The Red Bulletin CF 06/25

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Dom Daher

a photographié tout ce qu’il est possible de faire dans le domaine du sport d’hiver ces dernières décennies… hormis des sauts acrobatiques et des exercices dans une piscine.

C’est maintenant chose faite avec Noé Roth! P. 64

Ben Tallon est illustrateur britannique pour The Guardian, The New York Times et la Premier League. Son trait énergique allie le travail manuel à la réalisation numérique. Pour ce numéro, le Britannique a réalisé le lettrage à la main de notre couverture.

Belp (BE). Elle signe la chronique littéraire On a Positive Note de ce numéro, et nous parle de son manège enchanté intérieur pour trouver la paix. P. 120

Il est de retour ! Et avec lui, des descentes à couper le souffle, des sauts spectaculaires et la fièvre de l’action dans l’air glacé : place à l’hiver ! Les athlètes retrouvent leurs terrains de jeu favoris, et le pays entier se remet à vibrer au rythme de la saison blanche.

Ainsi en va-t-il de nos prodiges locaux, Franjo von Allmen qui, lorsqu’il n’est pas sur ses skis, s’élance à moto off road (page 36), ou Marco Odermatt qui a déjà remporté tout ce qu’il est possible de gagner dans son domaine (page 52). L’un et l’autre racontent comment conjuguer des passions multiples et entretenir la flamme pour leur discipline de prédilection.

Et pour le grand final : 27 esprits affûtés, autant de visions du courage, du risque et du plaisir dont les histoires te donneront envie, à toi aussi, de braver tes limites (page 75).

Bonne lecture ! La Rédaction

THE M5 TOURING

Le double champion du monde Loïc Meillard, caméra au poing.

Marco Odermatt a tout gagné. Aussi l’envie d’avoir envie ?

La méthode Mathilde Gremaud pour rester lucide et focus.

Noé Roth, l’étoile montante des figures aériennes.

Les idoles du public au sommet de leur forme, et à suivre cette saison.

Fanny Smith revient sur son impressionnant parcours.

L’ancien skieur pro Marco Büchel nous ouvre les portes de la vie quotidienne des athlètes

Le skieur Lucas Pinheiro Braathen nous ouvre les spots de sa ville d’adoption, Milan.

Franjo

Conceptión, Chili

Forcer la chance

Le Rallye Chile Bio Bío, qui s’étend sur quatre jours, est réputé pour ses pistes rapides et exigeantes en gravier. La visibilité y est souvent réduite par le brouillard : les notes du roadbook doivent donc être impeccables, car une annonce manquée du copilote peut propulser la voiture dans les fourrés en une fraction de seconde. Pour les deux Belges Grégoire Munster et Louis Louka, tout s’est bien enchaîné lors de l’édition de septembre : ils ont décroché une très belle huitième place au volant de leur Ford Puma Rally1. IG : @gregoiremunster, @loucodriver

Boston, USA

Action2

Pour célébrer sa centième étape, les Red Bull Cliff Diving World Series ont offert un spectacle unique : les athlètes ont sauté depuis le mât d’un voilier. C’est ainsi que, dans le port de Boston, ont été prises ces images spectaculaires de l’Australienne Rhiannan Iffland (à g.), et de l’Américaine Kaylea Arnett. Leurs plongeons synchronisés depuis une plateforme de 21 m semblent se refléter dans l’air. Après ce show exceptionnel, Iffland a remporté la finale de la saison, et ainsi le titre de la série 2025.

IG : @rhiannan_iffland, @kayleazoe

Tachkent, Ouzbékistan Dream Team

B-Boy mexicano-américain Victor (à g.) est double champion du monde Red Bull BC One. B-Boy Dias, originaire du Kazakhstan (en bas), est une figure incontournable de la scène break en Asie centrale. Quant à Killa Kim, B-Girl venue d’Ukraine, elle est l’une des voix féminines les plus puissantes du break international. Leur point commun ? C’est à elleux que les participant·e·s du Red Bull BC One Cypher Uzbekistan ont dû prouver leur talent : un jury de haut vol. IG : @supamontalvo, @_killa_kim_, @dias.awbakir

Porto Alegre, Brésil

Raide dingue

Un rêve qui ne l’a pas quitté pendant treize longues années : à 50 ans, la légende brésilienne du skate Sandro Dias a transformé le Centro Administrativo Fernando Ferrari, à Porto Alegre, en une rampe géante pour une prouesse audacieuse. Depuis le toit de ce bâtiment de 22 étages, il a dévalé plus de 70 mètres, atteignant la vitesse vertigineuse de 103,8 km/h. Six fois champion du monde de Vert-Skating, il a battu non pas un, mais deux records du monde : celui du drop le plus haut sur une quarterpipe temporaire, et celui de la vitesse la plus élevée jamais enregistrée dans cette discipline. « N’abandonne jamais tes rêves ! », a-t-il déclaré après sa descente record. Mission accomplie !

IG : @diassandro

1 000 000 000

Anxiogène à souhait

La très attendue cinquième saison de Stranger Things arrive le 27 novembre sur Netfix. À cette occasion, suivons Onze et ses acolytes dans l’efroyable monde à l’envers de Hawkins.

9,5

ans se sont écoulés entre la sortie du premier épisode, en 2016, et le lancement de la cinquième et dernière saison cette année. Dans la ville fictive de Hawkins, seulement quatre années ont passé, de 1983 à 1987.

906

garçons et 307 filles ont passé des auditions pour les rôles des enfants.

Gaten Matarazzo, qui joue Dustin, s’est vu proposé un contrat aussitôt après que l’équipe a visionné sa vidéo de casting.

11

ou Onze, ou Eleven dans la V.O., n’est pas que le nom du personnage principal, mais aussi l’âge de Millie Bobby Brown quand elle a passé l’audition. Aujourd’hui, elle a 21 ans et est mariée à Jacob Hurley Bongiovi.

de dollars américains ont été générés jusqu’en 2023 grâce aux produits dérivés de la série –allant des boîtes collector Lego au « Upside-Down Whopper » chez Burger King.

7,5

heures, le temps que l’acteur britannique Jamie Campbell Bower devait passer chaque jour au maquillage pour se transformer en monstrueux Vecna.

37

ans après sa sortie en 1985, Running Up That Hill devient la chanson phare de la quatrième saison. À 63 ans, Kate Bush devient la chanteuse la plus âgée avec un titre qui caracole en tête des charts au UK.

286 790 000

le nombre d’heures streamées les trois premiers jours de la sortie de la 4e saison. Ce démarrage viral a propulsé Stranger Things au rang des séries les plus streamées de 2022 aux USA.

545

kilos de sel d’Epsom ont été utilisés pour donner l’impression que Onze flottait en apesanteur dans la cuve d’eau, dans la première saison.

4

½

heures, la durée de la première rencontre entres l’actrice Winona Ryder, qui joue Joyce Byers, et les réalisateurs Matt et Ross Duffer. Le lendemain, elle acceptait le rôle.

PLACE À UNE CLASSE À PART.

Boost instantané

Avec les E-Skimos, un moteur vous pousse à la montée. Notre expert tech Kirafn est parti en virée pour essayer.

L’objet

Derrière la fixation de ce ski de rando se cache un moteur électrique qui entraîne une chenille placée sous le ski. Grâce à des capteurs et à une IA, le système détecte les passages les plus exigeants et s’enclenche automatiquement. Selon le fabricant, on grimpe ainsi jusqu’à 80 % plus vite tout en dépensant 30 % d’énergie en moins. Avant la descente, moteur et chenille se rangent dans le sac.

Le buzz

Qui dit innovation mondiale dit forcément TikTok. Les vidéos sont pour l’instant rares, mais un clip, signé @monsieurgrrr, approche déjà le million de vues.

L’avis

Pas idéal pour les sorties axées sur la performance. Mais pour une rando détente, l’assistance permet de garder assez de jus pour l’aprèsski. Les 4 500 francs de la version de lancement, eux, piquent un peu.

BILAN

Kirafin

de son vrai nom Jonas Willbold, 31 ans, divertit son 1,3 million d’abonné·e·s sur TikTok avec des formats humoristiques. En parallèle, il vit sa passion pour les tendances tech. Pour nous, il passe les hypes actuels au crible.

Le moteur fait tourner un ruban cranté sous le ski, qui exerce la traction.

Un bouton sur la poignée du bâton permet d’augmenter ou de réduire l’assistance.

À prescrire pour…

… les fans d’E-VTT qui veulent prolonger leur kiff en hiver.

À proscrire pour…

… les puristes pour qui une montée ne se fait qu’à la force des jambes.

LE NOUVEAU CLA ÉLECTRIQUE.

Jusqu’à 792 km d’autonomie: avec le nouveau CLA, découvrez la nouvelle génération du plaisir de conduire entièrement électrique, associé à l’intelligence artificielle, à un design avant-gardiste et à une technologie d’avenir. Montez à bord.

James Vickery

Devenu sourd d’une oreille quand il était enfant, il est l’un des chanteurs les plus fascinants de la scène R’n’B britannique actuelle. Rencontre.

C’est lorsqu’il a dû réapprendre à parler que James Vickery a découvert qu’il savait chanter. Fils d’un père gallois et d’une mère sud-africaine, le petit James grandit dans le sud de Londres. Il passe son enfance en partie dans les hôpitaux à cause d’inflammations chroniques de l’oreille qui altèrent de plus en plus son audition. Au bout de quelques années de calvaire, on découvre la véritable cause : une tumeur au cerveau potentiellement mortelle est en train de se développer vers l’encéphale. James Vickery a neuf ans lorsque la tumeur lui est retirée : il est sauvé, mais les séquelles sont lourdes – il n’entend plus de l’oreille gauche et perd sa voix.

Après l’opération, alors qu’il prend des cours de chant pour essayer de retrouver sa voix, sa professeure l’encourage à persévérer – un précieux conseil, puisque c’est grâce à son style et sa voix uniques que James Vickery est aujourd’hui connu. Son premier grand succès, Until Morning, a cumulé 40 millions de vues en 2018 sur YouTube. À l’époque, il bossait dans un cinéma et a dû prendre un jour de congé pour enregistrer cette chanson. « Je me sentais à un carrefour, se souvient-il. Je me rappelle avoir dit à mon manager : “Si je me donne à fond, tout peut changer.” » Et il a eu raison – tout a changé : d’abord un contrat avec une maison de disques puis le lancement d’une carrière professionnelle dans la musique – un rêve devenu réalité.

L’année 2025 a été particulièrement active, marquée d’abord par un concert en mai devant les supporteurs et supportrices du Crystal Palace FC (un club du sud de Londres, son préféré), juste avant la victoire sensationnelle de l’équipe en finale de la FA Cup (1-0 contre

Focus

Naissance Londres Âge 31 ans Plus grand succès 40 millions de vues du format YouTube de A COLORS SHOW Signe particulier le sigle « silencieux » tatoué derrière l’oreille gauche Moment charnière C’est un spectacle des Boyz II Men qui l’incite à devenir chanteur

Manchester City) ; puis par la sortie de son deuxième album, James (chez Red Bull Records), dans lequel il exprime avant tout son amour pour le R’n’B tout en y intégrant d’autres sonorités. 2025 est aussi l’année de sa tournée internationale, aux États-Unis et en Europe (actuellement en cours). Nous l’avons rencontré pour discuter avec lui de questions d’identité, de handicaps invisibles – et de la force qu’il y a à montrer ses émotions.

the red bulletin : Quelle est l’inspiration derrière ton nouvel album ?

james vickery : En tant qu’artiste, tu ressens souvent la pression de devoir t’adapter, que ce soit aux sons du moment ou aux attentes des autres. Mais avec cet album, j’ai enfin pu exprimer qui je suis réellement. Il reflète mon côté insouciant autant que mon côté émotionnel. Mes artistes préférés ont toujours été ceux qui repoussaient les frontières : Stevie Wonder, dont la musique traverse les décennies, ou Luther Vandross, qui a exploré la disco, la soul, le motown, puis les sons électroniques et dansants.

C’est rare pour un homme de pouvoir exprimer sa vulnérabilité.

C’est vrai, mais j’en suis fer et je revendique mon côté émotif ; ça fait partie de mon caractère et je crois que mes amis apprécient cela. J’ai écrit cet album juste

avant mon trentième anniversaire. Peu de gens parlent de l’angoisse que cette étape peut provoquer chez un homme, surtout quand tu vois que tout le monde autour de toi semble avoir « réussi sa vie » alors que moi, j’en étais loin : pas de boulot ni de relation stables, pas de sécurité fnancière. Mais en écrivant et en voyageant, j’ai compris que c’était normal et que chacun suit son propre rythme. Et puis juste avant de commencer à écrire, je suis tombé amoureux – cet album ne parle donc pas de chagrin d’amour.

Comment as-tu vécu, enfant, le fait de ne plus entendre d’une oreille ?

J’étais encore très jeune, et mon audition déclinait déjà avant l’opération. Les années qui ont suivi furent les plus difficiles : être à moitié sourd à l’adolescence tout en essayant d’avoir une vie sociale, c’était dur. Je me sentais marginal. Avec un handicap invisible, il faut apprendre à s’adapter. Les gens te parlent normalement, tu ne réponds pas – simplement parce que tu ne les as pas entendus – et ils pensent que tu es impoli ou hautain. Ça peut être frustrant.

En quoi ce handicap influence-t-il ton travail de musicien ?

Les concerts en direct sont les plus complexes. Les chanteurs utilisent des écouteurs intra-auriculaires ; pour moi, le son doit être en mono, pas en stéréo, sinon je n’entends qu’à moitié. Mais cela a aussi ses avantages : regarde les grandes chanteuses comme Mariah Carey – elles se bouchent une oreille pour mieux s’entendre – moi, je n’en ai pas besoin !

Tu as participé à The Voice et The X Factor en Grande-Bretagne. Regrettestu que cela n’ait pas marché ?

Pas du tout ! Quand tu réussis dans ces émissions, on te colle une étiquette tout de suite – et ce n’est pas toujours celle que tu veux. Je comprends les gens qui tentent leur chance ; j’étais l’un d’eux. Si tu n’as ni relations ni parents fortunés, c’est souvent la seule opportunité. Quand ça n’a pas marché pour moi, j’étais anéanti. Mais avec le recul, c’était la meilleure chose qui pouvait m’arriver.

Instagram : @jamesvickery

« Je revendique mon côté émotif ; ça fait partie de mon caractère. »
James Vickery, chanteur à cœur ouvert.

ADÉS THE PLANET

a déjà tout d’une grande. À la croisée de nombreux chemins, elle est l’une des rappeuses les plus intrigantes du game.

ADÉS THE PLANET n’a pas fni de bousculer le(s) genre(s). Après trois EPs, son projet Bâtarde sensible sorti début octobre pourrait défnitivement placer la prolifque artiste et productrice d’origine ivoirienne sur la map d’un rap exigeant et toujours ovniesque. C’est dire s’il aura une place de choix dans sa discographie : elle a présenté ces nouveaux morceaux fn novembre à Paris, à la Main Room : « Ma première date à l’afche en solo. » Reconnue pour sa voix singulière et son univers sombre – l’un de ses précédents opus s’appelle J’pleure en dansant –ADÉS THE PLANET a peu parlé d’elle jusqu’ici. On ne s’attend pas à la trouver aussi volubile lorsqu’elle descend d’un vélo pour s’installer à la terrasse où on l’attend pour l’interview. L’échange débute coïncidemment avec son amour pour le Red Bull, qu’elle clame en énumérant ses goûts préférés. Elle qui avoue « ne rien laisser au hasard » a fait de ce quatrième efort une œuvre d’art totale, signifante dès sa cover, qu’elle a l’habitude de soigner, « bossée et conceptualisée cette fois avec une artiste 3D et vieille connaissance de Côte d’Ivoire ».

Retourner le stigmate

La couv nous met sur plusieurs pistes en installant les enjeux au cœur du projet : l’articulation de sa complexité, aventureuse musicalement et qui sème plein d’indices biographiques et de sa vision de la vie tout au long des textes. Quand on regarde le visuel, on se demande si c’est une hydre à plusieurs têtes qui y fgure, pour marquer son côté multi-facettes ou elle qui se dépeint en pleine mu(e)tation. « Un peu des deux ! On voit un personnage qui sort pour laisser place à un

Focus

Elle y a vécu France, Espagne, Belgique, États-Unis, Côted’Ivoire Récompense Prix iNOUïS Prix en 2025 au festival Printemps de Bourges Label Low Wood Elle écoute le silence ; Surprise, Zinée, Asinine, Ekloz

autre, et qui traduit le fait que je m’ouvre, et qu’il y a encore plein de choses à découvrir de moi. C’est aussi pour représenter le côté bâtard et le côté sensible que j’ai en moi. » Le titre de la mixtape sonne au demeurant comme un clin d’œil au titre du deuxième album de TTC, sorti il y a à peu près vingt ans. « C’est surtout une manière de me réapproprier ces deux termes. Le bâtard n’est pas seulement celui qui b**** des meufs tout le temps, c’est aussi quelqu’un qui est né hors mariage, dont on a du mal à identifer les origines, qui n’a pas de repères. Tout ça, c’est moi aussi. »

Un des singles du projet, Bokit indique qu’elle est aussi antillaise, et amorce d’autres considérations identitaires comme lorsqu’elle dit :« J’suis pas un garçon ni une flle /J’suis équilibrée », qu’elle tord d’un rieur-rictus : « Non, j’rigole. »

La fulgurance recouvre une réalité, celle de l’ablation de sa poitrine, opération longtemps désirée qu’elle a documentée sur Tiktok, sans vouloir être porte-parole. Femme cisgenre, non-binaire, elle a toujours ressenti le besoin de masculiniser son torse. « Je ne suis pas trans, je suis tout aussi femme sans cette poitrine qui gênait la perception de mon corps au quotidien. » Après s’être un peu débattue avec sa légitimité de le faire, s’être stabilisée quelque part – post-Covid, elle a passé trois ans en Côte-d’Ivoire avant de revenir en France – et être en mesure de fnancer

ce geste, ADÉS THE PLANET franchit le pas, toujours dans une démarche d’authenticité, d’alignement avec ellemême, montrer que c’est possible. « Je ne serai pas avocate, je ne bosserai pas dans l’immobilier, voilà qui je suis ! »

Les planètes d’ADÉS

À l’entendre, sa vie d’artiste est arrivée de manière accidentelle. « Une succession d’événements inattendus. » Et de ruptures, avec son quotidien, la France, direction San Francisco où elle part sur un coup de tête faire des études en droit foncier. C’est dans cette capitale queer et importante pour l’histoire des Afrodescendant·e·s qu’elle se découvre, qu’elle apprend à vivre seule et se connecte pour la première fois avec des gens qui font de la musique. Mais comme on l’entend dans Hollywood, morceau rock premier degré qu’on dirait pensé en forme de clin d’œil au rock ivoire – car tous les styles que touchent les Ivoirien·ne·s deviennent le leur – « c’est surtout que le rock et la trap se marient super bien », la rappeuse ne cache ni ses excès passés, ni sa rage.

À son retour en France, après avoir validé sa licence, le Covid l’empêche de retourner aux États-Unis. « J’ai commencé la musique une fois rentrée en France, privée d’indépendance et de perspectives professionnelles prévues par mes études. Tu vois le moment entre l’inspiration et l’expiration ? C’est dans ce laps de temps, que j’ai décidé de repartir en Côte-d’Ivoire où j’ai maquetté plein de sons. » Parmi lesquels, entre autres, Millions. Le déracinement a créé un enracinement dans la musique. Pas stable « mais saine, qui reconnaît ses faiblesses et ses névroses ». Capable, ADÉS veut infuencer dans le bon sens. « Pour certaines personnes tu es une bénédiction, et dans le même temps une malédiction. » La rappeuse a donc fait un projet qui lui ressemble, consciente et toujours prompte à jouer le jeu de l’honnêteté même quand elle dépeint une réalité moche, « pas linéaire, avec des incursions nettes dans d’autres styles que le rap – comme dans Tattoo – parce que pourquoi pas ? Ce n’est jamais risqué d’essayer. » ADÉS veut toujours qu’on danse, mais aussi qu’on pleure un peu moins.

Instagram : @adestheplanet

« Le bâtard c’est aussi quelqu’un [...] qui n’a pas de repères. »
ADÉS au sujet de son choix de titre ultra personnel et de ses origines.

Paul Verbnjak

fait du skimo, une discipline très physique, qui fera son entrée aux JO de Milan-Cortina.
Rencontre avec un jeune athlète pour qui l’effort, c’est du réconfort !

« J’aime repousser mes limites », lance Paul Verbnjak, 23 ans, d’un air entendu et désinvolte, comme s’il s’agissait de la chose la plus naturelle au monde. Avant de confrmer, dans un large sourire – dû sans doute aux hormones du bonheur déclenchées par l’efort : « On ne peut comparer cette sensation à aucune autre. »

Paul Verbnjak, jeune Autrichien au visage d’adolescent, est skieur-alpiniste. Si cette discipline, le ski-alpinisme ou skimo, abréviation de ski mountaineering en anglais, ne te dit rien, rassure-toi, c’est le cas de nombreuses personnes : « C’est en compétition que les gens comprennent mieux en quoi ça consiste, mais en général, je dis simplement que je fais du ski de randonnée. »

À un détail près : le ski-alpinisme de compétition n’a absolument rien à voir avec la randonnée du dimanche telle que la pratiquent quelque 600 000 de ses concitoyen·ne·s à travers le pays. Dans le cas de Paul Verbnjak, la marche devient course, ponctuée de phases de montées, de portages, de parcours technique et de descentes vertigineuses, selon la discipline choisie. Dans le sac à dos, des compétences en endurance, en vitesse et en ski de montagne.

Dur au mal

Les disciplines préférées de notre jeune sportif ? Celles où l’on peut, sans surprise, faire durer le plaisir… et la peine (!) : le Vertical (montée continue de piste jusqu’à 700 mètres de dénivelé) et l’Individuel (au moins trois montées et descentes en terrain libre pour un total pouvant atteindre 1 900 mètres).

est-ce pour cela qu’à la fn de la saison de ski, le jeune Autrichien ne se repose pas : il enquille avec son autre discipline favorite, le cyclisme de route ! Depuis l’été dernier, Paul Verbnjak est cycliste professionnel et court pour l’équipe LidlTrek Future Racing Team. Comme si les courbatures et autres douleurs infigées en hiver ne sufsaient pas… « Je n’arrête jamais complètement le vélo dans l’année, expose-t-il. Aujourd’hui, je mène une double vie. »

Focus

Originaire de Carinthie (Autriche) Âge 23 ans Première sortie à ski avec son père, à 7 ans Plus grand succès Double Champion du monde Junior Avant une course il mange du riz avec des oursons Haribo à la cerise

En Couple avec Sarah Dreier, elle aussi skieuse-alpiniste

« J’ai vite compris que l’endurance était mon point fort », confe le double Champion du monde junior et Champion d’Europe U23. Ayant grandi en Autriche, il a tout essayé : la natation, le vélo de course, le triathlon, avant de se lancer, à 15 ans, dans le ski-alpinisme. « C’est surtout grâce à mon père », raconte-t-il. Aujourd’hui chef de l’équipe autrichienne de skialpinisme, Heinz Verbnjak courait en VTT l’été et s’entraînait à ski l’hiver : « Il m’a pris sous son aile et il m’a même entraîné pendant un an. » Résultat ? « Ça n’a pas marché, répond Paul en souriant. Je faisais le double de ce qu’il me demandait, persuadé qu’il voulait m’épargner. Mais j’ai fni complètement épuisé, à bout de forces. »

Son volume d’entraînement reste aujourd’hui « à la limite haute ». Un exemple : un 31 décembre, il lui manquait encore 2 500 mètres de dénivelé pour atteindre son objectif annuel de… 600 000 mètres. Alors, sans hésiter, il a enchaîné, dans la même journée, plusieurs ascensions du mont Gerlitzen, son terrain de jeux à domicile.

Pas de doute : Paul Verbnjak est d’une volonté sans faille. « Je réussis parce que j’ai une résistance à la douleur supérieure à la moyenne. » Mais attention – ce qui le motive avant tout, c’est le plaisir de l’endurance et de l’efort : « Le jour où je perdrai ça, j’arrêterai tout direct. » Peut-être

Deux fois plus Pratiquer deux disciplines de haut niveau n’est pas donné à tout le monde : cela est très exigeant physiquement et mentalement car les entraînements se chevauchent et l’on doit solliciter diférents muscles : « Sur le vélo, je travaille trop peu le haut du corps, explique le jeune athlète. Et sur les skis, c’est la puissance que je dois transmettre à la pédale qui fait défaut. » Un cercle vicieux ? Au contraire ! D’une part, Paul Verbnjak a une faiblesse pour l’efort pur. D’autre part, le cyclisme est pour lui le meilleur entraînement cardio. « Ça m’aide énormément pour le relais mixte en ski-alpinisme. » Cette épreuve, qui fera ses débuts aux Jeux olympiques de Milan-Cortina en février 2026 avec le sprint (l’autre discipline du ski-alpinisme), réunit un duo homme-femme qui alterne sur un circuit de quelques minutes. Paul Verbnjak espère y participer avec l’Autrichienne originaire de Styrie Johanna Himmer : « Elle est incroyable sur les courtes distances. » Pour l’instant l’équipe autrichienne a déjà son quota, mais la décision fnale tombera en décembre : en attendant, Paul Verbnjak préfère ne pas trop y penser et focalise toute son énergie sur son entraînement. Il sait aussi que même si les JO lui passent sous le nez, il aura le plaisir, au printemps, de remonter en selle pour s’adonner à sa deuxième passion. Pour ce fou furieux de l’efort physique, peu importe le setting tant qu’il y a du challenge et de la sueur !

Instagram : @paulverbnjak

« Je réussis parce que je supporte mieux la douleur que les autres. »
Paul Verbnjak est un champion de l’endurance – sur des skis ou à vélo.

En ligne de mire

Quand un skieur alpin se lance sur la piste, le paysage défile à toute allure. A-t-il conscience de cette nature majestueuse qui l’entoure ?

« J’ai toujours eu conscience de travailler dans le plus bel endroit du monde, explique Marco Büchel. J’avais déjà l’idée de ce cliché du Sassolungo depuis longtemps. » En haut, dernière reconnaissance avant la descente sur les pistes de Val Gardena ; en bas, le photographe, lui aussi sur ses skis, attend patiemment.

Les coulisses sur le devant de la scène

Amateurs et amatrices de clichés chargés d’adrénaline, passez votre chemin. L’ancien skieur pro Marco « Büxi » Büchel fait la mise au point sur les backstages, et met en lumière ces instants de calme derrière l’agitation de la compétition.

Texte Karin Cerny Photos Marco Büchel

Ça joue ou bien ?

Ennemis sur les pistes, amis dans la vie ? « Ce n’est pas une compétition contre les autres mais un combat en solo contre soi-même et contre la poudreuse », explique Büxi qui aime dévoiler ce qu’il se passe en arrière-plan, entre détente et franche camaraderie. Ici, le Français Matthieu Bailet (à gauche) et le skieur alpin grécoaméricain AJ Ginnis, en 2025, en route vers l’entraînement à Zermatt. De quoi parlaient-ils ? « Je ne m’en souviens plus, mais ils avaient l’air de bien se marrer. »

Le photograhe

Marco Büchel, 53 ans, a remporté quatre épreuves de Coupe du monde et participé six fois aux Jeux olympiques d’hiver. Depuis 2010, le Liechtensteinois, détenteur d’un passeport suisse, travaille en tant qu’analyste sportif pour la chaîne de télévision allemande ZDF. Il s’est lancé dans la photo en autodidacte.

Instagram : @marco_buechel

Lui-même ex-skieur pro, Marco « Büxi » Büchel a l’habitude des feux de la rampe. « Je tombe parfois sur des photos de mes descentes, et j’en tire une certaine fierté », concède le Liechtensteinois dont la dernière course de Coupe du monde remonte à 2010. Mais souvent, la presse est redondante, les photos de vainqueur·e·s les bras levés au ciel se ressemblent toutes. C’est pourquoi Marco a consciemment pris son objectif pour refléter le panel des émotions qui habitent les athlètes, loin des clichés gonflés d’adrénaline. « On parle de tout et de rien, je sors mon appareil photo et j’attends d’être sûr à 100 % que je ne dérange pas. » Rares sont les photographes pouvant approcher les skieuses et les skieurs d’aussi près, et les immortaliser avec un tel naturel. « Par nature, je ne suis pas très patient, mais pour réussir la photo parfaite, l’attente est souvent de mise, confie-t-il. Pour moi, c’est l’école de la vie dans toute sa splendeur. »

On s’regarde jamais proche Tu vois le reflet dans le masque de Marco Schwarz ? Büchel s’est agenouillé pour prendre cet insolite cliché de l’Autrichien en train de fixer ses skis. « C’était à Saas-Fee, cette année. Marco est mon souffre-douleur préféré, plaisante l’autre Marco. Il incarne la cool attitude, et en même temps il dégage une douceur qu’on trouve rarement dans le sport. J’adore le prendre en photo. »

Droit devant

Le contraste entre la tension de l’Autrichien Vincent Kriechmayr et la placidité malicieuse du soldat suisse derrière lui, regard caméra, est fascinante et confère à ce cliché une dimension surréaliste. « Je suis particulièrement fier de cette photo : j’ai choisi le cadrage exprès pour qu’on n’aperçoive pas les jambes de Vincent. » C’est la dernière session d’entraînement avant la descente du Lauberhorn, en janvier 2025.

D’égal à égal

Janvier 2025. La neige est tombée toute la nuit sur Adelboden. Au mépris du climat, le Bulgare Albert Popov et l’Italien Alex Vinatzer discutent avec animation après avoir reconnu la piste. « Ce qui rend ce cliché si particulier, c’est la différence de taille entre les deux : du haut de son 1,89 m, Alex est un véritable géant, alors qu’Albert ne mesure que 1,64 m », commente Büxi.

Helvète connexion

Marco Odermatt, Thomas Tumler et Gino Caviezel (de gauche à droite) prennent le téléski à Adelboden. Le jour se lève à peine, il fait un froid glacial, et voilà qu’un invité surprise les rejoint. « Je peux monter avec vous, les gars ?, a demandé Büchel. On s’est raconté nos vies, comme si l’appareil photo n’existait pas. Je fais partie de la famille. »

« En sport, on accomplit des prouesses extraordinaires. Moi, je veux montrer les visages humains derrière tout cela, avec leurs peurs, leurs doutes, et aussi leur côté fun. »

Répétition générale Mise en scène ou réalité ? « Normalement, dans les stations de ski, il y a toujours une forêt pas loin. Ici, ce qui me fascinait, c’était justement cette immensité infinie. On se serait cru dans une prairie plutôt que sur un glacier. On aperçoit le téléski en haut à gauche, c’est tout », ajoute Büxi. Sur ce cliché, la station de Saas-Fee où différentes équipes s’entraînent en parallèle.

« Comme je fais partie de la famille, on m’offre des sourires que d’autres n’auront jamais l’occasion de voir. »

Monstre joie

C’était en 2024. Le Français Cyprien Sarrazin tournait le dos à tous les photographes officiels de Kitzbühel. « J’étais tout seul à l’arrivée. J’ai vu Cyprien sauter juste à côté de moi sur une barrière, se souvient Marco. Sans réfléchir, j’ai levé mon appareil et tac, tac, tac. Dix prises, toutes floues, sauf une, qui capture parfaitement son cri de joie, avec ce petit nuage glacé qui sort de sa bouche en prime. »

MASTER OF MATERIALS

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Franjo von Allmen est un fonceur. En même temps, il trouve le calme nécessaire pour les grandes courses.

L’intrépide

Du chemin de l’école dans le Simmental jusqu’à la descente la plus raide au monde, Franjo von Allmen incarne l’ascension éclair d’un prodige du ski, porté aussi par sa passion pour le motocross.

Texte Christof Gertsch Photos Philipp Mueller
Lors du shooting photo à Zermatt, en avril, Franjo von Allmen affichait son style décontracté.
LORENZ
RICHARD

Janvier 2024, Kitzbühel. Franjo von Allmen se tient pour la première fois au départ de la plus célèbre descente du monde, les yeux rivés sur la pente raide qui s’enfonce tel un gouffre dans la montagne. Il sait ce qui l’attend juste après : la Mausefalle, suivie d’un saut qui le fera s’envoler sur 80 mètres.

Le bon sens voudrait qu’il concentre toute son attention sur ce passage, mais c’est une autre pensée qui s’impose à lui, une règle tacite.

uand on skie ici pour la première fois, on prend trois fois son élan au départ. Non pas que ce soit nécessaire – au contraire, pas besoin d’élan avec une pente aussi raide – mais pour prouver que l’on fait partie du club. Trois plantés de bâtons pour dire : j’ose. Je me donne à fond. Et Franjo en a bien l’intention. Aucun doute là-dessus. La Streif, il veut la descendre comme on saute dans l’eau froide : sans hésiter. Alors il se lance et compte dans sa tête : un, deux... déjà trois ? Le doute ne dure qu’un instant. Mais, comme sur la Streif, le doute sera

Lors de l’entraînement estival à Zermatt, en août dernier, Franjo von Allmen en préparation pour la saison à venir.

toujours plus dangereux que n’importe quel geste, Franjo prend son élan une fois de plus, quatre plantés de bâtons au lieu de trois, juste pour être sûr. Si cela n’a aucune incidence sur son temps, cela en a sur l’histoire de ce jeune Bernois. Parce que c’est là qu’on voit vraiment qui il est : quelqu’un qui préfère suivre une trajectoire parfaite quitte à échouer à l’arrivée plutôt que rester au départ à hésiter.

Né à l’été 2001, Franjo von Allmen est la nouvelle étoile montante de l’équipe de Suisse de ski alpin, un homme de vitesse : sur les skis, bien sûr, mais aussi en regard de son parcours au sommet qui ne s’est pas fait lentement ni insidieusement, mais avec fracas.

Dès sa troisième participation à la Coupe du monde en décembre 2023, il se classe dans le top 10 : neuvième au Super-G de Val Gardena. Quelques jours seulement après ses débuts à Kitzbühel, il décroche son premier podium, une troisième place au super-G de Garmisch-Partenkirchen. Tout cela lors de sa première saison.

Ici, à l’entraînement (en haut) et lors de la course de descente de la Coupe du monde en 2024 à Beaver Creek, aux ÉtatsUnis (en bas).

Et il en remet une couche la deuxième année : dix-sept courses en Coupe du monde, douze places dans le top 10, sept podiums, trois victoires. Avec en point d’orgue, les championnats du monde à Saalbach en février 2025 : l’or en descente, à 23 ans, faisant de lui le plus jeune champion du monde de descente depuis 1989.

Si l’ascension éclair de Franjo von Allmen est remarquable à bien des égards, c’est surtout parce qu’en ski alpin, les carrières fulgurantes sont rares. Nulle autre discipline du ski ne rétribue l’expérience autant que la descente. Les tracés ne changent pratiquement pas d’une année à l’autre, seul le placement des portes varie légèrement. Une piste que l’on descend souvent, on en connaît chaque bosse, chaque creux, chaque passage clé qui peut faire la diférence entre

la victoire et la chute. C’est un peu comme en Formule 1, à une nuance près : quand on débute en F1, on peut s’entraîner sur chaque circuit des centaines de fois dans le simulateur, sans compter les innombrables séances d’essais. Pas dans le ski. Deux courses d’entraînement sur la piste et c’est plié. Il n’y a pas plus d’occasions d’intérioriser la descente.

Franjo von Allmen conjugue deux extrêmes : l’exubérance du jeune homme et la sérénité de celui qui sait. C’est comme s’il avait déjà l’expérience avant même de l’avoir acquise, comme s’il l’avait dans le sang. Un sang de passionné de course.

D’où cela lui vient-il ? Quelles sont les bases qui ont pu rendre possible un tel parcours ? On pourrait penser : des années de préparation, de patience, une planifcation minutieuse, un parcours clairement défni dès le plus jeune âge, peut-être des parents déterminés à poursuivre cet objectif – comme dans

Franjo von Allmen, c’est l’insouciance

d’un jeune homme et le sang-froid d’un vétéran.

le cas de Marco Odermatt, Lara Gut-Behrami ou de nombreux autres skieuses et skieurs. Mais non, rien de tout cela pour lui. Le fait qu’il ait réussi à se hisser au sommet mondial d’un sport qui exige des moyens fnanciers, du matériel, une précision logistique et un engagement précoce, est le résultat d’un mélange presque impossible : le hasard, la persévérance – et une vocation.

Par une chaude matinée d’été, Franjo von Allmen est assis à la terrasse d’un hôtel au bord du lac de Thoune. Installé dans un grand fauteuil en osier, il en impose encore plus qu’à la télévision. Les cheveux coupés courts, le visage dégagé, le regard espiègle. Il rit souvent, par embarras, ou parce qu’il se rend compte en parlant à quel point son parcours est fou. Il a un côté enjoué et décontracté. Un natif de l’Oberland bernois tel qu’on se l’imagine : terre-à-terre, proche de la nature, sans vanité. Qui, quand il parle de lui ne dit presque jamais « je ». Il dit « on ». « Alors on s’est mis au ski. » Ou : « On n’a pas vraiment réféchi à ce que cela pourrait donner. ». Ce « on » est plus qu’une simple habitude linguistique. Cela crée une distance, lui évite de trop attirer l’attention sur lui. Et c’est aussi une manière de généraliser les choses pour ne pas se donner trop d’importance. À écouter Franjo, on dirait qu’il parle d’une attitude qui le dépasse : c’est comme ça que l’on fait les choses ici, c’est comme ça, la vie à la montagne.

ranjo von Allmen est originaire de Boltigen, un village du Simmental, à mi-chemin entre le lac de Thoune et Gstaad. Le ski, ça lui est venu comme à tout le monde ici : naturellement. En hiver, on skie, comme ailleurs, on joue au foot dans les cours de récré. Après l’école, il chausse ses skis, monte en haut des pistes, reste jusqu’à la fermeture des remontées et, s’il y a assez de neige, redescend à ski jusqu’à la porte de chez lui à la tombée de la nuit.

Il construit des tremplins, tente des sauts, skie sur une jambe et souvent à côté de la piste. « Les garçons ont toujours de ces idées, dit-il en riant. On a fait beaucoup de bêtises aussi. » La compétition ne l’intéresse pas plus que cela. Mais la Suisse ne serait pas la nation du ski méticuleuse qu’elle est si un tel talent était resté méconnu. Il fnit par intégrer le centre régional de performance, skie plus régulièrement et commence à avoir plus d’ambition. « Et puis, avec le temps, on s’est un peu pris au jeu. »

Pourquoi il a continué ? « Ça peut paraître un peu cucul, dit-il en cherchant ses mots, mais j’adore cette sensation quand tout est réuni : la neige, la vitesse, les montagnes autour, les skis qui ne font soudain plus qu’un avec le corps. »

Cette sensation, il l’a aussi en été, sur sa moto. Juste à la sortie de Boltigen, commence la montée du col du Jaun, une route de montagne très prisée des motard·e·s pour son panorama, son cadre idyllique et ses nombreux virages en épingle. Impossible d’y résister quand, comme Franjo, on a la passion de la course dans le sang. Il commence par racheter la vieille moto trial de son père, avant de s’ofrir une supermoto. « Après, on allait enchaîner les montées, les descentes, les montées, les descentes, jusqu’à n’en plus pouvoir », raconte-t-il.

Les gens du coin en ont parfois un peu ras-le-bol, il le sait. Avec son meilleur ami d’école, ils roulent un peu n’importe où et ne passent pas loin du drame à deux ou trois reprises. Un jour, ils se disent : « Si jamais on se glande là-bas, ça craint vraiment. » La solution est toute trouvée :

Cette année, à Saalbach, Franjo von Allmen, âgé de 23 ans, est devenu le plus jeune champion du monde de descente depuis 1989.

le motocross. « Personne n’ira nous le reprocher si on tombe de temps à autre. On pourra se défouler sans mettre personne en danger. »

epuis cette époque, à chaque pause saisonnière de Franjo, tous deux parcourent la Suisse, parfois l’Italie, la France ou l’Allemagne, passant d’un terrain de motocross à l’autre. Un bus, un lit, quelques afaires de rechange, et s’ils ont faim, ils s’achètent quelque chose en chemin. Il ne lui en faut pas plus. « On est à l’extérieur, on respire l’odeur de la terre, de l’essence, de l’air frais. Chaque piste est diférente, le sol change, il faut réagir au quart de tour. »

À l’école, en revanche, le petit Franjo en a vite marre. Rester calme, ce n’est pas son truc. Il sait très tôt qu’il veut apprendre un métier manuel, même si cela veut dire que le ski ne restera peutêtre qu’au rang de loisir. « Si je n’avais pas trouvé d’entreprise qui me permettait de poursuivre mon entraînement, c’est ce qui se serait passé », répond-il laconiquement.

Mais il en trouve une : la charpenterie Schletti, à Zweisimmen. « Tant que tes notes suivent, tu peux t’absenter autant que tu en as besoin », lui dit son chef.

C’est sans compter un événement qui vient bouleverser cette année et tout remettre en question. En 2019, à 17 ans, Franjo perd brutalement son père. Tout à coup, il est non seulement en plein deuil, mais aussi rempli de questions existentielles. Y aura-t-il assez d’argent pour couvrir les frais de matériel, de déplacement et d’entraînement ? Franjo devra-t-il mettre un terme à sa jeune carrière ?

Ses amis et ses connaissances lui conseillent de s’accrocher au moins encore un peu. Avec sa mère, sa sœur et son frère, il lance une petite campagne de fnancement participatif, à la recherche de mécènes prêtes et prêts à croire en lui pendant tout un hiver. Et ça fonctionne. Franjo peut continuer à s’entraîner.

Quelques années plus tard, quand il fait ses débuts en Coupe du monde, il a la chance de rencontrer Reto Nydegger,

Après l’effort… le réconfort

« Personne

ne râle si je tombe. Je peux me lâcher complètement sans mettre quiconque en danger. »

ACTION NON-STOP

Sur la neige ou sur la terre, Franjo plonge dans les virages sans retenue. Durant l’intersaison, il passe des heures sur sa moto cross – comme ici, à l’été 2025, sur la piste MX de Schwarzenberg, dans l’Oberland bernois. Il lui arrive d’enchaîner les circuits de cross en Europe. Il ne vise aucune course : « Mes compétences, c’est 20 % de technique, 80 % de cran. »

« Quand je fais une erreur, je réfléchis rapidement à comment l’éviter la prochaine fois. Mais je ne la regarde pas cinq fois en replay. »

l’entraîneur des skieurs de vitesse suisses, un homme qui a parcouru un long chemin pour en arriver là. Nydegger a travaillé au tribunal des mineurs de Bienne, puis comme moniteur de ski en Australie, avant de remporter de grands succès avec les Norvégiens Aksel Lund Svindal, Kjetil Jansrud et Aleksander Aamodt Kilde. Il n’est pas du genre à exiger des victoires rapides, mais il sait écouter. Il sent quand ses athlètes veulent lui dire quelque chose – ou lui cachent quelque chose.

Et Franjo von Allmen a de la chance encore une fois : il rejoint une équipe avec un leader incontesté, Marco Odermatt. Quelqu’un qui prend la parole devant les médias quand il le faut et qui, grâce à ses résultats, fait baisser la pression qui pèse sur les autres. Quand Franjo, Marco Odermatt et les autres

Ses descentes de Coupe du monde préférées

N° 1 Lauberhorn, Wengen 17 janvier 2026

« Une course à domicile. À Wengen, tout est parfait : la vue sur l’Eiger, le Mönch et la Jungfrau, les pistes, le public. Et puis, c’est ici que j’ai remporté ma première victoire en Coupe du monde ; je m’en souviendrai toute ma vie. Quand j’étais petit, je regardais toutes les courses, mais seulement à la télé, je ne suis jamais allé en voir une en vrai. Et puis un jour, je me retrouve sur la ligne de départ… J’avais du mal à y croire. La piste est incroyable, la plus longue de la Coupe du monde, un véritable test d’endurance. On ne peut pas se relâcher une seule seconde. »

N° 2 Hahnenkamm, Kitzbühel 24 janvier 2026

« Kitzbühel, c’est un truc de fou. Dès le départ, on passe de zéro à cent en quelques secondes, puis c’est la Mausefalle : on s’envole très loin et on peut atteindre les 120 km/h. Aucune autre piste ne demande plus de courage que celle-là. Ici, tout est un peu plus grand : la foule, la concentration, la nervosité. Et en même temps, il faut être extrêmement précis, trouver ses marques et rester très concentré. »

N° 3 Saslong, Val Gardena 20 décembre 2025

« Il y a beaucoup de pistes que j’apprécie, mais si je devais n’en citer qu’une seule autre, ce serait la Saslong. Pour ses bosses et ses tremplins, et parce qu’il faut avoir un bon sens du rythme pour garder son élan. A Val Gardena, l’adrénaline et la vitesse, ça ne suffit pas. Ça demande du flow, de l’élégance et il faut vraiment réussir à sentir la piste. »

skieurs de vitesse dévalent les pistes, ils ressemblent plus à des alpinistes ou des BASE jumpers, qu’à des biathlètes ou des skieurs de fond. Leur sport ne va pas sans risques : il y a régulièrement des chutes graves et, tous les deux ou trois ans, des accidents mortels.

Inutile de se voiler la face à ce propos, Franjo est au courant. Il se décrit néanmoins comme quelqu’un qui essaie de ne pas laisser le danger devenir trop grand. « Quand je fais une erreur, je réféchis brièvement à la manière dont je pourrais l’éviter la prochaine fois. Mais je ne vais pas la regarder cinq fois en replay. Cela me donnerait un sentiment désagréable, et c’est tout l’inverse de ce dont on a besoin au départ d’une descente. » Il a sa manière bien à lui de gérer les risques : il ne ferme pas les yeux, mais ne se laisse pas paralyser non plus.

Pas facile à gérer pour un entraîneur de descente. Dans de nombreux sports, c’est le coach qui motive ses athlètes et les pousse à donner le meilleur d’elleuxmêmes. En descente, l’entraîneur doit souvent faire tout le contraire : freiner, mettre en garde, rappeler que le respect de la piste prime avant tout. Les skieur· euse·s alpin·e·s doivent être intrépides, sinon ils et elles ne pourraient pas pratiquer ce sport. Mais parfois, ils et elles le sont trop. La frontière est mince.

ranjo von Allmen est considéré comme quelqu’un qui franchit cette frontière avec beaucoup de courage. Après sa première saison, beaucoup afrment qu’à plusieurs reprises, ce n’est que grâce à la chance qu’il a évité la chute. De son côté, il déclare alors avoir toujours tout eu sous contrôle. Et pourtant, c’est cette image qui s’impose, celle de quelqu’un qu’il faut maîtriser. Le discours prend une telle ampleur qu’il reste gravé dans l’esprit de beaucoup de membres de l’équipe.

Lors de la première course de la saison 2024/2025 à Beaver Creek, Franjo teste la piste et glisse d’un passage clé à l’autre. Presque tout le monde lui conseille d’être très prudent ici. Résultat : blocage mental, 2,2 secondes de retard sur le premier, 28e au classement. C’est là que Reto Nydegger comprend qu’ils ont fait fausse route. L’idée de freiner Franjo a trop pris le dessus. Nydegger donne alors pour consigne que désormais, lui seul discutera de tactique avec Franjo.

Et les trois descentes suivantes, Franjo termine trois fois deuxième. Puis trois fois premier, avec une médaille d’or de cham-

Il a sa manière de gérer les risques : il ne ferme pas les yeux, mais ne se laisse pas paralyser non plus.

En janvier 2025, Franjo von Allmen lors du Super-G sur la Streif, à Kitzbühel.

pion du monde en prime. Et c’en est fni pour cette saison. Franjo von Allmen rentre chez lui pour la pause estivale à Boltigen, où il tient une sorte de maison d’hôtes avec son frère dans l’ancienne maison familiale. Son emploi du temps n’a jamais été aussi rempli : conférences de presse, événements de sponsors, réceptions. Il s’y prête volontiers, même si c’est ailleurs qu’il se sent le mieux : dans son petit garage, où il a toujours quelque chose à bricoler, ou bien dehors, sur les pistes de motocross.

Il y va presque aussi à fond sur sa moto que sur ses skis, à une diférence près : il n’y a pas de chronomètre. Peu importe qu’il efectue un tour en 18 ou 22 secondes. C’est un jeu basé sur la

Technique, précision et réactivité fulgurante font partie du jeu. Et pour Franjo von Allmen, le plaisir aussi.

vitesse, la recherche de la trajectoire parfaite, la capacité à réagir en un éclair aux changements de terrain. Et c’est surtout une activité qui lui procure beaucoup de plaisir.

ais quand l’été touche à sa fn et que les premiers canons à neige se mettent en marche, il change à nouveau de monture et troque la motocross contre les skis. Là-haut, sur les pistes les plus rapides au monde, ce n’est plus d’un jeu dont il s’agit, mais de précision maximale. Le jeune homme de Boltigen, qui faisait autrefois de chaque pente son terrain de jeu, a appris à transformer son goût de la vitesse en agressivité contrôlée.

C’est dans cet esprit qu’il participe aujourd’hui à la Coupe du monde : avec l’insouciance qui a fait son succès et le respect nécessaire pour arriver en bas sain et sauf. C’est là que réside sa force. Et c’est peutêtre précisément ce cocktail qui lui a permis d’atteindre si rapidement les sommets dans une discipline qui exige de l’expérience – et c’est aussi ce qui pourrait lui permettre d’y rester.

Instagram : @franjo_v_allmen

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Recommandé par le double champion du monde Franjo von Allmen

Le double Champion du monde originaire du Valais a atteint plus de 25 podiums depuis ses débuts en 2015. Ici, le skieur Loïc Meillard raconte quand et comment il atteint sa meilleure forme.

Un an avec Loïc Meillard

Meillard en or : séquence photo de sa victoire en slalom, aux Mondiaux de Saalbach en février.

Géant : à Zermatt, Meillard a travaillé en août sur les centièmes décisifs.

Printemps

Déconnecter et faire peau neuve Après la saison, je dois m’acquitter de mes engagements avec les médias et je commence déjà à préparer la saison prochaine. Le repos ne commence véritablement qu’une fois ces premières semaines passées. C’est très agréable de ralentir le rythme, partir en vacances et passer de bons moments avec ma famille et mes amis. J’adore vivre au jour le jour, sans contraintes, à cuisiner de bons petits plats. Dans cette phase, j’ai besoin de prendre du recul pour assimiler la saison passée. Je fais le point sur ce qui a bien fonctionné et sur ce que je dois changer. La plupart du temps, c’est un processus que j’essaie de réaliser avant de partir en vacances, tant que c’est encore frais dans ma tête. Après deux à quatre semaines de pause, donc à partir de mai, je commence avec des exercices physiques et des entraînements de base pour activer et re-muscler mon corps, et élaborer un plan pour l’été.

Peaufiner et valoriser l’harmonie En été, place à l’entraînement intensif : force, souplesse, endurance et stabilité du tronc. Six sessions par semaine avec une journée de repos. C’est le programme pour tout l’été. À côté viennent s’ajouter les interviews avec les médias et les rendez-vous avec les sponsors. Là, c’est plus compliqué de trouver le bon équilibre. Les phases de récupération sont aussi importantes que les entraînements. Si on en fait trop, le corps fatigue, on est cramé. J’ai dû apprendre à ne pas tout faire en même temps et à savoir dire non. À partir d’août, on commence la préparation sur neige. Cette année, je suis allé en Nouvelle-Zélande et sur des glaciers. J’ai besoin de modifer légèrement mon plan d’une année sur l’autre pour que ça reste varié. Je ne me fxe pas d’objectifs ultra-rigides du genre « atteindre tel poids », je me concentre plutôt sur certains détails et sur quoi faire pour être physiquement au top.

Automne

Dernières touches et focus

Début octobre, on teste le matos et on fait des séances photos. Sölden, départ ofciel de la saison de ski, arrive vite et la qualité doit être au rendez-vous. On travaille le mouvement, le timing et le rythme. Je skie environ trois à quatre jours par semaine, plus deux jours en salle de ftness et m’accorde un à deux jours de repos. Comme on fait déjà des tests de matos tout au long de l’année et que j’ai une bonne base, je n’y consacre pas trop de temps.

Pareil pour la visualisation. Répéter les parcours dans ma tête, c’est pas trop mon truc. Je préfère skier à l’instinct. Lors de mes entraînements, je me prépare à des situations où les choses ne se passent pas comme prévu et où j’essaie de reprendre le contrôle.

Hiver

Trouver le rythme et skier

Au cours de la saison de compétition, aucune semaine ne se ressemble. Les courses ont lieu le week-end, donc en début de semaine c’est repos, puis deux, trois journées d’entraînement en fonction du programme. J’écoute beaucoup mon corps : si mes jambes sont fatiguées, je fais un break. Avec mes années d’expérience, je sais ce dont j’ai besoin.

À Sölden, j’ai l’impression que c’est la rentrée des classes. On sait ce qu’il y a à faire, mais il y a toujours de nouveaux trucs. Une fois les premières courses passées, on rentre dans le rythme. Évidemment, il y a de bonnes et de mauvaises journées, mais c’est justement ce qui nous apporte l’expérience nécessaire. Avec le temps, je sais beaucoup mieux comment me préparer, quand mon corps a besoin de rétrograder et quand passer à la vitesse supérieure. Si on s’est entraîné correctement en été, on le ressentira en hiver. C’est là qu’on sait qu’on est prêt.

Instagram : @loicmeillard ; @loicscameralife

Instants sacrés

Loïc Meillard est un passionné de photographie. Il aime flâner en extérieur avec son appareil pour capturer des ambiances particulières.

Levi, Finlande : « Les aurores boréales sont magiques, j’essaie de les photographier en marge de la course. »

Zermatt : « En haut, on voit la neige et on a hâte d’enfiler ses skis pour tracer quelques lignes. »

Hafjell, Norvège : « La lumière de l’après-midi dans un chalet près de la piste ».

Une promenade sur le bisse de Clavau, dans le Valais, « un réconfort pour l’âme ».

Cap sur la gloire

Marco Odermatt, au sommet de sa carrière, rafle tout. Et constate qu’à trop gagner, on peut perdre beaucoup ; notamment l’envie…

Texte Christof Gertsch Photos Lorenz Richard

SKI ALPIN

SKIEUR À SUCCÈS Trois fois champion du monde, quatre fois vainqueur consécutif de la Coupe du monde générale.

17 janvier 2025. Premier jour des courses du Lauberhorn à Wengen, Super-G. Dans l’aire d’arrivée, Marco
Odermatt observe le tableau d’affichage : 7 e place. Un an qu’il ne s’est pas retrouvé aussi bas dans le classement. Et pourtant, il n’a pas vraiment commis d’erreurs. Il a juste été trop lent et a perdu une seconde sur le parcours.

Problème de matériel ? Un technicien et lui avaient opté pour des réglages plus agressifs : carres plus afutées, fxations plus solides, modèle de ski plus rigide pour mieux accrocher sur la glace. Seulement voilà, aujourd’hui, la neige était molle.

Mais en refaisant le flm de la descente dans sa tête, Marco Odermatt réalise que ce n’est pas qu’un problème de skis. Il y a autre chose. Autre chose qu’il n’arrive pas

encore à exprimer. Il regarde son coéquipier Franjo von Allmen, de l’Oberland bernois, célébrer sa victoire et se reconnaît lui-même quelques années plus tôt dans cette joie, cette jubilation sans retenue du skieur de 23 ans. Il s’en souvient comme si c’était hier : tout paraissait simple, tout lui faisait envie.

Marco Odermatt congratule à tout-va, se prête au jeu des interviews, il assure le job. Mais au fond de lui, il ressent un vide immense qui ne le quitte plus, ni au déjeuner, ni chez le physio, ni sur le vélo d’appartement. Ce n’est que le soir, en appelant sa petite amie depuis sa chambre d’hôtel, qu’il trouve enfn les mots pour décrire ce malaise.

Ils parlent de la journée, de la neige, de la course, quand soudain, il prononce ces mots : « Tu sais… aujourd’hui, je n’ai

pris aucun plaisir à skier. » À cet instant, il comprend que lors de la course, le problème ne venait pas du matos, mais de son envie de skier. Une envie qui avait tout bonnement disparu.

Fin octobre 2025. À l’approche de sa dixième saison de Coupe du monde, plus aucune trace de ce moment de fottement vécu neuf mois plus tôt.

Grâce, entre autres, à cette conversation avec sa compagne, l’envie est vite revenue. Dès le lendemain, il riait à gorge déployée au moment de s’élancer dans la descente, de ce rire qui l’accompagne presque toujours sur les starting-blocks, avant de s’imposer en tête.

Une semaine plus tard, rebelote, première place à Kitzbühel. Quelques jours plus tard, à Saalbach, le voilà sacré champion du monde pour la troisième fois puis vainqueur du classement général de la Coupe du monde pour la quatrième fois consécutive, s’imposant ainsi comme le troisième meilleur de tous les temps derrière Marcel Hirscher et Marc Girardelli avec leurs huit et cinq titres respectifs.

Tout est bien qui fnit bien.

Et il est clair que cette nouvelle saison ne devrait pas non plus déroger à la règle. À 28 ans, Marco Odermatt est l’un des meilleurs skieurs au monde. Rarement vaincu, débusquant des trajectoires inédites, se rétablissant de justesse quand ses concurrents mordent la poudreuse.

Pourtant, le voilà confronté à un phénomène qui touche très peu d’athlètes : le drame de l’éternel·le vainqueur·e. Pour la plupart d’entre nous, gagner et être le ou la meilleur·e fait partie de l’exception. Quand on passe son temps à gagner, cette exception devient la règle et, par défnition, les règles ne sont pas très excitantes. En d’autres termes, le corps produit moins d’adrénaline, de dopamine, d’endorphines. La courbe de la récompense retombe comme un souf-

LE SOUCI DU DÉTAIL Marco Odermatt lors de la préparation pour l’entraînement d’été, à Zermatt, en août 2025.

« Pour être rapide, il faut être affamé. »

Le skieur à propos de ce qui compte, en plus de la motivation, de l’adrénaline et de la concentration, pour remporter la victoire.

fé. Bref, trop de succès tue le succès. Cependant, cette afiction ne touche qu’un nombre infme d’athlètes : Usain Bolt, Michael Phelps, Mikaela Shifrin, Tadej Pogačar. Pour le commun des mortel·le·s, la victoire est le but ultime. Pour les éternel·le·s vainqueur·e·s, c’est le minimum syndical. C’est un sujet qu’ils et elles abordent à contrecœur, car on pourrait facilement mal l’interpréter, comme un problème superfciel pour une élite habituée à tout rafer sur son passage alors que le reste des athlètes n’aura jamais la chance de s’imposer en tête.

L’interrupteur mental

Mais Marco Odermatt ose en parler, et il n’a pas la langue dans sa poche. Interrogé sur son était d’esprit au moment d’aborder sa dixième saison de Coupe du monde, il répond : « Je ne doute pas de mes capacités. Je suis en pleine forme, je me suis beaucoup entraîné, et cet été, j’étais motivé, ce qui m’a presque surpris, d’ailleurs. La vraie question maintenant, c’est de défnir exactement ce qui va me pousser à aller de l’avant. »

Un ange passe, puis : « Au moment de me lancer, toutes les sensations sont là : tension, adrénaline, concentration. Mais pour être rapide, il faut être afamé. Et je crains de ne pas être aussi afamé sur les trente courses à venir. »

L’éternel·le vainqueur·e ne doit pas uniquement briller dans sa discipline. Il s’agit également de fonctionner. En toutes circonstances. Chaque victoire, chaque succès apporte son lot d’engagements : conférences de presse, contrôles antidopage, événements sponsorisés, photos, autographes, plateaux télé. Quand les autres vont à l’hôtel, Marco Odermatt est encore dans l’aire d’arrivée, on le félicite, il doit répondre aux questions et sourire. Quand il arrive enfn à l’hôtel des heures plus tard, les autres sont déjà rentré·e·s.

Le skieur admet que ces moments ne sont pas toujours joyeux. Encore et encore les mêmes pistes, les mêmes hôtels, les mêmes routines. Un quotidien que partagent la majorité des athlètes. Mais pour un·e vainqueur·e , c’est diférent : encore plus long, encore plus dense, encore plus intense. Ça fnit par user.

« Quand on gagne autant, quand on a tout gagné, on ne peut plus perdre. C’est un fait. Et pour le mental, ce n’est

ABONNÉ À LA VICTOIRE

Odermatt trouve des trajectoires que les autres ne voient pas.

« Il s’agit de préserver la légèreté. »

L’entraîneur de slalom géant de Marco Odermatt, Helmut Krug, sait comment un skieur peut échapper à la routine.

pas simple. J’ai remarqué que sur certaines courses, mon but n’était plus de gagner mais de ne pas perdre. » Marco Odermatt a la chance de pouvoir en parler autour de lui : avant le début de la saison, il en discute avec sa coach mental. Et aussi avec Helmut Krug, son entraîneur pour le Super-G qui le suit depuis des années et qui joue un rôle important : il sait lire entre les lignes, comprend quand la frontière entre routine et épuisement est franchie.

Comme ce dernier l’explique dans le livre qui vient de paraître, en allemand, Marco Odermatt – Meine Welt (Marco Odermatt : mon univers, ndlr) : « Plus on gagne, plus la motivation diminue, plus il est difcile de tout reprendre à zéro, plus le plaisir disparaît, écrit-il. Dans les années à venir, Marco va devoir apprendre à cultiver cette légèreté. »

D’accord, mais comment ?

L’envie d’avoir envie

« L’entraînement peut vous vider. On est dans une station de ski avec des pistes magnifques mais on n’est jamais sur les plus belles. On skie encore toujours sur la même pour aborder chaque virage avec le plus de puissance possible. Donc, pendant la saison, l’objectif numéro un est de se faire plaisir. Si je planife une piste bien lisse avec de beaux virages et que Marco me dit ensuite que c’était une super session et qu’il s’est éclaté, je sais qu’on est sur la bonne voie, et que la légèreté viendra toute seule. Je dois faire attention à ce qu’il ne devienne pas juste une machine à gagner, mais qu’il continue d’y prendre du plaisir. Parce qu’il aime skier. Il adore ça. »

Helmut Krug connaît Marco Odermatt mieux que quiconque. « Marco n’est pas du genre à se plaindre, loin de là. Mais chaque saison, il en fait autant que certain·e·s en dix ans ou plus. Et ça me mine, parce que je le connais intimement, et je ne veux pas le voir couler. Pas pour tout l’or du monde. »

Et ce n’est pas ce que veut Marco Odermatt non plus. Ce qu’il veut, c’est apprendre à gagner autrement.

La solution ? Question délicate pour une personne habituée à répondre du tac au tac dans l’aire d’arrivée. Car si la course aux statistiques et aux victoires futures n’apportent plus de réponses,

PERSPECTIVE Qu’est-ce qui enthousiasme Marco ? Bien sûr, le championnat du monde à domicile à CransMontana en février 2027.

que reste-t-il ? Marco Odermatt n’en est pas encore arrivé à ce stade. Il a encore pas mal d’objectifs qui le poussent à toujours aller de l’avant : la descente de Kitzbühel (Autriche), qu’il compte bien remporter un jour, et les Mondiaux à domicile, à Crans-Montana, en février 2027. Et d’ici là, il veut encore tenter le grand écart entre les courses de vitesse et le slalom géant.

Et la carotte géante, soit le record des huit victoires au classement général de Marcel Hirscher ? Pour lui, ça n’a jamais fait débat : « Pour battre ce record, il faudrait que je skie au moins cinq ans de plus dans trois disciplines combinées, et je sais combien ça boufe en termes d’énergie. » On l’a bien vu avec Marcel Hirscher : le moment est venu où il était complètement vidé.

« Je ne veux plus jamais perdre l’envie », s’exclame Marco Odermatt. Une phrase qui résume parfaitement son avenir sportif, avec cette question en suspens : comment ne plus jamais reperdre cette envie d’avoir envie ? La réponse,

il l’a trouvée là où personne ne pensait à chercher, un jour où d’autres se sont imposés. Une épiphanie qui s’est manifestée pour la première fois à Beaver Creek l’hiver dernier, lors de la victoire de Thomas Tumler et Justin Murisier. Deux de ses coéquipiers, deux grands amis. Même chose à Wengen, lors de la consécration de Franjo von Allmen, puis encore quelques mois plus tard, un soir d’automne, alors qu’il assistait à la projection de Downhill Skiers, un documentaire sur la saison 2024/25 dont il tient le rôle principal. Le flm parle de ses peurs, de la vitesse, des victoires et des chutes.

Les scènes qui l’ont le plus ému étaient celles où ses coéquipiers gagnaient.

« Peut-être parce que j’ai déjà vu mes propres images de victoires des centaines de fois, dit-il sur le ton de la plaisanterie. Mais ce qui me touche vraiment, c’est de voir la joie des autres, sans doute même davantage que mes propres victoires. »

L’esprit d’équipe, ça ne compte pas pour des prunes.

C’est peut-être là le secret : quand on partage les choses, tout devient plus léger, plus aérien, les défaites comme les victoires.

Instagram : @marcoodermatt

Mathilde Gremaud est l’une des meilleures athlètes freestyle au monde. Une casse-cou sur les pistes qui réalise des sauts d’une audace buffante.

D’où lui vient cette assurance ? Démonstration en quatre volets pour s’écouter soi-même.

BÊTE DE PERF

Texte Karin Cerny Photos Mark Clinton

Des victoires aux X Games, une médaille d’or aux Jeux olympiques (2022), des titres de Championne du monde (2023 et 2025) : Mathilde a déjà battu tous les records.

1.

L’ASSURANCE, C’EST… DU MENTAL

Où se situe la frontière entre vie sportive et vie privée ? « Ça peut paraître bizarre, explique Mathilde Gremaud mais je visualise souvent un saut difficile en me brossant les dents. » Comme le Switch Double Cork 1440, qu’elle a été la première femme à poser en 2020. Un saut incroyable avec départ et réception en arrière et, entre les deux, un double salto combiné à quatre rotations autour de son axe. La gravité ? Un détail ! On reste sans voix devant la vidéo.

Essayons de comprendre pourquoi Mathilde est, selon ses termes, une « vraie casse-cou » sur les pistes. C’est de confiance et d’assurance dont on parle – comment poser les tricks les plus dingues qui soient, en big air, tout en gardant la tête froide. Est-ce qu’elle tient cela de son père, qui a fait du ski de compétition lui aussi ? Il faut dire que Mathilde a commencé le ski dès l’âge de deux ans.

Elle réfléchit, se donne du temps pour répondre, comme si c’était une énigme qu’elle devait d’abord résoudre pour elle-même. « Je suis confiante en compétition. Je me sens en sécurité quand les gens me regardent. Je me suis repassé le saut dans la tête tellement de fois en me brossant les dents et dans ma voiture, au point de me dire : “Je vais y arriver.“ » La réussite, c’est une question de mental : il faut se faire confiance. Comment on visualise ? Pas comme dans une vidéo POV sur TikTok : « Je me vois de l’extérieur, comme si un drone me filmait. C’est ce qui marche le mieux pour moi. »

2. … LA CAPACITÉ À GARDER LES PIEDS SUR TERRE

Longtemps, la Suissesse de 25 ans a été considérée comme l’enfant prodige de la scène freestyle. Elle semblait réussir tout ce qu’elle entreprenait, sans le moindre effort. Une prodige d’exception qui a battu tous les records : des victoires aux X Games, une médaille d’or olympique en 2022, des titres de Championne du monde en 2023 et 2025.

Mais les choses n’ont pas toujours été aussi simples : en 2018, la veille des épreuves olympiques de slopestyle, elle tombe sur la tête, mais surmonte le choc et remporte la médaille d’argent. S’ensuivent deux autres chutes et une légère commotion cérébrale en 2022.

« Quand j’étais plus jeune, je me donnais toujours à fond. Je ne me posais pas de questions, j’y allais, c’est tout. Quand on fait des choses stupides, il faut en assumer les conséquences plus tard. » Le passage à l’âge adulte passe par l’élaboration d’une nouvelle stratégie pour gérer la peur, toujours présente : « Le corps se souvient des petits traumatismes, les expériences négatives, ça marque. »

Notre skieuse freestyle au Red Bull Performance Camp à Saas-Fee.

C’est la fin de l’innocence. Comment retrouver la confiance ? En apprenant à mieux se connaître et à mieux appréhender ses faiblesses : « Après une blessure, je dois instinctivement sentir que ça va à 100 % avant de me remettre sur les skis. Si ma tête me dit que je ne suis prête qu’à 90 %, je laisse tomber. »

L’expérience de la vie a pris le dessus : elle ne fait plus les choses à la hâte. Et c’est précisément ce qu’il lui fallait pour réussir à poser son Switch Double Cork 1440. La rampe n’était pas parfaite. « J’ai dit à mon coach : “Je ne sais pas pourquoi, mais je ne le sens pas.“ » Ils ont attendu que tout le monde parte pour faire refaire le kicker. « C’était important pour moi de me fier à mon instinct. C’est seulement à ce moment­là que j’ai été convaincue que ça allait bien se passer ! »

C’est au contact des autres que Mathilde Gremaud recharge ses batteries.

3. … PRENDRE DU RECUL POUR

GARDER LE PLAISIR 4.

Le programme d’entraînement d’une athlète de haut niveau peut être épuisant : répéter les mêmes mouvements jusqu’à ce que tout soit parfait. La pression augmente, on perd le côté fun. Où trouver le coup de boost nécessaire ? Pour se détendre, Mathilde pratique des sports en amatrice, comme le golf, le vélo ou le surf. « J’ai de bons résultats rapidement, et ça me permet de comprendre comment ça marche : prendre plaisir à faire du sport pour recharger mes batteries. »

Le revers de la médaille quand on a du succès : les mini-burnouts et les coups de blues après une saison épuisante. Mathilde aussi connaît ce paradoxe : la sportive en elle voudrait aller toujours plus vite, mais elle sait qu’il faut aussi savoir lever le pied. « Je dois prendre soin de moi et me laisser du temps. Il n’y a que comme ça que je pourrai progresser en tant qu’athlète. »

… UNE HISTOIRE

D’APPARTENANCE

Lorsque Mathilde s’envole dans les airs, ses parents ne sont jamais bien loin. Leur soutien est essentiel pour elle. Jusqu’au jour où elle a appris que sa mère fermait souvent les yeux tellement elle avait peur. Ça a été un choc pour elle : « Je lui ai dit : “Il faut absolument que tu me regardes ! Il me faut ta confiance pour avoir vraiment confiance en moi.“ » Pour Mathilde, l’énergie des autres est une sorte de batterie externe : au moment fatidique, quand tout se joue, elle explose. C’est pour cela qu’elle ose plus en compétition qu’à l’entraînement.

Depuis peu, elle vit à Innsbruck avec sa compagne, la vététiste Vali Höll. « On s’entend vraiment super bien. Les autres ne comprendraient pas grand-chose à notre manière de vivre. » Mais sont-ils dans le même état d’esprit ? « On a probablement tendance à être trop actives », plaisante Mathilde. Un dimanche à chiller devant Netflix ? Ce n’est pas vraiment leur truc. « On adore les soupes qui mijotent pendant trois heures. On met tout sur le feu, on va se balader, on se regarde un film, et puis on mange. » Apprendre ensemble à lever le pied. Là aussi, une histoire de confiance – à un autre très haut niveau…

Instagram : @mathilde_gremaud Scanne le QR code et regarde le documentaire She Who Flies.

Ce qui me guide ? La con ance et l’excellence.

Marco Odermatt

Quadruple vainqueur du classement général de la Coupe du monde de ski alpin

Marco Odermatt porte des LUNETTES RAY-BAN META.

Pas de neige ? Pas de problème. Noé Roth peut aussi pratiquer l’entraînement sur une rampe de saut aquatique.

LE VIRTUOSE DES AIRS

Pour son record du monde, il a obtenu la plus haute note jamais attribuée en saut acrobatique. Le Suisse Noé Roth est la star du moment. Son plus grand talent est de toujours retomber sur ses pattes, quel que soit le nombre de vrilles qu’il enchaîne dans les airs. Un portrait selon ses propres mots, lui qui en prononce si peu.

Texte Emil Bischofberger Photos Dom Daher

Mettmenstetten, canton de Zurich. Une ambiance détendue règne ce matin-là dans le complexe aquatique de Jumpin où Noé Roth, champion du monde de saut acrobatique, s’entraîne de mai à octobre. « T’en dis quoi ? » demande son père Michel Roth, 62 ans, alors que son fils, 24 ans, sort la tête de l’eau après son premier triple saut périlleux. « Ouais, ouais, répond celui-ci. J’en refais un. » Économie de mots. Pour se comprendre, une équipe bien rodée n’a pas besoin de longs discours.

Les bulles d’eau dans le bassin du Jumpin à Mettmenstetten amortissent l’impact. Il n’existe qu’une poignée d’installations de ce type dans le monde.

Ce n’est pourtant pas à une tranche de vie de famille que nous assistons mais à un échange entre un athlète de haut niveau et l’entraîneur national. Au cours de la matinée, seuls quelques mots seront échangés avant que Noé n’empoigne ses skis courts pour grimper les 123 marches jusqu’à la plateforme de saut la plus haute, un vrai chemin de croix afublé de ses chaussures de ski et d’une combinaison néoprène, le tout gorgé d’eau. Avec dix sauts par séance et quinze marches par étage, Noé gravit quotidiennement du mardi au samedi, l’équivalent d’un immeuble de 82 étages. « Ce n’est pas ma partie préférée », lâche-t-il laconiquement en arrivant en haut. Concentré, il chausse ses skis avant de se préparer pour le saut suivant. « Il faut vite se remettre dans le bon état d’esprit et entrer dans un tunnel mental, martèle Noé. Bien droit sur ses pieds, poids réparti sur les talons », marmonne-t-il avant de terminer cette sorte de mantra par le nom du saut qu’il s’apprête à efectuer, mantra qu’il répète encore sur la piste au moment de s’élancer.

Roth est l’un des meilleurs skieurs acrobatiques de la planète. L’hiver dernier, il a tourbillonné dans les airs de l’Engadine pour décrocher l’or mondial, atteignant ainsi le sommet de sa carrière. Exécuté avec une perfection absolue, son Double Full-Double Full-Full (triple saut périlleux avec cinq vrilles, voir les détails dans l’encadré), lui a permis d’encaisser 143,31 points, la meilleure note jamais attribuée en saut acrobatique.

Tout au long de l’été, Roth exécute une dizaine de sauts par jours. « Un saut acrobatique se travaille avant tout au mental, poursuit-il. Il faut le graver dans la tête et dans les jambes pour qu’il soit automatique dans les airs. Après l’entraînement, je suis plus souvent vidé mentalement que physiquement. »

Concentration maximale

Les triples sauts périlleux, notamment, requièrent un dépassement de soi total. Ce sont ceux avec cinq vrilles qui font pleuvoir l’or et remporter les championnats. Roth en maîtrise quatre diférents, ce qui le fait rentrer dans la catégorie ovni. Cet été, il est carrément devenu l’un des premiers skieurs au monde à réussir un triple saut périlleux avec six vrilles. La vidéo de son exploit a fait l’efet d’une bombe parmi ses pairs. Mais sur la neige, il attendra avant de montrer ce saut. « Ce serait trop risqué. J’en ai d’autres en réserve pour gagner », s’amuse Roth, qui maîtrise également un saut à cinq vrilles baptisé “Hurricane”, même s’il ne l’a jusqu’ici réussi que sur l’eau.

Première leçon : en plus de se concentrer sur l’essentiel, Noé dispose d’une bonne dose de sérénité.

Car si maîtriser un saut est une chose, être sufsamment sûr de soi pour le réaliser le jour J est une autre paire de manches. Sur ses 48 participations en Coupe du monde, Noé Roth est monté vingt fois sur le podium et quatre fois seulement sur la plus haute marche. Un bilan surprenant pour un athlète de sa trempe : le taux de podiums dépasse les 40 % pour seulement 8 % de victoires.

« J’ai très longtemps abordé les compétitions en me disant que l’important était de viser le podium. Du coup, je prenais moins de risque parce que je visais avant tout le classement général de Coupe du monde, précise Noé. Je ne me bride pas par peur d’une mauvaise chute mais par peur d’un mauvais classement. »

Une approche très pragmatique : sur le long terme, viser le podium avec un saut que l’on maîtrise à 100 % rapporte plus qu’une prise de risque pouvant se solder par un échec. « Noé joue la sécurité, alors que je suis du genre tête brûlée. Plutôt que de trop le pousser, j’essaie de lui donné les clés pour oser plus de trucs », explique son père et entraîneur Michel Roth.

Seconde leçon : selon Noé, la sérénité consiste à prendre des décisions mûrement réféchies et hautement pragmatiques.

« Un saut

Avec ses skis et ses chaussures de ski trempées d’eau, Noé Roth gravit la rampe de Mettmenstetten dix fois par jour : c’est comme s’il escaladait au total un immeuble de 82 étages.

Le saut de Noé Roth devenu record du monde

Le Double Full-Double Full-Full

Il a fallu 2,9 secondes à Noé Roth pour réaliser trois saltos et cinq vrilles lors du saut le plus incroyable de toute sa carrière en mars dernier à Saint-Moritz. Les 143,31 points obtenus cimentent un nouveau record mondial. « Dès l’envol, j’ai su que ça allait le faire », se souvient Roth . Voici comment il décrit ce saut en or, « le plus beau de toute ma vie » : « La prise d’élan est déterminante. Il suffit d’être mal centré sur ses skis et avoir le corps trop tassé pour que ce soit trop juste au niveau de la rotation. Une fois en l’air, on ne peut plus corriger le tir, on peut au mieux précipiter la rotation en repliant les genoux, mais ça entraîne des pénalités. Donc, on ne se concentre plus que sur l’atterrissage. Quand on exécute le Double Full pendant le premier salto, la tension du corps doit être parfaite dès le départ et au deuxième salto, il faut la maintenir, ce qui n’est pas simple, parce que tout se passe très vite. Une fois le deuxième salto passé, le troisième se fait presque tout seul, parce qu’il n’y a qu’une seule vrille. Ça me permet même de savourer le moment rapidement avant l’atterrissage et bien évidemment de voir arriver celui-ci à temps. »

Cela fait 34 ans que son père Michel est entraîneur national de saut acrobatique. Dès son plus jeune âge, Noé passe donc la plupart de son temps au Jumpin, tandis que le paternel entraîne les plus grands athlètes du pays. À un quart d’heure de route de la maison familiale de Baar, c’est pratiquement son deuxième foyer. Le charisme de Noé y est palpable : une ribambelle de jeunes pousses se massent autour de lui après l’entraînement et parfois, il donne un coup de main pour encadrer les plus petits. « C’est une chouette petite bande. Quand je suis là, ils sont fous de joie », raconte Noé, qui les comprend bien : lui aussi admirait les « grands » à l’époque. « Il a toujours aimé le saut », se souvient Michel qui explique

« J’adore être en l’air. […] Rien d’autre ne me procure une telle montée d’adrénaline. »

cette aisance de Noé dans les airs par des heures et des heures passées à sauter sur le trampoline. Michel et Noé ne sont pas ce qu’on pourrait appeler des grandes gueules et malgré tout, tous deux sont des meneurs naturels, l’un en tant qu’entraîneur principal, l’autre en tant que leader de l’équipe. Pas besoin d’élever la voix pour s’imposer, les perfs et les résultats parlent d’eux-mêmes.

Un legs générationnel

Les Roth (précisons que la mère, Colette, était elle aussi championne de saut acrobatique, remportant notamment le bronze olympique en 1998 sous son nom de jeune flle, Brand) n’ont pas préparé leur fls dès la naissance pour le saut acrobatique. « On voulait juste qu’il se fasse plaisir. La plupart des fgures, Noé les a apprises tout seul », raconte Michel. La carrière sportive du fston commence par un détour vers la gym acrobatique où son talent saute rapidement aux yeux. À 6 ou 7 ans, il se lance déjà sur un petit water jump. À 10 ans, il réalise son premier saut acrobatique. Peu après son seizième

Le Jumpin de Baar, n’est qu’à quelques minutes en voiture de la maison familiale de Noé.

Lor

aut adipsa volendis derione ctatum accupt.

« Grâce à mon sens de l’orientation dans les airs, je sais toujours où je suis et retombe toujours sur mes pattes, comme les chats. »

anniversaire, début 2017, son niveau est tel qu’il fait ses débuts en Coupe du monde. « Ma plus grande force, c’est mon sens de l’orientation une fois dans les airs, explique le concerné. Je sais toujours exactement où je suis et retombe toujours sur mes pattes, comme les chats. » Parallèlement à sa carrière sportive, Noé poursuit des études de commerce, mais à 17 ans, il abandonne sa formation. Pari risqué pour un athlète pratiquant un sport de niche. « J’aurais pu mener les deux de front, mais ce n’était pas mon

truc. Je ne suis pas du genre à rester toute la journée assis devant mon ordi. J’ai besoin de bouger, d’être à l’air libre », précise le skieur. Ses parents se plient à sa volonté mais à une condition : il doit vivre chichement et mettre de côté pour une éventuelle formation : il vit donc encore chez ses parents dans sa chambre d’ado. Père et fls rentrent tous deux d’un stage d’entraînement de six semaines à Brisbane, en Australie, d’une part, afn de rompre avec la monotonie du Jumpin, d’autre part, pour se préparer le mieux

« J’ai besoin d’être dehors, de bouger », dit Noé. En plus du freeski, il a une autre passion : le surf.

possible au prochain grand objectif dans la carrière de Noé : les JO d’hiver de 2026 en Italie. Ce sera la troisième participation de Noé, et pour la première fois, il s’y présentera en tant que grand favori. Pour lui, l’aventure australienne avait un double avantage : après les sessions de saut acrobatique, il pouvait fler vers la Gold Coast et se jeter à corps perdu dans sa seconde passion, le surf. D’ailleurs, il arbore désormais le look ultra cool du surfeur avec cette moustache qu’il s’est laissé pousser cet été. Il n’en est pas à sa première tentative. D’habitude, il jetait l’éponge au bout de deux semaines, « parce que je trouvais ça super moche, articule-t-il en riant. Cette fois, je l’ai gardée plus longtemps, et maintenant, elle me plaît grave. » Ses coéquipiers le mettent souvent en boîte depuis. « Ça ne me dérange pas », dit-il, détendu.

La clé, c’est d’être détendu C’est ce fegmatisme qui lui permet d’exécuter encore et encore des sauts vertigineux sur le tremplin. Ce qui le motive par-dessus tout ? « J’adore être en l’air, faire des saltos et atterrir dans la neige. Rien d’autre ne me procure une telle montée d’adrénaline. » Du haut de ses 24 ans, Noé Roth, a encore de grands objectifs : quand il raccrochera ses skis, il veut qu’on se souvienne de lui comme de « l’un des meilleurs champions de saut acrobatique que ce sport ait jamais connu ». Cela fait belle lurette qu’il a prouvé qu’il n’avait pas besoin d’être la plus grande gueule ni le pire des cassecou pour s’imposer. Son style bien à lui, entre décontraction et pondération, lui a ouvert les portes du succès. Mais pourtant, il pense déjà à l’après et à son projet professionnel suivant : l’été prochain, il veut entamer une formation de pilote d’hélicoptère. Une suite logique pour quelqu’un dont la spécialité est de tourner sur lui-même.

Instagram : @noe20000

Luptatum es ex errovit milictum.

New Kia EV4

L’élégance, toujours plus loin ‒ jusqu’à 625 km.

AIIILES AVEC ET SANS SUCRE.

Benvenuti in Italia!

Reines et rois du freestyle, apôtres du snowboard, légendes du saut, spécialistes chevronné·e· s et virtuoses du style, voici les chouchous du public qui vont vous faire vibrer aux prochains JO d’hiver. En piste !

Texte Werner Jessner
Il glisse sur un rail au sommet d’un loop ouvert : le freeskieur suédois Jesper Tjäder.

Dorothea Wierer

ITALIE, 35 ANS, BIATHLON

Depuis quinze ans, cette pétillante Sud-Tyrolienne fait partie des meilleures de sa génération avec pas moins de douze médailles en Coupe du monde.

LE CALME AU SERVICE DE LA PRÉCISION

Elle déboule sur ses skis de fond à 180 pulsations par minute et doit faire retomber son rythme cardiaque le plus vite possible pour viser dans le mille. Sa technique ? « On s’entraîne exprès dans les pires conditions imaginables, explique Dorothea. L’idée est d’arriver au stand de tir complètement lessivée et de réussir malgré tout à retenir son souffle à chaque tir. Les coachs vérifient que ni le ventre ni la poitrine ne bougent, bref il faut avoir une conscience corporelle irréprochable. Et au fil des années, le corps change ; il suffit parfois de limer très légèrement la crosse du fusil pour trouver une meilleure position. »

Clément Noël

FRANCE, 28 ANS, SKI ALPIN

Quand il se lance sur les pistes, ce virtuose du slalom fait vibrer le public. En privé, Clément est plus posé et pratique le golf pour se détendre.

SE PRÉPARER À LA SAISON D’HIVER COMME UN PRO

Les conseils du champion olympique de slalom pour être plus performant sur les pistes tout en se faisant plaisir.

Le triptyque gagnant selon Noël : force, équilibre, mobilité.

1. Mobilisation

« On commence par 20 petites minutes pour bien échauffer les muscles avant l’entraînement : on démarre par un automassage (avec rouleau si possible), puis séance d’étirements classique en insistant bien sur les hanches. Enfin, bande élastique entre les jambes et série de pas chassés, 10 à gauche et 10 à droite. »

2. Force et explosivité

« Séance de 40 minutes. Équilibre sur une jambe sur surface instable ; pompes avec rotation latérale ; squats avec bâton audessus de la tête, bras tendus ; on finit par un dragonfly pour muscler les abdos :

position allongée, jambes droites, soulever les hanches vers le plafond. »

3. Coordination

« Petits sauts d’une jambe sur l’autre avec des twists pour corser le tout, comme varier les hauteurs ou lever les genoux en rythme. On peut caler ça entre deux séances de muscu. »

4. Régénération

« Le classique absolu, automassage avec rouleau après l’entraînement. N’attendez pas l’hiver pour développer votre endurance de base, ce sera trop tard, donc n’oubliez pas ces 20 à 35 minutes de récupération en douceur. »

Le biathlon, ou comment passer en un éclair d’un pouls maximal à une concentration totale.

Anna Gasser

AUTRICHE, 34 ANS, SNOWBOARD, BIG AIR

SLOPESTYLE. Depuis 15 ans, cette athlète originaire de Carinthie est l’une des snowboardeuses les plus titrées au monde.

LA PREMIÈRE FOIS

« Avant de tenter un nouveau trick pour la première fois, comme le Cab 1200 l’an dernier (départ en switch puis trois rotations et demie), je le répète plusieurs centaines de fois dans ma tête. Je dois sentir que je suis prête à 100 % ! Je suis toujours un peu tendue, mais quand je me lance, je fais abstraction de tout le reste Quand je décolle et que j’ai les mêmes sensations qu’auparavant sur le tremplin, je sais déjà que ça va être un bon saut. Ensuite, dès que j’atterris, l’adrénaline retombe et mes mains commencent à trembler. »

Matěj Švancer

AUTRICHE, 21 ANS, FREESKI

Né en Tchéquie, sa technique et ses figures totalement innovantes en ont fait l’un des skieurs les plus atypiques du moment.

Quel est selon toi le trick qui symbolise le mieux ta signature, le « style Matěj » ?

Sans hésitation aucune le Baron-Flip, nom que j’ai d’ailleurs eu le privilège de choisir moi-même. On combine un flip et un bring-back en changeant de direction en plein vol.

Qu’est-ce qui te traverse l’esprit juste avant de réaliser un saut vraiment extrême ?

Je pense que les oreilles du public ne sont pas prêtes à entendre ce que je pense là-haut sur le tremplin.

Ta définition d’une journée parfaite quand tu n’es pas en train de skier ?

Une bonne grasse mat’ pour commencer, disons jusqu’à dix heures et demie, puis un petit tour au golf : je fais deux fois le petit parcours, parce que je ne suis malheureusement pas très doué. Ensuite,

pause déjeuner avant de refaire neuf trous puis de rentrer chez moi pour une partie d’échecs.

Ton vœu de nouvelle année au niveau sportif ?

Devenir un skieur encore plus performant. J’aimerais aller tâter de la poudreuse plus souvent au lieu de me cantonner uniquement au snowpark. Et plus généralement, j’aimerais intégrer un peu plus de fluidité dans mon style.

CANADA, 31 ANS, SNOWBOARD SLOPESTYLE, BIG AIR. L’un des snowboardeurs les plus titrés et les plus appliqués de sa génération. Sa devise : « Entame ta course le sourire aux lèvres. »

ENTRAÎNEMENT CÉRÉBRAL

Comment fais-tu au juste pour muscler ton cerveau ?

J’utilise le principe de visualisation, en me représentant ce que je veux, où je veux être et ce que je veux accomplir, puis le principe de gratification : je me rappelle combien je suis heureux, combien j’ai de la chance et combien c’est génial de pouvoir faire ce que je fais.

Utilises-tu des techniques particulières ?

Respiration, visualisation et écriture : je note mes objectifs ainsi que les choses

pour lesquelles je suis reconnaissant.

Tu fais ça régulièrement ?

Pas tous les jours, mais souvent, oui. Je fais également du yoga et travaille avec différentes personnes sur ma respiration. La méthode dépend du type d’entraînement : certains jours, c’est plus axé sur le physique, d’autres plus sur le mental. J’ai des journées d’entraînement au gymnase, d’autres sur la neige, et d’autres encore juste dans ma tête. Je visualise ma course, le ressenti au moment de la réception et les sensations qui viendront ensuite quand ce sera fini.

Mark a remporté sa première médaille d’or en 2012. Depuis, onze autres ont suivi.

Eileen Gu

CHINE, 22 ANS, SKI HALFPIPE ET SLOPESTYLE

Elle est devenue championne olympique en 2022 en big air et en halfpipe. En parallèle de sa carrière de skieuse, elle est mannequin et s’engage pour l’égalité.

MODÈLE, DANS TOUS LES SENS DU TERME

« On n’a pas besoin de choisir entre puissance et féminité, force et délicatesse. Je veux prouver aux jeunes femmes qu’elles peuvent être tout cela à la fois. »

Eileen Gu est la figure de proue de la nouvelle génération. Rien que sur IG, elle compte 2 millions de followers.

PAYS-BAS, 36 ANS, SKI ALPIN

Après une grave blessure au genou et une longe période de repos forcé, l’octuple vainqueur du classement général de la Coupe du monde prépare son grand retour cet hiver pour son pays maternel. Marcel Hirscher

RETOUR AUX PISTES

« Jeux olympiques, championnats du monde, Coupe du monde : j’ai participé à 270 compétitions de ski au cours de ma carrière. Et pourtant, cet hiver olympique représente pour moi le début d’une nouvelle période après ma blessure au genou. J’ai l’impression de tout recommencer à zéro : être sur la ligne de départ, aller jusqu’au bout de mes limites, encore et encore. Cette rupture du ligament croisé a provoqué une coupure brutale et mon retour s’annonce comme une nouvelle aventure. Je me pose les mêmes questions que tout le monde autour de moi : vais-je récupérer mon niveau ? Suis-je prêt à prendre le même genre de risques ? Vais-je y arriver ? La réponse bientôt, en live et en couleurs ! »

Les compteurs à zéro : Marcel Hirscher prépare son grand retour après une rupture du ligament croisé.

Ryōyū

Kobayashi

JAPON, 28 ANS, SAUT À SKI

Il a tout remporté dans sa discipline et détient même le record (non officiel) de distance en vol à ski avec 291 mètres.

« JE SUIS UN JEUNE JAPONAIS TOUT À FAIT ORDINAIRE. »

« Je suis passionné de mode, j’aime les voitures puissantes et j’adore la musique. Ça me fait du bien de sortir de ma bulle sportive pour me réunir autour d’une table avec des gens de tous horizons. Échanger avec des designers, des constructeurs ou des musiciens me permet d’élargir mes perspectives et je suis convaincu que ça fait de moi un sauteur à ski plus complet. »

Ambassadeur du style : Ryōyū Kobayashi s’inspire du Hip-Hop et de la mode.

CANADA, 22 ANS, SNOWBOARD SLOPESTYLE, BIG AIR

Champion du monde en titre et vainqueur du classement général de slopestyle pour la saison 2023/24, Liam est une cible de choix.

MISSION IMPOSSIBLE :

SUR TOUS LES FRONTS

Depuis tout gosse, ce jeune homme originaire de l’Ontario participe à des compétitions professionnelles de wakeboard. « Ce sont deux sports qui se nourrissent mutuellement, estime-t-il. Et qui se ressemblent beaucoup. » Ce qu’on ne peut pas dire du breakdance, son troisième sport de prédilection, qu’il a autrefois pratiqué en compétition. « Mais si, on enchaîne les mouvements, comme en slopestyle ! »

Jesper Tjäder

SUÈDE, 31 ANS, SKI SLOPESTYLE, BIG AIR

Actif sur l’AFP World Tour depuis 2011, il se fait plaisir en concrétisant des projets spectaculaires dans des cadres uniques.

LE TRIOMPHE DE LA CRÉATIVITÉ

« Des projets comme l’Open Rail Loop (à droite), me permettent de concrétiser ces idées qui me viennent et me hantent parfois des années durant. »

ROYAUME-UNI, 21 ANS, SKI SLOPESTYLE, BIG AIR

L’Écossaise fait partie des grands espoirs du freeski. Après une blessure au genou, elle se prépare à un retour au sommet.

MISSION IMPOSSIBLE (SUITE) : LAISSER GLISSER

C’est lors de sa rééducation après un accident que la jeune prodige britannique découvre le VTT : « J’ai toujours adoré les sports qui font monter l’adrénaline. C’est ma drogue ! Mon activité estivale préférée : le VTT électrique, très pratique dans les collines écossaises ! J’ai presque les mêmes sensations de flow, de vitesse et d’adrénaline qu’en ski. »

Kjeld Nuis

PAYS-BAS, 35 ANS, PATINAGE DE VITESSE

Quintuple vainqueur du classement général de Coupe du monde, 35 victoires individuelles, 2 records du monde : personne n’arrive à sa cheville.

UN DERNIER POUR L’AMOUR

Aux Pays-Bas, le patinage de vitesse est un véritable sport national, et Kjeld l’un de ses plus grands héros : plusieurs fois élu « sportif de l’année », anobli, sa success story dure depuis plusieurs décennies. Son secret ? Voilà ce qu’il explique dans le podcast

Mind Set Win : « Sans passion, rien ne marche. Et pas qu’au début, mais sur le long terme, à chaque séance d’entraînement. Pour réussir sur la durée, il ne faut pas compter seulement sur son talent mais

sur un travail constant. »

Kjeld n’est pas célèbre que pour ses nombreuses victoires au fil des années mais aussi pour ses projets un peu dingues, aux antipodes de la routine ; on pense notamment à cet incroyable record de 2002 en Norvège, où il atteint sur ses patins la vitesse ahurissante de 103 km/h en utilisant l’effet d’aspiration d’une voiture. « Je vis pour l’adrénaline, lance-t-il ce jour-là dans un grand sourire. Danger et beauté sont parfois intimement liés. »

Dans la tête

d’une star : « Ma propre nervosité me terrifiait. »
« L’Homme de Leiden » : Kjeld Nuis est un fou de vitesse.

MONTRE TON TALENT !

« Il faut faire preuve de créativité. On a la chance de pratiquer un sport hypervisuel. Je vois le ski comme un moyen d’expression pour dévoiler mes émotions et ma vitalité au monde entier. »

FRANCE, 23 ANS, SKI SLOPESTYLE
Coupe du monde, championnats du monde Winter X Games… La petite cousine de Kévin Rolland, légende du freestyle, écrit elle aussi sa propre success story.

Su Yiming

CHINE, 21 ANS, SNOWBOARD SLOPESTYLE, BIG AIR

Véritable pionnier, il est le premier snowboardeur chinois à monter sur un podium de Coupe du monde en 2021. Et il ne compte pas s’arrêter là.

L’ESPOIR DE TOUTE UNE NATION

« J’avais 4 ans quand mes parents m’ont emmené à la montagne pour la première fois et je suis tout de suite tombé amoureux du snowboard. J’ai également été acteur dès mon plus jeune âge, et ces deux expériences combinées m’ont façonné tel que je suis. En Italie, je veux montrer que je peux progresser encore plus dans mon sport tout en continuant de me faire plaisir, parce que pour moi, c’est ça, le snowboard : le chemin compte autant que l’objectif. »

Mac Forehand

USA, 24 ANS, SKI SLOPESTYLE, BIG AIR

Champion du monde junior, vainqueur du classement général de CM de slopestyle à 17 ans : depuis 2016, il chamboule son sport.

QUAND LE SPORT DEVIENT ART

« Le ski est une forme d’expression. On a cette liberté de pouvoir faire ce que l’on veut, on crée des œuvres d’art sur nos skis. ».

Birk Irving

USA, 26 ANS, SKI HALFPIPE, SLOPESTYLE, BIG AIR

Originaire du Colorado, il réalise son premier 360 alors qu’il n’a que 5 ans. En été, il aime la pêche et le VTT.

LA PEUR COMME MOTEUR

Petit-fils du célèbre écrivain John Irving (L’Hôtel New Hampshire, Le dernier ascenseur) et fils d’une ancienne skieuse de compétition, il explique combien son enfance passée dans les snowparks l’a marqué : « Mon coach m’envoyait m’entraîner dehors même sous les rafales de neige, ce qui a fait de moi ce que je suis aujourd’hui et a marqué mon style, à la fois sauvage et créatif. Dans notre sport, la progression est énorme et l’évolution constante. La peur est une bonne chose, tout comme le stress. C’est pour ça que j’adore la compétition. »

Un saut pour galerie d’art : Mac Forehand, superstar du freeski venue du Connecticut.

Vinzenz Geiger

ALLEMAGNE, 28 ANS, COMBINÉ NORDIQUE

Le vainqueur en titre du classement général de Coupe du monde vient d’Oberstdorf, lieu très réputé pour ses sports d’hiver en Allemagne.

MON POINT DE VUE : DU CHASSEUR À LA PROIE

«Après le saut, je suis rarement dans les premiers. Je dois donc reprendre une place après l’autre place au moment du ski de fond. Quand j’y parviens et que je prends la tête, la pression devient énorme. À ce momentlà, c’est moi qui devient la proie, et j’adore ça ! »

Vinzenz n’est pas du genre à se laisser déborder par le stress, même quand il doit lutter pour la première place.

Isabeau Levito

USA, 18 ANS, PATINAGE ARTISTIQUE

Vice-championne du monde 2024, la jeune Américaine d’origine italienne incarne selon les expert·e·s l’avenir du patinage artistique.

CINQ CHOSES QUE J’AIME

La BO de mon entraînement

Justin Bieber : Confident

Rihanna : Don’t Stop the Music

Three 6 Mafia : Stay Fly

Mon film préféré

My Girl

Mon livre préféré

Delia Owens :

Là où chantent les écrevisses

Ma ville préférée

Milan, évidemment !

Mon plat préféré Burrata, et pâtes aux tomates, mozzarella, câpres et olives.

Isabeau Levito ou l’alliance du style, de la puissance et de l’élégance.

JAPON, 29 ANS,SAUT À SKI

Elle est la sauteuse à ski la plus titrée au monde. Ses 63 victoires en Coupe du monde n’ont jamais été égalées, même chez les hommes.

« Je suis dans une recherche d’optimisation constante, et je trouve souvent des petits trucs qui me dérangent. Les nouveautés, je les tente d’abord à l’entraînement : position plus étroite des skis pendant la prise d’élan, orientation du regard différente… d’infimes détails, mais dans le saut à ski, tout est connecté, sans oublier qu’aucun tremplin ne se ressemble : certains me conviennent mieux que d’autres et chacun demande une approche spécifique. »

ITALIE, 32 ANS, SKI ALPIN

Spécialiste de vitesse originaire de Bergame, elle a déjà remporté quatre fois la Coupe du monde de descente.

MA LETTRE D’AMOUR AU SKI

« Cher ski, Tu es le miroir de mon âme, dans les bons comme les mauvais jours. Tu m’as offert les médailles et les trophées dont je rêvais enfant. Tu m’as permis de devenir une athlète professionnelle, et je t’en suis profondément reconnaissante. J’ai conscience du privilège que cela représente. Et une dernière chose, ski adoré : je ne t’ai jamais haï, pas même dans les moments les plus difficiles. Quand je mordais la poussière, je ne le devais qu’à moi, et toi, tu m’as toujours aidée à me relever pour donner le meilleur de moi-même. »

Marcus Kleveland

NORVÈGE, 26 ANS, SNOWBOARD SLOPESTYLE, BIG AIR

Le Norvégien d’1,72 m a déjà remporté dix médailles d’or : deux aux championnats du monde et huit aux Winter X Games.

CHANGEMENT DE STRATÉGIE ET NOUVEL OBJECTIF

Marcus Kleveland a subi un terrible accident en décembre 2018. Même son chirurgien, pourtant habitué au pire, n’avait jamais vu une telle blessure au genou. Presque personne ne croyait à un éventuel retour du skieur, on s’accordait à penser qu’au mieux, il pourrait peut-être un jour refaire un peu de descente avec ses amis. Mais Marcus s’était fixé des objectifs bien plus ambitieux. Plutôt que de penser aux compétitions, il a concentré toute son énergie sur une guéri-

son complète sans se soucier des pronostics négatifs. Cette détermination lui a permis de fêter son retour non seulement dans le sport professionnel mais également au plus haut niveau mondial en à peine un an, avec plusieurs récompenses à la clé : victoires en Coupe du monde, médailles d’or en big air aux X games et en slopestyle aux championnats du monde.

ITALIE, 17 ANS, SKI SLOPESTYLE, BIG AIR

Née à Bologne, l’actuelle championne du monde a remporté la Coupe du monde en big air et fait également partie des meilleures en slopestyle.

Flora Tabanelli est une passionnée de gymnastique.

Reprends ton vol : après son terrible accident, Marcus Kleveland est revenu au sommet.

MES PLUS GRANDES INFLUENCES

Surf et skateboard

« Je partage cela avec mon frère Miro, lui-même champion de freestyle et vainqueur aux X Games. »

Art abstrait

« Je tiens cela de mon père qui est graphiste. À mes heures perdues, j’aime peindre et dessiner. »

Gymnastique artistique

« J’en fais depuis l’âge de 2 ans. Ça m’aide à mieux évaluer ma position corporelle dans les airs. »

Alberto Tomba

« Quand j’étais petite, il est venu nous faire coucou à la montagne. Un merveilleux souvenir ! »

JAPON

« J’adore ce pays, de la nourriture à la neige… en passant par les bonsaïs ! »

USA, 41 ANS, SKI ALPIN

L’une des skieuses les plus titrées de l’Histoire, elle a fait son retour en novembre 2024 après un hiatus de cinq ans et demi.

SON PÈRE, CE HÉROS

« Avocat et moniteur de ski, mon père a toujours été à mes côtés depuis mes débuts jusqu’à cette mise entre parenthèses. C’est lui qui m’a donné ma première leçon quand j’avais 3 ans, chez nous, dans le Minnesota. Je m’en souviens comme si c’était hier : il faisait un froid de canard, ça ne m’a pas plus du tout. Mais il a su me convaincre de ne pas abandonner à grands renforts de donuts et de chocolat chaud. Grâce à lui, je me suis mise à aimer le sport et la montagne. »

Les débuts : la jeune Lindsey et son père Alan à la fin des années 1980 dans le Minnesota.

DESCENTE RAIDE Son style est extrêmement agressif, sa capacité à endurer légendaire : Lindsey Vonn écrit l’histoire depuis des années.

Scotty James

AUSTRALIE, 31 ANS, SNOWBOARD HALFPIPE & SLOPESTYLE. Le plus titré des snowboardeurs australiens est marié à Chloe Stroll, la sœur du pilote de Formule 1 Lance Stroll.

LES GRANDS

OBJECTIFS

FONT LES BONS AMIS

C’est son père qui lui a offert son premier snowboard alors qu’il n’avait que 3 ans et demi. Une planche de 80 cm exposée dans la  vitrine d’un magasin de Vancouver. On connaît le reste. « Je me suis toujours entouré d’amis qui partagent la même philosophie. Et  pendant toutes ces années, jamais personne ne m’a dit que j’allais échouer dans ce que j’avais entrepris. »

en réussissant le premier 2340 de l’histoire.

Il a réussi son premier backside 1080 à 9 ans, est passé pro à 12, et est entré dans la légende à 19

JAPON, 20 ANS, SNOWBOARD BIG AIR

Hiroto Ogiwara

bouche-bée et a été retourné comme une crêpe.

Le monde du snowboard en est resté

bras à l’entraînement.

et demi de rotation, le tout malgré une fracture à l’avant

snowboard, Hirito a réussi un 2340, un saut avec six tours

ce qui est arrivé. Pour la première fois dans l’univers du

homme s’apprête à atteindre la lune. » Et c’est précisément

« Attention, tour de contrôle, a lancé le commentateur. Cet

Aspen, Colorado, janvier 2025.

TOMBÉ SUR LA TÊTE

LE JOUR OÙ LE SNOWBOARD

Ester Ledecká

TCHÉQUIE, 30 ANS, SNOWBOARD & SKI ALPIN

Athlète polyvalente par excellence, elle a remporté des compétitions de Coupe du monde en snowboard comme en ski.

UNE ATHLÈTE QUI SE CONJUGUE AU PLURIEL

« Je suis plus têtue que les autres et je m’entraîne jusqu’à maîtriser mon sujet à 100 %. C’est comme ça que j’ai appris à jongler et à marcher sur les mains. »

Sentir qu’elle a franchi un cap : Maddie adore cette sensation.

Maddie Mastro

USA, 25 ANS, SNOWBOARD HALFPIPE & SLOPESTYLE

Elle n’a plus lâché sa planche de snowboard depuis l’âge de 6 ans. La Californienne incarne une nouvelle génération de snowboardeuses.

PENSÉES EN VRAC AVANT L’ENVOL

« Mon double crippler (double salto arrière avec rotation externe, ndlr) a été le premier jamais réalisé par une femme en compétition. C’était peut-être la cinquième fois seulement que je tentais ce trick et je crevais de trouille, mais le fait de l’avoir réussi m’a donné un énorme boost de confiance. Je me suis mise à aimer ce truc qui me terrorisait. »

Peu importe la discipline, Ester laisse les concurrentes dans son sillage.

La voie du succès

Elle fle sur les pistes de skicross et fgure, malgré les revers, parmi les skieuses freestyle les plus titrées au monde. Ici, Fanny Smith, 33 ans, retrace son parcours, de jeune pionnière dans les montagnes vaudoises à multiple championne du monde.

Plus que des médailles

À l’âge de 12 ans, Fanny Smith choisit le skicross — un sport alors en émergence. La gagnante de plusieurs Coupes du monde se bat pour des centièmes de seconde, et s’engage aussi pour une meilleure prise de conscience de la santé mentale dans le sport de haut niveau.

1992

Née à Villarssur-Ollon, Fanny, la deuxième de la fratrie (ici à gauche), a commencé à se tenir sur des skis dès l’âge de 3 ans.

2008

« À 16 ans, mes parents m’ont fait confiance et m’ont permis d’arrêter les cours pour me consacrer entièrement au sport. Une énorme chance. Je leur suis reconnaissante. »

24 janvier 2010 « Cette année-là, je termine deuxième en Coupe du monde à Lake Placid, le succès le plus important de ma carrière. Ce résultat m’a permis de considérer le ski comme une option sérieuse. »

Une remontée pas anodine

« J’étais avec mon père dans une télécabine à Zweisimmen et là, il m’apprend que le skicross va intégrer le programme olympique, et me demande si je voudrais devenir pro. J’ai acquiescé. C’est là que tout a commencé ! »

2011/2012

« Après ma chute à Innichen en finale, mon genou était en miettes. Le médecin m’a dit qu’il ne savait pas si je pourrais skier à nouveau. Pour moi, il n’y avait pas de doute. Quand j’ai un objectif, je fais tout pour l’atteindre. »

Hiver 2006

10 mars 2013 Championne du monde !

« En 2012/13, j’ai gagné mes trois premières courses de Coupe du monde d’entrée de jeu. Même moi, j’étais surprise de voir à quel point tout fonctionnait à nouveau. Ma blessure m’a paradoxalement donné de la force : je me suis mieux préparée que jamais. Tout s’enchaînait : les victoires, les podiums, j’ai même remporté le Globe de cristal et, à 20 ans, je suis devenue championne du monde en Norvège. »

21 mars 2025

Dans la bonne direction

« Cette année, j’ai été championne du monde en individuel et en équipe mixte à Engadin. Ce sont de beaux succès qui, après le creux de 2022, me montrent que les choses vont dans la bonne direction. Je travaille sur moi-même. Et je suis honnête avec moi-même. C’est le plus important. »

2014

« À Sotchi, j’étais favorite. Mais j’ai fait une erreur qui m’a coûté ma place en finale. J’ai remonté la pente grâce à un coach mental ; depuis, je soigne mon bienêtre psychique. »

23 février 2018

Le comeback

« Cette saison, je suis remontée au sommet et j’ai finalement gagné la médaille de bronze aux Jeux olympiques de Pyeongchang, en Corée du Sud. Une vraie libération : j’étais de retour en pleine forme, j’étais enfin redevenue moi-même. »

17 février 2022

Aléas pas sans conséquences

« Ce fut une année particulièrement éprouvante : on m’a disqualifiée de manière injustifiée aux JO, avant de finalement annuler cette décision ; sauf que le momentum était perdu. Cette expérience m’a profondément marquée. Depuis, je travaille avec une psychologue et je parle ouvertement des défis mentaux. »

Mila

Une immense curiosité pour la vie et le monde qui l’entoure, voilà ce qui anime Lucas Pinheiro Braathen : pour son retour dans le monde du ski, le jeune homme de 25 ans a choisi de s’installer à Milan – parce que c’est la capitale de la mode, du design et de la cuisine. Le champion nous ouvre les portes de sa seconde patrie – sur les chapeaux de roue !

La star du ski Lucas Pinheiro Braathen file sur sa Honda Zoomer NPS50 dans les rues de Milan.
Texte Stephan Hilpold
Photos Mark Clinton

Peut-être faut-il commencer par son lit : massif, immense, il brille comme un vaisseau spatial. Le champion aux deux nationalités (norvégien par son père et brésilien par sa mère) confie : « Je voulais un lit dans lequel je me sente vraiment chez moi lorsque je me réveille. » Hors de question, donc, d’adopter un de ces lits d’hôtel insipides, dans lesquels le jeune skieur passe la plupart de ses nuits lorsqu’il fait la tournée des championnats pendant la saison. À l’inverse, son plumard milanais ne ressemble à aucun autre.

PLACE À LA CRÉATIVITÉ AU STUDIO NM3

Laboratoire créatif, espace d’exposition ou studio photo : Lucas rend visite à ses amis du studio de design NM3. Le cube en acier inoxydable : leur pièce signature.

L’objectif de Braathen est très clair : « Rapprocher le monde du ski de celui de la créativité. »

DE L’EXERCICE À CERESIO 7 GYM

Le matin de notre interview, Lucas réalise un entraînement par intervalles, puis une séance de muscu. Entre deux sessions, Lucas trouve le temps pour ses autres passions.

Un lit en acier inoxydable. « Un monstre de design brutaliste ! », plaisante Lucas en regardant Francesco Zorzi du coin de l’œil : Francesco, avec qui Lucas a conçu le lit en inox pour son appartement dans le centre de Milan, est l’un des trois cerveaux du studio milanais NM3. Depuis que la marque streetwear Fear of God de Los Angeles leur a commandé des meubles, ce studio connait un véritable essor dans le mobilier en acier inoxydable. Francesco est originaire de Madonna di Campiglio dans le Trentin, un lieu où Lucas s’est souvent rendu pour des championnats de Coupe du monde. Francesco sur son ami Lucas : « Ce qui nous relie, c’est l’amour du sport et du design », avant d’ajouter cette phrase qui résume bien le talent de son jeune ami : « Je ne connais aucun autre athlète qui ait, de près ou de loin, autant de goût et de style que Lucas. »

« Oiseau de paradis » : c’est le surnom que les journalistes ont donné à Lucas Pinheiro Braathen, qui assume sans complexe son côté showman. Un drôle d’oiseau en efet, aussi original qu’insaisissable : du haut de ses 25 ans, ce skieur surdoué – vainqueur du classement général de slalom de la Coupe du monde en 2022/23 pour la Norvège – avait ainsi surpris tout le monde en prenant une pause inattendue… avant de revenir sur le devant de la scène, cette fois-ci pour les couleurs de son pays maternel, le Brésil. Avec son côté volontiers survolté, ses ongles vernis, son goût pour les jupes ou les shorts ultra-larges, Lucas détonne dans le monde étriqué et classique du ski – et c’est tant mieux. Un oiseau qui refuse

de se laisser enfermer dans une case ! Lucas survole l’univers uniforme du ski en y jetant des plumes de toutes les couleurs. Pour apprendre à le connaître, il ne suft pas de l’observer sur les pistes de ski ou lors des entraînements : là, on y rencontre Pinheiro Braathen, le skieur ultra technique, le perfectionniste acharné qui lutte pour chaque centième de seconde. Pour bien comprendre qui est vraiment ce sportif atypique et d’où il puise son inspiration, il faut suivre la trace de son alter ego, Lucas : le passionné de mode, d’art et de design, le DJ, le bon vivant. C’est donc à Milan, sa ville d’adoption, qu’il faut se rendre.

« J’aime tout ici », s’exclame-t-il alors qu’il grignote, confortablement assis à la terrasse ensoleillée de son bar préféré, le Bar Paradiso (dans la Via Gerolamo Tiraboschi) quelques artichauts de la ferme Agricola Fratepietro – les meilleurs qu’on puisse trouver ici, selon ce jeune hédoniste. Dans cette cité économique

et créative, Lucas a pris, après son retour en Coupe du monde – en plus de sa résidence principale à Altenmarkt, en Autriche – un appartement, loin de la Norvège, patrie de son père, et du Brésil, pays natal de sa mère. « J’ai toujours tellement voyagé dans ma vie, résume-t-il. J’ai désormais envie de vivre dans des lieux où je me sens chez moi. »

Les parents de Lucas se séparent lorsqu’il était encore petit, et dès lors, sa vie se déroule à cheval entre deux pays, deux cultures opposées : en Norvège, son père le met sur des skis dès l’âge de quatre ans. « Je détestais le ski et inventais toutes sortes d’excuses pour ne pas retourner sur les pistes ! » À l’inverse, le ballon de foot que sa mère lui ofre à São Paulo le fascine immédiatement : « Au Brésil, j’étais certes le gringo, mais sur le terrain, les gamins se fchaient de mon apparence, mon origine ou ma constitution menue. »

Fuir…

Pour la première fois, le gamin se sent accepté et compris. À huit ans, il retente le ski et rejoint immédiatement le club de ski de Bærum en Norvège : dès lors, la vie de Lucas se joue sur les pistes – et en voyage – avec toujours de nouvelles rencontres issues de cultures diverses. « J’aimais cette vie, dit-il en avalant un autre artichaut, mais j’étais aussi constamment en fuite. » En fuite ? « Je me fuyais moi-même. J’essayais de m’intégrer dans les groupes, de m’adapter. Mais je ne discernais pas ce qui était vraiment important pour moi. »

Lucas Pinheiro Braathen a une mission : rendre le ski plus coloré et montrer que ses protagonistes ont des personnalités différentes, avec des histoires variées.
« Le ski, explique-t-il, a beaucoup de potentiel. Peut-être qu’en étant ouvert, je pourrai encourager d’autres athlètes à se montrer davantage tels qu’ils sont. Et ainsi rendre le ski plus diversifié ! »

UNE PAUSE

GOURMANDE AU BAR PARADISO

Les artichauts et les tomates séchées viennent de l’Agricola Fratepietro – les meilleurs producteurs, selon Lucas.

« Connais-tu la loi de Jante ? », lance-t-il. Dans les pays scandinaves, ce sont des règles de conduite (à prendre au second degré) qui soulignent l’égalité et l’humilité au détriment de l’individualité et de la réussite personnelle. « Il faut arrêter de croire qu’on est spécial, explique Lucas, avant d’exploser : Mais moi, je suis diférent ! Je suis un individualiste ! » Certainement son côté latino…

Un immense bureau en acier inoxydable traverse tout le rez-de-chaussée du studio design NM3, sur deux étages, dans la Via Carlo Farini, au sud de Milan. Après son petit-déjeuner au Bar Paradiso (dont les étagères à vin ont été dessinées par NM3), Lucas Pinheiro Braathen se rend chez son ami et designer Francesco. Le studio est rempli de jeunes créatifs concentrés sur leurs écrans, entourés de photos de Federico Hurth, photographe italo-suisse. Ce dernier est connu pour ses clichés désabusés de la génération Z, entre clubs et réseaux sociaux. Un mois plus tôt, Francesco et ses amis avaient organisé dans leur studio une exposition de ses photos (dans des cadres en inox, évidemment) et Lucas en a acheté une… même s’il ne sait toujours pas où l’accrocher dans son appart ! Changeant de sujet, Lucas demande à son ami s’il compte aller au Ceresio 7, le club de ftness où tous deux s’entraînent presque tous les jours.

Lucas y est déjà passé en début de matinée dans ce studio ultra moderne pour un entraînement à jeun mais compte y retourner dans la journée pour une seconde séance. Il profte de l’été et du temps qu’il a avant la prochaine Coupe du monde pour intégrer dans son entraînement toutes sortes de disciplines : vélo,

course, yoga, surf, saut de falaise… « Je m’entraîne de la même manière que je mène ma vie, précise-t-il. Il n’y a qu’en m’exposant à un maximum d’inputs et de stimuli que je peux atteindre ma meilleure forme. »

… et se trouver

La région de Milan semble se prêter parfaitement à ce besoin de diversité : les montagnes et les lacs ne sont pas loin, les deux aéroports ofrent des connexions vers le monde entier, et la ville s’apprête à accueillir certaines compétitions des prochains Jeux olympiques d’hiver – un événement que le jeune skieur de 25 ans attend avec impatience, tant sur le plan sportif que créatif. Sportivement parlant, parce que c’est enfn l’occasion de percer dans une grande compétition internationale. Mais aussi parce qu’un tel événement peut libérer une quantité phénoménale d’énergie artistique : « À Paris, on a pour la première fois réuni le sport et la créativité à grande échelle. Milan a au moins autant de potentiel. » Le jeune athlète passionné d’art ajoute alors : « Je ferai tout pour rapprocher enfn le monde du ski et celui de la mode, de la musique et du design ! »

C’est la mission que Lucas Pinheiro Braathen s’est donnée, pour les JO et même au-delà : rendre le monde du ski moins uniforme, plus joyeux et coloré, montrer aussi que ses protagonistes ont des caractères diférents – et des histoires très diverses. En F1, c’est exactement ce que la série Netfix Formula 1: Drive to Survive a réussi à faire. « Le ski a tellement de potentiel. Peut-être que par ma franchise, je peux encourager d’autres athlètes à montrer davantage qui ils sont. Et ainsi diversifer le monde du ski ! »

Dans son enfance, Lucas adorait apprendre des chansons et des chorégraphies par cœur pour les interpréter régulièrement devant sa famille ; ado, il joue avec la mode et les tenues toujours plus excentriques, et connaît par cœur les clips de Michael Jackson et de Queen. Mais ce n’est qu’à 20 ans qu’il plonge véritablement dans l’univers de la création.

Il aura fallu pour cela un accident survenu en janvier 2021 à Adelboden lors d’un slalom géant. Il doit abandonner la saison prématurément et la pandémie mondiale de covid fait le reste, interrompant brutalement toute vie sociale. « J’étais dans un creux de ma vie, et je pensais tout laisser tomber. » Un groupe d’artistes qu’il rencontre à Oslo l’aide

LES COURSES À

L’ALIMENTARI TERROIR

alors à sortir de cette crise existentielle : « C’étaient des jeunes qui avaient transformé l’ancien aéroport d’Oslo en laboratoire créatif. Et j’étais au cœur de tout ça. » Des marques de mode y côtoient des musicien·ne·s, des artistes cohabitent avec des passionné·e·s de design. Un monde à la mesure du jeune sportif ultra curieux et touche-à-tout : « Le plus génial, ce fut que ces gens-là, notamment Jonny du duo artistique Broslo, m’ont fait comprendre que j’avais du talent et que je devais l’exprimer. » Quelques mois plus tard, il dessine sa première collection pour la marque scandinave Swims, et conçoit aussi la campagne et le lancement, grandiose. Ça y est, il s’est enfn trouvé – artistiquement.

En pleine forme

Il aura aussi fallu un clash frontal avec la fédération norvégienne de ski et une sortie surprise de la Coupe du monde à l’automne 2023 pour que, un an plus tard (jour pour jour !) Lucas Pinheiro Braathen annonce son retour à Sölden dans un vacarme médiatique – cette fois sous le pavillon brésilien. « Je me suis fxé pour objectif de faire ce que j’aime le plus, déclara-t-il sans complaisance lors de

son retour, mais je veux aussi dépasser le monde du ski et du sport en m’exprimant ouvertement et en montrant qui je suis vraiment – sans plus aucun compromis. » Enfn, Braathen est donc arrivé là où il a toujours voulu être : tenir les rênes luimême et travailler avec sa propre équipe de soutien – neuf personnes au total ! Il est étroitement impliqué dans les processus de design et de création avec ses sponsors Moncler, Atomic et Oakley, et peut laisser libre cours à ses passions pour le DJing (il adore la Deep House et l’Afrobeats), la mode et le design. Il a aussi une nouvelle compagne, l’actrice brésilienne Isadora Cruz.

« Avant, je ne me sentais jamais aussi bien, même dans mes meilleurs jours », dit-il en passant sa sacoche de sport sur l’épaule et en enfourchant sa Honda. Il souhaite encore nous faire découvrir une dernière adresse : un magasin alimentaire avec bar, ou plutôt un concept store dans une petite rue discrète. Gabriele Ornati y vend uniquement de bonnes et belles choses, autrement dit : tout ce qu’il savoure lui-même. De petits producteurs régionaux, privilégiant la qualité, se retrouvent sur les étagères, du thé aux herbes du Tyrol, en passant

Quand le frigo est vide, Lucas Pinheiro Braathen descend faire ses courses ici. Sur sa liste ? Du pain, du vin et du salami !

par le chocolat du Chiapas. « Je suis inspiré par toute personne elle-même passionnée par ce qu’elle fait », souligne Braathen.

L’amour de la qualité, l’enthousiasme pour les créations, le plaisir hédoniste : tout cela, Lucas le partage avec Gabriele et son équipe, ce qui fait qu’aucun séjour à Milan ne se passe sans qu’il rende visite à ses amis. Même maintenant, il fait rapidement ses courses du week-end, son propre frigo étant vide.

D’ailleurs, tout comme une partie de son appartement milanais, qu’il souhaite aménager tranquillement, avec patience et amour. Il a déjà le lit, unique en son genre. De nombreux autres objets sur mesure suivront, pour que l’univers de Lucas Pinheiro Braathen devienne encore plus coloré – exactement comme il en rêve depuis son enfance.

Instagram : @pinheiiiroo

SOUQUER FORT POUR SKIER en Norvège

UN RÊVE DE GLACE

500 m de dénivelé, une pente à 50 ° : l’auteur

Hugh Francis Anderson met le cap sur la péninsule de Loppa en Norvège avec son voilier. En compagnie d’un skieur et d’une photographe, il part en quête de la ligne raide – un rêve.

Mes jambes flageolent, mon dos est trempé. À chaque pas, je m’enfonce dans une insondable poudreuse. La brise vient fouetter la crête au-dessus de nos têtes, faisant valser des volutes de neige à travers lesquelles le soleil tente de percer. Je me retourne vers Paul De Groot, un skieur pro néerlandais, et Agathe Ledoux, une photographe française. « On y est ! C’est dingue, non ? » Un immense sourire éclaire leurs visages incrédules.

Malgré les mers furieuses, les tempêtes, le matériel cassé et les alertes avalanche depuis une semaine, nous sommes enfin arrivés à destination dans ce couloir glacé sur une péninsule norvégienne isolée à 400 km au nord du cercle arctique. Plus que 200 mètres pour atteindre le sommet et le couronnement de notre voyage. La lente ascension continue.

Cela a débuté par une heureuse coïncidence : en juillet dernier, ma compagne Camilla et moi-même avons acquis le voilier Delfin. Alors que nous réparions une avarie de moteur dans le port de Kristiansand avant de rentrer à Tromsø, je suis tombé sur De Groot, skieur et marin chevronné que j’ai toujours admiré. Entre deux verres, une amitié est née.

Nous avons parlé de l’hiver, et il m’a montré la photo d’un couloir naturel fantasmagorique repéré lors d’une traversée à la voile. « Une ligne parfaite », m’a-t-il confié, rêveur. Un passage raide et étroit situé à Loppa, péninsule norvégienne sauvage qui embrasse la mer de Barents, au cœur du cercle arctique. On ne peut l’atteindre que par la mer, ce qui en fait un lieu rarement visité par les adeptes de ski.

Cette ligne parfaite dont rêve De Groot se situe sur la face est d’une crête de 1 000 m en forme de fer à cheval autour d’Ullsfjorden. Pour l’atteindre, il faut jeter l’ancre dans le fjord, traverser la paisible vallée, puis tracer une série de lacets dans une pente d’accès à 30 ° avant de gravir à pied le couloir de 500 m… à 50 °. Nous revoilà huit mois plus tard dans une marina à la sortie de Tromsø, moi sur le pont du Delfin à dégager la neige, De Groot à l’intérieur entassant du matériel de ski dans tous les recoins, Ledoux faisant le tri de nos provisions. Les montagnes alentour reposent sous d’épais manteaux blancs. Nous sommes en avril, la nuit polaire ayant un tant soit peu relâché son emprise, le paysage gelé baigne dans une lumière dorée. Dans le nord de

ÇA MOUILLE Le Delfin amarré dans Ullsfjorden.
PLEIN NORD Anderson et De Groot naviguent vers Loppa.
« On ne peut l’atteindre que par la mer, ce qui en fait un lieu rarement visité. »

À TOUT PRIX Après des heures et des heures d’ascension en crampons, la meilleure récompense au monde : une poudreuse fraîche et immaculée.

IMPRESSIONS

la Norvège, les fronts météorologiques sont souvent capricieux. Mais une fenêtre d’accalmie s’offre à nous, suffisante pour traverser les 185 km (environ 20 heures de bateau) qui nous séparent du village de pêcheurs de Bergsfjord, d’où nous pourrons rejoindre Ullsfjorden. Nous partons à minuit, emmitouflés dans tous nos vêtements, mais le froid arctique nous glace. Tromsø et les Alpes de Lyngen défilent devant nos voiles gonflées par le vent. Le moteur nous joue quelques tours, mais nous atteignons malgré tout Bergsfjord la joie au cœur.

ARCTIQUES Anderson et De Groot gravissant le couloir.
« Je découvre le couloir pour la première fois. Sa ligne semble avoir été sculptée par les dieux du ski. »

TOUT EN DOUCEUR Anderson (à gauche) et De Groot redescendent à ski vers le petit village de pêcheurs de Bergsfjord.

Autour de Loppa, l’océan fait figure de mythe pour les pêcheurs, qui, eux aussi, attendent la fin de la tempête. Les jours s’écoulent dans des brumes de café, vérifications horaires, prévisions et séances de sauna. Agglutiné·e·s dans le Delfin, armé·e·s de patience, nous rions et une solide complicité se tisse entre nous.

La tempête apporte avec elle de fortes chutes de neige et la météo alterne entre gel et redoux, créant une couche fragile et persistante dans le manteau neigeux. Nous restons sur nos gardes. Grâce à Morten Christensen, guide de montagne, et Agathe, aussi instructrice spécialisée dans les avalanches, nous nous précipitons dans les montagnes autour du port pour tester la couche neigeuse. À Loppa, nous sommes isolé·e·s et exposé·e·s : peu de réseau, et à plusieurs heures du poste de secours le plus proche, ce qui renforce

Bons conseils

Comment y aller

Située à 70 °N, au cœur du cercle arctique, la péninsule de Loppa n’a pas d’accès routier. Depuis l’aéroport d’Alta, effectuer la suite du trajet en voiture jusqu’à Øksfjord, puis avec le ferry vers Bergsfjord.

Unique hébergement

Le Bergsfjord Lodge, tenu par Morten Christensen, guide de montagne. bergsfjordlodge.com

cette abîme entre excitation du risque et nécessité absolue de prendre les meilleures décisions. D’un commun accord, nous décidons que si la situation s’envenime, nous ferons demi-tour.

Au bout de quatre jours, le vent finit par tomber. Les nuages se dissipent, révélant un ciel bleu turquoise. Nous détachons les amarres gelées du Delfin. Cap sur Ullsfjorden, à deux heures au nord. En contournant le cap, je découvre le couloir pour la première fois. Sa ligne semble avoir été sculptée par les dieux du ski. De Groot avait raison : la ligne est parfaite. Après trois heures de traversée à ski de fond, nous voilà enfin au pied du couloir, ôtant plusieurs vêtements avant d’entamer l’ascension. C’est une progression quasi verticale, pas à pas, dans une neige fraîche, profonde et (par chance) stable. Les heures passent, nous suons sang et eau, nos jambes se dérobent. C’est notre modeste offrande à la montagne, un rite de passage qui nous garantira la plus belle des descentes. Enfin, quatre heures après avoir quitté la base, nous atteignons le sommet tant convoité. Plus qu’à vivre l’aboutissement de ce rêve vieux de huit mois, qui ne durera qu’un bref instant. Tandis que nous remettons nos vêtements et réarmons nos harnachements, mon regard se porte vers le fjord et le Delfin, minuscule tache blanche sur les eaux sombres. Agathe et moi faisons un signe de tête à De Groot. « Trois, deux, un… Go ! », hurle-t-il avant de disparaître dans un nuage de poudre soyeuse.

Instagram : @hughfrancisanderson

PLAYLIST/

ROCK & FLY

Les figures du freeskieur et double champion du monde

Fabian Bösch sont spectaculaires et aussi pleines d’énergie que ses morceaux préférés.

La musique occupe une place immense dans la vie de Fabian. Il a été biberonné aux rock des années 70 et 80. Fleetwood Mac, The Police, Aerosmith, Roxette… figurent sur sa playlist de huit heures. Aujourd’hui, il écoute aussi bien du rap que du Mundart, la musique en dialecte suisse alémanique. « Avant, j’aimais avoir de la musique dans les oreilles sur la neige, raconte-t-il. Mais en tant que pro, ce n’est plus possible : il faut rester à l’écoute du coach ou des organisateurs, surtout en cas d’alerte au vent ou de chute. » Lors des compétitions, il se ménage un moment dans un coin tranquille « et j’écoute de la musique » quelque chose comme la Bad Boy Chiller Crew ou un autre son « qui donne la pêche et la banane ». Puis, quand la musique s’arrête, le silence s’impose, et avec lui, la concentration qu’il insuffle dans ses figures de freeski.

Instagram : @buhsch

The Rolling Stones Beast of Burden (1978)

« S’il ne me restait qu’une seule chanson à écouter dans toute ma vie, ce serait celle-là. Grâce à Spotify, je sais qu’elle fait partie de mes titres les plus écoutés ; elle revient régulièrement dans ma playlist. Pourquoi elle me captive tant ? On sent l’énergie et le groove du groupe, et surtout l’alchimie entre la voix de Jagger et la guitare de Richards. Cette passion, ce feu ! Elle me transporte. »

Bloc Party Banquet (2004)

« Adolescent, je courais de l’école jusqu’à la maison pour jouer aux jeux vidéo et écouter ce morceau. Banquet fait partie de la bandeson de SSX on Tour, un jeu de ski et snowboard freestyle sur PlayStation 2. Aujourd’hui encore, si je devais monter une vidéo de compétition, c’est ce morceau que je mettrais en fond : il colle parfaitement à l’univers du freestyle selon moi ! »

Pashanim

Airwaves (2020)

« C’est la vibe ! Pashanim la fait passer incroyablement bien, et ce, sans jamais jurer. Retrouver des amis, profiter de l’été, flâner en ville… Cette vibe, je la connais bien. L’entraide et la complicité entre les potes, c’est la base. Pashanim chante ça super bien, en évoquant les maillots de foot ; pour moi et mes potes, ce serait plutôt des sorties à vélo ou des plongeons dans un lac la nuit. »

The Moldy Peaches

Anyone Else but You (2001)

« Ce groupe est tellement créatif ! Des tonalités variées, des paroles à la fois cool et profondes. Cette chanson parle du perfect match, de trouver quelqu’un qui aime toutes les facettes de toi. Heureusement, j’ai trouvé cette personne : je suis en couple depuis longtemps avec ma petite amie. Je connaissais cette chanson avant de la rencontrer. »

AU PREMIER PLAN S’il jouait dans un groupe, il aimerait être le chanteur. Et la musique ? « Du garage rock mal enregistré. »

BIEN-ÊTRE HIVERNAL

“I’m all good”, se réjouit Stefanie

Heinzmann lors de la Volvo Winter Driving Experience.

SÉCURITÉ TOUCHE AUX ÉMOTIONS »

En tant que « Friend of Volvo », la chanteuse Stefanie Heinzmann se rend chaque année à Saanen pour participer à la Volvo Winter Driving Experience, une immersion en conduite sur routes enneigées et verglacées. Pour elle, la conduite, la musique et, dans un sens plus large, la vie ont bien plus en commun qu’on ne le pense.

Stefanie, dans ton tout nouvel album Circles, tu traduis des émotions en musique. Quelle chanson correspond le mieux à cette immersion en conduite hivernale ?

Je trouve que Good est un bon match. Il y a trois ans, lors de ma première participation à la Volvo Winter Driving Experience, j’étais terriblement nerveuse avant les manœuvres de virage, de freinage et d’évitement. Sentir à quel point le véhicule restait stable dans n’importe quelle condition m’a fait vivre un pur moment “I’m all good”. Genre « ça va passer crème. »

Qu’est-ce qui t’a le plus bluffée ?

Les descentes raides et enneigées ! Au final, la voiture monte et descend toute seule, tout en contrôle. Les instructions étaient : «Conduis jusqu’au bord de la pente et dès que tu sens que le véhicule bascule vers l’avant, lâche tout. Laisse les mains posées tranquillement sur le volant sans freiner ni accélérer. » J’ai senti une grosse montée d’adrénaline au début. Après, j’étais impressionnée par le mode tout-terrain et le contrôle d’adhérence.

Ce n’est pas le genre de situation qui arrive tous les jours…

Détrompe-toi ! Je vis dans le Valais, et là-bas, ce ne sont pas les descentes enneigées qui manquent. En plus, j’ai appris à garder les mains en position « 10 heures – 2 heures » sur le volant,

SÉCURITÉ AVANT TOUT

Avec la transmission intégrale, le mode tout-terrain et la ceinture de sécurité multi-adaptative, les voitures Volvo sont prêtes pour l’hiver.

car on a tendance à trop vouloir corriger sur la glace. Et on oublie les distances de sécurité. Tout le monde devrait suivre un cours de conduite en conditions hivernales pour bien se rendre compte des réactions d’une voiture qui commence à déraper.

La conduite hivernale, c’est l’art de garder le contrôle dans des situations limites. Y vois-tu une analogie avec la musique ?

Mes limites, je les atteins surtout au niveau physique. Certaines chansons te prennent tout, que ce soit au niveau de la voix, des aigus ou des émotions. L’important, c’est de se recentrer sur soi et de faire confiance à son corps : je sais que je vais y arriver sans que ma voix me lâche, tout comme je sais que je peux faire confiance à la voiture. Dans les deux cas, c’est une histoire de finesse, de confiance et de lâcher-prise. Quand on compose des morceaux avec d’autres musiciens, il faut rester à l’écoute, sentir ce que l’on attend de toi à un moment précis et réagir aussitôt. S’entêter dans un truc perso ne fonctionne ni sur scène, ni sur la glace.

La confiance est un sujet qui te tient à cœur. C’est quelque chose que tu ressens au volant de ta Volvo ?

Je passe des heures sur la route, parfois dans des voitures de location, et chacune réagit différemment. En dix-huit ans de

« Dans les deux cas, c’est une histoire de finesse, de confiance et de lâcher-prise. »

LES BONS RÉFLEXES

L’entraînement porte sur la maîtrise du véhicule sur routes verglacées. Une expérience que tout le monde devrait faire.

conduite, je n’ai ressenti un tel sentiment de sécurité que dans une Volvo. Le confort, l’habitacle, la stabilité sur route… tout est aux petits oignons.

On pourrait penser qu’une jeune musicienne soit plus attirée par les voitures dites « émotionnelles »…

Mais pour moi, la sécurité est une thématique qui touche aux émotions, parce que je tiens à ma vie ! Un accident est vite arrivé, donc c’est très rassurant de savoir que ton véhicule te protège.

Les incertitudes ne manquent pas non plus dans le monde de la musique. Comment gères-tu cela ?

C’est autre chose. Quand tu planifies un album, une tournée ou même ta carrière, la vie se charge toujours, non sans humour, de modifier tes plans. Je préfère rester ouverte et flexible. Au niveau mental, je me fiche de la sécurité puisque je considère qu’elle n’existe pas.

Au cours de ces entraînements de conduite hivernale, on nous enseigne qu’il faut toujours regarder vers l’endroit où l’on veut aller, même en cas de dérapage. Pareil pour la musique ? Complètement. Avant, je me préparais toujours au pire pour éviter d’être déçue alors que maintenant, je me dis : « L’album va être top et les concerts de ma tournée Circles à l’automne 2026 seront complets. » Ce n’est pas évident parce qu’en Suisse, il faut rester humble. Mais je lutte consciemment contre cette fausse modestie et je regarde là où je veux aller.

Et sur quoi se porte ton regard en ce moment ?

Sur la légèreté. Une tournée à guichets fermés, d’accord, mais dans la joie et sans pression.

MONTRE/ UNE SURPRISE

DE TAILLE

Le classique des montres de plongée de Tudor revisité en format XXL : avec son diamètre de 43 mm, la Black Bay 68 ne disparaîtra pas si vite sous vos vêtements !

À l’instar des montres de plongée classiques, le boîtier se compose d’un verre saphir bombé étanche jusqu’à 200 m, tandis que la lunette unidirectionnelle avec échelle de 60 minutes permet une mesure du temps d’une précision extrême même sous l’eau.

La Black Bay 68 vient compléter la ligne de montres de plongée de Tudor avec un modèle plus fin. Signature de la marque : l’aiguille « Snowflake », conçue en 1968 et devenue une incontournable du catalogue Tudor dès l’année suivante, tout comme le fameux « bleu Tudor » du cadran. Le bracelet fait désormais peau neuve avec des bords lisses au lieu de l’aspect riveté classique. À l’intérieur, de la montre à la certification METAS, le mouvement de manufacture automatique garantit une mesure du temps précise. 4 350 CHF, tudor.com

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AGENDA/ LE PLEIN D’HIVER

Le mercure descend, l’adrénaline monte : voici les événements phares de la saison.

4

décembre 2025

Red Bull Turn It Up

À vos marques ! Le Red Bull Turn It Up fait ses débuts en Suisse romande au légendaire D! Club de Lausanne. Le concept : quatre DJs d’exception s’affrontent en battles, et c’est le public qui décide en direct du vainqueur. GEOS animera la soirée, tandis que DJ Mulah fera vibrer les platines. Les billets sont disponibles dès 15 CHF. Toutes les infos sont sur redbull.com/turnitup

20

novembre au 6 janvier 2026

Winterland

Locarno

L’hiver transforme Locarno de manière magique. La ville au bord du Lac Majeur devient un hotspot hivernal élégant, inspiré du conte Nel cuore del tempo (trad. Au cœur du temps), avec des projections lumineuses spectaculaires, des stands gourmets, de la musique live, une patinoire et bien plus encore. winterland-locarno.ch

Série TV

Downhill Skiers

Le documentaire Downhill Skiers met en lumière l’élite masculine du ski descente, avec des athlètes tels que Marco Odermatt, Dominik Paris ou Cyprien Sarazzin, et est actuellement à l’affiche dans les cinémas suisses. En avril, place à la suite : la série en quatre épisodes Downhill Skiers – Dans l’ivresse de la vitesse plonge encore plus loin dans le quotidien exigeant des athlètes de descente. Cette fois, les dames sont à l’honneur : Sofia Goggia, Lindsey Vonn, Conny Hütter et Nina Ortlieb. En exclusivité sur Amazon Prime.

16 au 18 janvier

L’événement fitness de la saison débarque pour la première fois à Saint-Gall ! Aux Olma Messen, des athlètes du monde entier s’affronteront dans les disciplines Hyrox solo, duo ou relais. Trois jours pleins d’énergie, de sueur et d’ambiance : un rendez-vous incontournable pour qui veut repousser ses limites. hyrox.com

31

décembre 2025

Nouvel An 2026

Planète Rouge est de retour avec sa légendaire fête du Nouvel An ! Depuis longtemps, cet événement est une institution à Genève et sera cette année encore célébré dans l’Optimhall, au cœur de la ville.La nouvelle année sera accueillie au rythme d’un impressionnant line-up de DJ jusqu’au petit matin. planeterouge.org/spectacles

5

décembre 2025

After Tataki Awards

Les Tataki Awards sont de retour à Genève ! C’est la cérémonie qui valorise et récompense la scène musicale romande. En deuxième partie de soirée, Planète Rouge prolonge la fête et présente l’after officiel avec la crème des DJs genevois : Spice&Curls, Guessi, C.Sugvr et Inea. Une nuit rouge, vibrante et conviviale. planeterouge.org/spectacles

16

janvier 2026

Red Bull Rail Riot

Dans le cadre des légendaires Laax Open (du 14 au 18 janvier), le Red Bull Rail Riot revient pour une deuxième édition ! Les athlètes de freeski et de snowboard auront de nouveau l’occasion de montrer leur talent sur les rails. Les qualifications mèneront jusqu’à la grande finale du vendredi soir, qui se déroulera au cœur du village des Laax Open. Inscris-toi dès maintenant pour réserver ta place ! redbull.com/railriot

10

mai 2026

Wings for Life World Run

Des centaines de milliers personnes dans le monde prendront le départ de cette course en même temps : c’est le principe du Wings for Life World Run, édition 2026. Participer, c’est déjà gagner, car il n’y a pas de ligne d’arrivée ! Tous les frais d’inscription et les dons sont reversés en intégralité à la recherche sur la moelle épinière pour aider à soigner les paralysies. Inscris-toi rapidement : les places pour le Flagship Run à Zoug sont limitées. Mais grâce à l’application, tu peux aussi choisir de participer depuis n’importe quel endroit ! wingsforlifeworldrun.com

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Le poney au bout du tunnel ou mon manège intérieur pour trouver la sérénité

Nous avons tous nos propres rituels la nuit, et le mien, c’est le silence. Il se passe rarement une semaine sans que je reste éveillée dans l’obscurité, ma couverture devenant une toile muette sur laquelle je projette tous mes rêves inassouvis. Et de ce silence émerge toujours la même question, une petite voix discrète qui résonne au fond de mon cœur : quand vais-je enfn y parvenir ?

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai l’impression d’être en perpétuelle quête – la quête du bonheur ultime, de la paix intérieure, bref : une sorte

d’homéostasie spirituelle. Quand j’étais petite, chaque moment de joie n’était qu’une étape passagère vers un nouvel horizon encore lointain. Quand, avec l’enthousiasme de l’enfance, je créais un véritable monde pour des escargots dans une boîte en plastique, soignant leur mousse humide et admirant leurs antennes fragiles, j’étais déjà convaincue d’une chose : quand j’aurai un hamster, alors le puzzle de mon petit bonheur sera complet. Le hamster est arrivé – et avec lui le désir du doux ronronnement d’un chat. Mais lorsque même celui-ci perdit de

sa magie, une certitude s’est cristallisée dans mon esprit : la promesse suprême du bonheur, c’était un poney.

Je suis encore aujourd’hui persuadée que ce poney aurait été le garant d’un bonheur éternel. Un chapitre non écrit, dont je garde précieusement la fn comme un rêve sacré. Au bout du compte, la mélodie restait la même, seuls les instruments changeaient. Quelques années plus tard, je m’imaginais qu’une demi-heure de liberté supplémentaire la nuit me comblerait de joie. Quand j’observais ma cousine se maquiller pour une fête, une nouvelle idée se mit à germer dans ma tête d’adolescente : quand j’aurai seize ans, tout ira bien – même sans poney.

J’ai eu seize ans, j’ai appris l’art de l’eyeliner et dans ces soirées aux sols collants et aux basses vibrantes, je pensais encore que les meilleurs instants commençaient toujours plus tard… À 22 heures, 22 heures 30, minuit… Les horaires de mes « permissions parentales » se rallongeaient mais la magie ne venait pas. Un matin, dans la pâle lumière de l’aube, je me suis surprise à penser : si seulement j’étais partie plus tôt –un verre en moins, mais l’esprit plus clair.

Les angoisses existentielles du bac se sont jetées sur moi comme un fauve. Je rêvais d’une télécommande pour la vie, comme celle d’Adam Sandler dans Click : un simple bouton avance rapide pour atteindre mes dix-huit ans, là où m’attendaient – enfn ! – le bonheur et la maturité. J’ai réussi mes examens sans télécommande, mais avec beaucoup de caféine dans les veines. Adieu algèbre et géométrie !

Quand j’ai eu dix-huit ans, ce n’est pas la joie d’être enfn libre que j’ai ressentie, mais bien les grifes glacées des crises de panique. Tout à coup, ce n’est plus l’avenir qui me faisait rêver, mais le passé – l’époque où l’absence d’un hamster était mon plus grand souci. Alors est venue la quête de l’absolu : vivre un rêve artistique, philosophique. Dès lors, je me suis remise à fxer le plafond, la nuit. Mes études de philosophie se révélèrent être un monde de vieux bonhommes gris et sinistres

« Quand j’aurai un hamster, alors le puzzle de mon petit bonheur sera complet. Le hamster est arrivé – et avec lui le désir du doux ronronnement d’un chat. »

qui découvraient Internet avec émerveillement, et d’une logique hermétique à mon cœur.

Dans ces nuits de doute, alors que ma couverture était ma seule confdente, m’est apparue la solution à tous mes tourments – l’écriture.

Écrire était pour moi une tentative de cartographier le chaos, de donner forme, à travers les mots, aux bruits sourds du monde qui m’entourait. J’absorbais l’art et la culture comme une afamée et participais à des soirées de poetry slam – mais la nuit, je continuais à fxer le plafond, frustrée que mes mots n’atteignent pas cette pureté, cette violence de style que je recherchais.

Chaque changement d’études était une nouvelle tentative d’échapper aux heures de « plafond ». Étudiante en économie (un domaine beaucoup plus complexe que toutes les équations rencontrées jusque-là), je ne cessais de rêver d’une seule et même chose : une télécommande qui me permettrait de tout faire défler plus vite.

La seule constante, le seul ancrage dans cette mer agitée, c’était l’écriture. Et j’y ai découvert un étrange paradoxe : un texte, c’est comme une nuit blanche. On n’en est jamais vraiment satisfait, on lutte avec lui jusqu’à l’aube, mais on apprend à traverser l’obscurité.

Écrire, c’était l’antithèse de la télécommande : cela ne faisait pas défler le temps, cela l’arrêtait – et ça le remplissait de sens.

Aujourd’hui, j’ai 25 ans. Je n’étudie plus ; j’apprends à devenir journaliste. Et oui, il m’arrive encore parfois de rester éveillée la nuit. Mais j’ai compris que ces nuits ne sont pas une erreur dans mon système. Elles sont l’espace où ma boussole se réajuste. Cette quête insatiable n’est pas un manque : c’est mon moteur, mon energy drink intérieur.

Si l’écriture est désormais l’outil qui transforme toutes mes inquiétudes en quelque chose de tangible, je garde malgré toutes ces nouvelles certitudes un dernier dogme inébranlable, un refuge caché au fond de mon enfance : le jour où j’aurai enfn un poney, alors oui – peut-être – je pourrai vraiment m’endormir heureuse.

JOVANA NIKIC

Cabarettiste, animatrice et chroniqueuse, Jovana Nikic, 25 ans, a grandi entre le conformisme bien-pensant et les ruelles populaires de Berne. Dans son spectacle actuel, Konserviert, elle explore la douceur des souvenirs et la fragilité du temps — avec un humour piquant, des vérités glaçantes et une bonne dose de poésie. jovana-nikic.ch

10 questions à Noa Atlas

À la fois monitrice de ski et créatrice de contenu, la jeune

Noa Atlas combine ses deux passions avec une agilité ludique et inspirante.

Ce qui t’aide à sortir du lit le matin ?

Un chocolat chaud.

PERSPECTIVE. Environ 50 000 personnes suivent les aventures en montagne de la Valaisanne de 25 ans sur les réseaux sociaux. IG : @noaatla

De quoi te réjouis-tu quand tu rentres chez toi ?

Je suis une vraie « Saasi », c’est comme ça qu’on appelle les gens de la vallée de Saas qui ont le mal du pays.

Quel track pour une descente ?

Belfast Child de Simple Minds. Il faut par contre une bonne grosse pente, parce que le morceau dure sept minutes.

Qu’y a-t-il toujours dans ton sac ?

De la place pour du neuf. J’aime collectionner des choses et je ramène toujours un truc de là où je vais.

Un ustensile de cuisine ?

Un ouvre-boîte, juste comme ça.

Le métier de tes rêves gamine ?

Éthologue spécialisée dans le comportement des gorilles

Le déroulé de ta journée idéale ?

Elle durerait 48 heures pour pouvoir vivre plein de choses.

Un bon petit-déjeuner, une randonnée à ski, aller surfer au coucher du soleil avec les amis. Et des petites siestes au milieu.

Où puises-tu de l’énergie quand tu es à bout ?

Je pense à ma grand-mère. Ça me donne de la force.

C’était une femme de caractère qui ne se laissait pas marcher sur les pieds.

Ton endroit outdoor préféré ?

Sur une montagne, au lever ou au coucher du soleil. De préférence avec vue sur l’eau. J’ai eu ça en Norvège, c’était incroyable.

Faire ce qui me passionne. Parce ce que c’est ça qui me rend heureuse.

DES AIIILES POUR L‘HIVER.

NOUVEAU

Pomme Fuji & gingembre

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