BNQ quarterly (20/06/2018) - La ville réinventée

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Quarterly Débat “La ville intelligente est plus qu’une cité bourrée de gadgets”

Viva Technology La “smart city” au cœur de la grand-messe technologique

PERSPECTIVES ON BANKING

La ville réinventée Smart cities : qu’ont-elles exactement à offrir? Les réponses de Dominique Leroy (Proximus) et Max Jadot (BNP Paribas Fortis) Une initiative de BNP Paribas Fortis en collaboration avec Echo Connect


4 “Les smart cities ne doivent pas fonctionner en systèmes clos”, estime Geoffrey Grulois (ULB).

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Vers la ville intelligente

8 Les villes du futur ne seront pas uniquement des cités bourrées de gadgets technologiques, estiment nos six experts.

28 22 Le sociologue urbain Stijn Oosterlynck: “Une smart city ne se résume pas à la technologie”

Les villes intelligentes sont en vogue, mais qu’ont-elles à offrir? Les réponses de Dominique Leroy (Proximus) et Max Jadot (BNP Paribas Fortis).

Ours Une initiative de BNP Paribas Fortis en collaboration avec Echo Connect. Coordination : Tim De Geyter. Lay-out : Mediafin Creative Studio. Photos : Frank Toussaint, sauf mention contraire. Photo de couverture: Frédéric Raevens E.R. : WalterTorfs, Montagne du Parc 3, 1000 Bruxelles.

Echo Connect offre aux entreprises, organisations et organismes publics l’accès au réseau de L’Echo, pour partager leur vision, leurs idées et leurs solutions avec la communauté de L’Echo. Les partenaires impliqués sont responsables du contenu.

CONNECT


Le salon high-tech Viva Technology nous apprend comment la ville intelligente profite à tous.

Céline Vanderborght, Smart City Manager Bruxelles

BNP Paribas Fortis fonde sa politique sur les 17 Objectifs de Développement Durable des Nations Unies. L'objectif 11 s'efforce de rendre les villes et les communautés humaines inclusives, sûres, résilientes et durables.

B NQ B NQ est une plateforme de contenu de cross médias consacrée à la banque socialement responsable et moderne. Au travers de la diffusion d'informations, B NQ entend ouvrir le débat et le dialogue sur la base de récits remarquables, innovants et concrets. Ce magazine a été imprimé le 20/06/2018 www.lecho.be/bnq

édito

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La Région de Bruxelles-Capitale se revendique désormais comme "intelligente". Il est grand temps, alors que des villes comme Amsterdam et Barcelone mettent en avant depuis plusieurs années leur dimension de smart city. Et pourtant, dans notre région, les réalisations et les projets pullulent. Mais les acteurs qui les portent n'identifient pas forcément cette dimension – on pourrait dire qu'ils font souvent du smart sans le savoir. En outre, les citoyens eux-mêmes n'appréhendent pas toujours pleinement ce que recouvre la notion de smart city. Un exemple? Un système de parking intelligent, limité à 30 minutes, qui prévient la police automatiquement quand le temps de stationnement maximal est dépassé. De telles initiatives naissent sur notre territoire, mais elles sont généralement fragmentées. C'est pourquoi la Région de BruxellesCapitale (RBC) a créé, au sein du CIRB (Centre d'informatique pour la Région bruxelloise), un Smart City Office. Cette nouvelle structure joue un rôle de catalyseur dans la cocréation de la RBC en version "smart". Dès cette année, elle accompagnera les projets et élaborera une "feuille de route", tout en s'assurant de la mise en place d'une architecture technique. Au cœur du dispositif figureront l'analyse de données et l'intelligence artificielle, l'internet des objets, les réalités virtuelle et augmentée. Soit les trois secteurs technologiques identifiés comme déterminants pour la Région-capitale. La première phase de lancement du Smart City Office se concentre sur la participation dans son sens le plus étendu. L’objectif est l’engagement des parties prenantes. C’est la fameuse "quadruple hélice": secteur public, secteur privé, chercheurs et organisations citoyennes. Cela nous permet de collecter les visions, les projets en gestation, les besoins et les risques pour la création de nouveaux projets smart City. Une plateforme de participation ajoutera de la fluidité à l'ensemble. Car la technicité ne doit pas faire perdre de vue l'essentiel: la smart city permet de rendre la région plus durable, plus efficace au quotidien, plus agréable pour tous. Sa relation aux citoyens étant plus directe, elle leur offre de se réapproprier l'espace urbain. Par exemple, les habitants peuvent recourir à l'application FixMyStreet pour signaler un trou dans la chaussée, un défaut dans l'éclairage public, un problème de poubelle, etc. Ils envoient une photo, leur géolocalisation s'active, et la notification est directement transmise à la bonne personne au sein du service concerné. Cela contribue à l'efficacité des services publics communaux et régionaux. Plus largement, la Région intelligente soutient l'innovation sociale; l'ouverture qu'elle entraîne va dans le sens d'une cocréation de la Région bruxelloise par ceux qui la vivent au quotidien. Comment en favoriser l'émergence, en soutenir le développement? Il me paraît crucial, à ce stade, de servir de catalyseur pour qu’émergent de nouveaux services, et d’autre part de définir des normes. Afin d’éviter que chacun développe dans son coin un système incompatible avec les autres. Offrir un cadre général favorable pour lancer des projets smart et mettre en avant des standards, c'est précisément ce que les acteurs attendent des pouvoirs publics. Et c'est le défi que ceux-ci doivent relever, Union européenne en tête.


Geoffrey Grulois


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“Construire un regard critique sur les smart cities” Risque d'enclavement, d'exclusion de certains publics, privatisation des données: l'émergence des smart cities soulève des questions sociétales que l'on ne doit pas ignorer, estime le professeur d'urbanisme Geoffrey Grulois (ULB).

engouement des pouvoirs publics et des entreprises pour les "villes intelligentes" est palpable… même si la définition des smart cities reste assez floue. Il s'agit, entre autres, de recourir aux technologies numériques et interactives et aux infrastructures high-tech pour optimiser dans une ville la consommation d'énergie, la mobilité et la gestion des déchets, afin de répondre aux défis du changement climatique et de la finitude des ressources. Je voudrais souligner que la ville n'a pas attendu le numérique pour devenir intelligente. Et que l'innovation sociale et la responsabilité environnementale peuvent se développer en dehors de toute infrastructure technologique. Dans les smart cities telles qu'elles se profilent, nous devons, à mes yeux, rester vigilants quant au rôle passif assigné aux usagers face aux recours aux algorithmes et aux systèmes d'information.

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qui pourrait être porteuse d'exclusion et de dérives. La protection des données privées y sera-t-elle suffisante? Enfin, le coût environnemental des technologies s'avère souvent sous-estimé. Les infrastructures du numériques nécessitent notamment l’extraction de matières précieuses dont l’empreinte carbone est non négligeable. Pour conclure, ne soyons pas technophobes, mais gardonsnous de techno-utopies dans lesquelles les technologies en viendraient à dominer la responsabilité et la liberté du citoyen. Geoffrey Grulois, professeur à la faculté d’architecture de l’ULB LoUIsE - Laboratory on Urbanism, Infrastructures and Ecologies Metrolab.brussels – Trans-disciplinary and inter-university laboratory for applied and critical urban research

Enclaves high-tech À ce premier point, j'en ajoute un deuxième: les "smart cities" renvoient généralement à un système spatiale et technologique clos. Les villes intelligentes courent ainsi le risque de devenir des enclaves high-tech comme on l’a remarqué à Masdar à Abu Dhabi et Songdo en Corée du Sud. Elles tendent à exclure certains usagers moins favorisés ou ayant moins accès à la technologie. Troisième particularité: contrairement aux infrastructures publiques qui ont servi à moderniser nos villes aux XIXe et XXe siècles (réseaux d'eau, d'électricité, de transport public, etc.), les smart cities sont tributaires de technologies mises à disposition par de grandes corporations privées. Une privatisation

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LES SMART CITIES NE DOIVENT PAS FONCTIONNER EN SYSTÈMES CLOS, EXCLUANT CERTAINS USAGERS. Geoffrey Grulois


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Vers la ville intelligente Des villes réellement intelligentes se développent. Qu’est-ce qui fait le succès d’initiatives lancées sous des appellations vendeuses du type « pilots » et « living labs » ? Elles exigent une nouvelle politique et d’autres modes de financement. Les pouvoirs publics et les entreprises doivent investir pour rendre les villes plus efficaces, plus respectueuses de l’environnement, plus viables et plus sûres.

La ville aujourd’hui En moyenne, le Belge consacre 54 minutes par jour à ses déplacements domicile-lieu de travail.

En raison du nombre croissant d’habitants, les prix des logements en ville ne cessent d’augmenter. En 2017, ils avaient progressé de 28% en moyenne.

En 2015, la Belgique utilisait 76,5% de carburants fossiles pour approvisionner la population en énergie.

LE XIXe SIÈCLE ÉTAIT LE SIÈCLE DES EMPIRES, LE XXe SIÈCLE, CELUI DES ÉTATS-NATIONS. LE XXIe SIÈCLE SERA LE SIÈCLE DES VILLES.

Le nombre de véhicules en circulation en Belgique est passé de 4,6 millions en 2000 à 5,7 millions en 2016.

Wellington E. Webb, bourgmestre honoraire de Denver

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La ville intelligente Logement, travail et détente sont réunis dans des immeubles modulaires.

Les investissements informatiques dans les smart cities représentent un marché de 34 milliards d’euros par an.

La distribution en ville s’effectue à l’aide de voitures électriques. La possibilité de combiner logement et travail réduit les prix des habitations.

On estime qu’en 2022, 20,4 milliards d’appareils communiqueront entre eux de manière autonome.

Rendre les bâtiments autosuffisants en énergie, mais aussi redistribuer l’énergie aux immeubles attenants.

Des jardins potagers populaires et individuels et quelques fermes urbaines innovantes fleurissent un peu partout dans la ville.

La mobilité sans émissions est une exigence mondiale. L’électricité destinée au chargement des véhicules provient de plus en plus souvent de sources renouvelables, ce qui se traduit par une mobilité CO2 neutre.

Sources : United Nations Population Fund (UNFPA), Gemeente-en stadsmonitor Vlaanderen, Smart City Hub, Statbel, Agoria, Michael Page, PwC, Jobat.

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De gauche à droite: Rudi Cartuyvels (imec), Nathalie Renneboog (citydev.brussels), Chris Peeters (groupe Elia), Didier Beauvois (BNP Paribas Fortis), Angelo Meuleman (Taxistop), Ingrid Reynaert (Agoria).

Citoyens intelligents, villes intelligentes Les villes du futur sont des "smart cities", un qualificatif qui évoque un peu trop rapidement des cités bourrées de gadgets technologiques. Or, ce n’est pas ce qui importe en premier lieu. Il était donc grand temps d’organiser une "smart discussion" avec six experts: Didier Beauvois (BNP Paribas Fortis), Rudi Cartuyvels (imec), Angelo Meuleman (Taxistop), Chris Peeters (groupe Elia), Nathalie Renneboog (citydev.brussels) et Ingrid Reynaert (Agoria).

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Une smart city est-elle avant tout une ville où la technologie est omniprésente? Renneboog: "Les données et la technologie jouent un rôle important dans les smart cities, mais elles n’en constituent pas l’essence. La technologie est principalement un outil destiné à réduire la consommation d’énergie et la production de déchets, améliorer la mobilité et accroître la qualité de vie. Autant de défis auxquels seront confrontées les villes. Selon les Nations unies en effet, les deux tiers de la population mondiale habiteront en agglomération en 2030. Cette augmentation de la population pèse sur la qualité de vie. L’évolution vers des villes intelligentes est donc d’abord une évolution vers des villes durables. L’objectif? Répondre aux besoins des générations actuelles sans mettre en péril les générations futures."


© Studio Dann

Meuleman: "La ville intelligente n’est pas nécessairement la ville qui dispose de la meilleure technologie. Il s’agit de connecter les domaines politiques, mais aussi d’y intégrer l’enseignement, les mouvements citoyens, les entreprises et les investisseurs. Car la ville qui imaginera les meilleures solutions sera celle qui parviendra le mieux à réunir tous les acteurs. L’époque est révolue où une ville pouvait conserver le contrôle; l’évolution technologique est beaucoup trop rapide. Une ville ne peut y répondre qu’en collaborant intelligemment avec d’autres acteurs, comme l’industrie." Beauvois: "Quelle que soit la définition que vous utilisez, l’amélioration du bien-être des citoyens doit être au centre d’une smart city. Les villes intelligentes doivent atteindre une plus grande durabilité et se fonder sur une collaboration très étroite de tous les acteurs impliqués: le citoyen, le secteur public local, les entreprises et les associations. La notion de smart city dépasse largement l’utilisation des technologies. Celles-ci permettent de collecter et d’échanger des données, mais elles ne constituent pas un objectif en soi. La technologie doit avant tout permettre d’améliorer le bien-être dans une ville." Les villes se sont toujours transformées. Les cités d’aujourd’hui ne sont pas comparables à celles d’il y a 50 ans. Pourquoi cette période est-elle à ce point particulière que nous parlons de "villes intelligentes"? Cartuyvels: "Nous sommes mieux à même de mesurer certains facteurs avec précision. C’est un atout très important dans un monde où l’urbanisation s’accroît sans cesse. Nous ne pourrons

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lutter intelligemment contre les problèmes de consommation d’énergie et de mobilité que si nous sommes capables de cartographier la problématique. Les nouveaux capteurs et les technologies réseaux font que, désormais, c’est parfaitement possible. C’est sur cette base que nous pourrons imaginer des solutions structurelles." Peeters: "Un autre élément apte à changer la donne est l’évolution des mentalités, qui fait que nous prêtons davantage d’attention à la durabilité. Jusqu’il y a peu, nous acceptions que la croissance d’une ville s’accompagne d’une augmentation de la consommation d’énergie et de la production de déchets. Nous avons par conséquent fourni davantage d’énergie et étendu les nouvelles décharges en bordure des villes. C’était notre manière d’absorber la croissance. Notre regard, cependant, a changé. L’objectif n’est certes pas de s’opposer à une croissance débridée, mais tant la croissance actuelle que la croissance future devront être durables. Cela exige une approche totalement différente." Reynaert: "Les pouvoirs publics sont eux aussi confrontés à une transformation globale. Ils doivent relier des données à partir de différents domaines politiques. De ce fait, nous évoluons >


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> vers une manière de travailler et une structure organisationnelle inédites. Il est souvent impossible de partager des données d’un département à l’autre en raison d’un manque de standardisation. Le déploiement des smart cities nécessite une approche transversale. Des gens qui ne se sont jamais parlé doivent collaborer pour développer et mettre en œuvre les applications intelligentes nécessaires. Ceci ne se limite d’ailleurs pas aux pouvoirs publics. L’industrie subit le même changement de trajectoire." Les pouvoirs publics et l’industrie parviennent-ils à développer une vision suffisamment commune autour des smart cities? Reynaert: "Voici un autre point délicat. Les pouvoirs publics et l’industrie ne sont pas des partenaires naturels en Belgique; il faut presque les encourager en continu à collaborer. Pourtant, ces nouveaux partenariats s’avèrent très précieux. Les pouvoirs publics n’ont plus les connaissances et capacités nécessaires pour répondre aux évolutions technologiques. En travaillant main dans la main avec l’industrie, il leur sera possible de réaliser de beaux projets: l’industrie supportera les risques, tandis que les pouvoirs publics conserveront le contrôle sur le devenir de la ville. Cela implique un nouveau mode de collaboration. Et il reste du pain sur la planche dans ce domaine." Peeters: "Il règne une trop grande opposition entre la vision à long terme dont ont besoin les grandes entreprises pour réaliser des investissements lourds, et le court-termisme qui prime encore souvent au sein des pouvoirs publics. Pour une entreprise énergétique comme la nôtre, l’Accord de Paris sur le climat est fantastique en ceci qu’il fixe des objectifs très clairs

QUELLE QUE SOIT LA DÉFINITION QUE VOUS UTILISEZ, L’AMÉLIORATION DU BIEN-ÊTRE DES CITOYENS DOIT ÊTRE AU CENTRE D’UNE SMART CITY. Didier Beauvois, BNP Paribas Fortis

Nathalie Renneboog

pour le long terme. Malheureusement, les pouvoirs publics n’ont pas de vision nette à longue échéance pour atteindre ces objectifs. Voyez le débat sur la fermeture des centrales nucléaires, qui n’est toujours pas clos. Ce manque de stabilité est très pénible pour une entreprise privée qui doit prendre des décisions sur le long terme." À quoi ressemblerait le réseau énergétique d’une ville intelligente? Peeters: "Pour commencer, il faut une nouvelle infrastructure. La transition énergétique implique une reconfiguration de notre réseau électrique afin que nous puissions y intégrer de grandes quantités d’énergies renouvelables. Cela aura un impact sur la manière dont nous gérons le système électrique. La production provenant de sources d’énergies renouvelables est variable, alors que nous, gestionnaire de réseau, devons garantir un équilibre permanent entre l’offre et la demande." "Par ailleurs, l’énergie devient un service. La numérisation et l’innovation technologique – pensez aux compteurs intelligents – permettront au consommateur d’optimiser sa facture d’énergie. Si vous laissez votre voiture électrique dans votre garage tout le week-end, le moment où vous la rechargez n’a aucune importance. Vous pouvez le faire le dimanche après-midi ou le vendredi soir, selon la période où la production éolienne est maximale. Ou lorsque l’industrie ne consomme rien et que nous produisons de l’énergie à bon marché. Le client final occupera une position centrale dans l’énergie en tant que service. Alors qu’actuellement, son rôle consiste surtout à financer la

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UNE ADMINISTRATION INTELLIGENTE EST UNE ADMINISTRATION QUI RESTE MODESTE ET QUI RÉUNIT TOUT LE MONDE. Angelo Meuleman, Taxistop

partie des émissions de CO2. Les pouvoirs publics contribuent à la durabilité en dévoilant des ambitions renouvelées en matière de production et de traitement des déchets. Grâce à des objectifs clairs, les entreprises et les citoyens sauront ce qu’il leur reste à faire et prendront des mesures pour évoluer dans la direction fixée."

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Angelo Meuleman

Didier Beauvois

transition énergétique. À terme, le consommateur en récoltera également les fruits." Renneboog: "Naturellement, la question de l’énergie dans une ville intelligente inclut la réduction de la consommation d’énergie. La meilleure énergie reste celle que nous ne consommons pas. Et dans ce domaine, les pouvoirs publics ont une mission à remplir. Bruxelles a très clairement joué la carte du logement passif en 2015. Cela a un impact profond sur le marché immobilier, qui demeure responsable de la majeure

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Quelle fonction est dévolue au secteur financier dans la transition vers une ville intelligente? Beauvois: "En tant que grande entreprise, nous pouvons avoir un impact sur la société. Des partenariats avec les pouvoirs publics y contribueront. Ainsi, nous avons mis sur pied un projet avec la Région flamande autour des écoles de demain. Dans le cadre de ce partenariat public-privé, nous avons, à ce jour, aidé 180 écoles et 130.000 élèves à emménager dans des bâtiments scolaires flambant neufs. Des écoles bien isolées et équipées des technologies les plus modernes. " "De nombreux exemples de ce type démontrent que nous pouvons cofinancer et accompagner des projets socialement pertinents via une cocréation avec nos clients, les pouvoirs publics, les universités et les fédérations sectorielles. En définitive, notre devoir et notre raison d’être, en tant que banquiers, est d’investir en faveur d’une prospérité durable." Les villes intelligentes sont-elles la réponse à la problématique de la mobilité? Reynaert: "D’ici à 2040, nous évoluerons vers de petits et grands hubs de mobilité, associés à des gares pour les déplacements sur de longues distances, et où les gens disposeront de multiples possibilités de transport. Une application de mobilité unique fournira les informations nécessaires et permettra de réserver les modes de transport et d’effectuer les paiements. Ces hubs seront équipés de systèmes de rechargement rapide où les véhicules auto-

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QUAND INTERDIRONSNOUS LA CONSTRUCTION DE LOGEMENTS QUI NE RÉPONDENT ABSOLUMENT PLUS À LA NORME ÉNERGÉTIQUE?

Meuleman: "Bien entendu, tout cela n’aura de sens que si nous continuons à investir dans un changement de comportement. Sans quoi la technologie n’apportera qu’une solution temporaire. Il s’agit principalement d’inciter les gens à revoir leur utilisation de la voiture. Chez Cambio, nous disposons désormais d’une flotte de 1.000 voitures partagées qui nous a permis d’extraire 15.000 voitures du trafic dans les villes flamandes. Nous constatons que dans des centres urbains comme Bruxelles et Gand, la possession de voitures par habitant a atteint un pic. Et ce n’est qu’une question de temps avant que d’autres villes les rejoignent. Cela créera de l’espace, un élément nécessaire pour donner de l’oxygène à des villes en phase de densification." Cartuyvels: "Seule, la nouvelle technologie ne permettra pas de résoudre tous les problèmes, c’est vrai. Mais je suis convaincu que, si nous la mettons en œuvre de manière adéquate, nous favoriserons un changement de comportement. Pour y parvenir, il est nécessaire de mesurer et de cartographier les flux de circulation. Ce doit

Chris Peeters

être la base d’une politique intelligente, par exemple concernant la manière dont nous organisons l’aménagement du territoire. Or, cela demande énormément de concertation entre tous les acteurs, et cette concertation n’est pas optimale, pour le moment." Meuleman: "Il ne faut pas non plus perdre de vue le poids du développement urbain. Avec des projets d’aménagement de l’espace intelligents, il sera possible de réaliser de très belles choses au cours des 50 prochaines années. Il s’agira de créer de l’espace, et de l’exploiter. L’an dernier, nous avons lancé le concept des points mobilité avec Taxistop. Nous tentons de créer un endroit où convergent plusieurs fonctions de mobilité dans chaque quartier. Pensez à une combinaison de voitures partagées, de vélos et de transports en commun. S’il est possible de créer un tel lieu dans un projet de développement, on pourra l’intégrer immédiatement dans l’ensemble afin qu’il soit visible et convivial. L’impact obtenu sera beaucoup plus grand que s’il faut planifier un tel point dans une situation existante." Nos villes se transforment-elles suffisamment en smart cities? Beauvois: "Nous ne sommes pas aussi avancés que Cologne, Oslo, Copenhague ou Paris, et c’est en partie imputable au

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> nomes reviendront se connecter avant de partir pour exécuter leur mission suivante." "Mais nous n’en sommes pas encore là. En attendant, nous devons essayer de réduire l’intensité du trafic par quelques ‘quick wins’ technologiques. Ainsi, nos feux de circulation ont toujours l’intelligence d’une bouilloire. Pourtant, on utilise déjà à l’étranger des systèmes de gestion du trafic complexes qui optimisent les flux de circulation. Mais aussi des systèmes de guidage avancés qui sortent plus rapidement des voitures du trafic en les accompagnant vers une place de stationnement libre. De tels investissements soulageront énormément la mobilité à court terme."

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Chris Peeters, Groupe Elia


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manque de cadre politique stable et à l’absence de vision claire à long terme. L’échange de données reste par exemple difficile chez nous, bien que nous soyons confrontés aux mêmes défis que nos voisins. En matière de mobilité, cela provoque de graves problèmes. Pourtant, il est possible de procéder autrement. J’ai habité Cologne voici 25 ans. Je pouvais déjà y laisser ma voiture dans un grand parking en dehors de la ville et me rendre dans le centre en transports en commun. Vous le voyez, d’autres villes investissent depuis nettement plus longtemps que nous dans la mobilité. Je reconnais que de nombreuses initiatives ont été lancées en Belgique, mais si nous n’accélérons pas la cadence, l’écart par rapport aux villes étrangères continuera de se creuser."

Rudi Cartuyvels

Cartuyvels: "Beaucoup de choses se passent mais nous avons commencé assez tard, c’est vrai. Des villes comme Anvers, Gand, Courtrai et Genk ont lancé les premières initiatives en 2014 ou 2015. Et depuis, la Région flamande accroît ses investissements dans les smart cities via City of Things à Anvers ou encore Smart Flanders. Dorénavant, nous disposons d’une approche mieux coordonnée qui permet de créer et de déployer des applications plus rapidement. Plusieurs grandes villes étrangères y travaillent depuis plus longtemps et en ont d’ores et déjà récolté les fruits."

Ingrid Reynaert

ALORS QU'ON UTILISE À L’ÉTRANGER DES SYSTÈMES DE GESTION DU TRAFIC COMPLEXES, NOS FEUX DE CIRCULATION ONT L’INTELLIGENCE D’UNE BOUILLOIRE. Ingrid Reynaert, Agoria

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Peeters: "Je ne doute pas du fait que des initiatives intéressantes aient été lancées, mais il s’agit à présent d’atteindre une échelle suffisante. Nous devons veiller à ne pas rester trop longtemps dans des phases-pilotes. Il nous faut une vision à long terme et l’audace de poser des choix radicaux. Quand interdirons-nous la construction de logements qui ne répondent absolument plus à la norme énergétique? Combien de temps parlerons-nous encore du réseau urbain autour de Bruxelles? Et quand ferons-nous des choix clairs en matière de politique énergétique? Autant de points importants qui doivent être tranchés. Et c’est le grand défi pour la Belgique. Oui, de nombreux starters développent chez nous de belles technologies, et il y a pléthore de projets-pilotes très intéressants. Mais sans envergure, il n’est pas possible d’opérer une réelle transition. Nous devons oser accomplir ce bond en avant." Renneboog: "Nous sommes parfois un peu trop durs avec nous-mêmes. Nous pouvons et devons faire mieux, c’est l’évidence. Mais au niveau européen, nous n’avons pas à rougir. Si nous observons la Région bruxelloise, de nombreuses applications technologiques sont récemment apparues en matière de mobilité. Et les pistes cyclables sont réalisées par étape. C’est vrai, les choses ne vont pas assez vite, mais nous devons apprendre à vivre avec la complexité belge. Nous allons de l’avant et le gouvernement bruxellois investit massivement dans des projets smart city. Je suis invité en France, en Autriche et même au Canada pour montrer comment nous nous y prenons. Notre approche n’est donc certainement pas aussi mauvaise que certains l’affirment." ll


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“La smart city n'est pas forcément une grande ville” Collecter des données est devenu facile. Mais pour s'appuyer sur elles afin de diminuer la consommation d'énergie et préserver l'environnement, il faut en tirer le meilleur parti. Les "briques technologiques" fournies par Opinum le permettent, dans des communes de toutes les tailles.

es données ne sont rien sans une bonne interprétation, et si elles ne débouchent pas sur des actions concrètes", déclare Loïc Bar, directeur général d'Opinum. "Pour que les data entraînent une réelle plus-value pour les villes, il faut croiser plusieurs sortes de données: consommation d'énergie, météo, horaires d'ouverture, chiffres de fréquentation, ainsi qu’une multitude d'autres données contex-

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Loïc Bar, Opinum

tuelles. Alors, les décisions à prendre s'imposent d'ellesmêmes. Par exemple, la ventilation et le chauffage de la plupart des salles de spectacle sont programmés pour fonctionner à fond toute la journée. Or, le besoin dépend du nombre de personnes dans le bâtiment. Si l’on tient compte du nombre de places vendues, des horaires précis de la représentation, etc., on peut limiter la pleine capacité du système aux heures des spectacles. Cela peut représenter une économie de 50% sur la facture." Cette société se définit comme un fournisseur de "briques technologiques" de gestion des données touchant à l'énergie et à l'environnement. Sa plateforme d'analyse agrège et croise des informations provenant de plusieurs sources, et les "traduit" en tableaux de bord et autres alertes. Ces données peuvent être issues de la météo, des fournisseurs et distributeurs d'énergie, des lieux publics et privés, etc. Chaque ville élabore ensuite ses propres outils, par exemple pour limiter sa consommation d'énergie et d'eau, ou pour

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Plus jamais de camion-poubelle en ville © Frédéric Raevens

Le projet Envac à Stockholm.

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© Frédéric Raevens

À TERME, LES DATA POURRAIENT DEVENIR UN OUTIL DE RÉÉQUILIBRAGE DU TERRITOIRE. Loïc Bar, Opinum

améliorer la qualité de son air. Les indicateurs actuels, évalués pour la journée, sont "aberrants", selon le jeune entrepreneur, car la pollution atmosphérique varie fortement selon les quartiers, les heures, la météo... Une analyse fine permet d'adopter des actions dont l'impact est vite quantifiable. "Nous avons aidé une ville wallonne de 30.000 habitants à diminuer sa consommation d'énergie de 24%", se réjouit Loïc Bar. "Et Musson, un village de 2.000 ménages de la province de Luxembourg, est la seule commune belge à disposer de compteurs d'eau 'intelligents'. Car la smart city n'est pas forcément de la taille de Bruxelles ou de Barcelone. Si les petites villes se dotent d'une haute qualité de services, avec des e-guichets pour les démarches administratives et du haut débit autorisant le télétravail, cela désengorgera les centres urbains. À terme, les data pourraient devenir un outil de rééquilibrage du territoire." ll

ombien de fois avez-vous été réveillé le matin par des camions-poubelles qui passaient dans la rue? Combien de fois vous êtes-vous irrité d’une collecte de déchets qui provoque des embouteillages dans les rues étroites d’un centre-ville? Pour éviter ces problèmes, l’entreprise suédoise Envac a développé un système de transport souterrain pour les déchets. Les habitants d’une ville ou d’un quartier déposent leurs détritus dans des collecteurs centraux, après quoi les déchets sont aspirés par des conduites souterraines et collectés dans de grands conteneurs. "Le système d’enlèvement de déchets est ainsi partie intégrante de l’infrastructure urbaine, au même titre que les réseaux électrique, d’égouttage et de distribution d’eau", soulignet-on chez Envac. Ce système souterrain est déjà utilisé un peu partout dans le monde, et notamment à Copenhague, Barcelone, Londres et Stockholm. ll

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L’ENLÈVEMENT DES DÉCHETS EST PARTIE INTÉGRANTE DE L’INFRASTRUCTURE URBAINE, AU MÊME TITRE QUE LE RÉSEAU ÉLECTRIQUE.


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Peter De Durpel, Extensa

installation d’une batterie de gadgets high-tech ne transforme pas une ville en smart city. Le développement urbain intelligent est tout aussi important. Et il commence par la construction d’immeubles durables, tel le bâtiment Herman Teirlinck sur le site de Tour & Taxis à Bruxelles. Depuis 2017, c’est le lieu de travail de plus de 2.500 fonctionnaires flamands. Le promoteur immobilier Extensa en a fait le plus grand bâtiment passif de Belgique. L’ouverture y joue par ailleurs un rôle important: restaurant, lieux de réception, auditoire, lieux d’exposition et centres de réunion sont disposés le long d’une rue intérieure bordée de deux jardins accessibles au public. "Le développement urbain ne s’arrête pas à la réalisation d’un immeuble: il s’agit aussi, et peut-être surtout, de créer

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© Christophe Ketels

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Un seul endroit pour se loger, travailler et se détendre

un environnement", assure Peter De Durpel, COO d’Extensa. À Tour & Taxis, le développeur de projets a créé un parc, une grande esplanade et beaucoup d’espace entre les bâtiments. "La construction et son environnement forment un tout: il s’agit non seulement d’un endroit pour travailler, mais aussi pour se détendre et rencontrer des gens", affirme Peter De Durpel. Selon le promoteur, cette interpénétration est cruciale pour les villes du futur. "Nous avons commis une grave erreur en créant des zones distinctes pour le logement, le travail et la détente. Si nous désirons qu’un quartier continue de vivre en dehors des heures de bureau, toutes les fonctions doivent s’y côtoyer sans heurts." ll

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Des villes éclairées "Avec un éclairage adéquat, vous rendez une ville plus efficace, plus durable, plus sûre et plus agréable à vivre", affirme Gert Roeckx, Country Manager Belux de Signify (anciennement Philips Lighting).

a combinaison de la technologie provenant de l’internet des objets et de l’infrastructure d’éclairage ouvre un large éventail de possibilités. Pensez à un éclairage urbain qui s’intensifie juste après un accident. Ce type d’application a un impact non négligeable sur la sécurité routière et urbaine. L’éclairage intelligent peut également favoriser la durabilité d’une ville. Le passage

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Gert Roeckx, Signify

d’un éclairage traditionnel à un éclairage LED autorise déjà une économie d’énergie de quelque 60%. Avec un système intelligent, les réductions peuvent atteindre 70 à 80%. "Il n’y a aucun sens à maintenir l’éclairage urbain allumé toute la nuit à des endroits où ne passe presque personne", illustre Gert Roeckx. "Avec des capteurs de mouvements, il sera possible de n’éclairer que lorsque c’est nécessaire. Et grâce à des capteurs de lumière, vous pourrez allumer l’éclairage plus tard lors des journées ensoleillées et plus tôt en cas de couverture nuageuse."

Éclairage et émotions L’éclairage architectural peut donner un nouvel élan à la ville. L’entreprise d’éclairage néerlandaise a ainsi coordonné un événement lumineux pour Saint-Trond, dans le cadre de son city marketing. Après le coucher du soleil, les monuments et places de la ville sont devenus le décor d’un grand spectacle lumineux. "En utilisant une technologie d’éclairage de pointe, une ville peut attirer davantage de touristes. Et montrer à ses propres habitants qu’elle embrasse la transformation numérique."

En outre, Signify expérimente – notamment sur un des épicentres de la vie nocturne d’Eindhoven – un human centric lighting, qui consiste à utiliser l’éclairage pour influer sur les émotions des personnes présentes. Passer à un éclairage rougeâtre pendant une bagarre permettrait ainsi de ramener plus vite le calme. Le projet est encore en cours, mais les premiers résultats sont positifs.

Le LED avant tout Les réseaux d’éclairage intelligents ne relèvent pas de la science-fiction. La technologie existe; reste à en équiper l’infrastructure. "La véritable transition consiste à remplacer l’éclairage urbain traditionnel par de l’éclairage LED", indique Gert Roeckx. "Dès que cette structure de base est en place, il suffit

de l’équiper de capteurs de bruit ou de mouvements, par exemple." En la matière, nous avons encore du pain sur la planche: à peine 5% de l’éclairage urbain belge est équipé d’ampoules LED. Gert Roeckx prévoit toutefois une accélération du remplacement des anciens systèmes d’éclairage au cours des quatre à cinq prochaines années. Dans une phase ultérieure, il s’agira d’interconnecter ces points d’éclairage et de les équiper de capteurs. "Et à ce moment-là, de plus en plus d’applications intelligentes feront leur apparition. Dans un premier temps, la technologie sera surtout utilisée pour des applications opérationnelles, comme une modification de l’éclairage à distance en cas d’accident. Les autres applications intelligentes seront adoptées progressivement, mais cela prendra un peu plus de temps." ll

LES RÉSEAUX D’ÉCLAIRAGE INTELLIGENTS NE RELÈVENT PAS DE LA SCIENCE-FICTION. RESTE À EN ÉQUIPER L’INFRASTRUCTURE. I 17 I


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Les smart cities de demain ne pourront se passer d’une approche intelligente de la mobilité. Dans ce cadre, les sociétés de leasing développent des solutions innovantes qui couvrent plusieurs possibilités de transport.

L’avenir est à la liberté de choix ans une ville intelligente, personne n’est contraint d’utiliser un seul et même moyen de transport. Vous disposez d’une large palette de possibilités, et vous pouvez choisir la meilleure solution à chaque moment de la journée. "En tant que société de leasing automobile, Arval cherche à déployer une offre variée de services", indique Christophe Van Hecke, Sales Director. "La voiture reste très présente dans notre portefeuille de solutions de mobilité, mais nos clients peuvent utiliser d’autres modes de transport en parallèle: le vélo, les transports en commun, une ‘voiture partagée’, un taxi… Et nous mettons particulièrement en avant les alternatives durables."

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Carte de paiement flexible Avec le lancement récent de sa Mobility Card, Arval veut soutenir davantage encore la transition vers une politique de mobilité intégrale au sein des entreprises. "Il s’agit d’une carte

AVEC UN PACKAGE MOBILITÉ INTELLIGENT, LES UTILISATEURS PEUVENT CHOISIR LE MOYEN DE TRANSPORT DONT ILS ONT BESOIN À L’INSTANT T. I 18 I


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"EN MATIÈRE DE LEASING AUTOMOBILE, TOUT EST PARFAITEMENT RÉGLÉ. POUR CEUX QUI UTILISENT D’AUTRES MODES DE TRANSPORT À TITRE PRIVÉ, C’EST MOINS ÉVIDENT. Christophe Van Hecke, Arval

associée à la plateforme Visa, qui permet aux travailleurs de payer à peu près tout ce qui est lié aux transports", précise Christophe Van Hecke. "Notamment l’essence, le parking, des courses en taxi, des vélos partagés et les transports en commun. Elle donne par ailleurs accès à l’infrastructure de rechargement de voitures électriques dans plusieurs pays européens." La carte de paiement favorise la liberté de choix. La planification et le paiement des divers services de mobilité en sont grandement simplifiés. Les collaborateurs ne doivent plus avancer de l’argent ni conserver des preuves de paiement. L’enregistrement s’effectuant directement entre la société de leasing et l’employeur, il n’y a plus de formalités liées à la déclaration des notes de frais. Grâce à l’enregistrement et à la gestion automatiques, enfin, l’employeur a la garantie de récupérer la TVA.

© ID/Bart Dewaele

Clé sur smartphone "Depuis des années, le secteur du leasing se focalise sur la voiture", observe Christophe Van Hecke. "Comme, nous ne voulons pas contraindre nos clients à utiliser en permanence leurs propres voitures, nous avons introduit à destination des entreprises – et bientôt des particuliers – une plateforme flexible de voitures partagées (Arval Car Sharing). L’utilisateur paie alors surtout en fonction de l’utilisation. Les clés ne sont plus nécessaires: la voiture s’ouvre, démarre et se referme à l’aide d’une application pour smartphone. Pour les employeurs, cela signifie aussi moins de voitures sur leur parking." Les sociétés de leasing proposent en outre des formules de leasing plus souples, qui répondent aux problèmes posés par la rotation du personnel dans les entreprises. "Lorsqu’un salarié quitte une entreprise, il lui laisse souvent sa voiture de leasing", note Christophe Van Hecke. "C’est la

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conséquence de contrats de leasing classiques. Nous avons quant à nous des formules qui lient moins longtemps les entreprises. Elles peuvent ainsi garantir la mobilité de leurs collaborateurs pour des durées plus courtes et gérer de manière plus flexible les contrats de location. La durée du leasing est comprise entre un mois et deux ans, et peut être aisément adaptée."

Petite ou grande voiture Une autre formule offre au conducteur de combiner la location à long terme de sa voiture avec d’autres véhicules qui répondent à ses besoins variés en matière de mobilité. Il n’est donc plus limité à une seule voiture de leasing. Par exemple, il optera pour un plus petit modèle pour ses déplacements domicile-lieu de travail quotidiens, et disposera d’un budget pour un monovolume pendant les vacances et pour une camionnette à l’occasion d’un déménagement. Il lui sera même possible de louer une voiture à l’étranger. Afin de réaliser ces objectifs ambitieux, Christophe Van Hecke attend un cadre fiscal adapté. "En matière de leasing automobile et surtout de traitement de l’avantage en nature, tout est parfaitement réglé. Mais pour ceux qui utilisent d’autres modes de transport à titre privé, c’est moins évident. Voir le gouvernement travailler depuis peu à un cadre juridique et fiscal autour du budget mobilité dans les entreprises est cependant encourageant. Ce budget doit à présent prendre forme. Arval a d’ores et déjà développé Mobility Link, une plateforme qui permet aux employeurs de gérer leur budget mobilité. Ces derniers pourront même y inclure des incitants afin de stimuler les choix de transport durables." ll


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“Il faut rendre les données anonymisées largement disponibles aux acteurs privés" La Belgique a beau être l’un des pays les plus urbanisés du monde, elle n'est pas vraiment en avance en matière de smart cities. Les initiatives sont éparpillées, tandis que la vision politique et le leadership font encore souvent défaut, regrette Bruno Wattenbergh, ambassadeur EY pour l’innovation et professeur à Solvay. Il plaide aussi pour une vaste ouverture au privé.

n termes de smart cities, la Belgique manque d'initiatives d'envergure. Des villes comme Amsterdam cumulent les initiatives dans une approche intégrée, tout en créant beaucoup de valeur pour les citoyens et les entreprises", assure Bruno Wattenbergh, Senior Advisor et ambassadeur EY pour l'innovation, professeur de stratégie et d’entrepreneuriat à la Solvay Brussels School of Economics & Management. "Cela devrait bouger avec les initiatives des Régions, Bruxelles avec le CIRB (le Centre d’informatique pour la Région bruxelloise, NDLR) et Digital Wallonia avec le projet Digital Cities. Leurs budgets et leur structure devraient permettre de déboucher sur des initiatives de plus large ampleur. Je déplore cependant que le

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TOUT ENTREPRENEUR QUI A UNE IDÉE DEVRAIT POUVOIR JOUER AVEC DES DONNÉES PUBLIQUES CORRECTEMENT ANONYMISÉES SANS SE JUSTIFIER.

niveau communal reste en retrait: 87% des communes belges n’ont aucun plan smart city.1 Plus largement, nos pouvoirs publics ne sont pas nécessairement portés sur l’innovation." Du côté de la population, si l’on interroge les Belges sur ce qu’ils pensent des smart cities, 88% des Bruxellois sont pour, à l’instar de 84% des Flamands mais seulement 45% des Wallons2. Comme souvent, le secteur se heurte à un manque de moyens financiers. Les fonds européens apportent parfois un peu d'oxygène, comme on l'a vu à Namur qui a pu financer neuf projets, dont son système de transport intelligent.

Données gardées "au frigo"

Bruno Wattenbergh, ambassadeur EY pour l’innovation et professeur à Solvay

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"Autre obstacle : le retour sur investissement", reprend l'expert. "Les acteurs du secteur promettent monts et merveilles. À juste titre, mais il est très difficile de chiffrer correctement les valeurs que pourront se répartir les communes, les citoyens et les entreprises. Enfin, le citoyen et surtout l’entreprise sont encore trop rarement perçus comme des clients." Faire avancer la smart city implique de faire fonctionner la "quadruple hélice" (secteur public,


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À L’HORIZON 2025, LE MARCHÉ DES SMART CITIES EST ESTIMÉ À 2.570 MILLIARDS DE DOLLARS. Bruno Wattenbergh

secteur privé, chercheurs et bien sûr citoyens). Pour cela, il convient que les référents locaux et régionaux lancent des appels à projet largement ouverts au secteur privé afin de valoriser les données publiques. "Et au-delà: n’importe quel entrepreneur qui a une idée devrait pouvoir jouer avec des données publiques correctement anonymisées sans se justifier", juge Bruno Wattenbergh. "Les pouvoir locaux ne se rendent pas compte de la taille et de la valeur des données qu'ils collectent. C’est comme un grand frigo dans lequel on entrepose toujours plus de victuailles. Chaque année, il faut un plus gros frigo et plus de gens, plus de budget pour le protéger et le faire fonctionner, sans que jamais personne ne profite de cette manne. Il est temps que les pouvoirs publics s’accordent sur la manière d’ouvrir le frigo, d’en proposer les ressources aux citoyens et aux entreprises. Cette décision est d’abord politique. Les données publiques anonymisées, respectant la vie privée, doivent devenir une propriété universelle, accessible à tous." Comme le rappelle à juste titre Agoria, la fédération belge de la technologie, "les applications les plus inspirantes liées aux smart cities naissent là où les acteurs publics et privés collaborent dans un écosystème

ouvert. C’est pourquoi il est important, pour les villes, d’ouvrir plusieurs sources de données et de permettre de les combiner."

Un marché colossal "Les possibilités ouvertes par l'analyse de données sont quasiment infinies", reprend Bruno Wattenbergh. "Les pouvoirs locaux doivent bien sûr porter une attention maximale à la cybersécurité et au respect de la protection des données à tous les niveaux de leur architecture d’open data. Une fois les données anonymisées – contrairement à ce que vous postez sur Facebook, par exemple – ils doivent identifier la manière dont ils contractualiseront avec les utilisateurs de ces données: associations de citoyens, centres de recherche publics ou privés, entreprises commerciales, etc. Et bien sûr, déterminer le prix de la mise à disposition de ces data, que ce soit via des licences, gratuites ou payantes, ou des modèles freemium. Tous ces acteurs pourront alors aisément identifier des besoins ou des désirs insatisfaits, des comportements peu efficients. Autant de possibilités de mieux faire fonctionner des centres urbains qui exploseront dans les prochaines années."

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Bruno Wattenbergh, ambassadeur EY pour l’innovation et professeur à Solvay

À l’horizon 2025, le marché des smart cities est estimé à 2.570 milliards de dollars. Ce chiffre peut paraître gigantesque, mais les smart cities sont trans-sectorielles: elles touchent la santé, le transport, l’énergie, les commodités (eau, gaz et électricité), les objets connectés, le logiciel, le cloud, les Big Data… "Notre pays dispose d’acteurs importants tels que Schreder dans l’éclairage public, et des PME comme Rombit pour les plateformes et les objets connectés, SmartNodes dans la gestion intelligente de l’éclairage, Letsgocity qui met les villes wallonnes dans votre smartphone, Dapesco qui mesure à distance la consommation électrique d’un bâtiment, SkyLane Optics pour la communication par fibre optique, etc." ll [1] Étude réalisée par le Smart City Institute en 2017 auprès des 589 communes belges (19% de taux de réponse). [2] http://labos.ulg.ac.be/smart-city/


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Une smart city ne se résume pas à la technologie Des applications high-tech ne sont pas toujours indispensables pour développer une smart city. Le sociologue urbain Stijn Oosterlynck (UAntwerpen) préfère s’intéresser aux "smart citizens". En effet, en matière de lutte contre la pauvreté et de problèmes de diversité, la technologie ne remplacera pas l’humain. Cette approche est également payante pour les entreprises.

u’entendez-vous par ‘intelligent’?", interroge Stijn Oosterlynck. "La technologie seule ne fait pas la différence: comment allezvous l’utiliser? À quelle fin? Pour répondre à quels besoins? Dans quel contexte? La ville est mon champ de recherche. Pauvreté et cohabitation dans la diversité sont mon quotidien." "Une technologie intelligente pourrait par exemple permettre de verser automatiquement les allocations qui leur reviennent à ceux qui vivent dans la pauvreté. Car ne vous y trompez pas: il y a plus de gens qui ne perçoivent pas d’allocations auxquelles ils ont droit que de gens qui profitent d’allocations auxquelles ils ne peuvent en réalité pas prétendre. Parce qu’ils ne sont pas informés, qu’ils ne remplissent pas ou remplissent mal des formulaires pour des bourses d’études ou des primes au logement,

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qu’ils les envoient hors délai, etc. Pourtant, l’administration dispose d’une masse d’informations. En les fusionnant, elle pourrait donner à ses administrés ce à quoi ils ont droit. Je n’ai entendu aucun dirigeant politique discuter de cette proposition sous la forme d’une application ‘smart city’. Cela en dit long sur leurs priorités."

Impliquer les citoyens Stijn Oosterlynck voit donc peu de tentatives pour mettre sur pied de véritables projets collaboratifs avec les citoyens à Anvers. "L’administration communale manifeste une vision de la ville intelligente exclusivement centrée sur les entreprises. Celles-ci peuvent collecter des données et développer de nouveaux produits sur cette base. Grâce à des applications, les places de stationnement disponibles sont gérées plus efficacement. Certes

LES APPS N’ONT AUCUN IMPACT SUR LES FONDEMENTS DU PROBLÈME DE LA MOBILITÉ: IL Y A TROP DE VOITURES! Stijn Oosterlynck, UAntwerpen

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utiles, ces apps n’ont toutefois aucun impact sur les fondements du problème de la mobilité. Le souci, c’est qu’il y a trop de voitures!" Le projet Curieuzeneuzen ("nez curieux"), dans le cadre duquel des citoyens mesurent la qualité de l’air dans leur ville, est en revanche un bel exemple de projet smart city. "La technologie n’est pas des plus avancées: vous faites appel à des citoyens pour collecter les données à grande échelle et cartographier un problème", observe Stijn Oosterlynck. "Simultanément, vous les intégrez dans le processus de réflexion qui doit mener à des solutions. Comment rendre une ville plus saine et plus viable? La technologie, dans ce cadre, n’est pas essentielle. Souvent, elle autorise trop peu de participation. D’où mon scepticisme." Parfois, la technologie est utilisée là où on l’attend le moins. "Le récent flux de réfugiés du Moyen-Orient exploite habilement la technologie GSM et les médias sociaux. Comment rejoindre Bruxelles à pied, à partir de la Syrie? À quoi faire attention? Chez qui pouvez-vous vous rendre? Les réfugiés sont des early adopters de technologies smart city. GSM et médias sociaux sont des instruments cruciaux pour eux. Ils peuvent abandonner leur foyer et tous leurs biens, mais pas leur smartphone."


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J’AI PEUR QUE LES AUTORITÉS MISENT TOUT SUR DES INITIATIVES QUI RAPPORTENT DE L’ARGENT AU SECTEUR PRIVÉ, ET NE S’ATTAQUENT PAS AU CŒUR DES PROBLÈMES. Stijn Oosterlynck, UAntwerpen

"La diversité représente elle aussi une problématique complexe. Même lorsque des personnes d’origines diverses vivent ensemble dans des quartiers, elles ont tendance à ne côtoyer que ceux qui présentent des revenus comparables, le même arrièrefond culturel, un niveau d’éducation semblable, etc. Il est très difficile de briser ces murs. Et la technologie n’a ici aucune utilité. Au contraire. Quand des conflits apparaissent, il faut jeter des ponts; pour y parvenir, il faut des professionnels. Des gens qui connaissent les habitants, qui sont au courant de leurs problèmes et ont leur confiance, qui font office d’intermédiaires et fournissent un travail sur mesure." "La difficulté, c’est que ceux qui rencontrent des problèmes ont souvent perdu toute confiance dans la société. Ils sont déçus. Rétablir cette confiance est un travail humain. Fréquemment, cela passe par de petites choses très simples. De nombreuses personnes en situation de grande pauvreté ne prennent même plus la peine d’ouvrir leurs factures, parce qu’elles savent qu’elles ne pourront pas les payer. Et les dettes s’accumulent. Un médiateur de dettes peut les aider à sortir de cette spirale infernale, pas une application. Pour les entreprises aussi, c’est important. Les fournisseurs de gaz ou d’électricité manquent souvent d’informations, entre autres sur les gens qui perçoivent des revenus instables. La plupart seront capables de payer à long terme, mais cela nécessite une relation de confiance. Bien que des projets de ce type coûtent de l’argent à court terme, ils s’avèrent très profitables à plus longue échéance."

Équilibre des pouvoirs Stijn Oosterlynck n’est pas fondamentalement opposé à la technologie smart city. "Je crains simplement que l’on soit en train de faire des promesses qu’on ne pourra pas tenir à long terme. De nombreux problèmes rencontrés dans les villes ne sont pas avant tout des problèmes d’information, et leur résolution n’est pas qu’une question de données et de technologie, loin de là. En outre, j’ai peur que les autorités misent tout sur des initiatives qui rapportent de l’argent au secteur privé, et ne s’attaquent pas au cœur des problèmes. Heureusement, nous ne vivons pas dans des villes comme Toronto, où l’aménagement d’un nouveau quartier a été entièrement laissé à Google. En agissant ainsi, une administration se condamne à l’impuissance." ll

Stijn Oosterlynck


© AFP

© AFP

L'avenir de la ville était au cœur du salon Viva Technology à Paris. Intelligent et vert sont plus que jamais des adjectifs clés.

Comment la ville intelligente profite à tous U n robot à taille humaine nous fixe de ses grands yeux et avance un bras un peu raide en notre direction. "Les yeux sont des caméras", nous explique-t-on. "Ils sont équipés d’un logiciel de reconnaissance faciale. De tels robots sont idéals pour le secteur des soins, qui gagnera encore en importance au cours des années à venir." Trois stands plus loin, Zouzoucar, une start-up française, séduit de nombreux curieux avec son slogan "Gagnez une heure par jour". Zouzoucar est une nouvelle plateforme de partage qui réunit les parents vivant en milieux urbains et désireux de partager les déplacements de leurs enfants. Ceux qui voient les

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choses en un peu plus grand peuvent se tourner vers Airbus, dont le CityAirbus suscite un vif intérêt à Paris: un hélicoptère électrique aux lignes futuristes destiné à répondre aux problèmes de mobilité auxquels toutes les grandes villes ou presque sont confrontées. Si Viva Technology prouve déjà une chose, c’est qu’en 2018, les solutions intelligentes pour smart cities couvrent à peu près tous les aspects de notre vie quotidienne. Et que des entreprises de tous les secteurs espèrent tirer profit de ce marché en plein boom – des "usual suspects" aux nouveaux arrivants. L’internet des objets et l’intelligence artificielle y jouent souvent un rôle décisif, et l’on trouve presque toujours un lien direct entre "plus intelligent" et "plus


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MÊME SI L’ON A ÉCRIT DES BIBLIOTHÈQUES ENTIÈRES SUR L’INTERNET DES OBJETS, LA GRANDE PERCÉE RESTE À VENIR.

© Reuters

un intérêt marqué pour ce système. Elles doivent souvent composer avec des budgets limités: la réutilisation de matériaux est donc une option très intéressante. Bien que la plateforme ne soit ouverte que depuis quelques mois, elle attire déjà les regards. Et nous espérons étendre nos activités hors de France à relativement court terme."

respectueux de l’environnement". Car personne ne doute que la ville intelligente du futur sera également une ville beaucoup plus circulaire.

Partager les déchets "Le secteur de la construction représente aujourd’hui 250 millions de tonnes de déchets par an, soit quelque 70% de tous les déchets produits en France chaque année", chiffre Sandrine Renaudin. À Paris, elle fait la promotion de Cycle Up auprès de responsables des secteurs de la construction et de l’immobilier. Cette petite entreprise innovante veut rendre les villes plus durables en enregistrant les matériaux et les déchets de construction pour les recycler ou les réutiliser. "Les déchets, et surtout les déchets de construction, constituent l’un des grands défis de la ville du futur. Par le biais de notre plateforme, des acteurs majeurs de l’immobilier, des entreprises de construction et des démolisseurs peuvent partager des informations et acheter, vendre ou échanger des matériaux usagés. Outre sa valeur du point de vue écologique, les sociétés de construction sociale manifestent

Start-up à 300 km/h "Pitch" est sans doute l’un des termes les plus entendus lors de ce salon. Des villes intelligentes exigent en effet des solutions inédites pour les défis urbains – et autres – les plus divers. On joue donc pleinement la carte des start-up à Paris. Des centaines de petites entreprises tentent de s’attirer les faveurs d’investisseurs et de clients potentiels. Une cinquantaine de start-up belges et néerlandaises ont ainsi eu la possibilité de se présenter et de soumettre leur business plan à 300 km/h dans le Thalys vers Paris. Le lauréat a pu pitcher son projet devant un public d’experts internationaux à Viva Tech.

Données et capteurs La société belge Waylay était également de la partie. Le développeur de logiciels gantois a conçu une plateforme ingénieuse sur laquelle il est possible de fusionner des données et des

informations de sources les plus diverses. "Sur cette base, nous créons des applications à même d’améliorer l’intelligence non seulement d’environnements urbains – pensez à des applications d’optimisation de la politique de mobilité dans une grande ville – mais aussi des maisons, des immeubles de bureaux et même le traitement des déchets dans les villes", détaille Tim Devreese, Business Development Manager. "Le principe est toujours identique: une foule de capteurs fournissent des informations à un réseau, qui aide ensuite les utilisateurs à accroître leur contrôle sur certains systèmes ou environnements. Dans la dernière phase, ceux-ci gagnent peu à peu en intelligence." Waylay n’existe certes que depuis quelques années, mais elle enregistre une croissance très soutenue et se montre active dans le monde entier. "En fait, la smart city est devenue un concept fourre-tout dont relèvent un nombre croissant d’applications technologiques dans les secteurs et domaines les plus diversifiés", prévient Tim Devreese. "Par exemple, nous travaillons à des applications pour personnes âgées, se basant sur un réseau de capteurs installés dans des maisons de repos ou au domicile de seniors pour remplacer des interventions humaines. Or, même si l’on a écrit des bibliothèques entières sur l’internet des objets, cette technologie n’en est encore qu’à ses balbutiements! La grande percée reste à venir." Quelle est l’importance d’une grand-messe technologique telle que Viva Tech pour une entreprise comme Waylay? "Nous ne le saurons que dans six mois", répond Tim Devreese. "De très nombreuses personnes et entreprises y sont présentes, mais la plupart ne savent pas exactement ce qu’elles cherchent ou ce qui est disponible sur le marché. C’est précisément ce qui fait la valeur d’un tel salon: les rencontres au hasard, mais aussi les présentations que je peux donner ou le réseau que je me constitue. À ceci près que l’on ne sait jamais à l’avance ce que cela va réellement apporter." ll

A LA RECHERCHE DE LA VILLE DE DEMAIN À l’invitation de la banque, une centaine de clients de BNP Paribas Fortis – des petites start-up aux grandes entreprises en passant par les institutions publiques – ont pu visiter Viva Technology de bout en bout. Pendant les deux jours qu’ils ont passés à Paris, leurs représentants ont été immergés dans la ville du futur et les opportunités et défis qui l’accompagnent.

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© Vicinia © Shutterstock

Communiquer avec le citoyen Une ville n’est réellement intelligente que si elle jette un pont entre la technologie et les citoyens. Plusieurs applications nous montrent le chemin du futur.

abitants, entreprises locales, associations et administrations: ensemble, ils donnent forme à la communauté que constitue une ville ou une commune – et avec le smartphone, nous pouvons encore mieux interconnecter tous ces acteurs", assure Tom Van Hecke, cofondateur de Mobicage, l’entreprise qui a développé l’application Notre Ville. Chaque ville peut désormais centraliser toute sa communication avec ses habitants dans une seule application. Les citoyens ont la possibilité d’utiliser l’application pour demander des documents sous forme numérique, de vérifier le nombre de places de stationnement encore libres, de signaler des trous dans la chaussée et de rechercher les informations les plus diverses. "L’application apporte de la transparence dans la communication avec le citoyen", poursuit Tom Van Hecke. Elle est également une plateforme pour les entrepreneurs locaux, qui peuvent par exemple y créer aisément une boutique en ligne. "Les petites et moyennes entreprises ne sont pas uniquement cruciales pour l’économie locale: elles sont le sponsor le plus important de la vie associative, qui est renforcée par tout ce qui donne de l’oxygène aux entrepreneurs."

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Fix My Street Fix My Street est une application internet et mobile qui permet aux Bruxellois de signaler eux-mêmes des problèmes dans l’espace public. Au début, Fix My Street offrait surtout à la population de dénoncer des déficiences: nids de poule, trottoirs endommagés, marquages routiers effacés ou éclairages défectueux. Désormais, il est possible de signaler des dépôts de déchets sauvages. "L’application donne des yeux et des oreilles supplémentaires à l’administration: les problèmes sont plus rapidement visibles et nous pouvons intervenir plus tôt", apprécie Inge Paemen, porte-parole de Bruxelles Mobilité. Quiconque pointe un problème est certain que ses informations aboutissent immédiatement au service compétent. De plus, il pourra suivre en ligne le traitement du dossier.

A*Sign Le développeur informatique anversois Rombit a imaginé une alternative high-

tech aux panneaux d’interdiction de stationner temporaires en cas de travaux de voirie, d’égouttage, d’électricité ou de gaz, ou encore d’événements ou de déménagement. Ces panneaux, en effet, constituent une lourde charge pour une commune: les données sont souvent illisibles, les panneaux régulièrement déplacés voire volés. "C’est pourquoi nous avons créé un panneau de circulation électronique sans fil", explique Evert Bulcke, directeur commercial de Rombit. "C’est une primeur mondiale!" Les panneaux sont équipés d’un écran électronique (au lieu d’un tableau noir), commandés à distance et sécurisés contre le vol. Des centaines de panneaux de circulation intelligents ont d’ores et déjà été déployés dans le cadre d’un projetpilote à Anvers. Et une grande partie des panneaux classiques auront été remplacés d’ici à la fin de l’année. "Nos panneaux bénéficient d’une grande facilité d’utilisation, sans application pour smartphone. L’accessibilité est la véritable clé du succès d’une application smart city."ll

L’APPLICATION DONNE DES YEUX ET DES OREILLES SUPPLÉMENTAIRES À L’ADMINISTRATION.

Inge Paemen, Bruxelles Mobilité

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© Vicinia

Notre monde est en constante mutation. La transition vers une société durable, dans ce cadre, est essentielle. Mais cette transition ne constitue pas forcément une menace pour notre économie. Au contraire. Les défis d’aujourd’hui sont les opportunités de demain.

Smart cities

“Un contact réel demeure indispensable”

Dans ce magazine, des entreprises et des administrations montrent comment elles transforment nos communes en smart cities. Les évolutions technologiques créent de nouvelles possibilités de façonner notre infrastructure et notre société. Des entrepreneurs malins collaborent avec de grandes entreprises afin d’ancrer la numérisation dans notre vie quotidienne. La participation citoyenne y est fondamentale.

Jardins collectifs, barbecues entre voisins et rues réservées au jeu: la plateforme Vicinia regroupe toutes ces initiatives de quartier afin qu’habitants, associations, administrations et entreprises puissent s’inspirer mutuellement. L’objectif ultime? Renforcer le tissu social, même en cette ère numérique. e quartier est l’endroit où vous rencontrez vos voisins et des passants, où pouvoirs publics et commerçants se croisent", avance Luc Galoppin, directeur de Vicinia. "Antennes médicales, productions d’énergie collectives, marchés paysans, infrastructures sportives de quartier, monnaies locales sont autant d’initiatives dans lesquelles des gens déploient leurs compétences. Chaque ménage, chaque rue, chaque association héberge des talents qui renforcent la capacité générale du quartier." "Sur notre site web, les quartiers peuvent partager leurs expériences et connaissances et apprendre des autres. À partir de la mi-2019, les dirigeants politiques pourront identifier d’un coup d’œil les quartiers les plus dynamiques, découvrir la recette de leur succès et, de ce fait, renforcer mutuellement leurs actions. Les entreprises, quant à elles, trouveront de l’inspiration sur notre site pour les services dont les habitants souhaiteraient bénéficier."

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Décarbonisation Qu’en est-il de la qualité de l’air dans votre rue? Comment contribuer à un air plus propre? L’innovation technologique nous aide sur la voie de la décarbonisation. L’énergie propre et abordable ne doit pas être un obstacle à la croissance de notre économie. Vous en lirez plus à ce propos dans un des prochains numéros de B NQ.

Plateforme ouverte

Capital humain

En tant qu’ASBL, Vicinia se veut une plateforme ouverte indépendante. Initialement, nous étions un think tank créé à l’initiative de Matexi avec BNP Paribas Fortis, Partena Promeris, bpost et la Fondation Roi Baudouin. Mais nous avons peu à peu abandonné la réflexion au profit de l’action, en particulier sur quatre chantiers. Nous concevons un atlas des initiatives de quartier, pratiques et idées. Sur cette base, nous élaborons un ‘zoom’ pour les quartiers qui permet d’en analyser les forces et faiblesses. Nous regroupons ensuite ces deux dimensions dans une plateforme de connaissances. Enfin, nous aménageons des jardins d’essai pour soutenir l’accumulation d’expérience." Vicinia est à la disposition des habitants, du champ associatif, des pouvoirs publics et des entreprises. "Nous intervenons comme un médiateur qui réunit tous les acteurs et les met en relation. Même si certaines innovations technologiques smart sont fantastiques, un contact réel, tangible, reste indispensable. Surtout avec les membres de votre environnement direct." ll

Le capital humain est également un thème crucial dans cette série sur la durabilité. La transition vers une société durable est impossible sans la participation de tous les citoyens. Dans une société durable, chaque individu est heureux et peut s’épanouir, quels que soient son bagage culturel, son genre, son âge, sa classe sociale, etc.

En mars était déjà paru un magazine sur la nécessaire transition d’une économie linéaire vers une économie circulaire, et ses conséquences positives. La société du déchet est révolue. Vous avez manqué ce numéro? Vous pouvez encore le lire sur bnq.lecho.be/circulaire.

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“Une ville numérique n’est pas pour autant une ville intelligente” Les villes intelligentes sont en vogue, mais qu’est-ce que la smart city a exactement à offrir? Et quel rôle y est dévolu à Proximus et BNP Paribas Fortis, deux des plus grandes entreprises de notre pays? Leur CEO, Dominique Leroy et Max Jadot, insistent sur ce point sans relâche: tout dépend de la création d’un écosystème plus large.

Leroy: "La ville intelligente sera une ville numérique, certes. Mais il ne suffit pas de numériser une ville pour la rendre intelligente. Une ville réellement smart doit aussi investir dans les technologies les plus récentes pour gagner en efficacité. Qu’est-ce qui peut rendre une ville vraiment intelligente? L’association de technologies numériques, de gains d’efficacité et d’une meilleure communication avec les citoyens et les entreprises." Parfois, on a le sentiment que les villes tombent dans une surenchère d’innovations technologiques. Cette dimension ne risque-t-elle pas de devenir un objectif en soi?

CE N’EST PAS UNE QUESTION D’INFRASTRUCTURE OU DE PURE TECHNOLOGIE, MAIS DE SOLUTIONS. Dominique Leroy, Proximus

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Jadot: "La technologie n’est qu’un facteur parmi d’autres dans l’évolution vers une ville numérique. L’important, c’est que chaque acteur apporte sa contribution en fonction de ses forces et expertises propres afin de parvenir, ensemble, à des solutions innovantes. En tant que grande banque, nous ne sommes pas encore considérés comme des champions de la technologie, mais nous avons accumulé de nombreuses connaissances en matière de financement de projets immobiliers et de grands projets d’infrastructure à long terme. Je pense par exemple à l’installation d’un réseau de fibre optique flambant neuf, élément essentiel pour une ville intelligente du futur. BNP Paribas Fortis et Proximus peuvent parfaitement s’y retrouver, chacun à partir de ses propres champs d’expertise et de connaissances." Concernant les technologies des villes intelligentes, notre pays est-il un pionnier ou accuse-t-il un certain retard? Leroy: "À mes yeux, nous n’avons pas à nous plaindre. En termes d’infrastructure et de technologie, nous sommes à l’avant-garde européenne. Le principal défi concerne l’accès du citoyen à ces technologies numériques. Cela peut se traduire par les initiatives les plus diverses. L’egovernment, mis sur pied par les pouvoirs publics, pourrait permettre aux citoyens d’entrer davantage en contact avec la technologie. Autre exemple: chez Proximus, nous sommes en train de déployer un tout nouveau réseau offrant la possibilité d’installer des compteurs intelligents dans toute la Belgique, en collaboration avec les

© Frédéric Raevens

Pourquoi toute ville qui se respecte doit-elle désormais être smart? Et que peuvent attendre concrètement les citoyens et les entreprises de cette ville intelligente? Jadot: "J’y vois deux raisons principales. D’une part, le nombre de citadins a énormément augmenté dans le monde ces dernières années. De l’autre, ces villes sont confrontées à des problèmes d’une ampleur et d’une complexité telles que les acteurs classiques ne peuvent les résoudre seuls. Les pouvoirs publics en sont incapables, tout comme les entreprises. Je plaide donc pour une collaboration approfondie entre toute une série d’acteurs afin de préserver la viabilité de nos villes."


gestionnaires de réseaux Eandis et Infrax. Nous avançons, mais à présent, il s’agit de développer un large écosystème. L’un des principaux malentendus consiste à penser qu’une numérisation poussée rend automatiquement une ville intelligente. De nombreux autres ingrédients sont nécessaires pour cela!" Comment mettre en place un tel écosystème? Leroy: "Par une combinaison de bons choix politiques, de partenaires adéquats et d’entreprises technologiques innovantes. Sans oublier la question du financement. Voyez les villes qui sont souvent mises en avant dans le domaine des smart cities, Barcelone et Tel-Aviv notamment. Le point de départ a toujours été la volonté politique de l’administration communale d’évoluer le plus vite possible vers une ville intelligente afin de résoudre une série de problèmes très concrets." Jadot: "J’entrevois aussi un rôle central pour les citoyens. Car il ne faut pas oublier que les villes répondront à leurs demandes et besoins concrets."

Max Jadot (BNP Paribas Fortis) et Dominique Leroy (Proximus)

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Quelle valeur ajoutée une grande banque peut-elle offrir dans ce cadre? Jadot: "Rien qu’en Belgique, nous travaillons avec 120 milliards d’euros d’épargne. Bien entendu, cet argent ne dort pas, il est à nouveau prêté à des ménages, des entreprises et des pouvoirs publics. Si nous investissons une partie de ce montant pour rendre nos villes plus intelligentes, nous disposons d’un levier gigantesque. Très concrètement, on peut citer les énormes défis en matière de voitures intelligentes et de mobilité, le financement d’un immobilier intelligent et respectueux de l’environnement ou le renouvellement de l’infrastructure. Peu de gens en ont conscience, mais via notre société de leasing Arval – qui représente un million de véhicules en Europe – nous incarnons un acteur majeur de la mobilité. Sachant qu’une mobilité intelligente est une dimension cruciale de la ville du futur, nous pouvons déjà faire la différence dans ce domaine. Prenez l’immobilier: des bâtiments intelligents et respectueux de l’environnement sont une véritable

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l Smart cities l

À TERME, NOUS CESSERONS DE FINANCER LES BÂTIMENTS QUI NE PEUVENT FOURNIR CE TYPE DE SOLUTIONS INTELLIGENTES.

Dominique Leroy

Max Jadot, BNP Paribas Fortis

© Frédéric Raevens

© Frédéric Raevens

Max Jadot

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priorité de notre politique de financement dans ce segment. Nous pouvons donc mettre beaucoup de poids dans la balance." Comment voyez-vous la fonction des autres parties prenantes, citoyens, PME et pouvoirs publics? Leroy: "C’est à nous, les grands acteurs, qu’il revient de fournir des solutions concrètes, non aux citoyens ou aux PME. Les technologies doivent être utilisées pour ce qu’elles apportent, pas pour la technologie en elle-même. Prenez notre filiale Be Mobile, active en Belgique et dans plusieurs pays voisins. Voici un bel exemple de la manière dont il est possible de faire la différence pour le citoyen avec une solution de mobilité intelligente et intégrale qui interconnecte les voitures, les feux de signalisation, l’accompagnement routier, etc. Par ailleurs, un bâtiment intelligent, c’est un beau concept marketing mais que signifie-t-il précisément? Quelle en est la plus-value? Si de nouvelles technologies permettent de gérer plus aisément l’éclairage et le chauffage ou d’optimiser l’utilisation des salles de réunion et le taux d’occupation du restaurant, tout le monde est intéressé. Ce n’est pas une question d’infrastructure ou de pure technologie, mais de solutions. Et c’est la raison pour laquelle cet écosystème est si important: ces solutions imposent souvent des collaborations avec de très nombreux partenaires." Jadot: "J’irai même plus loin: à terme, nous cesserons purement et simplement de financer les bâtiments qui ne peuvent fournir ce type de solutions intelligentes. Car les bâtiments intelligents vaudront beaucoup plus cher à plus long terme. Je suis

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d’accord avec Dominique: c’est à nous de le démontrer à nos clients. Actuellement, nous formons nos collaborateurs à partir de cette vision. Cette nouvelle forme de services bancaires crée à son tour une nouvelle dynamique. Naturellement, une banque remplira toujours sa mission de financement de l’économie, mais j’observe malgré tout une évolution. Nous devons élargir notre positionnement social; en tant que CEO, il me revient d’y réfléchir et de montrer la voie." Leroy: "Nous ne sommes plus un simple fournisseur de connectivité. Proximus est devenu un prestataire de services numériques, précisément pour offrir aux entreprises, aux citoyens et aux pouvoirs publics des solutions sur mesure pour cette nouvelle société numérique." Dans 10 ans, quelle sera selon vous la grande priorité pour les villes intelligentes belges? Jadot: "La mobilité, sans le moindre doute. Je n’ai besoin d’en convaincre personne. Dans notre cas, cela commence chez nos propres collaborateurs auxquels nous pouvons offrir davantage de solutions de mobilité sur mesure. Mais cela passe aussi par des initiatives à très grande échelle, dans le cadre desquelles nos équipes sont déterminantes via le financement de l’infrastructure et les partenariats publicprivé." Leroy: "La mobilité, effectivement, mais n’oublions pas la sécurité. Des caméras ou capteurs intelligents, entre autres, rendront les villes plus sûres et accroîtront significativement le sentiment de sécurité des citoyens." ll


Les trois piliers de la ville du futur

Vincent Callebaut, architecte

"NOUS DEVONS FAVORISER LA MARCHE ET LES DEUX-ROUES, RETROUVER L'ESPRIT DES VILLAGES, ET CESSER DE PERDRE DU TEMPS DANS LES TRANSPORTS."

© William Beaucardet

La ville dont je rêve pour le futur est une cité durable, pensée à partir des innovations technologiques pour enrichir les innovations sociales. Cela implique notamment de passer d'une approche "top-down" de l'urbanisme à une approche "bottom-up": au lieu de consulter les citoyens sur le projet lauréat de l'appel d'offres, on les intègre dans la conception du projet, en partant de leurs besoins et de leurs demandes. On intègre d'autant mieux les nouveaux usages: le coworking, bien sûr, mais aussi le "co-living", c'est-à-dire des logements destinés à de jeunes actifs où chacun dispose de son studio et a accès à des espaces communs, tels que des salles de jeux. Concrètement, je rêve d'une ville reposant sur trois piliers. D'abord, la décentralisation énergétique. Aujourd'hui, on peut édifier des bâtiments à énergie positive, qui non seulement couvrent leurs besoins mais peuvent redistribuer de l'énergie aux bâtiments voisins. Dès lors, ils peuvent être déconnectés des réseaux traditionnels et ne plus dépendre des sources fossiles, du nucléaire, etc. En second lieu, l'agriculture urbaine doit permettre de ramener les lieux de production au cœur des sites de consommation. On crée ainsi une économie circulaire, une boucle courte et vertueuse. Troisième axe pour les urbains du futur: la mobilité douce. Il faut mettre fin à l'architecture monofonctionnelle, constituée de "blocs" (bureaux dans une zone, logements dans une autre, etc.) Elle a entraîné une dépendance mortifère aux réseaux d'infrastructure de transport. Nous devons favoriser la marche et les deux-roues en construisant des quartiers polyfonctionnels et multiculturels; retrouver l'esprit des villages, où l'on connaît ses voisins; cesser de perdre deux ou trois heures par jour dans les transports. Voilà pour les grands principes. Reste à répondre au besoin de modularité des habitants. La tour que j'achève actuellement à Taïwan comporte le moins de murs porteurs et de gaines techniques possible, afin de libérer de vastes plateaux que chaque foyer aménage à sa guise, en changeant les cloisons de place. Grâce à un système de double plancher pré-innervé (fibre optique, plomberie, électricité) et à des pièces d'eau (cuisine, salle de bain, etc.) conçues comme des blocs à roulettes qu'il suffit de connecter, on peut entièrement réinventer son logement. Résultat: une flexibilité totale. Qu’en est-il des capitales européennes parfois "paralysées" par leur patrimoine historique? Elles doivent accepter des greffes urbaines sur et entre le bâti, autour, etc. La muséification d'une ville comme Paris rend les quartiers centraux inabordables pour les Parisiens. À Bruxelles, c'est le contraire: le centre est délaissé et la deuxième couronne très prisée, d'où des embouteillages monstres. Il faut un plan à long terme, piétonniser entre les gares du Nord et du Midi, consacrer la petite ceinture à l'agriculture urbaine, mener des opérations mixtes le long du canal. Et toutes nos villes doivent viser le post-carbone, le post-nucléaire, voire le post-insecticides.ll


DANS UN MONDE QUI CHANGE,

8.500 m2 de panneaux photovoltaïques, de toits et patios verdurisés : un bâtiment certifié passif.

98,2% des matériaux de l’ancien bâtiment ont été recyclés ou réutilisés. 3

14.000 m d’eau et 450 Mwatt de capacité thermique grâce au concept de “Seasonal Thermal Energy Storage”, un immense bassin d’eau provenant de la nappe phréatique naturelle utilisé pour la gestion thermique (chaud et froid) du bâtiment. Et, qui contribue ainsi à la certification BREEAM Excellent. 100.000 m2 de surface modulaire incluant des zones de bureaux, commerciales, un auditorium et un centre de conférences.

4 entrées menant vers les patios intérieurs verdurisés et ouverts au public pendant les heures de bureaux. On peut y croiser les employés, les visiteurs et les passants. Tous s’approprient l’espace qui invite à la rencontre informelle.

1 ascenseur public Pour renforcer l’axe entre la gare centrale et la rue Belliard. La rue Baron Horta devient piétonne et la connexion est matérialisée par l’intégration, dans le bâtiment, d’un ascenseur public, côté rue Baron Horta.

Cet immeuble financé par BNP Paribas Fortis sera un lieu de rencontre et d’échanges pour un monde tourné vers le citoyen. Suivez son évolution sur : montagneduparc-warandeberg.be

La banque d’un monde qui change

Photo : SM be baumschlager eberle Styfhals & Partners Jaspers-Eyers Architects. E.R. : W. Torfs, BNP Paribas Fortis SA, Montagne du Parc 3, 1000 Bruxelles, RPM Bruxelles, TVA BE 0403.199.702, FSMA n° 25.879A

IL FAUT DES BÂTIMENTS DURABLES À CHAQUE COIN DE RUE.


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