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Chapitre 6 : Asservissement

Dans le code de déontologie de l’architecte publié en 1895 – connu sous le nom de Code Guadet – , le mot « cuisine » est défini à travers des modèles de grandes habitations ; l’auteur considérant que les habitations des autres classes sociales ne possèdent pas vraiment de cuisine [274]. Le terme « cuisine » serait donc « un terme général qui exprime tout un ensemble; c'est en ce sens qu'on disait autrefois “les cuisines”. Et lors même que votre programme vous dit simplement “une cuisine”, vous ne lui donnez pas satisfaction par une pièce unique, si grande soit-elle il vous faut penser qu'on désigne par là tout le service de la bouche qui dans les maisons riches, est très compliqué ». En fait, ce n’étaient pas les cuisines qui étaient démonstratives du rang, mais plutôt, le nombre des pièces dans lesquelles les plats étaient préparés. L’élan du mouvement hygiéniste qui a suivi serait alors venu homogénéiser les cuisines et estomper la signification sociale qu’elles représentaient [275]. Ainsi, depuis le XXème siècle, la cuisine ne serait plus « un véritable service » [276]. Pourtant, lorsque l’on s’intéresse aux pages dédiées aux Cuisines dans le Neufert, on remarque qu’elles ne faisaient pas partie des Pièces de la maison dans les premières publications françaises. Tout d’abord intitulée Locaux de services, puis, Pièces de service, cette partie distincte témoigne d’une certaine répartition des pièces qui n’est pas présente dans les éditions internationales [277]. En France, il a donc fallut attendre les éditions du XXIème siècle pour voir les pages Cuisines intégrer les Pièces d’habitation. Or, les dessins représentés sont restés quasiment intactes, employant toujours exclusivement des personnages féminins pour mettre en scène les anciennes Pièces de service.

En contre-poids au premier postulat, l’historienne Anne Martin-Fugier démontre dans un livre publié en 1979 [278] qu’il y aurait une certaine continuité entre le modèle de servitude admis à la fin du XIXème siècle en France et le modèle de la famille nucléaire qui s’est imposé à l’entre-deux guerres. En analysant la domesticité féminine à Paris dans les années 1900, elle évoque la nostalgie ambiante dans la société française à cette période vis-à-vis de l’Ancien Régime, perçu comme « un paradis perdu où régnait l’harmonie entre les maîtres et serviteurs » [279]. Au cours du siècle précédent, la domesticité nombreuse – toujours mixte, mais déjà féminisée – avait laissé place à un modèle d’habitation qui reposait sur l’emploi d’une unique personne – en l’occurence une domestique : la bonne à tout faire. Au début du XXème siècle, La place des bonnes se voyait remise en question, et consécutivement, l’image de la parfaite ménagère apparaissait.

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L’autrice approche cette transition principalement depuis la presse et la littérature. En effet, à l’aube de la Première Guerre mondiale, dans le Journal des gens de maison [280], les femmes étaient appelées à prendre des cours dans les école ménagères, répartis entre les cours pour les « maîtresses de maison » et les cours pour les servantes. Cette volonté d’instruction se rattachait ouvertement à certaines revendications féministes, mais ne venait pas pour autant questionner la condition domestique ; en réalité, « La femme dont on parle, celle qu’il faut instruire, c’est la femme bourgeoise ou la femme de l’ouvrier. La femme au foyer, pas la servante. » [281].

Dans un sens, on peut retrouver cette dimension équivoque dans certains discours féministes de la seconde vague en France, après que la famille nucléaire se soit normalisée depuis plusieurs décennies. Appuyé notamment par les écrits de la philosophe Simone de Beauvoir, le mouvement mettait cette fois-ci en évidence les normes de genre en tant que constructions sociales – « On ne naît pas femme, on le devient » [282]. Mais, tel que l’affirme Manon Garcia, la théorie beauvoirienne, comme de nombreuses autres théories féministes du XXème siècle, étudiait l’aliénation de la femme en tant que représentation sociale normative de son époque, c’est-à-dire, une femme nécessairement blanche, chrétienne, bourgeoise [283] : une typique femme au foyer. Or, si la ménagère est issue du modèle de la bonne à tout faire, l’assignation genrée au travail domestique serait liée avant tout à une relation d’asservissement. Dès lors, les cuisines ne sont-elles plus des Pièces de service ?

Image extraite du film Boudu sauvé des eaux, réalisé par Jean Renoir et sorti en 1932.

La bonne à tout faire : une tautologie ?

En 1905, La Semaine de Suzette, un hebdomadaire destiné « aux fillettes et aux jeunes filles de familles aisées » [284], introduisait un des premiers personnages de bandes dessinées françaises, dessiné par Joseph Porphyre Pinchon : Bécassine. À partir de 1913, la BD a été publiée en albums – 25 chaque année – jusqu’en 1939. Il s’agissait d’illustrer les péripéties d’une jeune bretonne, de son vrai nom Annaïk Labornez, qui était venue à Paris pour être domestique d’une famille noble [285]. Dans l’Hotel du Boulevard Saint-Germain, Bécassine est la gouvernante parmi les autres domestiques – Hilarion le maître d’hôtel, Marie la cuisinière, Mariette la femme de chambre, Cyprien le chauffeur, le chef cuisinier et les concierges de l’hôtel. Même si c’était le mode de vie d’une certaine catégorie de la population qui était dépeint à travers ses aventures, ce code de noblesse était déjà devenu minoritaire lors des publications. Comme le définissait le classement de Cusenier [286], le nombre de domestiques était un marqueur social des habitations au XIXème siècle. Seulement pour le « Service à la bouche », une Maison de Prince engageait au minimum « 1 chef de cuisine, 3 aides de cuisine, 1 cuisinière, 1 fille de cuisine » ; tandis que les familles bourgeoises aisées possédaient en général 3 domestiques pour tout, dont 1 cuisinière. La division genrée des tâches était d’autant plus accentuée dans les longues listes de domestiques, valorisant toujours les tâches attribuées aux hommes – qui coûtaient, d’ailleurs, plus cher que les femmes. Ainsi, pour les familles petites-bourgeoises, se faire servir permettait de s’élever socialement au dessus des classes prolétaires, mais, au vu de leurs moyens, elles ne pouvaient engager qu’une seule personne qui additionnerait tous ses rôles – d’où l’appellation bonne à tout faire, déjà banalisée à la fin du siècle.

Plus tard, dans les années 1900, on parle d’une « crise de la domesticité ». Le 8 Septembre 1908, le Journal de gens de maison [287] déclarait « les bonnes à tout faire s’enlèvent comme du pain chaud, le syndicat n’en fournit pas le dixième de ce qui lui est demandé ». Or, Anne Martin-Fugier démontre dans son ouvrage que la baisse des effectifs était tout d’abord une conséquence d’un dénombrement différent. Historiquement il y avait aussi des « domestiques rattachés à une exploitation agricole », alors qu’à partir de 1896, la profession s’était réduite aux « domestiques rattachés à la personne ». Progressivement, « domestique » rimait avec « intérieur ». La manière dont on les logeait en ville témoigne, d’autant plus, de cette convergence. Telle l’ombre de leurs maîtres, on les plaçait soit dans l’appartement principal – dans un débarras, sans coin intime : la « place perdue » du logement – ; soit au dernier étage des immeubles – le 5ème, 6ème ou 7ème : sous les combles. Toujours existant à Paris dans les immeubles haussmanniens, ce dernier étage communiquait avec le rez-de-chaussée par l’escalier de service qui desservait aussi les cuisines. Aucune considération n’était accordée aux cuisines : elles n’étaient pas des pièces mais « des sortes d'appendices qu'on cache, qu'on veut ignorer » [288]. De par leur exiguïté et leur manque d’aération, ces pièces constituaient de véritables espaces à risques pour la santé. Lorsqu’elles étaient pourvues de fenêtres, celles-ci donnaient sur la courette intérieure, faisant remonter tout l’air vicié jusqu’au dernier étage, tel un égout. En fait, les espaces réservés aux domestiques concentraient tout ce qu’il y avait de plus méprisable dans l’habitat ; une répartition qu’Émile Zola décrivait en tant que symbole de hiérarchie morale [289]. D’autre part, on peut également y voir l’application d’une ségrégation socio-spatiale caractéristique des idéaux de Haussman [290] : préserver le centre riche en reléguant les pauvres aux extrémités, autant à l’échelle de la ville qu’à celle de l’immeuble.

Coupe transversale d’un immeuble haussmannien, 1885, dans La Nature : revue des sciences et de leurs applications aux arts et à l'industrie.

Bien que les préceptes hygiénistes se soient intéressés à l’insalubrité de ces espaces de service à la fin du siècle, les conditions des « domestiques rattachés à la personne » n’étaient toujours pas couvertes par une protection sociale ; en particulier pour la bonne à tout faire car il n’y avait même pas de code régissant la condition de l’emploi d’une seule personne en tant que domestique. Pourtant, le modèle familial de la petite bourgeoisie étant de plus en plus commun, les demandes d’emploi d’une bonne avaient augmenté considérablement – provoquant, d’ailleurs, en partie, la « crise de la bonne à tout faire ». En effet, à la fin du XIXème siècle, domestique-service-féminin résonnait déjà comme un tautologie.

Au final, les histoires de Bécassine renvoyaient déjà à « un code ancien, un code d'un autre âge, un code de noblesse » [291] qui continuait à faire rêver les familles petites-bourgeoises au XXème siècle. Même s’il s’agit d’une bande dessinée, l’influence de cette oeuvre se rapproche de celle des « manuels pour maîtresses de maison » qui émergeaient dans la seconde moitié du XIXème siècle. En réalité, ces ouvrages n’étaient pas lus par les maîtresses de maison en question – leur rôle étant considéré comme naturel – mais par les lectrices petites-bourgeoises qui s’en servaient pour appliquer cette autorité dans leur foyer. C’est ainsi qu’elles venaient faire converger toutes leurs attentes disciplinaires sur une seule domestique. Issue de l’imaginaire bourgeois, la représentation de la bonne à tout faire se calquait sur le personnage inconditionnellement dévoué de Bécassine, qui, dans uns sens, a entretenu ce mythe toute la première moitié du XXème siècle.

Maitre-serviteur : un code pas si Ancien

Dans les années 1900, le public de la presse enfantine s’élargissait en France. La Semaine de Suzette serait paru en réaction à ce succès, considéré « immoral » pour les éditions catholiques [292]. Le personnage de Bécassine venait illustrer la nostalgie des classes aisées pour des valeurs qui reposent sur une certaine moralité chrétienne et patriotique – elle sert la Marquise de Grand Air toute sa vie, et avec fierté. Les quelques fois où elle fait référence à sa région natale, la condition paysanne qu’elle décrit met en avant la reconnaissance qu’elle a envers ses supérieurs de l’avoir intégrée à leur existence. Ce respect de la répartition des rôles sociaux – que Anne Martin-Fugier qualifie de « vernis social » – aurait été particulièrement manifeste chez les bonnes : elles tenaient à ce que les codes soit respectés. D’ailleurs, s’il y avait des syndicats pour les gens de maison depuis la fin du XIXème siècle [293], elles n’en faisaient, en grande majorité, pas partie. Pourtant, on estimait que, contrairement à d’autres travailleurs·euses, les bonnes avaient des horaires presque illimitées [294] ; en témoigne « Les commandements de la bonne à tout faire » [295]. Cet emploi du temps établit douze étapes de la journée d’une bonne, de 6h du matin à une heure indéterminée le soir – elle ne peut dormir qu’une fois que le dîner a été servi et que les comptes ont été faits. Présenté sous un ton humoristique comme un « pastiche des Commandements de Dieu » [296], il met toutefois en évidence les quatre qualités requises pour être une parfaite bonne à tout faire : rapide, propre, scrupuleuse et mesurée.

Des emplois du temps beaucoup plus précis et chargés étaient consultables dans la littérature pratique à l’usage des maîtres et de leurs domestiques. Vers la fin du XIXème siècle, ils s’adressaient plus spécifiquement à la bonne. La précision des horaires et la répétition incessante devait s’intégrer à son corps jusqu’à ce qu’elle soit entièrement programmée. À travers ces manuels, il ne s’agissait pas de quadriller uniquement ses journées, mais aussi, ses semaines, ses mois et ses années [297] : en bref, son existence. La position d’une bonne se distingue des autres domestiques car elle renvoie explicitement à une relation de servitude ancienne. En fait, à une échelle plus large, le statut des domestiques n’aurait pas évolué de la même manière que celui des autres travailleurs·euses. Même après que LesLumières se soient insurgés au XVIIIème siècle contre certaines formes de travail forcé – interdisant la domesticité à vie –, les domestiques conservaient le statut le plus lié aux maîtres [298].

Cette relation peut être appréhendée plus généralement par la limite mouvante entre travail libre et travail contraint entre le XVIIIème et XIXème siècle ; un sujet auquel l’historien Alessandro Stanziani a consacré un livre en 2020. Ce dernier démontre tout le long de son ouvrage qu’il n’y aurait pas de réelle opposition entre l’Ancien monde du travail forcé en Occident et le Nouveau monde du travail libre caractérisant l’Europe bourgeoise, démocratique et industrialisée. D’après l’auteur, la persistance de la spécificité du statut des domestiques après la Révolution est liée à la nature de leur contrat d’engagement. Celui-ci ne pouvait presque pas être rompu, seul le maître décidait de son bon vouloir s’il le ou la renvoyait. Le terme « domestique » restait très générique, il ne définissait pas le type de travaux que la personne effectue mais bien la relation d’asservissement qu’elle entretenait avec son maître : elle « doit tout son temps au maître et pour tous les travaux commandés » [299]. En France, les domestiques faisaient partis de la main-d’oeuvre agricole avant comme après la Révolution française, tout comme les personnes qui travaillaient au jour ou à la tâche. Autant les hommes que les femmes pouvaient être domestiques mais la répartition des tâches s’inscrivaient quand même dans une hiérarchie : « les domestiques chargés des tâches d’encadrement et d’organisation – majoritairement des hommes – sont distingués de celles et ceux qui exécutent de simples tâches manuelles » [300]. Cependant, la disparité sphère publique/sphère privée s'est affirmée avec la Révolution française, faisant de l’espace public l’unique espace politique. Cette dépolitisation de l’espace privé aurait marqué la dévaluation des emplois de domestiques, conduisant à leur large féminisation [301].

La spécificité de la condition des domestiques, qui se constate toujours au début du XXème siècle, repose à la fois sur l’engagement inconditionnel qu’impliquait la servitude lors de l’Ancien régime, et sur la dévaluation progressive de ces emplois. Le statut des bonnes en particulier, étant chargées de tout faire, manifeste la persistance de cette relation maître-serviteur presque seigneuriale : tels que le dos courbé et l’absence de bouche de Bécassine le montrent [302], elle doit allégance à la Marquise, elle est à sa merci.

Bécassine et sa patronne, la marquise de Grand’Air. Extrait de Bécassine met une lettre à la poste © Gautier-Languereau

La Marquise, à laquelle la jaune bretonne se dévoue entièrement, pourrait finalement s’apparenter au maître du code ancien. Leur relation témoigne d’un rapport asymétrique qui s’est déployé au sein de la sphère privée après que les femmes, de toutes classes sociales, avaient été exclues du champ politique. Si la Marquise peut être considérée comme la maîtresse de Bécassine, elle n’est, en revanche, pas assimilable au modèle de la maîtresse de maison qui se développait en France à ce même moment à travers les manuels pratiques. Anne Martin-Fugier soulève cette évolution en comparant deux emplois du temps type d’une bonne à tout faire, rédigés à des périodes différentes : l’un en 1896 [303], l’autre en 1927 [304]. On constate, tout d’abord, que le premier est plus chargé que l’autre, et aussi, plus détaillé. Celui de l’entre-deux guerres a logiquement fait disparaître certains actes devenus obsolètes dans les foyers moyens – « [monter] du bois et du charbon » –, et a laissé place à d’autres notions : « se repose », « promenade ».

Tiré d’un ouvrage écrit par Augusta Moll-Weiss, le deuxième programme témoigne d’une volonté plus globale dans la société française au début du siècle de « décharger » les bonnes. Pour autant, si l’idée que les appareils ménagers viendraient alléger leurs corvées était énoncée, l’accent se mettait de plus en plus sur la responsabilité de la maîtresse de maison : elle doit prendre en charge les achats et les enfants, et simplifier le service quotidien [305]. L’autrice soutenait notamment la nécessité d’institutionnaliser un enseignement ménager pour préparer les jeunes filles à leur « double rôle de maîtresse de maison et mère » [306] – ses travaux ont d’ailleurs influencé ceux de Paulette Bernège [307] (Cf infra chapitre 2). En 1925, Moll-Weiss publiait un livre intitulé Madame et sa bonne dans lequel elle expliquait « Comment former une bonne à tout faire en s’éduquant soi-même » [308]. La discipline qui était demandée à la bonne était maintenue, mais désormais, elle se propageait sur l’épouse : « en disciplinant, se discipliner » [309].

Paulette Bernège, De La Méthode Ménagère. 1ère éd. Paris, 1928.

Auparavant, la relation maître-serviteur était marquée au sein même de la sphère privée – les domestiques étant compris dans la cellule familiale. C’est pourquoi, le terme « ménage » ne renvoyait pas directement aux tâches d’entretien, comme aujourd’hui, mais à la gestion de cette cellule aussi bien en terme de revenus et de biens – on parlait de « tenir un ménage » ou de « soins du ménage ». Or, à partir de l’entre-deux guerre, l’épouse bourgeoise héritait de la discipline de la bonne à tout faire – devenant alors la bonne de son mari –, tandis que la bonne accédait progressivement à un statut de travailleuse – passant du « service à gages [au] service à la tâche » [310]. On comprend alors que l’introduction du modèle de la maîtresse de maison ne venait pas véritablement remplacer la bonne à tout faire ; elle venait, en réalité, restructurer les relations au sein des logements. Utilisée par la suite, l’appellation « femme de ménage » – bien qu’elle soit moins méprisante que « bonne à tout faire » – venait réaffirmer, cette fois-ci dans un cadre professionnel, la tautologie qui s’est établie les siècles précédents : seule une femme peut (doit) « faire du ménage ». En s’articulant dans la sphère privée et dans la sphère publique, sous des formes plus ou moins explicites, la servitude, jusque-là accessible uniquement à certaines catégories sociales, se normalisait.

Publié en 1968, le livre Conchita et vous se présente comme un « Manuel Pratique à l’usage des personnes employant des domestiques espagnoles » [311]. Il s’inscrit ouvertement dans la continuité du rapport asymétrique entre Madame et sa bonne que Moll-Weiss établissait au début du siècle. Cet ouvrage témoigne de l’évolution, depuis les Trente Glorieuses, du stéréotype de la bonne qu'incarnait Bécassine la paysanne bretonne vers l’image d’une femme immigrée espagnole [312]. Ce passage met en évidence le lien qui s’est affirmé entre migration féminine et domesticité dans les années 1960 ; une période où un plus grand nombre de femmes françaises – du moins, métropolitaines – accédaient à une vie professionnelle – hors usine [313]. La répartition égale des tâches ménagères avec les hommes n’entrant quasiment pas dans le débat, il s’agissait pour les femmes qui le pouvaient de déléguer certaines tâches domestiques à d’autres femmes, en l’occurence de classes plus précaires.

Première de couverture de Augusta Moll-Weiss, Madame et sa bonne. Albin Michel, 1925.

Première de couverture de Solange Fasquelle, Conchita et vous. Albin Michel, 1968.

Même si cette dynamique était déjà manifeste le siècle précédent, elle prenait une autre dimension avec le contexte post-colonial [314]. En France, entre 1965 et 1983, un centre de « préformation ménagère » à Crouy-sur-Ourq formait des femmes réunionnaises et antillaises à devenir des « employées de maison ». Elles étaient toutes venues dans l’hexagone dans le cadre du Bureau des migrations intéressants les départements d’Outre-mer (BUMIDOM). Comme que le montrent les recherches de Myriam Paris [315], ces femmes avaient l’obligation, dès leur arrivée, d’assister aux cours de cuisine française et de ménage, régis par un emploi du temps très stricte. Le samedi après-midi, des « familles honorables » étaient invitées à venir choisir la jeune femme qu’elles allaient employer. Un article du journal Combat réunionnais révélaient en 1972 leur condition de placement, soulevant l’orientation contrainte et genrée des femmes ultramarines vers des « métiers de service » – là où les hommes étaient orientés vers des métiers du bâtiment – : « Les promesses faites à La Réunion se sont envolées en fumée. D’aide-soignantes, places promises, elles se retrouvent… femmes de service, à longueur de journée, trainées plus bas que terre, sous le regard malveillant de quelques “chefftaines” pour un maigre salaire » [316]. Les militantes de l’Union générale des travailleurs réunionnais en France (UGTFR) y voyaient, premièrement, une stratégie de l’état pour contrer la mobilisation des employées espagnoles qui se battaient pour obtenir des salaires convenables – la brochure donnée aux familles métropolitaines vantaient aisément le coût plus bas des travailleuses ultramarines. De plus, elles évoquaient les stéréotypes racistes qui leur étaient assignés ; des stéréotypes explicitement issus de l’esclavage colonial – une domestique noire, robuste, joviale, mais aussi, qui aurait une « disposition à servir » [317].

Image extraite du film La Noire de... , réalisé par Ousmane Sembène, 1966.

Tel que le démontre l’historien Alessandro Stanziani, « sphère du travail libre et sphère du travail forcé se croisent, se superposent parfois et, le plus souvent, se répondent mutuellement » [318]. Outre les rapports de genre et de classes qui prédominaient dans la domesticité en France hexagonale pendant les siècles précédents, le rapport de race dégagé par ces témoignages vient superposer la dimension historiquement coercitive de l’esclavage colonial, renforçant d’autant plus l’asymétrie de la relation entre Madame et sa bonne. Cette intersection est parfaitement résumée dans le courtmétrage de Ousmane Sembène diffusé en 1966 [319], qui montre la condition d’une femme sénégalaise engagée initialement comme nourrice par un couple français, mais qui devient rapidement leur bonne à tout faire. À travers ces images, on peut voir que l’aliénation du travail domestique se mêle à l’exotisation et la déshumanisation de son corps ; la jeune femme est constamment infantilisée, le couple fait de multiples remarques à connotation raciste, évoquant une fénéantise « naturelle ». À la fin, sa seule issue a été de se suicider dans la salle de bain. Si la « disposition à servir » est instrumentalisée dans les différents stéréotypes de la bonne à tout faire qui se sont succédés, ce film montre la façon dont ce stéréotype, lorsqu’il est attribué à une femme noire, fait converger l’imaginaire bourgeois et l’imaginaire colonial pour appuyer l’altérité de son corps.

Le travail (de la) domestique

Dans Surveiller et Punir, Foucault définit la domesticité comme un « rapport de domination constant, global, massif, non analytique, illimité et établi sous la forme de la volonté singulière du maître, son ‘caprice’ » [320]. L’évolution de la domesticité au XXème siècle montre que ce rapport de domination est maintenu à travers l’asymétrie des relations sociales, qu’elle résulte de rapport de genre et/ou de classe et/ou de race. À travers la littérature pratique et les formations ménagères on peut constater que, comme le mentionne Foucault, « La forme de la domesticité se mêle à un transfert de connaissance » [321]. Dès lors, le caractère négatif du travail ménager, comme le définit Manon Garcia à partir de la théorie beauvoirienne (Cf infra chapitre 4), dépasse la reconnaissance économique.

Dans ce sens, les recherches de l’anthropologue David Graeber proposent d’appréhender ces enjeux, plus largement, par ce qui définit la valeur du travail. Il s’agirait de considérer la valeur du travail, non plus depuis la fabrication, mais depuis l’entretien et le soin. Il désigne le travail du care comme « le travail dont l’objectif est de maintenir ou augmenter la liberté d’une autre personne » [322]. Selon ce raisonnement, la dévaluation du travail domestique serait liée à une dévaluation plus globale de tout travail qui consiste à « prendre soin des autres humains, des plantes ou des animaux » [323]. Cette notion de care avait déjà été reliée, dans certaines théories féministes américaines et européennes des années 70-80 [324], à la socialisation genrée des individus – l’éducation à la féminité permettrait d’orienter les femmes vers des métiers nécessitant attention et empathie : des métiers de soin. Apportant un autre regard à cette théorie, les études des féministes noires américaines ont mis en évidence la polarisation, au sein même de ces emplois, entre un travail de soin plus émotionnel – car engageant un contact avec des personnes – et un « sale boulot », assigné plus facilement aux femmes racisées. Cette dimension apparaît justement à travers les témoignages des employées réunionnaises [325] : si on les employait dans les hôpitaux ce n’était pas pour être infirmières comme les autres femmes métropolitaines, tel qu’elles l’aspiraient, mais en tant que « fille de salle » [326] – en charge principalement du ménage et de la distribution de repas. En fait, de « domestique » à « service à la personne », de « femme de ménage » à « technicienne de surface », la condition asservissante de la bonne à tout faire semble s’être propagée dans la sphère publique au cours du XXème siècle à travers des emplois d’entretien ; maintenant sa dévaluation et sa féminisation.

Dans la sphère privée, le déploiement de la modernité a permis de penser le travail domestique, non plus en tant que relation entre les corps, mais en tant que condition préalable à l’équilibre d’un habitat sain et hygiénique. Or, comme le mentionnaient les militantes réunionnaises, le terme de « sale boulot » fait aussi référence au contact permanent de leur corps avec la saleté ; une condition qui assure le bien-être de corps autres que le leur. L’opposition sale/propre, manifeste architecturalement au sein du modèle de l’immeuble haussmanien, ne se réduirait pas à une dimension spatiale : en s’alliant à la gestion disciplinaire du temps, les dispositifs architecturaux définissent les corps de service qui permettent à d’autres corps de vivre. Ce rapport asymétrique n’est plus évoqué explicitement dans les réalisations Modernes ; alors même que des codes similaires de répartition et d’invisibilisation régissent leur architecture, et notamment celle des villas : les pièces de service, la double circulation, mais aussi, certains dispositifs tels que le monte-plat – qui deviendra plus couramment le passe-plat, véritable allié de la ménagère moderne (Cf supra chapitre 7). La persistance de la distinction Pièces de service/Pièces d’habitation dans les éditions françaises du Neufert tout le long du XXème siècle témoignerait, en fait, du processus de normalisation de la servitude au sein des foyers. On peut alors comprendre que les tâches répétitives et quotidiennes sur lesquelles repose la rationalisation des cuisines modernes sont des tâches d’entretien de surface, certes, mais aussi, d’entretien de corps : cuisiner serait une forme de soin, et le soin reste un service qui n’est pas épargné par toute dimension coercitive.

[274] En France, les habitations du XVIIIème et XIXème siècle s’établissaient selon les statuts sociaux de celles.eux qui les occupaient : selon Guadet, « On dit "la maison" d'un bourgeois, l‘"hôtel" d'un grand, le "palais" d'un prince ou d'un roi. ». Dès le début du chapitre Les cuisines, il affirme que, dans certaines maisons de campagne, il y a encore la salle : « Ce n’est pas une cuisine, car c’est autre chose aussi: on y mange, on y couche même, on y fait toute, mais c’est une salle où l’on fait la cuisine. ». voir Julien-Azaïs Guadet, Code des devoirs professionnels de l'architecte présenté au nom de la Société Centrale des Architectes Français, L'Architecture, n° 33, 17 août 1895.

[275] Monique Eleb-Vidal et Anne Debarre-Blanchard. « Architecture domestique et mentalités. Réflexions sur les méthodes et les sources ». Ecole d’architecture de Paris-Villemin, 1985.

[276] Ibid.

[277] N’ayant pas accès à toutes les éditions françaises, il s’agit ici de considérer 3 dates clés depuis la première publication en 1950 : 1996 (Locaux annexes ; Locaux de service ; Pièces de la maison) ; 2002 (Pièces de service ; Pièces principales) ; 2010 (Pièces d’habitation). Concernant les éditions internationales, dès la première publication en 1971, toutes les pièces étaient rassemblées dans une grande partie nommée Houses ou Rooms.

[278] Anne Martin-Fugier, La place des bonnes : La domesticité féminine à Paris en 1900. Editions Grasset & Fasquelle, 1979.

[279] Ibid. Avant-propos.

[280] Journal mensuel de « La chambre syndicale ouvrière » fondée en 1886 par Gaston Picard.

[281] Anne Martin-Fugier, La place des bonnes : La domesticité féminine à Paris en 1900. Editions Grasset & Fasquelle, 1979.

[282] Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe, t. II, Paris, Gallimard, 1949, p. 176.

[283] Manon Garcia, op. cit., p. 178.87

[284] Il a été publié du 2 Février 1905 au 25 août 1960. voir Patrick Gaumer, « Semaine de Suzette, La », dans Dictionnaire mondial de la BD, Paris, Larousse, 2010.

[285] Au XIXème siècle, travailler dans un grande ville en tant que domestique pour une famille aisée restait plus attrayant que d’être servante de ferme. « Monter à Paris » était un moyen pour une jeune femme de quitter la campagne et d’être indépendante. Cette idéalisation de Paris n’était pas partagée par les parisiennes, qui s’orientaient très rarement vers cette profession (environ 8% de domestiques originaires de la capitale d’après le recensement de 1901). voir Anne Martin-Fugier, op. cit. Introduction. Chapitre I : « Monter à Paris ».

[286] Marcel Cusenier, les Domestiques en France, Paris, 1912.

[287] Journal des gens de maison, organe mensuel de la Chambre syndicale ouvrière des gens de maison créée en 1886.

[288] Anne Martin-Fugier, op. cit. Première partie. Chapitre III : « Les tâches ». « Dans certaines provinces, on appelle « souillardes » les réduits où les bonnes lavent la vaisselle, nom affreusement évocateur, qui donne une idée de l'estime où l'on tient le lieu de la bonne ».

[289] Anne Martin-Fugier, op. cit. Première partie. Chapitre IV : « Le logement ». « Dans Pot-Bouille, Zola oppose les deux faces d'un immeuble bourgeois : l'endroit, domaine des maîtres, le grand escalier solennel, silencieux, chauffé, qui sent le luxe et la moralité ; l'envers, domaine des bonnes, l'escalier de service et la cour sur laquelle s'ouvrent les cuisines, répugnants et remplis de mots orduriers. ».

[290] Jean-Marie Huriot, « Haussmann, de la modernité à la révolution », Métropolitiques, 15 février 2013 [en ligne].

[291] Anne Martin-Fugier, op. cit. Deuxième partie. Chapitre I : « Marthe/Marie-Madeleine »

[292] Marielle de Miribel, « Bécassine: étude d’une des premières bande dessinée ». ENSB, 1979, p. 2.

[293] « La chambre syndicale ouvrière » (1886) était le premier syndicat des gens de maison. Après celui-ci les syndicats se multiplièrent, introduisant certains bulletins syndicaux influents: « Le Serviteur » (1905) ; « Le Moniteur des gens de maison » (1902) ; « Le Réveil des gens de maison » (1906). voir Nicole Vidal, Fleur d’ajonc: une histoire de petite bonne. Editions de l’Atelier, 1990.

[294] Anne Martin-Fugier, op. cit. Première partie. Chapitre III : « Les tâches ». « “Quel est l'homme qui voudrait fournir une pareille journée de travail ?”, demande Mme Vincent, dans son rapport au XXe Congrès de la Société d'économie sociale, en mai 1901, sur le travail des bonnes. La durée de ce travail n'est “jamais inférieure à quinze ou dix-huit heures par jour”, ce qui est accablant pour des jeunes filles qui ont, en général, de dix-huit à vingt-cinq ans ».

[295] Emploi du temps écrit par Gaston Picard dans le Journal des gens de maison du 8 avril 1899.

[296] Anne Martin-Fugier, op. cit. Première partie. Chapitre III : « Les tâches ».

[297] Ibid.

[298] Alessandro Stanziani, « “Travail libre” au 18ème et 19ème siècle ». Dans Les métamorphoses du travail contraint : une histoire globale (XVIIIe-XIXe siècles). Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 2020.

[299] Ibid. « La spécificité du statut de domestique par rapport aux autres salariés agricoles tient à la nature du contrat qui énonce le contenu de l’engagement, presque toujours tacite, mais accepté de part et d’autre et qui ne peut être rompu “sans les motifs les plus graves”»

[300] Caroline Ibos, « Travail domestique/domesticité ». Dans Encyclopédie critique du genre : Corps, sexualité, rapports sociaux. La Découverte, 2016.

[301] Ibid, p. 1687. Caroline Ibos émet ce constat depuis les recherches de Leonore Davidoff et Catherine Hall publiées en 1987.

[302] Marielle de Miribel, op. cit., p. 26-27. Joseph Porphyre Pinchon aurait tracé une petite bouche dans ses premiers dessins, mais le processus de simplification l’aurait conduit à l’effacer.

[303] Manuel des bons domestiques. Droits et Devoirs Paris, 1896.

[304] Les gens de maison, Augusta Moll-Weis, Librairie Octave Doin, 1927.

[305] Anne Martin-Fugier, op. cit.

[306] À partir de 1904, ses idées se concrétisent avec l’ouverture de l’Ecole des mères à Paris. « Elle désire organiser un véritable centre d’enseignement et de recherches en sciences domestiques et maternelles et offrir à ses futurs élèves la capacité d’optimiser leurs compétences dites ‘naturelles’ en leur proposant un cursus très vaste. ». voir Sandrine Roll, « “Ni bas-bleu, ni pot-au-feu” : la conception de “la” femme selon Augusta Moll-Weiss (France, tournant des XIXe-XXe siècles) », Genre & Histoire, 5, Automne 2009 [en ligne].

[307] Jackie Clarke, « L’ organisation ménagère comme pédagogie: Paulette Bernège et la formation d’une nouvelle classe moyenne dans les années 1930 et 1940 ». Travail, genre et sociétés N° 13, n o 1 (2005), p. 139-157.

[308] Augusta Moll-Weiss, Madame et sa bonne : comment former une bonne à tout faire en s’éduquant soi-même, Albin Michel, 1925.

[309] Anne Martin-Fugier, op. cit.

[310] Anne Martin-Fugier, op. cit. Conclusion. Chapitre « La Ménagère ». « La thèse du remplacement progressif de la bonne par la femme de ménage, qui paraît banale aujourd'hui, était développée par certains un peu comme s'il n'y croyaient pas, comme si cette évolution était destinée à rester dans le monde de l’utopie. »

[311] Solange Fasquelle, Conchita et vous : Manuel Pratique à l’usage des personnes employant des domestiques espagnoles. Albin Michel, 1968.

[312] Dans la période suivant la Seconde Guerre mondiale, un courant migratoire composé de femmes espagnoles s’est développé en France. « la majorité d’entre elles, qu’elles soient parties seules, en couple, ou pour rejoindre leur épouse, le fit dans le secteur du service domestique et des soins aux personnes (bonne à tout faire, concierge, femme de ménage, etc). ». voir Laura Oso Casas, Nicole Lillo Marquès, Vicente Lillo Marqués, « Bonnes et concierges espagnoles à Paris : immigration et rapports de domination de classe dans le secteur professionnel du service domestique », Dans Exils et migrations ibériques au XXème siècle, n°2, 2006. Espagnols et Portugais en France au XXe siècle. Travail et politiques migratoires. p. 241-269.

[313] Dans les années 60, en France métropolitaine, une main-d’œuvre féminine était appelée à « remplir les postes de catégorie C dans la fonction publique – hôpitaux, crèches, hospices, maternelles. » voir Françoise Vergès, Un féminisme décolonial, 2019, p. 102.

[314] Exceptée l’indépendance de Haïti le 1er Janvier 1804, la période de « décolonisation » des territoires français colonisés a débuté pendant la Seconde Guerre Mondiale et s’est étendue jusqu’à 1962 (Indépendance de l’Algérie le 5 Juillet 1962). Le terme d’ « empire colonial » a été remplacé par celui d’ « union française » à partir de 1946, faisait de certaines anciennes colonies des départements et territoires français, appelés « départements et territoires d’outre-mer » (DOM-TOM). voir Charles-Robert Ageron, « DÉCOLONISATION », Encyclopædia Universalis [en ligne].

[315] Myriam Paris, « “Nous qui versons la vie goutte à goutte”. Féminismes et économie reproductive : une socio-histoire du pouvoir colonial à La Réunion ». Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2018.

[316] « Six Réunionnaises en colère font céder Gonthier le négrier de Villeurbanne », Combat réunionnais, n°3, mai-juin, 1972, p. 3 [cité par Myriam Paris, op. cit.]

[317] Myriam Paris, « Le BUMIDOM : une politique migratoire française au prisme des contestations d’émigrées réunionnaises (France, années 1960-1970) ». Amphithéâtre Maurice Halbwachs - Marcelin Berthelot, 14 décembre 2020.

[318] Alessandro Stanziani. op. cit.

[319] Ousmane Sembène, La Noire de..., 1966.

[320] Michel Foucault, Surveiller et punir : Naissance de la prison. Gallimard, 1975, p. 139.

[321] Ibid. p. 158.

[322] David Graeber dans « David Graeber : “Il faut ré-imaginer la classe ouvrière” ». Entretien réalisé par Joseph Confavreux et Jade Lindgaard. Mediapart, 16 avril 2018.

[323] Ibid.

[324] Francesca Scrinzi dégage plusieurs approches majeurs du care : le care en tant que travail, le care en tant qu’éthique, le lien entre care et politique publiques, mais aussi, plus récemment, la relation entre care, racisme et mondialisation, et la relation entre care, masculinités, handicap et sexualités. Francesca Scrinzi, « Care ». Dans Encyclopédie critique du genre : Corps, sexualité, rapports sociaux. La Découverte, 2016, p. 250-275.

[325] Myriam Paris, op. cit. « Aide-comptable, puéricultrice, travailleur familiale, infirmière, aide-soignante, ce sont les emploi promis aux jeunes filles pour les inciter à quitter leur pays. Dans le meilleur des cas, après un séjour à Crouy-sur-Ourq, elles deviennent filles de salle pour y accomplir les tâches les plus pénibles et les moins payées. Mais souvent le BUMIDOM cède aux sollicitation des “familles honorables” et les Réunionnaises se retrouvent bonnes à tout faire chez les gens riches. Sans défense, isolées, elles sont maltraitées et surexploitées pour un salaire de misère. »

[326] « Salariés qui assurent l'hygiène des locaux hospitaliers publics ou privés. Ils participent parfois à la distribution des repas. » voir la définition de Juritravail, la première base de données des salaires en France.

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