The Red Bulletin CF Hiver 22/23

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HORS DU COMMUN SUISSE, 3,80 CHF HIVER 2022/23 ABONNEZ-VOUS DÈS MAINTENANT getredbulletin.ch QUAND L’HIVER S’EST MIS À VOLER Entre poudreuse, partys et esprit pionnier : retour sur les folles annĂ©es du snowboard
JULIAN ZIGERLI / BJÖRK / RETO GURTNER / DANITSA & DIMEH / MATHILDE GREMAUD

de nos propres limites ? C’est l’état d’esprit Ă  l’origine de la marque TUDOR, le mĂȘme qui habite les femmes et les hommes qui portent ces montres. Sans eux, il n’y aurait ni histoires, ni lĂ©gendes, ni victoires. C’est l’état d’esprit qui donne chaque jour Ă  l’envie de se chaque montre TUDOR. Certains se contentent de suivre. D’autres sont nĂ©s pour

RANGER

VOUS AVEZ

VU MISRA ?

Que doit l’as du freeski Eileen Gu (les mains pleines d’or aux derniers JO) Ă  Misra Torniainen, l’homme Ă  cĂŽtĂ© d’elle ? Page 68

TÊTE FROIDE, CƒUR CHAUD BIENVENUE

Ils et elles conservent la tĂȘte froide mais ont le cƓur chaud : nos hĂŽtes de ce numĂ©ro d’hiver sont des passionné·e·s de leur discipline, qui gardent la tĂȘte sur les Ă©paules dans toutes les situations, et qui ne craignent pas le froid. Notre sujet de couverture, par exemple, est le fruit des tĂ©moignages photographiques de Patrick Armbruster. Il nous propose un retour sur les annĂ©es folles du snowboard, Ă  une Ă©poque oĂč ce dernier Ă©tait encore synonyme de rĂ©volte contre l’establish ment du ski, page 20. Dans le mĂȘme ordre d’idĂ©es, le pion nier des sports d’hiver Reto Gurtner nous raconte, en page 32, comment il a fait venir le snowboard en Suisse –et le rapport avec la Californie. Page 48, la Finlandaise Johanna Nordblad, quant Ă  elle, prĂ©fĂšre admirer l’hiver par en-dessous : son truc, c’est de plonger sous la glace des lacs gelĂ©s, sans se hĂąter, pour briser des records.

Bonne lecture !

La Rédaction

PATRICK ARMBRUSTER

Le chroniqueur de l’heure zĂ©ro : en tant que photographe, il baigne dans la scĂšne du snowboard depuis les annĂ©es 90.

Page 20

XXIIe

siĂšcle, c’est l’époque Ă  laquelle se dĂ©roule l’action de Avatar : La voie de l’eau. Tous les chiffres relatifs au film page 14.

L’ART

DE BIEN RESPIRER!

Perdre ses kilos superflus en s’allongeant sur le dos ? C’est possible ! Page 80

ÉDITORIAL
THE RED BULLETIN 3
ARMBRUSTER (COUVERTURE), SASCHA BIERL
PATRICK
BMW M3 Touring, 375 kW (510 ch), Ă©missions de CO2 de 235 g/km*, catĂ©gorie de rendement Ă©nergĂ©tique G. Prix d‘achat au comptant: CHF 127 400.– *DonnĂ©es provisoires

THE NEW TOURING

CONTENUS

The

SUJET DE COUVERTURE

20 ESPRITS REBELLES

Au dĂ©but du millĂ©naire, les adeptes du snowboard ont rĂ©volutionnĂ© les sports d’hiver. TĂ©moignage en photos.

MUSIQUE 58 SUDAN ARCHIVES

La musicienne amĂ©ricaine est trĂšs inspirĂ©e pour dĂ©pous siĂ©rer l’image du violon.

FREESTYLE

68 MISRA TORNIAINEN

Il a formé les plus grandes stars de ski freestyle au monde. Comment fait il ?

SNOWBOARD

32 RETO GURTNER

Ce visionnaire de 62 ans a lancé le mouvement du snowboard chez lui, en Suisse.

MUSIQUE 34 BJÖRK

L’icîne de la pop islandaise est un troll. Comme chacun et chacune d’entre nous, dit elle.

MUSIQUE

36 PAMELIA STICKNEY

La musicienne américaine envoûte le monde de la pop
 avec son thérémine.

MODE

38 JULIAN ZIGERLI

Le jeune entrepreneur suisse a conquis la scùne de la mode sans faire de maniùres


PLONGÉE LIBRE

48 À BOUT DE SOUFFLE

Johanna Nordblad plonge sous la glace, pendant 103 m, sans combinaison de plongée.

PERSPECTIVES

Expériences pour une vie amélorée

75 VOYAGE. Avec le kayakiste pro Aniol Serrasolses en Patagonie. 80 BIOHACKING. Retenir son souffle pour allĂ©ger le corps et l’esprit. 82 MONTRES. À l’eau avec la Tag Heuer Aquaracer Professional 200. 83 PLAYLIST. Les titres prĂ©fĂ©rĂ©s de Sharleen Spiteri, du groupe Texas. 84

LE COIN LECTURE. L’univers du Nordic Noir avec Jo NesbĂž. 86 GAMING. Rembleverse, dernier jeu de battle royal en date. 87 MATOS. Restez en contact avec vos amis sur les pistes. 88 AGENDA. SĂ©lection des Ă©vĂ©ne ments Ă  ne pas rater. 90

RED BULL SOUNDCLASH. Danitsa ou Di-Meh : qui gagnera la plus grosse battle de hip-hop ? 92 BOULEVARD DES HÉROÏNES. L’histoire de ClĂ€renore Stinnes, premiĂšre femme pilote automobile.

TRAIT DE LA FIN 8

VOUS PLAÎT

LE TÉMOIN Les photos de Patrick Armbruster reviennent sur l’époque culte du snowboard.

L’AUDACIEUX Ses looks et son humour dĂ©calĂ©s ont fait de Julian Zigerli un designeur en vogue.

L’ALCHIMISTE Le coach Misra Torniainen apporte l’or à celles et ceux qui l’approchent.

38 20
68
96 OURS 98
Red Bulletin hiver 2022/23 16 LE MOMENT PHILO 18 OBJET TROUVÉ
LE
GALERIE 14 L’ADDITION, S’IL
!
6 THE RED BULLETIN
PATRICK ARMBRUSTER, PHILIPP MUELLER, LUKAS MAEDER, ELINA MANNINEN

LA VIE AU RALENTI

Sous la surface de l’eau glacĂ©e, le cƓur de Johanna Nordblad bat plus doucement.

48 THE RED BULLETIN 7

Compte Ă  rebours avant

CUP Décollage

Un monocoque Ă  foils AC75 s’élĂšve hors des eaux de la MĂ©diterranĂ©e lors d’un essai en octobre. Voici le BoatZero, le bateau d’entraĂźnement d’Alinghi Red Bull Racing, un challenger pour la 37 e America’s Cup en 2024. L’évĂ©nement sportif le plus ancien au monde (fondĂ© en 1851), apogĂ©e des courses de voiliers, attire les meilleurs marins et repousse les limites de l’ingĂ©nierie de la voile. Alinghi connaĂźt bien le sujet, puisqu’elle a gagnĂ© en 2003 et 2007, mais aujourd’hui, l’équipe suisse revient dans la mĂȘlĂ©e avec un partenaire rĂ©putĂ© pour ses perfor mances dans un autre sport de pointe la F1 et navigue sous la banniĂšre du yacht club SociĂ©tĂ© Nautique de GenĂšve. L’entrĂ©e en matiĂšre n’a pas Ă©tĂ© aisĂ©e (le bateau a chavirĂ© lors de sa premiĂšre sortie quelques semaines plus tĂŽt) mais le barreur Arnaud Psarofaghis est convaincu du potentiel de son monocoque et de son Ă©quipage. « Depuis cette session d’entraĂźnement, l’équipe a progressĂ©, Ă  tous les niveaux », dit-il. americascup.com

L’AMERICA’S
9 SAMO VIDIC/RED BULL CONTENT POOL TOM GUISE

Noir, c’est noir

Pour nuancer l’obscuritĂ©, il faut de la lumiĂšre. C’est la raison pour laquelle le photographe Andrew Dixon a placĂ© dix stroboscopes autour de son modĂšle, l’as du BMX Joshny Babu. Il s’agit de machines Ă  flashes qui s’allument Ă  intervalles rĂ©gu liers. Dixon : « Il nous a fallu d’innom brables essais avant que le rĂ©glage ne soit parfait. » Sa mise en scĂšne a Ă©tĂ© rĂ©com pensĂ©e par une place de demi-finaliste au concours de photographie Red Bull Illume. adixonphoto.com ; redbullillume.com

WOODWARD, PENNSYLVANIE, USA

MEXICO, MEXIQUE

Point de vue

En tant que photographe de concert, Luis Alejandro Arriaga Osorio a immortalisĂ© des artistes comme Muse et Billie Eilish. Mais son autre spĂ©cialitĂ©, les sports d’action, l’oblige Ă  voir le monde sous un angle diffĂ© rent. Prenez ce clichĂ© du skateur Diego Alvarez, finaliste de la catĂ©gorie Creative by Skylum de Red Bull Illume. « Ce bĂątiment est particulier de par sa forme, mais il suffit de tourner la tĂȘte pour lui donner une nou velle dimension, celle d’un bowl colossal grĂące Ă  cette architecture unique
 » Instagram : @luisarriagaph ; redbullillume.com

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ANDREW DIXON/RED BULL ILLUME, LUIS ALEJANDRO ARRIAGA OSORIO/RED BULL ILLUME DAVYDD CHONG

YOSEMITE, CALIFORNIE, USA

Visite VIP

Ses visites sont si rares qu’il serait dommage de la rater : la comĂšte Neowise, Ă  gauche du centre de l’image, ne passe que tous les 5 000 Ă  7 000 ans prĂšs de la Terre
 Ă  quelque 103 mil lions de kilomĂštres de nous. Face Ă  ces dimen sions, le panorama nocturne que la photographe diplĂŽmĂ©e en gĂ©nie mĂ©canique, Priscilla Mewborne, a capturĂ© il y a deux ans dans le parc national de Yosemite, en Californie, a une valeur durable. Instagram : @lovealwayspriscilla ; redbullillume.com

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PRISCILLA MEWBORNE/RED BULL ILLUME DAVYDD CHONG

AVATAR 2

Ils sont parmi nous

Le 14 dĂ©cembre, Avatar : La voie de l’eau sort dans les salles de cinĂ©ma. La suite du film le plus rĂ©ussi de tous les temps nous entraĂźne dans un monde mystique sous-marin. Voici tous les chiffres entourant le film de James Cameron

2154

7Le nombre de fois oĂč la sortie d’Avatar: La voie de l’eau a Ă©tĂ© reportĂ©e. À l’origine, le film aurait dĂ» sortir en 2014.

148,6

Le nombre de vues, en millions, de la bande-annonce d’Avatar 2 au cours des premiùres 24 heures en ligne.

est l’annĂ©e fictive au cours de laquelle le premier film Avatar (2009) se dĂ©roule sur la lune de Pandora. La suite se passe plus de dix ans aprĂšs.

3films les plus réussis sur le plan commercial (Avatar, Avengers: Endgame, Avengers: Infinity War) figurent dans la filmographie de Zoe Saldana.

3 40 0 000

litres d’eau remplissent le bassin spĂ©cial oĂč ont Ă©tĂ© tournĂ©es les prises de vue sous-marines d’Avatar 2

3

suites d’Avatar devraient sortir au cinĂ©ma tous les deux ans jusqu’en 2028, mettant en scĂšne d’autres membres du clan Na’vi.

25

ans aprùs Titanic (1997), Kate Winslet est de nouveau à l’affiche d’un film de James Cameron.

237

millions de dollars était le budget du premier film Avatar. Les parties 2 et 3, tournées simultanément, dépassent les 500 millions.

1pĂ©taoctet (1 000 000 000 000 d’octets) de donnĂ©es, l’équivalent de 500 disques durs complets de 2 teraoctets, a servi de base aux images de synthĂšse d’Avatar en 2009.

dollars de recettes depuis 2009, ce qui fait d’Avatar le film le plus rentable de tous les temps.

% des bĂ©nĂ©fices d’Avatar 2 reviennent Ă  l’acteur Sam Worthington, outre 10 millions de dollars de salaire.

pays ont pu voir Avatar 2 au cinĂ©ma Ă  l’automne 2022, ce qui a engendrĂ© plus de 30 millions de dollars de recettes.

L’ADDITION S’IL VOUS PLAÎT
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14 THE RED BULLETIN GETTY IMAGES (3), DISNEY.COM HANNES KROPIK CLAUDIA MEITERT

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SOCRATE A DIT :

Il faut se débarrasser des pensées-poubelles »

Entre une jeunesse Ă  la conscience Ă©cologique croissante et une scĂšne politico-Ă©conomique sĂ©rieusement impliquĂ©e, l’environnement est dĂ©cidĂ©ment au cƓur des dĂ©bats. Pour tant, certaines villes sont encore accablĂ©es de dĂ©chets et autres gaz d’échappements. Pourquoi ce laisser-aller ? C’est le sujet de l’entretien fictif du philosophe Christoph Quarch avec Socrate, le champion de la pensĂ©e europĂ©enne.

the red bulletin : AthÚnes était-elle déjà aussi polluée à votre époque ? socrate : Que voulez-vous dire, mon ami ?

Ma foi, quand je pense Ă  toutes ces personnes vivant dans un espace aussi restreint, j’imagine que la propretĂ© laissait Ă  dĂ©sirer. D’autant plus que vous Ă©leviez encore des Ăąnes et autres bestiaux. Tout Ă  fait. Certains coins ne sentaient vraiment pas la rose. Mais comparĂ© Ă  ce que j’ai pu observer chez vous, c’était somme toute assez inoffensif. À notre Ă©poque, au moins, il n’y avait ni plastique, ni produits chimiques, ni batteries usagĂ©es, ni pneus, ni dĂ©chets industriels. Vivre en ville Ă©tait encore supportable. J’aurais pourtant apprĂ©ciĂ© que mes concitoyennes et concitoyens s’appliquent un peu plus Ă  Ă©liminer leurs dĂ©chets.

Mais à Athùnes, c’est vos esclaves qui s’en char geaient, non ?

La barbe avec vos esclaves ! Je parle des dĂ©chets que vous accumulez sous votre crĂąne. Autrement dit, les pensĂ©es-poubelles qui parasitent votre cerveau. Car tant que vous n’aurez pas fait le tri dans votre tĂȘte, vous ne pourrez pas non plus vous occuper de toutes les poubelles accumulĂ©es Ă  l’extĂ©rieur. « Car ce qui est au dedans est au dehors », a dit fort justement l’un de vos penseurs classiques (Goethe, ndlr). Si vous laissez vos dĂ©chets mentaux s’accumuler, comment pourrez-vous vous dĂ©barrasser de vos dĂ©chets rĂ©siduels ?

Donnez-moi un exemple de ces « déchets mentaux ».

Ce sont des phrases, cher ami. Des phrases que l’on prononce rarement, mais qui font des ravages dans l’inconscient. Des phrases comme : « Je fais ce que je veux », « Je me fous de ce que pensent les autres », « Allez, encore un tĂ©lĂ©siĂšge, les affaires avant tout ».

Ou, plus perfide : « Bah, on a toujours fait ça et jusqu’à prĂ©sent ça a parfaitement fonctionnĂ©. » Du pipeau! Ou des conneries, comme vous dites. À la poubelle et ouste ! Sinon, vous finirez par Ă©touffer dans votre propre tas de fumier mental.

Mais ce n’est pas si simple. On ne change pas ses habitudes aussi facilement. J’en ai fait la douloureuse expĂ©rience, en effet. Je remporte mĂȘme la palme : plus j’attirais l’attention des autres sur leurs pensĂ©es-poubelles, plus j’attisais leur haine Ă  mon encontre. Pourtant, et c’est lĂ  toute l’ironie de l’histoire, les inepties qu’elles ou ils me balan çaient Ă©taient rarement de leur propre cru. C’étaient des croyances dans l’air du temps, hĂ©ritĂ©es d’un politicien, d’une cĂ©lĂ©britĂ© du moment ou d’un influenceur, des dĂ©chets si bien assimilĂ©s qu’elles ou ils les dĂ©fen daient bec et ongles.

Que faire pour inciter la population Ă  se dĂ©barrasser de ses dĂ©chets ? Deux solutions miracles : rĂ©flĂ©chir et demander. Faites-vous tendre un miroir pour comprendre votre modus vivendi ou prendre par la main pour vous sensibiliser Ă  ces dĂ©chets mentaux et vous aider Ă  voir les saletĂ©s qui traĂźnent. Commencer par l’extĂ©rieur peut d’ailleurs ĂȘtre trĂšs utile le cas Ă©chĂ©ant : ouvrir les yeux, prendre conscience des dĂ©chets, les rassembler dans un sac et les Ă©liminer convenablement ! C’est un trĂšs bon exercice, car le fait de voir les dĂ©chets du dehors et de s’en dĂ©barrasser permettra d’accroĂźtre sa sensibilitĂ© aux dĂ©chets du dedans (il dĂ©signe son crĂąne) Alors, au boulot, nettoyons !

SOCRATE (469–399 avant J-C) est considĂ©rĂ© comme une vĂ©ri table figure de proue de la philosophie europĂ©enne. Son cheval de bataille ? Pousser ses compatriotes Ă  penser par elles ou euxmĂȘmes plutĂŽt que de se fier aux opinions populaires, ce qui lui vaudra de nombreuses attaques puis un procĂšs Ă  l’issue duquel Socrate sera condamnĂ© Ă  mort. Mais son esprit critique vit en core, notamment grĂące Ă  son Ă©lĂšve Platon, qui a Ă©rigĂ© un monu ment Ă  la gloire de Socrate Ă  travers ses Dialogues. CHRISTOPH QUARCH, 58 ans, est un philosophe allemand, fon dateur de la Nouvelle AcadĂ©mie Platonicienne (akademie-3.org) et auteur de nombreux livres de philosophie. Son dernier ouvrage de rĂ©ponses philosophiques Ă  des questions quotidiennes est paru en allemand chez legenda Q, 2021.

LE MOMENT PHILO
«
«
16 THE RED BULLETIN DR. CHRISTOPH
Faire le mĂ©nage dans sa tĂȘte pour rendre les villes plus propres. »
QUARCH YANNICK DE LA PÊCHE
STIMULE LE CORPS ET L’ESPRI T.
DES AIIILES POUR L’HIVER. AU GOÛT DE GRENADE.
NOUVEAU

APOLLO 11

Souvenir de la Lune

La pellicule photo de Neil Armstrong

Le premier voyage sur la Lune en 1969 fut un pas de gĂ©ant pour l’humanitĂ©. Cet Ă©vĂ©nement majeur, Neil Armstrong l’a photographiĂ© avec un appareil Hasselblad spĂ©cialement conçu Ă  cet effet, Ă©quipĂ© d’un objectif Zeiss. Sur les nĂ©gatifs de l’astronaute (il a rĂ©alisĂ© environ 200 photos), on peut voir son collĂšgue Buzz Aldrin, le drapeau amĂ©ricain et un bout du module d’alunissage Eagle. À l’occasion du cinquantiĂšme anniversaire du premier homme sur la Lune, des dizaines de souvenirs liĂ©s Ă  la mission Apollo 11 ont Ă©tĂ© mis aux enchĂšres. Parmi eux, la pellicule Kodak 70 mm de Neil Armstrong a Ă©tĂ© vendue pour environ 15 000 CHF Ă  un acquĂ©reur anonyme.

OBJET TROUVÉ
18 THE RED BULLETIN NASA, IMAGO IMAGES/ZUMA PRESS
Neil Armstrong, 38 ans Ă  l’époque, a Ă©tĂ© le premier homme Ă  fouler le sol de la Lune le 20 juillet 1969.

La technologie qui fait bouger.

Les modÚles électrifiés de Kia.

En savoir plus

Braunwald, 1995

L’une des plus anciennes photos de Patrick Armbrus ter. La voiture a Ă©tĂ© amenĂ©e spĂ©cialement pour pimen ter le parc d’obstacles. En l’air, c’est Andy Weber, l’une des premiĂšres icĂŽnes de la glisse. Au volant, c’est Oliver. Il est devenu pilote.

Lequel des deux vole le plus haut ?

Hiver

PORTFOLIO
sauvage Le Suisse Patrick Armbruster est une figure incontournable de la scĂšne du snowboard. En tant que photographe, il a documentĂ© la maniĂšre dont les jeunes « chiens fous » ont fait exploser les sports d’hiver au tournant du millĂ©naire. Cet album raconte cette renaissance. Et son envol.
DAVID PESENDORFER 21
Texte

Big in Japan

Tokyo, 2001 C’est Jonas Emery, l’une des premiĂšres stars suisses du cirque hivernal dans l’arĂšne des plus grands. Il vient de remporter le X-Trail Jam devant 75 000 spectateurs –à ce jour, le plus grand Ă©vĂ©nement de snowboard au monde.

Le chasseur

de poudre

du Zillertal Tenjin, Japon, 2000

La photo montre Thomas « Beckna » Eberharter du Zillertal tyrolien –à quelques pas de sa ville d’adoption : Tenjindaira, en abrĂ©gĂ© Tenjin. Traduit, cela signifie « le paradis de la poudreuse ». « Et croyezmoi, quand la mĂ©tĂ©o est bonne, l’endroit fait hon neur Ă  son nom. »

PORTFOLIO
THE RED BULLETIN 23

L’étĂ© sur le glacier Saas-Fee, 1998

Les mains nues, hiver comme Ă©tĂ© : le SuĂ©dois Marius Sommer saute ici sans gants sur le glacier. Notez au pas sage l’état plutĂŽt nĂ©gligĂ© du half-pipe en bas de l’image.

À la dure Prague, 2013

Dix-sept snowboardeurs de haut niveau en voyage Ă  travers les montagnes d’Europe et d’AmĂ©rique du Nord, telle est l’intrigue du film Dopamine De gauche Ă  droite : Sylvain Bourbousson, le photographe Silvano Zeiter et Manuel Diaz, en tournĂ©e promotionnelle dans un bus.

PORTFOLIO
24 THE RED BULLETIN

Ultraviolet

Zillertal, Tyrol, 2000

Voici Camus – pas Albert, icĂŽne de l’absurde, mais Sebastian, le dĂ©jantĂ©, snowboardeur profession nel du Chili. Il a fait une trĂšs mauvaise chute Ă  Mayrhofen, dans la vallĂ©e du Zillertal en Autriche. ConsĂ©quence : un hĂ©ma tome Ă©norme sur la cuisse. Rien de cassĂ©, juste une absurde couleur violette.

MĂŒller traverse la route

Laponie, 2000 « C’était le 25 avril, et Nicolas MĂŒller de Laax fĂȘtait ce jour-lĂ  son 18e anniversaire Ă  RiksgrĂ€n sen en Laponie suĂ©doise. Et de quelle maniĂšre ! Voici ce qui s’est passĂ© aprĂšs les derniĂšres prises de vue de Tribal, un film de snowboard, sur le chemin du retour Ă  l’hĂŽtel lorsque Nicolas a traversĂ© la route. »

PORTFOLIO
26

Patrick Armbruster, 46 ans, Ă  propos de son cheminement

«
Le snowboard Ă©tait pour moi la route vers la libertĂ© et l’aventure. »
de vie.
PORTFOLIO 28 THE RED BULLETIN

Vol de nuit, sans neige Hawaii, 2003

Que fait le snowboardeur en Ă©tĂ© ? Il enlĂšve, comme ici le professionnel amĂ©ri cain Travis Price, sa com binaison et mĂȘme sa chemise Ă  fleurs et monte sur un camion pick-up.

Travis et quelques autres pilotes ont rendu visite Ă  Patrick alors qu’il Ă©tait en plein montage de ses films de l’hiver dernier. Ils en ont profitĂ© pour faire quelques tours de nuit.

THE RED BULLETIN 29
La photo de couverture de ce numéro a été prise en 1996 à Saas-Fee et montre le snowboardeur suisse Martin Rutz.

Saas-Fee, 1996

Les Suisses Nils Frei, en haut Ă  gauche sur la photo, et son pote Philipp Merz s’apprĂȘtent Ă  dĂ©charger leur matĂ©riel pour un camp d’étĂ© sur le glacier quand soudain, des riders en roller dĂ©boulent sur le parking bitumĂ©, leur cassant les oreilles. Pour le snowboardeur, c’est une insulte.

LE

PHOTOGRAPHE

PATRICK ARMBRUSTER

« L’odeur de la pluie Ă©vaporĂ©e sur le bĂ©ton chaud dans la chaleur de l’été  » Se tenir sur une planche a toujours eu quelque chose de profondĂ©ment sensuel pour Patrick Armbruster. Au dĂ©but des annĂ©es 90, il Ă©tait ado Ă  Dietikon, non loin de Zurich. « Le skateboard Ă©tait pour moi plus qu’un moyen de locomotion, c’était un art de vivre. » Peu de temps aprĂšs, il a vu son premier flm de snowboard : « C’était comme faire du skateboard, mais sur la neige », se souvient Armbruster, aujourd’hui ĂągĂ© de 46 ans, en Ă©voquant sa passion. De la pluie qui s’évapore Ă  la pluie qui gĂšle, de la chaleur Ă  la glace. Il a abandonnĂ© sa formation d’électricien, s’est immergĂ© dans la scĂšne du snowboard alors en pleine croissance, a produit des reportages et des flms lĂ©gendaires. Avec ce livre, le grand seigneur de la photographie de snowboard fait le bilan des folles annĂ©es de ses dĂ©buts.

Le recueil de photos

Barely Made It (340 pages) est disponible sur le site de Patrick. En anglais. patrickarmbruster.com

PORTFOLIO
Ils voient ce que tu ne vois pas
30 THE RED BULLETIN

Le prĂ©lude Ă  l’adieu Laax, 1995

Le SuĂ©dois Ingemar Backman en plein envol lors du coup d’envoi de la tournĂ©e de la FĂ©dĂ©ration internationale de snowboard (FIS). En arriĂšreplan, le conflit avec la FIS couvait dĂ©jĂ , celle ci voulant s’approprier ce sport d’hiver en raison de sa popularitĂ© croissante. Et elle a fini par y parvenir.

Esprit libre

Reto Gurtner dĂ©place des mon tagnes. LittĂ©ralement : sa station de sports d’hiver Weisse Arena Flims, Laax, Falera, se compose de vingthuit remontĂ©es mĂ©caniques, cinq hĂŽtels, plusieurs Ă©coles de ski et de snowboard et plus de vingt restau rants. Un vĂ©ritable empire bĂąti par ce Suisse visionnaire de 62 ans au prix d’un travail acharnĂ© malgrĂ© le scepticisme des notables du coin. « J’ai toujours Ă©tĂ© un rebelle et un voyageur », explique-t-il.

En 1973, il part Ă©tudier la gestion d’entreprise et la jurisprudence Ă  Los Angeles. AccompagnĂ© par les mĂ©lodies des Beach Boys, Pink Floyd et Grateful Dead, il s’initie aux joies du surf, s’imprĂšgne du style de vie sexy, Ă©colo et libertaire typique de la West Coast et ne tarde pas Ă  se dĂ©couvrir des affnitĂ©s avec des entrepreneurs comme Jake Burton (fondateur de Burton Snowboards) ou Yvon Chouinard (crĂ©ateur des vĂȘtements Patagonia) : des esprits farouchement indĂ©pendants et proches de la nature.

Fort de cet esprit libre, Reto retourne en Europe et se heurte bien vite Ă  cette Suisse fn-seventies engluĂ©e dans une mentalitĂ© Ă©troite aux antipodes du mode de vie cali fornien. « J’entendais toujours le mĂȘme son de cloche de la part de l’administration et de l’hĂŽtellerie : ça ne marche pas comme ça ! Des mots qui me faisaient bondir, car rien ne me motive davantage que de surmonter les obstacles, explique

Reto. Je n’ai jamais voulu ĂȘtre un brave petit soldat de l’économie et je n’ai pas peur de provoquer la controverse. » Un trait de caractĂšre qu’il partage avec son pĂšre Walter, charcutier Ă  Flims (canton des Grisons). Tout comme Reto, il n’a pas son pareil pour repĂ©rer les ten dances en vogue.

En 1962, Walter loue 100 kilo mÚtres carrés de terrain à Laax avec un bail de 99 ans et construit des téléskis et des restaurants. Il se mettra à dos une partie des habi tants de la région. Le jeune Reto poursuit toutefois sur sa lancée et en 1992, il transforme la station en un paradis pour un genre de sport encore inconnu : le snowboard.

« J’étais totalement fascinĂ© par les sports de glisse, autant par le fow que par ces surfeur·euse·s et ces snowboardeur·euse·s qui s’encou ragent mutuellement, explique Reto. J’ai toujours prĂ©fĂ©rĂ© cette mentalitĂ© d’ĂȘtre ensemble dans la nature plutĂŽt que le cĂŽtĂ© compĂ©ti tion propre au ski. »

Des bosses et des sauts Alors que certaines rĂ©gions ferment leurs portes aux snowboardeurs· euse·s, l’espace créé par Reto Gurtner se forge rapidement une rĂ©putation internationale chez les afcionados. GrĂące au Laax Open, aux Spring Sessions et Ă  l’hĂŽtel Riders Palace, Reto ne se contente pas d’importer l’esprit surf dans les Alpes, mais le cristallise : plusieurs snowparks, une kickerline pro (un amĂ©nagement de bosses) de 600 mĂštres de long, composĂ©e de

quatre tremplins et de halfpipes mécaniques pour permettre aux freestyleur·euse·s de rester plus longtemps dans les airs.

Au milieu des annĂ©es 90, Reto ouvre l’un des premiers cybercafĂ©s d’Europe Ă  Laax. Il ne trouve aucun fournisseur d’accĂšs en Suisse. Qu’importe, le premier domaine sera hĂ©bergĂ© Ă  New York. Il n’hĂ©site pas non plus Ă  payer de sa poche pour faire poser 90 kilomĂštres de cĂąbles en fbre optique sur la mon tagne. Un investissement qui a fait dĂ©coller la rĂ©putation branchĂ©e de Laax comme un freestyleur·euse sur son tremplin.

Des bourgeois et des enragĂ©s L’un des talents de Reto Gurtner est de faire cohabiter tous les genres de personnalitĂ©s, de l’hĂŽtelier bour geois Ă  l’enragĂ© du snowboard. Son autre talent : parler. PrĂ©voyez bien dix bonnes minutes avant de rĂ©ussir Ă  placer votre prochaine question. Comme beaucoup de PDG, son disque dur mental regorge de motsclĂ©s du type « Ă©motion » ou « aligne ment ». Mais loin d’ĂȘtre des paroles en l’air, ce sont des valeurs totale ment assimilĂ©es dans la bouche de Reto. La Weisse Arena devrait ĂȘtre autosuffsante en Ă©nergie et neutre en CO ÂČ d’ici 2030, un objectif qui correspond lĂ  aussi parfaitement aux valeurs qui lui ont Ă©tĂ© incul quĂ©es en Californie.

Si la plupart des rebelles d’hier ont aujourd’hui fondĂ© une famille, la Weisse Arena compte toujours un tiers de snowboardeur·euse·s, contre 13 % en moyenne dans les autres stations de ski des Alpes. Et aprĂšs tout, l’ADN touristique de Laax ne dĂ©pend ni d’une planche de snowboard, ni d’une paire de skis, mais d’un art de vivre. Reto Gurtner en est convaincu : « Laax a de bonnes vibes, tout simplement. »

Snowparks, chemins de randonnĂ©e, railbike
 C’est sur : weissearena.com

Snowboard
Entretien SIMON SCHREYER Photo ANDREA BRUNNER VĂ©ritable pionnier des sports d’hiver, le Suisse Reto Gurtner est truffĂ© de contradictions : amoureux du fow californien, il raffole des dĂ©fs quotidiens.
32 THE RED BULLETIN
Reto Gurtner, 62 ans, Ă  propos de sa motivation personnelle.
THE RED BULLETIN 33
« Rien ne me motive plus que de surmonter des obstacles. »

L’éternelle indĂ©pendante

L’Islandaise parle de notre espace de cerveau dispo pour la nouveautĂ©, de ne pas compromettre sa crĂ©ativitĂ©, et nous explique pourquoi nous devrions danser comme des trolls.

L’Islandaise de 56 ans parle depuis sa maison de Reykjavik, l’endroit qui a inspirĂ© son dernier album Fossora (trad. celle qui creuse), que Björk dĂ©crit comme « un album champi gnon ». Il a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© aprĂšs la pandĂ© mie avec, dit-elle, le sentiment que nous prenions tous et toutes racine. L’album est aussi novateur et auda cieux que l’on peut s’y attendre de la part d’une artiste qui a fait carriĂšre en Ă©tant intransigeante et inventive. Et cela donne Ă  sa musique ses propres racines. Björk ajoute qu’elle continue simplement de faire ce qu’elle fait depuis qu’elle a 14 ans.

the red bulletin : Fossora est votre dixiĂšme album studio, mais vous ĂȘtes toujours aussi inventive. Le titre Trölla-Gabba notam ment
 A-t-il Ă©tĂ© inspirĂ© par votre idĂ©e d’une fĂȘte de trolls ? björk : Je l’écoute quand je suis un troll. Je pense que nous sommes tous et toutes des trolls parfois. Quand on se sent comme un troll, on a envie de sauter et de danser, le poing en l’air, en vue d’une libĂ©ration cathartique.

Vous dansez Ă  l’écoute de vos chansons dans votre salon ? Impossible pour moi de danser sur ma propre musique. Pendant la pan dĂ©mie, j’ai Ă©tĂ© DJane dans quelques endroits du centre-ville lorsque les

rĂšgles se sont assouplies. Mon set prĂ©fĂ©rĂ© dure quatre heures et com mence par de la musique classique ou de la musique du monde pendant une heure, puis la deuxiĂšme heure est un peu plus rapide, la troisiĂšme heure encore plus rapide et la der niĂšre heure n’est que du gabber bru tal et de la techno. Cela dĂ©crit assez bien mes goĂ»ts musicaux.

En matiùre de musique, vous res semblez à un David Attenborough, toujours à la recherche de l’in connu. Pourquoi est-ce important ?

Je ne me comparerais pas Ă  lui, mais oui, je suis trĂšs excitĂ©e lorsque j’en tends quelque chose de nouveau. La nature nous a faites et faits de telle sorte que nous nous renouve lons complĂštement tous les sept ans, nous sommes un agglomĂ©rat de cel lules totalement nouvelles. Nous devenons des personnes diffĂ©rentes. Il est important de pousser notre croissance Ă©motionnelle et psycholo gique jusqu’à quatre-vingt-cinq ans, ou plus, pour en ĂȘtre conscient et ouvert, et pour nous dĂ©barrasser de suffisamment de dĂ©chets dans nos vies pour pouvoir aller de l’avant et continuer Ă  grandir. Les scientifiques qui ont Ă©tudiĂ© le cerveau ont remar quĂ© que si vous Ă©coutez une chanson que vous n’avez jamais entendue auparavant, votre cerveau crĂ©e un nouveau territoire pour elle. Si vous n’écoutez que vos titres prĂ©fĂ©rĂ©s, la partie musicale de votre cerveau ne se dĂ©veloppe pas.

La musique Ă©lectro est un terrain de jeu idĂ©al pour vous, illimitĂ© ? La musique n’a pas de limites, c’est une question d’imagination et d’état d’esprit. La question, c’est de savoir si tout ce que pouvez mettre dans une chanson est lĂ  ou pas.

Comment voyez-vous votre place dans l’industrie musicale ? En tant qu’artiste Ă  succĂšs, ĂȘtes-vous libre de faire ce que vous voulez ? Ado, j’étais dans des groupes punk et nous Ă©tions chez un label indĂ©pen dant en Islande, donc il ne s’agissait pas de faire de l’argent. Si quelqu’un avait besoin d’un poster, je faisais un poster, si quelqu’un avait besoin d’une pochette d’album, quelqu’un faisait une pochette. Je viens de ce milieu DIY (Do It Yourself, ndlr) depuis l’ñge de quatorze ans, oĂč il n’est pas nĂ©cessaire de vendre son Ăąme aux entreprises pour ĂȘtre musi cienne. Je me sens trĂšs chanceuse d’avoir Ă©tĂ© entourĂ©e de personnes plus ĂągĂ©es quand j’avais quatorze ans. Notre philosophie c’était : mieux veut avoir un contrĂŽle crĂ©atif total et vendre trois disques que de se plier Ă  des compromis.

Vous en tenez-vous toujours Ă  ces rĂšgles aujourd’hui ? Rien n’a vraiment changĂ©. Je fais toujours la mĂȘme chose que quand j’étais ado. Si vous ĂȘtes propriĂ©taire de votre travail, maĂźtresse de votre crĂ©ativitĂ© et que vous ĂȘtes conscient de vos talents, vous pouvez faire ce que vous voulez pour le reste de votre vie. Si plein de gens aiment ce que vous faites, c’est un bonus, mais j’ai toujours Ă©tĂ© consciente qu’un jour, tout cela pouvait disparaĂźtre. Dans ce cas, je continuerais Ă  faire de la musique.

Fossora est dispo ; bjork.com

Texte MARCEL ANDERS Photo VIDAR LOGI
Musique 34 THE RED BULLETIN

Björk, 56 ans,

connaĂźt

« Je suis libre dans ma crĂ©ativitĂ© depuis que j’ai 14 ans. »
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ne
pas de limites dans sa musique.

La fée des ondes

« Mais qu’est-ce qu’elle fabrique ? » Cette question, Pamelia Stickney l’entend souvent lorsqu’elle joue du thĂ©rĂ©mine. Diffcile en effet, pour les non-initiĂ©s, de savoir comment l’ar tiste parvient Ă  extraire des notes, en faisant simplement danser ses mains au-dessus d’un objet qui ressemble Ă  un poste de radio pourvu de deux antennes, l’une verticale, l’autre en forme de boucle, horizontale. Pourtant, il s’agit bien d’un instru ment de musique : inventĂ© il y a plus d’un siĂšcle, le thĂ©rĂ©mine fut mĂȘme le premier instrument de musique Ă©lectronique au monde ! Son principe est aussi simple que bluffant : les antennes Ă©mettent des ondes magnĂ© tiques que l’on va « sculpter » avec ses mains. La main droite contrĂŽle l’amplitude des sons et la gauche le volume. DĂ©pourvu de tout repĂšre tac tile ou visuel et se jouant sans aucun contact physique, le thĂ©rĂ©mine s’ap privoise diffcilement : « C’est comme si j’essayais d’avancer sur un fl, les yeux fermĂ©s, tout en utilisant mes autres sens pour rester en Ă©quilibre », explique la musicienne – un exercice de funambulisme qui demande, selon elle, une certaine prise de risque.

Good Vibrations

Pamelia Stickney fait partie des plus grandes virtuoses du thĂ©rĂ©mine dans le monde – un titre que cette AmĂ© ricaine de 46 ans tend Ă  rejeter, par modestie : « Je n’aime pas me vanter. Je sais juste que cet instrument me permet de faire des trucs qui n’ont jamais Ă©tĂ© faits auparavant. »

Évoquant tour Ă  tour le chant humain, la scie musicale ou les plaintes stridentes d’un violon, cet instrument a vite Ă©tĂ© adoptĂ© par les musicien·ne·s avides d’originalitĂ© ou de sons angoissants. De Hitchcock aux Beach Boys en passant par Nine Inch Nails, le thĂ©rĂ©mine continue de sĂ©duire les groupes d’avant-garde, comme celui que Pamelia Stickney a formĂ© avec Chris Janka et Mark Holub : Blueblut, connu pour ses mix improbables alliant musique nĂ©pa laise et compositions de Beethoven.

C’est dans les annĂ©es 90, en regardant le documentaire de Steven Martin, Theremin – An Electronic Odyssey, que Pamelia dĂ©couvre l’ob jet qui va changer sa vie : « J’ai tout de suite su que je devais l’essayer ! » Invention du physicien russe Lev Termen, plus connu sous le nom de LĂ©on ThĂ©rĂ©mine, l’instrument Ă  ondes Ă©lectromagnĂ©tiques passe Ă  la postĂ©ritĂ© grĂące Ă  la violoniste Clara Rockmore, qui reste la plus grande inspiration de Pamelia : « J’ai Ă©tĂ© impressionnĂ©e par le son magnifque de cet instrument et j’ai voulu l’imi ter. Son jeu m’a profondĂ©ment mar quĂ©e. » Elle rĂ©ussit mĂȘme Ă  rencon trer Clara Rockmore juste avant sa mort en 1998. « Tu as ce petit quelque chose », lui glisse l’artiste – le plus beau des compliments.

Odyssée musicale

Le parcours artistique de Pamelia Stickney ressemble lui aussi Ă  une odyssĂ©e musicale : passionnĂ©e de musique dĂšs son plus jeune Ăąge, elle dĂ©couvre tour Ă  tour le piano, le violon et l’alto, puis la fĂ»te et le

violoncelle. « Je jouais du Bach et du Mozart, mais j’ai commencĂ© Ă  m’en nuyer », dit-elle en riant. AprĂšs avoir longtemps jouĂ© de la contrebasse dans le groupe Geggy Tah, produit par Luaka Bop – le label créé par David Byrne, des Talking Heads –elle devient thĂ©rĂ©ministe Ă  l’ñge de 23 ans, notamment pour couvrir les basses, d’oĂč son surnom de « Walking Bass », qui lui est donnĂ© Ă  ses dĂ©buts. L’instrument est alors fabriquĂ© par l’entreprise Moog, fondĂ©e par l’in venteur du synthĂ©tiseur Ă©lectronique Robert Moog : une collaboration qui dure puisque l’artiste continue de conseiller la marque pour amĂ©liorer le thĂ©rĂ©mine.

Rendez-vous avec Lou Évidemment, un tel talent ne pouvait passer inaperçu : en vingt ans de carriĂšre, la thĂ©rĂ©ministe a multipliĂ© les collaborations fructueuses –Yoko Ono et son fls Sean Lennon, Grace Jones, SĂ©bastien Tellier et bien d’autres. Lorsque Lou Reed l’invite un jour Ă  dĂźner avec lui, elle ne sait rien de lui : « Je me doutais bien qu’il Ă©tait connu, mais j’ignorais Ă  quel point. » Elle en parle alors Ă  son petit ami : « Il a pĂ©tĂ© les plombs ! “Tu n’as jamais entendu parler du Velvet Underground ?!” » Lou Reed la fait venir Ă  la cĂ©lĂšbre Ă©mission Satur day Night Live, oĂč elle joue pour des millions de tĂ©lĂ©spectateur·rice·s. Le destin l’a fnalement menĂ©e jusqu’à Vienne, oĂč elle vit depuis 2009. Si la capitale autrichienne semblait beau coup trop « provinciale » pour l’artiste rebelle qu’elle Ă©tait avant, Pamelia Stickney apprĂ©cie aujourd’hui le calme de sa nouvelle vie : « J’ai envie de me dĂ©passer d’une maniĂšre plus saine et de chercher l’inspiration lĂ  oĂč je m’y attends le moins. »

Infos et dates de tournée sur : pamelia.weebly.com

Texte MARIETTA STEINHART Photo PHILIPP HORAK Le thĂ©rĂ©mine, ça vous parle ? Un instrument de musique imaginĂ© par un savant russe en 1920 et maĂźtrisĂ© par quelques virtuoses, dont l’AmĂ©ricaine Pamelia Stickney.
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« Je jouais Bach et Mozart. Lou Reed ? Connais pas ! Jusqu’à ce qu’il m’invite Ă  dĂźner. » Pamelia Stickney, thĂ©rĂ©ministe, poursuit son odyssĂ©e musicale depuis plus de quarante ans. THE RED BULLETIN 37

LA VIE EN ZIGERLI

Sexy, flashy et terriblement dĂ©calĂ©e, la mode de JULIAN ZIGERLI (38 ans) est faite pour des gens qui s’assument. Devenu l’un des designers suisses les plus connus Ă  l’étranger, il est la preuve vivante qu’avec un peu d’humour et une sacrĂ©e dose de confiance en soi, on peut aller loin. TrĂšs loin.

Mode
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Julian Zigerli prend la pose, dans son ate lier de Zurich, avec ses propres crĂ©ations
 et ça lui va plutĂŽt bien. Il est le meilleur ambassadeur de sa mode. Julian Zigerli Ă  nu (ou presque). Autour du cou : une de ses crĂ©ations. Aux pieds : sa paire de chaussons prĂ©fĂ©rĂ©e.
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« Je fais des fringues, Ă©videmment. Mais le corps n’a pas besoin de vĂȘtements pour ĂȘtre beau. »

EEt maintenant
 sans rien : Ă  mi-chemin entre l’ordre et la proposition polie, la consigne du pho tographe est lancĂ©e comme une invitation Ă  tester Julian Zigerli, Ă  voir jusqu’oĂč il peut aller. Debout dans son atelier zurichois, notre hĂŽte s’exĂ©cute avec une visible dĂ©contraction, et pose fĂšrement devant la camĂ©ra, simplement « vĂȘtu » d’une longue Ă©charpe en feuilles de laurier et de gros chaussons rouges. AprĂšs la sĂ©ance, l’intĂ©ressĂ© explique son choix : « Cette Ă©charpe est heureusement assez grande, elle donne fĂšre allure. Sur le coup, je me suis dit que ça allait le faire. »

Effectivement, ça le fait. D’ailleurs, cette phrase dĂ©crit parfaitement le parcours, le caractĂšre et la mode de Julian Zigerli, qui aborde les dĂ©fs de l’existence comme un Ă©ternel gamin : sans prise de tĂȘte et sans hĂ©sitation, avec la nonchalance et l’opti misme des gens qui croient en eux
 et en la vie. Ce n’est pas pour rien que ses ami·e·s l’appellent « Susi Sorglos », du nom de cette jeune femme joyeuse et ingĂ©nue chantĂ©e par Otto Waalkes : car il en faut, de l’optimisme, quand on dĂ©cide de fonder sa propre ligne de vĂȘtements unisexes, juste aprĂšs la fn de ses Ă©tudes – dans un pays connu pour son conformisme vestimentaire et qui prĂ©fĂšre Ă  l’originalitĂ© une cer taine Ă©lĂ©gance intemporelle mais un peu fade : la Suisse, son pays natal. Un choix qui, entre-temps, s’est avĂ©rĂ© judicieux : la preuve qu’on peut suivre ses envies et tomber juste.

C’est un Zigerli, ça ?

Aujourd’hui, Julian Zigerli fait partie des designeur· euse·s suisses les mieux cotĂ©s Ă  l’international : il a ouvert une premiĂšre boutique en 2018 dans le centre-ville de Zurich et vend les crĂ©ations de sa mode partout dans le monde, grĂące Ă  sa boutique en ligne. Ses collaborations avec des artistes de renom sont nombreuses, comme celle avec l’artiste allemande Katharina Grosse, une graffeuse qui a

Smile harder, la devise qui orne son atelier à Zurich, est bien plus qu’un simple coup de marketing : c’est une philosophie de vie.

Sans chemise, sans pantalon, juste un pull orange pétant, porté sous un énorme gilet oversize. What else?
Mode
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notamment exposĂ© au Centre Pompidou Ă  Paris : ses graffes colorĂ©s, travaillĂ©s Ă  la bombe, ont ainsi Ă©tĂ© intĂ©grĂ©s dans une des collections du designeur suisse. En plus de son label, Zigerli donne parfois des cours Ă  l’universitĂ© des arts Ă  Berlin et travaille sur des projets parallĂšles, comme cette ligne de linge de maison qu’il a créée derniĂšrement pour une autre marque. Et si sa propre Ă©quipe ne compte encore que quatre employé·e·s, sa rĂ©putation dĂ©passe largement les frontiĂšres de la Suisse. Plus qu’un nom, Zigerli est devenu une griffe, un style reconnaissable entre tous. Manifestement, ça fait beaucoup rire l’intĂ©ressĂ© : « C’est un Zigerli, ça ? –Pas mal du tout ! » mime-t-il en tripotant la chaĂźne qu’il porte autour du cou, sur laquelle on peut lire les lettres O-K-A-Y. Ses collections de bioux font Ă©galement fureur : des smileys, des petits cƓurs et

des palmiers, mais aussi de jolies boucles d’oreilles en forme de seins – qui ressemblent de loin Ă  des cerises – ou d’organes masculins, ces derniĂšres Ă©tant vendues sous le nom de « Sausage Ear Stud », histoire d’entretenir l’ambiguĂŻtĂ©. On l’aura compris : Julian Zigerli ne se prend pas trop au sĂ©rieux, et c’est tant mieux.

the red bulletin : Sur le profl Instagram de votre marque, vous jouez souvent avec la nuditĂ©, avec des piĂšces qui reprennent notamment l’ana tomie masculine ou fĂ©minine. C’est bon pour les affaires, la provocation ? N’est-ce pas diffcile d’arriver Ă  la banque pour demander un crĂ©dit en montrant des crĂ©ations parfois un peu
 osĂ©es ? julian zigerli : (rires) Je ne suis pas obligĂ© de montrer ces piĂšces-lĂ , il y en a heureusement plein d’autres ! Mais je tiens Ă  dire que je ne cherche absolument pas Ă  provoquer. Ce que je veux, c’est au contraire dĂ©complexer notre rapport au corps humain, qu’on le considĂšre comme quelque chose qui va de soi. Mon mĂ©tier, c’est de faire des fringues, Ă©videmment, mais le corps humain n’a pas besoin de vĂȘtements pour ĂȘtre beau. J’aime jouer avec cette idĂ©e, mĂȘme si c’est un jeu que l’on ne reconnaĂźt pas toujours au premier coup d’Ɠil. Dans la collection actuelle, il y a par exemple ces motifs de dĂ©coupe aux ciseaux, qui font allusion Ă  l’artisanat suisse traditionnel. Quand on les regarde de plus prĂšs, on y voit des petites chĂšvres, des smileys, des palmiers et des gens qui se promĂšnent
 Sauf que ces gens-lĂ  sont Ă  poil. LĂ  encore, il faut vraiment avoir le nez dessus pour voir les dĂ©tails de leur anatomie. J’adore ce genre de clins d’Ɠil.

On peut dire que Julian Zigerli assume tota lement son cĂŽtĂ© ambigu et inclassable : s’il s’est fait un nom dans la mode de luxe, avec des prix qui ne sont pas Ă  la portĂ©e de toutes les bourses, il n’en demeure pas moins attachĂ© Ă  ses racines. Son dernier dĂ©flĂ©, il l’a d’ailleurs organisĂ© directement chez lui, dans son lotissement Ă  Zurich, en dessinant le podium par terre, Ă  la craie. Les jour nalistes se sont retrouvé·e·s perdu·e·s au milieu de personnes retraitĂ©es, d’ados et d’autres gens du coin qui n’avaient jamais assistĂ© Ă  un dĂ©flĂ© de mode. Sa petite sƓur, nĂ©e avec un handicap mental, a rĂ©guliĂš rement jouĂ© la mannequin pour lui, dans le passĂ©. Et quand il ne peut pas venir aider Ă  la boutique, comme il en a l’habitude tous les samedis, c’est son pĂšre qui le remplace, un ancien pilote militaire. Ce n’est pas un pro de la mode, mais « il fait ça avec une

Mode
Des créations en couleurs et avec des motifs qui regorgent de surprises, comme un pied-de-nez à la grisaille ambiante.
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L’un de ses dĂ©filĂ©s est organisĂ© dans son lotissement : un joyeux mĂ©lange de gens du cru et de journalistes.

Il voit la vie en rose : Ă©ternel gamin Ă  l’opti misme inĂ©branlable, Julian Zigerli croque la vie Ă  pleines dents.

Mode
Julian Zigerli a commencé trÚs tÎt à vouloir se démarquer en expérimentant autour de son look.
« Enfant, j’avais un pull rose que j’adorais. Tout le monde le trouvait horrible. Sauf moi. »

Zigerli est devenu le roi des imprimĂ©s truffĂ©s de clins d’Ɠil : un destin qu’il s’est taillĂ© sur mesure.

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Pour les nomades urbains : une vesteponcho qui se transforme en sac. Il fallait y penser.

telle nonchalance que les gens l’adorent. » Julian a compris dĂšs l’enfance qu’il avait une affnitĂ© avec les formes et les couleurs, et que ses goĂ»ts personnels Ă©taient en dehors des clous : « Je portais un pull rose avec d’horribles motifs dessus, et je l’adorais. Tout le monde le trouvait horrible. Tout le monde sauf moi. » Pourtant, quand on lui demande quel est son plus grand talent, sa rĂ©ponse surprend : au lieu de parler de mode, il nous explique que c’est grĂące Ă  son cĂŽtĂ© « ça-va-le-faire » qu’il a Ă©tĂ© capable de s’attirer les bonnes personnes. « C’est pour cette raison que j’ai osĂ© rĂ©aliser mon rĂȘve en crĂ©ant ma propre marque. MĂȘme mes profs Ă  l’universitĂ© me disaient que j’avais un bon feeling avec les gens. Ce qui me rĂ©ussit, c’est de savoir m’entourer des gens qu’il faut, de les embar quer dans mon dĂ©lire. » Et l’enfant terrible de la mode suisse ajoute en riant : « En fait, je crois que je suis plutĂŽt quelqu’un de sympathique. »

Sourire Ă  la vie

Un sens du compliment qui pourrait sembler arro gant mais qui, chez lui, sonne parfaitement juste : oui, c’est quelqu’un de sympathique, mais aussi quelqu’un de vrai, quelqu’un capable de lĂącher des phrases comme « les meilleures idĂ©es me viennent parfois quand j’ai la gueule de bois ». Quelqu’un qui

n’essaie pas de paraĂźtre cool et qui a dĂ©cidĂ© de ne jamais se prendre la tĂȘte : c’est pour ça qu’il a fait imprimer des sacs avec sa devise prĂ©fĂ©rĂ©e « Smile harder », qu’il a longtemps gardĂ© un petit cƓur sur son logo, et qu’il utilise tout le temps le « nous » quand il parle de sa boĂźte – mĂȘme s’il en est la tĂȘte pensante et le premier responsable. Le sens de l’équipe couplĂ© d’un indĂ©crottable optimisme : deux qualitĂ©s en or qui lui ont bien Ă©tĂ© utiles pendant la pandĂ©mie. « Au dĂ©but, on ne savait pas trop quoi faire. On a arrĂȘtĂ© la collection en cours, et mĂȘme si on avait toujours la boutique en ligne, on savait que ce n’était pas le moment oĂč les gens allaient mettre 300 CHF dans une chemise que personne n’allait voir. C’était donc important de lĂącher prise, de se dire : “On utilise le temps libre qu’on a maintenant pour ranger tout l’atelier pendant deux semaines et on voit ce qui se passe.” Parce qu’on n’avait jamais fait de pause jusque-lĂ . » Ce qui s’est passĂ© ? Des tas d’idĂ©es sont venues pendant ces deux semaines de rangement – comme utiliser les restes des tissus pour faire des housses de coussin et de couette, des masques. Ou dĂ©cider de se concentrer sur une seule collection par an en la dĂ©voilant sur l’annĂ©e petit Ă  petit, en dehors de la Fashion Week.

Des idĂ©es qui se sont avĂ©rĂ©es payantes. Pour quoi ? Peut-ĂȘtre parce qu’il a de la chance. Mais c’est surtout parce qu’il s’écoute et qu’il se fait confance. « Pour rĂ©aliser un projet, on a besoin de croire en soi et en ses capacitĂ©s, parce qu’on sera souvent obligĂ© Ă  douter de ce qu’on fait. Quand on a la certitude qu’on peut se fer Ă  son ressenti, on est capable de dĂ©placer des montagnes. » Sans oublier le fait de ne pas tout prendre au sĂ©rieux : « Mes crĂ©ations, je n’y suis pas vraiment attachĂ© Ă©motionnellement : mĂȘme si je les aime toutes, je me dis que j’ai trop de bĂ©bĂ©s pour en prĂ©fĂ©rer un, parce qu’au fond, ce ne sont que des fringues. Ce qui est intĂ©ressant, c’est juste ment de les concevoir. »

La boutique de Julian Zigerli est Ă  Zurich, Rindermarkt 14. Toutes les collections et les accessoires sont en vente en ligne : julianzigerli.com

Julian Zigerli a une devise : souris à la vie, elle te sourira un jour ou l’autre. Autrement dit : lance-toi ! Qui sait, ça pourrait bien marcher.
Mode
« Je sais comment embarquer les autres dans mon dĂ©lire. C’est peut-ĂȘtre lĂ  mon plus grand talent. »
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Briseuse de glace

La Finlandaise JOHANNA NORDBLAD, 47 ans, a plongĂ© en apnĂ©e sur 103 mĂštres sous la glace. À la fin, elle a cru que son cƓur allait s’arrĂȘter de battre. Le froid extrĂȘme ralentit les choses d’une maniĂšre inquiĂ©tante – mais il peut aussi les sublimer.

Plongée libre
Texte KARIN CERNY Photos ELINA MANNINEN
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SOUS LA SURFACE

Johanna Nordblad sous la couche de glace du lac Sonnanen, dans le sud de sa Finlande natale. L’eau est Ă  deux degrĂ©s.

ermez les yeux. Imaginez-vous en mail lot de bain sur un lac gelĂ©. Devant vous, un trou dans la glace, l’eau est sombre, menaçante. Vous glissez lentement sous la glace. Vous plongez et parcourez une distance Ă©quivalente Ă  la longueur d’un terrain de football avec tout l’oxygĂšne contenu dans vos poumons.

En mars 2021, la Finlandaise Johanna Nordblad, 47 ans, a Ă©tabli un nouveau record mondial. Aucun homme ni aucune femme n’avait encore plongĂ© aussi loin sans oxygĂšne sous la glace : 103 mĂštres en apnĂ©e. Sans palmes, sans combinaison. À la seule force de son corps. Dans une eau Ă  environ deux degrĂ©s Celsius, avec une tempĂ©rature ambiante de moins sept degrĂ©s. Le documentaire de 40 minutes de Netfix Hold Your Breath: The Ice Dive a suivi la plongeuse de l’extrĂȘme pendant plus d’un an, immortalisant ses doutes, son entraĂźnement, mais aussi sa volontĂ© sur des images d’un bleu crĂ©pusculaire dans un monde de neige et de glace.

Une question subsiste : que ressent-on quand on disparaĂźt jusqu’à trois minutes sous la glace ? Quand on plonge dans un monde oĂč l’on ne peut pas vivre ? « C’est assez effrayant d’établir ce genre de record, parce qu’on n’a pas de donnĂ©es de rĂ©fĂ©rence », expliquera Johanna un an plus tard, par une chaude journĂ©e

de printemps. Elle vit Ă  Helsinki, prĂšs de l’eau bien entendu. « J’ai atteint ma limite absolue. AprĂšs 80 mĂštres, j’avais l’impression que mon cƓur ne battait plus qu’une fois par heure. Les derniers mĂštres m’ont semblĂ© durer des jours. Je me suis dit, ça y est, lĂ , mon cƓur va totalement s’arrĂȘter de fonctionner. »

FPuis, elle laisse Ă©clater un rire qui la caractĂ©rise bien : profond et chaleureux, accentuĂ© par l’éclat de ses yeux. Elle pourrait bien ĂȘtre comme l’un de ces requins du Groenland qui vivent trois fois plus longtemps que leurs congĂ©nĂšres des eaux plus chaudes. Dans le froid, le mĂ©tabolisme tourne au ralenti, tout prend une lenteur inquiĂ©tante. « Somniosus » (qui signife « somnolents »), tel est le nom de ces gĂ©ants indolents des eaux polaires. Johanna a dĂ» s’habituer Ă  cette vie au ralenti. À cette sensation dĂ©concer tante d’un corps et d’un esprit devenant lĂ©thargiques.

En mode survie

La plongĂ©e sous glace est une activitĂ© paradoxale : on se trouve dans une situation extrĂȘme et potentiellement mortelle, mais on doit rester calme et dĂ©tendu. Sous l’eau, le rĂ©fexe d’immer sion se dĂ©clenche. Le corps sait qu’il

doit Ă©conomiser l’oxygĂšne et il se met en mode survie : la frĂ©quence cardiaque baisse (jusqu’à atteindre le chiffre incroyable de 10 battements par minute chez les professionnel·le·s de l’apnĂ©e) et le sang affue vers les organes vitaux. Une sorte de transe s’installe. Qui peut rapidement conduire Ă  un Ă©vanouisse ment mortel.

Mais comment fait-on pour rester alerte tout en s’assoupissant ? Pour ne pas rater le moment oĂč il faut refaire sur face ? « Le froid est tellement puissant, on ressent tellement de choses diffĂ©rentes en mĂȘme temps, explique Johanna. C’est pour cela qu’il faut ĂȘtre totalement dans le moment prĂ©sent, afn d’ĂȘtre en mesure de dĂ©cider de plonger jusqu’au prochain trou ou non. » Aller trop vite, c’est risquer de prendre de mauvaises dĂ©cisions qui peuvent ĂȘtre fatales. « En compĂ©tition, j’étais toujours la plongeuse la plus lente », dit-elle. Un handicap qui est devenu sa force aujourd’hui. « La lenteur est ma façon personnelle de faire face Ă  ce dĂ©f potentiellement mortel. »

La plongĂ©e sous glace lui a appris une leçon de vie, l’a rendue plus calme, plus sereine, mais aussi plus concentrĂ©e. Quiconque s’aventure dans ce monde Ă©trange, fait d’obscuritĂ© et de froid, ne

son Ă©pais manteau pour l’entraĂźnement.

Plongée libre
L’APPEL DE LA GLACE Johanna au lac Öllöri, dans le nord de la Finlande. Elle abandonne
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ARRIVÉE AU BUT

La femme qui venait du froid : Johanna Nordblad, fraßchement décongelée.

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La lenteur était son handicap. Elle est devenue sa force.

DÉPART EN DOUCEUR

Johanna prend appui avec ses mains à la surface de la glace. Encore un moment avant de se lancer et de s’immerger.

doit faire qu’un avec lui-mĂȘme, chaque pensĂ©e parasite coĂ»te une prĂ©cieuse quantitĂ© d’oxygĂšne. « Le secret de la plon gĂ©e en apnĂ©e, c’est de ne laisser absolu ment aucune place Ă  la peur, explique Johanna. Pour moi, c’est aussi ce qui en fait toute la beautĂ©. Je laisse mes pro blĂšmes Ă  la surface pour que mon esprit soit dĂ©tendu pendant la plongĂ©e. »

Quand quelque chose la stresse, lui trotte dans la tĂȘte ou lui fait peur, elle note un rendez-vous dans son agenda. « Cela me donne une sorte de libertĂ© : je sais qu’il y aura un moment plus tard oĂč j’essaierai de rĂ©soudre ce problĂšme. Mais maintenant, je n’ai plus besoin d’y pen ser. » Johanna Nordblad, qui travaille en tant que graphiste indĂ©pendante, semble ĂȘtre une personne heureuse. La plongĂ©e sous glace est le meilleur des coaches.

Accro Ă  la sensation

Enfant, elle Ă©tait dĂ©jĂ  passionnĂ©e d’eau. DĂšs qu’elle avait du temps libre, elle allait nager. En 2000, elle dĂ©couvre la plongĂ©e en apnĂ©e. Elle s’allonge au fond de la piscine et observe les gens qui nagent au-dessus d’elle. « On aurait dit des ani maux. Tout Ă©tait si paisible, j’avais l’im pression de faire partie de la nature. Et j’ai rapidement su que j’étais accro Ă  cette sensation », dit-elle. DĂšs 2004, elle bat le record du monde fĂ©minin d’apnĂ©e dyna mique avec palmes sur 158 mĂštres en

6 minutes et 39 secondes. Elle entraĂźne ensuite l’équipe nationale masculine de plongĂ©e en apnĂ©e en Finlande et participe aux championnats du monde en Serbie et dans son pays.

En 2006, elle connait une premiĂšre crise. « Brusquement, rien de tout cela ne m’amusait plus, c’est un peu devenu mon boulot. Je n’avais plus envie de me mesurer aux autres. Je voulais me dĂ©cou vrir moi-mĂȘme », dit-elle. C’est ainsi qu’elle dĂ©cide de sortir des sentiers bat tus. « J’ai commencĂ© Ă  m’entraĂźner selon mes propres mĂ©thodes, je nageais le plus lentement possible pendant 20 minutes. Pour me vider la tĂȘte et trouver de nou velles idĂ©es. »

Le froid n’était pas au programme au dĂ©part. Ce n’est qu’à la suite d’un accident qu’elle s’y est mise. En 2010, Johanna fait une sortie en VTT de des cente. La piste est glissante, elle fait une chute. Son pied gauche reste accrochĂ© Ă  la pĂ©dale. Sa jambe, gravement bles sĂ©e, ressemble Ă  une branche tordue. La blessure est maintenue ouverte pen dant dix jours Ă  l’hĂŽpital pour Ă©viter la nĂ©crose. On lui donne de la morphine pour calmer la douleur qui est insup portable. Ses os fnissent par cicatriser, mais son systĂšme nerveux ne semble pas vouloir se calmer. Trois ans plus tard, Johanna se rĂ©veillait encore la nuit en hurlant de douleur. « J’ai cru que

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LA LIGNE À SUIVRE

Nordblad lors de son record du monde dans le lac Öllori en Finlande. Une corde tendue à l’horizontale lui indique le chemin à suivre.

je devenais folle », dit-elle. Jusqu’à ce qu’un mĂ©decin lui prescrive une thĂ©rapie par l’eau froide. « Au dĂ©but, j’ai trouvĂ© ça horrible, je me suis assise au bord du bassin, j’ai plongĂ© mon pied dans l’eau froide. Des larmes m’ont coulĂ© sur le visage. » Mais au bout de deux minutes, j’ai ressenti un vĂ©ritable soulagement et la douleur a disparu. Le froid permet alors Ă  Johanna de s’apaiser intĂ©rieu rement. Il lui apporte une profonde satisfaction.

Les larmes de l’apaisement

« Cette blessure m’a permis de dĂ©cou vrir un nouveau monde », dit-elle aujourd’hui. Elle commence Ă  se glisser tout entiĂšre dans l’eau froide – le choc lui fait perdre le souffe. Mais elle apprend Ă  passer par dessus – de ce froid qui s’in sinue dans sa tĂȘte et envahit son cerveau. Qui meurtrit la peau telles des piqĂ»res d’aiguille. Johanna comprend quelque chose : on ne peut pas lutter contre le froid, il faut l’accepter. Et la rĂ©compense, c’est une incroyable sensation de libertĂ©. Comme si on appuyait sur le bouton reset. « On entre dans un Ă©tat mĂ©ditatif sans mĂ©diter : nager dans l’eau glacĂ©e, c’est une mĂ©thode de paresseux pour se

sentir bien. Quelques minutes dans l’eau froide et on a l’impression d’avoir pris dix jours de vacances. » Et la plongĂ©e sous glace ? « Ça, c’est la mĂ©thode pour les super paresseux : en 30 secondes, on change complĂštement sa vision des choses. Le trou dans la glace est une porte vers un lieu calme et magnifque oĂč le temps s’arrĂȘte. »

Son record du monde n’a pas Ă©tĂ© une promenade de santĂ©. Les obstacles se sont multipliĂ©s. Au dĂ©part, Johanna a pour objectif de plonger Ă  « seulement » 81 mĂštres sous la glace pour battre le record masculin qui est Ă  l’époque d’un peu plus de 70 mĂštres. Mais la pandĂ©mie arrive et la pousse Ă  reporter sa tentative. Entre-temps, une Russe Ă©tablit un record non offciel de 102 mĂštres. La barre est placĂ©e trĂšs haut tout Ă  coup. Pour ne rien arranger, les piscines sont fermĂ©es pen dant le Covid, Johanna a l’impression de ne pas s’ĂȘtre assez entraĂźnĂ©e. Comment faire face Ă  cette pression ?

Une fois de plus, c’est son humour noir qui la sauve. « La veille de ma ten tative de record, j’ai appelĂ© une de mes amies et je lui ai expliquĂ© qu’il y avait deux possibilitĂ©s », raconte l’athlĂšte. « Dans l’eau, je n’entends pas ma voix

« Sous la glace, le temps est suspendu. »

intĂ©rieure, je plonge trop longtemps –et je meurs. Ou alors je remonte au premier trou. Et je meurs de honte. » Au fond d’elle, Johanna sait bien qu’elle n’a qu’une seule planche de salut : faire confance Ă  sa lenteur. « Si je m’étais dit dĂšs le matin qu’il faudrait que je plonge sur 103 mĂštres le jour-mĂȘme, je n’y serais jamais arrivĂ©e, dit-elle. On ne peut rien prĂ©voir Ă  l’avance, il faut dĂ©cider sur le moment. »

Johanna dĂ©tient le record, hommes et femmes confondus. Dans le docu mentaire de Netfix, elle dĂ©clare : « Les femmes peuvent faire tout ce que font les hommes. » Une affrmation qu’elle trouve rĂ©ductrice aujourd’hui. « Cette distinction

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SANG FROID

En plongée libre, Johanna se fond dans la nature, tout est calme et paisible.

ne veut rien dire pour moi : j’ai toujours fait ce que j’avais envie. Peu importe que je sois une femme ou non. » Elle Ă©tait la plus jeune de sa famille, toujours en vadrouille avec son frĂšre et ses amis Ă  lui. MĂȘme si elle Ă©tait la plus petite, elle Ă©tait toujours partante pour les activitĂ©s fun et les aventures. « Je ne me suis jamais dit que j’étais diffĂ©rente parce que j’étais une flle. Il ne devrait pas y avoir cette distinction entre les trucs de garçons et les trucs de flles. »

La parfaite équipe

Pour sa sƓur aĂźnĂ©e, Elina Manninen, cela n’a pas toujours Ă©tĂ© facile. « Quand Johanna Ă©tait petite, on l’appelait notre petit singe, dit-elle. Je me rappelle qu’elle faisait toujours des trucs bizarres. » Les deux sƓurs sont diamĂ©tralement oppo sĂ©es : Elina est plus craintive, ce n’est pas une aventuriĂšre. Et pourtant, toutes deux forment une Ă©quipe parfaite. Si diffĂ©rentes, les sƓurs sont pourtant trĂšs liĂ©es : Johanna plonge, Elina est son soutien Ă©motionnel. MĂȘme si elle vit en permanence avec la peur que sa sƓur soit victime d’un accident mortel.

Elina, qui est photographe, rĂ©alise des photos sous-marines de sa sƓur d’une beautĂ© Ă©poustoufante. Elle est en revanche Ă©quipĂ©e d’une combinaison en nĂ©oprĂšne et d’un appareil Ă  oxy gĂšne. Et qu’en pense Kaspar, le fls de Johanna ? « Il me fait confance, affrme la plongeuse. Avant qu’il ne devienne un ado qui vole de ses propres ailes, nous avons beaucoup plongĂ© ensemble. »

Mais revenons-en au jour de son record du monde : « Encore cinq minutes », annonce une voix masculine. Johanna Nordblad est allongĂ©e en com binaison de ski sur un tapis de yoga, sur le lac gelĂ© d’Öllöri, dans le nord de la Finlande. Ses yeux sont fermĂ©s, sa respiration est calme. « Encore une minute. » Aussi immobile qu’une statue, elle est assise sous un peignoir chauffant. « Encore 30 secondes. » Elle retire son peignoir, prend encore quelques bouffĂ©es d’oxygĂšne. Et puis, elle plonge. Dans un monde obscur et glacial oĂč tout se passe au ralenti. Tel un requin du Groenland, elle glisse dans l’eau en toute lĂ©gĂšretĂ©. Deux minutes et 42 secondes. Qui lui ont semblĂ© durer des jours.

johannanordblad.com, elinamanninen.com ; Instagram : @johannanordblad, @elinamanninen

TENUE LÉGÈRE

Johanna Nordblad s’entraĂźne parfois avec des palmes, mais elle a battu son record du monde sans. Et aussi sans combinaison de plongĂ©e.

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« Trente secondes : c’est la mĂ©thode pour les paresseux pour se sentir bien. »

PARTITION LIBRE

ArmĂ©e de son archet et d’un certain grain de folie, SUDAN ARCHIVES fait exploser les codes de son instrument fĂ©tiche, le violon. Portrait d’une artiste unique et inclassable qui n’en fait qu’à sa tĂȘte.

Texte LOU BOYD Photos ALLY GREEN

Musique

Sudan Archives, 28 ans, ne voulait plus ĂȘtre la gentille petite Brittney. Elle s’est alors rĂ©inventĂ©e.

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Brittney Parks – aka Sudan Archives, son nom d’artiste – n’est pas une violoniste comme les autres. Il sufft de jeter un Ɠil sur la pochette de son dernier album, Natural Brown Prom Queen, pour s’en rendre compte : dĂ©cor de fĂȘte, chevelure rose bonbon interminable, corps de liane dont le buste Ă©tincelle, la nouvelle icĂŽne avant-gardiste du R’n’B nous toise de son regard de reine. Une question s’impose : qui est-elle ?

« Le violon est perçu comme un ins trument sĂ©rieux dans le monde occiden tal, nous explique la jeune femme de 28 ans. Et moi, je ne suis pas quelqu’un de sĂ©rieux : j’ai envie de jouer, de dĂ©con ner et de suivre mes envies. »

Pour savoir Ă  quoi ressemblent ses envies, il faut la voir sur scĂšne : Sudan Archives devient une reine de la fĂȘte, son violon arrimĂ© au corps et son micro fxĂ© autour du cou pour n’entraver aucun de ses mouvements, aucune chorĂ©gra phie Ă  laquelle elle aurait envie de se livrer. Tout en elle vibre d’une Ă©nergie contagieuse qui invite le public Ă  danser sur des beats sensuels que viennent agrĂ©menter les sons de son violon : « J’ai toujours voulu faire du violon un instru ment de fĂȘte. »

À la croisĂ©e de diffĂ©rentes infuences musicales africaines et occidentales, Brittney Parks cĂ©lĂšbre la mĂȘme incon gruitĂ©, le mĂȘme non-conformisme dans son look : tresses fuo, tenues psychĂ©dĂ© liques ultra sexy, chaussures de drag queen ou longue robe-fourreau noire de vamp tentatrice, les styles se super posent comme autant de pistes d’explo ration Ă  suivre joyeusement, sans

aucune censure. Une libertĂ© que l’artiste assume dans les thĂšmes de ses chan sons : elle y parle d’émancipation cultu relle, sexuelle et sociale, de fĂ©minitĂ©, de racines et de liens familiaux – des sujets qu’elle dissĂšque dans des textes suaves, posĂ©s sur une rythmique Ă©lectro-violo niste inĂ©dite.

Comment Brittney Parks, la gamine du Midwest qui a grandi Ă  Cincinnati (Ohio), est-elle devenue Sudan Archives ? À l’origine du nom, il y a d’abord l’exaspĂ©ration d’une petite flle qui n’aimait pas son prĂ©nom : alors elle demande Ă  sa mĂšre de l’appeler Tokyo Moon, en hommage au dessin animĂ© Sailor Moon, qu’elle adore. Ce Ă  quoi sa mĂšre lui oppose une alternative afri caine : « Et pourquoi pas “Sudan” ? » Une proposition qui plaĂźt Ă  la petite flle.

Des annĂ©es plus tard, la jeune musi cienne dĂ©couvre le style exubĂ©rant du violon soudanais et sent qu’elle touche du doigt le son qui lui correspond, qui la

fait vibrer. C’est comme si sa route musicale l’avait guidĂ©e vers cet univers, ce trĂ©sor de sons traditionnels et de rĂ©cits lointains, un trĂ©sor Ă  conserver comme de prĂ©cieuses archives : Brittney Parks a enfn trouvĂ© son identitĂ©.

C’est le premier jalon d’une carriĂšre solo qui fut toujours guidĂ©e par le mĂȘme leitmotiv : ne jamais suivre que sa propre voie. Adolescente, la jeune Brittney refuse ainsi le soutien de son beau-pĂšre, Derrick Ladd – qui a notamment lancĂ© la maison de disques Atlanta’s LaFace

Sudan Archives sur scĂšne : pantalon taille basse, soutif en strass, string vert fluo...
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« J’ai toujours voulu faire du violon un instrument de fĂȘte : je voulais faire danser les gens. »

Records – pour rester fdĂšle Ă  ses goĂ»ts musicaux. Une force de caractĂšre qui lui porte chance lorsqu’elle emmĂ©nage, quelque temps aprĂšs, Ă  Los Angeles : elle y rencontre par hasard un des managers de Stones Throw Records, label indĂ©pen dant cĂ©lĂšbre pour ses productions Ă©clec tiques, comme MF DOOM, Madlib ou encore NxWorries. Un premier contrat sur-mesure, qui lui permet de s’épanouir musicalement en dehors du carcan rigide de l’industrie pop.

Nous la retrouvons peu aprĂšs la sortie de Natural Brown Prom Queen, son deu xiĂšme album – un cocktail gĂ©nial et avant-gardiste de sonoritĂ©s Ă©lectro, soul, R’n’B, rap et country. Sudan Archives nous parle de son instrument fĂ©tiche, du courage qu’il faut pour faire les bons choix et rester fdĂšle Ă  soi-mĂȘme, et de son espoir de servir d’exemple Ă  d’autres femmes audacieuses en les encourageant Ă  assumer leur propre style dans l’indus trie de la musique.

the red bulletin : Vous jouez du violon avec une telle aisance. À quel Ăąge avez-vous commencĂ© Ă  jouer d’un instrument ?

sudan archives : J’avais dix ans. Gerry O’Connor (excellent violoniste folk origi naire de Dundalk, en Irlande, ndlr) Ă©tait venu jouer avec son groupe de violo nistes dans mon Ă©cole Ă  Wyoming (dans l’Ohio, États-Unis, ndlr). Ils nous ont parlĂ© du violon et nous ont fait dĂ©couvrir

le folk et les danses irlandaises : j’étais conquise. Ce fut une rĂ©vĂ©lation pour moi, et j’ai eu envie de faire la mĂȘme chose.

Est-ce vrai que vous avez appris à jouer à l’oreille ?

Oui, on peut dire ça ! Dans mon Ă©cole, chaque enfant recevait un instrument de musique, que l’on pouvait acheter ou louer. J’avais choisi de louer un violon : j’ai commencĂ© Ă  m’amuser dessus et c’est encore ce que je fais aujourd’hui. Au dĂ©but, je rendais ma sƓur complĂštement folle : il faut dire que le violon n’est pas trĂšs beau Ă  entendre quand on ne sait pas encore en jouer


Vous avez aussi été marquée par ces musiciens soudanais qui jouent du violon à une corde.

J’ai dĂ©couvert le violon Ă  travers des chansons irlandaises, la musique que l’on joue dans les pubs pour faire danser les gens. Et puis, un jour, en cherchant sur YouTube des musicien·ne·s de folk irlandais, j’ai dĂ©couvert toutes ces vidĂ©os archivĂ©es de violonistes soudanais : ça m’a littĂ©ralement bouleversĂ©e. Je me suis dit : « VoilĂ  des gens qui me ressemblent et qui jouent de maniĂšre si exubĂ©rante. » Au lieu de traiter leur violon comme un instru ment d’accompagnement, ils le mettent en avant : j’ai compris que je pouvais faire la mĂȘme chose et jouer du violon comme bon me semblait. Voir ces musicien·ne·s Ă  l’Ɠuvre m’a autorisĂ©e Ă  oser jouer exacte ment comme je le sentais.

Qu’est-ce qui vous a poussĂ©e, Ă  l’époque, Ă  choisir justement une direction complĂštement inĂ©dite ? Je crois que c’est mon esprit rebelle ! Je n’aime pas faire les choses uniquement parce qu’on me dit de les faire ou parce qu’on me conseille de faire ainsi. Je ne veux pas qu’on me conseille de faire tel type de musique, tout ça parce que ça plaĂźt au plus grand nombre. Je prĂ©fĂšre faire la musique que j’aime, mĂȘme si c’est nul. Ce qui me fait rire, c’est de voir Ă  quel point le regard des autres a changĂ© : comme j’ai toujours Ă©tĂ© du genre Ă  n’en faire qu’à ma tĂȘte et Ă  nager Ă  contre-cou rant, Ă  la sortie de ce nouvel album – qui me correspond totalement – les gens ont Ă©tĂ© surpris : « Alors comme ça, tu fais de la pop, maintenant ? » Et moi de leur rĂ©pondre : « Allez comprendre ! Faut croire que je suis une artiste pop, fnalement ! »

Musique
«
Tout ce qui m’importe, c’est de faire de la musique et de jouer de mon instrument d’une maniĂšre qui me ressemble. »
THE RED BULLETIN 61 GETTY IMAGES
... et perruque blanche. Un concerto pour violon sans aucun élément classique.

Durant votre adolescence Ă  Cincin nati, vous et votre sƓur jumelle aviez formĂ© N2, un groupe de pop/R’n’B. Pourquoi avoir quittĂ© N2 et emmĂ© nagĂ© toute seule Ă  Los Angeles ?

Pour dire la vĂ©ritĂ©, cette dĂ©cision n’avait pas grand-chose Ă  voir avec notre musique. Je vivais Ă  l’époque avec ma mĂšre et mon beau-pĂšre et je voulais sortir le soir, faire de la musique, com poser ou tout simplement traĂźner avec mes amis et fumer des joints. À force de me voir tenir tĂȘte et dĂ©coucher rĂ©guliĂš rement, mes parents en ont eu marre et m’ont virĂ©e de chez eux. Je me suis dit « Bon, je n’ai qu’à essayer Los Angeles. » Et c’est lĂ  que ma sƓur et moi avons compris que nous allions suivre deux chemins diffĂ©rents : mĂȘme si c’était un peu triste, elle Ă©tait contente pour moi et tous ont montrĂ© leur soutien.

À votre arrivĂ©e Ă  Los Angeles, vous arrivez trĂšs vite Ă  rentrer chez Stones Throw Records, en devenant mĂȘme l’une de leurs plus jeunes artistes. Est-ce vrai que vous avez Ă©tĂ© dĂ©cou verte en Ă©tant serveuse dans le resto frĂ©quentĂ© par leurs managers ?

Oui, c’était une phase de ma vie assez intense : j’ai fait des tas de petits bou lots Ă  Los Angeles. Le matin, je devais prendre mon vĂ©lo, un train et un bus pour aller bosser dans un cafĂ©, et pen dant mes jours de congĂ©, je vendais des donuts. Je servais le cafĂ© Ă  ces managers qui bossaient Ă  cĂŽtĂ©, certains n’étaient vraiment pas sympas, mais il y en avait un qui Ă©tait toujours gentil, aimable –et qui s’intĂ©ressait Ă  ma musique. C’est fnalement lui qui m’a fait rentrer chez Stone Throw.

Tout de mĂȘme, on a du mal Ă  imaginer qu’un type bossant dans une maison de disques insiste pour Ă©couter ce que

vous faites
 Ça paraüt si simple et si improbable !

Je sais ! C’était marrant : ce mec est mĂȘme revenu Ă  la charge plusieurs fois et Ă  force d’insister, j’ai fni par lui faire Ă©couter quelques trucs que j’avais com posĂ©s. Il a Ă©coutĂ© les extraits puis les a envoyĂ©s Ă  Chris Manak (aka. DJ Peanut Butter Wolf, qui est aussi producteur et fondateur de Stones Throw Records, ndlr) Ils m’ont demandĂ© de venir les voir – et c’est comme ça que j’ai signĂ© avec eux.

Il faut dire que vous ĂȘtes aussi une vĂ©ritable bĂȘte de scĂšne, avec une prĂ© sence incroyable en concert : pensezvous que c’est votre Ă©nergie qui a attirĂ© leur attention ?

Non, absolument pas. Avant, j’étais mĂȘme plutĂŽt du genre Ă  fuir les spotlights, je n’ai jamais eu envie de devenir cĂ©lĂšbre. Tout ce que je voulais, c’était faire de la musique et montrer aux gens ce que j’étais capable de crĂ©er, pas ce que j’étais en tant qu’individu. J’ai pris confance sur scĂšne avec le temps, Ă  force de faire mon job de musicienne, de continuer Ă  donner des concerts mĂȘme si j’avais le trac – j’ai d’ailleurs toujours le trac ! Mais j’ai persĂ© vĂ©rĂ©, et maintenant, j’apprĂ©cie vraiment le fait d’y aller, de faire ce qui me plaĂźt et d’ĂȘtre moi.

Votre nouvel album Natural Brown Prom Queen est un projet ambitieux : 18 titres aux longueurs imposantes (le titre ChevyS10 avec 6’10, notamment). Était-ce un choix dĂ©libĂ©rĂ© ? C’est vrai qu’il y a beaucoup de musique, lĂ -dedans ! Je l’ai Ă©crit durant la pandĂ© mie de Covid-19, alors que j’étais cloĂźtrĂ©e chez moi sans pouvoir aller nulle part. J’ai installĂ© un petit studio dans ma cave et j’y ai passĂ© tout mon temps, Ă  crĂ©er de la musique, des riffs, des beats. Ce fut comme un acte thĂ©rapeutique : on pro duit des endorphines quand on fait de la musique et qu’on est crĂ©atif en gĂ©nĂ©ral – c’est quelque chose dont on a terrible ment besoin au quotidien.

Les titres sont bĂątis comme des mille feuilles musicaux : comment avez-vous fait pour les composer ? Chaque chanson est le rĂ©sultat d’un processus diffĂ©rent, mais en gĂ©nĂ©ral, je commence par Ă©couter une mĂ©lodie dans ma tĂȘte et je cours enregistrer la partie violon qui va avec. Puis j’ajoute des

couches successives comme si j’utilisais une pĂ©dale loop. Je suis une obsĂ©dĂ©e des sons : je peux me servir de pratiquement tout ce que j’entends autour de moi, des trucs que les gens n’utiliseraient pas. Sur l’album, on entend ainsi des bruits de collision et de percussion, que j’ai créés en jouant avec mon violon et en retra vaillant les sons.

On pourrait penser que le fait de bosser seule dans son coin peut ĂȘtre assez stĂ©rile : Ă  vous Ă©couter, ce fut au contraire libĂ©rateur


RĂ©trospectivement, ça m’a effectivement rendue plus crĂ©ative : Ă  l’extĂ©rieur, il y avait tellement de choses auxquelles je voulais rĂ©agir et en mĂȘme temps, j’avais tout cet espace Ă  moi pour y jouer et dĂ©conner. Dans mon petit studio person nel, je pouvais enfn jeter les bases d’un morceau et le modeler aussi longtemps et aussi loin que je le voulais : c’est vrai ment utile d’avoir son propre espace de crĂ©ation.

Vous avez souvent dĂ©clarĂ© vouloir faire du violon un instrument de fĂȘte : aujourd’hui, vous faites danser les foules partout dans le monde. Qu’est-ce que ça vous fait ? Pour ĂȘtre honnĂȘte, je n’ai compris que rĂ©cemment Ă  quel point j’étais comprise et accueillie par le public. Il y a quelques semaines, j’ai jouĂ© lors d’un cĂ©lĂšbre talkshow amĂ©ricain et quelqu’un est venu me dire aprĂšs mon passage : « Il y a telle ment de gamins qui n’aiment pas le vio lon parce qu’ils voient ça comme quelque chose de barbant. Je parie que vous allez les faire changer d’envie ! » Les gens commencent Ă  me voir comme celle qui dĂ©complexe le violon : c’est pas la plus cool des images, ça ?

« On produit des endorphines quand on est crĂ©atif : c’est quelque chose dont on a terriblement besoin au quotidien. »
Musique sudanarchives.com
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« Les gens commencent Ă  me voir comme celle qui dĂ©complexe le violon : c’est pas la plus cool des images, ça ? »

DĂ©poussiĂ©rage. Sudan Archives a d’abord pris le violon au sĂ©rieux, puis ses tenues.

L’avenir dans toute sa splendeur : ce prototype BMW M4 entiĂšrement Ă©lectrique allie perfor mance M et durabilitĂ©.

Deux lettres qui, Ă  premiĂšre vue, ne vont pas vraiment ensemble : M et E. Pour les fans d’automobile du monde entier, M symbolise le plaisir de performance ultime, les moteurs impĂ©tueux, la propulsion arriĂšre et les modĂšles mythiques comme la BMW M1 ou la BMW M3. Dans l’imaginaire collectif, E est syno nyme d’efficience, de sobriĂ©tĂ©, de passage obligĂ© ; d’électromobilitĂ©, en somme. Mais que se passe rait-il, s’est-on imaginĂ© du cĂŽtĂ© de Munich, si l’on pouvait inverser la formule ? Si l’e-mobilitĂ© deve nait soudain symbole de perfor mances accrues et de toutes ces compĂ©tences caractĂ©ristiques de la marque lĂ©gendaire ? Si l’on pouvait concevoir une voiture Ă©lectrique digne d’arborer l’em blĂ©matique logo M ? Dans cette logique, BMW a introduit une nouvelle lettre dans l’alphabet des Ă©motions. Depuis 2010, le petit « i » sous le logo de l’hĂ©lice bleue et blanche dĂ©signe les modĂšles Ă©lectriques. Et quand le petit i et le grand M se ren contrent, comme avec la BMW i4 M50 ou la BMW iX M60, c’est l’apothĂ©ose ; mais attention, le meilleur reste encore Ă  venir. 2022, quelque part en BaviĂšre. Un prototype noir avec camou flage blanc-bleu-rouge (les couleurs de M GmbH) fait des tours d’essai sur une piste. Mais que teste-t-on exactement ? Le connaisseur averti retrouvera les Ă©lĂ©ments chers Ă  M comme les larges passages de roue ou l’avant caractĂ©ristique de la BMW M3 ou de la BMW M4. Mais ne s’agit-il

M GOES E

Depuis 1972, la lettre M fait figure de performances exceptionnelles chez BMW. Bonne nouvelle : le passage Ă  l’électrique ne change

pas de la base d’une BMW i4 ? Absolument, comme le confirme bientît l’absence de bruit du moteur à combustion.

Sous ce camouflage se cache en fait l’avenir de M GmbH, et celui-ci est Ă©lectrique. Pour celles et ceux pour qui les caractĂ©ris tiques de conduite passent avant les dogmes, c’est une trĂšs bonne nouvelle. Comme chaque roue de ce prototype est entraĂźnĂ©e par son propre moteur Ă©lectrique, les ingĂ©nieurs ont pu rĂ©aliser une

transmission intégrale inédite capable de fournir à chaque roue la puissance exacte dont elle a besoin en quelques millisecondes. En comparaison, toute solution mécanique aussi sophistiquée soit-elle appartient définitivement au passé.

Pour plus d’infos sur la BMW M Power Ă©lectrique, scannez le code QR.

L’avenir de M sera Ă©lectrique, et c’est une bonne nouvelle.
BMW AG
pas la donne, bien au contraire ; les derniĂšres technologies ouvrent des possibilitĂ©s jusqu’à prĂ©sent insoupçonnĂ©es.

L’AVENIR EN DÉTAILS

Solutions, visions et approches de la performance électrique de pointe.

1 Structure Concept de carrosserie issu de la série M3/M4 pour une rigidité en torsion particuliÚrement élevée.

2 Larges passages de roue pour intégrer des essieux hautement performants.

3 Quatre moteurs Ă©lectriques pour une rĂ©partition infiniment variable et extrĂȘmement prĂ©cise de la propulsion sur chaque roue.

4 Unité de commande hautement intégrée pour relier données de la personne au volant et paramÚtres de conduite en quelques millisecondes.

5 Disposition du radiateur pensée pour offrir une stabilité thermique optimale des composants élec troniques et une performance maximale.

6 RĂ©cupĂ©ration de l’énergie de freinage jusqu’aux limites de la dynamique de conduite pour recharger les batteries.

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En termes de voitures hautes performances, M GmbH remporte la palme, comme le prouve ce prototype de BMW M4 Ă©lectrique : vĂ©ritable bijou de perfection, la rigiditĂ© en torsion maximale vient de l’actuelle BMW M4. La confi guration du systĂšme de refroidis sement est tout aussi importante pour les modĂšles Ă©lectriques que pour ses consƓurs Ă  combustion. Que ce soit au niveau des chĂąssis, de la direction ou des rĂ©glages Ă©lectroniques, on retrouve ces compĂ©tences clĂ©s et ce savoir-faire caractĂ©ristiques de la marque

Plaisir, vitesse et autonomie accrus : la propulsion Ă©lectrique, c’est possible.

depuis toujours. Facile d’imaginer la suite : l’association de la propul sion Ă©lectrique et de la compĂ©tence M nous permettra bientĂŽt de voir des voitures aux performances encore inimaginables mĂȘme dans des conditions dĂ©favorables (neige, glace ou pluie). Des voitures rĂ©cu pĂ©rant un maximum d’énergie au freinage dans des conditions difficiles tout en restant durables mĂȘme en conduite sportive. En fin de compte, non contentes d’ĂȘtre plus rapides que tout ce que nous avons connu jusqu’à prĂ©sent, elles seront Ă©galement plus agrĂ©ables Ă  piloter et leur autonomie sera dĂ©cuplĂ©e pour des expĂ©riences de conduites rĂ©volutionnaires. Autre facteur dĂ©cisif : depuis sa crĂ©ation il y a cinquante ans, M GmbH s’est toujours concentrĂ© sur la pratique du sport auto. Albert Einstein l’avait bien compris : E = mcÂČ. Les ingĂ©nieurs munichois ont semblet-il adaptĂ© cette formule comme suit : l’électromobilitĂ©, c’est M GmbH multipliĂ© par CompĂ©tition puissance 2.

LES 10 FANTASTIQUES

Un demi-siÚcle de BMW M GmbH en dix modÚles légendaires.

BMW 3.0 CSL

Année de sortie 1972

Moteur Six cylindres en ligne

Puissance 200 chevaux

0 100 km/h 7,1 secondes

Vitesse max. 220 km/h

FondĂ©e en 1972, l’entreprise BMW M GmbH s’inspire du coupĂ© de la sĂ©rie E9 et construit un vĂ©hicule de tourisme pour Lauda, Stuck et cie.

BMW M1

Année de sortie 1978

Moteur Six cylindres en ligne

Puissance 277 chevaux

0 100 km/h 6,0 secondes Vitesse max. 265 km/h

PremiĂšre sportive de BMW et premier modĂšle Ă  bĂ©nĂ©ficier du sigle « M ». La BMW M1 est actuellement l’une des voitures classiques les plus convoitĂ©es au monde.

Année de sortie 1984

Moteur Six cylindres en ligne

Puissance 286 chevaux

0 100 km/h 6,4 secondes Vitesse max. 255 km/h

BMW M3

Année de sortie 1986

Moteur Six cylindres en ligne

Puissance 195 chevaux

0 100 km/h 6,8 secondes Vitesse max. 230 km/h

BMW M635 CSi Cruiser élégant, voiture de course performante : un coupé généreux apprécié des grands noms de la course automobile.
PROMOTION BMW i4 M50 AnnĂ©e de sortie 2021 Moteur Électrique Puissance 625 chevaux 0 100 km/h 3,9 secondes Vitesse max. 225 km/h BMW M6 AnnĂ©e de sortie 2005 Moteur V10 Puissance 507 chevaux 0 100 km/h 4,6 secondes Vitesse max. 305 km/h BMW M5 Touring AnnĂ©e de sortie 1992 Moteur Six cylindres en ligne Puissance 340 chevaux 0 100 km/h 5,9 secondes Vitesse max. 250 km/h BMW SĂ©rie 1 M CoupĂ© AnnĂ©e de sortie 2011 Moteur Six cylindres en ligne Puissance 340 chevaux 0 100 km/h 4,9 secondes Vitesse max. 250 km/h BMW Z3 M CoupĂ© AnnĂ©e de sortie 1997 Moteur Six cylindres en ligne Puissance 321 chevaux 0 100 km/h 5,4 secondes Vitesse max. 250 km/h AnnĂ©e de sortie 2022 Moteur V8 Puissance 625 chevaux 0 100 km/h 3,2 secondes Vitesse max. 305 km/h BMW M8 Competition CoupĂ© Le premier modĂšle M Ă©lectrique de l’histoire allie performance M, confort au quotidien et durabilitĂ©. LĂ©gĂšre, compacte, puissante et limitĂ©e : la BMW SĂ©rie 1 M CoupĂ© traduit le concept propre Ă  la M3 dans la plus petite catĂ©gorie de vĂ©hicules de BMW. Performance totale sans sacri fier au luxe : l’actuelle BMW M8 Competition CoupĂ© fait figure de rĂ©fĂ©rence tous secteurs confondus. La plus performante gran turismo de
brille par son magnifique
son pilotage souple et sa parfaite
! La premiÚre M en mode « sac à dos » : en version Touring, la souveraine BMW M5 était
rapide
pratique.
«
clown »,
BMW Z3 M Coupé compacte
propulsion arriĂšre, six cylindres
de la gran turismo avec son moteur Ă  dix cylindres digne
F1 de l’époque. Le plus : toit en carbone et modes de conduite trĂšs sophistiquĂ©s. BMW GROUP CLASSIC, BMW AG
l’histoire
moteur,
tenue de route. Une icĂŽne de grande classe
aussi
que
Affectueusement surnommée
chaussure de
la
allie
en ligne et look spectaculaire. Summum
d’une

Un coach en or

Pour gagner en freeski, ou autre, il faut trouver la bonne combinaison. MISRA TORNIAINEN, 39 ans, peut se targuer d’ĂȘtre le meilleur coach de la discipline. À ses cĂŽtĂ©s, les athlĂštes qu’il entraĂźne transforme tous leurs essais en mĂ©dailles (d’or).

Freestyle
68 THE RED BULLETIN
Mettmenstetten, canton de Zurich : Misra Torniainen sur la rampe de sa jeunesse.

Ă©vrier 2022, pendant les JO de PĂ©kin : Eileen Gu dĂ©croche la mĂ©daille d’or Ă  l’épreuve de Big Air, aprĂšs avoir rĂ©alisĂ© un saut qu’elle n’avait jamais tentĂ© en compĂ©tition – un Leftside Double Cork 1620 °, quatre tours et demi parfaitement maĂźtrisĂ©s. D’émotion, la jeune SinoAmĂ©ricaine tombe Ă  genoux : personne n’arrive Ă  y croire, pas mĂȘme elle. Tout lĂ -haut, depuis la rampe de lancement, un homme exulte : Misra Torniainen, son entraĂźneur, qui savait qu’un Double Cork apporterait Ă  sa petite protĂ©gĂ©e la victoire ultime. Et pourtant, Ă  cet instant prĂ©cis, lui-mĂȘme a encore du mal Ă  rĂ©ali ser ce qui vient de se passer.

Cela fait seulement six mois qu’il est l’entraĂźneur officiel d’Eileen Gu, cette athlĂšte hors du commun qui a raflĂ©, Ă  seulement 18 ans, deux mĂ©dailles d’or pour la Chine, en ski acrobatique. EntraĂź ner un tel phĂ©nomĂšne n’a rien d’un bou lot tranquille : pour Misra Torniainen, ce furent six mois passĂ©s comme dans une centrifugeuse, entre les coups de fil avec le ministre des sports chinois, les virĂ©es en SUV avec la famille Gu dans les collines de Los Angeles, les nuits sans sommeil Ă  se tenir prĂȘt au moindre appel. Six mois Ă©reintants pendant les quels il a connu le doute, la colĂšre, la fatigue mais aussi de grands moments de bonheur – car Eileen Gu reste pour lui un cadeau du ciel, pour lequel il a acceptĂ© de dĂ©laisser pendant plusieurs mois sa femme et ses deux enfants.

S’agit-il lĂ  de son dernier sacrifice ? (Une question cruciale pour cet homme dĂ©vouĂ©, Ă  laquelle il rĂ©pondra Ă©vasive

Fment quand nous aurons fait plus ample connaissance) À 39 ans, Misra Torniainen est, dans le monde du freeski, l’homme qu’on appelle quand on veut gagner l’or. Jeux Olympiques, champion nats du monde, X-Games : toutes celles et ceux qui ont fait appel Ă  lui ont tou jours fini en haut du podium. Les cham pionnes olympiques Sarah Hoefflin et Mathilde Gremaud, mais aussi le vain queur des X-Games – et star Instagram –Andri Ragettli le savent : c’est grĂące Ă  lui que leurs carriĂšres respectives ont littĂ©ralement dĂ©collĂ©. Alors forcĂ©ment, il ne pouvait y avoir qu’un homme capable d’entraĂźner un talent comme Eileen Gu, jeune prodige du freeski au

CV impressionnant : mannequin convoitĂ© par les plus grands magazines, Ă©tudiante modĂšle Ă  Standford, chroniqueuse pour le New York Times, star des rĂ©seaux sociaux en Chine et dans le reste du monde, et dĂ©sormais double mĂ©daillĂ©e d’or – en Big Air et Halfpipe.

Si les exploits d’Eileen Gu aux derniers JO ont Ă©tĂ© maintes fois relatĂ©s, il est temps de s’intĂ©resser Ă  l’homme qui en est en partie responsable : Misra Torniainen. L’entraĂźneur suisse, aux origines suissofranco-italiennes – son nom est celui de son Ă©pouse finlandaise – n’aime pas se tenir sous les projecteurs, et quand il prend la parole, c’est uniquement pour parler des athlĂštes qu’il entraĂźne.

Freestyle
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DUO GAGNANT Eileen Gu, mĂ©daillĂ©e d’argent (Ă  gauche), et Mathilde Gremaud, mĂ©daillĂ©e d’or, jubilent sur le podium aux Jeux olympiques de PĂ©kin 2022.

Sentiments refoulés

Alors que tant d’articles ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© Ă©crits sur les championnes qu’il a fait naĂźtre, sur Sarah Hoefflin, Mathilde Gremaud et Eileen Gu, nous avons voulu savoir qui Ă©tait vraiment Misra Torniainen, un homme qui transforme en or celles et ceux qui l’approchent.

Misra Torniainen, nĂ© Misra Noto, est le fils de deux ĂȘtres malmenĂ©s par la vie : une mĂšre droguĂ©e, Ă  l’enfance difficile passĂ©e de foyer en foyer, qui finit par mourir du sida lorsque Misra n’a que 21 ans. Un pĂšre que le jeune homme n’aura pratiquement pas connu et qui dĂ©cĂšde un an aprĂšs. Cette enfance chao tique lui aura donnĂ© une grande force,

dit-il, mais aussi une propension Ă  se renfermer sur lui- mĂȘme : « J’ai beau coup de mal Ă  parler de moi, mĂȘme avec mes proches. Je prĂ©fĂšre gĂ©rer mes pro blĂšmes tout seul, dans mon coin. » Il n’a que cinq ans lorsque les services sociaux viennent chez lui pour le retirer de la

garde maternelle et le placer en foyer Ă  Mettmenstetten, prĂšs de Zurich. Dans cet orphelinat gĂ©rĂ© par l’Église, « les rĂšgles Ă©taient trĂšs strictes, nous avions toujours des tĂąches Ă  exĂ©cuter et la foi chrĂ©tienne nous Ă©tait martelĂ©e du matin au soir, que nous le souhaitions ou non ». TrĂšs vite, le petit Misra comprend deux choses : qu’il ne peut compter que sur lui-mĂȘme – et qu’il tient son propre destin entre ses mains.

« Les gens en Suisse s’imaginent tou jours que les pires foyers pour enfants se trouvent Ă  l’étranger. C’est faux : ma mĂšre a souffert de ses annĂ©es en foyer, et moi aussi. » Durant les dix annĂ©es passĂ©es en foyer, on ne lui a jamais

TrĂšs vite, le petit Misra comprend qu’il ne peut compter que sur lui-mĂȘme.
LA BEAUTÉ DU GESTE
THE RED BULLETIN 71 GETTY IMAGES, CHRISTIAN PONDELLA/RED BULL CONTENT POOL
Eileen Gu lors de la séance photo en septembre 2021 au Red Bull Performance Camp à Saas Fee.

UN TREMPLIN VERS LE SUCCÈS

demandĂ© comment il se sentait : « J’ai appris Ă  me dĂ©brouiller seul et Ă  m’obser ver Ă  distance, Ă  contrĂŽler l’image que je renvoyais aux adultes. Quand tu grandis dans un foyer, tu rĂȘves de libertĂ©. »

Il veut faire du foot – la direction du foyer lui rĂ©pond qu’il doit attendre d’avoir 12 ans. Pourquoi s’embĂȘter Ă  demander la permission quand on peut inventer un mensonge ? Un mercredi aprĂšs-midi, alors que ses gardiens le croient chez un ami, il escalade la grille de la piscine municipale de Mettmens tetten – et dĂ©couvre un nouveau monde : devant lui, un immense tremplin aqua tique sur lequel s’entraĂźne un groupe de skieurs acrobatiques. Il s’agit ni plus ni

moins de l’équipe nationale suisse, accompagnĂ©e de l’entraĂźneur Michel Roth. On autorise ce petit garçon curieux Ă  essayer la rampe. À partir de ce jour, Misra reviendra tous les mercre dis Ă  la piscine municipale. Quelques annĂ©es plus tard, au moment de quitter

le foyer, l’ado de 16 ans lance Ă  son tuteur : « Tu n’as rien captĂ©, mais figuretoi que je suis membre de l’équipe natio nale junior de ski acrobatique. »

Tenace, Misra est aussi un homme curieux, ouvert Ă  la nouveautĂ© : lorsque le freeski commence Ă  se dĂ©velopper Ă  la fin des annĂ©es 90, il tombe amoureux de cet univers oĂč souffle encore un vent de libertĂ©, loin des normes du ski acro batique. Devenu l’un des premiers free skieurs pros en Suisse, il remporte ses premiers succĂšs
 avant de se fracturer le genou lors d’une Ă©mission de tĂ©lĂ©vi sion – un accident qui met un terme Ă  sa carriĂšre de sportif. Qu’à cela ne tienne : Michel Roth le rappelle Ă  ses

Mathilde Gremaud devant un décor monumental, toujours dans le cadre du Red Bull Performance Camp.
72 THE RED BULLETIN
Misra Torniainen, un homme qui transforme en or celles et ceux qui l’approchent.

cĂŽtĂ©s, cette fois-ci pour le former au mĂ©tier d’entraĂźneur. « À l’époque oĂč j’entraĂźnais Misra, j’avais dĂ©jĂ  le pres sentiment qu’il ferait un bon coach », raconte l’entraĂźneur national suisse, qui a portĂ© sur le podium olympique trois de ses athlĂštes.

Le transfert de confance

En une quinzaine d’annĂ©es passĂ©es Ă  observer Torniainen Ă  l’Ɠuvre, Michel Roth a eu le temps de dĂ©celer les quali tĂ©s de son Ă©lĂšve : « Misra est un bon observateur, qui sait faire attention aux autres. Et qui trouve toujours le bon Ă©quilibre entre le travail et la dĂ©tente. »

Mais la plus grande de ses qualitĂ©s –et la premiĂšre qui est citĂ©e lorsqu’on interroge ses athlĂštes – c’est cette incroyable confiance que Misra a en luimĂȘme et qu’il arrive Ă  transmettre. Il a une telle confiance dans les capacitĂ©s des personnes qu’il entraĂźne que celles-ci finissent par atteindre les objectifs qu’il leur lance. Quand il sent que ses athlĂštes sont enfin prĂȘt·e·s Ă  franchir l’étape supĂ©rieure, il a les mots qu’il faut pour les en convaincre.

Cela paraĂźt trivial, mais dans une dis cipline aussi jeune que le freestyle, oĂč tout est encore Ă  faire, il est essentiel de savoir prendre des risques. De faire des choses que personne n’a osĂ© faire avant.

Or, c’est exactement ce qu’Eileen Gu a fait aux derniers JO de PĂ©kin, en ten tant un saut qu’elle n’avait jamais fait en compĂ©tition, quelque temps Ă  peine aprĂšs une lourde chute Ă  l’entraĂźnement, qui l’avait laissĂ©e en larmes. Misra Ă©tait venu la consoler : « La prochaine fois que tu pleures, ça sera pour l’or que tu auras remportĂ© en Big Air. » Un exploit qui fait Ă©cho Ă  celui de Mathilde Gremaud en 2020, Ă  Saas-Fee, lorsqu’elle fut la premiĂšre skieuse Ă  rĂ©ussir un Switch Double Cork 1440 ° : partie dos Ă  la piste, elle prend la rampe Ă  reculons, enchaĂźne un double salto et deux vrilles.

Imaginer l’impossible, savoir avancer en terre inconnue : c’est toute la beautĂ© de ce sport, qui demande Ă  toutes celles et ceux qui s’y adonnent de dĂ©passer en permanence leurs propres limites. Tout le talent de Misra Torniainen, c’est de savoir justement leur montrer oĂč sont les portes qu’il leur faudra franchir.

spécialité de Misra Torniainen : miser sur la mémoire du corps.

Mémoire musculaire

Tout le reste est une aventure Ă  deux, qui s’écrit au jour le jour. Car si l’entraĂź neur visualise parfaitement l’objectif Ă  atteindre, il n’a aucune idĂ©e de la route Ă  suivre pour y parvenir. Cette route sera dictĂ©e au fur et Ă  mesure par les aptitudes et le caractĂšre de chaque individu. Une souplesse qui convient parfaitement Ă  l’esprit de libertĂ© du freeski, car dans cette discipline, l’essentiel – qu’il s’agisse du Big Air, du Halfpipe ou du Slopestyle –se passe dans les airs, pas sur la neige.

D’oĂč le premier conseil que Misra Torniainen donne Ă  celles et ceux qui font appel Ă  son expertise : ĂȘtre le plus souvent possible dans les airs. Que ce soit sur un skate, un surf, un trampoline, un plon geoir de piscine : « Chaque fois que tu as l’occasion de voler dans les airs, fais-le. Il n’y a que comme ça que tu peux apprendre comment te comporter et com ment rĂ©agir quand tu es en l’air. Avec le temps, on dĂ©veloppe une mĂ©moire muscu laire : ton corps finit par savoir instinctivement ce qu’il doit faire dĂšs le moment oĂč tu quittes le sol. » C’est ce qu’on appelle air awareness en anglais –

un concept qui inclut aussi bien la percep tion orientationnelle que la conscience des mouvements du corps quand il est lancé au-dessus du plancher des vaches.

Le revirement

Avec le temps, l’expertise de Torniainen dans ce domaine a dĂ©passĂ© le monde du ski : des athlĂštes venant d’autres disci plines font dĂ©sormais appel Ă  lui pour des conseils, comme l’Allemand Sebas tian Steudtner, surfeur de grosses vagues et recordman mondial. Une coopĂ©ration qui a certes surpris l’intĂ©ressĂ©, mais qui tombe Ă  pic pour l’entraĂźneur suisse, bien dĂ©cidĂ© Ă  lever le pied, aprĂšs des annĂ©es passĂ©es Ă  vivre et Ă  travailler pour les autres. Une envie de sĂ©rĂ©nitĂ© qui avait dĂ©jĂ  motivĂ© sa dĂ©cision de quitter en 2018 la fĂ©dĂ©ration suisse de freeski
 avant que le destin ne le rattrape en 2021, avec l’offre lancĂ©e par Eileen Gu de devenir son entraĂźneur officiel – une chance qui ne se prĂ©sente pas deux fois dans une vie. Or, Misra Torniainen ne vit pas son rĂŽle de coach Ă  moitiĂ© : il endosse le quotidien de ses protĂ©gé·e·s avec un dĂ©vouement sans faille, une discipline de fer – en se livrant lui-mĂȘme Ă  des programmes sportifs – et une hygiĂšne de vie quasi monacale.

Un rythme harassant difficilement compatible avec une vie de pĂšre de famille : si Misra Torniainen adore son mĂ©tier de coach, il ne veut pas se rĂ©veiller un jour et se rendre compte qu’il n’a plus rien Ă  dire Ă  son Ă©pouse et qu’il n’a pas vu ses enfants grandir. DĂ©sormais, c’est Ă  distance qu’il veut poursuivre son mĂ©tier de coach sportif, en essayant de rĂ©duire au maximum les voyages qui l’éloignent de sa famille. Évidemment, Misra Torniainen n’a encore aucune idĂ©e de la forme que prendra sa nouvelle carriĂšre, il nous avoue qu’il reste ouvert Ă  toutes les possibilitĂ©s.

Mais il y a une chose dont il est sĂ»r –et que nous savons aussi bien que lui, maintenant que nous avons appris Ă  le connaĂźtre : quel que soit le cours de son destin, quelles que soient les dĂ©ci sions qu’il prendra dans sa vie, il y aura toujours de nouvelles portes Ă  ouvrir –pour peu qu’on sache les dĂ©celer.

Instragram : @misranoto, @mathilde_gremaud, @eileen_gu_

Freestyle
En freestyle, il faut faire des choses que personne n’a jamais faites, des choses impossibles à copier.
THE RED BULLETIN 73 LORENZ RICHARD/RED BULL CONTENT POOL
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PERSPECTIVES

Expériences et équipements pour une vie améliorée

SUR UNE RIVIÈRE SAUVAGE

Un voyage en kayak à travers la Patagonie avec l’athlùte pro Aniol Serrasolses.

75 @MATIASMONDACAPHOTO

PERSPECTIVES voyage

Le kayakiste professionnel Aniol Serrasolses, 30 ans, parle de sa contrĂ©e d’adoption, prĂšs du fleuve FutaleufĂș au Chili.

Celles et ceux qui parcourent le RĂ­o FutaleufĂș dĂ©couvrent un paradis. Et les amateur·rice·s d’eaux vives qui parviennent Ă  la pointe sud de l’AmĂ©rique du Sud, Ă  75 kilo mĂštres Ă  l’est de la cĂ©lĂšbre Carretera Austral et Ă  la frontiĂšre avec l’Argentine, se croient au septiĂšme ciel. Il existe peu d’endroits au monde oĂč l’on souhaiterait aussi fortement avoir une embarcation et une pagaie. Et beaucoup de temps pour explorer les rapides.

L’un de ces amateurs a poussĂ© l’expĂ©rience jusqu’au bout. Il a Ă©migrĂ© au bord du FutaleufĂș (« grand fleuve ») et y a mĂȘme construit sa maison : Aniol Serrasolses, d’origine espagnole, vit en Patagonie et fait visiter son coin de pays aux participant·e·s du voyage orga nisĂ© par Destination Red Bull. DĂ©crire Aniol comme l’un des meilleurs kaya kistes du monde ne rend guĂšre justice Ă  ce trentenaire. Il a certes remportĂ© toutes les compĂ©titions importantes, mais plus encore, c’est un pionnier.

Quelqu’un qui rĂ©alise des premiĂšres que d’autres considĂšrent trop risquĂ©es,

comme les Keyhole Falls au Canada. Avant lui, des gĂ©nĂ©rations d’athlĂštes s’y sont rendus et ont rĂȘvĂ© de descendre cette chute d’eau de 35 mĂštres de haut. Un seul est allĂ© jusqu’au bout : Aniol lui-mĂȘme. Il dit de son coin de pays actuel : « Le FutaleufĂș fait de toi un autre homme. Je suis venu ici pour la premiĂšre fois en 2009. Depuis, le temps s’est arrĂȘtĂ© pour moi. L’Europe devait ressem bler Ă  cela autrefois : des routes non gou dronnĂ©es, des gens dĂ©tendus, des arbres trĂšs anciens. Les autochtones appellent ce pays “la rĂ©gion que Dieu a peinte”. »

Le long de l’artùre vitale

Le FutaleufĂș est l’artĂšre vitale de la rĂ©gion. Le mode de vie patagon semble s’ĂȘtre ici adaptĂ© au rythme du fleuve. Il s’écoule sans cesse et les surprises sont rares. Cela le prĂ©destine au kayak. Bien sĂ»r, il y a des passages plus excitants et d’autres plus calmes, mais il en va de

mĂȘme dans la vie. Aniol : « Je recom mande de considĂ©rer FutaleufĂș davan tage comme un sĂ©jour d’aventure que comme un sĂ©jour sportif. Cela implique aussi de se mettre Ă  l’écoute des locaux. Nous allons rencontrer des gens qui ont beaucoup Ă  raconter sur le Chili. » La beautĂ© de la nature, et sa diversitĂ©, constitue la richesse de cette rĂ©gion.

Dans une rĂ©gion sans aĂ©roport Ă  proximitĂ©, il est facile de lever le pied et d’arriver au grĂ© des pĂ©rĂ©grinations. Pas d’internet Ă  haut dĂ©bit, pas de chaĂźnes de restaurants anonymes. Au lieu de cela : des poissons pĂȘchĂ©s soimĂȘme et prĂ©parĂ©s au feu de bois. Ou un asado, la version patagonne d’une soirĂ©e barbecue. Dormir dans des cabanes rustiques, fenĂȘtres ouvertes, avec le bruit du fleuve Ă  l’extĂ©rieur. Le voyage Destination Red Bull avec Aniol Serrasolses remonte aux origines des besoins et des dĂ©sirs humains. Ce qu’il

«
Les locaux appellent ce pays “la rĂ©gion que Dieu a peinte”, tant elle est belle. »
Certains endroits du FutaleufĂș ne sont acces sibles qu’à pied. Aniol : « Ils en valent la peine ! »
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Carretera Austral

En route le long de l’autoroute culte d’AmĂ©rique du Sud

HISTOIRE

La construction de cette route de 1 350 km au Chili remonte au dictateur Pinochet. La « route du sud », comme on la traduit, devait permettre d’atteindre par voie terrestre certaines parties du Chili qui dĂ©pendaient auparavant des ferries. Actuellement, elle se termine dans le village de Villa O’Higgins. Il est prĂ©vu d’ajouter 935 kilomĂštres supplĂ©mentaires, jusqu’à la rĂ© gion de Magallanes et de l’Antarctique chilien.

TOURISME

Outre les kayakistes, la rĂ©gion est apprĂ©ciĂ©e des motard·e·s pour ses pistes tout-terrain. Les pilotes d’enduro s’extasient devant la diversitĂ© du paysage et se rĂ©jouissent que la majeure partie du chemin ne soit toujours pas asphal tĂ©e. Les lacs le long de la route invitent Ă  faire des haltes rafraĂźchissantes. Plus on va vers le sud, plus le paysage est traversĂ© par des fjords.

ARRIVÉE

L’aĂ©roport le plus proche est celui de Puerto Montt, au sud du Chili. Il est desservi par trois compagnies aĂ©riennes rĂ©gionales. Alternative : en voiture, camping-car ou moto, prendre la Carrera Panamericana de Santiago du Chili en direction du sud et commencer l’aventure dĂšs la capitale chilienne.

La riviĂšre FutaleufĂș a aussi des sections calmes. Condition prĂ©alable pour s’amuser pendant le voyage en kayak : niveau de compĂ©tence 3 Ă  4 sur l’échelle de difficultĂ© fluviale. Santiago Buenos Aires Argentine Chili Punta Arenas
THE RED BULLETIN 77
Guide et artiste aqua tique : Aniol Serrasolses est l’un des meilleurs kayakistes au monde.
@MATIASMONDACAPHOTO
WERNER JESSNER

faut encore sur place pour ĂȘtre heureux et satisfait ? Une combinaison en nĂ©o prĂšne, en raison de la tempĂ©rature extĂ© rieure moyenne de 20 degrĂ©s en plein Ă©tĂ© sud-amĂ©ricain, c’est-Ă -dire au mois de janvier, Ă  moins de s’appeler Johanna Norbald (cf. page 48). Il va de soi que la riviĂšre est d’autant plus fraĂźche. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, la Patagonie est une rĂ©gion du monde oĂč l’on peut rencontrer toutes les conditions mĂ©tĂ©orologiques possibles et imaginables le mĂȘme jour.

Ralentir au bord de l’eau

L’hĂ©bergement de ce voyage Destina tion Red Bull reflĂšte Ă©galement le carac tĂšre naturel de l’endroit. Aniol continue : « L’endroit oĂč nous allons vivre s’ap pelle cara del Indio, ce que l’on peut tra duire par “visage de l’Indien”. Celle ou celui qui a trouvĂ© une fois ce visage dans la paroi rocheuse sait exactement de quoi il s’agit. La paroi ressemble en effet Ă  un Mont Rushmore naturel. C’est clai rement le visage d’un autochtone qui veille sur le lieu. » Bien sĂ»r, Aniol aurait pu loger ses hĂŽtes dans un hĂŽtel du vil lage plutĂŽt tranquille de FutaleufĂș, mais cela aurait diminuĂ© l’expĂ©rience : « Dans nos maisons en bois, nous ne sommes

qu’à quelques mĂštres du FutaleufĂș. D’une part, c’est Ă©videmment pra tique, mais d’autre part, cela crĂ©e un lien plus intense avec le fleuve. » Lors de ce voyage Ă  l’autre bout du monde, il s’agit aussi de se perdre soi-mĂȘme, pour ensuite mieux se retrouver. Aniol : « Bien sĂ»r, nous serons tous les jours dans le kayak et nous naviguerons sur le fleuve. Mais nous allons aussi dĂ©cou vrir des endroits qui ne sont accessibles qu’à pied et que l’on n’oublie pas de toute sa vie. Et il y aura des moments oĂč nous serons simplement assis sur la rive Ă  regarder le FutaleufĂș. » Pour apprĂ©cier pleinement les balades en kayak, un niveau de compĂ©tence 3 Ă  4 (sur un maximum de 6) sur l’échelle de la difficultĂ© fluviale est nĂ©cessaire.

Des conditions parfaites pour le kayak, un paysage intact, une hospi talitĂ© gĂ©nĂ©reuse et un environnement qui invite Ă  prendre son temps : de bons ingrĂ©dients dirait-on pour un voyage Ă  l’autre bout du monde. Ou pour confir mer un vieux proverbe patagon : « Celui qui se dĂ©pĂȘche perd son temps. »

Ce voyage du 6 au 14 janvier 2023 est proposé par Destination Red Bull. Réservez dÚs mainte nant sur destination.redbull.com

PERSPECTIVES voyage
Aniol Serrasolses (2e Ă  partir de la droite) invite Ă  dĂ©couvrir la nature et le kayak sur le FutaleufĂș au Chili en janvier 2023.
«
Nous verrons des endroits que l’on n’oublie pas de toute sa vie. »
Aniol Serrasolses a fait du FutaleufĂș
son nouveau chez-lui.
78 THE RED BULLETIN @MATIASMONDACAPHOTO
RED BULL DONNE DES AIIILES. LE SAUT VERS L‘INDÉPENDANCE ? F R EE ASSESSM E NT Comment surmonter tous les obstacles : www.wingfinder.com

RÉGIME D’AIR

Bien respirer pour rester mince

Le biohackeur professionnel Andreas Breitfeld nous donne des astuces pour améliorer nos vies. Ce mois-ci : voici comment se débarrasser des kilos superflus en respirant correctement.

Exercice Ă  faire au quotidien : s’allonger, poser les mains sur le ventre, respirer. L’objectif est de rĂ©duire le mouve ment respiratoire par la pression des mains.

En inspirant, bomber le ventre vers l’extĂ©rieur.

En expirant, rentrer le ventre et exercer une légÚre pression avec les mains.

Respirer profondément par le nez.

Expirer lentement par le nez.

Si, aprĂšs les fĂȘtes, vous avez le souffle coupĂ© en regardant la balance, c’est un bon dĂ©but, car respirer moins et retenir rĂ©guliĂšrement sa respiration est Ă©tonnamment utile pour brĂ»ler les graisses. Tout comme respirer par le nez plutĂŽt que par la bouche.

La mini-désacidification

Les circuits de rĂ©gulation sous-jacents sont trĂšs complexes, mais peuvent ĂȘtre rĂ©duits Ă  trois domaines. PremiĂšrement, le cortisol, l’hormone du stress, est un frein Ă  la perte de poids. En respirant superficiellement et lĂ©gĂšrement et en retenant rĂ©guliĂšrement votre souffle, vous dĂ©tendez votre systĂšme nerveux, faites baisser le taux de cortisol dans le sang et brĂ»lez les graisses.

DeuxiĂšmement, la rĂ©tention d’air augmente lĂ©gĂšrement le pH du sang dans le sens basique pendant une courte pĂ©riode. (Vraiment lĂ©gĂšrement, car notre corps nivelle trĂšs rapidement et efficace

ment le pH du sang). Cette mini-dĂ©saci dification soutient le mĂ©tabolisme. TroisiĂšmement, votre corps consomme plus d’énergie en raison du manque d’oxygĂšne lorsque vous retenez votre respiration.

À bout de souffle tout au long de la journĂ©e

Exercice n° 1 : prenez dix minutes, trois Ă  quatre fois par jour, pour faire un simple exercice de respiration en position allon gĂ©e (voir ci-dessus). L’objectif est de res pirer aussi peu et aussi facilement que possible, on ne devrait mĂȘme pas voir que vous respirez. Ce faisant, il se produit ce que l’on appelle une « faim d’air ». Exercice n° 2 : amĂ©liorez la capacitĂ© de votre corps Ă  tolĂ©rer le COÂČ. Vous pouvez vous entraĂźner en marchant : maintenez le rythme, mais ne respirez pas pendant 10 pas, puis 15 pas, puis une fois peut-ĂȘtre 20 voire 30 pas. Les expert·e·s peuvent faire jusqu’à 60 ou mĂȘme 80 pas sans prendre de nouvelle inspiration.

ANDREAS BREITFELD, 49 ans, est le bio hackeur le plus rĂ©putĂ© d’Allemagne. Il mĂšne des recherches dans son labo Ă  Munich.

En bref, le BIOHACKING englobe tout ce que les gens peuvent faire de maniÚre autonome pour améliorer leur santé, leur qualité de vie et leur longévité.

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PERSPECTIVES
biohacking
80 THE RED BULLETIN ANDREAS BREITFELD SASCHA BIERL

TAG HEUER

On se jette à l’eau !

En fringante héritiÚre de la magistrale 300, la TAG Heuer Aquaracer Professional 200 est une montre qui allie robustesse et légÚreté.

Un modĂšle conçu pour l’eau dans tous ses Ă©tats : plongĂ©e sous-marine, escalade sur glace, ou dĂ©collage en speed flying (sport de ski extrĂȘme avec mini parachute). VĂ©ritable bijou de performance de 40 millimĂštres de diamĂštre pour onze milli mĂštres d’épaisseur, l’Aquaracer Professional 200 est lĂ©gĂšrement plus fine que son aĂźnĂ©e. Ce mo dĂšle TAG Heuer est disponible dans deux versions, Ă  quartz ou automatique.

Prix : 2 100 CHF (quartz), 2 800 CHF (automatique) ; tagheuer.com

VISIBILITÉ OPTIMALE

CONTRASTE SUBTIL

Maillons extérieurs brossés, maillons intérieurs polis.

ROBUSTE ET ÉLÉGANTE

BoĂźtier en acier inoxydable avec lunette tournante 12 faces.

PERSPECTIVES
montres
!
82 THE RED BULLETIN WOLFGANG WIESER
Caractéristiques classiques : index trapÚze, aiguilles glaives avec lisibilité optimale grùce au Super-LumiNova.

TEXAS Magie de l’harmonie

Sharleen Spiteri, chanteuse du groupe Texas, présente les quatre chansons qui ont marqué sa vie et sa musique à tout jamais.

Sharleen Spiteri sait comment concocter des disques exceptionnels. Un coup d’Ɠil Ă  la discographie de la chanteuse et compositrice Ă©cossaise suffit pour s’en convaincre. Elle dĂ©barque sur la scĂšne musicale des annĂ©es 80 Ă  la tĂȘte du groupe Texas. Le single Say What You Want, (1997) annonce le succĂšs de leur 4 e album White on Blonde, acclamĂ© par la critique. D’autres hits suivront, puis le best of du groupe qui se vendra Ă  plus de deux millions d’exemplaires. Spiteri est connue pour son souci du dĂ©tail. « Quand je parle de musique, je peux devenir franchement cassepieds. Petite, je m’enfermais des heures dans ma chambre pour Ă©cou ter des disques. Je dissĂ©quais chaque chanson une Ă  une
 » Ce qui lui a permis de dĂ©couvrir ses quatre titres prĂ©fĂ©rĂ©s et composer des mĂ©lodies magnifiques.

THE BEATLES HELP (1965)

« Ce contre-chant qui commence avant la mĂ©lodie principale est vraiment extraordinaire. Et puis il y a ce je ne sais quoi de trĂšs parti culier, voire d’inexplicable, propre aux groupes de Liverpool. Ce n’est pas l’accent, ni la diction, mais la façon dont ils savent placer leurs harmonies : ça n’existe que dans cette rĂ©gion d’Angleterre, la Mersey side, c’est quasiment inimitable. »

MARVIN

YOU’RE ALL I NEED TO GET BY (1968)

« Marvin et Tammi, pour moi, c’est la quintessence du duo. La chaleur et les tonalitĂ©s hypnotiques de leurs harmonies sont inĂ©galables, le son de leurs voix, entremĂȘlĂ©es, du miel pour les oreilles. RĂ©unir les plus grandes stars musicales du monde pour un duo ne sert Ă  rien si leurs voix ne sont pas en parfaite harmonie. »

BOB MARLEY STIR IT UP (1973)

« En parlant d’harmonies, voici la chanson parfaite pour apprendre ce que c’est vraiment. Le chant est d’une limpiditĂ© phĂ©nomĂ©nale, la production parfaitement au point.

Il existe une version vraiment super et de trĂšs bonne qualitĂ© enregistrĂ©e par Bob lors de l’émission de variĂ©tĂ© The Old Grey Whistle Test sur la BBC, avec Peter Tosh et Bunny Wailer comme choristes. Magnifique ! »

THE RONETTES

BREAKIN’ UP (1964)

« Ce que j’adore chez The Ronettes, c’est cet Ă©lĂ©ment un peu punk. Tout n’est pas propre et lisse, mais c’est justement cette trĂ©pidation et ce cĂŽtĂ© brut de dĂ©coffrage des mĂ©lodies qui me fascine. Phil Spector a fait un travail de production exceptionnel. Et si vous voulez recevoir une leçon magistrale en matiĂšre de aaaah, vous n’avez qu’à Ă©couter attentive ment la partie centrale. »

GAYE & TAMMI TERRELL
PERSPECTIVES playlist
Scannez le QR code pour accéder à la playlist de Sharleen Spiteri sur Spotify. texas.uk.com
THE RED BULLETIN 83 JULIAN BROAD WILL LAVIN

POLARS SCANDINAVES

L’inspecteur Harry

Le maßtre du Nordic Noir : avec Harry Hole, le célÚbre auteur de best-sellers norvégien Jo NesbÞ a crée un parangon de littérature policiÚre. Du grand cru.

Si vous ĂȘtes du genre Ă  flĂąner dans les rayons polars d’une librairie ou de son Ă©quivalent en ligne, vous remarquerez probablement que l’alpha et l’omĂ©ga de la littĂ©rature policiĂšre contem poraine sont un Å et un Ø. Les explications de cette domi nation presque dantesque du genre par les auteurs et autrices scandinaves ne manquent pas, mĂȘme si cer taines sont assez tirĂ©es par les cheveux. Le climat froid qui se prĂȘte parfaitement

aux meurtres glacĂ©s, les lon gues nuits du Grand Nord qui rĂ©veillent les cĂŽtĂ©s sombres des gens ou, pour certains cri tiques, une concurrence euro pĂ©enne pataude qui se rĂ©gio nalise jusqu’à l’écƓurement avec des intrigues Ă  la « pen dant une fĂȘte de pompiers, un cultivateur de betteraves est retrouvĂ© avec une fourche plantĂ©e dans le dos. Un poli cier de village excentrique se lance dans l’enquĂȘte sur son vĂ©lo pliant ». Quoiqu’il en soit, le mieux est encore de jeter un coup d’Ɠil Ă  l’histoire littĂ©

raire récente pour saisir véri tablement ce phénomÚne du « Nordic Noir ».

DĂšs le milieu des annĂ©es 1960, le duo d’auteurs suĂ© dois Maj Sjöwall et Per Wahlöö posent les jalons du genre d’une maniĂšre qui fait encore rĂ©fĂ©rence aujourd’hui. Dans leur cĂ©lĂšbre sĂ©rie consa crĂ©e Ă  l’inspecteur Martin Beck, le couple d’auteurs n’hĂ©site pas Ă  aborder des thĂ©matiques sociopolitiques et s’attire ainsi les faveurs d’un nouveau lectorat. Sjöwall et Wahlöö ont créé LA for mule qu’Henning Mankell, Stieg Larsson, Liza Marklund, HĂ„kan Nesser ou Arne Dahl reprendront bien des annĂ©es plus tard pour peaufiner le fameux modĂšle polar suĂ©dois, qui continue aujourd’hui encore de remplir les tiroirs

PERSPECTIVES le coin lecture
84 THE RED BULLETIN VINZ SCHWARZBAUER
Texte JAKOB

PremiĂšre partie, chapitre 1, 1 er paragraphe

Un oiseau gris passa dans le champ de vision de Harry, qui tambourinait sur le volant. Temps ralenti. La veille au soir, quelqu’un avait parlĂ© Ă  la tĂ©lĂ© de temps ralenti. C’en Ă©tait un exemple. Comme le 24 dĂ©cembre au soir, lorsqu’on attend le pĂšre NoĂ«l. Ou sur la chaise Ă©lectrique, avant la dĂ©charge. Il tambourina de plus belle.

CHAUDEMENT RECOMMANDÉS De sang froid

Quatre auteurs de romans policiers scandinaves qui se vendent Ă  des millions d’exemplaires Ă  l’échelle internationale.

caisses du monde entier. Iro niquement, deux des protago nistes les plus cĂ©lĂšbres de ce boom littĂ©raire ne sont pas suĂ©dois : d’un cĂŽtĂ©, le Danois Jussi Adler-Olsen, de l’autre, celui qui est sans doute le meilleur reprĂ©sentant actuel du « Nordic Noir », le NorvĂ© gien Jo NesbĂž.

Fils d’une bibliothĂ©caire, NesbĂž, nĂ© Ă  Oslo en 1960, baigne pour ainsi dire dans la littĂ©rature dĂšs son plus jeune Ăąge, mĂȘme s’il s’y intĂ©resse trĂšs peu. En effet, le petit Jo rĂȘve de devenir un grand foot balleur professionnel, carriĂšre bien vite Ă©touffĂ©e dans l’Ɠuf Ă  cause d’un ligament croisĂ©. FraĂźchement diplĂŽmĂ© d’une formation commerciale, NesbĂž fonde en 1992 le groupe pop Di Derre, qui, s’il connaĂźt un certain succĂšs en NorvĂšge, passe complĂšte ment sous le radar internatio nal. Jo NesbĂž replonge alors dans son bain de jeunesse. Excellente dĂ©cision.

RĂ©compensĂ© par le prix Riverton et le prix du polar scandinave, son premier roman, L’homme chauve-sou ris (1997) marque la premiĂšre apparition de l’inspecteur principal Harry Hole, l’un des flics les plus charismatiques de la littĂ©rature policiĂšre.

Comme l’explique lui-mĂȘme Jo NesbĂž : « Je me souviens m’ĂȘtre longuement demandĂ© si je devais faire de Harry un de ces hĂ©ros un peu diffĂ© rents, gay, prĂȘtre, handicapĂ©, ou quelque chose dans ce genre, ou si je devais m’en tenir aux stĂ©rĂ©otypes du

polar hardboiled, et me concentrer sur un solitaire qui croule sous les pro blĂšmes. J’ai dĂ©libĂ©rĂ©ment choisi cette seconde option ». Excellente dĂ©cision bis. HantĂ© par un dĂ©mon nommĂ© Jim Beam, Harry Hole est une vĂ©ritable bombe Ă  retarde ment. Mais c’est aussi un redoutable enquĂȘteur capable d’une telle empathie pour ses suspects et sus pectes que le grand Hercule Poirot en personne s’en arra cherait la moustache. Et ce qui rend sa personnalitĂ© encore plus attachante, c’est qu’Harry est autant un obser vateur cynique qu’un incorri gible romantique.

Jo NesbĂž atteint vĂ©ritable ment sa vitesse de croisiĂšre avec la troisiĂšme enquĂȘte d’Harry Hole, Rouge-gorge (2000). À ce jour, dix autres volumes ont suivi, tous de vĂ©ri tables pĂ©pites du genre : du polar dur, sombre et haletant.

HENNING MANKELL

Sans l’inspecteur Kurt Wallander, la franchise « polar suĂ©dois » n’existerait pas. Le style de Mankell est concis sans ĂȘtre simpliste, il croque ses personnages avec une prĂ©cision magistrale et ses in trigues sont enracinĂ©es dans un contexte social. Le rythme est quant Ă  lui dĂ©libĂ©rĂ©ment contemplatif. TirĂ©e Ă  plus de 30 millions d’exemplaires, la sĂ©rie reste n° 1, mĂȘme sept ans aprĂšs la mort de Mankell. Meurtriers sans visage (Seuil)

HÅKAN NESSER

AprĂšs s’ĂȘtre hissĂ© parmi les meilleurs du genre avec la sĂ©rie Van Veteren, HĂ„kan Nesser, pour sa deuxiĂšme sĂ©rie Ă  succĂšs, mĂ©lange habilement la froide analyse scandinave et le tempĂ©ra ment mĂ©ridional avec son ins pecteur italo-suĂ©dois Gunnar Barbarotti. D’un point de vue stylistique, Nesser, Ă  l’instar de Mankell, ralentit l’action pour mieux mettre l’accent sur l’aspect psychologique. Homme sans chien (Point)

JUSSI ADLER-OLSEN

La flopĂ©e de polars suĂ©dois rencontre une fĂ©roce concur rence danoise : avec sa sĂ©rie de best-sellers autour de Carl MĂžrck, chef d’une bri gade spĂ©ciale (environ 23 mil lions d’exemplaires vendus), Adler-Olsen rĂ©ussit un sacrĂ© tour de force : celui de faire grincer remarquablement les rouages du suspense tout en faisant la part belle Ă  l’hu mour entre mares de sang et forĂȘts lugubres. MisĂ©ricorde (Le livre de poche)

En bon chirurgien du noir, Arne Dahl opĂšre Ă©galement Ă  la croisĂ©e du roman policier et du thriller. Avec L’équipe A, sa premiĂšre sĂ©rie Ă  succĂšs sur une Ă©quipe d’enquĂȘteur· rice·s atypiques, il prend place parmi les cinq grands du polar suĂ©dois. Sa nouvelle sĂ©rie, Sam Berger & Molly Blom, fait des Ă©tincelles au tant entre les deux collĂšgues que tout oppose qu’au niveau du suspense impitoyable. Le dernier couple qui en sort (Actes Sud)

JO NESBØ Rouge-gorge Une enquĂȘte de l’inspecteur Harry Hole (Folio Policier) ARNE DAHL
THE RED BULLETIN 85

PERSPECTIVES

gaming

Rumbelverse, un jeu de Battle Royal, oĂč la der niĂšre personne debout gagne.

RUMBLEVERSE

C’est la lutte finale

Oubliez Fortnite, c’est maintenant l’heure de la lutte. Place à la Wrestlemania

Si les noms de Triple H et Hardy Boyz vous sont fami liers, il y a de fortes chances que vous soyez adepte des jeux vidĂ©o de lutte tels que WWF Wrestlemania. Mais depuis, les batailles multi joueur·euse·s en ligne comme Fortnite, oĂč le dernier person nage debout gagne, ont pris le relais. Suintant l’atmosphĂšre de combat, chaque ronde de Rumbleverse commence en vous dĂ©posant, vous et 39 autres, au hasard dans son aire de jeu, la tentaculaire Grapital City. Le but ? Combi ner suffisamment de coups de coude, de choke slams et de coups de chaise en acier pour devenir le seul survivant. Le streameur Twitch Aaron Slamani, alias Settanno, 27 ans, fait partie de la

premiĂšre vague de gameurs et gameuses. BasĂ© Ă  Londres, il a enregistrĂ© la premiĂšre sĂ©rie de trente victoires consĂ©cutives, faisant de lui un champion incontestĂ©. « La connaissance des jeux de combat ne vous servira Ă  rien », explique-t-il, ajoutant que celles et ceux qui ont Ă©tĂ© Ă©levĂ©s au rĂ©gime des jeux de plateformes des annĂ©es 90 pourraient s’épa nouir dans le monde simpliste de Rumbleverse, imprĂ©gnĂ© d’arcade. Il rĂ©vĂšle ici comment dominer, mĂȘme si vous ĂȘtes moins solide que The Rock...

Élevez-vous

PlutĂŽt que de se battre contre la premiĂšre personne qu’il rencontre, Settanno se dirige vers les hauteurs pour avoir un bon point de vue, Ă©viter les ennuis et observer l’action qui se dĂ©roule plus bas. « L’avan tage de l’altitude signifie que vous ĂȘtes parfaitement placĂ© pour lancer des attaques sur les adversaires au-dessous de vous. Peu importe le nombre d’heures de jeu Ă  son actif, on n’est jamais Ă  l’abri d’un coude qui nous tombe dessus. »

Faites le tri

Chaque groupe de quarante personnes comprendra des novices qui s’initient Ă  Rumble verse, mais il y aura aussi une poignĂ©e de lutteur·euse·s

chevronné·e·s. « Si vous pou vez identifier un adversaire fort, éliminez-le rapidement, explique Settanno. Frappez en premier et frappez fort ! »

Remettez Ă  plus tard

Une dérouillée ? Sauvez-vous.

« Vous pouvez escalader un bĂątiment ou plonger dans une ruelle. C’est ainsi que je gagne beaucoup de parties », rĂ©vĂšle Settanno. Vous n’arrivez pas Ă  Ă©branler votre adversaire ? Rejoignez d’autres bastons. « MĂȘme si cet ennemi ne s’en prend pas Ă  quelqu’un d’autre, un·e autre joueur·euse peut l’intercepter pour vous. »

Décrochez

Comme si Ă©viter un assaut de slams et de takedowns ne suffisait pas, vous devez Ă©ga lement faire face Ă  une aire de jeu toujours plus petite. Mais il est possible d’utiliser cela Ă  votre avantage. « Quand vous sortez du cercle, un dĂ©compte de 10 secondes s’enclenche, explique-t-il. Sachez gĂ©rer ce dĂ©compte et vous pourrez chercher en dehors de la zone des armes supplĂ©mentaires au fur et Ă  mesure que le jeu avance. »

Armez-vous

Si vous survivez jusqu’au dernier face-Ă -face, il y a une arme que vous voudrez avoir dans votre arsenal : la chaise en acier ! « Si vous tapez quelqu’un contre le mur Ă  l’aide de cette chaise, il sera assommĂ©, et vous pourrez le frapper Ă  nouveau : un wall splat ne pardonne pas. »

Rumbleverse est dispo en téléchargement gratuit sur Windows, PlayStation et Xbox ; rumbleverse.com

« Frappez en premier et frappez fort ! »
Settanno, streameur Twitch
86 THE RED BULLETIN JOE ELLISON

Le Milo a une portée maximale de 600 mÚtres, mais ce potentiel est multiplié par chaque dispositif ajouté sur le réseau crypté et sécurisé.

PERSPECTIVES matos

COMMUNICATION

Speak easy

Tchatchez en pleine nature grĂące Ă  ce systĂšme de communication mains libres.

Le cƓur de Peter Celinski bat Ă  tout rompre. Du haut de l’une des pistes noires les plus redoutables de ColombieBritannique, il vient de voir ses deux garnements se jeter sur la pente couverte de poudreuse pour disparaĂźtre dans les pins en contrebas. Trop tard pour leur crier de s’arrĂȘter, il n’a plus qu’à cro cher des skis pour se lancer sur leurs traces.

C’est en bas de piste que l’expert en rĂ©seau audionumĂ© rique, recouvert de neige aprĂšs plusieurs chutes, a une illumi nation grĂące Ă  ce bain glacial. Au lieu d’utiliser des tĂ©lĂ© phones (faible signal) ou des talkies-walkies (peu pratiques et encombrants) pour commu niquer en montagne, pourquoi ne pas crĂ©er une alternative mains-libres connectĂ©e en permanence ? Milo est nĂ©.

Le concept est simple.

Rond, plat et facile Ă  accro cher Ă  tous les supports, Milo est Ă©quipĂ© de six microphones numĂ©riques anti-bruits para sites et d’un haut-parleur. On peut Ă©galement le connecter Ă  des Ă©couteurs Bluetooth ou filaires. AprĂšs synchronisation, ce petit appareil permet de

montagne.

communiquer avec vos homo logues comme si elles et ils étaient à deux pas de vous via un réseau crypté, sécurisé et ininterrompu, pour une expérience outdoor collective inoubliable.

Étanche pendant trente minutes Ă  un mĂštre de profon deur, la batterie du Milo dure une journĂ©e entiĂšre. VĂ©ritable rĂ©volution pour tous les sports extrĂȘmes en groupe, il pourrait bien sonner la fin du talkie-walkie. okmilo.com

THE RED BULLETIN 87
Milo assure une liaison optimale en TIM KENT CHARLIE ALLENBY

mars au 2 avril

L’APPEL DE LA MONTAGNE



 pour la fin de la saison. Le Freeride World Tour fĂȘte sa finale Ă  l’Xtreme Verbier, sur le lĂ©gendaire versant nord du Bec des Rosses. Aucune autre montagne n’est plus redoutĂ©e par les coureurs et les coureuses que ce massif des Alpes valaisannes. Le parcours mĂšne du dĂ©part Ă  3 223 mĂštres d’altitude Ă  l’arrivĂ©e, 500 mĂštres plus bas, avec une pente de 60 degrĂ©s par endroits. Cela en fait l’une des descentes les plus difficiles au monde. freerideworldtour.com

janvier

12ENTRE DEUX

Quelle est la différence entre le freeride et le freestyle ? Le premier se déroule dans la poudreuse, le second dans un fun park. Un hybride : le backcountry freestyle. Le meilleur moyen de voir à quoi cela ressemble est de participer au Backcountry Invitational. Le concours aura lieu entre le 12 janvier et le 10 février (la date exacte sera communiquée 48 heures avant). nendaz.ch

au 22 janvier BIENVENUE À BORD

Le Laax Open est l’évĂ©nement de snowboard le plus presti gieux d’Europe. 300 pros du snowboard, comme Leon Vockensperger (photo), et pour la premiĂšre fois aussi du freeski, se mesurent sur le Crap Sogn Gion dans les disciplines Halfpipe et Slopestyle. En direct sur redbull.com/laaxopen23

et 28 janvier ICE, ICE, BABY

Vous avez dĂ©jĂ  fait de l’escalade sur glace ? C’est un peu comme de l’esca lade classique, sauf qu’il s’agit de planter des pio lets dans la paroi. Les meil leur·e·s dans cette disci pline s’affrontent lors de l’Ice Climbing Worldcup Ă  Saas Fee. Plus de cent athlĂštes de vingt pays y montrent leur habiletĂ© dans le Ice Dome de 32 m de haut. Celles et ceux qui le souhaitent peuvent bien sĂ»r s’y essayer. iceandsound.com

février ATTENTION, AIRE DE JEU

L’élite du Slopestyle dĂ©barque Ă  Bad Gastein (Autriche) et transforme la station en funpark. Lors du Red Bull Playstreets, les stars du freeski montrent l’étendue de leurs talents dans les rues Ă©troites en exĂ©cutant leurs meilleurs tricks. L’entrĂ©e est gratuite pour le public. Si vous trouvez le chemin trop long, vous pouvez les suivre en direct, dĂšs 19 heures, sur Red Bull TV. redbull.com/playstreets

PERSPECTIVES
agenda
27
18
25 10
88 THE RED BULLETIN @FREERIDEWORLDTOUR/JEREMY
BERNARD, LAAX OPEN/RUGGLI, MANUEL MARKTL/MINE CREATIVE/GASTEINERTAL TOURISMUS GMBH

COMPÉTITION MUSICALE

Le duel de l’annĂ©e

Le 11 fĂ©vrier 2023, deux pointures du hip-hop suisse s’affronteront Ă  GenĂšve lors du Red Bull SoundClash. Chronique d’un choc des titans annoncĂ© entre Danitsa et Di-Meh.

Dix-sept ans dĂ©jĂ  qu’a eu lieu la premiĂšre Ă©dition du Red Bull SoundClash, le battle musical de tous les superla tifs. Dix-sept ans d’un succĂšs qui ne faiblit pas, bien au contraire. Pour son Ă©dition 2023, ce spectaculaire battle en live nous rĂ©serve une Ă©di tion inĂ©dite : le 11 fĂ©vrier pro chain, pour la premiĂšre fois de son histoire, il aura lieu dans l’ouest du pays, en Suisse

romande. Et pour relever cette joute verbale et musicale ex ceptionnelle Ă  l’Arena de Ge nĂšve, l’équipe organisatrice a tout simplement fait appel aux deux plus grandes stars du hip-hop de Suisse romande. Danitsa et Di-Meh ont profon dĂ©ment marquĂ© la scĂšne mu sicale suisse de ces derniĂšres annĂ©es. Collaboratrice rĂ©gu liĂšre au sein du collectif Little Lion Sound, Danitsa Ă©tĂ© Ă©lue meilleure artiste de Romandie

aux Swiss Music Awards 2018 et 2022. Di-Meh, quant Ă  lui, est membre de la clique Superwak aux cĂŽtĂ©s de Maka la, Slimka et Varnish la Piscine et fait partie des patrons du rap suisse. Ses spectacles dĂ©bordant d’énergie ont per mis Ă  sa rĂ©putation de dĂ©pas ser les frontiĂšres du pays. Si ces deux talents exception nels ont l’habitude de se pro duire ensemble, c’est sur deux scĂšnes opposĂ©es qu’ils de vront tout donner lors du pro chain SoundClash. Au menu : crĂ©ativitĂ© artistique absolue.

redbull.com/ soundclash switzerland

PERSPECTIVES Red Bull Soundclash
Une salle comble, des beats puissants
 Instantané du SoundClash 2014 au Maag Event Hall de Zurich.
90 THE RED BULLETIN JEAN-CHRISTOPHE DUPASQUIER/RED BULL CONTENT
POOL,
CLEMENT ARDIN, ALAMY

Puissance quatre

Ce qui rend le SoundClash tellement unique, c’est que les artistes participants, en plus de se livrer Ă  un battle homĂ©rique, doivent Ă©gale ment rivaliser de talent lors de quatre duels au sommet. Ce n’est qu’à l’issue des ces duels que l’on saura le nom du roi ou de la reine du rap. Des rounds baptisĂ©s Cover, Takeover, Clash et Wildcard au cours desquels elles et ils doivent rĂ©interprĂ©ter leurs propres chansons, reprendre celles de leur adversaire et emballer le public avec leur prestation et celle de guests surprises issu·e·s de la scĂšne musi cale : l’occasion rĂȘvĂ©e pour Danitsa et Di-Meh de s’atti rer les faveurs du public, car c’est l’intensitĂ© des applaudissements qui dĂ©ci deront du ou de la gagnante du SoundClash.

IL N’EN RESTERA QU’UN·E SEUL·E

Plus d’amitiĂ© qui tienne lors du SoundClash: Danitsa et Di-Meh ont beau avoir l’habitude de se produire ensemble, c’est en tant qu’adversaires qu’elles et ils monteront sur scĂšne en fĂ©vrier.

THE RED BULLETIN : Votre amitiĂ© ne date pas d’hier et pourtant, vous allez vous affronter au SoundClash. Pourquoi ?

DANITSA : Au dĂ©part, je n’étais pas trop sĂ»re de vouloir participer au SoundClash. Je suis une personne trĂšs positive et je me suis toujours dit que les battles n’étaient pas mon truc. Mais Di-Meh m’a dit : « Faisons-le Ă  notre sauce en mettant l’accent sur le show en lui-mĂȘme plus que sur la compĂ©tition. »

DI-MEH : Le SoundClash me permet de concrĂ©ti ser l’idĂ©e que je me fais d’une scĂšne, de savoir si je veux des danseurs, un groupe en live ou ce genre de choses. Ça me plaĂźt beaucoup ; pour moi, c’est une nouvelle source d’expression.

Donc peu importe qui l’emportera ? DI-MEH : Je recherche le plaisir avant tout, d’ac cord, mais aprĂšs, c’est clair que je veux rempor ter ce duel. Et j’ai une ou deux bottes secrĂštes en rĂ©serve, donc je suis entiĂšrement convaincu de ma victoire. (rires)

DANITSA : J’ai moi aussi prĂ©vu quelques trucs de malade qui devraient scotcher Di-Meh. (rires) Je pense que lui et moi, on s’investit Ă©normĂ© ment dans nos spectacles, donc peu importe

qui gagne : au final, on aura une bonne raison de faire la fĂȘte. Ceci dit, j’ai bien entendu prĂ©vu un show pour jouer la gagne.

Quels sont vos points forts ?

DI-MEH : Mon Ă©nergie, Ă©videmment ! Je kiffe la scĂšne, c’est un peu ma marque de fabrique.

DANITSA : MĂȘme soumise au stress et Ă  la pres sion, je ne perds jamais confiance en moi parce que je sais que je travaille dur.

DI-MEH : Je suis bien conscient que Danitsa sera extrĂȘmement bien prĂ©parĂ©e. C’est une femme forte, ça sera dur contre elle.

Justement, quels sont vos avantages par rapport à l’autre selon vous ?

DI-MEH : Danitsa a l’habitude de se produire avec des groupes, ça devrait l’avantager.

DANITSA : Di-Meh connaĂźt tout un tas d’artistes et a plein de contacts dans le monde de la mu sique. Les artistes qu’il va faire venir sur scĂšne au SoundClash sont tous ses potes. Au cours de ma carriĂšre, je n’ai pas fait beaucoup de featuring, mais je suis quand mĂȘme persuadĂ©e qu’il sera Ă©tonnĂ© de tout ce que j’ai concoctĂ©.

Du coup, vous avez quel genre d’attentes pour ce duel de l’annĂ©e ?

DANITSA : Je n’ai aucune attente, juste essayer de proposer un show vraiment spĂ©cial. Au final, tout dĂ©pendra du public. MĂȘme si je rĂ©ussis quelque chose d’extraordinaire, c’est possible que la communautĂ© de Di-Meh soit plus grande et que cela l’aide Ă  gagner.

Di-Meh, 27 ans, travaille d’arrache-pied sur ses arrangements uniques.

Danitsa, 27 ans, en est convaincue : son show va faire des étincelles.

DI-MEH : Ça serait gĂ©nial, Ă©videmment, mais mĂȘme si tout le monde n’est pas lĂ  pour moi, j’espĂšre qu’on va remplir la salle. Le spectacle vit grĂące au public.

Et ça vous rend nerveux ?

DI-MEH : J’habite quasiment sur scĂšne, donc mĂȘme si le SoundClash est un show un peu diffĂ©rent, ce genre de trucs ne me rend pas nerveux. Je fais assez facilement abstraction. Mon vrai dĂ©fi sera d’interprĂ©ter les morceaux d’une maniĂšre inĂ©dite et diffĂ©rente. Mon plan est donc de beaucoup m’entraĂźner.

DANITSA : Pas encore. J’ai fait plus de soixante concerts avec mon groupe cette annĂ©e, ce qui me procure une certaine sĂ©rĂ©nitĂ©. Et si tout ne se dĂ©roule pas comme prĂ©vu lors du Sound Clash, ce n’est pas un drame. Toute cette prĂ©pa ration, tous ces arrangements uniques pour mes morceaux me serviront aussi pour mes futurs spectacles en 2023. Donc quoiqu’il arrive, le SoundClash, ce n’est que du bonus.

« Je ne perds pas confiance, mĂȘme sous la pression ! »
« C’est une nouvelle source d’expression ! »
THE RED BULLETIN 91

CLÄRENORE STINNES LA FEMME D’ACIER

Lorsque la jeune ClĂ€renore Stinnes boucla, au terme d’un pĂ©riple de 47 000 kilomĂštres parcourus en deux ans, le premier tour du monde jamais rĂ©alisĂ© en voiture – au volant d’un modĂšle de sĂ©rie tout Ă  fait banal conçu pour la ville et les routes goudronnĂ©es – ma mĂšre avait tout juste quatorze ans.

Son pĂšre – mon grand-pĂšre – Ă©tait mĂ©cani cien, ce qui Ă©tait Ă  l’époque un mĂ©tier encore rare et respectĂ©. Ma mĂšre avait conservĂ© dans un album toutes les coupures de journaux parlant de « Mademoiselle Stinnes » et avait mĂȘme rĂ©ussi Ă  y glisser une photo dĂ©dicacĂ©e de la cĂ©lĂšbre pilote allemande, qu’elle avait obtenue grĂące Ă  des relations de son pĂšre.

L’Autrichien est considĂ©rĂ© comme l’un des meilleurs conteurs du monde germano phone. DerniĂšre parution en français : La petite fille au dĂ© Ă  coudre, Éd. Jacqueline Chambon, 2017.

J’ai hĂ©ritĂ© de l’album et de cette prĂ©cieuse photo : on y voit ClĂ€renore Stinnes posant fĂšrement Ă  cĂŽtĂ© de son Adler Standard 6 – une six-cylindres produite en sĂ©rie par le constructeur automobile Adler Ă  Francfort, avec 50 chevaux, traction arriĂšre, freins hydrauliques, trois vitesses.

La jeune femme de 26 ans tient une cigarette de la main droite, une paire de gants de la main gauche et sur la tĂȘte, une casquette en cuir. Elle est habillĂ©e comme un homme, avec costume et cravate, et sourit d’un air absent – ce fut du moins mon impression.

Ma mĂšre, qui venait de la petite ville de Cobourg en BaviĂšre, fut l’une des plus ferventes admiratrices de ClĂ€renore Stinnes Ă  cette Ă©poque, et la premiĂšre femme de sa ville natale Ă  passer son permis de conduire.

Un acte pionnier uniquement rendu possible par le fait que mon grand-pÚre était personnellement inter venu pour lui permettre de franchir le pas. Pensez donc :

voir une femme au volant Ă©tait encore plus Ă©trange que de voir une femme enseigner Ă  l’universitĂ©. L’incroyable histoire de ClĂ€renore Stinnes, ma mĂšre a bien dĂ» me la raconter une bonne centaine de fois.

NĂ©e Ă  1901 Ă  MĂŒlheim en Allemagne, ClĂ€renore Ă©tait la flle d’Hugo Stinnes, magna de l’acier et l’un des plus riches industriels du pays. Elle Ă©tait la prĂ©fĂ©rĂ©e de son pĂšre, qui ne tenait pas grand cas de ses autres frĂšres. Il lui apprit Ă  conduire mais aussi Ă  apprĂ©cier l’ivresse de la vitesse : pour lui, disait-il, une voiture n’était pas faite pour transporter des gens mais pour le plaisir d’aller vite – le plus vite possible. En ces temps pionniers de l’automobile, nombreuses Ă©taient encore les voix qui s’éle vaient contre les dangers physiologiques de la vitesse : des scientifques racontaient mĂȘme qu’au-delĂ  d’une vitesse de 50 km/h, le corps humain subissait des dĂ©formations irrĂ©versibles.

Hugo et ClĂ€renore Stinnes n’en croyaient pas un mot. « Et quand bien mĂȘme, disait l’industriel alle mand, nous saurons survivre Ă  ces dĂ©formations. » Il faisait une telle confance Ă  sa flle qu’il en avait fait son assistante et sa confdente, en l’initiant aux secrets de l’entreprise. Quand il mourut prĂ©maturĂ©ment, la jeune femme de 23 ans, Ă©cartĂ©e des affaires de l’entreprise par sa mĂšre et ses frĂšres, dĂ©cida d’honorer la mĂ©moire paternelle en se lançant dans la course automobile.

La mĂȘme annĂ©e, elle prit part Ă  la premiĂšre de ses nombreuses courses – face Ă  des concurrents toujours

BOULEVARD DES HÉROÏNES
MICHAEL KÖHLMEIER raconte les destins hors du commun de personnages inspirants – dans le respect des faits et de sa libertĂ© d’écrivain. Ce mois-ci, comment le premier tour du monde en voiture fut bouclĂ© par une femme. MICHAEL KÖHLMEIER
92 THE RED BULLETIN MICHAEL KÖHLMEIER BELICTA CASTELBARCO, CLAUDIA MEITERT GETTY IMAGES (3)
THE RED BULLETIN 93

exclusivement masculins – et remporta, durant les trois annĂ©es qui suivirent, pas moins de dix-sept victoires.

Forte de cette expĂ©rience, elle dĂ©cida de placer la barre des dĂ©fs encore plus haut : cette fois-ci, elle deviendrait le premier ĂȘtre humain Ă  boucler un tour du monde en voiture – Ă  une Ă©poque oĂč les routes Ă©taient encore en majoritĂ© de simples pistes – quand elles existaient ! Quant aux cartes routiĂšres
 Ma mĂšre me racontait que ClĂ€renore Stinnes avait organisĂ© l’ex pĂ©dition toute seule, tentant de se procurer le plus de cartes possible, tĂ©lĂ©phonant dans tous les consulats et les comptoirs commerciaux de par le monde pour avoir des renseignements sur les pays traversĂ©s, rassemblant tous les visas et autres laisser-passer nĂ©cessaires pour la poursuite de cet extraordinaire pĂ©riple.

Elle reçut de la frme Adler le dernier modĂšle sorti de leur usine et acheta un petit camion pour y transporter le carburant et les piĂšces de rechange – il n’y avait alors ni station-service ni garage dans les rĂ©gions traversĂ©es.

Pour l’aider dans son entreprise, elle recruta un mĂ©canicien ainsi qu’un chauffeur pour le camion. Et parce qu’il Ă©tait hors de question de dormir dehors pen dant un an : ClĂ€renore demanda au constructeur Adler de faire en sorte que les siĂšges de sa berline soient rabat tables et puissent servir de couchettes la nuit. Enfn, dans leurs bagages, les trois aventuriers avaient prĂ©vu d’emmener suffsamment d’armes Ă  feu et de couteaux pour prĂ©venir les attaques des bandits de grand chemin.

Certains passages avaient la rĂ©putation d’ĂȘtre de vĂ©ritables coupe-gorges. Pour parfaire cet attirail de protection, ClĂ€renore emporta avec elle deux grands chiens de race Terrier, Billy et Lilly. CoĂ»t total du projet : 100 000 marks allemands de l’époque. Une somme exorbitante qu’elle assuma en se faisant verser sa part d’hĂ©ritage.

Il lui manquait cependant la piĂšce la plus importante de son expĂ©dition, celle qui lui permettrait de laisser une trace et d’entrer dans l’Histoire : un camĂ©raman. Deux jours avant le dĂ©part, elle ft la connaissance, lors d’un spectacle de danse qu’on avait organisĂ© pour cĂ©lĂ© brer son dĂ©part, d’un photographe-camĂ©raman profes sionnel, le SuĂ©dois Carl-Axel Söderström.

Ma mĂšre me racontait que ClĂ€renore Stinnes s’était dirigĂ©e droit vers lui et avait lancĂ©, en lui pointant les clĂ©s de sa voiture devant le nez : « Vous ! Venez avec nous ! » Ce Ă  quoi Söderström avait rĂ©pondu : « Permet

tez au moins que je me change ? » Oui, avait rĂ©torquĂ© l’aventuriĂšre – mais qu’il se dĂ©pĂȘche !

À ce moment du rĂ©cit, j’interrompais ma mĂšre : « Es-tu bien sĂ»re que les voitures avaient des clĂ©s de contact, Ă  l’époque ? »

« C’est tout Ă  fait toi, ça : toujours Ă  t’arrĂȘter Ă  des dĂ©tails ! »

« Pardon. Continue ! »

ClĂ€renore Stinnes avait Ă©tabli la route et les Ă©tapes le plus prĂ©cisĂ©ment possible : pour tout le reste, elle savait qu’il allait falloir improviser. La premiĂšre partie du pĂ©riple les conduisit Ă  travers les Balkans jusqu’en Russie, puis Ă  travers la SibĂ©rie et le dĂ©sert de Gobi jusqu’à PĂ©kin.

En Russie, la voiture et le camion avançaient pĂ©nible ment, kilomĂštre par kilomĂštre, sur des routes – plutĂŽt des pistes – de plus en plus boueuses, impraticables et dangereuses : Ă  deux reprises, ils avaient Ă©tĂ© poursuivis par des hordes de pillards. Un peu aprĂšs Moscou, les deux mĂ©caniciens jetĂšrent l’éponge et dĂ©cidĂšrent de ren trer chez eux. ClĂ€renore se retrouva seule avec Carl-Axel Söderström.

Ce dernier racontera plus tard qu’il avait passĂ© la pre miĂšre partie de l’expĂ©dition Ă  pester contre l’entĂȘtement et la dĂ©termination aveugle de sa patronne. Petit Ă  petit, les sentiments Ă  son Ă©gard avaient changĂ© et les deux aventuriers avaient fni par tomber amoureux.

« C’était, dira l’intĂ©ressĂ©e quelques annĂ©es avant sa mort, alors que son mari Carl-Axel n’était dĂ©jĂ  plus de ce monde, c’était comme si nous Ă©tions les deux derniers ĂȘtres sur Terre. »

« Et que peuvent bien faire les deux derniers ĂȘtres sur Terre ? Tomber amoureux, Ă©videmment ! », poursuivait ma mĂšre.

Évidemment.

AprĂšs Moscou, le duo Stinnes-Söderström passa par la SibĂ©rie et les villes d’Omsk, Novossibirsk, Irkoutsk : par moins 30° Celsius, ils traversĂšrent le lac BaĂŻkal gelĂ© et poursuivirent leur route vers PĂ©kin en passant par le dĂ©sert de Gobi. Puis ils embarquĂšrent avec leurs deux vĂ©hicules sur un cargo qui les emmena au Japon. De lĂ , ils prirent un autre bateau vers HawaĂŻ puis vint le grand pĂ©riple Ă  travers toute l’AmĂ©rique du sud, avec un autre dĂ©f de taille : ĂȘtre les premiers Ă  traverser la CordillĂšre des Andes depuis Valparaiso au Chili. Un projet fou puisqu’il n’existait, dans les annĂ©es vingt, aucune route pour franchir l’immense chaĂźne de montagnes : lĂ  encore, ils frĂŽlĂšrent la mort Ă  plusieurs reprises, mais refusĂšrent d’abandonner.

La derniĂšre partie de l’aventure, sur les routes gou dronnĂ©es des États-Unis, fut une partie de plaisir : par tout, ils Ă©taient acclamĂ©s par la population, Henry Ford les invita Ă  visiter sa toute nouvelle usine Ă  Detroit – et se montra intĂ©ressĂ© par l’idĂ©e des siĂšges rabattables –le prĂ©sident amĂ©ricain Hoover les convia Ă  la Maison Blanche. RestĂ©s en tĂȘte-Ă -tĂȘte depuis la SibĂ©rie, l’inti mitĂ© avait fni par rapprocher la jeune Allemande et son compagnon de route.

BOULEVARD DES HÉROÏNES À Moscou, ClĂ€renore et son camĂ©raman furent livrĂ©s Ă  eux-mĂȘmes : « C’était comme si nous Ă©tions les deux derniers ĂȘtres sur Terre. » 94 THE RED BULLETIN

Le 24 juin 1929, aprĂšs deux ans d’une odyssĂ©e rocambolesque de 46 758 kilomĂštres, les deux aventu riers arrivĂšrent Ă  Berlin et furent accueillis en hĂ©ros par la population.

« Et puis ? », demandai-je à ma mÚre.

« Et puis quoi ? »

« Qu’est-ce qu’il s’est passĂ© ensuite ? »

« Ils se sont mariĂ©s. Évidemment. »

« Sont-ils repartis pour de nouvelles aventures ? AprĂšs tout, ils n’étaient passĂ©s ni par l’Australie, ni par l’Afrique : ce n’était pas un tour du monde complet ! »

Ce genre de commentaires dĂ©plaisait Ă  ma mĂšre : elle rĂ©torqua que les deux continents n’étaient pas sur la route et qu’on ne pouvait pas tout faire d’un coup. Je la fxai du regard : « Et toi ? »

« Quoi, moi ? »

« Ça ne t’a jamais dĂ©mangĂ©e, toi aussi, de partir ? Je veux dire, tu as Ă©tĂ© la premiĂšre femme Ă  Cobourg Ă  passer le permis, tu n’as jamais eu envie de suivre un peu les traces de ton modĂšle ? »

« Ah ! », rĂ©pondit-elle – avant de se taire. Je savais pourquoi elle se taisait : cette petite pause lui permettait de passer de la frustration Ă  l’ironie, et de l’ironie Ă  la

bonne humeur. Dans un sourire, elle poursuivit : « Tu sais, j’ai appris quelque chose. J’ai appris Ă  rĂ©pondre Ă  cette question : Ă  quoi servent les modĂšles ? On pour rait penser que les pionniĂšres et les pionniers sont lĂ  pour nous inciter Ă  les imiter. »

À mon tour, je lui posai la question qu’elle attendait de moi : « Et quelle est la vĂ©ritable raison ? »

« Si elles et ils rĂ©alisent des exploits, c’est pour que nous n’ayons plus besoin de les faire nous-mĂȘmes. Puisque c’est dĂ©jĂ  fait. »

ClÀrenore Stinnes et Carl-Axel Söderström se sont mariés et sont partis vivre en SuÚde pour y travailler dans leur ferme. Ils eurent trois enfants et vécurent heureux. Lui est mort en 1976, ClÀrenore Stinnes en 1990.

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Traverser la CordillĂšre des Andes Ă©tait un projet fou : il n’existait Ă  l’époque aucune route.

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