URBA - Mars 2021

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CHRONIQUE JURIDIQUE L’importance du nom d’une municipalitĂ©

MARS 2021

Une municipalité est une personne morale de droit public et comme toute personne elle a un nom sous lequel elle exerce ses droits, notamment pour la rédaction des contrats ou pour intenter des recours judiciaires.

URBA

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La Loi sur l’organisation territoriale municipale Ă©dicte que le nom d’une municipalitĂ© locale comprend le mot « Municipalité » et un toponyme. Toutefois, le nom peut plutĂŽt comprendre le mot « Ville » ou « Village ». Ainsi lors de la crĂ©ation d’une nouvelle municipalitĂ© ou lors d’une demande de changement de nom, on a seulement trois choix. La Loi prĂ©voit cependant que les anciennes municipalitĂ©s de « Paroisse » ou de « Canton » peuvent conserver cette vieille dĂ©signation. Ajoutons que les derniĂšres « Cité » (Dorval et CĂŽte-Saint-Luc) ont disparu avec le regroupement des villes de l’üle de MontrĂ©al pour former, en 2002, la nouvelle Ville de MontrĂ©al. MĂȘme si ces municipalitĂ©s ont retrouvĂ© leur personnalitĂ© juridique en 2006, elles n’ont pas repris leurs anciennes dĂ©signations car elles sont maintenant des « Villes ». La Loi sur les citĂ©s et villes ne s’applique donc aujourd’hui qu’à des villes malgrĂ© son titre qui date de 1903. Le nom d’une municipalitĂ© comprend un toponyme qui fait habituellement rĂ©fĂ©rence Ă  son histoire. Au QuĂ©bec, environ 40 % des municipalitĂ©s locales ont pour toponyme le nom d’un saint ou d’une sainte ou un nom qui a une connotation religieuse. Ceci s’explique par le fait que les municipalitĂ©s quĂ©bĂ©coises ont Ă©tĂ© en 1855, lors de leur crĂ©ation, calquĂ©es sur le territoire des paroisses religieuses catholiques. Ce faisant, les nouvelles municipalitĂ©s ont hĂ©ritĂ© du nom du patron de la paroisse. Vouloir aujourd’hui « laĂŻciser » les noms de nos municipalitĂ©s, c’est non seulement dĂ©montrer une mĂ©connaissance de l’origine de nos institutions municipales mais aussi faire une « croix » sur un passĂ© pas si lointain !

Me JEAN HÉTU, AD. E., AVOCAT-CONSEIL

Une municipalitĂ© peut vouloir changer de nom et la Loi prĂ©voit une procĂ©dure de consultation de la population dont les rĂ©sultats sont soumis Ă  l’attention du ministre des Affaires municipales qui dĂ©cide en dernier ressort. On peut ainsi vouloir simplifier un toponyme jugĂ© trop long. Par exemple, en 1998, le ministre a approuvĂ© la demande de changement de la « MunicipalitĂ© de Saint-Paul-du-Nord-Sault-au-Mouton » pour lui donner le nom de « MunicipalitĂ© de Longue-Rive ». Par ailleurs, une municipalitĂ© peut elle-mĂȘme, sans changer son nom officiel, vouloir le simplifier pour faciliter sa dĂ©signation quotidienne. C’est ainsi que la « MunicipalitĂ© de la paroisse de Notre-Dame-du-SacrĂ©-CƓurd’Issoudun » prĂ©fĂšre utiliser simplement « MunicipalitĂ© d’Issoudun », mĂȘme si ce n’est pas son nom exact. La population peut parfois considĂ©rer que le toponyme porte au ridicule. Ce fut le cas en 1998 lorsque les citoyens de la « MunicipalitĂ© de Boucher » en Mauricie ont optĂ© pour le nom de « Trois-Rives ». Par ailleurs, les Français ne semblent pas beaucoup se prĂ©occuper du fait que certaines de leurs 35 000 communes puissent porter des noms assez Ă©tranges comme « Condom » ou « Montcuq ». Elles en tirent d’ailleurs une certaine publicitĂ© gratuite. Depuis longtemps la Ville d’Asbestos voulait cesser d’ĂȘtre identifiĂ©e Ă  un produit dangereux pour la santĂ© puisque ce toponyme signifie en anglais « amiante ». Par consĂ©quent, la Ville a tenu en octobre dernier un rĂ©fĂ©rendum pour faire disparaĂźtre la connotation nĂ©gative de sa dĂ©signation en permettant aux rĂ©sidents de 14 ans et plus ainsi qu’aux propriĂ©taires de voter sur une pĂ©riode de trois jours. Le maire Ă©tait d’opinion que le nom d’Asbestos Ă©tait un frein au dĂ©veloppement Ă©conomique et social de sa ville. Les habitants ont Ă©tĂ© invitĂ©s Ă  choisir entre six propositions de changement de nom : L’Azur-des-Cantons, Jeffrey-sur-le-Lac (un souvenir de la mine Jeffrey fermĂ©e en 2012 !), Larochelle, PhĂ©nix, Trois-Lacs et Val-des-Sources. La population (taux de participation de 48,2 %) a choisi cette derniĂšre appellation avec 51,5 % des votes au

troisiĂšme tour de votation. Ce nouveau nom a Ă©tĂ© entĂ©rinĂ© par la ministre en dĂ©cembre dernier. Mais les vieux habitants s’attachent trĂšs souvent Ă  l’ancienne dĂ©signation. Ainsi, plusieurs mineurs d’autrefois ont dĂ©clarĂ© qu’ils vont continuer Ă  dire « On vient d’Asbestos ». C’est un peu la mĂȘme chose par exemple de certains habitants de la Ville du Lac-Brome qui disent encore qu’ils rĂ©sident Ă  Knowlton alors que cette municipalitĂ© a Ă©tĂ© fusionnĂ©e en 1971. Le nom d’une municipalitĂ© est protĂ©gĂ©. Certaines chartes municipales sont explicites Ă  cet Ă©gard. Par exemple, celle de la Ville de MontrĂ©al Ă©dicte que nul ne peut, sans son autorisation, utiliser de quelque façon que ce soit son nom, ou un nom qui peut ĂȘtre confondu avec ce nom, son Ă©cusson, blason, drapeau, armoirie ou symbole graphique, et ce, sous peine d’amende. Qui plus est, une municipalitĂ© a droit, Ă  titre de personne morale, au respect de son nom et la jurisprudence lui reconnaĂźt le droit d’intenter, le cas Ă©chĂ©ant, un recours en diffamation. Un juge a mĂȘme dĂ©cidĂ© qu’un citoyen qui menait une campagne visant Ă  ternir la rĂ©putation d’un maire s’attaquait Ă©galement Ă  la rĂ©putation de sa municipalitĂ© et que les deux avaient droit Ă  des dommages-intĂ©rĂȘts. En terminant, mentionnons que pour connaĂźtre le nom officiel d’une municipalitĂ© et sa bonne graphie, il faut consulter le document officiel (loi, lettres patentes, proclamation, dĂ©cret) qui lui a donnĂ© naissance ou qui a autorisĂ© un changement de nom. Toutefois, le RĂ©pertoire des municipalitĂ©s du QuĂ©bec peut ĂȘtre trĂšs utile Ă  cet Ă©gard.


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