The Red Bulletin Mai 2017 - FR

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« MON COURANT, C’EST DU RAP’N’ROLL, DU RAP ALTERNATIF, DU HARD METAL RAP ! » rappelle. Avant ça, en CM2, je pars en classe de neige avec Le monde de demain, le premier maxi de NTM. Et mes frères, eux, écoutent les Sex Pistols, The Clash, Ramones, The Exploited... Punk’s not dead! Baigner dans cette culture, faite de hiphop et de punk, ça vous a apporté quoi, artistiquement, humainement ? Finalement, c’est le courant alternatif du punk qui passe le relais au rap. L’utilisation des boîtes à rythmes par les punk français comme les Béru, les paroles anti FN, ce sont les prémices du rap français. On parle des classes prolétaires, de marginalité, de rébellion, des réfractaires au système, des rebelles qui chantent un message anti-police, anti-armée, antilobotomie, avec tous ces gens sous tranquillisants dans des hôpitaux psychiatriques. Le message est lourd de force ! Ce sont eux les premiers rappeurs. Chez les punks français comme chez les premiers rappeurs français, il y a un autre point commun : leur approche humoristique. Seth Gueko est un colosse d’humour. Au début, dans le rap français, l’humour ne se développe pas trop, cette approche je l’ai sentie pour la première fois avec le groupe IAM, l’album Ombre est lumière, quand ils faisaient des déconnes. Le rap reste super sérieux. C’est pour cela que quand j’arrive avec mes trucs tellement hardcore, les gens comprennent que je suis dans la déconne, c’est une surenchère de fou, de la « métagore », des trucs ultra-abusés. C’est important d’aller plus loin que les autres, de pousser ce concept de la rime qui choque ? L’auditoire doit comprendre que c’est du décalé ? C’est du cinéma. Pour faire un bon film d’horreur marquant, tu dois trouver les nouvelles morts pas encore montrées, pour que les gens se disent « ouah » ! C’est pour cela que la série des films Saw, ou les Destination finale ont si bien marché : parce qu’ils montraient des concepts de nouvelles morts, de nouvelles façons de mourir à l’écran que personne n’avait vues. Une surenchère ? Une surenchère de la mort ! Mes punchlines, c’était pareil.

Pourtant, au départ, elles vous servaient aussi à draguer des filles... C’est un travail de séduction ! Séduire les gens pour qu’ils t’apprécient, pour être le gendre idéal. Si j’arrive chez ma copine avec ma petite dégaine de mec de cité, il faut bien que j’arrive à séduire les parents. Il faut être accepté, car c’est dur d’intégrer des groupes. Tu as envie que les gens t’aiment bien, donc la première image que tu donnes de toi, c’est important. On est dans la séduction permanente. Je veux séduire mon public, je veux séduire les médias... ou ne pas séduire, car je peux aussi me mettre dans une carapace, « fuck, je m’en fous de les séduire, accepte-moi comme je suis ». Dans ce cas, tu agis d’abord en caméléon qui se fond dans la masse, et tu peux détruire le système de l’intérieur. Mais vous avez monté votre concept à un tel niveau que vos fans ne se contenteront pas d’un Gueko « tiède »… Ça me challenge ! Comment fait-on pour ne jamais être à court de bonnes punchlines, toujours plus lourdes, de bonnes rimes ? La source Gueko ne se tarit donc jamais ? Il y a tellement de références, de films, de livres, de philosophes, tellement de trucs... Ma culture ne tourne pas autour d’une chose unique. J’ai la chance de pouvoir aller puiser dans le punk, dans le Professeur Choron. Plus jeune, je lisais Fluide Glacial, Psikopat, les enfants ne lisaient pas ça, ils lisaient Tintin. Je lisais Mad Movies, L’Écran Fantastique, c’était très riche. Et comme beaucoup de gens ne connaissent pas tout ça, je pouvais même reprendre une punchline de quelqu’un, la remettre dans un texte et faire ça pendant des millénaires,


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