c’est court !, organisées par l’association CINAMBULE. Invitée d’honneur, Pascale Faure, responsable de l’unité des programmes Courts et Créations de Canal+ qui présente six films dont les réjouissants La Leçon de guitare de Martin Rit avec Serge Riaboukine et L’Aurore boréale de Keren Ben Rafael. Une centaine de courts-métrages en 16 séances : Panoramas, Premiers courts, Courts Animés, Cinémômes, Courts en docs, Ça court en région PACA. À Court thème propose « des courts singuliers et différents qui se rencontrent au même carrefour » parmi lesquels Blind sex de Sarah Santamaria-Mertens, un beau film qui raconte une rencontre étonnante dans un camp de naturistes. Ne loupez pas non plus la séance Courts méditerranéens avec In White de Dania Bdeir, Le Ticket de cinéma d’Ayoub Layoussifi qui sera présent ainsi qu’Anas

La Baignoire, de Tim Ellrich © Coronado films

Khalaf co-auteur de Mare Nostrum qui fait froid dans le dos. L’Allemagne sera à l’honneur avec 5 films, dont l’hilarant La Baignoire de Tim Ellrich, Prix spécial du jury au Festival de Clermont-Ferrand, l’histoire de trois frères qui tentent de reproduire à l’identique une photo de leur petite enfance pour l’offrir à leur mère. Il y a aussi des courts pour le jeune public, pour les collégiens, pour les lycéens, et même

un court à découvrir en marchant, At Night de Juliette Cousin. Une déambulation dans les rues de Cabrières d’Avignon où on pourra découvrir aussi les installations artistiques poétiques, parfois engagées, de l’artiste plasticien Paul Couturier. Une occasion de visiter ce village cinéphile au cœur du pays de la pierre sèche. ANNIE GAVA

Court c’est court ! 15 au 19 novembre Cabrières d’Avignon 04 90 06 03 22 cinambule.org

Aix en courts

À

l’approche de la saison hivernale, à Aixen-Provence, se mettent à fleurir… les courts-métrages. En effet, pour la 35e année se tiendra du 27 novembre au 2 décembre le Festival Tous Courts, une occasion de voir des films venus des cinq continents, fictions, documentaires, films d’animation et expérimentaux. 51 d’entre eux sont en compétition internationale, choisis parmi plus de 2200 reçus. Ceux qui nous sont familiers, comme le nouveau court de Céline Devaux Gros chagrin, Pépé le morse de Lucrèce Andreae (en compétition à Cannes) ou Fox-Terrier d’Hubert Charuel, le réalisateur de Petit paysan. D’autres venus de loin comme Qaris devna de Zura Demetrashvili qui nous arrive de Géorgie, ou Blues with Me de Hanjong Lee (Corée du Sud). Des graves, des drôles, des qui nous font réfléchir ou réfléchissent le monde. Pour la 3e année sont aussi en compétition 25 courts expérimentaux, dont Une Biographie d’Alexander Schellow ou Koropa de Laura Henno. Mais il n’y a pas que les compétitions. Vous aimez découvrir d’autres horizons : des Cartes Blanches sont offertes à d’autres festivals, le BIFFF de Bruxelles, Le ZINEBI de Bilbao, l’Institut du Film Suédois et la Maison du film Court. Vous préférez la Région : un Focus sur 4 films dont les réalisateurs –trices sont passé-es

Kapitalistis, de Pablo Muños Gomez © OriGine films

par l’Atelier Jeunes Auteurs du festival : Les Enfants partent à l’aube de Manon Coubi (Semaine de la Critique), Un grand silence de Julie Gourdain, Pa Fuera de Vica Zagreba et le film d’animation de Maxime Feyers et Séverine De Streyker, Calamity .Une soirée ARTE vous tente : venez voir La Veillée de Jonathan Millet et le conte pour adultes du Portugais Carlos Conçeica, Mauvais Lapin (Semaine de la Critique) le 1er décembre au ciné Mazarin et, si vous aimez les polars, vous pouvez enchainer avec la Soirée Polar SNCF, où vous pourrez voter pour distinguer le court-métrage Polar de l’année. Les « accros », vous pourrez continuer au cinéma Le Cézanne, tout proche, de 23h30 à l’aube pour la Nuit du Court où vous verrez que « Le Monde est fou ». Vous pourrez tout savoir sur le métier de

producteur lors d’une rencontre co-organisée avec la société de production Films de Force Majeure, la SPI et la LPA. (29 novembre, Cité du Livre). Ce beau programme débute au Cézanne (entrée libre sur réservation) avec la présentation des membres du jury et la projection de courts dont Kapitalistis de Pablo Muñoz Gomez (Festival de Locarno), un conte de Noël singulier, et se termine avec la 35e Cérémonie de Remise des Prix à l’Amphithéâtre de la Verrière (en entrée libre sur réservation). ANNIE GAVA

Festival Tous Courts Divers lieux, Pays d’Aix (20 au 24 novembre) et Aix-en-Provence (27 novembre au 2 décembre) 04 42 27 08 64 festivaltouscourts.com


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Sciences et cinémas

E

lles ont fêté leurs 10 ans l’année dernière, et reviennent de plus belle à Marseille malgré « des restrictions budgétaires drastiques ». Les Rencontres Internationales Sciences & Cinémas 2017, ce sont 45 films courts et longs Boli Bana, de Simon Coulibaly Gillard © Hélicotron__Grenade métrages, 32 œuvres en compétition internationale avec 13 pays Variétés, où l’on découvrira deux films cenreprésentés, des prix tout doux pour soutenir trés sur la vision (en présence du réalisateur la manifestation, et de nombreuses projections Manuel von Stürler et de chercheurs en gratuites. Comme c’est de tradition, à l’issue neurosciences). Trois sessions s’adressent de chaque séance, une rencontre est prévue plus particulièrement aux jeunes spectateurs, avec des scientifiques et des cinéastes, pour les 25, 26 et 29 novembre, à la Bibliothèque Départementale 13, aux Variétés (où ils des échanges avec le public. Un Before aura lieu le 16 novembre au Video- pourront voter pour leur film préféré) et au drome2 pour présenter le programme, avant Cinéma Le Gyptis. Les adultes auront quant la soirée d’ouverture, le 24 au Cinéma Les à eux un vaste choix tout au long du festival,

entre films expérimentaux, documentaires et fictions. Parmi les œuvres qui attisent notre curiosité, signalons Boli Bana, l’histoire d’une enfance peuhle au Burkina Faso par Simon Coulibaly Gillard (le 26 au Cinéma Le Miroir). On ne manquera pas non plus la masterclass de Jean-Marie Schaeffer le 27 à la BDP, où le chercheur (CNRS/EHESS) interrogera perception et connaissance. La remise des prix aura lieu le 29 novembre aux Variétés, lors d’une soirée de clôture où l’on verra en avant-première Animal pensivité, en présence de sa réalisatrice Christine Baudillon. Un essai cinématographique inspiré de Rainer Maria Rilke, poignante réflexion sur l’animalité. GAËLLE CLOAREC

Rencontres Internationales Sciences & Cinémas 24 au 29 novembre Divers lieux, Marseille 04 91 91 45 49 festivalrisc.org

De Méditerranée

L

a 39ème édition de CINEMED vient de s’achever. Hommages, rétrospectives, séances spéciales, trésors de la Cinémathèque Française, un ciné concert, sans oublier les voix de la jeune garde du cinéma algérien. Parmi elles, celle de la jeune cinéaste Sofia Djama, dont le premier long fort réussi, Les Bienheureux, faisait partie des 9 films en compétition pour l’Antigone d’Or. Une journée et une nuit en 2008, deux générations : un couple qui s’est usé et qui, au moment de fêter ses vingt ans de mariage, fait le point ; leur fils qui se cherche avec ses ami-e-s. Le film nous plonge dans Alger et son peuple qui ne voit plus d’avenir, 20 ans après les manifestations d’octobre 1988. Le Jury a reconnu ses qualités lui attribuant sa Mention spéciale et le jury Jeunes le Prix étudiant de la première œuvre. Deux autres films primés ont pour décor Nazareth et ses embouteillages. Le premier, Holy Air de Shady Srour campe Adam, un Palestinien chrétien d’une quarantaine d’années (qu’il interprète brillamment) qui apprend que sa copine, Lamia (excellente Laëtitia Eïdo), directrice d’un centre d’éducation sexuelle, est enceinte. Abandonnant son travail, ne sachant pas s’il va assumer sa paternité, il a une idée ; aller chercher de l’air saint sur la colline voisine de Précipice, le mettre en fioles qu’il vendra aux touristes religieux ! Regard caustique et

Manuel, de Dario Albertini © Le Pacte

drôle sur la situation des Palestiniens chrétiens dans la Galilée israélienne, Holy Air a valu au compositeur Habib Shehadeh Hanna le Prix Jam de la meilleure musique. Dans Wajib d’Annemarie Jacir, on parcourt Nazareth dans tous les sens, parfois coincé dans un embouteillage, en compagnie d’Abu Shadi, professeur, et de son fils Shadi, architecte, (interprétés par Mohammad et Saleh Bakri, réellement père et fils), venu l’aider à remettre en main propre les 340 invitations au mariage de leur fille et sœur à leurs proches, amis et connaissances. On découvre alors des gens très différents, mais aussi les choix de vie du père et du fils. L’un accepte les contraintes de la vie de la minorité palestinienne chrétienne,

l’autre a choisi de vivre plus librement, en exil en Italie. Les trajets dans la vieille voiture sont l’occasion de s’expliquer et de régler des comptes. Ce film attachant, tout en nuances et superbement interprété a obtenu le Prix Jeune public des activités sociales de l’énergie. Manuel, de l’italien Dario Albertini a remporté l’Antigone d’or et le Prix de la critique. (critique à venir sur journalzibeline.fr) Une 39ème édition de qualité en attendant la 40ème ! ANNIE GAVA

Le Festival Cinéma Méditerranéen de Montpellier s’est déroulé du 20 au 28 octobre.


82 critiques cinéma

Pour le sourire de Lucky P

La programmation ciné du Festival d’Automne de Gardanne est indubitablement l’évènement d’octobre à Gardanne

sauvages de Bertrand Mandico. Le premier suit l’itinéraire d’un jeune charbonnier congolais qui transporte sa production de charbon de bois à la ville, images splendides, sens de la dramatisation dans un film où les frontières entre documentaire et fiction s’effacent (voir entretien WRZ). Le second interroge le genre dans une parabole fantastique où la photographie en noir et blanc apporte une distanciation nouvelle.

vue entre les personnages, le style pictural jamais déréalisé qui privilégie l’onirisme, le lyrisme, font de cette œuvre aux paysages de western un « un drame lumineux ». Carré 35 d’Éric Caravaca traite aussi du thème de la perte d’une enfant, en racontant le drame de sa propre famille. Ici, la volonté d’oubli, de négation, symbolise le refus d’un passé historique que l’on occulte, guerre d’Algérie, évènements du Maroc…

Reconstructions

Les bruits du monde

Les êtres secoués par la vie retrouvent une cohérence, ainsi, l’héroïne de Nicolas Giraud, qui a perdu son compagnon, dans le film « tactile » Du soleil dans les yeux (adaptation de L’impureté d’Irène de Philippe Mezescaze). Le réalisateur s’interdit d’enfermer les êtres dans une image, « Je ne filme pas mes personnages où ils sont mais où ils en sont ». Le couple du Soleil Battant des sœurs Clara et Laura Laperrousaz taisent la mort de leur première petite fille à leurs jumelles, (espiègles Margaux et Océane Le Caoussin). La circulation du point de

Les crises du monde se glissent sur l’écran des salles, la tragédie des migrants nourrit le très beau Isola de Fabianny Deschamps, en une technique très théâtrale, avec des séquences d’acteur qui tiennent de la performance. « Le documentaire use de la fiction, de l’ordre du conte, comme un écrin pour que ces images nous parviennent dans toute leur violence », absurde dans le regard innocent de la jeune Dai. We blew it de Jean-Baptiste Thoret livre une approche des USA en forme de road-movie sur la route 66, mesure le mythe des années 60-70 à l’aune de 2016, sur fond d’élections américaines. Les références à la littérature et au cinéma américain abondent, la caméra ne juge pas, mais nous amène à réfléchir, intelligemment, au cœur d’images somptueuses. Plus proche de nous, dans le Forez, Sans adieu de Christophe Agou présente une vision terrible de la condition paysanne, sans misérabilisme, avec des êtres qui se tiennent debout quand même ! Il ne faudrait pas oublier le documentaire Macadam popcorn de Jean-Pierre Pozzi avec Mathieu Sapin, le très beau Rembrandt fecit de Jos Stelling, le très pertinent El Presidente de Santiago Mitre avec Ricardo Darín, le terrible et sublime Sicilian ghost story de Fabio Grassadonia et Antonio Piazza, inspiré d’une histoire vraie d’un enfant enlevé et tué par la mafia, ni l’enthousiasmant film d’animation Zombillenium (coup de cœur du Jury Jeunes) ! Une magnifique moisson de cinéma, avec, en passeur, l’infatigable directrice du cinéma, Cerise Jouinot.

Lucky, de John Carroll Lynch © Harry Dean Stanton, a Magnolia Pictures release. Photo courtesy of Magnolia Pictures

lus de 50 films projetés, des avant-premières, des rencontres avec les réalisateurs, l’implication du public et du jury-jeunes qui votent pour l’attribution de prix : Gardanne était plongé dans les écrans ! Le Grand Prix du public de cette 29e édition (sur les 13 films en compétition) revint à Lucky de John Carroll Lynch, avec Harry Dean Stanton, dernier film de l’acteur, disparu le 15 septembre dernier. Sa silhouette filiforme arpente le film avec une évidence tranquille dans une vie répétitive, jusqu’au jour où une chute le conduit chez le médecin. Une méditation sur la mort, son attente, la perspective du néant obligent le personnage à considérer sa vie autrement, jusqu’au sourire final qui nous réconcilie avec notre humanité. (sortie le 13 décembre). Lui disputait la première place Au revoir là-haut d’Albert Dupontel, superbe dans l’ampleur de sa narration qui englobe toutes les strates de la société d’après-guerre (la 1ère), et accorde la magie de l’Art nouveau aux plus terribles blessures. Le Jury Jeunes décernait son prix ex-æquo à Makala d’Emmanuel Gras et Les Garçons

MARYVONNE COLOMBANI

Le Festival d’Automne de Gardanne s’est tenu du 20 au 29 octobre au Cinéma 3 Casino, Gardanne


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© Raeda Saadeh

12 ans de réflexion FFM : une (déjà) longue histoire

C

omme les trois mousquetaires, au départ elles étaient 4. C’était en 2006 et ces cinéphiles féministes voulaient promouvoir le cinéma italien au féminin. Très vite, le projet s’est étendu aux autres pays de la Méditerranée où les réalisatrices étaient et sont encore sous-représentées dans une industrie du cinéma très phallocratique. Donner visibilité à leurs films, les inviter à venir à Marseille, croiser leurs regards sur le monde tel qu’il va, tel qu’on l’interprète, tel qu’on le rêve : les Rencontres Films Femmes Méditerranée naissaient avec leur rendez-vous d’automne, désormais installé dans le paysage culturel de la Région. Douze ans après, l’association compte une vingtaine de bénévoles et deux salariées, menacées par la récente suppression des emplois aidés. Et, alors que la Méditerranée devient un cimetière pour des milliers de migrants, que de profondes mutations politiques s’opèrent, que les conservatismes religieux menacent la liberté des femmes, et que l’équité, même dans les contrées où elle s’inscrit dans la loi, n’est toujours pas respectée, sa mission garde toute son actualité. Car dans le monde d’Ulysse les Pénélopes filent souvent

du mauvais coton ! Édition après édition, des partenariats se sont développés. À celui, fondateur, avec l’Institut Culturel Italien, se sont ajoutés La Dante Alighieri d’Hyères, Art et Essai Lumière de La Ciotat, Aflam, Festival International de Films de Femmes de Créteil, le FID... Les Rencontres se sont exportées à Cucuron et Port-de-Bouc, ont développé des actions auprès des lycéens et dans des centres sociaux. La Méditerranée s’est élargie à la Géorgie, l’Iran, le Portugal. La proposition s’est étoffée : en 2009, une compétition de courts-métrages (13 en courts) et, depuis trois ans, les web séries, les tables rondes à la Villa Méditerranée avec Arte Actions culturelles, les master class, les hommages aux grandes réalisatrices-actrices au MUCEM, et, innovation de l’année, l’expo d’une sélection de photos distinguées lors du concours International Women Photographers Award.

Léonor Serraille auréolée de sa caméra d’or cannoise, et la prestation aux Variétés de l’interprète principale Lætitia Dosch (voir journalzibeline.fr). La soirée 13 en courts qui a comblé une salle comble ! (journalzibeline.fr). Mais aussi la table ronde du 11 octobre, la dernière à la Villa Méditerranée (promise à d’autres utilisations) autour de la question : Peut-on faire la paix avec sa guerre ? Un échange bouleversant entre femmes blessées : Lidija Zelovic née à Sarajevo, exilée à Amsterdam et dont le film My Own Private War était projeté ce jour-là, la poétesse et réalisatrice syrienne Hala Mohammed réfugiée à Paris et la Rwandaise Amélie Mutarabayire-Schafer qui œuvre à une réconciliation d’après génocide. Il y eut encore le sourire de Sandrine Bonnaire au MUCEM (journalzibeline.fr) et Kaouther Ben Hania dont La Belle et la Meute était programmé en avant-première, abordant dans sa leçon de cinéma aussi bien ses mésaventures de plateau sous l’angle de l’anecdote que la technicité du plan séquence. Il y eut des moments en demiteinte comme la clôture au Prado, Happily ever after de Nada Riyadh et Ayman el Amir, doc « thérapeutique » où la crise du couple double celle de l’Égypte, n’ayant pas attiré le public. C’est une photo de l’artiste palestinienne Raeda Saadeh qui a permis de composer l’affiche 2017 : elle s’y met en scène devant une façade de pierres grises et une fenêtre fermée. Elle a troué le fond d’un panier à provisions en plastique vert ajouré, y a glissé la tête et se présente de trois quarts en premier plan. L’image est forte, renvoyant tout à la fois au grillage des burqas, au moucharabieh des harems, au sac de ménagère nourricière prise au piège de la domesticité. Pour autant la tête est droite, le port altier, les yeux ouverts regardent au loin. Libres. Saadeh parle d’oppression mais aussi de révolte et d’un grain de folie. Une image qui correspond à l’esprit des Rencontres d’hier, d’aujourd’hui et on espère de demain, allégorie d’une belle énergie portée par de belles personnes. ELISE PADOVANI

Édition 2017 Il y eut des temps très forts dans cette édition 2017 qu’on ne pourra tous évoquer. D’abord, l’ouverture tonifiante avec Jeune Femme de

Les Rencontres Films Femmes Méditerranée ont eu lieu entre le 4 et le 22 octobre à Marseille et en Région.


84 critiques arts visuels

Des rives À l’écart des remous médiatiques, le musée Ziem restitue avec justesse la présence de l’étang de Berre à travers le regard de sept photographes.

À

l’inverse de la Sainte-Victoire dont on a su entretenir le mythe, l’étang de Berre cultive sa propre modestie. Lieu de vie, de travail, de villégiature et de tourisme relatif, réceptacle des mutations industrielles et urbaines, enjeu écologique (parfois mal compris des hautes autorités !), rêve napoléonien d’un espace commercial et militaire ou plus

Joachim Vallet, Sans titre, 1991, tirage argentique sur papier baryté. Musée Ziem, Martigues

Rendez-vous en photographie

L

a photographie à Marseille n’est pas un vain mot à l’heure où s’ouvre la galerie-librairie Zoème par Soraya Amrane, qui créa l’Atelier de visu où s’installent les Rencontres d’Arles au J1, et où le 7ème Festival de photographie contemporaine irrigue 25 lieux d’une succession d’expositions et de rencontres durant trois mois ! Avec des temps forts comme Roman photo au Mucem et Matière noire de Geoffroy Mathieu à La Friche de la Belle de Mai qui succède à Prémonition de Cécile Menendez. Exposition qui, bien qu’elle soit aujourd’hui décrochée, se prolonge sous la forme d’une coédition par Le Garage Photographie / Arnaud Bizalion. Autre temps fort le Prix Maison Blanche 2017 qui a réuni Aurélia Frey, Jef Bonifacino, Céline Villegas et Camille Lévêque autour du premier prix Corentin Fohlen. Là encore, son travail gardera une trace éditoriale dans une monographie publiée par Le Bec en l’air, quatrième tome de la collection La Photographie Marseille1. Dans les salons de la mairie des 9e/10e, son œuvre témoignait de la reconstruction du village de Morne-à-Cabri détruit par le tremblement de terre de 2010 à Haïti : tirages carrés soulignant la répétition géométrique des habitats tout neufs, lumière crue faisant saillir les angles architecturaux et verdir les feuilles des rares jeunes arbres… Ce chantier à ciel ouvert offre à Corentin Fohlen

l’occasion de développer un travail hyper structuré où les seules lueurs d’humanité sont un âne, un cheval et quelques silhouettes au jardin. Ni fantomatique, ni surréaliste, mais d’une réalité étrange. Après son accrochage au Frac, Le temps présent, journal de Pascal Grimaud a pris la direction du Musée d’art et d’histoire de Tarascon (voir page 91), laissant à Marseille le souvenir d’un travail inédit, à des années lumière de Maiden Africa ou Le bateau ivre. La galerie Maupetit accueille les séries Isographies d’Abed Abidat dont on apprécia

particulièrement Héritages, Déshéritages ; Paysages industriels de Marseille publié chez Images plurielles en 2015. Derrière ce mot-valise Isographies, le photographe se joue de notre capacité à regarder la « même photo » déclinée en 16 clichés apposés côte à côte dans un « cadre » carré. Le tout composant 13 récits à Londres, Jérusalem, Alger, Marseille… Prises sous un unique angle, les photos confrontent le lointain et la proximité, laissent l’action venir à elles, déroulent le fil de la narration imperturbablement. Une même photo et jamais la même qui jette le trouble. D’autres salves sont prévues en novembre et en décembre avec Elio Tisi à l’Espace GT, Philippe Conti au Studio Aza, Bernard Cantié à la galerie Rétine le lieu, Gilles Pourtier à la Straat galerie tandis que Federica Di Giovanni à l’Institut culturel italien et Yves Jeanmougin au Bistrographe sont toujours en cours. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Les chiens de fusil, Léa Habourdin (Zib’81) ; Srebrenica, nuit à nuit, Adrien Selbert ; L’inachevé, Julien Lombardi.

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Morne-à-Cabri © Corentin Fohlen, Prix Maison Blanche 2017

Le festival de photographie de Marseille jusqu’au 21 janvier 2018 laphotographie-marseille.com


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récemment espérance de reconnaissance par l’Unesco, « la mer de Martigues » constitue un territoire « rare, peu commun, au-dessus de l’ordinaire » selon la formule du conservateur en chef et commissaire de l’exposition Lucienne del’Furia.

Le bon motif À la suite des peintres -Ziem, Derain, Picabia, Dufy, Seyssaud et bien d’autres de L’École provençale- c’est seulement à partir des années 90 que l’étang de Berre intéressera des artistes photographes à travers leurs recherches personnelles ou des commandes, comme celle faite à Alain Ceccaroli, Bernard Plossu, Aldo Soares puis Joachim Vallet par l’Association pour la Méditerranée. Ce sera l’opportunité d’une exposition au musée en 1996 dont une partie constitue l’exposition actuelle, augmentée d’une sélection de clichés

issue du fonds du musée, enrichie des plus récents comme les chatoyantes vues nocturnes de Martigues par Marc Chostakoff. On se félicitera du choix des sept artistes comme autant d’approches singulières et opportunément dégagées du pittoresque local. Franck Pourcel, Joachim Vallet ou Aldo Soares cultivent à des degrés divers d’empathie, humanisme et sociabilité, ou individualité envers les habitants saisis dans leurs activités quotidiennes ou récréatives. Alain Ceccaroli rend compte sans fard des lieux naturels ou construits. Dans ses petits panoramas resserrés, Bernard Plossu restitue le littoral comme vu à travers une fente, chargés d’une surprenante fugacité. Davantage en plasticien, Alain Sauvan saisit des bribes graphiques, contrastes, matières et lumières offertes par le paysage et le bâti, des ruines parfois. Sept regards à

suivre avec un brin de nostalgie (suggérée par la profondeur des tirages argentiques noir et blanc sur papier baryté) et surtout bienveillance envers cet environnement si fragile. L’exposition s’accompagne d’un catalogue et de nombreuses activités, pour tous publics (gratuité) : une traversée ludique et participative avec la Cie Organon le 12 novembre, balade photographique dimanche 26 en compagnie de Michel Garofano, table ronde le 30 en présence des photographes et conférence par l’historien de la photographie, Michel Poivert, le 11 janvier. CLAUDE LORIN

Regards sur l’étang de Berre jusqu’au 28 janvier Musée Ziem, Martigues 04 42 41 39 60 ville-martigues.fr

simon starling à l’ombre du pin tordu maxime rossi christmas on earth continued &

la pergola

nouvel accrochage des collections

Expositions du 5 novembre 2017 au 18 mars 2018 “La pergola” → 10 juin 2018

Musée régional d’art contemporain Occitanie / Pyrénées-Méditerranée Comm iss Sandra ariat: Patron

146 avenue de la plage, Sérignan, mrac.laregion.fr


86 critiques arts visuels

Au fil du dessin Dans l’ancienne poudrerie royale de Saint-Chamas, Keita Mori a conçu une discrète et poétique installation murale in situ et éphémère. L’inattendu du paysage. Dans l’anse protégée de Saint-Chamas, au pied des falaises de safre, Keita Mori s’est imprégné de la vie villageoise et du cadre exceptionnel de l’ancienne poudrerie royale en partie restaurée. Sa restitution comprend une intervention extérieure, la présentation de Keita Mori, Network, intervention murale extérieure in situ, ancienne poudrerie de Saint-Chamas, 2017. © C. Lorin/Zibeline dessins et une vidéo est une des ultimes restitutions de de 2017 sur son travail, Strings. Dommage résidences proposées par Voyons Voir que l’accès à ces derniers, notamment pour le dans le cadre de sa programmation grand public peu familier de l’art contemporain,

C’

soit restreint à quelques dates (9, 16 et 23 novembre et sur rendez-vous les samedis). Le projet principal, Network, a consisté en une intervention murale extérieure, visible 24/24h mais appelée à disparaître. L’artiste a expérimenté sur un mur ancien non rénové sa technique et processus de travail singuliers : la pose de brins de textiles tendus fixés au pistolet à colle, légèrement en avant du support. Ces fils sont issus de vêtements collectés auprès des habitants puis détissés. L’artiste a doublé ainsi la paroi d’un second réseau de signes réalisés sans projet ni esquisse préparatoires. « Je ne connais rien de ce qui va venir. Il s’agit de trouver la forme inconnue au fur-et-à-mesure du travail » déclare-t-il volontiers. À l’inverse des installations monumentales de sa consœur Chiharu Shiota, on découvre ici un apport discret et organique, structurant et chargé de fragilité. Une sorte d’archéologie verticale éphémère qui renvoie à « notre système actuel politique, social où tout est bien écrit, préparé. Mais il y a des

L’Arlésien Jacques Réattu est à l’honneur avec une grande rétrospective au musée éponyme d’Arles et à la Chapelle Sainte-Anne.

A

rles tardait à rendre hommage à ce peintre plus connu par le musée qui porte son nom que pour son œuvre qui l’amena au grand prix de Rome en 1795 ! C’est chose faite avec cette importante rétrospective en deux lieux et un catalogue exhaustif fort réussi (éditions Somogy). « Arelatensis », « l’Arlésien » c’est ainsi que Jacques Réattu (1760-1833) affirmait à travers sa signature son appartenance à sa ville natale, nonobstant une installation tardive dans les bâtiments de l’Ordre de Malte. Ce néo-classique passé par la Monarchie, la Révolution puis l’Empire, choisit dès son entrée en formation la peinture d’histoire. Le « Grand Genre », suivant les normes académiques, est décliné sous les arcanes révolutionnaires, les références mythologiques ou plus tardivement religieuses. Occupant tout

La mort de Tatius, 1788, huile sur toile, 114x146 cm, Arles, Musée Réattu.

l’espace du musée, le parcours donne à voir de manière chronologique une centaine de peintures mises en parallèle avec des études, et le double de dessins, pour la première fois réunis. Une salle est consacrée entièrement au tableau, monumental et inachevé, La mort

d’Alcibiade, dans la pièce qui fut l’atelier du peintre. On appréciera le corpus de dessins, beaux exemples d’« académies » et anatomies, nus masculins, drapés, vues de paysage et diverses propositions de décors pour les théâtres et hôtels de ville de Marseille, Nîmes


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Ainsi soit Cézanne choses qui arrivent qui perturbent Ça » nous fait remarquer Keita Mori lors d’un entretien. C’est en 2011, profondément marqué par la catastrophe de Fukushima, que l’artiste rompt avec ses pratiques précédentes. Il développe depuis cette procédure singulière -sous la dénomination générique de « Bug report » (rapport d’erreur)- entre construction/déconstruction, entre fil déployé et le point de rupture nourrissant de nouvelles idées. Impressionné par l’environnement géographique et historique saint-chamasséen, l’artiste envisagerait un prolongement. « Il y a une histoire très chargée ici. J’ai envie de creuser et de revenir après cette résidence ». Histoires de tisser de nouveaux liens ? CLAUDE LORIN

Bug report’s Factory jusqu’au 30 novembre Ancienne poudrerie de Saint-Chamas 04 42 38 73 46 voyonsvoir.org

ou Lyon, le projet pour l’opéra de Marseille davantage baroque ou La toilette de Vénus de facture plus libre. À la chapelle Sainte-Anne (entrée libre), on découvre un rare ensemble de six grisailles monumentales à la gloire de la Révolution pour le Temple de la Raison de Marseille, peintes à la détrempe et récemment restaurées. La visite peut se compléter avec une petite exposition consacrée à Antoine Raspal, oncle de Réattu, reconnu pour sa figuration de costumes d’arlésiennes et référence encore aujourd’hui dans le monde de la mode. Si l’exposition ne révolutionne pas le genre, elle apparaît didactique et exhaustive, rigoureuse comme l’œuvre de Jacques Réattu. Et il faudra se rendre à l’église de Beaucaire, pour apprécier dans leur contexte architectural, trois tableaux religieux consacrés à Saint Paul, parmi les dernières créations de l’artiste. C.L .

Jacques Réattu, arelatensis – Un rêve d’artiste jusqu’au 7 janvier Musée Réattu, Arles 04 90 49 37 58 museereattu.arles.fr

d’une ville longtemps amnésique ! Aujourd’hui, « la ville sans Cézanne » est devenue « la ville de Cézanne » et le musée Granet fait preuve de pédagogie et de mémoire en relatant la constitution de la collection démarrée très tardivement : en 1936, grâce à des dons et des dépôts. Soit 30 ans après le décès du peintre. De la salle introductive émaillée d’une photo de Cézanne prise par Émile Bernard à l’atelier des Lauves en 1904, de coupures de presse dénonçant l’absence de l’artiste au musée d’Aix (!) et de quelques objets © Paul Cézanne, Vue vers la route du Tholonet près de Château Noir, 1900–1904, huile sur toile, 101.6 x 81.3 cm, familiers, jusqu’à la Fondation Henry et Rose Pearlman. Prêt de longue durée au Princeton University Art Museum, États-Unis. salle consacrée aux occasion était trop belle pour passer collectionneurs américains avec, en vitrine, à côté d’un tel projet ! Le dépôt par la un ouvrage dédicacé à Cézanne par son « vieil Fondation Henry et Rose Pearlman ami » Zola et retrouvé par John Rewald aux du tableau de Cézanne, Vue vers la route du États-Unis, l’exposition montre combien Tholonet près de Château Noir, a suscité « Cézanne avait un pied dans la tradition, un chez Bruno Ely, directeur et conservateur pied dans la modernité ». Il suffit de contempler en chef du musée Granet, l’envie de sortir la certaines œuvres pour s’en persuader : Bethcollection de ses réserves. D’offrir aux milliers sabée, un thème religieux peint sur la toile de de visiteurs de Cézanne en Provence en 2006, manière plus libre, à la matière transparente date de l’inauguration du musée, un supplé- et fluide ; Apothéose de Delacroix, à l’écriture ment de bonheur avec une exposition cent baroque, réalisé en hommage à un artiste pour cent cézanienne. Pas des chefs-d’œuvre auquel il vouait une profonde admiration ; ou à la cote mirobolante, sans doute, mais des encore l’aquarelle Paysage provençal réalisée œuvres sur papier, des gravures, des dessins, sans croquis préparatoire par Cézanne qui des aquarelles rarement exposés pour cause de tend vers une économie de moyens à la fin conservation délicate. Parenthèse rare d’une de sa vie, entre 1900 et 1904. approche intimiste du « maître d’Aix » avec, en À priori le dépôt de Vue vers la route du avant-première, des objets, des manuscrits, Tholonet près de Château Noir est acté pour des documents et des lettres autographes une année, mais le musée Granet espère de l’artiste à Camoin, Zola ou à sa famille, secrètement prolonger ce délai et renforcer qui figurent au programme d’acquisition plus encore les liens qui l’unissent depuis 2017-2018 du musée. De minuscules agendas 2014 à la Fondation Pearlman. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI de poche griffonnés, deux cartes de visite personnelles, sa dernière palette, ses boîtes de couleurs, un télégramme de Marie à son frère Paul lui demandant de venir au plus vite Cézanne at Home auprès de leur père… Un corpus qui donne jusqu’au 1er avril 2018 de la chair à la statue du commandeur et un Musée Granet, Aix-en-Provence enrichissement non négligeable pour le musée 04 42 52 88 32 museegranet-aixenprovence.fr

L’


88 critiques arts visuels

Mix au Mrac

I

Du son, des strates de souvenirs réactivés, distordus : les deux nouvelles expositions du Mrac à Sérignan remixent le temps qui passe.

The Liminal Trio plays the Golden Door, 3 photographies argentiques sur gelatine type LE/ virées au sélénium, 3 répliques de costumes, zampogna, kaval, sabots, 3 supports, 3 haut-parleurs, 1 fichier audio. Installation de dimensions variables. Photographe Jean Vong. Courtesy de l’artiste et Casey Kaplan, New York.

l y a une grande cohérence entre les nouveaux travaux exposés par Sandra Patron, directrice du lieu. Les deux artistes invités réfléchissent à comment convoquer certains éléments du passé dans notre présent sensible. Comme des biologistes futuristes, ils prélèvent des échantillons de souvenirs pour les ramener à la vie, dans une composition qui constitue

quelque chose d’une sur-actualité. Maxime Rossi, jeune artiste français qui a déjà exposé au Palais de Tokyo, au Centre Pompidou, à Naples, à Vienne, convoque les années 60, le psychédélique, et les fait rencontrer nos nouvelles technologies pour recréer le tube planétaire Louie Louie dans une œuvre immersive. L’exposition Christmas on

Earth Continued, produite par le musée, très technique (algorithmes informatiques, invention de prismes sonores, écrans permettant la superposition des différentes vidéos projetées simultanément) utilise les codes et esthétiques de la contre culture américaine des années hippies pour les propulser dans un univers qu’il qualifie de « post-informatique ». Tout est réinventé, recréé, des tenues des membres du groupe monté pour l’occasion, exposées tels des trophées fétichisés, aux images érotisées inspirées du film culte de Barbara Rubin, égérie underground proche de Warhol. Faire du neuf avec du vieux, pourrait-on se dire en voyant se découper notre ombre géante sur un cercle de lumière flashy style 33 tours. Peut-être vaut-il mieux alors oublier un peu les références, et plonger sans retenue dans cette expérience très sensuelle. Simon Starling, l’un des artistes britanniques les plus inventifs de la scène internationale, avec À l’ombre du pin tordu, présente 4 travaux réalisés récemment, où il fait dialoguer passé et présent, dans des installations qui multiplient le pouvoir évocateur d’une mémoire commune. Red, Green, Blue, Loom Music (2016) superpose

Sous les toiles

A

près avoir proposé une immersion dans l’atmosphère newyorkaise des années 70 aux côtés des chorégraphes qui inventaient un nouveau rapport au corps et à la scène, (A different way to move, voir journalzibeline.fr), le musée d’art contemporain du Carré d’Art à Nîmes présente l’émergence des 12 artistes qui décidaient, à l’occasion d’une exposition commune au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris en septembre 70, de former le groupe Supports/Surfaces. Le commissaire Romain Mathieu a choisi d’exposer des œuvres antérieures à cette date fondatrice. Le parcours ouvre des pistes et éclaire l’avant Supports/Surfaces, lorsque les liens n’étaient pas encore définis par une démarche théorisée, dans ce moment toujours émouvant à éprouver ensuite, où chacun cherche à sortir d’un carcan préétabli, où certains trouvent une sortie, où les essais entrent en cohésion, contre un ordre à dépasser, pour un mouvement à incarner. La première salle réunit des travaux qui se

placent juste avant le basculement dans ce que le commissaire a appelé « La crise du tableau ». C’était au temps d’avant le choix du support, où la réflexion se faisait sous la surface. Les artistes sortent de l’École des Beaux-Arts, certains appliquent encore un style très classique et figuratif (Daniel Dezeuze, L’atelier à Salinas, 1963 ; Louis Cane, Le port de Villefranche à l’œil, sans date), d’autres rompent déjà avec l’héritage de l’École de Paris, et s’affranchissent du cadre, de la toile, et même justement aussi de l’abstraction, qu’ils jugent trop enfermée dans l’espace clos de l’objet tableau. L’Agrafage II (1966) de Pierre Buraglio résume bien les prémisses de la démarche : l’œuvre est constituée de chutes de ses propres tableaux, découpées, assemblées, sans châssis, flottantes sur le mur. Parce que « la peinture s’édifie sur ses ruines », écrit-il à l’époque. François Rouan, (ces deux artistes ne s’apparenteront finalement pas au groupe), initiait ses fameux tressages, dont l’un des premiers (Tressage, 1965) est

Louis Cane, Louis Cane artiste peintre, 1967 - encre et timbre sur toile, 145 x 136 cm, collection de l’artiste © ADAGP, Paris 2017


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quatre strates de formes et de sons. Le cliquetis d’un métier à tisser utilisant le système de cartes perforées inventé par Jacquard au XVIIIe s., la partition composée par Rinaldo Bellucci en 2014 en hommage à ces notes industrielles, jouée par un pianola à carte trouée, traduite en langage machine pour être ensuite tissée. Starling a isolé et recréé une boucle temporelle. Les objets se suivent (les différentes cartes, la bande de tissu, le pianola, la vidéo de l’élaboration du tissage), les sons se mélangent, le temps se nourrit de ces expériences rétrospectives. The Liminal Trio plays the Golden Door (2017) pousse encore plus loin cette chrono-chimie. Découvrant un fonds d’archives de 250 photos prises par un administrateur d’Ellis Island au début du XXe s., Starling en retient trois portraits d’émigrants. Une Hollandaise, un Roumain, un Italien. Ils sont fiers de porter leur costume traditionnel et leur instrument de musique. L’artiste organise une rencontre. Les portraits, la réplique (en niveau de gris !) des costumes et des instruments, et l’enregistrement à New York d’un trio improvisé font mieux que ramener ces anonymes à la vie : une communion des sens particulièrement émouvante. ANNA ZISMAN

Simon Starling, À l’ombre du pin tordu Maxime Rossi, Christmas on Earth Continued jusqu’au 18 mars Musée régional d’art contemporain, Sérignan 04 67 32 33 05 mrac.laregion.fr

présenté ici : papiers déchirés, collés. Déstructuration des limites, réutilisation d’œuvres, désacralisation du résultat artistique. Les autres salles déroulent les étapes de l’agrégation du groupe. « Processus » expose la mise en place des pratiques et du discours : Claude Viallat adopte l’empreinte, Daniel Dezeuze impose un Grand châssis tendu de film plastique, revendiquant l’absence d’image, Jean-Pierre Pincemin expose une empreinte de tôle ondulée,… « Confrontations » propose une stimulante opposition entre Supports/Surfaces, Nouveau réalisme (Arman, Allure d’objets) et Pop Art (Andy Warhol, Cows). Le futur groupe s’est ensuite échappé hors des espaces d’exposition (« Le plein air ») et vers la sculpture (« Déploiement »). Lors du vernissage, la plupart des artistes sont là, déambulant de leur démarche hésitante. Ils écoutent sans broncher le jeune commissaire. Après des décennies d’émancipation, ils vivent en direct leur intronisation dans l’Histoire de l’art. A.Z.

Supports/Surfaces – les origines, 1066-1970 jusqu’au 31 décembre Carré d’Art, Musée d’Art Contemporain de Nîmes 04 66 76 35 70 carreartmusee.com

Volubilité muette, images loquaces

The somnambulist, 1970 © Ralph Gibson Lustrum Press Inc

O

n se promène dans l’exposition comme dans un livre géant, déplié doubles pages par doubles pages, à parcourir dans l’ordre ou en feuilletant au gré du regard et des images qui nous appellent. Gilles Mora clôture son cycle consacré à la photographie américaine avec une première : le directeur artistique du Pavillon populaire (Montpellier) reconstitue l’intégrale des trois livres édités entre 1970 et 1974 par Ralph Gibson. Après plusieurs années d’imprégnation intellectuelle et sensible, tant dans les sphères underground du New York de l’Hôtel Chelsea que dans la lecture de Robbe-Grillet et Merleau-Ponty, désireux de s’éloigner du travail documentaire ou commercial auquel il se destinait, le photographe invente une nouvelle façon de restituer les images. Dans trois livres pour lesquels il fondera sa propre maison d’édition (faute de trouver un éditeur prêt à le suivre), il organise ses prises de vue sans texte ni même légende, et entraine le lecteur/regardeur dans une histoire sans paroles où significations et récits s’entrelacent entre rêves, subtiles références rhétoriques, érotisme explicite. The somnanbulist (1970), Déjà-vu (1973) et Days at sea (1974), ensemble en noir et blanc puissant, aux magnifiques tirages contrastés, invitent à un voyage silencieux qui laisse la possibilité aux murmures des consciences et des souvenances d’affleurer sous le regard. Le songe prend le temps de s’installer dans chacun des cadres, où le temps semble arrêté, même lorsque passent des nuages. On extrapole, on imagine, on réfléchit : on anime les visions de Gibson d’une pensée sans cesse renouvelée, chaque fois que des yeux – il faudrait dire : une mémoire, une actualité, une histoire individuelle- s’arrêtent dessus. La juxtaposition des sujets joue avec les sens : beaucoup de métaphores (feu d’une passion lue sur un visage, incendie d’un salon de beauté sur la page voisine), de contraires, de ruptures, de rappels. Une multitude de pistes à suivre pour mieux bifurquer vers nos propres chemins dérobés, que Gibson nous encourage à défricher. A.Z.

Réédition en un volume de la Trilogie, avec un texte introductif de Gilles Mora, Hazan, 35 € Ralph Gibson. La Trilogie, 1970-1974 jusqu’au 7 janvier 2018, entrée libre Pavillon Populaire, Montpellier 04 67 66 13 46 montpellier.fr


90 au programme arts visuels bouches-du-rhône

Philippe Calandre Nouvelle venue à Aix, cette galerie consacrée à la photographie contemporaine propose les clichés d’architectures futuristes de Philippe Calandre. Photographe de presse, collaborateur de Damien Hirst ou Pina Bausch, ce grand voyageur déploie une œuvre personnelle faite de montages de photographies et de dessins numérisés évoquant l’univers de Métropolis. C.L. Utopia jusqu’au 9 décembre Galerie Goutal, Aix en Provence 09 67 80 32 56 galerie.goutal.com

© Philippe Calandre, Kepler N°1

Fadma Kaddouri « Regarde et souviens toi pour moi.
 Regarde le paysage de mon enfance et souviens toi pour toi » : ces vers tirés du poème de Fadma Kaddouri traduisent la perspective de ses prochaines recherches à La Non-Maison. L’artiste en résidence pourra poursuivre ses projets -installation murale, photo et pièce sonore- autour du Maroc des années 40 et d’aujourd’hui. M.G.-G. 14 octobre au 31 décembre La Non-Maison, Aix-en-Provence 07 61 67 32 86 lanonmaison.fr

Fadma Kaddouri, Souviens-toi pour moi, 2008 © The Artist

Radioactifs Quand SMITH (alias Dorothée Smith, plasticienne et cinéaste) et Antonin Tri Hoang (musicien), épaulés par Jean-Philippe Uzan (astrophysicien), se tournent vers la matière atomique en pensant à Marie Curie, c’est un conte photographique et musical dopé au Saturnium (substance imaginaire capable de courber le temps) qui s’invente aux marges du fantastique. Livre/CD aux éditions Actes Sud. C.L. Saturnium jusqu’au 3 décembre Chapelle du Méjan, Actes Sud, Arles 04 90 49 56 78 lemejan.com Saturnium, Luciole © SMITH

Laurent Corvaisier Laurent Corvaisier profite de sa carte blanche pour montrer des sérigraphies, des peintures, sculptures, planches originales de ses illustrations pour des albums jeunesse ainsi que des céramiques peintes à l’encre de chine. L’artiste plasticien laissera des traces de sa présence en tatouant les murs du centre d’art. M.G.-G. jusqu’au 27 janvier Centre d’art Les Pénitents Noirs, Aubagne 04 42 18 17 26 aubagne.fr/corvaisier

© Laurent Corvaisier


au programme arts visuels vaucluse var hérault

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Suzanne Hetzel Pendant un an, la photographe Suzanne Hetzel a suivi les transformations du musée avignonnais ré-ouvert récemment, et tout particulièrement le fonds des Angladon, anciens propriétaires des lieux. La restitution se répartit sous forme d’installations intégrées à la nouvelle muséographie. Rencontre avec l’artiste le 21 décembre à 18h30. C.L. jusqu’au 31 décembre Musée Angladon, Avignon 04 90 82 29 03 angladon.com

Lustre, superposition d’anciennes photos sur plaques de verre retrouvées dans les archives des Angladon © Suzanne Hetzel

Pascal Grimaud Dans la continuité de son exposition Le temps présent, journal au Frac Paca, Pascal Grimaud présente les fruits de son regard photographique sur l’évolution urbaine, plus particulièrement le territoire de Tarascon. Loin de l’ethnologie ou de la sociologie, il appelle ses images des « brouillons ». M.G.-G. Le temps présent : L’été commence au mois d’août jusqu’au 22 décembre Musée art et histoire, Tarascon 04 90 91 38 71 tarascon.org

vue d’exposition © X DR

Art au vert Nous savons ce que la nature nous offre. Mais qu’est-ce que les artistes nous donnent à voir en retour ? Éléments de réponses avec les œuvres - peintures, sculptures, photographies, dessins, installations, vidéos - de J. Arnaud, S. Bykowski, J-M. Cartereau, F. Jalain, D. Gentaud, S. Maurice, P. Newman, D. Van de Velde. C.L. Botanic’Art, Secrets de nature jusqu’au 3 décembre Centre d’art La Falaise, Cotignac 04 94 59 28 76 centredartlafalaise.com Jean ARNAUD, Triptyque « La flèche de plomb 03 », dessin numérique réalisé avec des scans du vivant, tirage sur calque, 2017. Photo : avec l’aimable autorisation de l’artiste

L’œil de Rodin Dans le cadre du Centenaire Auguste Rodin, le musée Rodin et le Musée des moulages de Montpellier tirent de la collection personnelle de l’artiste huit statues en bronze et une vingtaine de moulages. L’occasion d’aborder aussi la question des ateliers et des musées de moulages en Europe à la fin du XIXe - début du XXe siècle. M.G.-G. jusqu’au 27 janvier Musée des Moulages, Université Paul-Valéry, Montpellier 04 67 14 24 81 ccu.univ-montp3.fr Exposition L’œil de Rodin © Denise Olivier Fierro


92 au programme arts visuels hérault alpes-matitimes

Simulations L’invitation de Mécènes du sud à Philippe Riss-Schmidt inaugure le volet curatorial de sa programmation. Le fondateur de l’HyperPavilion à la Biennale de Venise évoque le thème des mutations technologiques, de l’ère numérique, des images 3D par le prisme d’œuvres de Vincent Broquaire, Alex McLeod et Paul Souviron réunies dans l’espace de la galerie et hors les murs. M.G.-G. jusqu’au 15 décembre Mécènes du sud, Montpellier 04 34 40 78 00 mecenesdusud.fr

Paul Souviron, Supercellulaire chapitre 2, 2017. Production Mécènes du sud Montpellier-Sète © Cédrick Eymenier

Avis de tempête C’est la pièce de Shakespeare qui résonne, emportée par une quarantaine d’artistes d’aujourd’hui. Leurs œuvres sont à même de semer le trouble dont l’origine se nourrit de cette « contradiction intérieure entre crainte et fascination ». Une sélection de Hugues Reip, commissaire d’exposition et artiste lui-même. Vernissage le 24 novembre. C.L. La Tempête 25 novembre au 11 mars Centre Régional d’Art Contemporain, Sète 04 67 74 94 37 crac.languedocroussillon.fr Hugues Reip, La Tempête, film d’animation n&b, 05’35’’, 2007. (Frac Corse, Corte)

Mehdi Zannad Architecte de formation, Mehdi Zannad explore l’espace urbain par le dessin sur le motif et la gravure à l’eau-forte en atelier. À découvrir : ses derniers travaux sur carnets Moleskine et un ensemble récemment acquis de ses gravures appelées Fantômes de villes. Une programmation conçue en partenariat avec le Frac ProvenceAlpes-Côte d’Azur et la ville de Mougins. C.L. jusqu’au 4 février Espace Culturel et Musée de la photographie André Villers, Mougins 04 92 92 50 42 / 04 93 75 85 67 fracpaca.org

Mehdi Zannad, Maison Castel, Marseille, 2017- Collection du Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur. Donation de la Société des Amis du Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur en 2015.

Camera Camera Le 1er Salon international d’art vidéo et d’art contemporain Camera Camera adopte un format singulier entre Chambres obscures et Chambres claires. Côté cour : Chambres, et côté jardin la sélection de 22 galeries. La remise du prix Camera Camera de la Meilleure chambre éphémère et du prix Ben de la Meilleure vidéo clôturera l’événement. M.G.-G. 24, 25, 26 novembre Hôtel Windsor, Nice 04 93 88 59 35 movimenta-camera.ovni.space © Pierrick Sorin, The French Madisson, 2014, Courtesy de l’artiste


critiques livres 93

Le courage d’être soi

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u début du roman Point cardinal de Léonor de Récondo, tout est calme. Faussement calme car on pourrait mourir d’ennui à partager la vie lisse et banale de Laurent, Solange et leurs deux ados. Ils avaient cru suivre leur bonne étoile et, patatras, ils vont bientôt perdre le nord ! Avec son style à la grâce limpide et fluide, l’auteure tant aimée de Pietra Viva en 2013 puis Amours en 2015, resserre les mailles du filet autour de cette famille lambda. Son texte, débordant d’empathie pour ses personnages, raconte la longue quête de Laurent vers son autre moi : Lauren. Ses interrogations, sa détermination, ses métamorphoses, sa force vitale pour dire cette vérité refoulée depuis l’enfance. Quitte à provoquer un tsunami, une déflagration immense dont il ne mesurera pas immédiatement les conséquences. De la résurgence de son être profond à son départ pour une clinique spécialisée à Bruxelles, Laurent laissera la femme prendre le dessus, s’appellera d’abord

Mathilda dans ses soirées au ZanziBar, avant d’opter définitivement pour Lauren. Sans « T ». Un long processus tortueux et délicat raconté en courts chapitres, dans une écriture simple et précise, de plus en plus nerveuse au fur et à mesure de sa colère grandissante,

de son combat, des regards désapprobateurs, du jugement et de l’incompréhension des êtres aimés. Montée en puissance de la vérité, révélations, apparition de « l’intruse » dans la vie familiale et sociale, rédemption, transformations physiques… Pour dire l’affirmation de soi et le courage d’être soi, l’auteure multiplie les détails de la vie quotidienne, scrute les apparences, rapporte des dialogues piqués à la réalité. Et, sans que l’on y prenne garde, opère un virement syntaxique furtif, presque indicible : le « elle » l’emporte sur le « il » à l’instant même où « Laurent se sent prêt à être prête ». Lauren est née, et elle le porte bien. Vite lu, vite refermé, Point cardinal fait finalement l’effet d’un livre trop volatile sur un sujet si singulier et rare en littérature. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Point Cardinal Léonor de Récondo Sabine Wespieser éditeur, 20 €

Sous le signe du cerf

L

a solitude de l’écrivain à la recherche de la vérité sur les traces d’un daim blanc ou de cerfs qui fuient dans la forêt est une des pistes de lecture du dernier roman de Yannick Haenel. Jean, le narrateur (c’était déjà celui du roman précédent Les renards pâles) nous emmène dans un périple d’interrogations, de rendez-vous manqués, de rencontres avec des personnages cocasses

ou inquiétants. Ainsi une concierge acariâtre, un voisin louche, des enquêteurs qui évoquent les Dupond & Dupont, un maître d’hôtel qui ressemble à Macron ne sont pas les seuls à nous intriguer ou à nous amuser. Jean semble circuler dans un grand jeu de l’oie où les événements se succèdent sans logique au gré de l’absorption de grandes quantités d’alcool. Il est contraint de quitter l’appartement qu’il loue, il a dépensé tout l’argent gagné avec ses derniers livres (car il est aussi écrivain...), il perd le dalmatien qui lui avait été confié. Enfermé, vautré sur son canapé, il visionne en boucle les films cultes de Coppola et de Cimino et tente d’oublier qu’aucun producteur n’a voulu de son scénario écrit en hommage à Melville. Le seul avis bienveillant est celui de son idole Cimino rencontré à New York. C’est le soir de son anniversaire, au cours d’une soirée mémorable à la fois tragique et loufoque à la brasserie Bofinger, que la rencontre de Léna, conservatrice du Musée de la chasse, déclenche un nouvel appétit pour la vie : « Je sais qu’une chose m’attend,

une chose étrange et riche – un trésor. » Ce sera sa réconciliation avec l’écriture, au bord d’un petit lac non loin de Rome. Son amour du cinéma et de la littérature, des images et des mots écrits au feutre rouge sur les murs de sa chambre, de leurs messages, lui ont permis aussi de se reconstruire. Il a tenu « ferme (s)a couronne ». Yannick Haenel signe là un roman dense et riche, ancré dans le quotidien, parfois sombre, mais animé d’une foi en l’homme et la littérature qui fait du bien. CHRIS BOURGUE

Tiens ferme ta couronne Yannick Haenel L’infini-Gallimard, 20 €


94 critiques livres

Lily de Marseille

U

ne grande figure marseillaise reprend vie sous la plume de Françoise Donadieu : Marie-Louise Double de Saint-Lambert ou Lily, épouse du comte Jean Pastré. Il ne s’agit pas véritablement d’une biographie, mais plutôt de l’évocation romancée de sa vie et de son rôle entre 1940 et1942 à Marseille, alors que la ville était en zone libre et voyait affluer de l’Europe entière des artistes qui fuyaient les persécutions nazies. La comtesse , suite à son divorce, s’était installée à Montredon depuis 1939 avec ses trois enfants. Son amour des Arts - et surtout de la musique – l’engagea presque naturellement à accueillir au domaine des artistes de passage. Ainsi ont défilé chez elle la grande Clara Haskil, pianiste encore peu connue, le compositeur Jacques Ibert, les surréalistes Breton et Desnos, des comédiens, des poètes… La comtesse n’ayant pas laissé d’écrits intimes, Françoise Donadieu a décidé de lui inventer une vie intérieure. Pourquoi pas ? Mais on est moins convaincu quand elle fait intervenir des récits fictifs sous forme de lettre ou de journal

« Mémorable comme un rêve fugace que l’on n’oublie jamais », lui fait dire l’auteure. Ce sera comme une préfiguration du Festival de musique d’Aix, dont la comtesse fut l’inspiratrice, mais finalement évincée. La création a lieu le 27 juillet 42 dans le Vallon des autruches. L’orchestre était composé de nombreux juifs qui avaient fui Paris. L’ombre brune plane. Clara Haskil, libérée grâce à l’intervention de Lily, part pour la Suisse. Le 12 novembre les allemands rentrent dans Marseille, le Château est réquisitionné. Le récit s’arrête là. La comtesse est morte en 74, l’année où son fils a vendu ce qu’il restait de la propriété. de son fils Pierre, de son frère décédé dans la bataille de la Somme en 1916, ou de MarieLaure de Noailles… On comprend l’intention de recréer les aspects de la personnalité de Lily comme autant d’éclats de lumière dans un miroir, mais la construction artificielle manque de spontanéité. La dernière partie évoque la création au Château Pastré du Songe d’une nuit d’été par Jacques Ibert.

CHRIS BOURGUE

Ecoutez l’interview de Françoise Donadieu par Alain Paire sur WRZ

Histoires de Lily, Comtesse Pastré Françoise Donadieu L’Atinoir, 18 €

Cicatrices et tournevis

D

’Audur Ava Ólafsdóttir on a découvert le superbe Rosa Candida en 2010 ; puis en 2016, Le rouge vif de la rhubarbe. Toujours la même force poétique, à la fois intimiste et universelle, toujours la même finesse dans l’approche de personnages originaux, dans le récit d’existences simples sublimées par des quêtes improbables, par un lien subtil et indéfectible à la terre, aux éléments, aux

gens, un sens aigu de la vie, une magnifique humanité. La romancière revient aujourd’hui avec Ör, qui lui a valu le plus prestigieux prix littéraire d’Islande. Ör, en islandais, signifie « cicatrices » ; de fait, c’est bien de chair, de blessures et de cicatrisation qu’il sera question dans le roman. Le début pourtant laisse craindre le pire : Jonas Ebeneser, « 49 ans, divorcé, sans envergure, sans vie sexuelle » c’est ainsi qu’il se définit lui-même - semble ne plus rien attendre de la vie, même s’il se fait tatouer un nymphéa immaculé sur le cœur. Crise de la cinquantaine, absence de perspectives, il se demande s’il ne vaudrait pas mieux en finir…. Alors il part pour un voyage sans retour dans un pays ravagé par la guerre. Avec très peu de bagages (puisqu’il ne compte pas faire de vieux os), mais tout de même sa caisse à outils et sa perceuse. Car Jonas est très adroit. Les trois femmes de sa vie (sa mère, son ex, sa fille, toutes trois prénommées Gudrun) lui ont toujours tout donné à réparer ; quand il se déplace, c’est donc

avec son matériel de réparation d’urgence. Et là où il arrive, à l’hôtel Silence, dans un pays sans nom (qui évoque de nombreux théâtres de guerre contemporains) où tout rappelle le désastre et les violences à peine passés, cela sera très utile. Plomberie, électricité, menuiserie… En réparant, Jonas panse les plaies du lieu, des gens qui l’habitent, les siennes aussi… Dans une note à la fin du livre, l’écrivaine explique : « Ör dit que nous avons regardé dans les yeux, affronté la bête sauvage, et survécu. » On ne saurait mieux résumer ce beau récit d’un retour à la vie. FRED ROBERT

Ör Audur Ava Ólafsdóttir (traduit de l’islandais par Catherine Eyjólfsson) Zulma, 19 €


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L’Apocalypse est de retour

M

algré un sous-titre un rien pompeux -12 leçons pour éviter la catastrophe- le livre d’Hervé Kempf publié au Seuil est un bon condensé de ce qui taraude notre moderne humanité. Tout est prêt pour que tout empire, certes, et le journaliste fondateur de l’indispensable site d’informations environnementales Reporterre revient avec clarté sur les racines du désordre. En remontant quelques décennies en arrière, il

analyse la façon dont les phénomènes climatiques et le terrorisme sont liés au capitalisme, leur articulation conduisant à « un état de guerre civile mondiale ». Son constat : plus rien ne s’oppose sérieusement à l’idéologie néo-libérale en ce monde, depuis la dissolution du communisme. « Aussi dévoyé et despotique ait-il été », il « obligeait encore les gouvernements des pays capitalistes à faire des concessions aux classes populaires afin de les empêcher de céder à ses sirènes ». Le résultat est un envol des inégalités sans précédents, entre pays pauvres et pays riches, mais aussi au sein de chaque société, en Occident comme ailleurs. Le réchauffement climatique, la pollution et la chute de la biodiversité, dont les politiques tardent à prendre la réelle mesure, fragilisent encore les plus démunis ; pourtant le culte de la croissance perdure. Hervé Kempf dénonce le progrès comme une idée morte, le développement durable comme un outil idéologique destiné à ne rien changer au modèle économique tout en prétendant intégrer la contrainte environnementale, et qualifie la catastrophe écologique en cours

d’Apocalypse sans rédemption. Dans le processus de guerre générale entre les nantis et les autres, les États se contentent d’appliquer les décisions du marché, mettent la focale sur l’identité nationale, et restreignent les libertés individuelles en profitant de l’impact des attentats. Malgré une montée en puissance des altermondialismes, on est très loin des mesures d’urgence qui seraient nécessaires : changer profondément la culture de la consommation énergétique et matérielle, réduire les inégalités et « sortir les pauvres de la mouise », renforcer l’autonomie des humains face à l’oligarchie qui se « pare du masque de la démocratie pour mieux nous assujettir ». Les « leçons » de M. Kempf se veulent revigorantes ; elles peinent à soulever l’espoir tant le contexte est effrayant, mais elles ont le mérite de désigner l’ennemi. GAËLLE CLOAREC

Tout est prêt pour que tout empire Hervé Kempf Seuil, 15 €

LA TEMPÊTE 25 novembre 2017 > 11 mars 2018

Centre Régional d’Art Contemporain Occitanie / Pyrénées-Méditerranée 26 quai Aspirant Herber F-34200 Sète / Tél. : 33 (0)4 67 74 94 37 crac.laregion.fr / Ouvert tous les jours 12:30-19:00 sauf mardi Week-end 14:00-19:00 Entrée libre et gratuite


96 critiques livres

Construire une conscience

L

e deuxième volet de la tétralogie de Pramoedya Ananta Toer, Enfant de toutes les nations, offre un nouveau pan de l’histoire des personnages auxquels nous nous étions attachés dans le premier volume, (voir critique du volet 1, Le Monde des hommes, journalzibeline.fr) : Nyai, cette femme extraordinaire d’intelligence et de clairvoyance, vendue par son père comme concubine à un riche propriétaire terrien

néerlandais, Minke, brillant jeune homme, titulaire du diplôme convoité du HBS, journaliste sous le pseudonyme de Max Tollenaar, le peintre français Jean Marais et sa fille la petite May, Darsam, fidèle gardien… Outre le récit prenant, qui tient le lecteur en haleine, Pramoedya Ananta Toer, dit « Pram », brosse un tableau passionnant de Java à l’aube du XXe siècle. Dans ce roman d’éducation, Minke découvre peu à peu les diverses facettes de la politique et des rouages économiques qui la conditionnent, au cours de conversations avec divers protagonistes : mécanismes complexes du colonialisme, mainmise sur les richesses de l’île, sucre, épices, guerres entre pays colonisateurs rivaux, mais aussi entre pays colonisés… L’administration première de Java par les Javanais n’est pas épargnée non plus, ferment de dictature fasciste. Pas de vérité en soi, mais des éclairages, des points de vue, qui permettent d’appréhender un monde composite, aux méandres tortueux. La pensée du personnage s’aiguise ainsi, à travers ces discours qui, chacun, sont susceptibles d’être convaincants, mais trouvent toujours une

raison d’être mis en question et discutés. Progression dialectique s’il en est. Les savoirs se confrontent, celui de l’occident, indispensable à tout progrès, ceux de Java, mais aussi de Chine, du Japon… Le tout lié au capital, assène Ter Haar, journaliste néerlandais, « le grand capital régente tout, la morale, le droit, la vérité et les connaissances ». Comment et que transmettre ? En quelle langue ? Minke écrit en néerlandais. On lui conseille la langue de son pays, le malais. L’écriture, lieu premier de résistance… Deux dates évoquent l’élaboration du livre de Pram, « Prison de Buru, raconté en 1973, écrit en 1975 »… Un texte de conteur, mais aussi d’homme qui lutta contre la dictature… MARYVONNE COLOMBANI

Enfant de toutes les nations Pramoedya Ananta Toer, traduit de l’indonésien par Dominique Vitalyos éditions Zulma, 24,50 €

Bas les masques

E

n exergue à son dernier roman, Dennis Lehane cite Descartes : « Je m’avance masqué. » Il est vrai qu’Après la chute ressemble bien à une histoire de masques qui tombent. Née dans le Massachusetts, élevée dans le milieu universitaire, Rachel n’a jamais connu son père. Sa mère Elizabeth, brillante, dominatrice et solitaire, ne lui a révélé qu’un nom, James. Puis elle est morte accidentellement, laissant sa fille dans l’ignorance. La première partie du roman tourne donc autour de la quête du père inconnu. Rachel, parallèlement, devient une journaliste TV reconnue. Tout va pour le mieux dans le joli monde des médias jusqu’à ce que Rachel, après un reportage particulièrement dur en Haïti, soit victime en direct d’une attaque de panique. C’en est fini de sa brillante carrière. Heureusement Brian est là, qui va l’aimer, l’aider à surmonter ses phobies jusqu’au jour où… « Je voulais écrire un roman hitchcockien » a déclaré Lehane. C’est un fait, le retournement brutal de l’intrigue, les

rebondissements inattendus, l’accélération du tempo, la question du mensonge et de la confiance ne sont pas sans évoquer certains films du maître du suspense, Vertigo en particulier. La notion de chute aussi pourrait faire de ce récit un grand thriller psychologique : l’amour comme « dégringolade pour tous les deux ». C’est d’ailleurs ce que le titre original

suggère : Since we fell, en référence au premier slow dansé par le couple, Since I fell for you. Hélas, est-ce l’accumulation de péripéties peu crédibles ? Sont-ce les dialogues, trop ciselés pour être honnêtes ? Le lecteur reste en périphérie de ce page turner efficace mais assez creux. Du créateur des ténébreux Mystic River et Shutter Island, brillamment adaptés à l’écran par Clint Eastwood et Martin Scorsese, on attendait mieux. Le soleil de L.A. aurait-il tari l’inspiration du Bostonien Lehane ? Conseillons-lui alors de retourner se gorger des brumes et de la pluie de sa ville. Boston, dont il fait ici encore le cadre principal d’une intrigue trop hollywoodienne pour convaincre. FRED ROBERT

Après la chute Dennis Lehane éditions Rivages 22 €


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L’Autre Rêve

l’Imaginaire, se déplie en cascade de rencontres et de situations surprenantes autour du héros adolescent, Benoît Brisé, en quête de ses origines, et du sens à donner à sa présence dans cet univers. Entre roman de formation, roman des origines et vaste parabole sur les étrangetés humaines, L’Autre Rive parvient, dans un style ciselé et une prose ample, à tenir ensemble l’humour : le bas, le vulgaire et le raffiné. Glissant de songe

en songe, de curiosité en curiosité, le grand cabinet de l’écrivain déplie nos questions : des plus informulées aux plus universelles. La beauté des fantasmagories envoûte et les espécimens (à découvrir dans un des musées mystérieux d’Ecorcheville ) renvoient aux mythes homériques et en créent de nouveaux (comme Ménélos, cet acrobate volant). Les détours de la fable sont d’abord savoureux et croustillants. Ils puisent ensuite dans cette capacité fabuleuse à renouveler notre regard sur le monde et sur nous-mêmes. Le culte de la bizarrerie et l’esthétique du laid, prôné par les modernistes, tout comme la présence de personnages marginaux charment et interrogent le lecteur. Et si l’autre rive était celle sur laquelle nous sommes : celle d’où viennent les monstres les plus fascinants car les plus incompréhensibles ? DELPHINE DIEU

L’Autre rive Georges-Olivier Châteaureynaud Éditions Zulma, 9,95 €

LA VIE SIMPLE − SIMPLEMENT LA VIE SONGS OF ALIENATION 7.10.2017 — 2.4.2018

PAWEL ALTHAMER JONATHAS DE ANDRADE YTO BARRADA ANDREA BÜTTNER DAVID CLAERBOUT SANYA KANTAROVSKY NICOLAS PARTY DAN PERJOVSCHI JUERGEN TELLER OSCAR TUAZON VINCENT VAN GOGH 35 ter, RUE DU DOCTEUR-FANTON,13200 ARLES FONDATION-VINCENTVANGOGH-ARLES.ORG

Juergen Teller, Self-portrait, Plates/Teller No.36, 2016. Impression giclée non encadrée, 152,4 x 101,6 cm. © Juergen Teller, tous droits réservés.

L

orsque l’on débarque dans l’univers du roman foisonnant de Georges-Olivier Châteaureynaud L’Autre Rive, réédité chez Zulma pour les 10 ans de l’ouvrage, l’œil a d’abord du mal à se faire aux lieux, à la fois réalistes et insolites, ainsi qu’aux personnages inquiétants, monstrueux, autant attachants qu’effrayants. La fascination opère cependant rapidement. Une fois le regard acclimaté aux eaux troubles de cette ville autarcique au nom programmatique d’Ecorcheville, une fois pris par ce tourbillon d’êtres aussi fantastiques que gorgés d’une vision oblique, fantaisiste de notre monde, alors la lecture devient goulue et curieuse. Toujours. La poésie des relations, le caractère haut en couleur des habitants de cette ville, la surprise mêlée d’amusement face aux frasques de chaque créature présentée tient en haleine et l’on en viendrait à rêver d’aller sur les rives de ce Styx, fleuve magique clôturant la ville, miroir tendu, vitreux, piqué, de notre pauvre monde. La puissance imaginative de l’écrivain, récompensé en 2009 par le Grand prix de


98 critiques livres

« La guerre d’Algérie n’a pas eu lieu »

J

eudi 12 octobre. Brigitte Giraud est la première auteure invitée à L’Attrape-mots dans le cadre du quinzième anniversaire de la librairie marseillaise. Elle est venue parler de son neuvième roman (et douzième livre), Un loup pour l’homme, consacré à ce que l’on a longtemps appelé les « événements d’Algérie ». Un sujet qui a d’ailleurs inspiré plusieurs romans de la rentrée littéraire. Et qui lui a pris, à elle, une vingtaine d’années. Vingt ans avant de parvenir à trouver l’angle pour retracer l’histoire de ses parents. De son père, appelé en Algérie à vingt ans, et qui avait choisi une formation d’infirmier afin de ne pas avoir à tenir une arme. De sa mère, enceinte, venue le rejoindre au mépris du danger. D’elle enfin, qui a passé les premiers mois de sa vie sur le sol algérien et n’y est jamais retournée. De ces données biographiques Brigitte Giraud a fait un roman. Tendu. Emouvant. Une fiction rédigée pour une fois à la troisième personne, mais toujours dans un présent qui permet d’être avec le personnage ; et sans dialogues, car seules comptent les sensations, les impressions. Omniprésence des corps, des sens, des gestes,

irrémédiablement traumatisés par ce qu’ils ont vu, et fait. Parmi eux Oscar, un soldat amputé et mutique, avec lequel Antoine noue un lien particulier. Oscar qui ne se remettra jamais de sa rencontre avec les loups… Pas facile dans ce contexte de communiquer avec Lila, pas facile de devenir père. Pour Antoine, comme pour beaucoup d’appelés, le départ pour l’Algérie a été le premier grand voyage, la première Aventure. C’est cela aussi que raconte ce roman à fleur de peau, « tout ce qui fait un homme à vingt ans ». FRED ROBERT

qui en disent plus long que les mots, dans cette époque de silence (l’armée n’est-elle pas surnommée « la Grande Muette » ?) où les appelés ne savent pas grand- chose de ce qui se passe en réalité. Antoine l’infirmier y découvre peu à peu ce qu’on se refuse à appeler la guerre. Lui qui croyait s’en tenir éloigné se trouve en fait aux premières loges, puisqu’il soigne, écoute, réconforte les « soldats en pyjamas », blessés dans leur chair et souvent

Brigitte Giraud était invitée à Marseille dans le cadre d’Automne en librairies, une manifestation littéraire organisée par l’association Libraires du Sud. Un loup pour l’homme Brigitte Giraud Flammarion, 19 € Les soirées littéraires et festives du quinzième anniversaire de la librairie L’Attrape-mots se poursuivront au mois de novembre, avec entre autres une rencontre avec Éric Reinhardt. librairie-paca.com

Opéra toxique

V

oici un « premier roman » éruptif et suffocant qui échappe aux réserves implicites liées souvent au « label ». Guillaume Poix écrit dans un même temps pour le théâtre, et Les fils conducteurs a été doublé de sa version pour la scène : Waste a été monté en septembre à Genève, ville d’ailleurs point de départ du récit puisque c’est la réouverture

du Musée d’Art et d’Histoire en 2025, ou plutôt le devenir des déchets de sa rénovation écologique qui lance la narration très loin vers le Ghana, dans la décharge d’Agbogbloshie, enfer à ciel ouvert où se pratique le tri des rebuts high-tech de la planète. C’est une histoire de garçons, ils ont des mères, ce sont donc des « fils » qui fonctionnent plutôt comme des rôles que des personnages : Thomas, photographe fébrile lesté de sa bourse Total et d’une impressionnante trousse de médicaments s’envole pour l’Afrique ; Jacob, orphelin de père à 11ans et ses compagnons du « secteur informel » Isaac et Moïse, esclaves du XXIe siècle, fouillent la montagne d’ordures électroniques ; les très méchants Wisdom et Justice organisent un autre trafic, celui de « la croupe qui se colonise de mâlerie » autrement appelé « le soin » ; il y a Ama, la mère-courage, et aussi Gifty la petite marchande de briquets ; la distribution est complétée par le monstrueux Daddy Jubilee qui fait commerce de vieux téléviseurs déglingués, et la force du destin bien sûr. Plomb, mercure, cadmium

« incantation revigorante » et Golden Gate griffonné en lettres rouges sur une pancarte en bois : voilà tout le décor campé au cœur des ténèbres par une langue à circulation rapide, à balayage minutieux d’une sordide réalité vue de si près qu’elle confine au fantastique ; une prose d’enfer que le jeune auteur travaille de l’intérieur et d’où jaillit une véritable cantate funèbre pour ces Misérables de notre temps. MARIE-JO DHO

Guillaume Poix a été l’un des invités d’Automne en Librairies et fera une lecture le 22 novembre dans le cadre des vendredis de Montevideo, à Marseille.

Les fils conducteurs Guillaume Poix Éditions Verticales 18 €


Métropole Aix-Marseille-Provence — 58 boulevard Charles Livon — 13007 MARSEILLE — Création : DGACREGE — Photo Thinkstock © epatrician — Octobre 2017

Excepté pour le spectacle « Au secours ! Les mots m’ont mangé » de et par Bernard Pivot dans les salles de spectacle d’Aubagne, Carry-le-Rouet, La Ciotat, Lambesc et Salon-de-Provence. (2) Liste disponible sur simple demande à lecturenature2017@ampmetropole.fr (1)


Mucem

Exposition permanente

Connectivités—Galerie de la Méditerranée

Partenaires Ymane Fakhir, Route El Jadida, Casablanca, Maroc, 2006 © Adagp, Paris 2017 Casque ottoman, Turquie, vers 1520. © Paris—Musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Emilie Cambier

Avec le mécénat de Assiette à décor, Turquie vers 1575. Cité de la céramique, Sèvres © RMN-Grand Palais (Sèvres, Cité de la céramique) / Martine Beck-Coppola

Mucem.org Design graphique : Spassky Fischer


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