VILLES INTELLIGENTES Le numérique dans les municipalités au Québec : le point de vue de l’éthique La Commission de l’éthique en science et en technologie dévoile ses lignes directrices en matière de « ville intelligente » Par Dominic Cliche, conseiller en éthique, Commission de l’éthique en science et en technologie
Les technologies numériques sont omniprésentes dans la société et se diffusent rapidement. Elles sont, de plus en plus, une composante intégrée de nos environnements. Dans le monde municipal, le recours accru aux données et aux technologies numériques est au cœur d’initiatives regroupées sous le concept de la « ville intelligente ».
JANVIER 2018
Selon le président de la Commission de l’éthique en science et en technologie (CEST)1, Jocelyn Maclure, « plusieurs municipalités québécoises se tournent vers le numérique pour améliorer la gestion et les services à la population. Cependant, cela n’est pas sans soulever bon nombre d’enjeux éthiques. Pensons à l’équité entre les territoires et à la protection de la vie privée des citoyens, par exemple. »
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Ainsi, après avoir mené des consultations auprès de diverses municipalités, la CEST a publié le 20 octobre dernier un avis intitulé La ville intelligente au service du bien commun : lignes directrices pour allier l’éthique au numérique dans les municipalités au Québec. M. Maclure explique : « Peu de choses avaient été faites pour circonscrire ces enjeux et, surtout, pour outiller les municipalités afin qu’elles puissent y répondre. C’est ce que cherche à faire la Commission avec son nouvel avis. » Elle y propose des outils pour soutenir la prise de décision éthique dans le contexte des villes intelligentes. Il s’agit d’un complément à la Stratégie numérique du gouvernement du Québec et aux initiatives telles que la Commission des villes intelligentes de l’UMQ.
SE DONNER LES MOYENS DE RÉSISTER AU CHANT DES SIRÈNES Le développement des villes intelligentes s’opère dans un contexte commercial où se font valoir d’importants intérêts privés. Or, malgré les pressions du marché, les villes doivent agir dans l’intérêt du bien commun. Un risque éthique important est posé par une logique de l’offre technologique. On entend par là l’adoption de solutions numériques essentiellement parce qu’elles sont disponibles et que c’est dans l’air du temps, plutôt que parce qu’on a préalablement déterminé que cela répond à un besoin réel. C’est ce qu’on appelle l’approche de « la solution à la recherche d’un problème ». Les entreprises de télécommunication voient dans les villes un nouveau marché pour leurs produits et services. Pour les municipalités, l’idée n’est pas de craindre ces entreprises, mais de résister au chant des sirènes. Le risque encouru est d’allouer des ressources, souvent rares ou du moins limitées, à des projets qui n’ont que peu ou pas de bénéfices concrets sur la qualité de vie des citoyens ou l’efficacité de l’organisation municipale.
Pour affronter ce risque, les municipalités doivent avoir accès à une expertise solide et indépendante, de manière à maintenir leur autonomie et à interagir avec les fournisseurs dans un rapport de force équilibré. Cependant, maintenir une telle expertise à l’interne peut être très coûteux. Des partenariats entre municipalités pourraient pallier ce problème. SE PRÉPARER POUR GÉRER LES RISQUES La collecte, l’utilisation et la diffusion de données ainsi que l’intégration des technologies numériques exposent les municipalités à des risques juridiques importants. Par exemple, elles pourraient être tenues responsables au civil pour des dommages résultant de