Actes, avril 2018

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Avril 2018 - N°487 - 9

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INTERVIEW :

“Changer le regard sur la question d’accès au logement”

10 DOSSIER NATIONAL Logement et hébergement : évolutions ou révolution ?

Sylvain Mathieu, délégué interministériel de la DIHAL

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iNNOVATION Essaimer et adapter les expériences dédiées au logement

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FOCUS Journée UNCCAS : Logement pour tous... Les territoires s’engagent !


SOMMAIRE

INTERVIEW Sylvain Mathieu, délégué interministériel de la DIHAL : “Changer le regard sur la question d’accès au logement”

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LE DOSSIER DU MOIS Logement et hébergement : évolutions ou révolution ?

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FOCUS

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Journée UNCCAS : Logement pour tous... les territoires s’engagent !

L’ACTION SOCIALE AU NATIONAL

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L’ACTION SOCIALE AU LOCAL

Marie-Dominique Dreyssé vice-présidente de l’UNCCAS, adjointe au maire de Strasbourg : “L’hébergement en mutation” EUROPE Concilier emploi et logement LE DOSSIER DU MOIS Logement et hébergement : évolutions ou révolution ?

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Le CIAS du Vendômois précurseur UD et USH 44 : clarifier et prévenir Lons-en-Saunier : de l’intelligence d’un territoire Le CCAS de Lomme donne les “clés” du logement aux seniors INNOVATION Essaimer et adapter les expériences inspirantes

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FOCUS Logement pour tous... Les territoires s’engagent

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NOUVELLE ENQUÊTE UNCCAS “Face au mal-logement les CAS/CIAS impliqués”

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JURIDIQUE Intermédiation locative : contexte et cadre légal

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FORMATION Offre de formation dédiée au logement

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MOT D’HUMEUR

ET POURTANT… On parle d’un droit constitutionnel. Et d’un arsenal législatif - lois Quilliot, Mermaz, Besson, SRU, DALO, Alur, pour ne citer que celles-ci… - qui n’a cessé de croître depuis le lendemain de la guerre.

ACTES - ACTIONS ET TERRITOIRES DU SOCIAL AVRIL 2018 UNCCAS, 11 rue Louise Thuliez, 75 019 Paris 91ème année - n°487 - 2018 - Déclaration à la Préfecture du Nord le 26.11.1926 (n°1939) Commission paritaire des papiers de presse n° 0419G79123 - Numéro d’identification aux contributions indirectes Lille : 44.559.599.006 N° Siret 783 852 791 00079 N° ISSN : 1294-4661 - Tirage : 7000 exemplaires. Tous droits de reproduction réservés. 10 numéros par an. Dépôt légal à parution.

Abonnement Prix de l’abonnement annuel (10 numéros - prix frais de port inclus, y compris DOM - TOM) : adhérents : Premier abonnement : 73€ (ville de plus de 3 150 habitants, 32€ (ville de moins de 3 150 habitants). Non adhérents : 85€. Prix à l’unité : 9€. actes@unccas.org

Directrice de la publication Hélène-Sophie Mesnage hsmesnage@unccas.org

Pourtant, les faits et les chiffres sont têtus. La hausse continue des prix du marché de l’immobilier, le coût du foncier, la progression des situations de pauvreté ont un impact direct sur la persistance des situations de mal logement. Comme souvent, il a fallu que des drames défraient la chronique pour favoriser des prises de conscience médiatiques et que de nouvelles lois soient promulguées. Souvenez-vous, c’est le cas du droit au logement opposable de 2007, institué deux ans après plusieurs incendies survenus à Paris et faisant une cinquantaine de victimes. Alors si l’on est loin de l’hiver 54, il reste encore manifestement beaucoup de chemin à faire pour que les quelque 4 millions de personnes concernées en 2018 par le mal logement ne viennent pas alimenter les statistiques de l’an prochain.

Rédactrice en chef Elodie Lamboley elamboley@unccas.org

Publicité François Pardoen Tél. : 06 78 74 43 48

Contributeurs

La loi ELAN viendra immanquablement compléter le tableau. Reste à savoir si elle sera en mesure d’influer durablement sur les constats connus et dressés depuis toutes années. A ce stade, rien n’est moins sûr.

Juliette BOUREAU, Christèle CALMIER, Valérie GUILLAUMIN, Fanny KOCH-ORTEGA, Carole PÉAN, Boris RYCZEK, Emmanuelle STROESSER

La Délégation Générale

Crédit photos Jordan Chevreau, Francis Hème, Fotolia.

Production Com on Mars comonmars@gmail.com

Impression Impression Directe 61 avenue de la Fosse aux Chênes - ROUBAIX

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INTERVIEW

L’INTERVIEW DU MOIS : SYLVAIN MATHIEU

“CHANGER LE REGARD SUR LA QUESTION D’ACCÈS AU LOGEMENT” Les collectivités territoriales seront les chefs de file du Logement d’abord pour créer un effet d’entraînement et permettre l’émergence d’une nouvelle manière de penser l’accès au logement. Le projet de loi ELAN devrait avoir un rôle structurant. Sylvain Mathieu, délégué interministériel de la DIHAL répond à nos questions.

Le plan Logement d’abord, c’est un changement de paradigme. On passe d’un modèle où les SDF suivent un parcours en escalier, où le travail social est centré sur l’apprentissage de l’autonomie future dans le logement à un autre, où on s’appuie sur les compétences des personnes, en faisant une priorité de leur accès rapide au logement avec un accompagnement adapté à leurs besoins. Benoist Apparu a été précurseur il y a 8 ans et nous bénéficions de son action qui a préparé les esprits, mais il n’avait pas ce corpus d’études, d’expérimentations et de débuts de mise en œuvre dans de nombreux pays. Aujourd’hui, le principe du Logement d’abord n’a plus à être prouvé, c’est un modèle à l’efficacité avérée depuis plus de 10 ans, en France comme à l’étranger. Cela dit, la tâche est rude car ce sont des méthodes à faire évoluer, de nouvelles pratiques, des formations à organiser. Une des difficultés majeures par exemple est d’adapter l’accompagnement aux besoins dans un univers très normé. Autre point, c’est une politique globale qui vise également à prévenir les ruptures c’est à la fois préventif et curatif. C’est donc fondamentalement le

regard qu’on porte sur la question d’accès au logement qui est à changer. Cela va prendre du temps mais le soutien – fort – du Président de la République et du ministre de la cohésion des territoires, est un élément clé pour cette transformation qui engage beaucoup d’acteurs. Le plan veut “mobiliser les acteurs et les territoires” en les invitant à manifester leur intérêt pour la démarche. Pourquoi cette méthode ? Sur quels critères seront retenus les quinze territoires pilotes ? Dans l’appel à territoires volontaires lancé en 2010-2011, la démarche partait beaucoup du national et mettait en avant l’Etat, ce qui était logique s’agissant d’une forte innovation. Le choix a été fait dans le nouvel appel à manifestation d’intérêt (AMI) de s’appuyer sur les collectivités territoriales en en faisant les cheffes de file de la démarche. Le Logement d’abord est bien un plan national qui concerne l’ensemble du territoire mais nous souhaitons nous appuyer aussi sur des collectivités où on agira rapidement et visiblement pour créer un effet d’entraînement. Et c’est un succès : près de 40 lettres d’intention et au final 31 candidatures ont été reçues dont 12 métropoles parfois en lien avec un département, des EPCI, des départements et grandes villes.

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©Jordan Chevreau et Francis Hème

En quoi le principe du Logement d’abord, réactivé via la stratégie logement du Président de la République, a-t-il plus de chances de se déployer aujourd’hui ?

C’est le signe d’une forte dynamique mais aussi de la compréhension de cette nécessité de faire autrement et de l’engagement des collectivités pour apporter des solutions. Quant à la sélection, c’est un crève-cœur de devoir choisir car les dossiers sont vraiment de grande qualité ! Les critères sont principalement le niveau des enjeux avec quand même une diversité d’échelles, l’ambition du projet bien sûr, la pertinence du territoire, le partenariat et la gouvernance – c’est très important car le logement d’abord ne peut être qu’un challenge collectif – et le suivi. Un comité de sélection a été constitué regroupant l’ensemble des représentants des principaux acteurs, y compris des différents

Sylvain MATHIEU délégué interministériel de la DIHAL

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INTERVIEW

élus territoriaux, qui a émis un avis sur les dossiers, la décision finale revenant à l’Etat sur la base de cet avis.

Vis-à-vis du plan logement d’abord, qu’apportera le projet de loi ELAN (Evolution du logement, de l’aménagement et du numérique) ?

Les CCAS et les CIAS ont manifestement un rôle clé dans l’accès au logement des personnes en précarité. Comment seront-ils associés aux déploiements locaux du plan Logement d’abord ?

Le projet de loi ELAN a un rôle structurant sur le Logement d’abord dans la mesure où il vise à créer une augmentation forte de l’offre, ce qui ne peut qu’aider à rendre le logement accessible, à créer les conditions d’augmentation de la production des bailleurs sociaux et à favoriser la mixité sociale. Je suis aussi particulièrement intéressé par ce qui va se faire en matière de lutte contre l’habitat indigne.

La récente journée nationale de l’UNCCAS à Paris a montré l’engagement des CCAS et CIAS dans la question de l’accès au logement. L’enquête présentée à cette occasion a d’ailleurs été un révélateur pour beaucoup qui ignoraient cette partie de leur action quotidienne. Ce n’était pas une surprise pour moi comme ancien directeur général du Centre d’Action Sociale de la Ville de Paris. Et donc dès le départ, j’ai

“DÈS LE DÉPART, J’AI SOUHAITÉ ASSOCIER L’ENSEMBLE DU SECTEUR DES CCAS ET CIAS AU PLAN LOGEMENT D’ABORD” souhaité associer l’ensemble du secteur des CCAS et CIAS au plan Logement d’abord. Joëlle Martinaux, présidente de l’UNCCAS est d’ailleurs très engagée sur ce plan et a participé à l’ensemble des phases de préparation du plan. Les dossiers présentés dans le cadre de l’AMI font apparaître les CCAS et CIAS comme des partenaires importants. Pour ce qui me concerne, je compte fortement sur eux pour la mise en œuvre sur l’ensemble des segments du Logement d’abord comme l’accès aux droits, au logement et le maintien dans le logement.

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Le Logement d’abord en lui-même relève peu du législatif. Reste que je suis persuadé que sa mise en œuvre en particulier sur les territoires de l’AMI, révèlera des souhaits de simplifications dans le domaine de la loi. Il faudra y être attentif et en permettre la réalisation. La conférence de consensus a mobilisé pendant trois mois les parlementaires, les élus locaux, les professionnels et la société civile. Ses conclusions seront-elles intégrées au débat parlementaire ? Évidemment, la conférence de consensus, qui a été un succès en termes de participation, de dialogue et d’approfondissement, constitue un support d’abord pour le projet de loi qui a d’ores et déjà intégré quelques évolutions, mais aussi pour la discussion parlementaire car nul doute que certains débats de la conférence y trouveront naturellement leur prolongement, et plus globalement pour la politique du logement en général car ses conclusions ne relèvent pas toutes du domaine législatif.

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DOSSIER

LE DOSSIER DU MOIS

LOGEMENT ET HÉBERGEMENT : ÉVOLUTIONS OU RÉVOLUTION ?

Selon l’Observatoire National de la Pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES), l’augmentation importante des loyers dans le secteur privé locatif contribue à accentuer les difficultés d’accès au logement non seulement des sansdomicile ou des mal-logés mais aussi des familles modestes. L’observatoire note également un fort accroissement des demandes de logement social. Quant aux chiffres du 23ème rapport sur le mal-logement de la Fondation Abbé Pierre, ils sont cinglants : 4 millions de mal-logés (personnes à la rue, insalubrité, surpeuplement) et 12 millions de fragilisés (difficultés à payer un loyer, menace d’expulsion, etc.). Sans surprise, si comme bien d’autres acteurs, la fondation salue les ambitions du Logement d’abord, elle a eu l’occasion d’exprimer son désaccord face à la baisse des APL et la mise à contribution des organismes HLM pour la compenser : “les deux principaux outils de l’aide au logement, attaqués de front.”

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Dans ce contexte, l’UNCCAS a elle aussi publié en février dernier sa propre enquête pour témoigner de la forte implication des CCAS/CIAS sur ce sujet d’actualité. Acteurs de proximité par excellence, les CCAS se sont emparés de la question sous des formes très diverses et trouvent des solutions en partenariat avec le tissu local. Au point qu’ils développent une vraie expertise comme à Lons-le-Saunier où l’Etat a délégué le fonctionnement du SIAO au CCAS. A Lomme, la ville et le CCAS se sont rapprochés des bailleurs sociaux pour que les seniors aient un logement adapté à leurs besoins. Quant au CIAS du Vendômois, il a déjà mis en place le Logement d’abord avec un accompagnement sur-mesure pour les personnes à la rue. Le projet de loi Elan suscite d’ores et déjà de nombreuses attentes tandis que les collectivités territoriales candidates à la mise en œuvre accélérée du plan Logement d’abord sont sur les starting blocks. On attend la suite…

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DOSSIER

LE CIAS DU VENDÔMOIS PRÉCURSEUR Pour maintenir dans des logements des publics marginaux, le CIAS de la communauté d’agglomération Territoires Vendômois (Loir-et-Cher, 57 000 hab) décloisonne et propose du sur mesure. Tel M. Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, le CIAS du Vendômois fait du logement d’abord sans le nommer ainsi. MarieFrançoise Toquet, la directrice du pôle aide et développement social, préfère l’expression “étayage médicosocial” autour de personnes en difficulté. Elle insiste sur cette expression pour définir le rôle du CIAS en la matière : il agit de façon transversale et propose des solutions sur mesure. Deux dispositifs majeurs sont portés par le CIAS en termes de logement : l’hébergement d’urgence et la sous-location. Le premier, somme toute classique, a pour but la stabilisation et une orientation sociale et d’insertion pertinente. Le second est la clé de voûte de l’étayage. Il favorise l’accès au logement à un public qui en est très éloigné. Centré sur la personne L’étayage repose notamment sur un partenariat entre une association, qui s’attache à l’état de santé des personnes, et le CIAS qui se concentre sur le logement. “La combinaison de la santé et du logement amoindrit, voire évite l’échec des personnes concernées”, explique la directrice. L’entrée dans le logement sert parfois juste d’amorce à un accompagnement. Les bénéficiaires cumulent les difficultés comme l’isolement, la précarité. Mais également une santé vacillante due à une détresse psychique ou aux addictions. Le public est varié, plutôt masculin, âgé de la cinquantaine. La directrice relate l’histoire de cette dame qui voulait une douche, mais pas un logement. Les travailleurs sociaux l’ont convaincue d’accepter le logement pour obtenir

sa douche. “Il est nécessaire de cheminer avec les personnes pour répondre à un besoin précis. Notre équipe pluridisciplinaire écoute et propose du sur mesure, centré sur le bénéficiaire”, souligne MarieFrançoise Toquet.

“ NOTRE ÉQUIPE PLURIDISCIPLINAIRE ÉCOUTE ET PROPOSE DU SUR MESURE, CENTRÉ SUR LE BÉNÉFICIAIRE” La sous-location, étape maîtresse L’errance ou l’expulsion du parc privé sont les deux motifs les plus fréquents dans le dispositif, après un passage par les hébergements d’urgence. Le CIAS utilise la sous-location pour extraire les bénéficiaires de la rue, les abriter et proposer un accompagnement individuel renforcé. Le plus ancien locataire est là depuis 2003. Il fait figure d’exception. Malgré le contrat médicosocial, qui rappelle les engagements de la personne et des partenaires, le CIAS ne fixe pas de durée limite pour ce dispositif. Un travailleur social, qui suit la personne, est également en contact avec les autres acteurs qui concourent à sa stabilisation : médecins, aides à domicile, curateur. L’aide à domicile assure l’appropriation et le bon entretien du logement. Elle joue un rôle de veille sociale et peut signaler la dégradation d’une situation au CIAS. En outre, des réunions de synthèse impliquent la personne et les acteurs pertinents de son accompagnement. Des bilans y sont dressés et des objectifs définis.

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19 logements Le CIAS a contractualisé 15 souslocations avec les trois bailleurs sociaux du territoire et quatre sous-locations avec l’agglomération. Il n’éprouve pas de difficulté à trouver un logement une fois qu’une personne est “stabilisée”, pour faire glisser le bail. C’est l’avantage d’un marché de l’immobilier local détendu. Ce dispositif a été lancé lorsque le CIAS ne couvrait que 12 communes. L’extension à 66 communes de la communauté d’agglomération ne change rien pour l’heure. Même s’il “est indispensable de rester proches pour être très réactifs”, conclut la directrice.

EN SAVOIR PLUS Pour plus d’information sur les actions logement du Territoire Vendômois voir “Enquêtes et observation sociale, Face au mal-logement, les CCAS/CIAS impliqués”, février 2018.

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