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Le logement : une question familiale par Marilia Mendes, Coordonnatrice du Pôle Habitat Cadre de Vie à l’UNAF
LE LogEmENt : uNE quEStioN fAmiLiALE
PRINCIPES ET POSITIONS DE L’UNAF
Pour l’UNAF, le logement représente un axe fondamental de la politique familiale, tant il conditionne la vie personnelle, sociale et familiale de chaque personne. Il est un droit essentiel pour permettre à chacun et à chaque famille de vivre dans la dignité. Le logement représente aussi l’élément central de tout projet de vie et de toute vie familiale. Il est souvent le préalable à l’acte de « fonder une famille ». C’est parfois le seul repère stable quand les aléas viennent bousculer la vie de la famille.
Marilia Mendes,
Coordonnatrice du Pôle Habitat Cadre de Vie à l’UNAF
Une préoccupation pour toutes les familles
Le logement est devenu le premier poste de dépenses des familles et leur première préoccupation. Une préoccupation pour elles-mêmes, mais aussi pour leurs enfants (étudiants ou jeunes adultes voulant dé-cohabiter, etc.) ou pour leurs parents âgés. Car ce sont bien toutes les générations qui sont concernées et de ce fait, toutes les solidarités familiales qui sont sollicitées. S’il est évident que se sont d’abord les familles les plus fragiles qui souffrent de la crise du logement, les classes moyennes, à des degrés divers, ou certaines catégories de la population (comme les jeunes et les jeunes familles, les familles monoparentales, les familles nombreuses) sont également touchées.
L’accession à la propriété, une aspiration mais pas une norme
Dans leur grande majorité, les familles aspirent à devenir propriétaires de leur logement. Cette tendance, aujourd’hui renforcée par l’allongement de la durée de la vie, revêt un aspect encore plus sécurisant (maintien du pouvoir d’achat, adaptabilité du logement, maintien dans les lieux). Toutefois, l’achat d’un logement n’est pas un acte de consommation anodin et s’inscrit dans un projet de vie. Pour l’UNAF, les orientations politiques en faveur de l’accession à la propriété doivent prendre en compte la notion de parcours résidentiel adaptable aux situations choisies ou subies (évolutions professionnelle et sociale, évolution des structures familiales, vieillissement, etc.). Elles doivent ainsi prendre en compte : le caractère familial, le niveau de solvabilisation des familles et la sécurisation des emprunteurs, pour permettre à un plus grand nombre de familles d’accéder à la propriété. Enfin, il est essentiel de sécuriser le parcours d’accession à la propriété et lorsque les familles se retrouvent en difficultés financières de rechercher toutes les solutions pour sauvegarder le logement familial. Pour cela, il est important de donner aux familles les informations nécessaires à l’élaboration de leur projet. Le projet d’accession doit ainsi se faire dans une approche globale, en prenant en compte l’ensemble des coûts liés au logement : remboursement, charges, transports...
L’influence de l’habitat sur les familles
Les conditions de logement et, plus largement l’habitat et les lieux de vie, sont des facteurs qui influencent fortement la vie de la famille, le bien-être de ses membres et le développement scolaire, psychologique et social des enfants. Le logement représente l’élément central de tout projet familial et conditionne pour beaucoup le choix du nombre d’enfants. Le lieu d’habitation apparaît comme un enjeu décisif à chaque étape de la vie et un déterminant du destin individuel. La préférence du lieu de vie diffère selon l’âge des enfants (périphérie des villes avec des enfants en bas âge et plutôt centreville pour les plus grands). Il est également évident que les mauvaises conditions de logement ou la perte de celui-ci, ont des effets collatéraux sur la famille et les enfants.
Enjeux de la politique du logement
Pour l’UNAF, l’articulation des politiques de la famille et du logement conditionne pour une grande part la qualité de vie des familles. L’Institution familiale est donc très investie, à tous les échelons territoriaux, dans la défense de l’accès au logement pour toutes les familles, dans leur diversité, où qu’elles vivent et quel que soit leur statut (locataires, propriétaires, à la recherche d’un logement) et où les plus fragiles doivent trouver leur place dans un droit au logement qui doit devenir effectif.
Pour l’UNAF, cette politique doit être pensée de façon globale, de manière à accompagner les cycles de vie des familles, en tenant compte de leurs réalités économiques, sociales et familiales. Elle doit être abordée en cohérence avec une politique plus large de l’habitat qui tienne compte des besoins des familles en termes d’écoles, de transports, d’équipements et de services.
La politique du logement doit être plus volontariste pour assurer une meilleure adéquation entre le nombre de logements à construire et les besoins et aspirations des familles qui évoluent en fonction des circonstances de la vie. La politique du logement doit être une politique d’égalité et donc de non-discrimination face au droit au logement, dans le respect des différences, en fonction des situations financières, personnelles, familiales et professionnelles. De ce fait, la question du logement des personnes en situation de fragilité, ne doit pas être dissociée de la politique générale du logement et de l’habitat.
Les axes prioritaires pour les familles
Quatre axes prioritaires sont retenus dans l’approche familiale de la politique du logement : la solvabilisation des familles ;
l’accroissement d’une offre diversifiée de logements à vivre pour les familles dans une approche en termes de parcours résidentiel ; la prévention et la lutte contre les exclusions en favorisant l’accès au droit commun ; la défense du droit à un logement de qualité pour tous et l’éradication de l’habitat insalubre.
La solvabilisation des familles
Le logement représente le principal poste de dépenses des familles et est en forte augmentation. On entend par dépense de logement : le coût du loyer ou de l’acquisition, ajouté aux charges (énergie, eau, entretien, sécurité, taxes, etc.). Et ces charges augmentent de façon incontrôlable. Il faut également tenir compte des dépenses de transports, déterminées par la localisation des logements. Les aides personnelles au logement jouent un rôle déterminant dans la solvabilisation des familles et représentent donc un élément fondamental de la politique familiale. Or ces aides ont perdu de leur efficacité depuis plusieurs années, du fait de leur faible actualisation, conjuguée avec l’augmentation du coût des loyers et des charges et de la précarité des familles. Par ailleurs, ces aides sont désormais limitées aux familles les plus modestes.
L’UNAF a comme préoccupation constante de défendre le niveau solvabilisateur des aides personnelles au logement en veillant à ce que le taux d’effort des familles ne se dégrade pas et que son niveau reste supportable.
Parallèlement à la fragilisation du pouvoir d’achat des familles, l’évolution des modes de vie, des aléas de la vie familiale (entrée de plus en plus tardive dans ce parcours résidentiel, ruptures familiales, recompositions, augmentation du nombre de personnes isolées) ont transformé l’enchaînement des séquences de la vie et par-là même le parcours familial et résidentiel classique. Il n’y a donc plus de parcours résidentiel normé : les trajectoires sociales familiales et professionnelles ne sont plus linéaires.
Les familles nombreuses connaissent aussi des difficultés, tant pour l’accès au logement social que pour l’accès aux logements intermédiaires. L’allongement de la durée de la vie et le maintien à domicile sont également une donnée démographique majeure ayant des incidences fortes sur le logement. Ces transformations de la famille modifient aussi fortement la demande de logements.
Ainsi, pour l’UNAF, il faut agir
sur l’ensemble de la chaîne du
logement (locatif et accession, public, privé, constructions neuves et amélioration du parc existant) afin de produire une offre de logements diversifiée, des logements de qualité, à prix abordables, et favorisant le libre choix. On doit aussi penser le logement pour qu’il s’adapte aux évolutions et aux besoins des familles, dans un parcours résidentiel, de manière à ce que chaque famille habite le logement qui lui convient le mieux et soit accompagnée quand cela est nécessaire. L’accession à la propriété, même si elle est une aspiration forte des familles, ne peut pas être uniquement une injonction idéologique, mais doit s’inscrire dans un projet de vie.
Enfin, le « vivre ensemble » nécessite un équilibre de mixité de population dans les villages, les cités, les quartiers, les immeubles. Cette mixité ne doit pas être abordée selon le seul axe social. Pour l’UNAF, il faut placer l’intergénérationnel au cœur de toutes les politiques publiques et en particulier dans le domaine de la politique du logement.
La prévention et la lutte contre les exclusions, par le droit commun
Les personnes et familles défavorisées sont les premières victimes du dysfonctionnement des marchés du logement. Le nombre de personnes et de familles en grande difficulté de logement est
Le logement social au service des citoyens et des familles
Plus encore dans un contexte de fragilisation des familles et de difficulté d’accès au logement, le logement social doit être le bras armé de la politique de l’État en matière de protection et de solidarité envers les citoyens, un filet protecteur, un élément d’équilibre de notre société par la mixité sociale et intergénérationnelle. Il est un des outils essentiels de la solidarité nationale et à ce titre, il doit être reconnu comme une priorité nationale pour répondre aux besoins en logements des familles, notamment des plus fragiles
Pour l’UNAF, le logement social ne doit pas exclure, mais au contraire accueillir le plus largement possible. Il doit s’adapter et anticiper les évolutions de la société. Le Mouvement HLM, aidé par la puissance publique, se doit de produire des logements à vivre pour les familles ; des logements de qualité à prix abordables qui prennent en compte les besoins en termes d’école, de transports, d’équipements et de services. Il doit également répondre au manque de grands logements pour les familles nombreuses et favoriser les mesures permettant de libérer des logements en chaîne.
L’UNAF et les UDAF recherchent l’équilibre financier entre les besoins des organismes HLM qui doivent améliorer le parc existant et construire de nouveaux logements et les intérêts des familles locataires qui doivent pouvoir faire face à leur dépense de logement, avec un niveau de taux d’effort supportable. Les aides à la pierre doivent donc être renforcées pour développer la production d’une offre nouvelle, mais aussi pour poursuivre la politique d’amélioration de la qualité des logements existants, en maintenant des niveaux de loyers abordables pour les ménages et familles modestes ou défavorisés.
en constante augmentation. La perte du logement représente un phénomène douloureux pour les familles et provoque trop souvent des drames familiaux : éclatement de la famille, séparation des enfants de leurs parents, divorces, etc.
La politique du logement en faveur des familles en difficulté doit être intégrée à la politique générale du logement et de l’habitat : elle appelle donc des mesures de portée générale qui doivent être complétées, en tant que de besoins, par des mesures spécifiques et ciblées ; l’objectif final étant bien pour ces familles l’accès à un logement de droit commun.
À ce titre, la loi instituant le droit au logement opposable doit être un aiguillon pour tous et tendre vers le droit au logement effectif. Cela implique un plan d’envergure de construction massive de logements à prix accessibles pour les familles et là où se situent les véritables besoins.
Les principales représentations « logement » de l’UNAF
• Conseil National de l’Habitat • Comité stratégique du Plan
Bâtiment Grenelle • Commission Nationale de
Concertation • Comité de suivi de la mise en œuvre du DALO • Conseil Social des HLM • ANIL • Comité d’éthique et de déontologie de la FNAIM • Instances relatives à la qualité de l’habitat (Qualitel,
Qualibat, Cequami, Maisons de Qualité)
Le droit à un logement de qualité pour tous
Le droit à un logement de qualité pour tous a toujours représenté un moteur de la politique familiale. La qualité du logement doit être traitée, du point de vue du confort (normes d’habitabilité), de la taille des logements (taille du logement en adéquation avec la taille de la famille), mais également en fonction de leur localisation (par rapport au lieu de travail par exemple) et des différents services et équipements de proximité (transports, etc.). Les besoins des propriétaires occupants en termes d’amélioration et d’entretien de l’habitat sont importants et doivent également être pris en compte dans la politique du logement.
L’articulation des politiques publiques, à tous les échelons territoriaux, est un enjeu essentiel et tous les acteurs du logement doivent donc s’interroger sur la pertinence et la cohérence des politiques à mener. Dans ce contexte, conduire une véritable politique du logement constitue un des défis majeurs pour un Gouvernement. Partenaire des pouvoirs publics, l’Institution familiale entend continuer à y participer, par son expertise et ses propositions, en apportant sa spécificité et son approche « Famille ». ■
La nécessaire maîtrise des charges
Les dépenses d’énergie liées au logement et aux transports constituent un poste important du budget des familles, avec des inégalités accrues selon les performances énergétiques des logements, le type de logement, les modes de chauffage, la localisation, les revenus et l’âge des ménages. La réduction des charges représente donc un enjeu majeur en termes de pouvoir d’achat et d’impact écologique pour toutes les familles, qu’elles soient locataires ou propriétaires, afin de lutter contre la précarité énergétique. La performance énergétique des logements, réglementée et financièrement accessible pour toutes les familles, doit rester un objectif fort.
Les aides personnelles au logement : un filet de protection
Ces aides ont pour vocation de soutenir dans leur effort financier pour se loger les familles locataires ou accédantes à la propriété. Elles jouent un rôle essentiel dans la solvabilisation des familles et constituent, de ce fait, un élément fondamental de la politique familiale. Par leur redistributivité et réactivité, elles conditionnent pour de nombreuses familles non seulement l’accès au logement, mais aussi la pérennité dans le logement, avec un rôle de « filet de protection » contre les accidents de la vie. Ces aides doivent donc être de la responsabilité de l’État qui est le garant de la solidarité nationale. Pour l’UNAF, ces aides doivent rester des aides spécifiques dédiées au logement, prenant en compte : le coût du logement (loyer + charges), la composition familiale et les ressources du ménage ou de la famille. Il est primordial de garantir le caractère solvabilisateur de ces aides par une actualisation significative. Par ailleurs, la complémentarité entre les aides personnelles et les aides à la pierre permet de limiter l’évolution des taux d’effort des ménages (les aides à la pierre favorisent la production de logements à prix réduits et les aides personnelles aident directement les ménages à supporter la dépense de logement). Afin d’apprécier le taux d’effort des familles et d’évaluer l’efficacité économique et sociale des aides publiques au logement, l’UNAF souhaite la création d’un observatoire de l’évolution des loyers et des charges réellement supportés par les familles.
La dimension sociale du parc locatif privé
Le parc locatif privé a un rôle important à jouer, en complément du parc locatif social, par une grande diversité de l’offre, par des logements souvent bien situés (en centre-ville), par une offre en milieu rural où ne s’applique pas l’obligation de l’article 55 de la loi SRU , … La reconnaissance de la fonction économique et sociale du parc locatif privé suppose la mise en place de mesures permettant de soutenir la production d’une offre de logements économiquement accessibles sur l’ensemble du territoire et de réaliser une véritable politique de réhabilitation du parc existant. C’est pourquoi, l’UNAF est favorable à tout dispositif incitatif qui permet aux propriétaires privés de mettre sur le marché des logements de qualité, accessibles au plus grand nombre et en particulier aux familles en difficultés. L’État se doit d’intervenir afin d’aider à la mise sur le marché de logements locatifs privés conventionnés, en particulier en zone tendue. Cette aide de l’État doit être conditionnée par une véritable contrepartie sociale et une demande territoriale. Ces logements doivent être loués à des ménages dont les revenus ne dépassent pas des plafonds de ressources déterminés, à des niveaux de loyers maîtrisés inférieurs au prix du marché, et respecter des normes de qualité. L’UNAF soutient les mesures à caractère « rassurantiel » : les dispositifs de sécurisation des risques locatifs par l’avance du dépôt de garantie et la garantie du paiement des loyers (type GRL), le versement de l’aide personnelle au logement en tiers payant…
L’UNAFs’est toujours positionnée pour le droit au logement effectif et universellement appliqué et s’est donc félicitée que la loi DALO acte le principe d’opposabilité du droit au logement et reconnaisse les familles avec enfants parmi les publics prioritaires. Sans être un droit au logement effectif, cette loi est un aiguillon pour que l’autorité publique prenne les mesures nécessaires à son effectivité. Ce n’est pas non plus le DALO qui résoudra seul la question de la crise du logement, pour cela une politique de construction mas-Le droit au logement opposable et le droit commun sive de logements à prix abordables pour le plus grand nombre, et là où se situent les véritables besoins, est nécessaire. L’effort national dans ce domaine doit être appliqué par tous, avec le respect de la loi Solidarité et renouvellement urbains (SRU) qui impose aux communes de disposer d’au moins 20 % de logements sociaux. L’UNAF insiste pour que le DALO reste une solution de recours quand toutes les voies du droit commun sont épuisées et ne doit pas se substituer au droit commun. Si le DALO vise seulement à gérer la pénurie et réorganiser les files d’attentes, il sera un élément supplémentaire de discrimination en opposant les catégories de demandeurs entre elles. Ce serait une dérive et une négation de la volonté politique initiale qui est de conforter un droit universel.




