Territoires du Social - Janvier 2019 - Alimentation

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4 • 9 € Janvier 2019 • Nº 49

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Interview “ 20% de bio dans la restauration collective ? Mais si c’est possible ! ” Florent Guhl directeur général de l’agence Bio

Positionnement /////////////

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Dossier national

La qualité de la recette ne se mesure pas à la quantité d’ingrédients

le PROJET d’Alimentation Territorial

Social : la malbouffe n’est pas une fatalité

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focus

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Territoires du social

Janvier 2019

Numéro 494

Dossier du mois

Social : la malbouffe n’est pas une fatalité

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L’action sociale au national 8

POSITIONNEMENT

La qualité de la recette ne se mesure pas à la quantité d’ingrédients 11

INNOVATION

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JUridique

Lit médicalisé et mesures de contention 8

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La Fabrique des CCAS/CIAS : passer de l’idée au projet

L’action sociale au local

INTERVIEW

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Florent Guhl, directeur général de l’agence Bio

FOCUS

LA DRôME

Le CCAS pilote une offre d’alimentation de qualité

Le Projet d’Alimentation Territorial

Un département très bio

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©

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EUROPE

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Epinay-sous-Sénart

DOSSIER DU MOIS

Du jardin à l’assiette

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Inquiétudes sur l’aide alimentaire européenne 30

Formation CCAS de La Madeleine

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Social : la malbouffe n’est pas une fatalité

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CCAS de Saint-Flour

A La Madeleine, des bons alimentaires « verts »

Analyse des besoins sociaux adaptée aux communes de moins de 10 000 habitants


Territoires du social

Janvier 2019

Mot d'humeur

Numéro 494

Bonne année ! ui dit premier numéro de l’année (nouvelle formule !) dit occasion de revenir sur celle qui se termine et prendre de bonnes résolutions pour celle qui vient. 2018 a été une année marquée par la nécessité de traduire en actes une indispensable ambition sociale. Cela fait longtemps que les CCAS et CIAS l’expriment à plusieurs niveaux. A l’approche des fêtes, la réalité s’est chargée de le rappeler à tous. Cette année a été marquée par plusieurs plans ambitieux auxquels l’Unccas a été associée. Les colonnes de ce magazine s’étant largement fait l’écho de toutes les actions où nous avons été présents, nous n’en retiendrons que deux : la stratégie pauvreté et la concertation grand âge et autonomie. Celles-ci témoignent d’une prise de conscience nécessaire, au plus haut sommet de l’État, de sujets trop longtemps tenus sous le boisseau de Bercy. L’avenir nous dira si les démarches engagées, au cœur de politiques à moyen et à long terme, portent leurs fruits. Dans l’immédiat, les mouvements du mois de décembre rappellent à quel point des réponses d’urgence sont attendues. Cette urgence, les adhérents de l’Unccas la connaissent, eux qui sont confrontés jour après jour aux difficultés de nos concitoyens. Eux dont nous savons aussi qu’ils mettent tout en œuvre au quotidien pour apporter des solutions concrètes. En fait, à y réfléchir, rien de neuf puisqu’il s’agit de faire que l’année qui démarre soit meilleure que celle qui se termine et de considérer le 1er janvier comme un éternel renouvellement. La tradition veut que nous ayons jusqu’à la fin du mois pour nous souhaiter la bonne année. Comme dans une célèbre chanson, faisons donc le souhait en janvier 2019 de nous souhaiter plein de bonnes choses pendant 365 jours. Benoît Calmels, délégué général

Actes • Territoires du Social Janvier 2019 UNCCAS, 11 rue Louise Thuliez, 75019 Paris. 91e année • n° 494 • 2019 • Déclaration à la Préfecture du Nord le 26/11/1926 (n° 1 939) Commission paritaire des papiers de presse n° 0419G79123 • Numéro d’identification aux contributions indirectes Lille : 44.559.599.006 N° SIRET : 783 852 791 00079 • N° ISSN : 1294-4661 Tirage : 7 000 exemplaires © Tous droits de reproduction réservés. 10 numéros par an. Dépôt légal à parution. Directrice de la publication Hélène-Sophie Mesnage hsmesnage@unccas.org

Rédactrice en chef Élodie Lamboley elamboley@unccas.org

Publicité François Pardoen •

Contributeurs Elodie Bacoup, Christèle Calmier, Valérie Guillaumin, Sophie Le Gall, Carole Péan, Boris Ryczek. Abonnement Prix de l’abonnement annuel (10 numéros, prix frais de port inclus – y compris DOM-TOM) : adhérents premier abonnement : – 73 € (ville de plus de 3 150 habitants) ; – 32 € (ville de moins de 3 150 habitants). Non adhérents : 85 €. Prix à l’unité : 9 €. actes@unccas.org

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Crédit photos Stéphane Astier (Illustration) • Istock • Shutterstock Conception graphique Philippe Cartault • philippe@kartografik.net Production Com on Mars •

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Impression Impression Directe 61 avenue de la Fosse-aux-Chênes, 59100 Roubaix.


actus Zoom

MANAGEMENT : Le CCAS de Versailles récompensé par Direction[s]

En chiffres

« GILETS JAUNES »

Aide alimentaire

Que propose votre CCAS/CIAS ?

5,5 millions de personnes ont eu recours à l’aide alimentaire en 2016 selon la DGCS. C’est plus du double qu’en 2009. La France comptait alors 2,6 millions de bénéficiaires.

Guide Les clés de compréhension du CCAS-CIAS Statuts, champs d’intervention, fonctionnement… Cette nouvelle édition, vendue 25 €, donne aux élus et professionnels toutes les informations essentielles sur les CCAS et CIAS.

A la Maison d’Eole, foyer de vie piloté par le CCAS de Versailles, ce sont depuis 2017 les salariés qui gèrent au quotidien la répartition de leur travail et qui décident des recrutements, des renouvellements et non-renouvellements de contrats. Pendant ce temps, la direction se consacre à donner du sens à l’activité. Cette approche, participative et ambitieuse, a été récompensée lors du quatorzième Trophée du magazine Direction[s].

seules institutions de proximité où travaillent, sur un pied d’égalité, élus locaux, représentants associatifs et acteurs locaux de la solidarité. Cela leur donne un rôle particulier à jouer, face aux enjeux que rencontre aujourd’hui notre pays. C’est pourquoi l’Unccas propose à ses adhérents, de façon complémentaire à l’opération Mairies Ouvertes lancée par l’AMRF et l’APVF, d’organiser au cours des trois prochains mois une consultation sur leur territoire (commune

Dans le cadre du débat national annoncé par le Président de la République, l’Unccas souhaite aider les CCAS et CIAS à apporter leur contribution. Proches des demandes de la population grâce aux analyses des besoins sociaux qu’ils sont tenus de mener ou grâce à l’accueil et l’accompagnement au quotidien qu’ils proposent aux plus fragiles, les centres communaux et intercommunaux d’action sociale sont en outre les

ou intercommunalité), dans le cadre d’un conseil d’administration exceptionnel ou d’un conseil d’administration élargi. La délégation générale de l’Unccas transmettra les propositions au gouvernement en réalisant une synthèse destinée à dégager les axes de consensus portés par les CCAS/CIAS et les points en débat. Participer : https://www. unccas.org/consultationnationale

Voir : https:// www.unccas. org/publication

EN CHIFFRES Agriculteurs et travailleurs pauvres

Crédits : Shutterstock

En 2016, près de 30% des agriculteurs gagnait moins de 350 € par mois selon la MSA, avec un revenu annuel de 13 000 à 15 000 €.

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positionnement

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LA QUALITÉ DE LA RECETTE NE SE MESURE PAS...

De même que peu d’entre nous se souviennent des Etats généraux de l’alimentation organisés en 2000, qui se souviendra des Etats généraux de l’alimentation de 2017 ? On peut se poser la question tant le décalage semble important entre les grandes ambitions affichées lors de la concertation lancée tambour battant à l’été et la loi EGALIM publiée le 30 octobre dernier. Une loi au final plutôt centrée sur le rapport de force entre distributeurs et producteurs avec en filigrane des craintes sur le pouvoir d’achat des consommateurs à un moment où ce sujet est on ne peut plus sensible. Au beau milieu de tout ça, quelques mentions laconiques sur la lutte contre la précarité alimentaire, un sujet de mobilisation des CCAS, à plusieurs niveaux.

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Numéro 494


Une grande marmite, gage de réussite ? Contrairement aux Etats généraux de 2000 focalisés sur les seules questions de la qualité et de la sécurité alimentaire – ce qui était déjà pas mal - le périmètre des EGA de 2017 était d’entrée de jeu beaucoup plus vaste.

En réalité, en dehors de quelques dispositions phares et controversées inscrites dans la loi EGALIM, on serait bien en peine de dire comment se traduiront dans les faits toutes ces bonnes intentions issues des états généraux. Au point de se demander si ces derniers sont bien à la hauteur des ambitions de départ et des attentes qu’ils ont suscitées.

Au niveau des objectifs tout d’abord, résumés en ces termes par le Président de la République : « permettre aux agriculteurs de vivre du juste prix payé, de permettre à tous dans la chaîne de valeur de vivre dignement mais aussi permettre à chacune et chacun d’avoir accès à une alimentation saine, durable, sûre. » Des objectifs déclinés au travers des 14 ateliers organisés pendant plusieurs mois sur des thèmes aussi divers que l’économie du bio, les marchés internationaux, l’attractivité du prix d’achat des produits agricoles, la sécurité sanitaire, les relations commerciales entre producteurs, transformateurs et distributeurs, la lutte contre le gaspillage, l’alimentation durable, l’accès à l’alimentation, les métiers agricoles, les investissements…. N’en jetez plus !

Entre autres rares mentions concernant les collectivités territoriales, on retiendra l’instauration d’au moins 20% de bio dans les cantines à l’horizon 2022. Mais aussi une incitation à mettre en œuvre des projets alimentaires territoriaux (PAT) d’ici 2020 pour structurer l’approvisionnement en circuits de proximité. Du côté de la lutte contre la précarité alimentaire, les CCAS sont bien cités parmi les acteurs mobilisés. Quand on sait que l’aide alimentaire qu’ils proposent est estimée à plus de 112 millions d’euros et qu’elle fait partie du trio de tête des demandes d’aides facultatives, on n’en attendait pas moins. La loi est aussi l’occasion de rappeler à l’ensemble des acteurs impliqués des exigences de traçabilité. Mais dans l’immédiat, l’impact des EGA est moins à rechercher au niveau des pratiques des CCAS qu’au niveau de leurs publics.

Un grand chantier source de nombreux débats au regard aussi du nombre de participants évalué à plus de 700 - producteurs, industries agroalimentaires, distributeurs, consommateurs, élus, partenaires sociaux, acteurs de l’économie sociale et solidaire, acteurs de la santé, ONG, associations caritatives, assurances… - auxquels sont venues s’ajouter près de 17 000 contributions recueillies sur un site web dédié, 70 ateliers organisés localement, etc.

Rapport de force Notons qu’à l’inverse des EGA de 2000, ceux de 2017 ont associé la grande distribution aux débats ; une grande distribution dont on connait le poids prépondérant dans la filière alimentaire puisqu’elle représenterait 60% des ventes. Pas étonnant que bon nombre de dispositions de la loi concernent surtout les rapports de force entre distributeurs et producteurs, autour de notions barbares pour un non initié tel que le relèvement du seuil de revente à perte (qui interdit de revendre moins cher que le prix d’achat) ou d’autres, plus concrètes, comme la limitation des promotions pratiquées sur les denrées alimentaires.

"qui se souviendra des États genéraux de l’alimentation de 2017 ?"

Dont acte. Mais une question demeure : mettre autour de la table des interlocuteurs aux intérêts et au poids, notamment économique, si divers était-il gage de réussite ? Rien n’est moins sûr. Certes, ce type de grand-messe permet de passer en revue tous les sujets. On parle bien d’états généraux, pas d’une quelconque réunion de travail. Chacun se dit alors qu’il faut y être. Que c’est l’occasion de faire valoir ses positions. D’ailleurs, l’Unccas a participé à l’un des ateliers sur l’accès à l’alimentation. Mais au final, qu’en reste-t-il ? Un soufflé ratatiné ?

De manière schématique, l’équation consiste ici à concilier les intérêts profondément contradictoires des producteurs/ agriculteurs qu’il s’agit de payer correctement, des consommateurs sensibles au meilleur rapport qualité/prix, et entre les deux, des distributeurs habitués à tirer au mieux leur épingle du jeu. Les ordonnances du Gouvernement prévues en fin d’année étaient censées résoudre l’équation et l’inscrire dans les textes, avec le risque d’une double insatisfaction : du côté des producteurs, dont il est peu probable qu’ils voient leurs bénéfices augmenter radicalement ; du côté des consommateurs, dont le pouvoir d’achat risque au final d’être entamé. Ces mêmes consommateurs dont les plus modestes sont aussi potentiellement les publics des CCAS pour qui les dépenses d’alimentation sont souvent au cœur d’un très fragile équilibre budgétaire.

Dans l’assiette des collectivités Au menu des six pages de conclusion, le chapitre « promouvoir les choix de consommation en privilégiant une alimentation saine, sure, durable et accessible à tous », va ainsi du « renforcement des pouvoirs de contrôle de l’Etat » à « l’information des consommateurs », en passant par la « prévention du gaspillage alimentaire » ou « la prise en compte de l’alimentation comme un déterminant majeur de la santé. » Mais avec des formulations qui relèvent davantage du vœux pieux que de l’action concrète. Exemple : « l’aide alimentaire sera élargie à une approche plus globale de lutte contre l’insécurité alimentaire. » Soit.

... À LA QUANTITÉ D’INGRÉDIENTS 9

Suite page 8.


positionnement Interview

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Numéro 494

Pouvoir d’achat, pouvoir d’agir Lors d’une réunion ministérielle à laquelle participait récemment l’Unccas autour de la notion de reste pour vivre, l’un des participants s’interrogeait ingénument sur l’intérêt ou non de prendre en compte les dépenses d’alimentation dans le calcul des charges des ménages. Une question loin des pratiques des CCAS qui retiennent plutôt les dépenses dites contraintes (logement, charges, assurances, etc.) pour évaluer justement les marges de manœuvre possibles, bien qu’extrêmement réduites, sur les postes tels que l’alimentation. Mais une question qui souligne néanmoins l’importance de cette dépense essentielle. L’alimentation est naturellement au cœur de nos préoccupations quotidiennes. Elle est aussi un indicateur socio-économique révélateur non seulement de l’évolution de nos modes de consommation, voire de « consomm’action », mais aussi de l’état de notre société. Le contexte explosif de ce mois de décembre l’a montré. Dans nos sociétés de consommation, il importe de prendre toute la mesure du lien très étroit entre la notion de pouvoir d’achat, de pouvoir d’agir, et donc du besoin de reconnaissance d’une citoyenneté pleine et entière que les difficultés financières ne sont pas censées remettre en cause. Ne pas faire le faire revient à prendre le risque de s’exposer à des situations de crise à la fois sociale et politique. D’aucuns s’y sont laissés prendre lors des derniers états généraux du royaume en 1789. On sait ce que cela a donné par la suite…

30% des CCAS LA COORDINATION DE L’AIDE ALIMENTAIRE : LA RÉPONSE DES CCAS AUX ENJEUX ALIMENTAIRES DU TERRITOIRE Le constat est formulé par de nombreux CCAS depuis plusieurs années : le manque de concertation entre les acteurs de l’aide alimentaire est une réalité. Le manque de visibilité et de lisibilité de l’offre proposée sur le territoire, l’absence d’une réflexion partagée sur les nouvelles pratiques d’aide alimentaire empêchent de favoriser dans de bonnes conditions le libre choix des personnes et la qualité des produits. D’où l’importance de l’animation territoriale de l’aide alimentaire et du travail sur la complémentarité et la coordination des réponses. Les CCAS / CIAS sont nombreux à tenter de répondre à ces enjeux sur les territoires, comme à Bordeaux et Marennes. Selon un recensement réalisé au printemps 2017 par la Direction générale de la Cohésion sociale (DGCS), en lien avec l’Unccas, 30% des CCAS (et près de 4 CCAS sur 5 pour les communes de plus de 10 000 habitants) réalisent un travail de coordination des acteurs de l’aide alimentaire. Ce travail se traduit en général par l’animation de réunions d’échange avec les organismes du territoire, l’engagement d’un travail sur l’offre et les besoins, la continuité des réponses, le portage de projet partagé, etc.

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FOcus

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Le Projet Alimentaire Territorial Selon le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, « prévus dans la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 (Art 39), les projets alimentaires territoriaux s’appuient sur un diagnostic partagé faisant un état des lieux de la production agricole et alimentaire locale, du besoin alimentaire du bassin de vie et identifiant les atouts et contraintes socio-économiques et environnementales du territoire. »1 L’idée est d’utiliser l’alimentation comme un point d’ancrage territorial et local, multidimensionnel. Les acteurs du territoire (agriculteurs, CCAS, associations, communes, départements…) se concertent pour élaborer une stratégie pour agir ensemble autour des enjeux sociaux, environnementaux, économiques et de santé, inhérents à l’alimentation. S’alimenter est un acte primaire. Au-delà, l’alimentation a un rôle essentiel dans la société : celui de la dimension relationnelle, culturelle ou sociale, comme le rappelle Cathy Bousquet, chercheure en sciences sociales et responsable de la formation à l’IRTS de Montpellier. La qualité de l’alimentation est également primordiale pour elle. « Le meilleur moyen de lutter contre la malbouffe est la qualité des aliments et la manière de les cuisiner qui est un acte socio-culturel. » Expérimentation Ces principes sont bien présents dans les PAT. Dans ce cadre, Terres de Lorraine a expérimenté la démarche d’ADT Quart Monde « se nourrir quand on est pauvre »2 lancée en 2016 sur le territoire. En 2017 et 2018, un dispositif d’achats groupés de fruits et légumes a été mis en œuvre. En décembre 2017, 1,8 tonne de pommes de terre, carottes et potimarrons a été acheté à un maraîcher local par 100 familles. Fin août 2018, une cinquantaine de famille a passé commande de 285 kilos de mirabelles à une productrice du nord toulois. « Le principe de l’action est de se grouper pour acheter à bon prix des productions à quelques kilomètres de chez soi, avec pour objectif une mise en relation des consommateurs et producteurs locaux dans un but d’échange économique gagnant-gagnant », indique Peggy Dangelser, de Terres de Lorraine. L’opération était destinée en priorité aux personnes en précarité. Elles ont passé commandes auprès de 7 organisations impliquées dans le projet, dont le CCAS de Toul. Ainsi les personnes démunies ont accèdé à des produits de bonne qualité à des prix raisonnables ; les producteurs ont eu un débouché supplémentaire. La pérennisation de l’expérience est en cours de réflexion. Financements Les projets alimentaires territoriaux peuvent mobiliser des fonds publics et privés. Ils peuvent également générer leurs propres ressources. Les appels à projets du Plan National pour l’Alimentation (PNA), les crédits des collectivités, du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) (en particulier initiatives Liaison entre action de développement de l’économie rurale (LEADER) ou du Fonds européen de développement régional (FEDER) sont des sources de financement possibles. 1

http://agriculture.gouv.fr/comment-construire-son-projet-alimentaire-territorial

2

www.atd-quartmonde.fr et www.terresdelorraine.org

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Interview FOCUS

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Interview

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Interview chiffres

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LES CHIFFRES DU BIO

Le bio en restauration hors domicile, entre loi et réalité1

61% 79% 58% 34% 76%

des établissements de la restauration collective proposent des produits bio (+4 points par rapport à 2017) des restaurants scolaires (idem 2017), des établissement de restauration du travail (+ 11 points par rapport à 2017), dans le secteur médico/social (+4 points par rapport à 2017) des produits bio utilisés sont d’origine France et 48% d’origine régionale.

LES COÛTS DU BIO

Le coût de l’introduction des produits bio maîtrisé dans les collectivités2

Début 2017, 77% des établissements ayant introduit des produits bio font état d’un surcoût (ils étaient 91% en 2012). Ce surcoût est de 18% en moyenne (contre 24% en 2012). Dans 2 restaurants sur 3 cependant, il n’y a pas de surcoût pour les convives, celui-ci étant soit lissé sur l’ensemble des repas (52% des établissements) soit pris en charge par le donneur d’ordre (16% des établissements). 54% de ces établissements ont cherché à limiter ce surcoût, notamment en : limitant le gaspillage (91% des établissements), mettant en concurrence les fournisseurs (73%), remplaçant certains produits par d’autres moins coûteux (73%).

1

Enquête Agence BIO/CSA Research menée auprès des élus et des acteurs de la restauration collective et commerciale, novembre 2018.

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Source : observatoire 2017 des produits biologiques en restauration hors domicile.

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Interview

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L’interview du mois : Florent Guhl

20% de bio

dans la restauration collective ? Mais si c’est possible ! Certaines collectivités ont déjà opté pour le bio, voire le 100% dans leurs établissements, mais elles ne sont pas majoritaires. La loi agriculture et alimentation impose 20% de bio d’ici à 2022. Florent Guhl, directeur général de l’agence Bio, explique les enjeux et la faisabilité en la matière. Pourquoi l’Agence Bio était-elle présente au Salon des Maires ? Florent Guhl : Le cadre législatif vient d’aboutir à la loi agriculture et alimentation. L’article de 24 précise que les collectivités en charge de restauration collective doivent avoir introduit 20% de produits bio ou en conversion bio d’ici le 1er janvier 2022. Depuis quelques années, on constate que le rythme de développement de produits bio au domicile est beaucoup plus élevé que celui hors domicile. La société envoie un signal. Le marché de la restauration collective doit maintenant y répondre. Les acteurs vont devoir prendre des décisions. Pour la restauration scolaire, on pose les bases pour l’avenir des futurs citoyens : connaître les produits bio, privilégier la qualité et respecter l’environnement. Vous avez diligenté une enquête auprès des élus autour de l’alimentation bio et de la restauration collective, présentée à la minovembre… F G : L’idée était de mesurer la part des produits bio dans la restauration collective. D’une manière synthétique, 3% des achats de l’ensemble des restaurants collectifs de

France sont bio. Assez loin de l’objectif de 20% en 2022. Nous avons également interrogé la motivation des élus pour identifier les leviers et les freins. L’élément clé de ce sondage est que les élus affirment que le bio est un vrai sujet dont ils souhaitent s’emparer. 42% des 300 élus interrogés, un échantillon représentatif des élus de France, communaux, intercommunaux, départementaux et régionaux, ont une demande très forte de leurs citoyens sur cette question. Une alimentation de qualité et bio dans les cantines, notamment, est un sujet maintenant entendu par les élus malgré leurs nombreuses autres préoccupations. Nous savions que les citoyens interrogés directement étaient très sensibles au bio. Depuis 2 ans, il y avait eu des tentatives de législation pour l’introduction du bio. Sans succès jusqu’à récemment. Avant, les élus locaux pensaient qu’il était impossible de cultiver, d’élever bio dans les territoires. Un message inquiétant, mais qu’il fallait entendre et qui signifiait que le travail pédagogique en amont n’était pas assez fait. Les élections se rapprochant, nous pensons que le phénomène va s’amplifier notamment pour les écoles ou les crèches. Les associations de parents d’élèves sont un relais en la matière. L’enquête montre

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L’image d’Epinal de l’agriculture biologique est une petite surface pour de petites quantités, avec quelques poules, mais certainement pas 12 000 poules !

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Interview

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Florent Guhl directeur général de l’agence bio

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Interview

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que le bio est surtout présent dans le scolaire, mais peu dans le médico-social et encore moins dans le milieu carcéral. On commence à entendre parler de dénutrition due à la nonqualité des aliments, dans les hôpitaux ou certains EHPAD. Je pense que la démocratie locale a du poids pour inverser la tendance. Le coût du bio sera-t-il supportable pour les collectivités ? F G : Le coût est effectivement un des freins souvent évoqué, même si la demande des citoyens a été entendue. Il faut formuler les propositions correctement et ne pas se fonder uniquement sur le coût. Le bio doit être envisagé dans son ensemble. Deux autres freins mentionnés par les élus sont l’approvisionnement et la rédaction du cahier des charges pour le marché public. Notre rôle va consister à montrer des exemples de réussite car ces freins ne sont pas des fatalités. Est-ce que la mise en relation des acteurs pour démontrer que c’est possible est une solution ? F G : En effet, une partie de notre tâche se trouve là. Nous pouvons réunir les acteurs d’une filière afin d’éviter les approvisionnements de l’étranger alors qu’on a le savoir-faire. Se rencontrent producteurs, transformateurs et distributeurs quel que soit leur avancement. L’idée est d’identifier les verrous et de les ouvrir. Parfois, se rencontrer est suffisant pour établir le dialogue et trouver les meilleures solutions. Souvent, les acteurs ne travaillent plus vraiment ensemble et ne se connaissent pas. L’alimentation est devenue « pratique ». Pour caricaturer un peu, dans les collectivités pour tenir les délais et contenir les coûts, on ouvre une boîte, pratique et « pas cher ». Lorsque sont identifiés les producteurs bio et locaux par exemple, il s’en suit une totale remise en question du système. Les saisons et les disponibilités dans la région des aliments vont déterminer la teneur du menu et non l’inverse. C’est une ré éducation qui est valable aussi pour la grande majorité de la population : on pense qu’on peut tout acheter n’importe quand, comme les tomates, les fraises ou certaines viandes en hiver. On ne se pose plus la question de la saisonnalité ou de la fraîcheur des aliments. Le consommateur commence à y revenir. Mais en restauration collective, si on attend du frais, du bio, du local et de la réactivité, le coût ne sera évidemment pas le même.

en restauration collective, si on attend du frais, du bio, du local et de la réactivité, le coût ne sera évidemment pas le même.

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Vous évoquez l’approvisionnement local. On éprouve des difficultés à imaginer un petit producteur fournir tout un territoire. Le bio peut-il être cultivé à grande échelle ? N’est-ce pas antinomique ? F G : Il existe une différence entre la représentation de l’agriculture bio pour le citoyen et la réalité. L’image d’Epinal de la bio est une petite surface pour de petites quantités, ou quelques poules, mais certainement pas 12 000 poules. Pourtant de telles exploitations bio existent, elles remplissent le cahier des charges. L’agriculture bio ne garantit pas une petite ferme. Si on désire que le bio touche plus de monde, il n’y a pas d’autres choix que de faire plus grand. Je prendrai l’exemple des Jardins de Cocagnes, historiquement la surface était un demi voire un hectare. Aujourd’hui certains font une quarantaine d’hectares, leur débouché est la restauration collective. Sans trahir le dispositif d’origine et en créant des emplois. Faire plus grand tout en conservant l’état d’esprit bio est possible. Certaines exploitations bio de grandes tailles sont même en mesure de salarier des personnes pour répondre à la demande, mais aussi expérimenter. Par exemple, différentes pousses d’herbe pour les vaches laitières pour améliorer l’aspect bio. Mais, il ne faut pas retomber dans le travers de la surexploitation intensive, on ne fera pas des fermes de 1 000 vaches en bio car les contraintes techniques imposent suffisamment de terre pour nourrir les animaux avec la production de la ferme et pour étendre les excréments des animaux. Ces contraintes freinent les extensions démesurées. En Camargue, des surfaces de 500 hectares de riz sont passées bio, c’est une bonne nouvelle car ce sont 500 hectares sans pesticide chimique de synthèse. Il est donc nécessaire de changer le paradigme ? F G : Il existe des démarches comme la Bio Vallée dans la Drôme. Autour d’un territoire dont l’enjeux est la biodiversité depuis 20 ans, l’approche globale a permis le passage à la culture bio. De tels exemples très opérationnels vont au-delà de la restauration collective. Il s’agit d’utiliser la bio pour améliorer l’environnement, créer de l’emploi, accéder aux produits de qualité. Ce n’est pas une lubie de vouloir atteindre 20% de bio dans la restauration collective car on peut construire de réels projets pédagogiques et sociaux sur le territoire. Ce qui sera satisfaisant pour tous.

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dossier Interview

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A EPINAY-SOUS-SÉNART, DU JARDIN À L’ASSIETTE L’épicerie sociale du CCAS d’Epinay-sous-Sénart (Essonne, 12 600 hab.) allie plaisir de la table et santé en accompagnant étroitement les familles vers l’équilibre alimentaire. Tourya Bami, directrice du CCAS et des Solidarités de la ville d’Epinay-sous-Sénart en est convaincue : « Ce n’est pas parce que l’on a de petits revenus que l’on ne peut que mal s’alimenter. Pas de fatalisme en la matière ! Et de même à l’échelle du CCAS où nous avons mis en place plusieurs actions avec finalement peu de moyens. » Néanmoins, l’équipe du CCAS a dû déployer différentes stratégies pour amener le public de l’épicerie sociale vers des produits de qualité. Constatant que les familles (file active d’environ 480 foyers) évitaient l’achat (les bénéficiaires règlent 10% de la note) de produits frais « par méconnaissance ou encore par absence de maîtrise des techniques culinaires » et se reportaient sur des plats préparés, l’équipe a réorganisé l’espace vente en plaçant l’étal à fruits et légumes en début de circuit d’achat. Désormais, les familles commencent par acheter le lait, les fruits et légumes.

L’ALIMENTATION, UNE PORTE VERS LA SANTÉ En plus de fournir une aide alimentaire, hors des cas d’urgence, pour des personnes en difficulté financière, l’épicerie sociale poursuit l’objectif de rompre l’isolement mais aussi d’inciter des familles précaires à se préoccuper de leur santé. L’épicerie fait la promotion d’une alimentation saine, de l’activité physique et facilite l’accès aux soins avec la possibilité d’une consultation avec une infirmière de prévention (en partenariat avec le conseil départemental), ouverte au public de l’épicerie (environ une famille sur deux y a recours) et à tous les allocataires du RSA. Lieu de remobilisation, l’épicerie permet également de travailler l’estime de soi. Depuis peu, la structure accueille également des seniors de la ville, qui ont, pour certains, sans pour autant souffrir de précarité, du mal à adopter une alimentation équilibrée.

« Nous avons pu proposer davantage de produits frais car la banque alimentaire où nous nous fournissons est dans la même démarche », se félicite la directrice. Et quand la vente de fruits et légumes bio a été expérimentée et a rencontré peu de succès, toujours par méconnaissance, il a également fallu procéder par étape : l’épicerie a proposé des paniers constitués d’aliments les plus connus, comme les pommes de terre et les oignons, en ajoutant un légume ou un fruit moins commun, accompagné d’une recette ou de la proposition d’un atelier cuisine afin d’apprendre à le cuisiner. Cultiver son alimentation Dans cet apprentissage d’une alimentation saine et variée, l’accès à un potager joue un rôle clé. L’épicerie sociale a pu accueillir du public sur la parcelle d’une agricultrice partenaire et envisage maintenant d’investir un jardin partagé appartenant à la ville « Les participants aux ateliers de jardinage nous disent le plaisir qu’ils ressentent lors de cette activité. Ils le vivent comme un retour aux sources, par exemple, se souviennent avoir jardiné avec leurs grands-parents », rapporte la directrice.

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dossier Interview

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L’été, ce sont les enfants fréquentant les centres de loisirs qui sont conviés au jardin pour découvrir les plantes aromatiques, une visite qui se termine par la dégustation d’un smoothie. « Les enfants sont de bons ambassadeurs pour introduire des nouveautés à la table familiale. Ils vont demander à leurs parents de reproduire le plat découvert lors de l’atelier », note Tourya Bami.

Le jardin est également un lieu de convivialité, avec, par exemple, l’organisation en juin 2018 d’un barbecue incluant, bien entendu, fruits et légumes. En croisant ces différentes activités, l’épicerie sociale a remporté son pari : les produits frais ont de plus en plus de succès, et dans le cas où il en resterait, ils sont travaillés en ateliers. « Nous tenons également à lutter contre le gaspillage, à montrer que rien ne se jette », précise la directrice.

L’aide alimentaire : pour les agriculteurs aussi Produire pour nourrir la population... et ne pas manger à sa faim ! Un grand nombre d’agriculteurs subit ce paradoxe. La dernière enquête de l’Insee sur les niveaux de vie (septembre 2017) montre que 25% des agriculteurs vivent sous le seuil de pauvreté1. Dans une étude antérieure (mars 2016), l’association Solidarité paysans indiquait « qu’un tiers des exploitants rencontrés bénéficient du RSA ». M. Balbot, administrateur à la FNCIVAM2, signale que des agriculteurs demandent l’aide alimentaire, mais « pas sur leur canton pour ne pas être stigmatisés. » Leur nombre est difficile à chiffrer, mais il est en augmentation et concerne les actifs comme les retraités. Invisibles mais présents. Cette situation de précarité alimentaire tient au fait qu’ils n’ont pas le temps, l’énergie ou le savoir-faire pour cultiver un potager. « C’est une acculturation terrible », constate M. Balbot. Pessimiste, il précise que « la production agricole appauvrit ses producteurs ». Quelle solution ? L’agriculture bio ? Elle se développe et génère des emplois. Selon le Bilan annuel de l’emploi agricole (BAEA)3, « l’emploi agricole diminue à un rythme de -1,1% en moyenne annuelle entre 2010 et 2015, l’emploi dans la production agricole biologique a progressé de 10 669 emplois en temps plein entre 2017 et 2016, soit +13,7%. » « Les plus grandes exploitations en bio sont rentables », explique M. Balbot. Convertir l’agriculture conventionnelle en bio est simpliste et irréalisable car pour beaucoup « la situation économique est un facteur de vulnérabilité avec un endettement exponentiel des exploitations et des revenus incertains. Les exploitants peinent à honorer leurs échéances de remboursement et subissent une forte pression de la part des créanciers.4 » Aussi les paysans du réseau Civam s’interrogent : pourquoi le système agricole et alimentaire ne parvientil pas à nourrir tout le monde durablement ? Quel rôle et quels enjeux pour les acteurs agricoles ? La FNCIVAM s’est associée à des partenaires du secteur social, de la recherche et de la formation autour d’un projet de recherche-action (2016-2019) : Accecible, auquel l’Unccas est associée. Plus d’informations : www.civam.org 1

Le seuil de pauvreté correspond à 60% du niveau de vie médian de la population. Il s’établit à 1 015 € par mois en 2015 (8 875 €/an).

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FNCIVAM : Fédération Nationale des Centres d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu rural représente 10 000 exploitations et 3 000 ruraux.

Le CIVAM a participé aux Etats Généraux de l’Alimentation dans l’atelier 12 sur l’aide alimentaire. Agreste Chiffres et Données Agriculture n°238, juillet 2017.

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Des agriculteurs sous pression une profession en souffrance, Véronique Louazel, chargée d’étude en Santé Publique Mars 2016, Solidarité paysans.

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juridique Interview

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Q/R

Concernant la réglementation de la mise en place au domicile de personnes âgées d’un lit médicalisé avec des barrières, la circulaire du 29 mars 2017 pose une description précise de ce qu’il faut entendre par la « contention mécanique » du patient au lit : « la contention mécanique consiste à restreindre ou maîtriser les mouvements d’un patient par un dispositif fixé sur un lit dans un espace dédié. » Les barrières de lit sont également incluses dans cette définition car elles restreignent les mouvements du patient. La HAS a d’ailleurs inclus dans les contentions dites « passives » les barrières de lit, les ceintures de contention, ainsi que tout matériel détourné de son usage initial visant à restreindre ou limiter les mouvements du patient (draps, vêtements, chaussettes, serviettes…).

Nous venons vers vous afin de pouvoir avoir une référence juridique concernant une situation que nos agents rencontrent lors de leurs interventions chez nos bénéficiaires. Nous sommes un service d’aide à domicile où nos agents interviennent pour différentes tâches comme aide à la toilette ou aide au coucher etc.

La décision de placer ces contentions est « une décision médicale » dont l’auteur doit être identifié, la prescription motivée et datée, le matériel et la méthode prescrite. Les contentions ne doivent en aucun cas être des mesures visant à « expédier » la problématique ou à prévenir les chutes.

Certains de nos bénéficiaires doivent être couchés dans un lit médicalisé le soir et la famille nous demande de mettre les barrières de lit. Auriez-vous une référence juridique concernant nos droits à mettre ou pas par une auxiliaire de vie une barrière de lit à un bénéficiaire ? Doit-on avoir une prescription médicale pour la mettre ? Comment doit-elle être renouvelée, car en institution, c’est considéré comme une contention donc être renouvelée tous les jours ?

Pour l’installation proprement dite du lit médicalisé, elle doit résulter d’une véritable concertation entre le médecin, la famille et votre service. Elle doit être prise après évaluation du rapport bénéfice/risque pour la personne concernée. La famille doit d’ailleurs être informée des risques de l’utilisation de lits médicalisés et être formée à la manipulation des barrières ainsi qu’aux consignes de sécurité.

La famille peut-elle nous demander de mettre une barrière de lit ? Sans prescription médicale...et, du coup, avons-nous le droit de refuser à la mettre si cela n’émane pas du bénéficiaire ?

La famille ne peut pas vous demander de mettre une barrière de lit sans décision médicale.

Merci de nous éclairer sur ces différentes questions Votre service doit également respecter les consignes de sécurité liées à l’utilisation des lits médicalisés. Par exemple, si vous mettez en position basse le lit médicalisé, en dehors des soins, démarche permettant de réduire les risques de chutes, vous devez vous y référer. Vous trouverez sur le site de l’ANSM des recommandations et de la documentation sur cette question : https://www.ansm.sante.fr/Dossiers/Securite-des-lits-medicaux/ Risque-de-chute-et-ou-piegeage-lie-aux-barrieres-de-lit/(offset)/1 L’installation de lits médicalisés nécessite une surveillance particulière par rapport à l’utilisation de ces lits. Mais le fait que la personne réside à son domicile n’emporte pas l’obligation d’une surveillance constante la nuit. Si tel devait être le cas, il serait nécessaire de procéder à un réexamen de l’état du bénéficiaire, piloté par le médecin en concertation avec vous et la famille. Une hospitalisation ou un placement en établissement pourrait même être envisagé.

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Interview

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Sylvie Guillaume vice-présidente du parlement européen

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Interview tribune

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Le saviez-vous ?

Commission européenne prévoit un sérieux coup de rabot sur le FEAD, dont les financements passeraient de 3.8 à 2 milliards d’euros.

Une part essentielle de l’aide alimentaire distribuée aux plus démunis est européenne. Il s’agit de l’aide mise en œuvre par des bénévoles que vous avez forcément croisés un jour au supermarché. Des associations – la Croix rouge, la Banque Alimentaire, les Restos du cœur, le Secours populaire et bien d’autres structures– sont habilitées au niveau national à recevoir des contributions publiques pour la mise en œuvre de l’aide alimentaire. Ce modèle, reconnu pour son efficacité, est aujourd’hui menacé par les évolutions réglementaires et les restrictions budgétaires européennes à venir.

Ce débat sur le prochain cadre financier pluriannuel de l’Union européenne et la nécessité d’un budget européen à la hauteur des enjeux sociaux est crucial. Le 14 novembre dernier, le Parlement Européen a adopté une résolution demandant expressément le maintien du budget consacré au FEAD, y compris dans le cadre d’une fusion entre le FEAD et le FSE+. Alors que 87 millions d’Européens vivent sous le seuil de pauvreté, soit plus d’un habitant sur six, au travers du financement du FEAD, c’est la capacité de l’Union européenne à agir contre la pauvreté et à apporter une réponse à l’urgence sociale, qui se trouverait remise en cause si ces inflexions budgétaires se confirmaient.

En 2017, l’aide alimentaire représentait 300 000 tonnes de marchandise distribuées à 5,5 millions de personnes. Cette aide représente environ 1,5 milliard d’euros dont un tiers de financements publics (aides européennes, dépenses budgétaires de l’État et des collectivités territoriales, exonérations fiscales), un tiers de financements privés (dons en nature et numéraire des particuliers et entreprises), et un tiers correspondant à la valorisation du bénévolat au sein des associations intervenant dans le domaine de l’aide alimentaire. Grâce aux nombreux bénévoles, qui sont la force du modèle français, les associations qui gèrent l’aide alimentaire assurent un service de qualité, à un coût très faible, sur l’ensemble du territoire. Le Secours Populaire par exemple dispose de 1 000 structures locales et de 80 0000 bénévoles.

Inquiétudes sur l’aide alimentaire européenne

L’Union européenne finance ce secteur via le Fonds européen d’aide au plus démunis (FEAD). Il est aujourd’hui doté de 3.8 milliards d’euros, ce qui en fait un « petit » fonds européen par rapport aux autres, mais qui joue un rôle essentiel dans ce domaine puisqu’il représente en moyenne environ 27% du financement des associations pour l’aide alimentaire en France. Ce fonds est donc indispensable pour fournir une aide alimentaire aux personnes en situation de précarité. De plus, les associations nous le disent souvent, l’aide alimentaire joue un véritable rôle d’inclusion sociale, en ce qu’elle constitue souvent la porte d’entrée vers un accompagnement social plus large des personnes démunies. Pourtant, deux menaces graves pèsent actuellement sur ce fonds : la première est de nature réglementaire, pour ne pas dire bureaucratique : l’assimilation de ce financement aux fonds structurels génère une lourdeur des procédures de contrôle qui pèsent sur les structures associatives et risquent de décourager les bénévoles. La deuxième est d’ordre budgétaire et relève de choix politiques : au moment où l’Union européenne examine son prochain cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027, la proposition formulée par la

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