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Passion café
Au pays du soleil ardent, sa popularité ne faiblit jamais. Ici, le café se consomme sous toutes ses formes, glacé, frappé, au lait…, servi tout autant par les stars des baristas que dans les kafeneio traditionnels. Pour vous repérer dans les habitudes locales, suivez le guide. Et en grec, s’il vous plaît !

L’elliniko : le café grec traditionnel.
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Ελληνικός - Elliniko
On y goûte à coup sûr si l’on est invité chez des Grecs. C’est le café traditionnel, celui que l’on boit depuis des siècles. Tout est dans le nom : elliniko signifie… « grec ». La recette ? Le café est moulu très finement. Puis, on le mélange à de l’eau froide dans un briki (lire ci-après) qu’on chauffe jusqu’à frémissement. Une écume se forme, on retire du feu et on attend un peu avant de déguster pour que le marc se dépose au fond de la tasse. Observons les terrasses athéniennes : avec l’elliniko, il s’agit de s’asseoir et de boire lentement, en prenant son temps. Certains le sucrent ou l’agrémentent de quelques douceurs. En revanche, jamais de lait ! Ce n’est pas un café à emporter, à cause du marc qu’il ne faut pas agiter. Son apparition remonte à l’époque de la domination ottomane. Ce qui nous amène à la question : quelle est la différence entre le café grec et le café turc ? « C’est le type de torréfaction. Le grec est plus léger, moins torréfié. Le turc est plus sombre », explique Nikos Psomas, propriétaire du Mokka, légendaire café où des tuyaux acheminent les grains depuis les étages où ils sont torréfiés. L’elliniko est aujourd’hui plus populaire chez les gens d’un certain âge, les jeunes ont tendance à préférer les espressos. « Mais tout le monde en prend de temps en temps. C’est bien vivant et ça ne mourra pas », estime Andreas Stavropoulos, fondateur du Coffee Dive, un des pionniers du specialty coffee, où l’on sirote des « grands crus » avec vue sur l’Acropole. De fait, l’elliniko reste le plus bu à domicile et représente toujours près d’un dixième de la consommation de café en Grèce.
Μπρίκι - Briki
C’est une scène à ne pas rater au Mokka : la préparation de l’elliniko. Elle nécessite un briki, pot en métal souvent en fer-blanc ou en cuivre. Assorti d’un long manche, il a une capacité de deux à six tasses et donne un charme visuel indéniable au moment café. On le place dans un hovoli, « plaque de cuisson » traditionnelle recouverte de sable — ce qui permet de chauffer uniformément. Temps recommandé : entre trois et quatre minutes.

Il faut attendre que le marc se dépose au fond de la tasse avant de déguster l’elliniko.
Κατακάθι - Katakathi
Ce joli mot désigne le marc de café, ce qui reste au fond de la tasse d’elliniko. Celui dans lequel on peut tenter de lire l’avenir. Alors, quel est le futur du café en Grèce ? « Les consommateurs sont de plus en plus connaisseurs. Depuis une dizaine d’années, la tendance, c’est la recherche de qualité », explique Nikos Psomas. En témoigne le succès des boutiques proposant des cafés sourcés. « Les gens s’intéressent aux origines, aux arômes. Il y a de plus en plus de home baristas qui s’essaient à la créativité dans la confection du breuvage à domicile », se réjouit ce grand consommateur d’espresso. « Le café, s’il est bon, on peut en boire beaucoup. »
Καφενείο - Kafeneio
C’est la maison de café traditionnelle, l’établissement rituellement installé sur la place du village, où l’on passe des heures à commenter l’actualité politique ou sportive. Si le kafeneio à l’ancienne est en déclin dans les villes, on en trouve toujours à Athènes, notamment dans le quartier de Kypséli, où l’on voit les hommes attablés devant un elliniko pour jouer aux dominos en manipulant leur komboloï, ce chapelet antistress si répandu en Grèce. On compterait encore aujourd’hui environ 7 000 adresses de ce type à travers le pays. Et les cafés modernes perpétuent à leur tour ce rôle de lien social. En Grèce, l’une des phrases que l’on entend le plus souvent est : « On se retrouve pour un café ! » Facile avec 50 000 points de vente disséminés dans tout le pays. Mais attention : il faut distinguer le kafeneio du kafekoptio (καφεκοπτειο), qui signifie littéralement « café moulu » et désigne le magasin où on l’achète.

Mouture fine et torréfaction légère, la signature du café grec.
Φραπέ - Frappé
Ce café glacé instantané, mousseux, sucré et sans lait aurait été inventé à la foire de Thessalonique en 1957 par un représentant de la société Nestlé. Ce dernier aurait mélangé par accident du café soluble avec de l’eau froide : le frappé était né. Étonnamment, on ne buvait pas de café froid avant. Simple à réaliser, il devient très populaire à partir des années 1960. « Une boisson froide dans un pays chaud ? Tout le monde l’a adoptée durant l’été », explique Andreas Stavropoulos. « C’est le café de tous les jours, pratique à emporter, qu’on peut boire du matin au crépuscule. » Les chauffeurs de taxi en ont souvent un à portée de main. Mais sa consommation a tendance à décliner face à l’espresso. « Aujourd’hui, je crois que le café frappé est plus populaire chez les touristes que chez les Grecs. » Certains établissements orientés vers le café de haute qualité ne le proposent même pas à la carte. « Ici, on n’en sert pas », affirme d’ailleurs Nikos Psomas du Mokka.

Le frappé, c'est le café de tous les jours, que l'on peut boire du matin au crépuscule.
Αχτυπητο - Ahtipito
Si James Bond aime son Martini « secoué, pas remué », certains Grecs aiment leur freddo espresso remué, mais pas secoué. On parle alors de ahtipito. « Si on secoue trop, on perd des arômes. En mélangeant, on dilue sans détruire le goût. C’est une tendance montante, car les Grecs sont de plus en plus exigeants sur l’authenticité du goût du café », assure Andreas Stavropoulos.
Φρέντο - Freddo
Un shot d’espresso secoué avec de la glace. Une mousse légère, de la fraîcheur et une délicieuse amertume : voici le secret du succès pour le freddo. La culture de l’espresso n’est pourtant pas très ancienne en Grèce. Mais elle a décollé rapidement. « À partir des années 1990, beaucoup de gens ont remplacé le frappé par le freddo. C’est aujourd’hui la boisson la plus bue, en été comme en hiver, particulièrement en extérieur. » Le freddo espresso devance même l’espresso classique. Au comptoir du petit matin, on peut voir des Athéniens prêts à partir au travail commander un diplo, soit un freddo avec une double dose d’espresso. Les études le montrent : les Grecs aiment le café intense. Le freddo cappuccino a gagné beaucoup d’adeptes ces dernières années, comme on peut le constater sur les terrasses à brunch des quartiers branchés. Aujourd’hui, les trois quarts des cafés consommés dans le pays, qu’ils soient chauds ou froids, sont confectionnés à base d’espresso.

Cappuccino ou espresso, le freddo est la nouvelle boisson phare.
Ζάχαρη - Zachari
Le sucre. Nikos Psomas l’affirme : « Les Grecs étaient les premiers à mettre du sucre dans leur café. » Il existe tout un vocabulaire pour le dosage. Sketo (σκέτο), c’est sans sucre. Si on commande un metrio (μέτριο), c’est avec une cuillère de sucre. Les gourmands opteront pour un glyko, (γλύκο) avec deux cuillères. Libre à vous de boire votre café me gala (με γάλα), avec du lait. Sauf pour l’elliniko, qui se boit toujours sans.

La culture barista explose en Grèce.









