"Petits Festins" de Michel Bras NE - Extrait

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B RAS

Festin…

Probablement un emprunt de 1382 à l’italien festino , “petite fête”. Repas de fête, excellent, soigné, que l’on partage entre amis, en famille pour passer un moment agréable et réjouissant. S’il est petit, il reste délectable et festif, mais il s’émancipe des repas traditionnels pour essaimer tout le long du jour et du soir.

L a maison que G inette et m iche L ont b  tie … La maison que Ginette et Michel ont bâtie s’accroche au flanc d’un mont d’Aubrac. Comme une sentinelle avancée, elle émerge des terres sauvages. La maison que Ginette et Michel ont bâtie est une maison entre ciel et terre ; elle s’ouvre de toutes ses baies vitrées aussi bien aux pâtures qu’aux nuages, aux étoiles qu’aux humains. Et les voici qui viennent du monde entier. Quittent-ils vraiment le dehors lorsqu’ils franchissent le seuil ? Ou changent-ils simplement de regard ? La maison que Ginette et Michel ont bâtie est toute de pierre et de verre ; elle prolonge granit et lave des abords. Elle entoure et côtoie, au plus près, caillasse, herbe à vaches, neige et glaçon piquant, crocus et pimprenelle… Comme une membrane protectrice, elle abrite sans cacher. Les congères menacent, mais le feu, le vin et l’amitié rassurent. La maison que Ginette et Michel ont bâtie gravite autour de la cuisine. Dans l’antre chaud et odorant, se concoctent d’incroyables délices.

La maison que Ginette et Michel ont bâtie est conçue pour la joie du partage. Les hôtes que l’on y reçoit sont invités à goûter la vie telle qu’elle se crée, avec ce qui l’a fait éclore et ce qui, en soi, doit éclore. Ainsi va le poète, fait du temps qu’il traverse et scripteur de jeunes hiéroglyphes. La maison que Ginette et Michel ont bâtie engage au bonheur d’être ensemble. Tous les moments inventés par l’homme pour ponctuer le temps s’inscrivent naturellement dans le cours des heures, des jours, de la vie, de la maison.

P assent L e tem P s et L es amis … Or dans toutes les maisons passent le temps et les amis ; dans toutes les maisons, le visiteur se voit offrir le café ou la goutte ; dans toutes les maisons, fêtes et célébrations, anniversaires, veillées ou simples apéros ponctuent la vie, lui donnant cet inimitable goût de retrouvailles. Alors, malgré la lourdeur des temps, les fatigues du travail, la routine des tâches, si les amis s’annoncent, ô miracle ! L’ardeur se ranime ! Sortir des sentiers battus, écarter le stéréotype, oublier les platitudes… et se mettre en tête l’inédit, le singulier, la nouveauté. Cet élan d’enthousiasme va se traduire par des réalisations personnelles et exprimer la joie vivante à voir et recevoir. Cela s’appelle la convivialité. Cet intime plaisir de rencontre se manifeste spontanément dans la façon d’accueillir. Sortir l’éventail des bouteilles tel qu’il se présente aux rayons des magasins ? C’est bien sûr offrir choix et qualité. Cacahuètes, olives, crackers ? Pourquoi pas, la lassitude excuse bien des choses ! Mais si ces bonnes choses, c’était vous qui les aviez confectionnées ? Si l’alcool proposé, vous l’aviez magiquement

transmué ? Si, par le sortilège d’une épice, d’une herbe… vous donniez à boire le rare, l’insolite… Et si, quelque bon ange aidant, vous donniez à manger d’étonnantes saveurs ? Quelque nouvelle croque ? De grands plaisirs sous forme de petits festins ?

P etits festins … De Noël à la Toussaint et du petit déjeuner au dernier verre de la nuit, de café en casse-croûte, d’apéro en digestif ou en tisane…, Michel Bras réinvente tranquillement nos traditionnelles collations. Dès lors, tours de cadran et tours de main s’associent joyeusement. Des nuits froides où l’on se recroqueville à plusieurs pour changer le monde, jusqu’aux temps chauds où l’on ne sait que danser sous la lune… tout verre rafraîchi, toute assiette de gâteries, toute tasse fumante, toute tartine de pain… tout, mais tout, est prétexte à de nouvelles saveurs ! Des choses simples, des matières usuelles, des récoltes familières, des ustensiles communs, voici le point de départ. Des outils spéciaux, des substances inusitées, un matériel spécialisé, voilà l’aventure ! Tout est possible : de la facile macération à l’alchimie plus élaborée, du fruit banal à l’épice exotique, rien n’est refusé. Il faut du temps quelquefois, et parfois, il faut de l’avance. Une macération se fait toute seule, un vieillissement aussi, il suffit d’avoir mis en route. Tant de choses se préparent à l’avance, ces jours de relâche où la cuisine-contrainte cède le pas à la cuisine-plaisir ! C’est une invitation à la belle et bonne convivialité, celle qui allie les charmes de la conversation à ceux du palais. Voici donc à boire et à manger, et pour les sept temps de l’année : Noël, Carnaval, Pâques, Pentecôte, Saint-Jean, 15 août et Toussaint ; autant d’occasions de fureter dans la tradition et de la recréer ! Mais aussi pour les sept pauses de la journée : petit déjeuner, en-cas du matin, apéritif du jour, pousse-café du jour, thé-goûter, apéritif du soir, digestif du soir, 49 boissons pour étancher la soif et 49 recettes pour les accompagner (près de 150 avec les déclinaisons). Autant de petits festins pour réjouir le cœur au ventre ; sans oublier canards et lichettes…

Vous

sommaire

Vin macéré aux pelures d’oranges, un

Les pommes de terre farcies au “gras”, quelques brindilles de truffes

Le vin de Noël, un chou farci au foie de la dinde ou tout simplement, un tastou au foie du canard ..........................................................................................................

Goutte de rhum, des croûtes de châtaignes qui se façonnent, se garnissent au gré de l’air du temps ................................................................................................

Le lait au parfum d’avoine pour des bourriols tièdes à beurrer, à cacaoter… .................................................................................................

Champagne, filet de saumon qui s’assaisonne de poireaux, de zestes d’oranges, et de jus de citron

Bas Armagnac ou liqueur 47, des bananes rôties en coque .........................................................................................

Une bolée de cidre avec des crêpes qui croustillent, qui fondent

Jus de pomme à la compotée d’oignons, un boudin comme ici

Lou raspet, la trocha o l’aïgo boulido ................................................................................................. 49

Une liqueur, caramel d’enfant devenu adulte, compote de pommes miel/beurre 50

Un goûter pour enfants, limonade et tartines 52

Un vin de Xérès, une mitonnée au fromage de Laguiole ......................................................................... 53

Whisky sur une marmelade d’oranges et de pommes épicée, avec de petites tuiles à briser sous la dent.................................................................... 54

Pâques

Lait de poule, la brioche aux “cristaux de sucre” 60

Des nichées d’œufs accompagnées d’un thé vert 62

Jus de fenouil et tomate, des croûtes de pain frites à garnir (du premier soleil) .................................................. 64

Liqueur de lait et café noir pour jouer avec une mousse au chocolat noir, pour une mousse au chocolat lactée… ........................................................................ 66

Eau de tiges de rhubarbe pour gorger un gâteau au yaourt................................................................................... 68

Tout est asperges, à boire, à croquer, à picorer 70

La liqueur aux fruits d’ananas pour des canailleries orange/cacao ............................................................................... 72

Pentecôte ......................

“Gaspo” au parfum de citron, des gelées de groseilles à froid pour glisser sur des tartines de peau de lait 78

Vin de Marcillac, une soupe d’orge froide au caillé de vache, des tripous à votre façon .............................................................................................. 80

Sirop, limonade de fleurs de sureau, des petites flûtes pour voler (en voyage) ..................................................................... 82

Une liqueur douce, une liqueur moins douce aux fraises, des fraises pour grappiller orange et citron 85

Autour des cerises, du salé et du sucré, pour boire et pour manger 86

Un vin du mois de mai aux saveurs d’autrefois, une tarte chaude aux pommes, onglée de Bleu des Causses .......................................................................................... 88

Des pruneaux à l’armagnac pour dégeler une crème glacée aux fleurs d’acacia, des beignets de fleurs d’acacia 90

Saint-Jean

Une boisson lactée au parfum de menthe, des abricots rôtis, la tourte aux amandes .................................................................................................. 96

Un rafraîchissement à l’oxalis ou pain de coucou, gâteau de sarrasin et de girolles comme une tarte 98

Frênette, pour des cèbes farcies, des cèbes épicées de fleurs .......................................................................................... 100

Dans une feuille de gentiane, une compotée de pommes, des baies cristallisées, “goutte” de gentiane 102

Des sirops de fruits rouges, un vin de fruits de l’été pour un pain de Gênes qui en est presque un ............................................................ 104

Le mauzac nature, des herbes, des fruits, des légumes, frits et secs .......................................................... 106

Un vin d’antan aux noix, un macaron historique ............................................................................................... 108

15 Août ....................... 113

Un café chaud pour une crème glacée à l’italienne, un mazagran pour une tarte au sucre tiède ...................................................................................... 114 Lait au riz et tomates ................................................................................................. 116

Autour du jaune, un “jaune” ou un vin de gaillet, poissons “bleus” au citron et au miel (des pâtures) .............................................................................. 120

Une liqueur de vanille pour une pêche blanche rôtie, un ratafia de muscat pour une pêche de vigne rôtie 122

Jus de poire au mélilot, les poires pochées des mêmes fleurs, la tarte tiède aux myrtilles ......................................................................................... 124

Des vins de fruits, pour accompagner un melon garni des mêmes fruits 126

Une liqueur au “thé d’Aubrac”, pour associer à un sorbet maigre cacao-“thé d’Aubrac” .................................................................................................

Une boisson légère aux cacahuètes, un biscuit riche aux céréales 132

Un lait parfumé, un pain qui se perd dans les châtaignes ou des châtaignes perdues dans un pain .................................................................... 134

Le vin de voile de nos amis Plageoles, des tartes aux cèpes, et des champignons ..................................................................

Une liqueur caféier & cacaotier, une crème glacée au potimarron ................................................................................ 138

Le chocolat chaud pour tremper la fouace, pour accompagner des beignets, une tourte aux poires ................................................................................................. 140

Un muscat, une purée de potimarron, des grains de raisins et des anchois, des fruits secs pour un verjus 146

Un vin, un grog pour réchauffer une crème glacée au riz

placards

APPAREILS ÉLECTRIQUES : Batteur, pétrin, mixeur, centrifugeuse, sorbetière.

MOULES : Moules en aluminium de 22 cm de long, moules ronds de 20 et de 25 cm de diamètre, moule à tarte de 20 cm de diamètre, moule à brioche, diverses formes pour mouler les tuiles, plat de cuisson à rebord haut, plaque en inox à rebord, plaques de cuisson, plaques de cuisson.

OUTILLAGES ET PETITS OUTILLAGES : Couscoussier, faitout en fonte, poêle anti-adhésive, bouteilles à canette, grands bocaux, bocaux avec grande ouverture, presse-purée, moulin à café. Douille, poche à douille, mandoline, hachoir, pinceau, pince à épiler, 1 paire de pinces, mandrins de 1 cm de diamètre, ficelle, grosse pointe pour caraméliser le sucre, aiguille à tricoter, aiguille à brider, broche, chinois, étamine, passette, passoire, tamis, dénoyauteur, faisselle, emporte-pièce de 9 cm de diamètre, mortier, mousseline, sac de billes pour cuire les fonds de tarte, cuillère à pomme parisienne, couteau-scie.

PAPIERS : Papier absorbant, papier aluminium, papier sulfurisé.

in G rédients

PRODUITS DE BASE : Farine de meule, Maïzena, fécule ; sucre semoule, sucre glace, miel ; fromage blanc, yaourt, beurre, crème U.H.T. à 30 % de matières grasses, huile d’arachide, œufs. Pain, vinaigre de vin rouge, sel ; eau-de-vie de fruit ; gélatine (feuilles de 2 g) ; présure ; thés.

PRODUITS OCCASIONNELS : Lait entier, petit-lait, lait en poudre, crème double ; sucre brun, sucre de canne, glucose ; farine de froment, poudre d’amande ; huile de pépins de raisins, huile d’olive, beurre demi-sel, graisse de canard, graisse résiduelle de cuisson de foie ; levure de boulanger, levure de bière. Jus de citron ; amandes, noisettes, noix ; tabasco, fleur de sel de Guérande, semoule, pâte d’arachide, chocolat de couverture, cacao maigre, poudre de cacao ; pralin.

PARFUMS, HERBES ET CONDIMENTS : Zestes d’oranges, écorces d’oranges confites, oignons, ail, persil, thym, laurier, poivre, clou de girofle, fenouil, céleri, genièvre, cardamome, romarin, anis, badiane, fleurs d’aspérule, grains de café, basilic, cannelle, pourpre, olives, bâtons de réglisse, coriandre, vanille, muscade, oseille, cumin, extraits d’essences diverses.

surgélation

Ce pictogramme signale les préparations qui se prêtent à la conservation par le froid. Cette pratique permet une plus grande disponibilité au moment souhaité. De tels préparatifs se prêtent à merveille à la cuisine “en grand” ; vous pouvez préparer en une seule fois 5 ou 6 exemplaires du même plat. La surgélation s’opérant à cru ou à cuit vous permet de moduler vos tâches en fonction des produits : les pâtes à gâteau se surgelant crues garantissent des desserts cuits à points et craquants. Les plats cuisinés n’auront plus qu’à être réchauffés. Pensez toujours à régler le congélateur en position “congélation” assez à l’avance pour qu’il réagisse sans à coup (de chaleur) à la mise au gel de grandes quantités de produits. Enveloppez vos produits avec sachets, barquettes de plastique ou d’aluminium, toujours adaptés aux produits et toujours marqués. Vos étiquettes doivent indiquer le nom du produit et la date de surgélation, ce qui permet de les sortir en respectant leur chronologie. Lorsque vous sortez vos préparations du congélateur, laissez-les décongeler au réfrigérateur pour éviter les risques de prolifération microbienne : pensez à les sortir la veille de l’utilisation. Si vous disposez d’un four à micro-ondes, l’opération de décongélation se déroule rapidement. En ce qui concerne les glaces et les sorbets, sortez-les à l’avance : ils retrouveront le moelleux qu’un trop grand froid fait disparaître.

Ce pictogramme est un signal : il vous indique les préparations qu’il vous est possible de prévoir à l’avance. Ainsi, lorsque vous ouvrez votre table, n’êtes-vous pas contraint(e) de rester à la cuisine pour d’ultimes préparatifs. Ce pictogramme vous indique aussi que, pour disposer de ce produit en temps voulu, il faut vous y prendre à l’avance ! S’il s’agit d’un alcool, le temps de préparation est peut-être bref, mais le temps de macération ou de vieillissement est nécessairement long ; il interdit donc toute improvisation de dernière minute. S’il s’agit d’un sirop, qu’il soit pur sucre ou à base de fruits, il lui faut un long temps de réduction pour atteindre son meilleur taux de concentration. Il peut s’agir aussi de mélanges d’épices qui sont longs à préparer. C’est une tâche minutieuse que l’on peut accomplir avec plaisir ces jours où “on a le temps”. Il faut alors conserver ces précieuses compositions dans un flacon ou une petite boîte de fer. Si vous ne prenez pas la précaution de prélever et de faire sécher vos pelures d’agrumes au fur et à mesure de leur utilisation, si vous ne consacrez pas un jour quelque moment à les préparer, comment ferez-vous pour vos préparations à base d’écorces confites ou de poudre d’agrumes ? Vos plats et vos boissons “d’avance” peuvent être conservés en congélateur, au frais, ou encore en boîtes bien au sec. Il faut simplement prévoir de les sortir à temps, c’est-à-dire “à l’avance”.

garde

Si vous aimez les armoires pleines de bonnes choses disponibles à tout moment et sachant attendre vos fantaisies et vos sautes d’humeur, alors ce pictogramme-là doit retenir votre attention. Il vous indique les préparations que la surgélation, le vieillissement ou la conservation préservent des atteintes des-tructrices du temps. Ces choses-là patientent indéfiniment dans l’alcool, la graisse ou le sucre. Et surgiront à point nommé pour régaler les invités à vos petits festins. Vos confitures sont en pots, votre vin de fruits en bouteilles et votre pâte à tartiner sous verre. Et il y en a beaucoup. Et de toutes sortes. Vous voilà donc au stade des étiquettes ! Allez-vous donc autocoller illico de banals adhésifs ? Vous rêvez d’autre chose… étiquettes à l’ancienne… Bonne Maman et Compagnie des Indes ? Nenni ! Vous irez plutôt de l’avant avec des vignettes illustrées des fruits justement enfermés dans le sucre ou embaumés dans l’alcool. Laissez libre cours à votre imagination, exprimez votre fantaisie. Avec de beaux papiers, retrouvez le plaisir de l’aquarelle, des crayons de couleur, de la colle et des ciseaux. Vous composez vos propres étiquettes, celles que l’on ne verra que sur vos fabrications maison. Elles portent de jolis dessins et le nom du produit et qui l’a fait et quand. Que vous gardiez ou que vous offriez, ce sera la marque de votre œuvre.

cadeau

Et voilà que le petit festin, cette fois-ci, va se savourer chez vos voisins, vos amis… Mais vous l’avez préparé à votre façon, avec des produits à vous, des tours de main personnels, du temps donné, des objets choisis. Alors, que votre cadeau raconte tout cela, avec une présentation en accord avec le présent ! Certains peuples pratiquent l’art de l’emballage avec passion, allant jusqu’à considérer que le présent luimême n’a pas de valeur en soi, mais que toute l’intensité de l’élan qui pousse à offrir s’exprime, elle, par la manière d’offrir. Sans méconnaître la valeur du présent, on peut s’attacher à soigner l’emballage. Choisir un papier ou un tissu, le plier, et dans chaque pli, mettre son attention, et dans chaque geste, son intention. Entourer la bouteille ou le pot, les fruits ou le gâteau, d’un paquet d’affection. Glisser dans les interstices de la paille, des fougères, du chiffon, le tout nécessairement imprégné de poésie. Et foin des papiers cadeau, bolducs et nœuds tout prêts… Certains papiers d’emballage ont la rudesse qui fait le charme des choses sauvages ; les ficelles de chanvre ou de coco ont des rugosités superbes ; les tissus de base (chanvre, lin, jute, coton ou laine) savent offrir des textures pleines d’aléatoire. Mais celui qui a votre préférence… Voici quelques tours de ficelle, de toile ou de carton pour présenter vos goûteuses préparations.

Au fil des recettes, une vignette signalera les recettes susceptibles de se transformer facilement en présents. On pense rarement à offrir un dessert. Tout ne peut s’emporter lorsque l’on est invité mais l’éventail s’avère large : tartes, bûches de Noël, fouace, pain aux épices, gros gâteaux aux myrtilles, confiture, pâtes de fruits, cakes, liqueurs, ratafias, petits biscuits secs, tuiles, etc. Il est plus malaisé de transporter une glace, à moins d’être spécialement équipé ! La présentation est importante : un rien peut être sublimé. Les choses les plus simples sont parfois les plus belles mais le beau ne tolère pas la négligence et l'indélicatesse. Le pliage du papier, par exemple, est un art. Lorsque je déplie un paquet-cadeau, je ne déchire pas le papier. Je défais soigneusement le paquet : l’art du pliage se découvre au fur et à mesure tandis que se révèle l’attention de celui qui offre. J’indique ci-contre quelques suggestions et conseils pour soigner l’esthétique du présent où le côté précieux a sa place comme dans tout cadeau. Utiliser du papier pour envelopper les desserts n’est pas une obligation. Pourquoi ne pas employer du tissu ? Je préfère les tissus tramés aux fleuris… mais chacun pourra se distinguer par une présentation originale qui rompra avec ses habitudes pour mieux personnaliser le présent.

VIN MACÉRÉ AUX PELURES D’ORANGES, UN PAIN AUX ÉPICES

Pour ce réveil de fête, je vous propose une boisson matinale insolite, un vin délicieusement parfumé dans lequel vous pourrez tremper les tranches d’un gâteau relevé d’épices.

Moyennement long, facile.

MATÉRIEL : pétrin ou batteur, moule aluminium de 22 cm, papier sulfurisé, plaque de cuisson, moulin à café.

Vin macéré aux pelures d’oranges

INGRÉDIENTS : 1 l de vin blanc, les zestes de 2 ou 3 oranges non traitées, 120 g de sucre, 10 baies de coriandre.

PRÉPARATION

Avec un couteau économe, lever les zestes des oranges sans la peau blanche qui est amère. Glisser les zestes dans une bouteille de vin blanc sec avec le sucre et la coriandre. Laisser macérer au frais en remuant tous les jours pendant une bonne semaine. Pour servir, filtrer, ou présenter la bouteille avec orange et coriandre.

ASTUCE

Pourquoi ne pas prélever systématiquement les zestes avant de presser les jus d’orange. Les couper en fragments de 6 cm et les enfiler en collier sur un fil pour les faire sécher. Ils sont ainsi à disposition dès que nécessaire pour parfumer grogs et tisanes, crèmes, gâteaux etc.

Pain aux épices

INGRÉDIENTS POUR 1 PAIN AUX ÉPICES : 100 g de miel, 100 g de sucre, 75 g de beurre, 15 cl d’eau, 110 g de farine de seigle, 110 g de farine de froment, 30 g d’écorces d’oranges confites, 4 zestes d’oranges, 4 zestes de citron, 45 g d’amandes effilées, 20 g de levure chimique, 3 g de graine d’anis vert, épices : 18 g de cannelle, 9 g de muscade, 2 g de clous de girofle (à conserver pour plusieurs préparations).

PRÉPARATION

Passer au moulin à café, la cannelle, la muscade et les clous de girofle. Réunir dans une casserole le miel, le beurre, le sucre et l’eau. Faire fondre à chaleur douce. Laisser refroidir et réserver. Hacher finement au couteau les écorces d’oranges et les zestes, mélangés avec un peu de farine. Mettre dans le bol du pétrin la farine, la levure, 1 g de la poudre d’épices précédemment préparée, voire une pincée, plus l’anis vert. Ajouter les écorces et les zestes d’oranges précédemment hachés. Mouiller progressivement avec le mélange au miel de la première préparation. Pétrir 10 minutes. Ajouter les amandes.

Remplir le moule aluminium beurré et sucré, le couvrir d’une plaque et cuire 10 minutes à 160 °C (th. 6) puis 45 à 60 minutes, en ôtant la plaque, à 150 °C (th. 5). En cours de cuisson, lorsque le gâteau commence à croûter, tailler le dessus dans le sens de la longueur à une profondeur de 1 cm. Ainsi, il se développera davantage. Contrôler la cuisson à l’aide d’une aiguille. Démouler sitôt cuit et laisser refroidir, si possible sur une grille. À ce stade, il se surgèle très bien.

Un pain aux épices décliné en crumble

Pour ce petit déjeuner, une salade d’oranges en tranches ou en quartiers sera la bienvenue et le pain aux épices sera aussi de la fête. Mais si, au démoulage, il s’est brisé… est-ce un drame ? Ou peut-être l’a-t-on fait exprès… pour préparer un crumble tout particulier à déposer sur la salade d’oranges !

INGRÉDIENTS : (prendre pour mesure un verre ou un pot de yaourt vide) 1 mesure de farine, 1/2 mesure de pain d’épice, 1/3 de mesure de sucre brun, 1/3 de mesure de beurre, 1 cuillerée à soupe de sucre.

PRÉPARATION

Verser tous les ingrédients dans une jatte et les malaxer du bout des doigts pour en faire une sorte de sable. Sur une plaque à four recouverte de papier sulfurisé, étaler cette pâte sablée et l’enfourner à 160 °C jusqu’à ce qu’elle soit suffisamment colorée. Quand il est froid, faire glisser le crumble brisé ou en plaque sur la salade d’oranges.

LE VIN DE NOËL, UN CHOU FARCI AU FOIE DE LA DINDE OU TOUT SIMPLEMENT, UN

TASTOU AU FOIE DU CANARD

Si les choux frisés résistent au gel, les choux pommés, eux, ne se gardent qu’en cave. On les attache par les pieds deux par deux et on les place à cheval sur une perche pendue au plafond de la cave. C’était jadis une nourriture de campagne à la fois bienfaisante et très prisée. Les belles rangées de choux de l’été furent de tous temps une promesse d’hiver gourmand. Il fallut l’étroitesse des appartements citadins et la peur de paraître rustique pour qu’advienne le malencontreux mépris du chou. Mais ici, au Suquet, on n’a jamais connu que le bienheureux respect du chou !

Moyennement long. Moyennement difficile.

Le vin de Noël

INGRÉDIENTS : 1 l de vin rond, long, ample (Vallée du Rhône), 5 figues sèches, 20 noisettes grillées et éclatées, 20 amandes émondées, éclatées, 1 fragment de cannelle, 1 soupçon de clou de girofle, 50 g de sucre muscovado.

PRÉPARATION

Dans un bocal, jeter tous les ingrédients et verser le vin par-dessus. Boucher et laisser macérer 5 à 6 jours. Alors, filtrer et mettre en bouteille. Ranger à la cave où ce vin va se bonifier entre l’Avent et Noël.

Avant de le servir, veiller à ce qu’il soit bien frais.

Un chou farci au foie de la dinde

POUR 6 À 8 PERSONNES : 1 beau chou pommé, gardé tout l’hiver en cave suspendu par le pied, 80 g de foie, 80 g de gésier, 1 tranche de jambon gras (donc bon !), 40 g d’oignons, 2 œufs entiers, un peu de beurre, 80 g de pain trempé (lait), essoré, 1 cuillerée à soupe de farine, 4 ou 5 grains de genièvre hachés, persil simple, sel, poivre.

MATÉRIEL : hachoir (facultatif), ficelle, plaque de cuisson, grand bocal.

PRÉPARATION

Éplucher et hacher les oignons, puis les faire “fondre” dans le beurre. S’occuper des foies et gésiers qu’il faut dénerver, puis les hacher avec le jambon. Placer le tout dans une terrine et ajouter la farine et le pain. Mélanger soigneusement avant d’incorporer les œufs un à un. Enfin, assaisonner avec le genièvre, le persil haché, le sel et le poivre. Si nécessaire, détendre avec un peu de lait.

Par ailleurs, préparer le chou : il faut détacher les feuilles et retirer les côtes ; puis les blanchir à l’eau bouillante salée. Ensuite, les rafraîchir et les étaler sur un torchon. La suite dépend des envies, des goûts… soit prendre chaque feuille pour en faire un petit paquet farci, bien ficelé, petit chou joliment tentant, soit poser un peu de farce sur chaque feuille et reformer un gros chou qu’il faut ficeler aussi pour le maintenir assemblé… Gros chou farci, petits choux… à votre guise. Le temps de cuisson définit le choix. Pour la cuisson, commencer par faire blondir les petits choux ou le gros à la poêle dans un peu de graisse de canard, avant de les mettre dans une cocotte. Les faire cuire au four à l’étouffée avec une “couverture” de carottes et d’oignons. Ce plat peut se préparer à l’avance pour être réchauffé au dernier moment.

Un tastou au foie du canard

INGRÉDIENTS : des tranches de pain complet de 8 à 10 mm d’épaisseur, un foie gras cru, sel de Guérande, poivre.

PRÉPARATION

Commencer par faire griller les tranches de pain uniformément sur les deux faces, puis les recouvrir avec des tranches de foie gras de 2 mm d’épaisseur.

AU MOMENT DE SERVIR

Passer quelques secondes sous le gril du four juste pour tiédir. Enfin, saler de quelques grains de sel de Guérande et poivrer au poivre noir.

la voie du t H é

“Accomplir quelque chose de possible dans cette chose impossible qu’est la vie”, voilà en quoi consiste la cérémonie du thé ; à condition qu’elle allie la beauté des objets à la mesure des gestes et à l’harmonie intérieure. Alors, il faut marcher doucement jusqu’à la maison de thé, s’arrêter à la fontaine pour se rincer la bouche et se laver les mains, puis entrer et se déchausser. Là, veille le brasero où chauffe la bouilloire, la théière et son fouet, la boîte de thé, sa cuillère et les bols. Voilà ce qu’ont trouvé les Européens dans leur folle course autour du monde, voilà la seule religion qu’ils aient adoptée : le théisme, la voie du thé ! Ainsi, quand il arrive en Angleterre en 1657, le thé a derrière lui une histoire aussi vieille que la Chine, l’Inde et le Japon réunis ! Parmi les Occidentaux, les Hollandais furent les premiers à goûter au thé. Puis très vite, toute l’Europe s’y adonna. Les Russes inventèrent le samovar, cet accessoire ouvragé généralement en cuivre, qui comporte à la base un réchaud (alimenté au charbon de bois), surmonté d’un bouilleur contenant de l’eau ainsi maintenue chaude, et couronné au sommet, d’un support pour la théière. Les Anglais, eux, inventèrent le “five o’clock tea”, évidemment non limitatif puisque la consommation moyenne de l’Anglais est de 6 tasses par jour ! Contre 1 tasse tous les 15 jours pour le Français ! Mais quel thé ? On distingue tant de “jardins” au pays des thés ! D’abord, thé noir ou thé vert ? Le noir est fermenté, le vert non. Surtout apprécié au Maghreb, le thé vert est agrémenté de menthe fraîche et très sucré. En Asie, léger et non sucré, c’est lui qui accompagne les repas. Au Japon, c’est du thé vert en poudre, le Matcha, qui est fouetté et servi aux invités ; ils entourent de leurs deux mains le bol où mousse le breuvage d’un beau vert tendre. Le thé Oolong est peu fermenté. Quant aux thés noirs, les plus doux viennent de Chine, les plus corsés de Ceylan, de Java, d’Inde ou du Viêt-Nam. Les thés les plus raffinés sont ceux des bourgeons terminaux, dits Pekoe, dont les fleurons sont le Flowery Orange Pekoe et le Darjeeling, des hauts plateaux de l’Himalaya. Le Souchong est fait de feuilles plus basses. Quand les feuilles sont brisées, les thés sont dits “broken”, avec peut-être un parfum plus fort ! À humer chez les marchands de thé, et à choisir à vue de nez !

c H ampagne !

Des vendanges d’orfèvre, à la pointe du ciseau ; des bijoux de grappes triées avec soin et portées sur des charrettes à ressort pour n’être point meurtries ; des perles parfaites qui s’en vont dans les cuves pour le pressurage : le premier est bien sûr le meilleur ! Il en résulte le “vin de cuvée” des grands champagnes. Les autres aboutissent aux vins de première et deuxième taille, dont on tire les champagnes moyens, enfin à la rebèche, base des marcs. Le “bouillage” qui succède dure 3 semaines : c’est la première fermentation, qui s’arrête avec le froid. Elle donne le “vin tranquille” bien clarifié dont les ferments s’engourdissent avec l’hiver. C’est au printemps que démarre la deuxième fermentation : la “prise de mousse” ; le vin est aussitôt mis en bouteille. Dom Pérignon, moine de l’abbaye de Hautvillers, près d’Épernay, mit au point vers 1700 la technique de seconde fermentation en bouteille de verre épais résistant à la poussée effervescente des ferments ; on dit que les Anglais de leur côté mirent au point les bouchons en liège du Portugal et le ficelage au fil de fer. Dans le verre épais qu’ils fabriquaient déjà industriellement ; tout ça pour conserver le précieux vin venu de Champagne en tonneaux, hélas aigri avant qu’ils l’aient sablé. Les dépôts inévitables de cette phase exigent maintes opérations délicates : collage des lies, concentration dans le col de la bouteille par inclinaison et rotation lente et progressive des bouteilles, débouchage et expulsion des dépôts, rebouchage. Ces actions minutieuses sont accomplies par les “remueurs” qui font tourner de 30 000 à 50 000 bouteilles par jour jusqu’à les “terminer sur pointe”, c’est-à-dire à la verticale, au bout d’un an ; c’est le moment de les mettre au frais dans les profondeurs des caves crayeuses ; les “dégorgeurs” ôtent le bouchon pour expulser le dépôt logé dans le goulot et rebouchent sur-le-champ les bouteilles qui seront “mirées” et “habillées” avant la mise en vente, un an après au plus tôt pour les champagnes doux, trois à cinq ans ou plus pour les bruts et les millésimés. Les champagnes sont vendus sous la marque non de leur cépage ni de leur terroir mais sous celle des marchands, pour 80 % de la production. Les 20 % restant sont vendus par les “récoltants-manipulants”, ces vignerons qui soignent euxmêmes et la vigne et le vin.

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"Petits Festins" de Michel Bras NE - Extrait by Éditions du Rouergue - Issuu