HORS DU COMMUN SUISSE, 3,80 CHF HIVER 2022/23 ABONNEZ-VOUS DĂS MAINTENANT getredbulletin.ch QUAND LâHIVER SâEST MIS Ă VOLER Entre poudreuse, partys et esprit pionnier : retour sur les folles annĂ©es du snowboard
JULIAN ZIGERLI / BJĂRK / RETO GURTNER / DANITSA & DIMEH / MATHILDE GREMAUD
de nos propres limites ? Câest lâĂ©tat dâesprit Ă lâorigine de la marque TUDOR, le mĂȘme qui habite les femmes et les hommes qui portent ces montres. Sans eux, il nây aurait ni histoires, ni lĂ©gendes, ni victoires. Câest lâĂ©tat dâesprit qui donne chaque jour Ă lâenvie de se chaque montre TUDOR. Certains se contentent de suivre. Dâautres sont nĂ©s pour
RANGER
VOUS AVEZ
VU MISRA ?
Que doit lâas du freeski Eileen Gu (les mains pleines dâor aux derniers JO) Ă Misra Torniainen, lâhomme Ă cĂŽtĂ© dâelle ? Page 68
TĂTE FROIDE, CĆUR CHAUD BIENVENUE
Ils et elles conservent la tĂȘte froide mais ont le cĆur chaud : nos hĂŽtes de ce numĂ©ro dâhiver sont des passionné·e·s de leur discipline, qui gardent la tĂȘte sur les Ă©paules dans toutes les situations, et qui ne craignent pas le froid. Notre sujet de couverture, par exemple, est le fruit des tĂ©moignages photographiques de Patrick Armbruster. Il nous propose un retour sur les annĂ©es folles du snowboard, Ă une Ă©poque oĂč ce dernier Ă©tait encore synonyme de rĂ©volte contre lâestablish ment du ski, page 20. Dans le mĂȘme ordre dâidĂ©es, le pion nier des sports dâhiver Reto Gurtner nous raconte, en page 32, comment il a fait venir le snowboard en Suisse âet le rapport avec la Californie. Page 48, la Finlandaise Johanna Nordblad, quant Ă elle, prĂ©fĂšre admirer lâhiver par en-dessous : son truc, câest de plonger sous la glace des lacs gelĂ©s, sans se hĂąter, pour briser des records.
Bonne lecture !
La Rédaction
PATRICK ARMBRUSTER
Le chroniqueur de lâheure zĂ©ro : en tant que photographe, il baigne dans la scĂšne du snowboard depuis les annĂ©es 90.
Page 20
XXIIe
siĂšcle, câest lâĂ©poque Ă laquelle se dĂ©roule lâaction de Avatar : La voie de lâeau. Tous les chiffres relatifs au film page 14.
LâART
DE BIEN RESPIRER!
Perdre ses kilos superflus en sâallongeant sur le dos ? Câest possible ! Page 80
ĂDITORIAL
THE RED BULLETIN 3
ARMBRUSTER (COUVERTURE), SASCHA BIERL
PATRICK
BMW M3 Touring, 375 kW (510 ch), Ă©missions de CO2 de 235 g/km*, catĂ©gorie de rendement Ă©nergĂ©tique G. Prix dâachat au comptant: CHF 127 400.â *DonnĂ©es provisoires
THE NEW TOURING
CONTENUS
The
SUJET DE COUVERTURE
20 ESPRITS REBELLES
Au dĂ©but du millĂ©naire, les adeptes du snowboard ont rĂ©volutionnĂ© les sports dâhiver. TĂ©moignage en photos.
MUSIQUE 58 SUDAN ARCHIVES
La musicienne amĂ©ricaine est trĂšs inspirĂ©e pour dĂ©pous siĂ©rer lâimage du violon.
FREESTYLE
68 MISRA TORNIAINEN
Il a formé les plus grandes stars de ski freestyle au monde. Comment fait il ?
SNOWBOARD
32 RETO GURTNER
Ce visionnaire de 62 ans a lancé le mouvement du snowboard chez lui, en Suisse.
MUSIQUE 34 BJĂRK
LâicĂŽne de la pop islandaise est un troll. Comme chacun et chacune dâentre nous, dit elle.
MUSIQUE
36 PAMELIA STICKNEY
La musicienne américaine envoûte le monde de la pop⊠avec son thérémine.
MODE
38 JULIAN ZIGERLI
Le jeune entrepreneur suisse a conquis la scĂšne de la mode sans faire de maniĂšresâŠ
PLONGĂE LIBRE
48 Ă BOUT DE SOUFFLE
Johanna Nordblad plonge sous la glace, pendant 103 m, sans combinaison de plongée.
PERSPECTIVES
Expériences pour une vie amélorée
75 VOYAGE. Avec le kayakiste pro Aniol Serrasolses en Patagonie. 80 BIOHACKING. Retenir son souffle pour allĂ©ger le corps et lâesprit. 82 MONTRES. Ă lâeau avec la Tag Heuer Aquaracer Professional 200. 83 PLAYLIST. Les titres prĂ©fĂ©rĂ©s de Sharleen Spiteri, du groupe Texas. 84
LE COIN LECTURE. Lâunivers du Nordic Noir avec Jo NesbĂž. 86 GAMING. Rembleverse, dernier jeu de battle royal en date. 87 MATOS. Restez en contact avec vos amis sur les pistes. 88 AGENDA. SĂ©lection des Ă©vĂ©ne ments Ă ne pas rater. 90
RED BULL SOUNDCLASH. Danitsa ou Di-Meh : qui gagnera la plus grosse battle de hip-hop ? 92 BOULEVARD DES HĂROĂNES. Lâhistoire de ClĂ€renore Stinnes, premiĂšre femme pilote automobile.
TRAIT DE LA FIN 8
VOUS PLAĂT
LE TĂMOIN Les photos de Patrick Armbruster reviennent sur lâĂ©poque culte du snowboard.
LâAUDACIEUX Ses looks et son humour dĂ©calĂ©s ont fait de Julian Zigerli un designeur en vogue.
LâALCHIMISTE Le coach Misra Torniainen apporte lâor Ă celles et ceux qui lâapprochent.
38 20
68
96 OURS 98
Red Bulletin hiver 2022/23 16 LE MOMENT PHILO 18 OBJET TROUVĂ
LE
GALERIE 14 LâADDITION, SâIL
!
6 THE RED BULLETIN
PATRICK ARMBRUSTER, PHILIPP MUELLER, LUKAS MAEDER, ELINA MANNINEN
LA VIE AU RALENTI
Sous la surface de lâeau glacĂ©e, le cĆur de Johanna Nordblad bat plus doucement.
48 THE RED BULLETIN 7
Compte Ă rebours avant
CUP Décollage
Un monocoque Ă foils AC75 sâĂ©lĂšve hors des eaux de la MĂ©diterranĂ©e lors dâun essai en octobre. Voici le BoatZero, le bateau dâentraĂźnement dâAlinghi Red Bull Racing, un challenger pour la 37 e Americaâs Cup en 2024. LâĂ©vĂ©nement sportif le plus ancien au monde (fondĂ© en 1851), apogĂ©e des courses de voiliers, attire les meilleurs marins et repousse les limites de lâingĂ©nierie de la voile. Alinghi connaĂźt bien le sujet, puisquâelle a gagnĂ© en 2003 et 2007, mais aujourdâhui, lâĂ©quipe suisse revient dans la mĂȘlĂ©e avec un partenaire rĂ©putĂ© pour ses perfor mances dans un autre sport de pointe la F1 et navigue sous la banniĂšre du yacht club SociĂ©tĂ© Nautique de GenĂšve. LâentrĂ©e en matiĂšre nâa pas Ă©tĂ© aisĂ©e (le bateau a chavirĂ© lors de sa premiĂšre sortie quelques semaines plus tĂŽt) mais le barreur Arnaud Psarofaghis est convaincu du potentiel de son monocoque et de son Ă©quipage. « Depuis cette session dâentraĂźnement, lâĂ©quipe a progressĂ©, Ă tous les niveaux », dit-il. americascup.com
LâAMERICAâS
9 SAMO VIDIC/RED BULL CONTENT POOL TOM GUISE
Noir, câest noir
Pour nuancer lâobscuritĂ©, il faut de la lumiĂšre. Câest la raison pour laquelle le photographe Andrew Dixon a placĂ© dix stroboscopes autour de son modĂšle, lâas du BMX Joshny Babu. Il sâagit de machines Ă flashes qui sâallument Ă intervalles rĂ©gu liers. Dixon : « Il nous a fallu dâinnom brables essais avant que le rĂ©glage ne soit parfait. » Sa mise en scĂšne a Ă©tĂ© rĂ©com pensĂ©e par une place de demi-finaliste au concours de photographie Red Bull Illume. adixonphoto.com ; redbullillume.com
WOODWARD, PENNSYLVANIE, USA
MEXICO, MEXIQUE
Point de vue
En tant que photographe de concert, Luis Alejandro Arriaga Osorio a immortalisĂ© des artistes comme Muse et Billie Eilish. Mais son autre spĂ©cialitĂ©, les sports dâaction, lâoblige Ă voir le monde sous un angle diffĂ© rent. Prenez ce clichĂ© du skateur Diego Alvarez, finaliste de la catĂ©gorie Creative by Skylum de Red Bull Illume. « Ce bĂątiment est particulier de par sa forme, mais il suffit de tourner la tĂȘte pour lui donner une nou velle dimension, celle dâun bowl colossal grĂące Ă cette architecture unique⊠» Instagram : @luisarriagaph ; redbullillume.com
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ANDREW DIXON/RED BULL ILLUME, LUIS ALEJANDRO ARRIAGA OSORIO/RED BULL ILLUME
DAVYDD CHONG
YOSEMITE, CALIFORNIE, USA
Visite VIP
Ses visites sont si rares quâil serait dommage de la rater : la comĂšte Neowise, Ă gauche du centre de lâimage, ne passe que tous les 5 000 Ă 7 000 ans prĂšs de la Terre⊠à quelque 103 mil lions de kilomĂštres de nous. Face Ă ces dimen sions, le panorama nocturne que la photographe diplĂŽmĂ©e en gĂ©nie mĂ©canique, Priscilla Mewborne, a capturĂ© il y a deux ans dans le parc national de Yosemite, en Californie, a une valeur durable. Instagram : @lovealwayspriscilla ; redbullillume.com
13
PRISCILLA MEWBORNE/RED BULL ILLUME
DAVYDD CHONG
AVATAR 2
Ils sont parmi nous
Le 14 dĂ©cembre, Avatar : La voie de lâeau sort dans les salles de cinĂ©ma. La suite du film le plus rĂ©ussi de tous les temps nous entraĂźne dans un monde mystique sous-marin. Voici tous les chiffres entourant le film de James Cameron
2154
7Le nombre de fois oĂč la sortie dâAvatar: La voie de lâeau a Ă©tĂ© reportĂ©e. Ă lâorigine, le film aurait dĂ» sortir en 2014.
148,6
Le nombre de vues, en millions, de la bande-annonce dâAvatar 2 au cours des premiĂšres 24 heures en ligne.
est lâannĂ©e fictive au cours de laquelle le premier film Avatar (2009) se dĂ©roule sur la lune de Pandora. La suite se passe plus de dix ans aprĂšs.
3films les plus réussis sur le plan commercial (Avatar, Avengers: Endgame, Avengers: Infinity War) figurent dans la filmographie de Zoe Saldana.
3 40 0 000
litres dâeau remplissent le bassin spĂ©cial oĂč ont Ă©tĂ© tournĂ©es les prises de vue sous-marines dâAvatar 2
3
suites dâAvatar devraient sortir au cinĂ©ma tous les deux ans jusquâen 2028, mettant en scĂšne dâautres membres du clan Naâvi.
25
ans aprĂšs Titanic (1997), Kate Winslet est de nouveau Ă lâaffiche dâun film de James Cameron.
237
millions de dollars était le budget du premier film Avatar. Les parties 2 et 3, tournées simultanément, dépassent les 500 millions.
1pĂ©taoctet (1 000 000 000 000 dâoctets) de donnĂ©es, lâĂ©quivalent de 500 disques durs complets de 2 teraoctets, a servi de base aux images de synthĂšse dâAvatar en 2009.
dollars de recettes depuis 2009, ce qui fait dâAvatar le film le plus rentable de tous les temps.
% des bĂ©nĂ©fices dâAvatar 2 reviennent Ă lâacteur Sam Worthington, outre 10 millions de dollars de salaire.
pays ont pu voir Avatar 2 au cinĂ©ma Ă lâautomne 2022, ce qui a engendrĂ© plus de 30 millions de dollars de recettes.
LâADDITION SâIL VOUS PLAĂT
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31
5
14 THE RED BULLETIN GETTY IMAGES (3), DISNEY.COM HANNES KROPIK CLAUDIA MEITERT
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SOCRATE A DIT :
Il faut se débarrasser des pensées-poubelles »
Entre une jeunesse Ă la conscience Ă©cologique croissante et une scĂšne politico-Ă©conomique sĂ©rieusement impliquĂ©e, lâenvironnement est dĂ©cidĂ©ment au cĆur des dĂ©bats. Pour tant, certaines villes sont encore accablĂ©es de dĂ©chets et autres gaz dâĂ©chappements. Pourquoi ce laisser-aller ? Câest le sujet de lâentretien fictif du philosophe Christoph Quarch avec Socrate, le champion de la pensĂ©e europĂ©enne.
the red bulletin : AthÚnes était-elle déjà aussi polluée à votre époque ? socrate : Que voulez-vous dire, mon ami ?
Ma foi, quand je pense Ă toutes ces personnes vivant dans un espace aussi restreint, jâimagine que la propretĂ© laissait Ă dĂ©sirer. Dâautant plus que vous Ă©leviez encore des Ăąnes et autres bestiaux. Tout Ă fait. Certains coins ne sentaient vraiment pas la rose. Mais comparĂ© Ă ce que jâai pu observer chez vous, câĂ©tait somme toute assez inoffensif. Ă notre Ă©poque, au moins, il nây avait ni plastique, ni produits chimiques, ni batteries usagĂ©es, ni pneus, ni dĂ©chets industriels. Vivre en ville Ă©tait encore supportable. Jâaurais pourtant apprĂ©ciĂ© que mes concitoyennes et concitoyens sâappliquent un peu plus Ă Ă©liminer leurs dĂ©chets.
Mais Ă AthĂšnes, câest vos esclaves qui sâen char geaient, non ?
La barbe avec vos esclaves ! Je parle des dĂ©chets que vous accumulez sous votre crĂąne. Autrement dit, les pensĂ©es-poubelles qui parasitent votre cerveau. Car tant que vous nâaurez pas fait le tri dans votre tĂȘte, vous ne pourrez pas non plus vous occuper de toutes les poubelles accumulĂ©es Ă lâextĂ©rieur. « Car ce qui est au dedans est au dehors », a dit fort justement lâun de vos penseurs classiques (Goethe, ndlr). Si vous laissez vos dĂ©chets mentaux sâaccumuler, comment pourrez-vous vous dĂ©barrasser de vos dĂ©chets rĂ©siduels ?
Donnez-moi un exemple de ces « déchets mentaux ».
Ce sont des phrases, cher ami. Des phrases que lâon prononce rarement, mais qui font des ravages dans lâinconscient. Des phrases comme : « Je fais ce que je veux », « Je me fous de ce que pensent les autres », « Allez, encore un tĂ©lĂ©siĂšge, les affaires avant tout ».
Ou, plus perfide : « Bah, on a toujours fait ça et jusquâĂ prĂ©sent ça a parfaitement fonctionnĂ©. » Du pipeau! Ou des conneries, comme vous dites. Ă la poubelle et ouste ! Sinon, vous finirez par Ă©touffer dans votre propre tas de fumier mental.
Mais ce nâest pas si simple. On ne change pas ses habitudes aussi facilement. Jâen ai fait la douloureuse expĂ©rience, en effet. Je remporte mĂȘme la palme : plus jâattirais lâattention des autres sur leurs pensĂ©es-poubelles, plus jâattisais leur haine Ă mon encontre. Pourtant, et câest lĂ toute lâironie de lâhistoire, les inepties quâelles ou ils me balan çaient Ă©taient rarement de leur propre cru. CâĂ©taient des croyances dans lâair du temps, hĂ©ritĂ©es dâun politicien, dâune cĂ©lĂ©britĂ© du moment ou dâun influenceur, des dĂ©chets si bien assimilĂ©s quâelles ou ils les dĂ©fen daient bec et ongles.
Que faire pour inciter la population Ă se dĂ©barrasser de ses dĂ©chets ? Deux solutions miracles : rĂ©flĂ©chir et demander. Faites-vous tendre un miroir pour comprendre votre modus vivendi ou prendre par la main pour vous sensibiliser Ă ces dĂ©chets mentaux et vous aider Ă voir les saletĂ©s qui traĂźnent. Commencer par lâextĂ©rieur peut dâailleurs ĂȘtre trĂšs utile le cas Ă©chĂ©ant : ouvrir les yeux, prendre conscience des dĂ©chets, les rassembler dans un sac et les Ă©liminer convenablement ! Câest un trĂšs bon exercice, car le fait de voir les dĂ©chets du dehors et de sâen dĂ©barrasser permettra dâaccroĂźtre sa sensibilitĂ© aux dĂ©chets du dedans (il dĂ©signe son crĂąne) Alors, au boulot, nettoyons !
SOCRATE (469â399 avant J-C) est considĂ©rĂ© comme une vĂ©ri table figure de proue de la philosophie europĂ©enne. Son cheval de bataille ? Pousser ses compatriotes Ă penser par elles ou euxmĂȘmes plutĂŽt que de se fier aux opinions populaires, ce qui lui vaudra de nombreuses attaques puis un procĂšs Ă lâissue duquel Socrate sera condamnĂ© Ă mort. Mais son esprit critique vit en core, notamment grĂące Ă son Ă©lĂšve Platon, qui a Ă©rigĂ© un monu ment Ă la gloire de Socrate Ă travers ses Dialogues. CHRISTOPH QUARCH, 58 ans, est un philosophe allemand, fon dateur de la Nouvelle AcadĂ©mie Platonicienne (akademie-3.org) et auteur de nombreux livres de philosophie. Son dernier ouvrage de rĂ©ponses philosophiques Ă des questions quotidiennes est paru en allemand chez legenda Q, 2021.
LE MOMENT PHILO
«
«
16 THE RED BULLETIN DR. CHRISTOPH
Faire le mĂ©nage dans sa tĂȘte pour rendre les villes plus propres. »
QUARCH YANNICK DE LA PĂCHE
STIMULE LE CORPS ET LâESPRI T.
DES AIIILES POUR LâHIVER. AU GOĂT DE GRENADE.
NOUVEAU
APOLLO 11
Souvenir de la Lune
La pellicule photo de Neil Armstrong
Le premier voyage sur la Lune en 1969 fut un pas de gĂ©ant pour lâhumanitĂ©. Cet Ă©vĂ©nement majeur, Neil Armstrong lâa photographiĂ© avec un appareil Hasselblad spĂ©cialement conçu Ă cet effet, Ă©quipĂ© dâun objectif Zeiss. Sur les nĂ©gatifs de lâastronaute (il a rĂ©alisĂ© environ 200 photos), on peut voir son collĂšgue Buzz Aldrin, le drapeau amĂ©ricain et un bout du module dâalunissage Eagle. Ă lâoccasion du cinquantiĂšme anniversaire du premier homme sur la Lune, des dizaines de souvenirs liĂ©s Ă la mission Apollo 11 ont Ă©tĂ© mis aux enchĂšres. Parmi eux, la pellicule Kodak 70 mm de Neil Armstrong a Ă©tĂ© vendue pour environ 15 000 CHF Ă un acquĂ©reur anonyme.
OBJET TROUVĂ
18 THE RED BULLETIN NASA, IMAGO IMAGES/ZUMA PRESS
Neil Armstrong, 38 ans Ă lâĂ©poque, a Ă©tĂ© le premier homme Ă fouler le sol de la Lune le 20 juillet 1969.
La technologie qui fait bouger.
Les modÚles électrifiés de Kia.
En savoir plus
Braunwald, 1995
Lâune des plus anciennes photos de Patrick Armbrus ter. La voiture a Ă©tĂ© amenĂ©e spĂ©cialement pour pimen ter le parc dâobstacles. En lâair, câest Andy Weber, lâune des premiĂšres icĂŽnes de la glisse. Au volant, câest Oliver. Il est devenu pilote.
Lequel des deux vole le plus haut ?
Hiver
PORTFOLIO
sauvage Le Suisse Patrick Armbruster est une figure incontournable de la scĂšne du snowboard. En tant que photographe, il a documentĂ© la maniĂšre dont les jeunes « chiens fous » ont fait exploser les sports dâhiver au tournant du millĂ©naire. Cet album raconte cette renaissance. Et son envol.
DAVID PESENDORFER 21
Texte
Big in Japan
Tokyo, 2001 Câest Jonas Emery, lâune des premiĂšres stars suisses du cirque hivernal dans lâarĂšne des plus grands. Il vient de remporter le X-Trail Jam devant 75 000 spectateurs âĂ ce jour, le plus grand Ă©vĂ©nement de snowboard au monde.
Le chasseur
de poudre
du Zillertal Tenjin, Japon, 2000
La photo montre Thomas « Beckna » Eberharter du Zillertal tyrolien âĂ quelques pas de sa ville dâadoption : Tenjindaira, en abrĂ©gĂ© Tenjin. Traduit, cela signifie « le paradis de la poudreuse ». « Et croyezmoi, quand la mĂ©tĂ©o est bonne, lâendroit fait hon neur Ă son nom. »
PORTFOLIO
THE RED BULLETIN 23
LâĂ©tĂ© sur le glacier Saas-Fee, 1998
Les mains nues, hiver comme Ă©tĂ© : le SuĂ©dois Marius Sommer saute ici sans gants sur le glacier. Notez au pas sage lâĂ©tat plutĂŽt nĂ©gligĂ© du half-pipe en bas de lâimage.
Ă la dure Prague, 2013
Dix-sept snowboardeurs de haut niveau en voyage Ă travers les montagnes dâEurope et dâAmĂ©rique du Nord, telle est lâintrigue du film Dopamine De gauche Ă droite : Sylvain Bourbousson, le photographe Silvano Zeiter et Manuel Diaz, en tournĂ©e promotionnelle dans un bus.
PORTFOLIO
24 THE RED BULLETIN
Ultraviolet
Zillertal, Tyrol, 2000
Voici Camus â pas Albert, icĂŽne de lâabsurde, mais Sebastian, le dĂ©jantĂ©, snowboardeur profession nel du Chili. Il a fait une trĂšs mauvaise chute Ă Mayrhofen, dans la vallĂ©e du Zillertal en Autriche. ConsĂ©quence : un hĂ©ma tome Ă©norme sur la cuisse. Rien de cassĂ©, juste une absurde couleur violette.
MĂŒller traverse la route
Laponie, 2000 « CâĂ©tait le 25 avril, et Nicolas MĂŒller de Laax fĂȘtait ce jour-lĂ son 18e anniversaire Ă RiksgrĂ€n sen en Laponie suĂ©doise. Et de quelle maniĂšre ! Voici ce qui sâest passĂ© aprĂšs les derniĂšres prises de vue de Tribal, un film de snowboard, sur le chemin du retour Ă lâhĂŽtel lorsque Nicolas a traversĂ© la route. »
PORTFOLIO
26
Patrick Armbruster, 46 ans, Ă propos de son cheminement
«
Le snowboard Ă©tait pour moi la route vers la libertĂ© et lâaventure. »
de vie.
PORTFOLIO 28 THE RED BULLETIN
Vol de nuit, sans neige Hawaii, 2003
Que fait le snowboardeur en Ă©tĂ© ? Il enlĂšve, comme ici le professionnel amĂ©ri cain Travis Price, sa com binaison et mĂȘme sa chemise Ă fleurs et monte sur un camion pick-up.
Travis et quelques autres pilotes ont rendu visite Ă Patrick alors quâil Ă©tait en plein montage de ses films de lâhiver dernier. Ils en ont profitĂ© pour faire quelques tours de nuit.
THE RED BULLETIN 29
La photo de couverture de ce numéro a été prise en 1996 à Saas-Fee et montre le snowboardeur suisse Martin Rutz.
Saas-Fee, 1996
Les Suisses Nils Frei, en haut Ă gauche sur la photo, et son pote Philipp Merz sâapprĂȘtent Ă dĂ©charger leur matĂ©riel pour un camp dâĂ©tĂ© sur le glacier quand soudain, des riders en roller dĂ©boulent sur le parking bitumĂ©, leur cassant les oreilles. Pour le snowboardeur, câest une insulte.
LE
PHOTOGRAPHE
PATRICK ARMBRUSTER
« Lâodeur de la pluie Ă©vaporĂ©e sur le bĂ©ton chaud dans la chaleur de lâĂ©té⊠» Se tenir sur une planche a toujours eu quelque chose de profondĂ©ment sensuel pour Patrick Armbruster. Au dĂ©but des annĂ©es 90, il Ă©tait ado Ă Dietikon, non loin de Zurich. « Le skateboard Ă©tait pour moi plus quâun moyen de locomotion, câĂ©tait un art de vivre. » Peu de temps aprĂšs, il a vu son premier flm de snowboard : « CâĂ©tait comme faire du skateboard, mais sur la neige », se souvient Armbruster, aujourdâhui ĂągĂ© de 46 ans, en Ă©voquant sa passion. De la pluie qui sâĂ©vapore Ă la pluie qui gĂšle, de la chaleur Ă la glace. Il a abandonnĂ© sa formation dâĂ©lectricien, sâest immergĂ© dans la scĂšne du snowboard alors en pleine croissance, a produit des reportages et des flms lĂ©gendaires. Avec ce livre, le grand seigneur de la photographie de snowboard fait le bilan des folles annĂ©es de ses dĂ©buts.
Le recueil de photos
Barely Made It (340 pages) est disponible sur le site de Patrick. En anglais. patrickarmbruster.com
PORTFOLIO
Ils voient ce que tu ne vois pas
30 THE RED BULLETIN
Le prĂ©lude Ă lâadieu Laax, 1995
Le SuĂ©dois Ingemar Backman en plein envol lors du coup dâenvoi de la tournĂ©e de la FĂ©dĂ©ration internationale de snowboard (FIS). En arriĂšreplan, le conflit avec la FIS couvait dĂ©jĂ , celle ci voulant sâapproprier ce sport dâhiver en raison de sa popularitĂ© croissante. Et elle a fini par y parvenir.
Esprit libre
Reto Gurtner dĂ©place des mon tagnes. LittĂ©ralement : sa station de sports dâhiver Weisse Arena Flims, Laax, Falera, se compose de vingthuit remontĂ©es mĂ©caniques, cinq hĂŽtels, plusieurs Ă©coles de ski et de snowboard et plus de vingt restau rants. Un vĂ©ritable empire bĂąti par ce Suisse visionnaire de 62 ans au prix dâun travail acharnĂ© malgrĂ© le scepticisme des notables du coin. « Jâai toujours Ă©tĂ© un rebelle et un voyageur », explique-t-il.
En 1973, il part Ă©tudier la gestion dâentreprise et la jurisprudence Ă Los Angeles. AccompagnĂ© par les mĂ©lodies des Beach Boys, Pink Floyd et Grateful Dead, il sâinitie aux joies du surf, sâimprĂšgne du style de vie sexy, Ă©colo et libertaire typique de la West Coast et ne tarde pas Ă se dĂ©couvrir des affnitĂ©s avec des entrepreneurs comme Jake Burton (fondateur de Burton Snowboards) ou Yvon Chouinard (crĂ©ateur des vĂȘtements Patagonia) : des esprits farouchement indĂ©pendants et proches de la nature.
Fort de cet esprit libre, Reto retourne en Europe et se heurte bien vite Ă cette Suisse fn-seventies engluĂ©e dans une mentalitĂ© Ă©troite aux antipodes du mode de vie cali fornien. « Jâentendais toujours le mĂȘme son de cloche de la part de lâadministration et de lâhĂŽtellerie : ça ne marche pas comme ça ! Des mots qui me faisaient bondir, car rien ne me motive davantage que de surmonter les obstacles, explique
Reto. Je nâai jamais voulu ĂȘtre un brave petit soldat de lâĂ©conomie et je nâai pas peur de provoquer la controverse. » Un trait de caractĂšre quâil partage avec son pĂšre Walter, charcutier Ă Flims (canton des Grisons). Tout comme Reto, il nâa pas son pareil pour repĂ©rer les ten dances en vogue.
En 1962, Walter loue 100 kilo mÚtres carrés de terrain à Laax avec un bail de 99 ans et construit des téléskis et des restaurants. Il se mettra à dos une partie des habi tants de la région. Le jeune Reto poursuit toutefois sur sa lancée et en 1992, il transforme la station en un paradis pour un genre de sport encore inconnu : le snowboard.
« JâĂ©tais totalement fascinĂ© par les sports de glisse, autant par le fow que par ces surfeur·euse·s et ces snowboardeur·euse·s qui sâencou ragent mutuellement, explique Reto. Jâai toujours prĂ©fĂ©rĂ© cette mentalitĂ© dâĂȘtre ensemble dans la nature plutĂŽt que le cĂŽtĂ© compĂ©ti tion propre au ski. »
Des bosses et des sauts Alors que certaines rĂ©gions ferment leurs portes aux snowboardeurs· euse·s, lâespace créé par Reto Gurtner se forge rapidement une rĂ©putation internationale chez les afcionados. GrĂące au Laax Open, aux Spring Sessions et Ă lâhĂŽtel Riders Palace, Reto ne se contente pas dâimporter lâesprit surf dans les Alpes, mais le cristallise : plusieurs snowparks, une kickerline pro (un amĂ©nagement de bosses) de 600 mĂštres de long, composĂ©e de
quatre tremplins et de halfpipes mécaniques pour permettre aux freestyleur·euse·s de rester plus longtemps dans les airs.
Au milieu des annĂ©es 90, Reto ouvre lâun des premiers cybercafĂ©s dâEurope Ă Laax. Il ne trouve aucun fournisseur dâaccĂšs en Suisse. Quâimporte, le premier domaine sera hĂ©bergĂ© Ă New York. Il nâhĂ©site pas non plus Ă payer de sa poche pour faire poser 90 kilomĂštres de cĂąbles en fbre optique sur la mon tagne. Un investissement qui a fait dĂ©coller la rĂ©putation branchĂ©e de Laax comme un freestyleur·euse sur son tremplin.
Des bourgeois et des enragĂ©s Lâun des talents de Reto Gurtner est de faire cohabiter tous les genres de personnalitĂ©s, de lâhĂŽtelier bour geois Ă lâenragĂ© du snowboard. Son autre talent : parler. PrĂ©voyez bien dix bonnes minutes avant de rĂ©ussir Ă placer votre prochaine question. Comme beaucoup de PDG, son disque dur mental regorge de motsclĂ©s du type « Ă©motion » ou « aligne ment ». Mais loin dâĂȘtre des paroles en lâair, ce sont des valeurs totale ment assimilĂ©es dans la bouche de Reto. La Weisse Arena devrait ĂȘtre autosuffsante en Ă©nergie et neutre en CO ÂČ dâici 2030, un objectif qui correspond lĂ aussi parfaitement aux valeurs qui lui ont Ă©tĂ© incul quĂ©es en Californie.
Si la plupart des rebelles dâhier ont aujourdâhui fondĂ© une famille, la Weisse Arena compte toujours un tiers de snowboardeur·euse·s, contre 13 % en moyenne dans les autres stations de ski des Alpes. Et aprĂšs tout, lâADN touristique de Laax ne dĂ©pend ni dâune planche de snowboard, ni dâune paire de skis, mais dâun art de vivre. Reto Gurtner en est convaincu : « Laax a de bonnes vibes, tout simplement. »
Snowparks, chemins de randonnĂ©e, railbike⊠Câest sur : weissearena.com
Snowboard
Entretien SIMON SCHREYER Photo ANDREA BRUNNER
VĂ©ritable pionnier des sports dâhiver, le Suisse Reto Gurtner est truffĂ© de contradictions : amoureux du fow californien, il raffole des dĂ©fs quotidiens.
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Reto Gurtner, 62 ans, Ă propos de sa motivation personnelle.
THE RED BULLETIN 33
« Rien ne me motive plus que de surmonter des obstacles. »
LâĂ©ternelle indĂ©pendante
LâIslandaise parle de notre espace de cerveau dispo pour la nouveautĂ©, de ne pas compromettre sa crĂ©ativitĂ©, et nous explique pourquoi nous devrions danser comme des trolls.
LâIslandaise de 56 ans parle depuis sa maison de Reykjavik, lâendroit qui a inspirĂ© son dernier album Fossora (trad. celle qui creuse), que Björk dĂ©crit comme « un album champi gnon ». Il a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© aprĂšs la pandĂ© mie avec, dit-elle, le sentiment que nous prenions tous et toutes racine. Lâalbum est aussi novateur et auda cieux que lâon peut sây attendre de la part dâune artiste qui a fait carriĂšre en Ă©tant intransigeante et inventive. Et cela donne Ă sa musique ses propres racines. Björk ajoute quâelle continue simplement de faire ce quâelle fait depuis quâelle a 14 ans.
the red bulletin : Fossora est votre dixiĂšme album studio, mais vous ĂȘtes toujours aussi inventive. Le titre Trölla-Gabba notam ment⊠A-t-il Ă©tĂ© inspirĂ© par votre idĂ©e dâune fĂȘte de trolls ? björk : Je lâĂ©coute quand je suis un troll. Je pense que nous sommes tous et toutes des trolls parfois. Quand on se sent comme un troll, on a envie de sauter et de danser, le poing en lâair, en vue dâune libĂ©ration cathartique.
Vous dansez Ă lâĂ©coute de vos chansons dans votre salon ? Impossible pour moi de danser sur ma propre musique. Pendant la pan dĂ©mie, jâai Ă©tĂ© DJane dans quelques endroits du centre-ville lorsque les
rĂšgles se sont assouplies. Mon set prĂ©fĂ©rĂ© dure quatre heures et com mence par de la musique classique ou de la musique du monde pendant une heure, puis la deuxiĂšme heure est un peu plus rapide, la troisiĂšme heure encore plus rapide et la der niĂšre heure nâest que du gabber bru tal et de la techno. Cela dĂ©crit assez bien mes goĂ»ts musicaux.
En matiĂšre de musique, vous res semblez Ă un David Attenborough, toujours Ă la recherche de lâin connu. Pourquoi est-ce important ?
Je ne me comparerais pas Ă lui, mais oui, je suis trĂšs excitĂ©e lorsque jâen tends quelque chose de nouveau. La nature nous a faites et faits de telle sorte que nous nous renouve lons complĂštement tous les sept ans, nous sommes un agglomĂ©rat de cel lules totalement nouvelles. Nous devenons des personnes diffĂ©rentes. Il est important de pousser notre croissance Ă©motionnelle et psycholo gique jusquâĂ quatre-vingt-cinq ans, ou plus, pour en ĂȘtre conscient et ouvert, et pour nous dĂ©barrasser de suffisamment de dĂ©chets dans nos vies pour pouvoir aller de lâavant et continuer Ă grandir. Les scientifiques qui ont Ă©tudiĂ© le cerveau ont remar quĂ© que si vous Ă©coutez une chanson que vous nâavez jamais entendue auparavant, votre cerveau crĂ©e un nouveau territoire pour elle. Si vous nâĂ©coutez que vos titres prĂ©fĂ©rĂ©s, la partie musicale de votre cerveau ne se dĂ©veloppe pas.
La musique Ă©lectro est un terrain de jeu idĂ©al pour vous, illimitĂ© ? La musique nâa pas de limites, câest une question dâimagination et dâĂ©tat dâesprit. La question, câest de savoir si tout ce que pouvez mettre dans une chanson est lĂ ou pas.
Comment voyez-vous votre place dans lâindustrie musicale ? En tant quâartiste Ă succĂšs, ĂȘtes-vous libre de faire ce que vous voulez ? Ado, jâĂ©tais dans des groupes punk et nous Ă©tions chez un label indĂ©pen dant en Islande, donc il ne sâagissait pas de faire de lâargent. Si quelquâun avait besoin dâun poster, je faisais un poster, si quelquâun avait besoin dâune pochette dâalbum, quelquâun faisait une pochette. Je viens de ce milieu DIY (Do It Yourself, ndlr) depuis lâĂąge de quatorze ans, oĂč il nâest pas nĂ©cessaire de vendre son Ăąme aux entreprises pour ĂȘtre musi cienne. Je me sens trĂšs chanceuse dâavoir Ă©tĂ© entourĂ©e de personnes plus ĂągĂ©es quand jâavais quatorze ans. Notre philosophie câĂ©tait : mieux veut avoir un contrĂŽle crĂ©atif total et vendre trois disques que de se plier Ă des compromis.
Vous en tenez-vous toujours Ă ces rĂšgles aujourdâhui ? Rien nâa vraiment changĂ©. Je fais toujours la mĂȘme chose que quand jâĂ©tais ado. Si vous ĂȘtes propriĂ©taire de votre travail, maĂźtresse de votre crĂ©ativitĂ© et que vous ĂȘtes conscient de vos talents, vous pouvez faire ce que vous voulez pour le reste de votre vie. Si plein de gens aiment ce que vous faites, câest un bonus, mais jâai toujours Ă©tĂ© consciente quâun jour, tout cela pouvait disparaĂźtre. Dans ce cas, je continuerais Ă faire de la musique.
Fossora est dispo ; bjork.com
Texte MARCEL ANDERS Photo VIDAR LOGI
Musique 34 THE RED BULLETIN
Björk, 56 ans,
connaĂźt
« Je suis libre dans ma crĂ©ativitĂ© depuis que jâai 14 ans. »
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ne
pas de limites dans sa musique.
La fée des ondes
« Mais quâest-ce quâelle fabrique ? » Cette question, Pamelia Stickney lâentend souvent lorsquâelle joue du thĂ©rĂ©mine. Diffcile en effet, pour les non-initiĂ©s, de savoir comment lâar tiste parvient Ă extraire des notes, en faisant simplement danser ses mains au-dessus dâun objet qui ressemble Ă un poste de radio pourvu de deux antennes, lâune verticale, lâautre en forme de boucle, horizontale. Pourtant, il sâagit bien dâun instru ment de musique : inventĂ© il y a plus dâun siĂšcle, le thĂ©rĂ©mine fut mĂȘme le premier instrument de musique Ă©lectronique au monde ! Son principe est aussi simple que bluffant : les antennes Ă©mettent des ondes magnĂ© tiques que lâon va « sculpter » avec ses mains. La main droite contrĂŽle lâamplitude des sons et la gauche le volume. DĂ©pourvu de tout repĂšre tac tile ou visuel et se jouant sans aucun contact physique, le thĂ©rĂ©mine sâap privoise diffcilement : « Câest comme si jâessayais dâavancer sur un fl, les yeux fermĂ©s, tout en utilisant mes autres sens pour rester en Ă©quilibre », explique la musicienne â un exercice de funambulisme qui demande, selon elle, une certaine prise de risque.
Good Vibrations
Pamelia Stickney fait partie des plus grandes virtuoses du thĂ©rĂ©mine dans le monde â un titre que cette AmĂ© ricaine de 46 ans tend Ă rejeter, par modestie : « Je nâaime pas me vanter. Je sais juste que cet instrument me permet de faire des trucs qui nâont jamais Ă©tĂ© faits auparavant. »
Ăvoquant tour Ă tour le chant humain, la scie musicale ou les plaintes stridentes dâun violon, cet instrument a vite Ă©tĂ© adoptĂ© par les musicien·ne·s avides dâoriginalitĂ© ou de sons angoissants. De Hitchcock aux Beach Boys en passant par Nine Inch Nails, le thĂ©rĂ©mine continue de sĂ©duire les groupes dâavant-garde, comme celui que Pamelia Stickney a formĂ© avec Chris Janka et Mark Holub : Blueblut, connu pour ses mix improbables alliant musique nĂ©pa laise et compositions de Beethoven.
Câest dans les annĂ©es 90, en regardant le documentaire de Steven Martin, Theremin â An Electronic Odyssey, que Pamelia dĂ©couvre lâob jet qui va changer sa vie : « Jâai tout de suite su que je devais lâessayer ! » Invention du physicien russe Lev Termen, plus connu sous le nom de LĂ©on ThĂ©rĂ©mine, lâinstrument Ă ondes Ă©lectromagnĂ©tiques passe Ă la postĂ©ritĂ© grĂące Ă la violoniste Clara Rockmore, qui reste la plus grande inspiration de Pamelia : « Jâai Ă©tĂ© impressionnĂ©e par le son magnifque de cet instrument et jâai voulu lâimi ter. Son jeu mâa profondĂ©ment mar quĂ©e. » Elle rĂ©ussit mĂȘme Ă rencon trer Clara Rockmore juste avant sa mort en 1998. « Tu as ce petit quelque chose », lui glisse lâartiste â le plus beau des compliments.
Odyssée musicale
Le parcours artistique de Pamelia Stickney ressemble lui aussi Ă une odyssĂ©e musicale : passionnĂ©e de musique dĂšs son plus jeune Ăąge, elle dĂ©couvre tour Ă tour le piano, le violon et lâalto, puis la fĂ»te et le
violoncelle. « Je jouais du Bach et du Mozart, mais jâai commencĂ© Ă mâen nuyer », dit-elle en riant. AprĂšs avoir longtemps jouĂ© de la contrebasse dans le groupe Geggy Tah, produit par Luaka Bop â le label créé par David Byrne, des Talking Heads âelle devient thĂ©rĂ©ministe Ă lâĂąge de 23 ans, notamment pour couvrir les basses, dâoĂč son surnom de « Walking Bass », qui lui est donnĂ© Ă ses dĂ©buts. Lâinstrument est alors fabriquĂ© par lâentreprise Moog, fondĂ©e par lâin venteur du synthĂ©tiseur Ă©lectronique Robert Moog : une collaboration qui dure puisque lâartiste continue de conseiller la marque pour amĂ©liorer le thĂ©rĂ©mine.
Rendez-vous avec Lou Ăvidemment, un tel talent ne pouvait passer inaperçu : en vingt ans de carriĂšre, la thĂ©rĂ©ministe a multipliĂ© les collaborations fructueuses âYoko Ono et son fls Sean Lennon, Grace Jones, SĂ©bastien Tellier et bien dâautres. Lorsque Lou Reed lâinvite un jour Ă dĂźner avec lui, elle ne sait rien de lui : « Je me doutais bien quâil Ă©tait connu, mais jâignorais Ă quel point. » Elle en parle alors Ă son petit ami : « Il a pĂ©tĂ© les plombs ! âTu nâas jamais entendu parler du Velvet Underground ?!â » Lou Reed la fait venir Ă la cĂ©lĂšbre Ă©mission Satur day Night Live, oĂč elle joue pour des millions de tĂ©lĂ©spectateur·rice·s. Le destin lâa fnalement menĂ©e jusquâĂ Vienne, oĂč elle vit depuis 2009. Si la capitale autrichienne semblait beau coup trop « provinciale » pour lâartiste rebelle quâelle Ă©tait avant, Pamelia Stickney apprĂ©cie aujourdâhui le calme de sa nouvelle vie : « Jâai envie de me dĂ©passer dâune maniĂšre plus saine et de chercher lâinspiration lĂ oĂč je mây attends le moins. »
Infos et dates de tournée sur : pamelia.weebly.com
Texte MARIETTA STEINHART Photo PHILIPP HORAK
Le thĂ©rĂ©mine, ça vous parle ? Un instrument de musique imaginĂ© par un savant russe en 1920 et maĂźtrisĂ© par quelques virtuoses, dont lâAmĂ©ricaine Pamelia Stickney.
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« Je jouais Bach et Mozart. Lou Reed ? Connais pas ! JusquâĂ ce quâil mâinvite Ă dĂźner. » Pamelia Stickney, thĂ©rĂ©ministe, poursuit son odyssĂ©e musicale depuis plus de quarante ans. THE RED BULLETIN 37
LA VIE EN ZIGERLI
Sexy, flashy et terriblement dĂ©calĂ©e, la mode de JULIAN ZIGERLI (38 ans) est faite pour des gens qui sâassument. Devenu lâun des designers suisses les plus connus Ă lâĂ©tranger, il est la preuve vivante quâavec un peu dâhumour et une sacrĂ©e dose de confiance en soi, on peut aller loin. TrĂšs loin.
Texte WALTRAUD HABLE Photos PHILIPP MUELLER
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Julian Zigerli prend la pose, dans son ate lier de Zurich, avec ses propres créations⊠et ça lui va plutÎt bien. Il est le meilleur ambassadeur de sa mode.
Julian Zigerli à nu (ou presque). Autour du cou : une de ses créations. Aux pieds : sa paire de chaussons préférée.
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« Je fais des fringues, Ă©videmment. Mais le corps nâa pas besoin de vĂȘtements pour ĂȘtre beau. »
EEt maintenant⊠sans rien : Ă mi-chemin entre lâordre et la proposition polie, la consigne du pho tographe est lancĂ©e comme une invitation Ă tester Julian Zigerli, Ă voir jusquâoĂč il peut aller. Debout dans son atelier zurichois, notre hĂŽte sâexĂ©cute avec une visible dĂ©contraction, et pose fĂšrement devant la camĂ©ra, simplement « vĂȘtu » dâune longue Ă©charpe en feuilles de laurier et de gros chaussons rouges. AprĂšs la sĂ©ance, lâintĂ©ressĂ© explique son choix : « Cette Ă©charpe est heureusement assez grande, elle donne fĂšre allure. Sur le coup, je me suis dit que ça allait le faire. »
Effectivement, ça le fait. Dâailleurs, cette phrase dĂ©crit parfaitement le parcours, le caractĂšre et la mode de Julian Zigerli, qui aborde les dĂ©fs de lâexistence comme un Ă©ternel gamin : sans prise de tĂȘte et sans hĂ©sitation, avec la nonchalance et lâopti misme des gens qui croient en eux⊠et en la vie. Ce nâest pas pour rien que ses ami·e·s lâappellent « Susi Sorglos », du nom de cette jeune femme joyeuse et ingĂ©nue chantĂ©e par Otto Waalkes : car il en faut, de lâoptimisme, quand on dĂ©cide de fonder sa propre ligne de vĂȘtements unisexes, juste aprĂšs la fn de ses Ă©tudes â dans un pays connu pour son conformisme vestimentaire et qui prĂ©fĂšre Ă lâoriginalitĂ© une cer taine Ă©lĂ©gance intemporelle mais un peu fade : la Suisse, son pays natal. Un choix qui, entre-temps, sâest avĂ©rĂ© judicieux : la preuve quâon peut suivre ses envies et tomber juste.
Câest un Zigerli, ça ?
Aujourdâhui, Julian Zigerli fait partie des designeur· euse·s suisses les mieux cotĂ©s Ă lâinternational : il a ouvert une premiĂšre boutique en 2018 dans le centre-ville de Zurich et vend les crĂ©ations de sa mode partout dans le monde, grĂące Ă sa boutique en ligne. Ses collaborations avec des artistes de renom sont nombreuses, comme celle avec lâartiste allemande Katharina Grosse, une graffeuse qui a
Smile harder, la devise qui orne son atelier Ă Zurich, est bien plus quâun simple coup de marketing : câest une philosophie de vie.
Sans chemise, sans pantalon, juste un pull orange pétant, porté sous un énorme gilet oversize. What else?
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notamment exposĂ© au Centre Pompidou Ă Paris : ses graffes colorĂ©s, travaillĂ©s Ă la bombe, ont ainsi Ă©tĂ© intĂ©grĂ©s dans une des collections du designeur suisse. En plus de son label, Zigerli donne parfois des cours Ă lâuniversitĂ© des arts Ă Berlin et travaille sur des projets parallĂšles, comme cette ligne de linge de maison quâil a créée derniĂšrement pour une autre marque. Et si sa propre Ă©quipe ne compte encore que quatre employé·e·s, sa rĂ©putation dĂ©passe largement les frontiĂšres de la Suisse. Plus quâun nom, Zigerli est devenu une griffe, un style reconnaissable entre tous. Manifestement, ça fait beaucoup rire lâintĂ©ressĂ© : « Câest un Zigerli, ça ? âPas mal du tout ! » mime-t-il en tripotant la chaĂźne quâil porte autour du cou, sur laquelle on peut lire les lettres O-K-A-Y. Ses collections de bioux font Ă©galement fureur : des smileys, des petits cĆurs et
des palmiers, mais aussi de jolies boucles dâoreilles en forme de seins â qui ressemblent de loin Ă des cerises â ou dâorganes masculins, ces derniĂšres Ă©tant vendues sous le nom de « Sausage Ear Stud », histoire dâentretenir lâambiguĂŻtĂ©. On lâaura compris : Julian Zigerli ne se prend pas trop au sĂ©rieux, et câest tant mieux.
the red bulletin : Sur le profl Instagram de votre marque, vous jouez souvent avec la nuditĂ©, avec des piĂšces qui reprennent notamment lâana tomie masculine ou fĂ©minine. Câest bon pour les affaires, la provocation ? Nâest-ce pas diffcile dâarriver Ă la banque pour demander un crĂ©dit en montrant des crĂ©ations parfois un peu⊠osĂ©es ? julian zigerli : (rires) Je ne suis pas obligĂ© de montrer ces piĂšces-lĂ , il y en a heureusement plein dâautres ! Mais je tiens Ă dire que je ne cherche absolument pas Ă provoquer. Ce que je veux, câest au contraire dĂ©complexer notre rapport au corps humain, quâon le considĂšre comme quelque chose qui va de soi. Mon mĂ©tier, câest de faire des fringues, Ă©videmment, mais le corps humain nâa pas besoin de vĂȘtements pour ĂȘtre beau. Jâaime jouer avec cette idĂ©e, mĂȘme si câest un jeu que lâon ne reconnaĂźt pas toujours au premier coup dâĆil. Dans la collection actuelle, il y a par exemple ces motifs de dĂ©coupe aux ciseaux, qui font allusion Ă lâartisanat suisse traditionnel. Quand on les regarde de plus prĂšs, on y voit des petites chĂšvres, des smileys, des palmiers et des gens qui se promĂšnent⊠Sauf que ces gens-lĂ sont Ă poil. LĂ encore, il faut vraiment avoir le nez dessus pour voir les dĂ©tails de leur anatomie. Jâadore ce genre de clins dâĆil.
On peut dire que Julian Zigerli assume tota lement son cĂŽtĂ© ambigu et inclassable : sâil sâest fait un nom dans la mode de luxe, avec des prix qui ne sont pas Ă la portĂ©e de toutes les bourses, il nâen demeure pas moins attachĂ© Ă ses racines. Son dernier dĂ©flĂ©, il lâa dâailleurs organisĂ© directement chez lui, dans son lotissement Ă Zurich, en dessinant le podium par terre, Ă la craie. Les jour nalistes se sont retrouvé·e·s perdu·e·s au milieu de personnes retraitĂ©es, dâados et dâautres gens du coin qui nâavaient jamais assistĂ© Ă un dĂ©flĂ© de mode. Sa petite sĆur, nĂ©e avec un handicap mental, a rĂ©guliĂš rement jouĂ© la mannequin pour lui, dans le passĂ©. Et quand il ne peut pas venir aider Ă la boutique, comme il en a lâhabitude tous les samedis, câest son pĂšre qui le remplace, un ancien pilote militaire. Ce nâest pas un pro de la mode, mais « il fait ça avec une
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Des créations en couleurs et avec des motifs qui regorgent de surprises, comme un pied-de-nez à la grisaille ambiante.
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Lâun de ses dĂ©filĂ©s est organisĂ© dans son lotissement : un joyeux mĂ©lange de gens du cru et de journalistes.
Il voit la vie en rose : Ă©ternel gamin Ă lâopti misme inĂ©branlable, Julian Zigerli croque la vie Ă pleines dents.
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Julian Zigerli a commencé trÚs tÎt à vouloir se démarquer en expérimentant autour de son look.
« Enfant, jâavais un pull rose que jâadorais. Tout le monde le trouvait horrible. Sauf moi. »
Zigerli est devenu le roi des imprimĂ©s truffĂ©s de clins dâĆil : un destin quâil sâest taillĂ© sur mesure.
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Pour les nomades urbains : une vesteponcho qui se transforme en sac. Il fallait y penser.
telle nonchalance que les gens lâadorent. » Julian a compris dĂšs lâenfance quâil avait une affnitĂ© avec les formes et les couleurs, et que ses goĂ»ts personnels Ă©taient en dehors des clous : « Je portais un pull rose avec dâhorribles motifs dessus, et je lâadorais. Tout le monde le trouvait horrible. Tout le monde sauf moi. » Pourtant, quand on lui demande quel est son plus grand talent, sa rĂ©ponse surprend : au lieu de parler de mode, il nous explique que câest grĂące Ă son cĂŽtĂ© « ça-va-le-faire » quâil a Ă©tĂ© capable de sâattirer les bonnes personnes. « Câest pour cette raison que jâai osĂ© rĂ©aliser mon rĂȘve en crĂ©ant ma propre marque. MĂȘme mes profs Ă lâuniversitĂ© me disaient que jâavais un bon feeling avec les gens. Ce qui me rĂ©ussit, câest de savoir mâentourer des gens quâil faut, de les embar quer dans mon dĂ©lire. » Et lâenfant terrible de la mode suisse ajoute en riant : « En fait, je crois que je suis plutĂŽt quelquâun de sympathique. »
Sourire Ă la vie
Un sens du compliment qui pourrait sembler arro gant mais qui, chez lui, sonne parfaitement juste : oui, câest quelquâun de sympathique, mais aussi quelquâun de vrai, quelquâun capable de lĂącher des phrases comme « les meilleures idĂ©es me viennent parfois quand jâai la gueule de bois ». Quelquâun qui
nâessaie pas de paraĂźtre cool et qui a dĂ©cidĂ© de ne jamais se prendre la tĂȘte : câest pour ça quâil a fait imprimer des sacs avec sa devise prĂ©fĂ©rĂ©e « Smile harder », quâil a longtemps gardĂ© un petit cĆur sur son logo, et quâil utilise tout le temps le « nous » quand il parle de sa boĂźte â mĂȘme sâil en est la tĂȘte pensante et le premier responsable. Le sens de lâĂ©quipe couplĂ© dâun indĂ©crottable optimisme : deux qualitĂ©s en or qui lui ont bien Ă©tĂ© utiles pendant la pandĂ©mie. « Au dĂ©but, on ne savait pas trop quoi faire. On a arrĂȘtĂ© la collection en cours, et mĂȘme si on avait toujours la boutique en ligne, on savait que ce nâĂ©tait pas le moment oĂč les gens allaient mettre 300 CHF dans une chemise que personne nâallait voir. CâĂ©tait donc important de lĂącher prise, de se dire : âOn utilise le temps libre quâon a maintenant pour ranger tout lâatelier pendant deux semaines et on voit ce qui se passe.â Parce quâon nâavait jamais fait de pause jusque-lĂ . » Ce qui sâest passĂ© ? Des tas dâidĂ©es sont venues pendant ces deux semaines de rangement â comme utiliser les restes des tissus pour faire des housses de coussin et de couette, des masques. Ou dĂ©cider de se concentrer sur une seule collection par an en la dĂ©voilant sur lâannĂ©e petit Ă petit, en dehors de la Fashion Week.
Des idĂ©es qui se sont avĂ©rĂ©es payantes. Pour quoi ? Peut-ĂȘtre parce quâil a de la chance. Mais câest surtout parce quâil sâĂ©coute et quâil se fait confance. « Pour rĂ©aliser un projet, on a besoin de croire en soi et en ses capacitĂ©s, parce quâon sera souvent obligĂ© Ă douter de ce quâon fait. Quand on a la certitude quâon peut se fer Ă son ressenti, on est capable de dĂ©placer des montagnes. » Sans oublier le fait de ne pas tout prendre au sĂ©rieux : « Mes crĂ©ations, je nây suis pas vraiment attachĂ© Ă©motionnellement : mĂȘme si je les aime toutes, je me dis que jâai trop de bĂ©bĂ©s pour en prĂ©fĂ©rer un, parce quâau fond, ce ne sont que des fringues. Ce qui est intĂ©ressant, câest juste ment de les concevoir. »
La boutique de Julian Zigerli est Ă Zurich, Rindermarkt 14. Toutes les collections et les accessoires sont en vente en ligne : julianzigerli.com
Julian Zigerli a une devise : souris Ă la vie, elle te sourira un jour ou lâautre. Autrement dit : lance-toi ! Qui sait, ça pourrait bien marcher.
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« Je sais comment embarquer les autres dans mon dĂ©lire. Câest peut-ĂȘtre lĂ mon plus grand talent. »
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Briseuse de glace
La Finlandaise JOHANNA NORDBLAD, 47 ans, a plongĂ© en apnĂ©e sur 103 mĂštres sous la glace. Ă la fin, elle a cru que son cĆur allait sâarrĂȘter de battre. Le froid extrĂȘme ralentit les choses dâune maniĂšre inquiĂ©tante â mais il peut aussi les sublimer.
Plongée libre
Texte KARIN CERNY Photos ELINA MANNINEN
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SOUS LA SURFACE
Johanna Nordblad sous la couche de glace du lac Sonnanen, dans le sud de sa Finlande natale. Lâeau est Ă deux degrĂ©s.
ermez les yeux. Imaginez-vous en mail lot de bain sur un lac gelĂ©. Devant vous, un trou dans la glace, lâeau est sombre, menaçante. Vous glissez lentement sous la glace. Vous plongez et parcourez une distance Ă©quivalente Ă la longueur dâun terrain de football avec tout lâoxygĂšne contenu dans vos poumons.
En mars 2021, la Finlandaise Johanna Nordblad, 47 ans, a Ă©tabli un nouveau record mondial. Aucun homme ni aucune femme nâavait encore plongĂ© aussi loin sans oxygĂšne sous la glace : 103 mĂštres en apnĂ©e. Sans palmes, sans combinaison. Ă la seule force de son corps. Dans une eau Ă environ deux degrĂ©s Celsius, avec une tempĂ©rature ambiante de moins sept degrĂ©s. Le documentaire de 40 minutes de Netfix Hold Your Breath: The Ice Dive a suivi la plongeuse de lâextrĂȘme pendant plus dâun an, immortalisant ses doutes, son entraĂźnement, mais aussi sa volontĂ© sur des images dâun bleu crĂ©pusculaire dans un monde de neige et de glace.
Une question subsiste : que ressent-on quand on disparaĂźt jusquâĂ trois minutes sous la glace ? Quand on plonge dans un monde oĂč lâon ne peut pas vivre ? « Câest assez effrayant dâĂ©tablir ce genre de record, parce quâon nâa pas de donnĂ©es de rĂ©fĂ©rence », expliquera Johanna un an plus tard, par une chaude journĂ©e
de printemps. Elle vit Ă Helsinki, prĂšs de lâeau bien entendu. « Jâai atteint ma limite absolue. AprĂšs 80 mĂštres, jâavais lâimpression que mon cĆur ne battait plus quâune fois par heure. Les derniers mĂštres mâont semblĂ© durer des jours. Je me suis dit, ça y est, lĂ , mon cĆur va totalement sâarrĂȘter de fonctionner. »
FPuis, elle laisse Ă©clater un rire qui la caractĂ©rise bien : profond et chaleureux, accentuĂ© par lâĂ©clat de ses yeux. Elle pourrait bien ĂȘtre comme lâun de ces requins du Groenland qui vivent trois fois plus longtemps que leurs congĂ©nĂšres des eaux plus chaudes. Dans le froid, le mĂ©tabolisme tourne au ralenti, tout prend une lenteur inquiĂ©tante. « Somniosus » (qui signife « somnolents »), tel est le nom de ces gĂ©ants indolents des eaux polaires. Johanna a dĂ» sâhabituer Ă cette vie au ralenti. Ă cette sensation dĂ©concer tante dâun corps et dâun esprit devenant lĂ©thargiques.
En mode survie
La plongĂ©e sous glace est une activitĂ© paradoxale : on se trouve dans une situation extrĂȘme et potentiellement mortelle, mais on doit rester calme et dĂ©tendu. Sous lâeau, le rĂ©fexe dâimmer sion se dĂ©clenche. Le corps sait quâil
doit Ă©conomiser lâoxygĂšne et il se met en mode survie : la frĂ©quence cardiaque baisse (jusquâĂ atteindre le chiffre incroyable de 10 battements par minute chez les professionnel·le·s de lâapnĂ©e) et le sang affue vers les organes vitaux. Une sorte de transe sâinstalle. Qui peut rapidement conduire Ă un Ă©vanouisse ment mortel.
Mais comment fait-on pour rester alerte tout en sâassoupissant ? Pour ne pas rater le moment oĂč il faut refaire sur face ? « Le froid est tellement puissant, on ressent tellement de choses diffĂ©rentes en mĂȘme temps, explique Johanna. Câest pour cela quâil faut ĂȘtre totalement dans le moment prĂ©sent, afn dâĂȘtre en mesure de dĂ©cider de plonger jusquâau prochain trou ou non. » Aller trop vite, câest risquer de prendre de mauvaises dĂ©cisions qui peuvent ĂȘtre fatales. « En compĂ©tition, jâĂ©tais toujours la plongeuse la plus lente », dit-elle. Un handicap qui est devenu sa force aujourdâhui. « La lenteur est ma façon personnelle de faire face Ă ce dĂ©f potentiellement mortel. »
La plongĂ©e sous glace lui a appris une leçon de vie, lâa rendue plus calme, plus sereine, mais aussi plus concentrĂ©e. Quiconque sâaventure dans ce monde Ă©trange, fait dâobscuritĂ© et de froid, ne
son Ă©pais manteau pour lâentraĂźnement.
Plongée libre
LâAPPEL DE LA GLACE Johanna au lac Ăllöri, dans le nord de la Finlande. Elle abandonne
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ARRIVĂE AU BUT
La femme qui venait du froid : Johanna Nordblad, fraßchement décongelée.
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La lenteur était son handicap. Elle est devenue sa force.
DĂPART EN DOUCEUR
Johanna prend appui avec ses mains Ă la surface de la glace. Encore un moment avant de se lancer et de sâimmerger.
doit faire quâun avec lui-mĂȘme, chaque pensĂ©e parasite coĂ»te une prĂ©cieuse quantitĂ© dâoxygĂšne. « Le secret de la plon gĂ©e en apnĂ©e, câest de ne laisser absolu ment aucune place Ă la peur, explique Johanna. Pour moi, câest aussi ce qui en fait toute la beautĂ©. Je laisse mes pro blĂšmes Ă la surface pour que mon esprit soit dĂ©tendu pendant la plongĂ©e. »
Quand quelque chose la stresse, lui trotte dans la tĂȘte ou lui fait peur, elle note un rendez-vous dans son agenda. « Cela me donne une sorte de libertĂ© : je sais quâil y aura un moment plus tard oĂč jâessaierai de rĂ©soudre ce problĂšme. Mais maintenant, je nâai plus besoin dây pen ser. » Johanna Nordblad, qui travaille en tant que graphiste indĂ©pendante, semble ĂȘtre une personne heureuse. La plongĂ©e sous glace est le meilleur des coaches.
Accro Ă la sensation
Enfant, elle Ă©tait dĂ©jĂ passionnĂ©e dâeau. DĂšs quâelle avait du temps libre, elle allait nager. En 2000, elle dĂ©couvre la plongĂ©e en apnĂ©e. Elle sâallonge au fond de la piscine et observe les gens qui nagent au-dessus dâelle. « On aurait dit des ani maux. Tout Ă©tait si paisible, jâavais lâim pression de faire partie de la nature. Et jâai rapidement su que jâĂ©tais accro Ă cette sensation », dit-elle. DĂšs 2004, elle bat le record du monde fĂ©minin dâapnĂ©e dyna mique avec palmes sur 158 mĂštres en
6 minutes et 39 secondes. Elle entraĂźne ensuite lâĂ©quipe nationale masculine de plongĂ©e en apnĂ©e en Finlande et participe aux championnats du monde en Serbie et dans son pays.
En 2006, elle connait une premiĂšre crise. « Brusquement, rien de tout cela ne mâamusait plus, câest un peu devenu mon boulot. Je nâavais plus envie de me mesurer aux autres. Je voulais me dĂ©cou vrir moi-mĂȘme », dit-elle. Câest ainsi quâelle dĂ©cide de sortir des sentiers bat tus. « Jâai commencĂ© Ă mâentraĂźner selon mes propres mĂ©thodes, je nageais le plus lentement possible pendant 20 minutes. Pour me vider la tĂȘte et trouver de nou velles idĂ©es. »
Le froid nâĂ©tait pas au programme au dĂ©part. Ce nâest quâĂ la suite dâun accident quâelle sây est mise. En 2010, Johanna fait une sortie en VTT de des cente. La piste est glissante, elle fait une chute. Son pied gauche reste accrochĂ© Ă la pĂ©dale. Sa jambe, gravement bles sĂ©e, ressemble Ă une branche tordue. La blessure est maintenue ouverte pen dant dix jours Ă lâhĂŽpital pour Ă©viter la nĂ©crose. On lui donne de la morphine pour calmer la douleur qui est insup portable. Ses os fnissent par cicatriser, mais son systĂšme nerveux ne semble pas vouloir se calmer. Trois ans plus tard, Johanna se rĂ©veillait encore la nuit en hurlant de douleur. « Jâai cru que
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LA LIGNE Ă SUIVRE
Nordblad lors de son record du monde dans le lac Ăllori en Finlande. Une corde tendue Ă lâhorizontale lui indique le chemin Ă suivre.
je devenais folle », dit-elle. JusquâĂ ce quâun mĂ©decin lui prescrive une thĂ©rapie par lâeau froide. « Au dĂ©but, jâai trouvĂ© ça horrible, je me suis assise au bord du bassin, jâai plongĂ© mon pied dans lâeau froide. Des larmes mâont coulĂ© sur le visage. » Mais au bout de deux minutes, jâai ressenti un vĂ©ritable soulagement et la douleur a disparu. Le froid permet alors Ă Johanna de sâapaiser intĂ©rieu rement. Il lui apporte une profonde satisfaction.
Les larmes de lâapaisement
« Cette blessure mâa permis de dĂ©cou vrir un nouveau monde », dit-elle aujourdâhui. Elle commence Ă se glisser tout entiĂšre dans lâeau froide â le choc lui fait perdre le souffe. Mais elle apprend Ă passer par dessus â de ce froid qui sâin sinue dans sa tĂȘte et envahit son cerveau. Qui meurtrit la peau telles des piqĂ»res dâaiguille. Johanna comprend quelque chose : on ne peut pas lutter contre le froid, il faut lâaccepter. Et la rĂ©compense, câest une incroyable sensation de libertĂ©. Comme si on appuyait sur le bouton reset. « On entre dans un Ă©tat mĂ©ditatif sans mĂ©diter : nager dans lâeau glacĂ©e, câest une mĂ©thode de paresseux pour se
sentir bien. Quelques minutes dans lâeau froide et on a lâimpression dâavoir pris dix jours de vacances. » Et la plongĂ©e sous glace ? « Ăa, câest la mĂ©thode pour les super paresseux : en 30 secondes, on change complĂštement sa vision des choses. Le trou dans la glace est une porte vers un lieu calme et magnifque oĂč le temps sâarrĂȘte. »
Son record du monde nâa pas Ă©tĂ© une promenade de santĂ©. Les obstacles se sont multipliĂ©s. Au dĂ©part, Johanna a pour objectif de plonger à « seulement » 81 mĂštres sous la glace pour battre le record masculin qui est Ă lâĂ©poque dâun peu plus de 70 mĂštres. Mais la pandĂ©mie arrive et la pousse Ă reporter sa tentative. Entre-temps, une Russe Ă©tablit un record non offciel de 102 mĂštres. La barre est placĂ©e trĂšs haut tout Ă coup. Pour ne rien arranger, les piscines sont fermĂ©es pen dant le Covid, Johanna a lâimpression de ne pas sâĂȘtre assez entraĂźnĂ©e. Comment faire face Ă cette pression ?
Une fois de plus, câest son humour noir qui la sauve. « La veille de ma ten tative de record, jâai appelĂ© une de mes amies et je lui ai expliquĂ© quâil y avait deux possibilitĂ©s », raconte lâathlĂšte. « Dans lâeau, je nâentends pas ma voix
« Sous la glace, le temps est suspendu. »
intĂ©rieure, je plonge trop longtemps âet je meurs. Ou alors je remonte au premier trou. Et je meurs de honte. » Au fond dâelle, Johanna sait bien quâelle nâa quâune seule planche de salut : faire confance Ă sa lenteur. « Si je mâĂ©tais dit dĂšs le matin quâil faudrait que je plonge sur 103 mĂštres le jour-mĂȘme, je nây serais jamais arrivĂ©e, dit-elle. On ne peut rien prĂ©voir Ă lâavance, il faut dĂ©cider sur le moment. »
Johanna dĂ©tient le record, hommes et femmes confondus. Dans le docu mentaire de Netfix, elle dĂ©clare : « Les femmes peuvent faire tout ce que font les hommes. » Une affrmation quâelle trouve rĂ©ductrice aujourdâhui. « Cette distinction
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SANG FROID
En plongée libre, Johanna se fond dans la nature, tout est calme et paisible.
ne veut rien dire pour moi : jâai toujours fait ce que jâavais envie. Peu importe que je sois une femme ou non. » Elle Ă©tait la plus jeune de sa famille, toujours en vadrouille avec son frĂšre et ses amis Ă lui. MĂȘme si elle Ă©tait la plus petite, elle Ă©tait toujours partante pour les activitĂ©s fun et les aventures. « Je ne me suis jamais dit que jâĂ©tais diffĂ©rente parce que jâĂ©tais une flle. Il ne devrait pas y avoir cette distinction entre les trucs de garçons et les trucs de flles. »
La parfaite équipe
Pour sa sĆur aĂźnĂ©e, Elina Manninen, cela nâa pas toujours Ă©tĂ© facile. « Quand Johanna Ă©tait petite, on lâappelait notre petit singe, dit-elle. Je me rappelle quâelle faisait toujours des trucs bizarres. » Les deux sĆurs sont diamĂ©tralement oppo sĂ©es : Elina est plus craintive, ce nâest pas une aventuriĂšre. Et pourtant, toutes deux forment une Ă©quipe parfaite. Si diffĂ©rentes, les sĆurs sont pourtant trĂšs liĂ©es : Johanna plonge, Elina est son soutien Ă©motionnel. MĂȘme si elle vit en permanence avec la peur que sa sĆur soit victime dâun accident mortel.
Elina, qui est photographe, rĂ©alise des photos sous-marines de sa sĆur dâune beautĂ© Ă©poustoufante. Elle est en revanche Ă©quipĂ©e dâune combinaison en nĂ©oprĂšne et dâun appareil Ă oxy gĂšne. Et quâen pense Kaspar, le fls de Johanna ? « Il me fait confance, affrme la plongeuse. Avant quâil ne devienne un ado qui vole de ses propres ailes, nous avons beaucoup plongĂ© ensemble. »
Mais revenons-en au jour de son record du monde : « Encore cinq minutes », annonce une voix masculine. Johanna Nordblad est allongĂ©e en com binaison de ski sur un tapis de yoga, sur le lac gelĂ© dâĂllöri, dans le nord de la Finlande. Ses yeux sont fermĂ©s, sa respiration est calme. « Encore une minute. » Aussi immobile quâune statue, elle est assise sous un peignoir chauffant. « Encore 30 secondes. » Elle retire son peignoir, prend encore quelques bouffĂ©es dâoxygĂšne. Et puis, elle plonge. Dans un monde obscur et glacial oĂč tout se passe au ralenti. Tel un requin du Groenland, elle glisse dans lâeau en toute lĂ©gĂšretĂ©. Deux minutes et 42 secondes. Qui lui ont semblĂ© durer des jours.
johannanordblad.com, elinamanninen.com ; Instagram : @johannanordblad, @elinamanninen
TENUE LĂGĂRE
Johanna Nordblad sâentraĂźne parfois avec des palmes, mais elle a battu son record du monde sans. Et aussi sans combinaison de plongĂ©e.
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« Trente secondes : câest la mĂ©thode pour les paresseux pour se sentir bien. »
PARTITION LIBRE
ArmĂ©e de son archet et dâun certain grain de folie, SUDAN ARCHIVES fait exploser les codes de son instrument fĂ©tiche, le violon. Portrait dâune artiste unique et inclassable qui nâen fait quâĂ sa tĂȘte.
Texte LOU BOYD Photos ALLY GREEN
Musique
Sudan Archives, 28 ans, ne voulait plus ĂȘtre la gentille petite Brittney. Elle sâest alors rĂ©inventĂ©e.
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Brittney Parks â aka Sudan Archives, son nom dâartiste â nâest pas une violoniste comme les autres. Il sufft de jeter un Ćil sur la pochette de son dernier album, Natural Brown Prom Queen, pour sâen rendre compte : dĂ©cor de fĂȘte, chevelure rose bonbon interminable, corps de liane dont le buste Ă©tincelle, la nouvelle icĂŽne avant-gardiste du RânâB nous toise de son regard de reine. Une question sâimpose : qui est-elle ?
« Le violon est perçu comme un ins trument sĂ©rieux dans le monde occiden tal, nous explique la jeune femme de 28 ans. Et moi, je ne suis pas quelquâun de sĂ©rieux : jâai envie de jouer, de dĂ©con ner et de suivre mes envies. »
Pour savoir Ă quoi ressemblent ses envies, il faut la voir sur scĂšne : Sudan Archives devient une reine de la fĂȘte, son violon arrimĂ© au corps et son micro fxĂ© autour du cou pour nâentraver aucun de ses mouvements, aucune chorĂ©gra phie Ă laquelle elle aurait envie de se livrer. Tout en elle vibre dâune Ă©nergie contagieuse qui invite le public Ă danser sur des beats sensuels que viennent agrĂ©menter les sons de son violon : « Jâai toujours voulu faire du violon un instru ment de fĂȘte. »
Ă la croisĂ©e de diffĂ©rentes infuences musicales africaines et occidentales, Brittney Parks cĂ©lĂšbre la mĂȘme incon gruitĂ©, le mĂȘme non-conformisme dans son look : tresses fuo, tenues psychĂ©dĂ© liques ultra sexy, chaussures de drag queen ou longue robe-fourreau noire de vamp tentatrice, les styles se super posent comme autant de pistes dâexplo ration Ă suivre joyeusement, sans
aucune censure. Une libertĂ© que lâartiste assume dans les thĂšmes de ses chan sons : elle y parle dâĂ©mancipation cultu relle, sexuelle et sociale, de fĂ©minitĂ©, de racines et de liens familiaux â des sujets quâelle dissĂšque dans des textes suaves, posĂ©s sur une rythmique Ă©lectro-violo niste inĂ©dite.
Comment Brittney Parks, la gamine du Midwest qui a grandi Ă Cincinnati (Ohio), est-elle devenue Sudan Archives ? Ă lâorigine du nom, il y a dâabord lâexaspĂ©ration dâune petite flle qui nâaimait pas son prĂ©nom : alors elle demande Ă sa mĂšre de lâappeler Tokyo Moon, en hommage au dessin animĂ© Sailor Moon, quâelle adore. Ce Ă quoi sa mĂšre lui oppose une alternative afri caine : « Et pourquoi pas âSudanâ ? » Une proposition qui plaĂźt Ă la petite flle.
Des annĂ©es plus tard, la jeune musi cienne dĂ©couvre le style exubĂ©rant du violon soudanais et sent quâelle touche du doigt le son qui lui correspond, qui la
fait vibrer. Câest comme si sa route musicale lâavait guidĂ©e vers cet univers, ce trĂ©sor de sons traditionnels et de rĂ©cits lointains, un trĂ©sor Ă conserver comme de prĂ©cieuses archives : Brittney Parks a enfn trouvĂ© son identitĂ©.
Câest le premier jalon dâune carriĂšre solo qui fut toujours guidĂ©e par le mĂȘme leitmotiv : ne jamais suivre que sa propre voie. Adolescente, la jeune Brittney refuse ainsi le soutien de son beau-pĂšre, Derrick Ladd â qui a notamment lancĂ© la maison de disques Atlantaâs LaFace
Sudan Archives sur scĂšne : pantalon taille basse, soutif en strass, string vert fluo...
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« Jâai toujours voulu faire du violon un instrument de fĂȘte : je voulais faire danser les gens. »
Records â pour rester fdĂšle Ă ses goĂ»ts musicaux. Une force de caractĂšre qui lui porte chance lorsquâelle emmĂ©nage, quelque temps aprĂšs, Ă Los Angeles : elle y rencontre par hasard un des managers de Stones Throw Records, label indĂ©pen dant cĂ©lĂšbre pour ses productions Ă©clec tiques, comme MF DOOM, Madlib ou encore NxWorries. Un premier contrat sur-mesure, qui lui permet de sâĂ©panouir musicalement en dehors du carcan rigide de lâindustrie pop.
Nous la retrouvons peu aprĂšs la sortie de Natural Brown Prom Queen, son deu xiĂšme album â un cocktail gĂ©nial et avant-gardiste de sonoritĂ©s Ă©lectro, soul, RânâB, rap et country. Sudan Archives nous parle de son instrument fĂ©tiche, du courage quâil faut pour faire les bons choix et rester fdĂšle Ă soi-mĂȘme, et de son espoir de servir dâexemple Ă dâautres femmes audacieuses en les encourageant Ă assumer leur propre style dans lâindus trie de la musique.
the red bulletin : Vous jouez du violon avec une telle aisance. Ă quel Ăąge avez-vous commencĂ© Ă jouer dâun instrument ?
sudan archives : Jâavais dix ans. Gerry OâConnor (excellent violoniste folk origi naire de Dundalk, en Irlande, ndlr) Ă©tait venu jouer avec son groupe de violo nistes dans mon Ă©cole Ă Wyoming (dans lâOhio, Ătats-Unis, ndlr). Ils nous ont parlĂ© du violon et nous ont fait dĂ©couvrir
le folk et les danses irlandaises : jâĂ©tais conquise. Ce fut une rĂ©vĂ©lation pour moi, et jâai eu envie de faire la mĂȘme chose.
Est-ce vrai que vous avez appris Ă jouer Ă lâoreille ?
Oui, on peut dire ça ! Dans mon Ă©cole, chaque enfant recevait un instrument de musique, que lâon pouvait acheter ou louer. Jâavais choisi de louer un violon : jâai commencĂ© Ă mâamuser dessus et câest encore ce que je fais aujourdâhui. Au dĂ©but, je rendais ma sĆur complĂštement folle : il faut dire que le violon nâest pas trĂšs beau Ă entendre quand on ne sait pas encore en jouerâŠ
Vous avez aussi été marquée par ces musiciens soudanais qui jouent du violon à une corde.
Jâai dĂ©couvert le violon Ă travers des chansons irlandaises, la musique que lâon joue dans les pubs pour faire danser les gens. Et puis, un jour, en cherchant sur YouTube des musicien·ne·s de folk irlandais, jâai dĂ©couvert toutes ces vidĂ©os archivĂ©es de violonistes soudanais : ça mâa littĂ©ralement bouleversĂ©e. Je me suis dit : « VoilĂ des gens qui me ressemblent et qui jouent de maniĂšre si exubĂ©rante. » Au lieu de traiter leur violon comme un instru ment dâaccompagnement, ils le mettent en avant : jâai compris que je pouvais faire la mĂȘme chose et jouer du violon comme bon me semblait. Voir ces musicien·ne·s Ă lâĆuvre mâa autorisĂ©e Ă oser jouer exacte ment comme je le sentais.
Quâest-ce qui vous a poussĂ©e, Ă lâĂ©poque, Ă choisir justement une direction complĂštement inĂ©dite ? Je crois que câest mon esprit rebelle ! Je nâaime pas faire les choses uniquement parce quâon me dit de les faire ou parce quâon me conseille de faire ainsi. Je ne veux pas quâon me conseille de faire tel type de musique, tout ça parce que ça plaĂźt au plus grand nombre. Je prĂ©fĂšre faire la musique que jâaime, mĂȘme si câest nul. Ce qui me fait rire, câest de voir Ă quel point le regard des autres a changĂ© : comme jâai toujours Ă©tĂ© du genre Ă nâen faire quâĂ ma tĂȘte et Ă nager Ă contre-cou rant, Ă la sortie de ce nouvel album â qui me correspond totalement â les gens ont Ă©tĂ© surpris : « Alors comme ça, tu fais de la pop, maintenant ? » Et moi de leur rĂ©pondre : « Allez comprendre ! Faut croire que je suis une artiste pop, fnalement ! »
Musique
«
Tout ce qui mâimporte, câest de faire de la musique et de jouer de mon instrument dâune maniĂšre qui me ressemble. »
THE RED BULLETIN 61 GETTY IMAGES
... et perruque blanche. Un concerto pour violon sans aucun élément classique.
Durant votre adolescence Ă Cincin nati, vous et votre sĆur jumelle aviez formĂ© N2, un groupe de pop/RânâB. Pourquoi avoir quittĂ© N2 et emmĂ© nagĂ© toute seule Ă Los Angeles ?
Pour dire la vĂ©ritĂ©, cette dĂ©cision nâavait pas grand-chose Ă voir avec notre musique. Je vivais Ă lâĂ©poque avec ma mĂšre et mon beau-pĂšre et je voulais sortir le soir, faire de la musique, com poser ou tout simplement traĂźner avec mes amis et fumer des joints. Ă force de me voir tenir tĂȘte et dĂ©coucher rĂ©guliĂš rement, mes parents en ont eu marre et mâont virĂ©e de chez eux. Je me suis dit « Bon, je nâai quâĂ essayer Los Angeles. » Et câest lĂ que ma sĆur et moi avons compris que nous allions suivre deux chemins diffĂ©rents : mĂȘme si câĂ©tait un peu triste, elle Ă©tait contente pour moi et tous ont montrĂ© leur soutien.
Ă votre arrivĂ©e Ă Los Angeles, vous arrivez trĂšs vite Ă rentrer chez Stones Throw Records, en devenant mĂȘme lâune de leurs plus jeunes artistes. Est-ce vrai que vous avez Ă©tĂ© dĂ©cou verte en Ă©tant serveuse dans le resto frĂ©quentĂ© par leurs managers ?
Oui, câĂ©tait une phase de ma vie assez intense : jâai fait des tas de petits bou lots Ă Los Angeles. Le matin, je devais prendre mon vĂ©lo, un train et un bus pour aller bosser dans un cafĂ©, et pen dant mes jours de congĂ©, je vendais des donuts. Je servais le cafĂ© Ă ces managers qui bossaient Ă cĂŽtĂ©, certains nâĂ©taient vraiment pas sympas, mais il y en avait un qui Ă©tait toujours gentil, aimable âet qui sâintĂ©ressait Ă ma musique. Câest fnalement lui qui mâa fait rentrer chez Stone Throw.
Tout de mĂȘme, on a du mal Ă imaginer quâun type bossant dans une maison de disques insiste pour Ă©couter ce que
vous faites⊠Ăa paraĂźt si simple et si improbable !
Je sais ! CâĂ©tait marrant : ce mec est mĂȘme revenu Ă la charge plusieurs fois et Ă force dâinsister, jâai fni par lui faire Ă©couter quelques trucs que jâavais com posĂ©s. Il a Ă©coutĂ© les extraits puis les a envoyĂ©s Ă Chris Manak (aka. DJ Peanut Butter Wolf, qui est aussi producteur et fondateur de Stones Throw Records, ndlr) Ils mâont demandĂ© de venir les voir â et câest comme ça que jâai signĂ© avec eux.
Il faut dire que vous ĂȘtes aussi une vĂ©ritable bĂȘte de scĂšne, avec une prĂ© sence incroyable en concert : pensezvous que câest votre Ă©nergie qui a attirĂ© leur attention ?
Non, absolument pas. Avant, jâĂ©tais mĂȘme plutĂŽt du genre Ă fuir les spotlights, je nâai jamais eu envie de devenir cĂ©lĂšbre. Tout ce que je voulais, câĂ©tait faire de la musique et montrer aux gens ce que jâĂ©tais capable de crĂ©er, pas ce que jâĂ©tais en tant quâindividu. Jâai pris confance sur scĂšne avec le temps, Ă force de faire mon job de musicienne, de continuer Ă donner des concerts mĂȘme si jâavais le trac â jâai dâailleurs toujours le trac ! Mais jâai persĂ© vĂ©rĂ©, et maintenant, jâapprĂ©cie vraiment le fait dây aller, de faire ce qui me plaĂźt et dâĂȘtre moi.
Votre nouvel album Natural Brown Prom Queen est un projet ambitieux : 18 titres aux longueurs imposantes (le titre ChevyS10 avec 6â10, notamment). Ătait-ce un choix dĂ©libĂ©rĂ© ? Câest vrai quâil y a beaucoup de musique, lĂ -dedans ! Je lâai Ă©crit durant la pandĂ© mie de Covid-19, alors que jâĂ©tais cloĂźtrĂ©e chez moi sans pouvoir aller nulle part. Jâai installĂ© un petit studio dans ma cave et jây ai passĂ© tout mon temps, Ă crĂ©er de la musique, des riffs, des beats. Ce fut comme un acte thĂ©rapeutique : on pro duit des endorphines quand on fait de la musique et quâon est crĂ©atif en gĂ©nĂ©ral â câest quelque chose dont on a terrible ment besoin au quotidien.
Les titres sont bĂątis comme des mille feuilles musicaux : comment avez-vous fait pour les composer ? Chaque chanson est le rĂ©sultat dâun processus diffĂ©rent, mais en gĂ©nĂ©ral, je commence par Ă©couter une mĂ©lodie dans ma tĂȘte et je cours enregistrer la partie violon qui va avec. Puis jâajoute des
couches successives comme si jâutilisais une pĂ©dale loop. Je suis une obsĂ©dĂ©e des sons : je peux me servir de pratiquement tout ce que jâentends autour de moi, des trucs que les gens nâutiliseraient pas. Sur lâalbum, on entend ainsi des bruits de collision et de percussion, que jâai créés en jouant avec mon violon et en retra vaillant les sons.
On pourrait penser que le fait de bosser seule dans son coin peut ĂȘtre assez stĂ©rile : Ă vous Ă©couter, ce fut au contraire libĂ©rateurâŠ
RĂ©trospectivement, ça mâa effectivement rendue plus crĂ©ative : Ă lâextĂ©rieur, il y avait tellement de choses auxquelles je voulais rĂ©agir et en mĂȘme temps, jâavais tout cet espace Ă moi pour y jouer et dĂ©conner. Dans mon petit studio person nel, je pouvais enfn jeter les bases dâun morceau et le modeler aussi longtemps et aussi loin que je le voulais : câest vrai ment utile dâavoir son propre espace de crĂ©ation.
Vous avez souvent dĂ©clarĂ© vouloir faire du violon un instrument de fĂȘte : aujourdâhui, vous faites danser les foules partout dans le monde. Quâest-ce que ça vous fait ? Pour ĂȘtre honnĂȘte, je nâai compris que rĂ©cemment Ă quel point jâĂ©tais comprise et accueillie par le public. Il y a quelques semaines, jâai jouĂ© lors dâun cĂ©lĂšbre talkshow amĂ©ricain et quelquâun est venu me dire aprĂšs mon passage : « Il y a telle ment de gamins qui nâaiment pas le vio lon parce quâils voient ça comme quelque chose de barbant. Je parie que vous allez les faire changer dâenvie ! » Les gens commencent Ă me voir comme celle qui dĂ©complexe le violon : câest pas la plus cool des images, ça ?
« On produit des endorphines quand on est crĂ©atif : câest quelque chose dont on a terriblement besoin au quotidien. »
Musique sudanarchives.com
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« Les gens commencent Ă me voir comme celle qui dĂ©complexe le violon : câest pas la plus cool des images, ça ? »
DĂ©poussiĂ©rage. Sudan Archives a dâabord pris le violon au sĂ©rieux, puis ses tenues.
Lâavenir dans toute sa splendeur : ce prototype BMW M4 entiĂšrement Ă©lectrique allie perfor mance M et durabilitĂ©.
Deux lettres qui, Ă premiĂšre vue, ne vont pas vraiment ensemble : M et E. Pour les fans dâautomobile du monde entier, M symbolise le plaisir de performance ultime, les moteurs impĂ©tueux, la propulsion arriĂšre et les modĂšles mythiques comme la BMW M1 ou la BMW M3. Dans lâimaginaire collectif, E est syno nyme dâefficience, de sobriĂ©tĂ©, de passage obligĂ© ; dâĂ©lectromobilitĂ©, en somme. Mais que se passe rait-il, sâest-on imaginĂ© du cĂŽtĂ© de Munich, si lâon pouvait inverser la formule ? Si lâe-mobilitĂ© deve nait soudain symbole de perfor mances accrues et de toutes ces compĂ©tences caractĂ©ristiques de la marque lĂ©gendaire ? Si lâon pouvait concevoir une voiture Ă©lectrique digne dâarborer lâem blĂ©matique logo M ? Dans cette logique, BMW a introduit une nouvelle lettre dans lâalphabet des Ă©motions. Depuis 2010, le petit « i » sous le logo de lâhĂ©lice bleue et blanche dĂ©signe les modĂšles Ă©lectriques. Et quand le petit i et le grand M se ren contrent, comme avec la BMW i4 M50 ou la BMW iX M60, câest lâapothĂ©ose ; mais attention, le meilleur reste encore Ă venir. 2022, quelque part en BaviĂšre. Un prototype noir avec camou flage blanc-bleu-rouge (les couleurs de M GmbH) fait des tours dâessai sur une piste. Mais que teste-t-on exactement ? Le connaisseur averti retrouvera les Ă©lĂ©ments chers Ă M comme les larges passages de roue ou lâavant caractĂ©ristique de la BMW M3 ou de la BMW M4. Mais ne sâagit-il
M GOES E
Depuis 1972, la lettre M fait figure de performances exceptionnelles chez BMW. Bonne nouvelle : le passage Ă lâĂ©lectrique ne change
pas de la base dâune BMW i4 ? Absolument, comme le confirme bientĂŽt lâabsence de bruit du moteur Ă combustion.
Sous ce camouflage se cache en fait lâavenir de M GmbH, et celui-ci est Ă©lectrique. Pour celles et ceux pour qui les caractĂ©ris tiques de conduite passent avant les dogmes, câest une trĂšs bonne nouvelle. Comme chaque roue de ce prototype est entraĂźnĂ©e par son propre moteur Ă©lectrique, les ingĂ©nieurs ont pu rĂ©aliser une
transmission intégrale inédite capable de fournir à chaque roue la puissance exacte dont elle a besoin en quelques millisecondes. En comparaison, toute solution mécanique aussi sophistiquée soit-elle appartient définitivement au passé.
Pour plus dâinfos sur la BMW M Power Ă©lectrique, scannez le code QR.
Lâavenir de M sera Ă©lectrique, et câest une bonne nouvelle.
BMW AG
pas la donne, bien au contraire ; les derniĂšres technologies ouvrent des possibilitĂ©s jusquâĂ prĂ©sent insoupçonnĂ©es.
LâAVENIR EN DĂTAILS
Solutions, visions et approches de la performance électrique de pointe.
1 Structure Concept de carrosserie issu de la série M3/M4 pour une rigidité en torsion particuliÚrement élevée.
2 Larges passages de roue pour intégrer des essieux hautement performants.
3 Quatre moteurs Ă©lectriques pour une rĂ©partition infiniment variable et extrĂȘmement prĂ©cise de la propulsion sur chaque roue.
4 Unité de commande hautement intégrée pour relier données de la personne au volant et paramÚtres de conduite en quelques millisecondes.
5 Disposition du radiateur pensée pour offrir une stabilité thermique optimale des composants élec troniques et une performance maximale.
6 RĂ©cupĂ©ration de lâĂ©nergie de freinage jusquâaux limites de la dynamique de conduite pour recharger les batteries.
PROMOTION
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En termes de voitures hautes performances, M GmbH remporte la palme, comme le prouve ce prototype de BMW M4 Ă©lectrique : vĂ©ritable bijou de perfection, la rigiditĂ© en torsion maximale vient de lâactuelle BMW M4. La confi guration du systĂšme de refroidis sement est tout aussi importante pour les modĂšles Ă©lectriques que pour ses consĆurs Ă combustion. Que ce soit au niveau des chĂąssis, de la direction ou des rĂ©glages Ă©lectroniques, on retrouve ces compĂ©tences clĂ©s et ce savoir-faire caractĂ©ristiques de la marque
Plaisir, vitesse et autonomie accrus : la propulsion Ă©lectrique, câest possible.
depuis toujours. Facile dâimaginer la suite : lâassociation de la propul sion Ă©lectrique et de la compĂ©tence M nous permettra bientĂŽt de voir des voitures aux performances encore inimaginables mĂȘme dans des conditions dĂ©favorables (neige, glace ou pluie). Des voitures rĂ©cu pĂ©rant un maximum dâĂ©nergie au freinage dans des conditions difficiles tout en restant durables mĂȘme en conduite sportive. En fin de compte, non contentes dâĂȘtre plus rapides que tout ce que nous avons connu jusquâĂ prĂ©sent, elles seront Ă©galement plus agrĂ©ables Ă piloter et leur autonomie sera dĂ©cuplĂ©e pour des expĂ©riences de conduites rĂ©volutionnaires. Autre facteur dĂ©cisif : depuis sa crĂ©ation il y a cinquante ans, M GmbH sâest toujours concentrĂ© sur la pratique du sport auto. Albert Einstein lâavait bien compris : E = mcÂČ. Les ingĂ©nieurs munichois ont semblet-il adaptĂ© cette formule comme suit : lâĂ©lectromobilitĂ©, câest M GmbH multipliĂ© par CompĂ©tition puissance 2.
LES 10 FANTASTIQUES
Un demi-siÚcle de BMW M GmbH en dix modÚles légendaires.
BMW 3.0 CSL
Année de sortie 1972
Moteur Six cylindres en ligne
Puissance 200 chevaux
0 100 km/h 7,1 secondes
Vitesse max. 220 km/h
FondĂ©e en 1972, lâentreprise BMW M GmbH sâinspire du coupĂ© de la sĂ©rie E9 et construit un vĂ©hicule de tourisme pour Lauda, Stuck et cie.
BMW M1
Année de sortie 1978
Moteur Six cylindres en ligne
Puissance 277 chevaux
0 100 km/h 6,0 secondes Vitesse max. 265 km/h
PremiĂšre sportive de BMW et premier modĂšle Ă bĂ©nĂ©ficier du sigle « M ». La BMW M1 est actuellement lâune des voitures classiques les plus convoitĂ©es au monde.
Année de sortie 1984
Moteur Six cylindres en ligne
Puissance 286 chevaux
0 100 km/h 6,4 secondes Vitesse max. 255 km/h
BMW M3
Année de sortie 1986
Moteur Six cylindres en ligne
Puissance 195 chevaux
0 100 km/h 6,8 secondes Vitesse max. 230 km/h
BMW M635 CSi
Cruiser élégant, voiture de course performante : un coupé généreux apprécié des grands noms de la course automobile.
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brille par son magnifique
son pilotage souple et sa parfaite
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rapide
pratique.
«
clown »,
BMW Z3 M Coupé compacte
propulsion arriĂšre, six cylindres
de la gran turismo avec son moteur Ă dix cylindres digne
F1 de lâĂ©poque. Le plus : toit en carbone et modes de conduite trĂšs sophistiquĂ©s. BMW GROUP CLASSIC, BMW AG
lâhistoire
moteur,
tenue de route. Une icĂŽne de grande classe
aussi
que
Affectueusement surnommée
chaussure de
la
allie
en ligne et look spectaculaire. Summum
dâune
Un coach en or
Pour gagner en freeski, ou autre, il faut trouver la bonne combinaison. MISRA TORNIAINEN, 39 ans, peut se targuer dâĂȘtre le meilleur coach de la discipline. Ă ses cĂŽtĂ©s, les athlĂštes quâil entraĂźne transforme tous leurs essais en mĂ©dailles (dâor).
Texte CHRISTOF GERTSCH Photos LUKAS MAEDER
Freestyle
68 THE RED BULLETIN
Mettmenstetten, canton de Zurich : Misra Torniainen sur la rampe de sa jeunesse.
Ă©vrier 2022, pendant les JO de PĂ©kin : Eileen Gu dĂ©croche la mĂ©daille dâor Ă lâĂ©preuve de Big Air, aprĂšs avoir rĂ©alisĂ© un saut quâelle nâavait jamais tentĂ© en compĂ©tition â un Leftside Double Cork 1620 °, quatre tours et demi parfaitement maĂźtrisĂ©s. DâĂ©motion, la jeune SinoAmĂ©ricaine tombe Ă genoux : personne nâarrive Ă y croire, pas mĂȘme elle. Tout lĂ -haut, depuis la rampe de lancement, un homme exulte : Misra Torniainen, son entraĂźneur, qui savait quâun Double Cork apporterait Ă sa petite protĂ©gĂ©e la victoire ultime. Et pourtant, Ă cet instant prĂ©cis, lui-mĂȘme a encore du mal Ă rĂ©ali ser ce qui vient de se passer.
Cela fait seulement six mois quâil est lâentraĂźneur officiel dâEileen Gu, cette athlĂšte hors du commun qui a raflĂ©, Ă seulement 18 ans, deux mĂ©dailles dâor pour la Chine, en ski acrobatique. EntraĂź ner un tel phĂ©nomĂšne nâa rien dâun bou lot tranquille : pour Misra Torniainen, ce furent six mois passĂ©s comme dans une centrifugeuse, entre les coups de fil avec le ministre des sports chinois, les virĂ©es en SUV avec la famille Gu dans les collines de Los Angeles, les nuits sans sommeil Ă se tenir prĂȘt au moindre appel. Six mois Ă©reintants pendant les quels il a connu le doute, la colĂšre, la fatigue mais aussi de grands moments de bonheur â car Eileen Gu reste pour lui un cadeau du ciel, pour lequel il a acceptĂ© de dĂ©laisser pendant plusieurs mois sa femme et ses deux enfants.
Sâagit-il lĂ de son dernier sacrifice ? (Une question cruciale pour cet homme dĂ©vouĂ©, Ă laquelle il rĂ©pondra Ă©vasive
Fment quand nous aurons fait plus ample connaissance) Ă 39 ans, Misra Torniainen est, dans le monde du freeski, lâhomme quâon appelle quand on veut gagner lâor. Jeux Olympiques, champion nats du monde, X-Games : toutes celles et ceux qui ont fait appel Ă lui ont tou jours fini en haut du podium. Les cham pionnes olympiques Sarah Hoefflin et Mathilde Gremaud, mais aussi le vain queur des X-Games â et star Instagram âAndri Ragettli le savent : câest grĂące Ă lui que leurs carriĂšres respectives ont littĂ©ralement dĂ©collĂ©. Alors forcĂ©ment, il ne pouvait y avoir quâun homme capable dâentraĂźner un talent comme Eileen Gu, jeune prodige du freeski au
CV impressionnant : mannequin convoitĂ© par les plus grands magazines, Ă©tudiante modĂšle Ă Standford, chroniqueuse pour le New York Times, star des rĂ©seaux sociaux en Chine et dans le reste du monde, et dĂ©sormais double mĂ©daillĂ©e dâor â en Big Air et Halfpipe.
Si les exploits dâEileen Gu aux derniers JO ont Ă©tĂ© maintes fois relatĂ©s, il est temps de sâintĂ©resser Ă lâhomme qui en est en partie responsable : Misra Torniainen. LâentraĂźneur suisse, aux origines suissofranco-italiennes â son nom est celui de son Ă©pouse finlandaise â nâaime pas se tenir sous les projecteurs, et quand il prend la parole, câest uniquement pour parler des athlĂštes quâil entraĂźne.
Freestyle
70 THE RED BULLETIN
DUO GAGNANT Eileen Gu, mĂ©daillĂ©e dâargent (Ă gauche), et Mathilde Gremaud, mĂ©daillĂ©e dâor, jubilent sur le podium aux Jeux olympiques de PĂ©kin 2022.
Sentiments refoulés
Alors que tant dâarticles ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© Ă©crits sur les championnes quâil a fait naĂźtre, sur Sarah Hoefflin, Mathilde Gremaud et Eileen Gu, nous avons voulu savoir qui Ă©tait vraiment Misra Torniainen, un homme qui transforme en or celles et ceux qui lâapprochent.
Misra Torniainen, nĂ© Misra Noto, est le fils de deux ĂȘtres malmenĂ©s par la vie : une mĂšre droguĂ©e, Ă lâenfance difficile passĂ©e de foyer en foyer, qui finit par mourir du sida lorsque Misra nâa que 21 ans. Un pĂšre que le jeune homme nâaura pratiquement pas connu et qui dĂ©cĂšde un an aprĂšs. Cette enfance chao tique lui aura donnĂ© une grande force,
dit-il, mais aussi une propension Ă se renfermer sur lui- mĂȘme : « Jâai beau coup de mal Ă parler de moi, mĂȘme avec mes proches. Je prĂ©fĂšre gĂ©rer mes pro blĂšmes tout seul, dans mon coin. » Il nâa que cinq ans lorsque les services sociaux viennent chez lui pour le retirer de la
garde maternelle et le placer en foyer Ă Mettmenstetten, prĂšs de Zurich. Dans cet orphelinat gĂ©rĂ© par lâĂglise, « les rĂšgles Ă©taient trĂšs strictes, nous avions toujours des tĂąches Ă exĂ©cuter et la foi chrĂ©tienne nous Ă©tait martelĂ©e du matin au soir, que nous le souhaitions ou non ». TrĂšs vite, le petit Misra comprend deux choses : quâil ne peut compter que sur lui-mĂȘme â et quâil tient son propre destin entre ses mains.
« Les gens en Suisse sâimaginent tou jours que les pires foyers pour enfants se trouvent Ă lâĂ©tranger. Câest faux : ma mĂšre a souffert de ses annĂ©es en foyer, et moi aussi. » Durant les dix annĂ©es passĂ©es en foyer, on ne lui a jamais
TrĂšs vite, le petit Misra comprend quâil ne peut compter que sur lui-mĂȘme.
LA BEAUTĂ DU GESTE
THE RED BULLETIN 71 GETTY IMAGES, CHRISTIAN PONDELLA/RED BULL CONTENT POOL
Eileen Gu lors de la séance photo en septembre 2021 au Red Bull Performance Camp à Saas Fee.
UN TREMPLIN VERS LE SUCCĂS
demandĂ© comment il se sentait : « Jâai appris Ă me dĂ©brouiller seul et Ă mâobser ver Ă distance, Ă contrĂŽler lâimage que je renvoyais aux adultes. Quand tu grandis dans un foyer, tu rĂȘves de libertĂ©. »
Il veut faire du foot â la direction du foyer lui rĂ©pond quâil doit attendre dâavoir 12 ans. Pourquoi sâembĂȘter Ă demander la permission quand on peut inventer un mensonge ? Un mercredi aprĂšs-midi, alors que ses gardiens le croient chez un ami, il escalade la grille de la piscine municipale de Mettmens tetten â et dĂ©couvre un nouveau monde : devant lui, un immense tremplin aqua tique sur lequel sâentraĂźne un groupe de skieurs acrobatiques. Il sâagit ni plus ni
moins de lâĂ©quipe nationale suisse, accompagnĂ©e de lâentraĂźneur Michel Roth. On autorise ce petit garçon curieux Ă essayer la rampe. Ă partir de ce jour, Misra reviendra tous les mercre dis Ă la piscine municipale. Quelques annĂ©es plus tard, au moment de quitter
le foyer, lâado de 16 ans lance Ă son tuteur : « Tu nâas rien captĂ©, mais figuretoi que je suis membre de lâĂ©quipe natio nale junior de ski acrobatique. »
Tenace, Misra est aussi un homme curieux, ouvert Ă la nouveautĂ© : lorsque le freeski commence Ă se dĂ©velopper Ă la fin des annĂ©es 90, il tombe amoureux de cet univers oĂč souffle encore un vent de libertĂ©, loin des normes du ski acro batique. Devenu lâun des premiers free skieurs pros en Suisse, il remporte ses premiers succĂšs⊠avant de se fracturer le genou lors dâune Ă©mission de tĂ©lĂ©vi sion â un accident qui met un terme Ă sa carriĂšre de sportif. QuâĂ cela ne tienne : Michel Roth le rappelle Ă ses
Mathilde Gremaud devant un décor monumental, toujours dans le cadre du Red Bull Performance Camp.
72 THE RED BULLETIN
Misra Torniainen, un homme qui transforme en or celles et ceux qui lâapprochent.
cĂŽtĂ©s, cette fois-ci pour le former au mĂ©tier dâentraĂźneur. « Ă lâĂ©poque oĂč jâentraĂźnais Misra, jâavais dĂ©jĂ le pres sentiment quâil ferait un bon coach », raconte lâentraĂźneur national suisse, qui a portĂ© sur le podium olympique trois de ses athlĂštes.
Le transfert de confance
En une quinzaine dâannĂ©es passĂ©es Ă observer Torniainen Ă lâĆuvre, Michel Roth a eu le temps de dĂ©celer les quali tĂ©s de son Ă©lĂšve : « Misra est un bon observateur, qui sait faire attention aux autres. Et qui trouve toujours le bon Ă©quilibre entre le travail et la dĂ©tente. »
Mais la plus grande de ses qualitĂ©s âet la premiĂšre qui est citĂ©e lorsquâon interroge ses athlĂštes â câest cette incroyable confiance que Misra a en luimĂȘme et quâil arrive Ă transmettre. Il a une telle confiance dans les capacitĂ©s des personnes quâil entraĂźne que celles-ci finissent par atteindre les objectifs quâil leur lance. Quand il sent que ses athlĂštes sont enfin prĂȘt·e·s Ă franchir lâĂ©tape supĂ©rieure, il a les mots quâil faut pour les en convaincre.
Cela paraĂźt trivial, mais dans une dis cipline aussi jeune que le freestyle, oĂč tout est encore Ă faire, il est essentiel de savoir prendre des risques. De faire des choses que personne nâa osĂ© faire avant.
Or, câest exactement ce quâEileen Gu a fait aux derniers JO de PĂ©kin, en ten tant un saut quâelle nâavait jamais fait en compĂ©tition, quelque temps Ă peine aprĂšs une lourde chute Ă lâentraĂźnement, qui lâavait laissĂ©e en larmes. Misra Ă©tait venu la consoler : « La prochaine fois que tu pleures, ça sera pour lâor que tu auras remportĂ© en Big Air. » Un exploit qui fait Ă©cho Ă celui de Mathilde Gremaud en 2020, Ă Saas-Fee, lorsquâelle fut la premiĂšre skieuse Ă rĂ©ussir un Switch Double Cork 1440 ° : partie dos Ă la piste, elle prend la rampe Ă reculons, enchaĂźne un double salto et deux vrilles.
Imaginer lâimpossible, savoir avancer en terre inconnue : câest toute la beautĂ© de ce sport, qui demande Ă toutes celles et ceux qui sây adonnent de dĂ©passer en permanence leurs propres limites. Tout le talent de Misra Torniainen, câest de savoir justement leur montrer oĂč sont les portes quâil leur faudra franchir.
spécialité de Misra Torniainen : miser sur la mémoire du corps.
Mémoire musculaire
Tout le reste est une aventure Ă deux, qui sâĂ©crit au jour le jour. Car si lâentraĂź neur visualise parfaitement lâobjectif Ă atteindre, il nâa aucune idĂ©e de la route Ă suivre pour y parvenir. Cette route sera dictĂ©e au fur et Ă mesure par les aptitudes et le caractĂšre de chaque individu. Une souplesse qui convient parfaitement Ă lâesprit de libertĂ© du freeski, car dans cette discipline, lâessentiel â quâil sâagisse du Big Air, du Halfpipe ou du Slopestyle âse passe dans les airs, pas sur la neige.
DâoĂč le premier conseil que Misra Torniainen donne Ă celles et ceux qui font appel Ă son expertise : ĂȘtre le plus souvent possible dans les airs. Que ce soit sur un skate, un surf, un trampoline, un plon geoir de piscine : « Chaque fois que tu as lâoccasion de voler dans les airs, fais-le. Il nây a que comme ça que tu peux apprendre comment te comporter et com ment rĂ©agir quand tu es en lâair. Avec le temps, on dĂ©veloppe une mĂ©moire muscu laire : ton corps finit par savoir instinctivement ce quâil doit faire dĂšs le moment oĂč tu quittes le sol. » Câest ce quâon appelle air awareness en anglais â
un concept qui inclut aussi bien la percep tion orientationnelle que la conscience des mouvements du corps quand il est lancé au-dessus du plancher des vaches.
Le revirement
Avec le temps, lâexpertise de Torniainen dans ce domaine a dĂ©passĂ© le monde du ski : des athlĂštes venant dâautres disci plines font dĂ©sormais appel Ă lui pour des conseils, comme lâAllemand Sebas tian Steudtner, surfeur de grosses vagues et recordman mondial. Une coopĂ©ration qui a certes surpris lâintĂ©ressĂ©, mais qui tombe Ă pic pour lâentraĂźneur suisse, bien dĂ©cidĂ© Ă lever le pied, aprĂšs des annĂ©es passĂ©es Ă vivre et Ă travailler pour les autres. Une envie de sĂ©rĂ©nitĂ© qui avait dĂ©jĂ motivĂ© sa dĂ©cision de quitter en 2018 la fĂ©dĂ©ration suisse de freeski⊠avant que le destin ne le rattrape en 2021, avec lâoffre lancĂ©e par Eileen Gu de devenir son entraĂźneur officiel â une chance qui ne se prĂ©sente pas deux fois dans une vie. Or, Misra Torniainen ne vit pas son rĂŽle de coach Ă moitiĂ© : il endosse le quotidien de ses protĂ©gé·e·s avec un dĂ©vouement sans faille, une discipline de fer â en se livrant lui-mĂȘme Ă des programmes sportifs â et une hygiĂšne de vie quasi monacale.
Un rythme harassant difficilement compatible avec une vie de pĂšre de famille : si Misra Torniainen adore son mĂ©tier de coach, il ne veut pas se rĂ©veiller un jour et se rendre compte quâil nâa plus rien Ă dire Ă son Ă©pouse et quâil nâa pas vu ses enfants grandir. DĂ©sormais, câest Ă distance quâil veut poursuivre son mĂ©tier de coach sportif, en essayant de rĂ©duire au maximum les voyages qui lâĂ©loignent de sa famille. Ăvidemment, Misra Torniainen nâa encore aucune idĂ©e de la forme que prendra sa nouvelle carriĂšre, il nous avoue quâil reste ouvert Ă toutes les possibilitĂ©s.
Mais il y a une chose dont il est sĂ»r âet que nous savons aussi bien que lui, maintenant que nous avons appris Ă le connaĂźtre : quel que soit le cours de son destin, quelles que soient les dĂ©ci sions quâil prendra dans sa vie, il y aura toujours de nouvelles portes Ă ouvrir âpour peu quâon sache les dĂ©celer.
Instragram : @misranoto, @mathilde_gremaud, @eileen_gu_
Freestyle
En freestyle, il faut faire des choses que personne nâa jamais faites, des choses impossibles Ă copier.
THE RED BULLETIN 73 LORENZ RICHARD/RED BULL CONTENT POOL
La
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PERSPECTIVES
Expériences et équipements pour une vie améliorée
SUR UNE RIVIĂRE SAUVAGE
Un voyage en kayak Ă travers la Patagonie avec lâathlĂšte pro Aniol Serrasolses.
75 @MATIASMONDACAPHOTO
PERSPECTIVES voyage
Le kayakiste professionnel Aniol Serrasolses, 30 ans, parle de sa contrĂ©e dâadoption, prĂšs du fleuve FutaleufĂș au Chili.
Celles et ceux qui parcourent le RĂo FutaleufĂș dĂ©couvrent un paradis. Et les amateur·rice·s dâeaux vives qui parviennent Ă la pointe sud de lâAmĂ©rique du Sud, Ă 75 kilo mĂštres Ă lâest de la cĂ©lĂšbre Carretera Austral et Ă la frontiĂšre avec lâArgentine, se croient au septiĂšme ciel. Il existe peu dâendroits au monde oĂč lâon souhaiterait aussi fortement avoir une embarcation et une pagaie. Et beaucoup de temps pour explorer les rapides.
Lâun de ces amateurs a poussĂ© lâexpĂ©rience jusquâau bout. Il a Ă©migrĂ© au bord du FutaleufĂș (« grand fleuve ») et y a mĂȘme construit sa maison : Aniol Serrasolses, dâorigine espagnole, vit en Patagonie et fait visiter son coin de pays aux participant·e·s du voyage orga nisĂ© par Destination Red Bull. DĂ©crire Aniol comme lâun des meilleurs kaya kistes du monde ne rend guĂšre justice Ă ce trentenaire. Il a certes remportĂ© toutes les compĂ©titions importantes, mais plus encore, câest un pionnier.
Quelquâun qui rĂ©alise des premiĂšres que dâautres considĂšrent trop risquĂ©es,
comme les Keyhole Falls au Canada. Avant lui, des gĂ©nĂ©rations dâathlĂštes sây sont rendus et ont rĂȘvĂ© de descendre cette chute dâeau de 35 mĂštres de haut. Un seul est allĂ© jusquâau bout : Aniol lui-mĂȘme. Il dit de son coin de pays actuel : « Le FutaleufĂș fait de toi un autre homme. Je suis venu ici pour la premiĂšre fois en 2009. Depuis, le temps sâest arrĂȘtĂ© pour moi. LâEurope devait ressem bler Ă cela autrefois : des routes non gou dronnĂ©es, des gens dĂ©tendus, des arbres trĂšs anciens. Les autochtones appellent ce pays âla rĂ©gion que Dieu a peinteâ. »
Le long de lâartĂšre vitale
Le FutaleufĂș est lâartĂšre vitale de la rĂ©gion. Le mode de vie patagon semble sâĂȘtre ici adaptĂ© au rythme du fleuve. Il sâĂ©coule sans cesse et les surprises sont rares. Cela le prĂ©destine au kayak. Bien sĂ»r, il y a des passages plus excitants et dâautres plus calmes, mais il en va de
mĂȘme dans la vie. Aniol : « Je recom mande de considĂ©rer FutaleufĂș davan tage comme un sĂ©jour dâaventure que comme un sĂ©jour sportif. Cela implique aussi de se mettre Ă lâĂ©coute des locaux. Nous allons rencontrer des gens qui ont beaucoup Ă raconter sur le Chili. » La beautĂ© de la nature, et sa diversitĂ©, constitue la richesse de cette rĂ©gion.
Dans une rĂ©gion sans aĂ©roport Ă proximitĂ©, il est facile de lever le pied et dâarriver au grĂ© des pĂ©rĂ©grinations. Pas dâinternet Ă haut dĂ©bit, pas de chaĂźnes de restaurants anonymes. Au lieu de cela : des poissons pĂȘchĂ©s soimĂȘme et prĂ©parĂ©s au feu de bois. Ou un asado, la version patagonne dâune soirĂ©e barbecue. Dormir dans des cabanes rustiques, fenĂȘtres ouvertes, avec le bruit du fleuve Ă lâextĂ©rieur. Le voyage Destination Red Bull avec Aniol Serrasolses remonte aux origines des besoins et des dĂ©sirs humains. Ce quâil
«
Les locaux appellent ce pays âla rĂ©gion que Dieu a peinteâ, tant elle est belle. »
Certains endroits du FutaleufĂș ne sont acces sibles quâĂ pied. Aniol : « Ils en valent la peine ! »
76 THE RED BULLETIN
Carretera Austral
En route le long de lâautoroute culte dâAmĂ©rique du Sud
HISTOIRE
La construction de cette route de 1 350 km au Chili remonte au dictateur Pinochet. La « route du sud », comme on la traduit, devait permettre dâatteindre par voie terrestre certaines parties du Chili qui dĂ©pendaient auparavant des ferries. Actuellement, elle se termine dans le village de Villa OâHiggins. Il est prĂ©vu dâajouter 935 kilomĂštres supplĂ©mentaires, jusquâĂ la rĂ© gion de Magallanes et de lâAntarctique chilien.
TOURISME
Outre les kayakistes, la rĂ©gion est apprĂ©ciĂ©e des motard·e·s pour ses pistes tout-terrain. Les pilotes dâenduro sâextasient devant la diversitĂ© du paysage et se rĂ©jouissent que la majeure partie du chemin ne soit toujours pas asphal tĂ©e. Les lacs le long de la route invitent Ă faire des haltes rafraĂźchissantes. Plus on va vers le sud, plus le paysage est traversĂ© par des fjords.
ARRIVĂE
LâaĂ©roport le plus proche est celui de Puerto Montt, au sud du Chili. Il est desservi par trois compagnies aĂ©riennes rĂ©gionales. Alternative : en voiture, camping-car ou moto, prendre la Carrera Panamericana de Santiago du Chili en direction du sud et commencer lâaventure dĂšs la capitale chilienne.
La riviĂšre FutaleufĂș a aussi des sections calmes. Condition prĂ©alable pour sâamuser pendant le voyage en kayak : niveau de compĂ©tence 3 Ă 4 sur lâĂ©chelle de difficultĂ© fluviale.
Santiago Buenos Aires
Argentine
Chili
Punta Arenas
THE RED BULLETIN 77
Guide et artiste aqua tique : Aniol Serrasolses est lâun des meilleurs kayakistes au monde.
@MATIASMONDACAPHOTO
WERNER JESSNER
faut encore sur place pour ĂȘtre heureux et satisfait ? Une combinaison en nĂ©o prĂšne, en raison de la tempĂ©rature extĂ© rieure moyenne de 20 degrĂ©s en plein Ă©tĂ© sud-amĂ©ricain, câest-Ă -dire au mois de janvier, Ă moins de sâappeler Johanna Norbald (cf. page 48). Il va de soi que la riviĂšre est dâautant plus fraĂźche. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, la Patagonie est une rĂ©gion du monde oĂč lâon peut rencontrer toutes les conditions mĂ©tĂ©orologiques possibles et imaginables le mĂȘme jour.
Ralentir au bord de lâeau
LâhĂ©bergement de ce voyage Destina tion Red Bull reflĂšte Ă©galement le carac tĂšre naturel de lâendroit. Aniol continue : « Lâendroit oĂč nous allons vivre sâap pelle cara del Indio, ce que lâon peut tra duire par âvisage de lâIndienâ. Celle ou celui qui a trouvĂ© une fois ce visage dans la paroi rocheuse sait exactement de quoi il sâagit. La paroi ressemble en effet Ă un Mont Rushmore naturel. Câest clai rement le visage dâun autochtone qui veille sur le lieu. » Bien sĂ»r, Aniol aurait pu loger ses hĂŽtes dans un hĂŽtel du vil lage plutĂŽt tranquille de FutaleufĂș, mais cela aurait diminuĂ© lâexpĂ©rience : « Dans nos maisons en bois, nous ne sommes
quâĂ quelques mĂštres du FutaleufĂș. Dâune part, câest Ă©videmment pra tique, mais dâautre part, cela crĂ©e un lien plus intense avec le fleuve. » Lors de ce voyage Ă lâautre bout du monde, il sâagit aussi de se perdre soi-mĂȘme, pour ensuite mieux se retrouver. Aniol : « Bien sĂ»r, nous serons tous les jours dans le kayak et nous naviguerons sur le fleuve. Mais nous allons aussi dĂ©cou vrir des endroits qui ne sont accessibles quâĂ Â pied et que lâon nâoublie pas de toute sa vie. Et il y aura des moments oĂč nous serons simplement assis sur la rive Ă regarder le FutaleufĂș. » Pour apprĂ©cier pleinement les balades en kayak, un niveau de compĂ©tence 3 Ă 4 (sur un maximum de 6) sur lâĂ©chelle de la difficultĂ© fluviale est nĂ©cessaire.
Des conditions parfaites pour le kayak, un paysage intact, une hospi talitĂ© gĂ©nĂ©reuse et un environnement qui invite Ă prendre son temps : de bons ingrĂ©dients dirait-on pour un voyage Ă lâautre bout du monde. Ou pour confir mer un vieux proverbe patagon : « Celui qui se dĂ©pĂȘche perd son temps. »
Ce voyage du 6 au 14 janvier 2023 est proposé par Destination Red Bull. Réservez dÚs mainte nant sur destination.redbull.com
PERSPECTIVES voyage
Aniol Serrasolses (2e Ă partir de la droite) invite Ă dĂ©couvrir la nature et le kayak sur le FutaleufĂș au Chili en janvier 2023.
«
Nous verrons des endroits que lâon nâoublie pas de toute sa vie. »
Aniol Serrasolses a fait du FutaleufĂș
son nouveau chez-lui.
78 THE RED BULLETIN @MATIASMONDACAPHOTO
RED BULL DONNE DES AIIILES. LE SAUT VERS LâINDĂPENDANCE ? F R EE ASSESSM E NT Comment surmonter tous les obstacles : www.wingfinder.com
RĂGIME DâAIR
Bien respirer pour rester mince
Le biohackeur professionnel Andreas Breitfeld nous donne des astuces pour améliorer nos vies. Ce mois-ci : voici comment se débarrasser des kilos superflus en respirant correctement.
Exercice Ă faire au quotidien : sâallonger, poser les mains sur le ventre, respirer. Lâobjectif est de rĂ©duire le mouve ment respiratoire par la pression des mains.
En inspirant, bomber le ventre vers lâextĂ©rieur.
En expirant, rentrer le ventre et exercer une légÚre pression avec les mains.
Respirer profondément par le nez.
Expirer lentement par le nez.
Si, aprĂšs les fĂȘtes, vous avez le souffle coupĂ© en regardant la balance, câest un bon dĂ©but, car respirer moins et retenir rĂ©guliĂšrement sa respiration est Ă©tonnamment utile pour brĂ»ler les graisses. Tout comme respirer par le nez plutĂŽt que par la bouche.
La mini-désacidification
Les circuits de rĂ©gulation sous-jacents sont trĂšs complexes, mais peuvent ĂȘtre rĂ©duits Ă trois domaines. PremiĂšrement, le cortisol, lâhormone du stress, est un frein Ă la perte de poids. En respirant superficiellement et lĂ©gĂšrement et en retenant rĂ©guliĂšrement votre souffle, vous dĂ©tendez votre systĂšme nerveux, faites baisser le taux de cortisol dans le sang et brĂ»lez les graisses.
DeuxiĂšmement, la rĂ©tention dâair augmente lĂ©gĂšrement le pH du sang dans le sens basique pendant une courte pĂ©riode. (Vraiment lĂ©gĂšrement, car notre corps nivelle trĂšs rapidement et efficace
ment le pH du sang). Cette mini-dĂ©saci dification soutient le mĂ©tabolisme. TroisiĂšmement, votre corps consomme plus dâĂ©nergie en raison du manque dâoxygĂšne lorsque vous retenez votre respiration.
à bout de souffle tout au long de la journée
Exercice n° 1 : prenez dix minutes, trois Ă quatre fois par jour, pour faire un simple exercice de respiration en position allon gĂ©e (voir ci-dessus). Lâobjectif est de res pirer aussi peu et aussi facilement que possible, on ne devrait mĂȘme pas voir que vous respirez. Ce faisant, il se produit ce que lâon appelle une « faim dâair ». Exercice n° 2 : amĂ©liorez la capacitĂ© de votre corps Ă tolĂ©rer le COÂČ. Vous pouvez vous entraĂźner en marchant : maintenez le rythme, mais ne respirez pas pendant 10 pas, puis 15 pas, puis une fois peut-ĂȘtre 20 voire 30 pas. Les expert·e·s peuvent faire jusquâĂ 60 ou mĂȘme 80 pas sans prendre de nouvelle inspiration.
ANDREAS BREITFELD, 49 ans, est le bio hackeur le plus rĂ©putĂ© dâAllemagne. Il mĂšne des recherches dans son labo Ă Munich.
En bref, le BIOHACKING englobe tout ce que les gens peuvent faire de maniÚre autonome pour améliorer leur santé, leur qualité de vie et leur longévité.
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PERSPECTIVES
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80 THE RED BULLETIN ANDREAS BREITFELD SASCHA BIERL
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montres
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82 THE RED BULLETIN WOLFGANG WIESER
Caractéristiques classiques : index trapÚze, aiguilles glaives avec lisibilité optimale grùce au Super-LumiNova.
TEXAS Magie de lâharmonie
Sharleen Spiteri, chanteuse du groupe Texas, présente les quatre chansons qui ont marqué sa vie et sa musique à tout jamais.
Sharleen Spiteri sait comment concocter des disques exceptionnels. Un coup dâĆil Ă la discographie de la chanteuse et compositrice Ă©cossaise suffit pour sâen convaincre. Elle dĂ©barque sur la scĂšne musicale des annĂ©es 80 Ă la tĂȘte du groupe Texas. Le single Say What You Want, (1997) annonce le succĂšs de leur 4 e album White on Blonde, acclamĂ© par la critique. Dâautres hits suivront, puis le best of du groupe qui se vendra Ă plus de deux millions dâexemplaires. Spiteri est connue pour son souci du dĂ©tail. « Quand je parle de musique, je peux devenir franchement cassepieds. Petite, je mâenfermais des heures dans ma chambre pour Ă©cou ter des disques. Je dissĂ©quais chaque chanson une Ă une⊠» Ce qui lui a permis de dĂ©couvrir ses quatre titres prĂ©fĂ©rĂ©s et composer des mĂ©lodies magnifiques.
THE BEATLES HELP (1965)
« Ce contre-chant qui commence avant la mĂ©lodie principale est vraiment extraordinaire. Et puis il y a ce je ne sais quoi de trĂšs parti culier, voire dâinexplicable, propre aux groupes de Liverpool. Ce nâest pas lâaccent, ni la diction, mais la façon dont ils savent placer leurs harmonies : ça nâexiste que dans cette rĂ©gion dâAngleterre, la Mersey side, câest quasiment inimitable. »
MARVIN
YOUâRE ALL I NEED TO GET BY (1968)
« Marvin et Tammi, pour moi, câest la quintessence du duo. La chaleur et les tonalitĂ©s hypnotiques de leurs harmonies sont inĂ©galables, le son de leurs voix, entremĂȘlĂ©es, du miel pour les oreilles. RĂ©unir les plus grandes stars musicales du monde pour un duo ne sert Ă rien si leurs voix ne sont pas en parfaite harmonie. »
BOB MARLEY STIR IT UP (1973)
« En parlant dâharmonies, voici la chanson parfaite pour apprendre ce que câest vraiment. Le chant est dâune limpiditĂ© phĂ©nomĂ©nale, la production parfaitement au point.
Il existe une version vraiment super et de trĂšs bonne qualitĂ© enregistrĂ©e par Bob lors de lâĂ©mission de variĂ©tĂ© The Old Grey Whistle Test sur la BBC, avec Peter Tosh et Bunny Wailer comme choristes. Magnifique ! »
THE RONETTES
BREAKINâ UP (1964)
« Ce que jâadore chez The Ronettes, câest cet Ă©lĂ©ment un peu punk. Tout nâest pas propre et lisse, mais câest justement cette trĂ©pidation et ce cĂŽtĂ© brut de dĂ©coffrage des mĂ©lodies qui me fascine. Phil Spector a fait un travail de production exceptionnel. Et si vous voulez recevoir une leçon magistrale en matiĂšre de aaaah, vous nâavez quâĂ Ă©couter attentive ment la partie centrale. »
GAYE & TAMMI TERRELL
PERSPECTIVES playlist
Scannez le QR code pour accéder à la playlist de Sharleen Spiteri sur Spotify. texas.uk.com
THE RED BULLETIN 83 JULIAN BROAD WILL LAVIN
POLARS SCANDINAVES
Lâinspecteur Harry
Le maßtre du Nordic Noir : avec Harry Hole, le célÚbre auteur de best-sellers norvégien Jo NesbÞ a crée un parangon de littérature policiÚre. Du grand cru.
HĂBNER
Si vous ĂȘtes du genre Ă flĂąner dans les rayons polars dâune librairie ou de son Ă©quivalent en ligne, vous remarquerez probablement que lâalpha et lâomĂ©ga de la littĂ©rature policiĂšre contem poraine sont un Ă
et un Ă. Les explications de cette domi nation presque dantesque du genre par les auteurs et autrices scandinaves ne manquent pas, mĂȘme si cer taines sont assez tirĂ©es par les cheveux. Le climat froid qui se prĂȘte parfaitement
aux meurtres glacĂ©s, les lon gues nuits du Grand Nord qui rĂ©veillent les cĂŽtĂ©s sombres des gens ou, pour certains cri tiques, une concurrence euro pĂ©enne pataude qui se rĂ©gio nalise jusquâĂ lâĂ©cĆurement avec des intrigues Ă la « pen dant une fĂȘte de pompiers, un cultivateur de betteraves est retrouvĂ© avec une fourche plantĂ©e dans le dos. Un poli cier de village excentrique se lance dans lâenquĂȘte sur son vĂ©lo pliant ». Quoiquâil en soit, le mieux est encore de jeter un coup dâĆil Ă lâhistoire littĂ©
raire récente pour saisir véri tablement ce phénomÚne du « Nordic Noir ».
DĂšs le milieu des annĂ©es 1960, le duo dâauteurs suĂ© dois Maj Sjöwall et Per Wahlöö posent les jalons du genre dâune maniĂšre qui fait encore rĂ©fĂ©rence aujourdâhui. Dans leur cĂ©lĂšbre sĂ©rie consa crĂ©e Ă lâinspecteur Martin Beck, le couple dâauteurs nâhĂ©site pas Ă aborder des thĂ©matiques sociopolitiques et sâattire ainsi les faveurs dâun nouveau lectorat. Sjöwall et Wahlöö ont créé LA for mule quâHenning Mankell, Stieg Larsson, Liza Marklund, HĂ„kan Nesser ou Arne Dahl reprendront bien des annĂ©es plus tard pour peaufiner le fameux modĂšle polar suĂ©dois, qui continue aujourdâhui encore de remplir les tiroirs
PERSPECTIVES le coin lecture
84 THE RED BULLETIN VINZ SCHWARZBAUER
Texte JAKOB
PremiĂšre partie, chapitre 1, 1 er paragraphe
Un oiseau gris passa dans le champ de vision de Harry, qui tambourinait sur le volant. Temps ralenti. La veille au soir, quelquâun avait parlĂ© Ă la tĂ©lĂ© de temps ralenti. Câen Ă©tait un exemple. Comme le 24 dĂ©cembre au soir, lorsquâon attend le pĂšre NoĂ«l. Ou sur la chaise Ă©lectrique, avant la dĂ©charge. Il tambourina de plus belle.
CHAUDEMENT RECOMMANDĂS De sang froid
Quatre auteurs de romans policiers scandinaves qui se vendent Ă des millions dâexemplaires Ă lâĂ©chelle internationale.
caisses du monde entier. Iro niquement, deux des protago nistes les plus cĂ©lĂšbres de ce boom littĂ©raire ne sont pas suĂ©dois : dâun cĂŽtĂ©, le Danois Jussi Adler-Olsen, de lâautre, celui qui est sans doute le meilleur reprĂ©sentant actuel du « Nordic Noir », le NorvĂ© gien Jo NesbĂž.
Fils dâune bibliothĂ©caire, NesbĂž, nĂ© Ă Oslo en 1960, baigne pour ainsi dire dans la littĂ©rature dĂšs son plus jeune Ăąge, mĂȘme sâil sây intĂ©resse trĂšs peu. En effet, le petit Jo rĂȘve de devenir un grand foot balleur professionnel, carriĂšre bien vite Ă©touffĂ©e dans lâĆuf Ă cause dâun ligament croisĂ©. FraĂźchement diplĂŽmĂ© dâune formation commerciale, NesbĂž fonde en 1992 le groupe pop Di Derre, qui, sâil connaĂźt un certain succĂšs en NorvĂšge, passe complĂšte ment sous le radar internatio nal. Jo NesbĂž replonge alors dans son bain de jeunesse. Excellente dĂ©cision.
RĂ©compensĂ© par le prix Riverton et le prix du polar scandinave, son premier roman, Lâhomme chauve-sou ris (1997) marque la premiĂšre apparition de lâinspecteur principal Harry Hole, lâun des flics les plus charismatiques de la littĂ©rature policiĂšre.
Comme lâexplique lui-mĂȘme Jo NesbĂž : « Je me souviens mâĂȘtre longuement demandĂ© si je devais faire de Harry un de ces hĂ©ros un peu diffĂ© rents, gay, prĂȘtre, handicapĂ©, ou quelque chose dans ce genre, ou si je devais mâen tenir aux stĂ©rĂ©otypes du
polar hardboiled, et me concentrer sur un solitaire qui croule sous les pro blĂšmes. Jâai dĂ©libĂ©rĂ©ment choisi cette seconde option ». Excellente dĂ©cision bis. HantĂ© par un dĂ©mon nommĂ© Jim Beam, Harry Hole est une vĂ©ritable bombe Ă retarde ment. Mais câest aussi un redoutable enquĂȘteur capable dâune telle empathie pour ses suspects et sus pectes que le grand Hercule Poirot en personne sâen arra cherait la moustache. Et ce qui rend sa personnalitĂ© encore plus attachante, câest quâHarry est autant un obser vateur cynique quâun incorri gible romantique.
Jo NesbĂž atteint vĂ©ritable ment sa vitesse de croisiĂšre avec la troisiĂšme enquĂȘte dâHarry Hole, Rouge-gorge (2000). Ă ce jour, dix autres volumes ont suivi, tous de vĂ©ri tables pĂ©pites du genre : du polar dur, sombre et haletant.
HENNING MANKELL
Sans lâinspecteur Kurt Wallander, la franchise « polar suĂ©dois » nâexisterait pas. Le style de Mankell est concis sans ĂȘtre simpliste, il croque ses personnages avec une prĂ©cision magistrale et ses in trigues sont enracinĂ©es dans un contexte social. Le rythme est quant Ă lui dĂ©libĂ©rĂ©ment contemplatif. TirĂ©e Ă plus de 30 millions dâexemplaires, la sĂ©rie reste n° 1, mĂȘme sept ans aprĂšs la mort de Mankell. Meurtriers sans visage (Seuil)
HĂ
KAN NESSER
AprĂšs sâĂȘtre hissĂ© parmi les meilleurs du genre avec la sĂ©rie Van Veteren, HĂ„kan Nesser, pour sa deuxiĂšme sĂ©rie Ă succĂšs, mĂ©lange habilement la froide analyse scandinave et le tempĂ©ra ment mĂ©ridional avec son ins pecteur italo-suĂ©dois Gunnar Barbarotti. Dâun point de vue stylistique, Nesser, Ă lâinstar de Mankell, ralentit lâaction pour mieux mettre lâaccent sur lâaspect psychologique. Homme sans chien (Point)
JUSSI ADLER-OLSEN
La flopĂ©e de polars suĂ©dois rencontre une fĂ©roce concur rence danoise : avec sa sĂ©rie de best-sellers autour de Carl MĂžrck, chef dâune bri gade spĂ©ciale (environ 23 mil lions dâexemplaires vendus), Adler-Olsen rĂ©ussit un sacrĂ© tour de force : celui de faire grincer remarquablement les rouages du suspense tout en faisant la part belle Ă lâhu mour entre mares de sang et forĂȘts lugubres. MisĂ©ricorde (Le livre de poche)
En bon chirurgien du noir, Arne Dahl opĂšre Ă©galement Ă la croisĂ©e du roman policier et du thriller. Avec LâĂ©quipe A, sa premiĂšre sĂ©rie Ă succĂšs sur une Ă©quipe dâenquĂȘteur· rice·s atypiques, il prend place parmi les cinq grands du polar suĂ©dois. Sa nouvelle sĂ©rie, Sam Berger & Molly Blom, fait des Ă©tincelles au tant entre les deux collĂšgues que tout oppose quâau niveau du suspense impitoyable. Le dernier couple qui en sort (Actes Sud)
JO NESBĂ Rouge-gorge Une enquĂȘte de lâinspecteur Harry Hole (Folio Policier)
ARNE DAHL
THE RED BULLETIN 85
PERSPECTIVES
gaming
Rumbelverse, un jeu de Battle Royal, oĂč la der niĂšre personne debout gagne.
RUMBLEVERSE
Câest la lutte finale
Oubliez Fortnite, câest maintenant lâheure de la lutte. Place Ă la Wrestlemania
Si les noms de Triple H et Hardy Boyz vous sont fami liers, il y a de fortes chances que vous soyez adepte des jeux vidĂ©o de lutte tels que WWF Wrestlemania. Mais depuis, les batailles multi joueur·euse·s en ligne comme Fortnite, oĂč le dernier person nage debout gagne, ont pris le relais. Suintant lâatmosphĂšre de combat, chaque ronde de Rumbleverse commence en vous dĂ©posant, vous et 39 autres, au hasard dans son aire de jeu, la tentaculaire Grapital City. Le but ? Combi ner suffisamment de coups de coude, de choke slams et de coups de chaise en acier pour devenir le seul survivant. Le streameur Twitch Aaron Slamani, alias Settanno, 27 ans, fait partie de la
premiĂšre vague de gameurs et gameuses. BasĂ© Ă Londres, il a enregistrĂ© la premiĂšre sĂ©rie de trente victoires consĂ©cutives, faisant de lui un champion incontestĂ©. « La connaissance des jeux de combat ne vous servira Ă rien », explique-t-il, ajoutant que celles et ceux qui ont Ă©tĂ© Ă©levĂ©s au rĂ©gime des jeux de plateformes des annĂ©es 90 pourraient sâĂ©pa nouir dans le monde simpliste de Rumbleverse, imprĂ©gnĂ© dâarcade. Il rĂ©vĂšle ici comment dominer, mĂȘme si vous ĂȘtes moins solide que The Rock...
Ălevez-vous
PlutĂŽt que de se battre contre la premiĂšre personne quâil rencontre, Settanno se dirige vers les hauteurs pour avoir un bon point de vue, Ă©viter les ennuis et observer lâaction qui se dĂ©roule plus bas. « Lâavan tage de lâaltitude signifie que vous ĂȘtes parfaitement placĂ© pour lancer des attaques sur les adversaires au-dessous de vous. Peu importe le nombre dâheures de jeu Ă son actif, on nâest jamais Ă lâabri dâun coude qui nous tombe dessus. »
Faites le tri
Chaque groupe de quarante personnes comprendra des novices qui sâinitient Ă Rumble verse, mais il y aura aussi une poignĂ©e de lutteur·euse·s
chevronné·e·s. « Si vous pou vez identifier un adversaire fort, éliminez-le rapidement, explique Settanno. Frappez en premier et frappez fort ! »
Remettez Ă plus tard
Une dérouillée ? Sauvez-vous.
« Vous pouvez escalader un bĂątiment ou plonger dans une ruelle. Câest ainsi que je gagne beaucoup de parties », rĂ©vĂšle Settanno. Vous nâarrivez pas Ă Ă©branler votre adversaire ? Rejoignez dâautres bastons. « MĂȘme si cet ennemi ne sâen prend pas Ă quelquâun dâautre, un·e autre joueur·euse peut lâintercepter pour vous. »
Décrochez
Comme si Ă©viter un assaut de slams et de takedowns ne suffisait pas, vous devez Ă©ga lement faire face Ă une aire de jeu toujours plus petite. Mais il est possible dâutiliser cela Ă votre avantage. « Quand vous sortez du cercle, un dĂ©compte de 10 secondes sâenclenche, explique-t-il. Sachez gĂ©rer ce dĂ©compte et vous pourrez chercher en dehors de la zone des armes supplĂ©mentaires au fur et Ă mesure que le jeu avance. »
Armez-vous
Si vous survivez jusquâau dernier face-Ă -face, il y a une arme que vous voudrez avoir dans votre arsenal : la chaise en acier ! « Si vous tapez quelquâun contre le mur Ă lâaide de cette chaise, il sera assommĂ©, et vous pourrez le frapper Ă nouveau : un wall splat ne pardonne pas. »
Rumbleverse est dispo en téléchargement gratuit sur Windows, PlayStation et Xbox ; rumbleverse.com
« Frappez en premier et frappez fort ! »
Settanno, streameur Twitch
86 THE RED BULLETIN JOE ELLISON
Le Milo a une portée maximale de 600 mÚtres, mais ce potentiel est multiplié par chaque dispositif ajouté sur le réseau crypté et sécurisé.
PERSPECTIVES matos
COMMUNICATION
Speak easy
Tchatchez en pleine nature grĂące Ă ce systĂšme de communication mains libres.
Le cĆur de Peter Celinski bat Ă tout rompre. Du haut de lâune des pistes noires les plus redoutables de ColombieBritannique, il vient de voir ses deux garnements se jeter sur la pente couverte de poudreuse pour disparaĂźtre dans les pins en contrebas. Trop tard pour leur crier de sâarrĂȘter, il nâa plus quâĂ cro cher des skis pour se lancer sur leurs traces.
Câest en bas de piste que lâexpert en rĂ©seau audionumĂ© rique, recouvert de neige aprĂšs plusieurs chutes, a une illumi nation grĂące Ă ce bain glacial. Au lieu dâutiliser des tĂ©lĂ© phones (faible signal) ou des talkies-walkies (peu pratiques et encombrants) pour commu niquer en montagne, pourquoi ne pas crĂ©er une alternative mains-libres connectĂ©e en permanence ? Milo est nĂ©.
Le concept est simple.
Rond, plat et facile Ă accro cher Ă tous les supports, Milo est Ă©quipĂ© de six microphones numĂ©riques anti-bruits para sites et dâun haut-parleur. On peut Ă©galement le connecter Ă des Ă©couteurs Bluetooth ou filaires. AprĂšs synchronisation, ce petit appareil permet de
montagne.
communiquer avec vos homo logues comme si elles et ils étaient à deux pas de vous via un réseau crypté, sécurisé et ininterrompu, pour une expérience outdoor collective inoubliable.
Ătanche pendant trente minutes Ă un mĂštre de profon deur, la batterie du Milo dure une journĂ©e entiĂšre. VĂ©ritable rĂ©volution pour tous les sports extrĂȘmes en groupe, il pourrait bien sonner la fin du talkie-walkie. okmilo.com
THE RED BULLETIN 87
Milo assure une liaison optimale en
TIM KENT
CHARLIE ALLENBY
mars au 2 avril
LâAPPEL DE LA MONTAGNEâŠ
⊠pour la fin de la saison. Le Freeride World Tour fĂȘte sa finale Ă lâXtreme Verbier, sur le lĂ©gendaire versant nord du Bec des Rosses. Aucune autre montagne nâest plus redoutĂ©e par les coureurs et les coureuses que ce massif des Alpes valaisannes. Le parcours mĂšne du dĂ©part Ă 3 223 mĂštres dâaltitude Ă lâarrivĂ©e, 500 mĂštres plus bas, avec une pente de 60 degrĂ©s par endroits. Cela en fait lâune des descentes les plus difficiles au monde. freerideworldtour.com
janvier
12ENTRE DEUX
Quelle est la différence entre le freeride et le freestyle ? Le premier se déroule dans la poudreuse, le second dans un fun park. Un hybride : le backcountry freestyle. Le meilleur moyen de voir à quoi cela ressemble est de participer au Backcountry Invitational. Le concours aura lieu entre le 12 janvier et le 10 février (la date exacte sera communiquée 48 heures avant). nendaz.ch
au 22 janvier BIENVENUE Ă BORD
Le Laax Open est lâĂ©vĂ©nement de snowboard le plus presti gieux dâEurope. 300 pros du snowboard, comme Leon Vockensperger (photo), et pour la premiĂšre fois aussi du freeski, se mesurent sur le Crap Sogn Gion dans les disciplines Halfpipe et Slopestyle. En direct sur redbull.com/laaxopen23
et 28 janvier ICE, ICE, BABY
Vous avez dĂ©jĂ fait de lâescalade sur glace ? Câest un peu comme de lâesca lade classique, sauf quâil sâagit de planter des pio lets dans la paroi. Les meil leur·e·s dans cette disci pline sâaffrontent lors de lâIce Climbing Worldcup Ă Saas Fee. Plus de cent athlĂštes de vingt pays y montrent leur habiletĂ© dans le Ice Dome de 32 m de haut. Celles et ceux qui le souhaitent peuvent bien sĂ»r sây essayer. iceandsound.com
février ATTENTION, AIRE DE JEU
LâĂ©lite du Slopestyle dĂ©barque Ă Bad Gastein (Autriche) et transforme la station en funpark. Lors du Red Bull Playstreets, les stars du freeski montrent lâĂ©tendue de leurs talents dans les rues Ă©troites en exĂ©cutant leurs meilleurs tricks. LâentrĂ©e est gratuite pour le public. Si vous trouvez le chemin trop long, vous pouvez les suivre en direct, dĂšs 19 heures, sur Red Bull TV. redbull.com/playstreets
PERSPECTIVES
agenda
27
18
25 10
88 THE RED BULLETIN @FREERIDEWORLDTOUR/JEREMY
BERNARD, LAAX OPEN/RUGGLI, MANUEL MARKTL/MINE CREATIVE/GASTEINERTAL TOURISMUS GMBH
COMPĂTITION MUSICALE
Le duel de lâannĂ©e
Le 11 fĂ©vrier 2023, deux pointures du hip-hop suisse sâaffronteront Ă GenĂšve lors du Red Bull SoundClash. Chronique dâun choc des titans annoncĂ© entre Danitsa et Di-Meh.
Dix-sept ans dĂ©jĂ quâa eu lieu la premiĂšre Ă©dition du Red Bull SoundClash, le battle musical de tous les superla tifs. Dix-sept ans dâun succĂšs qui ne faiblit pas, bien au contraire. Pour son Ă©dition 2023, ce spectaculaire battle en live nous rĂ©serve une Ă©di tion inĂ©dite : le 11 fĂ©vrier pro chain, pour la premiĂšre fois de son histoire, il aura lieu dans lâouest du pays, en Suisse
romande. Et pour relever cette joute verbale et musicale ex ceptionnelle Ă lâArena de Ge nĂšve, lâĂ©quipe organisatrice a tout simplement fait appel aux deux plus grandes stars du hip-hop de Suisse romande. Danitsa et Di-Meh ont profon dĂ©ment marquĂ© la scĂšne mu sicale suisse de ces derniĂšres annĂ©es. Collaboratrice rĂ©gu liĂšre au sein du collectif Little Lion Sound, Danitsa Ă©tĂ© Ă©lue meilleure artiste de Romandie
aux Swiss Music Awards 2018 et 2022. Di-Meh, quant Ă lui, est membre de la clique Superwak aux cĂŽtĂ©s de Maka la, Slimka et Varnish la Piscine et fait partie des patrons du rap suisse. Ses spectacles dĂ©bordant dâĂ©nergie ont per mis Ă sa rĂ©putation de dĂ©pas ser les frontiĂšres du pays. Si ces deux talents exception nels ont lâhabitude de se pro duire ensemble, câest sur deux scĂšnes opposĂ©es quâils de vront tout donner lors du pro chain SoundClash. Au menu : crĂ©ativitĂ© artistique absolue.
redbull.com/ soundclash switzerland
PERSPECTIVES Red Bull Soundclash
Une salle comble, des beats puissants⊠Instantané du SoundClash 2014 au Maag Event Hall de Zurich.
90 THE RED BULLETIN JEAN-CHRISTOPHE DUPASQUIER/RED BULL CONTENT
POOL,
CLEMENT ARDIN, ALAMY
Puissance quatre
Ce qui rend le SoundClash tellement unique, câest que les artistes participants, en plus de se livrer Ă un battle homĂ©rique, doivent Ă©gale ment rivaliser de talent lors de quatre duels au sommet. Ce nâest quâĂ lâissue des ces duels que lâon saura le nom du roi ou de la reine du rap. Des rounds baptisĂ©s Cover, Takeover, Clash et Wildcard au cours desquels elles et ils doivent rĂ©interprĂ©ter leurs propres chansons, reprendre celles de leur adversaire et emballer le public avec leur prestation et celle de guests surprises issu·e·s de la scĂšne musi cale : lâoccasion rĂȘvĂ©e pour Danitsa et Di-Meh de sâatti rer les faveurs du public, car câest lâintensitĂ© des applaudissements qui dĂ©ci deront du ou de la gagnante du SoundClash.
IL NâEN RESTERA QUâUN·E SEUL·E
Plus dâamitiĂ© qui tienne lors du SoundClash: Danitsa et Di-Meh ont beau avoir lâhabitude de se produire ensemble, câest en tant quâadversaires quâelles et ils monteront sur scĂšne en fĂ©vrier.
THE RED BULLETIN : Votre amitiĂ© ne date pas dâhier et pourtant, vous allez vous affronter au SoundClash. Pourquoi ?
DANITSA : Au dĂ©part, je nâĂ©tais pas trop sĂ»re de vouloir participer au SoundClash. Je suis une personne trĂšs positive et je me suis toujours dit que les battles nâĂ©taient pas mon truc. Mais Di-Meh mâa dit : « Faisons-le Ă notre sauce en mettant lâaccent sur le show en lui-mĂȘme plus que sur la compĂ©tition. »
DI-MEH : Le SoundClash me permet de concrĂ©ti ser lâidĂ©e que je me fais dâune scĂšne, de savoir si je veux des danseurs, un groupe en live ou ce genre de choses. Ăa me plaĂźt beaucoup ; pour moi, câest une nouvelle source dâexpression.
Donc peu importe qui lâemportera ? DI-MEH : Je recherche le plaisir avant tout, dâac cord, mais aprĂšs, câest clair que je veux rempor ter ce duel. Et jâai une ou deux bottes secrĂštes en rĂ©serve, donc je suis entiĂšrement convaincu de ma victoire. (rires)
DANITSA : Jâai moi aussi prĂ©vu quelques trucs de malade qui devraient scotcher Di-Meh. (rires) Je pense que lui et moi, on sâinvestit Ă©normĂ© ment dans nos spectacles, donc peu importe
qui gagne : au final, on aura une bonne raison de faire la fĂȘte. Ceci dit, jâai bien entendu prĂ©vu un show pour jouer la gagne.
Quels sont vos points forts ?
DI-MEH : Mon Ă©nergie, Ă©videmment ! Je kiffe la scĂšne, câest un peu ma marque de fabrique.
DANITSA : MĂȘme soumise au stress et Ă la pres sion, je ne perds jamais confiance en moi parce que je sais que je travaille dur.
DI-MEH : Je suis bien conscient que Danitsa sera extrĂȘmement bien prĂ©parĂ©e. Câest une femme forte, ça sera dur contre elle.
Justement, quels sont vos avantages par rapport Ă lâautre selon vous ?
DI-MEH : Danitsa a lâhabitude de se produire avec des groupes, ça devrait lâavantager.
DANITSA : Di-Meh connaĂźt tout un tas dâartistes et a plein de contacts dans le monde de la mu sique. Les artistes quâil va faire venir sur scĂšne au SoundClash sont tous ses potes. Au cours de ma carriĂšre, je nâai pas fait beaucoup de featuring, mais je suis quand mĂȘme persuadĂ©e quâil sera Ă©tonnĂ© de tout ce que jâai concoctĂ©.
Du coup, vous avez quel genre dâattentes pour ce duel de lâannĂ©e ?
DANITSA : Je nâai aucune attente, juste essayer de proposer un show vraiment spĂ©cial. Au final, tout dĂ©pendra du public. MĂȘme si je rĂ©ussis quelque chose dâextraordinaire, câest possible que la communautĂ© de Di-Meh soit plus grande et que cela lâaide Ă gagner.
Di-Meh, 27 ans, travaille dâarrache-pied sur ses arrangements uniques.
Danitsa, 27 ans, en est convaincue : son show va faire des étincelles.
DI-MEH : Ăa serait gĂ©nial, Ă©videmment, mais mĂȘme si tout le monde nâest pas lĂ pour moi, jâespĂšre quâon va remplir la salle. Le spectacle vit grĂące au public.
Et ça vous rend nerveux ?
DI-MEH : Jâhabite quasiment sur scĂšne, donc mĂȘme si le SoundClash est un show un peu diffĂ©rent, ce genre de trucs ne me rend pas nerveux. Je fais assez facilement abstraction. Mon vrai dĂ©fi sera dâinterprĂ©ter les morceaux dâune maniĂšre inĂ©dite et diffĂ©rente. Mon plan est donc de beaucoup mâentraĂźner.
DANITSA : Pas encore. Jâai fait plus de soixante concerts avec mon groupe cette annĂ©e, ce qui me procure une certaine sĂ©rĂ©nitĂ©. Et si tout ne se dĂ©roule pas comme prĂ©vu lors du Sound Clash, ce nâest pas un drame. Toute cette prĂ©pa ration, tous ces arrangements uniques pour mes morceaux me serviront aussi pour mes futurs spectacles en 2023. Donc quoiquâil arrive, le SoundClash, ce nâest que du bonus.
« Je ne perds pas confiance, mĂȘme sous la pression ! »
« Câest une nouvelle source dâexpression ! »
THE RED BULLETIN 91
CLĂRENORE STINNES LA FEMME DâACIER
Lorsque la jeune ClĂ€renore Stinnes boucla, au terme dâun pĂ©riple de 47 000 kilomĂštres parcourus en deux ans, le premier tour du monde jamais rĂ©alisĂ© en voiture â au volant dâun modĂšle de sĂ©rie tout Ă fait banal conçu pour la ville et les routes goudronnĂ©es â ma mĂšre avait tout juste quatorze ans.
Son pĂšre â mon grand-pĂšre â Ă©tait mĂ©cani cien, ce qui Ă©tait Ă lâĂ©poque un mĂ©tier encore rare et respectĂ©. Ma mĂšre avait conservĂ© dans un album toutes les coupures de journaux parlant de « Mademoiselle Stinnes » et avait mĂȘme rĂ©ussi Ă y glisser une photo dĂ©dicacĂ©e de la cĂ©lĂšbre pilote allemande, quâelle avait obtenue grĂące Ă des relations de son pĂšre.
LâAutrichien est considĂ©rĂ© comme lâun des meilleurs conteurs du monde germano phone. DerniĂšre parution en français : La petite fille au dĂ© Ă coudre, Ăd. Jacqueline Chambon, 2017.
Jâai hĂ©ritĂ© de lâalbum et de cette prĂ©cieuse photo : on y voit ClĂ€renore Stinnes posant fĂšrement Ă cĂŽtĂ© de son Adler Standard 6 â une six-cylindres produite en sĂ©rie par le constructeur automobile Adler Ă Francfort, avec 50 chevaux, traction arriĂšre, freins hydrauliques, trois vitesses.
La jeune femme de 26 ans tient une cigarette de la main droite, une paire de gants de la main gauche et sur la tĂȘte, une casquette en cuir. Elle est habillĂ©e comme un homme, avec costume et cravate, et sourit dâun air absent â ce fut du moins mon impression.
Ma mĂšre, qui venait de la petite ville de Cobourg en BaviĂšre, fut lâune des plus ferventes admiratrices de ClĂ€renore Stinnes Ă cette Ă©poque, et la premiĂšre femme de sa ville natale Ă passer son permis de conduire.
Un acte pionnier uniquement rendu possible par le fait que mon grand-pÚre était personnellement inter venu pour lui permettre de franchir le pas. Pensez donc :
voir une femme au volant Ă©tait encore plus Ă©trange que de voir une femme enseigner Ă lâuniversitĂ©. Lâincroyable histoire de ClĂ€renore Stinnes, ma mĂšre a bien dĂ» me la raconter une bonne centaine de fois.
NĂ©e Ă 1901 Ă MĂŒlheim en Allemagne, ClĂ€renore Ă©tait la flle dâHugo Stinnes, magna de lâacier et lâun des plus riches industriels du pays. Elle Ă©tait la prĂ©fĂ©rĂ©e de son pĂšre, qui ne tenait pas grand cas de ses autres frĂšres. Il lui apprit Ă conduire mais aussi Ă apprĂ©cier lâivresse de la vitesse : pour lui, disait-il, une voiture nâĂ©tait pas faite pour transporter des gens mais pour le plaisir dâaller vite â le plus vite possible. En ces temps pionniers de lâautomobile, nombreuses Ă©taient encore les voix qui sâĂ©le vaient contre les dangers physiologiques de la vitesse : des scientifques racontaient mĂȘme quâau-delĂ dâune vitesse de 50 km/h, le corps humain subissait des dĂ©formations irrĂ©versibles.
Hugo et ClĂ€renore Stinnes nâen croyaient pas un mot. « Et quand bien mĂȘme, disait lâindustriel alle mand, nous saurons survivre Ă ces dĂ©formations. » Il faisait une telle confance Ă sa flle quâil en avait fait son assistante et sa confdente, en lâinitiant aux secrets de lâentreprise. Quand il mourut prĂ©maturĂ©ment, la jeune femme de 23 ans, Ă©cartĂ©e des affaires de lâentreprise par sa mĂšre et ses frĂšres, dĂ©cida dâhonorer la mĂ©moire paternelle en se lançant dans la course automobile.
La mĂȘme annĂ©e, elle prit part Ă la premiĂšre de ses nombreuses courses â face Ă des concurrents toujours
BOULEVARD DES HĂROĂNES
MICHAEL KĂHLMEIER raconte les destins hors du commun de personnages inspirants â dans le respect des faits et de sa libertĂ© dâĂ©crivain. Ce mois-ci, comment le premier tour du monde en voiture fut bouclĂ© par une femme.
MICHAEL KĂHLMEIER
92 THE RED BULLETIN MICHAEL KĂHLMEIER BELICTA CASTELBARCO, CLAUDIA MEITERT GETTY IMAGES (3)
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exclusivement masculins â et remporta, durant les trois annĂ©es qui suivirent, pas moins de dix-sept victoires.
Forte de cette expĂ©rience, elle dĂ©cida de placer la barre des dĂ©fs encore plus haut : cette fois-ci, elle deviendrait le premier ĂȘtre humain Ă boucler un tour du monde en voiture â Ă une Ă©poque oĂč les routes Ă©taient encore en majoritĂ© de simples pistes â quand elles existaient ! Quant aux cartes routiĂšres⊠Ma mĂšre me racontait que ClĂ€renore Stinnes avait organisĂ© lâex pĂ©dition toute seule, tentant de se procurer le plus de cartes possible, tĂ©lĂ©phonant dans tous les consulats et les comptoirs commerciaux de par le monde pour avoir des renseignements sur les pays traversĂ©s, rassemblant tous les visas et autres laisser-passer nĂ©cessaires pour la poursuite de cet extraordinaire pĂ©riple.
Elle reçut de la frme Adler le dernier modĂšle sorti de leur usine et acheta un petit camion pour y transporter le carburant et les piĂšces de rechange â il nây avait alors ni station-service ni garage dans les rĂ©gions traversĂ©es.
Pour lâaider dans son entreprise, elle recruta un mĂ©canicien ainsi quâun chauffeur pour le camion. Et parce quâil Ă©tait hors de question de dormir dehors pen dant un an : ClĂ€renore demanda au constructeur Adler de faire en sorte que les siĂšges de sa berline soient rabat tables et puissent servir de couchettes la nuit. Enfn, dans leurs bagages, les trois aventuriers avaient prĂ©vu dâemmener suffsamment dâarmes Ă feu et de couteaux pour prĂ©venir les attaques des bandits de grand chemin.
Certains passages avaient la rĂ©putation dâĂȘtre de vĂ©ritables coupe-gorges. Pour parfaire cet attirail de protection, ClĂ€renore emporta avec elle deux grands chiens de race Terrier, Billy et Lilly. CoĂ»t total du projet : 100 000 marks allemands de lâĂ©poque. Une somme exorbitante quâelle assuma en se faisant verser sa part dâhĂ©ritage.
Il lui manquait cependant la piĂšce la plus importante de son expĂ©dition, celle qui lui permettrait de laisser une trace et dâentrer dans lâHistoire : un camĂ©raman. Deux jours avant le dĂ©part, elle ft la connaissance, lors dâun spectacle de danse quâon avait organisĂ© pour cĂ©lĂ© brer son dĂ©part, dâun photographe-camĂ©raman profes sionnel, le SuĂ©dois Carl-Axel Söderström.
Ma mĂšre me racontait que ClĂ€renore Stinnes sâĂ©tait dirigĂ©e droit vers lui et avait lancĂ©, en lui pointant les clĂ©s de sa voiture devant le nez : « Vous ! Venez avec nous ! » Ce Ă quoi Söderström avait rĂ©pondu : « Permet
tez au moins que je me change ? » Oui, avait rĂ©torquĂ© lâaventuriĂšre â mais quâil se dĂ©pĂȘche !
Ă ce moment du rĂ©cit, jâinterrompais ma mĂšre : « Es-tu bien sĂ»re que les voitures avaient des clĂ©s de contact, Ă lâĂ©poque ? »
« Câest tout Ă fait toi, ça : toujours Ă tâarrĂȘter Ă des dĂ©tails ! »
« Pardon. Continue ! »
ClĂ€renore Stinnes avait Ă©tabli la route et les Ă©tapes le plus prĂ©cisĂ©ment possible : pour tout le reste, elle savait quâil allait falloir improviser. La premiĂšre partie du pĂ©riple les conduisit Ă travers les Balkans jusquâen Russie, puis Ă travers la SibĂ©rie et le dĂ©sert de Gobi jusquâĂ PĂ©kin.
En Russie, la voiture et le camion avançaient pĂ©nible ment, kilomĂštre par kilomĂštre, sur des routes â plutĂŽt des pistes â de plus en plus boueuses, impraticables et dangereuses : Ă deux reprises, ils avaient Ă©tĂ© poursuivis par des hordes de pillards. Un peu aprĂšs Moscou, les deux mĂ©caniciens jetĂšrent lâĂ©ponge et dĂ©cidĂšrent de ren trer chez eux. ClĂ€renore se retrouva seule avec Carl-Axel Söderström.
Ce dernier racontera plus tard quâil avait passĂ© la pre miĂšre partie de lâexpĂ©dition Ă pester contre lâentĂȘtement et la dĂ©termination aveugle de sa patronne. Petit Ă petit, les sentiments Ă son Ă©gard avaient changĂ© et les deux aventuriers avaient fni par tomber amoureux.
« CâĂ©tait, dira lâintĂ©ressĂ©e quelques annĂ©es avant sa mort, alors que son mari Carl-Axel nâĂ©tait dĂ©jĂ plus de ce monde, câĂ©tait comme si nous Ă©tions les deux derniers ĂȘtres sur Terre. »
« Et que peuvent bien faire les deux derniers ĂȘtres sur Terre ? Tomber amoureux, Ă©videmment ! », poursuivait ma mĂšre.
Ăvidemment.
AprĂšs Moscou, le duo Stinnes-Söderström passa par la SibĂ©rie et les villes dâOmsk, Novossibirsk, Irkoutsk : par moins 30° Celsius, ils traversĂšrent le lac BaĂŻkal gelĂ© et poursuivirent leur route vers PĂ©kin en passant par le dĂ©sert de Gobi. Puis ils embarquĂšrent avec leurs deux vĂ©hicules sur un cargo qui les emmena au Japon. De lĂ , ils prirent un autre bateau vers HawaĂŻ puis vint le grand pĂ©riple Ă travers toute lâAmĂ©rique du sud, avec un autre dĂ©f de taille : ĂȘtre les premiers Ă traverser la CordillĂšre des Andes depuis Valparaiso au Chili. Un projet fou puisquâil nâexistait, dans les annĂ©es vingt, aucune route pour franchir lâimmense chaĂźne de montagnes : lĂ encore, ils frĂŽlĂšrent la mort Ă plusieurs reprises, mais refusĂšrent dâabandonner.
La derniĂšre partie de lâaventure, sur les routes gou dronnĂ©es des Ătats-Unis, fut une partie de plaisir : par tout, ils Ă©taient acclamĂ©s par la population, Henry Ford les invita Ă visiter sa toute nouvelle usine Ă Detroit â et se montra intĂ©ressĂ© par lâidĂ©e des siĂšges rabattables âle prĂ©sident amĂ©ricain Hoover les convia Ă la Maison Blanche. RestĂ©s en tĂȘte-Ă -tĂȘte depuis la SibĂ©rie, lâinti mitĂ© avait fni par rapprocher la jeune Allemande et son compagnon de route.
BOULEVARD DES HĂROĂNES Ă Moscou, ClĂ€renore et son camĂ©raman furent livrĂ©s Ă eux-mĂȘmes : « CâĂ©tait comme si nous Ă©tions les deux derniers ĂȘtres sur Terre. » 94 THE RED BULLETIN
Le 24 juin 1929, aprĂšs deux ans dâune odyssĂ©e rocambolesque de 46 758 kilomĂštres, les deux aventu riers arrivĂšrent Ă Berlin et furent accueillis en hĂ©ros par la population.
« Et puis ? », demandai-je à ma mÚre.
« Et puis quoi ? »
« Quâest-ce quâil sâest passĂ© ensuite ? »
« Ils se sont mariĂ©s. Ăvidemment. »
« Sont-ils repartis pour de nouvelles aventures ? AprĂšs tout, ils nâĂ©taient passĂ©s ni par lâAustralie, ni par lâAfrique : ce nâĂ©tait pas un tour du monde complet ! »
Ce genre de commentaires dĂ©plaisait Ă ma mĂšre : elle rĂ©torqua que les deux continents nâĂ©taient pas sur la route et quâon ne pouvait pas tout faire dâun coup. Je la fxai du regard : « Et toi ? »
« Quoi, moi ? »
« Ăa ne tâa jamais dĂ©mangĂ©e, toi aussi, de partir ? Je veux dire, tu as Ă©tĂ© la premiĂšre femme Ă Cobourg Ă passer le permis, tu nâas jamais eu envie de suivre un peu les traces de ton modĂšle ? »
« Ah ! », rĂ©pondit-elle â avant de se taire. Je savais pourquoi elle se taisait : cette petite pause lui permettait de passer de la frustration Ă lâironie, et de lâironie Ă la
bonne humeur. Dans un sourire, elle poursuivit : « Tu sais, jâai appris quelque chose. Jâai appris Ă rĂ©pondre Ă cette question : Ă quoi servent les modĂšles ? On pour rait penser que les pionniĂšres et les pionniers sont lĂ pour nous inciter Ă les imiter. »
Ă mon tour, je lui posai la question quâelle attendait de moi : « Et quelle est la vĂ©ritable raison ? »
« Si elles et ils rĂ©alisent des exploits, câest pour que nous nâayons plus besoin de les faire nous-mĂȘmes. Puisque câest dĂ©jĂ fait. »
ClÀrenore Stinnes et Carl-Axel Söderström se sont mariés et sont partis vivre en SuÚde pour y travailler dans leur ferme. Ils eurent trois enfants et vécurent heureux. Lui est mort en 1976, ClÀrenore Stinnes en 1990.
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Traverser la CordillĂšre des Andes Ă©tait un projet fou : il nâexistait Ă lâĂ©poque aucune route.
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