The Red Bulletin FR 06/24

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LES COMBATS INTÉRIEURS ET HUMANISTES DE L’ÉTOILE

MONTANTE DU RAP

MAROCAIN

FRANCE JUIN 2024
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Figure produite par un professionnel

Contributions

HAMZA LAFROUJI

Actif entre le Maroc et l’Europe, élevé dans les quartiers populaires de Casablanca, ce photographe et visual artist surnommé « Psycho Moustache » est un contributeur de Vogue ou GQ Pour sa première collaboration avec nous, il a photographié le rappeur Zamdane, figure locale qui rayonne par-delà la Méditerranée. P. 26

OUAFAE MAMECHE

Passionnée de rap français, la journaliste aime raconter les histoires derrière les chansons. C’est à Marrakech qu’elle a suivi Zamdane, pour shooter la couverture et revenir avec lui sur son parcours. « Zamdane nous a accueillis comme des membres de sa famille. La bienveillance de l’artiste n’a d’égale que son talent. » P. 26

NICOLAS ROGÈS

Le Grenoblois est journaliste, scénariste et auteur de romans et de livres sur la musique (dont un sur Kendrick Lamar et une pépite dédiée au rap de Boulogne). Ce passionné de rap et de soul s’est entretenu avec Ocevne pour évoquer ses trajectoires et son approche très particulière de la scène R&B francophone. P. 50

PARTOUT OÙ VIT LE RAP

Fidèle à son mix hors du commun de talents inspirants issus des mondes culturels, créatifs et sportifs, The Red Bulletin vous emmène là où le rap se fait le plus inspirant et le plus sincère.

Paris, d’abord, à la rencontre de 47 Meow qui vous présente sa playlist Fou La Rage. Suivez-la !

De l’autre côté de la Manche, nous sommes probablement le premier média francophone à dédier un sujet à la scène du pays de Galles : au-delà d’une « curiosité » locale, il y est question de bien plus que de musique. Enfn, nous vous présentons Zamdane, rappeur marocain qui motive la jeunesse de son pays d’origine comme celle de la France. À son contact, à Marrakech, nous avons (re)découvert une personnalité mélancolique autant qu’optimiste, spirituelle et combative. Une âme solaire, en ascension vers une audience toujours grandissante.

Bonne lecture ! La Rédaction

C’est au cœur d’un riad, à quelques minutes en voiture du centre de Marrakech, que nous avons retrouvé Zamdane le temps d’une journée, pour découvrir et comprendre son univers. Page 26

ÉDITORIAL
THE RED BULLETIN 3 HAMZA LAFROUJI (COUVERTURE)

GALERIE 6

LA PLAYLIST DE 47 MEOW 12

COLLECTIF 1515 14

FIFOU DANS L’ÉDITION 16

YARDLAND, ENFIN ! 18

HÉROS & HÉROÏNES

CRYSTAL MURRAY 20

L’autrice-compositrice veut faire de nos vulnérabilités des forces, et fédérer au max pour un avenir meilleur.

DAN ATHERTON 22

Le pilote MTB mythique revient sur l’histoire d’une course non moins légendaire : le Red Bull Hardline.

DAWA YANGZUM SHERPA 24

Première Népalaise guide de haute montagne, elle s’élève au nom de toutes, quelle que soit l’altitude.

CONTENUS
50 26 4 THE RED BULLETIN NEUFNEUF, HAMZA LAFROUJI, TED GRAMBEAU PHOTOGRAPHY, @CAMILLEPIOFFRET

Aux racines d’un rappeur dont la sensibilité, l’histoire, parfois rude, et l’envie de se construire forcent le respect. Des fans de rap ou non.

PORTFOLIO

VOIR LE SURF

Jetez-vous dans les plus beaux tubes au monde auprès des surfeurs d’élite grâce aux photos de Ted Grambeau.

R&B

OCEVNE

38

50

Mièvre, sans fond, léger… Oubliez ce que vous pensiez savoir sur le R&B : il est bien plus que cela, et Ocevne s’en assure, en lui donnant de la substance.

TALENT

PRIME

Rap, stream, mode, esport, et plus encore... Profl rare en France, Prime est l’icône d’un entertainment d’un nouveau genre. Comment fait-il ?

MOTONAUTISME

L’EFFET E1

Le futur de la course nautique motorisée, et le recrutement des pilotes qui veulent bien s’y frotter.

DÉCOUVERTE

WELSH!

Le pays de Galles, l’avenir du rap ?

Un reportage jamais-vu au cœur d’une scène dont les enjeux vont bien au-delà de la musique.

PERSPECTIVES

54

60

72

VOYAGE : VIVA BARCELONA 83

MATOS : L’IA LAPIN 88

FITNESS : LA CARTE SIM 90 CONSO : COUREZ ! 92 MENTIONS LÉGALES 97 POUR FINIR EN BEAUTÉ 98

CONTENUS
ZAMDANE
RAP
26
54 38 THE RED BULLETIN 5

Castle Valley, Utah, USA

« Ma soif d’outdoor vient de l’enfance, dans le Wyoming, au bord de la chaîne de Wind River, relate l’Américain Jeremiah Watt, pour qui cette photo est une longue histoire. De multiples tentatives sur cinq ans m’ont permis d’obtenir des images standard, mais le vent, une lumière inadaptée et des chutes de drones rendaient la prise de vue aérienne ingérable. Au printemps 2023, j’y suis arrivé, avec le grimpeur Rob Pizem et son franchissement entre l’arête et la fssure en prime. » Persévérez ! redbullillume.com

FINALEMENT
7 JEREMIAH WATT/RED BULL ILLUME DAVYDD CHONG

IRRIGATION

TLC nous conseillait de ne pas courir après les chutes d’eau, mais cela nous interdit-il de faire du wake ? Le FrancoSuisse Maxime Giry ne craint pas les trios R&B des années 90, d’où cette action lors d’un séjour estival chez le photographe Maurizio Marassi à Milan. Mais son ride sur ce que Marassi décrit comme « une chute d’eau de taille moyenne sur une rivière d’irrigation » lui a valu une place en demi-fnale du Red Bull Illume, alors T-Boz et Chilli peuvent lui donner du mou, non ? redbullillume.com

Teahupo’o, Polynésie française

PERFECT BLUE

« Cette journée a été exceptionnelle, s’enthousiasme le photographe Ben Thouard, fnaliste du Red Bull Illume (catégorie Masterpiece by Sölden) grâce à cette image saisissante. Les conditions à Teahupo’o étaient excellentes : pas un nuage dans le ciel au lever du soleil, pas de vent… La surface de l’eau était donc limpide, on pouvait voir à travers la vague. » Et derrière le voile d’eau salée ?

C’est Kauli Vaast, né à Tahiti, un surfeur de 22 ans qui n’a pas seulement sa planche mais un bel avenir à ses pieds. redbullillume.com

9 MAURIZIO MARASSI/RED BULL IULLUME, BEN THOUARD/RED BULL ILLUME DAVYDD CHONG

VOLCANIQUE

Bienvenue dans le volcan Turrialba lors de la production du flm Entre Volcanes avec le rider BMX local Kenneth Tencio qui exécute ici une world frst : un 360 one hand whip to down whip. Pour ajouter à la rareté de cette image, les conditions météorologiques changeant radicalement dans ce coin, il a été difcile pour le photographe argentin Augustin Muñoz d’assurer cette photo. « Capturer des moments de vie dans une petite boîte carrée me permet de m’exprimer et de montrer ma vision du monde », dit-il. redbullillume.com

Turrialba, Costa Rica
11 AGUSTIN MUNOZ/RED BULL ILLUME DAVYDD CHONG

MEOW

FLR (Fou La Rage)

La rappeuse à l’ADN hyperpop raconte son insolence sonore grâce à son exploration sans limite.

Originaire de Saint-Ouen, 47 Meow est à l’image de cette nouvelle génération d’artistes qui n’en a que faire des codes. Pour elle, la seule chose qui compte est l’authenticité, tant sur le plan humain que dans la production musicale. « Quand j’ai commencé la musique, j’avais l’impression de chercher une recette pour que les gens kiffent, sauf que je n’étais pas à l’aise dans mon art. » Depuis, l’artiste a pris le temps de se trouver, comme le démontre son EP 47SLICK’ sorti début 2024 entre rap, hyper pop, ghettotech et trap, qui lui aura permis d’affirmer son identité. Elle nous dira même : « J’écoute tous les genres donc je me suis dit que c’était comme un fruit, j’ai pressé le jus pour faire ma mixture et me trouver » 47 Meow nous parle de ces quatre tracks FLR, dit « Fou La Rage » (suscite l’émotion et l’excitation positive) qui flirtent avec des beats de musique électro.

Scannez le code ci-contre pour écouter 47 Meow sur Spotify.

Kid cudi

New mode (2022)

« Ce son est sur la BO dans son film d’animation Entergalactic. Quand j’écoute l’intro, les accords, je sais que la ride va être bonne. C’est progressif, et puis avec ce titre, un bon DJ qui aime faire des remixes, peut complètement s’amuser. Les éléments sonores que Kid Cudi utilise sont simples, mais ils captent direct nos énergies. On s’identifie dans sa mélancolie. »

TiaCorine

FreakyT (2022)

« La façon dont Tia pose est trop smooth, ça me rappelle Curren$y, une vibe de stoner avec du rythme. Et puis, il y a une double voix rap qui fait penser à un alter ego que j’adore. Alors quand j’ai vu que la cover de mon single, La qualité, était dans le même esprit que celle de son album ça m’a rendu folle ! J’adorerai passer du temps avec TiaCorine. »

Kodak Black

2’CY (2023)

« Sur ce morceau, Kodak est en mode dark rock, façon slow jersey club, mais il casse le rythme, c’est ça qui m’a plu. Il est très mélancolique, mais c’est assumé, d’ailleurs son album s’appelle When I Was Dead, ça en dit beaucoup. La mélancolie c’est puissant, ça regroupe tout : joie, amour, tristesse, etc. Et à mes yeux c’est le plus beau sentiment ! »

Location (2017)

« Les nappes planantes me plaisent beaucoup dans ce morceau, ça donne une dimension spatiale et galactique à la musique. Je crois que le côté musique électronique de ce morceau réside dans la durée de ces sons longs qui soulignent les accords. Si on prend la prod et qu’on augmente un peu les BPMs ça donne un sacré track de club à mon avis. »

Playboi Carti
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12 THE RED BULLETIN INLÉE RIVRAIN MARIE-MAXIME DRICOT

PRÊT À DÉVALER LA PENTE ?

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Modèle présenté : Nouvelle Corsa Electric GS BEV Electric 156ch neuf avec options

Consommation mixte gamme Nouvelle Corsa Electric : (KwH/100 km) : 14.3/14.6 (WLTP) et CO2 (g/km) : 0 (WLTP). yes of corsa = Bien sûr, avec Corsa.

Opel participe à la course Red Bull Caisses à Savon le 2 juin à Toulouse. Une course palpitante & déjantée, à la renommée mondiale !

Pour les trajets courts, privilégiez la marche ou le vélo #SeDéplacerMoinsPolluer

B
D
C

COLLECTIF 15 15

Ultramarin

Entre Tahiti et Paris, le band aux airs de collectif d’art invente sa propre mythologie en mêlant hommages à la culture polynésienne et imagerie futuriste.

Quand on découvre 15 15, on tombe sur un univers, dense, presque infini. C’est l’effervescence. Il y a des disques électroniques avant-gardistes, des clips sous forme de courtsmétrages, des live qui se déclinent en festivals, des visuels ahurissants… Tout un monde s’ouvre à nous, abondant et inclassable, qui brouille les pistes sur la définition même de ce qui fait œuvre, aujourd’hui, dans la musique. Rencontrés en école d’art à Amiens, les cinq membres de la bande, ont, dès leur début, confondu les démarches artistiques d’un groupe de musicien·ne·s et d’un collectif d’art. Graphistes, vidéastes, peintres, tatoueur·euse·s, DJ… ils et elles se donnent pour objectif, en 2013, de produire un contenu audiovisuel tous les quinze

jours pendant un an. Ils et elles travaillent aussi, en parallèle, sur des installations numériques interactives, organisant des expos chez des ami·e·s. En 2018, Julia, Tsi Min, Ennio, Robin et son frère Marvin présentent ce qui sera la porte d’entrée essentielle, le point d’ancrage mémorable, dans l’imagerie 15 15. Tourné en Islande tout près des volcans, Nevaneva, un court-métrage de 15 minutes et 15 secondes, raconte l’errance d’un prophète déchu, un passeur entre le monde des esprits et la réalité, la nature et l’homme. Six ans et cinq EPs plus tard – dont Saplin, le dernier en date – ils et elles orchestrent à chaque fois des projets où musique et image se confondent, créant des récits dystopiques où un personnage est toujours dans

une situation de dilemme extrême. Le collectif invente ses propres rituels et mythologies, mêlant références et hommages à la culture polynésienne et projections futuristes.

« À Tahiti, on raconte beaucoup d’histoires. On chante des chansons aux enfants, on leur dit comment se repérer en mer grâce aux étoiles », expliquent Tsi Min et Ennio, originaires de l’île. Hybridation de R&B, de rap, de pop, de soul, de dancehall et de musiques populaires en Polynésie (notamment le deck, un sous-genre du moombahton), l’électro expérimentale de 15 15, qui rappelle l’artiste US Flying Lotus, chantée en anglais, français et tahitien, évoque aussi bien la SF que les contes ancestraux. Les visuels sont un mélange de références à l’environnement, d’allégories météorologiques (l’EP Ataheva et ses images d’essaims de mouches représentent le pourrissement des êtres vivants dans un monde qui ne cesse de se réchauffer) et de messages politiques et sociaux (le clip Le Jeune documente les 193 essais nucléaires menés par la France à Tahiti entre 1966 et 1996).

« À Tahiti, le saplin est un chenapan, quelqu’un qui ne se prend pas au sérieux. C’est une légère insulte qui vient de Charlie Chaplin. Avec cet EP, on vient contrebalancer ce qu’on a fait précédemment. C’est l’éloge de l’insouciance, l’EP de l’immaturité. Il y a un aspect nostalgique de l’enfance avec les pāuma, les cerfs-volants en tahitien, avec lesquels on faisait tous des combats entre copains quand on était petits », précisent-ils. Peu après la sortie de l’EP, le groupe (le seul en France avec Ibeyi) a travaillé avec le fameux label anglais XL Recordings (Arca, Thom Yorke, M.I.A., etc.) a organisé son propre festival, le 15 15 Saplin Club. Formant un cercle autoproclamé de chasseurs de cyclones, ils utilisent la métaphore des cerfs-volants emmêlés pour évoquer la double culture. IG : @15_15_

14 THE RED BULLETIN AUGURE CHLOÉ SARRAMÉA
L’EP Saplin est « une ode à la légèreté ».

Le collectif 15 15 place la Polynésie française à l’avantgarde musicale.

THE RED BULLETIN 15

FIFOU

En Pire

Photographe emblématique du rap, Fifou a immortalisé les plus grand·e·s comme les plus petit e s, les ancien·ne·s et les nouveaux·elles. Il fonde aujourd’hui En Pire, une maison d’édition, afn de continuer de faire vivre son art et celui des autres.

LOST FILMS, par Fifou, aux éditions En Pire, 2024. Photos et archives secrètes.

Après une exposition commune haute en couleurs aux côtés des photographes internationaux Jonathan Mannion (covers pour Dr. Dre, JAY-Z ou encore Nicki Minaj) et CiesaySan (photographe britannique de renom et co-fondateur de la marque Places+Faces), qui présentait en janvier 2024 leurs travaux respectifs sur l’ensemble de leurs carrières, il semblait logique que Fifou, le photographe préféré de nos rappeur�euse�s français�e�s préféré·e·s, lance sa maison d’édition : En Pire.

Fifou, Fabrice Fournier de son vrai nom, a commencé la photographie par accident. C’est en tant que graphiste et illustrateur pour des magazines hip-hop comme Radikal et The Source qu’il a su, avec le temps, installer sa position d’artiste visuel émérite dans le monde du hip-hop en France, en photographiant les plus grand�e�s artistes de l’ancienne et de la nouvelle génération : Prince Wally, Tuerie, Gazo, Hamza, Orelsan, SCH, Aya Nakamura, etc. Inspiré par les Helmut Newton, Terry

Artisan de l’image à l’origine de certaines des plus grandes covers d’album des artistes hip-hop contemporain·e·s, voici une poignée de ceux et celles passé·e·s devant son objectif : Bigflo et Oli, Dinos, Gazo, Hatik, JuL, Kool Shen, Lous and the Yakuza, Maître Gims, PLK, PNL, SCH, Youssoupha… IG : @misterffou

16 THE RED BULLETIN FIFOU, GETTY IMAGES MARIE-MAXIME DRICOT

plateforme d’expression aux jeunes artistes contemporain·e·s, qui marchent dans les pas de Fabrice Fournier : « Les ouvrages cassent les codes classiques en proposant des sujets improbables associés à de beaux visuels, toujours ancrés dans la culture populaire. »

Richardson ou encore David LaChapelle, Fifou est à son tour devenu source d’inspiration pour de nombreux esprits créatifs, grâce à son œil avisé, ses mises en scène pour shooter des covers d’albums, son audace et sa sensibilité.

Toujours à l’avant-garde, ce n’était donc qu’une question de temps avant que Fifou lance sa maison d’édition En Pire, pour la culture, dans un souci de “legacy” (trad. héritage). Ce nouveau label de livres d’art sera dédié à la culture urbaine et offrira une

À l’occasion de ce lancement, deux livres sont présentés, Lost Films et New Gen Le premier est la matérialisation de l’âme du photographe, dans lequel se trouvent « des photos volées, floues, granuleuses, des regards, des quartiers, des paysages » tel un carnet de voyage. Quant au second, il est le reflet d’une invitation à prendre part au changement de la scène culturelle et urbaine à travers le regard de vingt-cinq artistes. Un ensemble de photos qu’on pourra voir à la galerie La Hune, du 15 avril au 25 mai. Un voyage au cœur de la musique, du voyage et de la mode vous y attend, en allant du photojournalisme à la photo plasticienne. Résidence culturelle jusqu’au 21 juin à La Hune ; 16 rue de l’Abbaye, 75006 Paris

THE RED BULLETIN 17
NEW GEN, de Fifou, aux éditions En Pire, 2024 ; enpireeditions.fr

YARDLAND FESTIVAL

Prototype

Les 6 et 7 juillet, la première édition du festival Yardland produit par Yard et We Love Green débarque avec un programme 100 % hip-hop !

Après une première édition annulée en juillet dernier – en raison des événements tragiques survenus le 27 juin, qui avaient provoqué des émeutes dans de nombreuses villes françaises ave des dégâts importants et de la répression – le tant attendu Yardland festival arrive ! On croise les doigts. Pour sa deuxième édition, Yardland s’est renforcé afin d’incarner un « nouveau modèle d’expérience culturelle intégralement dédié aux passions de leur communauté », élaboré et pensé comme le « prototype d’une nouvelle terre de célébration réunissant tous les piliers des cultures populaires : art, mode, food culture, engagement associatif et musique ».

Sera-t-il LE festival qui sensibilisera et rassemblera la jeunesse autour des cultures populaires ? Par ailleurs le rap et les musiques populaires sont aujourd’hui, les genres les plus écoutés en France, comme le montre le nombre de streams sur les plateformes et l’enjouement autour de ces musiques. Selon le rapport du SNEP (Syndicat national de l’édition phonographique) 2023, rap, hip-hop et R&B occupent la tête du top 200 en faisant de cette scène l’une des plus dynamiques au monde. Un classement dans lequel on retrouve : Werenoi, Hamza, Ninho, SDM, Tiakola, JuL (avec 2 projets), Gazo, Orelsan, Aya Nakamura, Zola et PLK qui s’imposent avec

Un line-up qui rassemble la scène francophone (Shay, Ateyaba, Zamdane), et des artistes UK et internationaux (Gunna et Amaarae).

les meilleurs scores de l’année. Dans cette euphorie, on a même vu naître Les Flammes, une cérémonie des cultures populaires qui revient en 2024 avec sa seconde édition, au Théâtre du Châtelet. Comme une évidence, c’est dans ce sillage et quarante ans après l’arrivée du Hip-Hop en France, qu’émerge Yardland : « Un espace d’expression où la passion, la paix et le respect font loi. »

Fruit d’une collaboration entre Yard (média et communauté qui produit des contenus et des événements sur la culture urbaine) et We Love Green (événement de référence dans le développement durable et l’industrie musicale) – qui comptent respectivement dix ans d’expertise – le festival se tiendra samedi 6 et dimanche 7 juillet à l’hippodrome Paris-Vincennes. Pour les organisateurs que nous avions rencontrés il y a un an, lors de la production de la première édition, Yardland est un « moment de vie » qui repose certes sur les piliers de la culture Hip-Hop, mais aussi sur « le civisme, l’écoresponsabilité et l’engagement social ». Une manière de faire valoir l’ensemble des acteur·rice·s de cette culture aujourd’hui populaire. On ne parle plus d’impact du hip-hop dans la pop culture, mais d’une prise de position, l’affirmation d’une minorité devenue majorité grâce à sa consommation musicale et sa visibilité grandissante dans de multiples secteurs d’activité. Avec Yardland, les gens sont libres d’interpréter ce concept comme ils et elles le souhaitent, car il s’agit d’un espace ouvert à celleux qui considèrent qu’un festival n’est généralement pas fait pour elleux.

Outre la programmation musicale, le festival réunira tous les acteur·rice·s du monde du Hip-Hop pour exprimer et partager leur savoir-faire grâce à un market place (lifestyle) et un coin Yard For Good, et ainsi permettre aux assos de s’exprimer et d’échanger avec le public.

IG : @yardland_

18 THE RED BULLETIN SOLDIER BOYFRIEND MARIE-MAXIME DRICOT

ÉMOTIONS MULTIPLES

Derrière ses airs de conte pour adulte, le premier album de l’artiste

CRYSTAL MURRAY est une motivation à (re)prendre le dessus qui appelle à se découvrir et faire de sa vulnérabilité une force collégiale.

Apparue dans le paysage musical en 2020 avec son EP I Was Wrong, puis en 2022 avec Twisted Bases, la Parisienne Crystal Murray, auteure-compositriceinterprète, désormais basée à Londres, présente son tout premier album, Sad Lovers and Giants. Un projet résolument punk dans l’esprit et pop dans la musique. Crystal Murray nous invite à plonger dans son univers où elle opère un retour sur la liaison qu’elle entretient avec ellemême. La chanteuse se questionne sur l’intégralité du projet et particulièrement avec Frenzymess : “What’s going on in my brain”, en réussissant le pari de nous embarquer dans sa spirale infernale. Un voyage rocambolesque, au cours duquel elle s’affirme et se déleste des injonctions imposées par l’industrie, tout en s’inscrivant dans une dualité entre la vierge et la putain, le punk et l’angélique. L’incontestable pessimisme devient une porte d’entrée vers un sentiment libérateur, qui prend racine dans les années 2010, au moment où Rihanna chantait encore “We found love in a hopeless place”. Une époque où la génération de Crystal, en quête d’intensité, pensait que s’extasier devant la relation toxique de Freddie et Effy dans la série Skins était synonyme d’amour. Mais pour la chanteuse, Sad Lovers and Giants, qu’elle mit deux ans à écrire et produire, est bien plus que ça. Loin de renier ses origines R&B soul, dont le timbre de voix ne trompe pas, Crystal exprime sur son album toute la complexité de sa palette sonore en les transposant à des genres comme la new wave, le synth-pop, le rock et la UK garage qu’on entend sur Strangers. Et pour cause, Sad Lovers and Giants, sur lequel on trouve le compositeur et producteur parisien Kyu Steed (Booba,

Amaarae, Eddy de Pretto), qui lui a permis de sortir de sa zone de confort, est né à Londres. L’artiste avait besoin de vivre ses 22 ans ailleurs, me raconte-telle, car Paris était devenue trop pernicieuse : « À Londres, il y a une ouverture d’esprit, qu’il n’y a pas à Paris, car en France on vend le produit, pas l’artiste, tandis qu’en Angleterre c’est plutôt : “Oh my God, tu as une personnalité, montrons-la !” » Entre expérimentation et introspection, Crystal retrouve sur cet album l’énergie qu’elle avait sur le live de Twisted Bases et l’émotion qu’elle avait mis dans son premier EP : « Cet album, c’est une mise à nu. Même d’un point de vue visuel… Avant j’étais dans des personnages, c’était drôle et amusant, parce que j’étais plus jeune. Mais maintenant, j’ai envie de refléter ce qui se passe autour de nous et dans le monde. »

Celle qui, quelques années auparavant, se présentait sur scène armée de bijoux massifs et de métal pour se protéger, voit se profiler au cours de l’écriture de l’album une nouvelle manière d’être : plus authentique. Récit d’aventures imaginaires destiné à distraire, Sad Lovers and Giants pourrait être considéré comme un champ de bataille. Le titre Starmaniak au son rock et aux paroles frontales (Je pourrais être la postière, la call-girl, le duc /Tu seras toujours en train d’agripper mes seins /Prendre de la place avec tes abus stupides) s’en fait la vitrine. Soit un manifeste féministe qui traite des agressions subies par les femmes au quotidien.

« Pendant longtemps, j’ai été cette personne qui dit : “Je m’accepte comme je suis, je fais ce que je veux.” Puis soudain, tu regardes ce qui se passe autour de toi et les regards qu’on pose sur toi et tu prends conscience qu’on te juge et qu’on te sexualise. Il y a une aisance chez les gens à entrer dans ton espace, ce qui participe à te mettre mal à l’aise vis-à-vis de la personne

que tu es. Les choses qui sont normales pour toi deviennent quelque chose d’offensif pour les autres. Et c’est sans compter les agressions, les viols... » À cela, Crystal exprimera « l’urgence d’une réparation [de notre société] ». Il semble impératif de s’énerver et de prendre la parole « parce qu’on en a bavé trop longtemps ». La chanteuse a besoin d’exprimer la vérité : « Je refuse d’être une artiste qui embellit la vie, car elle est hyper dure. »

À la fois calme et révoltée, la chanteuse n’en reste pas moins heureuse et « bénie ». Sa rage provient d’une tristesse et d’une vulnérabilité, qu’elle met volontairement au service des autres à travers ses chansons, notamment sur Payback (trad. l’acte de vengeance), dont le clip, réalisé par Rémi Lamandé, lui donne des allures de guerrière. Son combat personnel devient universel : « Payback peut signifier énormément de choses pour beaucoup de personnes différentes. Ça peut être féministe, politique, amical, amoureux. » Après tout, nous avons tous et toutes, un jour, ressenti ce sentiment, ce qui tombe bien car il semblerait que Crystal veuille rassembler : « Mon rêve, c’est de fédérer le plus de personnes autour de moi, avec lesquelles on partage les mêmes idéologies. »

Dans cet esprit combattif pour un futur prodigieux dans une société édénique, nous retiendrons les derniers mots prononcés par Crystal Murray sur Sad Lovers and Giants : “A sweet hello, a ruff goodbye, toxic conquered, but now I rise”, qui n’est pas sans nous rappeler le fameux poème Still I Rise de Maya Angelou. Toutefois, plutôt que de s’élever individuellement, nous préférerons ici le faire collectivement.

IG : @crystalmrr ; Sad Lovers and Giants disponible dès maintenant.

HÉROS & HÉRO Ï NES
20 THE RED BULLETIN
TEXTE MARIE-MAXIME DRICOT PHOTO EREA FERREIRO
« Mon rêve, c’est de fédérer le plus de personnes autour de moi. »
Le parti pris de Crystal face à la dure réalité de notre société.
THE RED BULLETIN 21

DES IDÉES À LA PELLE

Red Bull Hardline, la course de VTT descente la plus arrachée au monde, fête ses dix ans. L’occasion de revenir sur l’enfance de DAN ATHERTON, son créateur, ou comment une légende du bike s’est construite à coups de pelle.

L’un des plus vieux souvenirs de Dan « Affy » Atherton est de creuser des pistes de VTT dans les bois près de chez lui à Salisbury, dans le Wiltshire, avec son frère Gee et sa sœur Rachel. « On commençait à creuser des sauts avant de prendre le bus pour l’école et on retournait à nos pelles dès la fin des cours ». Trente ans plus tard, les Atherton sont sans doute les frères et sœurs les plus couronné·e·s et les plus légendaires de toute l’histoire du sport. Gee a remporté plusieurs championnats du monde de VTT descente, Rachel plusieurs titres de championne du monde UCI et Dan, l’aîné, a récolté toute une série de victoires nationales et internationales en descente, four-cross et enduro. Mais la vraie passion de Dan, 42 ans, est d’imaginer des pistes et des sauts en VTT. Ainsi est né le Red Bull Hardline, la course de descente la plus célèbre et la plus redoutée au monde, qui souffle aujourd’hui ses dix bougies. Chaque année, trente des meilleur·e·s et des plus courageux·euses descendeur·euse·s au monde sont invité·e·s dans la Dyfi Valley, au milieu des vallons du Mid Wales (à deux pas de la nouvelle maison de Dan perdue au milieu des bois) pour défier ces séries de bosses, sauts, côtes et descentes à faire pâlir n’importe quel parcours de World Cup.

Dan a profité de l’occasion pour organiser la première édition internationale de Hardline en Tasmanie en février. The Red Bulletin l’a rencontré pour lui demander ce que cette décennie Hardline lui avait appris sur les sauts, l’évolution de son sport et les enjeux à venir.

the red bulletin : Pourquoi le Red Bull Hardline est-il toujours un rendezvous dément pour un·e fan de VTT ?

dan atherton : On a imaginé toute une série de nouveaux concepts, mais finalement, on s’est tous accordés sur l’essentiel : créer la course de descente la plus difficile au monde. C’est un truc auquel tout le monde peut s’identifier même sans connaître grand-chose au sport.

Enfant, tu savais déjà que tu le ferais un jour pour les meilleurs descendeurs au monde ?

Jamais de la vie. Pour moi, cette progression est complètement surréaliste. Chaque année, je suis épaté par le niveau d’investissement des athlètes et des shapers. Ils me bombardent de nouvelles idées toujours plus folles pour les pistes, c’est ce qui fait que cette course est en constante évolution. C’est énorme.

Comme ton frère et ta sœur, tu as fait des chutes assez graves en VTT. À quel point cette conscience du danger impacte-t-elle ton approche de la piste ? Ce qui est intéressant c’est que plus Hardline évolue, moins il y a d’accidents. On veut que les gens progressent en évitant cela. Les chutes (récentes) de Gee nous ont fait réaliser qu’il fallait trouver le parfait équilibre entre difficulté et sécurité. En parallèle, on fait des parcours en prenant compte de la météo et de la saison sportive à venir.

As-tu déjà construit des pistes que tu ne pouvais pas rider ?

Bien sûr. Désormais, il y a toute une équipe chargée de tester le parcours et c’est un beau spectacle. J’ai appris à laisser mon égo de côté depuis cette époque où je voulais tout faire parce que Gee et Rachel étaient tellement doués. C’est pareil aujourd’hui quand les pros débarquent au Dyfi Bike Park : oui ils sont meilleurs que moi, mais c’est tellement bon de les regarder. Idem pour Hardline.

Le niveau des pros a changé au cours des dix dernières années ?

On se spécialise de plus en plus : il y a celles et ceux qui se préparent uniquement pour les Coupes du monde, et les autres qui laissent tout de côté pour se concentrer sur Hardline et Darkfest (en Afrique du Sud, ndlr). Ça fait monter le niveau. Kade Edwards et Kaos Seagrave sont incroyables, ils ont arrêté les championnats juste pour participer à ce genre de courses. Et Jackson Goldstone, le Canadien, on dirait qu’il est né sur un vélo. Ce sont des jeunes qui grandissent avec cette passion dans le sang.

Pourquoi choisir la Tasmanie pour la première édition internationale de cette course ?

Le pays de Galles et la Tasmanie sont deux nations avec une mentalité de battants qui veulent montrer de quel bois ils se chauffent. Il y avait une ambiance fébrile, passionnée, avec une foule de 6 000 personnes. C’était magnifique.

Qu’y a-t-il en réserve pour les fans et les athlètes de l’édition 2024 au pays de Galles ?

On prévoit un parcours inédit dès la ligne de départ jusqu’aux gros doubles sauts de 27 mètres aux trois quarts environ du parcours. Ce serait un grand changement, le plus grand en dix ans. On veut faire quelque chose d’énorme et de retentissant pour célébrer ce nouveau chapitre, montrer qu’il faut aller de l’avant et continuer de faire évoluer la course et le sport.

Ne manquez pas la 10e édition du Red Bull Hardline les 1er et 2 juin sur Red Bull TV ; redbull.com

HÉROS & HÉRO Ï NES
22 THE RED BULLETIN
« Les riders et les shapers donnent tout. C’est plus qu’une course. »
Dan Atherton, boss du Red Bull Hardline, fait évoluer son sport.
THE RED BULLETIN 23

DAWA L’EXPLORATRICE

DAWA YANGZUM SHERPA est la première Népalaise guide internationale de haute montagne. Après avoir conquis 13 des 14 plus hauts sommets au monde, elle se bat pour aider les femmes de son pays à s’émanciper.

La haute vallée du Rolwāling, au centreest du Népal, est connue pour représenter le Népal authentique, avec ses paysages de haute montagne à couper le souffle et l’hospitalité de ses habitant·e·s, qui contraste avec la dureté de l’environnement. C’est dans le village isolé de Na, situé au cœur de la vallée à 4 200 mètres d’altitude, que Dawa a grandi – un village souvent coupé du monde l’hiver à cause des tempêtes de neige : « [J’ai grandi] sans électricité, sans téléphone ni télévision. Nous devions beaucoup travailler, transporter l’eau et le bois, surveiller les bêtes », raconte-t-elle. Des conditions de vie très dures mais formatrices pour les habitant·e·s de Na. Un village où les hommes, à l’arrivée du printemps, quittaient souvent la vallée pour aller travailler dans le tourisme himalayen tandis que les femmes restaient au village à s’occuper des enfants et du foyer.

Ce destin de femme au foyer, Dawa Yangzum Sherpa a su, dès l’âge de 13 ans, qu’elle n’en voulait pas : c’était la montagne qui l’attirait. Contre l’avis de sa famille et de sa communauté, elle s’engage alors dans une voie qui va la mener toujours plus haut : à 21 ans, elle accomplit sa première ascension de l’Everest et devient, en 2017, la première femme d’Asie – et l’une des quelque cent femmes au monde – à être certifiée par l’UIAGM, l’Union internationale des associations de guides de montagne, qui regroupe l’élite du monde alpiniste.

Après avoir gravi treize des quatorze sommets les plus hauts au monde – à l’exception du Shishapangma en Chine –, cette femme sherpa de 33 ans et seulement 1,57 mètre, s’est lancée dans une autre mission : ouvrir la voie de l’émancipation aux femmes népalaises.

the red bulletin : D’où vous vient cette passion pour la haute montagne ? dawa yangzum sherpa : La moitié du village – tous les hommes et même les jeunes garçons – partaient là-haut et en revenaient toujours avec beaucoup d’argent. J’ai voulu faire comme eux : j’avais 13 ans quand je me suis rendue au col de Tashi Lapcha (à 5 750 mètres d’altitude, ndlr). Comme les porteurs venant des basses vallées tombaient souvent malades [à cause de l’altitude], on embauchait des femmes [locales]. Les autres filles sont rentrées, mais j’ai continué, avec une amie, jusqu’à Katmandou. Après ça, je ne suis jamais rentrée chez moi et me suis installée en ville avec mon frère.

Quels étaient les risques encourus ?

Dans notre culture, même si elle rend visite à une amie, une fille doit être rentrée avant la nuit. Donc faire du trekking, c’était très difficile. Notre société était dure et négative, on attendait des femmes qu’elles restent à la maison. À une époque, ma famille me disait même : « Les gens ne vont pas te considérer comme une bonne épouse, tu ne vas pas trouver de mari. »

Pourquoi avoir continué ?

Je me suis toujours dit que j’étais faite pour l’alpinisme. Mon enfance n’a pas été facile : j’ai grandi dans un village en haute altitude où il faut trimer dur, mais aussi faire preuve de patience pour résister aux orages de montagne. Une combinaison idéale pour me former à l’alpinisme.

Quand avez-vous su que vous vouliez devenir guide de haute montagne ?

J’ai été formée au Khumbu Climbing Center et j’ai rencontré l’alpiniste américain Conrad Anker, qui m’a demandé si je voulais participer à une expédition sur l’Everest pour le National Geographic en 2012. J’étais très timide et ne parlais pratique-

ment pas anglais, mais j’ai atteint le sommet – tout en gagnant plus d’argent que jamais je n’en avais vu de ma vie. C’est comme ça que tout a commencé. Comme je savais que mon corps en était capable, j’ai voulu devenir guide. Et j’ai commencé à voir de plus en plus grand – avec le K2 notamment. Mais mon but ultime, c’était d’entrer à l’UIAGM, et j’ai tout fait pour y arriver, en économisant, en bossant, en faisant du trek et en guidant.

Vous êtes devenue la première femme d’Asie à recevoir cette certification : qu’est-ce qui vous y a aidée ?

La formation a lieu dans ma région natale et je connais donc parfaitement la vallée – les rochers, les glaciers et le relief –mais je pense que ce sont avant tout les conditions de mon enfance qui m’ont préparée : j’étais déjà assez forte physiquement, mais c’est surtout la force mentale qui importe, à mon avis.

Quel est votre objectif, à long terme ?

Je veux inspirer et aider les femmes. Pas pour qu’elles m’imitent et se mettent à l’alpinisme mais pour qu’elles sortent de la maison, qu’elles gagnent en confiance, qu’elles puissent se dire : « Je peux faire ce que les hommes font. » Chaque année, j’offre une formation à des mères célibataires, des veuves et des femmes dans le besoin. Je leur apprends l’escalade sur glace, le métier de guide de montagne, mais c’est davantage dans le but de les motiver. J’étais comme elles avant, et ma rencontre avec Conrad a tout changé. J’avais besoin de quelqu’un qui m’inspire.

IG : @dawayangzum

HÉROS & HÉRO Ï NES
24 THE RED BULLETIN THE NORTH FACE
« En grandissant, j’ai toujours pensé que j’étais faite pour grimper. »
Viser haut : Dawa est un modèle pour les femmes alpinistes.
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É TOILE BRILLANTE ZAMDANE

Sa musique convoque les souvenirs, l’espoir et l’amour éternel des êtres disparus. Le rappeur d’origine marocaine a condensé ses expériences de vie, parfois dures, et les a sublimées dans Solsad, album solaire. Comme son âme.

Texte OUAFAE MAMECHE Photos HAMZA LAFROUJI
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«

J’ai beaucoup combattu pour revenir après l’accident. »

« Même un soleil triste peut illuminer le monde. »

Cette phrase inscrite dans le fascicule qui accompagne le double album Solsad de Zamdane est représentative de sa personnalité. Souriant et chaleureux avec celleux qui l’entourent, toujours une blague ou un jeu de mots aux lèvres pour faire sourire, le rappeur est une véritable lumière. Cependant, de temps à autre, il cultive une profonde mélancolie due aux épreuves douloureuses, à la perte d’êtres chers et à la vie qui se construit entre deux mondes. C’est à travers la musique que le jeune homme de 26 ans retranscrit ses peines, ses espoirs, ses dérives et ses victoires. De son Maroc natal jusqu’à la scène de l’Olympia qu’il a rempli deux soirs de suite, il a réussi à transformer les périodes obscures en moments de grâce. Zamdane est un être humain qui ne cesse de vouloir progresser dans son humanité.

Les prémices d’un artiste

C’est au cœur de Marrakech que nous avons suivi Zamdane, durant le mois sacré du Ramadan. Il est venu y passer quelques semaines pour se ressourcer, rendre visite à sa famille, et apprendre à surfer sur les côtes d’Agadir. Une belle chance que de voir évoluer le jeune homme dans la ville de son enfance et l’entendre parler arabe avec son entourage. Notre échange s’est déroulé en français et en darija marocaine, laissant la possibilité à Zamdane de choisir les mots adéquats pour structurer sa pensée, avec toute la profondeur et la précision qu’ils convoquent. La langue maternelle étant le socle sur lequel se

Zamdane
Zamdane enflamme la scène de La Cigale, Paris, en avril 2023. THE RED BULLETIN 29 MAROUSSIA IVANOFF
« Je n’ai plus honte de faire de la musique, je l’assume complètement devant ma famille qui me soutient. »

construisent l’identité et les souvenirs, il était impressionnant de voir comment Zamdane est différent lorsqu’il parle la sienne : empli de fierté, d’assurance et d’amour.

Les histoires de Zamdane lui viennent de son père, guide touristique polyglotte qui a travaillé au contact de différentes cultures pendant des décennies. « Il enjolivait beaucoup les histoires, c’était un narrateur, un conteur, et je me rends compte que c’est quelque chose que j’ai beaucoup pris de lui. Ça a beaucoup déteint sur ma façon d’écrire », raconte Zamdane au micro de Victor Fièvre pour l’Abcdr du Son. C’est également par son intermédiaire que le jeune garçon découvre la musique. L’oreille paternelle était sensible aux musiques étrangères comme la soul, la country ou la chanson française. Des touristes lui offraient des disques que toute la famille écoutait ensuite en boucle dans la voiture.

À l’âge de 17 ans, en juin 2015, Zamdane quitte son pays afin de faire des études. Il atterrit dans le sud de la France, dans la région marseillaise. « Partir était une des solutions envisageables, c’était même la meilleure solution », confie-t-il. Ayant rejoint des membres de sa famille avant d’être rejoint par ses parents, il s’essaye à un parcours universitaire dans une filière éco-gestion mais s’arrête lors de la première année après « avoir validé son premier semestre », tient-il à préciser. La vie de l’autre côté de la Méditerranée est cependant loin d’être aussi facile que rêvée et le jeune homme, se sentant « perdu dans tout ce changement culturel », décide de rentrer au Maroc pour y rester deux ans avant de retourner en Europe. Ce premier passage en France est important car il permet à la musique d’entrer dans la vie de Zamdane, un peu par hasard : « J’ai rencontré un mec qui a commencé à rapper devant moi et ça m’a directement fait quelque chose. J’ai retrouvé dans le rap une forme d’expression brute qui se rapprochait des textes que j’écrivais au Maroc. L’écriture

a toujours fait partie de ma vie. » Le jeune Ayoub tombe sous le charme de ce genre musical qui lui donne envie d’en être : « Moi aussi j’ai des choses à dire, moi aussi je peux le faire », se souvient-il. Et une fois piqué, il ne s’arrêtera pas. « J’ai commencé à écrire du rap et au bout de six mois je suis allé au studio. J’ai clippé et sorti le premier morceau que j’ai fait, Sinbad en 2017. » Zamdane enchaîne alors les singles, clips et EPs sans relâche, devenant un rappeur à suivre. Sa série de freestyles intitulée Affamé en dit long sur son état d’esprit, le jeune rappeur souhaite s’essayer à tous les styles de rap et montrer de quoi il est capable. « Ça ne me dérange pas de sortir beaucoup de choses, ça me permet de proposer quelque chose de différent à chaque fois, avoue-t-il. Je n’ai pas fait de la musique pour être le meilleur, mais juste parce que j’aime ça. »

L’heure du premier album arrive et Couleur de ma peine paraît en 2022. Zamdane délivre un opus sincère mais brut dans lequel s’exprime toute la fougue de sa jeunesse mais également de profondes douleurs. Le jeune homme y dévoile deux pertes tragiques : celle d’un ami proche survenue en 2016, dans une noyade en tentant de traverser la Méditerranée, et celle de sa petite sœur lors d’un accident de voiture fin 2019. Un vibrant hommage est d’ailleurs rendu à cette dernière sur le titre Vide quand t’es pas là en clôture de l’album. Ces disparitions brutales transforment alors le jeune homme à tout jamais.

Nouveau départ

Constamment guidé par la volonté d’avancer, Zamdane est une personne lucide et déterminée. En 2020, alors que de mauvaises tentations l’attirent dans sa ville d’adoption, il décide de prendre son destin en main : « C’était soit je m’en sortais, soit je coulais », explique-t-il. La musique doit absolument donner du résultat, et pour se faire, une remise en question est nécessaire : « Je me disais : “Il ne faut pas que je sois l’ombre de moi-même, il faut que je

Zamdane
30 THE RED BULLETIN

Au dernier étage du riad dans lequel nous avons

la

shooté cover du Red Bulletin, Zamdane se projette vers l’avenir en se remémorant le passé. Des deux côtés de la Méditerranée, Zamdane fait chanter son public, en se mettant à nu.

sois moi-même.” Je ne voulais pas plaire au plus grand nombre mais avoir une individualité tellement forte que les gens puissent se reconnaître en moi, sans avoir la même vie. Il n’y a pas beaucoup de choses dans lesquelles je suis doué, même dans la musique ça n’a jamais été facile. Mais à partir du moment où j’ai senti qu’il y avait quelque chose à faire, un endroit pour moi où je pouvais briller et m’épanouir, il fallait que j’y aille. »

En mai 2023, c’est un autre drame qui secoue la vie de Zamdane. À 25 ans, il est victime d’un grave accident de voiture qui aurait pu lui coûter la vie.

« J’ai vu ma vie défiler devant mes yeux », annoncet-il sur ses réseaux sociaux. Cet événement lui a laissé des séquelles physiques et mentales mais ne l’a clairement pas éloigné de sa passion. Neuf mois plus tard, le rappeur publie le double album Solsad.

« Je ne pensais pas que cet album sortirait un jour. J’ai beaucoup combattu pour revenir après l’accident », confesse-t-il. Grâce à sa résilience, le rappeur a réussi à délivrer en temps et en heure, écrivant même certains morceaux à l’hôpital sous opium. C’est d’ailleurs en fauteuil roulant qu’il a foulé la scène un mois après son accident pour honorer son concert en faveur de SOS Méditerranée.

Sur Solsad, la musique de Zamdane a évolué à l’image de l’homme qu’il est en train de devenir.

« Elle est moins superficielle et surchargée, avec de jolies boucles, un simple instrument au refrain et de légères ambiances », tout comme les sonorités avec lesquelles il a grandi et qu’il tente instinctivement de reproduire. La réalisation de cet album a été pensée à la note près, et les transitions entre les titres donnent une impression d’un seul morceau de trente minutes aux ambiances changeantes, comme les humeurs dans une journée. Même le timbre du rappeur a évolué : « Ma voix a toujours dit la vérité sur mes états d’âme. Je fais des chansons d’amour et je chante doucement, j’aime bien ça. Ça se sent dans ma voix que je n’ai plus de haine. » Le rappeur qui s’éparpillait il y a quelques années a laissé place à un artiste dont la proposition musicale est affirmée et assumée. Pour Zamdane, « choisir c’est avancer ».

Fierté retrouvée

Zamdane a toujours cultivé un lien intrinsèque avec son pays, à travers les clips qu’il y a tournés ou par le biais du dialecte marrakchi qu’il utilise dans ses morceaux. Depuis peu, le rappeur revient plus fréquemment au Maroc, pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’il a plus de liberté pour le faire étant devenu son propre producteur depuis deux ans. Ensuite parce qu’il a développé un sentiment qui le pousse positivement au retour : « Aujourd’hui je peux rentrer fièrement au Maroc. Avant, je me disais : “Si les gens me posent des questions sur ce que je fais, je dois leur mentir ou leur dire la vérité et avoir honte ?” Maintenant je n’ai plus honte de faire de la musique, je l’assume complètement devant ma famille qui me soutient. » Afin de parve-

« Je ne voulais pas plaire au plus grand nombre mais avoir une individualité tellement forte que les gens puissent se reconnaître en moi. »

Zamdane et Red Bull : une longue histoire

En 2019, Red Bull recevait Zamdane pour un freestyle de son titre Demain sur la chaîne Red Bull Binks. La même année, nous le suivions pendant huit mois afin de documenter son ascension dans le podcast Rookie Il nous a emmenés au studio, sur des tournages de clips, des préparations de concerts ou encore à Marrakech, au sein de la maison familiale à la veille de la célébration d’un mariage. Quatre ans plus tard, Zamdane n’est plus un rookie mais bel et bien un artiste confirmé. Il était donc logique qu’il soit en couverture du Red Bulletin.

nir à ce point de fierté, le jeune homme a encore une fois pris du recul sur lui-même : « J’ai arrêté de comparer ma vie avec celle des autres. Peut-être que l’on m’aime pour la personne que je suis et pas pour mes accomplissements », rapporte-t-il. Difficile à croire mais le jeune homme du podcast Rookie –sorti sur Red Bull Binks il y a quatre ans - n’est plus le même que celui rencontré récemment. Plus posé et réfléchi, Zamdane a beaucoup grandi, sans avoir eu le choix. Ces dernières années et leur lot d’épreuves lui ont permis de prendre en maturité. « Ma vision de moi-même a changé, déclare-t-il. Je ne peux pas avancer en étant une personne que je n’aime pas. J’ai freiné l’euphorie, la tension, la haine, la rage, l’impatience qui m’animaient.

Zamdane
THE RED BULLETIN 33 MAROUSSIA IVANOFF
Trois mots pour qualifier le rappeur : bienveillant, humaniste et éloquent.
« J’ai freiné

l’euphorie,

la tension, la haine, la rage, l’impatience qui m’animaient. J’ai appris à m’aimer et à être indulgent avec moi-même. »
Zamdane THE RED BULLETIN 35

plus

Si Marrakech n’appartient aux Marocain·e·s comme le laisse entendre l’artiste, il revendique fièrement le teeshirt de football de son pays.

Zamdane et SOS

Méditerranée : l’engagement sans frontières

Lors de la sortie de son premier album Couleur de ma peine en 2022, Zamdane s’est rapproché de l’association SOS Méditerranée afin de mettre en place une action solidaire. Le but : collecter l’équivalent d’une journée de sauvetage en mer avec Océan Viking, le navire humanitaire. Concert, vente de t-shirts, dîner de gala et cagnotte en ligne ont permis de récolter les quatorze mille euros nécessaires en quelques jours. Très sensible à cette cause, le rappeur d’origine marocaine a vu plusieurs de ses amis tenter vainement de traverser la mer. En 2023, un mois après son accident de la route et en fauteuil roulant, Zamdane a réitéré l’opération en invitant quatorze rappeurs à se produire sur l’esplanade du Mucem, au port de Marseille. Avec plus de 8 000 personnes présentes, l’initiative du rappeur au grand cœur à contribué à récolter 110 000 euros.

J’ai appris à m’aimer et à être indulgent avec moimême. » Même si Zamdane est bien plus apaisé, il est conscient de n’être qu’au début du processus et que d’autres ajustements doivent intervenir. « Je ne peux pas non plus dire que je vais très bien dans ma tête. J’ai été exposé à beaucoup de changements en très peu de temps. Il faut que j’aille voir un psychologue, pour voir à quoi ça sert, confie-t-il sans gêne. Pas juste pour moi mais pour le futur, quand j’aurai une famille. » La famille : sans aucun doute le thème qui revient le plus dans la bouche de Zamdane. Il passe beaucoup de temps avec elle et fait tout ça pour elle. Ce n’est d’ailleurs pas pour le plaisir du shooting que ce timide devant les caméras a accepté notre proposition mais bien plus à l’idée de donner un exemplaire du Red Bulletin avec sa photo en couverture à sa mère bien-aimée. Et le jeune homme en a fait du chemin depuis Bab Doukkala. Mi-mai 2024 : Zamdane remplira l’Olympia deux soirs de suite et offrira un show évolutif en deux actes : un miroir de dix mètres de long séparé en huit parties indépendantes et mobiles le premier soir, qui se retournent pour se rejoindre et former une grande toile le second soir. Car Solsad, c’est un soleil aux deux visages. Cet astre qui réchauffe mais qui brûle à la fois. Qui alimente

« Il ne faut pas que je sois l’ombre de moi-même, il faut que je sois moi-même. »

autant qu’il détruit. Le plus difficile est alors de trouver l’équilibre dans sa chaleur. Posé au bord de la piscine, en plein soleil un lendemain de pluie, Zamdane se projette : « J’ai du mal à réaliser qu’en 2026, ça fera dix ans que je fais de la musique. Dans ma tête, j’ai encore beaucoup à apprendre. » IG : @zamdane ; Solsad, disponible en streaming. Zamdane en tournée des festivals cet été : 1er juin à Lille ; 14 juin à Marseille ; 30 juin à Paris, Solidays ; 7 juillet à Paris, Yardland ; 11 juillet aux Vieilles charrues ; 19 juillet à Dour (Belgique).

Zamdane
THE RED BULLETIN 37 MAROUSSIA IVANOFF
Talent incontestable. Zamdane a le cœur sur la main, et son public le lui rend bien.

RUÉE VERS L’OR

Nias, Indonésie, 2018

L’Hawaïen Mark Healey à Lagundri, sur l’île de Nias, dans la lumière dorée du soir. « Je peux consulter les cartes météorologiques et les prévisions de surf du monde entier et choisir le meilleur spot pour une houle pareille, comme le font les surfeurs, explique Grambeau. Il m’arrive donc, avec dix des meilleurs surfeurs au monde, de débarquer dans un endroit aussi reculé que celui-ci. La plus grosse houle que j’aie jamais connue dans l’océan Indien. »

CHASSEUR DE HOULES

Le photographe australien TED GRAMBEAU a passé des décennies à se rendre dans certains des spots de surf les plus reculés et les plus vénérés au monde, à la recherche de l’image parfaite.

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Texte SIMON SCHREYER Photos TED GRAMBEAU

LE PHOTOGRAPHE

TED GRAMBEAU

Bien qu’il soufre du mal de mer, ce photographe de surf australien a passé une grande partie de sa carrière à bord de bateaux dans certaines des plus grosses houles au monde. Après quarante ans de carrière, il est passé maître dans son art. Ses images incroyables capturent l’esprit du surf, la puissance de l’océan et le drame inhérent à la quête de la vague parfaite. « Vous faites tout ce qu’il faut pour obtenir la meilleure photo, explique-t-il.

Lorsque vous nagez, vous êtes littéralement dans la zone d’impact des vagues, à quelques centimètres des surfeurs. C’est passionnant. Mais avec les plus grosses vagues, on est plus productif en jetski ou en bateau. Ces surfeurs sont à la recherche de la limite ultime entre eux et la vague. Et comme eux, j’ai toujours cherché à montrer les choses diféremment et à repousser les limites. » Voici des moments forts de sa quête. IG : @tedgrambeau

Ted Grambeau
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PISTE NOIRE

Shipstern Bluf, Tasmanie, 2023

« Voici le surfeur australien Russell Bierke dans une vague particulièrement creuse, extrêmement puissante dans des eaux très peu profondes. Façon piste noire. Il a la réputation d’être un surfeur de grosses vagues audacieux, techniquement très compétent. Ce genre de surfeurs, parmi les meilleurs, repoussent sans cesse leurs limites personnelles. »

CODE RED

Teahupo’o, Tahiti, 2011

Ce jour-là, une compétition avec des pros de surf comme Mick Fanning a dû être annulée en raison de l’ampleur phénoménale de la houle. « Une houle de code rouge, précise Ted. Et c’est là qu’on voit débarquer les surfeurs extrêmes, comme Nathan Fletcher (photo). Mick était sur le bateau avec moi et il criait : “C’est de la folie !” Les autres gars sur la compète étaient en admiration. »

« Cette image illustre la puissance de l’océan. »

EXPLOSIF

Nazaré, Portugal, 2022

Les vagues massives de Nazaré sont célèbres dans le monde entier. Un canyon sous-marin de 5 000 mètres de profondeur situé le long de cette partie de la côte permet aux vagues d’atteindre le rivage sans perdre d’énergie, créant ainsi des explosions d’eau de 25 mètres de haut, comme celle capturée ici. « Pour moi, cette photo illustre la puissance spectaculaire de l’océan, en particulier par rapport aux petites silhouettes humaines », dit Grambeau.

INTO THE BLUE

Teahupo’o, Tahiti, 1992

Pour capturer le surfeur tahitien Manoa Drollet (légende !) dans cette vague, Grambeau a plongé en apnée, avec une ceinture lestée pour se stabiliser. « Lorsque j’ai vu cette image, j’en suis tombé amoureux », raconte Ted à propos de ce cliché pris à l’argentique.

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Ted Grambeau

VAGUES ÉPIQUES

Nazaré, Portugal, 2021

Des curieux face aux vagues épiques sur le littoral de Nazaré au crépuscule. « Une houle énorme, probablement des vagues de 18 mètres, au moins, déclare Grambeau. C’était spectaculaire, mais aussi magnifque, presque tranquille ».

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« C’était magnifique, presque tranquille. »
Ted Grambeau THE RED BULLETIN 45

L’OISEAU

Galápagos, Équateur, 1995

Brad Gerlach décolle d’une vague au large des îles Galápagos. « Des centaines d’espèces d’oiseaux, une fore luxuriante et des paysages volcaniques caractérisent ce spot de surf. Des bébés phoques pas farouches sont même venus nous encercler, Brad et moi. »

DANS LE TUNNEL

Teahupo’o, Tahiti, 2022

Balaram Stack, un Floridien élevé à New York qui a remporté en 2022 la compétition Pipe Masters, concentré sur sa capacité à sortir de la vague parfaite. « Il est rare de trouver un New-Yorkais qui soit techniquement l’un des meilleurs surfeurs au monde », dit Grambeau.

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« C’est comme une vague normale sous stéroïdes. »

EN HAUT : GLAÇANT

Teahupo’o, Tahiti, 2022

Rodrigo Reinoso est sur le point de vivre le cauchemar de tout surfeur lorsqu’il ne parvient pas à franchir la crête de la vague. Heureusement, le Péruvien s’en est sorti avec de légères coupures et des ecchymoses. « Ce cliché fait dresser les cheveux sur la nuque des surfeurs, explique Grambeau. Une telle masse qui vous fait reculer dans les eaux vives est toujours terrifante. C’est comme une vague normale sous stéroïdes. »

Cette image saisissante a été retenue pour la fnale du Red Bull Illume Image Quest 2023 et a remporté la catégorie Énergie.

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Teahupo’o, Tahiti, 2013

Mark Mathews dans une pose de kung-fu et dans une prise de vue magistrale. L’intérieur de la vague (en anglais, barrel ou tube) est aussi grand qu’un appartement. Au-dessus de lui, la vague de Teahupo’o roule avec la masse d’un train de marchandises… chargé !

LE VORTEX
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FRESH NEW R&B SELON OCEVNE

Texte NICOLAS ROGÈS

Avec Nishati, Ocevne dévoile son premier album. Une histoire de contrastes, d’ombre et de lumière, d’intimité et de libération. Le tout en explorant les mille nuances du R&B. Souvent réduite, à tort, à une musique sirupeuse et superficielle, davantage tournée vers des histoires d’amour sans substance que sur des tourments personnels, le R&B n’est pas étranger aux stéréotypes. Depuis 2019, en France et en Suisse, sous l’impulsion d’artistes comme Jäde, Enchantée Julia, Oscar Emch, Franglish ou Monsieur Nov, tous deux présents sur Nishati, la scène R&B francophone reprend des couleurs. Leur musique prend sa source dans la neo-soul d’Erykah Badu, de Jill Scott ou de D’Angelo : un son organique, faussement minimaliste, qui laisse de la place aux voix et ne surcharge rien. Il suggère et révèle des histoires, dans la droite lignée de la position d’Ocevne sur Nishati. Au sein de cet écosystème de nouveau fertile, la chanteuse trace son propre chemin, en conviant le monde à explorer son histoire person-

nelle. Découverte par Barack Adama, puis mentorée par Dadju avant d’être signée sur le label Rec. 118, Ocevne a vu sa carrière décoller rapidement au fil de trois EPs, sortis entre 2020 et 2022 et des collaborations avec Dadju, Lefa et Tayc. Puis est venu le temps de l’introspection, et avec lui, l’envie de se raconter différemment. Si Wingu, son EP précédent, était émaillé d’interludes formant les chapitres d’une même histoire, la structure narrative de Nishati

« C’est comme si je cassais tout et que je recommençais. »

est moins évidente. Ocevne marque sa différence : les albums-concepts ont été légion dans le rap, mais le R&B s’y est moins frotté. Nishati est pensé comme un album-monde, où chaque chanson incarne une progression. « C’est un univers, et pour le comprendre, il faut l’écouter dans l’ordre », confirme la chanteuse. À l’heure de la toute-puissance des playlists, le pari est osé. Mais il ne pouvait pas en être autrement pour un album tissé de transitions, où le passé est évoqué pour mieux l’exorciser, et où les cicatrices restent profondes, mais finissent par se refermer.

Le R&B sert alors d’exutoire à des thèmes peu explorés par le genre. Des hommes détruisent des corps juvéniles (Jeux d’Enfants), des êtres aimés disparaissent et leur souvenir donne l’impression de marcher dans un « cimetière de sourires » (Boulevard Magenta). Ocevne se replonge alors dans son parcours, à un moment où, plus jeune, elle cherchait sa place dans un monde qui fait peu de cas des âmes sensibles (Got It). Tiraillée entre deux facettes de sa personnalité (Plan A), elle paraît hantée par des démons qui n’en finissent plus de la tourmenter, tandis que Lucky, première piste de l’album et premier single, fait table-rase du passé. Elle qui s’exprimait, sur Wingu, sur les relations toxiques et les traumas qui en découlent, brise la malédiction et prend sa vengeance. Reste à se reconstruire : « C’est comme si je cassais tout et recommençais sur de nouvelles bases. »

La lumière finit par filtrer : Happy Jersey, une chanson d’anniversaire, est une célébration, du genre de celle qui suit un parcours semé d’embûches. L’album fonctionne comme un miroir, construit en deux sections : « La seconde partie de Nishati se concentre sur la femme que je suis devenue, après tout ce que j’ai vécu », révèle celle qui a mis longtemps à trouver sa voie. Ses premières sorties cherchaient leur identité sonore, marquées par des influences afro. Nishati change de perspective : « Sur mes premiers EPs, je ne savais pas exactement ce que je voulais faire. Puis je me suis rendu compte que mon fil conducteur avait toujours été le R&B. J’ai eu envie d’explorer ce genre-là dans son entièreté. » Et pour Ocevne, explorer veut dire déconstruire. Le R&B est soi-disant figé dans des formules éculées ? Elle incorpore du jersey, du gospel, du two-step, de la bossa nova et

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Avec son album Nishati, Ocevne offre une nouvelle perspective au R&B, parfois trop fleur bleue, en lui donnant plus de profondeur et d’énergie !
« On a besoin de ces moments où on se sent comme des héros. »
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même du rap dans ses chansons. Et les frontières s’envolent.

Logique, pour une artiste qui, en nommant chacune de ses sorties en swahili, rend hommage à ses origines. Fille d’une mère congolaise et burundaise et d’un père suisse, Ocevne marque sa différence et célèbre ses racines. Alors que Wingu veut dire « nuage », le surnom que Dadju lui a donné, Nishati, signifie « énergie ». Un concept matérialisé par la pochette de l’album, où plusieurs facettes de la personnalité d’Ocevne sont présentées dans la vitrine d’un magasin. Ocevne se dévoile, certes, mais ne le fait pas seule.

Elle trouve en Tuerie un coauteur à la plume trempée dans des émotions semblables à celles qui l’habitent. Le rappeur du label Foufoune Palace lui apporte sa vision, ses envies, ses influences, et la pousse dans ses retranchements. Leur collaboration est le résultat de longues heures de discussion et d’une confiance mutuelle, qui s’installe au fil de semaines de travail. « Je voulais trouver une personne en qui j’avais confiance, s’exclame Ocevne. Il fallait qu’il se mette dans mes baskets, pour m’aider à formuler des choses que je n’arrivais pas à faire seule. » À deux,

ils construisent un album où Ocevne s’autorise à se mettre en danger. Comme sur Nobody, chanson avec deux dynamiques différentes, en forme de métaphore de l’album. « On y retrouve une facette de moi jamais entendue, plus expérimentale, dans l’ego trip et plus assumée. J’y rappe pour la première fois de ma vie !, s’étonne-t-elle. J’ai trouvé ça libérateur. On a besoin de ces moments où on se sent comme des héros, comme les meilleurs du monde. Ça donne un shot de confiance. »

Pour transformer leurs idées en mélodies, le duo s’appuie sur le producteur BlackDoe, un autre membre-clé de Nishati. Ocevne, 28 ans, n’avait jusqu’alors jamais travaillé avec une seule et même personne pour construire les instrumentaux de ses EPs. Collaborateur de longue date, également derrière

« Certains vont aller consulter, moi je fais des chansons. »

de nombreux titres de Tayc, Lefa ou Dadju, BlackDoe trouve en Ocevne une candidate idéale pour livrer sa définition d’un R&B nourri par des références américaines. Ocevne s’inspire alors des harmonies vocales de Brandy, du sens du refrain et des formules d’Aaliyah, de la chaleur de Kehlani, de l’élégance de Jhené Aiko et de l’audace et de la radicalité de SZA. Sa voix se laisse ensuite porter par des énergies, des sensations qu’elle attrape au vol, et, surtout, par des images.

Pendant la conception de Nishati, Ocevne et son équipe diffusent des clips en boucle sur une télévision. Ceux de Janet Jackson notamment. Mais aussi ceux de Missy Elliott. Tout en ruptures et effets de styles, aussi radicaux dans leur forme que novateurs au niveau des images, ils marquent profondément Ocevne. « Quand je construis un morceau, je me fais un film, explique-t-elle. En fonction de la production, je vais avoir une idée visuelle. Par exemple, pour la topline de Seule (Again), je pensais à une vidéo d’un petit avec des lunettes qui danse en club. Pour Nasty, c’étaient les concerts de Janet Jackson. On se disait que cette femme était malade ! On trouvait ça incroyable et je voulais m’en inspirer. » C’est décidé : elle veut être aussi rayonnante que Janet sur scène, aussi fascinante que Missy dans ses clips et ses albums, deux artistes qui ont réussi à exister en étant pleinement elles-mêmes.

Dans ce contexte, des chansons explicites comme Nasty et Cheesecake naissent d’une volonté de ne plus rien s’interdire. Une évolution courageuse pour une artiste qui a toujours douté de sa place et de sa légitimité.

Au fil des années, plus qu’un obstacle, elle en a fait une source de motivation, et le moteur de son identité artistique : « Je douterai toujours et me remettrai en permanence en question. C’est ce qui me permet d’évoluer et, je crois, de continuer à produire de la bonne musique. Mais je n’ai jamais été aussi fière d’un album et d’être allée au bout de mes idées. »

Le R&B devient alors une toile de fond, et la musique se mue en thérapie. « Certains vont aller consulter, moi je fais des chansons. C’est ma manière de me défouler, de me livrer, de passer à autre chose », conclut Ocevne.

IG : @ocevneofficiel

Ocevne
THE RED BULLETIN 53 NEUFNEUF

TOUJOURS PLUS

Si l’on devait résumer la vie de l’entrepreneur qu’est devenu PRIME, il serait facile de reprendre le titre du flm oscarisé de Daniel Scheinert, Everything Everywhere All at Once. Non pas que son histoire s’apparente au scénario, mais plutôt qu’Amine Mekri fait tout, est partout, simultanément. Du haut de ses 31 ans et fort de son 1,61 million de followers sur YouTube, il est co-fondateur de la K-Corp, CEO et designeur de sa marque, Narcissique, et enfn, rappeur. Retour sur le parcours d’un homme pluriel dont la capacité d’adaptation n’a d’égale que l’ambition.

Texte MARIE-MAXIME DRICOT

C’est dans le quartier des Batignolles, à Paris, que je retrouve Amine pour faire un état des lieux de son parcours haut en couleur. Stressé et quelque peu timide au premier abord, le jeune entrepreneur m’explique qu’il est peu habitué à prendre la parole dans les médias (un exercice complètement différent de celui d’être face cam pour divertir une communauté). La dernière fois, c’était en 2019 sur Clique, face à Mouloud Achour, pour la promotion de son concert à l’Olympia, au moment de la sortie d’U.S.S.O, son premier album. Depuis, il en a sorti trois autres : Xander, RE. et Montada, dernier en date. Audience consolidée et salle remplie, il n’en reste pas moins que Prime reste très critique vis-à-vis de ce son évolution dans la musique : « Elle est un peu chaotique mais c’est comme ça que je crée. Je n’ai pas vraiment de recul sur ce que je fais. Tout est très spontané et j’essaie tant bien que mal de me faire comprendre. » Il faut croire que cela fonctionne, car la jeune génération ne cesse d’aduler son héros contemporain, lequel, plus jeune, se voyait être un tout autre individu.

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Au-delà des apparences, Amine Mekri est un homme sensible, qui rêve de faire sourire les gens et de propager la joie.

Premier round

L’histoire d’Amine Mekri commence au Stade Géo-André de La Courneuve, en région parisienne, où ils se lançaient le ballon entre copains. À l’époque, âgé de seize ans, il rêve de devenir un grand footballeur américain et d’intégrer la NFL. Le garçon s’entraîne sans relâche, tous les jours s’il le peut, aux côtés de l’entraîneur Jean-Marc Panzou qui verra en lui un potentiel sportif indubitable. Amine voit son corps se transformer,

et chaque jour qui passe son rêve, symbole de liberté, se rapproche. Mais pour le réaliser, l’adolescent doit se rendre en Amérique du Nord, soit aux États-Unis, soit au Canada. N’étant pas encore très à l’aise avec l’anglais, il contactera tous les lycées du pays à la feuille d’érable et finira par trouver chaussure à son pied. À l’image de ses capacités qui explosent (records d’interception ou de touchdowns marqués par un défenseur), il devient de plus en plus responsable.

Le futur Prime se projette déjà à l’université et s’imagine comme la prochaine star de la NFL… Mais du jour au lendemain, tout bascule.

Il aura suffi d’un match de football américain entre copains et d’un accident sur le terrain pour voir le rêve d’Amine s’effondrer, lors d’un malheureux séjour en France. Dans une interview pour OuestFrance donnée en 2021, il explique : « Je faisais un match de ouf. J’étais à deux interceptions, deux fumble ricker (récu-

56 THE RED BULLETIN
Pendant l’édition 2018 du festival Les Ardentes en Belgique, Prime s’essaie pour la première fois au slam et se jette dans la foule.
« Plus on va loin, plus on fait de nouvelles erreurs, plus on apprend. »

pérations de balle) contre un Américain qui traumatisait toute la Ligue. Je l’avais explosé. […] Et là, je cut (changement de direction avec le ballon, ndlr), et le bout de terrain synthétique craque. Il y avait un trou. Ma chaussure est restée plantée… J’ai su direct que c’était grave. » Amine ne se fait pas soigner tout de suite, faute de couverture sociale, car sa carte vitale n’était plus à jour. Pourtant, une fois à l’hôpital, on lui annonce une rupture des ligaments croisés du genou droit.

Une blessure qui s’aggravera avant une possible opération. Le garçon restera alité pendant trois mois, de quoi faire cogiter son esprit vaillant.

Embrasser sa singularité

Amine ne se démoralise pas, et plutôt que de s’apitoyer sur son sort, il développe ses toutes premières vidéos sur YouTube, lesquelles portent sur le jeu Fifa. C’était en 2020. « Je me disais que je ne pouvais pas tomber plus bas. » Le succès est au

Prime
THE RED BULLETIN 57 @CAMILLEPIOFFRET
Même avec plus d’un million de followers, Prime fait preuve d’humilité.
« J’aspire à créer des choses plus grandes que moi. »

rendez-vous. Ne jamais baisser les bras, viser plus loin, trébucher puis se relever, c’est un peu le mantra du Courneuvien : « J’aime l’erreur, parce que ça veut dire que je suis allé au bout de mes limites. Elle devient donc un marqueur d’attention pour la prochaine fois. Plus on va loin, plus on fait de nouvelles erreurs, plus on apprend. » Tout un ensemble de principes qu’il met en pratique dans son quotidien. La même année, il annoncera lors d’un live Twitch que Kameto et lui s’apprêtent à étrenner leur structure esport (qui s’engagera en première division française sur League of Legends, notamment).

Un an avant sa chaîne YouTube, Prime lançait Narcissique, sa marque de vêtements, en vue de développer un business. Un nom qui interpelle lorsqu’on sait qu’en 2023, les Français·es ont passé 3,6 heures par jour en moyenne sur leur téléphone (rapport annuel du spécialiste de l’analyse de données mobiles data.ai), soit presque un quart du temps éveillé par personne, et en moyenne 2,26 heures sur les réseaux sociaux (« Tendances des réseaux sociaux 2023 », Rapport We Are Social & Meltwater, Digital Report France 2023). L’idée derrière ce projet ? « Renverser le mythe négatif qui entoure le concept de narcissisme. Il aspire à inviter chaque personne à s’accepter via une introspection positive et bienveillante. En commençant par poser sur soi-même un regard valorisant dans le miroir, et en tentant de trouver le vrai sens de son existence. ».

Trouver le sens de sa vie… Si Amine croit en la réincarnation, il associe davantage cette notion à une individualité forte, inscrite dans une époque et une pensée dont nous seul·e·s détenons les clefs pour prendre nos vies en main en faisant de notre mieux, voire, comme lui, la sublimer en chef-d’œuvre. Néanmoins, il est important de garder à l’esprit que nous sommes toutes et tous vulnérables : « J’ai des insécurités moi aussi ; bien sûr,

tout le monde pourrait s’aimer plus, mais comme c’est nous-même que l’on observe le plus souvent, c’est facile de se comparer et de se trouver des défauts. » Pour mener à bien l’ensemble de ses projets d’un même front, Prime, qui n’en reste pas moins fier et déterminé, s’évertue à ne pas se laisser guider par l’ego : « J’aspire à créer des choses plus grandes que moi, donc je perds forcément sur le plan de l’influence. Je passe plus de temps à effectuer le travail qu’à dire que je fais le travail. Le problème, c’est que le monde ne fonctionne pas comme ça, ce que les personnes font est tout aussi important que l’image qu’elles renvoient. » Entouré d’une équipe très réduite qu’il estime être une extension de lui, Prime poursuit son chemin, ou plutôt, il roule à 200 km/h sur une autoroute à quatre voies : Rap, Karmine Corp, Narcissique et YouTube. Avoir une boîte comme la Karmine, chanter, faire des vidéos et de la musique, c’est pour lui la même chose : « Tout ce que j’ai appris pour créer s’applique de la même manière dans ces business. J’essaie de faire le maximum de trucs, pour en tirer le maximum, que ça soit bon ou mauvais. »

Checkpoints

Sur cette longue autoroute, Prime marque des étapes et remplit sa mémoire d’authentiques et éclatants souvenirs. Il se remémore son tout premier concert au Bataclan : « C’était la première fois que je rencontrais mon public pour autre chose que des vidéos. Et aussi les KCX (méga-

events esport organisés dans des arenas par la KCorp, ndlr) : « Je savais qu’en inventant ce projet-là, ça allait être ouf, qu’on allait casser les barrières du gaming, l’emmener au-delà de chez les joueurs ! » Mais faire évoluer les mentalités prend du temps alors, tout comme un sportif de haut-niveau qui vous donne l’impression que sauter des haies à la Sasha Zhoya ou de glisser sur l’océan à la manière de Kauli Vaast, c’est facile ; Amine Mekri, dit « Prime » pour son audience, excelle dans ce qu’il appelle « le travail de toute une vie ». Au-delà d’une ambition personnelle indiscutable, le jeune entrepreneur ne manque pas d’empathie, et n’oubliera pas de me rappeler à plusieurs reprises le moteur principal derrière sa pléiade d’activités : « Moi j’aime créer des choses qui touchent les gens. » Il sera d’ailleurs présent lors de la prochaine course

Red Bull Caisses à Savon à bord d’un véhicule qu’il aura lui-même construit. Spoiler alert : suite à des propositions intéressantes, Prime, qui n’en finit pas de nous surprendre, devrait faire ses premiers pas dans la boxe d’ici peu…

YT : @primetimefut

COURSE RED BULL CAISSES À SAVON

Le 2 juin 2024, à 12 heures, à Pech-David, Toulouse.

Les caisses à savon mettent au défi les équipes les plus intrépides de créer des prototypes de véhicules loufoques. Parmi les équipages engagés, nous retrouverons Prime, invité de marque avec son engin maison dans l’esprit de la course.

Prime
THE RED BULLETIN 59 KELAWIN, @CAMILLEPIOFFRET
Le rappeur Prime est définitivement une bête de scène. Ici à l’Olympia, Paris, 2019.

OVNI À TRIBORD

Il semble débarqué de l’espace – et vole au-dessus de l’eau mû par l’électricité : le nouveau circuit de course de bateaux

E1 SERIES teste le RaceBird, son innovant bolide aquatique. Et recrute ses pilotes chez des athlètes de haut-niveau. Visite.

Texte TRISTAN KENNEDY Photos SHAMIL TANNA GEORGE MONK COURANT FORT
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En essai sur le lac Majeur – le RaceBird est le premier bateau électrique à avoir atteint la limite des 50 nœuds.
RaceBird
LÉVITATION Ce n’est pas une façon de parler : le RaceBird flotte au-dessus de la surface de l’eau.
est le premier bateau de course 100 % électrique.

ILa commencé par sauter en BMX depuis un hélicoptère sur le toit du Burj Al Arab à Dubaï, un hôtel de 321 mètres de haut. Il a aussi fait des front flips dans un skatepark spécialement conçu pour lui, suspendu à une montgolfière flottant à haute altitude. Mais aujourd’hui, c’est dans un centre de loisirs que se trouve Kriss Kyle, 31 ans, l’un des meilleurs freestylers BMX de sa génération, pieds nus sur carrelage beige, au bord d’une piscine, et il a vraiment très très peur. Suffisamment pour l’admettre sans détour. « Je ne suis même pas bon nageur », dit-il d’une voie basse.

Mais qu’est-ce qui peut bien faire si peur à cet Écossais, qui vient tout de même des rudes contrées de Braveheart ? Eh bien, c’est la réplique en fibre de verre à taille réelle d’un cockpit de bateau de course, un appareil d’entraînement, dans lequel Kyle s’apprête à effectuer ce que l’on appelle un test de retournement, c’est-à-dire une simulation de chavirage. Tête en bas, sous l’eau et attaché à son siège, il va devoir réussir à attraper la prise d’air de secours afin d’ouvrir la trappe et de s’échapper – et rester le plus calme possible tandis que le cockpit se remplira d’eau.

Pourquoi quelqu’un comme lui, un pro accompli, tatoué sur tout le corps, avec un haut niveau d’expérience et de pratique dans son sport, irait-il s’exposer à ce genre de torture psychologique ? Tandis qu’il prend encore

quelques minutes pour se mettre mentalement en condition, Claire Toohey, coach en bateaux à moteur, met les choses au clair : « S’il n’y arrive pas, il ne montera pas sur le bateau. C’est aussi simple que cela. » « Le bateau » dont parle Toohey porte le nom évocateur de RaceBird et est le premier bateau de course entièrement électrique au monde – et également le premier équipé d’hydrofoils : des structures en forme d’ailes qui le soulèvent entièrement hors de l’eau quand il prend de la vitesse. Imaginé par la designeuse de yachts norvégienne Sophi Horne, cet engin futuriste zéro émission – mi-bateau, mi-chasseur X-Wing dans Star Wars – constitue le point de départ du nouveau circuit E1 Series, dont l’objectif est de révolutionner le monde de la course de bateaux. Une révolution qui

passe par la transition vers l’électrique. Outre ses atouts sur le plan écologique, les performances du RaceBird ont valu à l’E1 un intérêt manifeste de la part de personnes étrangères au monde de la course de bateaux. La star du tennis Rafael Nadal, le quarterback de football américain Tom Brady et la légende du foot ivoirien Didier Drogba ont tous rejoint le championnat en tant que propriétaires d’écuries. Le pilote de F1 Sergio Pérez de Red Bull Racing est également de la partie. Comme Marc Anthony, le roi de la salsa, et Steve Aoki, le DJ superstar. « Quand on voit ces bateaux électriques s’envoler, flotter dans les airs, on se croirait dans le futur », s’exclame Aoki.

Mais il n’y a pas que le prestigieux panel des propriétaires d’écuries qui fait de l’E1 un championnat d’exception,

E1 Series
THE RED BULLETIN 63 GEORGE MONK
TENSION Kriss Kyle avant son test de plongeon, avec les conseils de l’entraîneuse de motonautisme Claire Toohey.

il y a aussi la procédure de sélection des pilotes : chaque écurie doit aligner un homme et une femme. C’est ainsi que 44 sportif·ve·s pros issu·e·s de disciplines diverses ont été invité·e·s à l’automne dans une académie d’entraînement unique en son genre, où ils et elles se disputent actuellement une place sur la grille de départ. Des pilotes de rallye suédoises, des champions de jetski koweïtiens et même un vétéran espagnol du Mans : tous et toutes se sont retrouvé·e·s au camp d’entraînement du lac Majeur, au nord-ouest de Milan. Et ont réussi le redoutable test du plongeon. Sauf une personne.

Kriss Kyle ne peut plus reculer. Il grimpe dans la réplique de cockpit et s’attache. Et au bout d’à peine quelques secondes, c’est plié. Jurant et dégoulinant, il se laisse tomber sur le côté, sourire aux lèvres, avant de sortir en titubant pour aller se changer. C’est seulement à ce moment-là que la coach Toohey lui montre l’enregistrement d’un précédent test de plongeon, au cours duquel la championne de moto espagnole Laia Sanz s’est empêtrée dans son harnais et a dû être sauvée.

L’E1 a débarqué sur le lac Majeur en avril 2023, avec l’installation d’une base d’essais et d’entraînement sur la rive est, à Marina di Verbella. Et au milieu

« Ma mission est claire : que ça envoie du lourd ! »
Sophi

de tous les bateaux de plaisance amarrés dans la marina, le RaceBird semble tout droit débarqué de l’espace. Le rythme d’apprentissage à l’académie d’entraînement de l’E1 est à l’avenant du test : pour cette formation de cinq jours seulement, Claire Toohey a opté pour une méthode assez musclée.

Tout commence au sec dans une salle de classe, où les candidat·e·s se familiarisent avec des compétences de base, telles que l’amarrage et les nœuds marins. Ensuite, ils et elles embarquent d’abord sur un bateau de plaisance, puis sur un puissant bolide de course du nom de Puma et enfin sur le RaceBird. « Dans des circonstances normales, on ne ferait jamais les choses aussi rapidement, explique Toohey. C’est comme si vous passiez votre permis de conduire un jour, montiez dans une Ferrari le lendemain et conduisiez une F1 le surlendemain. »

C’est donc sans plus attendre que Kriss Kyle se retrouve ce jour-là sur un ponton en bois, à enfiler une combinaison orange et à ajuster son casque blanc. Il aurait presque des airs de Luke Skywalker. Les foils restent immergés lorsque Kyle prend pour la première fois le volant du RaceBird et quitte la marina, derrière un bateau auxiliaire pétaradant. C’est Lino Di Biase, vétéran de courses de bateaux et multiple champion du monde qui est à la barre de ce dernier. À ses côtés, l’ingénieur de course Dean Clark analyse, comme en F1, une quantité ahurissante de données de perf en temps réel. Une fois que le convoi a dépassé la côte, la coach Mathilda Wiberg appuie sur le bouton d’appel de son casque : « Okay, Kriss, tu peux y aller. » Il ne se fait pas prier ! Le bateau s’élève au-dessus de la surface du lac et on distingue aussitôt l’espace libre entre le dessous de la coque et la surface de l’eau. Mais, contrairement aux bateaux à moteur, il ne fait pratiquement aucun bruit. Il n’y a que le sifflement des embruns pour troubler le silence. Le rythme s’accélère, rendant le pilotage de plus en plus périlleux. Pour qu’il puisse atteindre sa vitesse maximale, le RaceBird doit voler en permanence sur les foils, y compris lors des changements de direction, ce qui exige un dosage délicat avec la pédale de puissance : si l’on va trop lentement, on ne génère pas assez de portance. Si l’on appuie trop fort sur la pédale, les foils

E1 Series
À LA BARRE Lucas Ordóñez, Kriss Kyle et Timmy Hansen en mode salle de classe.
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TALENT Les lignes du RaceBird, c’est son sujet.
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À COUVERT Haut : au boulot, une partie de l’équipe a travaillé en F1 ; bas : Vicky Piria, venue de la course auto, fait ses débuts de pilote d’essai du RaceBird.

IMPÉRIAL

Des lignes droites et des allures de missile –mais dans la pratique, le RaceBird est plus un amateur de courbes.

génèrent au contraire trop de portance. Et si les foils sont trop proches de la surface, ils ne fonctionnent plus et le bateau fait un plat monumental en retombant dans l’eau.

Piloter en ligne droite en jouant sur la pédale est une chose, mais dès que Kyle essaie de négocier le moindre virage, il est déséquilibré. La coque s’écrase sur la surface de l’eau, une énorme gerbe d’eau jaillit et le bateau rebondit tel un dauphin joyeux. Pendant ce temps, Wiberg, la coach, se marre en silence depuis le bateau auxiliaire. « Kriss n’a même pas besoin d’appuyer sur le bouton “parler”, je l’entends râler d’ici ! »

Avec une vitesse max de 50 nœuds (92 km/h), le RaceBird ne pourrait pas rivaliser avec des bateaux de course traditionnels en ligne droite. Mais en E1, on préfère les courbes aux lignes droites. La force du RaceBird réside dans sa maniabilité, dans l’efficacité de son comportement dans les courbes – c’est précisément ce que Kyle est en train d’essayer de maîtriser – et dans le dynamisme que cela apporte à la course. Couplé à un son pratiquement réduit à néant, cela donne un bolide aquatique qui perturbe nettement moins la faune des lacs et des mers que les hors-bords habituels et qui ne nuit guère aux plages et aux bâtiments historiques situés à proximité de l’eau. Traditionnellement, les courses motonautiques se tiennent au large. Les bateaux d’E1, en revanche, peuvent évoluer beaucoup plus près des côtes, ce qui, en toute logique, devrait attirer un public plus large. Avec huit écuries en compétition, quatre bateaux se succèderont sans interruption, ce qui promet un spectacle animé – et constitue un parfait plaidoyer en faveur des véhicules nautiques entièrement élec-

« Nous avons misé sur une concurrence acharnée. »
Mathilda Wiberg, pilote pro en motonautisme

triques. La première saison comptera sept courses et se déroulera dans des villes côtières mythiques telles que Monte-Carlo, Genève ou Rotterdam. La grande finale aura lieu en novembre à Hong Kong. À Venise, où le championnat fera escale en mai, le maire a déjà promis de déroger exceptionnellement à la stricte limitation de vitesse de 20 km/h. Mais tout cela ne serait évidemment pas possible sans des pilotes entraîné·e·s et pleinement opérationnel·le·s pour la course.

Revenons-en donc à Kriss Kyle. « À chaque fois que l’on touche une vague, on le ressent vraiment dans son corps, déclare-t-il, à bout de souffle, après son premier passage. C’est une tension inimaginable ! J’étais agrippé au volant. Il m’a fallu pas mal de temps pour maîtriser le bateau – mais quand j’ai fini par y arriver, c’était génial. C’était exactement comme si je faisais un virage à plat en BMX et que je fonçais à toute vitesse dans une descente. »

Mais qui se cache derrière le RaceBird ? C’est Sophi Horne, 28 ans, et sa start-up, Seabird. « Je me suis inspirée des oiseaux, dit-elle. C’est de là que vient tout l’aérodynamisme : il y a le bec de l’oiseau, aussi pointu qu’une aiguille, et les foils en guise d’ailes. »

En janvier 2019, Horne soumet son idée à Alejandro Agag, fondateur de deux championnats de courses de voitures électriques, la Formule E et la version tout-terrain Extreme E. L’épais carnet d’adresses de cet ancien député européen, gendre de l’ancien Premier

ministre espagnol José María Aznar, rassemble de grands noms du sport et de la politique. Et celui de Horne aussi désormais. Quelques mois plus tard, il la contacte et lui propose un investissement. Avec l’aide d’Agag, Horne recrute du personnel pour sa jeune start-up, à commencer par le grand ami d’Agag, Rodi Basso, en tant que directeur technique. Ingénieur spatial de formation, Basso a – cela tombe bien – fait ses classes à la NASA et – cela tombe encore mieux – travaillé en Formule 1. Et c’est lui, en définitive, qui a l’idée du championnat d’E1, projet commun réunissant donc Basso en tant que directeur général, Agag comme président et Horne comme conceptrice principale. À l’instar des voitures de course électriques qui contribuent au développement des voitures électriques du commerce, ce projet permettra « d’accélérer le passage à l’électrique dans le secteur naval », affirme Basso. « Alejandro et Rodi n’avaient qu’une seule exigence : que ça envoie du lourd ! », déclare Horne en riant.

Il ne faut pas longtemps pour que le prototype, qui envoie effectivement du lourd, soit mis à l’eau. Conjugué aux talents d’ingénieur de Basso et à la réputation d’Agag dans le domaine des courses de voitures électriques, il attire rapidement l’attention des investisseurs. À peine un an plus tard, le PIF, Fonds public d’investissement d’Arabie saoudite, a déjà acquis une part importante du championnat. Le PIF, qui a déjà investi d’importantes sommes dans des clubs de football saoudiens et acheté des stars comme Cristiano Ronaldo, est accusé de « sportswashing », c’est-à-dire de dépenser beaucoup d’argent dans des sports en tout genre afin de faire oublier le piètre bilan du royaume en matière de droits humains. Des accusations de « greenwashing » sont également émises. Le professeur Carlos Duarte, un biologiste marin travaillant en Arabie saoudite, reconnaît que le bilan environnemental du circuit suscite inévitablement un certain scepticisme. Ce qui ne l’empêche pas de défendre l’E1 sans réserve.

« Nous devons faire front commun pour lutter contre le changement climatique, et la seule chose qui unit beaucoup d’entre nous, c’est le sport », ditil. Avant l’E1, il a déjà travaillé avec d’autres instances sportives, comme

E1 Series
THE RED BULLETIN 67 GEORGE MONK
CALL La coach Wiberg met en forme les débutant·e·s en course.

le Comité olympique espagnol. Et ces longues années d’expérience lui ont appris une chose : « Le message passe toujours mieux quand c’est une star du sport qui parle du changement climatique ». Et Agag d’ajouter : « Si l’on tient compte du rayonnement des participant·e·s et des propriétaires d’écuries, nous aurons bientôt plus d’un milliard de followers sur les réseaux sociaux. »

Reste encore à voir si l’E1 rencontrera le succès escompté. Mathilda Wiberg, 20 ans, championne suédoise de motonautisme, a pour mission de mettre les candidat·e·s au casting des pilotes littéralement à la barre et de leur apprendre tout ce qu’il y a à savoir sur les bateaux de course – d’autant plus que cela va souvent bien au-delà de toutes les expériences sportives extrêmes qu’ils et elles ont pu vivre jusqu’à présent.

« J’ai essayé de le piloter comme ma voiture de rallycross, explique le pilote suédois d’Extreme E Timmy Hansen à propos de son premier passage à la barre du bateau d’entraînement Puma. J’ai attaqué le virage avec une bonne dose d’agressivité et j’ai essayé de drifter un peu, mais de toute évidence, c’était trop. J’ai failli me retrouver la tête à l’envers. » Lorsqu’il prend en main

« Vous ne naviguez pas, vous volez ! »

le RaceBird pour la première fois, Hansen ne parvient pas à éviter quelques plats spectaculaires. « Ça n’a rien à voir avec la conduite automobile et ça demande vraiment beaucoup de pratique », conclut-il.

Oui, ce merveilleux engin aquatique est plus difficile à piloter qu’il n’y paraît. Et il semble aussi beaucoup plus rapide qu’il ne l’est en réalité.

« Imaginez que vous rouliez à 200 km/h sur une autoroute cahoteuse au volant d’une voiture classique – eh bien, c’est exactement ce que l’on ressent à 40 nœuds. Et quand on retombe, c’est assez violent », déclare Hansen. Mais il ne tarde pas à prendre le coup de main et à son dernier passage de la journée, il en est à « Torque Map 5 », le mode le plus rapide du RaceBird.

Les journées d’entraînement sur le lac Majeur suivent un rythme bien spécifique, calé sur les pauses nécessaires pour recharger le RaceBird après chaque heure passée sur l’eau. Entre chaque passage, les candidat·e·s ont le temps de partager leurs expériences.

« Tu es allé vite », dit Kyle à Hansen.

« Peut-être trop », répond ce dernier. Flatterie entre concurrents – tous deux savent qu’ils pourraient bientôt être adversaires. Car Wiberg, la coach, affirme que jusqu’à présent, tous·tes l’ont beaucoup impressionnée : « Les pilotes de course automobile comme Timmy saisissent rapidement la manière la plus rapide de prendre un virage, mais Kriss est en revanche parfaitement stable sur les foils, ce qui lui vient probablement de la manière dont il garde l’équilibre sur son vélo. »

Les futur·e·s pilotes bénéficient du fait que le bateau est piloté électroniquement, à la manière d’un avion à réaction. Le système Fly-by-Wire ne nécessite aucune force physique particulière, ce qui permet aux hommes et aux femmes de s’affronter à armes égales. Avec ses touches lumineuses violettes et vertes, le volant aux airs de manette de Xbox permet un pilotage particulièrement intuitif. « Mais c’est quand même très différent de tous les véhicules que j’ai pu piloter dans ma vie », explique Lucas Ordóñez, ancien participant au Mans et lui-même propriétaire de bateau, qui s’entraîne avec Kyle et Hansen. Et il partage l’étonnement des autres : « On ne fait pas de la navigation, là. On vole. »

Vicky Piria, une autre candidate en formation, a l’habitude de prendre en main de nouveaux véhicules, elle qui a participé à des championnats de Formule 3 et de GT, ainsi qu’aux W Series, un championnat exclusivement féminin qui a été abandonné depuis. Mais cela ne l’empêche pas d’être impressionnée face à un véhicule si novateur, d’autant plus que, lors des courses proprement dites, chaque bateau en aura trois autres à affronter, dans une lutte qui ne pourra qu’être féroce. « Ce qui me préoccupe, ce sont les dépassements, le risque de collision, dit-elle. Ce sera encore plus impressionnant quand nous serons entourés d’autres bateaux. » Piria a une certaine expérience des accidents à grande vitesse. L’année dernière, elle s’est cassé le coccyx quand la suspension de sa GT a lâché à près

68 THE RED BULLETIN
FOCUS Le pilote d’Ex treme E Timmy Hansen avant son premier essai avec le RaceBird. DAS Galaxy Z Flip5 tête : 0,601 W/kg, DAS tronc : 1,451 W/kg, DAS membres : 2,34 W/kg. Images simulées. L’interface peut changer. Samsung Electronics France - CS20003 - 6 rue Fructidor - 93484 Saint-Ouen Cedex. RCS Bobigny 334 367 497. SAS au capital de 27 000 000 €.

de 260 km/h. « Dès que je touchais aux freins, ma voiture était complètement incontrôlable », se souvient-elle. Pour ses parents, sa candidature à l’E1 n’est pas des plus rassurantes, bien au contraire : « Ils s’inquiètent du mariage entre eau et électricité ».

Mais la question bien naturelle de savoir comment mettre à l’eau une batterie à courant fort en toute sécurité a été résolue assez rapidement, comme l’explique l’ingénieur Dean Clark : la batterie consiste en « une boîte dans une boîte », suspendue à huit ancrages dans son propre boîtier en fibre de carbone. En revanche, il a fallu des années pour trouver la forme parfaite pour les foils. Les premières versions avaient tout simplement été vissées à la coque d’un bateau préexistant. « On l’avait appelé “Frankie” – pour Frankenstein, se souvient la designer Sophi Horne. Il n’était vraiment pas beau. »

Les RaceBirds actuels, au contraire, incarnent la fluidité à l’état pur – même

lorsqu’ils attendent, parfois encore en pièces détachées, d’être assemblés : l’immense entrepôt se situe à une courte distance en voiture de Marina di Verbella. Il y règne une activité intense : une équipe hautement qualifiée gravite autour de cinq nouvelles coques en fibre de carbone aussi assidûment que des mécanicien·ne·s lors d’un arrêt au stand.

« 90 % de ces gens travaillaient auparavant en Formule 1, en Formule E ou au Mans », explique le directeur technique des opérations, Chris Bluett. On ne sait pas encore si les pilotes pourront

« J’ai failli me retrouver la tête à l’envers. »
Timmy Hansen, pilote d’essai

atteindre le même niveau de compétences – mais Claire Toohey, la coach en bateaux à moteur, est confiante. « Ils sont tous habitués à assimiler un grand nombre d’informations en peu de temps. »

C’est le quatrième et dernier passage de Kyle au volant du RaceBird. Il s’est montré très prometteur, volant élégamment au-dessus de l’eau, maîtrisant parfaitement les commandes et maintenant le bateau dans un équilibre exemplaire. Même Mathilda Wiberg, la championne de motonautisme, est impressionnée depuis le bateau auxiliaire. « Ils ont tous atteint un niveau vraiment élevé à la fin de la formation, dit-elle. C’était notre objectif pour le championnat. Nous voulions une concurrence acharnée dès le début. »

Les mécanicien·ne·s ne vont pas tarder à devoir recharger le bateau afin qu’il soit prêt pour les prochain·e·s candidat·e·s. Kyle, Ordóñez et les autres arrivent bientôt au terme de leur formation de base. Ils et elles vont se replonger dans leur quotidien effréné sans savoir si ils et elles pourront un jour remonter à bord du RaceBird. Il reste encore à constituer les équipes, à établir les calendriers et à négocier les contrats. Le déploiement final est loin d’être décidé.

Sur le lac Majeur, Kyle effectue sa dernière boucle, tandis que Lino Di Biase, technicien naval et figure emblématique des courses de bateaux à moteur, scrute le chronomètre d’un air fasciné. Il a relevé et analysé les temps au tour de tous·tes les pilotes en test. Avant même que Kyle ne débarque, l’Italien laisse échapper un mélodieux « È bravo, questo ragazzo ». On n’aurait pas dit mieux – d’autant plus que c’est à peine la fin du premier acte. Kriss Kyle a donc toutes ses chances. Mais les candidat·e·s ont été unanimes : c’est une énorme chance d’avoir pu participer. Qu’il soit effectivement sélectionné en E1 ou non, Kyle a vécu une expérience unique. « C’est déjà génial d’être sur la liste des personnes pressenties pour être pilotes – pour moi, c’était une grande première et c’était incroyable », dit-il. Lui qui n’est pas un grand fan d’eau, il envisage désormais d’acheter un bateau. « Peut-être même un électrique. » C’est ce qui s’appelle un virement de bord.

e1series.com

E1 Series
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VIREMENT DE BORD Le rider BMX freestyle Kriss Kyle, autorité dans sa discipline, juste avant sa première sortie avec le bolide aquatique. Pro de la scène
72
Sage Todz en plein flow, photographié par The Red Bulletin au Sŵn Festival, sur la scène du Jacobs, à Cardiff (octobre 2023).

WELSH RAP ? VOUS AVEZ DIT

Un vent nouveau souffle sur la scène musicale du pays de Galles, avec de jeunes artistes rap fier·ère·s de leur identité et de leur langue.

Texte SOLOMON PM Photos DAN WILTON

«  Dani yma yma! »

Trois mots en gallois que le rappeur Sage Todz hurle dans son micro devant la foule qui s’est amassée place de la Concorde à Paris pour célébrer avec des milliers de fans la Coupe du monde de Rugby 2023. Trois mots incompréhensibles pour le commun des mortels (traduction en français : « On est là ! On est là ! »), tirés du morceau O Hyd. Chanté pour la première fois sur scène par Sage et son acolyte, le drilleur gallois Marino, en 2022 au Qatar pour lancer la campagne FIFA du pays de Galles, il est devenu comme un cri de ralliement pour les supporters gallois de football et de rugby. Un an plus tard, Sage remet le couvert devant un public international, arborant fièrement le polo rouge vif (en anglais crimson Cymru de son pays natal. Le morceau est une version hip-hop tirée d’une chanson très célèbre, Yma o Hyd, qui célèbre la résilience et la fierté de la nation galloise. « Ça permet de montrer aux gens qui on est, explique Sage. Aux yeux du monde, beaucoup ne savent pas que le pays de Galles existe. »

Non seulement le pays de Galles existe bel et bien, mais sa scène musicale est actuellement en pleine révolution, avec un nombre croissant de jeunes artistes hip-hop et rap qui mettent un point d’honneur à chanter en gallois – une langue celtique parlée par plus d’un demimillion de personnes et qui est même, dans certaines parties du pays de Galles, davantage utilisée que l’anglais.

Quelques semaines après le concert mémorable à Paris, nous retrouvons Sage Todz chez lui à Cardiff, dans le pays de Galles : il nous a donné rendez-vous au

Jacobs – lieu improbable, à mi-chemin entre une salle de concert, un rooftop et un magasin d’antiquités. Il s’apprête à partir pour le Sŵn Festival (ou Festival du son, en français) et porte une grosse doudoune bleu ciel qui cache à peine une carrure impressionnante, « capable de porter le poids de toute la moitié nord du pays de Galles », dit-on. Entre deux poses devant l’objectif du photographe, Sage prend le temps de répondre à nos questions tout en finalisant sur son laptop le set de la soirée.

Il nous raconte qu’il avait sept ans lorsque sa famille a quitté Londres pour s’installer à Penygroes, un petit village du comté de Gwynedd au pays de Galles. C’est là qu’il se lance dans l’apprentissage du gallois (ou Cymraeg) pour s’intégrer à son nouvel environnement. Quand il commence à écrire ses premiers textes de rap, il ne connaît presque personne qui rappe dans cette langue : « J’ai voulu écrire dans la langue que j’entendais quand j’étais gamin, explique le jeune homme de 23 ans, parce que les groupes de mon enfance faisaient du rock indépendant en gallois. Mais avant de me lancer, il fallait d’abord que j’arrive à bien rapper en anglais. »

Le jeune musicien peaufine son art du rap en parallèle de ses études à Londres, en regardant tout simplement des tutos YouTube lors de son temps libre. En utilisant la phonologie très particulière de la langue galloise, avec ses sons gutturaux et ses consonnes imprononçables (désignées scientifiquement par le terme « alvéolaires sourdes »), Sage parvient à créer un ovni musical, un son totalement nouveau inédit sur la scène rap internationale. Sa musique, qui mixe de l’anglais et du Cymraeg, des drill basslines et du welsh folk sur un phrasé percutant adouci par de belles mélodies, reflète parfaitement la diversité de ses influences, à la confluence du rap urbain et des collines verdoyantes de sa patrie.

Mais l’influence des Galles du nord sur la musique de Sage va bien au-delà de la langue : quand lui et sa famille arrivent à Penygroes, ils sont les seuls Noirs

du village et font face à une discrimination de la part des autres habitant·e·s. Certains vont même aller jusqu’à tagger des injures sur les murs de leur maison. Mais au lieu de se renfermer sur luimême et de rejeter son nouvel environnement, Sage décide de l’embrasser complètement, de s’ouvrir à la nouveauté pour inciter les autres à faire de même. C’est cette ouverture d’esprit qui l’a poussé à créer quelque chose de radicalement différent, un message d’optimisme et de pouvoir. Son dernier album, qu’il a baptisé King in the North (sorti en octobre 2022) et sa décision de rendre hommage à l’hymne gallois Yma o Hyd ont fait de ce jeune rappeur le chef de file d’un rap autochtone qui veut se distinguer de Londres et une figure emblématique de la nouvelle identité galloise.

« Quand j’avais sept ans, mon école nous a emmenés voir un spectacle de pantomime, et à la fin, ils ont joué Yma o Hyd (trad. Toujours debout, une chanson écrite par Dafydd Iwan en 1983, durant l’époque de Margaret Thatcher, ndlr) : j’ai vu les réactions que cette chanson suscitait dans le regard et le cœur des gens, même si je n’en comprenais pas les paroles. Dès que j’ai eu l’occasion de la chanter à mon tour, je savais que je voulais rendre hommage à une figure centrale de la culture galloise tout en montrant la personne que j’étais. »

Chaque année depuis 2007, le festival Sŵn envahit les clubs et les salles de concert de Cardiff : sur trois jours de programme intense, Sage et son acolyte gallois Luke RV sont les seuls rappeurs à figurer sur le line-up. Les deux ont bien

Héros local Sage Todz, juste avant son concert, veut promouvoir la scène hip-hop et rap galloise en chantant notamment en Cymraeg (nom gallois pour la langue du pays de Galles). « Dans

Welsh rap
les concerts à l’étranger, tout le monde ne sait pas que le pays de Galles existe. » Sage Todz 74 THE RED BULLETIN

Grands espoirs

« Je veux montrer au monde d’où je viens », dit Mace the Great, de Cardiff et star locale du grime (ici près du Principality Stadium de la ville).

l’intention de profiter de la scène pour présenter la diversité du rap local en invitant le plus d’artistes possible. Alors que l’heure d’entrée en scène se rapproche, les invités commencent à remplir le rooftop du Jacobs : MC Mace the Great, qui vient de jouer à guichets fermés dans un grand stade de Cardiff deux semaines auparavant, le drilleur Marino, suivi de Lloyd Lewis (du groupe Dom a Lloyd, un duo qui a remporté les Triskel Awards en 2023, un concours qui récompense les talents de la nouvelle scène galloise) et du DJ qui va passer le set préparé par Sage. Le dernier à arriver, c’est Lanks, le vidéaste de la soirée et soutien incontournable de la scène hip-hop locale.

« C’est assez petit, le pays de Galles, et Cardiff l’est plus encore, explique le rappeur Mace the Great, quinze ans de carrière au compteur. On a tous compris que c’était difficile de percer avec cette musique… Je ne veux pas parler de scène

londonienne, mais c’est vrai que la plupart des opportunités sont à Londres. C’est pour ça que le plus important pour nous, c’est d’arriver à enfoncer la porte pour que tout le monde puisse s’y engouffrer – peu importe que ce soit moi, Sage, Luke ou qui que ce soit, tant que la porte reste ouverte. »

Avec son sourire narquois scotché sur le visage et un sens de l’humour imparable, Mace est né et a grandi à Splott, dans la banlieue pauvre de Cardiff : « Je ne parle pas gallois, nous dit-il. Si je me fais kidnapper un jour par des truands qui ne parlent que cette langue, je serais peut-être en mesure de leur demander d’aller aux toilettes ou de leur dire que j’aime le foot, mais c’est tout. » Deux jours plus tôt, Mace nous avait donné rendezvous dans un parking surplombant le grand stade de Cardiff pour nous montrer la ville et nous emmener ensuite à la fête d’inauguration du Sŵn Festival.

L’artiste est un pionnier à bien des égards : il a été (entre autres) le premier rappeur gallois à être primé aux MOBO (pour Music Of Black Origins) Awards, le premier artiste gallois MOBO à faire partie du SXSW (prestigieux festival arts & tech à Austin, Texas) et le premier rappeur gallois à monter sur la scène du stade de Cardiff (Utilita Arena). « J’ai joué au Texas, à New York, à Glasgow, Rotterdam, tout ça grâce à la musique, dit-il. Toutes ces occasions… Ça n’a pas toujours été comme ça. »

Faire du rap au pays de Galles passe encore – mais bâtir une carrière de rappeur et gagner sa vie par la musique, c’est une autre histoire... Au bout de quelques années, Mace a fini par abandonner la musique pour prendre un boulot « normal » et nourrir sa famille. « Je bossais dans un bureau et je venais de devenir papa ; je venais de laisser tomber la musique… C’est là que j’écris la chanson Brave » Utilisant les sons emblématiques des jeux vidéo 90’s de sa jeunesse, M.Dot (son pseudo) se livre à brut, avec un refrain qui résonne comme un cri du cœur : “ Brave/God knows what I woulda done for a decent wage”. Sorti en 2020, le morceau lui donne le goût de continuer sur cette voie, avec un premier album sorti l’année suivante, My Side of the Bridge : un album qui parle de Cardiff et de ses décors post-industriels désolés, mais aussi de lui, des difficultés qui l’ont poussé à s’éloigner de la musique pour finalement le ramener à ses premières amours : le rap et le pays de Galles. « J’ai voulu montrer au reste du monde d’où je viens, explique-t-il. Ça veut dire un truc comme : “Hey ! Regardez, je suis là ! Je suis du pays de Galles !” »

Après des années de galère, les efforts de Mace ont fini par payer. Le concert au stade de Cardiff a été comme une revanche pour lui, mais aussi pour un autre rappeur, et pas n’importe lequel : Dizzee Rascal, le grand nom de la scène grime (un genre qui découle du rap, né dans les banlieues de Londres au début des années 2000, ndlr) à l’audience internationale. En 2010, Mace était venu participer,

« Ce qui se passe en ce moment, c’est un truc de
dingue – on
Mace the Great 76 THE RED BULLETIN
n’a jamais connu ça. »

accompagné de sa crew Flow Dem, à l’émission Must Be the Music – justement pour y faire du grime. Mais après avoir été recalés, l’un des membres du jury (le pionnier du grime, Dizzee Rascal luimême) était venu les voir dans les vestiaires pour les encourager à continuer. Treize ans plus tard, Mace a été choisi pour faire la première partie de son idole à Cardiff. « Ça fait des années que je fais ça mais tout ce qui se passe en moment, c’est un truc de dingue – jamais on a connu ça, raconte l’artiste gallois. Je dois parfois rappeler aux jeunes comment c’était avant : quand ils veulent annuler des concerts, je leur dis : “Hey bro, moi quand je débutais, j’aurais fait ça gratos !” » Sage a senti lui aussi le vent tourner ces dernières années : « Je ne peux pas dire quoi exactement, mais quelque chose a changé, dans le sens où maintenant, les gens veulent écouter cette musique. Il y a davantage de place pour montrer son identité, sa propre culturel. » La sortie des deux tubes de Sage, Rownd â Rownd et O Hyd, tous deux utilisant du Cymraeg (ou gallois) dans leurs textes, a certainement marqué une étape importante : « Il y avait bien quelques types qui le faisaient avant moi, genre vingt ans auparavant, mais ça n’a jamais vraiment marché. Et puis Marino a sorti [en 2022] My Blood, My Genes avec des parties en gallois, puis Dom a Lloyd. On a tous sorti notre truc en l’espace d’un mois. À l’époque, je ne les connaissais même pas. »

Lui et ses pairs ont été salués pour faire vivre, ou plutôt revivre, le Cymraeg, une langue qui a failli disparaître au tournant du siècle. « C’est Sage qu’il faut remercier, corrige Mace. Il s’est accroché pour apprendre la langue en partant de rien, et ce qu’il fait est vraiment différent, complètement inédit. »

Pour autant, l’accueil n’a pas été positif partout. L’an dernier, Sage était invité à se produire à l’Eisteddfod (le grand festival culturel qui a lieu chaque année dans le pays de Galles), mais le concert a finalement dû être annulé en raison du très strict règlement linguistique (Welsh only), puisque le rappeur utilise les deux langues dans ses chansons. Bien que ce fut une décision des organisateurs et de Sage, les journaux ont raconté le lendemain que le rappeur avait refusé de participer au festival – ce qui a déclenché des commentaires racistes sur les réseaux sociaux.

Une situation qui est devenue encore plus embarrassante lorsque l’un des présentateurs de la chaîne galloise S4C, en voulant parler de la polémique, a montré une photo de Mace en le confondant avec Sage Todz… Mace n’en revient toujours pas : « On ne se ressemble pas du tout ! Okay, on est noirs tous les deux, mais lui porte des lunettes et des dreads jusqu’aux épaules ! Jamais ils n’auraient commis une telle erreur avec un groupe d’indie rock : premièrement, ils n’y connaissent pas grand-chose à la scène rap, et deuxièmement, ils s’en foutent. »

Cet épisode a inspiré à Sage et Mace une réponse sous forme de chanson, un morceau de grime rap qui parle de la difficulté d’être noir au pays de Galles, avec des paroles qui font mouche, comme

“I’m Welsh any time I do well / But I’m still Black any time that I don’t ” – surtout quand elles sont chantées en direct à la télévision, comme ce fut le cas en octobre 2023 lors du Welsh Music Prize (un prix qui récompense les meilleurs artistes gallois). Dans un geste cathartique, Sage évoque dans ses couplets la complexité de son identité et les traumatismes de l’enfance : “I ain’t got much to lose / I already got hate crime sprayed on my yard” (« Je n’ai pas grand-chose à perdre, j’ai déjà vu des crimes de haine tagués dans ma cour »), ou encore des paroles comme “Ask my mumzy if it’s ever been hard to call a place home when they tell you, ’It’s ours’ / Ask my pops if he’s ever had stones smashed through his window when the night gets dark” (« Demandez

En route vers le succès Luke RV sur les bords de la rivière Taff à Cardiff – non loin du club où il s’est produit la première fois après son départ de Londres en 2019.

Welsh rap
THE RED BULLETIN 77
« Je représente le pays de Galles avec mon accent et ma ferté d’être gallois. » Luke RV
Welsh rap
Scène ouverte (de g. à dr.) Snow FTS, rappeur de Swansea, MC Fernquest de Newport, Marino partenaire pour O Hyd, Luke RV auteur de Driver’s Seat et Lloyd Lewis de Dom a Lloyd, photographiés après le concert de Luke lors du Sŵn Festival.
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Next generation

Zelo Jr, 18 ans, qui a fait la première partie de Sage lors d’un concert l’été dernier, fait partie d’une nouvelle vague de rappeurs gallois qui percent.

Une scène rap home made revendiquant son identité est en train d’émerger au pays de Galles.

à ma mère si c’est dur de se sentir chez soi quand on te dit : “Cet endroit nous appartient” / Demandez à mon père s’il a déjà entendu des caillasses balancées contre sa fenêtre à la nuit tombée »).

La question de l’identité galloise (la welshness en anglais) est un sujet encore très épineux : « Il y a une certaine crise d’identité », concède le rappeur Luke RV lorsqu’on le retrouve pendant sa pause déjeuner, la veille de son concert au Sŵn Festival. Comme tous les autres, Luke a un boulot classique en plus de faire de la musique : assis à la terrasse du NosDa Hostel & Bar, un club de concert sur les rives de la Taff (la rivière qui coule à Cardiff), le jeune homme de 23 ans parle avec un accent qui ondule comme les vallées de sa contrée natale : c’est un rappeur qui s’est approprié son propre style, une version mélodique du mouvement « alt rap » de Londres qu’il agrémente de ses pointes et de ses réflexions d’outsider. « Comment avoir du succès ici ? Il n’y a pas vraiment de modèle. [À Londres], on a un regard biaisé sur le pays de Galles – il n’y aurait ici que des moutons et des gens qui parlent avec l’accent de Bangor. Mais pour réussir ici, il faut parler gallois. Ça veut dire quoi pour des gens comme moi qui n’ont pas grandi avec ça ? Pas parce que j’avais le choix

mais parce qu’il n’y avait pas d’école où on l’enseignait : la langue a été rayée du pays du Galles. De mon côté, c’est par mon accent et ma fierté de me sentir gallois que je représente mon pays. »

Le morceau Driver’s Seat, qu’il a sorti l’an dernier avec la rappeuse galloise Juice Menace a été souvent repris sur la radio BBC 1Xtra, alors que les radios locales ne l’ont jamais diffusé : « Ils m’ont dit ouvertement qu’ils n’allaient pas passer ma musique parce que leurs auditeurs ont 40 ans et plus. Je leur ai répondu : “Franchement, vous croyez qu’il n’y a plus de jeunes au pays de Galles, ou quoi ?” » Il secoue la tête : « Il y a toujours cette tentation de partir pour Londres, mais les choses sont en train de bouger ici. »

Pour preuve, Driver’s Seat a été enregistré dans les locaux de Silkcrayon, un studio basé à Cardiff et spécialisé dans la promotion du hip-hop gallois. La devise du lieu, Pressure Makes Diamonds. Avec Silkcrayon, la scène a enfin sa base, son QG – un espace de création et de collaboration pour les rappeurs et rappeuses gallois·es. Après un premier studio ouvert en 2020, le succès a été tellement retentissant que Nathan Misra en a ouvert un deuxième à l’ouest de Cardiff. Un résultat qui incite de plus en plus les artistes à revenir au pays.

Juice Menace représente toujours malgré son move à Londres : en 2023, son track a été l’hymne de l’équipe féminine galloise lors de la World Cup.

Juice Menace est l’une des artistes rap les plus importantes du Royaume-Uni : repérée très tôt par Warner Music, elle a participé à de nombreux festivals en Europe, de Berlin à Glasgow. En 2023, elle compose For Her, un morceau qui devient l’hymne de l’équipe féminine de foot pour le pays de Galles, pendant la Coupe du monde. À 23 ans, elle habite désormais à Londres après avoir fait la navette entre sa région et la capitale pendant des années, pour les besoins de son métier. « Le fait de me considérer comme un petit poisson dans l’océan m’a poussée à bosser encore plus dur. »

Mais quand il a fallu enregistrer un nouvel album en 2020, la chanteuse rap a choisi de le faire à Silkcrayon : « En tant qu’artiste, on fait partie d’une scène – et dans mon cas, c’est la scène musicale de Cardiff. » Le fait d’être l’une des rares femmes à faire du rap au pays de Galles n’est pas toujours facile et elle ressent encore plus que ses collègues mâles le manque de mentors et de modèles : « Je mentirais si je disais que ce n’est pas frustrant, mais c’est ça qui me motive justement. »

Des artistes comme Sage, Mace et Luke ont pris la décision de rester au pays : « Jamais les choses ne bougeront si chacun d’entre nous part à Londres dès qu’il rencontre un peu de succès, explique Mace. Évidemment, où que tu sois, tu représentes toujours l’endroit d’où tu viens. Mais je sens que je peux davantage aider Cardiff si je reste à Cardiff. »

Sur la scène du Jacobs, Sage est train de conquérir le public avec son rap mordant et agressif. C’est l’un des derniers concerts du Sŵn Festival et la foule est massée autour du rappeur qui lui délivre en final son O Hyd, le morceau qu’il a joué à Paris l’an dernier. Mais cette fois, les mots Dani yma yma! semblent revêtir un sens encore plus fort. Au centre du public, Zelo Jr (jeune rappeur de 18 ans à la mise impeccable), se tient face à la scène et reprend le refrain de la chanson. Des mots qui résonnent tout particulièrement pour cette nouvelle génération d’artistes gallois : ils sont nés ici et sont bien décidés à y faire carrière. Plus besoin de regarder du côté de Londres pour connaître le succès : les Gallois sont là.

macethegreat.com ; silkcrayon.com ; Instagram : @manliketodz ; @lukervv; @juicemenace

Welsh rap
Guerrière
THE RED BULLETIN 81 FOOTBALL ASSOCIATION OF WALES

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PERSPECTIVES

Expériences et équipements pour une vie améliorée

ON MET LES VOILES !

Du vent, de l’eau, et le sens de la fête : filez à Barcelone.

83 ALEX CARABI/AMERICA’S CUP
« J’étais très surpris de constater combien les mouvements du bateau étaient lisses et stables. »

Difcile de dire quand exactement Barcelone est devenue une cité de la voile. On retrouve ses traces au IIIe siècle avant J.-C, c’était alors une colonie romaine baptisée « Barcino » qui abritait un village de pêcheurs prospère. Depuis, la voile comme mode de transport essentiel a fait place à une activité sportive et de loisirs, et la capitale catalane est désormais l’une des villes portuaires les plus animées d’Europe. En contemplant la scintillante mer méditerranéenne, on réalise que les voiliers fniront bientôt par voler. Ils ne volent pas vraiment, bien entendu, mais lorsque ces

éclatants vaisseaux de 22 mètres de long flent dans les airs à environ 90 km/h, le gouvernail et les ailes (oui, je dis bien les ailes) semblent à peine efeurer les eaux.

L’AC75 est l’un des voiliers les plus modernes parmi ceux qui participeront à la 37e America’s Cup en octobre 2024. Cet événement sportif accompagne l’histoire de la voile depuis bien longtemps : doyenne des compétitions sportives internationales actuelles (la première édition remonte à 1851), c’est grâce à elle que se sont développées la plupart des innovations technologiques dans l’univers de la compétition sportive nautique.

L’AC75 représente l’apogée de toutes

PERSPECTIVES voyage
84 THE RED BULLETIN

37 e America’s Cup

Assister à la plus grande course de voile au monde

Lieu : Village de l’America’s Cup, Port Vell, Moll de la Fusta, Barcelone. Entrée gratuite.

Dates : 22 août cérémonie d’ouverture

22 au 25 août régates préliminaires

29 août au 7 octobre

Coupe Louis Vuitton (Coupe des challengers) 12 au 27 octobre duel pour la 37 e America’s Cup Louis Vuitton americascup.com

ces années d’évolution avec son monocoque à foils en fbre de carbone et sa propulsion « à l’ancienne » à la force du vent et des muscles.

Quatre membres de l’équipage forment le Power Groupe (groupe de force). Également appelés « cyclors », ces derniers pédalent à toute vitesse sur des engins faisant ofce de treuils pour activer le système hydraulique et régler les voiles tout en maintenant la coque hors de l’eau. Les quatre autres se partagent les tâches de barreur, trimmer et pilote. Le neuvième équipier présent à bord est lui aussi un habitué de la vitesse, mais sur d’autres terrains : Dani Pedrosa, pilote

Comment s’y rendre

En voiture, en train, en bus ou en avion… Barcelone est très facilement accessible depuis tous les coins de France.

de moto et multiple champion de Moto GP, a été invité aujourd’hui à prêter main forte à l’Alinghi Red Bull Racing, équipe venue de Suisse qui participera cette année pour la première fois à l’America’s Cup. Le monocoque accoste au port Moll d’Espanya et Pedrosa en descend avec un large sourire aux lèvres. Il a vécu quelques-uns des plus grands moments de sa carrière sportive ici, sur le circuit de Barcelona-Catalunya et est passionné de sports nautiques. « Il y a quelques bons spots dans le coin, comme Castelldefels au sud ou Gérone au nord, mais il n’y a pas beaucoup de vent, donc le foil reste la meilleure option. » Il n’hésite pas à

PERSPECTIVES voyage
Le port de Barcelone, où se trouve la base d’Alinghi Red Bull Racing (ci-contre). L’AC75 Alinghi Red Bull Racing survole la Méditerranée au large de Barcelone (ci-dessus). Dani Pedrosa en visite à l’équipe (en bas).
THE RED BULLETIN 85 ADOBE STOCK, OLAF PIGNATARO/ALINGHI RED BULL RACING/RED BULL CONTENT POOL, ROBERTO ALEGRIA

Faire la fête et se détendre : sur la plage, on peut faire les deux . Les navigateurs pros Franco Noti et Barnabé Delarze explorent la plage et la promenade à vélo.

comparer sa propre expérience à celle de l’AC75. « En général, les foils sont super sensibles, ça tangue dans tous les sens. J’étais très surpris de constater combien les mouvements du bateau étaient lisses et stables. Et la maîtrise de l’équipage est vraiment impressionnante. »

Le modèle sur lequel Pedrosa est monté est un bateau d’entraînement, le proto-

Autour de l’America’s Cup

S’occuper pendant un séjour à Barcelone.

Visiter : MMB

Quoi de mieux qu’une visite du Museu Marítim de Barcelone dans une ancienne cale sèche pour parfaire vos connaissances nautiques avant la course ? mmb.cat

Manger : Sal Mar

Profitez d’un moment de détente en terrasse avec vue sur la plage et sur la course en dégustant des fruits de mer locaux et une bonne sangria. restaurantsalmar.com

Sortir : Bobby’s Free Découvrez ce petit bar bien caché derrière la façade d’un salon de coiffure des années 1930. Les martinis sont à tomber ! bobbysfree.com

type fnal sera quant à lui conçu à partir de zéro, des voiles au gréement en passant par les vis et les boulons. Les cyclors se dirigent eux aussi vers le bâtiment. Originaires de Suisse, ils ont choisi de déménager tous ensemble à Barcelone pour les besoins de la compétition. Ancien rameur olympique originaire de Lausanne, Barnabé Delarze habite ici depuis août 2022. « Je suis immédiatement tombé amoureux de la ville, on peut y faire du vélo, du jogging le long de la plage, du beachvolley et tout le monde fait du padel. Barcelone est une ville très sportive. »

Ancien champion du monde de catamaran à foils, Nils Theuninck a quitté sa commune de Pully pour Barcelone à la même époque que Delarze. « À vélo, j’adore suivre la route qui monte au Tibidabo, raconte-t-il en pointant la colline qui domine la ville au nord-ouest. Il y a plein de petites rues qui descendent en bordure de Barcelone à travers les montagnes et les forêts du parc naturel de Collserola jusqu’à la ville de Cervelló. »

Un troisième cyclor vient d’arriver en ville. Originaire de Berne, « petite ville de 150 000 habitant·e·s avec autant d’énergie qu’une capitale », Franco Noti adore Barcelone : « Ce qui me plaît le plus ici, c’est les fans de skate à tous les coins de rue, et je peux aller au stade voir les matches du FC Barcelone. Quand on a la chance d’habiter dans la ville d’un des plus grands clubs de foot, il faut en profter. » En accueillant les Jeux olympiques d’été en 1992, Barcelone s’est imposée comme une capitale incontournable du sport mondial. « Les JO ont changé le visage de Barcelone et je pense que la ville va vraiment se mettre en quatre pour l’America’s Cup. » L’euphorie atteindra son apogée en août lors de la dernière régate préliminaire puis de la Coupe Louis Vuitton (séries de sélections des challengers) qui décidera quelle équipe aura le privilège de défer les détenteurs du trophée, la Team Emirates (NouvelleZélande), en octobre. « Ça fait déjà un buzz énorme, il va y avoir du monde partout, et pas seulement sur l’eau, prévoit Theuninck. Pour moi c’est un immense honneur de savoir que tant de personnes viennent ici juste pour nous voir. Je suis prêt à donner le meilleur de moi-même. »

D’ici là, Alinghi Red Bull Racing n’aura pas beaucoup de répit. L’équipe n’a pas vraiment eu le temps de découvrir Barcelone by night. Mais en cas de victoire, tous répondent en chœur que la ville devra se préparer à la plus grande fête de tous les temps. Et Pedrosa sait comment on fête les victoires ici.

PERSPECTIVES voyage
86 THE RED BULLETIN SAMO VIDIC/ALINGHI RED BULL RACING/RED BULL CONTENT POOL, ADOBE STOCK, ROBERTO ALEGRIA TOM GUISE
Nils Theuninck, Franco Noti et Barnabé Delarze sur la terrasse du restau Casa Costa.

HORS DU COMMUN

Retrouvez votre prochain numéro en juin en abonnement avec et avec , dans une sélection de points de distribution et sur abonnement.

JAANUS REE/RED BULL CONTENT POOL

TECHNOLOGIE

Lapin malin de poche

Tapez la phrase « que donnerait le croisement entre Siri et Terminator » dans un générateur d’images IA et vous obtiendrez probablement le Rabbit R1. Un assistant plutôt malin.

Ceci est un assistant vocal de poche avec écran tactile, molette de déflement et bouton de saisie vocale lancé par une startup d’IA, Rabbit, et son fondateur Jesse Lyu. Utilisant le modèle de langage (LLM) GPT-4 d’Open AI, il est capable de comprendre des phrases complexes, d’y répondre oralement ou par afchage sur écran et dispose

d’un large modèle d’action (LAM) qui peut exécuter des tâches dans le monde réel via toutes les applications que vous utilisez déjà.

Vous voulez rentrer chez vous ? Il commande un Uber à votre place. Vous êtes en déplacement la semaine prochaine ? Il réserve vos vols, votre hôtel et même vos dîners. L’itinéraire ne vous plaît

La caméra à 180° permet, entre autres, de passer des appels vidéo. Elle s’éteint en position couchée pour empêcher votre miniassistant de vous espionner.

pas ? Dites-le lui, il y apportera les modifs nécessaires. Et en plus, il apprend. Pointez la caméra sur une tâche que vous efectuez sur votre ordinateur et le R1 pourra l’assimiler. Oui, même une liste Excel. Un appareil digne d’un flm de science-fction anxiogène, sauf que nous sommes en pleine réalité… rabbit.tech

PERSPECTIVES matos
88 THE RED BULLETIN RABBIT TOM GUISE
Le R1 est une collab avec Teenage Engineering (de vraies personnes en Suède).

PRÊTS À RETOURNER LE GAME ?

Pour votre santé, pratiquez une activité physique régulière. www.mangerbouger.fr

SCANNE ET TENTE DE GAGNER TA LAN PARTY

GARDER

LA FORME

Chevaliers du virtuel

Si les pilotes esport sont sédentaires, leur forme physique rejoint celle des athlètes de haut-niveau. Et leurs conseils pour garder la forme peuvent servir à qui que ce soit.

Des semaines de travail de cinq jours, plus de huit heures quotidiennes devant l’écran, de mini-pauses… la vie d’un pilote virtuel pro ressemble un peu à la nôtre, mais avec le stress et la fatigue corporelle qu’elle engendre, elle est plutôt comparable à celle d’un véritable pilote de Formule 1.

« Grâce à leur équipement, nos pilotes virtuels reçoivent pas mal de retours » explique Lewis Paris, entraîneur de l’équipe esport d’Oracle Red Bull Racing. Ils font des séances de préhension pour mieux tenir le volant pendant les longues heures de courses virtuelles et des exercices sur une jambe pour corriger le déséquilibre causé par une pédale de frein pouvant simuler jusqu’à 200 kilos de force. Mais l’essentiel est de neutraliser les douleurs causées par une position assise prolongée : élancements aux épaules, aux hanches et dans le bas du dos. Ça vous parle ?

« Mon but est de corriger leur position assise au quotidien en développant leur posture, leur mobilité, et en activant leurs muscles », précise Paris. Le Londonien a commencé à travailler avec l’équipe en 2021, notamment avec le Britannique Sebastian Job, 23 ans, actuellement en tête de la Porsche Esports Carrera Cup de Grande-Bretagne et de la Porsche TAG Heuer Esports Supercup. Pour en faire des pilotes encore plus compétitifs, Paris

a développé un programme basé sur les dernières avancées en matière de ftness...

Activation musculaire

Avant de passer en mode sim, les pilotes efectuent une série d’étirements (voir cicontre) pour engager les muscles postérieurs. « Tout ce qui est visible, poitrine, quadriceps, abdos, nous tire vers l’avant, donc on va plutôt se concentrer sur les muscles qu’on ne voit pas », explique Paris. Ses exercices d’activation permettent de faire circuler le sang vers l’ensemble de muscles qui maintiennent les pilotes droits et de soulager la pression sur la colonne vertébrale et le bas du dos. « C’est aussi bon pour le mental et rester en état d’alerte pour rentrer directement dans la course sans passer par l’échaufement. »

Mieux respirer

« Respirer par le nez permet d’inspirer plus profondément et de mieux détendre son diaphragme », nous dit Paris. Il ajoute que contracter ses abdos quand on expire l’air des poumons active la sangle abdominale et soulage énormément la pression sur le bas du dos. Des recherches montrent que le fait de respirer par le nez ofre d’autres d’avantages ‒ notamment une augmentation de 10 à 20 % de l’apport en oxygène, et aide le corps à temporiser et à se détendre.

Coucher le soleil

La lumière bleue des écrans fait « croire à l’organisme que le soleil est encore levé et qu’il faut rester actifs ». Mais comment faire quand une course virtuelle a lieu de par le monde jusqu’au petit matin ? Certains comme Job portent des lunettes qui bloquent la lumière bleue quand ils pilotent après la tombée de la nuit : on imite ainsi le cycle du soleil et on évite de rester trop éveillé post-compétition. « Les pilotes dorment mieux et seront d’autant plus performants le lendemain. » lewisparisftness.com

TRAVAIL EN SOUPLESSE

Pour rester en pole position toute la journée, rien de mieux que les étirements sur chaise de Paris (ici à droite ave Sebastian Job, pilote esport d’Oracle Red Bull Racing).

PERSPECTIVES fitness 90 THE RED BULLETIN

Épaules détendues

S’asseoir sur le bord de la chaise, genoux joints. Se pencher en avant pour que la poitrine touche les cuisses et la tête les genoux. Plier les bras derrière le dos, une main sur l’autre. Faire comme si on amenait les coudes vers les cuisses, maintenir l’effort pendant 30 secondes.

Glorieux menton

Décoller les épaules le plus possible du cou, imaginer un crayon qui dépasse du menton et essayer de tracer le plus grand cercle possible. Prendre cinq à huit secondes pour dessiner chaque cercle. Faire cinq rotations puis répéter le mouvement en sens inverse.

Activation des fessiers

Cheville gauche sur le genou droit, main gauche sur le genou gauche et main droite sur la cheville gauche : exercer une légère pression sur le genou gauche tout en tirant la poitrine vers le haut. Respirer profondément et expirer 30 secondes puis changer de côté et répéter l’exercice.

THE RED BULLETIN 91 ANDY PARSONS CHARLIE ALLENBY
Ces heures sur un simulateur de course peuvent impacter la santé d’un pilote virtuel comme Job.

Mode course

Voyez notre séléction d’accessoires légers et confortables qui vont vous donner envie de reprendre les courses à l’air libre.

Texte LA RÉDACTION

AMORTI TURBO

ASICS METASPEED SKY PARIS

Cette chaussure unisexe nous a fait craquer : semelle incurvée pour économiser de l’énergie à chaque foulée et caoutchouc extérieur AsicsGrip™ pour toujours plus d’adhérence. 250 €; asics.com

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L’écran tactile AMOLED haute résolution vous permet d’accéder facilement à vos données de vitesse, distance, rythme cardiaque et plus. Autonomie de onze jours minimum ! À partir de 279,99 €; garmin.com

MÉGA SOUPLESSE

BROOKS GLYCERIN 21

Une chaussure de course pour hommes équipée d’une semelle intermédiaire innovante infusée d’azote pour encore plus de souplesse et d’amorti à chaque foulée. 180 €; brooksrunning.com

PERSPECTIVES matos 92 THE RED BULLETIN

Autant

de modèles

de

souliers

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course que de technologies : à vous de choisir.

ADIEU, CHEVEUX EN PÉTARD BUFF SPEED CAP

Ultralégère et compacte : cette casquette unisexe se plie sans perdre sa forme. Taille unique et réglable à l’infini pour faire du sport en toute décontraction. 29,95 €; buff.com

La Cloudmonster 2 assure des poussées explosives et des atterrissages en douceur.

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ON réinvente la légendaire chaussure de course à pied : issu de la technologie suisse, le système d’amorti CloudTec® offre plus de confort et de maintien pour courir avec toujours plus d’efficacité. 189,95 €; on.com

PERSPECTIVES matos
THE RED BULLETIN 93

LÉGÈRETÉ, STYLE, PERFORMANCE

SALOMON INDEX.03

La toute nouvelle INDEX.03 ne prend pas ses objectifs de durabilité et de performance à la légère : intégration d’une semelle intermédiaire et partie supérieure modifiée pour plus de confort. 150 €; salomon.com

Salomon présente la dernière version de la chaussure de course sur route recyclable INDEX.03.

ALLROUNDER SUR LES TRAILS

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Un modèle pour hommes qui convainc dans tous les environnements avec confort, stabilité et protection. Terrain technique ou descente rapide, cette arme polyvalente vous permet de passer un bon moment. 180 €; dynafit.com

BIENVENUE DANS LA MATRYX

MERRELL

TRAILRUNNING

LONG

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Une chaussure appréciée des athlètes de haut-niveau en compétition. La partie supérieure est composée d’un tissu Matryx renforcé de Kevlar pour durer plus longtemps sans se déformer. 170 €; merrell.com

PERSPECTIVES matos 94 THE RED BULLETIN
Tout a été pensé pour le confort et la longevité de votre partenaire numéro 1 : vos pieds.

TOUT POUR LA VITESSE

SCOTT KINABALU 3

Avec sa construction en matériau imperméable et sa semelle extérieure polyvalente pour trails, la chaussure de course Gore­Tex offre un amorti maximal. 179,95 €; scott­sports.com

RÉVOLUTION POUR L’ULTRA-TRAIL

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Chaque détail est pensé pour répondre à la plus grande exigeance : plus d’espace pour les orteils, dessus respirant, ergonomie optimale pour une stabilité et une protection accrues. 160 €; lasportiva.com

SOUS PRESSION CHAUSSETTES DE COURSE POUR HOMMES STOX

Courir plus longtemps, récupérer plus vite : grâce à la technologie de compression, les chaussettes Stox restent sèches et réduisent les risques d’inflammation du tibia et de fatigue musculaire. 49,95 €; stoxenergy.com

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Une gourde avec joint en silicone anti-fuite, lavage à la main recommandé.

PERSPECTIVES matos
THE RED BULLETIN 95
SSD & microSD BIEN VOIR. BIEN ÊTRE.

À NE PAS MANQUER

Déjà dispo

100 % COLLAB

Le programme Red Bull Sur Mesure évolue vers une proposition musicale surprenante, avec, toujours, cet esprit de rencontre et de collaboration. Pour le lancement de cette « nouvelle formule », nous retrouvons Tuerie (guest du TRB daté novembre) et YellowStraps sur une prod’ aux accents pop et indie de P.Prod et Jalam 88, le tout hosté par KronoMusik. Déjà dispo ! @RedBullBinks

MENTIONS LÉGALES

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Andreas Kornhofer

Rédacteur en chef

Andreas Rottenschlager

Directeur exécutif de la création

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Les fous du volant de la Course Red Bull Caisses à Savon sont de retour pour une compétition déjantée et familiale à vivre le 2 juin à Toulouse (sur la colline de Pech-David).

Les équipages engagés se démarqueront par leur créativité, leur pilotage... et en dansant. L’entrée est gratuite !

À suivre en direct sur la chaîne L’Équipe ; redbull.com

Directeurs généraux

Dietmar Otti, Christopher Reindl, Marcus Weber

THE RED BULLETIN USA ISSN 2308-586X

Rédaction

Peter Flax (dir.), Melissa Gordon, Nora O’Donnell

Country project management

Branden Peters

À
juin
FOND LA CAISSE (À SAVON) !
2 THE RED BULLETIN 97 CYRIL CHARLES, JULIEN BLANC/RED BULL CONTENT POOL

Plutôt 106 fois qu’une

C’est en forgeant qu’on devient forgeron. Peu de gens le savent aussi viscéralement que le triple champion de wakeskate Brian Grubb, surtout après avoir réussi le projet appelé WakeBASE, dans lequel il a effectué un saut combinant le wakeskate au BASE depuis la piscine à débordement la plus haute au monde. Un clip visionné plus de 350 millions de fois en deux mois. Sur cette photo spectaculaire prise en « coulisses », on voit Grubb en chute libre, effectuant un dernier saut d’entraînement du haut de l’Address Beach Resort de Dubaï, à 294 m de hauteur, la veille de son exploit record, en décembre dernier. Au total, il a effectué 106 sauts d’entraînement BASE.

Le prochain THE RED BULLETIN sortira le 13 juin 2024

POUR FINIR EN BEAUTÉ
98 THE RED BULLETIN JOERG MITTER/RED BULL CONTENT POOL

Elles sont comme ça, nos lunettes de vue et de soleil Red Bull Spect Eyewear : polyvalentes. Et voilà, maintenant, vous n’avez plus qu’à

Des lunettes pour sauter d’un avion, et même s’assoir en terrasse lunettes pour sauter s’assoir

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