The Red Bulletin CF 03/25

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Découvrez la Volvo XC60 restylée. Le SUV dynamique avec sa calandre inimitable au design intemporel. Avec un écran central intuitif encore plus grand et une insonorisation améliorée pour un confort de conduite accru.

volvocars.ch/XC60

Pascal Mora est un photographe basé à Zurich, mais actif partout sur la planète. Pour nous, il a accompagné Giuliano Cameroni dans le Tessin. Ce qu’il en reste ? Des piqûres de tiques et des connaissances pointues en escalade. Page 48

Mariam Schaghaghi

Elle a tenu son micro aux plus grandes stars, de Jennifer Lopez à George Clooney. Pour son premier article dans The Red Bulletin, la journaliste allemande (Madame, F.A.Z. Quarterly) a interviewé Rachel Brosnahan. Page 16

Daniel Vuataz

L’auteur lausannois se penche sur son rapport aux images, et plus particulièrement sur toutes ces photos que nous prenons quotidiennement avec nos téléphones et qui sommeillent dans le Cloud. Lui a trouvé sa parade, qu’il nous partage. Page 96

L’

Euro est à nos portes – et Elvira Herzog est prête à défendre les cages suisses !

Avec son coach Michael Gurski, la goal numéro un innove : ensemble, il et elle développent des méthodes d’entraînement pensées par et pour les femmes. Pourquoi c’est une petite révolution ? Rendez-vous page 36.

Cap sur le mental avec le roi du bloc, Giuliano Cameroni. Dans un sport où chaque prise compte, il nous parle de volonté, de persévérance… mais aussi de prise de recul et d’introspection. Une plongée fascinante à découvrir, page 48.

Changement de décor : vitesse, performance et high-tech sont au programme avec l’équipe Red Bull –BORA – hansgrohe. En figure de proue ? L’incontournable Primož Roglič, qui mise sur l’innovation pour creuser l’écart. En selle page 60.

Bonne lecture !

La Rédaction

6 Galerie

12 L’addition, SVP!

14 Hype check

Héros & héroïnes

Rachel Brosnahan 16

Actrice

Jonny Giger 18

Skateur

Veronica 20 del Castillo

Créatrice

Portfolio

La vague 22 parfaite

Il est l’un des plus grands, et aussi des plus jeunes, talents de la photographie de surf. Zoom sur Luca Salisbury.

Foot

Un but en or 36

Elvira Herzog, numéro 1 de l’équipe nationale suisse, révolutionne l’entraînement des femmes gardiens de but avec Michael Gurski.

En juillet, Primož Roglič sera sur le Tour de France avec Red Bull - BORA - hansgrohe.

Bloc

Mon amie

la roche

Giuliano Cameroni est une pointure mondiale dans l’escalade de bloc. Il préfère le calme de la nature à l’effervescence des compétitions et nous explique ici pourquoi.

Cyclisme

Tour en vue

L’équipe Red Bull - BORAhansgrohe fixe de nouveaux standards : en termes de vitesse, et aussi de technique.

Musique

Casser

les castes

Les activistes de la basse et de la rime du collectif Swadesi bousculent la métropole indienne.

79 Voyage

84 Montre

86 Casse-tête

88 Playlist

90 Agenda

93 Mentions légales

96 On a Positive Note

98 Clap de fin

60

70

Dinas Mawddwy, Pays de Galles

Du très lourd

Les 26 et 27 juillet marquent le retour de la course de descente VTT la plus difficile au monde : Red Bull Hardline. Tracée dans le paysage du Pays de Galles par le pro du VTT, Dan Atherton, il y a plus de dix ans, cette piste a laissé une impression tout aussi marquante dans le cœur et l’esprit de l’élite de la discipline. Ses adeptes viendront en masse dans la vallée de Dyfi pour relever ce défi notoirement extrême, comme ici, le rider londonien Josh Lowe, franchissant le célèbre Road Gap en juin 2024. L’événement promet d’être époustouflant. IG : @redbullbike

Hong Kong

Vedette en marche

Quand les ruelles étroites se transforment en piste de danse : la danseuse sud-coréenne Waackxxxy, première femme à avoir remporté le Red Bull Dance Your Style World Final en 2023 à Francfort, transforme la célèbre Pottinger Street de Hong Kong en sa scène personnelle. Lors de cette nouvelle édition, elle ne montre pas seulement des moves : elle impose son attitude. Et cela, en plein cœur de la jungle urbaine, entre les étals de marché et les gratte-ciels. IG : @waackxx_xy, redbull.com

El Nido, Philippines Rêve bleu

En avril, El Nido accueillait une étape des Red Bull Cliff Diving World Series pour la seconde fois (après ses débuts en 2019). Ce lieu spectaculaire –aussi porte d’entrée de l’archipel de Bacuit, aux Philippines – est devenu un favori de l’élite de la compétition, qui le qualifie de « paradis ». Ici, le Mexicain Jonathan Paredes alias « le Maître du style », plonge dans la grande lagune. Il est revenu à El Nido avec une wildcard et a amélioré son classement sur le podium, passant de la 3 e (en 2019) à la 2e place. IG : @redbullcliffdiving

Alpes bernoises, Suisse

Triplé

15 heures et 30 minutes : c’est en ce temps incroyable que l’alpiniste suisse Nicolas Hojac et son partenaire autrichien Philipp Brugger ont gravi successivement les faces nord de l’Eiger, du Mönch et de la Jungfrau. Ils ont ainsi battu de près de dix heures le record, vieux de plus de vingt ans, détenu par les Suisses Ueli Steck et Stephan Siegrist, dépassant largement leurs propres attentes. « On est souvent capable de plus que ce qu’on imagine », a déclaré Hojac après l’ascension nocturne. Pour un·e amateur·rice, il faut compter un à deux jours pour venir à bout de la seule face nord de l’Eiger. IG : @nicolashojac ; @philippbrugger

Coup de sifflet pour l’été

Le 2 juillet, la Suisse donnera le coup d’envoi du 14 Championnat d’Europe de football féminin. Quelles nations domineront et quelle vedette brillera aussi en tant que photographe. e

31

matchs seront disputés lors de l’Euro 2025 en Suisse. Le match d’ouverture, Islande contre Finlande, aura lieu le 2 juillet à Thoune, et la finale se déroulera le 27 juillet à Bâle.

191

matchs ont été joués lors des qualifications pour l’Euro 2025. La Slovène Lara Prašnikar a été la meilleure buteuse avec neuf buts.

8

Il y a huit sites de compétition pour l’Euro 2025 en Suisse. Le plus petit stade est l’Arena Thun avec 10 398 places assises, et le plus grand est le Parc SaintJacques à Bâle avec 38 512 places.

22

buts marqués par l’équipe d’Angleterre lors de sa victoire à domicile à l’Euro 2022, établissant un nouveau record. Beth Mead a été élue meilleure joueuse.

18 012

le nombre de photos qu’Elvira Herzog, goal du RB Leipzig, a stocké sur son téléphone. Passionnée de photographie, elle souhaite capturer des souvenirs mémorables de l’Euro.

40 410

footballeuses licenciées en début d’année 2025, en Suisse. En 2020, elles étaient environ 27 000, ce qui représente une part de 12 % de femmes.

156

pour cent, l’augmentation des prix par rapport à l’Euro 2022. Au total, 38,5 millions de francs sont en jeu. La victoire en finale rapporte à elle seule environ 1,64 million de francs.

1984

L’année durant laquelle le premier Championnat d’Europe de football féminin a eu lieu. L’Allemagne est la nation la plus titrée avec huit victoires, la dernière remontant à 2013.

5

équipes nationales – Suisse, Norvège, Pologne, Angleterre, Pays de Galles – sont entraînées par des femmes, tandis que les onze autres sélections sont coachées par des hommes.

New Kia EV6 GT

La performance tout en élégance.

Où et quand tu veux

Avec la mallette de gaming de Poga, tu peux te lancer dans une partie n’importe où, instantanément.

L’objet

Cette mallette te permet de transporter ta console, tes manettes et tout le bazar en toute sécurité. Et une fois arrivé à destination, elle se transforme en station de gaming avec écran Full HD, haut-parleurs et système de refroidissement. Te voilà le roi de la partie.

Le buzz

Kirafin

De son vrai nom Jonas Willbold, 30 ans, il fait rire son 1,3 million d’abonné·e·s TikTok avec ses sketches. En parallèle, il suit sa passion pour les produits et tendances tech. Pour nous, il passe au crible les dernières nouveautés.

Chaque accessoire a sa place dédiée.

L’avis

Avec un prix aussi élevé, les vidéos TikTok sont rares, mais virales. La plus réussie vient du créateur Saesiii avec 3 millions de vues.

Super bien fabriquée, elle protège ton matériel comme un coffre-fort et offre la possibilité de jouer en déplacement avec un set-up qui déchire. Sauf que la mallette coûte près de 1 000 balles et a besoin d’une prise de courant. Dommage qu’il n’y ait pas de batterie intégrée …

BILAN

Un must pour…

… les gamers globe-trotters avec un portefeuille bien garni (coucou les footballeurs pros).

Déconseillée pour…

… les gamers qui ne troqueraient leur setup à la maison contre rien au monde.

Rachel Brosnahan

Nous l’avons adorée en Miriam Maisel, l’héroïne culottée de la série à succès. Mais même sans caméra, Rachel Brosnahan est une boule d’énergie. Et c’est avec elle que le nouveau Superman s’envole.

Son énergie ? Elle passe par ses mains, qui volent dans tous les sens quand elle parle, révélant la puissance intérieure de cette actrice américaine. Connue et primée pour son rôle dans The Marvelous Mrs. Maisel pendant cinq saisons, la comédienne de 34 ans compte déjà plus de cinquante rôles à son actif.

Engagée sur son premier flm hollywoodien alors qu’elle était encore étudiante, elle lance sa carrière en partageant l’écran avec Daniel Craig dans Othello – rafant au passage quelques Emmy Awards et des Golden Globes.

Dans son dernier flm, Rachel Brosnahan campe carrément la peau d’une superhéroïne : celle qui fait perdre la tête à l’homme le plus fort de l’univers. « Superman et Lois Lane partagent les mêmes valeurs : ils recherchent la vérité, la justice. » Ainsi décrit­ elle le célèbre couple de cinéma. « Mais ils le font de manière totalement opposée. À mes yeux, ils sont tous les deux surhumains, et en même temps, ils ont besoin l’un de l’autre pour révéler leur humanité. »

Dans le blockbuster de l’été, c’est David Corenswet qui endosse la cape du superhéros – face à une Lois Lane version Brosnahan, piquante, vive et brillante. Une alliée, parfois critique, toujours engagée. Rachel prend au sérieux le moteur du personnage : devenir la meilleure version de soi­même. « Ce qu’il y a de plus fort dans les bandes dessinées américaines de cette époque, c’est que, sous le vernis du spectaculaire, il y a toujours des questions fondamentales : qu’est­ ce que ça veut dire, au fond, être humain ? »

À 23 ans, la fabuleuse Mrs. Brosnahan fait ses débuts à Broadway. Avant ça ?

Focus

Naissance Highland Park, Illinois (USA) Aînée d’une fratrie de trois Rachel s’est fait remarquer dans House of Cards, où son rôle a été prolongé de deux à cinq épisodes. En 2016, elle partage l’écran avec Miley Cyrus dans la série Crisis in Six Scenes

Des apparitions dans des séries cultes comme Gossip Girl ou Grey’s Anatomy Mais c’est en escort­girl désespérée dans House of Cards qu’elle crève l’écran. Puis, l’extravagante Mrs. Maisel la propulse au sommet. Mais quand on lui demande si elle se considère plutôt comme une gagnante ou plutôt comme une battante, elle lance : « Battante, sans hésiter ! Je m’ennuie vite. Il me faut des défs. Ce que j’aime dans ce métier, c’est d’apprendre sans cesse et de jouer des personnages qu’on pense d’abord inaccessibles. J’adore expérimenter ! »

Adrénaline en altitude

Déjà au lycée, à Milwaukee (Wisconsin), Rachel Brosnahan était une boule d’énergie. Son sport favori : la lutte. « Dans ma famille, tout le monde était super sportif. Mon père jouait au tennis, ma sœur au foot, mon frère était une star du hockey. Moi ? Nulle au basket, incapable de courir. Mais j’ai essayé la lutte avec des amis – et j’ai adoré ! C’est un sport individuel et collectif à la fois, très structurant. »

Pour Brosnahan, ça ne va jamais assez vite – même en montagne, elle fonce à toute allure. « J’ai grandi avec le ski, puis j’ai basculé et ne m’adonne plus qu’au snowboard. À 16 ans, j’ai passé mon diplôme de monitrice – juste pour skier

gratuitement avec mes potes, racontet­ elle en riant. On dévalait les pistes comme des fous ! »

L’adrénaline, Rachel Brosnahan aime également la ressentir sur les plateaux de tournage ou dans les castings à gros enjeux. Et dans la vie quotidienne ? « La peur me motive, confe­t­ elle en regardant par la fenêtre de l’hôtel Four Seasons à Beverly Hills. C’est un moteur. J’ai tout le temps peur. Comme on dit : At some point you need to shit or get of the pot. » Elle rit. Puis s’explique : « Il faut apprendre à utiliser sa peur à son avantage. Je cherche constamment des défs pour devenir un peu plus courageuse. »

Curieuse des esprits brillants

Jouer dans une superproduction comme Superman, c’est un acte de courage, même pour une hyperactive comme Rachel. Quels sont ses super­pouvoirs à elle ? « Si j’en ai un, c’est ma curiosité. J’apprends des autres, et à m’inspirer de celles et ceux qui sont meilleurs que moi. Et en plus, c’est mon métier. Franchement ? Ce n’est pas si mal. » Elle a aussi ses superhéros à elle : son mari Jason Ralph – un acteur américain de 38 ans au look de surfeur, féru de théâtre, et avec lequel elle vit à New York – et Hugh Evans, un humanitaire australien qui lutte pour éradiquer la pauvreté, promouvoir l’équité et défendre la planète grâce à l’action collective. « Je soutiens son ONG, Global Citizen. À 12 ans, il a commencé à lutter contre la pauvreté ; en 2008, il a lancé cette initiative pour éradiquer la misère extrême. » Ainsi, Rachel Brosnahan révèle une autre facette essentielle de sa personnalité : son engagement sincère pour les causes qui lui tiennent à cœur. Curieuse et avide d’apprendre, elle puise dans cette énergie une inspiration constante, faisant d’elle bien plus qu’une actrice : une femme passionnée, profondément humaine et en quête de sens.

Avec des concerts de Lady Gaga et Rihanna, Global Citizen a déjà levé plus de 50 millions de dollars. Rachel Brosnahan admire profondément son PDG : « Hugh Evans , voilà un superhéros, un vrai. Faire le bien, c’est terriblement cool. »

IG : @rachelbrosnahan Superman au cinéma le 9 juillet.

« Je suis une battante. À l’école, je faisais de la lutte ! »
Interpréter Lois Lane dans Superman ? Un défi héroïque pour une femme qui ne recule devant rien.

Jonny Giger

est l’un des skateurs les plus techniquement talentueux de sa génération et un créateur qui cartonne. Il a appris à trouver sa confiance en lui-même grâce aux clics ou aux applaudissements.

Se prouver quelque chose est souvent compliqué. Il ne suft pas d’applaudissements, de tapes dans le dos, ni de likes. Être son propre critique est un choix des plus rigoureux – et c’est exactement celui qu’a fait Jonny Giger. Il n’a jamais voulu simplement appartenir à une scène, mais plutôt découvrir ce qu’il avait vraiment en lui. Skateur pro depuis de nombreuses années, il a créé de nouveaux tricks et développé ses compétences techniques tout seul. Pas parce qu’il le fallait, mais parce qu’il en avait envie. C’est comme ça qu’il a rapidement rejoint les meilleurs.

Aujourd’hui, il n’a pas seulement fait ses preuves comme skateur, mais aussi comme créateur, qui fait tout, absolument seul dans son travail, que ce soit le montage, la gestion, le tournage, le skating ou l’écriture de stories. Et avec succès. À 32 ans, il gère une chaîne YouTube qui compte plus de 700 000 abonné·e·s et près d’un demi-million de personnes le suivent sur Instagram.

Le skate, c’est tomber

Dans ses vidéos, Jonny montre des fgures techniquement difciles et propose aussi des tutoriels pour des tricks plus simples. Il rend ainsi le skate plus accessible. Mais cela ne plaît pas à tout le monde : « La scène est très critique et les opinions divergent sur ce qui fait un vrai skateur, explique-t-il. J’ai été beaucoup critiqué pour avoir fait mon autopromotion sur les réseaux sociaux. Le fait de presque tout réaliser, tout seul, de l’introduction d’une storyline jusqu’à la vidéo fnale, ça a pu être interprété comme de l’autoglorifcation, et ça n’a pas plu à tout le monde. Mais c’est ainsi que je gagne

Focus

Âge 32 ans Lieu de résidence Balzers, Liechtenstein Skateboard Pro Model chez Revive Skateboards Il adore les Fingerboards Trick préféré Impossible Plus grand succès Street Part Still here

ma vie », se justife-t-il. Jonny a commencé à skater lorsqu’il avait 12 ans. Son père lui a acheté une planche, et au début, il l’utilisait principalement pour se déplacer d’un endroit à un autre. « J’ai apprécié le fait de découvrir quelque chose que je pouvais faire seul. » Petit à petit, l’ado a commencé à faire ses premières fgures, non pas parce qu’il pensait que c’était cool, mais simplement parce qu’il en avait envie.

Les difcultés à efectuer un trick correctement, les chutes, et aussi le fait d’avoir à se relever x fois, ce combat qu’il a mené pendant des années, il veut le montrer aussi dans ses vidéos, c’est-à-dire dévoiler toute la complexité du skateboard – ce qui fonctionne, mais pas que.

Focus plutôt que spectacle Parmi les fgures particulièrement difciles pour lesquelles il est connu, on trouve le giger fip : un switch frontside shove-it late hardfip. En d’autres termes, notre skateur fait d’abord tourner la planche sur le côté, puis la kicke dans les airs pour lui donner une nouvelle rotation oblique avant d’atterrir proprement. Un véritable tour de force en deux étapes. Le timing, la coordination et le travail des pieds doivent être au plus haut niveau technique.

Le fait qu’il ait perfectionné ce trick lui vaut beaucoup de respect parmi ses pairs, mais il ne s’en vante pas. Le skateur n’a aucune prétention, il est vraiment

sympathique et c’est un interlocuteur agréable. Il reste centré, prend son temps, écoute attentivement et réféchit à ses réponses. Il semble travailler constamment sur lui-même – et ce n’est pas qu’une impression.

« Mon travail exige beaucoup de ressources mentales, et une grande résilience, explique-t-il. Cette pression ne vient pas seulement de la communauté, mais aussi des algorithmes. Ces dernières années, la transformation numérique s’est accélérée et elle est devenue de plus en plus performante. »

Pour son travail, il faut de la concentration. De la sérénité aussi. Et de la clarté sur la personne qu’il est. Pour arriver à se connaître, Jonny ne se base pas sur les tendances ni sur les commentaires sur ses vidéos. Il se tourne plutôt vers la philosophie japonaise, médite, s’est engagé dans une psychothérapie.

Savoir abandonner est une marque de courage

« Autrefois, certains tricks me rendaient presque fou. Je voulais absolument les réussir, pour être reconnu et me prouver quelque chose. Aujourd’hui, je pèse le pour et le contre : est-ce que cela en vaut vraiment la peine ? » La réponse à cette question, on s’en doute, n’est plus toujours un « oui ». Il a appris que c’est une marque de force d’arrêter lorsque quelque chose devient trop difcile. Son estime de lui, s’exclame-t-il, ne dépend plus d’un post viral ni de l’admiration pour un de ses tricks. « J’arrête quand je vois que ça dépasse mes possibilités physiques et émotionnelles. »

Quant à la question de savoir comment se développe actuellement sa relation avec la scène du skate, il répond qu’il s’en fche, tout simplement : « J’ai prouvé que j’étais un membre important de cette communauté. Je ne dépends pas de la reconnaissance des autres. Point. »

Est-ce ce message qu’il souhaite transmettre à la relève du skate ? Oui, rétorque-t-il : « Il s’agit de trouver sa propre voie. Tu n’as pas à skater pour une idéologie, mais tu le peux, bien sûr. C’est toi qui décides de la forme que tu donnes à ce que tu fais : sportive, artistique ou autre. Tu te sufs à toi-même ! »

IG : @jonny_chinaski_giger

« C’est toi qui décides de la forme que tu donnes à ce que tu fais. »
Jonny Giger est son meilleur juge et conseiller.

Veronica del Castillo

bouscule la scène du design suisse avec son style sobre et sans détour.
La Colombienne ne se voit pas comme une architecte d’intérieur, mais comme une conteuse d’histoires.

Habituellement, on préfère rester discret sur le sujet. Mais ici, au Leuenhof, dans la très distinguée Bahnhofstrasse de Zurich, chaque conversation fnit par aborder le sujet des toilettes – ou plutôt les centaines de poissons qui les décorent : corégones, gardons, lottes, carpes ou tanches. Tous sont des espèces qui vivent dans le lac de Zurich, tout proche ; ici, ils nagent joyeusement sur les murs et le plafond des lieux d’aisance. Joyeusement ! Car on dit qu’en les regardant bien, on peut déceler un sourire ici et là…

Veronica del Castillo éclate de rire lorsqu’on évoque cette sémillante foule à écailles. Il y a quatre ans, la Colombienne décrochait le projet du tout premier AP House de Suisse, une sorte de salon lounge de luxe de la maison horlogère Audemars Piguet, situé dans l’ancienne salle des guichets de la banque Leu. À l’époque, elle était encore directrice artistique chez Carbone Interior Design. Un coup de maître pour tout architecte d’intérieur – ce qui est encore plus vrai pour quelqu’un arrivé à Zurich seulement deux ans plus tôt. « Quand mon mari m’a proposé de déménager en Suisse, j’ai d’abord pensé : en Suisse ? Qu’est-ce que je vais y faire ? » Mais Veronica a dit oui – comme toujours : « Je suis toujours partante. »

Indépendante du jour au lendemain

Une chose est sûre : Veronica del Castillo bouscule la scène du design helvétique avec son style franc et direct. En janvier de l’année dernière, elle a décidé de fonder son propre bureau de design – et deux

Focus

Naissance Carthagène, Colombie Âge 32 ans Péché mignon le chocolat sous toutes ses formes Adore le restaurant péruvien Barranco, à Zurich Rêve de créer un musée immersif pour une marque

mois plus tard, elle apprenait qu’elle était enceinte. « Ça a été un choc, dit-elle, mais je savais que j’allais y arriver. » Elle ajoute : « Je dis oui, certes, mais je sais aussi quand il me faut demander de l’aide. » Une seule fois, elle a essayé de tout faire toute seule. Et le burn-out qui s’ensuivit lui a appris à connaître ses limites.

À 32 ans, Veronica fait presque fgure de nouvelle venue dans son domaine, mais son parcours a tout d’un conte de fées. Née à Carthagène, sur la côte caraïbe colombienne, elle a grandi dans une famille cosmopolite qui a très tôt éveillé en elle le goût des matériaux, des couleurs et des formes. Elle a fréquenté une école américaine, passé ses étés aux États-Unis et en Suisse (d’où vient son grand-père), et a ensuite étudié l’art et le design à Londres, Hong Kong, et au Savannah College of Art and Design en Géorgie, avant de faire ses premiers pas professionnels à Boston, New York et Miami.

« Au fond de moi, c’est toujours la culture de mes origines qui m’infuence le plus », éclaire-t-elle, en évoquant les étés passés sur l’archipel du Rosaire, au large de Carthagène, dans la maison de vacances de ses grands-parents, une petite maison sans confort, couverte de palmiers. « On marchait pieds nus,

on dormait dans des hamacs. Et il y avait toujours plus de monde à table que prévu. » La lumière, les couleurs et les odeurs de son enfance, mais aussi la conscience de faire partie d’une communauté plus vaste, continuent d’infuencer profondément Veronica. Cela vaut aussi bien pour sa vie privée – où elle peut compter sur un solide réseau – que pour sa vie professionnelle, où elle collabore avec des designers et artisans du monde entier. « Mon métier, c’est l’art de l’hospitalité, déclare-t-elle, que ce soit pour transformer un ancien bâtiment portuaire à Carthagène en boutique-hôtel (l’un de ses projets actuels, ndlr), pour aménager le Ritz-Carlton South Beach à Miami, ou encore pour concevoir l’intérieur d’un paquebot de croisière. »

Un espace pour l’échange

Veronica del Castillo travaille actuellement sur une collection de meubles pensés et fabriqués pour favoriser les échanges : une table d’appoint, des chaises, conçues pour ofrir en un instant plus de place aux invités. Cela était déjà son objectif dans le cadre du AP House de Zurich – le même qui l’a fait connaître à l’international : créer un lieu de bien-être et de convivialité, pas directement pour stimuler les ventes des montres de luxe Audemars Piguet, mais surtout pour rassembler les gens, comme dans son salon. Pour cela, elle s’immerge sans retenue dans l’histoire des lieux, passe des jours et des semaines à faire des recherches exhaustives. « Je ne suis pas designer, dit-elle d’elle-même, je suis conteuse. » Et ce qu’elle entend par là se comprend dès que l’on pénètre dans l’ancienne salle des guichets de la Bahnhofstrasse : les mosaïques au sol et le marbre vert semblent reféter les lumières de la Limmat, et évoquent une époque où l’on faisait ici des afaires bancaires ; les alcôves en bois délicatement sculptées ou le bar couleur or parlent, eux, d’un présent fait de rencontres prometteuses et d’échanges fructueux. Un lieu plein de chaleur et d’histoires. Et lorsqu’on fnit par aller aux toilettes, on ne peut s’empêcher de laisser s’échapper un sourire en pensant à Veronica, et un clin d’œil à cette surprenante faune aquatique.

IG : @vero.delcastillo

« Mon métier, c’est l’art de l’hospitalité. »
rassemblent les gens.
Veronica del Castillo aime créer des lieux qui

Comme un poisson dans l’eau

Il y a des athlètes exceptionnel·le·s et aussi des photographes sportifs exceptionnel·le·s comme l’Australien Luca Salisbury. La preuve avec ses images de surf. Son secret ? Un mélange de talent, de courage et d’amitié.

Aux aguets

« Maxime Rayer est un de mes meilleurs amis », commente le photographe Luca à propos du surfeur en photo. Ce jour-là, ils étaient les seuls dans l’eau, ou plutôt sur l’eau. Ce spot de Sydney est considéré comme sharky, autrement dit fréquenté par les requins. En effet, de grands requins blancs y élèvent leurs petits. Luca n’a jamais vu un photographe se faire mordre mais récemment, un requin bouledogue a attaqué une nageuse non loin de sa plage natale.

Texte Marc Baumann Photos Luca Salisbury

Sale

victoire

Une photo, cinq histoires :

1) L’incroyable couleur de l’eau au Cape Solander (Sydney) venait d’inondations sur la terre ferme. 2) L’image a fini dans le top 5 du concours photo Red Bull Illume. 3) Lors de cette session, Luca a pris un cliché qui a fait la couverture du magazine Surfing World. 4) Avec l’argent récolté, Luca et le surfeur Kipp Caddy se sont tatoué le numéro du magazine, SW 4175, sur le bras.

5) Au retour, Luca s’est blessé au genou et a dû se faire opérer.

« Mais ça en valait vraiment le coup », s’exclame-t-il.

Luca Salisbury veut nous montrer « la force brute de l’océan ». Pour cela, il doit placer sa caméra là où la mer rugit le plus et les vagues se fracassent dans un déchaînement sauvage. Comme les surfeur·euse·s, les photographes luttent pour la meilleure position dans l’eau.

Luca sait lire la mer et ses courants, il sent quand la vague va casser ou ce que le surfeur

Le mur bleu Alors qu’il dormait dans sa voiture la nuit précédente, Luca pouvait entendre les rugissements de cette vague monstrueuse à Depot Beach. Un surfeur sensé se serait tiré de là avant qu’elle ne casse et ne le traîne sur le récif. Luca, lui, a foncé dans l’eau, mais le courant l’a entraîné dans la zone d’impact et il a dû son salut à un jet ski qui l’a secouru au dernier moment. « Une bonne leçon l’humilité », lâche-t-il.

prévoit de faire. C’est pour ça qu’il est si souvent au bon endroit au bon moment. « C’est une obsession : aller vers des vagues toujours plus grosses et sans cesse tester mes limites », admet-il.

Sourire éternel

« On n’a pas envie de photographier quelqu’un qui n’a aucun style », concède Luca. Peu de chances que ce soit le cas avec Jarvis Earle, 21 ans, ici à Cronulla Beach près de Sydney.

« Dans sa tranche d’âge, c’est l’un des meilleurs surfeurs au monde» et comme il le dit si bien en version originale : “The smiliest kid on earth.” Un beau compliment de la part de Luca, son copain de classe.

Rasé de près

Si tu penses que Luca va se prendre la planche en pleine figure, rassure-toi : « Je n’étais pas aussi près que ce que la photo suggère », confie-t-il. Ce jour-là, sur la côte sud, les vagues n’avaient rien de spectaculaire. Et tout d’un coup, le surfeur Kurt Lovegrove sort ce saut et Luca capture l’angle de 90 degrés parfait entre la planche et l’eau. « Kurt adore cette photo », précise Luca. On comprend pourquoi.

Merci, papa !

Luca et ses parents étaient en road trip et alors qu’ils s’apprêtaient à quitter Angourie Point, le jeune homme a aperçu le surfeur Wade Goodall courir vers la mer avec sa planche. « Une petite seconde, papa », a-t-il dit. La « seconde » s’est transformée en heure et a donné cette photo. « De là où j’étais posté, n’importe qui aurait pu prendre une bonne photo avec son iPhone », prétend Luca. « Pas forcément aussi bien », rajouterons-nous.

Éclair de génie

Quand le soleil se couche, le manque de lumière pousse beaucoup de photographes à ranger leurs caméras. Luca, de son côté, réduit la vitesse de prise et ouvre davantage l’objectif : « Comme ça, les images prennent cette jolie teinte granuleuse. » Luca aime le léger flou de ce cliché : « Les non-initiés ne le remarqueront sans doute pas, mais ce sur feur photographié à Sydney est passé à deux doigts de moi. »

Le photographe

Son grand avantage dans l’océan ? Luca Salisbury est lui-même un surfeur passionné qui adore rider les grosses vagues à ses heures perdues.

IG : @lucasalisburyphoto

On se serait trompé ? Le jeune Australien en visio nous explique qu’il n’est pas photographe professionnel : « Je suis en deuxième année de menuiserie. » Pourtant, il s’agit bien de Luca Salisbury : blond, le rouge aux yeux typique de quelqu’un qui surfe chaque jour et le charme insouciant des personnes nées avec une planche de surf aux pieds. Luca est juste incroyablement modeste. Il a grandi à Cronulla, près de Sydney, a reçu une GoPro pour ses 8 ans et depuis, il filme ses camarades. Plus tard, avec un Canon d’occasion il photographie pour des marques de surf locales. Le jeune homme, aussi talentueux qu’intrépide, n’a peur ni des slabs, (vagues qui cassent sur des récifs plats et tranchants) ni des eaux infestées de requins. À 17 ans, il réalise son plus grand rêve en prenant un cliché qui fait la Une du magazine de surf le plus célèbre d’Australie, Surfing World. Aujourd’hui, à 20 ans, l’apprenti-menuisier prend des photos dignes d’un pro.

Pouvoirs guérisseurs

Le monde extérieur a beau être dingue, effrayant, et la vie apporter son lot de problèmes familiaux, relationnels ou professionnels, « l’eau salée rend tout simplement heureux », conclut Luca. En photo : le rayonnant surfeur Jarvis Earle à Cronulla et ce « moment chaleureux, détendu, épanoui et pétillant après une session de surf quand on retourne vers le parking ».

Digne d’un musée

« Si on devait peindre la vague idéale, elle ressemblerait exactement à ça », s’enflamme Luca à propos de sa photo. Et si l’on arrive en plus à capturer un rouleau de ce calibre sur la côte sud avec Kirk Flintoff sur la planche, tout est parfait, point barre. Posté sur un jet ski, Luca a eu du mal à trouver la bonne position pour sa photo : la vague n’en finissait pas de dérouler. Et pour la petite histoire, le tube a finalement englouti le surfeur, mais heureusement, le cliché était déjà dans la boîte.

Elvira Herzog joue pour le RB Leipzig et, depuis l’automne dernier, est aussi numéro 1 dans l’équipe nationale suisse féminine.

Elle tient

Les femmes se déplacent différemment des hommes.

Mais cela n’a jamais intéressé personne dans ce sport.

Jusqu’à Elvira Herzog. Comment la femme gardien de l’équipe nationale suisse renouvelle le foot féminin.

Texte Christof Gertsch Photos Urban Zintel
Elvira est vigilante sans être agitée. Elle garde le contrôle sans se figer. Cela impressionne fortement ses adversaires. Ici, dans la Red Bull Arena à Leipzig.

Des passages dans des clubs comme le FC Zurich, Cologne et Fribourg ont conduit Elvira jusqu’au RB Leipzig – et finalement en équipe nationale féminine suisse.

« Ah

bon ? Il y a aussi des femmes qui jouent au RB Leipzig ? » Fervent supporter de foot, notre chaufeur de taxi, qui vit à Leipzig depuis trente ans, nous jette un regard incrédule dans le rétroviseur quand nous lui expliquons que nous venons de Suisse pour rencontrer Elvira Herzog, la goal de l’équipe de Suisse et du RB Leipzig.

« Classique », nous dira plus tard Elvira Herzog en souriant quand nous lui raconterons cette anecdote. C’est l’histoire de sa vie. L’histoire de nombreuses femmes qui jouent au football : devoir expliquer encore et encore que oui, elles existent.

À vrai dire, en 2025 – à quelques semaines de l’Euro féminin en Suisse –, il n’est peut-être plus nécessaire de commencer un article en parlant d’un homme qui n’a jamais entendu parler de football féminin. Ou peut-être que si, fnalement. Une toute dernière fois. Car ce dont il est question dans cet article, c’est justement de l’indiférence dont le football féminin a fait l’objet pendant si longtemps. Et de joueuses, comme Elvira Herzog, 25 ans, qui n’ont pas l’intention de se laisser faire – et qui n’ont que faire de l’ignorance de certain·e·s.

Ce qu’elle a appris depuis la montée du RB Leipzig en Bundesliga il y a deux ans avec elle dans les cages et la nomination de Michael Gurski au poste d’entraîneur des gardiennes, pourrait non seulement avoir un impact sur les chances de succès de l’équipe de Suisse pour les années à venir, mais aussi changer la donne pour les gardiennes de but en général.

Les femmes ont une perception corporelle différente. Cela signifie que leur timing, leur dynamique et leur technique varient.

La puissance et la technique de saut sont particulièrement importantes pour les femmes gardiens de but.

À 11 ans, Elvira va dans les cages pour la première fois, car le gardien de l’époque encaissait trop de buts. Elle se dit qu’elle peut faire mieux.

« Les femmes gardiens de but !, s’exclame Gurski. Pas les gardiennes de but ! C’est par là que ça commence. »

Michael Gurski, 46 ans, possède nombre de qualités typiques du monde du football : présence, confance en soi, une voix qui porte – et une longue carrière de gardien de but en Bundesliga 2. Ce que l’on peut dire aussi, c’est qu’il n’a pas exactement le profl type du féministe.

Mais Gurski fait bel et bien partie de celleux qui ont commencé à repenser les choses. Les femmes ne sont pas simplement des hommes en plus petit. Elles ont des caractéristiques physiologiques diférentes, des schémas de mouvement diférents, des atouts différents – et par conséquent, elles ont besoin d’un entraînement diférent.

C’est ce qu’on appelle un angle mort. Et pour cause, le corps masculin a longtemps été considéré comme la norme. Les études étaient menées sur des hommes, les médicaments adaptés aux hommes.

Voilà pourquoi Gurski accorde une si grande importance au moindre détail – y compris à la façon de dire les choses. « Gardienne de but », selon lui, sonne comme la version féminine d’un original masculin. Comme un mot qui suggérerait même travail, même corps, seulement avec deux terminaisons diférentes. Mais c’est bien loin de la vérité.

« Une femme gardien de but est aussi une coach. C’est la seule à avoir une vue d’ensemble du terrain. »
Michael Gurski

En moyenne, les femmes sont plus petites, ce qui modife leur positionnement dans les buts – il faut souvent qu’elles se placent plus haut pour pouvoir réduire l’angle à temps. Leur force, elles ne la tirent pas du haut du corps, mais de la partie inférieure du tronc et des hanches. Elles ne sautent pas de la même manière. Leur sens de l’équilibre et du rythme a également un fonctionnement diférent – souvent meilleur, comme le fait remarquer Gurski.

Et qui dit sensations corporelles diférentes, dit aussi timing diférent, dynamique diférente et aussi technique diférente. Sans compter que les femmes ont une perception diférente de l’espace – cela se manifeste notamment lors des centres, du jeu aérien ou quand il faut décider de sortir des buts ou d’y rester.

Pour Gurski, rien de tout cela n’a trouvé de véritable écho jusqu’à présent, non seulement dans la formation des femmes gardiens de but, mais aussi dans l’esprit des gens. Et il ne prétend pas faire exception. Jusqu’à il y a deux ans, il travaillait exclusivement dans le football masculin. Jusqu’à cette proposition du RB Leipzig. Thomas Schlieck, Head of Global Goalkeeping chez Red Bull, avait un poste à pourvoir. Et plus précisément auprès de l’équipe féminine, qui, après sa montée, s’apprêtait à vivre sa première saison en Bundesliga. Gurski a été séduit par l’idée de travailler avec des femmes. Mais quand il a voulu se mettre dans le bain, il s’est rendu compte d’une chose : il n’existe aucune littérature sur l’entraînement des femmes gardiens de but. Aucun manuel. Aucune base théorique. Il a alors contacté Kathrin Lehmann, une amie de longue date – et un véritable phénomène dans le monde du sport, puisqu’elle a été goal pour l’équipe de Suisse de football et pour l’équipe de Suisse de hockey sur glace. Toute une semaine, ils se sont vus à plusieurs reprises et ont discuté pendant des heures. Et ensemble, ils ont élaboré une toute nouvelle approche de l’entraînement des femmes dans les buts.

Elvira cogite beaucoup sur son rôle. En effet, en tant que gardien de but, on ne peut pas gagner le match, mais on peut le faire perdre.

Gardienne de but ? Non. Pour Elvira et son entraîneur Michael Gurski, c’est femme gardien de but. Les évolutions doivent aussi se refléter dans le langage.

Résultat pour Elvira Herzog : elle aussi a dû tout repenser. Gurski lui a expliqué ce qu’il avait en tête –et lui a demandé si elle était prête à le suivre dans cette voie. Il savait que c’était risqué. En cas d’échec, la chute serait rude. « De deux choses l’une : soit tu seras numéro un de l’équipe de Suisse l’année prochaine, lui a-t-il dit, soit on sera probablement remplacés tous les deux. »

À ce moment-là, à l’été 2023, les débuts d’Elvira en équipe de Suisse remontaient déjà à quatre ans. Mais ces derniers temps, elle n’avait pas beaucoup joué –et elle n’avait même pas été sélectionnée pour la Coupe du monde en Australie et en Nouvelle-Zélande.

Cela l’avait beaucoup marquée. Pour elle, à l’époque, c’était la plus grande déception de toute sa vie. Finalement, avec le recul, c’était peut-être sa plus grande chance. Un tournant qui n’a fait que faciliter sa remise en question. Ce que Gurski lui a proposé sonnait comme une promesse. Ou au moins une demi-promesse. Une chose était sûre : c’était peut-être une petite révolution qui s’amorçait. Et elle voulait en faire partie. Être au cœur de l’expérience.

« Elvira est le prototype », déclare Gurski.

L’histoire d’Elvira Herzog commence à Zurich, dans le quartier d’Unterstrass, où elle grandit dans une famille recomposée. Elle a un frère de trois ans son aîné et trois demi-frères et sœurs plus âgés. Le père est médecin généraliste et psychosomaticien, la mère architecte. Aucun sportif professionnel dans la famille. Mais Elvira aime bouger et s’essaie à beaucoup de choses : danse, handball, unihockey, natation.

Elle découvre le football à l’âge de 9 ans au FC Unterstrass. Elle joue avec les garçons. À 11 ans, elle se retrouve dans les cages pour la première fois – non pas parce que personne d’autre ne veut le faire, mais parce que le gardien de l’époque encaisse trop de buts. Elvira se dit : je peux faire mieux. Puis, lorsqu’elle a 13 ans, ses entraîneurs lui disent qu’elle peut tout à fait continuer à jouer avec les garçons, mais seulement si elle est titularisée en tant que goal. Elle ne réféchit pas longtemps. Et elle reste. Elle aime l’entraînement plus pointu des garçons.

Si c’était la bonne décision ?

Elle réféchit.

« Je suis sûre que je ne serais pas là où j’en suis aujourd’hui si je n’avais pas été dans les buts. Je pense que c’est le poste qu’il me faut. Déjà parce que je suis grande et athlétique. Et je pense aussi que c’était la voie à suivre pour moi. »

Pause.

« Mais je mentirais si je disais que ça ne m’a jamais posé de problème d’être à un poste si difcile. »

L’entretien avec Elvira Herzog ne tourne pas très longtemps autour d’elle. Ses pensées se dirigent rapidement vers quelque chose de plus vaste. Elvira, qui a suivi un cursus sport-études au gymnase et avait

« La maîtrise de soi est essentielle dans les cages : pendant que l’équipe exulte, la goal doit garder son sang-froid.»

Avec son entraîneur Michael Gurski (ci-dessus), Elvira Herzog réinvente l’entraînement des femmes gardiens de but. Au-dessus, le match international contre la France en octobre 2024, lors duquel la Suisse a gagné 2-1.

commencé l’université avant de se mettre au foot, est une personne qui réféchit. À son rôle dans l’équipe. Au travail de femme gardien de but. Et à la manière dont ce poste est compris – ou mal compris – dans le football.

« La goal, ce n’est pas elle qui assure le spectacle, déclare-t-elle. C’est celle qui l’empêche. » Quand les attaquantes arrivent sur le terrain, elles ont une idée en tête : aujourd’hui, je vais marquer. De leur côté, les

femmes gardiens de but se disent : « Une erreur est une erreur. Il n’y a pas d’entre-deux. Et on se retrouve à 0-1. Une passe ratée en milieu de terrain n’est rien d’autre qu’une passe ratée. » C’est ce qu’elles se disent. Aux yeux du monde, la femme gardien de but ne joue aucun rôle – jusqu’à ce que ça tourne mal. Les résumés de matchs à la télé, ce sont surtout des buts, des dribbles, de belles séquences de jeu, trouve Elvira. « Ce que l’on voit rarement, ce sont les arrêts. » La femme gardien de but reste invisible. Sauf si elle fait une erreur. Dans ce cas-là, toute l’attention est tournée vers elle – pour un moment. Un mauvais moment. Une femme gardien de but ne peut pas gagner de matchs. Mais elle peut en perdre.

Michael Gurski va encore plus loin : « La femme gardien de but n’est pas seulement femme gardien de but, elle est aussi coach. C’est la seule à avoir tout le terrain devant elle. Elle arrive à sentir le tournant du match. » S’il y a but de l’autre côté du terrain, elle le sait : cela peut vite tourner au vinaigre. « Énormément de buts sont encaissés dans les trois minutes et demie après avoir marqué, explique Gurski. On se retrouve soit à 2-0, soit à 1-1 ».

Et pendant que l’équipe laisse exploser sa joie, la femme gardien de but reste concentrée. C’est celle qui se retient d’exprimer ses émotions. « On ne fait pas la fête avec les autres, dit Gurski. On doit garder son calme. » Et si elle réalise elle-même un coup d’éclat ?

Dans ce cas-là, pas de place pour l’auto-congratulation. Pas de temps mort. Le jeu continue. Même une parade ne justife pas une interruption du jeu. Il faut une présence permanente – et un self-control de tous les instants. Pour Gurski, le rôle de femme gardien de but est « probablement l’un des postes les plus complexes dans le football ».

Les entretiens pour cet article se tiennent dans une salle de réunion de la RB Academy au Cottaweg –lieu de vie et d’entraînement de l’équipe féminine du RB Leipzig. C’est la fn de l’après-midi, mais à voir Michael Gurski, on a l’impression que la journée ne fait que commencer. C’est un amoureux du ballon rond : il est dynamique, captivant, passionné. Il se lève sans arrêt, pointe le mur du doigt, explique une idée tactique, décrit avec de grands gestes où la femme gardien de but devrait se trouver à tel ou tel moment. Sur le mur en question, on peut voir une immense photo de la Red Bull Arena – le stade des hommes, 47 800 places, projecteurs allumés, gradins remplis. L’équipe féminine n’y joue que rarement. La plupart du temps, les matchs à domicile se jouent dans un stade plus petit, en face de l’académie : 2 000 places, souvent occupées à moitié.

Contrairement à Gurski, Elvira Herzog reste pratiquement immobile sur sa chaise pendant toute la durée de ce long entretien. Dos bien droit, jambes croisées, regard aimable. Elle dégage un sentiment de

Durant son temps libre, Elvira Herzog est aussi créative. Elle apprécie la photographie, et a aussi créé des tee-shirts pour le prochain Championnat d’Europe qui aura lieu en Suisse.

sérénité, non pas statique, mais concentré – comme si elle pouvait réagir à tout moment. Et c’est précisément cette tension qu’elle apporte sur le terrain, comme l’explique Gurski : « Elle est alerte, mais pas fébrile. Elle est dans le contrôle sans être fgée. C’est assez impressionnant – y compris pour les adversaires. » Mais qu’est-ce qui a changé exactement dans l’entraînement d’Elvira ?

Ce n’est pas évident à expliquer. Ou peut-être que si. Car, d’un côté, beaucoup de choses n’ont pas changé. De l’autre, tout semble diférent. C’est ce qui ressort des propos de Kathrin Lehmann, la goal suisse prodige qui a joué au niveau international dans deux sports à la fois – et qui épaule Gurski dans le développement de cette nouvelle approche de l’entraînement. « Il y a tout qui change – et rien à la fois, explique-telle. Si les exercices restent les mêmes, l’attitude à adopter derrière est tout autre. Ce n’est pas la technique qui compte, c’est la perspective. » En défnitive, c’est plus une question de pédagogie que de technique. Ce qu’il faut, c’est simplement avoir à l’esprit que l’on a une femme en face de soi – une femme dont les caractéristiques psychiques et physiques sont diférentes de celles d’un homme. « De fait, on modife automatiquement l’entraînement. Je n’entraînerais pas un en-

Elvira prend son sport très au sérieux. Souvent, elle est la première à arriver sur le terrain le matin, et l’une des dernières à partir le soir.

« On veut toujours s’améliorer. Parfois, on va même jusqu’à en oublier la légèreté et la beauté du jeu. »

travail perso : exercices de réactivité, mobilisation, coaching mental. L’entraînement sur le terrain est souvent suivi d’une séance de musculation avant le déjeuner. Ensuite : kiné, réunion d’équipe, analyse vidéo. Elle quitte rarement l’académie avant 16 heures. Et ça, c’est seulement pendant la semaine. Les weekends ne sont pas consacrés au repos, mais au jeu. Les déplacements sont particulièrement fastidieux : l’équipe féminine ne se déplace pas en avion, mais en bus. Les joueuses partent généralement le vendredi après-midi après l’entraînement, passent ensuite une nuit à l’hôtel, puis c’est le match – et enfn le long trajet de retour. « Quand on a un match en soirée, il nous arrive de ne pas rentrer avant quatre heures le lendemain matin », explique Elvira. Deux jours et demi –pour un seul match.

fant de 10 ans de la même manière qu’un centenaire. » Elvira esquisse un sourire un peu forcé. Pour elle, c’est une chose qui devrait aller de soi en 2025.

Un exemple concret ? « Volontiers », dit Lehmann. Les femmes se déplacent diféremment des hommes, elles ont une autre dynamique, d’autres vitesses de course – ce qui modife la géométrie du jeu. « Et pourtant, les femmes gardiens de but se placent souvent trop haut ou trop bas, parce que leurs coéquipières remontent plus lentement. Elles font les frais d’une tactique défensive qui s’est toujours basée sur des modèles masculins. »

Elvira Herzog est de celles qui pratiquent leur sport avec beaucoup de sérieux. Elle est souvent l’une des premières sur le terrain dès le matin. Et l’une des dernières à partir le soir. Elle vit en centre-ville avec sa partenaire, Marleen Schimmer – également joueuse au RB Leipzig. Il lui faut quinze minutes à vélo pour rejoindre l’académie, située entre le nord et le sud de la forêt alluviale de Leipzig. Une oasis au cœur de la ville, remarquable d’un point de vue écologique, protégée sur le plan de l’urbanisme. Si l’on ne savait pas la quantité d’eforts déployés en ces lieux, on pourrait les croire voués à la détente. « Beaucoup de gens n’ont aucune idée de l’investissement que cela représente au quotidien d’être footballeuse », explique Elvira. Sa journée commence tôt, avec un bain de glace à la maison. Quand l’entraînement en équipe démarre à 10 heures, elle a déjà fait une heure de

Mais elle ne se plaint pas. « J’aime être là où j’en suis. » Même si, au quotidien, on peut vite perdre de vue ce qui compte vraiment. « On oublie que ce n’est qu’un jeu. Qu’il faut aussi se faire plaisir. On est tellement à fond à vouloir s’améliorer, performer, atteindre ses objectifs que l’on en perd la spontanéité. La beauté du jeu peut passer au second plan. »

Ce qui, pour elle, rend d’autant plus précieux les moments où l’on arrive à percevoir cette beauté. Comme à l’automne dernier, quand la sélectionneuse Pia Sundhage l’a nommée nouvelle numéro un. Son premier match était une rencontre amicale contre l’Allemagne au Letzigrund de Zurich, le stade préféré d’Elvira. Sa sœur avait réservé 300 billets pour constituer une tribune de supporteurs et supportrices privée. Amies, copains, famille – tout le monde était là.

« J’aurais pu pleurer tellement j’étais fère », se remémore Elvira. À ce moment-là, sur ce terrain, le travail de ces dernières années a pris tout son sens : les débuts au FC Unterstrass. Les passages au FC Zurich, à Cologne, à Fribourg. Le transfert décisif à Leipzig et la collaboration avec Michael Gurski qui conclut ainsi : « Je pense qu’Elvira a tout ce qu’il faut pour faire une très grande carrière. »

IG : @elvira.herzog

À flanc paroi

Voilà plusieurs années que le grimpeur de bloc professionnel Giuliano Cameroni s’acharne sur le même rocher. Il nous explique pourquoi abandonner est hors de question et nous donne une belle leçon de persévérance.

de

Texte Samuel Waldis
Photos
Name Hier

À 28 ans, Giuliano Cameroni fait

partie des meilleurs grimpeurs de bloc, l’escalade sur rochers à hauteur de saut. Désormais, le Tessinois a délaissé les compétitions ; depuis, tout tourne autour du mouvement pur, de la créativité et de la maîtrise corporelle.

Il a choisi de se concentrer sur des voies naturelles comme Alphane, dans le Tessin, voie légendaire considérée comme l’une des plus difciles au monde. Beaucoup s’y sont cassé les dents. Giuliano, lui, s’acharne dessus depuis trois ans. Tour à tour inventif, rêveur et penseur, il nous parle de pluie, de friction, de cartes de crédit comme matériel d’entraînement, de ses blessures, et nous explique comment une série d’échecs a fait de lui un meilleur grimpeur. En se concentrant sur la route plutôt que sur la destination, on fnit un jour par atteindre cette prise qui semblait hors de portée.

the red bulletin: Il pleut en ce moment. C’est le pire pour quelqu’un qui passe sa vie dehors, non ?

giuliano cameroni: C’était déjà le cas tout l’hiver et tout le printemps. Pluie et humidité. Pour moi, c’est très dur de faire quoi que ce soit avec ce genre de météo. On a des petits appareils pour mesurer la température et l’humidité sur la roche. Selon le bloc, on ne grimpe pas si l’humidité dépasse 85 %, parce que tenter quelque chose dans ces conditions serait terrible pour la peau des doigts et rallongerait d’autant plus le temps de guérison.

Est-ce que je parle à un grimpeur de bloc ou à un scientifque ?

(Rires.) C’est vrai, notre pratique requiert beaucoup d’astuces et d’ingéniosité. C’est pour cela qu’on utilise diférents types de chaussons (chaussures d’escalade, ndlr) selon les blocs, en fonction de la roche. J’ai d’ailleurs une anecdote à ce sujet. Sur une voie que je fais souvent, il y a un passage où je dois faire un crochet du talon. Pour cela, j’ai besoin d’un modèle de chausson avec un talon ultra fn. Le mouvement d’après, j’utilise un des orteils

Des chaussons pour toutes les situations : Giuliano a même parfois besoin de customiser ses semelle pour trouver plus d’adhérence contre la paroi.

du pied gauche. Donc, là, j’ai besoin d’un modèle de chausson très agressif, contrairement au modèle à talon fn. J’ai donc percé un petit trou dans la semelle pour avoir de l’adhérence sur la roche à cet endroit et maintenant, le mouvement fonctionne.

Cette voie sur laquelle tu utilises ce chausson particulier, c’est Alphane, la fameuse voie sur laquelle tu travailles depuis trois ans. Que représente-t-elle pour toi ?

Le rocher se trouve à Chironico, dans le Tessin. C’est là que j’ai découvert l’escalade à l’âge de quatre ans. Ce bloc, le fameux Alphane, je l’ai vu pour la première fois en 2019. À l’époque, je faisais déjà du 8c+.

Alphane est la première voie de Suisse à avoir été cotée 9a — et pour Giuliano, le grand défi de sa vie.
En 2024, Giuliano s’est blessé au genou droit lors d’une chute. Cela lui a servi de leçon. Depuis, il a plus de puissance.
En escalade, la taille n’est pas toujours un atout.

Petite précision : la cotation de difculté dite française, et qui vaut partout en Europe sauf au Royaume-Uni, va de 1 à 9c. Le 8c+ est juste avant le 9a. C’est ça. Bref, je n’étais pas un débutant. Mais quand j’ai vu ce bloc pour la première fois, je n’ai pas compris comment le résoudre.

Mi-avril, Giuliano retourne sur ce bloc. Debout sur un crash-pad, le matelas qui amortit les chutes, il explore la roche et brosse sans cesse les prises pour être sûr de ne pas déraper par la suite. Puis il plonge la main dans son sac à magnésie et entame une nouvelle tentative sur cette paroi inclinée qui en a fait renoncer plus d’un. Rares sont celles et ceux qui y passent autant de temps que lui. Son inexorable patience est en partie due au fait que Giuliano s’est mis à la méditation pendant la pandémie. Pour lui, c’est le meilleur moyen de se débarrasser des pensées et énergies négatives. Cela l’aide aussi lorsqu’il est suspendu, tête en bas, sur les rochers les plus durs. Alphane est la première voie en Suisse cotée 9a et fait partie des blocs les plus difciles au monde.

En quoi consiste la difculté ici ?

Je dirais que c’est parce que certains mouvements sont plus adaptés à une personne

de petite taille, surtout vers le haut. Comme je mesure 1,82 mètre, la fn d’Alphane est particulièrement compliquée pour moi. En un an, entre le printemps et l’automne, j’y ai passé facilement soixante jours. Je n’arrivais même plus à enchaîner deux mouvements de suite. C’était hardcore.

Comment persévère-t-on des années sur un projet sans jeter l’éponge ?

Ce rocher, ces prises… l’endroit est magique ! Ce sont neuf mouvements très difciles qui s’enchaînent avant d’attaquer le dernier passage. J’espérais que j’allais progresser et je me disais qu’il sufsait de continuer pour y arriver. Ça me motivait encore plus de savoir que d’autres l’avaient réussi. Mais en 2022,

j’ai fni par laisser tomber. J’ai réalisé que je ne progressais plus sur ce bloc, ni comme grimpeur, ni comme personne. J’y avais passé trop de temps.

Qu’est-ce qui t’a poussé à y revenir ?

En 2024, je me suis fracturé le genou droit lors d’une chute. J’étais sur un rocher très haut, j’ai fait un tour complet dans le vide… je me suis rarement fait aussi peur. Et puis au cours de la rééducation, j’ai repris de plus en plus de forces. Ensuite, j’ai tenté un autre 9a dans le Tessin, un projet que jamais personne n’avait réussi. J’y suis presque arrivé alors que les conditions étaient vraiment mauvaises. Je me suis donc dit que c’était le moment de retenter Alphane. En plus, le genou droit est moins mobilisé sur ce bloc. Je ne

« J’habitue mes mains aux microprises avec des cartes de crédit. C’est là que se trouve la plus grande marge de progrès. »
« En deux jours, j’ai fait plus de progrès que lors des cinquante précédents. Je crois qu’Alphane est enfin jouable pour moi. »

Neuf mouvements difficiles avant la dernière section : en un an, Giuliano a passé soixante jours à s’entraîner seul sur Alphane

est moins mobilisé sur ce bloc. Je ne m’attendais pas à un miracle mais fnalement, j’ai fait plus de progrès en deux jours que dans les cinquante journées précédentes. Désormais, je crois dur comme fer que cette voie est à ma portée.

Tu as donc dû t’éloigner de ce projet pour mieux y revenir ?

Exactement. J’étais complètement obnubilé par la technique, par le fait de trouver toutes les prises possibles et de réféchir à la manière dont chaque partie de mon corps devait se tourner dans certains passages, comment utiliser mes tendons pour rester accroché. Par contre, niveau force musculaire, je m’étais beaucoup moins investi. Ma blessure m’a obligé à modifer la façon dont je grimpe, et maintenant, j’ai un style beaucoup plus explosif.

En 2016, Giuliano est victime d’un accident de la route. Il explique que, comme il a failli y rester, il a soudainement pris conscience de ce qui comptait vraiment pour lui : un esprit sain dans un corps sain. Entre-temps, une seconde bonne raison s’est imposée sous la forme de son fls Aylan, né en octobre 2023. Prenant son rôle de père très au sérieux, Giuliano embrasse une vie équilibrée afn de transmettre le plus d’énergie positive possible à son enfant. Il observe le développement d’Aylan et remarque à quel point celui-ci est curieux et attentif ; à l’image de son papa qui n’a jamais fait appel à un coach sportif… L’approche de Giuliano, c’est l’apprentissage par l’exemple et tout miser sur l’expérience.

« Je ne grimpe pas pour réussir une voie. Je grimpe pour m’améliorer. Le succès en découle automatiquement. »

Comment as-tu abordé l’entraînement au fl des années ?

En accumulant de l’expérience. J’ai compris que ce qui marchait le mieux pour moi, c’était de simuler les mouvements à l’entraînement tout en gardant les pieds au sol. Je me tiens debout, je visualise les prises les plus dures possibles et je les étudie les mains au mur, un peu comme dans un rêve. Je n’enfle même pas mes chaussons d’escalade quand je fais cela.

Mentalement, tu imagines donc un bloc dans la nature ?

Exactement. Avant de pouvoir exécuter un mouvement sur le rocher – et je parle ici de mouvement très difcile – je dois l’intérioriser pendant plusieurs jours, pieds au sol. De cette façon, je prépare mon corps au mouvement en question. Si on se lance directement sur le rocher alors que les tendons et les ligaments ne sont pas encore prêts, le risque de blessure augmente.

Penses-tu que les autres s’entraînent de la même manière que toi ?

J’en ai déjà parlé avec pas mal de gens mais je n’en vois pas beaucoup appliquer cette méthode précisément. Je suis pourtant convaincu qu’elle a du potentiel, notamment parce qu’elle permet de s’entraîner même quand le corps est trop fatigué pour une session normale. Cela me permet d’optimiser mon temps.

Tu t’entraînes aussi avec des cartes de crédit… Tu peux nous expliquer ?

Une carte de crédit mesure environ un millimètre d’épaisseur, comme certaines prises de bloc en extérieur. Pour moi, ces mini-prises représentent une marge de progression énorme, c’est pour cela que je m’entraîne avec des cartes de crédit, mais cela fonctionne aussi avec n’importe quel objet de petite taille. L’important, c’est d’habituer mes doigts à ces formes minuscules, jusqu’au moment où je me dis : « Waouh, j’arrive à agripper ce truc ! » Ensuite, sur la roche, quand je me retrouve face à une prise de cinq millimètres, elle me semble bien plus large.

Quand on passe des heures, des jours, voire des années sur un mur, le matériel s’accumule. Ici, sous le voie Alphane, les crash pads s’entassent.

Un peu comme si je lançais dix fois un medecine-ball contre un mur avant de faire la même chose avec une balle de tennis ?

C’est le même principe, oui. Et cela aide aussi en termes de créativité, ça ouvre de nouveaux horizons quand on est sur le rocher.

Ce printemps, Giuliano efectue son service civil à Biasca. Travailler dans une maison de retraite ofre un changement bienvenu dans sa vie où, en dehors de sa famille, presque tout tourne autour de l’escalade. Au fl de la discussion, Giuliano se perd parfois dans des détails techniques qu’il doit ensuite patiemment nous expliquer. Parler d’escalade avec lui, c’est pénétrer dans un univers qui le passionne : il ne fait qu’un avec le bloc, une discipline modeste puisque, en principe, on a besoin seulement d’une paire de chaussons adaptés.

Le bloc est un sport minimaliste… Pas besoin de corde, ni de points d’ancrage, ni de baudrier. Juste de chaussons. Cela refète-t-il ta personnalité ?

Je suis devenu grimpeur de bloc parce que j’adore ça, tout simplement. L’escalade est ma grande passion. Je n’arrêterai jamais, parce que j’aime vraiment le mouvement. J’ai choisi le bloc parce que c’est le moyen le plus simple de progresser. J’aime aussi l’escalade sportive, avec corde, mais en ce moment j’en fais peu.

Pourquoi t’entraînes-tu en extérieur ?

Pour des raisons pragmatiques : il n’y a pas de salle près de chez moi (mais il y en a une en construction, cela va bientôt changer). Et aussi parce que je me sens très proche de la nature. Je m’entraîne mieux dehors, j’y prends plus de plaisir. La paroi, c’est mon happy place.

Happy place, et adversaire, non ?

On peut vite s’obséder sur un rocher. Cela m’est arrivé avec Alphane. C’est le parfait

contre-exemple de ce qu’il faut faire : j’étais complètement fxé sur ce bloc, je ne faisais plus aucun progrès et ça ne m’amusait plus : le même rocher, les mêmes chutes aux mêmes endroits… C’est la raison pour laquelle, désormais, je ne poursuis quasiment plus un seul projet à la fois, mais souvent plusieurs en parallèle.

Cela me fait penser à quelque chose que tu as dit dans une interview : « Quand on grimpe pour atteindre un but, on gaspille trop d’énergie parce qu’on réféchit trop. » En fait, ce que je voulais dire, c’est que je ne grimpe pas pour réussir une voie. Je grimpe pour m’améliorer. Le succès en découle automatiquement.

Jusqu’en 2017, Giuliano a aussi fait de l’escalade en compétition avant de prendre ses distances. Il se félicite désormais de ne pas dépendre d’elles pour trouver les sponsors qui lui permettent de se consacrer à ses projets en pleine nature. Mais ces dernières

années, le paysage de la compétition a bien changé : en 2021, à Tokyo, l’escalade a fait pour la première fois partie du programme olympique et en 2024 à Paris, des médailles sont décernées pour la première fois dans la catégorie bloc.

Le premier à réussir un bloc lui attribue la cotation. Qu’est-ce que cela fait d’évaluer une voie, puis d’attendre que quelqu’un confrme ou modife cette cotation ?

C’est l’une des questions les plus intéressantes de notre discipline. Parce que les diférences entre les cotations sont très minimes. Il y a des 8b+ que je n’ai pas encore réussis, et des 8c qui me semblent plus faciles, parce qu’ils conviennent mieux à mon physique. C’est extrêmement difcile de trouver une échelle qui convienne à tout le monde.

Imaginons quelqu’un qui a une réplique exacte d’une paroi chez lui, et qu’il s’entraîne jusqu’à arriver à la grimper. Imaginons aussi qu’il ou elle réussisse à la grimper dans la nature, à la première tentative, et sans chuter. Est-ce qu’on peut dire que c’est un fash (une réussite à vue, en anglais) ?

Personnellement, oui, je dirais que c’est le cas, parce que ce n’est pas la même chose quand on grimpe sur une réplique. Les angles ne sont pas tout à fait les mêmes, ils peuvent varier de quelques degrés, et le plastique des prises n’est pas la pierre du rocher. Mais bon, c’est clair que ça se joue à peu de choses près.

En 2028, les meilleur·e·s grimperont à Los Angeles pour décrocher l’or. Seras-tu parmi elleux ?

La compétition d’escalade est très esthétique, et je ne veux pas me fermer de portes. Pourtant, je ne pense pas participer à des compétitions dans un avenir proche.

Pour quelle raison ?

Parce que les compétitions ne sont pas mon truc. Il s’agit de trouver des prises sur d’énormes blocs qu’on ne trouverait presque jamais dans la nature. C’est un peu comme le skateboard : il y a les compétitions street et la half-pipe. Ce sont deux disciplines qui utilisent un skate, mais qui sont totalement diférentes. L’escalade de bloc en extérieur, c’est comme le street skate, et la compétition, c’est comme le half-pipe. Je devrais donc complètement changer mon entraînement pour réussir en compétition.

IG : @giuliano_cameroni

Ce sont les formes de la nature, les lignes dans la roche, qui ont séduit Giuliano. En salle, il ne prend pas autant de plaisir.

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rêve au Un

Après quatre victoires au

général

classement
de la Vuelta a España et une au Giro d’Italia, Primož Roglič vise désormais la victoire au Tour de France.

Un champion, un talent et un bricoleur : visite chez trois pionniers qui, avec l’équipe Red Bull – BORA – hansgrohe, veulent repousser les limites du cyclisme sur route.

millimètre près

Texte Christopf Gertsch Photos Shamil Tanna (Tenerife), Jojo Harper (Silverstone)

TENERIFE, ESPAGNE

« LA

PRÉPARATION AU TOUR DE FRANCE COMMENCE LE JOUR OÙ

L’ON

MONTE SUR UN

VÉLO

POUR LA PREMIÈRE FOIS. »

Primož Roglič

Quand ça fait « clic » : Roglič est un coureur introverti. Son plus grand moteur, c’est le plaisir de faire du cyclisme. me plaît. Tout est simple et tranquille. Un volcan, un hôtel, point barre. Il y a bien quelques touristes en journée, mais dès que le soleil se couche, on est entouré par le silence. C’est fabuleux. »

Un mardi soir d’avril, alors que de petits groupes de touristes redescendent lentement vers la mer et que le calme revient sur la montagne, Primož Roglič rejoint l’équipe du Red Bulletin dans le salon de l’hôtel (son nouveau chez lui pour les trois semaines à venir). Il s’assoit, sourit et nous lance : « Allons-y ! » Situé à 2 000 mètres d’altitude, le Parador de Las Cañadas del Teide est le seul hébergement des environs. Une vieille bâtisse à mi-chemin du Pico del Teide, le plus haut volcan d’Europe. Nous sommes à Tenerife, au cœur d’un paysage lunaire envoûtant et aride. Le Teide fait partie des sites les plus populaires de l’île canarienne. Beaucoup y viennent pour quelques heures, quelques-un·e·s y passent la nuit, mais personne n’y reste aussi longtemps et aussi souvent que Primož Roglič. « Laissemoi réféchir deux secondes, dit-il. Je crois bien que c’est la quatorzième fois que je viens ici. » Il sait que ça semble un peu dingue et nous dévisage avec malice. Aucune folie là-dedans, selon lui : « Le coin

À 35 ans, Roglič est l’un des meilleurs cyclistes au monde et l’un des plus polyvalents. Le Slovène a quasiment tout remporté : champion olympique du contre-la-montre, vainqueur de grandes classiques d’un jour, un Giro d’Italia et surtout quatre Vuelta a España à son compteur, la dernière en 2024, un véritable record sur l’épreuve ibérique. Une seule victoire lui échappe encore : le Tour de France, le plus illustre des trois grands tours de trois semaines, la reine incontestée des épreuves cyclistes. Aucune autre compétition n’attire autant les foules, ne rassemble autant de sponsors et n’est aussi cruciale pour l’avenir d’un coureur. En 2020, Roglič a terminé deuxième. Les années suivantes, il a abandonné trois fois sur chute et a renoncé une fois à y participer. Cet été, du 5 au 27 juillet, il fera de nouveau partie du peloton en tant que leader de l’équipe Red Bull – BORA – hansgrohe. Vingt-et-une étapes, 3 320 kilomètres de Lille aux Champs-Élysées en passant par l’Atlantique, les Pyrénées, la Provence et les Alpes. Vingt-et-un jours de soufrance entre chaleur, pluie, vent et froid. Le Tour est impitoyable, mais Roglič veut le conquérir.

Virage après virage : sur les routes de montagne de Tenerife, les coureurs de l’équipe Red Bull – BORA –hansgrohe se préparent aux rudes épreuves de la saison.

Direction le tapis : avant chaque sortie à vélo, Roglič (devant) et ses coéquipiers commencent par une série d’exercices d’activation personnalisés.

En avril, sur le Teide, le Tour semble encore loin. Et pourtant, le compte à rebours a commencé. Tous les eforts accomplis ici ont la Grande Boucle pour but ultime. « Ofciellement, la préparation au Tour commence en début d’année, quand on décide qu’on sera au départ en France en juillet, explique Roglič. Mais en fait, elle commence le jour où l’on monte sur un vélo pour la première fois. » Roglič est un homme de famille. Si sa femme Lora Klinc et ses fls Lev et Aleks lui manquent beaucoup, il ne songe jamais à raccourcir son séjour à Tenerife pour autant, pas même pour quelques heures. Et la raison pour laquelle il vient ici est bien connue des sportifs d’endurance modernes : on sait que l’altitude améliore les performances physiques. En raison de la baisse de pression en oxygène, le corps produit plus de globules rouges pour s’adapter et répartit plus efcacement l’oxygène dans les muscles, ce qui améliore la respiration et le rythme cardiaque.

Mais l’autre raison majeure pour laquelle Roglič rafole de l’altitude, c’est tout ce qui vient en plus du manque d’oxygène : isolement, concentration, prise de recul, bref, tout ce que la plupart des sportifs et

sportives d’endurance détestent lors de ces stages.

Chaque année, ces deux, trois semaines d’isolement en altitude lui permettent de se recentrer sur son entraînement, ses objectifs, ses capacités. Le Teide, c’est aussi bien une préparation physique que mentale. Cela ne veut pas dire que ces séjours en montagne sont une partie de plaisir, bien au contraire. Ce sens du sacrifce est même le premier terme qui lui vient à l’esprit quand nous lui demandons de résumer sa préparation pour le Tour en trois mots. « Je ne suis pas le seul à faire des sacrifces. Ma famille en fait aussi. »

Second mot : l’équilibre. Un mot qui revient souvent dans sa bouche, suivi d’une déclaration dans le plus pur style Roglič : « Il ne faut s’entraîner ni trop, ni pas assez. Ne pas trop se reposer, mais sufsamment quand même. Aller trop vite est néfaste, mais aller trop lentement l’est tout autant. » Un discours un peu bateau ? Pas quand on voit comment beaucoup de pros en font toujours trop ou pas assez.

« SI ÇA NE REND PAS HEUREUX, ÇA NE SERT À RIEN. »

Primož Roglič

SILVERSTONE, ANGLETERRE

Nous reviendrons plus tard sur le troisième mot que Roglič associe à sa préparation pour le Tour. Pour l’heure, changement de décor. Passons des îles canariennes à Silverstone (Royaume-Uni) et du leader de l’équipe au nouveau talent allemand Florian Lipowitz, 24 ans, qui ajuste les derniers détails dans une souferie locale, ou plutôt, qui se fait ajuster, car c’est Dan Bigham, ingénieur en chef de Red Bull –BORA - hansgrohe, qui est aux commandes et Lipowitz qui fait le cobaye.

Cette saison, l’équipe a recruté des experts de haut niveau : le nutritionniste Asker Jeukendrup, qui travaillait auparavant pour l’équipe concurrente VismaLease a Bike et York-Peter Klöppel, psychologue du sport et responsable de la performance mentale dans le centre sportif Red Bull, qui accompagne notamment le champion du monde de F1 Max Verstappen. Et bien sûr Dan Bigham, 33 ans, venu d’Ineos GrenaRegard tourné vers l’avenir : Florian Lipowitz, 24 ans, est considéré comme un coureur au potentiel immense. En mars, il a terminé deuxième du Paris–Nice, puis quatrième du Tour du Pays basque, en avril.

Pour se développer, une équipe cycliste a deux solutions : soit acquérir chaque année les plus grands noms du sport et espérer obtenir un jour une certaine cohésion au sein de l’équipe, soit faire comme Red Bull - BORA - hansgrohe, c’est-à-dire miser sur les jeunes talents et investir dans leur développement, ce qui signife injecter beaucoup de capital dans leur encadrement.

Les données du succès : un membre de l’équipe d’ingénierie (à droite) pèse le coureur Lipowitz et son vélo avant le test aérodynamique.

diers, une autre équipe concurrente. Si Bigham était footballeur, on parlerait d’un transfert exceptionnel, car dans le milieu du vélo, on ne jure que par lui.

En fait, Bigham était « encore » coureur cycliste jusqu’à l’an dernier. Comme sa vie remplirait tout un roman, résumons ici son parcours en quelques phrases : étudiant en ingénierie à Londres, Bigham se met au cyclisme en 2010 pour faire une activité physique à côté de l’université. Un hobby qui devient une passion et bientôt une obsession. Bigham n’a pas suivi le cursus classique du jeune sportif prometteur ni fait partie d’un quelconque programme de soutien, mais possède quelque chose d’indispensable dans le sport de haut niveau moderne : la compréhension technique. Au lieu de se casser la tête à élaborer des plans d’entraînement, il bricole sur la résistance de l’air, la position sur le vélo, le choix du matériel. Il devient son propre cas d’étude. Et les progrès sont au rendez-vous. En 2017, il fonde avec des amis une équipe amateur pleine d’ambitions, la HUUB Wattbike, collectif rebelle qui surprend régulièrement les nations concurrentes lors des mondiaux

sur piste. Non content de rouler, Bigham passe son temps à apporter des améliorations, de l’aérodynamique à la stratégie de course.

Ses analyses sont si pointues que les équipes professionnelles se l’arrachent bientôt. D’abord conseiller pour la fédération britannique de cyclisme, puis pour la fédération danoise, puis le couronnement fnal le 19 août 2022 sur le vélodrome de Granges, en Suisse, où, au cours d’une performance exceptionnelle, il bat le record du monde de l’heure sur un vélo homologué par l’UCI.

55,548 kilomètres. Aucun cycliste n’avait parcouru une telle distance en soixante minutes.

Un des graals les plus prestigieux du cyclisme, détenu autrefois par des légendes comme Fausto Coppi, Jacques Anquetil, Eddy Merckx ou Bradley Wiggins, et désormais par Dan Bigham, l’outsider venu d’Angleterre. Il travaille déjà comme ingénieur pour Ineos Grenadiers à l’époque, et c’est d’ailleurs en grande partie à cause de lui que son propre record ne tiendra que trois mois, puisqu’il dessine le vélo fabriqué en impression 3D avec lequel le coureur d’Ineos, Filippo Ganna, battra de nouveau le record le 8 octobre 2022, le dépassant d’1,2 kilomètre.

Deux ans plus tard, Bigham prend sa retraite, du moins en tant que coureur, mais pas sans marquer une dernière fois les esprits : aux JO de Paris, il décroche l’argent avec ses collègues britanniques lors de la poursuite par équipe.

Belle histoire, non ? Attendez, elle est encore plus folle, car lors de l’interview avec The Red Bulletin à Silverstone, Bigham nous a encore révélé que la force physique de Filippo Ganna dépassait de loin la sienne, bien plus que ce que ce 1,2 km laisserait penser. « Il injectait presque 100 watts de plus dans les pédales. Il aurait pu être encore bien plus rapide, sans aucun efort supplémentaire. » Mais Ganna n’est pas un penseur analytique comme Bigham. Il se laisse davantage guider par ses émotions et n’a pas appliqué les idées d’optimisation aérodynamique du Britannique à la lettre.

Ce dernier en a retenu qu’au bout du compte, ce n’est pas la physique qui pose problème, mais l’humain. Et qu’il y a encore du potentiel inexploité dans le cyclisme. Certes les progrès se font infmes, mais les limites n’ont pas encore été atteintes. « Les gens pensent que le record du monde de l’heure est sur naturel et presque impossible à battre. Moi, je suis convaincu du contraire. Je pense qu’il y a au moins dix coureurs capables de le dépasser,

« LE DÉVELOPPEMENT D’UN NOUVEAU VÉLO DURE

Dans le tunnel : Florian Lipowitz est le tout premier coureur du World Tour à passer un test aérodynamique dans le tunnel souterrain de Catesby. Ce tunnel ferroviaire désaffecté de plus de 2,7 kilomètres, situé près de Silverstone et Milton Keynes, sert habituellement à des essais automobiles confidentiels.

en supposant qu’ils fassent confance à la physique. » Et c’est justement son objectif au sein de Red Bull –BORA – hansgrohe : transposer la logique froide de la physique à une course cycliste. Sans entrer dans les détails complexes de son travail, on peut résumer ses eforts ainsi : Dan Bigham cherche à rendre les coureurs plus rapides sans qu’ils aient besoin de pédaler plus fort. « Un boulot plutôt cool, non ?, dit-il en souriant. J’améliore leur performance et eux n’ont presque rien à changer. »

Mais comment fait-il ? Il réduit la résistance de l’air sur les combinaisons, diminue la friction des pneus, trouve le rayon de courbe parfait à 60 km/h, développe des combinaisons de contre-la-montre sur mesure, teste diférentes positions, ajuste les multiples composants du vélo. Il mesure, modélise, améliore. Chaque coup de pédale mais aussi chaque fux d’air compte. Sa mission : faire en sorte de gaspiller

« J’AMÉLIORE

LES PERFORMANCES DES COUREURS ET EUX N’ONT PRESQUE RIEN

À CHANGER. »

Dan Bigham

le moins d’énergie possible et d’en convertir le maximum en propulsion. C’est un vrai mordu de technologie qui peut passer des heures sur le moindre détail : un dos trop raide, une technique de virage trop approximative, une confection de maillot légèrement trop rugueuse. Et parfois, il n’a même pas besoin du coureur lui-même : pendant que Roglič transpire à grandes gouttes sur le Teide, Bigham teste de nouveaux matériaux pour le cuissard du Slovène dans la souferie de Silverstone grâce à une réplique exacte de la jambe du cycliste.

Bigham est au cœur d’une révolution technologique qui n’a commencé que récemment dans le cyclisme. Au début, on parlait de marginal gains, d’infmes améliorations. Aujourd’hui, beaucoup réalisent qu’en investissant dans l’aérodynamique, la nutrition et l’entraînement mental, des progrès sont possibles, et plus importants qu’on ne l’imaginait. Pour autant, il ne faut pas s’attendre à des miracles, ou plutôt, pas à des miracles « rapides ». « Le développement d’un nouveau vélo dure trois ans, explique Bigham. Un nouveau casque ? Deux ans. » Les progrès les plus rapides concernent les vêtements mais là aussi, il n’est pas certain que les découvertes faites ce printemps seront déjà utilisables sur le Tour cet été. Bigham se considère comme un scientifque, il fait de la recherche fondamentale, « et cela prend du temps ».

Cela rejoint complètement l’état d’esprit de Red Bull – BORA – hansgrohe pour cette saison : poser les bases d’un succès à long terme plutôt qu’éphémère. Intégrer de nouvelles personnes dans le processus, favoriser de nouvelles façons de penser, acquérir de nouvelles connaissances. Dan Bigham en est l’incarnation : il ne se contente pas de découvrir quel vêtement rend le cycliste allemand Florian Lipowitz plus rapide aujourd’hui. Il veut comprendre pourquoi et en tirer les enseignements qui rendront l’équipe encore plus performante demain.

Le jour où The Red Bulletin s’invite à Silverstone, Florian Lipowitz découvre justement la souferie pour la première fois. Pendant plusieurs heures, il teste diférentes positions, matériaux et postures corporelles. À la fn, il a l’air aussi lessivé qu’après une grosse étape de montagne. Il sera l’un des domestiques attitrés de Roglič lors du Tour de France en juillet, mais avant cela, il assumera le rôle de leader lors du Critérium du Dauphiné, une des grandes courses de préparation pour le Tour.

Si tout se passe bien, Lipowitz, encadré par Bigham, suivra un jour les pas de Roglič, fait d’autant plus passionnant que tous trois partagent un parcours complètement atypique : Bigham, Roglič et Lipowitz sont devenus cyclistes professionnels sur le tard et presque par hasard : Roglič était champion de saut à ski et se préparait à une immense carrière quand une grave chute l’a forcé à changer de voie.

L’homme de demain : Florian Lipowitz compte parmi les plus grands talents de l’équipe Red Bull – BORA – hansgrohe.

Travail de précision : lors du bikefitting, Dan Bigham ajuste le vélo de Florian Lipowitz pour minimiser au maximum la résistance à l’air.

Lipowitz a longtemps été biathlète et avait pour objectif les championnats du monde. Son parcours illustre bien comment il faut parfois passer par des sentiers détournés pour trouver enfn sa voie. À 15 ans, sa famille déménage à Seefeld, dans le Tyrol, pour que son frère et lui intègrent Stams, la prestigieuse école de skieurs et skieuses d’élite.

Mais plusieurs blessures viennent freiner sa progression, avec notamment une infammation du cartilage de croissance puis une rupture du ligament croisé au cours d’une session de kitesurf. À l’époque, le vélo fait régulièrement partie de son programme de rééducation et Lipowitz se rend compte que ce sport lui apporte non seulement du plaisir, mais semble aussi lui aller comme un gant, ce qui n’est pas si étonnant : son père faisait lui-même énormément de marathons cyclistes.

« ROGLIČ

CHERCHE VRAIMENT

À COMPRENDRE ET CONSTRUIT SES PROPRES MODÈLES DANS SA TÊTE. »

Dan Bigham

Très vite, Florian prend le départ de ses premières courses, avec des résultats blufants. Sans entraînement spécifque, il se hisse déjà parmi les meilleurs. En parallèle, son attrait pour le biathlon diminue : les blessures lui ont fait perdre sa fuidité en ski de fond et fnalement, le côté endurance du biathlon l’a toujours plus intéressé que la partie tir. Finalement, à 19 ans, Lipowitz signe son premier contrat cycliste et intègre l’équipe Tirol KTM Cycling.

Roglič, Bigham, Lipowitz : peut-être est-ce le côté atypique de leur parcours de vie qui explique leur ouverture à la nouveauté. Bigham en a fait sa profession. Mais Lipowitz et Roglič montrent également cette disposition qui est une compétence clé dans le sport de haut niveau : la capacité à s’ouvrir aux idées extérieures. Comme l’explique Bigham: « Primož me pose des questions intelligentes, mûrement réféchies, il cherche vraiment à comprendre et construit ses propres modèles dans sa tête. Il ne se contente pas d’être un récepteur de données un peu passif. Il analyse ces connaissances et une fois sur son vélo, il prend de meilleures décisions tout en ne se laissant pas guider uniquement par toutes ces données théoriques. Oui, il en tient compte, mais il leur donne juste l’importance qu’elles méritent. S’il m’arrivait trop souvent de me baser sur des limites de performance théoriques, lui recherche ses limites dans le physique, pas dans le calcul. Il est prêt à aller encore plus loin et c’est cela qui en fait un sportif tellement exceptionnel. »

Pour conclure, retour sur les pentes du Teide, le camp d’entraînement en altitude de Primož Roglič, et sur les trois mots pour résumer sa préparation au Tour de France : il avait déjà choisi le sacrifce et l’équilibre, le troisième manquait encore : le plaisir. À ses débuts, beaucoup considéraient le Slovène comme le « Terminator du vélo » : un athlète qui enchaînait victoire sur victoire comme un robot, impassible, distant. Mais les apparences sont parfois trompeuses : Roglič est l’un des sportifs les plus émotionnels de sa génération. S’il a toujours l’air concentré sur un seul but, la victoire, ce qui le motive avant tout, c’est la recherche du plaisir, des moments de bonheur simples. « Si ça ne rend pas heureux, ça ne sert à rien », lâche-t-il en se calant confortablement dans le fauteuil du lobby de l’hôtel, se réjouissant déjà à l’idée d’un dîner à la bonne franquette.

redbullborahansgrohe.com

Dans l’œil du cyclone

Une piste de danse pleine à Mumbai. Organisée par Swadesi, la soirée donne la possibilité aux jeunes de toutes les castes de s’éclater en club.

Basses,

Entre palmiers et béton, un nouveau mouvement voit le jour à Mumbai sous l’impulsion de Swadesi. Le collectif diffuse du grime dans la rue, donne une voix à celleux qui n’en ont pas et lutte, à sa manière, contre les inégalités.

et liberté

Texte Alice Austin / Photos Yushy

Bien avant de l’apercevoir, on peut

déjà entendre le club dissimulé au milieu des ruelles tortueuses de Parel, un quartier du centre-ville de Mumbai, dans la région du Maharashtra. Bas, un peu délabré, cerné de palmiers, le bâtiment ressemble à n’importe quel autre de la ville indienne. Seule la basse sourde trahit la révolution musicale qui gronde derrière ses murs.

est ici, dans le club antiSOCIAL, que le collectif de rap engagé Swadesi organise sa soirée intitulée Low End Therapy. On afche déjà complet. Massé devant la scène, le public lève les doigts en l’air, imitant un pistolet. Aux platines : BamBoy, qui joue ce soir sous son pseudonyme Kaali Duniya. La clim a bien du mal à empêcher la sueur de dégouliner sur son front tandis que la foule se déchaîne sur un mélange de reggae et de dubstep, sautant sur place et dansant jusqu’au bord des platines. BamBoy s’empare du micro et lance en marathi, la langue locale : « Le son que vous allez entendre maintenant s’appelle le grime » : un style de rap originaire du Royaume-Uni, marqué par des rythmes rapides et des beats énergiques.

Difcile désormais pour BamBoy de déambuler incognito dans les rues de Mumbai, et pour cause : l’an dernier, son collectif Swadesi s’est taillé une jolie réputation à l’international lors d’un concert en live et en streaming. Trente minutes de grime et de hiphop furieux en marathi, bengali et hindi et pour fnir en beauté, BamBoy qui enchaîne sur un solo d’une demi-heure façon roadshow. C’était la première fois que la street culture de Mumbai s’exprimait sur une scène mondiale, et depuis, sa communauté lui voue un véritable culte.

BamBoy, de son vrai nom Tushar Adhav, mesure environ 1,67 mètre mais dégage une présence de géant avec son regard vif, curieux de tout et son look résolument oversize. « Pas à cause du hip-hop, mais parce que j’ai du bide », plaisante-t-il. Le jeune artiste est l’une des fgures centrales de Swadesi, un collectif de rappeurs, producteurs et musiciennes multilingues et engagés qui n’ont pas peur de dire des vérités qui dérangent.

Fondé en 2013, Swadesi afche clairement ses ambitions : dénoncer les problèmes sociaux en Inde, donner une voix aux communautés marginalisées et mettre en avant leurs propres racines culturelles. Aux côtés de BamBoy, le noyau dur est formé du DJ/ producteur NaaR (Abhishek Menon), des rappeurs MC Tod Fod (Dharmesh Parmar), MC Mawali

En attendant les basses Les fêtard·e·s font la queue devant le club ; l’entrée coûte seulement 140 roupies.

« Nous sommes convaincus que la musique peut changer le monde. »

Rappeurs engagés Le crew Swadesi, avec BamBoy, RaaKshaS Sound, NaaR, Maharya et MC Mawali (de gauche à droite).

(Aklesh Sutar), Maharya (Yash Mahida) ainsi que du DJ/producteur RaaKshaS Sound (Abhishek Shindolkar). Mais Swadesi, aujourd’hui, c’est bien plus qu’une simple liste de noms : c’est un véritable mouvement.

De la rue à la scène

Plusieurs fois par an, Swadesi fait un tabac avec ses soirées Low End Therapy. Le concept? Ofrir un accès à la culture club aux personnes issues des castes défavorisées. À leur époque, la plupart des membres du crew eux-mêmes n’avaient pas les moyens de participer à ce genre de soirées. Pour la jeunesse des quartiers défavorisés de Mumbai, la Low End Therapy est la porte d’accès à une scène qui leur tourne généralement le dos. BamBoy appartient à la caste des Ati-Shudras, le niveau le plus bas de l’ancestral système de hiérarchie sociale indien (vieux de 3 000 ans), caste dont les perspectives professionnelles se limitent traditionnellement à des jobs journaliers. « Si tu nais dans une caste inférieure, tu mourras dans une caste inférieure, même si tu gagnes des millions », précise le rappeur.

Enfant, son unique porte d’accès à la culture, ce sont les fêtes de rue appelées roadshows, avec d’énormes stéréos qui difusent de la musique folklorique locale et des remix de Bollywood. Il y fait ses premiers pas en tant qu’assistant son (soundboy), avant de se voir confer les premières parties des DJ. Vers 15 ans, son meilleur ami MC Tod Fod lui fait découvrir le rap américain. « La plupart des rappeurs parlent d’eux, raconte BamBoy. Mais moi, j’ai toujours aimé le rap qui informe, qui parle de culture et d’histoire, ça m’aidait à mieux comprendre le monde. » Il emprunte l’ordi de sa sœur, produit ses propres sons, fait ses mix de hip-hop, puis, un beau jour, tombe sur un morceau grime de Wiley, Step21.

« Les nouveaux videurs me prennent pour le livreur de pizzas. »

BamBoy

« Je n’avais jamais entendu quelqu’un parler en anglais britannique. Je ne comprenais rien de ce qu’il disait mais j’étais fasciné. Ensuite, j’ai écouté Skepta, et j’ai commencé à m’y intéresser sérieusement. » En 2018, Flowdan, légende du grime britannique, vient en Inde. « J’étais scotché, se souvient BamBoy. Un mec immense avec une voix puissante. » Cette année-là, BamBoy rejoint MC Tod Fod au sein de Swadesi sous la casquette de producteur avant de commencer, lui aussi, à faire du rap.

Une question d’appartenance

Une personne issue des castes inférieures n’a quasiment aucune chance de percer sur la scène musicale indienne (et encore moins de faire carrière à l’international). Et même si BamBoy jouit d’une solide réputation, il n’est pas à l’abri des préjugés. « Quand je ne suis pas moi-même aux platines, la plupart des clubs ne me laissent même pas rentrer, parce que je n’ai pas l’air riche et que je ne porte pas de fringues de marque. Les nouveaux videurs me prennent toujours pour le livreur de pizzas. » Entre eux, les membres de Swadesi s’appellent bros, ils ont leurs propres blagues et plus d’une fois, éclatent de rire avant même d’avoir terminé leurs phrases. Ces artistes âgés pour la plupart d’une

Faire partie du club Lors de la soirée Low End Therapy, il ne s’agit pas seulement de musique, mais aussi d’appartenance.
« On a décidé qu’on n’allait plus se taire. »

Mawali

vingtaine d’années ont grandi ensemble. Quelquesuns travaillent dans des call-center pour joindre les deux bouts, tous se retrouvent presque chaque soir dans l’un des cafés d’Andheri East ou Andheri West, leur banlieue. Depuis le toit de MC Mawali, on a une bonne vue d’ensemble sur le quartier, entre les tours qui dominent les boutiques délabrées et les rues encombrées de rickshaws et de scooters, le tout sur une B.-O. 100 % Mumbai : le concert des klaxons, la gouaille des vendeuses de rue, le crépitement de la street-food.

« C’est ici que j’ai grandi, explique Mawali, en désignant la ville en contrebas. Je passais ma vie dehors à organiser des battles de rap et à traîner dans les rues… » Chaque membre de Swadesi a son propre style, mais tous sont unis par une musique profondément enracinée dans la protestation. « Notre premier morceau sous le label Swadesi, c’était Laaj Watte Kai, qui parlait du viol collectif à Delhi en 2012, raconte Mawali. On en avait marre de se taire. » Les morceaux de hip-hop, dubstep et grime de Swadesi abordent

Swadesi Sounds

Une playlist Spotify concoctée par The Red Bulletin avec une sélection des meilleurs morceaux du collectif !

des thèmes typiquement indiens et s’opposent à la pop de Bollywood, le style musical le plus répandu et le plus accessible auprès de la jeunesse indienne. Pour Swadesi, la musique est aussi un formidable exutoire face à la soufrance, la perte, la colère. En 2022, le collectif est frappé par la mort prématurée de MC Tod Fod, emporté par un infarctus à seulement 24 ans. « Après ça, la vie s’est fgée », confe BamBoy. Le système de santé indien, onéreux, inégal et opaque, est un sujet qui les touche personnellement et ils ont à cœur de sensibiliser l’opinion publique sur cette thématique. La vision commune de Swadesi, leur moteur, c’est de contribuer à une société meilleure grâce à la musique. « Nous sommes convaincus que la musique peut changer le monde », dit Maharya.

Clubbing version abordable

Le soir de la Low End Therapy, les videurs reçoivent une consigne précise : laisser entrer tout le monde, peu importe son apparence. Un jeune homme en jeans moulant et T-shirt Tupac raconte qu’il a entendu Swadesi pour la première fois en 2018 : « C’est à ce moment-là que j’ai décidé de me mettre à faire du rap. » Les billets coûtent 140 roupies (1,50 CHF). En comparaison, la plupart des soirées club coûtent 1 200 roupies (13 CHF), ce qui fait de la Low End Therapy la soirée club la plus inclusive de Mumbai. Dans le public, on trouve généralement de jeunes indiens, quelques femmes, et une poignée de fans venus de l’étranger. Plus le son augmente, plus la foule se déchaîne. Mawali attrape le micro et balance des rimes en marathi face à un public surexcité. Lorsqu’il s’arrête pour reprendre son soufe, Maharya prend le relais. Puis c’est au tour de BamBoy d’entrer en scène : casque audio sur les oreilles, trempé de sueur, il enchaîne les textes en marathi et en hindi, sous les rugissements et les trépignements de la foule. Beaucoup n’avaient encore jamais entendu de rap chanté dans leur propre langue, encore moins dans un club.

Après le concert, les membres de Swadesi se retrouvent sur un toit. Ils rient et se balancent des vannes autour d’une pizza. Leur notoriété grimpe, ils ont de plus en plus de fans et leur musique les entraîne aux quatre coins de l’Inde (voire du monde pour certains), mais ils ne prennent pas la grosse tête pour autant : les idéaux de Swadesi sont bien au-dessus de tout ça. Et avant la musique et la politique, c’est surtout une histoire d’amitié. Leur rêve ? Monter leur propre studio, produire, écrire, faire du rap et organiser leurs propres festivals Swadesi. Créer un lieu sans préjugés. Une utopie inclusive, à la portée de toutes et tous.

IG : @swadesimovement

Orgueil et préjugés

Pour Maharya, faire du rap en bengali est une forme de protestation.

« Avant l’apparition de Swadesi, la culture club ne s’adressait qu’aux gosses de riches. »

NaaR

Low End Therapy Grâce à son excellente sélection de sons grime, reggae, et dubstep, Swadesi affiche toujours complet.

TOUJOURS DE LA PARTIE ?

Voyage /  Montre / Énigme / Playlist / Agenda

PLEIN LES MIRETTES

Aux Maldives avec Christian Redl, champion du monde d’apnée

VOYAGE/

L’IVRESSE DES PROFONDEURS

Retenir son souffle jusqu’à l’étourdissement ou plonger avec des requins ? Tel est le programme alléchant de vacances aux Maldives avec Christian Redl, douze fois champion du monde de plongée en apnée. Avec un peu de chance, il vous dévoilera même sa recette du succès.

RESPIRE ! Christian Redl et moi nous entraînons pour la plongée.

Une dernière inspiration avant de plonger à 100 m de profondeur : une formalité pour Christian Redl, cascadeur sousmarin et entraîneur de plongée en apnée, qui veut aujourd’hui m’enseigner les rudiments de ce sport au Westin Maldives Miriandhoo Resort.

Redl travaille généralement dans des conditions extrêmes : lors d’une expédition de plongée au pôle Nord par – 40 °C, par exemple. Aux Maldives, la séance sera aussi placée sous le signe de l’extrême pour l’homme de 48 ans : du confort extrême, dans la piscine à 26 °C. Notre premier exercice commence : retenir sa respiration sous l’eau aussi longtemps que possible. À la maison, dans ma baignoire, j’avais tenu 1 min 11 sec. Mais grâce aux instructions de Redl, j’arrive à dépasser mon record personnel : 1 min 26 sec. « D’ici quarante minutes, nous aurons doublé ce record », explique Redl, originaire d’Autriche. Impossible, me pronostique mon cerveau embrumé. Journaliste sportive, je me consacre généralement aux arts martiaux. Sur la terre ferme. Mais Redl a déjà enseigné à plus de 10 000 personnes la plongée en apnée. Selon lui, c’est l’un des sports les plus sûrs au monde. Au pire, on s’évanouit. Une expérience qu’il a lui-même vécue à plusieurs reprises.

De la banque au bassin

Redl a recommencé de zéro il y a presque vingt-cinq ans. Fan de films comme Top Gun, il voulait faire quelque chose d’extraordinaire de sa vie. « Tout le monde pensait que j’étais fou d’abandonner mon travail de banquier pour réaliser ce rêve », se souvient Redl, dispensé de gymnastique à l’école à cause d’un mauvais alignement du pied. Devenir un athlète de l’extrême semblait exclu. Mais pas pour Redl, qui assure trouver une solution à chaque problème. Il enchaîne les records du monde, et bientôt le nom de Redl a été inextricablement lié à l’apnée. Plonger dans le lac le plus haut du Népal, à 5 160 mètres d’altitude, au péril de sa vie ? Check. Comment ? En se libérant de sa peur par la respiration. C’est ce que Christian et la formatrice de yoga de l’hôtel m’enseignent. Inspirer avec

WAHOUH ! Westin Maldives Miriandhoo Resort au milieu de l’atoll de Baa.
« En utilisant la bonne technique de respiration, je parviens à faire passer mon record personnel d’une minute trente à plus de trois minutes. »
« L’apnée est une expérience de l’extrême. »

Autrice de voyages et podcasteuse, Silvana Strieder était parée pour se rendre sur l’île.

À COUPER LE SOUFFLE Lors des premières séances de plongée en mer, Christian Redl (en haut à droite) nous montre comment garder la tête froide et maîtriser sa peur. Check !

le ventre, puis expirer deux fois plus longtemps que l’on a inspiré. Et garder une narine fermée chaque fois. Après quarante minutes, la tête vide, le corps détendu, nous sommes prêt·e·s pour notre prochaine tentative. Et en effet : je tiens 3 min 8 sec ! Comme Redl l’avait prédit. Lui parvient à tenir 7 min. Mais l’entraînement continue ! Nous apprenons des techniques de plongée dans la piscine : utiliser les palmes et faire les bons

« Je n’entends que le bruit de l’eau et les battements de mon cœur. Soudain, mes pensées se font pressantes. »

À LA POUBELLE

Ramasser les déchets avec les enfants de Maalhos pour les sensibiliser à la protection de l’environnement.

BIODIVERSITÉ

L’atoll de Baa compte près de 1 200 poissons et 250 espèces de coraux à découvrir.

mouvements de jambes. L’après-midi, nous plongeons en mer pour la première fois. Au bord du récif, nous descendons vers le néant bleu de l’océan Indien. À 5 mètres de profondeur, je dois interrompre la séance, car mon oreille gauche ne veut pas égaliser la pression. Probablement en raison d’un léger rhume. Les deux requins qui passent soudain à proximité accélèrent encore ma remontée.

L’atoll de Baa offre des conditions parfaites pour la plongée en apnée et est également la première réserve de biosphère de l’UNESCO aux Maldives. À une heure du Westin Resort, une station

Conseils de voyages

Aperçu exclusif

Les établissements Bonvoy Moments du groupe Marriott offrent des expériences incomparables. Les membres peuvent accumuler des points lors de séjours dans les hôtels partenaires et les utiliser pour des événements exceptionnels, dont une séance de plongée en apnée avec Christian Redl.

Le Westin Maldives

L’hôtel est réputé pour son programme santé et la diversité aquatique du site. Points forts : une salle de gym luxueuse, un spa et trois restaurants gastronomiques.

équipée de cordes est préparée pour notre plongée. Je me laisse entraîner vers les profondeurs. Il est difficile d’égaliser la pression au bon moment. Sous l’eau, on ne perçoit que les battements de son propre cœur, et les pensées peuvent devenir oppressantes. Je suis saisie de panique à plusieurs reprises et remonte à la surface, notamment à la ligne des huit mètres de profondeur.

Une mer sans plastique

La collaboration de Redl avec l’hôtel Westin Maldives Miriandhoo Resort et le Marriott « Bonvoy Moment » n’est pas due au hasard. « Nous sommes passionnés par la plongée, mais aussi par la protection des mers », explique-t-il. Redl a organisé des collectes de déchets plastiques avec les enfants sur l’île de Maalhos pour les sensibiliser à la protection de l’environnement. « La plupart des gens croient qu’en jetant une bouteille en plastique à la mer, elle va disparaître avec la prochaine vague. Or il flotte en mer aujourd’hui autant de déchets que cinq fois la superficie de la Suisse. Et il y en a tout autant au fond de l’eau », explique Redl. En trente minutes, il a collecté 211 kg de déchets plastiques avec les élèves. Pour plus d’informations et de soutien, le Westin Resort travaille maintenant en étroite collaboration avec les locaux pour préserver ce paradis de la plongée qu’est l’atoll de Baa.

westin-maldives.com

MONTRES/ VAMOS

A

LA PLAYA

La nouvelle collection

Swatch ESSENTIALS fleure bon l’été : ces modèles conjuguent un style délicieusement rétro et de rafraîchissants coloris.

Lâche prise… mais reste à l’heure

Grâce à ces montres

Swatch

on met le cap sur la plage, et on ne rate pas ses rendez-vous.

1/ RAYURES MENTHE À L’EAU

Ou comment porter l’été au poignet avec fraîcheur et élégance ! Beach Tour, 165 CHF

2/ OVERSIZE

Un bracelet en silicone aussi léger que sa couleur qui rappelle une plage de sable blanc, ainsi qu’un boîtier en acier inoxydable. Confident Moment, 200 CHF

3/ TOUTE EN FINESSE

Sophistiqué ET décontracté : le chic casual de ce bracelet en tissu t’ouvrira les portes de tous les QG de la faune BCBG du bord de mer ! Beside The Sea, 185 CHF

4/ COACH TONIQUE

Conserver ton beach body tout au long de la saison, c’est possible avec cet allié au cadran en acier inoxydable et au bracelet textile vif. Vacation Time, 185 CHF swatch.com

La liberté dans le bus électrique.

Pour le musicien et sportif professionnel suisse Pat Burgener, l’ID. Buzz GTX entièrement électrique est la voiture idéale. Vous aussi, apprenez à apprécier ce véhicule polyvalent et inscrivez-vous à l’adresse www.idbuzz.ch pour un essai routier gratuit de 24 heures.

Si quelqu’un connaît l’ID. Buzz, c’est bien Pat Burgener. Lorsque le bus entièrement électrique est arrivé sur le marché en 2022, le Lausannois a reçu le tout premier modèle pour la Suisse. Après près de trois ans et 60’000 kilomètres parcourus, il roule depuis peu avec la version la plus récente: l’ID. Buzz GTX à empattement long.

«J’étais déjà super satisfait du van jusqu’à présent. Mais maintenant, il a vraiment tout ce que l’on peut souhaiter», déclare l’énergique musicien et sportif professionnel. Deux points sont particulièrement importants pour lui: l’espace supplémentaire et la traction intégrale 4MOTION.

Pat Burgener, comment utilises-tu l’ID. Buzz?

Je suis constamment en déplacement et je n’ai plus de domicile fixe. La plupart du temps, je dors donc dans le bus. En plus d’un matelas, j’ai toujours ma guitare et une planche de surf ou de snowboard avec moi. L’ID. Buzz est pour ainsi dire mon appartement sur roues et il offre désormais encore plus d’espace de rangement qu’avant.

Qu’est-ce que tu apprécies particulièrement dans la version GTX?

La traction intégrale me convient énormément en tant que passionné de sports d’hiver. La GTX a nettement plus d’adhérence, ce qui est surtout perceptible en montagne et en dehors des routes asphaltées. De plus, les deux moteurs électriques fournissent 340 ch. En à peine 6,5 secondes, l’ID. Buzz GTX atteint les 100 km/h, soit presque aussi vite qu’une voiture de sport, mais il est nettement plus spacieux (rires).

L’effet secondaire positif de l’empattement allongé est l’agrandissement de la batterie dans le dessous de caisse. Elle a désormais une capacité nette de 86 kWh et offre une autonomie pouvant atteindre 463 kilomètres. «Pour la Suisse, c’est tout à fait suffisant», sait Pat Burgener par expérience. Et quand il faut aller plus loin, le bus électrique peut charger jusqu’à 200 kilowatts. «Ainsi, la batterie est presque entièrement rechargée en une demi-heure et une sortie surf sur la côte atlantique ne pose aucun problème».

Sur les longs trajets en particulier, le jeune homme de 31 ans apprécie le confort de conduite de l’ID. Buzz GTX. Les sièges sport confortables, l’accélération en continu et le calme dans l’habitacle y contribuent. «Sans bruit de moteur, on est vraiment plus détendu au volant», souligne-t-il.

Pourquoi l’électromobilité est-elle faite pour toi?

Pour moi, il est important de me déplacer de la manière la plus durable possible. Et les avantages de l’électromobilité l’emportent clairement une fois que l’on s’y est habitué. En outre, les voitures électriques procurent beaucoup de plaisir au volant.

Quelle est ta bande-son parfaite pour un road trip?

Sur les longs trajets, je préfère écouter des chansons d’artistes amis comme Sons of the East ou Kim Churchill. Mais je teste aussi toujours mes propres chansons dans l’ID. Buzz. Le système audio Harman/Kardon est tout simplement génial.

Vous aussi, vous avez envie de découvrir les avantages du nouvel ID. Buzz GTX? Alors réservez dès maintenant le bus électrique gratuitement pour une journée d’essai.

Toutes les informations et l’inscription aux 24h TestDays sur www.idbuzz.ch

Pour tester l’ID. Buzz, rien de plus simple:

Inscrivez-vous aux 24h TestDays gratuits au volant de l’ID. Buzz GTX sur www.idbuzz.ch. Pendant 24 heures, vous pourrez découvrir et apprécier les avantages de la toute dernière version du bus électrique VW, disponible en cinq, six ou sept places. Une carte de recharge gratuite avec un crédit de CHF 20.– est offerte pour chaque journée d’essai. Informations et inscription sur www.idbuzz.ch

VW ID. Buzz GTX long, 340 ch, 86 kWh, boîte automatique à 1 vitesse, 20,6 kWh/100 km, 0 g CO₂/km, cat. C

ÉNIGME/

TICKET D’ENTRÉE !

Ces billets de MotoGP contiennent des informations cruciales. À toi de les trouver pour résoudre l’énigme et découvrir le mot solution, en attendant le lancement du MotoGP d’Autriche. À vos marques…

Les compétences

Ici, tu entraînes ta pensée logique, c’est-à-dire la capacité à traiter les informations de manière structurée, à reconnaître des schémas et à en tirer des conclusions. En bref, il s’agit de ta capacité à résoudre des problèmes en tout genre. Dans le cerveau, c’est surtout le cortex cérébral qui est sollicité, notamment le lobe frontal, central pour les processus de pensée complexes.

Le MotoGP d’Autriche aura lieu du 15 au 17 août prochains sur le Red Bull Ring.

La mission

Trouve les quatre énigmes sur le billet.* Chacune contient deux lettres du mot-solution ainsi que leur position correcte.

MOTO GRAND PRIX

15.–17. 8. 2025 BILLET

MOTO GRAND PRIX

15.–17. 8. 2025 BILLET

Le mot-solution

* Petit indice : cherche dans le titre du ticket, dans le code-barres, fais tourner les roues et place les carrés dans la bonne section de la piste.

Red Bull Ring Spielberg (AT)

Red Bull Ring Spielberg (AT)

Scanne le code QR ci-dessus pour découvrir la solution de l’énigme.

PLAYLIST/ UNE PLACE

PARTICULIÈRE

Exit l’étiquette New Comer, Soukey investit désormais les bacs et les salles avec l’énergie d’une artiste en pleine expansion.

Un premier album studio à 22 ans – qui dit mieux ? À peine Bijoux est-il sorti que Soukey, musicienne, chanteuse et productrice bernoise, déborde à nouveau d’idées. La musique, pour Soukey, est une évidence. À 6 ans, son père lui apprend le djembé. Puis viennent la clarinette, le saxophone – vite délaissés pour une approche autodidacte : piano, guitare, voix. La liberté d’expression devient essentielle. À 19 ans, elle remporte deux prix au m4music Festival de Zurich, avant de s’imposer en tête d’affiche du même festival ce printemps. Depuis, elle collabore avec Lo & Leduc, Artbabe, Z The Freshman ou Stereo Luchs. Expérimenter, lâcher prise, repousser les limites : sa musique est un laboratoire. Tantôt brute et percussive, tantôt aérienne et introspective, elle explore afro-grooves, textures électro, pulsations hip-hop et éclats pop-punk. Un mélange viscéral qui électrise autant qu’il touche. Pour The Red Bulletin, Soukey lève le voile sur quatre titres intimistes.

En tournée cet été ; IG : @s0ukey

Tarrus Riley Superman (2009)

« Je l’ai écouté des dizaines de fois pendant un long trajet en voiture vers l’Italie. Il me rappelle les jours insouciants, les rires partagés en famille, l’excitation des vacances et ce sentiment de liberté. Ce titre réveille des émotions très fortes de nostalgie, sécurité, joie. C’est pour cela qu’il compte autant : c’est comme une clé musicale qui ouvre la porte d’un moment précieux de ma vie. »

The Internet Girl (2015)

« Ce titre m’a soutenue à une période où je me posais beaucoup de questions, car il est doux, honnête, vulnérable. Il m’a aidée à me comprendre et à m’accepter. Je l’associe au fait de tomber amoureux – de quelqu’un, comme de soi-même. Cette chanson me rappelle combien il est beau, et difficile, de partir en quête de soi. C’est pour ça qu’il a une place particulière dans mon cœur. »

Soukey Weniger (2025)

« Un titre personnel, auquel je m’identifie pas mal en ce moment. En l’écrivant, j’ai travaillé des choses très intimes, floues, qui avaient besoin d’espace. Il parle de la lutte avec le passé, de la lente disparition de certaines émotions. Ce mix de dureté et de fragilité se reflète dans le son brut, direct, presque défiant. C’est une réflexion sur la mémoire, l’impermanence et ce qui reste. »

Judeline 2+1 (2023)

« Je l’écoute en boucle en ce moment. Il y a quelque chose d’hypnotique, mélancolique, et très puissant dans la manière dont Judeline chante et dont le morceau se construit. Il me transporte. C’est une émotion, à mi-chemin entre légèreté et profondeur. Quand je l’écoute, je ressens exactement ce dont j’ai besoin. Ce morceau m’a attrapée – sans explication, juste émotionnellement. »

MÉTISSAGE Sans cesse en mouvement, Soukey qualifie sa musique de « situative », évoluant au gré des influences.

DES AIIILES POUR L‘ÉTÉ.

NOUVEAU

Pêche blanche

AGENDA/

ÇA ENVOIE DU LOURD

Action, beats et émotions : en matière de sport, de danse et de son, l’été 2025 a de quoi ravir tout le monde.

au 27 juin

Red Bull X Alps

C’est reparti : les meilleurs athlètes de Hike & Fly au monde s’affrontent lors du Red Bull X-Alps, la plus grande course d’aventure au monde. Le coup d’envoi est donné à Kitzbühel-Kirchberg, en Autriche, avec une arrivée à Zell am See. Et entre les deux, un parcours record de 1 283 km, le plus long de l’histoire de la course. Les 35 personnes participantes doivent franchir les Alpes via seize points de passage répartis dans cinq pays, en marchant et en volant chaque jour sur de longues distances. En Suisse, les étapes sont : Ascona-Locarno, Bellinzone, Disentis-Sedrun, le Niesen et SaintMoritz. Le public peut suivre tout·e·s les concurrent·e·s en direct grâce au live tracking sur le site officiel. Tu veux connaître le grand favori

pour cette victoire 2025 : le Suisse Chrigel Maurer, huit fois vainqueur de la course, alias « l’Aigle d’Adelboden », qui vise un neuvième sacre. Patrick von Känel, originaire de Frutigen, est également un sérieux prétendant à la victoire ; il est très enthousiaste à l’idée du nouveau tracé : « C’est un vrai plaisir de repasser par des étapes en Suisse. Mon point fort, c’est clairement le vol, mais j’ai aussi bossé la marche. Le plus important, c’est de bien gérer son énergie. » La stratégie dépend évidemment de la météo et de la possibilité de voler ou non. « Je suis ultra motivé », ajoute-t-il. Les autres Suisses en lice : Nicola Heiniger (Uttigen) et Lars Meerstetter (Meiringen-Hasliberg). redbullxalps.com

« Une épreuve d’endurance qui force le respect. »

Patrick von Känel (à g.) et Chrigel Maurer, deuxième et premier en 2021.

LES TROIS CIMES Le parapentiste Patrick von Känel devant les Tre Cime di Lavaredo, dans les Dolomites.

2

au 6 juillet

Swatch Beach Pro Gstaad

Du beach-volley dans un décor alpin : depuis plus de vingt ans, le Swatch Beach Pro Gstaad transforme l’Oberland bernois en scène de beach-volley de haut niveau. Niché dans un cadre alpin à couper le souffle, ce tournoi est considéré comme l’un des plus beaux et plus intenses du circuit mondial. Quand les meilleures équipes s’affrontent devant un tel panorama, les frissons sont garantis. See you @ the beach – au cœur des Alpes ! beachgstaad.ch

4

au 19 juillet Montreux Jazz Festival

Pour cette 59 e édition, des légendes et des figures majeures de la scène musicale actuelle se réunissent sur les rives du lac Léman. À l’honneur : Neil Young, Grace Jones, Chaka Khan, Brandi Carlile, FKA Twigs, Fuji Kaze, etc. montreuxjazzfestival.com

27 et 28 juin Horse Park Festival

Ce festival transforme l’hippodrome de Dielsdorf (ZH) en haut lieu de la scène électro. Deux jours de beats, d’énergie et de good vibes avec des têtes d’affiche internationales comme Adriatique, Blond:ish ou encore Gordo. terrazzza.com

21 et 22 juin

Longest Surf Days

La communauté surf fête le jour le plus long de l’année à Sion, à Alaïa Bay, avec des vagues, de la musique et des vibes estivales. Le clou du spectacle ? Une session de surf de nuit avec des planches lumineuses… Un moment inoubliable ! Venez nombreux·ses ! alaia.ch

30

août au 14 septembre

UCI Mountain Bike Valais

Pour la première fois, les Championnats du monde UCI de VTT 2025 réunissent toutes les huit disciplines du VTT dans une seule région : le Valais. De Zermatt à Crans-Montana, d’Aletsch Arena/Bellwald à Champéry, huit destinations valaisannes accueilleront les épreuves – au moins une par lieu. La cérémonie d’ouverture aura lieu à Sion. valais2025.ch

29 au 31 août

Red Bull Dance Your Style Finale

Le 5 juillet 2025, la Place des Pionnières à Lausanne accueillera les qualifications du Red Bull Dance Your Style. Les danseurs et les danseuses s’y affronteront en 1 contre 1, et c’est le public qui désignera les vainqueur·e·s en direct. Les meilleur·e·s décrocheront leur place pour la grande finale, en août. C’est Zurich, où elle aura lieu, qui deviendra le hotspot du street dance grâce au Red Bull Dance Your Style Weekender. Battles électrisants, workshops créatifs et finale nationale le dimanche au Kaufleuten. redbull.com

20

au 22 juin

Find your Flow Festival

Le plus grand festival de street dance de Suisse prend possession du site industriel d’Attisholz (à Soleure). Plus de 1 700 danseurs et danseuses de trenteet-un pays s’affronteront dans treize catégories, du breaking au hip-hop en passant par le all style. À ne pas manquer : le showcase Red Bull Dance Your Style ! solothurner-tanztage.ch

30

et 31 août

Castle Ride

Urban Downhill

Le lancement des Championnats du monde UCI de VTT sera marqué par une course inédite de downhill urbain ! Les meilleur·e·s spécialistes de descente et freestyle partiront du Château de Tourbillon, traverseront la vieille ville et arriveront au cœur de Sion. Une course spectaculaire dans un décor mi-urbain, mimédiéval, où la vitesse, l’adrénaline et le show seront au rendez-vous. uci.org

2 août

Swiss Tour 2025

Zurich HB

Ne manquez pas la grande finale de la quatorzième édition de la 3x3 Swiss Tour 2025, en plein cœur de la gare centrale de Zurich ! Les douze meilleures équipes de Suisse s’y disputeront une place pour la FIBA 3x3 World Tour, puis pour la fianle à Manama (Bahreïn) en novembre. Ambiance urbaine, show de haut vol et basketball de rue au top niveau garantis. worldtour.fiba3x3.com

10 au 12 juillet

Openair

Frauenfeld

Les plus grands noms du rap et de la scène urbaine internationale débarquent en Suisse ! Sur la Grosse Allmend, des dizaines de milliers de fans vibreront avec Justin Timberlake, 50 Cent, Young Thug et d’autres stars pendant trois jours intenses. Beats puissants, basses profondes et live inoubliables sur plusieurs scènes, en pleine nature, au bord de la Thur. openair-frauenfeld.ch

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JUSQU‘À LA FINALE ?

AGENDA/

LA PASSION AU RENDEZ-VOUS!

Avis à qui rêve de rencontrer Dani Pedrosa : va jeter un œil au Red Bull World of Racing dans le musée suisse des transports de Lucerne.

Dès sa première visite, la légende de MotoGP a promis de revenir.

the red bulletin : Il y a deux types de pilotes : ceux qui se fchent de l’histoire de leur sport et ceux qui, comme Sebastian Vettel, lui vouent un culte. À quelle catégorie appartiens-tu ? dani pedrosa : Je fais clairement partie de la catégorie des nostalgiques ! Quand j’étais gosse, je regardais toutes les courses de motos. C’était l’époque des moteurs deux-temps. Les courses étaient plus radicales, la passion jouait un rôle primordial. Aujourd’hui, tout est plus pro, ce qui est génial pour les fans qui ont droit à plus d’action, mais moi, je reste un inconditionnel de la vieille époque.

Conserves-tu des accessoires après tes courses ?

Oui ! J’ai accumulé pas mal de trucs, notamment de mes débuts. À la fn de ma carrière, Honda m’a ofert deux de mes modèles de championnat du monde et des mécanos s’occupent de l’entretien. Théoriquement, je pourrais monter dessus à tout moment.

Ça t’arrive de te demander comment tu as pu rouler avec ces engins ?

Les modèles de MotoGP actuels sont très diférents des anciens… Ce qui est impressionnant, c’est de voir à quel point les motos actuelles sont rapides. La Moto2 est désormais aussi rapide que la catégorie reine de l’époque. Et la MotoGP explose les records au tour sur chaque circuit. Ça prouve bien à quel point l’évolution du championnat du monde moto est phénoménale.

Récemment, tu t’es rendu au Red Bull World of Racing. Étais-tu déjà venu au musée suisse des transports de Lucerne ?

C’était la première fois que j’y allais alors que j’habite seulement à deux heures de route. Il faut absolument que j’y revienne en prévoyant plus de temps pour pouvoir

DANS LE FEU DE L’ACTION

Dani Pedrosa est aussi fan de F1. Les visiteurs de l’exposition peuvent monter à bord d’une réplique de la RB19.

« La passion n’a jamais fait défaut. »

Dani Pedrosa est triple champion du

monde de MotoGP.

tout voir tranquillement, y compris la ville et le lac. Ça faisait déjà un petit moment que le musée des transports était sur ma liste. Quand on est là, on comprend mieux la fascination

DIVERSITÉ Le Red Bull World of Racing présente une grande variété d’expos dédiées au sport motorisé – sur deux et quatres roues.

MACHINE À GAGNER

C’est sur cette Honda que Marc Márquez est devenu, à 20 ans, le plus jeune champion du monde de MotoGP.

qu’exercent les sports mécaniques sur nous. La passion a toujours été au rendez-vous, même si, avant, on ne disposait pas des mêmes moyens qu’aujourd’hui.

À quelle époque aurais-tu aimé participer aux courses ?

En tant que fan inconditionnel des deuxtemps, dans les années 1990, forcément.

Sur quel circuit aurais-tu aimé rouler ?

J’ai eu la chance de réaliser mon rêve en roulant sur le circuit de Laguna Seca. Donc il ne reste plus qu’Eastern Creek, à Sydney. Le tracé a l’air sacrément intéressant.

Si tu pouvais essayer l’un des modèles exposés au Red Bull World of Racing pendant une journée, lequel choisirais-tu ?

Je connais bien la MotoGP, pareil pour le motocross. J’ai déjà eu la chance de

conduire une F1. Par contre, le NASCAR manque encore à ma liste. Je suis allé sur le circuit ovale d’Indianapolis une fois et depuis, je me demande quelle sensation ça fait de rouler dans les virages inclinés.

La Honda RC213V exposée au Red Bull World of Racing porte le numéro de Marc Márquez, mais c’est aussi un peu ta moto. Tu as couru pendant treize magnifques années pour cette écurie. Et ce sont d’excellents souvenirs : une moto fantastique, une équipe fantastique et nombre de bonnes courses. Mais ce dont je me souviens le plus, c’est du travail accompli ensemble année après année pour améliorer la moto et pouvoir rivaliser avec Yamaha, face à des pilotes comme Rossi ou Lorenzo. La Honda est toujours aussi belle, même sans ses les ailes et ses nouveaux systèmes aérodynamiques.

Si tu devais choisir une seule moto parmi celles que tu as montées dans ta carrière, laquelle choisirais-tu ?

Je peux en choisir trois ?

Tu as assez de place chez toi ?

Oui. Donc, je ramènerais d’abord la Honda du musée des transports de Lucerne. Ensuite, la Honda de 2006 avec son fantastique moteur cinq cylindres, et pour finir une Honda NSR 250 à deux temps, parce que le rapport poids/puissance était fabuleux et les vitesses collaient parfaitement aux circuits.

Infos sur l’exposition actuelle au musée suisse des transports à Lucerne : redbull.com

IGNAZ KÖNIG/RED BULL WEERNER JESSNER

Des talents de la littérature suisse se livrent sur des sujets qui leur tiennent à cœur, en leur donnant un twist positif.

Daniel Vuataz

Nos vies sont des romans-photos (qui dorment dans les nuages)

Je suis écrivain. Pourtant, mon œuvre la plus aboutie, je le dis sans fausse modestie, est un stock d’images que je ne partage avec personne. À l’heure où j’écris cette chronique, je suis en passe de me faire submerger par ce roman-photo. Mais il faut que je rembobine.

Année 1990. À coup de pellicules de 24 ou de 36 poses, ma mère documente mon enfance et celle de mes frères et sœurs. Jusqu’à mes 5 ans, mon existence tient dans un album en toile bleu ciel, 200 clichés soigneusement collés dans de petits coins transparents.

Septembre 2015. Naissance de ma fille. Je ne mesure pas l’impact de cet événement sur la galerie de mon téléphone – à ma décharge, tout cela (les enfants, les smartphones) est encore très nouveau.

Je photographie ma fille à la volée, puis son frère et sa sœur. Un réflexe s’installe, j’ai besoin de capturer leurs visages, mais également les ciels, les êtres aimés, la clarté sur le lac, un lacet détaché, une liste de courses au stylo effaçable

sur une vitre de cuisine. Je photographie tout. D’abord sans m’en rendre compte, puis de plus en plus consciemment. Je ne passe plus un seul jour sans prendre une seule photo. Certaines fois, il n’y a qu’une image, d’autres fois cent. Dix ans sans date blanche.

Rapidement, je comprends que je dois faire quelque chose de cette moisson. Ne pas laisser le flux d’images s’échouer dans les tristes cimetières de groupes WhatsApp familiaux, ne pas le laisser engorger la mémoire de mon téléphone. Plutôt qu’alourdir le cloud mondial, je donne des formes à mon nuage.

Je m’invente une discipline stricte : chaque soir, je tamise le vrac de la récolte journalière. Je pivote, je recadre, je supprime les doublons (j’ai horreur des rafales), je retouche si j’en sens le besoin. Je réduis, je tiens à jour. Et le romanphoto gagne ses nouvelles planches.

Mais même bichonnées, ces images ne m’apportent que peu de joie dans leurs limbes numériques : il faut pouvoir palper ! Mon amour des livres sans doute. Une fois par an, aussitôt les « Bonne année ! » distribués, je passe à l’action. Je rassemble les douze derniers mois, en général autour de 3 000 images. J’élague encore, sans me retourner. Les 500 survivantes sont versées dans un album sans texte et chronologique : papier mat, 120 pp, 4 cm de dos, 2 kg, 237,95 CHF + 7,90 CHF de frais de port, imprimé à 1 seul exemplaire pour la bibliothèque du salon.

L’album contient tout ce qui restera : les jours d’été et les jours de fête (comme chez tout le monde, j’allais écrire), mais aussi les petits riens, les bourdons, les flaques et les grisailles. Le grain fin de la mémoire.

La collection s’étend de 2015 à 2023. 2024 est sur les rails, merci, je suis à jour. Je ne partage aucune de ces images sur les réseaux sociaux (ça n’est pas motivé, c’est juste que je n’y suis pas. Apparemment, ça me sauve de pas mal de tracas).

Cette façon de photographier mes journées –qui est aussi, je m’en rends bien compte, une façon d’écrire mon histoire – m’est tellement naturelle qu’elle ne me coûte aucune énergie. En revanche, deux problèmes sont apparus. Le premier concerne ma dépendance à cet objet que je dégaine si rapidement : 3 500 jours documentés, cela signifie qu’en dix ans, je n’ai jamais laissé mon téléphone de côté pendant plus d’une journée. Le second est plus narratif : quand et comment mettre fin à l’histoire ? Après quel événement, au terme de quelle année particulière ? Quelle sera la dernière photo, et donc la première date sans image ?

Ce seront peut-être les enfants qui en décideront – après tout, même si les volumes d’images ne sont pas comparables, c’est notre départ de la maison, pour mes frères, ma sœur et moi, qui a marqué la fin de la carrière photographique de notre maman.

Si je tiens le coup, disons, jusqu’aux 25 ans de la plus jeune, il me reste encore 22 années à tirer. 100 000 images, 8 000 jours, 4 000 pages, 60 kg de papier, 1,30 m d’étagères et 7 821 CHF (sans compter le renchérissement ou les problèmes de compatibilité si Ifolor fait faillite, voilà c’est fait, j’ai lâché le nom.)

J’ai pensé à une solution : reprendre un « vrai appareil » et ne le sortir que pour les « grandes occasions ». Mais j’aime précisément sauver les petites journées de l’oubli (je ne crois pas avoir une seule photo de moi qui pleure, enfant). Et puis je connais trop de gens devenus fous avec leurs appareils photos, coincés dans un processus de conversion, de logiciel qui rame, de formats

« Je ne passe plus un seul jour sans prendre une seule photo. Certaines fois, il n’y a qu’une image, d’autres fois cent. Dix ans sans date blanche. »

RAW qui attendent depuis quinze ans sur des disques durs illisibles. Croyez-moi : ils ne feront jamais leurs albums.

J’imagine parfois l’absurdité de la situation, si ma vie changeait brutalement. Qu’il fallait tout reconstruire. Qui pourrait supporter, au matin d’une nouvelle relation, ce petit mot : « Tiens, voilà 60 kilos de photos, c’est l’intégrale de mon histoire, bon courage. »

Quand je feuillette les 2 000 photos de ma fille avant ses 5 ans, et que je les compare aux 200 que contient mon album bleu ciel (ou aux 20 images de mes parents au même âge, aux 2 tirages sépia de mes grands-parents), je me questionne. M’en voudra-t-elle d’avoir couvert à ce point son enfance ? Adhérera-t-elle à la narration ? Pour le moment, elle s’assied dans le canapé rouge, elle prend une année au hasard et l’ouvre en grand sur ses genoux, appliquée. Elle dit qu’en cas d’incendie, ce sont ces livres qu’elle sauvera.

Dans l’immédiat, je ne sais pas encore comment je vais me sortir de cette histoire sans fin –ni si j’ai même envie d’en sortir. Je vais simplement prendre une photo du bureau sur lequel j’écris cette chronique : l’ordinateur sur la surface noire et brillante, le reflet de la fenêtre, le petit paquet de post-it ronds, le chargeur du téléphone comme une ligne de vie.

Grâce à cette image, je me souviendrai que le jeudi 17 avril, j’écrivais dans mon atelier, en fin d’après-midi – souvenir calé entre un phô au bœuf du centre-ville, des œufs de Pâques gribouillés au Neocolor et des gouttes d’eau sur une feuille de lys (il pleuvra ce soir en rentrant). La photo finira peut-être dans l’album 2025, au centimètre 42 de cette vie compressée, archivée verticalement sur papier mat. Elle ne dira pas la discussion du matin avec l’éducatrice de la crèche, la playlist Piano focus pour relire ces lignes, elle ne dira pas non plus la camomille froide ni mon envie d’être déjà dans ce petit Airbnb du Jura mercredi prochain avec mon amoureuse – sans les enfants ! Juste une image de plus dans la timeline de mon téléphone. Dans mon cas : un mémo visuel, un raccourci vers les souvenirs. Dans le cas de n’importe qui d’autre : la case d’un roman-photo nimbé de mystère, endormi dans les nuages.

DANIEL VUATAZ écrit le plus souvent en collectif, notamment des romans volontiers dystopiques aux Éditions Zoé (Stand-by, Terredes-Fins, Le Jour des silures). Le prochain parlera de cinéma et d’alpinisme; il paraîtra en 2026 sous le pseudonyme d’Elen Fern.

10 questions à Wizdomblendz

Le succès de Cheyne Lewin Hofer, styliste et barbier, se mesure à son demi-million de followers TikTok et aux kilomètres que ses clients sont prêts à parcourir pour une coupe.

Quelle star aimeraistu avoir comme pote ?

Le rappeur américain 50 Cent. Business, humour, grind… un combo de tueur.

FAISEUR DE TREND. Dans son salon à Granges (SO), Wizdomblendz coupe les cheveux et les vidéos au cordeau, créant le buzz avec ses créations comme avec la coupe Edgar Taper Fade. @wizdomblendz

Un mot que tu ne supportes pas ?

« Normal ». Qui décide de ce qui est normal ?

Ta tendance favorite sur les réseaux en ce moment ?

L’authenticité. Les gens recommencent à kiffer les vraies histoires plutôt que les filtres.

Ton objet préféré ?

Ma tondeuse. Sans elle, rien ne va. C’est comme un troisième bras pour moi.

Un fait inutile dont tu es fier ?

Les cheveux poussent en moyenne de 1 à 1,5 cm par mois.

Plaisir coupable ?

Un bon gros döner bien juteux à minuit et demi. Don’t judge me.

Un talent caché ?

Je danse vraiment bien. Peu de gens le savent.

Le métier de tes rêves quand tu étais gosse?

Gamer professionnel . Mais un avec un Fade bien nette .

Ta coiffure préférée ?

En ce moment, la coupe Richard Ríos. Propre, intemporelle et masculine.

Ton must au karaoké ?

No Diggity, de Blackstreet. Un classique qui a du flow.

Qu’est-ce qui nous pousse à nous dépasser ? À braver l’inconnu ? À nous aventurer au-delà de nos limites ? Un état d’esprit audacieux. Celui-là même qui a présidé à la création de la marque TUDOR et qui anime ceux qui choisissent de porter nos montres. Celui-là même qui donne à l’équipe Visa Cash App Racing Bulls l’envie de se dépasser, saison après saison. A leurs poignets, des montres TUDOR robustes et précises, à la pointe de la technologie horlogère, forgées par l’expérience de décennies au service des sports motorisés. Certains se contentent de suivre. D’autres sont nés pour oser.

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