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Habitat et humanisme : un logement pour bâtir un avenir par Bernard Devert, Président d’Habitat et Humanisme
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Association Habitat et Humanisme Depuis 26 ans, l’association Habitat et Humanisme œuvre au logement et à l’insertion des familles et des personnes seules, en difficulté. L’association permet l’accès à un logement à faible loyer et situé dans un quartier « équilibré », et accompagne les personnes logées pour les aider à s’insérer durablement. Les personnes rencontrées ont en commun de compter sur des ressources faibles et précaires ne leur permettant pas d’avoir accès à un logement dans le parc privé et souvent pas non plus dans le parc public. Cette faiblesse de revenus s’accompagne, la plupart du temps, de difficultés sociales et familiales, d’instabilité psychologique, de problématiques addictives… Situations complexes, souvent installées depuis longtemps (parfois sur plusieurs générations), qui rendent difficile le parcours d’insertion des personnes.
Un habitat d’insertion
Pour Habitat et Humanisme, la notion d’insertion s’exprime d’abord par rapport au logement :
Tout d’abord parce que le logement est en soi un facteur clé d’insertion.
Avoir sa place dans la société, c’est d’abord avoir une existence légale : une carte d’identité, un numéro de sécurité sociale, pour faire partie du « système ». Le logement vient juste après, comme concrétisation physique de cette « place » : avoir une adresse, être repérable dans l’espace. Plus fondamentalement, pour les familles, le logement représente une sécurité essentielle, d’abord comme abri, mais également comme espace intime, indispensable pour se retrouver soi et se construire. C’est à partir de cette intimité habitée que l’on peut s’ouvrir aux autres et devenir un être social. Le logement est ainsi une clé d’entrée pour toute socialisation, à commencer par sa plus simple expression, celle d’entretenir un réseau relationnel minimal.
Le logement représente également un enjeu d’insertion de par sa localisation.
A un moment où la rénovation des centres-villes chassait les plus modestes vers les quartiers périphériques que l’on qualifiait de « ghettos », Habitat et Humanisme s’est engagée pour favoriser des logements pour les plus pauvres, en diffus et en centre-ville, dans des quartiers « équilibrés ». Une mixité de logement pour résister à la ségrégation urbaine. Pour restaurer l’accès à la ville, entendue comme lieu des échanges économiques, culturels, des facilités de services et transports publics. Faire partie de la Cité, pour avoir droit de cité ! La mixité sociale renforce la mixité spatiale : le mélange des populations favorise également une insertion paisible dans le corps social : on côtoie des modèles différents, le niveau des écoles est meilleur, il y a moins d’insécurité, les rencontres sont potentiellement porteuses...
Un accompagnement favorisant l’insertion
L’accompagnement, deuxième pilier de l’action d’Habitat et Humanisme est également soustendu par un objectif d’insertion, d’une part dans ses finalités et d’autre part, dans ses modalités avec l’implication de bénévoles. L’accompagnement à Habitat et Humanisme a été pensé depuis le départ comme une présence bénévole, complémentaire du travail social. Dans ses modalités, l’accompagnement se présente souvent comme une aide concrète pour s’insérer au sens le plus commun du terme : régler ses problèmes administratifs, rechercher un emploi, améliorer son niveau de langue, accéder aux services du quartier... Mais, plus subtilement, il constitue une passerelle permettant aux familles de se rapprocher de sphères sociales habituellement inaccessibles. C’est une brèche dans des modèles sociaux très souvent fermés et « s’auto-reproduisant ». En même temps que sa disponibilité et son cœur, l’accompagnateur ouvre et fait partager ses références, sa culture, ses réseaux, ... Et ce partage, même s’il n’est pas forcément factuel, est un facteur notable de sortie d’exclusion.
Promouvoir l’autonomie des personnes et des familles
Le but de l’accompagnement est l’autonomie, c’est-à-dire l’insertion sociale et professionnelle des locataires de logements ou des résidents de pensions de famille. Mentionner l’insertion professionnelle, c’est se situer dans la réalité. Quand on accède à un logement, il faut des ressources pour payer un loyer, des charges, l’eau, l’électricité, le chauffage. Ces ressources sont fournies en partie par l’APL et les diverses prestations sociales (allocations familiales, RSA, Allocation d’Adulte Handicapé, etc.) L’accession à une formation et si possible à un emploi est une
façon de retrouver sa dignité.
Pour cela, il nous faut découvrir avec les accompagnés ce qui est important pour eux. Leurs priorités sont souvent très différentes des nôtres. Chaque famille a ses propres centres d’intérêts, une passion, un besoin ou un désir enfouis parfois très profondément. Prendre le temps de les découvrir ouvrira la voie à un échange plus personnel et la création d’un lien durable. Si les priorités des locataires et des résidents d’Habitat et Humanisme ne sont pas les nôtres, nous devons déployer beaucoup de souplesse et d’adaptabilité. D’où l’intérêt de définir clairement, dès le départ, ce qui sera fait ensemble.
Faire émerger le projet de chacun
Cela suppose de faire émerger les projets de la famille accompagnée et de chacun de ses membres. Les résidents des pensions de famille, tout comme les familles doivent pouvoir faire des projets à long terme pour l’installation dans un logement définitif, mais aussi pour une insertion professionnelle ou les études des enfants. Quand il s’agit d’une famille, l’accompagnement concerne tous les membres de la famille.
C’est là qu’il est urgent de trouver un langage commun avec les personnes que nous accompagnons. Si nous avons peur de la différence, ils en ont aussi peur que nous. Chacun doit donc faire une partie du chemin pour s’ajuster à l’autre. Tout le monde s’en trouvera enrichi.
Nous devons également avancer au rythme des accompagnés et marquer des échéances.
C’est encore un des paradoxes de l’accompagnement à H & H. Les personnes et les familles ont souvent vécu au jour le jour, sans aucune perspective. Leur perception du temps est très différente de la nôtre et intègre mal la durée. Cette perception de la durée suppose en effet la sécurité du lendemain que procure un logement.
Aux familles locataires, il faut donc apprendre la durée, car certaines démarches doivent se faire dans un délai déterminé : régler le dossier CAF, payer son loyer, inscrire les enfants à l’école ou en colonie de vacances, aller à la PMI, chercher un emploi, renouveler une demande d’HLM pour ceux qui habitent un logement temporaire, etc.… Tout en respectant leur perception du temps et leurs priorités, nous devons marquer des échéances. Des visites régulières, de préférence à jours et heures fixes aident à rythmer la vie. Ces visites sont à négocier en fonction de leur emploi du temps et du nôtre.
Maintenir la bonne distance et savoir partir
Un des défis de l’accompagnement bénévole est de combiner la proximité pour gagner la confiance et la nécessité de ne pas envahir. Ne pas créer une relation de dépendance ou devenir un élément du système qui bloquera son évolution. En effet, chaque personne, chaque famille, cherche son équilibre entre le maintien d’un actuel sécurisant, connu même s’il est précaire, et les changements que suppose l’évolution normale de son histoire.
Ne pas créer de relation fusionnelle avec la famille ou la personne accompagnée est essentiel pour éviter une rupture brutale. Il faut savoir s’en aller en laissant une porte ouverte, en général celle de l’association ou du groupe local.
L’aventure de la rencontre
Reste le grand défi de l’accompagnement des personnes en difficulté : l’aventure toujours inédite de la rencontre ; avec sa part de peurs réciproques, de mystère, de bonnes surprises et de déceptions. Cette alchimie reste toujours ouverte, en devenir, et ne se laisse enfermer dans aucun schéma.
Le fondement d’Habitat et Humanisme est la reconnaissance de la primauté de la, personne humaine, quel que soienwt son histoire, sa situation, son origine. La société s’enrichit de ces différences et du partage des richesses de chacun. C’est ce qui guide au quotidien l’action des équipes d’Habitat et Humanisme et permet de garder le cap quand les difficultés surgissent. ■
Paroles sur l’accompagnement social
par Bernard Devert, Président d’Habitat et Humaniste
© Guillaume Atger Nous rejoignant, vous nous appelez à un grand voyage de l’intériorité. Ce n’est ni sans émotions et appréhensions que nous vivons ce partage, car comment trouver cette juste distance pour que notre présence ne soit pas envahissante. Vous nous permettez de mieux saisir que l’on ne s’approche pas des êtres qui souffrent sans prendre aussi la mesure de notre fragilité qui demeure la condition d’un véritable accueil. Vous nous apprenez à regarder plus haut puisque, dans les traversées les plus incertaines, votre être ne se départit jamais de sa noblesse, trace du mystère. Votre histoire suscite le respect car, sans rien exiger, vous nous invitez discrètement à poser la seule question qui vaille : que faut-il changer pour que le drame de ces «histoires» ne s’actualise plus ? La seule réponse possible, pour ne pas se dérober, est de dire avec conviction et humilité : moi. Cet appel à changer transforme et transfigure les solitudes. Accompagner, c’est sans nul doute faire route ensemble pour que l’accompagné assume son avenir avec le plus de liberté possible.
Contact :
Fédération Habitat et Humanisme 69, chemin de Vassieux 69647 Caluire et Cuire cedex Tél : 04 72 27 42 58 www.habitat-humanisme.org