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Chapitre 7 : Cuisine industrielle
from "Une cuisine à soi" : Quand le discours architectural se confronte aux codes de représentation.
by Salila Sihou
En mai 1952, une publicité française venait mettre en avant une initiative qui allait bouleverser les techniques de l’industrie de la viande : le conditionnement sous cellophane. Dans cette courte séquence, on passe rapidement des images de l’abattoir, depuis lequel les morceaux de viande sont mécaniquement empaquetés, au moment où il sont transportés à 4°C dans un camion isotherme vers les rayons de boucherie de grands magasins parisiens. Comme la publicité la off de la publicité l’affirme, l’enveloppe en cellophane, en évitant toute manipulation de la viande le long de son parcours, garantirait des meilleures conditions d’hygiène jusqu’à son arrivée dans les cuisines des ménagères – en effet, l’annonce s’adresse clairement à Madame la Consommatrice (Cf infra chapitre 2) : « Vous pouvez dès maintenant mesdames, acheter une blanquette ou un pot-au-feu aussi aisément qu’un chapeau ou une paire de bas » [331]. En seulement une minute, cette publicité laisse apparaître, malgré elle, le tournant industriel qui a façonné nos modes de consommation actuels ; aujourd’hui perçus comme problématiques vis-à-vis des enjeux écologiques [332].
Le nom que l’on donne banalement à ce bout de plastique vient, en réalité, de la marque Cellophane forgée par Jacques E. Branderberger, l’ingénieur chimiste qui a réalisé industriellement la pellicule cellulosique en 1907 [333]. Sa commercialisation pendant les Trente Glorieuses s’inscrit plus largement dans une banalisation des matières plastiques à cette période, consécutive à l’augmentation de l’extraction de pétrole [334]. La pellicule cellulosique pouvant se souder d’un coup de fer, cette technique permettait de commercialiser des produits au détail dans les supermarchés ; un intérêt considérable dans un contexte d’après-guerre où les besoins en matières premières avaient été exacerbés.
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Le rôle éducatif pris par cette annonce reflète la volonté des industriels, au début de la décennie, d’initier la société française à de nouveaux « savoirs ménagers » afin de démocratiser l’utilisation d’appareils pour effectuer le travail domestique. À travers la presse spécialisée, et notamment les magazines féminins, il ne s’agissait plus seulement de faire découvrir l’innovation et le progrès, comme à l’entre-deux guerres, mais de pousser les français et, surtout, les françaises, à « investir dans [leur] intérieur » [335]. Cet enjeu était particulièrement mis en oeuvre par le Salon des Arts Ménagers juste après la Seconde Guerre mondiale. « Lieu d’exposition, lieu d’éducation, lieu de commercialisation » [336], le SAM, déjà implanté avant la guerre par l’initiative de Jules Breton et la contribution de Paulette Bernège, devenait, dans les années 1950, « un vaste showroom et un temple dédié à la consommation » [337]. La cuisine moderne se façonnait à travers des marques telles que La Cellophane et Frigidaire – employées aujourd’hui en tant qu’antonomases [338] – ; faisant du plastique et du froid des indispensables du foyer.
Comme cette publicité de 1952 le met en lumière, la normalisation de ces deux procédés serait liée à leur développement dans l’industrie agro-alimentaire. Dans un sens, il y aurait une autre cuisine en arrière-plan : une cuisine industrielle. La rationalisation de l’élevage et de l’abattage par les techniques industrielles et scientifiques s’affirmait simultanément, conférant à l’élevage, et plus précisément aux animaux mangeables, le caractère d’une véritable industrie [339]. D’après l’ethnologue Sergio Dalla-Bernardina, cette perception d’un animal-machine est une technique de mise à distance, non pas entre l’humain et l’animal, mais en tant que processus actif qui, avec tous les artifices que cela comprend, permet de réifier les corps à abattre [340]. Les cuisines modernes sont-elles des techniques de mise à distance de la mort ?

Image extraite du court-métrage Le Sang des Bêtes, réalisé par Georges Franju, 1949.
Plus de rangements pour plus d’achats
Dans le cadre de la réouverture du Salon des Arts Ménagers, après une interruption pendant la Seconde Guerre Mondiale, l’architecte Marcel Gascoin exposait le Logis 1949 : un logement pour une famille de 6 enfants, composé de huit pièces, dont la cuisine était désignée comme la « cellule de base » [341]. On y retrouve l’intégration du passe-plat [342] qui relie la cuisine, en tant que véritablePièce de service, à « une salle pour le repas et le repos » [343] – la Pièce de vie (Cf infra chapitres 4 et 6). Réalisée à l’initiative de la Caisse d’allocations familiales de la région parisienne, la présentation de ce logement s’inscrivait dans la démarche de normalisation de l’habitation, déjà insufflée par les expérimentations architecturales de l’entre-deux guerres.

Photographie du passe-plat intégré dans la cuisine de la Villa Savoye, Le Corbusier, 1929-193

Photographie de la salle à manger du « Logis 49 », Marcel Gascoin, Salon des arts ménagers, 1949.
Marcel Gascoin, considéré comme un décorateur « social », était critiqué par certains articles pour son « fonctionnalisme, d’une sévérité un peu trop protestante » [344], tandis qu’il était glorifié par les revues de l’Architecture Moderne. Au SAM, il supervisait la section « Foyer d'aujourd’hui » et la remise du prix René-Gabriel – une récompense offerte au mobilier de série innovant. À partir de 1945, il fonde la Compagnie des Meubles Rationnels – connue sous le nom de la marque Comera – afin de proposer des cuisines avec beaucoup de rangements, mais aussi, avec de nouveaux matériaux : « Très important, notez que les portes coulissantes, les dosserets et plans de travail sont en polyrey : revêtement plastique stratifié de haute résistance, ne craignant ni les coups, ni l’humidité, ni la chaleur, ni la poussière » [345]. Dans sa continuité, le « logis 49 » venait mettre l’accent sur le caractère banal de cet esthétique, qui, d’après les valeurs promues par le Salon, ne devait pas être réservé uniquement aux familles les plus aisées.
En fait, la rationalisation ne passait plus simplement par une disposition spatiale adaptée aux déplacements de la ménagère mais par l’intégration de nouveaux meubles et de nouvelles machines dans ses gestes quotidiens. Toutefois, comme le fait remarquer Claire Leymonerie dans 20 & 21. Revue d’histoire, il y avait une certaine contradiction lors de la première année de réouverture du SAM entre cette incitation à l’achat et le contexte de pénurie d’après-guerre dans l’économie française. Pour les industriels, la livraison du matériel se faisait dans un délai relativement long et l’obtention de certains produits nécessitait des bons d’attribution. Ainsi, pour les visiteurs, les prix restaient inaccessibles, même pour les bourses moyennes. De plus, avec l’insuffisance et l’inadéquation des logements à cette période, la plupart des familles françaises ne voyaient pas l’intérêt d’investir dans des équipements pour améliorer leur foyer car elles espéraient plutôt déménager [346]. Dans la presse ouvrière, l’idée d’un mode de consommation collectif à l’échelle du quartier et du voisinage était insufflée, mais n’a pas fait long feu face à la logique d’utilisation des produits qui était spécifiquement restreinte au cadre familial [347].

Guillemette Delaporte, Marcel Gascoin, éditions Norma, 2010.

Guillemette Delaporte, Marcel Gascoin, éditions Norma, 2010.

Annonce publicitaire de la marque COMERA pour la « Cuisine Styl Z », 1945 (consultable sur le site officiel de la marque COMERA Cuisines).
La démocratisation de l’achat d’appareils ménagers s’érigeait donc comme le véritable enjeu de la réouverture du SAM aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale. Dans un sens, en accordant une visibilité des appareils ménagers à toute la population, le Salon provoquait un certain désarroi des visiteurs face à leur technicité ; mais dans l’autre, cette grande exposition publique venait aussi assurer l’intériorisation des normes pour toute la population : telle une mission pédagogique, il s’agissait de former les esprits au « sens pratique et au goût » [348]. En convaincant les classes moins aisées de l’utilité de ces achats, les appareils ménagers étaient perçus, dès 1951, non plus comme des biens de luxe, mais comme des biens nécessaires. D’ailleurs, ce n’est qu’à partir de cette décennie que la vente de Frigidaires dépassait désormais celle de la machine à laver le linge. En effet, la marque peinait à se développer dans les premiers Salons avant la guerre [349]. Comme pendant les siècles précédents, certains foyers conservaient encore les denrées dans un lieu plus frais – le terme cellier étant initialement spécifique à cet usage – généralement orienté vers le Nord, mais, pour une durée dépendante des saisons [350]. En 1937, pour introduire « le miracle du froid » [351] dans l’usage domestique, le Ministère de l’Agriculture avait misé sur l’explication de ses bienfaits en terme d’hygiène et de conservation de « la vie » : « Lefroid ne fait que suspendre la vie, il ne tue pas, il restitue exactement ce qu’on lui a donné » [352]. Ce court documentaire muet en noir et blanc s’inscrivait déjà dans une démarche pédagogique, qui, après la Seconde Guerre mondiale, a été largement renforcée par les stratégies de communication du SAM. Dès lors, soutenue par l’essor économique de la société française à partir de 1949 [353] et la généralisation de l’achat à crédit, l’observation et l’admiration de la clientèle vis-à-vis des objets exposés s’était transformée progressivement en acquisition ; ouvrant la voie à une décennie placée sous le signe de la consommation.

Exemple d’affiche publicitaires circulant dans le courant des années 50-70 en France.

Exemple d’affiche publicitaires circulant dans le courant des années 50-70 en France.

Exemple d’affiche publicitaires circulant dans le courant des années 50-70 en France.
Quand l’abondance du plastique redéfinit les normes esthétiques
Après que l’acquisition d’appareils ménagers soit démocratisée, il ne s’agissait pas de pousser explicitement les visiteurs à l’achat compulsif mais de mettre en avant la rentabilité des achats en terme d’utilisation, de prix, mais aussi, d’esthétique. À partir de 1951, dans le cadre du SAM, l’exposition Formes utiles sélectionnaient des produits censés répondre à des critères de beauté et d’utilité [354]. Les sentiments de honte et de culpabilité qui étaient provoqués par l’inaccessibilité des machines proposées par le Salon à sa réouverture s’orientaient désormais sur « la conduite à suivre et la morale à adopter en matière d’achats d’appareils ménagers » [355]. Déployées particulièrement par les magazines féminins, ces stratégies morales visaient à façonner la ménagère moderne, c’est-à-dire, celle qui, tel un devoir, saurait choisir quel achat lui ferait gagner du temps dans son foyer. Contrairement à la « mauvaise maîtresse de maison » qui ne maîtriserait pas l’organisation du travail domestique et qui reculerait « devant l’effort que représente l’acquisition raisonnée d’un équipement » [356]. La ménagère moderne étant avant tout une bonne consommatrice, son titre s’évaluait particulièrement sur sa manière d’aménager et de décorer sa cuisine. Consécutivement, à partir de 1955, une nouvelle esthétique s’applique aux cuisines et vient rompre avec l’aspect des premiers modèles de cuisines exposés : « la pièce “laboratoire” toute équipée, aux lignes droites et aux surfaces blanches d'avant-guerre devient plus conviviale avec des lignes courbes, différents points d'éclairage et surtout le retour de la couleur » [357]. Exposée au Salon cette année là, la Maison tout en plastiques, conçue par Ionel Schein, en collaboration avec Yves Magnant et René-André Coulon, venait affirmer ce nouvel idéal de beauté à l’échelle d’un habitat entier. Telles qu’en témoignent les pages qui lui sont dédiées dans le magazine Elle [358], ce prototype en forme d’escargot était composé de modules préfabriqués qui pouvaient se rajouter en fonction des besoins de surface autour du noyau central – salle de séjour, cuisine et sanitaire.
Basée sur le même principe modulaire, une autre « maison en plastiques » apparaissait deux ans après aux États-Unis, réalisée par l’entreprise Monsanto dans le cadre d’une attraction de Tomorrowland à Disneyland en Californie : The Monsanto House of the Future [359]. Cet objet n’était pas comme les autres attractions, il s’agissait pour Disney et Monsanto d’assurer la familiarisation du public avec des équipements qui pouvaient être produits en masse. D’ailleurs, en exposant l’utilisation d'une plaque électrique et d’un micro-ondes, cette maison introduisait la première cuisine où de la nourriture serait cuisinée « par l’énergie atomique » [360]. La légèreté des matériaux de synthèse, qui été brandie pour promouvoir ces deux prototypes de maisons, venait à la fois démontrer leur facilité de construction et, plus symboliquement, incarner la place essentielle qu’allaient prendre les matières plastiques dans le mode de vie des générations futures [361].

« Elle expose une réalisation unique au monde : la maison tout en plastique », Elle, n°530 et n°531 - Février 1956.

« Elle expose une réalisation unique au monde : la maison tout en plastique », Elle, n°530 et n°531 - Février 1956.

« Elle expose une réalisation unique au monde : la maison tout en plastique », Elle, n°530 et n°531 - Février 1956.

« Monsanto House of the Future Opens at Disneyland » 12 Juin 1957 [Walt Disney Archives]. © Disney.

Extrait de la série de photographies publiée par LIFE Magazine, 1957 © Ralph Crane / Getty images

Plan extrait de l’article « House of the Future », Monsanto Magazine, Summer 1957.
L’esthétique que la Maison tout en plastiques reflétait au Salon des Arts Ménagers témoignait de la fin de l’uniformité des éléments exposés aux premières éditions ; autant à l’échelle globale du Salon et de ses stands [362], qu’à l’échelle des objets. Les multiples teintes que pouvaient prendre le revêtement en plastique Formica [363] prenaient part dans une affirmation du « bon goût », qui devait s’éloigner de « l’écueil du tape-à-l’oeil » [364]. Le magazine Elle affirmait déjà en 1953 : « Notre époque voit la victoire du réfrigérateur, signe du confort intérieur, sur le piano à queue, signe extérieur de la richesse. Les jeunes ménages dépensent souvent plus pour la cuisine et la salle de bain que pour le salon » [365]. Alors que posséder des appareils ménagers dans la cuisines était devenu banal, le luxueux était incarné par le « bon goût » de la maitresse de maison. Au final, le rôle du SAM, accompagné par la presse spécialisée, contribuait à déplacer la limite mouvante entre ces deux assignations.
C’est pourquoi, pour la ménagère, la cuisine représentait, tout comme le reste de son foyer, une sorte de vitrine de sa classe sociale. Ce symbole devenait d’autant plus manifeste une fois que les portes du Grand Palais étaient franchies. Selon Leymonerie, bien que le « brassage social » des visiteurs puisse être statistiquement démontré au fil des années 1950, une distinction de classes s’articulait quand même dans la disposition des stands. À partir du milieu de la décennie, les fabricants de petit outillage étaient rassemblés au sous-sol. Empilés sur les comptoirs et en contact direct avec les visiteurs, certains produits – et plus particulièrement certaines marques – étaient assignés explicitement à une clientèle plus modeste. Dans un sens, cette différence dans la technique de vente de ces marques soulève l’enjeu du rapport entre quantité et qualité des produits. Tel que l’évoquait ouvertement le fondateur de Moulinex – perçue à cette époque comme une marque plus populaire –, son objectif était clairement d’abaisser les coûts de production pour produire en masse [366]. Finalement, face au « tout petit » [367] marché issu des quartiers résidentiels et des villas de grand standing, la consommation d’une abondance de produits moins chers s’érigeait aux yeux des industriels comme le véritable marché à développer.
Depuis cette logique de consommation, la hausse du pouvoir d’achat, l’essor du crédit et la baisse des prix convergeaient vers une utilisation massive des matières plastiques, déjà en pleine expansion en ce début de Trente Glorieuses. En garantissant la vente au détail dans des conditions plus hygiéniques, l’usage de La cellophane élargissait la quantité de produits frais stockés dans le Frigidaire et rallongeait leur durée de conservation. Les placards revêtus de Formica venaient, eux, se remplir d’une quantité d’ustensiles en matériaux thermoplastiques et thermodurcissables [368], mais aussi, de nourriture conservable pour une longue durée – car préalablement transformée dans les usines [369].

Publicité de presse pour la marque Formica, 1959.
Vers la fin des années 50, une sorte de retour à des couleurs plus sobres et des lignes plus droites s’affirmait dans la décoration de la cuisine [370]. Pour autant, cette pièce était déjà imprégnée des normes qui s’étaient forgées durant la décennie : la production massive d’éléments pour la cuisine avait façonné une pièce dédiée, non plus à la transformation, mais à la conservation.
L’usine à protéines : la nouvelle cuisine-laboratoire
Depuis les années 1950, la marque SEB accompagne l’achat de sa Cocotte d’un livre de recettes. Après la cocotte aux 200 recettes…, le livre 300 recettes SEB a adopté une véritable campagne de valorisation des (in)activités de la ménagère – Seb et votre budget, Seb et vos achats, Seb et vos loisirs, Seb et votre temps, Seb et vos cadeaux [371]. Lorsque l’on se penche sur ces larges images introduites entre les recettes, on réalise que la place des appareils ménagers dans le foyer n’était déjà plus à questionner. Censée mettre en avant la balance SEB, l’image « Seb et vos achats » est idéalement illustrée par la consommation massive qui était en train de marquer cette décennie, et qui s’est banalisée depuis : celle de la viande.
L’enquête sur l’élevage de bovins en France diffusée en 1970 par l’émission Eurêka [372] dépeint parfaitement ce moment clé où le tournant de la production industrielle de viande a déjà été pris mais que la rationalisation des élevages et des abattages ne fait que commencer. Affirmant ouvertement ces ambitions le long de son interview, Raymond Fevrier, inspecteur général de la recherche agronomique à l’INRA à cette époque, pose d’emblée ce qu’il considère comme le problème de la planète : le manque de protéines. À partir de cette déclaration, on plonge dans une dissonance e-étrange entre les images et les propos de l’interrogé. D’un côté, la diminution de la mortalité des bovins est brandie joyeusement pour justifier la maîtrise rigoureuse de leur régime alimentaire – le tout sur une image de boeufs dans les étables et de meuglement en fond sonore. De l’autre, l’objectif des techniques exposées le long de ce reportage est clairement admis : faire en sorte que les bovins se développent le plus rapidement possible pour les abattre aussi vite. Après le visionnage d’une entrecôte fumante dans une poêle, les propos de Fevrier nous confirment que tout ce qui est scientifiquement possible sera mis en oeuvre pour atteindre cet objectif : la capacité des boeufs à produire de la viande pourra bientôt être forcée et accélérée, en s’appuyant sur les prélèvements et l’analyse de leur organisme : « Les fistules sont, ainsi, un livre ouvert sur lesmystères de la genèse de nos plats favoris » [373]. Tel qu’il l’explique, pour stimuler l’appétit de ces animaux, il suffirait d’agir sur leur système nerveux, un procédé apparemment déjà efficace avec les oies . Allié à une « nourriture étudiée » faite de maïs traité, ce processus offrirait un gain de temps considérable entre l’élevage et l’abattage. Depuis cette logique de rendement, les animaux malades sont parqués dans de grands bâtiments enbéton dotés de barbelés, désignés comme des hôpitaux spécialisés, car, toute maladie signifierait une baisse de production pour nous – « les hommes » [374].
Tout le long du reportage, la désignation des bovins, et des animaux en général, se fait par un lexique industriel. En plaçant ces animaux au rang d’appareils de mesure dans une chaîne de fabrication, il marque la distance entre nous et eux, mais aussi, appuie le fait que leur mort serait légitime pour le maintien de notre santé. Pour cela, la maîtrise de leur vie ne débute pas dans la nourriture modifiée qui leur est administrée mais avant même leur naissance. En effet, pour donner des descendances nombreuses et rentables, la sélection de certains mâles se fait sur des critères de morphologie. En organisant la procréation de nombreuses vaches « normales » avec quelques mâles « anormaux », c’est toute la conformation de la race qui est modifiée pour « la volonté de nos appétits » [375]. Cet aspect concentrationnaire est, d’ailleurs, abordé par le reporter lors de l’interview de Fevrier, comparant ces dispositifs aux régimes hitleriens.
Telle que la publicité sur La Cellophane l’annonçait dès 1952, la viande était devenue un produit industriel de grande consommation ; faisant des boeufs de « (mauvaises) usines à protéines » [376]. Depuis cette lecture, on comprend que l’augmentation continue de la consommation de viande en France entre 1960 et 1970 [377] serait consécutivement liée à la normalisation de l’équipement ménager dans les cuisines, et plus particulièrement à celle du réfrigérateur – le taux de foyers possédant un réfrigérateur est passé de 7,5% en 1954 à quasiment 80% en 1970 [378]. En fait, plus le Frigidaire s’implantait dans les cuisines, plus l’élevage s’intensifiait pour le remplir. Mais, en appliquant la même logique de production de masse de l’équipement ménager à des êtres vivants, la mécanisation de l’élevage venait, en réalité, rationaliser leur mort.
Vers la fin du reportage, Fevrier est interrogé sur la qualité de la viande ; les bovins étant abattus plus jeunes qu’avant. Il lui répond qu’au laboratoire, « tout est mis en oeuvre pour que la viande soit plus tendre et pour qu’une plus grande partie de l’animal de sa carcasse puisse être utilisable sous forme de viande à griller » [379]. D’après lui, la tendreté ne serait plus subjective, elle pourrait se provoquer. Tout d’abord, en enlevant tout le tissu conjonctif – désigné comme l’ennemi du consommateur – , puis, en injectant des enzymes dans certains morceaux juste avant la consommation. Avec cette dernière technique – pas encore appliquée à cette époque –, l’animal serait prédigéré, ou tel qu’il l’affirme, « mangé sur pied de son vivant ». Finalement, cette expression illustre le processus de transformation de la viande qui précède l’action de faire-la-cuisine [380] au sein du foyer, et révèle, à la fois, le retournement qui s’est opéré architecturalement : la cuisine-laboratoire n’avait pas disparu, elle se développait à d’autres échelles hors du foyer ; faisant progressivement de la cuisine moderne un lieu de conservation de cette nourriture déjà transformée.
Circuit court ou circuit-long : une distance symbolique
Cette enquête montre que la combinaison froid-plastique, comme logique de conservation industrielle, s’est appliquée à toutes les échelles du « parcours de la viande » ; contribuant au passage de la considération de l’animal en tant que corps vivant à l’animal en tant que machine. Dans des laboratoires isolés, la collecte et la sélection de sperme, minutieusement répertoriés et congelés dans des récipients, est préalablement effectuée avant l’insémination artificielle. En maîtrisant la contraception et l’insémination des animaux, et également, en programmant la parturition, ce n’est pas uniquement leur organisme qui est maîtrisé, c’est leur physiologie : « tous les actes de leur vie biologique devront désormais correspondre à nos besoins et à nos heures. Ainsi, décide-t-on déjà du moment de la fécondation, de façon à ce que l’inséminateur ne vient qu’une fois dans la ferme pour l’ensemble du troupeau » [381]. Charles Thibault, directeur du département de physiologie animale à l’INRA à cette période, considère ce processus comme une « seconde domestication » – la première consistant, selon ses termes, à maintenir des « espèces sauvages dans nos étables ».
Tel un réglage de paramètres, le circuit qui s’opère avant qu’une entrecôte atterrisse dans une poêle dépasse largement l’échelle du transport de marchandise qui est exposée dans la publicité de La Cellophane. Il s’agirait d’un parcours de transformation physiologique, mais aussi, figuratif, car il traduit un rapport de domination plus global qui s’exerce sur les animaux : la domestication. La chercheuse Donna Haraway a justement consacré, en 2008, un ouvrage à l’analyse des relations multi-espèces – c’est-à-dire, des interactions entre les êtres humains et les êtres non-humains – d’un point de vue philosophique, culturel et biologique. Pour elle, la domestication des animaux serait une sorte de « péché originel qui sépare les êtres humains de la nature » [382] et les destinerait à un rapport d’altérité avec les animaux : « être un animal, c’est exactement ne pas être humain et vice versa » [383].
En s’appuyant sur les textes de Haraway, Elsa Maury approche le passage à la mécanisation de l’élevage qui s’est opéré après la Seconde Guerre mondiale dans les pays occidentaux, une période « prise dans une course effrénée à la productivité » [384]. Elle démontre, au terme de ses recherches, que les calculs qu’impliquent la rationalisation permettent à l’industrie de mesurer le bien-être animal en rapport à sa capacité productive, mais que ce processus de réification n’est pas toujours entreprit par les éleveurs·euses pour abattre tel ou telle bête, notamment lorsque le choix de la vente directe est adopté. S’il s’agit, à travers ce type de vente, d’éviter les intermédiaires entre la personne qui élève et la personne qui consomme, cela suppose aussi que, pour assurer la transformation d’un animal en viande, ce sont probablement les personnes qui les ont élevé qui vont se confronter à l’abattage. À travers un travail de valorisation, les éleveurs·euses s’engagent dans une relation de qualité et de soins avec leurs animaux, créant de l’attachement et de la sympathie, tout en y imbriquant l’idée de gain et de perte qualitative : « Les “attachements” lient éleveurs et bêtes dans un devenir ensemble » [385]. Toutefois, même si cette relation d’utilisation mutuelle viendrait troubler la logique rationnelle de l’élevage mise en oeuvre par les industriels, elle reste presque toujours asymétrique car elle se développe dans un espace concentrationnaire codifié par un rapport de domestication. D’après l’autrice, ce n’est pas la distance instaurée par les calculs et les relations d’utilisation mutuelle qui transforment l’animal en machine et en quotas aux yeux des êtres humains ; les empêchant de le reconnaitre en être-autre-qui-compte. Ces dispositifs incarnent plutôt des « stratégies morales pour dissimuler les problèmes propres à ce type de relation » [386], c’est-à-dire, le droit de mort qu’engage le rapport de domestication. Tel que le résume Haraway, « ce n’est pas le fait de tuer qui a mené la société à l’exterminisme, mais le fait de rendre des êtres tuables » [387].
La complexité de la relation inter-espèce qu’induit la vente directe soulève plus largement l’enjeu du principe de délégation de l’abattage vis-à-vis de la rationalisation : les normes prennent en charge la dimension difficile et morale de « bien tuer » [388], car autrement, les personnes qui élèvent ces animaux sont les seules à porter la charge morale de leur transformation en viande. Si ce processus industriel est abordé depuis l’échelle de l’usine, il concerne pourtant tout le circuit qu’effectue la viande jusque’à son arrivée dans les assiettes ; érigeant les cuisines dans les foyers comme des vitrines de cette chaîne de production. Les normes qui façonnent les cuisines modernes intègrent alors la domestication dans une sorte de décor esthétisé, mettant à distance la mort qui régit l’ensemble de ces pratiques. Ainsi, telle qu’en témoigne l’image du livre de recettes de Seb, il s’agissait de représenter la viande comme un nouvel objet qui n’a rien à voir avec le corps vivant de l’animal : la viande « ne doit comporter aucun stigmate de sa vie d’avant ; ni plumes, ni poils, ni vaisseaux sanguins pour ce qui concerne la viande blanche » [389]. Cette viande bovine qui est pesée sur la balance Seb s’intègre dans cet ensemble d’éléments rouges, incarnés autant par le fond que par la ménagère. Au final, ni la ménagère, ni la viande, ne semblent être reliées à des corps vivants, car leur représentations s’inscrivent, en réalité, dans une même logique de désidérabilité de consommation : « pour plaire, il faut désincarner » [390].

« Seb et vos achats », extrait de 300 recettes SEB. Sud-Est publicité, 10e Edition, 1965.
[331] Le conditionnement de la viande. Les Actualités Françaises, 1952 [consultable en ligne sur le site de l’INA].
[332] Nathalie Gontard et Hélène Seingier, Plastique, le grand emballement. Stock, 2020. Dans cet ouvrage la chercheuse à l’INRA, Nathalie Gontard, retrace l’histoire des matières plastiques depuis le processus d’extraction pétrolière en passant par la « démocratisation » des polymères, jusque’à l’ensemble des démarches actuelles pour réduire sa production et son utilisation. En effet, « Tous les pays, sans exception, ont succombé aux charmes des polymères plastiques. La production, et donc la consommation, mondiale de matières plastiques sont passées de 2 millions de tonnes en 1950 à 359 millions de tonnes en 2018 – soit plus de 11 tonnes produites par seconde. C’est davantage que la plupart des autres matériaux fabriqués par l’homme. ». voir Chapitre I : « Le génie du plastique nous a emballé ».
[333] En France, le marché de la pellicule cellulosique s’est développé dans les années 1920. À partir de cette période, des moyens étaient déployés pour continuer à améliorer l’efficacité du produit à plusieurs niveaux, tels que son imperméabilité. « À partir de 1950, la Société La Cellophane avait déjà commencé à s’intéresser aux nouvelles matières synthétiques et s’était engagée dans de nouvelles fabrications non cellulosiques, à partir de matières premières achetées, pour suivre l’évolution d’un marché de l’emballage en pleine expansion ». voir Jean-Marie Michel, Chapitre « Application films/pellicules: La Cellophane ». Dans Contribution à l’histoire industrielle des polymères en France. Documentations scientifiques de la SCF (Société Chimique de France).
[334] Nathalie Gontard et Hélène Seingier, op. cit. « En quelques décennies, en effet, le secteur pétrochimique s’est organisé pour faire sortir de terre de gigantesques cathédrales de fer et de feu : les raffineries et les usines plasturgiques. Approvisionnés par les pays extracteurs d’or noir et les capitaux de la finance internationale, ces géants de l’industrie produisent des quantités astronomiques de plastiques à bas coût dont les performances n’ont de cesse de progresser et les prix de diminuer. L’essor du secteur remplira considérablement les poches grandes ouvertes de tous les pays de l’OCDE, ses industriels et actionnaires venant grossir les rangs des très riches de ce monde. »
[335] Caroline Dubail, « Un Grand Palais pour les Arts Ménagers (1926-1960) : Hommage à Jules-Louis Breton ». Les Dossiers pédagogiques du Grand Palais 7. RmnGP, 2020, p. 17.
[336] Claire Leymonerie, « Le Salon des arts ménagers dans les années 1950. Théâtre d'une conversion à la consommation de masse », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, vol. no 91, no. 3, 2006, p. 43-56.
[337] Caroline Dubail, op. cit.
[338] Comme « La Cellophane », le nom « Frigidaire » est devenu un synonyme de frigo, dans certains pays francophones, par antonomase. Il fait référence aux modèles de réfrigérateur de la marque General Motors-Frigidaire qui fabriquait une gamme complète de produits électroménagers entre 1953 et 1975. Par la suite, la marque Frigidaire a été vendue au groupe Electrolux Home Products. voir « Antonomases : quand les noms propres sont…très communs ! », Le Curionaute, 28 octobre 2015.
[339] Elsa Maury, « Elever, tuer, manger. Histoires de transactions multi-espèces ». Dans Habiter le trouble avec Donna Haraway, par Florence Caeymex, Vinciane Despret, et Julia Pieron. Editions Dehors, 2019, p. 216-217.
[340] Sergio Dalla-Bernardina, « Une personne pas tout à fait comme les autres. L’animal et son statut ». L’Homme, n o 120 (1991), p. 45 [cité par Elsa Maury, op. cit.]
[341] Claire Leymonerie, op. cit.
[342] « La cloison fait communiquer la salle et la cuisine au moyen d’un guichet de servir et de tiroirs qui s’ouvrent des deux côtés ». extrait de Construire, Jean-Benoît Lévy, 1934. En retraçant les enjeux de la construction de la Cité Muette de Drancy, le documentaire soulève l’enjeu crucial du passe-plat dans la normalisation de la cuisine moderne. Considérant que « Le rôle social de l’Architecte consiste à diminuer “les travaux forcés de la ménagère” », le passe-plat permettrait de faire passer les 95 kilomètres par an qu’effectue la ménagère entre la cuisine et la salle à manger à 35 kilomètres par an. Ce dispositif était déjà récurrent dans l’architecture de Le Corbusier, comme dans la Villa Savoye, dans l’Unité d’Habitation de la Cité Radieuse – le « Buffet passe-plat » –, mais aussi, dans la Villa La Roche à travers le « monte-plat » – ce dernier soulève justement l’ancrage bourgeois du passe-plat (Cf infra chapitre 6).
[343] « Marcel Gascoin », Techno-Science.net [en ligne].
[344] Maison française, n°10, septembre 1947, p. 18.
[345] Annonce publicitaire de la marque COMERA pour la « Cuisine Styl Z », 1945 [consultable sur le site officiel de la marque COMERA Cuisines].
[346] Claire Leymonerie, op. cit. « En 1954, la France compte 14,5 millions de logements pour 13,5 millions de ménages. La crise est particulièrement aiguë dans les villes où 50 % des logements de une à deux pièces sont surpeuplés. Elle s’accompagne d’une grande instabilité résidentielle : en 1955, 27 % des ménages souhaitent déménager au plus vite, 38 % parmi les ouvriers ».
[347] « En témoignent les difficultés que rencontrent les militants ouvriers dans le choix du modèle de machine à laver, qui doit être suffisamment léger pour pouvoir circuler entre les étages ». Ibid.
[348] Ibid.106
[349] Caroline Dubail, op. cit., p. 13.
[350] Julien Arbois, Dans l'intimité de nos ancêtres, Saint-Victor-d'Épine, City Edition, 2014, p. 256.
[351] Charles Tellier inventeur du réfrigérateur. Ministère de l’Agriculture, 1937 [consultable en ligne sur le site de l’INA].
[352] Ibid.
[353] L’année 1949 est celle de la fin du rationnement alimentaire pour la France, mais aussi celle de la hausse des salaires. L’appellation « Trente Glorieuses » a été introduite par Jean Fourastié en 1979 pour désigner la période qui débute après que le pays ait retrouvé son niveau de production d’avant la Seconde Guerre Mondiale et que tous les objectifs du plan de reconstruction d’aprèsguerre aient été accomplis. Marqué à l’aube des années 50, l’essor économique de la société s'est étendu jusqu’à la fin des années 70. voir Jean-François Eck, « Chapitre 2 - Le temps du redressement (1949-1969) », Histoire de l’économie française. De la crise de 1929 à l’euro. Armand Colin, 2009.
[354] Caroline Dubail, op. cit., p. 19. « Le design est entré dans les mœurs ; l'exposition Formes Utiles présente à partir de 1951 des appareils ménagers dont les lignes en font des objets décoratifs ; chacun est aussi une invitation à remplacer un équipement qui serait démodé ! »
[355] Claire Leymonerie, op. cit.
[356] Ibid.
[357] Ibid.
[358] « Elle expose une réalisation unique au monde : la maison tout en plastique », Elle, n°530 et n°531 - Février 1956.
[359] En forme de croix latine et sur pilotis, la structure de cette « maison du futur » était faite de matières plastiques et d’autres « manmade materials ». Dans les années 40, l’entreprise américaine Monsanto, spécialisée dans les produits chimiques, s’était lancée sur le marché du plastique. En établissant un contrat avec une équipe d’architectes et d’ingénieurs du MIT, l’entreprise souhaitait investir dans l’industrie de la construction de logements. voir Dave Weinstein, « Plastic Fantastic Living : Disneyland’s spectacular “Monsanto House of the Future” combined science, showmanship and dreams ». CA-Modern Magazine [consultable en ligne sur eichlernetwork.com].
[360] Ibid. Après la visite de cette « attraction », le magazine Architect and Building News reportait : « une légère dose de radiations [gamma] combinée avec de la réfrigération modérée augmente la dure de vie de beaucoup de produits en l’espace de quelques mois ».
[361] La « maison tout en plastiques » française a été financée par les Charbonnages de France et les Houillères du Nord. « Pour Ionel Schein en effet, l'architecture en plastique est l'architecture de la vie. […] Les matériaux plastiques commandent les formes et permettent à l’habitation d’épouser un rythme de croissance organique : “Les matières plastiques peuvent dès maintenant donner la parole à un style biologique” (Ionel Schein). ». voir « Maison tout en plastiques, Salon des Arts ménagers, Paris, 1956 ». Inventaire détaillé de la Maison tout en plastiques par le Frac [consultable en ligne sur le siteweb du Frac - Centre-Val de Loire, dans la rubrique Collection].
[362] Claire Leymonerie, op. cit. « Dès 1951, le Salon a entièrement changé de physionomie : les investissements des exposants en matière de décoration ont très visiblement augmenté, la fantaisie est de mise, d’autant plus qu’elle n’est plus bridée par aucune structure uniforme. Les stands ne sont plus surmontés par l’indication de leur cote, mais par la marque du fabricant qui les occupe, marque destinée à devenir le nouveau point de repère pour le visiteur égaré dans les allées. »
[363] Caroline Dubail, op. cit., p. 19. « Le revêtement en plastique Formica révolutionne les habitudes avec ses multiples teintes : 3 coloris en 1953 (vert amande, bleu ciel et jaune paille) 12 en 1957 et 58 en 1958 ! La table en formica jaune avec ses battants qui se replient et ses tabourets qui se rangent dessous fait un tabac. »
[364] Claire Leymonerie, op. cit.
[365] Elle, mars 1953, archives du Salon des arts ménagers, CAC, 850023-577.
[366] Formes utiles, conférence d’André Hermant, 23 mars 1957, archives du Salon des arts ménagers, CAC, 850023-137.
[367] Claire Leymonerie, op. cit.
[368] Depuis les années 50, les polymères thermoplastiques, thermodurcissables et élastomères ont une place considérable dans la production industrielle d’ustensiles des cuisines, on note par exemple le caoutchouc synthétique, le silicone, le Téflon, etc… voir Classification des matières plastiques par l’INRS.
[369] La « conserve », en tant qu’objet de conditionnement de l’industrie agroalimentaire, s’est établie comme une commodité du régime alimentaire occidental à partir de cette période. Elle représente plus globalement la désignation d’aliments dits industriels, c’est-à-dire, les aliments qui ont été conditionnés et transformés par l’industrie agro-alimentaire à partir de produits naturels ou chimiques, tels que les additifs. voir Mónica Truninger, The handbook of food research, Londres, Bloomsbury, 2013, « The historical development of industrial and domestic food technologies. ».
[370] Claire Leymonerie, op. cit.
[371] 300 recettes SEB. Sud-Est publicité, 10e Edition, 1965.112
[372] Guy Seligmann « Sauver le boeuf... » Eurêka, 2 décembre 1970.
[373] Ibid. Voix off.
[374] Ibid. Voix off.
[375] Ibid. Voix off.
[376] Ibid. Voix off.
[377] « Consommation alimentaire. En France, la consommation de viande se modifie fortement entre 1960 et 2018 ». Agreste: La statistique, l’évaluation et la prospective agricole. Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, 2020.
[378] Sylvie Monteiro et Catherine Rowenczyk. « L’équipement des ménages en 1991 ». Consommation - Modes de vie. INSEE, juin 1993.
[379] Guy Seligmann, op. cit. Interview de Raymond Fevrier
[380] Luce Girard, L’invention du quotidien, Vol. 2 Habiter, cuisiner. Collection Folio Essais (n°238) Gallimard, 2006 (réédition de 1994), p. 213-359.
[381] Guy Seligmann, op. cit. Voix off.114
[382] Donna Haraway, When Species Meet. Vol. 3. Posthumanities. University of Minnesota Press, 2008. p. 206.
[383] Ibid.
[384] Elsa Maury, op. cit. p. 219-221. L’autrice note d’ailleurs que cet enjeu était double dans le secteur avicole car contrairement aux boeufs et aux taureaux, les animaux de basse-cour n'étaient pas pris avec autant de sérieux ; ils étaient considérés avec condescendance en tant qu’« affaire de la ménagère, de la fermière ».
[385] Ibid.
[386] Ibid.
[387] Donna Haraway, op. cit. Traduction de l’anglais : « It is not killing that gets us into exterminism, but making beings killable. » p. 80.
[388] Elsa Maury, op. cit.115
[389] Nora Bouazzouni, Faiminisme, 2020, p. 111.
[390] Ibid. D’après Nora Bouazzouni, ce rapprochement qu’il y a entre la représentation des animaux et la représentation des femmes se fonde sur l’entreprise de transformation: « Les mutilations qu’on inflige aux femmes, comme l’excision, ou bien les pratiques de beauté douloureuses qu’elles imposent à leur corps, comme la chirurgie esthétique, l’épilation, les régimes, les corsets… ont pour but de satisfaire le désir masculin (pas systématiquement, bien sûr, voir chapitre suivant) mais doivent demeurer invisibles. ». Pour le démontrer, elle s’appuie sur certaines analyses féministes, telles que le concept de « douleur hors image » théorisé par Mona Chollet dans Beauté Fatale, mais aussi sur les démarches de militant·e·s antispécistes « animé-e-s par une même volonté de dénoncer la souffrance en la rendant visible, et ainsi provoquer une fissure dans l’appareil idéologique. ».