The Red Bulletin FR 10/24

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TOM PAGÈS

DAS Galaxy Z Flip6 tête : 1,09 W/kg, DAS tronc : 1,511 W/kg, DAS membres : 2,59 W/kg. Images simulées. L’interface utilisateur réelle peut être différente. La disponibilité des coloris peut varier selon le pays, la région ou le revendeur. Samsung Electronics France - CS20003 - 6 rue Fructidor - 93484 Saint-Ouen Cedex. RCS Bobigny 334 367 497. SAS au capital de 27 000 000 €. samsung.com

Cette styliste (musique, pub, mode, sport) propose un mix entre urbain, graphisme et ethnicité. Pour ce numéro, elle a « stylisé Boubou Belbak et Facene, deux univers, morphologies et personnalités très différente ». P. 36 et 58

Kenza NaaimiEl Fezzazi

Journaliste presse, radio (FIP) et musicologue, Kenza s’évertue à mettre en lumière des artistes engagé· e·s, pertinent·e·s et pointu·e·s. Montell Fish en fait partie intégrante. P. 24

Mhamed Msaidi

Proche de la scène glisse marocaine et internationale, le photographe a suivi les champions Louka Pitot et Alice Lemoigne et délivré les photos de nos pages voyages dédiées au kitesurf dans la région de Dakhla, un spot de rêve. P. 79

En avait-il assez de toujours devoir ratterrir, Tom Pagès, après toutes ces années de FMX ?

Discipline où une élite de pilotes réalise des figures folles durant le temps de vol qui les sépare de leur bosse ou tremplin de départ et de la réception de leur saut. Cet action sport, c’est le Freestyle Motocross, dans lequel le Français s’est installé au sommet.

Depuis son projet Flight Mode, un saut de falaise à moto et parachute depuis un tremplin gigantesque à Avoriaz (dans un concept BASE × moto), Tom s’est pris de passion pour un univers, celui des hommes volants : parachutistes, BASE jumpers, parapentistes et autres qui lui ont ouvert leur monde et des possibilités infinies. Avec Ride & Fly, nouvelle vidéo élaborée avec la même famille, Tom Pagès s’envole littéralement à moto, évolue dans les airs, touche le sol et puis repart. Et vole, encore. Plus libre que jamais.

Les vacances continuent.

La Bretagne comme vous ne l’avez jamais vue, avec Jules Charraud.

Inspiration

Lyna Malandro 20

Révélatrice

Jwles 22

Rappeur

Montell Fish 20

Chanteur

On ne pouvait pas mieux décrire son dernier projet.

Les congés wakeboard, façon Jules Charraud.

MX urbain Prouesses 58 mécaniques

La Bike Life sous un autre angle, avec Facene.

Son R&B alternatif et introspectif donne l’espoir.

Héritage

Dans la danse, Boubou a trouvé l’épanouissement.

Musique

Comment Sophye Soliveau a repensé l’instrument.

Un doc hommage à un producteur visionnaire.

79 Kitesurf au Maroc

84 Bague magique

87 Chasse au trésor

88 Commutez équipé·e

96 Mentions légales

98 Finir en beauté

Il crève l’écran ! Voici Boubou, le talent inspirant qui s’est révélé grâce à la danse.

Aigen im Ennstal, Autriche

Effet miroir

Que se passe-t-il quand vous réunissez deux virtuoses du vol acrobatique au-dessus des Alpes et leur donnez carte blanche pour s’amuser un peu ? Imaginez : deux planeurs en évolution, l’un en vol inversé, l’autre juste en dessous, à peine séparés par une envergure d’aile. Le vol en miroir est une formation très exigeante sur le plan aéronautique, rarement proposée par les planeurs. On dit merci à Ewald Roithner et Kurt Tippl, la Blanix-Team au sein des incroyables Flying Bulls. flyingbulls.at

Kalisz, Pologne

Photo d’adieu

« C’était ma première rencontre avec le skateur Alex Tomaszewski et notre première séance photo, dit le photographe polonais Rafal Saganowski à propos de cette image. Le cliché a été pris dans les ruines d’une ancienne usine à Kalisz, prisée des fans de skate. L’endroit est sur le point de disparaître des cartes des spots de skate, la construction d’un lotissement devant y débuter cette année. Nous voulions immortaliser ce lieu emblématique et le miroir brisé devait souligner la dévastation de ce site. »

Castleton Tower, USA Voisinage

« Ma femme et moi avons combiné un voyage pro aux USA – moi en tant que photographe et elle participant à des courses de trail running – avec un peu d’escalade dans différents États de l’Ouest, explique l’Allemand Philipp Reiter. Pour explorer les techniques de l’escalade en fissure, direction la Castleton Tower, aiguille rocheuse dans le désert de l’Utah, 4 ou 5 longueurs dans la face sud le long d’une fissure massive nous mènent au sommet de l’aiguille de 200 m. Une expérience unique. Descendu en rappel côté nord, où une autre cordée venait d’arriver : je sors mon téléphone et les photographie. » redbullillume.com

Chambord, France

Historique

Alors que le monde avait les yeux rivés sur Paris cet été, des athlètes se sont emparés de lieux mythiques pour leur donner vie à travers trois vidéos inattendues. Du château de Chambord aux rues de la capitale, welcome to Stealth Mode ! Pour le premier film de ce projet, c’est Tomomi Nishikubo, un champion japonais de VTT trial, qui ouvre le bal dans un château de Chambord délaissé par les touristes. Vous voyez ici une photo issue de sa session, conception très personnelle d’une arrivée royale sur un site historique. Les trois vidéos sont dispos sur redbull.com

Marvin Gaye

Inner City Blues (Make me

Wanna Holler) (1971)

« Beaucoup de gens se souviennent de ce morceau, d’autres ne le connaissent pas. J’adore sa manière assez douce de dépeindre une société en déclin. Pour lui, il s’agit de la société afro-américaine et il le fait avec énormément de tendresse. Je me retrouve dans cette expression. »

SahBabii

Sunny Days (feat. T3) (2018)

« Le rappeur d’Atlanta provoque quelque chose en nous. Sur ce titre, il y a une aura très joyeuse qui se dégage, et je m’y retrouve, même si sur mon dernier projet, cela s’est moins senti. Ma musique reste assez solaire, comme Phinéas & Ferb un des sons qui a le mieux fonctionné. »

Baby Neelou

Bien plus que de la trap, le son de Baby Neelou groove grâce à son goût prononcé pour l’harmonie et les infuences jazz et funk avec lesquelles il a grandi.

D’un père afro-américain et d’une mère marocaine, Baby Neelou, qui connaît aussi bien Biarritz que Los Angeles, pourrait incarner la forme libre d’un rap OG et novateur, qui s’installe dans le temps, sans prétention grâce à des textes qui suggèrent une spontanéité nous rappelant ainsi les freestyles d’autrefois. À ça, on ajoute, le rap de la côte Ouest, dont les codes font de son ego trip une démarche subtile et mesurée. Baby Neelou a le sens de la formule et s’amuse, phrasé après phrasé, avec dextérité pour nous amener sur ce qu’il appelle Le Chemin du Cœur, son dernier EP. Un titre à prendre au sens premier, celui de l’amour. Ici, pas de signification théologique sousentendue, la spiritualité s’inscrit dans la quête de soi, individuellement et collectivement –en famille ou avec le SBNFL (Still Broke Not For Long). À travers quatre titres, le rappeur rend à César ce qui lui appartient.

En concert le 20 sept. au Grünt Festival et le 4 oct. à La Maroquinerie. Écoutez Baby Neelou ici :

Future

Trap Niggas (2015)

« Inévitable de choisir ce titre qui est sur DS2. Future y explique ce que c’est d’être un gars dans la trap. Il affirme ce qu’il pense sans artifice, et à la fin, on est obligé d’y croire. C’est une leçon de morale pour la street. Ce titre a aussi inspiré mon Single feat. Exoslayer, Dirty Sprite Zero : on est partis sur les mêmes bases. »

Larry June and The Alchemist

Turkish Cotton (2023)

« J’aimerais m’entourer de prods comme The Alchemist, parce qu’il joue beaucoup avec les samples/instrus. Il a un côté très jazzy, très groovy. Et Larry June rappe avec authenticité. Il s’est lancé et il a attendu que ça fleurisse. Ce son fait écho à mes titres Hustler Season et Mauvais Destinataire. »

Alerte à Maui

Kai Lenny et la communauté de surf de Maui à l’honneur pour leur réponse collective à un incendie dévastateur.

Le surf de grosses vagues repose entièrement sur des actions rapides, décisives et intentionnelles. Les enjeux sont trop élevés pour se dédier à autre chose. Ces principes s’appliquent aussi bien aux meilleur·e·s athlètes, qui ont consacré leur vie à se tester sur les plus grosses vagues –des pro comme Kai Lenny –qu’à la communauté dévouée à la sécurité de celles et ceux qui se jettent à l’eau. Ce mode de vie est particulièrement vrai dans des endroits comme Maui, île de l’archipel d’Hawaï, où le respect de l’océan et l’engagement et la responsabilité sociales sont profondément ancrés. Bien que ces valeurs soient ancrées dans la culture surf de l’île, et donc omniprésentes, elles se révèlent comme allant d’elles-mêmes lorsque les enjeux sont très élevés et que les gens ont besoin d’un coup de main. Et les enjeux n’ont jamais été aussi élevés qu’en août 2023 : la communauté surf de Maui est passée à l’action après qu’un incendie, vraisemblablement provoqué par une ligne à haute tension endommagée, a ravagé la ville de Lahaina. Favorisé par des conditions météorologiques inhabituellement sèches et venteuses, cet incendie a ravagé et détruit la ville historique sur la côte nord-ouest de Maui, tuant plus d’une centaines de personnes. Dans les heures qui ont suivi la catastrophe, la liaison entre les survivant·e·s de Lahaina et des communautés avoisinantes avec les secours a été coupée, alors qu’ils et elles avaient désespérément besoin de denrées alimentaires et d’équipements d’urgence.

Sécurité

C’est sans délai que sont intervenu·e·s Kai Lenny, surfeur local, et de nombreux·euses autres membres de la communauté surf de l’île : ils et elles ont appliqué les procédures utilisées d’ordinaire pour assurer la sécurité en mer lorsque de grosses vagues ont frappé l’île, et ont eu recours à l’équipement de secours. « Nous nous entraînons toute l’année pour assurer la sécurité de tout le monde, et être les plus efficaces dans l’océan, déclare Lenny. Nous avons l’habitude de nous regrouper très rapidement pour surfer de grosses vagues. Donc, dans ce cas, en quelques heures seulement, nous avons pu nous rassembler et mettre en place notre programme d’urgence pour une raison bien plus importante. »

Déployant rapidement une flotte de jet-skis, Kai Lenny et d’autres habitant·e·s ont patrouillé dans l’eau jusqu’à l’aube qui a suivi l’incendie, faisant de nombreux allers-

Lahaina, ville de bord de mer située sur la côte nord-ouest de Maui, a été dévastée par un énorme incendie qui a balayé la communauté le 8 août 2023.

Le 8 septembre 2023, Kai et Molly Lenny ont aidé à diriger une immense sortie à l’eau à Maui pour honorer avec amour le mois passé depuis les incendies catastrophiques sur l’île.

retours vers de petits centres côtiers proches de Lahaina (et donc accessibles à ses résident·e·s) afin d’y apporter suffisamment de nourriture, de réserve d’eau potable, de gaz liquide et d’autres produits essentiels.

Survivant·e·s

Ceci n’est qu’un exemple parmi d’autres de l’effort commun déployé pour secourir la zone sinistrée. Les secours ont développé une vaste stratégie d’action. Pendant que Lenny et son armée de jet-skis transportaient

Les surfeur·euse·s de Maui représenté·e·s aux ESPY (de gauche à droite) : Paige Alms, Andrea Moller, Archie Kalepa, Molly et Kai Lenny, et Matty Schweitzer.

L’esprit Aloha

des vivres jusqu’aux côtes, Archie Kalepa, légende hawaïenne du surf, a mis la cour de sa maison à disposition pour y pour établir un centre de communication et servir d’entrepôt. Kalepa a aussi pris la tête d’une large équipe de bénévoles afin d’apporter des vivres aux survivant·e·s qui en avaient le plus besoin. Ce ne sont là que quelques exemples d’actions menées par les gens du coin. Des dizaines de personnalités du surf local sont accourues pour apporter leur aide à la population délocalisée.

Dans les heures et les jours qui ont suivi la tragédie, Kai Lenny, Archie Kalepa et les autres personnes impliquées dans cet élan secouriste se sont laissées guider par l’instinct et l’entre-aide, en toute humilité et sans attendre la moindre récompense en retour. C’est en raison de cette réactivité altruiste, et remarquablement salvatrice, que la communauté surf de Maui fut honorée, onze mois plus tard, en remportant le Muhammad Ali Sports Humanitarian Award de la chaîne de télé américaine ESPN. Lors d’une cérémonie liée aux célèbres ESPY Awards annuels, Lenny, Kalepa et quelques autres représentant·e·s furent invité·e·s à monter sur la scène du Dolby Theatre d’Hollywood. Depuis 2015, ce prix est décerné aux athlètes qui créent des impacts positifs dans leur communauté en embrassant les valeurs défendues par Mohamed Ali. Il a déjà été remis au basketteur américain Kevin Durant notamment. Lors de la cérémonie, Kai Lenny et Archie Kalepa ont pris la parole pour évoquer l’effort de sauvetage conjugué, et ont ainsi rendu hommage à la communauté tout entière qui s’est immédiatement mobilisée, et sans la moindre hésitation, suite aux incendies. « J’ai fait de mon mieux pour aider là où je pouvais, comme tant d’autres personnes, a déclaré Kai Lenny. Le prix revient à toute l’ensemble de la communauté de Maui, car tout le monde s’est joint à nous, abandonnant leurs activités. »

Pour Kai Lenny et les autres membres héroïques de la communauté surf de Maui, cette mobilisation est liée aux valeurs fondamentales de la culture locale. « L’esprit Aloha signifie que l’on ne pense ni futur ni au passé. On vit simplement l’instant présent, résume Kai Lenny, dans le respect d’autrui. Ainsi, il est facile de toujours faire ce qui est juste. » positivelykaifoundation.org

Initiatives Rap

Rappeuses

Le monde du rap français commence petit à petit à s’ouvrir pour plus de parité, sur scène mais aussi en coulisses. La preuve avec ces trois initiatives pour les femmes.

Rappeuses en liberté

Si le rap est la musique la plus populaire de France, le genre reste essentiellement masculin : en concert ou en streaming, les rappeurs défilent, tandis que les femmes tentent de se frayer (à nouveau) un chemin vers les sommets. Un constat qui a incité la boîte de production Rafe Productions à lancer le concours Rappeuses en Liberté en 2021 : « En 20172018, on a fait le constat qu’on manquait cruellement de rappeuses sur le devant de la scène alors que le rap était déjà un genre ultra dominant, analyse Aymeric Pichevin à l’initiative du projet. On s’est alors dit qu’il y avait probablement besoin d’apporter quelque chose pour faire évoluer cette situation. » Résultat : le concours Rappeuses en Liberté, qui accompagne chaque année

une dizaine de rappeuses professionnelles ou en passe de le devenir. Après une sélection sur candidatures, les chanteuses rencontrent des acteurs et actrices de la musique, suivent une formation professionnelle et donnent un concert à l’Université Paris 8 puis au MaMA Festival à Paris. Au terme de cette expérience, trois rappeuses sont ensuite élues par un jury et reçoivent un accompagnement encore plus poussé, avant qu’une des trois artistes reçoive le Prix Création qui lui permettra d’avoir un accompagnement personnalisé par YouTube Music pendant plusieurs mois. Un vrai tremplin pour de futures carrières, à l’image des artistes Eesah Yasuke, Soumeya, ou Juste Shani, passées par le programme ces dernières années.

Summer Camp

Avant d’envisager une carrière dans le rap, il faut oser se lancer. C’est la raison pour laquelle le Summer Camp existe à Nantes depuis cinq ans : lancé par la structure dédiée à l’émergence Trempo et la rappeuse Pumpkin, ce stage a en effet pour but de permettre à des femmes et personnes issues de minorités de genre de progresser dans leur pratique du rap. « On se concentre sur les pratiquant·e·s amateur· rice·s parce que c’est à cet endroit que la question de la confiance en soi et du syndrome de l’imposteur est la plus fréquente, explique Pumpkin. Et aussi pour cultiver des envies de professionnalisation, mais de manière douce. »

Chaque début de mois de juillet, pendant cinq jours, une dizaine de rappeurs et de

rappeuses prend ainsi part, gratuitement, à des cours d’écriture, d’interprétation et d’enregistrement, avant de terminer par l’enregistrement d’un freestyle vidéo collectif avec l’ensemble des participant·e·s. Le stage se conlut par un concert en compagnie de rappeuses confirmées, à l’image de Nayra et La Valentina présentes cette année.

Percé Académie

En coulisses, l’industrie commence aussi, petit à petit, à s’activer pour compter dans ses rangs de plus en plus de profils féminins. Une prise de conscience notamment impulsée par Percé, organisation pour la jeunesse dont le leitmotiv est « Penser - Rencontrer - Créer ». Chaque année, depuis 2022, Percé accompagne une cinquantaine de

Pour l’édition 2024, Rappeuses en Liberté a fait appel à la rappeuse et beatmakeuse Vicky R (mentor), au journaliste Medhi Maïzi (parrain) et à la chanteuse Lyna Mayhem (marraine).

femmes (photo ci-dessus) entre 17 et 30 ans, pour les aider à se faire une place en coulisses. « On a constaté qu’il y avait pas mal de tremplins pour les artistes, mais pas pour les gens qui travaillent avec elles et eux. On avait envie de susciter la motivation chez certaines jeunes et c’est comme ça qu’est née Percé », commente Yousra Benine, une des quatre cofondatrices.

Pendant trois mois, les membres de ce programme suivent des cours sur le fonctionnement de l’industrie musicale puis se spécialisent dans une branche (production, édition, live, marketing, promotion) pour monter un projet. En 2024, l’académie a organisé un concert de rap 100 % féminin, en parallèle d’une session de rencontres entre artistes et productrices.

Teenage de pierre

Facile le curling ? Ennuyeux ? Ce nouveau doc sur le parcours d’une jeune équipe canadienne féminine pourrait changer votre perspective.

Même au Canada, où il est populaire, le curling est soumis à certains stéréotypes. « C’est l’un de ces sports où les gens disent : “Je pourrais probablement participer aux Jeux olympiques de curling !”, explique Josephine Anderson, réalisatrice basée à Vancouver. Les gens pensent que c’est facile. Ils pensent aussi que c’est ennuyeux. C’est un sport assez lent, car en effet, un match peut facilement durer deux à trois heures… »

C’est en jouant elle-même avec une équipe amatrice que la documentariste de sport a vu le potentiel de raconter une histoire originale sur ce sport où deux équipes font glisser des blocs de granit polis sur de longues pistes de glace en direction d’une cible. « Je n’étais pas très douée en curling, mais c’était amusant , se souvient

Josephine Anderson, dont les films précédents portaient sur la lutte et le VTT. Nous étions toutes aussi maladroites, et cela m’a vraiment frappée : cela ressemblait beaucoup à l’adolescence –la maladresse ! Je me suis demandée ce que cela pourrait donner de mêler ces deux mondes : celui du curling, étrange, merveilleux et incompris, et celui de l’adolescence, tout aussi incompris. »

Le résultat s’appelle Curl Power, un film qui suit l’équipe 4KGirl$, cinq jeunes joueuses de curling de Colombie-Britannique qui aspirent à devenir championnes nationales du Canada. Pendant plus de trois ans, Anderson a suivi ces jeunes femmes alors qu’elles étaient entraînées par leurs trois mères, toutes anciennes championnes olympiques et

mondiales de curling. « Je suis si contente d’avoir suivi une équipe de filles avec des entraîneuses exclusivement féminines, soulève Anderson. Il y a quelque chose de très inspirant à voir une équipe de filles travailler si dur ensemble, surmonter des moments de conflits ou d’autres défis dans leur vie, mais se soutenir mutuellement malgré le chaos de l’adolescence. »

La logistique du tournage sur la glace s’est avérée délicate. Heureusement, Josephine Anderson a réalisé que plusieurs caméras lui permettaient de capturer la beauté du jeu : « C’est presque poétique à regarder. Les prises de vue sont d’une précision extrême. » Les joueuses maîtrisent si bien leurs gestes que leurs actions semblent faciles à réaliser… alors qu’il faut une coordination main-œil exceptionnelle et un tronc solide pour maintenir leur équilibre. Sans parler de la force mentale, surtout quand le match peut durer jusqu’à trois heures… « Il est difficile de rester dans cette zone intermédiaire entre trop réfléchir et être concentrée. Ces athlètes sont d’excellentes joueuses de curling parce qu’elles ne s’embarrassent pas avec trop de pensées. »

En suivant une équipe aussi jeune, Anderson a été frappée par autre chose : dans le curling, la jeunesse n’est pas nécessairement un atout. « Les meilleur·e·s ne sont généralement pas âgé·e·s de 18 ou 19 ans. C’est une ascension progressive. On voit des personnes dans la trentaine, voire la quarantaine, qui arrivent au sommet de leur jeu parce qu’elles ont perfectionné cet équilibre entre le corps et l’esprit. Il y a un conflit entre les qualités de caractère des meilleures joueuses de curling et la notion d’adolescence, car elles sont encore en train de se découvrir. C’est beau et touchant de les voir essayer de maîtriser cet équilibre.» josephineanderson.ca

Curl Power
La réalisatrice
Josephine Anderson ; (en haut) 4KGirl$ Brook Aleksic et Savannah Miley.

Une vraie meuf

inarrêtable

Pendant des années sur Vraies Meufs, Lyna Malandro a offert une safe place à plus d’une centaine de femmes pour se raconter et se sentir représentées au quotidien. Retour avec elle sur le projet.

Texte : Ouafae Mameche

Lyna Malandro fait partie d’une génération qui ose entreprendre et se challenger. Stratégie créative, podcast, documentaire, elle cumule plusieurs accomplissements du haut de ses 25 ans, ainsi qu’un master en Intelligence artifcielle et robotique. Tout a débuté, pour la jeune femme, en 2016, avec la création du site Vraies Meufs, qui met en lumière des parcours de femmes. Pendant huit ans, Lyna leur a laissé la parole et les a photographiées au naturel. Aujourd’hui, grâce au programme Converse All Stars, le projet Vraies Meufs devient un livre : pour graver dans le marbre des récits extraordinaires de femmes ordinaires.

the red bulletin : Quelle jeune femme étais-tu en 2016 ? lyna malandro : J’étais en pleine turbulence émotionnelle. Les réseaux sociaux n’étaient pas encore saturés de concepts comme la diversité, l’inclusivité ou le body positivisme. J’étais en transition de l’adolescence à l’âge adulte, avec de nombreuses questions sur ma place dans le monde. À l’époque, revendiquer son identité n’était pas bien vu, et je ne me sentais représentée ni dans les médias, ni dans les arts, ni sur les réseaux sociaux. Cette absence de représentation m’a poussée à créer Vraies Meufs.

Quels étaient tes modèles ?

Essentiellement des artistes de couleur dont le vécu résonnait avec le mien. J’écoutais SZA, FKA Twigs ou du rap. Je ne me retrouvais pas entièrement dans un personnage mais je trouvais des similitudes avec certains, hommes ou femmes. Pour la représentation des femmes maghrébines, c’était presque

inexistant. Les seuls stéréotypes disponibles étaient ceux de la femme voilée soumise ou de la maghrébine hypersexualisée. Alors, pour Vraies Meufs, mes inspirations venaient principalement de projets anglo-saxons. J’admirais beaucoup Smart Girl Club de Princess Nokia à New York, et le magazine Gurls Talk d’Adwoa Aboah.

À quel moment t’es-tu approprié le « féminisme » ?

Mon premier contact avec le féminisme a été à travers des BDs quand j’étais au collège, avec des dessinatrices comme Diglee et Margaux Motin. Mais ce féminisme ne correspondait pas complètement à mes croyances et expériences, alors j’ai cherché dans la religion. C’est là que j’ai découvert les avancées apportées par l’Islam pour les droits des femmes. Je pense qu’il y a autant de féminismes que de femmes. Le féminisme signife simplement permettre aux femmes de choisir librement leur parcours de vie, leurs choix personnels et professionnels, et leur manière de s’exprimer.

Comment choisissais-tu les femmes pour VM ?

La majorité sont des personnes que j’ai connues au lycée, avec lesquelles j’ai travaillé ou que j’ai rencontrées sur les réseaux. Certaines m’ont également contactée directement. Toutes les femmes sont des vraies meufs, donc j’accepte tout le monde. Si je ne réalise pas un portrait, c’est souvent par manque de temps, pas

par manque d’envie. Toutes ces femmes m’ont toutes apporté une richesse de perspectives et une pluralité de visions exceptionnelles. Je relativise sur ma propre vie en découvrant que certaines expériences sont universelles. Écouter des femmes plus âgées m’a aussi aidée à anticiper certaines étapes de la vie adulte. Maria (81 ans en 2022, RIP) me disait qu’il fallait toujours se tenir droite et avancer, sans se laisser distraire. Peu importe les contextes et les expériences, cette force est une constante au fl des générations.

Pourquoi était-il important pour toi de mettre ces témoignages sur papier ? Après avoir annoncé la fermeture de Vraies Meufs, j’ai reçu de nombreux témoignages de femmes disant comment le projet avait changé leur vie. Je ne voulais pas que ces huit années de travail se perdent dans les méandres d’Internet. Réaliser un livre était le moyen de préserver ces témoignages et de donner de la valeur aux histoires de ces femmes, montrant que leurs vies, même ordinaires, méritent d’être reconnues.

Comment les représentations médiatiques des femmes ont-elles évolué ?

Nous sommes passées d’une absence totale de représentation à une surabondance. La diversité et l’inclusivité ont été très en vogue, ce qui a entraîné une nouvelle forme de normalisation. Nous revenons fnalement à des standards de beauté traditionnels, à une normalisation. La perfection est recherchée même dans le naturel.

Quels sont tes questionnements aujourd’hui ?

Focus

Disponible en précommande sur le site de Vraies Meufs, 45 €

À 25 ans, je commence à me sentir véritablement adulte, avec une peur plus grande de l’échec, une pression accrue pour être responsable et la nécessité de performer et de prendre des responsabilités. J’essaie de conserver une part d’innocence tout en gérant ces nouvelles attentes. Je suis en paix avec qui je suis sur tous les plans et ces huit années avec Vraies Meufs ont contribué à cette sérénité. Mon entourage solide me permet de rester connectée à l’importance de l’entourage qui est souvent soulignée en Islam. Me rapprocher de ma foi m’aide également à rester fdèle à mes valeurs et à me remettre en question lorsque nécessaire. Concernant la société, c’est plus compliqué. Je cherche encore à la comprendre et je pense que tant que je ne suis pas en accord avec elle, c’est que je reste du bon côté.

« La diversité et l’inclusivité ont été très en vogue, ce qui a entraîné une nouvelle forme de normalisation. »
Lyna Malandro

Rap bilingue

Alors que son nouvel album, Bijoux, vient de voir le jour, le rappeur Jwles incarne une génération d’artistes francophones biberonnée au rap américain, et dont la musique se conjugue en anglais.

Texte : Nicolas Rogès Photo : Yulya Shadrinsky

Une basket en Seine Saint-Denis et l’autre ancrée à New-York, Jwles évolue à cheval entre deux continents, revendiquant ses infuences américaines et les célébrant fèrement. Logique, pour un artiste né en France, mais qui déménage vite à New-York, où il vit jusqu’à ses huit ans. De retour dans l’Hexagone, ses parents s’installent à Grasse, petite ville du Sud proche de Nice. Passé par HongKong, puis diférentes zones de Paris, il trouve fnalement dans le 93 un lieu où poser ses valises.

Fruits de ses voyages, les premiers textes de Jwles sont d’abord écrits en anglais : plus simple pour lui, bilingue, et davantage fdèle à ses premières infuences. Mais ses proches ne comprennent pas ce qu’il dit, et il a la sensation de rapper face à un mur ne lui renvoyant aucun écho. Le français fait alors son retour dans la danse et Jwles apprend à apprécier les explorations permises par la langue. Elle est mélodieuse, capable de contrastes ; l’anglais est remisé au placard, mais les ÉtatsUnis lui servent toujours de modèle. En 2018, au cours d’un voyage à Atlanta, Jwles comprend comment tirer proft d’une manière de rapper novatrice, le DMV Flow. Enregistré phrase par phrase, puis posé en décalé sur des instrumentaux brumeux, son fow se pare de nouvelles nuances. Pour donner corps à ces envies d’expérimentation, Jwles n’hésite pas à aller toquer à la porte de ceux qui dictent le mouvement : « Si je cherche un son en particulier, je ne vais pas demander à mes gars, mais je vais aller trouver la personne qui a créé ce son », résume-t-il.

En résulte des albums et chansons qui multiplient les infuences ; de la trap à la drill, en passant par la house

et l’électro, Jwles nourrit son goût pour l’exploration. Au contact de DJ Mad Rey, signature du label Ed Banger Records, il s’essaye à la house, avant que le tonton du rap français, Rim’K, membre du 113, lui ofre une oreille attentive et un couplet. Comme un trait d’union entre l’ancienne et la nouvelle génération.

La fliation n’est pas anodine : le père de Jwles lui faisait écouter les premiers albums du 113 quand il était enfant, notamment Les Princes de la ville, presque entièrement produit par DJ Mehdi. Jwles était fasciné par le travail du producteur, qui, avant sa disparition soudaine, avait plus que jamais à l’esprit de mêler le rap à l’électro, au contact d’Ed Banger. Une afaire de réinvention, de prolongement, mais aussi de ruptures. Car Jwles prend un malin plaisir à créer la surprise, à l’image de son dernier album, Bijoux. Onze pistes, alors que l’artiste est coutumier des formats courts, distillant EPs et singles avec une régularité presque maladive. L’œuvre d’un esprit en ébullition, se mettant en danger pour tester ses limites. Avec les ÉtatsUnis, où il commence à développer une carrière, en guise de boussole.

Focus

Prochains concerts

Le 11 oct. à Genève (Suisse), le 12 oct. à Bienne (Suisse), le 19 oct. à Nantes, le 24. oct. à Lille, le 25 oct. à Lyon, le 26 oct. à Marseille, le 7 nov. à Toulouse et le 8 nov. à Bordeaux

Écoutez Bijoux

IG @shahjwles

Il s’y rend plusieurs fois par an, cultivant des liens avec la scène locale et prenant la mesure des dernières tendances. Jusqu’à rapper avec certains de ses modèles : « J’écoute les gens avec qui je collabore aujourd’hui, s’étonne-t-il. Pour moi, ça veut dire que j’ai réussi quelque chose. L’autre jour, je donnais un concert à NewYork, j’étais avec mon frère, Le Lij’, et on a fait nos sons pendant un événement organisé par Shawny Binladen, avec tout le Grinch Set, Big Yaya, etc. Et moi, je fais partie de tout ça ? C’est exceptionnel. Je n’en reviens pas, mais en même temps je travaille dur pour en arriver là. »

En dépit de son statut d’ovni de la scène francophone, Jwles tient à cultiver sa diférence. Quitte à essuyer son lot de critiques, le public français étant parfois réticent à l’heure d’accueillir des propositions artistiques qui tranchent avec l’existant. Il faut dire que Jwles brouille les pistes : ses textes sont enfumés, sa musique semble chaotique et il paraît impossible à défnir. « Aujourd’hui le rap français est devenu tellement important qu’il se suft lui-même, analyse-t-il. Et les gens préfèrent écouter ce qu’ils comprennent, c’est normal. Aujourd’hui, presque tout est possible. Beaucoup de portes se sont ouvertes. Même si tu poses sur de la house ou de l’euro-dance, on peut considérer que tu fais du rap. » Sur Bijoux, Blasé, collaborateur de longue date, lui ofre l’écrin nécessaire pour dérouler ses murmures, ses phrases décalées et ses gimmicks ciselés. Et Jwles de trouver une nouvelle formule, celle d’un rap singulier mais plus lisible que sur ses précédentes sorties. Conscient que sa musique peut être cryptique, il l’ouvre à d’autres infuences, plongeant dans le jazz, la soul et le blues. Une évidence, pour un homme amateur du rappeur Guru et de ses albums de rap infusés au jazz, Jazzmatazz, et la musique d’Erykah Badu, fgure de la neo-soul. Discrètes, presque dissimulées par Blasé, ces touches structurent les onze pistes de Bijoux. L’objectif ? Donner à leur musique des atours luxueux, mais aussi creuser un sillon qu’ils ont eux-mêmes tracé. Le tout sans perdre de vue leur passion, et en mesurant le chemin parcouru : « Je suis tellement fan de musique que je me dis que pouvoir en vivre est fou, conclut Jwles. J’ai parfois l’impression d’être dans un flm : je fais exactement ce que je veux. »

« Tu poses sur de la house ou de l’eurodance, on peut considérer que c’est du rap. »

Du grunge à la lumière

Expert en intuition, Montell Fish

s’intéresse à la mémoire et à la psychologie avec son nouvel album Charlotte, tout en poursuivant le chemin parcouru avec son alter ego, DJ Gummy Bear.

Texte : Kenza Naaimi-El Fezzazi

Quand on écoute un artiste comme Montell Fish, c’est souvent parce qu’on cherche un lieu pour emmener son esprit bien plus haut que ce que peuvent ofrir les astres. Parce qu’on cherche à atteindre un niveau de subconscience et de spiritualité inassouvi. Ou parce que sa musique nous emmène si loin dans nos pensées qu’elle les régule et les apaise en même temps. Sachez que quand on rencontre un artiste comme Montell Fish, tout ceci se produit de façon instantanée. Doté d’un calme irréfutable, l’artiste multi-facette originaire de Pittsburgh (Pennsylvanie, États-Unis) parle de son parcours avec une sérénité comparable à ce que l’on pourrait ressentir en entrant dans un lieu de culte. Ces lieux, il les connaît bien. Montell Fish a même pour habitude de chanter dans les églises, de chanter Dieu, la vie, les transformations et les sentiments qui vont avec.

Des disques de Gospel à l’église Il a récemment joué dans la paroisse de Hackney, à Londres. Il relate cette expérience les yeux ébahis : « C’était le show le plus spectaculaire que j’ai fait jusque-là, la musique ne résonne pas de la même façon, l’acoustique est diférente dans une église, c’était… impressionnant. » Avant d’en arriver à cela, c’est chez sa mère qu’il écoutait de la musique d’église. Depuis tout petit, les matins de Montell sont bercés par les disques de gospel de cette dernière, mais pas que. Fan de Michael Jackson, des Boyz II Men ou encore de Fred Hammond, c’était une adepte de tout ce qui touche à la soul et au R&B.

Toutes ses infuences hip-hop, il les trouvait chez son père. Et il faut le dire, les années 2000 ont été un sacré bijou pour toutes les personnes de notre géné-

ration. Comme beaucoup d’entre nous, ado, il a pris son indépendance musicale, et a découvert Kid Cudi, Kanye et plus récemment, un artiste qui résonne beaucoup dans sa musique : King Krule.

De la musique pour s’identifier Quand il se décide enfn à écrire ses premiers morceaux, ça ressemble surtout à un grand trifouillis de ce qu’il se passe dans sa tête. « J’avais besoin de raconter mon histoire, mais je n’avais que 16 ans, à l’époque je ne savais pas trop où j’allais. C’est là que je me suis rendu compte que la musique pouvait articuler mes sentiments… À peu près », ajoute-t-il en riant. Ainsi les choses deviennent plus sérieuses : à partir du moment où il y met de la discipline et un peu de rigueur. Ajoutez à cela une dose de rupture et vous obtenez le premier succès de Montell Fish. Fall In Love With You, cette chanson qui a d’abord permis au public de découvrir Montell Fish, a surtout permis de découvrir sa simplicité. C’est un morceau des plus touchants dans lequel chacun·e d’entre nous peut se retrouver et s’identifer. Tout le monde a vécu les paroles de cette chanson et une dite rupture à un âge où l’on croit comprendre ce que tout ceci signife. Alors pour aller mieux, il s’entoure, d’une foi immense et de spiritualité.

De la musique pour se recentrer Faire les choses de manières fuides, laisser son subconscient s’exprimer, ressentir et en dire peu. Voilà ses quelques conseils

pour remonter la pente et éviter que les gens le mettent dans une case bien spécifque. De ses premiers EP à ce tout nouvel album Charlotte, aux allures très grunge mêlé au désepoir d’un punk actuel, il ne faut pas reproduire les erreurs du passé. « Les cases, c’est cool, au moins tu sais à quoi t’attendre, mais moi ce que j’aime, c’est la dualité et par-dessus tout : faire des erreurs. »

S’il n’y aucune erreur dans cet album, on parcourt bien des étapes avec lui : sa voix, ses excès d’ambient music mélangée à un R&B qui se mélange à un rock indé et des guitares saturées. Et ce personnage que l’on rencontre à mesure que l’écoute continue. Il s’appelle DJ Gummy Bear, et plutôt qu’un alias, c’est le réel alter ego de Montell. Un genre de prophète qu’il présente à ses auditeurs et auditrices.

Grâce à lui, sa musique prend une autre envolée : plus sombre et ténébreuse mais pas moins touchante et perturbante.

DJ Gummy Bear et autres tracas… Montell Fish parle d’ailleurs de Gummy à la troisième personne, comme une entité à part entière et presque comme si ce dernier était assis avec nous autour de la table. Il est tout de noir vêtu, imaginé avec de grandes ailes : sorti du subconscient de notre artiste, il l’imagine depuis ses 6 ans. Depuis qu’il se demande sans cesse le soir : « “Mais si Dieu aime autant, comment a-t-il pu créer une chose aussi horrible que l’enfer et comment peut-il nous y envoyer pour l’éternité ?” C’est ça pour moi la vraie darkness. Gummy Bear, c’est la partie de moi qui se pose toutes ces questions sur le monde. » La partie de lui qui l’aide à soigner ses sentiments et à guérir. Globalement, ce projet est plus profond que ce que Montell Fish a pu proposer jusque-là, et autant qu’il s’écoute, il se lit. Comme un objet religieux, spirituel ou tout simplement méditatif composé de chapitres. Une prière dans l’ombre avant que Charlotte ne sorte enfn de la lumière.

Focus

Écoutez Charlotte, son dernier album. IG @montellfish ; @djgummybear0

Charlotte, c’est sûrement sa muse après tout. Sa source d’inspiration ou tout simplement un dialogue intérieur ou la paix et la compréhension de soi, des autres et du monde est présentée comme urgente. Musicalement tout y est, une voix et des compositions minimalistes, une poésie qui ressemble à une introspection, une intercession. Avec Charlotte ? Non, avec nos luttes et nos démons.

« Ce que j’aime c’est la dualité, et par-dessus tout : faire des erreurs. »
Montell Fish

Ride & Fly

Poussant encore plus loin sa quête d’expérimentation entre motocross et vol sous voile, la légende du FMX Tom Pagès, longtemps un solitaire, déploie plus que jamais ses ailes, en mode Ride & Fly. Si vous rêviez de voir une moto voler, c’est chose faite.

Texte Tony Schulze Photos Sandro Baebler

TOM PAGÈS

Accomplissement : Tom dans une autre dimension à Avoriaz en juillet, avec sa Yamaha équipée d’une voile de parapente qui lui permet de voler.

La dernière fois qu’on l’a vu, il était en pleine accélération vers une rampe de 30 mètres installée au bord de la falaise d’Avoriaz.

C’était en 2021 et hormis la taille de la rampe, un petit sac à dos était le seul autre indice que quelque chose de spectaculaire se préparait. Il s’est élancé sur la rampe, a décollé avant de basculer en avant pour réaliser un double front fip. Mais où va-t-il atterrir ? Il lâche son guidon, tire un extracteur dans son dos, puis un deuxième installé sur le réservoir de sa moto et deux parachutes s’ouvrent. Voilà à quoi servait donc ce sac à dos. Lui et sa moto atterrissent 150 mètres plus bas. Tom Pagès replie alors ses voiles et retourne s’engoufrer dans les vallées avec sa moto, éclairé par les derniers rayons dorés du soleil couchant.

On le découvre aujourd’hui, trois ans plus tard, à nouveau dans la montagne, sur sa moto, et avec encore un sac au dos. Seulement, ce dernier est plus gros. Et puis, la rampe a disparu. Quelques secondes après, on l’aperçoit en plein ciel avec sa moto. Mais, cette fois-ci, l’homme et sa machine volent sous une seule et unique voile.

Avec le projet Flight Mode en 2021, le monde du FMX (freestyle motocross) avait découvert son Tom transformé. Celui qui avait tout gagné – cinq médailles d’or aux X-Games et quatre fois vainqueur du Red Bull X-Fighters – et qui avait tant sacrifé pour ce sport où l’on enchaîne les fgures sur des rampes, s’interdisant le moindre jour de repos sur des années entières pour en atteindre les sommets, était allé s’aventurer ailleurs. Pendant ce temps-là, le monde du base jump et du parachutisme accueillait un nouvel apprenti. Formé par les pointes de la discipline : les Soul Flyers Vince Refet, Fred Fugen et Loïc JeanAlbert. Il avait découvert un nouveau sport, un nouvel univers et tissé de nouvelles amitiés. Il en était sorti un heureux mariage entre FMX et BASE jump, mais les deux faisaient chambre à part. « Avec Flight Mode, je voulais pouvoir faire un BASE jump avec la moto et rester avec après l’ouverture du parachute. Mais c’était trop compliqué de combiner les deux. J’ai préféré me concentrer sur la réalisation d’une fgure, le double front fip et ensuite l’ouverture des parachutes et le base », racontet-il. Mais après avoir goûté au mélange, Tom décide de s’y consacrer entièrement

« Combiner le décollage, le vol et l’atterrissage était les trois choses inconnues. »

À gauche : Tom dans sa base secrète en Espagne. Ici : après s’être illustré aux Red Bull X-Fighters et X Games en FMX, dont il a dominé le game des années durant, Tom s’est dédié à une pratique hybride de la moto.

« Avant, je devais tout le temps être le meilleur alors que là, j’étais novice. »

pour un nouveau projet : « Combiner le décollage, le vol et l’atterrissage était les trois choses inconnues. Je voulais trouver un moyen de voler en restant attaché à la moto. » Cependant, « je ne voulais pas que ça ressemble à une cargaison. Je voulais apporter un côté performance en jouant avec le relief, en passant entre les arbres et même en posant la moto sur le sol par moments ».

L’idée se rapproche du speedriding, c’est le sport où l’on se munit d’une petite voile de parapente et de skis pour dévaler les pentes à toute vitesse tout en ayant la possibilité de décoller à tout moment. Même si, dans cette version, les skis sont remplacés par une moto, les fondamentaux restent les mêmes et Tom s’est donc entouré des meilleurs speed riders de la planète pour l’assister : Val Delluc, athlète Red Bull qu’il avait déjà rencontré lors de la préparation de Flight Mode, mais aussi ses partenaires de jeu, Ugo Gerola et Pacôme Schmitt. Au début, lorsque Tom leur explique le projet, ils sont sceptiques. « Je me suis dit que ça allait être chaud. Je ne voyais pas comment il allait pouvoir rendre l’ensemble maniable », se rappelle Ugo.

Dès la conception du projet, Tom savait qu’il allait devoir passer énormément de temps à piloter sous voile et à se familiariser avec les sensations. Bien qu’il ait réussi

un double front fip en moto suivi d’un BASE jump, le vol sous voile n’était pas sa tasse de thé… « En fait, c’était un peu bizarre parce que quand je faisais du BASE jump et du parachute, ce que j’aimais le moins, c’était d’être sous voile. Donc rien que l’idée de faire du parapente me faisait déjà peur. Et en plus, j’allais devoir le faire avec une moto. Mais bon, une fois que je m’étais mis dans la tête de voler avec la moto, je n’avais plus trop le choix. » Il décide alors de commencer par suivre une formation de parapente avec Albert Baud, une légende du milieu qui avait formé un certain Val Delluc.

Déterminé à se former autant que possible, Tom enchaîne immédiatement avec une licence en ULM. « Je craignais qu’on puisse me demander un permis pour voler avec ma moto en me disant que ça ressemblait à un paramoteur, il y a un moteur après tout », rationalise-t-il. Elle ne lui sera, au fnal, pas utile, mais il en tire de bonnes leçons. « J’ai appris la météo et l’aérologie – des connaissances que j’ai utilisées par la suite. » Il poursuit enfn avec une formation de speed-riding –avec Albert Baud à nouveau – au bout de laquelle il a une idée plus précise de comment réussir le projet. « Au début, je ne savais pas s’il fallait attacher la voile à moi ou attacher la voile directement à la moto.

« Une fois que je m’étais mis dans la tête de voler avec la moto, je n’avais plus trop le choix. »

Tous les gars qui volent en parapente ou en speed riding me disaient que l’appui sur la sellette, quand on met son corps d’un côté ou de l’autre, était presque aussi important que les commandes de frein. Donc pour eux, il était inconcevable de ne pas avoir la voile accrochée à moi. Mais au fnal, j’ai compris qu’il serait plus simple d’attacher la voile à la moto et de n’utiliser que les commandes. »

Pendant ses années FMX, Tom Pagès était réputé pour son mode de vie quasi monastique sur son terrain d’entraînement, en Espagne, qui lui servait accessoirement de logement. Il dormait dans une caravane, éclipsée en taille par le garage dans lequel il garait ses motos et ses rampes et qui abritait un atelier qui lui permettait de tout réparer. Si sa carrière

Que du kiff : après des mois (années ?) à réfléchir puis optimiser le concept de vol à moto sous voile, Tom a atteint une maîtrise qui lui a permis d’évoluer en l’air et de jouer avec le relief.

de FMX s’était arrêtée du jour au lendemain, il répète souvent qu’il aurait pu devenir mécanicien. Mais désormais, les rampes accumulent la poussière. À leur place, il commence à installer les bases de sa création. « J’ai installé deux points d’attaches au plafond du garage auxquels je pouvais suspendre la moto et trouver les points d’accroche de la voile à la moto. Il fallait s’assurer que la répartition du poids soit totalement équilibrée. » Il trouve alors le positionnement optimal de quatre points symétriques sur la moto : deux au niveau du jeu de direction et deux au niveau du garde-boue arrière. Il accroche ensuite des sangles qui forment deux triangles auxquels peuvent s’accrocher les suspentes de la voile. Tout du long, il se sert de lasers mesureurs pour s’assurer que la moto ne penche pas d’un côté ni de l’autre.

Une fois les points d’attaches identifés, il tente de piloter sa moto avec une voile pour la première fois. Le jour donné, il se lève tôt. Les entraînements doivent avoir

« Je suis allé au ski ! J’étais avec mes potes à la montagne pour faire du speed riding. Moi qui ne prenais jamais de vacances avant. »

lieu au soleil levant pour avoir le moins de vent possible. À 7 heures du matin donc, Tom Pagès étale une voile de speedriding (une voile tandem pour accommoder son poids ainsi que les 100 kilos de sa moto) sur son champ. La voile est attachée aux sangles qu’il a fxées à sa moto. Il décide de ne pas se servir des commandes de la voile pour commencer. Il enjambe alors sa moto, la démarre et donne le premier coup d’accélérateur. Dès qu’il se met

à avancer, la voile derrière lui se déplie complètement et se gonfe d’un coup. Elle se lève immédiatement et quelque chose ne tourne pas rond.

En se gonfant, la voile freine d’un coup la moto qui se retrouve presque à l’arrêt avec la roue avant qui se décolle du sol. Lorsque la roue descend, la voile descend aussi devant lui et Tom manque de rouler dessus. Il redonne un coup d’accélérateur pour la relever afn qu’elle vienne se tenir au-dessus de sa tête. Il ralentit alors progressivement et laisse la voile retomber à terre. « C’était chaud patate. »

Après cette première tentative, Tom passe trois mois à se lever à l’aube pour tenter de maîtriser sa voile et sa moto simultanément. Il doit trouver un moyen de tirer sur les commandes de l’aile pour la contrôler, tout en tenant son guidon et son accélérateur. N’ayant que deux mains, il développe un système d’accroche des commandes à ses coudes qui lui permet, après beaucoup d’entraînement, de faire décoller la voile et de la maintenir au-dessus de sa tête. « C’était complexe. Je devais donner de légers coups d’accélérateur du poignet et agiter les coudes un peu comme une poule pour activer les commandes. À la fn, j’avais trouvé le bon timing et je pouvais aller partout avec la voile audessus de ma tête. »

Même s’il était seul sur sa moto lors de ces essais, il reste entouré. « C’est compliqué pour moi de demander de l’aide aux autres. Donc j’essaie d’abord de réussir de mon côté et quand je n’y arrive pas, j’appelle. » Qui ? Ugo, Pacôme, Val mais aussi Fred Fugen, Loïc Jean-Albert et Stéphane « Zun » Zunino qui l’avaient déjà accompagné pour le projet Flight Mode. Zun est réputé comme l’un des meilleurs fabricants de parachutes et avait aidé Loïc à dessiner les premières générations de wingsuit. Il conseille à Tom la bonne machine à coudre à acheter, et le guide dans la fabrication de ses sangles et du harnais. Sa copine, aussi, sacrife du temps de ses pauses-déjeuner pour venir flmer ses essais afn qu’il puisse les analyser et les envoyer à ses amis pour avoir leurs retours. « Avant, je ne partageais pas mes entraînements à moto. Les seules fois où je voyais les autres pilotes, c’était pendant les compétitions. Mais là, ce n’était plus pareil puisque j’étais tout le temps en train d’apprendre. Avant je devais tout le temps être le meilleur alors que là, j’étais novice. »

La vie de débutant a ses avantages. L’hiver, il retrouve Ugo, Val et Pacôme à Morzine pour poursuivre sa formation de speed riding qu’il vit comme tellement plus qu’un entraînement : « Je suis allé au ski ! J’étais avec mes potes à la montagne pour

Plus loin : seul, il a repoussé les limites du FMX des années durant, inventant sans cesse de nouveaux tricks. Puis Tom a voulu innover autrement, et collectivement.

Propulsé par sa moto et grâce à la portance de sa voile, Tom prend son envol. À voir dans la vidéo Ride & Fly dispo sur redbull.com.

« À l’atterrissage, on s’est tous demandé si ce n’était pas la fin du projet. »

faire du speed riding. Moi qui ne prenais jamais de vacances avant… C’était un truc de dingue. Le soir, je pouvais aller passer du temps avec des amis, j’avais une vie... »

Fin août 2023, les formations sont terminées, le harnais de la moto est installé et Tom se sent prêt à tenter un premier décollage en pente. Il retrouve Val et Ugo qui remarquent la panoplie de couleurs par lesquelles passe son visage. « C’était horrible. Je n’avais pas dormi de la nuit, j’étais dans tous mes états », se souvientt-il. Mais, entouré par Ugo, Valentin et Pacome, il se lance. Il étale sa voile, attache les commandes à ses coudes, démarre sa moto et commence à dévaler la pente. Il roule, et au moment où la pente s’arrondit, ses deux roues quittent le sol.

Ugo est juste derrière lui, avec sa propre voile. « Dès que je le vois en l’air, je remarque qu’il a du mal à garder son cap. Sa voile roule de gauche à droite. Donc je lui demande via la radio si ça va. » Mais il ne reçoit pas de réponse. Les radios installées dans leurs casques ne fonctionnent pas.

« D’un coup, je vois que son roulis s’accentue et que c’est de plus en plus instable. Je lui dit alors, sans savoir s’il m’entend, de se diriger au-dessus du champ qui était un peu plus bas et de suivre la procédure d’urgence et de libérer la moto. » Mais les heures de formations et d’entraînements payent et Tom réussit à plus ou moins garder le cap et à se poser en sécurité. « À l’atterrissage, on s’est tous demandé si ce n’était pas la fn du projet. Mais bon, on a voulu comprendre pourquoi il y avait eu cette dissymétrie avant de réessayer. » Avant ça, il appelle LoïcJean Albert, le fondateur des Soul Flyers, pour lui raconter le vol. Loïc l’avait initié

« Qu’est-ce que je foutais là, assis sur une moto, une voile au-dessus de la tête et 800 mètres de vide sous mes pneus ? »

quelques années plus tôt au BASE jump à La Réunion et Tom l’appelle régulièrement pour lui demander conseil. « Loïc m’a écouté, un peu paniqué, et puis il a dit calmement : “T’as décollé, t’as volé et t’as atterri. Pour moi, tout s’est bien passé.” C’était fou, ces quelques mots venant de lui m’ont tout de suite détendu. » Il retourne alors dans son hangar en Espagne, reprend toutes ses mesures et réalise que le problème ne venait pas de sa moto, mais de sa façon d’accrocher la moto au plafond. Il fallait l’attacher avec un système de balançoires plutôt qu’avec un point fxe. « Une fois que je l’ai accrochée correctement, j’ai tout de suite réalisé qu’elle n’était pas droite, ce qui expliquait pourquoi je n’arrivais pas à garder le cap en l’air. » Le problème ne se règle pas en une nuit, et l’athlète en profte pour accumuler des heures de vol, rejoignant Ugo aux alentours de Chamonix pour voler sans moto durant le mois de septembre 2023. « On a fait trente jours de vol nonstop, y compris en tandem avec moi devant pour qu’il s’habitue à la grosse voile et au poids », se remémore Ugo. « C’est vraiment un bon élève, méticuleux et

prudent, se souvient Val, c’était marrant aussi de voir que, malgré les trucs de fous qu’il fait à moto, il avait peur de ce qu’il ne connaissait pas. Et au bout du compte, il a atteint un sacré niveau. »

En octobre 2023, Tom tente de décoller avec la moto une nouvelle fois. C’était toujours « chaud patate » comme il aime bien dire. Mais les heures d’entraînement et la moto équilibrée font la diférence. « Là, c’était vraiment génial. J’ai pu en profter. Le visuel était dingue. J’avais l’impression d’être E.T. Qu’est-ce que je foutais là, assis sur une moto, une voile au-dessus de la tête et 800 mètres de vide sous mes pneus ? » Il réussit ensuite l’atterrissage et à partir de ce moment-là, il commence à prendre du plaisir. « Je maîtrisais les virages. J’attaquais où je voulais. Je passais entre deux sapins, je pouvais aller toucher les cimes des arbres avec les roues. Je frôlais les troupeaux de vaches qui devaient être surprises. C’était que du kif. »

Mi-octobre 2023, Tom est prêt, les équipes de tournage sont sur place, mais elles n’ont le temps de flmer qu’une poignée de séquences avant d’être contraintes à s’arrêter, à cause de la météo. L’arrivée de la neige retarde le projet jusqu’à juin 2024. Quelques mois de pause durant lesquels Tom afne encore un peu son pilotage sans la moto. Si bien qu’à la reprise, à Avoriaz, en juillet, Ugo ne le reconnaît plus : « Il était transformé. Je le voyais tenir son accélérateur d’une main et gérer la voile de l’autre. Il se posait comme à sa guise, avec beaucoup de vitesse et pouvait redécoller sans problème. Et dans l’air, c’était dingue. Comme quoi, il faut parfois une pause pour laisser au corps et au cerveau le temps d’assimiler toutes les informations. Quel athlète ! »

Le lendemain de l’interview réalisée pour cet article, Tom a envoyé un message : « Avec toute la discussion hier, j’ai oublié de mentionner toutes les personnes que je voudrais remercier pour m’avoir aidé à réaliser le projet. » Un appel plus tard et tous ceux déjà évoqués dans cet article sont à nouveau énumérés. « En fait, ces trois dernières années, j’ai vécu de ma passion, alors qu’avant je vivais de mon sport. Avec la moto, je ne partageais rien. Aujourd’hui, je suis avec des gens avec lesquels je peux partager ce sport et cette passion. »

L’Extraterrestre du FMX s’est retrouvé dans un nouveau monde. Doucement, timidement, sans précipitation, il en a appris la langue, a découvert son histoire, a appris à manier ses instruments et s’est lié d’amitié avec ses habitants. E.T. a fait voler les vélos. Tom Pagès a fait voler sa moto. Ride & Fly, la nouvelle vidéo de Tom Pagès, à voir sur redbull.com

Fin de mission : c’est fait, Tom Pagès et son équipe viennent de boucler leur incroyable projet Ride & Fly

Star

Originaire de Nîmes, le danseur Mathieu Belbakhouch, 33 ans, connu sous le nom de Boubou, propage sa joie de vivre et transmet l’héritage du waacking grâce à ses mouvements de bras et ses sourires contagieux. À l’approche du prochain Red Bull Dance Your Style, dont la finale française a lieu le 5 octobre au Théâtre Graslin de Nantes, nous avons rencontré son ambassadeur le plus solaire.

Texte Marie-Maxime Dricot
Photos Little Shao

Boubou n’est pas un danseur comme les autres. Il est grand, fort, gay, racisé et pratique le waacking, et c’est justement sa différence qui le rend si unique, admirable et désirable auprès du public. Sa relation avec la danse commence dans sa chambre, alors qu’il est encore enfant et que ses yeux brillent lorsqu’il regarde les clips de musique à la télévision diffusés sur MTV. Il explique : « La danse m’a sauvé la vie. Honnêtement, sans elle, je ne saurais pas ce que j’aurais fait de ma vie. Pour moi, c’était soit la danse, soit la danse. Il n’y avait pas d’échappatoire possible. Depuis que je suis né, j’ai toujours aimé danser, j’ai toujours aimé la musique. » C’est avec sa famille, dont il est très proche, qu’il crée ses plus beaux souvenirs d’enfance, des instants magiques avec ses cousins et cousines le week-end où sa tante venait chez sa mère, sa première et plus grande fan, à l’occasion de barbecues où on pouvait entendre du hip-hop, du funk et du disco. « Ces journées familiales étaient pour moi des moments magiques. Je m’enfermais dans ma chambre, attrapais ma sœur et ma cousine, et les forçais à exécuter des chorégraphies que j’inventais, en me plaçant toujours au milieu. » Ainsi naissait le petit spectacle du dimanche, présenté par Boubou et ses acolytes. De ces moments, le jeune Mathieu a développé son âme d’entertainer, jusqu’au moment où une certaine révélation scella son destin. « Le clip de Britney Spears, Baby One More Time, a bouleversé ma vie, me raconte-t-il. J’avais neuf ans, et dès que j’ai vu ce clip, je me suis dit : “Je veux danser, performer, faire des clips, être une star.” » C’est ainsi que sa passion pour la danse a pris une dimension professionnelle, l’emmenant sur un chemin où l’art de la danse n’était plus seulement une passion, mais une véritable vocation.

DE LA CHAMBRE À LA SCÈNE

Aujourd’hui figure emblématique du waacking français, Boubou retrace avec passion son voyage initiatique dans le monde de la danse. « Je me suis toujours plus ou moins formé avec les chorégraphies que je voyais dans les clips, et en dansant dans ma chambre jusqu’à mes quatorze ans, parce qu’à l’époque je pratiquais l’athlétisme. À vrai dire, je ne savais même pas qu’on pouvait danser dans des écoles de danse. Mais dès que ce fut chose faite, je me suis inscrit grâce à ma tante, et c’est là que j’ai rencontré mon mentor, Anthony Duplissy, qui m’a tout appris. »

Ses premiers pas, guidés par les célébrités de la télévision, évoluent dès lors en une quête plus profonde lorsqu’il franchit les portes d’une école de danse. Il commencera par le breaking, le hip-hop, puis le locking, le popping et ensuite la house. Ce n’est que plus tard qu’il découvre le waacking. « Ça fait vingt ans que je danse, et seulement dix ans que je fais du waacking, me confie-t-il, avant d’ajouter : J’ai eu de la chance d’avoir un mentor qui m’a enseigné la culture hip-hop et pas simplement des chorégraphies. On venait pour apprendre l’histoire, les terminologies et le sens du mot hip-hop. C’était underground. C’est génial. C’était à Nîmes. »

Sous la tutelle de ce mentor, Anthony Duplissy, Boubou a non seulement appris les mouvements, mais aussi l’essence et la philosophie du Hip-Hop. Chaque session était une immersion dans l’histoire et les racines profondes de cette culture, un apprentissage au-delà des gestes, ancré dans la tradition et le respect des pionnier·ère·s.

Fort de son expérience en battle dans le Sud, Boubou décide de monter à Paris, pour se frotter au meilleur de la scène et découvrir un nouvel environnement. « J’avais dix-huit ans je crois. Mon premier battle à Paris était organisé par Daneshiro. J’y ai découvert les danseurs parisiens et surtout le vrai monde du battle. Ça m’a mis une claque ! Les battles dans le Sud, à domicile, n’avaient rien à voir. J’étais stressé, mais comme j’ai ce naturel pour l’entertainment, je me suis dit : Let’s go ! » Intensité et compétitivité sont de rigueur et Boubou est là pour briller, même face à la défaite. « Je me souviens avoir dansé house, un petit peu de waacking et j’ai perdu en demi-finale. Mais j’étais content, car des danseurs sont venus me complimenter en disant que ma danse était nouvelle et fraîche et ils m’ont invité à revenir. Forcément, je suis revenu de plus en plus souvent à Paris et j’ai commencé à voyager pour faire des battles. »

« Le clip de Britney Spears, Baby One More Time, a bouleversé ma vie. »

C’est à vingt ans, en découvrant le waacking, que j’ai commencé à m’accepter pleinement.

Cependant, c’est la ballroom scene qui m’a permis de m’embrasser complètement en tant qu’homme, noir, gay et arabe.

NEUF FRÈRES

À vingt ans, Boubou quitte sa ville natale pour poursuivre des études de comptabilité à Aix-en-Provence. Entre les chiffres et les équations, il trouve son équilibre en donnant des cours de danse à Marseille, une ville qui allait bientôt marquer un tournant dans sa vie, puisque c’est là qu’il rencontrera celles et ceux avec qui il évoluera dans le hip-hop jusqu’à aujourd’hui. « Les Sancho, ce sont mes frères du Sud. Ils sont neuf, tous Marseillais. J’ai l’impression que ça fait vingt ans qu’on est ensemble alors que ça ne fait que cinq ans. On vient tous du big crew Frenetik avec qui on faisait le World of Dance (WOD). » C’est d’ailleurs lors d’un voyage mémorable à New York, en 2018, pour la finale du WOD, que Boubou décide de faire sa demande officielle pour rejoindre les Sancho. Une déclaration d’allégeance née d’une complicité naturelle et d’un esprit de camaraderie indéfectible. Mais avant les Sancho, Boubou faisait partie d’Hybrid Soul, un groupe fondé par Anthony Duplissy, alias Natho, aujourd’hui décédé. Ce crew était dédié à la création artistique plutôt qu’à la compétition. C’est pourquoi la transition vers les Sancho représente un changement majeur, une plongée dans l’univers des battles et de l’entertainment. Avec ce crew, Boubou atteint des sommets qu’il n’aurait jamais imaginés. Le groupe enchaîne les succès, de la deuxième place à Hip-Hop International à la victoire de WOD. Leur talent attire même l’attention des émissions télévisées, et ils participent à La France a un incroyable talent en 2020, puis à Britain’s Got Talent en 2022, portant haut les couleurs de leur art.

LE MOT DE BOUBOU

« Quand je pense au waacking, je pense à “illumination”. C’est comme un grand soleil qui irradie les gens d’ondes positives. Chaque rayon du soleil correspond à une émotion, c’est pour cette raison qu’on a de nombreux personnages. Le waacking est une danse qui permet d’être à son apogée grâce à la musique et au vêtement. On danse sur des sons disco des années 70, mais qui ont une signification importante. Quand tu danses sur Chaka Khan, I’m Every Woman, tu es Chaka Khan, il en va de même pour Loleatta Holloway et son Love Sensation. Automatiquement, on lie nos émotions personnelles aux paroles de la chanteuse ! Or nos émotions sont vraies et c’est là que ça devient incroyable. Danser waacking c’est prendre vie. Quand on danse, on essaie de faire oublier les maux que notre public peut ressentir, à cause d’une mauvaise journée par exemple. Il y a quelque chose qui relève de la guérison. »

HOUSE OF REVLON: UNE RÉVÉLATION

Il y a bientôt quatre ans, Boubou a rejoint la House of Revlon, une expérience qui a transformé sa vie de manière inimaginable. « Faire partie de cette house, dans la scène ballroom, a été une révélation totale. À douze ans, j’ai pris conscience de mon homosexualité. Mais c’est à vingt ans, en découvrant le waacking, que j’ai commencé à m’accepter pleinement. Cependant, c’est la ballroom scene qui m’a permis de m’embrasser complètement en tant qu’homme, noir, gay et arabe. Dans ce monde, je peux être 100 % moimême, sans craindre les jugements ou les préjugés. »

La ballroom est un espace où chacun est libre de s’exprimer à 3000 %, peu importe son apparence, son nom ou son sexe. Il s’agit d’une communauté soudée, qui s’entraide et veille à préserver l’héritage de sa culture, dont la stratification s’apparente à celle d’une famille moderne et décomplexée. « Par exemple, quand quelqu’un de l’extérieur veut utiliser le voguing, la ballroom scene s’assure que ce sont des personnes issues de la communauté qui performent, explique Mathieu Belbakhouch. Même si le voguing est devenu à la mode, il est crucial que cette culture soit respectée et représentée par celles et ceux qui en sont les véritables gardiens et gardiennes. »

La House of Revlon, guidée par Vinii Revlon – qui assure le lien avec les États-Unis –, le Father de Boubou, est à l’image de ce que la ballroom en France a fait de plus prodigieux. Dans cette house, on retrouve également, Keiona, grande gagnante de la saison 2 de Drag Race France, et GG Palmer la superstar. « Ces personnes, tout comme moi, ont commencé avec un rêve et influencent désormais la ballroom scene et le monde extérieur. Avec la ballroom scene on arrive à faire évoluer les mentalités », affirme Boubou. Dernièrement, on a pu le constater avec les JO Paris 2024, pendant la cérémonie d’ouverture et en amont de celle-ci, au Parc des Champions, au pied de la Tour Eiffel, qui a accueilli trois balls Paris Sports Ball, organisés par Vinii Revlon, dans le cadre de l’Olympiade culturelle. Mais rappelons que la culture ballroom a été ramenée en France par ces deux pionnières que sont Mother Steffie Mizrahi (aka Nikki) et Lasseindra Ninja, qui rappellent quand cela est nécessaire, que faire du voguing, est un acte politique avec son corps, s’afficher en tant que drags ou transgenres sur le runway, se montrer, être fier et fière de soi. Avec la ballroom, Boubou a trouvé sa place. Il se souvient encore de sa rencontre avec Vinii Revlon, introduit par sa jumelle de cœur, Mariana Benenge (danseuse de waacking, chorégraphe et host, qu’il a rencontré à La Mona lors d’un battle), laquelle a tout de suite décelé son talent et lui a dit : « Toi, tu vas rentrer dans la House of Revlon et tu vas faire la catégorie face. » Boubou m’avoue que Mariana l’a beaucoup aidé à s’accepter, lui rappelant sans cesse qu’il était une personne exceptionnelle, tout comme les Sancho : « Ils me soutiennent, acceptent mon homosexualité et m’expliquent que cela me rend unique et exceptionnel, précise de nouveau le danseur de waacking. Il s’agit d’un amour sans faille, chacun à leur manière, qui me permet de m’épanouir pleinement. »

« J’utilise ma différence pour me rendre unique et indispensable. »

TRIPTYQUE

Mathieu Belbakhouch a trois casquettes : danseur, chorégraphe et professeur. Quand il enseigne, Mathieu perpétue l’héritage reçu de son mentor et construit son avenir, son propre héritage. « Je donne des cours dans le sud de la France dans une école qui s’appelle Transcendance. Depuis quelques années, j’y ai développé le waacking, parce que j’ai envie de voir cette danse qui m’a sauvé à travers les jeunes à qui j’enseigne. Je partage mes connaissances et l’amour que j’ai, pour qu’ils et elles se construisent et soient solides. » Mais être chorégraphe et se retrouver face à d’autres pros, c’est différent. « Je suis dans l’entertainment, c’est le Boubou dans sa chambre, lumière éteinte. Un Boubou créatif qui a envie de faire bouger les choses. C’est moi qui rêve de chorégraphier le Super Bowl, un jour, car je suis un puits intarrissable d’idées et j’adore danser dans des clips pour montrer aussi qu’un gars aussi fort que moi, qui ne rentre pas dans les cases peut briller et

peut jouer un premier rôle. » On a notamment pu le voir à l’œuvre dans le clip Le reste de Clara Luciani et Thirty Seconds To Mars de Jared Leto, qui l’avait invité à danser après avoir vu la vidéo buzz où Boubou performait sur Beyoncé. « J’utilise ma différence pour me rendre unique et indispensable. Il faut vendre du rêve et montrer que tout est possible! » Ce qu’il s’efforce aussi de faire pendant ses battles. Autrement dit, exposer l’accomplissement de son travail, de ses entraînements intensifs. Comment provoquer l’étincelle chez le public ? C’est la question que Boubou se pose à chaque fois qu’il se meut. Le tout est toujours de donner son maximum. « Une chorégraphie, je vais y penser pendant des semaines avant de l’exécuter tandis qu’un freestyle en battle, c’est moi et mon rapport à la musique. Il y a une certaine forme de transe et d’élévation dans la performance. Mon but est de faire voyager les gens, grâce à mes connaissances, grâce à ma vision et à mes trips. »

LE WAACKING

Danse à caractère social sur fond de musique disco qui a émergé dans les clubs gays underground de Los Angeles dans les années 1970, représentant l’expression libre des hommes gays de couleur. Certains de ses créateurs l’appelaient « punking » ou « whacking », et finalement « waacking ». Mais après que beaucoup d’entre eux soient morts du sida dans les décennies qui ont suivi, le style a largement disparu, avant de réapparaître en 2021, grâce aux réseaux sociaux, aux danseurs qui perpétuent son héritage et

aux compétitions de danse qui permettent son expression sur la piste.

Cette danse puise dans un vocabulaire libre de mouvements mais est définie et jugée par la connexion unique que chaque danseur et danseuse établit avec la musique, car le style de chaque personne est différent.

Le waacking concerne le plaisir, mais aussi la douleur et la manière de la surmonter grâce à une attitude d’hyperconfiance, rendue possible grâce au mouvement des bras et des mains, et surtout du cœur.

LES RÊVES DE BOUBOU

1.

Danser pour le Super Bowl, la plus grosse scène au monde, d’après lui.

2.

Chorégraphier le Super Bowl.

3.

Avoir sa propre émission consacrée à la danse, à la manière de Jimmy Fallon, pour amener la danse au même niveau que le chant.

4.

Danser avec Beyoncé ou Missy Elliot.

5.

Avoir son propre spectacle dans lequel il chante et danse.

« Il faut vendre du rêve et montrer que tout est possible ! »
« Mon but est de faire voyager les gens grâce à mes connaissances, grâce à ma vision et à mes trips. »

ASCENSION D’UN DANSEUR INSPIRANT

C’est en 2018 que tout a changé pour Boubou. Participant à son premier battle à New York, le Step Ya Game Up, il perd en finale. Cette défaite fut un coup dur pour son ego, mais également une motivation qui le poussa à s’entraîner encore plus et à se perfectionner, avant de revenir l’année suivante pour triompher. Une victoire en 2019 l’a révélé au public newyorkais, le propulsant sur la scène internationale et consolidant sa réputation.

Mais son parcours est marqué par bien plus que des compétitions. C’est une histoire de persévérance et de résilience. Gagner la compétition Waacking Forever a été un moment historique pour Boubou puisqu’il a été le premier à la remporter, une réalisation de sa bucket list et une victoire symbolique pour celles et ceux qui lui ressemblent. « C’était important de montrer qu’une personne comme moi peut gagner », explique-t-il avec fierté. Il souligne les injustices auxquelles il fait encore face aujourd’hui : « Parfois on m’appelle pour des projets, puis on finit par me dire non, car je n’ai pas le bon format. Mais ça ne me touche pas, je me dis que ce n’est pas grave. Si ce n’est pas ça, c’est que je n’étais pas destiné à le faire. Et, bizarrement, il y a toujours un truc extraordinaire qui se produit juste après. »

Mathieu Belbakhouch préfère se souvenir de ce qui l’inspire et ce qui le rend heureux, comme le Red Bull Beat It – futur Red Bull Dance Your Style –qui a vu passer des danseurs et danseuses d’exception : Mufasa Salah, Lilou et Antoinette Gomis. Cette dernière aura même donné son tout premier cours de waacking à Boubou, à Montpellier, allumant la flamme qui brûle encore aujourd’hui. Elle est, selon lui, « la danseuse la plus talentueuse au monde ».

Maintenant, c’est son tour. Boubou est désormais ambassadeur du Red Bull Dance Your Style, « la rencontre du mainstream et de l’underground », qui offre une visibilité inégalée aux danseurs et danseuses. Il raconte : « Ce qui m’a frappé dans le Red Bull Beat It, c’est qu’on dansait sur des sons qu’on entendait à la radio, des morceaux commerciaux. Et un jour, alors que cette compétition avait pris fin, j’ai été appelé par B-Boy Abd-L de Vagabond Crew, qui m’a dit : “Le Red Bull Beat It revient sous un autre nom, le Red Bull Dance Your Style passe à Toulouse, est-ce que tu veux en être ?” Forcément, j’ai dit oui. » C’était en 2018, lors des qualifications dans la ville rose. Boubou s’était distingué et avait atteint les finales à Paris. Son duel contre Salah sur Single Ladies de Beyoncé reste mémorable. Le public ne parvenait pas à départager les deux artistes, et après deux time breaks, il perd de peu, mais sort grandi de cette expérience. La vidéo de ce battle dépassa rapidement le million de vues sur Red Bull TV, amplifiant encore sa notoriété. Il finira par dire : « Après la finale mondiale de Red Bull Dance Your Style en Afrique du Sud en 2022, les vidéos ont tellement buzzé que maintenant, le monde entier a envie d’y participer. Cet événement fait partie du top 5 des compétitions à suivre et comme c’est le public qui vote, en tant que danseur on peut vraiment se rendre compte de notre impact

« Le Red Bull Dance Your Style, c’est la rencontre du mainstream et de l’underground. »

au-delà de la technique. C’est une énorme plateforme ! » Les compétitions, les battles, les victoires et même les défaites, forment le parcours exceptionnel du danseur Mathieu Belbakhouch dit Boubou, prouvant que le talent, combiné à la persévérance, peut mener à des sommets inespérés. Reconnu pour son style unique et innovant, une fusion de toutes ses influences et de son parcours riche. Ses premiers échecs sont devenus des sources de motivation, le propulsant vers de nouvelles scènes et de nouveaux publics, lui permettant de continuer de voyager, de partager son art et de marquer de son empreinte l’univers du waacking, du hip-hop et de la ballroom scene. Son histoire est celle d’une passion inébranlable, d’une quête de perfection et d’un amour profond pour la danse, transformée en une carrière florissante et inspirante.

Date de la finale française : le 5 octobre

Lieu : Théâtre

Graslin, Nantes

Horaire : 20 à 23 heures

Un line up de seize danseurs et danseuses d’exception.

Pour autant il ne prend pas la grosse tête, et développe son charisme naturel avec l’expérience. « Je me suis toujours dit que j’allais devenir une star de la danse, c’est-à-dire me sentir star, ça ne veut pas forcément dire me prendre pour une star. Je pourrais très bien dire à Beyoncé : “Va boire de l’eau, je vais finir le concert à ta place.” » dit-il en rigolant. No shade. « Il y a beaucoup de gens derrière nous, donc on est là pour les booster, pour les pousser et les inspirer, c’est un peu ça aussi ma mission. J’ai de la chance. »

IG : @boubou_belbak

Dans le vaste monde de la musique, Sophye Soliveau se distingue par une approche audacieuse et profondément personnelle de la harpe.

Naviguant entre tradition et innovation, Sophye Soliveau explore les horizons musicaux avec une créativité sans bornes, façonnant des compositions qui résonnent au-delà des frontières conventionnelles. Si, dans les années 70, des pionnières telles que Dorothy Ashby et Alice Coltrane ont fusionné la harpe avec le jazz, de nouvelles artistes comme Nala Sinephro, Ouri et Sophye Soliveau insufent elles aussi une nouvelle vie à cet instrument ancestral, tout en tissant des liens audacieux entre les genres musicaux. D’origine guadeloupéenne, Sophye Soliveau, qui n’a « pas d’âge », transcende les conventions avec une virtuosité qui embrasse les horizons du R&B et de la soul. Son premier album, Initiation, résonne comme une exploration passionnée et libératrice, capturant l’esprit d’une artiste dont la musique est à la fois une quête personnelle de guérison et une célébration efervescente de la diversité sonore. Une accalmie régénérante, comme si l’ensemble de ses cordes vocales ou pincées constituait une source d’énergie nécessaire à notre bien-être.

Sophye se remémore avec une tendre nostalgie les premiers pas qui l’ont menée

LE SON DE L’ACCALMIE

vers la musique, et plus particulièrement vers la harpe, un instrument qui est devenu non seulement un moyen d’expression, mais aussi une source de défs : « Ma mère m’avait inscrite au conservatoire, et, à l’origine, je voulais faire du chant lyrique, mais il fallait attendre au moins l’âge de 14 ans, donc on m’a demandé de choisir un instrument. J’ai choisi la harpe car on en avait une, celtique, à la maison mais je n’avais pas le droit de la toucher. Je ne savais pas comment ça sonnait. Je pense que ce qui m’attirait, c’est qu’il s’agissait d’un instrument un peu

« C’est parce que je joue de l’instrument du colon que je peux faire mes propres choix. »

bizarre », raconte-t-elle avec un sourire en coin. En évoquant les débuts de sa relation avec cet instrument qui peut parfois sembler mystique, Sophye Soliveau, fnaliste du prix Joséphine 2024, nous ramène également à sa dimension paradoxale : « C’est un instrument qui m’a beaucoup contraint, physiquement et psychologiquement. Et en même temps, ça me donne de l’indépendance parce que je peux en faire seule. »

Alors que le conservatoire se présente comme une porte ouverte vers un monde musical vaste, avec une éducation complète incluant le solfège et les opportunités de pratiquer en groupe, il connaît aussi ses limites pour l’artiste en herbe qui souhaite faire quelque chose de diférent dans sa proposition musicale, quelque chose de monumental, à l’image de son instrument. Si, pendant de nombreuses années la chanteuse d’origine guadeloupéenne à la voix de velours et harpiste reniait inconsciemment les musiques propres à ses origines, comme le gwo ka, elle me confera que quitter le conservatoire et prendre ses aises avec la harpe lui a permis de déconstruire certaines de ses problématiques. « À un moment donné, j’avais des douleurs physiques et des incapacités à faire certains gestes car je n’arrivais pas à trahir l’éducation musicale classique, à aller plus loin dans une recherche esthétique, qui vient avec une compréhension de soi. »

Une des raisons pour lesquelles, au fl des années, Sophye Soliveau s’est confrontée à des défs artistiques et personnels avec le groupe Àbájada (groupe de fusion jazz et tradition cubaine), le chœur Oshun (collectif vocal réuni autour d’un projet d’arrangements originaux sur un répertoire soulful), et la chorale afroféministe Maré Mananga (née en mars 2020 autour de l’envie de « sonoriser les présences marginalisées » et composée de personnes amatrices et professionnelles). À cela, on peut ajouter son intérêt pour les esthétiques afro-américaines : « Ces musiques que j’ai beaucoup écoutées me ramènent un petit peu à un chez moi. J’ai l’impression que, pour les personnes noires en France, il y a toujours eu un besoin de s’identifer aux personnes aux États-Unis. » Par ailleurs, pendant longtemps, Sophye ne se sentait pas légitime de faire de la harpe, par manque de représentations. Toutefois, il est important de noter qu’aujourd’hui, Sophye Soliveau ne participe plus à aucun de ces trois ensembles : Àbájada, Oshun, Maré Mananga. Elle explique : « J’ai réalisé que je devais comprendre mes racines pour jouer ces musiques avec respect. »

Après une quinzaine de dates en France avec son Summer Tour 2024, Sophye Soliveau continue de conquérir le public.

Et que ces expériences « étaient un apprentissage sur soi autant que sur la musique ». L’artiste fnira par synthétiser ses idées de la sorte : « Quand je suis quelque part, j’ai besoin de savoir pourquoi je suis là et d’être sûre que la raison pour laquelle je suis là est la bonne. »

En proie à plus de liberté et sur le chemin de la reconstruction, la création de l’album Initiation marque alors une étape importante pour Sophye : « Ce projet a été comme une guérison pour moi. Chaque morceau était une étape vers la compréhension de moi-même et de mon histoire, explique-t-elle avec émotion. C’était un voyage pour dépasser mes propres limites, artistiquement et émotionnellement. » Désormais, Sophye Soliveau se concentre

« La harpe, malgré les combats, reste mon outil privilégié pour exprimer ma vision du monde. »

sur son développement artistique personnel. « Je veux créer un style qui me soit propre, qui raconte mon histoire de manière authentique, dit-elle avec détermination. La harpe, malgré les combats, reste mon outil privilégié pour exprimer mes émotions et ma vision du monde. » Elle considère cet album non seulement comme un accomplissement mais aussi comme une passerelle vers une compréhension plus profonde de son identité. « Chaque note, chaque mélodie dans Initiation représente un moment de croissance et de découverte », conclut-elle avec une note d’optimisme. Tandis que son voyage musical se poursuit, elle sait que les leçons apprises grâce à cet album continueront à façonner son art et à inspirer celles et ceux qui écoutent sa musique.

Avec Sophye Soliveau, on retourne aux origines du R&B et du jazz, au sens rhythm and blues. L’ensemble de l’album, parfois, fait même écho aux œuvres de Ma Rainey et Bessie Smith, dont Angela Davis décrit la culture musicale, qui prône une sexualité féminine libre et assumée, appelle à l’indépendance et à l’autonomie des femmes (dans le contexte des années 1920 à 1940 aux USA), en revendiquant l’égalité de « race » et de genre, dans son ouvrage Blues Legacies and Black Feminism. Notamment avec le titre Leave sur lequel elle s’interroge sur le fait de réussir, un jour, à dépasser sa condition : « Leave parle de cela, ce n’est pas seulement une chanson sensuelle et d’amour. À certains moments quand je la chante, j’ai l’impression de parler de ma mère. »

Face à moi, Sophye se remémore avec une nostalgie palpable le chemin parcouru depuis la création en 2014 de son morceau emblématique, Initiation, dont elle a conservé un passage, celui avec les accords égrenés qu’elle avait écrits en s’inspirant d’un classique de la harpe intitulé

La Source, d’Alphonse Hasselmans. « C’est la dernière partie d’un grand morceau qui durait sept minutes et c’était ma première composition à la harpe. Je l’avais écrite pour L’Odyssée de la harpe (un événement où se côtoyaient des virtuoses de cet instrument,ndlr), qui se tenait tous les ans au conservatoire. De très grands harpistes y jouaient, avec un thème diférent à chaque fois comme les musiques anciennes avec les harpes de la Renaissance, les doubles rangs (arpa doppia) et les triples rangs de cordes, ou encore les musiques de flms. Mais cette année-là, le thème était “musiques actuelles”. Et à l’époque, je ne savais pas trop ce que cela voulait dire. » Mais ça, c’était avant. IG : @sophyesoliveau. Prochain concert le 7 février 2025, au Silex, Auxerre.

Sophye Soliveau, harpiste à l’aura et à la musique enchanteresses.

WAKE UP

Le rider prodigieux Jules Charraud, âgé de 24 ans, n’en finit pas de nous surprendre en repoussant jour après jour les limites du wakeboard. À travers le monde, il enchaîne les trips de winch, les contests de wake et les sessions de coaching. Après Tour et Détours, où il ridait les plus beaux spots de l’Hexagone, direction les Côtes-d’Armor pour tourner la vidéo de son dernier projet Vacances en Bretagne. Sous l’eau ou dans les parcs à huîtres, entre défis techniques et éclats de rire, Jules nous raconte cette expérience unique.

Depuis ses premiers pas sur un wakeboard à l’âge de huit ans, Jules voue un amour inconsidérable à son sport et continue de transmettre joie et bonheur dans chaque ville où il passe.

« Pourquoi pas

Plestin-les-Grèves, Bretagne. Si faire du wakeboard sous l’eau était la partie la plus complexe des Vacances en Bretagne, sauter au-dessus du château réalisé par Stephen Lozza, champion de France de sculpture sur sable, était aussi source de stress. En effet, Jules devait prendre son élan dans un couloir d’une vingtaine de mètres entre 2 remparts de sable avant de prendre son kicker pour poper au-dessus du château de 3,50 m de haut. Par ailleurs, comme la marée était basse et que la mer n’a pas atteint l’édifice de sable, il n’y avait que 20 cm d’eau à la replaque.

Toujours en quête de nouvelles sensations, Jules a décidé de se démarquer avec un projet audacieux : explorer les possibilités du wakeboard en milieu côtier breton. L’idée, venue après de longues réflexions avec son équipe, était de conjuguer les activités balnéaires estivales avec des performances en wakeboard. Des plages bondées aux parcs à huîtres, en passant par des ports pittoresques, chaque spot a présenté son lot de défis et de surprises. « On voulait un projet qui parle à tout le monde. Beaucoup de personnes vont à la plage quand elles sont en vacances et, souvent, quand on pense plage on pense à la Côte d’Azur et à la Méditerranée, mais la Bretagne offre des spots plus intéressants en termes de paysages pour faire du wakeboard », explique-t-il.

Le tournage, réparti sur deux semaines, a été ponctué de moments de stress intense et de plaisir pur. Des ajustements méticuleux pour placer le treuil aux essais sous l’eau inédits, l’équipe a dû faire preuve de créativité et de patience. Mais la détermination de Jules, alliée à un esprit d’aventure contagieux, a permis de surmonter chaque obstacle. Installé à la ferme de Boiséon, Jules a pu profiter de la proximité des spots et de l’accueil chaleureux de ses hôtes. Cette aventure, à mi-chemin entre exploit sportif et vacances entre ami·e·s, restera gravée dans les mémoires de tous celles et ceux qui y ont participé. Pour Jules Charraud, c’était une nouvelle occasion de prouver que le wakeboard n’a pas de limites.

IG : @jules.charraud Regardez le dernier projet de Jules Charraud, Vacances en Bretagne

« Rider sous l’eau, ça ne s’est jamais fait. »

Plougrescant. « Nous avons fait pas mal d’essais et le plus concluant était de mettre un gros poids au niveau de ma planche. Nous l’avons lestée au maximum et sur le dessus, nous avons scotché un énorme plomb. Sous ma veste, j’avais aussi une ceinture de plomb. Je ne me souviens plus exactement combien de kilos je portais, mais c’était très lourd et très dur de remonter à la surface. Pour respirer, j’utilisais des petites bouteilles de plongée SMACO de 3 min.»

Ici : Jules en Bretagne, en mode surface. Pour revenir sur l’action en page de gauche, l’athlète nous précise que comme son winch était en dehors de l’eau, pour éviter que la corde ne remonte à la surface, il a dû installer une poulie de renvoi au fond de l’eau et l’accrocher à un corps-mort (dalle de béton) afin que la traction reste verticale.

« Le plus gros défi sur Vacances en Bretagne, c’était de gérer les marées. »

« On ne s’en rend vraiment pas compte comme ça, mais il fallait vraiment se trouver au bon endroit au bon moment, parce que, chaque jour, la mer monte et descend toutes les six heures avec une heure d’étale.»

Piscine naturelle de Bon-Secours, Saint-Malo.

Plougrescant. Tous les jours, ce sont des coefficients différents. La mer se retire plus ou moins loin et plus ou moins rapidement. Ça aussi,il faut y penser. Heureusement qu’Yves Marie, le propriétaire des parcs à huîtres, était présent. En effet, à marée haute, l’ensemble des huîtres sont recouvertes par 3 m d’eau, tandis qu’à marée basse, il n’y plus d’eau du tout. Le jour du tournage, Jules aura eu à peine 10 min pour tourner les séquences vidéo souhaitées.

Port de Saint-Brieuc. Le tournage a duré environ deux semaines. Comme dans tous les projets, il y a des moments où tout se passe incroyablement bien et d’autres où c’est plus délicat. Avec tous les paramètres à prendre en compte : la météo, les marées, les autorisations, le stress, l’anticipation pour l’installation du winch, sa mise en place, le rembobinage de la corde, etc. Mais ce qu’on retient de Vacances en Bretagne, c’est l’expérience et l’art du divertissement de Jules.

Ces pages sont le fruit d’une rencontre entre un cascadeur mécanique de talent, Facene, et un photographe animé par les nouvelles expériences visuelles, Chris Saunders. Une collaboration pour le plaisir des yeux - et vous faire apprécier différemment la Bike Life.

Le flow urbain

Texte PH Camy
Photos Chris Saunders

Aisance : casqué sous sa capuche, Facene réalise un wheeling sur une voie fermée du Val-d’Oise. Ses skills à motocross lui ont ouvert le monde du cinéma, entre autres.

Venu de l’Est parisien, Facene, la trentaine, a très tôt été intrigué par ces motos sur lesquels des types issus des grands ensembles urbains faisaient des tricks, des moves incroyables, levant leurs roues, lâchant les mains, faisant entrer des engins dédiés au cross, à la terre, dans des dimensions, plus bétonnées. Sur son histoire personnelle, il reste discret, seul lui importe le partage de sa passion pour le motocross. Pour lui, ce fut bien plus que faire comme d’autres dans son arrondissement (le XIXe, à Paris). La moto l’intrigue, l’anime au point de devenir un mode de vie, l’emmenant vers des sphères pros et une reconnaissance dans les milieux de la production audiovisuelle.

Ce « cascadeur mécanique » participe à de nombreux tournages pour des films, clips vidéo ou pubs. « Avec mon métier de cascadeur, je suis beaucoup à l’étranger pour les tournages, explique-t-il. Quand je suis à Paris, j’ai plein d’autres centres d’intérêts dont les sports de combats et le football. J’aime voir ma famille, mes amis, faire plein de choses qui ne concernent pas forcément mon travail ni la moto. »

Nous avons retrouvé Facene sur un site de banlieue parisienne dont les voies ont été fermées pour notre utilisation exclusive et l’avons présenté au photographe Chris Saunders. Quelques heures d’un aprèsmidi d’août, les deux talents se sont apprivoisés et entendus pour produire les plus belles images, dans un mode réfléchi, rigoureux. Leur but, vous faire apprécier l’esthétique et le talent d’un rider dont les images défilent souvent bien trop vite, parfois associées pour beaucoup à des notions de rodéo, d’illégal. Pour Facene, rien n’est fait au hasard, et la sécurité prime. Il est reconnu et sollicité en tant que performeur et cascadeur professionnel, dont les skills sont appréciées par des productions parmi les plus réputées, en France et à l’international. Au bout de quelques heures de shooting, Facene nous demande de stopper la production pour de bon, il ne souhaite pas poursuivre ses tricks plus loin. « Je pense que c’est important de connaître ses limites, dans tous les domaines, développe-t-il. La maturité et la connaissance de mon corps font que je sais quand je ne dois pas dépasser la ligne rouge. »

En bref : toutes les images que vous voyez ici ont été réalisées en contrôle, en limitant les risques au maxium. Nous vous laissons apprécier les créations exclusives du duo Facene-Saunders, et vous dévoilons un peu plus le pilote, en ses propres termes.

Genèse

« Comme une majeure partie des riders, j’ai commencé par le vélo. Les aînés se baladaient sur leur roue arrière. Nous, les plus jeunes, roulions aussi à vélo, on voulait faire comme eux. Sauf qu’on poussait un peu le truc, on se donnait des défis : manual (figure de BMX, ndlr), avec une main, longue distance en roue arrière. J’ai tout de suite accroché à la sensation d’être en équilibre sur la roue arrière. Mais je me suis vite rendu compte que le vélo était limité, de par son fonctionnement. C’était devenu trop facile, et ma soif de vélo s’est transformée en faim de découvrir la moto. »

Une passion

« J’ai grandi dans le nord de Paris, il était rare de voir passer une moto en roue arrière, mais je savais que ça existait. J’ai commencé à regarder des vidéos de moto en général. J’aimais beaucoup le pilote de MotoGP espagnol Carlos Checa, je ne sais pas pourquoi. Comme tout enfant passionné de moto, j’étais rêveur et j’ai cherché à savoir comment devenir pilote. J’étais déjà très mature pour mon âge. J’ai vite compris que c’était un métier élitiste, donc quasiment impossible à atteindre. J’avais aussi déjà vu des mecs faire des roues arrière à moto dans les clips américains, comme ceux de DMX, mais je n’arrivais jamais à retrouver la page profil des riders. Je ne sais plus où exactement, mais un jour j’ai entendu les mots “Bike Life”… et c’est à ce moment-là que j’ai découvert ce mouvement américain, cette notion de trickser sur un motocross, en ville. J’ai tout de suite compris que j’avais découvert ma véritable passion. »

Taxiphone

« La connexion Internet était très lente chez moi à cette époque. J’allais beaucoup au taxiphone du quartier pour étudier leurs faits et gestes sur Dailymotion et YouTube. J’étais fan de la maîtrise et de l’assurance dégagées par Chino Mmg ou Lor Dev aux USA, des riders de Baltimore. Parmi les autres

« J’ai découvert ce mouvement US, la Bike Life, et j’ai
j’avais

Kid fou de cross, Facene a poussé son envie de perf jusqu’à professionnaliser sa pratique, au service de productions vidéo dans le monde culturel.

« Il y a des mecs qui achètent une motocross pour passer le temps, d’autres pour faire du bruit, certains pour poster quelque chose de cool sur les réseaux. Si ta raison n’est pas la passion, alors tu n’es pas comme moi. »

Behind the scene: Facene pris en photo depuis le véhicule activé par le SudAfricain Chris Saunders pour documenter les évolutions du rider.

noms américains que je peux citer en référence, il y a WOWBOYZ, Meek Mill, DMX, 12 O’Clock Boys, Benmore, Wheelie Wayne… Je me suis aussi aperçu qu’il y avait aussi des Français dans le mouvement : DouDou Cross Bitume, Vinou L’bleufeur, Fromage Bavette. »

Première bécane

« Le prix des machines te refroidit, surtout quand tu es jeune. Je me suis débrouillé pour m’acheter une mini moto au début, mais j’ai eu la même sensation que quand j’étais arrivé à bout du vélo : une frustration, par manque de puissance. J’ai acheté de plus en plus gros, de plus en plus puissant. Ma première vraie moto était une YZ 125 de 2004 que j’ai achetée pour pièces de base, en plusieurs cartons… Sur l’annonce, elle était en miettes. (rires) J’étais parti récupérer ces pièces en RER avec un pote, le vendeur a eu pitié de nous voir repartir avec tout ça en direction du train ; il nous a raccompagnés chez nous en camion. Pour compléter, j’ai fait l’acquisition de plusieurs pièces quand j’avais un p’tit billet, chez un revendeur qui s’appelait Arnoroule. J’ai mis presque un an à la remonter/réparer entièrement. Je roulais avec à la sortie des cours, tous les week-ends. C’est là que tout a commencé. En 2014-2015, quand j’ai acheté une MT-07 et réalisé des tricks Bike Life sur une moto homologuée, c’est comme ça que je me suis fait connaître. Puis j’ai passé un autre step avec ma chaîne YouTube. »

Griffe mode d’un ami, « ode à la liberté prônant le travail acharné pour atteindre cet idéal ».

Apprendre

« Comme dans toute discipline, ce qui compte pour progresser, c’est l’entraînement, mais comparé à d’autres, je me suis plus concentré sur l’exercice du flow que sur celui du tricks pur. Apprendre certains tricks comme le no-hand, ça peut prendre des mois, et ça implique de nombreuses chutes. »

Busy

« Je travaille pour le cinéma, sur des shootings pour des marques de vêtements, pour des produits moto. J’apparais dans des vidéos en collaboration avec des équipementiers, je suis sollicité pour des interviews ou des publicités pour des constructeurs moto. »

Les tournages

« Je suis cascadeur mécanique, en auto et moto. J’ai performé sur les films Athena, Vermines, Loin du périph, Le dernier mercenaire, 3 jours max, Roqya et d’autres pas encore sortis. Aussi sur la série Lupin. Lors de ma première journée sur un film, l’ampleur de l’organisation m’a surpris, et c’est sur Athena que j’ai pris le plus de plaisir, car c’était la première fois qu’on me contactait pour réaliser ce que je sais faire de mieux. Les tournages m’ont beaucoup enrichi au niveau du travail d’équipe. Étant fan des belles images, j’échange souvent avec les cadreurs, le réalisateur à la pause du midi, sur les différentes techniques, et autres. Les tournages m’ont permis de développer ma patience, ma concentration, ma gestion du stress, ma rigueur, et plein d’autres points similaires. Chaque scène, chaque film est différent. Je suis généralement présent pour réaliser des cascades mais je m’intéresse toujours au scenario, au caractère du personnage de l’acteur que je double. Ainsi, je cerne l’énergie à donner à ma cascade. »

USA, Dakar…

« Toute mon adolescence s’est résumée à dédier l’entièreté de mes économies à des motos. Je ne voyageais pas, je voyais ça comme une perte d’argent dédié à un plaisir éphémère. J’ai commencé à me faire connaître sur les réseaux sociaux et des gens de différents pays : Sénégal, Brésil, États-Unis, Italie, Angleterre… m’envoyaient des invitations. Je me suis organisé avec des pionniers Bike Life locaux de différents pays pour voir comment la Bike Life se pratiquait chez eux, en Californie, ou à Dakar. Les ÉtatsUnis, c’est à part ! C’est un must pour se frotter aux cracks du milieu. J’y suis allez plusieurs fois, c’était un voyage logique et un passage obligatoire pour moi. C’est la moto qui me fait voyager. Je ne suis jamais parti nulle part sans faire de moto. »

Émotion x plaisir

« Certains ont besoin de faire le vide pour faire le plein, moi c’est l’inverse. Il n’y a que sur une moto que je déconnecte totalement. J’en ai fait toute mon enfance il y a donc une émotion, des souvenirs qui remontent. Quand je collabore avec un photographe, c’est différent du freeride pur. Avec une équipe de shooting il y a toujours la pression de vouloir bien faire, de donner le max, c’est du travail. Quand je suis seul, je cherche juste à prendre du plaisir. »

Gauche : un Superman, debout sur la selle, en wheeling. Droite : Touch Ground, toujours en roue arrière, avec une des deux mains qui touche le sol.

« Je sais ce que je veux, ce qui marche et ne marche pas. »
« Les tournages ont développé ma patience, ma concentration, et ma rigueur. »
Facene et une Yamaha YZ250F 2024 prêtée pour le shooting.
Merci à Seb Billault et Autos-Motos Saint-Dizier.

Focus

BIKE LIFE

La « Bike Life » motocross, inspirée des USA et pratiquée en ville, consiste en des évolutions urbaines où des motards exécutent des tricks dans des zones publiques, sur des routes, des parkings et des espaces urbains. Popularisée via les réseaux sociaux, cette pratique attire par son côté spectaculaire et rebelle, mettant en avant la maîtrise technique et l’audace des riders, malgré les risques potentiels. En France, Facene est l’un des rares pilotes à avoir transporté cette pratique dans une dimension professionnelle et officielle.

sur la

arrière. Trick compliqué car difficilement rattrapable en cas de mauvais dosage des gaz ou manque de précision dans le calage de l’angle, ou de gainage insuffisant. Mais l’un des plus beaux, car il est la définition première de la sensation ressentie grâce à cette pratique : la liberté. »

Déterminé

« Je sais ce que je veux, ce qui marche et ce qui ne marche pas. Ce qu’il faut que je renvoie en termes de photos, vidéos. Je m’occupe moi-même de la direction artistique de mes projets. C’est l’acquisition d’expérience qui fait que je fonctionne ainsi. »

Innover

« Quand j’ai commencé la moto, les réseaux, la Fame et tout ce qui va avec ne m’intéressaient pas. J’ai eu des comptes Instagram et YouTube très tard, j’avais des comptes privés sur ces plateformes juste pour regarder ce que faisaient les autres dans ma discipline. Ce sont mes amis qui m’ont poussé à poster. À l’époque, en termes de vidéo, hormis les Américains, je trouvais que personne n’innovait, personne ne postait de belles choses, de qualité, tout était focalisé sur la performance. Je me suis allié avec des amis qui étaient dans l’image pour réaliser des vidéos qualitatives. J’ai toujours été passionné par les caméras, la musique, l’image et sa technique : comment mettre en valeur un sujet, le jeu des lumières et tout ce qui va avec. J’ai beaucoup appris sur des documentaires de réalisateurs américains. Mon travail est venu tout accentuer niveau connaissances. »

Se démarquer

« La rue n’est pas obligatoirement l’endroit pour débuter. Un rider en apprentissage sera plus en sécurité sur une zone déserte. Mais pour moi, le flow s’acquière uniquement dans la rue, avec les obstacles qui composent le milieu urbain. Ils font naître un flow naturel qu’un rider qui roule uniquement en zone déserte n’aura pas. En ne regardant qu’un seul run

d’un rider, je sais te dire s’il a pour habitude de rouler en zone rurale ou urbaine. C’est très compliqué d’évoluer en Bike Life, car ce milieu est officiellement illégal et très mal vu du grand public. La scène a besoin d’être encadrée pour les jeunes qui aimeraient s’exercer en toute tranquillité. Je pense que la première chose à faire est de se démarquer, et c’est tout de suite ce que j’ai tenté de faire, en étant créatif. Bien utilisés, les réseaux peuvent être un beau support pour transformer l’essai. »

Le motocross pro

« Je suis plus Sx que MxGP, c’est l’unique sport mécanique que je suis pleinement. Je vais voir des courses quand j’en ai l’occasion. J’échange régulièrement avec des pilotes pros comme l’Italien Mattia Guadagnini ou le Portugais Hugo Basaúla, et d’autres. Ils m’envoient leurs maillots en début de saisons. J’aime et respecte beaucoup les pros en motocross. »

Vision

« J’ai envie de faire découvrir quelque chose de différent, peut-être inconnu pour beaucoup, ou sous un autre angle pour ceux qui ont déjà entendu parler de la Bike Life. Mais faire changer les avis sur la Bike Life n’est pas mon objectif et ne l’a jamais été. Je veux juste faire entendre à celleux qui possèdent une certaine ouverture d’esprit qu’il y a peut-être quelque chose d’intéressant à voir derrière tout type de personne, de passion, de métier – même si on n’y adhère pas. Et à ceux qui ont des rêves, je veux dire qu’il n’y a pas que les routes classiques pour y parvenir. »

IG et YT : @facene_mmg

Facene en No Hand : « Ôter les deux mains du guidon en restant en équilibre
roue

L’ÉCLOSION

Omar Apollo se dévoile avec une intensité rare dans son deuxième album, God Said No. À 27 ans, ce fils d’immigré·e·s mexicain·e·s, né et élevé dans l’Indiana, plonge au cœur des tourments d’une rupture, transformant ses émotions complexes en un R&B alternatif profondément introspectif. Explorant ainsi le chagrin, le regret et l’incrédulité, tout en évoquant un désir persistant. Loin d’une rupture simple, cet album capture les nuances d’une relation en déclin, révélant un artiste en pleine maturation émotionnelle et artistique.

Né Omar Apolonio Velasco à Hobart, dans l’Indiana, Omar Apollo a grandi dans une famille mexicaine ouvrière, profondément catholique, ayant immigré aux ÉtatsUnis depuis Guadalajara. Dès son plus jeune âge, ses parents lui ont inculqué un amour pour la musique folklorique mexicaine traditionnelle, le familiarisant avec les sons vibrants des titans de la ranchera, Vicente Fernández et Juan Gabriel. À l’âge de 12 ans, Apollo reçoit sa première guitare et développe ses compétences au sein du groupe de son église. Avec ses deux EP Stereo (2018) suivis de Friends (2019), Omar Apollo commence à se faire connaître et montre sa capacité à naviguer entre des ballades de guitare intimes et des morceaux de R&B teintés de funk. Éclosion d’un talent.

La signature d’un contrat avec Warner Records marque un tournant dans sa carrière, après quoi il sort Apolonio, projet fort en collaborations puisqu’on y trouve Kali Uchis, le légendaire Bootsy Collins et Albert Hammond Jr., guitariste des Strokes. La consécration est pour bientôt. Avec son premier album Ivory (2022), l’auteur-compositeur élargit ses horizons et dépasse le R&B pour explorer des genres en profondeur, passant d’une soul maîtrisée à des signatures propres au mariachi et à la naïveté des boys bands des années 90. Avec son titre Evergreen, un succès certifié platine grâce à TikTok, diffusé sur toutes les radios et dans le top des playlists des plateformes de streaming, tout le monde s’intéresse à son album Ivory qui le propulse sur le devant de la scène musicale internationale et lui vaut même une nomination aux Grammy Awards en 2023 dans la catégorie

Meilleur nouvel artiste. Consécration. Sans compter l’aide de TikTok et de ses millions de fans qui le soutiennent, la popularité d’Omar ne cesse de croître et il propose un second album, God Said No, qui recevra lui aussi un accueil des plus enthousiastes.

Malgré une ascension fulgurante, Omar Apollo reste ancré dans ses valeurs et son identité : « Il semble que cela ait été rapide, mais je fais de la musique depuis que j’ai 17 ans, donc cela fait bien dix ans maintenant parce que je viens d’avoir 27 ans, confie-t-il au cours de notre interview Summer Lover à Paris. Avant ça, ça allait, je remplissais des salles de 2 000 personnes avant même d’être signé, donc c’est cool que ça soit perçu comme rapide, mais en fait, c’est tellement de travail. Mais je me souviens d’avoir bien géré la transition. Je pense que cela aurait été plus difficile si j’avais été plus jeune, si j’avais eu 18 ans ou quelque chose comme ça. Je pense que j’avais suffisamment vécu pour pouvoir maintenir mes valeurs personnelles et comprendre qui je suis. »

Un succès que l’artiste attribue à son authenticité et son intuition. « Je n’ai jamais essayé d’être autre chose que moimême, poursuit-il. En ce qui concerne l’intégrité, je me disais juste que j’allais

« Je n’ai jamais essayé d’être autre chose que moi-même. »

continuer à faire ce que je faisais, mais à un niveau différent, avec des ressources différentes et des personnes différentes, mais tout cela venait toujours de moi, de mon intuition. »

Partir un jour

L’esthétique même de la couverture de son album God Said No reflète la pluralité de la personnalité d’Omar Apollo : désinvolte et sérieux, profond et frivole, glamour et spirituel, mais pas trop non plus, car l’album est à l’image d’un amour passionnel que l’artiste a traversé, aujourd’hui révolu. Mettre sa souffrance en musique ne date pas d’aujourd’hui, toutefois, chaque relation est propre à chacun·e. Plus qu’une simple complainte et un sursaut existentiel, Omar Apollo explore ses séquelles émotionnelles. « J’ai tout donné », dit-il en souriant timidement. Quant au titre, God Said No,

il provient d’une phrase prononcée par un ami alors qu’il tentait de surmonter sa rupture : on ne sait pas de quoi demain est fait, dépasser le chagrin et faire le deuil. « Comment sait-on ce qui vient après ? » Il faut donc se faire à l’idée d’accepter. Pour cela, l’artiste a troqué le soleil de Los Angeles, où il est basé, pour la pluie et le brouillard londonien. Un environnement maussade pour mieux s’affliger et créer dans sa solitude. Et il n’y a aucun mal à cela, le deuil est propre à chacun·e. « À cette époque, je voulais vraiment être seul. À L.A., il fait toujours beau, le ciel est toujours bleu. Je voulais juste changer de décor, aller quelque part où je me sentais un peu dans l’inconfort. Je ne connaissais personne, j’étais majoritairement seul, ça m’a permis de sortir de ma zone de confort. » N’avons-nous pas toutes et tous, finalement, besoin de temps pour soi, pour guérir, surtout lorsque l’amour joue un rôle crucial dans nos vies ?

Trouver refuge de l’autre côté de l’Atlantique, loin de la Cité des Anges, aura été révélateur pour ce dieu des arts et de la musique, qui trouve refuge dans la poésie grâce à son ami et artiste Mustafa – dont le nouvel album, Dunya, aux vers sincères et lancinants, interroge nos consciences avec une douceur quintessenciée. « La poésie était tout un nouveau monde dont je n’étais pas conscient. Cela a ouvert mon esprit davantage, en particulier les poèmes de Mary Oliver, Victoria Chang et Ocean Vuong. La façon dont elles et ils parlent de l’amour, du monde qui les entoure, la spécificité de leurs vies, que ce soit par rapport à leur sexualité ou à leur éducation. » À ce moment-là, de nouveau en phase avec son dialogue intérieur, Omar Apollo commence à infuser l’art de la poésie dans ses textes, faisant de l’amour le thème central de God Said No.

« Parfois, on pense que quelque chose est pour nous, comme une relation. On croit que l’on va être avec cette personne pour longtemps, et il s’avère que ce n’est pas le cas. Cet album, c’est l’acceptation d’un temps révolu. Que notre souhait ne puisse se réaliser, qu’il faut se rendre à l’évidence. C’est très dur, car on se sent vide. D’autant plus que l’amour joue un rôle crucial dans ma vie. » Si Omar Apollo travaille sur la compréhension de ses sentiments, il préserve néanmoins toujours une sorte de relation avec les personnes dont il est tombé amoureux. Et si son idée de l’amour est convolutée et complexe, au-delà de la tristesse et du deuil, il lui tient à cœur d’être « la meilleure version de lui-même » dans son rapport à l’autre.

Grâce à son ami Mustafa dont le prochain album Dunya sortira le 27 septembre, Omar s’est ouvert à la poésie.

Bouffée d’oxygène

Introspection et discernement. Abnégation et méditation. Désillusion et enchantement. Omar Apollo chante la vie. Avec Less Of You, on retourne en after dans les années 90, il nous rappelle l’heure de gloire de New Order dans un univers où la new wave embrasse le disco funk, où la liberté d’exprimer nos sentiments est à profusion. Tandis qu’avec Done With You – titre dont l’instru s’inspire des compositions de Lauryn Hill – il se rapproche davantage d’une balade, qui se prolongera avec Plane Trees (featuring Mustafa). Oxygène. Probablement un des morceaux les plus poétiques de l’album avec Empty, qui traduit un nouveau souffle de vie, permis par un soutien amical des plus puissants. On s’imagine allongé·e sous un platane, dont les feuilles flétries reprennent vie et flottent sur les rythmes de la guitare suivant les mouvements du vent. Rassasié d’amour, Omar me raconte qu’il a écrit ce texte dans les jardins du château de Versailles, sous un arbre, pendant qu’il visitait les alentours avec ses parents.

« Étant Mexicain-Américain, j’ai été souvent critiqué. »

« Je voulais juste écrire sur autre chose. L’arbre était en quelque sorte un reflet de ma vision du monde et de ce que je ressentais par rapport à la façon dont l’amour me consomme. J’essayais de voir de nouveau la grâce dans le monde, de voir la beauté de la nature. Aller dans l’herbe, sur le sol, observer les arbres, les oiseaux, le ciel, le vent, les éléments, le feu. C’était comme une action désespérée et agitée parce que j’étais consumé par l’amour. »

Le timbre de voix de Mustafa devient alors rassurant et autorise une dérive tout en douceur, favorisant un regain d’énergie pour la suite : Drifting

Ce qui est intéressant dans la construction de la pensée et la musique d’Omar,

c’est qu’après chaque instant profond, un sursaut jaillit, une étape se dévoile. Transport en mer ou dans les airs, « je voulais juste captiver le public pour que je puisse l’emmener dans ce voyage très triste », me raconte le chanteur d’origine latino, bien plus à l’aise en anglais qu’en espagnol. Une langue qu’il n’utilise que pour dialoguer avec sa famille (Glow) et lorsqu’il se rend à l’église.

Au premier abord, on pourrait penser que le choix de chanter en anglais serait pour créer de la distance avec son public, préserver ses sentiments, ne pas montrer sa honte, puisqu’il écrit : “Singing in another language so you don’t understand me / I don’t want you to know how much it hurts me / I don’t want to see you”, mais que nenni, enfin si, mais que Empty, et parce que son ancien compagnon ne comprenait pas cette langue. La réalité est qu’Omar est bien plus à l’aise avec l’anglais, et qu’il a été victime de nombreuses critiques au cours de sa vie.

« Étant Mexicain-Américain, j’ai été souvent critiqué par d’autres, à cause de la façon dont j’ai appris l’espagnol, d’une manière très spanglish. D’autant plus que nous, Mexicains, nous avons notre propre culture et nos propres mots. Les gens s’attendent à ce que je parle comme quelqu’un qui est né au Mexique, mais ce n’est pas mon cas. Je suis né aux États-Unis, dans un État très conservateur où il y avait très peu de locuteurs espagnols, donc c’est un peu énervant d’avoir à gérer ça. » Cela n’enlève en aucun cas la fierté que l’artiste a de maîtriser sa langue d’origine, celle de ses parents. « Quand j’aurai envie de faire de la musique en espagnol, je le ferai, mais jusqu’à présent, j’aime la façon dont ça se passe », dit-il. Et nous aussi.

Avec God Said No, la vulnérabilité n’a jamais été aussi simple dans son expression. On plonge tête la première dans les troubles émotionnels, que toutes et tous avons ressenti à un moment de notre vie. Omar Apollo met son art au service de la souffrance pour la métamorphoser en un sentiment étincelant, rempli de tendresse. En expérimentant les genres, funk-pop, indie et R&B, et en traversant le tunnel qui s’étend de la nostalgie à la folie, l’artiste prouve, une fois de plus, qu’une histoire d’amour ratée peut révéler des choses magnifiques, voir inoubliables. Bye bye le spleen.

IG : @omar.apollo

Écoutez ici Omar Apollo, God Said No, 2024 (licence exclusive de Warner Records Inc.).

Omar Apollo fera ses débuts d’acteur, aux côtés de Daniel Craig, dans le film Queer de Luca Guadagnino.

DJ MEHDI  Made in France

La révolution jeune et ambitieuse du DJ pionnier racontée dans une série documentaire.

Texte Dolores Bakela

Le

réalisateur

Thibaut de Longeville

offre un écrin documentaire en sons et en images, une

première, à son ami DJ Mehdi, mort en 2011 après une carrière dense et essentielle pour comprendre les alliances et mutations du rap français et des musiques électroniques d’hier jusqu’à aujourd’hui. Rencontre.

Treize ans. C’est le temps qu’il a fallu au réalisateur Thibaut de Longeville pour concrétiser la sortie de sa série documentaire très attendue et dédiée à l’histoire et l’œuvre de DJ Mehdi. Avant sa difusion sur Arte en cette rentrée 2024, que ce soit en avril au festival de séries internationales Canneseries, où elle a reçu le prix de la meilleure série documentaire et était la seule œuvre francophone à concourir dans cette catégorie, ou plus tard en juin lors de sa présentation au festival Sœurs Jumelles, DJ Mehdi : Made in France émeut et séduit publics comme professionnel·le·s. Elle nous plonge dans l’épopée artistique du DJ franco-tunisien, conclue par une mort tragique en 2011, à 34 ans, d’une chute de la mezzanine en verre dans son appart parisien. De Longeville, qui est aussi le co-fondateur de 360 ° Creative, sa société de production audiovisuelle et agence de design graphique et partie prenante du célèbre tournoi de streetbasket Quai 54

va plus loin qu’honorer son amitié avec l’auteur de Signatune. « Il a toujours été celui qui encourage les autres à faire. Mehdi est un immense artiste. C’est plutôt ce que je pouvais raconter à travers son itinéraire qui m’intéressait », nous précise-t-il au téléphone, posé à une terrasse de café. Quand les deux se rencontrent, « en 91-92 », via Kery James, le rappeur légendaire d’Orly, Thibaut de Longeville est à peine majeur, Mehdi a 15 ans, déjà deux-trois ans de carrière et ofcie comme compositeur au sein d’Ideal J, le groupe d’alors de Kery. « On était peu à fréquenter si jeunes ce milieu (du rap, ndlr), les boîtes de nuit de manière semi-pro. » Trois-quatre ans plus tard, Kery James fait les présentations ofciellement en suggérant qu’ils pourraient bien s’entendre.

La revanche des nerds

Les liens se resserrent un peu plus quand ils commencent à travailler ensemble,

notamment à la suite de la création de l’agence de Thibaut en 1995, qui travaille avec et pour des artistes comme le Ministère A.M.E.R. ou encore Oxmo Puccino avant de faire la cover des Princes de la ville, premier album du 113. Ce projet phare du rap français sorti fn 1999 avec Mehdi comme architecte sonore, lyricalement dur et musicalement débridé fait prendre un tournant majeur au genre pour son arrivée dans les années 2000. Enfn, comme Thibaut, Mehdi est métisse. « On embrasse à fond toutes nos identités : je suis 100 % Sénégalais et 100 % Français, même si une certaine France raciste me fait me sentir un peu plus Sénégalais ! On avait tous les deux une mère noire, un père blanc et grandi dans des cultures et des religions diférentes de la norme ; ça nous a ouverts au monde. »

Le doc montre comment Mehdi, passe de bidouilleur de génie à la culture musicale phénoménale et adogmatique amassée, qui grandit dans une banlieue du 92, à des collaborations marquantes avec les têtes du rap du 94 de l’époque (Manu Key, Kery James, le collectif Mafa k’1fry dans lequel on retrouve entre autres Rohf ou Demon One, puis avec le 113, le trio de rappeurs composé de Rim’K, AP et Mokobé consacré notamment par une Victoire de la musique et un passage à la télé iconique), ou plus mainstream comme MC Solaar et Diam’s. Et comment il monte son label, Espionnage, avant de sceller un partenariat durable avec Pedro Winter, aka Busy P, manager des Daft Punk, DJ également qui fonde Ed Banger en 2003, maison – d’entre beaucoup d’autres – de Justice, Kavinsky, Ufe, et devient une fgure emblématique de la musique électro. « Avant Ed Banger, je suivais l’image de son label. On partageait l’idée que ce n’est pas parce qu’on vient du rap qu’on doit se conformer aux images véhiculées par le genre. On était des fous de livres, pleins

Le groupe de rap Idéal J composé de, depuis la gauche : Teddy Corona Rocco, DJ Mehdi, Kery James, Jessy Money et Selim (pas sur la photo).

« On partageait l’idée que ce n’est pas parce qu’on vient du rap qu’on doit se conformer aux images véhiculées par le genre. On était des fous de livres, pleins de références arty, d’art contemporain.

En France, le courant qui avait le plus de velléités esthétiques à la fin des années 90 et au début des années 2000, c’était la French Touch. » Thibaut de Longeville

de références arty, d’art contemporain. En France, le courant qui avait le plus de velléités esthétiques à la fn des années 90 et au début des années 2000, c’était la French Touch ; on s’en revendiquait pour notre culture. On prônait l’originalité, à rebours du rap de l’époque qui était un truc de copieur. Mais on passait pour des boufons ; pourtant, on était persuadés qu’il n’y avait pas plus hip-hop que nous ! » Il raconte d’ailleurs comment, très vite, son talent a aussi percuté des artistes américains tels que Common. « Il avait proposé à Mehdi de lui prendre un appart à New York pour qu’il ne fasse du son que pour lui pendant un an ! Mais Mehdi savait déjà qu’il voulait être libre et proposer son univers sonore à lui. »

A bridge accross the universe

Thibaut parle d’un temps que les moins de 20 (30 ?) ans ne connaissent plus vraiment. Et pourtant, la musique de DJ Mehdi continue de vivre pour les

passionné·e·s des deux genres ; son Pocket Piano sert même de générique à l’émission de débats C ce Soir sur France 5. Le documentaire montre à quel point le producteur a été l’un des artisans d’un changement culturel majeur en France. Celui où le rap de rue passe à la radio et gagne des prix, mais pas que.

« Au-delà du fait que c’était mon pote, c’est le seul artiste à avoir eu cette évolution artistique, à passer du rap à l’électro et à construire des ponts entre les deux, normaux aujourd’hui mais inimaginables

Focus

ARTE & La Gaïté Lyrique présentent Hommage à DJ Medhi

Concerts, talks, émission, samedi 14 septembre, à La Gaïté Lyrique, à l’occasion de la sortie de la série DJ Medhi : Made In France jeudi 12 septembre sur arte.tv, YouTube et les chaînes sociales d’Arte.

à l’époque. On a pu accuser les gens des quartiers d’être fermés, mais en face, ils étaient sursnobs et super racistes. Je me souviens notamment de promoteurs de soirées mode qui organisaient les premiers bookings de Mehdi et qui avaient peur qu’avec son nom, il n’amène que des Arabes, se souvient Thibaut. Il a fallu son courage pour rappeler l’origine noire des musiques électroniques et du rap, en jouant de la house aux banlieusards et du rap aux mecs de l’électro. »

Un parcours de pionnier, de défricheur aventureux lardé de déchirures comme la fn de la collaboration avec la Mafa k’1fry, vécue comme une trahison par le collectif. Une vie made in France où il est question d’identité, et du récit national, au sein duquel lui et ses collègues se sont fait une place grâce à la puissance de leur art. C’est la force même de cette série que de que de réussir à dresser le portrait juste d’une époque, de la France et son rapport à ce qu’elle appelle la « diversité ». Comme lorsqu’il superpose l’ascension du producteur avec la Coupe du monde 98 de foot et la victoire française grâce à un autre symbole, Zidane, qui donnera le sentiment, le temps d’un été, que la France multiculturelle est advenue. Un pays qu’on se plaisait à peindre alors en « black blanc beur ». Ici, comme hier, les talents rayonnent à l’international mais une partie du pays les ignore, ou ne fait que les insulter. Le climat actuel (réception des JO, traitement des artistes non blanc·he·s, discrimination des sportives voilées pour ne parler que de cela) prouve que la chimère a vécu, et que si peu a changé.

Faire archive

Un peu plus d’une décennie après sa mort, peu d’œuvres s’étaient attaquées avec sérieux et sans redites à celui qui s’inscrit clairement dans l’esprit du.de la spectateurice, après les six épisodes que compte la série, comme un visionnaire unique. Et pourtant, « si Arte n’avait pas été là, la série n’existerait pas pour créer ce document de référence », pointe Thibaut de Longeville, qui a passé ces treize ans à chercher l’argent pour fnaliser le flm et… prendre des portes inattendues. « Je n’ai pas eu le fnancement du Conseil régional d’Île-de-France par exemple, car il n’a pas su voir le rayonnement de la région dans le documentaire. »

Le point particulièrement notable de son travail, c’est la masse d’images d’archive, vidéos, audios qui font revivre le DJ sous les yeux de l’audience le temps de la série. À ce titre, la démarche du réalisateur, qui a flmé de nombreux moments qui font aujourd’hui histoire pour le rap

DJ Mehdi : Made in France sera disponible sur arte.tv et sur la chaîne YouTube du média franco-allemand à partir du 12 septembre.

français comme le concert d’Ideal J à l’Elysée-Montmartre, est quasi-patrimoniale. « Quand on se flmait, on le faisait parce qu’on y était, que la technologie le permettait et que, sans l’intellectualiser alors, on n’existait pas à la télé. Il a fallu que le 113 vende 1 demi-million de disques pour passer à la télé. Tous ces artistes ont changé la manière de voir des gens, de voir les quartiers, d’écouter de la musique ! On doit les transmettre, ces histoires, quand on les vit de l’intérieur, car si on n’entretient pas la mémoire, elle s’eface. » Il faut donc que les vainqueurs les écrivent et les racontent. L’acteur du milieu de longue date module les responsabilités, là encore. « On ne peut pas seulement en vouloir au milieu du rap de ne pas patrimonialiser ses artistes. D’un simple point de vue discographique, même pour trouver les masters d’un 24 pistes d’un album comme les Princes de la ville ou du Combat continue, tellement faits dans l’urgence, avec des moyens inversement proportionnels à son audience, c’est une lutte. Mais on a une obligation de faire archive. »

La série remplit la mission – haut la main – de raconter DJ Mehdi, et donc une certaine histoire du rap et de la musique française au monde, avec l’objectif que son héritage prenne une plus juste place dans la mémoire collective, notamment dans celle du grand public. Nul doute qu’elle

La série remplit la mission – haut la main –de raconter DJ Mehdi et donc une certaine histoire du rap et de la musique française au monde, avec l’objectif que son héritage prenne une plus juste place dans la mémoire collective, notamment dans celle du grand public.

Se souvenir des belles choses

suscitera d’autres difusions inédites d’images de DJ Mehdi et de cette époque : « Rockin’ Squat (Assassin) détiendrait des images d’une session de Mehdi en studio avec DJ Premier à New York : tant mieux si elles émergent ! » Les intervenant·e·s sont l’autre grande force de la série. Même si certaines absences interrogent, les témoins privilégié.e.s qui apparaissent dans le flm ont en commun d’avoir été là tout au long de la vie du DJ (dont Latifa Essadi, sa mère et Myriam Essadi, sa cousine) et ont été soumis à une méthode particulière.

De gauche à droite : Manu Key, Teddy Corona, le fils de DJ Mehdi, Thibaut de Longeville, Mokobé et Pedro Winter lors de la septième édition de Canneseries, le 9 avril 2024.

Ci-contre : DJ Medhi entouré de ses amis Justice (à gauche), Pedro Winter (derrière lui) et So Me.

Thibaut de Longeville le reconnnaît : « Aucun des entretiens ne s’est terminé sans larmes. » L’exercice a vite pris la tournure d’une « thérapie collective mais positive », avec des entretiens commencés parfois le matin et entrecoupés de repas, de rires, de pleurs donc… jusqu’au soir. Dans les crédits, au générique, on remarque un nom : Neil FavérisEssadi. Le fls de Mehdi – qu’il appelle aujourd’hui « le darron » – avait 7 ans quand il est décédé. « J’ai fait ce projet en pensant à lui, aux générations d’après ; sa mère (l’artiste Faf témoigne également dans le flm, ndlr) en a fait quelqu’un de génial. C’est son patrimoine, je veux qu’il sache que tout ça, l’amour que son père nous a donné, c’est à lui. C’est pour ça qu’il a le titre de producteur : pour que dans quarante ans, il puisse avoir les droits sur l’image et la discographie de son père. Durant ces treize ans, j’ai dû aussi refaire toutes les chaînes de droits des projets de Mehdi, corriger les négligences de la période pré-Ed Banger. Si Neil aime la musique – il prend d’ailleurs des cours sur les droits de master, de synchro –, il est plus dans l’image, la photo », note Thibaut avec émotion, fer de son rôle de « tonton ». Le matin de notre interview, Neil l’a d’ailleurs appelé pour lui annoncer qu’il avait eu son permis. La veille, Thibaut rendait tout juste les masters défnitifs de Made in France Une manière de confrmer que le flm ne lui appartient plus, lui qui, après y avoir mis tant d’énergie, a failli arrêter. Mais c’était sans compter le soutien de ses proches. Il va désormais se tourner vers la fction. Il en profte pour se souvenir de la dernière fois où il a vu Mehdi. « En 2010, à un moment très charnière dans cette histoire de French Touch 2.0, au Meurice. Il m’avait demandé de l’accompagner pour aller soumettre des instrus à Kanye et Jay Z pour l’album Watch The Throne. Le DA du projet était comme nous, un peu nerd - c’est devenu un copain. Mehdi lui a fait écouter des morceaux, on est repartis en rigolant, il y avait tout le staf de Beyoncé, Jay Z, des renoi·e·s BG dans l’hôtel le plus luxueux de Paris. On s’est quittés rue de Rivoli, c’était un beau moment. Je n’ai pas de doute sur le fait qu’il s’amuserait beaucoup aujourd’hui à voir les artistes emprunter les passerelles qu’il a créées et qu’il aurait bossé avec tous ces artistes. C’était un kifeur. » Et de s’assombrir. « Plutôt que de faire un flm sur lui, j’aurais préféré qu’on puisse se retrouver en terrasse, à refaire le monde. »

Équiper, optimiser et vivre la plus belle des vies

CE MAROC FANTASTIQUE

Kitesurf en plein désert

VOYAGE/ MAROC

« La lagune de Dakhla est une immense étendue d’eau de 40 km de long sur 18 km de large. Tout autour, il y a de quoi rider tous azimuts : Dune blanche, Speed Spot, Secret Spot…

Un régal de glisseur ! »

Louka Pitot, kitesurfeur pro

De mon hublot, je vois la lagune, vaste étendue bleue comme posée au milieu de ce désert blanc, et en zoomant, je peux déjà distinguer les ailes multicolores.

Voilà, j’y suis presque… En passe d’atterrir au paradis du kite, pour les pros comme pour les débutant·e·s : Dakhla. Une ville au sud du Maroc, nichée entre les eaux de l’Atlantique et les sables du Sahara. J’ai hâte de m’y poser, pourtant, je ne découvre pas. J’y suis déjà allé cinq fois, j’ai un bon ami là-bas, Ghali, un kiteur qui a une guesthouse sur place. Je sais qu’à son image, la population marocaine est très accueillante. De plus, les profs de kite locaux et l’enseignement qu’ils proposent sont réputés. Mais ce trip revêt un caractère spécial : cette fois-ci, j’y pars avec ma compagne Alice Lemoigne, championne du monde ISA 2019 et 2023 de longboard, qui vient de La Réunion et qui partage mon amour du kite. Pour ma part, cette discipline, je l’ai découverte sur l’île voisine de Maurice en 2010, à l’âge de 10 ans, grâce à un ami de ma sœur qui kitait. Je viens d’une famille qui aime l’océan, mon grand-père a fait le tour du monde à la voile quand il était jeune et j’ai moi-même navigué enfant. Le kite est rapidement devenu une passion. Pour moi, c’était un moyen d’être dehors, de m’amuser avec mes ami·e·s à l’île Maurice sur la plage locale bien connue d’Anse La Raie. Au fil de nos sessions, nous avons commencé à sauter, à faire des downwinders et des voyages en kite. Quelques années plus tard, en 2014, nous sommes tombés sur une vidéo du PKRA Junior World Championship, et nous nous sommes dit : «Pourquoi ne pas

essayer ? » M’apercevant que je n’étais pas si loin du niveau des meilleurs juniors mondiaux, j’ai persévéré. Aujourd’hui, je suis quintuple champion de France –et champion en titre – de kite freestyle, et champion d’Europe 2016.

Avec Alice, pour qui c’est la première fois à Dakhla, nous n’avons pas hésité une minute lorsque nous avons eu l’opportunité d’y séjourner ensemble une semaine. L’idée de faire des belles images sur l’eau, d’être un peu chill en couple, en tous cas pas dans l’esprit de s’entraîner à fond pour une compétition et ainsi de pouvoir profiter de la vie locale, de nous perdre dans les ruelles de la ville, visiter le souk, découvrir de bons petits plats… nous enchante.

Dakhla, c’est vraiment un spot unique au monde : moi qui voyage beaucoup et habite une île superbe, je n’ai aucun point

de comparaison. On navigue en plein désert, cernés par les dunes et les falaises de sable aux couleurs changeantes au gré des heures du jour, jusqu’à en devenir hypnotiques au coucher du soleil. Même si l’endroit attire des glisseurs du monde entier, cela reste un lieu sauvage, totalement dépaysant, et surtout très reposant.

Tout au long de notre séjour, le Caravan by Habitas, notre lodge posé au bord de la lagune nous servira de camp de base. À Dakhla, la lagune est le spot principal de pratique. Avec ses 40 km de long sur 18 km de large, cette immense étendue d’eau permet de kiter à longueur de journée et surtout de débuter sous les meilleurs auspices. Partout autour, il y a de quoi rider tous azimuts, et en ce mois de mai, malgré des brouillards matinaux, le vent et le soleil sont au rendez-vous, sans l’écrasante chaleur. C’est sous une température idéale de 20 °C en moyenne que nous allons pouvoir exploiter chaque recoin d’eau salée de la région.

Tôt le matin, notre thé marocain avalé, nos cameramen et guides, Chris et Mohammed viennent nous chercher avec un 4 ×4 pour vivre une aventure différente chaque jour. Premier spot de la semaine et pas des moindres : la Dune blanche, à 30 min de voiture de notre lodge et non loin de la côte. Ce spot porte bien son nom : c’est une dune de sable blanc en forme de croissant au beau milieu de l’eau, où les oiseaux migrateurs et les flamands roses ont élu domicile. C’est une véritable attraction, un peu à l’image d’un manège et ça donne lieu à des sessions très spéciales et surtout très fun. On navigue à fond, on jumpe sur la dune et hop, on resaute à l’eau. À marée haute, la dune disparaît et l’endroit se transforme en île ! Un vrai mystère.

MER ET TERRE Lors de leur séjour à Dakhla, Louka et Alice ont pu aussi profiter des délices de bouche locaux.

AMBIANCE LAGUNE Le pro du kitesurf Louka Pitot en action (page d’ouverture) ; ride plaisir sur langue de sable (cette photo).

SYMBIOSE Louka et sa compagne Alice Lemoigne, double championne du monde de surf longboard en mode pur plaisir (en bas à g.) ; grisé par un environnement exceptionnel,Louka prend son envol.

LES BONS PLANS DE LOUKA À DAKHLA

Y aller

Non loin, il y a un autre site très connu des kiters, malgré son nom : Secret Spot, où nous nous rendons le jour suivant. Il s’agit d’une petite lagune que nous avons découverte à marée basse. En attendant que la mer monte, nous déjeunons à la roots, à l’abri des tentes du campement le plus cool du coin qui porte le nom du spot. À marée haute, c’est parti pour une session en mode slalom, car cette lagune a la particularité d’être envahie d’algues vertes qui tranchent avec le bleu de l’eau. Et toujours ces dunes infinies à l’horizon, c’est tout simplement magique !

Dakhla, c’est aussi un endroit où l’on mange extrêmement bien, que ce soit à l’abri d’une tente comme au Secret Spot, au souk avec ses étals de légumes et de fruits qui mettent l’eau à la bouche ou dans un restaurant plus classique comme le Talha Mar (voir encadré)

Nous sommes déjà au milieu de notre semaine, pas question de ne pas sortir nos boards, car outre le kite, Dakhla est une grande destination de surf. Direction Lassarga, village de pêcheurs situé à l’extrême sud de la péninsule de Dakhla et qui est un trait d’union entre l’océan Atlantique et la lagune. Cette vague est mythique, elle déroule le long de la pointe

Cap au sud du Maroc 1 400 km séparent Dakhla de Marrakech.

La compagnie aérienne Transavia vous y emmène directement depuis Paris.

de sable et le vent totalement offshore la rend glassy et sans fin.

Cette fois, Alice en longboard et moi en shortboard allons pouvoir nous éclater à Westpoint, un autre surfspot iconique, non loin de l’aéroport, qui consiste en une avancée de sable autour de laquelle de longues vagues d’un mètre déferlent. Des conditions idéales pour Alice qui peut s’y entraîner et très rapidement s’éclater. Mais nous avons la protection de nos combinaisons 3/2 mm que nous ne regrettons pas d’avoir emportées. Au sortir d’une session de quatre heures, on est littéralement affamés.

Lors de ce trip revigorant à tous points de vue, le meilleur a été gardé pour la fin : en ces deux derniers jours marocains, place au Speed Spot ! Situé à 10 min du lodge, on peut même y aller en kite, si on est motivés pour remonter au vent en fin de séance ! Le vent offshore y rend l’eau merveilleusement plate, aucun risque de se blesser en retombant sur un mauvais clapot. On peut donc y travailler la panoplie des figures de freestyle techniques requises en compétition comme les rotations avant et arrière, le Rewind ou les Toeside tricks. Parfait pour se remettre en forme avant les prochains contests !

On pourrait y glisser jusqu’à la nuit, mais on s’arrête au sunset : une dernière et énième partie de Skyjo, sorte de Uno, avec Alice nous attend, avant de packer nos kites et de rentrer dans nos îles. Dakhla est dans mon cœur et dans le top de mes meilleures destinations de kite. J’y reviendrai, c’est certain !

« Transavia propose deux vols directs depuis Paris (Orly) par semaine, d’une durée de 04:55. Transavia peut vous mener à Orly depuis Toulon, Montpellier, Biarritz, Pau et Perpignan. La compagnie accepte que l’on voyage avec son matos de glisse. »

Se loger

« Chez Caravan by Habitas. Un nouveau et très beau camp, situé au pied de la lagune : un super Spa, le meilleur menu de Dakhla et, surtout, un centre de kite pour prendre des leçons ou louer du matos. »

Débuter en kite

« Du vent tous les jours, une eau plate, aucun danger : pas de corail tranchant, de courant, de clapot ni d’arbres sur la plage. Le spot parfait pour ses premiers runs ! Pour éviter la foule, naviguer entre midi et 15 heures. »

Manger

« Au Talha Mar avec du super poisson entier grillé et de délicieuses huîtres de la lagune ! Et bon marché ! »

Explorer la région « Le désert est magique, mais ne pas s’y aventurer sans 4×4 ni chauffeur local expérimenté. Parmi les découvertes locales, ne loupez pas le complexe d’Artisanat à Dakhla. »

IG : @loukapitot ; @lemoignealice

POLYVALENTE Double championne du monde de surf longboard, la Française Alice Lemoigne régale aussi en kite.
Dakhla Marrakech

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HORS DU COMMUN

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PERSPECTIVES

Leigh Webber a grandi à Sydney. Logiquement, il est devenu un surfeur passionné. Mais un jour que le surf était fade à Bondi Beach, il a essayé de la plongée... « J’ai vu de l’argent au fond de l’eau et je me suis dit qu’il fallait que je m’équipe d’un détecteur de métaux sous-marin pour voir ce que je pourrais y toruver d’autre... »

Aujourd’hui installé à Amsterdam, cet homme de 44 ans divertit plus d’un million d’abonné·e·s sur sa chaîne YouTube Bondi Treasure Hunter avec des vidéos hebdomadaires de ses exploits de pêche à l’aimant dans les canaux de la ville, au cours desquels il ramène divers butins sur les quais. « Je trouve quelque chose d’intéressant presque à chaque fois, explique-t-il. L’autre jour, j’ai remonté un poteau de rue sur lequel figurait XXX, le symbole de la ville d’Amsterdam. »

Bien qu’il soit surtout connu pour sa chasse au trésor sous-marine, Leigh Webber est aussi un détectoriste de métaux expérimenté sur terre. « J’en ai pleuré lorsque j’ai trouvé ma première pièce d’or. C’était un tel choc. » Mais avant de creuser les jardins publics, Webber insiste sur les aspects juridiques : « Assurez-vous d’abord d’avoir l’autorisation d’effectuer des recherches sur le terrain choisi. Et si vous trouvez quelque chose d’extraordinaire, ne le déterrez pas vous-même. Appelez un archéologue pour qu’il fasse les fouilles. Vous obtiendrez quand même une récompense. » Voici ses conseils pour tirer le meilleur parti d’une chasse au trésor moderne.

Cœur chaud, tête froide

« Mon conseil à celles et ceux qui envisagent de se lancer à fond dans la chasse au trésor est d’y aller en gardant les idées claires et en agissant de manière raisonnée, conseille Webber. On a plus de chances de devenir riche une fois que d’avoir un revenu régulier grâce à ses découvertes. La chasse au trésor, c’est comme jouer à la loterie. » Webber estime que les adeptes de cette activité ont un certain avantage au Royaume-Uni. « La quantité d‘objets trouvés ici par les détecteurs de métaux est phénoménale, déclare-t-il. En fait, je dirais que la majorité des découvertes réalisées au cours des vingt dernières années l’ont été par des détectoristes britanniques. Je connais même quelqu’un qui a trouvé un trésor valant des millions de livres. »

L’Histoire, grande séductrice

Selon Webber, les trouvailles les plus précieuses n’ont pas nécessairement une valeur péucniaire. « Les canaux dans

MANUEL / CHASSE AU TRÉSOR

Que vous rêviez de trouver de l’or ou une Apple Watch, le YouTubeur Leigh Webber vous aide dans votre quête.

lesquels je pêche prennent plus de sens grâce aux choses que j’y trouve, explique-t-il. Par exemple, les objets que je ramasse peuvent indiquer qu’une bataille s’est déroulée à cet endroit pendant la Seconde Guerre mondiale. Cela amène à réfléchir différemment à son environnement. »

L’exploration comme machine à remonter le temps

« C’est très grisant de dégainer son détecteur à métaux dans un champ où vous savez qu’une colonie romaine avait séjourné par exemple. Lire des histoires sur les Romains ou les Celtes, c’est une

« La chasse au trésor, c’est comme jouer à la loterie. »
Leigh Webber

chose, mais déterrer une hache celtique en bronze ou trouver un anneau romain, c’est spectaculaire ! »

La clé, c’est de planifier

Comme les résultats varient selon les lieux, Webber conseille d’être stratégique. « Que voulez-vous trouver ? Si vous chercher des coffres-forts, n’allez pas dans les beaux quartiers, mais plutôt dans les coins sombres et mal-famés. Si vous chercher des artefacts antiques, suivez les voies romaines à travers champs, puis demandez la permission d’y faire des fouilles. » On peut aussi faire des découvertes plus modernes. Dans une rivière en Australie, Webber a déjà trouvé six Apple Watch ! « Je pense que leurs bracelets sont notoirement mauvais », ironise-t-il.

Suivez le code

« Le monde de la chasse au trésor est un cercle fermé, poursuit Webber. Faire preuve de respect va de soi. Si l’on vous invite à un endroit, vous n’y allez qu’avec cette personne et n’y retournez qu’avec sa permission. » Il conseille également de conclure un accord, en cas de découverte, « sur la manière dont les gains seront partagés, afin d’éviter les complications par la suite ».

YouTube : @BondiTreasureHunter

PAS DE ROUTINE

Le kit des fans des deux-roues, pour vous accompagner dans les moments forts de votre journée.

Photos Daniel Cheetham

Casque VENTETE aH-1, ventete.com ; lunettes de soleil KOO Alibi, kooworld.cc ; chemise en flanelle de coton bio HELLY HANSEN, hellyhansen.com ; pantalon 686 Every where Ripstop, eu.686.com ; chaussettes STANCE Gloww Crew, stance. eu.com ; chaussures MERRELL Agility Peak 5, merrell.com ; sac à dos CHROME INDUSTRIES Camden 16 L, chromeindustries.com ; vélo YAMAHA Booster Easy, yamaha­motor.eu. Page opposée : casque et lunettes comme ici.

Casque HJC Calido Urban, hjcsports.com ; anorak léger

coupe-vent et short PEAK PERFORMANCE, peakperformance.com ; sac à dos PICTURE

ORGANIC Off Trax 20, picture-organicclothing.com ; gourde HYDRO FLASK 21oz, hydroflask.com ; montre NIXON Time Teller OPP, nixon.com ; vélo électrique

RIBBLE Allroad SL R, ribblecycles.co.uk

Casque HEDON Hedonist Signature, hedon.com ; lunettes de soleil DRAGON

ALLIANCE Momentum, dragonalliance.com ; chemise FINISTERRE Opie Chambray, finisterre.com ; pantalon 686 Everywhere, eu.686.com ; chaussettes STANCE Icon Crew, stance.eu.com ; chaussures SAUCONY Shadow 5000, saucony.com ; sac à dos ORTLIEB Velocity PS, ortlieb.com ; scooter électrique YAMAHA NEO’S, yamaha-motor.eu

MATOS

Ci-dessous : casque GIRO Quarter FS, giro.fr ; lunettes de soleil DRAGON

ALLIANCE Billie, dragonalliance.com ; tee-shirt PICTURE ORGANIC Maogany, picture-organicclothing.com ; short PROTEST Prtanoa, protest.eu ; chaussures STANCE Icon Crew, stance.eu.com ; sandales KEEN Hyperport H2, keenfootwear.com ; sac à dos STUBBLE & CO The Roll Top 20 L, stubbleandco.com ; gourde HYDRO FLASK 32oz, hydroflask.com ; vélo BENNO Boost, bennobikes.com ; bijoux : personnels. Ci-contre : mêmes accessoires que ci-dessous.

À gauche : casque MET E-Mob MIPS, met-helmets.com ; lunettes de soleil MESSYWEEKEND Dean, messyweekend.com ; veste coupe-vent triple épaisseur H&M MOVE StormMove, hm.com ; tee-shirt PICTURE ORGANIC Fraggi; pictureorganic-clothing.com ; sac à dos THULE Chasm Laptop 26 L, thule.com

Ci-dessous : pantalon de rando déperlant H&M MOVE, hm.com ; chaussures SALOMON Odyssey ELMT, salomon.com ; vélo SUPER73 Super73-R Brooklyn, eu.super73.com ; veste et tee-shirt comme à gauche.

À droite: casque et lunettes de soleil SMITH OPTICS Dispatch MIPS, smithoptics. com ; tee-shirt oversize THRUDARK Enigma, thrudark.com ; pantalon P&CO 304 Service Fatigue, pand.co ; chaussettes STANCE Boyd Crew, stance.eu.com ; chaussures SAUCONY ProGrid Omni 9 Premium, saucony.com ; sac à dos DB JOURNEY Ramverk 1st Generation 21 L, dbjourney.com ; montre SWATCH Sunbaked Sandstone, swatch.com ; vélo ORBEA Diem 10, orbea.com

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Date de parution

12 septembre 2024

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Un surfeur en or

Il y a quelques semaines, la vague de Teahupo’o (Polynésie française) et le surfeur local Kauli Vaast étaient surtout connus des fans de surf et sport. Et puis Kauli a obtenu l’or olympique… La photographe Lea Hahn évoque cette photo d’une session en mode towin où Kauli était tracté par son petit frère, Naiki. « Une vague magnifique, clean, émeraude, sortie de nulle part est arrivée, et Naiki a parfaitement placé Kauli. Vous voyez ici la satisfaction de l’attente qui a payé, mais surtout de tout ce travail entre frères qui a fonctionné. » La joie d’un surfeur en or connu, désormais, du monde entier. Le prochain

BRASSÉE PAR CARLSBERG. DESIGNÉE PAR HAY.

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