Perspectives Med N°. 107 - Mars 2016

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LARMES À L’OEIL

LE PAYS DE TINTIN EST EN DEUIL. ET IL N’EST PAS LE SEUL

DIRECTEUR DE PUBLICATION : ALLAL EL MALEH │ÉDITIONS POPMEDIA │ PUBLICATIONS DES RÉFÉRENCE │PRIX PUBLIC : 30 DH │N°107


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ÉDITORIAL L’INTELLIGENCE DU PEUPLE ALLAL EL MALEH

I

ls étaient 350.000 à avoir marché, le 16 novembre 1975, pour libérer le Sahara encore sous le joug espagnol. Mais en ce 13 mars, ils étaient pas moins de trois millions à avoir marché, à Rabat, puis à Laâyoune, pour protester contre les propos déplacés de Ban ki-Moon, SG de l’ONU, à l’endroit du Maroc. Autant dire que la vivacité du patriotisme n’a pas été atteinte d’une quelconque rouille comme l’espéraient les adversaires de la cause nationale. Pour ceux qui ont pris part aux dernières manifestations, ils ont certainement été parcourus de frissons à l’idée de quantifier la force que toute adhésion à un juste combat génère parmi les foules. Quant à ceux qui l’ont suivi de loin, ils auront pris la mesure, non sans fierté, de la maturité que dégage une foule galvanisée autour d’une juste et noble cause : la défense de l’intégrité territoriale. Assurément, l’une comme l’autre, ces deux marches restent des plus grisantes pour la mémoire collective. C’est le signal qui ne trompe pas quant à l’existence d’un récit national que d’aucuns minorent s’ils ne l’ignorent pas. Seul l’aveuglement pourrait pousser d’aucuns à prétendre le contraire. En tout cas, le message adressé à la classe politique, dans son ensemble, a été des plus clairs. Et c’est à eux que revient la lourde tâche de le décoder à sa juste valeur. Ce peuple-là, et il y a de quoi en être fier, ne manque pas de l’intelligence collective qui sied aux moments jugés charnières de son histoire. Tout ce qui est interprété, et à juste titre, comme une menace, réelle ou latente, le fait réagir. Et c’est justement cette judicieuse interprétation de « la chose populaire » qui semble manquer aux acteurs politiques. Eux qui, sous le coup de petits calculs politiciens, refusent à une nation tolérante, ouverte et aspirant à une vie meilleure, d’exprimer tout son potentiel. Les uns cherchent à l’exploiter en l’état, en jouant aux maîtres-penseurs qui n’ont aucune considération pour la masse plébéienne pour peu qu’elle leur obéisse au doigt et à l’œil. Tandis que les autres exploitent sans scrupule ses défaillances pour en faire des soldats de la vertu juste propres à répéter un discours éculé, tels des perroquets, pour se tailler une portion de légitimité démocratique à laquelle ils ne croient même pas. Et c’est à cette aune-là qu’il faudra décortiquer les raisons d’une défiance de masse qui se profile à chaque rendez-vous électoral. Autant dire que l’élite politique, ou ce qu’il en reste, traine derrière elle le défaut congénital qui a fait sa fortune par le passé. Celui de l’asservissement des masses à ses intérêts égoïstes, reproduisant les schémas de la rente et de sa reproduction à l’infini, au lieu de contribuer à les libérer en les tirant, dans un processus politique, aussi généreux que vertueux, vers le haut. De tout ça, cette « pâte humaine » déconsidérée et déboussolée par tous les retours sur les acquis sociaux qui s’opèrent sous ses yeux, en est parfaitement consciente. Et c’est là où réside la raison principale qui fait qu’elle boude les appels venant d’en haut… Sauf lorsqu’un péril la menace directement dans sa cohésion qui cimente son existence. Le cas du dossier saharien doit être médité à cette aune-là. Car à ce niveau, « l’intelligence collective » se passe du discours traditionnel hiérarchisé pour en adopter un autre, éminemment alternatif. On est dans l’ère de l’horizontalité qui émousse les différences pour servir une seule et même cause, évidemment existentielle. Et c’est bien cette nouvelle donnée qui préside aux nouveaux rapports à avoir avec le peuple que le pouvoir, dans ses divers relais dirigeants, est appelé à en analyser les ressorts. Pour mieux mobiliser les citoyens et canaliser leurs énergies positives vers les défis de la construction du pays. Aussi bien en ce qui concerne le parachèvement du processus démocratique, avec tout ce que cela charrie dans son sillage comme enjeux politiques, économiques et sociaux. Que sur le plan, ô combien capital, de la définition d’un projet de société plus (et mieux) inclusif qui dépasserait les simples lieux communs dont on se plaît à draper la société à chaque occasion pour en rappeler les traits caractéristiques faits de solidarité, d’ouverture et de tolérance. Ce serait permettre au pays de gagner en épaisseur historique pour qu’il puisse en découdre avec les divers périls qui le guettent. Et cela va du morcellement, générant l’instabilité, au basculement vers toutes les formes du nihilisme dont Daech représente aujourd’hui la manifestation la plus barbare et la plus traumatisante qui soit.

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DIRECTEUR DE PUBLICATION : ALLAL EL MALEH │ÉDITIONS POPMEDIA │ PUBLICATIONS DES RÉFÉRENCE │PRIX PUBLIC : 30 DH │N°107

POINTS CHAUDS

BRUXELLES HAPPÉE PAR LE TERRORISME

LE CHOC ET L’EFFROI DE DAECH

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SOMMAIRE LARMES À L’OEIL LE PAYS DE TINTIN EST EN DEUIL. ET IL N’EST PAS LE SEUL

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POINTS CHAUDS

La Belgique panse ses blessures HARO SUR LA TERREUR !

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MONDE

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MONDE

CHRONIQUE

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MONDE

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JUSTICE

La France face au djihadisme dans le Sahel Primaires en France « LA TRAQUE DURERA LE TEMPS QU’IL FAUDRA » GRANDES BOUSCULADES

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JUSTICE

Ramid DANS LE BOX DES ACCUSÉS

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JUSTICE

PERSPECTIVES MED

JUSTICE

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vu ici DU FLN AU FN

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Décisions du Conseil constitutionnel Suspension du magistrat M. El Hini RÈGLEMENT DE COMPTE ? RÉHABILITER « LES MOUTONS NOIRS» ?

Instructions, fuites et condamnation des magistrats LA COURSE À LA MORT !

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MONDE

Recomposition du Proche-Orient Ban Ki-Moon s’embourbe à Tindouf LA TENTATION DU PIRE ! LES FRONTS SYRO-IRAKIENS DONNENT LE TEMPO

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FEMMES

8 mars… MOITIÉ-MOITIÉ…

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FEMMES

Egalité homme-femme AU-DELÀ DES PRINCIPES,LE DROIT !


ÉCONOMIE CULTURE

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ÉCONOMIE

Croissance économique FORCER LE DÉCOLLAGE…

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EXPORT

La somme des déficits A QUOI SERVENT LES ALE ?

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CULTURE

A.Himmiche et l’islamophobie LE PLEIN D’AMALGAMES

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SPORT

Hooliganisme LA COUPE EST PLEINE !

41 55 82 94

EXPORT SPORT

56

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EXPORT

EXPORT

Commerce extérieur LARGE FOCUS

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MARCHÉS

Bourse de Casablanca Indicateurs contrastés

Accords de libre-échange L’OFFRE EXPORTABLE FAIT DÉFAUT

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ENTREPRISES

Forum International Afrique Développement LA MESSE DU BUSINESS

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CULTURE

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CULTURE

Droit musulman LE BÉNÉFICE DU DOUTE

La richesse d’Umberto Eco L’ENGAGEMENT TOTAL…

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CHRONIQUE

SPORT

Grand Prix d’Australie-F-1 ROSBERG, LE MAESTRO DE MELBOURNE.

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Juste pour rire L’ESCALIER DU BONHEUR

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION & DE LA RÉDACTION: ALLAL EL MALEH | RÉDACTION: ABDERRAHMANE EL MALEH - A. BEN DRISS - ABOUMARWA - SAID AKECHEMIR - LAMIA MAHFOUD - OULED RIAB - MOHAMMED TALEB - MUSTAPHA EL MALEH - YAHYA SAÏDI | ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : ABDERRAHMANE MEKKAOUI| RESPONSABLE ADMINISTRATIF & FINANCIER : FATIMA EL MALEH | CRÉATION: ABDELKABIR BOUMKIL / PM DÉVELOPPEMENT | PORTRAITISTE: HELMA LALLA | PHOTOS: PM EDITIONS | MENSUEL ÉDITÉ PAR POP MÉDIA SARL: 8, BD. YACOUB EL MANSOUR MAARIF – CASA | TÉL.: 05 22 25 76 17/ 05 22 25 76 54/05 22 25 77 84/ FAX: 05 22 25 77 38/ E MAIL : CONTACT@PERSPECTIVESMED.MA/ WWW.PERSPECTIVESMED.MA/ IMPRESSION: IDÉALE | DISTRIBUTION : SOCHEPRESS | N° DÉPÔT LÉGAL: 2005/0101 | ISSN : 1114-8772 | CE NUMÉRO A ÉTÉ TIRÉ À 15.000 EXEMPLAIRES

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POINTS CHAUDS

BRUXELLES HAPPÉE PAR LE TERRORISME

LE CHOC ET L’EFFROI DE DAECH Il n’y a plus l’ombre d’un doute. Les djihadistes de l’Etat Islamique sont déterminés à faire couler le sang sur le sol européen. Le double attentat du 23 mars qui a paralysé Bruxelles pour un temps, le choix des cibles n’étant jamais gratuits (aéroport Zaventem et Station de métro de Maalbeek), l’aura démontré. C’est le cœur de l’Europe qui a été ciblé, après les attentats de Paris du 13 novembre dernier. Là aussi, le bilan est lourd : plus de 30 morts et 200 blessés. Nul besoin de rappeler que la pression terroriste exercée sur les pays européens ne faiblira pas. Pour plusieurs raisons, à commencer par l’aura recherchée via « le choc et l’effroi » des menées barbares. Car par-dessus tout, c’est le recyclage médiatique des attentats, assimilé à autant de « réussites militaires » à mettre à l’actif de l’organisation terroriste, qui est voulu. Histoire de marquer les esprits et de susciter, le cas échéant, des vocations kamikazes parmi une jeunesse sans repères. Ensuite, c’est la volonté de punir les forces coalisées qui lui ont déclaré une guerre sans merci en jouant sur la peur de masse. Et last but not least, c’est aussi une façon comme une autre de rassurer quant à la force disproportionnée dont elle continue à bénéficier

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quand bien même elle collectionnerait les défaites au niveau des espaces où elle a réussi à se « territorialiser ». Bien entendu, cette « machine tueuse », déployée en dehors du terroir où elle s’est enracinée, confirme si besoin est que la terreur qui frappe partout jouit d’une capacité extraterritoriale sans précédent. Rendant utile une coopération internationale plus affirmée pour endiguer ses périls latents. Car souvenons-nous qu’entre les attentats de Paris et ceux de Bruxelles, pas moins de 18 pays ont été directement touchés par des attentats sanglants. Causant plus de 500 morts. Et ce macabre bilan aurait pu être beaucoup plus lourd sans les opérations proactives des services de sécurité qui déjouent, sans le crier sur tous les toits, nombre d’opérations. L’aube du troisième millénaire traine derrière lui un lourd legs composé d’une somme de problèmes géopolitiques qu’un semblant d’unilatéralisme, sous supervision américaine, a semblé différer, sans pour autant les régler. Le tout s’apparente à un champ de mines resté en l’état et qui explose au gré des errements consacrés par des doctrines déshumanisantes.


LA BELGIQUE PANSE SES BLESSURES

HARO SUR LA TERREUR ! Par : Allal El Maleh

PASSÉS LES PREMIERS FLOTTEMENTS DUS AU CHOC DES ATTENTATS DE BRUXELLES, LE PEUPLE BELGE S’EST MOBILISÉ POUR CONTRER LES SOMBRES DESSEINS DU TERRORISME AVEUGLE PROMU PAR DAECH. LE TEMPS EST AUX QUESTIONNEMENTS QUANT AUX LIMITES DU MODÈLE D’INTÉGRATION BELGE. UN SURSAUT SALUTAIRE ?

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ien ne semble laissé au hasard par les planificateurs de Daech. A quatre jours à peine après que le filet ne se resserre, à Bruxelles, sur Salah Abdeslam, seul rescapé du commando à l’origine des attentats du 13 novembre, à Paris, la capitale belge allait vivre les horreurs craints par des services de sécurité sur les dents. Le double attentat sanglant qui a soufflé une partie de l’aéroport de Bruxelles et une station de métro confirme, si besoin est, que le plan obscur ourdi par l’organisation Etat Islamique n’était pas une vue de l’esprit. Mais plutôt une amère réalité : le continent européen, impliqué dans la guerre asymétrique contre Daech, représente autant de « cartons » à réussir pour affaiblir des opinions publiques promptes à se mobiliser pour la paix. Si aucun lien de causalité ne peut

être établi entre l’arrestation mouvementée de S. Abdeslam et les attentats de Bruxelles, il n’en reste pas moins, soulignent nombre d’experts, que le passage à l’acte du commando « belgiki » cherchait à minorer les fruits de cette longue traque. Autant dire que l’hydre n’a pas été mortellement atteinte, les têtes détruites repoussant comme par enchantement. De cette amère réalité, les services occidentaux en sont conscients. Eux qui ont été avertis, à plusieurs reprises, des dangers que représente le retour des djihadistes européens, aguerris au niveau des fronts syrien et irakien, sur le Continent. Les survivants aux déluges de feu essuyés dans les diverses zones de combat étaient programmés pour passer à l’acte. C’est la raison pour laquelle l’onde de choc qui a ébranlé Bruxelles s’est vite propagée au reste

DAECH NE LÉVERA PAS LE PIED DE SITÔT. L'EUROPE EST VISÉE

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du Continent, voire ailleurs, comme le démontrent les mesures de sécurité déployées un peu partout pour circonscrire le danger terroriste. Un danger qui reste latent au vu des milliers de réfugiés qui ont transité par la Turquie vers le Continent européen. L’entrisme qui représente une des marques de fabrique des djihadistes à de quoi donner bien des soucis à nombre de capitales ciblées par la propagande guerrière de Daech. Propagande qui s’appuie sur des faits avérés comme le démontre le décompte macabre des victimes du terrorisme aveugle qui n’a épargné aucun continent.

hadiste étant peu enclines à collaborer tant la défiance à l’endroit de toute autorité a réussi à devenir la norme. Pour le spécialiste belge Pieter van Ostaeyen, pas moins de « 562 djihadistes belges ont séjourné ou séjournent encore en Syrie et en Irak ». Toute opération destinée à les « loger » s’avère difficile à l’heure où les vagues de réfugiés pouvant être « noyautées » se succèdent. Pourtant, c’est par cette case-là, prioritaire, qu’il faudra démarrer en débusquant

« Nous redoutions un attentat et c'est arrivé ». Dans la bouche du Premier ministre Charles Michel, un tel aveu exprime la complexité de la gestion du dossier djihadiste. Car même si les radars sont déployés un peu partout, « le risque zéro » n’existe pas en la matière. L’affaire est d’autant plus compliquée que dans les Etats européens, des « zones grises » qui ont favorisé le recrutement des djihadistes existent et rendent difficiles toutes les opérations de prévention. Les banlieues laissées en jachère au prosélytisme dji-

LE RADICALISME EN

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POUR TRAITER EUROPE RIEN NE VAUT UNE AUTRE POLITIQUE D'INTÉGRATION les projets terroristes. Certes, depuis que l’alerte a été donnée, juste après les attentats de Paris, des opérations ont été menées avec succès dans nombre de pays

européens, la Belgique en tête. Mais d’après les spécialistes, ce processus risque de s’inscrire dans la durée avec le risque de voir les services baisser la garde une fois la pression politique relâchée. Cette réalité pousse d’aucuns à inviter à revoir de fond en comble les politiques d’intégration qui ont démontré, avec le temps, leurs limites. D’autant plus que ces politiques s’articulent, entre autres, sur une ghettoïsation qui ne dit pas son nom. Plus, d’autres vont plus loin en exigeant des politiques une nette démarcation vis-à-vis des forces centrifugeuses du djihadisme. Et là, ce sont des rapports nouveaux avec les pays islamiques, Arabie Saoudite en tête, qui sont revendiqués par nombre d’acteurs de la société belge qui ne comprennent pas la duplicité dont a fait preuve le pouvoir pour dérouler le tapis rouge au Wahhabisme. C’est un nouveau contrat qui est ainsi exigé au niveau de la gestion du pavillon oriental du parc du Cinquantenaire, à Bruxelles. Celui-ci abritant le Centre islamique et culturel de Belgique (CICB) tout en faisant office de siège européen de la Ligue islamique mondiale, une ONG panislamique et prosélyte sous la férule des Saoudiens. En d’autres termes, c’est la fermeture de cette vanne à travers laquelle se diffuse le djihadisme qui est visée. Vannes qui ont profité, en espèces sonnantes et trébuchantes, au Jardin des Jeunes, créé à Bruxelles en 1997. Dont dépendent plusieurs libraires islamiques. En ligne de mire se trouve aussi le centre Al Imam Al Bokhari qui coordonne depuis 1998 les courants pro-saoudiens en Belgique. Dirigé par des wahhabites d’origine turque, l’ASBL Centre d’éducation et culturel de la Jeunesse (1998), mieux connu sous le nom d’Al Maarifa (Saint-Josse-ten-Noode), possède sa propre imprimerie, Dar el Hadith et sert aussi de Faculté des sciences islamiques de Bruxelles, qui donne des cours d’arabe et propose un cursus théologique de cinq ans, non reconnu par la Communauté française. La galaxie wahhabite s’est même enrichie, ces dernières années, d’une kyrielle de petites organisations semi-officielles se référant à des prédicateurs sectaires telle celle d’Abou Chayma, condamné pour torture dans le procès pour exorcisme de Bruxelles


et qui persiste à donner des « cours de religion ». Sharia4Belgium est l’un de ces groupes informels, très actif dans la rue et sur le Net. Ou encore le Collectif Réflexions Musulmanes (CRM), fondé à Bruxelles à la fin de l’année 2012, en vue de « propager un discours islamique authentique ». On est donc face à un triple engagement des plus impérieux pour prémunir la Belgique contre les dérives incontrôlables du djihadisme. D’abord, dans l’immédiat, la guerre du renseignement doit être privilégiée, assurent nombre d’experts, pour assurer le démantèlement, sans relâche, des cellules terroristes existantes ou à venir. Dès lors, l’affaire dépasse les seules compétences du Royaume belge qui s’est aligné sur les positions tranchées de l’Alliance atlantique dans la gestion du dossier syrien. Renouer le dialogue avec Damas s’avère nécessaire pour suivre à la trace et débusquer les djihadistes qui ont déserté les zones de combat en Syrie. Un signal fort vient d’être donné par la haute représentante de l’Union européenne qui n’a pas hésité à se rapprocher de la délégation syrienne en négociations de paix à Genève. Ensuite, il s’agira de revoir la politique d’intégration via un processus de longue haleine qui doit être promu à l’endroit de la communauté musulmane vivant en Belgique. Le bannissement de toute approche sectaire doit guider une telle démarche pour empêcher le pullulement de poches d’exclusion exploitables par les recruteurs du djihad. Et à ce niveau-là, des actions d’envergure doivent être promues au sein de la jeunesse que l’échec économico-social désoriente facilement. Et, enfin, il faudra mettre le holà aux agissements des centres qui diffusent le wahhabisme à tout-va. Les forces vives qui se sont mobilisées en Belgique pour triompher de la peur engendrée par le double attentat rassurent quant à l’efficience d’un tel choix. La paix est, en tout état de cause, à ce prix-là. Autant dire que ce processus vertueux, multiforme, s’inscrit dans la durée. En attendant que la bataille engagée contre Daech, loin des frontières européennes, puisse être gagnée sur le plan militaire. En attendant que l’autre bataille, à enclencher concomitamment sur le plan des idées, soit-elle aussi remportée.

TERREUR DJIHADISTE

LA SOMME DE TOUTES LES ANGOISSES Du Bataclan à Bruxelles, le djihadisme a fait montre d’une incroyable vivacité mortifère. En effet, en l’espace d’un peu plus de quatre mois, le terrorisme islamiste a jeté l’effroi sur plusieurs capitales et dans divers continents. Causant la mort d’au moins 500 personnes, sans parler des milliers de victimes. Aucun continent n’a été épargné. En Afrique, plusieurs groupes djihadistes, se réclamant de Daech ou inscrits dans sa mouvance, ont attaqué le Mali, la Côte d’Ivoire, le Nigeria ou la Libye, pays qui inquiètent au plus haut degré la communauté internationale au vu de l’incapacité des parties en conflit à gérer leurs différences pour assurer au pays, en proie au chaos, de gérer au mieux sa transition politique. Cela sans parler de ce qui se déroule dans le Sinaï et ailleurs sur le sol égyptien. En Amérique aussi, les djihadistes sévissent au même titre qu’en Asie où l’Afghanistan, en mal de transition démocratique, débordent sur le Pakistan et l’Inde… Voire l’Indonésie. Cela sans parler de ce qui a cours en Irak et en Syrie… Sans oublier, bien entendu, le Yémen qui n’est pas seulement aux prises avec une guerre déclarée contre l’Arabie Saoudite, voilà plus d’un an, mais aussi avec les djihadistes d’Al-Qaeda, particulièrement vivaces dans le Sud du pays, branche à laquelle s’est greffée Daech. La situation délétère que vit ce pays, en proie aux démons de la partition, la partie Sud nourrissant l’ambition de faire revivre Aden, est une source d’inquiétude pour nombre de pays. D’autant que l’instabilité aidant, Arabia Felix pourrait représenter, avec la Libye, les nouveaux sanctuaires de Daech.

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MONDE BAN KI-MOON S’EMBOURBE À TINDOUF par: A. Ben Zeroual

LA TENTATION DU PIRE ! C’est devenu presque un rituel pour la diplomatie marocaine que d’exciper les rapports onusiens sur le Sahara présentés, au mois d’avril, au Conseil de sécurité. Mais ce qui est inquiétant pour l’heure est bel bien d’évaluer les coups d’après, que les équipes de Ban Ki-moon prévoient, après que la tension déclarée entre le Royaume et le Secrétaire général de l’ONU soit montée de plusieurs crans en marge de sa tournée dans la région, sans escale à Rabat.

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eci est d’autant plus vrai qu’en fin de mandat, ce haut fonctionnaire de l’ONU semble décidé à pousser le bouchon plus loin, lui qui n’a pas cherché à ménager les susceptibilités exprimées par le Maroc à la veille de son séjour à Tindouf, ni à faire écho aux craintes du Royaume de voir sa présence exploitée à l’extrême par les sécessionnistes du Polisario. Car jamais la tension n’a été aussi vive sur ce dossier qui aurait pu évoluer autrement si les services onusiens avaient pris fait et cause pour l’offre marocaine d’autonomie, « jugée crédible et réaliste » par des puissances représentées au Conseil de sécurité, pour assurer au dossier une sortie des sables mouvants dans lesquels elle s’est engluée depuis des décades. D’évidence, il ne fallait pas s’attendre à moins que les débordements constatés de Ban Ki-moon qui ont poussé le Maroc à faire preuve d’une fermeté peu commune. Le S.G de l’ONU ayant qualifié le 6 mars, à Alger, la présence marocaine dans ses territoires sahariens d’occupation, salué le drapeau d’une prétendue RASD à Bir Lahlou, et nargué les Marocains en appelant les contributeurs à tenir Conférence pour assurer l’aide nécessaire aux Sahraouis. C’en était trop pour le Maroc qui voit ainsi la neutralité de l’instance onusienne bafouée. Le 8 mars, la diplomatie marocaine est sortie de sa léthargie pour parler d’insulte au peuple marocain. Dans la foulée, les deux chambres du parlement se sont réunies en session extraordinaire le 12 mars pour dénoncer les dérives de Ban Ki-moon et rappeler, par la bouche du chef du gouvernement, la disposition des Marocains à prendre les armes pour défendre leur intégrité territoriale. Et le lendemain, comme pour faire écho à un tel engagement, une marche gigantesque a eu lieu à Rabat… Pour

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être suivie, quelques jours plus tard, par une autre à Laâyoune. L’ire est à son comble et la réaction officielle ne s’est pas fait attendre. Le corps civil de la Minurso, basé à Laâyoune, a été sommé de quitter le territoire et la représentation militaire basée à Dakhla de faire ses bagages. Coup de semonce qui a précipité une rencontre des plus froides au siège de l’ONU, à New York, entre le chef de la diplomatie marocaine et Ban Ki-moon. Point d’excuses publiques à attendre donc du SG de l’ONU qui s’est estimé ainsi personnellement ciblé. Ni de retour sur les fermes dispositions prises par le Maroc. La tension est à son paroxysme et les efforts menés par les membres du Conseil de sécurité pour désamorcer la crise restent vains. Quid du jour d’après ? C’est ce que les observateurs soulèvent comme question à l’heure où des informations circulent sur la pertinence du maintien de la Minurso en l’état, sachant que cette mission s’est déclarée incapable de réunir les conditions nécessaires pour l’organisation du referendum d’autodétermination auquel s’accroche Alger dans le but de dépecer le Maroc. On comprend dès lors pourquoi des généraux algériens nourrissent des propos peu amènes à l’endroit du Maroc jugé comme « ennemi » à abattre. Comme on saisit la portée des derniers gestes du Polisario consistant à battre le rappel des « combattants » et à procéder, à chaque occasion, à des démonstrations de force. Voilà où conduit le déficit de neutralité de Ban Ki-moon dans ce dossier que les puissances minorent en l’assimilant à un conflit de basse intensité. Sur le départ, le SG de l’ONU a joué au pompier pyromane. Au Maroc de gérer, avec l’intelligence requise et la force nécessaire, cette mauvaise passe assimilée à la tentation du pire.


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MONDE RECOMPOSITION DU PROCHE-ORIENT par:A. Ben Driss

LES FRONTS SYRO-IRAKIENS DONNENT LE TEMPO La guerre contre Daech commence à porter ses fruits en Syrie, comme en Irak. Mais l’hydre djihadiste est loin d’être définitivement abattue. Lui qui se nourrit de toutes les frustrations et des rendez-vous manqués pour une paix des braves. L’entente en Moscou et Washington ira-t-elle au-delà du conjoncturel ?

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ls ont raison de se congratuler, Syriens et Russes, après la reprise de Palmyre des mains ensanglantées de Daech. Une victoire qui intervient après le retrait du gros du contingent des forces aérospatiales russes qui a apporté le soutien aérien qui manquait aux forces armées syriennes. Bien entendu, cette victoire, à laquelle s’associent L’AFFAIRE EST DONC ASSEZ d’autres forces alliées, iraniennes et GRAVE POUR LAISSER du Hezbollah, représente le couronFILER LA SITUATION nement du rouleau compresseur VERS UN POURRISSEMENT déployé en Syrie pour libérer le maxiSUSCEPTIBLE DE MENACER mum des territoires tombés entre les mains des djihadistes qu’ils soient LA PAIX MONDIALE affiliés à l’organisation Etat Islamique où à Jabhat Al-Nosra et autres Ahrar Acham. Cinq ans après l’insurrection armée contre le régime de Damas, il faut convenir que jamais le pouvoir syrien ne s’est senti aussi revigoré et grisé

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par nombre de percées militaires. Mais il faut dire aussi que ce qui se trame sur le terrain militaire est aussi accompagné d’un processus diplomatique dans lequel Moscou joue un rôle primordial, au côté de Washington. Les négociations de Genève devant aboutir à une réconciliation nationale prennent dès lors une autre tournure malgré les réticences de plusieurs parties impliquées dans le dossier syrien. J. Kerry qui officie au côté de S. Lavrov a fort à faire pour assurer aux diverses rencontres menées par le négociateur onusien Da Mistura une normalité que ni les Saoudiens, et par extension, les autres pays du Golfe, ni la Turquie, ne voudraient voir conforter le régime de Bachar Al Assad. Mais il y a beaucoup de la coupe aux lèvres. D’autant plus que ni la montée en puissance de l’Iran, force chiite confortée par l’accord sur le nucléaire arraché après des années d’âpres négociations, ni les revendications kurdes, appuyées


aussi bien par Moscou que par Washington, ne prêtent à une cristallisation susceptible de minorer l’objectif principal de l’heure : détruire le terrorisme djihadiste. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que des informations font état de rencontres entre Saoudiens et Houthis pour tenter de conclure un cessezle-feu après une année de guerre qui n’a pas tenu toutes ses promesses. La fragilisation de ce pays hautement stratégique pouvant servir de sanctuaire aux djihadistes qui fuiraient les fronts syrien et irakien. Surtout que la campagne de Ninive, longtemps réfrénée a bel et bien démarré pour permettre aux armées syrienne et irakienne de resserrer davantage l’étau sur les hordes de Daech qui s’activent dans les deux pays. Même l’Egypte qui aura brillé par son absence de la scène arabe, éclatée, en proie elle aussi aux soubresauts du djihadisme, appuie les processus de paix en cours, en insistant sur la sauvegarde de l’unité territoriale de la Syrie, « une ligne rouge » assure sa diplomatie, et la nécessaire stabilisation du Yémen. Voisin qui est en proie aux démons de la partition et dont l’instabilité agirait comme un appel d’air aux djihadistes. Les drames qui se déroulent dans le Sinaï ne sont pas étrangers à ce souci exprimé par l’Egypte, puissance sunnite appelée à gérer une normalisation avec l’Iran. Et, partant, faire pièce aux prétentions de la Turquie de voir la Syrie amputée de l’espace frontalier où les Kurdes s’agitent. A Moscou, comme à Washington, c’est la quête de la stabilisation de cette partie arabe qui prime. A l’heure où un danger, de plus en plus précis, se profile à l’horizon avec la montée en puissance de Daech en Libye. Ce groupuscule étant capable, s’il est délaissé, d’amalgamer d’autres mouvances qui sévissent dans le vaste espace sahélo-saharien. Pour menacer non seulement des pays africains, comme c’est le cas aujourd’hui pour la Cameroun, le Tchad, le Niger et le Nigéria, à travers sa franchise locale Boco Haram. Mais aussi, et surtout, les pays du pourtour sud de la Méditerranée. Avec le danger que cela engendre aussi pour le Nord. La Tunisie a fort à faire avec le glissement des prétentions daechiennes pour la proclamation d’un Califat sur son sol. Et il en va de même aussi bien pour l’Algérie, toujours en bataille contre ce que ses généraux appellent « terrorisme résiduel », que le Maroc où près d’une dizaine de cellules ont été démantelées. Cela sans

compter l’alimentation de foyers d’instabilité aux confins de l’Egypte et du Soudan. L’affaire est donc assez grave pour laisser filer la situation vers un pourrissement susceptible de menacer la paix mondiale. Fautil rappeler que la campagne aérienne des forces russes avaient réussi à éliminer, de l’aveu de l’état-major russe, quelque 2.000 djihadistes originaires de la Fédération ? Plus, doit-on minorer les inquiétudes formulées par Pékin de voir les djihadistes ouïgours, aguerris sur le sol syrien, reprendre pied sur le sol chinois ? Echaudées, toutes les puissances semblent décidées à clore le dossier « Etat Islamique » avec le moins de dégâts possibles. Sauf dans les rangs des djihadistes. Surtout depuis qu’en Europe, des attentats sanglants n’ont pu être empêchés ni à Paris, ni à Bruxelles. La menace reste réelle. Et les divers rapports établis par les renseignements occidentaux s’alarment de voir « les promesses » de Daech se réaliser. En portant le combat loin de la scène proche-orientale. On comprend dès lors pourquoi des pressions de plus en plus fortes sont exercées sur l’Arabie Saoudite pour que les va-t-en-guerre, floués par une normalisation qui renforce l’Iran en la réhabilitant dans son rôle d’acteur régional majeur, mettent un terme à leur fougue. Et que la prise en charge des inquiétudes d’Ankara se soit soldée, dans un premier temps, par un accord sur les flots de migrants qui ont déstabilisé la cohésion de l’ensemble européen. Les 6 milliards d’euros obtenus par la Turquie devant compenser, dans une large mesure, les pertes liées aux trafics inavouables avec Daech et ses livraisons en hydrocarbures. Le traitement de l’affaire

DU TEMPS S’AVÈRE NÉCESSAIRE POUR VAINCRE UNE IDÉOLOGIE QUI A RÉUSSI À AVOIR DROIT DE CITÉ DANS L’IMAGINAIRE ARABO-MUSULMAN kurde étant liée, à n’en point douter, aux négociations en cours sur la question syrienne. Et laquelle s’adjoint la bataille engagée sur le sol irakien pour confiner le danger djihadiste. Reste, bien entendu, à favoriser le dénouement du nœud gordien qui cristallise toutes

les haines dans l’espace arabo-musulman : la question palestinienne occultée par les autres foyers de tension. Pour l’heure, Israël semble réticent à faire la moindre concession à une Autorité palestinienne dont l’effondrement risque de lui éclater en mains. Le cabinet Netanyahou durcissant davantage la campagne de répression qui s’abat sur l’insurrection palestinienne qui ne faiblit toujours pas. Et les exécutions sommaires des enfants par l’armée d’occupation, doublées d’une colonisation des plus boulimiques, ne sont pas pour arranger en quoi que ce soit les choses. Seule lueur d’espoir à l’horizon, la reprise des contacts entre les Egyptiens et les représentants du Hamas pour atténuer un tant soit peu la bande de Gaza, plus asphyxiée que jamais. Mais il est évident qu’une hirondelle ne fait pas le printemps. Quand bien même la guerre contre Daech aboutirait à un succès militaire, du temps s’avère nécessaire pour vaincre une idéologie qui a réussi à avoir droit de cité dans l’imaginaire arabo-musulman. En proie à d’innombrables frustrations.

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MONDE LA FRANCE FACE AU DJIHADISME DANS LE SAHEL par : A. Ben Driss

« LA TRAQUE DURERA LE TEMPS QU’IL FAUDRA » « Conflits asymétriques » ou « guerres imbriquées », la lutte contre le terrorisme djihadiste reste prioritaire pour nombre d’acteurs internationaux. La France qui a été directement touchée par le terrorisme aveugle ne désarme pas. Pour mieux saisir le jeu français sur divers fronts chauds, rien de mieux que de solliciter l’éclairage avisé de François Chauvancy, général de brigade (deux étoiles SVP !). S’exprimant en son nom propre, tout survol de l’actualité s’avère pertinent avec ce docteur en sciences de l’information et de la communication, breveté de l’école de guerre, qui a travaillé dans de nombreux théâtres d’opération, que ce soit dans l’OTAN ou dans les forces françaises, en Afrique ou au Moyen-Orient, avant de quitter le service actif en 2014.

Enseignant les questions de défense et de stratégie d’influence, F. CHHAUVANCY est l’auteur de nombreux articles et est l’animateur du blog Défense et sécurité (http://chauvancy.blog.lemonde.fr/. PERSPECTIVES MED : LA FRANCE SEMBLE DÉCIDÉE À NE PAS S’ENGAGER MILITAIREMENT POUR LUTTER CONTRE DAECH EN PLEINE EXPANSION EN LIBYE. COMMENT EXPLIQUEZ-VOUS UNE TELLE RÉACTION ALORS QUE LE MINISTRE FRANÇAIS DE LA DÉFENSE AVAIT, À MAINTES REPRISES, TIRÉ LA SONNETTE D’ALARME SUR LE CHAOS LIBYENS ET LES RISQUES INDUITS POUR LA MÉDITERRANÉE ? François Chauvancy : S’engager en Libye ne peut se faire sans l’aval d’un gouvernement libyen ayant toute sa légitimité et étant reconnu par l’ensemble des acteurs politiques libyens. Il est donc compréhensible que, face à la réalité du chaos libyen, la France ne s’engage pas militairement. Ensuite, la menace que représente dae’ch concerne aussi bien la France que l’Europe. Face à une menace commune, l’Europe doit assumer collectivement sa défense. La France n’a pas vocation à être son corps expéditionnaire. En revanche, ses capacités pourraient contribuer sans nul doute à une opération interalliée.

LE COUVERT DE L’ONU POUR TOUTE OPÉRATION

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Il n’en reste pas moins enfin que la France reste vigilante face à l’expansion de dae’ch en Libye notamment en raison de ses conséquences sur la sécurité en Méditerranée. PARIS TOURNERA-T-IL LE DOS À L’OTAN DANS CE DOSSIER ? F.C.: La sécurité de l’Europe peut être assurée soit dans le cadre du traité de Lisbonne, soit dans le cadre de l’Alliance atlantique. La France a toujours privilégié l’intervention militaire collective dans l’esprit d’une défense commune et partagée qui donne aussi la légitimité à une opération militaire. Tant que les intérêts directs ou immédiats de la France ne sont pas menacés, une intervention de la France ne peut donc se concevoir que dans le cadre de l’une ou l’autre de ces organisations et sous couvert d’une résolution de l’ONU. MALGRÉ L’IMPLICATION MILITAIRE DE LA FRANCE DANS LA RÉGION SAHÉLO-SAHARIENNE, LES MOUVEMENTS DJIHADISTES DISPARATES ONT FAIT PREUVE DE RÉSILIENCE. Y A-T-IL UNE LIMITE À L’ACTION FRANÇAISE QUI, POURTANT, A ÉTÉ SOUTENUE PAR DES PAYS DE LA RÉGION QUI ANTICIPAIENT DÉJÀ LE DANGER DU DJIHADISME, COMME C’EST LE


CAS POUR LE TCHAD ? F.C.: Dès lors que la France est engagée dans la sécurisation de la région sahélo-saharienne en accord avec les Etats de la région, notamment le Tchad, il paraît difficile de fixer une limite à l’intervention militaire française hormis celle d’un affaiblissement durable, sinon définitif des mouvements djihadistes. Ils ne doivent plus représenter une menace crédible pour la région et pour la France. Cette stratégie ne peut se concevoir que dans la durée. Donner une limite aujourd’hui pourrait donc donner un message de faiblesse aux djihadistes. Ils ne doivent pas douter de la volonté de la France de les détruire. Ils doivent être au contraire convaincus que la traque durera le temps qu’il faudra. C’est d’ailleurs ce que la France montre tous les jours. COMMENT ÉVALUEZ-VOUS LA SITUATION EN SYRIE QUI FOCALISE L’INTERVENTION DE PLUSIEURS PUISSANCES AUSSI BIEN RÉGIONALES QU’EXTRARÉGIONALES ? LE GROUPE TERRORISTE ETAT ISLAMIQUE EST-IL APPELÉ À RECULER FACE AUX FRAPPES AÉRIENNES ? CROYEZ-VOUS EN UNE SOLUTION PUREMENT MILITAIRE OU EST-CE QU’IL EST PLUS OPPORTUN DE VALORISER UNE SOLUTION POLITIQUE ? F.C.: Une réponse militaire est souvent la réponse à un échec à trouver un accord de compromis. Elle vise à créer de nouvelles conditions pour des négociations. D’une part, la guerre civile en Syrie a pour enjeu le départ ou le maintien au pouvoir de Bachar el Assad. D’autre part, la guerre contre dae’ch est internationale et est conduite par une coalition engagée de fait sur deux Etats. La guerre en Syrie ne me paraît pas être dissociable de la guerre en Irak. L’objectif est dans ce contexte la destruction du proto-état dae’ch. Cela signifie qu’il ne doit plus être en mesure de contrôler durablement un espace géographique, encore moins devenir une entité politique avec qui les Etats devraient négocier à terme. Nous avons donc deux guerres simultanées, avec des objectifs, des acteurs de violence et des intérêts différents. Les Etats qui combattent dae’ch sont engagés dans un contexte de « guerres imbriquées », ce qui en fait toute la complexité. La Syrie et ses alliés a su tirer avantage de cette situation. Ainsi, s’ajoutant à l’engagement iranien, l’engagement militaire russe a profondément changé la donne et a imposé sa stratégie aux autres acteurs de ce

conflit. OBSERVATEURS ET STRATÈGES S’ACCORDENT À DIRE QUE L’ESPACE ARABE TEL QU’HÉRITÉ DES ACCORDS DE SYKES-PICOT N’EST PLUS À L’ORDRE DU JOUR. PARTAGEZ-VOUS PAREIL AVIS SACHANT QUE TOUTE RÉVISION DES FRONTIÈRES ET PORTEUSE DE CONFLITS ET DE DRAMES ? F.C.: Cette remise en cause des accords de Sykes-Picot peut être la justification de guerres, de guérillas et d’actes terroristes au sein du monde arabe. Cependant, sans revenir à l’éclatement de l’empire soviétique avec la création par exemple de la république tchèque et de la Slovaquie, certes sans violence, que s’est-il passé au Kosovo en 1999 avec la création d’un nouvel Etat par les occidentaux ? Les peuples ne doivent-ils pas disposer d’eux-mêmes ? Les Etats d’aujourd’hui ne sont-ils pas le résultat des guerres d’hier, guerres de peuples contre d’autres peuples qui ont redessiné les frontières ? Le monde arabe est-il homogène ? Néanmoins, au Moyen-Orient, la question qui se pose aujourd’hui est différente : une religion est-elle légitime pour justifier l’existence d’un nouvel Etat, si oui dans quelles conditions ? Question intéressante pour de multiples raisons dans cette région. UNE PARTIE DE L’OPINION FRANÇAISE N’ARRIVE PAS À ASSIMILER LE SOUTIEN APPORTÉ PAR PARIS AUX PAYS DU CCG, ARABIE SAOUDITE EN TÊTE, ALORS QUE LA FRANCE A SUBI, DANS SA CHAIR, LES AFFRES DU WAHHABISME. QUE SUGGÈRE POUR VOUS PAREIL DISCOURS LOURD DE SOUS-ENTENDUS ? F.C.: Il est vrai qu’une partie de l’opinion publique française ne comprend pas les relations privilégiées entre la France et les pays arabes du Golfe. N’oublions pas l’affirmation d’une politique arabe de la France sous la présidence du général De Gaulle La question serait plutôt de savoir si les Etats arabes concernés sont responsables d’un wahhabisme « terroriste » et donc du djihadisme en le soutenant directement ou s’ils le sont indirectement en ne neutralisant pas les membres de leurs sociétés qui soutiennent le wahhabisme « terroriste ». Si ces Etats combattaient sans ambiguïté dans leurs sociétés respectives ceux qui soutiennent les djihadistes et le faisaient savoir, les relations franco-arabes seraient sans doute mieux comprises par nos opinions publiques.

En effet, dans chaque Etat, des acteurs non étatiques peuvent soutenir par sympathie des mouvements violents. Le rôle d’un Etat est alors de les combattre dès lors qu’ils menacent la politique étrangère de ces Etats. Ne pas le faire peut conduire légitimement à une suspicion de complaisance. ON ÉVOQUE SOUVENT LE RETOUR « À LA GUERRE FROIDE » LORSQU’ON ANALYSE, SUR BIEN DES DOSSIERS LITIGIEUX, CE QUI OPPOSE LES USA ET LES AUTRES FORCES OCCIDENTALES À LA RUSSIE. QUELLE LECTURE FAITES-VOUS DE CETTE QUÊTE À LA MULTIPOLARITÉ ? F.C.: Cette situation me semble être le résultat d’un certain mépris tenu envers la Russie par les occidentaux qui ont méconnu la place de cet Etat. Outre ce mépris, la crise ukrainienne a été à mon avis le symbole de cette mauvaise prise en compte de la sensibilité et de la réalité russes par les occidentaux que ce soit l’Union européenne ou les Etats-Unis. Ils ont aussi oublié que le recours à la force, y compris militaire, est une option comme une autre pour affirmer sa puissance dans le cadre d’une stratégie générale. Cette erreur de jugement pourrait conduire à une nouvelle guerre froide si les occidentaux ne trouvent pas une solution positive pour tous à cette situation. V. Poutine a le soutien des Russes qui ont toujours su faire preuve de résilience face à l’extérieur et qui ont retrouvé leur fierté. Enfin, la Russie est aussi un Etat européen. Deux facteurs vont néanmoins influencer les conditions de cette nécessaire sortie de crise : le succès ou l’échec de la stratégie russe en Syrie et la crise économique en Russie, notamment avec la baisse du baril de pétrole, sa principale source de revenu.

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MONDE PRIMAIRES EN FRANCE

GRANDES BOUSCULADES par:M. El Maleh

Les primaires font courir nombre de cadors de la politique française dans la perspective des présidentielles de mai 2017. L’objectif du Parti socialiste comme des Républicains est double: se trouver une orientation politique et un leader charismatique capable de gagner la cruciale bataille.

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droite, c’est une première. Dans cette famille politique ou le culte du chef prédominait, les mentalités évoluent lentement mais surement. A gauche, ce n‘est pas le cas puisque le précédent de 2011 fut un franc succès populaire et médiatique. Mais aujourd’hui, la famille de gauche est loin d’être unanime. Les primaires s’imposent dans le nouvel échiquier politique en France avec l’entrée en force du Front National et sa capacité avérée de se hisser au second tour. LA MODE Dès lors, le premier tour des élections présidentielles qui départageait les “PRIMAIRE” candidats de chaque parti de gauche de droite avant le ralliement APPRÉCIÉE À DROITE comme derrière les deux candidats arrivés en tête n’est plus de mise. Désormais l’expérience de 2002 n’est plus à écarter, bien au contraire. C’est ainsi que l’élection se joue désormais non plus à 2 mais à quatre tours puisque les primaires se feront en deux tours aussi. On peut dire que l’exercice est plus démocratique puisque le citoyen est amené à voter plusieurs fois. Ce dernier

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semble adhérer à cette forme de désignation des candidats susceptibles de présider à ses destinées. C’est en quelque sorte la prise en main de son avenir alors que les appareils politiques, avec leurs baronnies, avaient pour coutume de confisquer cette désignation DE L’INÉDIT À DROITE A ce jour, ce sont douze candidats qui ont déclaré leur candidature aux primaires ou qui s’apprêteraient à le faire. Ils représentent les courants qui traversent la formation politique des Républicains. Face au retour annoncé de Sarkozy, les onze autres prétendants ne semblent guère enthousiastes à l’idée de le voir briguer un second mandat. Entre les déçus, les revanchards et ceux qui incarneraient le renouveau du parti, la bataille s’annonce rude. Après moult débats houleux, l’organisation des primaires sera enfin ouverte à tous les citoyens qui, outre la signature d’une charte citoyenne dite de «l’alternance», devraient s’acquitter d’une modeste contribution pour faire face aux dépenses inhérentes à l’organisation d’un tel scrutin puisqu’il s’agit d’ouvrir pas moins de 11 000 bureaux de vote avec quelque


80 000 scrutateurs. LE CAS SARKOZY Depuis la rentrée politique, Nicolas Sarkozy a enchaîné plateaux télé et émissions radio. Cette présence médiatique s’est accélérée depuis les attentats du 13 novembre. Outre l’occupation de l’espace face à une gauche qui mord progressivement les idées de la droite: durcissement des lois pénales, déchéance de la nationalité, prolongation de l’état d’urgence, la loi travail etc, il lui fallait s’imposer face à ses concurrents de plus en plus incisifs à son égard et à son bilan. Il a même publié un livre « mea-culpa ». Mais son destin politique ne dépend pas uniquement des primaires mais aussi de son agenda judicaire puisque à lui seul, Nicolas Sarkozy occupe bien le parquet. L’on sait depuis toujours que le temps de la justice n’est point celui des politiques et encore moins des médias. S’il a bénéficié d’un non lieu dans l’affaire Betancourt, d’autres affaires plus coriaces l’attendent. Celle des sondages de l’Elysée commandés sans appel d’offres, pour lesquels ses plus proches collaborateurs sont mis en examen et qui, par leur défense lui servent, pour l’instant de fusible, est une bombe à retardement. D’autres ont d’ores et déjà des effets ravageurs. Convoqué par les juges d’instruction, il a écopé le 16 février d’une nouvelle mise en examen dans l’affaire des dépassements des comptes de sa campagne en 2012. La formation « Les Républicains» se retrouve donc dans une situation abracadabrantesque. Partie civile dans l’enquête judiciaire, elle est désormais dirigée par celui que la justice soupçonne, sur la base d’indices graves et concordants, de s’être fait rembourser indûment des frais liés à sa campagne présidentielle de 2012 !! Et ce n’est point terminé, cette mise en examen s’ajoute à celle dite des écoutes : ce qui lui vaut d’être inculpé pour corruption et trafic d’influence actifs. Dans celle-ci, les enquêteurs cherchent à établir si l’ex chef de l’Etat a essayé d’obtenir des informations auprès d’un magistrat de haut rang sur une décision de justice le concernant, en échange de la promesse d’un poste de prestige. A noter que tout candidat convaincu d’avoir dépassé les plafonds de campagne est condamné à l’inéligibilité Dès lors le ciel s’assombrit aux yeux des élec-

teurs de droite tiraillés, par la force des choses, entre une candidature qui risque de leur exploser à la figure et une médiatisation qui ferait le bonheur aussi bien du Front National que de François Hollande. C’est pour cette raison qu’il n’est toujours pas officiellement déclaré candidat. Il laisse le soin à ses lieutenants de distiller les informations sur ses intentions afin de maintenir un suspens qui ne fait plus rêver puisque, à croire les sondages, seuls un électeur sur cinq estime qu’il est le meilleur candidat de la droite en 2012 contre 1 sur 2 pour Alain Juppé. Tout un programme à développer et un gouffre à combler puisque les Français le considèrent, aux trois quarts, comme un handicap pour sa famille politique ! Même en ayant déclaré qu’il a changé à plusieurs reprises, Sarkozy incarne la ligne dure du parti dans les questions de justice, de sécurité et de société comme si l’héritage Buisson est toujours présent. A l’évidence, il joue la carte de la droitisation pure et dure en surfant sur les scores élevés aux dernières élections régionales du Front National. Le glissement d’une partie des adhérents et sympathisants des Républicains vers le parti de Marine Le Pen est son cheval de bataille face à ses concurrents décidé à lui barrer la route. Il est soupçonné de briguer un second mandat juste pour bénéficier du statut protecteur du Président de la République qui lui donnerait un sursis de 5 ans et peut-être lui permettrait de fomenter un enterrement en catimini des affaires dans lesquelles il se dépatouille. Face à lui, de jeunes loups déclarés ou s’apprêtant à le faire sont prêts à en découdre avec l’ancien Président de la République sans parler du retour d’Alain Juppé resté dans l’ombre depuis des années. Ce dernier qui se définit comme « gaulliste, libéral et social » fait la course en tête au moins dans les sondages qui le donnent gagnant dans les primaires et dans les duels face aux candidats de la gauche et du Front National. Il est plébiscité à hauteur de 45 % par les sympathisants de droite et du centre comme la personnalité qui représenterait au mieux la droite à l’élection présidentielle en 2017. Croyant enfin à sa bonne étoile, il enchaîne meetings en France et déplacements à l’étranger ou la communauté française vote généralement à droite, celle modérée qu’il semble incarner face à Nicolas Sarkozy au discours

plus clivant. Il a le soutien des grands ténors de la droite à leur tête Jean Pierre Raffarin. Bien entendu rien n’est épargné à ces derniers y compris les coups bas et autres slogans qui discréditent encore la politique dans un pays en défiance totale avec ses élites. L’âge du capitaine, en l’occurrence celui d’Alain Juppé, est un argument martelé à tout va. Le ridicule « Jupé-pé » est pour le moins affligeant. Parmi les ténors de la droite appelés à jouer un rôle de premier ordre, Jean François Fillon, ex Premier Ministre de Sarkozy bataille pour trouver sa place face à Sarkozy, surtout qu’il a formé avec ce dernier le tandem qui a gouverné le pays de 2007-2012. Accrédité d’un modeste 12 % d’intentions de vote, il se déploie partout. Quant à Bruno le Maire crédité de 12 % d’intentions de vote comme Nathalie Kosciusko Morizet (4 %), c’est leur âge

A GAUCHE, CHOIX DIFFICILE qui est mis en avant comme handicap de même que leur inexpérience politique et leur méconnaissance des dossiers internationaux. Les autres candidats, moins médiatisés mais tout aussi déterminés, à l’image de J. François Copé, ou Nadine Morano (2%), ils tenteront de peser dans la balance le moment venu. Mécontent de jouer le rôle de simple figurant, Le patron de l’UDI demande aux adhérents de son parti de s’abstenir de participer à ces primaires. LES MANŒUVRES DU P.S A Gauche on se souvient encore du 9 octobre 2011 lorsque près de 2,7 millions de citoyens ont participé à cette primaire ouverte soit 20 fois plus que les encartés du PS et du PRG réunis ! François Hollande qui sera élu Président quelques mois après a recueilli 40 % des suffrages. Mais il est loin le temps où il faisait presque l’unanimité puisque cette dernière s’est plutôt retournée contre lui et contre la politique qu’il mène avec Manuel Valls à Matignon. Avec 10 % des suffrages des primaires de 2011, le Premier Ministre mène

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son programme retoqué par les Primaires et qui ne figurait nullement dans le programme du candidat Hollande en 2012. Cette dérive droitière, menée au nom de la realpolitik cristallise le mécontentement grandissant des sympathisants de la gauche qui ne veulent plus entendre parler de ce tandem. Las d’une politique dictée par l’Exécutif sans réel concertation, les élus, les plus modérés pointent du doigt un vrai problème de temporalité avec leur gouvernement. « On est sortis carbonisés de la loi sur la déchéance de nationalité pour prendre en face sans préavis, la loi travail », avoue en off, un député socialiste. Avec Combadélis à la tête de la rue Solferino, toutes les manouvres sont en cours pour gagner du temps afin d’imposer au mieux le Président comme « candidat naturel », au pire son Premier ministre. En réalité, tous ont peur que les Primaires se transforment en un referendum de rejet pour Hollande et Valls. Ce qui serait tout simplement dévastateur pour leur image et leur avenir politique. Par la voix de leur chef, la dernière trouvaille des « hollandistes » est de demander à tous les cadres du parti de se prononcer pour ou contre la candidature de Hollande, quid du peuple de gauche ! Outre les Verts englués dans une crise qui risque de faire imploser leur formation, le Front de Gauche n’est pas en reste avec l’auto proclamation de Jean Luc Mélanchon comme candidat sans même prendre la peine de prévenir ses camarades communistes. Même affaiblis, ils ne veulent pas de « la candidature naturelle » de François Hollande. Dans leur refus, ils sont rejoints par tout un pan du PS qui gronde contre la politique économique et sociale d’un Exécutif qui bat tous les records d’impopularité depuis 1958. Pour les frondeurs PS, si l’hôte actuel de l’Elysée ne veut pas participer aux primaires, il ne pourra pas s’exonérer d’un débat démocratique au sein de sa famille politique

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avant de devenir son candidat légitime. Pour l’aile gauche du PS, c’est une façon de remettre en cause le caractère monarchique du système présidentiel de la V République. Elle se positionne de la sorte car elle estime que durant le quinquennat en cours, des décisions prises ont fracturé la gauche et crée un trouble sur l’identité même de la gauche. Elle n’est pas prête à lui accorder son vote en cas de primaires car sa politique tourne le dos aux valeurs de la gauche tout simplement.

En cas d’entêtement du PS, la gauche court, à coup sûr, à sa perte puisqu’elle ira en rangs dispersés à une élection perdue d’avance. D’ailleurs bon nombre de sympathisants de gauche participeront aux primaires à droite pour faire élire « le meilleur d’entre eux » pour paraphraser un certain Jacques Chirac. Ce serait un moindre mal que de revivre l’expérience Sarkozy. D’ici là, le chemin est long et les péripéties nombreuses avant de voir un candidat franchir le perron de l’Elysée en 2017.

Les primaires sont un processus de désignation d’un candidat à une élection. Son organisation peut être laissée à l’entière discrétion du ou des partis organisateurs comme en France, mais certains Etats ont préféré donner un cadre légal à cette pratique. Les modalités selon lesquelles se déroulent ces scrutins sont très variables. On distingue notamment : - les primaires fermées ou internes lors desquelles seuls les adhérents du parti votent. - les primaires ouvertes parfois qualifiées de citoyennes auxquelles peuvent participer tous les électeurs se sentant concernés, sous réserve de se plier à certaines formalités comme le versement d’une participation financière ou la signature d’une charte de valeurs. Lorsque plusieurs partis s’associent pour l’organiser, on parle de primaire élargie ou de coalition.


CHRONIQUE VU ICI

DU FLN AU FN par: Mustapha El Maleh

D

écidément nos voisins Algériens n’en finiront point de nous surprendre…de tant de ridicule. Et si le ridicule tuait comme le dit l’adage, ç’en aurait été fini de nos voisins et ce depuis belle lurette ! Je trouve qu’avec toute cette animosité, pour ne pas dire haine viscérale à l’endroit de tout ce qui se rapporte au Maroc, et n’en déplaise à nos amis algérien, il n’en demeure pas moins que l’on est, nous pauvres marocains, leur exutoire, bouc émissaire et peut être même leur raison d’être. Et oui ! Puisqu’ils ne peuvent pas d’abstenir de penser à nous … En mal bien entendu ! Il doit certainement y avoir une officine noire au sein du système algérien ayant pour seule charge d’épier tout ce qui peut, de près ou de loin, concerner - même par le pur des hasards - le paisible Royaume qu’est le Maroc. Nous sommes en quelque sorte le caillou dans la chaussure, ou plutôt dans les pantoufles de cette oligarchie vieillissante et malfaisante. Fellag, talentueux et humoriste Algérien a fait une jolie parodie de l’état d’esprit des dirigeants de son pays et d’une partie de ses concitoyens qui, au lieu de rebondir au toucher du fond, n’en continuent pas moins de creuser encore et encore ! Certes, on pourrait vous accorder que ce n’est là point une spécificité algérienne, et que l’on peut généraliser le malheureux constat à bien d’autres. Toujours est-il vrai que dans la quintessence de la stupidité, Alger tient la corde. Jugez par vous-mêmes ! Lors du dernier remaniement ministériel en France, le couple Hollande Valls a évincé Fleur Pellerin du ministère de la Culture et de la communication. S’étant rendue POUSSÉE célèbre par ses sorties médiatiques hasardeuses, elle a été remD’URTICAIRE placée par Audrey Azoulay qui occupait À ALGER jusqu’alors le poste de conseillère en communication à l’Elysée. Compte tenu des compétences de la nouvelle ministre, cette promotion fut saluée par l’ensemble des milieux chapeautés par la rue Valois. Alors que Rabat s’est abstenue de tout commentaire, Alger s’en est irritée, et pour cause ! L’Audrey n’est plus ni moins que la fille du Conseiller du souverain marocain, André de son nom. Le premier à avoir exprimé son urticaire fut le frère du chef de l’Etat algérien, un certain Saïd Bouteflika qui estime que la scène parisienne grouille d’hommes et de femmes d’origine marocaine qui pourraient nuire aux intérêts de son pays. Pour le palais d’El Mouradia, les compétences de Mme Azoulay s’arrêtent au seuil de la filiation ! Et

là, la coupe est pleine et ce à plusieurs titres. Primo, c’est d’une Française qu’il s’agit quand bien elle serait d’origine marocaine. Alors, si bon nombre d’officiels algériens ont officieusement exprimé leur courroux vis-à-vis d’une marocanisation de la vie politique française, c’est leur problème. Secundo, elle est de confession israélite et elle symbolise si besoin est les bons rapports entre la communauté juive au Maroc et les Marocains dans leur ensemble, et ce, depuis des siècles. Tercio, elle est la fille d’André Azoulay, Conseiller économique du souverain marocain comme il le fut du temps de son père Hassan II. Cette réaction épidermique mérite qu’on s’y attarde et qu’on y réplique. D’abord, depuis quand un Etat souverain, comme la France, se doit-il de rendre des comptes sur la nomination des membre de son gouvernement à une capitale étrangère fut-elle amie ? On se souvient encore de la réaction étasunienne suite à la nomination de ministres communistes en 1981 et du dédain essuyé par cette puissance de la part de François Mitterrand. Audrey Azoulay est une énarque, promotion Averroès, la même que celle de Fleur Pellerin. Discrète, elle a une très bonne connaissance des questions culturelles. Parce que la culture et ses hommes ont une aura considérable dans l’hexagone, son ministère a été marqué par le sceau de l’excellence d’André Malraux et de l’éternel Jack Lang. Au lieu de mugir contre sa nomination, souhaitons qu’elle saura marcher dans les pas de ses illustres ainés parce qu’il n’y a que la compétence et la créativité qui a grâce à nos yeux. Concernant son origine marocaine, on ne peut que nous en féliciter. L’extrême majorité des citoyens de ce pays, et parmi eux nombre de français d’origine algérienne, regrette le manque de diversité au sommet des instances exécutives et surtout législatives. Pour ce qui est de sa confession, c’est une autre fierté que nous hissons haut et fort, nous Marocains. Face à Isabelle de Castille et au Maréchal Pétain, les souverains marocains ont toujours été aux côtés de leurs sujets israélites dans l’adversité. Et hormis quelques excités, nous regrettons leur départ massif puisqu’ils sont une partie entière du patchwork marocain. Il va falloir vous ressaisir et vite Messieurs les décideurs algériens. C’est parce que A. Azoulay est une femme ? Une marocaine ? Une juive ? Ou pour l’ensemble de ce qu’elle est que vous êtes si mal ? On a la nette impression que vos esprits chagrins ne cessent de se contracter. Vous êtes en passe de quitter l’âme du FLN pour celui du FN. A vous lire, comme à vous entendre comme dirait un certain Pierre Desproges, j’ai la nausée et les mains sales. Demandez donc conseil à Fadela !

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JUSTICE

RAMID DANS LE BOX DES ACCUSÉS Premier responsable de l’édification d’une justice indépendante au Maroc de l’après Constitution2011, Mustapha Ramid, qui est arrivé au département de la Justice à un « moment constitutionnel » exceptionnel, semble échoué dans sa mission. C’est du moins l’avis des magistrats, selon qui, les deux projets de lois organiques relatifs au pouvoir judiciaire récemment adoptés sont aux antipodes de l’indépendance de la Justice. Par : Mohammed Taleb

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ommé ministre de la Justice et des Libertés quelques mois après l’adoption de la Constitution de 2011, l’avocat Mustapha Ramid s’est, au lieu de prendre sur lui l’opérationnalisation des dispositions constitutionnelles relatives au pouvoir judiciaire au pied de la lettre mais aussi de l’esprit, engagé dans une guerre sans merci avec les différentes corporations du secteur de la justice, à leur tête « ses pires ennemis » du temps où il exerçait la profession. Dès ses premiers jours au sommet du département de la Justice, l’islamiste n’a pas manqué d’annoncer les couleurs. Premier coup de semence, M. Ramid, chargé par le Souverain de superviser le dialogue national sur la réforme de la Justice, exclut le Club des Magistrats de la représentation au sein de la Haute instance dédiée. N’ayant pas digéré leur marginalisation, les adhérents

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de cette association, qui est de fait le syndicat le plus représentatif regroupant plus de 3000 magistrats sur moins de 4000 juges, menacent de faire une grève du zèle (consistant en un rallongement des délais du prononcé du jugement et de ne pas tenir compte des cautions). Même avec ces menaces, Ramid persiste et signe. Chose qu’il n’avait pas pu faire avec l’Association des barreaux du Maroc qui avait annoncé son retrait, en mai 2012, de ce dialogue national en déplorant sa non-consultation lors des préparatifs et que « cette instance a été noyée par plusieurs établissements publics (…) et que sa composition ne répond à aucun critère objectif ». La liste des mis en écart comportait, également, le Syndicat démocratique de la justice le plus représentatif dans le secteur, affilié à la FDT. Malgré ces allers-retours, la présence

au sein de cette instance du pouvoir judiciaire, du corps de la défense et des professions judiciaires est restée, au final, très faible. Quoiqu’exclus, toutes ces représentations des différentes corporations du secteur allaient mener plusieurs actions qui n’ont pas manqué de ralentir de plus en plus ce dialogue fatidique qui a perduré durant près de 4 ans.

LE MINISTRE BÉNI

Bien que contesté M. Ramid fonce. Tout semblait aller pour le mieux pour lui après le discours de la révolution du Roi et du Peuple (2013) lui félicitant d’avoir mis au point une Charte nationale pour la réforme de la justice. Il venait d’avoir la bénédiction royale, il venait de faire passer au pas de charge sa réforme de la justice. Il semblait voler au-dessus des magistrats ulcérés, des avocats mécontents, des huissiers


–piètres oubliés de cette vague de changement-, sous l’œil bienveillant du Palais. Fin 2013, ses activités faisaient la « une » des journaux surtout arabophones, costume bleu roi et cravate bleu roi ausi, qu’il aime d’ailleurs toujours porter (comme s’était le cas dernièrement lors présentation de son bilan), reflétaient son enthousiasme exacerbé voir exagéré. C’était son apogée. L’image agace les activistes des droits de l’homme, de la société civiles mais essentiellement les magistrats. Son ton arrogant au Parlement comme ailleurs ne rimait pas avec les attentes de ces protagonistes. Ceux qui ont cru que la nomination d’un ministre islamiste fraichement venu de l’opposition dans un ministère régalien et en plus « de souveraineté » allait donnait un nouveau souffle à la dynamique déclenché par le discours du 9 mars, ont du très vite déchanter. Pour le monde judiciaire, cela contrastait trop avec la réalité quotidienne d’un pays qui aspire à la justice sociale et à l’amélioration de son climat des affaires et… tous des objectifs tributaires de la réforme de la justice. Et depuis, le bras de fer n’a cessé de s’accentuer. Les magistrats, en l’absence de canaux de dialogue officiels, ont décidé de communiquer leur position, refus et contestations à travers les médias, essentiellement sur les journaux et les sites d’information.

EXCÈS DE ZÈLE

« Durant son mandat, Si Mustapha cherchait incessamment « la bénédiction » des gardiens du temple au point même d’agir d’une manière inappropriée avec la nouvelle ère »,

estime le bâtonnier Abdeslam El Bakkioui. Il s’investissait dans cette réforme avec un excès de zèle inattendu d’un avocat connu comme l’un des rares islamistes « défenseurs des Droits Humains du temps de l’opposition !». Toutes les mesures que son prédécesseur, Mohamed Taieb Naciri, avait écarté avec un sens scrupuleux de respect de la Constitution – mesures disciplinaires entre autres – M. Ramid les fit adopter, sans ciller. Que le style cavalier du ministre déplaise aux magistrats n’était guère fait pour émouvoir les politiques et à leur tête son Chef Abdalilah Benkirane- pourtant très soucieux de

M. RAMID N’EST PAS APPRÉCIÉ PAR TOUS garder sa popularité-, mais aussi une large partie du grand public, qui ne cache pas le peu d’affection qu’ils portent à ce corps qu’ils jugent « corrompus » et parmi les facteurs encourageant de la prévarication régnante ici-bas. « Ramid a fait un travail exceptionnel », disait A. Benkirane, récemment, lors d’une conférence dédiée à la présentation du bilan de département de la justice. Un travail qui, selon Benkirane, vaut que Ramid soit maintenu à son poste même après le départ du PJD du gouvernement. « Je vais intervenir

auprès de SM le Roi pour qu’il maintienne Si Mustapha à la tête de ce département même au cas où nous ne serions pas au gouvernement », a-t-il osé déclarer devant un parterre de journalistes sans se soucier de heurter le b.a.-ba du jeu politique. Ces derniers mois, le ministre est à nouveau sur la « Une » des journaux : mise en accusations, révocations, mutations ou autres mesures disciplinaires prises à l’endroit des juges collés à son nom. Rares sont les voix qui ont tranché : il faut que l’on parle un peu plus de la réforme et un peu moins du bras de fer avec les juges, en l’occurrence, ceux du club des magistrats. Ramid continue sur son offensive contre les voix compromettantes occultant au passage « une réforme loin d’être à la hauteur des référents royaux (discours du 20 août 2009 et 9 mars 2011) et du référentiel constitutionnel », comme le précise le Club des magistrats dans ces derniers communiqués. C’est le tollé. Sur les sites Internet, après que les journaux ont pris du recul après approbation royale des propositions soumises par le Conseil supérieur de la magistrature, les magistrats se déchaînent et pointent la contradiction entre un ministre qui prétend appliquer l’esprit de la Constitution et qui s’illustre comme pourfendeur de la liberté d’expression des juges pourtant garantie par l’article 111 de la Constitution. Hors de tout contexte syndical, le Club des magistrats – dont les membres sont devenus de plus en plus réticents aux prises de parole publiques après l’augmentation de leurs salaires, nous a confié El Hini non sans amertume et les 29 révocations décidées depuis l’arrivée

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JUSTICE de Ramid– assène le coup de grâce en critiquant les deux textes de lois ». Et ce, en publiant un communiqué suite à un atelier scientifique autour « des nouvelles lois du pouvoir judiciaire et leur conformité avec la Constitution de 2011 », qui reprend les mêmes ou presque critiques adressées par le dernier sur la liste des 29 magistrats révoqués depuis l’arrivée de M. Ramid le Conseiller, Mohammed El Hini, dans son article « Les grandes erreurs de la réforme de la justice » (voir article suivant…) Ainsi, les magistrats s’attendent avec impatience à ce que lesdits projets soient désavoués ou connaissent l’échec sous le microscope scrupuleux de la Cour constitutionnelle.

RAMID SE DÉFEND

Pour tout ce beau monde Ramid est le principal responsable de ce qu’ils qualifient d’ « apostasie constitutionnelle ». Pour la majorité des magistrats, ou au moins ceux du Club des magistrats (2700 sur 3700 magistrats exerçant au Maroc), l’avocat révolté du PJD a fait perdre au Maroc une occasion en or pour réformer sa Justice. Lui qui est arrivé à la tête de ce département, fraichement sorti de la case des « ministères de souveraineté », dans un contexte très particulier marqué par l’historique discours du 9 mars ayant amorcé un nouveau départ, voire un « printemps marocain ». Interrogé par Perspectives sur cette lourde accusation, Ramid nous a confié : « Je ne suis pas venu avec une réforme fondée sur le programme du parti auquel j’appartiens, ni une réforme qui est resté limitée au programme de la majorité gouvernementale ». Et ce, avant de se rétracter, « certes, la réforme a démarré sur la base du programme gouvernementale, mais elle s’est beaucoup développée à travers le dialogue national pour la réforme de la justice parce que nous voulions qu’elle soit consensuelle au plus haut point ». De ce fait, personne ne peut me reprocher quoi que ce soit en ce qui concerne ma conception de la réforme puisque j’ai fait participer « tout le monde ». « D’autant plus qu’il y avait une instance nationale de dialogue composée de 40 personnalités qui a organisé des séances de discussion avec toutes les instances nationales », soutient-il. « Ainsi, si j’avais à rendre des comptes, ça sera au niveau de la réalisation et non plus sur les conceptions parce que celles-ci ont été de la responsabilité de tout le monde», conclut M. Ramid en se vantant d’avoir «pu décliner la réforme en plus de 360 mécanismes de mise en œuvre sur 200 assignés pour réaliser les 6 grands objectifs stratégiques ». Quelques mois avant la fin de son mandat, l’étoile continue de pâlir surtout après la vaque inédite de dénonciation de la révocation de M. El Hini sur les réseaux sociaux et pourrait se noircir en cas d’échec de ses projets au passage au Conseil constitutionnel. Interpellé sur cette possibilité, Ramid nous a confié qu’il n’a que dire « Amen » dans ce cas.

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RÉFORME DE LA JUSTICE

UNANIMITÉ PROBLÉMATIQUE Dans un pays qui ambitionne d’asseoir l’Etat de droit, la réforme de la justice est plus qu’une nécessité exigée par le commun des mortels, mais aussi par des institutions internationales et autres partenaires économiques. C’est une impérieuse obligation lorsqu’on sait que tout défaut dans la cuirasse, pour faire valoir ses droits, représente des entraves au développement et à la bonne gouvernance. Pourtant, il se trouve des observateurs qui n’hésitent pas à se mêler de la joute en soulignant que « la polémique autour de la Justice et de sa réforme nuit à l’image d’un Maroc en pleine mutation ». Par pur souci professionnel ou par connivence, ces journalistes qui se sont autoproclamé défenseurs du paraître du pays à l’international, oublient que le blason du Maroc ne saurait être redoré que par un véritable débat franc, clair et inclusif sur les sujets vitaux de la nation. Dès lors, à leurs yeux, tous ceux qui critiquent la réforme sont assimilés à des parasites nuisant au bon déroulement du dialogue et de la réforme. A ces gens, faut-il rappeler la corrélation établie entre l’approche participative et la bonne gouvernance, dès lors qu’il est question de réforme ? S’il y a parasitage à l’image du Maroc, ceux qui en sont responsables sont autres que les magistrats appelés à dire le droit. Elle est à situer au niveau des promoteurs de l’approche « exclusionniste » qui préfère l’unanimisme béat au consensus. Toute cette polémique qui entoure les projets de réforme de la Justice aurait été mieux canalisée si M. Ramid, ministre en charge de la Justice et des libertés (faut-il le rappeler) s’était employé à élargir le champ de la concertation par l’intégration du plus large panel d’intervenants directs dans le domaine. Nul besoin de rappeler que dès l’entame des tractations sur la réforme, il y avait une propension naturelle chez lui à fonctionner de façon fragmentée, et non pas dans un esprit rassembleur. Car même exclus, faut-il le rappeler, les magistrats n’ont pas hésité à envoyer au promoteur de la réforme un mémorandum dans lequel ils détaillent les raisons de leur rejet des deux textes relatifs au Conseil supérieur de l’autorité judiciaire et au statut de base des magistrats. Comment pourrait-on réformer la justice sans la participation des acteurs centraux de ce secteur à savoir les magistrats ? Comment trouver des solutions novatrices et adaptées aux besoins de la justice sans implication des Hommes de loi ? Voilà autant de questions auxquelles seul le ministre doit répondre.


DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL Par : Mohammed Taleb

RÉHABILITER « LES MOUTONS NOIRS» ? Volontier critique, défenseur acharné de l’indépendance du pouvoir judiciaire et militant des droits de l’Homme, le juge révoqué Mohammed El Hini vient de voir ses réserves émises sur les deux projets de lois organiques relatifs au pouvoir judiciaire conformes à celles prononcées par le Conseil Constitutionnel.

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evant l’ambigüité qui a entouré la conformité constitutionnelle des projets de lois organiques relatifs au pouvoir judiciaire qui venaient de boucler leur parcours législatif, les observateurs qui suivent de près le chantier cardinal de la réforme de la justice attendaient avec impatience l’intervention de la jurisprudence du Conseil constitutionnel pour une « clarification tranchante ». Ayant le dernier mot en ce qui concerne la vérification et le contrôle de la conformité des lois avec la Constitution, les Sages viennent d’émettre deux décisions (16/991 ; 16/992) qui ont comblé toutes les parties en opposition par rapport à ces projets. Pour les magistrats, il s’agit de « décisions historiques » qui leur ont donné

M. RAMID APPELÉ À REVOIR SA COPIE

raison face au ministre de la Justice et des Libertés Mustapha Ramid. Quoiqu’ils estiment selon le président du Club des magistrats, Abdellatif Echentouf, qu’il «y aura toujours des points pour lesquels les magistrats devront militer, le Conseil constitutionnel a répondu à la majorité de leurs revendications». De l’autre côté, l’on estime que la validation desdits projets avec quelques « remarques mineures » constitue une véritable victoire face aux détracteurs des efforts du ministre. Bien qu’ils aient validé les deux projets de lois organiques relatifs au Statut de la magistrature et au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, les Sages du Conseil, ont, cependant, déclaré inconstitutionnelles plusieurs dispositions de ces deux projets. Force est de constater qu’ils ont imposé au gouvernement de revoir sa copie avant son entrée en vigueur. Quoiqu’elle n’a pas été aussi retentissante que ce qu’avait prédit le juge Mo-

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JUSTICE hammed El Hini, la « chute » des projets du ministre de la Justice Mustapha Ramid, « sous le microscope clairvoyant mid, « sous le microscope clairvoyant» de la magistrature constitutionnelle, a pourtant «pris en compte les principales réserves émises par les magistrats ». M. El Hini qui a écrit un long article « Les grandes erreurs constitutionnelles des deux projets relatifs au pouvoir judiciaire : cri d’un juge », dans lequel il a exposé moult contradictions des deux projets avec la Constitution, peut se réjouir de voir ses réserves conformes avec l’ensemble des remarques pointées du doigt par les gardiens de la Constitution. LES SAGES DISSIDENTS ? Après consultation du projet de loi n°106.13 relative au Statut des magistrats, le Conseil a exigé du gouvernement de retirer certains passages comportant des « termes vagues » pouvant être sujettes à interprétations. Cette remarque qui n’est pas des moindres rejoint l’avis exprimé par l’ex-Conseiller El Hini tombé en disgrâce. Bien avant cette décision, il nous avait confié que « le projet de loi comportait des termes vagues qui pouvaient être brandis à chaque fois qu’un juge exprime une opinion en jouissant de sa liberté d’expression compatible avec le devoir de réserve et l’éthique judiciaire garantie par l’article 111 de la Constitution ». Dans ce sillage, les Sages ont exigé du « législateur de déterminer les cas qui constituent des fautes graves, et d’utiliser des termes précis et concis qui ne peuvent prêter à confusion ». S’agissant de ce qui peut être considéré comme fautes graves de la part des magistrats, les Sages ont également considéré « inconstitutionnelle » l’expression « à titre particulier. D’après la décision, publiée sur le site du Conseil constitutionnel, le passage de l’article 97 de ladite loi, comportant cette expression (Est considéré comme faute grave « à titre particulier ») sous entend qu’il y a d’autres fautes graves qui n’ont pas été citées. « Si le juge ne doit en aucune manière manquer au respect des règles d’indépendance, de transparence et de probité au risque d’application de sanctions, l’utilisation de toute formulation vague rend cette

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disposition inconstitutionnelle », conclut le Conseil. « Une conclusion qui va dans le sens des positions du magistrat révoqué qui considère que l’article 97 suscite la problématique de sa non-constitutionnalité puisqu’en parfaite contradiction avec le principe d’indépendance du pouvoir judiciaire et aussi avec l’article 117 de la Constitution qui stipule que le juge est en charge de la protection des droits et libertés et de la sécurité judiciaire ainsi que l’application juste de la loi comme stipulé dans l’article 110 de la Loi Suprême ». LIBERTÉ D’EXPRESSION Sur le chapitre de la liberté d’expression des juges et ce qui peut être interprété comme « opinion politique », le Conseil a relevé que « la formulation par un magistrat d’un avis ou une opinion politique peut être considérée comme faute grave entrainant des sanctions disciplinaires et vu que cette opinion est incompatible, dans son contenu et dans sa portée, avec l’étique judiciaire (article 111), cette faute, en raison des termes génériques utilisés dans sa formulation, ne peut être considérée comme motif entrainant la suspension immédiate du magistrat ». « A partir de là, toute déclaration qui revêt un caractère politique suppose la suspension immédiate du magistrat » serait incompatible avec la Constitution », tranchent les contrôleurs de la constitutionnalité. Pour M. El Hini, qui nous a précisé que l’article 97 vise entre autres la restriction du champ de liberté garanti par l’article 111 de la constitution, il s’agit d’une « décision historique qui a levé une épée de Damoclès suspendue au dessus de la tête des magistrats surtout ceux qui repèrent les défaillances, les pointent du doigt et demandent à les réformer ». EXIT RAMID ! Bien que les réserves du Conseil aient concerné essentiellement le projet relatif au statut des magistrats, qui a suscité une vive polémique entre le ministre et les magistrats, il y a eu des remarques concernant la loi organique relative au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire. En ce qui concerne le dernier alinéa de l’article 54, le projet de loi stipule qu’ « il est permis au min-

istre de la Justice et des libertés d’assister aux réunions du Conseil pour présenter les données et informations relatives à l’administration judiciaire ou tout autre sujet concernant le bon fonctionnement de la justice, sans que cela ne puisse porter atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire. Et ce, sur la demande du Conseil ou du ministre ». Le Conseil constitutionnel précise que la présence du ministre à ces réunions doit être « soumise à l’approbation du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire ». Pour El Hini, « la présence du ministre de la Justice constitue une violation de l’article 115 de la Constitution qui a exclu le ministre de sa composition ». Bien plus, « si la constitution, avalisée par le peuple, exclut le ministre de la composition du Conseil, il serait surprenant que ledit ministre poussé ainsi vers la porte revienne par la fenêtre! ».

LE DROIT DE RÉSERVE POSE UN PROBLÈME CRUCIAL Pour le volet lié à « la présentation de rapports relatifs à la politique judiciaire et au fonctionnement du parquet général devant les deux Chambres du Parlement pour discussion, inconstitutionnelle selon El Hini, sur la base de l’article 110, le Conseil des sages l’interprète autrement. En se basant sur l’article 160 de la constitution qui a limité les institutions qui doivent présenter des rapports relatifs à leurs travaux devant le Parlement ». En dépit de toutes ces réserves, les deux projets de loi ne vont pas pour autant revenir au Parlement. Ce qui n’empêche pas que le Conseil constitutionnel exige du gouvernement de supprimer les alinéas dits institutionnels et revoir les dispositions objet de remarques avant l’entrée en application de la loi.


SUSPENSION DU MAGISTRAT M. EL HINI Par : M.T.

RÈGLEMENT DE COMPTE ? Exclu définitivement des instances judiciaires peu avant l’instauration du nouveau Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, le juge Mohammed El Hini a vu sa carrière basculer. Ce « fqih », comme le soutiennent nombre de ses pairs, ne désarme pas pour autant.

L’

un des rares « fqih » de la justice administrative au Maroc, connu pour avoir prononcé des jugements à l’encontre de l’Etat, vient de voir le ministre de la Justice et des Libertés, Mustapha Ramid, mettre un point final à sa carrière de Magistrat. Certains pourraient croire que cette décision prise le 11 février par le procureur général du Roi de Casablanca, Hassan Matar, désigné par le ministre comme rapporteur de la commission qui a statué de la révocation de Mohammed El Hini, fait suite à l’ouverture d’un procès pour « prévarication » ou « abus de pouvoir». Loin de cela, El Hini a été suspendu de ses fonctions pour avoir critiqué deux projets de loi, qui étaient dans le pipe et qui touchent directement à l’exercice de sa fonction. Des critiques dont la plupart sont, pourtant, semblables aux remarques énoncées par les Sages du Conseil constitutionnel. Dans leur décision rendue publique le mardi 15 mars, lesdits sages ont statué sur certaines dispositions du projet de loi organique n°106.13 relatif au Statut de la magistrature en les déclarant inconstitutionnelles. A la tête de celles-ci, la disposition visant « à révoquer immédiatement les magistrats s’ils venaient à faire des déclarations revêtant un caractère politique ». Etant l’un des rares juges qui ont mis en pratique, dans le cadre de l’effort collectif d’opérationnalisation de la Constitution de 2011, leur droit constitutionnel à la liberté d’expression (article 111) qui stipule que « les magistrats jouissent de la liberté d’expression en compatibilité avec le devoir de réserve et l’éthique judiciaire », cet Homme de loi a cher payé sa propension à

être précurseur. Dans ses différentes sorties publiques, M. El Hini qui puise ses référents dans la Constitution, le référentiel international mais aussi dans les discours royaux, fait l’exception dans l’univers feutré des magistrats, et a fortiori des juges administratifs. Ses saillies médiatiques, éthiquement irréprochables, demeurent rares. Ce qui rappelle le cas d’un autre juge au Conseil supérieur de la magistrature motivé par le discours-référence de la réforme de la Justice de 2009. Jaâfar Hassoun, à l’époque Président du tribunal administratif de Marrakech, avait été soutenu par M. Ramid, encore dans l’opposition. Quoiqu’on en dise, la carrière de magistrat du Conseiller M.El Hini n’est pas terminée. D’autant qu’il compte saisir le Souverain, nous a-t-il confié, pour sa réadmission dans le circuit de la Justice. Retour sur les faits.

OMERTA DES POLITIQUES Après signature d’une ordonnance de mise en accusation contre lui par M. Ramid, ministre de la Justice (30 novembre 2015), le substitut du procureur du Roi de Kenitra a été auditionné le lundi 18 janvier dernier par une commission composée d’Abdellah Hammoudi de l’Inspection générale des services judiciaires (IGSJ) es qualité d’inspecteur général et par Hassan Matar comme juge rapporteur. Objectif ; faire le point sur son « manquement au devoir de réserve » en exprimant « des opinions politiques ». A ce propos, El Hini rappelle qu’après avoir refusé à maintes reprises de se déplacer à l’Inspection générale des services judiciaires (IGSJ) « faisant valoir le droit de 15 jours avant l’audition », il a fini par comparaître devant la commission composée des deux juges précités. Avant ce « lundi

LES POLITIQUES NE S’INVITENT PAS AU DÉBAT SUR LA JUSTICE

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JUSTICE noir » dans l’histoire de la justice marocaine, comme l’a qualifié avec amertume le bâtonnier, Abdeslam El Bikioui, un aller-retour avait eu lieu entre El Hini et la commission : «J’ai demandé en vain aux responsables de l’IGSJ d’avoir accès à la plainte déposée à mon encontre. Chose qui n’a pas eu lieu. Suite à cela, j’ai refusé de comparaitre devant cette commission », rappelle El Hini. Le juge avait tenté de remettre en cause la constitutionnalité de ce conseil de discipline en déposant une requête auprès du Cabinet Royal (étant donné que le Roi veille au respect de la Constitution, selon l’article 42 de la Constitution). Surtout que le signataire de l’ordonnance de mise en accusation, à savoir le ministre de la Justice, s’érige à la fois « juge et partie ». Mais la demande de récusation est restée lettre morte, selon le bâtonnier Abderrahmane Ben Amrou (président de sa défense). Voilà pourquoi la commission, après examen du dossier composé de deux documents ; l’article signé Mohammed El Hini et la plainte signée par les présidents des groupes de la majorité, (Abdellah Bouanou du PJD, Wadiî Benabdellah du RNI, Mohammed el Aâraj du MP et Rachid Roukban du PPS) a conclu de façon absolue, et sans auditionner le moindre témoin, que le juge « a outrepassé le devoir de réserve en versant dans des déclarations portant atteinte aux composantes de la majorité et à l’institution législative ». Sa mise en accusation a suscité une vive controverse sur la toile. Néanmoins, si elle a choqué profondément les milieux des droits de l’Homme, les partis politiques ne semblaient guerre intéressés par cette cause. Seule la jeunesse du PADS s’est manifestée… Et un seul député de l’opposition a osé s’exprimer sur cette affaire. Il s’agit du député du PAM Abdellatif Ouahbi qui a déclaré que « les groupes de la majorité n’avaient pas le droit de poursuivre le juge, car ils empiétaient sur les prérogatives de la présidence du Parlement ». Tout au plus « les députés peuvent poursuivre El Hini à titre individuel ». Cependant, sa menace de déposer un recours auprès de la présidence du parlement pour annuler cette plainte est restée sans suite. Le Conseiller El Hini, comme il préfère se présenter avant qu’une première poursuite ait fini par le dégrader au rang de Substitut du procu-

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reur de kenitra, a reçu le soutien de nombreux juges appartenant aux différentes représentations de sa corporation. Ses confrères estiment qu’il était de son droit de s’exprimer sur les lois organiques concernant sa profession. Signe de sa popularité et de la bonne image qu’il renvoie d’une justice en gestation au Maroc, « El Hini » est toujours l’un des sujets les plus abordés sur les réseaux sociaux. Le rassemblement le plus représentatif des juges, dont El Hini est membre, a fait preuve d’un manque flagrant d’enthousiaste dans le soutien à apporter à leur confrère sanctionné. Et pour cause ! C’est « l’effet 4000 Dhs d’augmentation de salaire des juges de troisième degré (52,24 %), » qui en serait la cause, regrette une source judiciaire qui soutient que même les juges de premier et deuxième degré ont bénéficié d’augmentations ».

LE MINISTERE ET LA MAJORITE CONTRE ET HINI RÈGLEMENT DE COMPTES Devenu populaire après avoir donné raison aux diplômés chômeurs dans leur conflit contre le gouvernement Benkirane, -qui refuse toujours d’entériner le fameux procès verbal (accord) du 20 juillet entre les diplômés chômeurs et son prédécesseur Abbas El Fassi-, El Hini n’est pas à sa première affaire l’opposant à l’actuel Exécutif. Avant d’écoper de sa première sanction disciplinaire, et lorsqu’il était Conseiller à la Chambre administrative de Rabat, il avait été l’auteur de plusieurs jugements à l’encontre du ministre de la Justice soit en désignant sa responsabilité en tant que chef du parquet, soit en l’astreignant à l’exécution d’un marché public ou encore par le refus d’une demande d’arrêt d’exécution de sentences… Ces jugements s’apparen-

tent à de l’huile jetée sur le feu fait. M. Ramid a estimé opportun de mettre fin aux agissements devant miner ses efforts de réforme. Et peu importe la légalité de cette requête ! « L’importance de cette réforme, si chère à M. Ramid pas pour édifier l’Etat de droit mais pour ne pas manquer son mandat, ne l’a pas empêché de sévir contre ses perturbateurs sans aucun fondement constitutionnel puisque la justice passe par une période transitoire faute d’absence de lois organiques découlant de la Constitution de 2011 », estime une source très proche du dossier. M. El Hini est « entré dans l’histoire », jugent nombre de ses confrères qui ne tarissent pas d’éloges à son égard. Mais le juge qui refuse d’être assimilé à une quelconque icône a des propos amers mais néanmoins lucides sur le fin fond de cette sombre histoire. « Nous pensions avoir mis un terme aux abus de pouvoir et au non-respect de la Loi Suprême », confie-t-il. Mais le dénouement allait être autre pour le moins curieux. Le rapporteur désigné pour statuer dans ce dossier n’est autre que le procureur Hassan Matar déjà sanctionné par El Hini pour faute professionnelle. Tout cela sent-il le règlement de compte ?

LE JUGE SANS DROITS ?! « Le Conseil a statué dans cette affaire sans garantir au « prévenu » le droit à faire appel ou le droit à l’appel », s’est insurgé le juge Abdallah EL Gorji, également membre du Club des Magistrats. Ce conseiller à la Cour d’appel de Rabat, qui n’a pas tardé à réagir quant à l’absence des éléments garantissant un procès juste, a affirmé « que la récusation déposée par El Hini a des fondements très solides ».Et ce, « d’autant plus qu’il n’y avait pas une instance supérieure lui permettant de soumettre ses arguments et faire valoir ses droits ». Allant dans le même sens que le Juge El Gorji, un juriste de renom regrette le fait que le juge ainsi sanctionné soit dans l’incapacité de déposer le moindre pourvoi auprès d’une juridiction administrative « faute de Cour d’appel administrative et/ou de Conseil d’Etat ». L’ironie du sort est que, résument des initiés, « tout juge, même armé des meilleures intentions, devient hors-la-loi dès qu’il enfreint le cadre de la loi qu’invalide la nouvelle constitution ».


INSTRUCTIONS, FUITES ET CONDAMNATION DES MAGISTRATS Par : MT.

LA COURSE À LA MORT ! Tous les magistrats ne sont pas des anges. D’où le recours aux sanctions prévues par la loi. Mais lorsque la présomption d’innocence est écartée et que les enquêtes « fuitent », bien des hommes de loi optent pour des solutions radicales. Le suicide !

M

ustapha Ramid a battu tous les records sur le plan des mesures disciplinaires prises à l’encontre des Juges. Ce qu’Abdalilah Benkirane a claironné lors de la présentation du bilan de son ministre, ce dont celui-ci se vante en proclamant d’une manière bruyante « ses efforts de moralisation de l’administration ou du système juridictionnel national », a de SECOUER LE quoi satisfaire les bons esprits. Près d’une trentaine de révoCOCOTIER C’EST cations ont été décidées sans parler des innombrables misBIEN, MAIS... es en retraite, mises à pied et autres mutations… Certes, il fallait bien secouer le cocotier d’autant que le système judiciaire n’est pas exempt de défauts et encore moins peuplé que d’anges. Cependant, il n’y

a pas que ces « performances satisfaisantes» qui peuvent être ajoutées à l’actif du ministre. Des sources judiciaires évoquent une autre performance pour le moins troublante. Celles des « graves fuites d’informations confidentielles relatives à certaines enquêtes concernant des « juges prévaricateurs » qui ont été menées par l’Inspection des services judiciaires (IGSJ) rattachée au ministère de la Justice. Fuites qui auraient entraîné mort d’hommes. Car le suicide de juges a bel et bien défrayé la chronique. Comme ce fut le cas du juge d’El Jadida. Une autre illustration des déboires dans l’exercice du pouvoir confié à M. Ramid trouve son écho dans le cas de Mustapha Terrab. Ce juge dont la compétence en matière de droit administratif n’a pas d’égal, a lui aussi succombé aux indiscrétions.

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JUSTICE VERS L’ÉMANCIPATION DES MAGISTRATS

CONSEIL SUPÉRIEUR DU POUVOIR JUDICIAIRE Comme vient d’être réaffirmé par les Sages de la Cours constitutionnelle, l’indépendance de la Justice ne peut se concevoir sans une institution ad hoc. Vu sa composition, ses compétences et son manque d’indépendance, le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), toujours en activité jusqu’à promulgation de la loi organique du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, ne pouvait pas jouer ce rôle. Son manque d’indépendance à l’égard de l’Exécutif s’exprimait par le fait que le ministre de tutelle, également vice-président du Conseil, joue un rôle important en ce qui concerne la nomination, la promotion et la discipline des magistrats. En matière disciplinaire, le CSM n’était pas habilité à initier ou statuer sur ces procédures. Ce rôle là est plutôt imputable à l’Exécutif. Selon l’article 10 du dahir de 1974, le conseil de discipline est composé du ministre de la Justice en tant que président, du secrétaire général du ministère de la Justice, du directeur des affaires civiles, du directeur des affaires criminelles et des grâces et du directeur de l’Institut supérieur de la magistrature (ISM). Il convient également de rappeler que le ministre de la Justice est aussi le président du conseil d’administration de l’ISM. Quoique constitutionnellement indépendant, le CSM dépendait financièrement du ministère et s’assimilait, dans la pratique, à un de ses départements. L’inspection générale des services judiciaires est, elle, rattachée au ministère. C’est le ministre qui détermine sa composition et ses rapports sont transmis sans délai et directement au ministre. C’est dans l’objectif de remédier à cette situation où le pouvoir exécutif joue un rôle déterminant dans la carrière des juges que la nouvelle Constitution a prévu l’établissement d’un Conseil supérieur du pouvoir judiciaire.

CONDUITE À RISQUE

Si tous les intervenants liés de près ou de loin aux enquêtes concernant les juges en exercice sont forcés à l’omerta, comment se fait-il que des informations supposées être frappées du sceau du secret aient pu « fuiter » durant le mandat de l’actuel « garde des sceaux » ? La question mérite d’être soulevée au même titre que les rôles impartis, dans ce brouillamini, aussi bien au ministre lui-même, sans oublier ses collaborateurs, qu’aux inspecteurs de l’IGSJ. Ces derniers désignés par le ministre « pour procéder à l’inspection des juridictions autres que la Cour suprême ou pour enquêter sur des faits déterminés », sont tenu selon la loi du 11 novembre 1974 de transmettre les rapports d’inspection « (…) sans délai au ministre de la Justice avec des conclusions ainsi que des suggestions.» Voilà ce que dit la loi. Sauf qu’entre ce qui est énoncé et ce qui est pratiqué, sur le terrain, soulève bien des interrogations. « Le hic, c’est que ce genre d’indiscrétions diffusées à grande échelle par une presse de connivence, ne sont pas sans provoquer des dégâts

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PERSPECTIVES MED

parfois dramatiques et irréparables », confie le Mohammed Aanbar, juge révoqué. Interpellé pour commenter le cas El Hini ainsi que les multiples suspensions définitives des juges, M. Aanbar, a, après avoir précisé que la révocation du Juge El Hini ressemble à la sienne, levé le voile sur le « revers de la médaille » de la campagne de moralisation de la justice initiée par le ministre Pjdiste en parlant de liquidation des magistrats. « Avant de parler des procédures disciplinaires qui se sont soldées par des suspensions, il faut revenir sur les cas de juges qui n’ont pu survivre aux sanctions ! « Entre les suicidés et les morts, il y a quatre cas », rappelle-t-il.

DÉCISION DÉMESURÉE

Le dernier en date, selon la même source, est celui du juge de Marrakech Abdelmajid El Marbouh qui s’est suicidé la veille de la fête du sacrifice Aid EL Kbir. « Selon des sources proches du dossier, ce juge a été auditionné par le Président de la cour d’appel avant de comparaitre devant le Premier président de la Cour d’appel de Marrakech, qui l’ont informé

de l’imminence d’une inspection », selon les éditions du lundi 28 septembre 2015 des quotidiens Al Akhbar et Al Massae. «Après cette annonce, le lendemain, il a mis fin à ses jours par pendaison », indique l’ancien vice-président du Club des magistrats. Sur la liste des victimes de Ramid, « il y a également notre Premier président, que Dieu ait son âme, et qui était également Premier président de la Cour d’appel à Casablanca Si Mustapha Terrab », rappelle M. Aanbar. « Ce pionnier, qui a été le premier président du Tribunal administratif, avait été invité par Ramid pour lui annoncer sa promotion comme directeur de l’Institut supérieur de la magistrature. Cette annonce avait un effet très positif sur ce grand juge qui était souffrant », étale M. Aanbar, ajoutant que « sa mutation à Rabat, près de sa famille, lui aurait fait beaucoup de bien ». Cependant, lors de la conférence sur les résultats de la cession du Conseil supérieur de la magistrature, Ramid a annoncé la dispense de deux hauts responsables de leurs responsabilités. « Il s’agit du premier président de la Cour


d’appel de Casablanca et du procureur général de Fès», rappelle Aanbar en précisant que la dispense est considérée comme une « sanction disciplinaire » pour les juges. Ayant appris la nouvelle, Si Terrab tomba, mardi, dans un coma qui lui sera fatal, avant que, le jeudi d’après, le conseil du gouvernement ne décide de le nommer Directeur général de l’Institut supérieur de la magistrature. « Malgré cette annonce, le défunt s’en est allé, le 7 septembre, au lendemain de la cérémonie d’installation du nouveau patron de l’Appel de Casablanca », rappelle avec amertume M. Aanbar. Quant à l’enquête réclamée par les juges du Club, elle fut tout bonnement enterrée.

juge n’a présenté « aucune pétition ou demande au Conseil supérieur de la magistrature et n’a été l’objet d’aucune mesure disciplinaire ou autre ». D’après cet ancien président de Chambre près la Cour de cassation, « le substitut du procureur général d’El Jadida avait été pris en flagrant délit de corruption après avoir été piégé par un Marocain établi en Belgique ». Il a été « auditionné et révoqué par la suite », détaille-t-il. Pour lui, la culpabilité ou non de ce juge, comme de celui de Marrakech ou encore celui d’El Jadida, n’a pas d’importance. Le plus important est à ses yeux « le respect de la procédure et des principes de confidentialité et de la présomption d’innocence ». D’autant plus que « la poursuite judiciaire doit intervenir avant la procédure disciplinaire», souligne ce juriste. « Si des soupçons sur un juge existent, il faut d’abord rassembler toutes les informations, le poursuivre devant la Chambre criminelle pour, enfin, passer à la procédure disciplinaire », note-t-il. A-t-on respecté ce modus operandi dans les règles de l’art ? De grands doutes subsistent chez les juges…

LE B.A.BA DE LA

PROCÉDURE VIOLÉ !

LE MINISTÈRE SE DISCULPE

« Suite à la publication des résultats du même Conseil supérieur de la magistrature un autre juge, Chahin Abdelhak (président d’une Chambre de la Cour d’appel de Casablanca), s’est donné la mort en se tirant une balle dans la tête à Sidi Bouzid, près d’El Jadida », rappelle la même source. Le ministère s’est empressé de publier un communiqué niant toute relation entre les deux faits. Car, selon le ministère, ce

LA RÉFORME DU POUVOIR JUDICIAIRE

ENTRE PERVERSION ET MORALISATION Pour Ramid, les « brebis galeuse » qui portent atteinte à la justice, un des piliers de l’édifice démocratique, ne comptent pas seulement parmi les juges prévaricateurs qui accumulent les fortunes, mais aussi du côté des juges qui font tête à l’Exécutif en annulant ses décisions ou en les critiquant. Parmi ces «dissidents» figurent Mohammed El Hini, Mohammed Qandil, Mohamed Anbar… El Hini est loin, donc, d’être le premier magistrat a apprendre à ses dépens qu’il n’est pas du tout bon pour un juge de refuser l’exécution d’un ordre vertical ( le cas du juge de Laâyoune M. Qandil) ou de critiquer les décisions du politique. « M. Ramid évoque nos révocations dans le cadre de la moralisation de la scène juridique. Néanmoins, s’agit-il de moralisation dans mon cas ?, s’exclame M. Aanbar. « J’ai dit que le Patron du contre-espionnage, Abdellatif Hammouchi, doit être traité comme tout autre justiciable. Et du coup, on m’a collé sur le dos le non-respect du devoir de réserve. Est-ce que les juges français ne connaissent pas ce qu’ils font ou sont-ils des ganaches ou des incapables ? Est-ce que ma prise de position implique que je sois corrompu et qu’il fialle m’écarter pour moraliser la justice ? ». Pour rappel, Aanbar

a été révoqué après avoir critiqué la suspension de l’exécution de tous les accords de coopération judiciaire avec la France dans le sillage de l’affaire Hammouchi. Pour lui, « les journalistes n’osent pas appeler les choses en leur nom. Le fait qu’ils nous traitent de «juge d’opinion» induit en erreur l’opinion publique. Quand on dit ça, cela suppose que notre adversaire qui est Ramid à une opinion. Nous sommes plutôt des magistrats contre la prévarication car la divergence de nos opinions ne doit pas conduire à notre exclusion », s’insurge-t-il. « Nous sommes face à une perversion de la justice ». La preuve, dit-il, « on peut analyser dossier par dossier, on ne trouvera rien qui corresponde à la moralisation dont parle le ministre ». Concernant le devoir de réserve, épée de Damoclès penchée au-dessus de la tête des juges, Aanbar tire à boulets rouges contre les juges siégeant au sein du Conseil supérieur de la magistrature désormais Conseil supérieur du pouvoir judiciaire. «Ils devront nous représenter, nous défendre, au moins nous expliquer ce qu’on entend par devoir de réserve ». « Le devoir de réserve concerne les dossiers sur lesquels on statue et non pas l’activité associative ou culturelle.

PERSPECTIVES MED

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SAPHIRA AWARDS CÉLÉBRATION DE LA JOURNÉE INTERNATIONALE DE LA FEMME À l’occasion de la journée internationale de la Femme, le Ministère des Marocains Résidant à l’Etranger et des affaires de la Migration organise une rencontre sur l’entrepreneuriat au féminin avec les femmes marocaines du monde entrepreneurs et cadres dirigeants. L’entrepreneuriat féminin est aujourd’hui reconnu comme l’une des principales sources de croissance, de création d’emplois, d’innovation et de richesses. Au cours des dernières années, on a assisté à un accroissement considérable du nombre d’entreprises créées par des femmes dans le monde. Organisée en partenariat avec l’Association des Femmes Chefs d’Entreprises du Maroc (AFEM), cette manifestation a pour objectif de célébrer l’acte d’entreprendre au féminin et de créer un espace de rencontre, afin d’encourager le partage d’expériences, d’être au contact d’experts spécialisés dans le développement de l’entrepreneuriat et profiter du retour d’expérience d’autres femmes entrepreneurs. 40 femmes marocaines des quatre coins du globe représentant 19 pays et qui se sont illustrées par leur dynamisme entrepreneurial dans différents secteurs : Nouvelles technologies de l’information, Industrie, Communication, Design, Agroalimentaire, Transport et Logistique, Cosmétiques, Finance, seront célébrées le 10 mars 2016 à Marrakech. Un partenariat sera signé entre le Ministère des Marocains Résidant à l’Etranger et des affaires de la Migration et l’AFEM et aura pour principal objectif d’encourager le réseautage et accompagner les femmes désireuses de créer leur entreprise au Maroc.


FEMMES 8 MARS…

MOITIÉ-MOITIÉ… Par: Lamia Mahfoud

F

aut-il célèbrer la journée internationale de la femme sous nos latitudes? Pince sans rire, des esprits chagrins feront la fine bouche en rappelant que dans le Royaume, « le chevel a sa semaine » annuelle. Et qu’il faut que beaucoup d’eau coule sous les ponts (même en période de sécheresse) pour que le principe de l’égalité consacré par la Constitution de 2011 soit traduit dans les faits. Le constat est donc bien là : tout évolue, en terme volumétrique, « moitié-moitié ». Il y a ceux qui préfèrent voir le verre à moitié vide. Pour dire que les Marocaines qui ont milité fermement pour arracher des acquis de haute lutte ont encore du pain sur la planche ne serait-ce que pour éviter que les avancées réalisées ne soient « siphonnés » par les sphères conservatrices qui aspirent à déployer leurs voiles sur la société. Et il n’est pas étonnant que l’agitation soit le lot des médias sociaux depuis qu’un étrange appel a été lancé depuis Tanger, à la veille de la journée internationale, pour que les femmes marchent dans les rues toutes voiles dehors. Le Haik en prime pour celles qui seraient atteintes d’agoraphobie. Et il y a, bien sûr, ceux qui s’obstinent à ne voir que le verre à moitié plein pour assurer que la société a assez fait pour le genre. Et qu’à vouloir trop tirer sur la ficelle, l’équilibre risquerait d’être définitivement rompu. Et on comprend dès lors les raisons qui font que plus de quatre ans après son investiture, l’actuel gouvernement de coalition, piloté par les islamistes du PJD, continue à freiner des quatre fers pour que l’architecture légale qui

ET SI ON OSAIT LA RÉVOLUTION CULTURELLE DE L’ÉGALITÉ ?

consacre l’égalité, pleine et entière, reste toujours inachevée. On n’en voudrait pour preuve que les atermoiements constatés au niveau du département de la Famille, de la Femme et de la Solidarité. Le ministère dirigé par Bassima Hakkaoui qui tourne en dérision la société civile –associée dit la ministre à tous les processus de décision-, n’a pas encore réussi à faire passer les deux lois sur la violence contre les femmes (texte vidé de sa substance et donc consacrant l’injustice qui frappe de plein fouet la femme) et sur le travail domestique (texte qui achoppe sur l’âge légal). Les ONG nationales et internationales considèrent le premier texte comme n’étant pas véritablement protecteur pour les femmes ; concernant le second projet, l’âge minimum pour travailler est fixé à 16 ans, alors même que les défenseurs des droits insistent pour le porter à 18 ans. Human Rights Watch avait adressé un courrier au gouvernement, le 15 février, l’appelant à renforcer son dispositif de protection des femmes contre la violence domestique, qui peut prendre plusieurs formes, économique, psychologique, sexuelle et bien sûr physique. Quant à l’UNICEF, elle a à son tour appelé le gouvernement Benkirane à revoir l’âge minimum pour le travail, à demeure ou ailleurs. Mais au-delà de toutes les joutes qu’une commémoration remet sur le tapis, force est de souligner que l’avenir de la femme au Maroc ne sera consolidé par de nouveaux acquis que lorsque le substrat culturel s’avère un terrain fertile pour l’éclosion de l’égalité. Et le meilleur des fertilisants en la matière, à n’en point douter, est bien celui qui a trait à l’éducation. Jamais la réforme de l’école ne s’est révélée aussi urgente. Osera-t-on franchir le Rubicon ? Voilà où on en est. Pas du tout, comme dirait l’autre, au bout de nos peines socio-culturelles.

PERSPECTIVES MED

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FEMMES EGALITÉ HOMME-FEMME par : L.M.

AU-DELÀ DES PRINCIPES, LE DROIT ! En célébrant la journée mondiale de la femme, le pays est en droit de s’intérroger sur les avancées réalisées sur la voie de l’égalité, principe consacré par la Constitution. Valeur aujourd’hui, la marche forcée pour assurer la normalité d’un tel principe est loin d’avoir abouti. Eclairages !

E

n matière d’égalité entre les sexes, une bataille dans les rangs de laquelle les partis progressistes marocains s’étaient investi de longue date, pressés en cela aussi par les associations féministes connexes, le débat est loins d’être définitivement tranché. Même si une avancée de taille a fait son chemin depuis 2011, avec la consécration du principe d’égalité homme-femme dans les tablettes de la Constitution. Tant il est vrai que la Loi Suprême fait grand cas du droit irréfragable de la Femme à disposer des mêmes droits, LA CONSTITUTION A responsabilités et avantages que son alter-ego, l’Homme. Car si la Constitution consacre CONSACRÉ L’ÉGALITÉ. l’égalité des genres, c’est au législateur et aux politiques APPLICATION publiques de veiller à sa traduction, dans les faits, dans PROBLÉMATIQUE ... les textes de lois, les règlements, etc. Ce qui relance le débat autour des institutions à ériger pour veiller sur un acquis, chèrement défendu et acquis, et agir en conséquence pour en faire une « normalité » dans la vie de tous les jours, l’égalité étant un droit transversal à faire respecter dans tous les domaines, sans restriction aucune. L’enjeu reste, pour le moment, éminemment politique. Car s’il est un enjeu majeur

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PERSPECTIVES MED

à faire valoir dans ce cadre-là, c’est bien sûr le bouclage des projets de loi, toujours en examen, relatif aussi bien au Conseil consultatif de la famille et de l’enfance qu’à l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination (APALD). Une architecture institutionnelle qui ne doit guère souffrir des miasmes « politico-politiciens » traditionnels qui « clivent » la société. On comprend dès lors les raisons qui poussent un pan de la société civile à exiger plus d’un Exécutif mal inspiré en la matière. D’ailleurs, à la pression des ONG, et elles agissent de plein droit en tant que « consciences vives » et forces de propositions, s’ajoute aussi celle du Conseil économique, social et environnemental, fora où les grandes questions d’intérêt général son passées au crible. Le CESE a assumé son rôle en critiquant les projets proposés dans leur mouture par Bassima Hakkaoui au non de l’Exécutif. D’abord pour n’avoir pas présenté de préambule qui est à même de fixer les objectifs recherchés par l’effort législatif. L’affaire est d’importance puisqu’il s’agit, pour le cas d’espèce, d’asseoir dans la pratique un pan de la culture des droits humains. Pour l’APALD, le référentiel universel (conventions de l’OIT) a été occulté alors que le monde du travail est en pleine mutation et exige, lui aussi, des pratiques conformes aux droits universellement reconnus. Bien plus, le


projet de B. Hakkaoui est vide de tout glossaire définissant la parité, l’égalité et la discrimination. La parité comme la lutte contre la discrimnation, positive ou négative, appellent à sortir du débat dans les cénacles pour les appliquer à la réalité de tous les jours. Reste à savoir si le jeu politique tel qu’il est enclenché verra la concrétisation des engagements que consacre la Constitution. Les partis politiques réussiront-ils à produire des listes de candidatures marquées du sceau de l’égalité où se contenteront-ils de reproduire les anciennes pratiques au motif que la politisation des femmes est faible ? Le Conseil constitutionnel ira-t-il du coup jusqu’à sanctionner les formations qui auront failli en la matière ? S’il est encore trop tôt pour en juger, gageons qu’il s’agit-là d’une épreuve des plus difficiles à réaliser… Sans un volontarisme politique capable de transformer un défi en autant d’opportunités pour donner corps à un principe inscrit dans la Constitution. Car il ne faut pas oublier que la population marocaine est majoritairement féminine : plus de 51% selon le dernier recensement légal de la population. Une majorité qui peine à percer, particulièrement dans le monde du travail, là où les pourcentages restent largement défavorables à la femme. Bien entendu, les centrales syndicales, intéressées au premier degré par l’APALD et son contenu, devraient faire preuve de plus de punch en défendant la cause féminine auprès aussi bien du gouvernement que des entreprises. Le dia-

logue social, agité comme simulacre par l’Exéutif, est la meilleure occasion pour faire avancer la cause de l’emploi des femmes

LE VOLONTARISME POLITIQUE EST À MÊME DE S’ASSURER DU BON CAP qui a chuté à 17%. Mais la bataille ne se limite pas à ce seul niveau puisque le monde du travail devrait, lui aussi, subir, par la force de la loi, les changements qu’induirait une parité promue et vérifiée. Des crèches pour les enfants pourrait inverser la tendance. Mais au-delà de ces considérations capitales, à n’en point douter, ce sont les incohérences du gouvernement qui parasitent la marche nécessaire vers l’égalité. Non seulement en faisant preuve d’amateurisme dans la confection des lois ad hoc, mais aussi en n’anticipant les changements nécessaires à introduire au niveau de nombre d’institutions susceptibles de veiller sur les droits humains. Et à ce stade, l’exemple du Conseil national

des droits humains est symptomatique d’une telle confusion. Déjà, le CNDH, en fin de mandat, est appelé à revoir sa composition. Mais le plus important consiste en une redéfinition des rôles qui lui sont impartis dans la veille sur les droits humains, l’égalité entre les sexes en tête. Au même titre que l’APALD qui doit nécessairement représenter, dans les faits, une institution indépendante au service de l’égalité. Enfin, si des retards sont ainsi cumulés, c’est parce que l’attelage gouvernemental, dans lequel le PJD joue un rôle central, fait preuve de résistance, fidèle en cela à ses lignesforce idéologique d’un marquage fortement conservateur. C’est ce qui retient l’attention à l’issue des débats qui agitent la société, notamment en matière de polygamie. Mais aussi d’héritage. La pression du camp moderniste, loin des calculs électoralistes, doit se faire sentir pour tirer la société vers le haut. Mais au vu de la mobilisation des uns comme des autres acteurs, rien ne semble définitivement acquis. Est-ce une raison pour que la société civile jette l’éponge ? Là aussi, il faut croire que le débat est loin d’être tranché. Voilà qui en dit long sur les soubresauts qui agitent la société de bout en bout. Un cap est nécessaire pour faire avancer le shmilblick. Avec, à la clé, un projet de société clairement défini. A la barre, la plus haute autorité du pays a donné le signal. Faut-il se coucher devant l’avancée des courants dont le traditionnalisme confine à l’obscurantisme ? That’s a question…

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FEMMES SAPHIRA AWARDS par : L.M

LE BUSINESS FÉMININ À L’HONNEUR Une kyrielle de femmes entrepreneures et cadres dirigeantes marocaines du monde se sont donné rendez-vous à Marrakech pour mieux asseoir les passerelles entre elles. Une occasion choisie par Anis Birou, ministre chargé des Marocains résidents à l’étranger et .des affaires de la migration, pour leur rendre hommage

D

eux jours après la célébration par le Maroc de la

CGEM se trouve une battante qui marque de son

journée mondiale de la femme,

empreinte le monde des affaires. Encore faut-il sou-

la journée du Jeudi 10 mars

ligner que sur ce terrain-là, la domination est tou-

fut assez singulière, à Mar-

jours le lot des hommes. Faut-il pour autant se ré-

rakech, pour saluer le courage

signer ? La réponse est à situer au niveau de la

dont fait preuve la femme

Saphira Awards, événement organisé à Marrakech

marocaine. Et plus spéciale-

pour rendre hommage à nombre de femmes entre-

ment celles qui ont choisi

preneures et cadres dirigeantes marocaines du

d’intégrer l’univers du bu-

monde. Anis Birou, ministre en charge des RME,

siness qui leur était inacces-

n’aura pas manqué de faire le déplacement pour

sible il n’y a pas si longtemps.

donner à cet événement toute l’aura qui lui sied.

Bien entendu, l’affaire aurait

Evénement qui clôtura une rencontre sur l’entre-

été banale si on se limitait à

prenariat au féminin. L’intérêt pour pareil événement,

considérer qu’à la tête de la Confédération patronale

auquel a été associée l’Association des femmes

DES AMBASSADRICES DU BUSINESS HONORÉES À MARRAKECH

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PERSPECTIVES MED


entrepreneur (AFEM), n’est donc point à

neurs ». A ses yeux, l’expertise des « am-

que l’occasion est des plus propices pour

démontrer. Tant l’entreprenariat féminin

bassadrices » du Maroc, ces femmes qui

permettre le développement du réseautage,

est reconnu comme l’une des principales

ont réussi à développer leur business dans

nécessaire pour le succès de tout business,

sources de croissance, de création d’em-

d’autres contrées, est « des plus louables

outre l’échange d’expériences.

plois, d’innovation et de richesses. D’ailleurs,

». Et la Saphira Awards représente ces sa-

Asmaa Mourine Azzouzi qui préside aux

un accroissement significatif d’entreprises

phirs exceptionnels, « ces pierres précieuses

destinées de l’AFEM s’est déclarée satisfaite

promues par des femmes a défrayé la chro-

qui par leur éclat illuminent et donnent

d’un événement qui « a tenu ses promesses

nique. Et dans ce cadre là, le Maroc a pu

encore plus d’éclat au Maroc ». Honneur

aussi bien sur le plan quantitatif que qua-

réaliser des avancées notables puisqu’il

a donc été rendu à une quarantaine de

litatif ». Les rencontres ayant été organisées

devance plusieurs pays émergents en la

au niveau de l’espace networking ont été

matière et va jusqu’à s’imposer comme

concluantes pour nombre de participantes

un pays phare sur le continent africain. Le ministre qui s’interdit de faire dans la langue de bois n’a pas manqué de relever que « malgré ce classement, l’entreprise féminine reste chétive. Comme en témoigne la faiblesse du pourcentage d’entrepreneures au Maroc ». Les 5.000 opératrices représentent à peine 0,5% du tissu démographique. D’où l’organisation de la Saphira Awards. Pour le ministre, l’événement cible comme « objectif de célébrer l’acte d’en-

MAINTENIR LES PONTS JETÉS ENTRE LES MAROCAINES D'ICI ET D'AILLEURS

à cet événement de choix. Rien de plus normal eu égard à la présence féminine de qualité. Que du beau monde dans le casting. On retrouvait cote-à-cote, une présidente de société canadienne (Gaufrabec Inc), une Senior Advisor chez Rothschild, une banquière, une leader de GE Aviation Bromont, une codirigeante d’une filiale d’ASM, une patronne de cabinet conseil, des actrices de la société civile et des universitaires… Tout y était pour que l’échange soit des plus fructueux. Plus, la

treprendre et de diriger au féminin et de créer un espace de rencontre, afin d’en-

conférence plénière SEW 2016 tenue sous

courager le partage d’expériences, de per-

femmes chef d’entreprise dans le monde.

le thème générique « Trilogie femmes,

mettre la rencontre avec des experts spé-

Mais au-delà de cet honneur mérité, « ce

entreprenariat et immatériel : quel décryp-

cialisés dans le développement de

sont les femmes marocaines actives dans

tage » a été des plus enrichissantes. Et il

l’entreprenariat et de profiter du retour

le monde et au Maroc » qui ont bénéficié

en est allé de même pour « l’Immatériel

d’expérience d’autres femmes entrepre-

de cet hommage singulier. A. Birou rappelle

Tour SEWI ».

PERSPECTIVES MED

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FEMMES VIOLENCE À L’ÉGARD DES FEMMES par : L.M.

LA RAGE DU TEXTE ET DU CONTEXTE

Pas moins de 6 millions de femmes marocaines sont affectées par une violence quotidienne. Des chiffres qui en disent long sur l’âpre combat pour l’égalité et le respect du genre. La deuxième mouture du projet de loi relatif à la lutte contre la violence faite aux femmes, présenté comme une avancée majeure par l’Exécutif, est soumis au feu de la critique.

«C’

est une avancée en matière de protection des

particuliers ». Côté cour, on se congratule de la

femmes, à travers la mise en place de mécanismes

prise en charge d’un tel phénomène handicapant

institutionnels de prise en charge des victimes,

pour la société de l’égalité souhaitée et souhai-

garantissant leur accompagnement et leur orien-

table. Mais coté jardin, il faut croire que le pro-

tation » annonce après l’adoption

jet de loi, dans sa deuxième mouture, est plus

en Conseil de gouvernement du

rétrograde que le premier présenté déjàen 2013.

projet de loi relatif à la lutte

C’est ce qui a fait réagir les ONG qui fustigent

contre la violence à l’égard des

un « texte mort-né ». Le Collectif printemps de

femmes. Le projet de loi, précise

la dignité et le réseau Anaruz considèrent le

le communiqué officiel, prévoit

projet de loi présenté par la ministre de la So-

« le caractère urgent des mesures

lidarité, la Pjdiste Bassima Hakkaoui, en deuxième

de protection à l’égard des vic-

version, comme une « escroquerie législative »

times » et « l’incrimination de

pour ne pas dire plus. Pourtant, c’est à une com-

EXIT LA PREMIÈRE MOUTURE DÉCRIÉE ! ET REBELOTE AVEC UNE DEUXIÈME...

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certains actes, désormais consi-

mission interministérielle qu’a été dévolue la

dérés comme un harcèlement sexuel, sanction-

mission de concocter un projet de loi supposé

nés par des peines sévères s’ils sont commis par

être consensuel. Commission qui a fait la sourde

des personnes définies et dans des contextes

oreille aux revendication exprimées par la so-

PERSPECTIVES MED


ciété civile. Résultat des courses, les pour-

la mécanique. Plus, le collectif qui attaque

fendeurs du projet de loi y voient « une

bille en tête le projet déplore la régression

régression » par rapport à l’ancienne mou-

en matière d’incrimination de certains

ture et ce à divers niveaux. Parmi les re-

actes dans la version du projet de loi Hak-

proches faits au projet figure « la volonté

kaoui. Les cas du vol, de l’escroquerie entre

de limiter l’implication de la société civile

conjoints et de l’atteinte à l’intégrité phy-

dans les affaires de violences à l’égard des

sique de la femme sont ainsi pointés du

femmes, surtout après que les ONG aient

doigt. Sans oublier « la non criminalisation

montré leur capacité de mobilisation dans

du viol conjugal et des violences écono-

certains dossiers », comme celui des filles

miques et psychologique ». La non prise en compte des certificats délivrés par les

LES DÉGÂTS PSYCHOLOGIQUES ? PAS VÉRIFIABLES NI QUANTIFIABLES

Dès lors, c’est à une réforme profonde du

psychologues établissant préjudice relève

projet que s’attache le collectif, réforme

de l’aberration. Le feu de la critique est

devant se baser sur les propositions ad

aussi nourri par l’abandon du cadre concep-

hoc déjà formulées.

tuel relatif aux formes de violence, conte-

Le collectif ne désarme pas pour rendre

nu dans la première version, remplacé par

justice à la femme. Et c’est vers les forma-

une brève définition générale », ce qui ouvre

tions de l’opposition et des syndicats, plus

la voie à l’impunité de quelques actes, en

réceptifs, espère-t-on, que ses membres

particulier la violence psychologique «dif-

se tournent pour « présenter une réponse

ficile à prouver par des éléments matériels».

réelle et efficace au phénomène de la vio-

Pourtant, dans la première version du

lence à l’égard des femmes. Des rencontres

projet recalé, 5 formes de violence à l’égard

sont déjà programmées dans ce cadre avec

des femmes avaient bénéficié chacune

les groupes parlementaires. Objectif :

d’une définition précise. Là, on en est loin.

amender le texte devant

d’Inzegane qui avait défrayé la chronique

Sur le plan de la procédure également, le

transiter par la chambre des représentants.

locale. Le projet assujettit, dans son article

collectif sort ses griffes. Ses militantes

Pour faire davantage pression pour que le

9, l’implication des ONG dans tout dossier

insistent sur le fait que « la réconciliation

projet de loi ne passe pas en l’état, le col-

« à un accord écrit de la part de la victime».

ou le retrait de la plainte ne doit pas conduire

lectif prévoit de multiplier les sit-in. Espé-

On est donc face à un grain de sable dans

à l’annulation de la poursuite ».

rons-le, sans violence policière !

PERSPECTIVES MED

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CHRONIQUE BONJOUR LES DÉGÂTS

LE VIOLON DU 8 MARS Par: Ould Riab

S

ous d’autres latitudes, le 8 mars a été célébré dans la singularité. Avouons que notre faune politique serait incapable de se grimer pour l’occasion. En reproduisant ce que d’autres hommes politiques ont osé faire: colorer leurs lèvres d’un rouge éclatant ! Les clichés ont immortalisé l’instant qui exprime, à n’en point douter, la volonté d’épouser une juste cause pour laquelle combattent les femmes de tous les continents ; celle de l’égalité. Mais ce jour là n’aura pas été des plus magiques at home. Comme on s’y attendait, quelques hommes politiques ont choisi de défrayer la chronique en procédant à la distribution de roses aux représentantes du deuxième sexe le long des travées de quelques ministères. Et même ceux qui croient fermement en la légitimité du combat de nos femmes pour l’égalité n’ont pas osé faire de grands discours sur la noble cause. Sachant que le momentum est des plus propices pour se démarquer des vents contraires qui soufflent sur un corps social que d’aucuns voudraient emmitoufler dans tout ce qu’il y a de pire : un conservatisme teinté à grand trait de religiosité. Jusqu’à quand doit-on persister à deviser sur le sexe des anges au lieu de gloser sur ce qui est porteur pour une société féminine à plus de 50% ? La question mérite d’être soulevée à l’heure où la majorité des associations qui ont tôt fait de se charger du lourd dossier de l’égalité peinent à trouver un terrain d’entente avec un gouvernement qui, si on le laissait faire, réduirait la femme à sa plus simple expression corporelle, juste bonne à la procréation. N’a-t-on pas souvenir du discours fort misogyne du chef du gouvernement développé à l’endroit des femmes qu’il qualifie de lustres propres à égayer les foyers ?! Venant du leader du parti de la lampe, faut-il y voir un progrès copernicien puisqu’il n’a pas réduit la femme à

NI LUSTRES NI CANDÉLABRES, NOS FEMMES MÉRITENT MIEUX !

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un simple candélabre où à un vulgaire bougeoir propre à enflammer toute la lubricité que l’homme nourrit pour sa moitié lorsqu’il n’y voit qu’un objet sexuel… En tout cas, ce qui est certain, c’est que A. Benkirane et consorts n’oseraient jamais se grimer pour défendre la cause féminine au-delà de ce qu’ils considèrent comme permis. Le rouge à lèvre relèverait-il du produit halal ? Pourtant, nos frères n’hésitent pas à teinter de henné leurs barbes broussailleuses lorsqu’elles blanchissent par l’âge, ni à souligner leur regard d’antimoine. Ah que le spectacle auquel nous a habitués le Chef du gouvernement aurait été des plus corsés s’il avait veillé à célébrer dans les règles de l’art le 8 mars avec ce que sa formation compte de militantes. Tout un Ahidous ! Surtout lorsque la liesse l’emporte au point d’imprimer aux boursouflures de son corps tous les échos des tambours chauffés à blanc. En tout cas, sa place est restée vide (comme on le dit chez nous) à Agadir lorsque les œuvres sociales de la municipalité PJD a choisi de festoyer à l’occasion du 8 mars. Il aurait certainement vu de ses propres yeux jusqu’où conduit la bêtise humaine lorsqu’on force un violoniste à jouer, box à part, pour les invitées. Histoire de soustraire l’artiste au regard féminin. Ne manquaient, pour l’occasion, que les barbelés ! Un Bouchaib Al-Bidaoui a certainement remué dans sa tombe, lui l’artiste qui a pris sur lui de faire revivre la culture des chikhate, honnie par les partisans de « l’art propre ». Mais c’est une autre histoire. N’empêche, une question cardinale attend de nous tous la réponse qui sied au Maroc du 3ème millénaire. Jusqu’à quand doit-on continuer à nous couvrir, tous autant que nous sommes, de ridicule en déniant à la femme son humanité ? Celle qui lui permet de vivre sans le moindre complexe d’infériorité parmi les siens pour contribuer, elle aussi, à l’essor du pays. Ni lustres, ni candélabres, nos mères et sœurs méritent d’être saluées bien bas tous les jours que le bon dieu fait. Et pas qu'un 8 mars. Elles ont le droit d’exister comme elles l’exigent, jouissant des droits humains, indivisibles, pour apporter à la société leur quote-part et permettre, enfin, au Maroc, de marcher sur ses deux pieds. Seuls les estropiés de l’esprit soutiendront le contraire. Amen !


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ÉCONOMIE &

MARCHÉS

C’ DÉFIS D’ÉMERGENCE

LES SENTIERS DE LA PERDITION

est grâce à toute une panoplie de réformes politiques de grande envergure engagées durant les deux dernières décennies que le Maroc a réussi à être à labri des vents du « printemps » qui ont soufflé dans l’espace arabe. Faut-il rappeler que le royaume est le seul pays de la région MENA a adopter trois constitutions en l’espace de 20 ans, pour accompagner les aspirations de la société marocaine ? Celle adoptée en 2011 vise notamment la consolidation des mécanismes de moralisation de la vie publique par la consécration des principes fondamentaux de l’économie sociale du marché et de l’Etat de droit, ainsi que le rehaussement du statut constitutionnel des acteurs de la vie démocratique et de la démocratie citoyenne et participative (partis politiques, syndicats, société civile et ONG). Le Royaume a réussi à maintenir sa viabilité socio-économique comparativement à d’autres pays comparables, grâce aux efforts déployés pour la promotion de sa stabilité macroéconomique et à la mise en place des réformes structurelles et institutionnelles ad hoc. Néanmoins, la vitesse imprimée à la convergence économique demeure relativement lente. La transition vers le palier de l’émergence demeure tributaire du développement de certaines variables institutionnelles clés qui tendent vers une généralisation des principes de bonne gouvernance via une formalisation accrue des règles. De plus, les espoirs déçus des réformes inabouties ont laissé les populations face des frustrations politiques et économiques non résolues et attisées par un chômage galopant. Voilà pourquoi afin de maintenir le pays dans sa stabilité, à ne pas confondre avec inertie, il est impératif d’accélérer le rythme de mise en œuvre des réformes salutaires telles que prescrites dans le texte suprême de la nation, avec une fidélité à son esprit et en concertation avec les forces vives du pays, le tout en évitant de succomber au chantage politico-populiste de l’urgence qui n’aura pour finalité qu’une dangereuse régression généralisée capable de générer les pires scenarii…

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ÉCONOMIE CROISSANCE ÉCONOMIQUE

FORCER LE DÉCOLLAGE… Par A.M.

Le Maroc est en transition. Le sujet est partiellement éclipsé par les discussions passionnées sur le ralentissement de la machine économique, son ampleur et ses répercussions à court terme. Au-delà de la question de la fiabilité des chiffres officiels, la soutenabilité du modèle économique interpelle à plusieurs égards. Tiré plus par la consommation interne, porté plus par les services, ce modèle semble à bout de souffle et génère désormais moins de gains de productivité et moins de croissance.

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lot de stabilité dans une région en profonde transition politique, le royaume n’arrive pas à accélérer le rythme de son émergence en dépit des réformes et efforts consentis depuis plusieurs années. Certes, des progrès ont été réalisés dans la gestion du cycle macro-économique et la capacité des autorités à maintenir les équilibres, cependant les blocages structurels qui contraignent la croissance persistent : l’importance d’un secteur agricole, qui est à la fois une force (20% du PIB et 40% de la population active), une variable d’absorption des chocs, mais aussi une faiblesse, car il entretient la volatilité de la croissance. Il explique aussi l’importance de l’économie parallèle (plus de 20% du PIB) et la relative faiblesse du taux d’épargne. Aussi, le Maroc souffre d’un double déficit chronique (budgétaire et externe) qui, bien qu’il se résorbe (le déficit courant est passé de -10% du PIB en 2012 à -2,7% en 2015, et le déficit budgétaire se réduit aussi de façon impressionnante entre ces deux dates, de -7,3% à -4,4%), limite toutefois la marge de manœuvre des politiques économiques. Pourtant, l’État a fait le bon diagnostic sur les blocages de la croissance à long terme, dans la mesure où il cherche à développer l’offre exportable

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et les destinations, avec des investissements d’infrastructure (routes, ports…), une politique d’attraction des capitaux étrangers. Cependant, le caractère inégalitaire de la réalité économique, qui varie parfois fortement d’une ville à l’autre, d’une région à l’autre, voire au sein d’un même secteur, complique sérieusement le décollage du pays. Car malgré l’excès d’investissements au niveau national, certaines régions ont toujours besoin de projets d’infrastructure améliorant ses capacités. Dans le même sens, et alors que la plupart des grandes entreprises offrent un profil plutôt sain, voire dynamique, le pays souffre d’une insuffisance de grosses PME, qui ont été, en Turquie par exemple, la base du décollage économique des années 2000. Les entreprises restent dans leur grande majorité des microstructures familiales, insuffisamment exportatrices et peu concurrentielles, ce qui pèse aussi sur l’investissement. L’ensemble ralentit le développement de la classe moyenne, de la consommation et, in fine, du PIB. Beaucoup reste à faire sur les questions de l’éducation, de la réduction de la pauvreté et de l’amélioration des infrastructures sociales.


FLUCTUATION ABYSSALE

L’économie nationale aurait bénéficié en 2015 d’une campagne agricole très favorable et d’une baisse importante des prix des matières premières notamment de la facture énergétique. Cependant, le ralentissement de la demande intérieure conjugué à la croissance modérée des exportations, sous l’effet de la poursuite de la morosité de l’économie européenne, tout cela a pesé sur la reprise des activités non-agricoles. Toutefois, le ralentissement de ces activités aurait été largement compensé par les résultats exceptionnels du secteur primaire portant la croissance nationale à 4,4 % en 2015 au lieu de 2,4% enregistrée en 2014. La pluviométrie a, ainsi, été autant porteuse d’une campagne agricole exceptionnellement bonne en 2015 qu’annonciatrice, en 2016, des épreuves redoutées des années sèches. La campagne 2015/2016 risque, ainsi, de figurer parmi les années les plus sèches qu’ait connues le pays. Dans ce contexte, le secteur primaire, affecté par le déficit pluviométrique de près de 61% jusqu’au mois de décembre 2015, devrait être marqué par une production céréalière en deçà de 40 millions de quintaux. Cependant, la valeur ajoutée agricole devrait bénéficier des récentes précipitations, de la contribution des différentes cultures irriguées et des retombées positives de la campagne précédente. Ainsi, sous l’hypothèse de la consolidation des activités du secteur de la pêche, la valeur ajoutée du secteur primaire connaîtrait une baisse de l’ordre de 10,2% en volume et sa part dans le PIB serait, ainsi, limitée à 11,4% en 2016 contre 12,7% en 2015. Les activités non-agricoles devraient réaliser, de leur côté, une valeur ajoutée en légère amélioration de 2,2% en 2016 au lieu de 1,7% en 2015. Dans ce cadre, le secteur secondaire, sous l’effet du réajustement mécanique de la croissance des activités minières et de la reprise progressive du secteur des BTP et industries de transformation, devrait connaitre une amélioration de sa croissance, passant de 1,4% en 2015 à 2,1% en 2016. Pour sa part, le secteur tertiaire devrait progresser de 2,2% au lieu de 1,9% en 2015. Les résultats modestes des activités non-agricoles ne permettant pas de compenser la baisse accentuée de l’activité primaire, le produit intérieur brut serait appelé à enre-

gistrer, une croissance en net ralentissement par rapport à 2015 à 1,3% selon les projections du HCP. Cette situation n’a pas manqué d’interpeller le haut-commissaire au plan quant au phénomène, désormais structurel, qui est de la faible croissance du secteur non-agricole. D’un taux de 4,7% par an, entre 2004 et 2012, son rythme d’évolution est passé à 2% entre 2013 et 2015. Ce ralentissement trouve son origine dans la forte décélération des activités tertiaires qui constituent 66% de la valeur ajoutée non-agricole. Avec une part de 32%, les services financiers, immobiliers et les services rendus aux entreprises, qui renvoient aux branches modernes de l’économie, ont le plus contribué à cette décélération. Leur progression est passée de 5,9% en moyenne entre 2004 et 2012 à 1,8% en 2015. Par ailleurs, les services non-marchands, subissant les effets de la rigueur budgétaire, ont manqué éga-

LA FORCE RÉSIDE-T-ELLE DANS LES NOUVEAUX METIERS lement de vigueur après une hausse notable lors de la période 2003-2013. Outre le ralentissement des services, l’activité hors agriculture a été affectée par les faibles performances du secteur secondaire, dominé par les activités traditionnelles, à l’image des industries du textile-habillement et de l’agroalimentaire, dont la part dans le total exporté n’a cessé de baisser, pour atteindre 29% en 2015, au lieu de 40% en 2007. Les secteurs émergents assimilés aux « métiers mondiaux », comme l’automobile et l’aéronautique qui connaissent une dynamique remarquable depuis 2010 ont amélioré, certes, le niveau de compétitivité de nos exportations. Néanmoins, ils ne parviennent pas à créer l’effet d’entraînement escompté sur l’appareil productif et à relever, ainsi, substantiellement la valeur ajoutée du secteur non-agricole.

DÉFIS MULTIPLES

Au terme de l’analyse détaillée de l’évolution de l’économie nationale en 2015 et de ses perspectives en 2016 faite par le HCP, plusieurs points chauds ont été relevés par Ahmed Lahlimi. Selon ce dernier, et à côté de l’effort réalisé par le Maroc pour rétablir ses équilibres fondamentaux, la tendance au ralentissement de la demande intérieure qui constitue la principale source de croissance des activités non-agricoles persiste, et ce, malgré une maîtrise de l’inflation et une aisance des liquidités monétaires soutenue par une nette reconstitution des réserves de change du pays. La deuxième remarque concerne la demande extérieure qui bien qu’elle amorce une timide progression de contribution à la croissance, il n’en reste pas moins qu’elle ne saurait se défaire de son caractère éphémère tant que l’offre exportable ne gagne pas en diversification, en croissance et en compétitivité. En ce qui concerne l’investissement, en facteur stratégique pour une amélioration durable de la croissance et de l’emploi, le Haut-commissaire constate amèrement que l’atténuation du déficit budgétaire se réalise par un relâchement de l’effort de l’investissement public sans que le capital privé ne prenne significativement le relai, ni qu’une politique monétaire, confortée par une situation internationale favorable, n’apporte sa souhaitable contribution à la redynamisation de l’activité non-agricole. Enfin, et sur le plan de la conjoncture agricole, au-delà de ses effets sur la croissance économique, elle fait peser plusieurs menaces sérieuses dans l’immédiat, sur l’état du cheptel et de l’emploi, du revenu et des conditions de vie des populations rurales ainsi que sur les ressources hydrauliques qui, sauf retournement exceptionnel de la conjoncture climatique, devraient connaitre de réelles tensions. A. Lahlimi exhorte les forces vives du pays, décideurs compris, de profiter de la manne de 2015 afin de s’inscrire au-delà de la donne climatique de 2016, dans la perspective de l’année 2017, afin de procéder à des ajustements de la politique économique, financière et monétaire, autant qu’à la politique sociale. Et ce, pour parer à tout facteur d’instabilité que pourrait engendrer la problématique de la pauvreté et des inégalités sociales et territoriales. Cela s’apparente à un SOS.

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ECONOMIE BANK AL MAGHRIB par:A.M.

CROISSANCE ET TAUX À LA BAISSE

A

près une performance de 4,2% en 2015, portée par la conjonction de facteurs temporaires positifs, notamment une bonne campagne agricole et un faible coût de l’énergie, la croissance devrait s’inscrire en net ralentissement en 2016 avant de reprendre en 2017, selon Bank Al Maghrib. Ses prévisions pour 2016 ont été revues à la baisse pour s’établir à 1% au lieu de 2,1% communiquée en décembre. Pronostic consécutif à la révision à la baisse de la production céréalière, estimée désormais à 38 millions de quintaux au lieu de 70 millions en décembre. La VA agricole devrait ainsi se contracter de 13,8% et le PIB nonagricole continuerait à évoluer à un rythme limité de 2,9% selon A. Jouahri. Du côté de la demande, la croissance en 2016 devrait pâtir de la décélération de la consommation finale des ménages sous l’effet, en particulier, de l’affaiblissement des revenus agricoles. De même, le rythme de croissance de l’investissement devrait ralentir, comme en témoigne la décélération du crédit au secteur non-financier, traduisant l’attentisme des opérateurs privés en lien avec les incertitudes entourant les perspectives de l’économie nationale ainsi que le manque de dynamisme de la consommation privée. En 2017, la croissance devrait s’accélérer à 3,9%, sous l’hypothèse d’un retour à une campagne agricole normale, de l’amélioration de l’activité dans la zone euro et de l’assouplissement des conditions monétaires qui devraient soutenir la demande intérieure (une hausses de 10,8% de la valeur ajoutée agricole et de 3,1% du PIB non-agricole). Côté finances publiques, BAM estime que le processus d’ajustement budgétaire, conforté par les niveaux bas des prix du pétrole et les recettes

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prévues en dons des partenaires du CCG, devrait se poursuivre à moyen terme malgré le faible rythme des activités non-agricoles. Le déficit budgétaire devrait ainsi avoisiner 3,7% du PIB en 2016 et 3,1% du PIB en 2017. Le conseil de BAM a aussi relevé que malgré les conditions accommodantes, le crédit bancaire au secteur non-financier a continué de décélérer dans un contexte de faible niveau des activités non agricoles. Sa progression est revenue à 0,4% en 2015, recouvrant un repli de 2,2% des prêts aux entreprises et une hausse de ceux destinés aux ménages à 3,7%. En termes de perspectives, tenant compte de l’ensemble de ces éléments et des anticipations du secteur bancaire, son rythme devrait se situer autour de 2,5% en 2016 et de 4% en 2017. Aussi, et après le faible impact des baisses successives de son taux directeur, la banque centrale qui ambitionne de soutenir l’activité économique a décidé de réduire son taux de 25 points de base à 2,25%. Enfin, pour ce qui est de l’inflation, et après avoir constaté sa tendance baissière durant ces derniers mois, la banque centrale a abaissé ses prévisions en la matière à 0,5%. Cette révision s’explique par la poursuite de l’atonie de la demande intérieure, les niveaux plus bas que prévus des prix des matières premières ainsi que par l’annulation de la hausse prévue en janvier 2016 des tarifs d’eau et d’assainissement. De même, l’annonce de la décompensation du sucre à partir de janvier 2016 ne s’est pas concrétisée. En 2017, l’inflation devrait se redresser tout en restant à un niveau modéré, soit 1,4%. Cette évolution s’explique principalement par l’amélioration de la demande intérieure et la hausse prévue des prix du pétrole.


CMC MOROSITÉ AMBIANTE

PAI

16 CONTRATS ENTÉRINÉS

Selon l’enquête du Centre marocain de conjoncture (CMC), un soupçon de pessimisme règne chez la majorité des chefs d’entreprises (67%) concernant la croissance en 2016. Pour les industriels, les conditions du marché intérieur auraient un impact moyennement favorable pour 43,5% et favorable pour 30,4%. Toutefois, le sondage révèle quelques points positifs, notamment la contribution des investissements publics à la croissance,

LE MORAL DES TROUPES PATRONALES N’EST PAS AU BEAU FIXE, SELON LE CMC

Le Plan d’accélération industrielle -PAI- 2014-2020, a été enrichi de 16 contrats supplémentaires. Le ministère de l’Industrie et le Fonds Hassan II pour le développement economique et social ont signé le 2 février les conventions d’investissement afférentes pour une enveloppe de 1,4 Mrds Dhs. Portant essentiellement sur les secteurs de l’automobile avec 11 projets, de l’aéronautique (4 projets) et celui de l’électronique, les contrats conclus devraient générer 4 100 emplois et brasser 2,8 Mrds Dhs de chiffre d’affaires à l’export à horizon 2020. Par région, Tanger-Tétouan-Al Houceima occupe la première marche du podium avec 46% des projets, talonnée par Rabat-Salé (45%) et Casablanca-Settat (9%). Pour sa part, la répartition du capital par pays d’origine indique que la France arrive en tête avec 36% du montant des investissements de création ou d’extension couvrant les métiers diversifiés de la chaîne des valeurs des secteurs en questions. L’Allemagne occupe, elle, la deuxième place avec 30% des investissements, suivie des USA (14%), de la Tunisie (13%), de l’Espagne (6%) et des Emirats Arabes Unis (1%). Enfin, il est à signaler que l’effet de levier de la contribution du Fonds Hassan II génère pour chaque million de Dirham investi 8,22 M Dhs d’investissements et 24 emplois stables.

considérée comme plutôt favorable pour 47,8% des chefs d’entreprises et favorable pour 28,3%, la dépendance de la croissance à la reprise progressive chez les partenaires commerciaux du Maroc, la chute des cours des produits pétroliers, qui impacte positivement la facture énergétique et les coûts de production, et la demande étrangère qui est perçue comme favorable à la croissance pour 28,3% et moyennement favorable selon 37%. Cette enquête a aussi révélé des critiques concernant les dispositions de la Loi de Finances puisque 60% des patrons indiquent que la hausse de l’investissement reste à renforcer face au cycle conjoncturel et que plus de 50% estiment que les nouvelles mesures fiscales et les mesures en faveur des PME/ PMI sont insuffisantes. Néanmoins, la satisfaction a été exprimée en faveur de la décompensation pour 63%, des objectifs de réduction du déficit budgétaire pour 52,2% et du déficit externe pour 30,1%.

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ECONOMIE BANQUES

STRESS TEST RÉUSSI Par: A.M.

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la suite de l’évaluation du système financier opérée en avril et septembre 2015 par le FMI et la Banque Mondiale, il ressort que les 8 Groupes bancaires passés sous revue (90% du total bilan du secteur) sont suffisamment capitalisés (ratio de solvabilité de 13,8% et Tier 1 de 11,6% à fin 2014), demeurent rentables malgré le ralentissement du crédit et la montée du risque (RoE sectoriel supérieur à 10%) et devraient globalement résister à un choc extrême (dégradation des conditions financières internationales, récession en Europe, forte volatilité du prix du pétrole, etc.) sur un horizon de 3 ans. Toutefois, une Banque (représentant 6,1% des actifs du secteur) se retrouverait avec des ratios réglementaires inférieurs aux normes de BAM. D’un autre côté, la qualité du portefeuille des Banques se serait détériorée (taux de créances en souffrance -CES- de 7,2% en juin 2015) dans un environnement économique peu porteur, bien que le risque soit suffisamment provisionné (taux de couverture de 66% en juin 2015). Parmi les facteurs cités, la forte sinistralité du secteur hôtelier et de restauration (taux d’impayés de 21% en 2014), pénalisé par l’instabilité dans la région. Néanmoins, les Banques ont réduit leur exposition au secteur touristique en 2015, concrétisé par une baisse de 11% des prêts octroyés à cette branche d’activités ramenant son poids à 2% dans leur portefeuille contre 2,4% en 2014. Les autres secteurs risqués où le taux de CES dépasse 10% dans chaque segment (transport, communication, agriculture et commerce) représentent un encours de crédit de 113 Mrds Dhs à fin 2015. Les Banques seraient également vulnérables aux

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défaillances des grandes entreprises ainsi qu’au risque de retraits massifs de dépôts des grands comptes. Dans ce contexte, les difficultés rencontrées par un certain nombre de grands comptes a conduit BAM à annoncer une prochaine baisse du seuil d’exposition maximal de 20% à 15%, nécessitant un rééquilibrage du portefeuille des Banques. Ce réajustement pourrait profiter aux TPME qui éprouvent des difficultés à accéder au crédit bancaire, particulièrement au regard des exigences de garanties élevées. En effet, ces sociétés représentent un faible poids dans le portefeuille de crédit des Banques en raison de leurs problèmes de sous-capitalisation et de gouvernance. L’inclusion financière de ces entreprises demeure, ainsi, un chantier sur lequel les Banques doivent fournir davantage d’efforts, en proposant des solutions concrètes pour améliorer leurs relations et redynamiser le crédit. Du côté des activités transfrontalières, les expositions des Banques marocaines aux risques de leurs filiales en Afrique subsaharienne semblent limitées (incidence d’environ 1% du capital réglementaire en cas de sévère détresse dans ces filiales) mais des efforts immédiats devraient se concentrer sur les lacunes réglementaires et de contrôle dans ces activités. Sur un autre plan, le Fonds prévient quant à l’interdépendance entre les grandes Banques et les compagnies d’assurances, celles-ci étant vulnérables aux éventuelles faillites des Banques (partenaires ou maison mères). Enfin, le contrôle bancaire est jugé efficace et devrait continuer à se renforcer, particulièrement avec l’adoption prévue de la nouvelle Loi portant sur les statuts de BAM.


RISQUE MAROC

COFACE RASSURE

Selon la dernière évaluation du risque pays et du climat des affaires au Maghreb réalisée par la compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur - COFACE-, le Maroc conserve sa note A4. Cette bonne note attribuée au Maroc est le résultat d’une année 2015 marquée par une forte valeur ajoutée agricole, dont la croissance atteint 13%. En 2016, l’expert en assurance-crédit prévoit une croissance moins que celle observée en 2015 en raison d‘une campagne agricole en baisse malgré l’amélioration que devrait afficher les secteurs non-agricoles, notamment ceux des télécommunications, de la santé, de l’automobile et du BTP. Ce dernier devrait bénéficier d’un nouveau programme de logements sociaux. Sur le plan budgétaire, le déficit public devrait se réduire significativement en 2016 profitant toujours de la réforme des subventions. Au volet paiement, le Maroc devrait continuer à profiter de la chute des cours des hydrocarbures lui permettant ainsi de conserver une balance énergétique réduite. Au même titre qu‘en 2015, les importations devraient diminuer, mais à un rythme plus lent et la reprise européenne devrait conforter la progression des exportations des secteurs automobile et aéronautique mais qui ne devraient pas compenser suffisamment la faible progression des exportations de phosphate. L’investissement, dont la contribution à la croissance a été positive en 2015, devrait, pour sa part, s’accroître légèrement en 2016. Enfin, il est à noter que le Maroc s’en sort mieux que ses voisins du Maghreb, pour qui les notes ont été revues à la baisse par COFACE : B pour l’Algérie et la Tunisie, et D pour la Libye.

LOGEMENT BESOIN URBAIN Selon les résultats de l’enquête sur la demande en logements réalisée par le ministère de l’Habitat, le besoin en logement devrait s’accroître sur les prochaines années, notamment en raison de l’exode rural. A cet effet, les prévisions du ministère tablent sur 3 scenarii, le premier prévoit la production d’un parc logements global de 1,35 millions d’unités à horizon 2020, soit près de 270 000 unités par an sur 5 ans. Le deuxième vise le développement de 2,9 millions de logements à échéance 2030, soit plus de 193 000 unités par an à terme. Le dernier comporte la réalisation de 2,1 millions d’unités sur 10 ans, soit 210 000 unités par an. Quel que soit le scénario retenu, la production moyenne annuelle pour résorber le déficit semble impossible à atteindre, selon le ministère. L’effort à déployer pour combler les besoins en logements serait prioritairement concentré sur l’habitat social, premier driver du secteur immobilier. En parallèle, plus de 500 000 logements devraient être rasés et reconstruits pour des raisons d’insalubrité (faible ensoleillement, absence de ventilation et d’éclairement naturel ainsi qu’un emplacement à forte pollution tant sonore qu’environnementale) .

GPBM ROUND UP POSITIF Selon les chiffres publiés par le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM) au titre de l’exercice 2015, les dépôts bancaires ressortent en hausse de 5,6% à 818 Mrds Dhs. Par Banque, BCP occupe la première marche du podium avec une croissance de 7,2% des dépôts pour une part de marché de 27,3%, talonnée par Attijariwafa Bank dont l’encours croît de 5,3% pour une part de marché de 24,5% et par BMCE Bank qui enregistre une hausse de 8% pour une part de marché de 14,2%. En revanche, les ressources de BMCI se replient de 3% pour une part de marché de 5,1%. CIH Bank affiche, elle, une nette amélioration de 12,6% pour une part de marché de 2,8%. Au volet crédits à l’économie, ceux-ci se hissent de 2,7% à 784 Mrds Dhs à fin 2015. Dans le détail, BCP devient désormais leader sur le marché avec une PDM de 24,6% suite à l’amélioration de 2,3% de ses financements à 192,3 Mrds Dhs. A l’opposé, Attijariwafa Bank perd 1,6 point de part de marché à 24,2% sous l’effet du recul de 4% de ses financements. BMCE Bank clôture, elle, l’exercice avec une progression de 10% à 125,3 Mrds Dhs pour une PDM en accroissement de 1,3 points à 16%. Enfin, le GPBM a noté que le coefficient d’emploi sectoriel baisse de plus d’un point à 90%.

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ECONOMIE PROJETS LOGISTIQUES

L’AMDL FAIT LE PLEIN

LIBERTE ECONOMIQUE

ENCORE DES EFFORTS Selon le rapport 2016 sur la liberté économique établi par la fondation américaine « The Heritage Foundation », le Maroc se classe au 85ème rang sur 178 pays (vs. 89ème rang en 2015) pour un score de 61,1 points en hausse de 1,2 pts comparativement à l’année précédente. Cette progression est redevable à la mise en oeuvre d’un ensemble de réformes structurelles et au raffermissement de la stabilité macroéconomique, favorisant ainsi le principe de la libre entreprise et du commerce. Dans ce sillage, la fondation salue la facilitation des procédures de création d’entreprises, la capacité du Royaume à attirer et diversifier les Investissements directes étrangers ainsi que la ténacité et la compétitivité du secteur bancaire qui renforce de plus en plus sa présence à l’international. En contrepartie, elle insiste sur la nécessité de lutter davantage contre la corruption, renforcer l’indépendance et l’efficience de la justice, réduire considérablement l’endettement de l’Etat et encourager la croissance de l’emploi. Sur le plan régional, le Maroc se situe à la 9ème position dans la zone MENA, surclassant respectivement la Tunisie, l’Egypte et l’Algérie. Il est à noter, enfin, que cet indice est déterminé à partir de dix critères regroupés en quatre catégories à savoir l’autorité de la loi, les limites du gouvernement, l’efficacité de la réglementation et l’ouverture des marchés.

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Tenu récemment sous la présidence du ministre de l’Equipement, du Transport et de la Logistique, le Conseil d’administration de l’agence Marocaine de développement de la Logistique -AMDL- a validé une enveloppe de 133,6 M Dhs pour la réalisation de projets d’envergure au titre de l’exercice 2016. En effet, ces projets s’inscrivent dans le cadre du plan d’actions relatif aux nouveaux programmes concernant la mise à niveau de la logistique urbaine dans plusieurs villes et la mise à niveau logistique des PME. Le plan d’action prévoit également un plan de formation à l’horizon 2020 destiné au développement des compétences dans le domaine de la logistique et à l’adéquation formation-emploi. Le budget validé devrait aussi couvrir les dépenses de fonctionnement de l’institution. L’Agence compte également poursuivre ses efforts en vue de moderniser et d’améliorer les pratiques des entreprises opérant dans le secteur en mettant en place un encadrement normatif, réglementaire et juridique. Un contrat-programme entre l’Etat et l’AMDL serait en cours de préparation pour le renforcement du rôle de cette dernière dans le déploiement de la stratégie nationale. Enfin, il est à signaler que la 2ème tranche de la zone logistique de Zenata sera lancée courant 2016.

133,6 MDH, TELLE EST L’ENVELOPPE DÉDIÉE AUX PROJETS LOGISTIQUES


MOODY’S NOTE LE MAROC

STABILITÉ RELATIVE

« Ba1-stable », telle est la note maintenue pour le Maroc par l’agence de notation Moody’s. selon le dernier rapport de l’agence américaine, le Maroc préserve de bonnes perspectives de croissance. Cette stabilité se trouve renforcée par la baisse des prix du baril de pétrole combinée à la mise en œuvre d’un nouveau système de décompensation ayant soulagé significativement les finances publiques, ramenant ainsi le déficit budgétaire sous la barre des 4% du PIB. Dans ce sillage, les analystes de Moody’s estiment que l’Etat devrait bénéficier de l’allégement du déficit public qui pourrait apporter de nouvelles ressources pour les investissements publics notamment dans les secteurs des services, des industries d’exploitation et des énergies alternatives, ce qui devrait contribuer fortement à la création d’emplois. L’agence de reste néanmoins prudente vis-à-vis de la situation économique marocaine, fortement volatile, tablant dans ces conditions, sur une croissance de 2,5% en 2016, impactée par une mauvaise saison agricole. Des prévisions qui restent plus optimistes que ceux du CMC, mais un cran en dessous de ceux du FMI et du Gouvernement. Enfin, Moody’s tient à déclencher le signal d’alarme concernant la réforme de retraite qui tarde à se concrétiser et qui pourrait impacter négativement la note du Maroc.

OBG TOUT EN ROSE… Oxford Business Group (OBG) est plus optimiste au sujet de l’économie marocaine que les institutions nationales. Alors que Bank Al Maghrib table sur une croissance de 2,1% en 2016, et le HCP la voit à moins de 1,3%, le cabinet britannique d’intelligence économique OBG s’attend à une croissance de 3%. En 2016, les autorités marocaines ambitionnent de «rehausser la contribution de certains secteurs clés au PIB, notamment l’agriculture et l’industrie, par le biais d’un ensemble de programmes ciblant les producteurs locaux et de mesures financières incitatives pour les investisseurs», explique l’OBG dans son rapport sur les performances économiques accomplies et les défis qui attendent l’économie marocaine.

CHÔMAGE

BAISSE EN TROMPE L’ŒIL !

Selon la dernière note du HCP sur l’emploi au Maroc, l’économie nationale aurait créé 33 000 postes d’emploi entre 2014 et 2015, résultat d’une création de 29 000 postes en milieu urbain et de 4 000 en milieu rural. Par Branche, 32 000 postes ont été créés dans le secteur des services, 18 000 dans les BTP et 15 000 dans l’industrie incluant l’artisanat. A l’opposé, le secteur de l’agriculture, forêt et pêche en a perdu 32 000. L’analyse des principales caractéristiques de la population active en chômage révèle que 80,5% des chômeurs sont des citadins, 63,5% sont des jeunes âgés de 15 à 29 ans, 29% détiennent un diplôme de niveau supérieur, 51,7% sont primo-demandeurs d’emploi, 65,3% chôment depuis plus d’un an, 24,7% se sont retrouvés au chômage suite à un licenciement et 5% suite à l’arrêt d’activité de l’établissement employeur. En conséquence, le chômage a baissé de 19 000 personnes (dont 10 000 en milieu urbain), fixant le volume global du chômage à 1 148 000 personnes à l’échelle nationale, avec un taux à 9,7% en 2015 contre 9,9% une année auparavant. Par zone, ce taux est passé de 14,8% à 14,6% en milieu urbain et de 4,2% à 4,1% en milieu rural. Le taux de sous-emploi s’est accru, pour sa part, de 0,5 point, passant de 10,3% à 10,8% au niveau national. Il est passé de 9,5% à 9,9% en milieu urbain et de 11,2% à 11,8% en milieu rural. Enfin, il est à noter que la population active âgée de 15 ans et plus a augmenté de 0,1% à 11 827 000 personnes à fin 2015, comparativement à la même période une année auparavant. Le taux d’activité s’est, quant à lui, replié de 0,6 point, passant de 48% à 47,4%.

1.148.000, TEL EST LE CHIFFRE GLOBAL DU CHÔMAGE À L’ÉCHELLE NATIONALE

PERSPECTIVES MED

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ECONOMIE FINANCEMENT DES ENTREPRISES par : M.T.

VERS PLUS DE DÉSINTERMÉDIATION Le crédit semble de plus en plus échapper aux établissements financiers pour tomber entre les mains des entreprises. Celles-ci délaissent de plus en plus les banques et se financent auprès de leurs fournisseurs en jouant sur les délais de paiement et sur les avances de trésorerie. Un jeu qui n’est pas sans risque, les défaillances atteignant des records.

P

réoccupées de plus en plus par le poids des créances douteuses qui vont crescendo dans un environnement économique incertain, les banques sont devenues plus réticentes que jamais en ce qui concerne l’octroi des crédits. Face à cela, une (r) évolution est en train de se produire du côté des entreprises qui s’adonnent de plus en plus aux crédits fournisseurs. En effet, durant les cinq dernières années, on assiste de plus en plus à une certaine « désintermédiation » exprimant aussi bien un besoin de diversification de l’intermédiaire bancaire qu’une réaction au difficile accès au financement

FORTE TENSION SUR LA TRÉSORERIE DES PM/ETPE

XXX XXX XXX XXX

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fourni le système bancaire. Face au durcissement des mesures prudentielles édictées par BAM, les entreprises se sont tournées vers des modes de financement tels que le capital risque et le capital investissement mais, surtout, les crédits interentreprises. Résultat : ceux-ci, qui ont augmenté de 2010 à 2014 de 36% (près de 100 milliards de dirhams par an), pour atteindre 365 Mrds Dhs en 2014, soit près de 40% du PIB. Pendant ce temps, bien qu’ils aient suivi une tendance haussière, les crédits bancaires ont évolué moins rapidement (17%) pour s’établir à 326 Mrds Dhs en 2014 (337 Mrds Dhs en 2015). Les crédits « desintermédiés » représentent donc le double de l’encours des prêts bancaires à court terme dépassant au passage l’ensemble des crédits aux entreprises (trésorerie et équipement). Cette tendance qu’on peut considérer comme positive du point de vue de recours aux modes alternatifs de financement cache derrière elle plusieurs


maux du tissu économique, surtout des PME et TPME. Celles-ci sont de plus en plus victimes d’allongement de durée de règlement de leur facture surtout si leur fournisseur est de taille plus importante. Autant dire qu’avec l’assèchement des liquidités qui a perduré durant les dernières années, ce phénomène ne cesse de s’amplifier avec, en parallèle, un comportement de paiement interentreprises en dégradation continue causant au passage des dégâts conséquents pour les TPE et PME. Ainsi, les défaillances d’entreprises, qui ne cessent d’augmenter ces dernières années, ont atteint un record en 2015 et comptent perdurer sur cette lancée en 2016.

TAUX DIRECTEUR SANS EFFET !

« En 2010, les encours des crédits et des crédits interentreprises étaient au même niveau. Depuis, le taux de croissance du crédit inter-entreprise a augmenté deux fois plus vite que les crédits bancaires », rappelle l’économiste Tarik El Malki, membre du Centre marocain de conjoncture (CMC). Une brèche que les entreprises s’offrent de plus en plus hors du monopole bancaire en profitant des nouvelles possibilités de financement. En tout cas, c’est que reflètent les dernières statistiques concernant le crédit bancaire. En décélération, son encours s’est établi à 784,2 Mrds Dhs en 2015, en augmentation de 2,7% sur un an. Quoique supérieure à celle de 2014 (2,2%), cette performance demeure inférieure à 3,9% enregistrée en 2013, 4,6% de 2012 et 10,6% de 2011. Plus, lorsqu’on scrute les évolutions des crédits en détail, on trouve que ce sont les crédits aux sociétés financières qui culminent à 111 Mrds Dhs (en augmentation de 20% contre -10% en 2014) qui tirent la croissance des crédits bancaires. Ces chiffres suggèrent des interrogations sur l’impact ou la transmission des abaissements du taux directeur (de 3% à 2,75% en septembre 2014 de 2,75% à 2,5% en décembre de la même année. Encore que « les encours bancaires augmentent, les crédits octroyés pour financer l’économie eux stagnent d’une année à l’autre », rappelle l’analyste du CMC. Cette situation on ne peut plus alarmante, au vu des dégâts qu’elle cause, n’a pas laissé indifférents les plus importants acteurs de la scène, à savoir Bank Al Maghrib, le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM) et la Confédération générale des entreprises

du Maroc (CGEM). Ce beau monde s’est réuni pour tenter de trouver une solution à ce tassement du crédit dédié au financement de l’économie. Cette réunion s’est soldée par la création d’une commission en charge de proposer un plan d’action pour remédier à la situation. Surtout que « les banques regorgent, aujourd’hui, de liquidités (plus de 800 milliards de dirhams en termes de dépôts, en augmentation de pratiquement de 10%). Ce qui tranche avec ce qu’on a connu, il y a quelque années, lorsque BAM devait injecter un certain nombre de liquidités par semaine pour lutter contre le problème des sous-liquidités du marché interbancaire ». Si là, le problème du déficit de liquidités des banques semble être réglé, la même

DES RÉSOLUTIIONS ALTERNATIVES EXISTENT

source précise qu’il est loin de l’être pour les PME.

2016, ANNÉE FATIDIQUE !

Déjà, 2015 a été une année particulièrement meurtrière pour les entreprises marocaines. Les défaillances ont atteint un record inédit. Pas moins de 5783 ont du baisser le rideau, soit une augmentation de 15% selon le spécialiste du renseignement commercial Inforisk. Des chiffres qui rejoignent ceux de la société d’assurance-crédit Euler Hermes qui tablaient sur 5800 « business » en faillite en 2015 et pronostique une évolution à deux chiffres en 2016. En somme, les défaillances d’entreprises devront s’élever à plus de 6400 vers la fin de l’exercice en cours. Ces deux sources, qui s’accordent à dire qu’on est bien loin d’une inversion de tendance, indiquent que les secteurs de l’immobilier,

BTP, minoterie, sidérurgie et le commerce sont les premiers concernés. La majorité de ces entreprises ont fermé à cause de la fatidique question des délais de paiement qui ont atteint 9 mois pour les TPE et PME. Dans l’attente de la nouvelle mouture de la loi sur les délais de paiement et les marchés publics qui doivent diminuer le délai à 60 jours pour les marchés publics, certains connaisseurs, à l’image des experts d’Euler Hermes et d’Inforisk qui s’attendent au rallongement des délais de quelques jours, envisagent le pire. C’est le cas du directeur général de la filiale marocaine du spécialiste de l’information commerciale et financière d’entreprise Coface, Frédéric Louat, qui estime que « dans un contexte où le crédit bancaire est historiquement bas, nous pensons que les délais de paiement vont continuer à se dégrader. F. Louat qui s’exprimait lors d’une conférence organisée récemment par la CFCIM, fustige le manque d’intérêt donné à cette question. « Aucun de nos interlocuteurs ne fait référence à la loi sur les délais de paiement comme facteur d’amélioration de la situation». « Sur les crédits octroyés pour financer l’économie marocaine qui se situent à près de 800 milliards, moins de la moitié (40%) sont dévolus au secteur privé (330 milliards) et seules 30% sont donc dévolus aux PME ». Ce qui pose, selon cet enseignant à l’ISCAE, « un véritable problème de fond dans la mesure où chacun sait à quel point l’accès au financement pour les entreprises est un facteur de compétitivité extrêmement important ». Quoiqu’il y ait des pistes à suivre (ouverture du capital boursier aux PME à travers une réforme du troisième compartiment, les outils et instruments du financement public mis en place dans le cadre du plan d’accélération industrielle et les nouvelles sources de financement qui sont en train de se mettre en place, le crédit-bail et les nouveaux instruments de financement dont notamment le capital risque et le capital investissement), l’accès au financement reste le problème majeur pour les entreprises marocaines. Surtout que l’appui fourni aux PME par les établissements dédiés (CCG, Maroc PME etc.) s’avère insuffisant. Une banque publique d’investissement serait peut la meilleure solution à apporter à cette problématique qui asphyxie les PME et TPE.

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ECONOMIE FINANCES PUBLIQUES par: A.M.

DÉFICIT À 14 MRDS DHS

D’

après les statistiques de la Trésorerie générale, la situation des finances publiques à fin février 2016 fait ressortir une hausse de 1,5% des recettes ordinaires à 29,2 Mrds Dhs, pour des dépenses ordinaires en baisse de 2,2% à 34,3 Mrds Dhs. Au registre des recettes ordinaires, les Recettes fiscales ont progressé de 5,9% à 27,5 Mrds Dhs. Les droits de douane ont bondi de 23,6% à 1,6 Mrds Dhs, les droits d’enregistrements & de timbre se sont accrus de 18,3% à 4,3 Mrds Dhs et les impôts indirects ont gagné 5,4% à 12,5 Mrds Dhs. En revanche, les impôts directs ont reculé de 0,7% à 9,1 Mrds Dhs. Côté recettes non fiscales, celles-ci se sont contractées de 41,6% à 1,6 Mrds Dhs. Une situation attribuable essentiellement aux autres recettes passant de 2,6 Mrds Dhs à 1,5 Mrds Dhs en raison de la dégradation des recettes en atténuation des dépenses de la dette et de la redevance gazoduc respectivement de 63,8% à 716 M Dhs et de 38,4% à 215 M Dhs. S’agissant des dépenses ordinaires, celles-ci recouvrent un accroissement de 3,2% des dépenses au titre des biens & services à 29 Mrds Dhs. Dans cette catégorie, les autres biens & services ont augmenté de 10,6% à 10,6 Mrds

483,1 MRDS DE DHS EST L’ENCOURS DE LA DETTE INTERIEURE

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Dhs. A contrario, les dépenses du personnel ont cédé 0,7% à 18,4 Mrds Dhs et les charges en intérêts de la dette ont connu une progression de 65,3% à 5,2 Mrds Dhs (+70,1% en intérêts de la dette intérieure à 5 Mrds Dhs et -3,8% en intérêts de la dette extérieure à 201 M Dhs). Il convient aussi de souligner que durant les 2 premiers mois de 2016, il n’a pas été procédé à l’émission de dépense au titre de la compensation. Par ailleurs, les dépenses d’investissement engagées par l’Etat se sont bonifiées de 16,9% à 14,4 Mrds Dhs. Au total, la situation des charges et ressources du Trésor fait état d’un déficit budgétaire de 14 Mrds Dhs (contre un déficit de 14,7 Mrds Dhs à fin février 2015). Ceci étant et compte tenu d’un besoin de financement de 15,2 Mrds Dhs et d’un flux net positif du financement extérieur de 3,4 Mrds Dhs, le Trésor a eu recours au financement intérieur pour un montant de 11,7 Mrds Dhs (contre 17,2 Mrds Dhs à fin février 2015). Sur le plan de l’encours de la dette intérieure, celui-ci s’est élevé à 483,1 Mrds Dhs, soit une hausse de 2,4% comparativement à fin décembre 2015. Ceci s’explique par le recours du Trésor au marché des adjudications pour un montant net de 8,5 Mrds Dhs, résultant de souscriptions pour 32,2 Mrds Dhs et de remboursements pour 23,7 Mrds Dhs.


MARCHÉ OBLIGATAIRE

CONTRE-PERFORMANCE… Le Maroc perd des points sur l’African Fundamental Bond Index (AFBI), un rapport de l’African Financial Market Initiative (AFMI) qui classe les marchés africains des obligations émises en devises locales. L’indice AFBI a pour objectif de reconnaître les marché africains qui ont fait preuve de dynamisme, en tenant compte du cadre macroéconomique (15%), de la Gouvernance (10%), de l’infrastructure du marché obligataire (10%), de la notation souveraine des pays (30%), du niveau d’implication des investisseurs locaux (10%) et de la qualité et du niveau de participation des investisseurs locaux (25%). Sur la base de ces critères et pour la deuxième année consécutive, l’Afrique du Sud obtient le meilleur score grâce notamment à la sophistication du marché obligataire ainsi que ses procédures de règlement et le niveau de la participation des investisseurs purement locaux. Dans le top 10, les meilleures performances sont attribuées à l’Egypte qui a amélioré sa position de 6 points, et la Namibie de 3 points. L’Île Maurice, avec cinq points en moins, a réalisé la plus mauvaise performance du top dix suivie dans cet élan par le Maroc (-4 points) et le Botswana (-1 point). L’AFMI est une initiative de la Banque africaine de développement, qui vise à développer les marchés financiers en Afrique, notamment dans leurs compartiments obligataires. Ses promoteurs expliquent que l’Afrique possède une alternative importante dans la recherche des financements arrimés aux marchés des obligations émises en devises locales, car ils sont assez liquides et moins contraignants en termes de taux.

IPC LE PANIER PLUS CHER L’indice des prix à la consommation a connu selon le HCP, au cours du mois de février une hausse de 0,2% par rapport au mois précédent. Cette variation est le résultat de la hausse de 0,4% de l’indice des produits alimentaires et de la stagnation de l’indice des produits non alimentaires. Dans le panier de la ménagère, cela se traduit par la cherté de la vie. Les hausses des produits alimentaires observées entre janvier et février 2016 concernent principalement le «lait, fromage et œufs» avec 3,7%, les « poissons et fruits de mer » avec 2,8% et les « légumes » avec 0,6%. En revanche, les prix ont diminué de 0,9% pour les «viandes» et de 0,2% pour les « fruits ». Comparé au même mois de l’année précédente, l’indice des prix à la consommation a enregistré une hausse de 0,9% au cours du mois de février 2016 conséquence de la hausse de l’indice des produits alimentaires de 1,1% et de celui des produits non alimentaires de 0,6%. Pour les produits non alimentaires, les variations vont d’une baisse de 0,7% dans le «transport» à une hausse de 2,4% dans les «restaurants et hôtels ».

PRODUCTION HALIEUTIQUE

LES CAPTURES DOUBLENT ! L’office National de la Pêche a publié les statistiques des captures de poissons au titre des deux premiers mois de l’année 2016. Il en ressort une progression de 50%, les débarquements ayant totalisé 208 480 tonnes, comparativement à une année auparavant. Cette évolution recouvre des hausses de 60% du poisson pélagique à 180 205 tonnes, de 3% du poisson blanc à 14 384 tonnes, de 1% des céphalopodes à 9 541 tonnes, et une bonification de 7% des crustacés à 933 tonnes. En chiffre d’affaires, l’ accroissement a été de 17% à 1 103,1 M Dhs à fin février. Cette variation intègre une augmentation de 56% des ventes du poisson pélagique à 421,4 M Dhs, un repli de 2% du volume d’affaires du poisson blanc à 216,6 M Dhs, une amélioration de 1% du chiffre d’affaires des céphalopodes à 414,4 M Dhs et enfin, une progression de 16% des crustacés à 38,6 M Dhs. Par zone géographique, les débarquements de la zone Méditerranée ont stagné à 3 354 tonnes pour un recul de 8% en valeur à 55,2 M Dhs. Quant à la zone Atlantique, les captures ont augmenté de 52% à 205 126 tonnes (98,4% du total des débarquements) pour une hausse de 19% en valeur à 1 047,9 M Dhs. Par port d’embarquement, le port de Dakhla (STOCK C) occupe la 1ère place avec 70 021 tonnes à fin février (contre 32 847 un an plutôt), soit 33,6% du total des captures. Deuxième sur la liste, le port de Laayoune avec une contribution de 32,6% au total des débarquements à 68 036 tonnes contre 49 575 à fin février 2015. Enfin le port de Dakhlaaccapare 11,6% du total avec 24 093 contre 18 242 une année auparavant. Il y a lieu de souligner que la congélation accapare 49,7% de la production, suivie par la consommation du poisson frais avec 24,5% et la conserve avec 20,4%. Le reliquat est réparti entre l’industrie de farine et huile de poisson, la salaison et les appâts.

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EXPORT

EXPORTATIONS MALMENÉES

DÉFAILLANCES ET RATÉS UN EFFORT SOUTENU EST DÉPLOYÉ POUR ASSURER UN ESSOR AUX EXPORTATIONS MAROCAINES. ET LÀ AUSSI, IL FAUT CROIRE QUE LE TOUT ÉVOLUE À DEUX VITESSES, AVEC DES SUCCESS STORIES, CERTES, MAIS AUSSI DES BIDES QUI PORTENT ATTEINTE À L’ORIGINE MAROC. RÉSULTAT, LA BALANCE COMMERCIALE EST TOUJOURS DÉFICITAIRE. DES DONNÉES STRUCTURELLES EXPLIQUENT CE DÉPHASAGE. D’ABORD, L’OFFRE EXPORTABLE N’EST PAS, QUANTITATIVEMENT, AU RENDEZ-VOUS. ET ENSUITE, LES DÉFAILLANCES EN TERMES DE QUALITÉ ET DE COMPÉTITIVITÉ.

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EXPORT COMMERCE EXTÉRIEUR par:Abou Maroua

LARGE FOCUS L’approche économique est l’un des piliers de la politique étrangère de tout pays. Ainsi, le Royaume a tissé à travers le temps un ensemble d’accords stratégiques dans le but d’accélérer son développement et de se positionner comme pays d’importance centrale en Méditerranée et en Afrique. Cependant, malgré sa traditionnelle politique d’ouverture, il n’arrive toujours pas à tirer son épingle du jeu.

L

e Maroc a déployé d’énormes efforts pour se repositionner sur la carte géoéconomique mondiale. Se voulant comme pôle économique régional et acteur central dans les relations Nord-Sud et celles Sud-Sud, la multiplication des accords de libre-échange négociés devait lui permettre de jouer la carte du commerce extérieur comme moteur indéniable du développement. Avec un ancrage plus fort dans l’économie mondiale . Nul besoin de rappeler que le Maroc a été l’un des premiers pays arabes et africains à opter pour l’ouverture de son économie, à travers une stratégie ambitieuse de libéralisation économique et commerciale dans laquelle le Royaume s’est engagé depuis le début des années 80. Ce qui a permis son adhésion au GATT en 1987 et la conclusion des accords de Marrakech ayant

OUVERTURE TOUJOURS PROBLÉMATIQUE

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donné naissance à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) en 1995. Cette option d’ouverture a été reconduite durant les années 2000 par la consolidation des acquis ainsi que l’adaptation sans cesse aux changements de l’environnement national et international. De ce fait, le développement du commerce extérieur s’est érigé en composante essentielle de la politique économique générale avec, pour paradigme, la modernisation des structures de production dans le cadre des nouvelles stratégies horizontales et sectorielles pour la mobilisation d’une offre exportable compétitive, l’intégration dans des ensembles dynamiques régionaux complémentaires et la diversification des relations commerciales internationales.

DE L’AMBITION AU RÉALISME

Incontestablement, le Maroc jouit d’un bon positionnement géographique et a réalisé de bonnes avancées sur le plan économique en diversifiant son offre exportable. Les progrès


opérés dans le secteur industriel, qu’il s’agisse de l’automobile, de l’aéronautique, de l’offshoring, des transports, des télécoms, de l’agroalimentaire ou autres, sont autant d’exemples qui confirment un tel trend. En sus, avec la politique des grands chantiers qui a pour but de moderniser ses infrastructures, le pays devient de plus en plus accessible aux voies commerciales de la Méditerranée et de l’Atlantique et attire de plus en plus d’investisseurs étrangers. Cependant, d’énormes efforts sont encore à déployer sur différents aspects pour atteindre une croissance plus soutenue, une compétitivité économique meilleure (diversification et sophistication des exportations marocaines), une solide assise financière, un environnement des affaires amélioré, une action sur la rigidité du marché de travail, l’amélioration du marché de l’emploi, la lutte contre la corruption, l’amélioration de l’éducation et de la formation, etc. A ces carences endogènes s’est greffé l’essoufflement des marchés classiques (UE, USA) qui, depuis la crise de 2008, ont vu leurs importations d’origine marocaine baisser drastiquement jusqu’au point de forcer les décideurs à revoir leur stratégie à l’export. Dans ce sens, plusieurs accords ont été mis en stand-by en attendant les résultats de différentes études d’impacts lancées pour en évaluer les effets qui ont conduit à l’aggravation du déficit commercial. Car au-delà de l’offre peu compétitive, les barrières non-tarifaires omises lors des négociations ont eu pour but de

stopper toute pénétration des marchés à priori conquis. Ceci sans parler de l’obsolescence du cadre juridique marocain qui date de plus de 20 ans et dont l’actualisation n’est intervenue que récemment !

L’OPPORTUNITÉ SUD-SUD

NEW HORIZONS, NEW DÉFIS

Le ministère délégué chargé du Commerce extérieur a ainsi procédé à la mise à jour de la loi 91-14 sur le Commerce extérieur. Selon cette nouvelle réglementation, toute négociation commerciale est désormais conditionnée par l’adoption d’un mandat de négociation et d’une étude d’impact préalables. Le mandat y est défini comme la feuille de route des négociations validée par les plus hautes instances de l’État permettant de fixer préalablement les objectifs et le déroulement du processus de négociation de tout accord. Ce mandat fixe la nature des concessions à échanger ainsi que les mesures d’accompagnement à mettre en œuvre pour chaque secteur, activité et domaine objet de négociation. L’autre nouveauté est l’obligation de procéder à une étude d’impact à même de pronostiquer rationnellement les effets attendus suite à l’entrée en application d’un accord de libre-échange. D’ailleurs, l’accord approfondi prévu avec l’UE a subi ce dernier exercice qui a éclairé les autorités marocaines sur les risques que pourrait faire peser cet accord sur le tissu productif national. Ainsi, cette nouvelle loi permettra de prémunir celui-ci contre les dépassements indésirables des ouvertures. Sur

RÉAFIRMÉE un autre registre, le pays compte promptement se défaire de la dépendance vis-àvis des voisins nordiques en élargissant ses horizons. Dans ce sens, un partenariat préférentiel avec un pays comme la Russie, la Chine ou l’Inde semble pour le moins stratégique. Le Royaume cherche aussi à diversifier ses débouchés chez les émergents d’Amérique et plus largement dans ses racines africaines, l’Eldorado économique des 30 prochaines années... Il est clair que le monde actuel et futur est en mutation profonde, les anciennes puissances (économiques, politiques et diplomatiques) ne le sont plus et de nouvelles puissances émergentes s’affirment. La coopération Sud-Sud, dans laquelle s’inscrit fortement le Maroc, ne peut donc que renforcer son rôle important dans la région et sur la scène économique internationale. Pour atteindre les nouveaux horizons fixés, il faut disposer du souffle nécessaire pour relever, dans la durée, les multiples défis rencontrés. Facile

à dire..

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EXPORT M. ABBOU MET LE DOIT SUR LES INSUFFISANCES DU COMMERCE EXTÉRIEUR par : Mohammed Taleb

DÉFICIT EN OFFRE QUANTITATIVE ET COMPÉTITIVE

La balance commerciale du Maroc estelle appelée à inscrire dans la durée son déséquilibre ? Les chiffres parlent d’euxmêmes. Des efforts restent à fournir pour développer une offre, aujourd’hui limitée, plus compétitive. Mohammed Abbou, ministre en charge du Commerce extérieur reste convaincu que les défis, pour durs qu’ils soient, peuvent être relevés. Round up…

PERSPECTIVES MED : LE COMMERCE MONDIAL A ENREGISTRÉ UN NET RECUL EN 2015 (SELON L’OMC), QU’EN EST-IL DES EXPÉDITIONS MAROCAINES ? ET QUEL A ÉTÉ LEUR IMPACT SUR LE COMMERCE EXTÉRIEUR ? Mohamed Abbou : La croissance des exportations mondiales de marchandises a enregistré un ralentissement en 2014, en se chiffrant à 2,5% contre 3% enregistrée en 2013. Ce ralentissement se serait poursuivi en 2015, avec une modeste reprise estimée à 2,8% selon l’OMC. Il s’explique notamment par le recul de la demande des économies émergentes et la baisse des prix du pétrole et d’autres produits de base, ainsi que par les fluctuations des taux de change. Toutefois, l’environnement international a impacté favorablement le commerce extérieur marocain en 2015.

LE DÉFICIT

COMMERCIAL ALLÉGÉ

EN 2015

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Les chiffres révèlent que l’année a été prometteuse, confirmant ainsi la tendance haussière enregistrée les années précédentes. En effet, le déficit commercial des biens et services s’est allégé de 37 milliards de dirhams en 2015, grâce à la conjugaison de la hausse des exportations de 5,9% en valeur et de celle de la baisse des importations de 4,6%. Ainsi, la performance des échanges commerciaux en 2015 a beaucoup profité aux exportations, notamment celles de l’automobile (+20,7%), des phosphates et dérivés (+15,6%), de l’agriculture et agroalimentaire (+11,4%), de l’aéronautique (4,3%) et de l’industrie pharmaceutique (6,3%). En outre, la baisse des prix du pétrole a entraîné le repli de la facture énergétique de 28%, ce qui a contribué également à l’allégement du déficit commercial.

MALGRÉ LES EFFORTS ENTREPRIS EN MATIÈRE DE DIVERSIFICATION DE L’OFFRE ET DES DESTINATIONS, FORCE EST DE CONSTATER QUE LA BALANCE COMMERCIALE MAROCAINE CONTINUE, HORMIS L’ACTUELLE EMBELLIE DUE ESSENTIEL-


LEMENT À DES FACTEURS EXOGÈNES, DANS SON DÉFICIT CHRONIQUE DEPUIS DES ANNÉES ? POURQUOI À VOTRE AVIS ? M.A.: C’est vrai que la balance commerciale marocaine des biens se caractérise par un déficit structurel dont les déterminants sont la facture énergétique qui en constitue près de 50%, ainsi que l’insuffisance quantitative et compétitive de l’offre exportable. Actuellement, ces deux contraintes se sont largement allégées, grâce à la détente des cours des hydrocarbures, et aux efforts de mobilisation d’une offre exportable à valeur ajoutée, dans le cadre des écosystèmes industriels du « plan d’accélération industrielle 2014-2020 », et des autres stratégies sectorielles, notamment le plan Maroc vert. L’amélioration de notre balance commerciale est aussi le fruit d’une politique commerciale plus volontariste déployée par le ministère chargé du Commerce Extérieur depuis 2014 à travers le Plan national de développement des echanges commerciaux 2014-2016 (PDEC). Celui-ci vise la réduction du déficit commercial par la valorisation, le développement et la promotion des exportations, ainsi que par la régulation des importations et l’amélioration de la valeur ajoutée locale. Ainsi, les efforts fournis par les différents intervenants ont abouti à une réduction substantielle du déficit commercial des biens au cours des deux dernières années, en passant de 197 milliards de dirhams en 2013 à 152 milliards de dirhams en 2015, soit une baisse de 23% ou 45 milliards de dirhams. Ce recul s’est traduit par une amélioration du taux de couverture des importations par les exportations de biens pour atteindre 58,4%, soit le niveau le plus élevé depuis plus de dix ans. Une telle performance n’est pas seulement imputable aux facteurs exogènes, mais également à la dynamique des exportations marocaines de marchandises qui ont enregistré une progression significative de 8,8% en 2014 et 6,6% en 2015. Cette dynamique est corrélée dans une large mesure à celle des exportations des secteurs relevant des «métiers mondiaux du Maroc », notamment celles de l’automobile, ainsi que celles de certains secteurs traditionnels, tels que les

phosphates et dérivés, l’agriculture et agro-alimentaire. Pour accélérer cette tendance, une nouvelle stratégie de développement du commerce extérieur à l’horizon 2020 est en cours d’élaboration par le ministère, en vue de prendre le relais du PDEC qui expire cette année.

BEAUCOUP SONT LES ÉTUDES, OFFICIELLES (DEPF) ET NON, QUI ONT APPELÉ LE MAROC À SE SOUSTRAIRE DE SA DÉPENDANCE VIS-À-VIS DE L’UE COMME DESTINATION DES EXPORTATIONS EN APPELANT À PLUS DE DIVERSIFICATION. CEPENDANT, IL S’AVÈRE QUE CET OBJECTIF N’EST PAS À NOTRE PORTÉE. QU’EN PENSEZ-VOUS ? M.A.: Cette dépendance découle de facteurs historiques et culturels. Bien qu’elle soit en régression, la part de l’Union européenne dans le total de nos exportations demeure élevée, elle est passée de 74% en 2005 à 63 % en 2014, et ce, en contrepartie d’une amélioration de notre position sur des marchés à fort potentiel pour notre offre exportable notamment l’Afrique, l’Amérique et l’Asie. La réduction de notre dépendance au marché européen est un processus de longue haleine qui a déjà été initié notamment grâce à la conclusion d’accords de libre-échange qui créent des conditions juridiques favorables à l’accès aux marchés des pays concernés, ainsi qu’aux actions de prospection et de promotion déployées en dehors de l’Europe. Ceci dit, les marchés européens et en particulier ceux de l’Union européenne demeureront des marchés stratégiques pour le Maroc dans lesquels nous travaillons à consolider la présence de nos entreprises tout en diversifiant notre offre sur d’autres marchés prometteurs.

NOMBREUX SONT CEUX QUI FUSTIGENT LES MULTIPLES ACCORDS DE LIBRE-ÉCHANGE PARAPHÉS PAR LE ROYAUME DU FAIT DES DÉSÉQUILIBRES QU’ILS ENGENDRENT. QUE RÉPONDEZ-VOUS ? M.A.: Plusieurs critiques sont adressées aux Accords de libre-échange (ALE), alors que ces derniers restent des outils importants de pénétration des marchés et ne constituent nullement le facteur déterminant du déficit

commercial du Maroc. En effet, malgré la conclusion d’ALE avec l’UE, les USA, l’AELE, la Turquie et avec les pays arabes, le commerce préférentiel réalisé par le Maroc ne dépasse pas le tiers des échanges extérieurs globaux du Maroc. Ainsi, pour profiter pleinement de ces ALE, le gouvernement travaille dans le renforcement de l’intégration de notre tissu productif ainsi que des investissements orientés à l’export ou destinés à la substitution des importations. Par ailleurs, une nouvelle approche de conduite des négociations de tout accord commercial préférentiel a été introduite par le PDEC qui recommande l’élaboration d’études d’impacts avant toute négociation. De même, le projet de loi N° 91.14 relative au commerce extérieur, en cours d’adoption au niveau du Parlement, prévoit l’établissement d’un mandat gouvernemental pour toute négociation d’un accord commercial préférentiel. Il garantit l’association des représentants des secteurs privés concernés au processus de négociation et donne la possibilité à toute personne intéressée d’émettre son avis sur ledit processus.

L’AFRIQUE CONSTITUE UN NOUVEAU GISEMENT ET UNE DESTINATION DE CHOIX POUR LE MAROC, QUI, POURTANT, N’ARRIVE TOUJOURS PAS À EN BÉNÉFICIER COMME IL SE DOIT AU VU DU COÛT LOGISTIQUE QUI ENTRAVE CETTE PERCÉE. QUELLES SONT LES ACTIONS ENTREPRISES POUR ALLÉGER CE COÛT ? M.A.: Conscient de l’importance économique de l’Afrique, continent en pleine émergence, le Maroc s’est résolument engagé, ces dernières années, à consolider ses relations commerciales et de partenariat économique avec les pays africains, dans le but de booster nos exportations et d’accroître nos investissements étrangers directs, particulièrement en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Plusieurs actions ont été entreprises dans ce sens, notamment l’organisation d’un nombre important de Caravanes de partenariat économique et de missions d’affaires et de prospection, au profit d’Hommes d’affaires marocains, dans certains pays africains ayant été identifiés comme étant des marchés de niches stratégiques pour nos exportations. Malgré les résultats encourageants enregistrés,

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EXPORT les échanges commerciaux maroco-africains, en dépit d’une tendance haussière durant les dernières années, demeurent relativement faibles et sont loin d’avoir atteint leur potentiel, en comparaison avec les opportunités colossales offertes. Cette situation peut être attribuée à plusieurs contraintes d’ordre technique et logistique, notamment celles relatives au transport et qui concernent, entre autres : le coût du fret prohibitif, l’irrégularité des lignes de transport maritime et aérien, les difficultés logistiques de transport pour les pays enclavés et l’insuffisance des infrastructures qui provoque une congestion des ports et des difficultés de chargement. Le Gouvernement poursuit ses efforts en vue de venir à bout de l’ensemble de ces entraves, et ce, dans le but de tirer davantage profit du large éventail d’atouts dont regorge le marché africain et dans la perspective de consolider la nouvelle dynamique des relations économiques et commerciales avec l’Afrique, enclenchée par la volonté de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Les efforts du Gouvernement concernent une multitude de mesures, notamment la mise en place d’un cadre juridique favorable au développement des relations économiques avec nombre de nos partenaires africains ; la dynamisation des conseils d’Affaires Mixtes établis avec nos principaux partenaires ; la mise en place de lignes maritimes directes et régulières ; le renforcement de la présence, sur le continent, des organismes financiers marocains ; l’amélioration de l’assurance à l’export en faveur des PME opérant en Afrique et le soutien des opérations d’ouverture de lignes de crédit pour la garantie du paiement des transactions commerciales ; la mobilisation des ressources en vue de l’élaboration des projets d’infrastructures multi-pays ; l’instauration d’un environnement propice à la participation du secteur privé au développement des infrastructures ; l’utilisation des technologies de l’information à travers la mise en place rapide et à moindre coût des réseaux régionaux afin de stimuler la création de connaissances, améliorer la communication et encourager les échanges commerciaux et, enfin, le développement de chaînes de valeurs

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africaines.

POUR CE QUI EST DE L’ALECA, NOUS AIMERIONS BIEN SAVOIR QUELLES SONT LES RAISONS QUI VOUS ONT POUSSÉ À DEMANDER LE REPORT DES NÉGOCIATIONS ET QUELS SONT LES PRINCIPAUX RÉSULTATS DE L’ÉTUDE D’IMPACT QUE VOUS AVEZ LANCÉE L’AN DERNIER ? M.A.: Comme les pourparlers avec notre partenaire européen étaient déjà lancés, nous avons dû marquer une pause le temps de mener l’étude en question. La réalisation de cette dernière a été accomplie à l’aide de l’implication de toutes les parties concernées des secteurs publics et privés. Aujourd’hui, nous pouvons être satisfaits de ce travail puisqu’il nous a permis d’identifier les nombreuses opportunités et aussi les risques que présente l’ALECA pour l’économie marocaine ainsi que les mesures d’accompagnement requises pour parvenir à tirer le meilleur profit de l’intégration du Royaume au marché unique européen. Nous sommes actuellement au stade d’élaboration d’un mandat qui fixera les objectifs et la ligne rouge des négociations, et ce, à la lumière des enseignements de l’étude d’impact.

VU L’ÉCART LÉGISLATIF EXISTANT ENTRE LE MAROC ET L’U.E, LA QUESTION DE LA CONVERGENCE RÉGLEMENTAIRE DEMEURE PARMI LES QUESTIONS LES PLUS INQUIÉTANTES. QUELLES SONT LES DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES PRÉVUES POUR PLUS D’HARMONISATION ? M.A.: Le futur Accord va au-delà de la libéralisation des échanges de biens et services : il porte sur la levée des barrières non-tarifaires et sur une convergence vers l’acquis communautaire, qui est une étape essentielle vers l’établissement de l’Espace economique commun Maroc-UE. Ceci suppose l’ouverture d’un vaste chantier d’harmonisation des législations et règlementations du Maroc avec celles de l’UE dans des domaines aussi diversifiés que les normes industrielles, les mesures SPS, les marchés publics, la propriété intellectuelle, la facilitation du commerce, les mesures de défense commerciale, etc. L’objectif final étant d’une

part de faciliter l’accès des produits marocains sur le marché européen et d’autre part de stimuler l’investissement européen au Maroc. Si la convergence réglementaire offre des opportunités, elle comporte aussi des défis, dans la mesure où elle implique des transformations notables sur les niveaux économique, politique et social. A cet effet, il fallait accorder une importance particulière aux domaines prioritaires. Elle exige un processus efficient dans la conception et la production des lois, la mise à niveau du cadre légal, adoption de projets de loi sur la base des principes du système européen. Il convient juste de rappeler que le Maroc s’est déjà engagé dans ce processus de convergence aussi bien dans le cadre de la politique européenne de voisinage que dans le cadre du Statut avancé.

AFIN D’ÉVITER LES DÉRAPAGES, CETTE HARMONISATION PASSE OBLIGATOIREMENT PAR UNE MISE À NIVEAU DES SECTEURS NATIONAUX QUI NÉCESSITE BIEN UN COÛT. OÙ EN ÊTES-VOUS PAR RAPPORT AUX NÉGOCIATIONS DU SOUTIEN FINANCIER ? M.A.: Le Maroc est conscient que la convergence règlementaire requiert des efforts d’adaptation, de ce fait, il a demandé à la partie européenne de bénéficier d’une assistance technique conséquente ainsi qu’un soutien financier à la hauteur des réformes à engager, s’inspirant de la démarche adoptée avec les pays d’adhésion. L’étude d’impact de l’ALECA lancée par ce ministère avait pour objectif, entre autres, la détermination des mesures d’accompagnement et la quantification de l’effort à consentir par le Maroc en matière de rapprochement réglementaire.

OÙ EN EST LE PLAN NATIONAL DE CONVERGENCE ? M.A.: Le processus de convergence réglementaire a été entamé bien avant les négociations de l’ALECA. Certains secteurs (les normes industrielles, les transports, les pêches, l’agriculture, l’enseignement supérieur, l’emploi, l’eau et la protection des consommateurs) ont déjà bénéficié d’appui pour la convergence réglementaire dans le cadre du programme Réussir le Statut Avancé I et II.


D’APRÈS CERTAINES INDISCRÉTIONS, L’ALECA COMPORTE UNE DISPOSITION QUI INVITE LE MAROC À CRÉER UN ORGANISME DOTÉ DE POUVOIRS ET MOYENS SUFFISANTS POUR L’EXÉCUTION DE TOUTES LES DISPOSITIONS DE L’ACCORD. AVEZ-VOUS DÉJÀ UNE IDÉE OU UNE CONCEPTION DE CET ORGANISME SUR SA COMPOSITION ET SES PRÉROGATIVES ? M.A.: Tous les accords sont dotés d’organes conjoints pour mettre en œuvre les dispositions de l’Accord et veiller au bon fonctionnement et au respect des engagements contractés de part et d’autre. Cependant, il est encore prématuré, dans le cas de l’ALECA, de parler de l’organe qui assurera ces fonctions.

SACHANT QUE MÊME LES PAYS EUROPÉENS ONT MIS BEAUCOUP DE TEMPS POUR HARMONISER LEURS LÉGISLATIONS RELATIVES À LA PROTECTION SANITAIRES ET PHYTOSANITAIRES, À COMBIEN EST ESTIMÉE, SELON L’ÉTUDE QUE VOUS AVEZ ÉLABORÉE, LA PÉRIODE OU LE DÉLAI D’AJUSTEMENT ET À QUEL COÛT ? M.A.: Tout ce que je peux vous dire, c’est que le secteur de l’agriculture et plus particulièrement l’aspect mesures sanitaires et phyto-

sanitaires est traité avec la plus grande vigilance étant donné le poids socio-économique de ce secteur et l’impact certain de la convergence réglementaire dans ce domaine.

COMMENT ÉVALUEZ-VOUS LES MISSIONS DES ORGANISMES CHARGÉS DE LA PROMOTION DES EXPORTATIONS ? M.A.: Comme vous le savez, le Centre marocain de promotion des exportations est le bras du ministère en ce qui concerne la promotion commerciale des produits et services marocains à l’international. Cet établissement accompagne les entreprises marocaines désireuses de se développer à l’international dans le cadre d’un programme annuel des actions de promotion élaboré en concertation avec le secteur privé. La démarche promotionnelle de Maroc Export est élaborée en parfaite symbiose avec les orientations du PDEC, elle est inscrite dans le cadre du plan triennal 2014-2016 fondée sur une vision stratégique intégrée découlant d’une concertation active avec l’ensemble des acteurs publics et privés concernés par la promotion à l’international. Aussi, les actions promotionnelles engagées

par Maroc Export ces dernières années sont placées sous le thème « diversification, intensification, innovation et partenariat », se traduisant par le renforcement des actions sur des marchés à fort potentiel notamment l’Afrique Subsaharienne, les Pays du Golfe, la Russie, la Chine et l’Amérique du Nord, par une forte augmentation du nombre d’entreprises accompagnées qui a connu une progression de 49% entre 2014 et 2015 avec un effort particulier en matière de recrutement d’entreprises primo-bénéficiaires et par la diversification des actions promotionnelles ainsi que le renforcement du partenariat Public-Privé. En 2015, Maroc Export a réalisé 137 actions promotionnelles ciblant 40 marchés en faveur de 2.364 entreprises marocaines opérant dans une vingtaine de secteurs. Ces données nous permettent de constater avec satisfaction que Maroc Export remplit sa mission d’autant plus que les évaluations qui ont été faites montrent d’une manière générale que les entreprises accompagnées par Maroc Export réalisent des performances à l’exportation supérieures à celle des secteurs dont elles relèvent.

Marché « halal »

CROISSANCE EXPONENTIELLE Le marché des produits halal est aujourd’hui un marché mondial qui connaît, selon les données du Centre Islamique du Développement du Commerce, une croissance à deux chiffres avec une moyenne annuelle de 12% depuis 2004. Il a émergé comme l’un des secteurs les plus dynamiques d’affaires dans le monde. Évalué à plus de 1700 milliards de dollars et 1,6 milliard de consommateurs représentant près de 25% de la population du monde, ce secteur représente près de 17% de l’industrie alimentaire mondiale. Ce n’est pas uniquement les musulmans qui sont intéressés par les produits halal, les autres communautés consomment également ces produits notamment pour leur qualité. Il importe de souligner que ce secteur ne se limite pas aux produits à base de viandes mais, concerne également d’autres biens de consommation comme les cosmétiques, les médicaments, les boissons, les vêtements…etc. l’éventail est particulièrement large. Conscient des enjeux et des opportunités qu’offre ce secteur à forte valeur ajoutée, le ministère a lancé une étude pour l’élaboration d’une stratégie pour le positionnement des produits ma-

rocains dans le marché halal et qui devra aboutir à l’élaboration d’un plan d’action 2016-2020 avec un éventail de mesures visant le développement de ce secteur. Parallèlement, assure M. Abbou, « nous encourageons les entreprises à entreprendre les demandes de certification halal », condition nécessaire pour se placer sur le marché halal. Actuellement, rappelle le ministre « nous avons 70 entreprises certifiées et qui sont déjà actives sur ce segment de marché ».

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EXPORT LE MAROC S’ACTIVE À L’OMC

LA QUÊTE DE L’ÉQUITÉ

I

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ntégré au système commercial multilatéral, « le Maroc joue un rôle actif en tant que membre de l’OMC », signale M. Abbou. Il participe activement aux négociations du Cycle de Doha afin de « garantir un résultat positif, équilibré, juste et équitable qui tient pleinement compte des préoccupations des pays en développement et des pays les moins avancés », plaide le ministre. Ainsi, le Maroc s’attache à assurer une interaction appropriée entre le cadre multilatéral et le cadre régional tout en tenant compte aussi bien des impératifs de développement que de libéralisation de son commerce. C’est dans ce cadre que le Maroc a pleinement honoré les vastes engagements contractés depuis son accession à l’OMC et a largement contribué à renforcer le système commercial multilatéral. C’est dans cette optique que le ministère chargé du Commerce Extérieur veille à participer activement aux travaux des groupes de négociation et concernant les questions restantes du Cycle de Doha qui couvre un éventail de domaines de négociations (accès aux marchés pour les produits agricoles et non agricoles et les services, la protection de la propriété intellectuelle, l’antidumping et les mesures compensatoires, les dispositions relatives aux aspects environnementaux, ainsi que les aspects liés au commerce et au développement. De même, en tant que pays africain en développement, assure le ministre, « le Maroc a joué un rôle de premier plan en ce qui concerne la défense des intérêts des pays africains membres de l’OMC à travers ses positions et initiatives dans le cadre du groupe africain ». C’est dans

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ce cadre que le Maroc a, également, pris l’initiative de célébrer en avril 2015, les vingt ans de l’organisation à travers la tenue, à Marrakech, d’une Conférence ministérielle des pays africains avec la participation des parlementaires africains et qui a été rehaussée par la participation effective du Directeur général de l’OMC. Par ailleurs, il convient de souligner les résultats positifs obtenus lors des deux dernières Conférences ministérielles de l’OMC, en particulier concernant la facilitation des échanges et les décisions en faveur des pays les moins avancés. Dans ce cadre, la mise en œuvre du «paquet de Bali» revêt une importance particulière pour le Maroc, notamment l’Accord sur la facilitation des échanges, conformément au calendrier prévu dans la Déclaration ministérielle de Bali. « Le Maroc procède actuellement à l’implémentation de cet accord dans son droit national. L’accord a été adopté par le gouvernement et attend l’approbation du parlement avant de le notifier à l’OMC », précise M ; Abbou. Il y a lieu de rappeler que l’achèvement du Cycle de Doha devrait permettre d’offrir davantage de possibilités en matière de commerce, d’investissement et d’emploi, de promouvoir un environnement extérieur plus stable et plus ouvert, et de renforcer davantage le rôle du système commercial multilatéral dans la gouvernance économique mondiale. Ainsi, le Maroc collabore avec tous les autres Membres ou groupes de l’OMC pour faire en sorte que les objectifs du Cycle de Doha gardent toute leur importance et répondent aux besoins spéciaux des pays en développement et des pays les moins avancés.


ACCORDS DE LIBRE-ÉCHANGE Par: M.T.

L’OFFRE EXPORTABLE FAIT DÉFAUT Faisant de l’ouverture de son économie un choix irréversible, le Maroc a conclu une cinquantaine d’accords commerciaux et de libre-échange dont il s’avère le plus grand perdant. Avec une offre exportable qui a montré ses limites, défaillances et couacs ont secoué cette stratégie. L’heure est à la remise en question

D

urant plus de deux décennies, le Maroc a parcouru un très long chemin d’ouverture de son économie. Entre l’accord d’Association Maroc-Union européenne (paraphé en 1996 et entré en vigueur en 2000) et l’Accord de libre-échange (ALE) avec les USA, entré en vigueur en juillet 2005, le Maroc a signé une multitude d’ALE notamment avec les pays arabes (zone de libre-échange arabe en 1998), avec les pays arabes méditerranéens (2005) et avec la Turquie en 2004 sans parler des différents accords commerciaux signés avec un cinquantaine de pays. A travers ces accords, le pays a, certes, pu réaliser ce à quoi il aspirait en termes de drainage des IDE en s’érigeant comme une plateforme donnant accès « en franchise de droit » à un marché de plus d’un milliard de consommateurs. Néanmoins, sur le plan maroco-marocain, il semble, à l’aune des effets de ces accords sur le tissu productif national et sur l’économie dans son ensemble, que le pays est allé plus vite que la musique. Pen-

LE MAROC "INDUTRIEUX" EST A LA PEINE

dant ce temps, les indicateurs relatifs aux échanges extérieurs ont montré au plus grand jour qu’il n’était pas disposé à faire face aux exigences de ces accords imposant, ainsi, une révision de cette stratégie pour ne pas dire une remise en cause profonde. D’autant plus que faute d’offre exportable compétitive, les ALE paraphés avec différents partenaires ont été pratiquement plus bénéfiques essentiellement pour les partenaires. Bien qu’ils n’affichent aucune volonté de revirement quant au choix irrévocable de libéralisation, les responsables font leur la bataille d’amélioration de l’offre exportable. Dans ce sillage, une nouvelle politique de négociation des ALE est en train de se mettre en place avec comme première déclinaison le lancement d’études d’impact sur l’économie nationale des accords en cours de négociations. Objectif : éviter les faux pas pour le reste des négociations de l’ALECA, des négociations futures notamment avec le Canada, dont les négociations sont en stand-by, ou avec les pays d’Afrique de l’Ouest et la Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique centrale qui sont encore à l’état de projets.

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EXPORT BALANCE COMMERCIALE Par: A.M

LE DÉFICIT REPREND Après une année de détente, la pression sur la balance commerciale reprend comme en attestent les dernières statistiques de l’Office des changes. On renoue avec un déficit commercial de près de 21,2 Mrds Dhs (en aggravation de 10,1%) qui abaisse le taux de couverture à 63,2% contre 65,1% une année auparavant.

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u titre des deux premiers mois de l’année 2016, le déficit commercial a progressé, en glissement annuel, de 10,1% ou de 1,9 Mrds Dhs pour s’établir à près de 21,2 Mrds Dhs, et le taux de couverture a atteint 63,2% contre 65,1% un an auparavant. Cette évolution s’explique par la hausse de la valeur des importations à un rythme plus élevé que celui des exportations. Dans le détail, les exportations de biens se sont inscrites, à fin février, en hausse de 1,2% par rapport à la même période de 2015 pour atteindre 36,3 Mrds Dhs. Cette évolution trouve son origine, notamment, dans la progression des ventes des métiers mondiaux du Maroc et du secteur « agriculture et agro-alimentaire », modérée, toutefois, par la

FAIBLE

TAUX DE

COUVERTURE

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baisse des ventes de phosphates et dérivés. Au niveau des nouveaux métiers mondiaux du Maroc, les exportations du secteur automobile ont augmenté de 10,5% pour s’établir à près de 9 Mrds Dhs bénéficiant, notamment, du raffermissement des exportations de l’activité de construction de 20,3% à 4,9 Mrds Dhs et de celles du segment câblage de 1% pour avoisiner 3,4 Mrds Dhs. En outre, les exportations des secteurs de l’aéronautique et de l’électronique ont augmenté, respectivement, de 7,7% et de 4,5% pour atteindre près de 1,3 Mrds Dhs chacun. De leur côté, les exportations du secteur de l’agriculture et agroalimentaire ont augmenté de 3,4% par rapport à fin février 2015 pour s’élever à plus de 9,6 Mrds Dhs. Cette évolution a résulté, essentiellement, de la hausse des exportations de l’industrie alimentaire de 5,3% à 4,3 milliards de dirhams et du raf-


fermissement de celles de la branche « pêche, aquaculture » de 35,6% à 911 M Dhs. En revanche, les ventes à l’étranger de phosphates et dérivés se sont repliées de 8,3% à 4,9 Mrds Dhs. Hors OCP, les exportations ont augmenté de 2,9% à fin février 2016. De même, les exportations du secteur du textile et cuir ont reculé de 1,2% pour s’établir à 5,8 Mrds Dhs, soit 16% des exportations totales. Cette évolution a résulté, essentiellement, de la baisse des exportations des articles de bonneterie de 4,4% à 1,2 milliard de dirhams, alors que les exportations des vêtements confectionnés et des chaussures ont augmenté, respectivement, de 0,7% et 6,2% à 3,5 Mrds Dhs et 581 M Dhs. De leur côté, les exportations du secteur de l’industrie pharmaceutique ont baissé de 1,2% à 170 MDhs.

REPLI DE LA FACTURE ÉNERGÉTIQUE A fin février, la valeur des importations a augmenté, en glissement annuel, de 4,3% pour se chiffrer à 57,5 Mrds Dhs. Cette hausse recouvre le raffermissement des importations des produits alimentaires, des produits finis de consommation, des biens d’équipement et des demi-produits. Ce mouvement est atténué par le repli des importations des produits bruts et

des produits énergétiques. Les importations des produits alimentaires se sont raffermies de 12% pour se chiffrer à 7,2 Mrds Dhs, en rapport, particulièrement, avec la hausse des importations de blé de 44,2% pour atteindre 2,3 Mrds Dhs à fin février 2016. De leur côté, les importations des produits finis de consommation

HAUSSE DES BIENS D’ÉQUIPEMENT se sont accrues de 12,9% pour ressortir à 11,4 milliards de dirhams, notamment les importations des voitures de tourisme qui ont augmenté de 38,3% à 1,9 Mrds Dhs. Pour leur part, les importations des demi-produits se sont redressées de 5,6% à 14,2 Mrds Dhs sous l’effet, particulièrement, de l’augmentation des importations des produits laminés plats, en fer ou en aciers non alliés de 22,4% à 645 M Dhs. Quant aux acquisitions des biens finis d’équipement, elles se sont améliorées de 14,4%

pour s’établir à près de 15 Mrds Dhs, soit 26,1% des importations totales. Cette évolution est en lien, notamment, avec la hausse des importations des parties et pièces détachées pour véhicules industriels et des moteurs à pistons respectivement à plus de 1 Mrds Dhs pour chaque poste, après 126 et 383 M Dhs un an auparavant. En revanche, la facture énergétique a maintenu sa tendance baissière, enregistrant un repli de 21,1% pour s’établir à 7,1 milliards de dirhams, en lien avec l’état des cours de pétrole sur le marché international. Ainsi, la part des produits énergétiques dans le total des importations a reculé à 12,3% après 16,3% l’année précédente. Hors produits énergétiques, les importations enregistrent une hausse de 9,2% à fin février. De même, les importations des produits bruts se sont contractées de 15,3% pour atteindre 2,6 Mrds Dhs, en raison, particulièrement, de la régression des acquisitions de soufres bruts et non raffinés de 20,8% à 750 M Dhs. Enfin, et concernant les autres flux financiers, ils ont été marqués par la légère hausse des recettes de voyages de 1,1% pour atteindre 7,5 Mrds Dhs, alors que les transferts des MRE ont quasiment stagné à 9,4 Mrds Dhs. Quant aux recettes des IDE, elles se sont appréciées de 6,2% à près de 5,4 Mrds Dhs.

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EXPORT HASSAN SENTISSI, PRÉSIDENT DE L’ASMEX Par: Lamia Mahfoud

CAP SUR L’AFRIQUE DE L’EST Une des chevilles ouvrières du développement des exportations marocaines est bien l’ASMEX. La dynamique qui marque son approche est porteuse d’espoirs. De retour de Moscou où il a pris part à d’intenses activités, dans le cadre de la visite royale à Moscou, Hassan Sentissi qui préside aux destinées de cette institution brosse le tableau de l’état du commerce extérieur, des percées réalisées sur plusieurs débouchés, ainsi que des freins constatés. Entretien.

PERSPECTIVES MED : L’ASMEX FAIT PREUVE CES DEUX DERNIÈRES ANNÉES D’UN RÉEL DYNAMISME DANS LA MOBILISATION D’UN PAN ENTIER DU TISSU PRODUCTIF NATIONAL INTÉRESSÉ PAR L’ÉLARGISSEMENT DE SES DÉBOUCHÉS À L’EXPORT. COMMENT ÉVALUER-VOUS CET ENGOUEMENT SUR LES PLANS AUSSI BIEN QUANTITATIF QUE QUALITATIF ? Hassan Sentissi : L’ASMEX mobilise de plus en plus d’exportateurs à travers les événements, débats et rencontres qu’elle organise. Ces plateformes permettent un échange de points de vue, un échange d’expérience et d’expertise sur les marchés, l’information sur les moyens de développer leurs exportations etc… C’est pour dire que nous avons mobilisé plus de 3 200 en 2015. D’un point de vue qualitatif, nous ressentons

LES OPÉRATEURS SOLLICITENT L’ACCOMPAGNEMENT

66

PERSPECTIVES MED

que l’entreprise exportatrice devient soucieuse des préalables pour se lancer à l’export. Elle sollicite un accompagnement dans tout ce qui est développement et amélioration de la valeur ajoutée de ses produits. Nous mènerons dans les prochaines semaines des actions au niveau régional pour accompagner les exportateurs régionaux. PLUSIEURS MISSIONS ONT ÉTÉ ORGANISÉES AU PROFIT DES OPÉRATEURS MAROCAINS À DESTINATION DE PLUSIEURS MARCHÉS À L’ÉTRANGER. QUELLE (S) ÉVALUATION (S) EN FAITES-VOUS ? H.S.: Nous avons co-organisé notamment avec Maroc Export des missions à l’étranger. On citera une tournée dans 3 régions de Russie qui a permis aux participant de prospecter et de promouvoir leurs produits sur une destination qui présente un fort potentiel pour nos exportations.


La réussite de cette importante action nous a amené à la rééditer encore cette année. On notera aussi notre participation au Forum « Investir au Congo Brazzaville » au cours duquel plusieurs conventions de partenariat ont été signées. Une mission de prospection en Gambie. En plus de la co-organisation des actions précitées, nous ne cessons de mobiliser nos membres pour prendre part aux différentes actions promotionnelles (missions commerciales, foires et salons) organisées par nos partenaires (Maroc Export et EACCE). UN INTÉRÊT PARTICULIER EST ACCORDÉ À L’AFRIQUE SUBSAHARIENNE ET AU DÉVELOPPEMENT DE CE MARCHÉ PORTEUR ASSIMILÉ COMME « LA DERNIÈRE FRONTIÈRE DE LA CROISSANCE ». QU’AVEZ-VOUS PU RÉALISER, AU SEIN DE L’ASMEX, À CE NIVEAULÀ ? H.S.: L’Afrique en général et Subsaharienne en particulier retient une attention particulière au sein de l’ASMEX. Nous avons dédié une Commission pour asseoir un plan d’actions de développement des échanges et du partenariat avec cette importante région. Dans ce cadre, nous avons organisé plusieurs rencontres dont notamment les ASMEX DAYS qui étaient dédiés à cette zone géographique et qui ont mobilisé l’Administration, les opérateurs, les diplomates, les experts… Cette manifestation sera rééditée cette année avec un focus sur l’Afrique de l’Est. LES RAPPORTS ENTRE LE MAROC ET L’UNION EUROPÉENNE TRAVERSENT UNE PÉRIODE DE TURBULENCE QUI N’EST PAS SANS EFFETS SUR LE COMMERCE ENTRE LES DEUX PARTIES. QUE VOUS INSPIRE UNE TELLE SITUATION INÉDITE À L’HEURE OÙ LES RELATIONS PRIVILÉGIÉES ENTRE RABAT ET BRUXELLES DEVRAIENT ÊTRE CONSACRÉES

PAR LE STATUT AVANCÉ ? H.S.: L’Union Européenne est un partenaire stratégique pour le Maroc. Nous pensons que la période de turbulence comme vous l’aviez appelée est en train d’être dissipé. La reprise des contacts, la semaine dernière, montre que les choses s’améliorent. LE MAROC MULTIPLIE LES OUVERTURES SUR D’AUTRES PARTENAIRES DE POIDS, COMME LA RUSSIE. QUE POUVEZ-VOUS NOUS DIRE EN MARGE DE LA RENCONTRE AU SOMMET QUI A RÉUNI À MOSCOU LE ROI DU MAROC ET LE PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE ? H.S.: La Russie a été toujours un partenaire du Maroc notamment dans l’exportation

MAILLONS FAIBLES : LOGISTIQUE ET OFFRE des produits agricoles frais. La récente visite de Sa Majesté le Roi Mohammed Vi que Dieu l’assiste nous incite encore à multiplier nos actions en direction de ce pays pour mettre en place de nouveaux partenariats dans d’autres domaines. Plusieurs conventions ont été ainsi signées. Elles permettront certes de relever le niveau des échanges entre les deux pays. D’autres conventions viendront prochainement. QUEL REGARD PORTEZ-VOUS SUR LA MULTIPLICATION DES ACCORDS DE LIBRE-ÉCHANGE

CONCLU PAR LE MAROC AVEC DIVERS PARTENAIRES ? SONT-ILS TOUS PROFITABLES AUX DEUX PARTIES ? H.S.: Si vous lisez l’accord du point de vue statistique, le Maroc est déficitaire sur l’ensemble des accords qu’il a signé à l’exception peut-être de l’ALE avec la Jordanie. Néanmoins, si on analyse la composition des importations des pays avec lesquels le Maroc a conclu des ALE, nous constatons que le panier est composé de biens d’équipements, de produits énergétiques, dont la valeur dépasse largement les produits agricoles ou semi-finis, d’engrais qu’on exporte. L’entrée en vigueur de nouveaux secteurs dans le panier des exportations marocaines (automobile, aéronautique, monétique,…) est à même de développer notre balance commerciale avec ces pays. Aussi, et nous ne cessons de le répéter, nous devrions apporter plus de valeur ajoutée à nos produits au lieu de les exporter à l’état brut ou semi-fini. ON SOULÈVE, SOUVENT, COMME FREIN AU DÉVELOPPEMENT DES EXPORTATIONS MAROCAINES DEUX PARADIGMES : L’OFFRE INSUFFISANTE ET LES PROBLÈMES DE LOGISTIQUE. COMMENT RÉAGISSEZ-VOUS À CES CRITIQUES FONDÉES ? H.S.: Vous avez raison. Nous avons un problème d’offre exportable que nous ne maitrisons pas. D’où la nécessité et l’urgence même de mener une étude pour cerner note offre exportable et l’adapter aux spécificités de chaque marché et des attentes des consommateurs. Le deuxième paradigme est la logistique. Les coûts sont exorbitants du fait de la disparition du pavillon national. En moyenne, la logistique coute 10% du coût de l’export.

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EXPORT LA SOMME DES DÉFICITS Par: M.T

A QUOI SERVENT LES ALE ? A une décennie près de leurs signatures, excepté l’accord d’association en vigueur dès 2000, l’heure est au bilan pour les ALE signés par le Maroc avec ses différents partenaires. La balance commerciale qui tangue l’exige !

L

e déficit engendré par les différents accords commerciaux signés par le Maroc avoisine les 200 milliards de dirhams (Mrds Dhs). Telle est la conséquence d’une offre nationale en mal de compétitivité, de la faiblesse de l’offre et des moyens de promotion. Mais aussi d’un chevauchement entre accords. Dès lors, quel bénéfice le Maroc tire-t-il de ces accords ? La question mérite d’être posée à l’aune des résultats enregistrés. En effet, les indicateurs des échanges extérieurs démontrent que le Maroc n’en profite pas en matière d’expéditions, mais aussi que ses importations en provenance de ces partenaires progressent plus vite que ce que peut accepter son marché… Ce qui conduit, ipso facto, à concurrencer son tissu économique déjà fragilisé. Certains pourraient dire que le déficit de la balance commerciale est structurel et qu’il perdure bien avant l’arrivée des ALE. Encore faut-il souligner que ces derniers l’ont accentué d’une manière à semer les doutes sur

LE LIBRE-ÉCHANGE NE FLUIDIFIE PAS LE COMMERCE

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leur utilité. Alarmant ! Les contre-performances des exportations nationales concernent l’ensemble des partenaires du Maroc quelle que soit leur taille. Ce qui est valable pour les USA et l’UE l’est aussi pour des pays ayant une économie similaire ou presque comme l’Egypte, voire de plus petite taille (Tunisie et Jordanie). Au moment où les importations en provenance de ces pays ont presque doublé, les expéditions marocaines vers ces pays manquent à l’appel. Mais, il n’y a pas que l’offre exportable qui est remise en question en ce qui concerne les échanges avec ces pays, l’inadéquation réglementaire étant aussi de la partie. Alors que ces pays utilisent des barrières non tarifaires pour empêcher l’accès de certains produits marocains à leurs marchés, le Maroc laisse la porte ouverte sans aucune normalisation pouvant limiter les dégâts.

ECHANGES À DEUX VITESSES

Faute de compétitivité en termes de prix, de volume, de logistique mais surtout de qualité, le made in Marocco n’arrive toujours pas à pénétrer les marchés de ses partenaires. L’exemple le plus éloquent est celui des clémentines refoulées à la


frontière, récemment, parce qu’elles ne répondaient pas aux normes phytosanitaires appliquées par le pays de l’Oncle Sam. Ce manque de compétitivité ne cesse de se répercuter sur la balance commerciale. En effet, au moment où les exportations vers le marché US ont progressé de 127% durant la première décennie d’application de l’ALE, les importations made in USA ont, en revanche, progressé de 235%. C’est ce qui ressort des dernières statistiques révélées par l’ambassade des USA à Rabat. Ce qui est valable pour les USA l’est aussi pour l’UE avec qui, la moyenne du déficit commercial qui était pour les trois années avant 2000 (entrée en vigueur de l’accord d’association) de 29 Mrds de Dhs est passée à 72 Mrds pour la période 2000-2007 pour atteindre 175 Mrds Dhs en 2008 et 2013, selon une étude d’Attac Maroc. Selon les derniers chiffres en date, le déficit commercial dans le cadre des ALE pèse en moyenne pour 35% du déficit commercial global enregistré entre 2008 et 2013. L’UE, à elle seule, pèse pour 28% du total. Si l’on rajoute les statistiques relatives aux échanges avec la Turquie et les autres pays arabes, il s’avère donc que le Royaume est décidément beaucoup moins compétitif que tous les autres pays avec lesquels il a conclu des accords de libre-échange.

REHAUSSER L’OFFRE

A cette question lancinante, plusieurs réponses ont été apportées durant les dernières années sans pour autant trouver la bonne formule. Et pourtant, les maux sont bien définis sauf que les stratégies peinent

à dégager les remèdes. D’un côté, les différentes études ont prôné une reconfiguration de l’offre qui tarde à s’opérer. Le coût élevé de l’énergie, les charges sociales trop lourdes, la chaîne logistique peu performante, le manque de diversification, la faiblesse de la production en volumes, le financement encore difficile à obtenir, et la faiblesse des moyens de promotion constituent, au su et au vu de tout le monde, les principaux facteurs de non-compétitivité qui inhibent l’essor de l’offre marocaine. L’identification de ces facteurs, qui ne datent pas d’aujourd’hui, remet en cause

de configuration s’impose. Quid des paramètres ?

LE CUMUL DES DÉFICITS INTERPELLE l’efficacité des stratégies nationales mise en place dans un cadre de dépassement alternatif. Si l’on se penche sur la configuration de l’offre exportable, on s’apercevra qu’elle se distingue par plusieurs rythmes d’évolution. D’un côté, on trouve des produits à forte valeur ajoutée, notamment ceux relatifs aux métiers mondiaux du Maroc, et de l’autre, une catégorie de produits accusant une stagnation, voire un recul de leur valeur à l’export, notamment, les produits agricoles et ceux à faible intensité technologique. Dès lors, un changement

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EXPORT OMAR AZIKI, S.G D’ATTAC MAROC ET MEMBRE DU RÉSEAU CADTM par : Mohammed Taleb

« LE LIBRE-ÉCHANGE CREUSE LE DÉFICIT COMMERCIAL »

Le Maroc a ses altermondialistes. ATTAC Maroc en fait partie et assume son discours alternatif. Le libre-échange est ainsi évalué à l’aune de la supercherie du grand capital international qui n’a pour autre souci que de reproduire les liens de dépendance. Omar Aziki, SG d’ATTAC Maroc livre ses impressions sur les implications et répercussions des divers ALE conclus par le pays. Rien de concluant ? PERSPECTIVES MED : POUR QUELLES RAISONS ATTAC MAROC S’OPPOSE AUX ACCORDS DE LIBRE -ÉCHANGE ? Omar Aziki : Nous considérons, et d’ailleurs, nous ne sommes pas les seuls, que ces accords restent déséquilibrés. Nul besoin de rappeler les nombreuses études élaborées par des institutions officielles qui attestent que les accords de libre-échange (ALE) creusent le déficit commercial du Maroc. Ces études ont montré, chiffres à l’appui, que les échanges extérieurs du Maroc avec l’ensemble des pays avec qui il a paraphé des ALE, que ce soit l’Union européenne, les USA ou la Turquie ou même les pays arabes (Jordanie, Tunisie et Egypte), sont devenus de plus en plus déséquilibrées depuis la conclusion desdits accords. Pis, le déficit enregistré dans le cadre du libre-échange aggrave le déficit commercial

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global marocain. C’est la raison pour laquelle les responsables viennent de mettre en veilleuse les négociations sur l’Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) avec l’UE afin qu’ils puissent évaluer son impact sur l’économie et la société marocaines. De notre part, nous voyons également que ces accords ont des impacts négatifs sur la société et sur le tissu productif. Ces accords permettent l’entrée de produits subventionnés de l’extérieur, les USA ou l’UE allouent des fonds importants pour le soutien de leurs secteurs productifs, pouvant être commercialisés à très bas prix sur notre marché et porter ainsi atteinte au tissu productif local, voire le détruire. Cette destruction du tissu national ne fait qu’augmenter indirectement le taux de chômage. Ce sont les principales raisons qui font que le Maroc ne gagne rien du tout de ces accords.


APRÈS L’ARRÊT DES NÉGOCIATIONS AVEC L’UE, ON A COMMENCÉ À PARLER AU SEIN DU MINISTÈRE CHARGÉ DU COMMERCE EXTÉRIEUR D’UN CHANGEMENT DE PARADIGME, QU’EN PENSEZ-VOUS ? O.A.: En fait, les études officielles ont montré que le déficit commercial s’est creusé de près de 212 milliards de dirhams, chiffre qui, pour mémoire, remonte à 2012. Malgré le fait que le gouvernement ait arrêté les négociations, nous devons savoir que l’accord d’association signé en 2000 est toujours valide (ou en vigueur) et que l’UE cherche aujourd’hui à signer l’ALECA. Ce nouvel accord vise à approfondir l’ALE signé en 2000 pour qu’il englobe des secteurs qu’il n’avait pas touché auparavant tels que les services, les banques… Grosso modo, tous les domaines qui n’étaient pas pris en compte par l’ancien accord. Actuellement, le Maroc connaît des problèmes parce que l’UE voulait envahir tous les secteurs rentables. En plus, le pays négocie en position de faiblesse. Même si le Maroc considère opportun d’arrêter, il demeure acculé par ses dettes, européennes en général pour ne pas dire françaises. L’Europe reste également un marché important pour les exportations agricoles nationales. Vous voyez les pressions qu’ils exercent sur le Maroc concernant l’accès de ses produits au marché européen.

Bruxelles menace d’invalider l’accord agricole (décision récente de la huitième chambre du tribunal de justice de l’UE). In fine, le Maroc finirait par accepter les conditions imposées par les Européens. D’ailleurs, c’est le même cas de la Tunisie. La politique européenne de « voisinage », surtout en Afrique du Nord, vise l’intégration de ces deux pays non pas comme des partenaires, mais juste comme de simples marchés. Ceci est d’autant plus vrai qu’en ce moment, l’UE vit une crise et cherche des débouchés pour ses opérateurs invités à investir dans les secteurs rentables.

COMMENT EXPLIQUEZ-VOUS LE FAIT QUE LE SECTEUR AGRICOLE SOIT EXCLU DE L’ALECA ? OÙ EST L’ACCORD COMPLET ET APPROFONDI ? O.A.: C’est un point important. Il faut savoir que l’exclusion de l’accord agricole est contraire aux principes de l’OMC qui veille à ce que les accords de libre-échange soient équitables. Lors des négociations, fin 1994, pour la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Marrakech, l’UE avait réussi à exclure l’accord agricole des ALE. Depuis, ces accords concernent les secteurs industriels tandis que les accords agricoles constituent des accords à part. Par contre, l’accord signé avec les USA englobe tout (le secteur agricole et les autres). Les Européens veulent, donc, un accord ex-

purgé de l’agriculture. A travers cette histoire d’invalidation de l’accord agricole de 2012, l’UE met la pression sur le Maroc pour imposer l’ALECA dans les conditions qui l’arrangent...

QU’EN EST-IL DE LA CONVERGENCE RÉGLEMENTAIRE ? O.A.: Le Maroc subit depuis très longtemps des pressions pour harmoniser ses cadres réglementaires avec ceux de l’union. L’UE avait même subventionné des programmes de soutien ad hoc. Une convergence qui concerne tous les secteurs (bancaire, assurance, foncier, justice, santé, etc.). Et ce, afin de faciliter l’accès aux investisseurs européens au moindre coût, sans obstacles et sans conditions. Comme l’a dit un investisseur du Golfe, « si le Maroc veut des IDE, il doit dresser un tapis rouge aux investisseurs étrangers », autrement dit, préparer le foncier et les infrastructures, faciliter les réglementations... C’est d’ailleurs ce que dit l’actuel gouvernement qui parle de réformer les tribunaux de commerce, faciliter les procédures administratives, etc. Ça fait partie des orientations de la Loi de fiances 2016. C’est le cas également des stratégies sectorielles qui, elles aussi, s’assignent comme objectif de préparer le terrain aux investisseurs étrangers. Cela inclut même le secteur de la Santé. La nouvelle loi promulguée ouvre le capital des cliniques à

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EXPORT des investisseurs étrangers. Avec cette loi, les médecins marocains peuvent devenir des salariés chez l’investisseur étranger. Même l’éducation et plusieurs autres secteurs stratégiques n’échappent pas à cette logique. On met en place une législation souple pour que le capital étranger y trouve son compte.

QUE DITES VOUS DE L’HARMONISATION RÉGLEMENTAIRE EN CE QUI CONCERNE LES MARCHÉS PUBLICS ? ET QUID DE L’ACCÈS DES OPÉRATEURS NATIONAUX À LA COMMANDE PUBLIQUE CHEZ LES PARTENAIRES ? O.A.: Opter pour ce genre d’harmonisation reviendrait à exposer les opérateurs nationaux à une concurrence insoutenable. Quoi qu’on en dise du côté européen, les opérateurs nationaux auront du mal à répondre aux normes édictées par l’UE. Et ce qui court pour le marché européen court aussi pour celui de l’Amérique. Si l’accord avec les USA ouvre la porte aux entreprises marocaines, celles-ci trouvent d’énormes difficultés à y accéder. L’exemple le plus éloquent est celui des mandarines qui ne répondent pas aux normes phytosanitaires américaines. D’ailleurs, les produits agricoles rencontrent incessamment ce genre de problèmes. Donc, tout investisseur marocain ne pourras jamais concurrencer un investisseur local dans un marché public dans ces pays. Alors qu’eux, ils viennent pour décrocher des marchés. D’ailleurs, le patronat n’arrête pas de réclamer la « préférence nationale » pour ce qui est des marchés publics. Ceci dit, par la force des choses, les investisseurs étrangers sont toujours dans le coup d’une manière directe ou indirecte.

QU’EN EST-IL DE L’ACCÈS DES MAROCAINS AUX MÉDICAMENTS, NOTAMMENT LES GÉNÉRIQUES, AU CAS OÙ IL Y AURAIT UNE CONVERGENCE RÉGLEMENTAIRE ? O.A.: Il faut savoir qu’à titre d’exemple l’ALE avec les USA exige 20 ans pour que la partie marocaine puisse disposer du brevet pour produire des médicaments génériques. Pour ce qui est de l’UE, des indiscrétions font état de 30 ans. Pis, même s’il y a épidémie, on ne peut pas produire des génériques sans l’autorisation préalable des géants européens, surtout qu’ils ont mis en place un tribunal

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pour régler les différents relatifs aux ALE. Tout un arsenal juridique est ainsi brandi à titre dissuasif. On peut même subir des sanctions au cas où on ne respecte pas certaines clauses. Il s’agit d’un tribunal relevant de l’OMC qui traite des accords commerciaux et non plus du Centre international pour le règlement des différents relatifs à l’investissement (CIRDI) de la banque mondiale.

LE MODÈLE INDONÉSIEN A RÉUSSI CONTRAIREMENT AU MAROCAIN CROYEZ-VOUS QUE LE MAROC POURRAIT FAIRE MARCHE ARRIÈRE ? O.A.: Le Maroc ne peut rien faire à présent puisque pratiquement 80% de la production nationale est acheminée vers l’Europe. Tant que le Maroc n’arrive toujours pas à s’ouvrir sur de nouveaux débouchés de sorte à alléger la pression européenne au niveau de l’écoulement de ses marchandises, il serait illusoire de réagir. Dans les conditions actuelles, tout parait très difficile. Prenons l’exemple du secteur agricole, dès que les Européens commencent à resserrer l’accès à leur marché, ça provoque une crise aigue à notre niveau. Je crois que le Maroc qui n’a pas beaucoup de marge, dans les conditions actuelles, pourrait chercher à gagner du temps pour décrocher plus d’acquis, mais en aucun cas refuser de signer l’ALECA. Ça sera très difficile.

QUELLE SOLUTION POURRAIT-ON AVOIR À LA PROBLÉMATIQUE DE LA DÉPENDANCE VIS-À-VIS DU MARCHÉ EUROPÉEN ? COMMENT POURRAIT-ON SE SOUSTRAIRE DE CETTE DÉPENDANCE ? O.A.: A vrai dire, cette problématique renvoie à une stratégie basée sur une alternative

économique. Le Haut commissariat au plan (HCP) avait fait une étude comparative des stratégies de développement au Maroc et d’autres pays au même niveau de développement durant les années 60, comme c’est le cas pour l’Indonésie ou la Tunisie qui ont appliqué le même modèle libéral. Où est-ce qu’ils en sont aujourd’hui ? L’Indonésie, par exemple, s’est beaucoup développée avec ce même modèle tandis que le Maroc est resté à la traine. Idem par rapport aux pays de l’Amérique latine qui ont adopté une stratégie de développement « autocentrée » (développer l’intérieur avant tout). A ce moment-là, le Maroc qui a abandonné plus de 6 millions d’hectares dédiés aux cultures céréalières qui faisaient de lui un exportateur net, est devenu un grand importateur. Les importations céréalières représentent le gros de la facture alimentaire. Quand le protectorat français a pris fin, il nous a légué cette stratégie d’export. En fait, il s’agit là du cercle vicieux de la dette. Pour payer ses dettes, on doit alimenter ses réserves internationales et ainsi de suite. Une dette qui ne cesse d’aller crescendo. Avec l’actuel ratio de la dette qui a atteint 82% de PIB et une croissance morose en 2016, les recettes de l’Etat vont certainement diminuer. Par conséquent, le besoin de financement va subir une réelle tension, surtout avec l’augmentation des dépenses de la dette. Je crois que la dépendance du Maroc ne fera que s’accentuer. Le trio FMI, BM et OMC nous imposent, selon leurs préférences, un modèle économique qui n’est pas forcément le modèle adéquat pour le développement du pays. Nous avons devant nous l’expérience des pays d’Amérique latine qui opèrent une reconversion tournée vers les priorités nationales.


MARCHÉS BOURSE DE CASABLANCA Par :A.M.

INDICATEURS CONTRASTÉS Après un début d’année baissier, la Bourse de Casablanca a clôturé à la hausse en février. Les indices de référence ont connu des améliorations respectives pour le MASI de +0,11% à 8 908,44 points et pour le MADEX de +0,18% à 7 269,71 points. Les performances year-to-date ressortent à -0,19% pour le MASI et +0,20% pour le MADEX.

A

REPLI DANS LE PERIMETRE DES GRANDES CAPITALISATIONS

u cours du mois de février, les indicateurs de la Bourse de Casablanca ont enregistré une évolution différenciée. Ainsi, les indices MASI et MADEX ont enregistré une correction à la hausse, atteignant de hauts niveaux de 9219,48 et 7535,45 points en date du 19 février 2016, en hausse de 3,6% et 3,8% respectivement par rapport à fin janvier 2016 et ramenant leurs performances par rapport à fin décembre 2015 à +3,3% et +3,9%. Sur le reste du mois, les deux indices se sont inscrits en baisse pour clôturer à 8908,44 et 7269,71 points, en recul de 3,4% et 3,5% par rapport à leurs hauts niveaux, annulant ainsi leurs gains de la première phase pour enregistrer une quasi-stagnation par rapport à fin décembre 2015, soit respectivement -0,2% et +0,2%. Parmi les 22 secteurs représentés à la cote de la Bourse de Casablanca, 9 ont enregistré des performances positives par rapport à fin janvier 2016, particulièrement ceux de l’immobilier (+15,8%), des ingénieries et biens d’équipement industriels (+8,3%), de l’informatique (+5,5%) et des mines (+4%). L’indice BTP a enregistré, quant à lui, une légère hausse de 0,4%. Les performances négatives du mois ont concerné, notamment, les indices des secteurs des boissons (-9,5%), des holdings (-5,4%), des distributeurs (-5%) et de l’agroalimentaire (-2,4%). De leur côté, les indices des secteurs des banques et des télécommunications, à eux seuls 58,2% de la capitalisation globale, ont enregistré de légers replis de 0,9% et 0,1% respectivement.

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MARCHÉS VOLUMÉTRIE ANÉMIQUE Pour sa part, la capitalisation boursière a augmenté par rapport à fin janvier 2016 de 3% pour atteindre un haut niveau de 464,7 Mrds Dhs en date du 19 février avant de s’inscrire en baisse et clôturer à 450,1 Mrds Dhs, en recul de 3,1% par rapport à son haut niveau et ramenant sa performance par rapport à fin décembre 2014 de +2,5% à -0,7%. Le volume global des transactions réalisé au titre de février a atteint 2,2 Mrds Dhs, en hausse de 55% par rapport au mois de janvier. Ce volume s’est réparti à hauteur de 85,9% pour le marché central. Les transactions sur ce marché ont augmenté, en glissement mensuel, de 94,3% à 1,9 milliard de dirhams. Les valeurs Addoha, Attijariwafa Bank, Itissalat Al-Maghrib et BCP ont canalisé respectivement 18,8%, 13,8%, 12,6% et 10,2% du volume des transactions en actions sur ce marché. Pas moins de 10,1% du volume a été enregistré sur le marché de blocs où les échanges ont augmenté par rapport au mois précédent de 66,5% pour atteindre 222,9 M Dhs et 3,8% pour les transferts d’actions. Au terme des deux premiers mois de 2016, le volume global des transactions a atteint 3,6 Mrds Dhs, en baisse de 46,2% par rapport à la même période de l’année précédente. Le volume des échanges sur les marchés central et de blocs a reculé de 51,1% par rapport à fin février 2015 pour s’établir à 3,2 Mrds Dhs , recouvrant une baisse de celui enregistré sur le marché central de 44,8% à 2,9 Mrds Dhs et un recul de celui réalisé sur le marché de blocs de 74,7% à 356,8 M Dhs .

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PROFIT WARNING

L’AVERSE ! Ce ne sont pas moins de 15 entreprises cotées à la bourse de Casablanca qui ont lancé une alerte sur leurs résultats de l’année 2015. Tous secteurs confondus, de l’Immobilier à la distribution en passant par les Finances ou l’industrie, la liste des profits warning est déjà assez longue et couvre une palette de choix en termes de capitalisations jadis à la cote. Alliances, Balima, SNEP, Sonasid, Rebab Company, Zellidja, Risma, Maghreb Oxygène, Axa Credit, Crédit du Maroc, Stokvis Nord Afrique, Timar, Stroc Industrie et enfin Samir, toutes ces firmes ont ainsi préparé le marché à accueillir de piètres performances annuelles. Tenues par la loi et sous la surveillance de la nouvelle autorité des marchés, les entreprises cotées semblent prendre le pli de la transparence, vitale aux investisseurs. Ces derniers ont déjà déserté le marché, en nombre, à cause de l’opacité des entreprises cotées et du laxisme du régulateur. Pour rappel, l’année dernière, le CDVM (l’AMMC actuellement) avait sanctionné 11 sociétés qui n’avaient pas publié ou avaient tardé à publier des avertissements sur les résultats. Reste à savoir comment la nouvelle autorité compte-t-elle sévir en cas de débordement sachant que les sanctions prévues demeurent peu dissuasives.


ENTREPRISES RÉSULTATS BANCAIRES

LE FILON AFRICAIN Par: A.M.

Dans un contexte de ralentissement de l’activité économique et plus particulièrement du crédit, les principales banques arrivent à tenir le cap en s’assurant une progression de leurs résultats au terme de l’année 2015. Celles qui ont joué la carte de l’expansion africaine en tirent des dividendes.

P

eut-on parler de saturation du marché bancaire à l’heure où la bataille de la bancarisation locale présente bien des défis? En attendant une quelconque réponse tranchée, et sans lâcher pour un sou le marché domestique, nombre de banques marocaines ont choisi de se tourner vers l’Afrique subsaharienne, là où de réelles perspectives de croissance s’annoncent. En effet, à la lecture des différents résultats des institutions bancaires déjà rendus publics, il est clair que certaines institutions arrivent à tenir le cap grâce à leur mouvement d’expansion continental. En ouvrant le bal des résultats, Attijariwafa Bank, premier groupe bancaire marocain, a annoncé avoir réalisé un bénéfice net de 4,5 Mrds Dhs en 2015, en progression de 3,4% par rapport à 2014, et ce grâce à sa stratégie de diversification des métiers et des géographies et à sa politique anticipative en matière de gestion des risques. Attijariwafa qui revendique le plus grand parc d’agences au Maroc et en Afrique (3534 agences au 31 décembre 2015), et face à un environnement toujours marqué par une faible demande de crédits au Maroc, a vu se réaliser une belle progression de la contribution de l’activité banque de détail à l’international au résultat net part du groupe (+30,6%). Cette performance s’explique essentiellement par une forte croissance organique, la poursuite du déploiement des programmes d’intégration, de transformation et de synergies lancés à l’issue de chaque acquisition,

ainsi que par l’augmentation des participations du groupe dans le capital des filiales sénégalaise (Compagnie Bancaire de l’Afrique Occidentale / CBAO) et ivoirienne (Société Ivoirienne de Banque), à 83% et à 75% respectivement. Attijariwafa Bank a également poursuivi l’an passé le renforcement de sa dimension panafricaine, avec l’ouverture d’une filiale de la CBAO au Bénin. Mais dans ce schéma, il faut souligner que cette banque est loin d’avoir fait cavalier seul ! On retrouve pratiquement le même son de cloche au niveau de la deuxième banque du pays, le Groupe Banque Centrale Populaire. Il clôture l’année 2015 sous de meilleurs auspices, affichant des performances commerciales et financières en progression. Bénéficiant aussi bien de l’effet positif de l’intégration du résultat des BPR que des bonnes performances de sa filiale Atlantic Bank International (ABI), qui opère dans une dizaine de pays africains, le Groupe a annoncé avoir réalisé un bénéfice net de 2,51 Mrds Dhs en 2015, en hausse de 14,4% par rapport à 2014. Détenue à hauteur de plus de 65% par BCP, Atlantic Bank International a en effet contribué pour 14,4% au produit net bancaire du groupe, lequel a atteint 15,3 Mrds Dhs, en hausse de 4% par rapport à 2014. Le safari africain de ces deux entités est des plus bénéfiques. Et il ne saurait en être autrement pour l’autre institution qui a choisi de dédier son identité au Continent noir, Bank of Africa en l’occurrence.

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ENTREPRISES SONASID TOUT S’EFFRITE…

MANAGEM

BONS FILONS En dépit de la forte baisse des cours des métaux, le Groupe minier MANAGEM parvient à maintenir une croissance des réalisations grâce à un effet parité positif USD-Dhs, couplé à une amélioration de la cadence de production. Au niveau des ventes, le chiffre d’affaires du Groupe s’apprécie de 12% pour atteindre 4 317 M Dhs. Cette croissance a eu lieu dans un contexte marqué par un repli des cours des principaux métaux commercialisés : Cuivre -20%, Argent -18%, Zinc -11%, Plomb -15% et Cobalt -9%. Cette contraction a pesé pour 880 M Dhs sur le chiffre d’affaires 2015, compensée en totalité par la hausse des volumes de ventes. Dans ce contexte, l’Excédent brut d’exploitation s’élève à 1 411 M Dhs, en hausse de 12%, profitant de l’impact positif de la hausse du chiffre d’affaires et de la réduction des cash-costs de production. En parallèle, le résultat d’exploitation se hisse de 38% à 617 M Dhs, d’où une marge opérationnelle de 14,3% (contre 11,6% en 2014). Pour sa part, le résultat financier se contracte de 115 M Dhs du fait de la non-récurrence des gains réalisés sur les couvertures de change USDDhs au cours de l’année précédente. Pour sa part, le Résultat Net Part du Groupe ressort à 205 M Dhs, en augmentation de 13%. Pour son développement, le Groupe minier a poursuivi sa stratégie d’expansion en 2015, axé essentiellement sur l’élargissement de son portefeuille minier, l’avancement des travaux d’exploration, aboutissant à une certification des ressources et d’étude de faisabilité des projets cuprifères, et une poursuite des travaux d’exploration d’Or à l’international.

C’est une première au Maroc, le Groupe Banque Centrale Populaire a élaboré un rapport détaillé sur sa RSE en 2015. Etalé sur quelque 70 pages, ce rapport revient sur les réalisations citoyennes du groupe qui touchent aussi bien les ressources humaines de la banque que l’environnement de l’institution avec ses actions d’économie d’énergie et virtualisation des process, ceci sans oublier les actions citoyennes de solidarité. La banque lit-on dans ce document s’engage pour une finance durable dont la stratégie reste encore à élaborer et qui aura pour but de dynamiser la contribution de ce secteur à la construction d’une économie verte durable et inclusive.

BCP POPULAIRE ET CITOYEN

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PERSPECTIVES MED

Au terme d’une année 2015 marquée par la baisse significative des prix de ventes en raison de l’augmentation de la surcapacité de production nationale dans un contexte de faible demande intérieure et l’importation massive des billettes chinoises ayant également entraîné une perte de compétitivité des aciéristes, SONASID affiche des réalisations financières en dégradation comparativement à fin 2014. En effet, le chiffre d’affaires consolidé du sidérurgiste se déprécie de 17% à 3 529 M Dhs. De son côté, le RNPG bascule en territoire négatif à -62 M Dhs contre 127 M Dhs en 2014. En social, les revenus de la société reculent de 17% à 3 425 M Dhs consécutivement à la baisse du volume (-5%) et des prix de vente (-13%). En dépit de cette conjoncture difficile, la société parvient quand même à maintenir son leadership sur le marché marocain avec une volonté de renforcer davantage son empreinte dans les circuits de distribution.

OCP FERTILE Bon cru pour le Groupe OCP ! Avec un chiffre d’affaires consolidé de 47,7 Mrds Dhs , en hausse de 15,2% com-parativement à la même période une année auparavant, OCP ne dément pas les pronostics. Par produit, le chiffre d’affaires est généré à hauteur de 40,6% par les fertili-sants, de 26,9% par la roche, de 23,8% par l’acide phos-phorique et de 8,7% par les autres produits. A l’export, les ventes ont été adressées pour 27% à l’Amérique du sud, 25% à l’Europe, 23% à l’Afrique, 15% à l’Amérique du nord, et 10% à l’Asie et l’Océanie. En outre, et en dé-pit de l’alourdissement de 66,7% à 3 840 M Dhs des do-tations aux amortissements, lié à l’importance du pro-gramme d’investissement réalisé ces dernières années (1 461 M $ en 2015, contre 2 320 M $ en 2014 et 2 440 M $ en 2013), le résultat d’exploitation consolidé pro-gresse de 51,9% à 13 820 M Dhs, élevant la marge opé-rationnelle de 7 points à 28,9%. Intégrant un résultat fi-nancier consolidé de -3 537 M Dhs (contre -2 707 M Dhs en 2014), le RNPG s’améliore de 57,8% à 8 011 M Dhs, hissant la marge nette de 4,5 points à 16,8%. En social, les revenus augmentent de 21,1% à 47 629,1 M Dhs, pour un résultat d’exploitation de 11 894,8 M Dhs (+73,3%) et un résultat net de 6 994,9 M Dhs (+10,8%), grevé par le basculement au rouge du résultat financier à -1 193,9 M Dhs contre 606,3 M Dhs une année aupara-vant. LA JOINT-VENTURE ENTRE SNI ET LAFARGE-HOLCIM SIGNE L’APPARITION D’UN MASTODONTE DU SECTEUR CIMENTIER AFRICAIN QUI CONSTITUERAI, LA PREMIÈRE CAPITALISATION BOURSIÈRE INDUSTRIELLE DE LA BOURSE DE CASABLANCA ET LE DEUXIÈME CIMENTIER AFRICAIN COTÉ, AVEC UN POIDS DE PRÈS DE 38,2 MRDS DHS.


CIH

REPRIS CONFIRMÉE

CDM

N’ayant pas subi l’impact de la non récurrence des profits exceptionnels réalisés par les autres banques en 2014 (suite à la baisse des taux obligataires), CIH BANK a pu profiter de l’amélioration de son activité et de la bonne performance de sa filiale crédit à la consommation pour soutenir sa profitabilité. Plus, les efforts d’assainissement considérables fournis par la banque dans le passé ont fait que « les dossiers historiques » se sont transformés de boulets en source de profits qui soutient la croissance de la banque. Ainsi le PNB consolidé de CIH BANK s’est bonifié de 5,3% à 1 790 M Dhs. Cette croissance intègre une hausse de 4,2% de la marge d’intérêt et une amélioration de 8,2% de la marge sur commissions. Sur une base individuelle, le PNB de la banque s’est stabilisé à 1 462 M Dhs. Au final le RNPG ressort en progression de 7% à 535 M Dhs. En social, le résultat net de la banque s’établit à 471 M Dhs, au même niveau qu’en 2014. Quant à SOFAC, elle a enregistré une croissance de 11% de sa capacité bénéficiaire à 42 M Dhs.

La filiale du Groupe Wilmar International vient de publier des performances commerciales probantes au terme de l’exercice 2015, capitalisant sur une campagne sucrière 2014/2015 favorable (+7% à 510 000 tonnes) et sur le développement de son activité à l’international. Dans ce sens, le chiffre d’affaires consolidé s’est hissé de 15,3% à 6 970 M Dhs. Cette variation est portée par la croissance du volume d’affaires à l’export (du sucre importé en admission temporaire sans subvention, traité dans la raffinerie de Casablanca et exporté en tant que sucre blanc vers différentes destinations), ainsi que l’amélioration de la production locale ayant permis de libérer les capacités de raffinage de Casablanca. De son côté, l’EBITDA consolidé s’est bonifié de 8,8% à 1 454 M Dhs, tirant profit des retombées positives des investissements liés aux unités de production, conjuguées à la baisse des cours des matières premières notamment le cours

JOURS TERNES La filiale du groupe français Crédit agricole au Maroc n’arrive pas à voir le bout du tunnel. Après une année 2014 moyenne, les résultats de la banque plongent en 2015, impactés par un redressement fiscal qui a fortement pesé sur les résultats de l’exercice à hauteur de 79 M Dhs. Par ailleurs, et alors que ses activités continuent de reculer, l’établissement voit également ses marges se réduire, sous l’effet de la hausse des charges générales d’exploitation et de l’accroissement des dotations aux provisions destinées à couvrir ses arriérés d’impôts au titre de la période 2011-2014. Ceci étant, la banque conforte sa solidité financière avec des fonds propres en progression de +4 % à 4,5 Mrds Dhs, et un PNB en légère hausse (+0,8 %) à 2 Mrds Dhs. Ce qui n’empêche pas le total bilan de reculer de -2,4 % à 49 Mrds Dhs. cette baisse de performance s’explique en grande partie par la hausse du coût de risque et des charges d’exploitation, mais aussi par le durcissement des règles prudentielles et de maîtrise des risques par la Banque Centrale.

du pétrole. Enfin, la capacité bénéficiaire part du groupe s’est établie à 642 MDhs, contre 640 M Dhs en 2014 et ce, en dépit de l’augmentation de l’EBITDA. Du côté des agrégats sociaux, on notera la hausse de 16,6% du chiffre d’affaires à 5 274 M Dhs, une progression de 18,2% de l’EBE à 1 099 M Dhs, sous l’effet de des bonnes performances de la récolte sucrière de la sucrerie de Doukkala, couplée à l’allègement du coût de l’énergie et une évolution de 13,4% du résultat net à 491 M Dhs. En termes de perspectives, l’année 2016 s’annonce moins favorable, en raison de la reprise du cours des matières premières et des produits pétroliers au niveau mondial. Sur un autre registre, l’année 2016 devrait connaitre le début de la décompensation graduelle du sucre sur une période de 18 mois, ce qui devrait consolider la trésorerie du Groupe et lui permettre de réaliser des investissements au niveau local et international.

COSUMAR PERFORMANCES À L’INTERNATIONAL

PERSPECTIVES MED

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ENTREPRISES FORUM INTERNATIONAL AFRIQUE DÉVELOPPEMENT par: A.M.

LA MESSE DU BUSINESS Le Forum International Afrique Développement est désormais reconnu comme l’évènement incontournable des affaires. Pour sa 4éme édition, le forum a attiré des personnalités de renom et a vu se concrétiser quelque 4800 rendez-vous d’affaire. Pour ses organisateurs, l’évènement est « une belle réussite ! »

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as moins de deux mille opérateurs économiques, représentant vingt-huit pays se sont donnés rendez-vous le 25 février 2016 à Casablanca à l’occasion de la quatrième édition du forum Afrique développement initié par le groupe Attijariwafa bank sous l’impulsion de son actionnaire de référence, la SNI. Placé sous le patronage Royal, l’évènement a été pavé de déclarations de bonnes intentions, notamment en matière de co-développement et de partenariat SudSud que nos ministres n’ont cessé de clamer. D’Aziz Akhannouch, ministre de l’Agriculture à Salaheddine Mezouar, chef de la diplomatie, cela sans oublier Moulay Hafid El Alamy, ministre de l’Industrie, tous ont rejoint le président d’Attijari Mohamed El Kettani

ODE À LA COOPÉRATION SUD-SUD

- 600 millions de personnes ne disposent pas d’accès à l’électricité et des bénéfices qui l’accompagnent. - Plus de 10 millions de personnes sont exposées à la famine à cause de la terrible sécheresse qu’a connue l’Afrique de l’Est cette année.

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pour développer des discours orientés vers la coopération avec l’Afrique subsaharienne. Dans un bel ensemble, ils ont soutenu que « toutes les réformes et progrès réalisés et réussis au Maroc, sont exportables », et peuvent dès lors « participer à la restructuration et au développement » des partenaires africains. Depuis sa fondation, le Forum Afrique/Développement a d’ailleurs déjà permis de mettre en contact 5 500 opérateurs économiques et favorisé près de 13 000 rendez-vous d’affaires. Dans son discours de bienvenue, M. El Kettani a annoncé que pas moins de 4 500 rendez-vous en B to B étaient programmés durant cette et a procédé au lancement officiel du « Club Afrique Développement » dont le but est d’accompagner, tout au long de l’année, ses membres, dans la découverte de nouveaux horizons d’investissement. Le président d’Attijari est aussi revenu sur les perspectives de croissance mondiale qui, de par leurs faiblesses, incitent les acteurs économiques du continent à revoir leur stratégie d’expansion : « Notre forum


intervient donc dans un contexte international marqué par de fortes turbulences et des incertitudes. Mais nous vivons, également, une époque de transitions et de changements profonds, porteurs d’opportunités » a ainsi déclaré M. Kettani.

LUMIÈRE ET SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

L’édition de 2016, dont « Maroc Export » s’est érigé en partenaire s’est déroulée sous le thème générique « Agriculture et Electrification : mobiliser les Energies ». En effet, pour la quasi-totalité des pays africains, l’agriculture constitue le premier secteur de l’économie, avec 25 % du PIB, où 63 % de la population vit dans le monde rural et subsiste grâce à l’agriculture. La prise en charge de ce secteur s’avère dès lors décisive pour envisager une croissance inclusive et réductrice des inégalités, tout en réussissant le passage d’une agriculture de subsistance à une agriculture moderne. L’électrification est également pour le continent d’une urgence suprême, au vu des chiffres cités, puisque 600 millions d’Africains n’ont pas d’accès aux réseaux électriques et les taux moyens d’électrification des pays subsahariens ne dépassent guère 20 %. L’aide du Maroc peut s’avérer sur ces deux volets hautement stratégique, eu égard à l’expérience du pays avec le Plan Maroc Vert et le chantier d’électrification rurale mené à tambour battant par l’ONEE. Les trois panels organisés à Casablanca s’étaient articulés autour de thématiques importantes telles que « Transformation du secteur agricole : d’une activité de sub-

sistance à un moteur de développement de l’économie et des entreprises », « Entrepreneuriat en Afrique : libérer les énergies » et « Quel modèle d’électrification pour le continent africain ? ». Le forum permet ainsi de phosphorer. Mais aussi de proposer des recommandations. Ces recommandations seront, par la suite, retranscrites dans un 4ème Livre Blanc destiné aux décideurs publics et gouvernementaux, à l’instar des éditions précédentes. L’ensemble des intervenants et participants ont unanimement appelé à renforcer les échanges sud-sud et préparer ainsi aux générations futures les conditions d’une vie meilleure. Aussi dans son allocution de clôture, Madame Zahra Maafiri, Directrice Générale de Maroc Export, a estimé, non sans raison, que « le développement économique de notre continent est une affaire qui doit mobiliser et faire converger vers une finalité commune toutes les forces vives de l’Afrique. Car la clé du développement c’est l’intégration, d’abord à l’échelle des régions puis à l’échelle du continent ».

LIBÉRER L’AFRICAPITALISME

L’événement qui prévoit de présenter une feuille de route pour les opportunités économiques, commerciales et d’investissement pour l’Afrique, ainsi que le positionnement du continent pour attirer des investissements viables, à long terme, dans deux des secteurs les plus critiques pour l’Afrique, l’Energie et l’Agriculture, a accueilli des dirigeants d’entreprises, des ministres, des PDG de grandes insti-

tutions financières, des décideurs et des investisseurs du secteur privé. Parmi les différentes interventions, celle de Tony O Elumelu Con, président de Heirs Holdings, UBA Plc et Transcorp Plc, qui a discouru sur le rôle du secteur privé africain dans le développement et l’intégration régionale du continent. Il a souligné que des investissements soutenus dans l’agriculture et l’énergie peuvent entraîner et soutenir la transformation économique à travers le continent, de même pour ce qui est de la mise à disposition de bonnes infrastructures pour le développement du continent. Pour lui, le secteur privé a la capacité et doit reconnaître et assumer son rôle dans le développement du continent. Une initiative de mouvement vers l’avant qu’il nomme l’« Africapitalisme »,qui se veut une philosophie économique qui prône des investissements à long terme dans des secteurs stratégiques qui offrent des dividendes économiques et sociaux. Une conviction qu’il a soutenue par le lancement du Tony Elumelu Entrepreneurship Programme, un engagement de 100 millions de dollars sur 10 ans à créer la nouvelle génération d’entrepreneurs africains et à générer 10 milliards de dollars de revenus annuels, en créant au moins un million d’emplois à travers l’Afrique. Elumelu Con, qui se trouve être président du groupe United Bank of Africa, partage les mêmes ambitions et visions panafricanistes de M. El Kettani. L’investissement et le commerce généreront la stabilité et prospérité pour tous !

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ENTREPRISES OCP AFRICA UNE FILIALE DÉDIÉE

TAQA MOROCCO MELLOUSSA DANS LE VENT Taqa Morocco installera dans la ville de Tanger une centrale éolienne d’une capacité de 140 MW. Le parc, qui se situera aux alentours de la zone franche de Melloussa, devrait produire 60 MW d’électricité au début de cette année. L’infrastructure aura un coût total d’environ 152 millions $, dont 30% seront fournis sur fonds propres par Taqa. Les 70% restants seront levés auprès des établissements bancaires. L’entreprise procède actuellement à la levée des fonds nécessaires pour la réalisation du projet. Elle attend également les autorisations administratives requises pour démarrer la phase de construction. Taqa détiendra 60% des parts du parc. Ses différents partenaires, les entités qui ont signé avec elle des contrats d’achat d’électricité, posséderont les 40% restants. Cette centrale est le premier projet d’énergie renouvelable que met en place au Maroc la société qui réalise environ 40% de la production énergétique nationale.

Le groupe OCP a procédé à la création de sa filiale, OCP AFRICA, dédiée au développement de ses activités en Afrique. Cette nouvelle entité entend contribuer à relever le défi d’une agriculture structurée, performante et durable sur le continent africain en donnant aux producteurs agricoles tous les moyens de réussir : produits adaptés et abordables, services et accompagnement, solutions logistiques et financières. Pour ce faire, OCP AFRICA ouvrira, cette année, une quinzaine de filiales sur le continent. Dès sa création, cette holding a décroché le statut CFC, un label qui représente pour l’entreprise un véritable atout pour faciliter ses investissements et ses opérations dans le continent. D’ailleurs, une unité de production dénommée Africa Fertilizer Complex dédiée au continent a été inaugurée récemment par le Roi à Jorf Lasfar. Unité dont l’investissement de 5,3 Mrds Dhs permettra de produire un million de tonnes/an d’engrais, totalement dédiées aux pays d’Afrique.

MARCHICA MED

DUPLICATION SUR LA BAIE DE COCODY

Résolument tourné vers son continent, le Maroc cherche à dupliquer ses réussites nationales et d’en faire profiter les voisins du Sud. C’est dans cette optique que la société Marchica Med s’est implantée officiellement en Côte d’Ivoire, à travers l’ouverture de sa succursale à Abidjan. Une antenne qui s’assigne pour missions principales d’assurer l’assistance à maîtrise d’ouvrage du gouvernement ivoirien pour l’aménagement et la valorisation de la Baie de Cocody et de la lagune Ebrié dans la métropole économique, et de garantir un accompagnement du gouvernement ivoirien sur d’autres projets de

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coopération. Plus, elle se propose aussi d’apporter son appui opérationnel aux institutionnels, marocains, dans leurs projets ivoiriens. Il est à rappeler que le lancement de cette succursale fait suite à la signature, le 3 juin dernier à l’occasion de la visite du Roi en Côte d’Ivoire, de l’accord- cadre d’assistance à maitrise d’ouvrage relatif au projet de sauvegarde et de valorisation de la Baie de Cocody, entre le gouvernement ivoirien et la société d’Etat Marchica Med. Enfin ce projet de développement du pôle urbain de la baie de Cocody à Abidjan nécessitera un investissement de 1,7 Mrds Dhs.


FORDSALAF

AU PLUS PRÈS DES CLIENTS Dans sa course à la pôle position en terme de ventes, Scama distributeur exclusif au Maroc de la marque Ford s’est allié au leader du marché du financement Wafasalaf. Ce dernier offrira aux clients Ford des solutions de financement innovantes et attractives, exclusivement dans le réseau Auto Hall. Baptisées « FORDSALAF », les solutions issues de ce partenariat permettront aux clients de choisir, acheter et financer le véhicule de leur choix sans quitter le site de vente...Sinon au volant ! A travers FORD SALAF, Scama proposera aussi à ses clients le financement des contrats d’entretien et d’extension de garantie pour leur véhicule. Ainsi, les clients qui opteront pour ces produits auront une maitrise totale du cout d’exploitation du véhicule.

ESL AGENCE PUBLICS

BONS BAISERS DE RABAT Le Groupe ESL Agence Publics, déjà présent à Paris, Bruxelles, Doha et Dubaï, s’implante désormais au Maroc, avec l’ouverture d’une nouvelle filiale à Rabat. Acteur majeur dans la mise en œuvre de grands projets événementiels internationaux, spécialisé dans la communication publique, politique, institutionnelle et de stratégie, avec une expertise reconnue dans l’organisation de conférences internationales, de Sommets de Chefs d’État et de gouvernement, ESL Agence Publics fait son entrée sur le marché marocain, où il pourra déployer toute la gamme de son expertise, en liaison avec un réseau en forte croissance. Pour Alexandre Medvedowsky, Président du Groupe ESL&Network, il s’agit là d’une implantation naturelle qui fait suite aux actions déjà menées par l’agence au royaume comme ce fut le cas pour du symposium «SYMPHOS » pour le compte du Groupe OCP, l’organisation des MEDays à Tanger chaque année depuis 2009 ou plus récemment la coordination de la présence du Maroc à la COP21 ainsi que la réalisation de l’étude de préfiguration de la COP22 prochainement organisée au Royaume.

EURO AFRICAINE DES EAUX

AIN IFRANE S’OUVRE SUR SON ENVIRONNEMENT Euro Africaine des Eaux, filiale des Brasseries du Maroc dont la spécialité est de mettre en bouteille les eaux froides de la source de Bensmim, s’ouvre au grand public. Désormais, la visite de son unité d’embouteillage de dernière génération implantée à quelques centaines de mètres de la source, fait partie de l’offre touristique locale. Pour un investissement initial de 209 M Dhs, l’entreprise qui injecte 7 M Dhs en taxes locales s’inscrit pleinement dans la préservation et le développement de son environnement et compte ainsi enrichir l’offre touristique locale avec cet appel à la découverte du patrimoine industriel et naturel de la région perché à 1700 m d’altitude entre Ifrane et Azrou.

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CULTURE

L’ÈRE DES “NÉO-CONS”

LA MISÈRE “INTELLO”!

L’ARÈNE INTELLECTUELLE SEMBLE RATTRAPÉE, À GRANDE VITESSE, PAR LES DÉFENSEURS DES « VALEURS ANCESTRALES » QUI FONT « LE MOI » COLLECTIF. ET DANS CETTE COURSE À LA SAUVEGARDE DE LA DOXA, À N’ÉGRATIGNER SOUS AUCUN PRÉTEXTE CRITIQUE AU RISQUE DE TOMBER SOUS LE COUP DE L’EXCOMMUNICATION, IL FAUT CROIRE QUE LE MAROC N’EST PAS À L’ABRI. AU SECOURS, LES « HIMMICHIATES » SONT DE RETOUR !

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A.HIMMICHE ET L’ISLAMOPHOBIE

LE PLEIN D’AMALGAMES par: Lamia Mahfoud

Dans l’arène des intellectuels marocains, tout débat relève de l’exercice salutaire. Sans tabous, mais surtout sans invectives. Si la cause est entendue, tel n’est pas le cas pour Abdesslam Himmiche. Ses dénonciations des « islamophobes » prêtent à confusion lorsu’il emprunte le raccourci qui conduit à en assimiler les auteurs à de si simples défenseurs du sionisme et néocolonialisme. Plus dure est la chute !

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ersonne n’échappe à la hargne d’Abdeslam Himmiche. Pas même l’islamologue Mohamed Arkoun qui a consacré sa vie durant à analyser l’islam et le discours religieux sous toutes ses coutures. Sauf que notre intellectuel s’écarte des joutes du savoir CERTAINS INTELLECTUELS pour se lancer, tête baissée, dans l’insulte gratuite. NE SE BONIFIENT PAS Qu’est-ce qu’il lui a pris à AVEC LE TEMPS. «notre » romancier, et philosophe à ses heures perILS TOURNENT ! dues, pour monter sur ses quatres chevaux et charger A. HIMMICHE EST DU LOT. ainsi des essayistes engagés sur un terrain assez médiatisé par les temps qui courent, depuis que la barbarie de Daech occupe les devants de la scène ? Pour-

quoi s’acharne-t-il à mettre dans un seul et même panier des intellectuels de renom, et d’autres moins brillants que ce que laisse paraître leur surexposition médiatique, pour évoquer la problématique de l’islamophobie ? Polémiquer, c’est bien, car cela relève de l’exercice salutaire. Mais cela obéit à des règles de bienséance d’où l’invective est tout simplement bannie. Mais une telle réalité ne semble guère agréer à « l’illustre» Himmiche qui déconsidère tout travail fait sur l’Islam. L’ex-ministre de la Culture se sent-il investi d’une mission consistant à épingler tous ceux qu’un avis émis en la matière dérange ? Car il n’y a pas pire que la dimension messianique dont tout intellectuel perdu se drape pour se donner bonne conscience. Passer l’Islam au crible de la critique n’est et ne doit pas relever de l’exercice hérétique. Sauf pour celui qui croit être mandaté par une « autorité morale » pour s’ériger en parangon de toutes les vertus. Autant dire exclure les autres, tous

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CULTURE les autres, d’un champ reconquis où le terrain du savoir serait hermétiquement clos. Pour n’adouber que ceux qui caressent avec lui dans le même sens du poil une religion qui n’a besoin de personne pour la défendre depuis des siècles déjà… Mais le pire dans cette démarche est de conduire son auteur vers la cime de la bêtise lorsqu’il amalgame islamophobes et philosémites dans une même centrifugeuse en réduisant, bien entendu, l’action de tout intellectuel qui « oserait » critique l’Islam à l’expression d’une solidarité agissante avec les milieux sionistes ! On a beau chercher savoir en quoi toute critique du subconscient collectif arabe, dominé par l’Islam dans ses diverses expressions, en réduirait les auteurs en de simples suppôts de l’impérialisme en général et de son appendice régional, le sionisme en l’occurrence, rien n’y fait. La dialectique ne marche pas du coup dans cette sombre et sulfureuse histoire. Doit-on en conclure, et c’est peut-être ce que cache la démarche « himmichienne », que tout démontage de la mécanique wahhabite relèverait, elle aussi, de l’hérésie et servirait ipso facto les intérêts des néocolonialistes et de leur entité proche-orientale Israël ? Evidemment qu’il faut faire la part des choses. Et ce n’est absolument pas en fermant à double tour les portes de l’Ijitihad que l’on aura la vie sauve. Israël, pour rappel, profite du chaos qui sévit dans la région proche-orientale, pour dédouaner, à moindres frais, tous ses crimes à l’endroit des Palestiniens spoliés. D’ailleurs, il serait quand même amusant de voir que Daech qui assassine en masse et détruit des pans entiers du patrimoine de l’humanité réussit toujours à mobiliser via son prêt-à-porter idéologique largement inspiré des dérives de l’Islam. N’est-il pas vrai que ses sbires sacrifient des innocents, sunnites et chiites, azéris comme orthodoxes, au nom de Dieu le tout puissant ? N’invoquent-il pas les « hudud » à tout bout de champ pour donner libre cours à leur barbarie ? Il est aussi évident que l’administration américaine, forgée à l’idéologie néo-conservatrice, n’est pas du tout étrangère à l’émergence de toutes les katiba de ces nouveaux san-

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guinaires qui entendent réaliser leur rêve apocalyptique en recourant à la terre brûlée. Non seulement en terre d’Islam, mais aussi ailleurs, comme on l’a vu à travers les attentats en « terre impie » qui portent sa marque de fabrique. Et c’est bien la fameuse « théorie du chaos » qui a inspiré les auteurs de «la gestion de la barbarie ». De tout cela, un observateur averti de la trempe d’A. Himmich devrait en être conscient. Et plutôt que d’attaquer bille en tête ceux qu’il décrie comme de simple islamophobes, n’aurait-il pas mieux valu, pour lui, comme pour le savoir qu’il défend, de commettre des analyses plus pertinentes à partager que celles qu’il drape d’un imparfait savoir juste propre à meubler les cases vides de quelques sites qui, eux aussi, versent dans l’info-spectacle ? Ne sacrifie-t-il pas, lui aussi, à la mode de « l’infobésité », cette déferlante sans queue ni tête qui contribue largement à nourrir les amalgames dans les esprits plutôt que de contribuer à les libérer ? Il est évident que le travail intellectuel fourni par Pascal Boniface mérite la médaille du courage pour ce qu’il est. Car il a osé épingler dans son livre (refusé par plusieurs maisons d’édition) la France pour son tropisme israélien. Comme on ne saurait que saluer sa charge contre les intellectuels faussaires qui meublent la scène parisienne. Et le récent travail de Shlomo Sand (encore un israélien ?) n’est pas pour le contredire ? Mais de là à réduire une démarche intellectuelle louable à une simple dénonciation de l’islamophobie… Et ce qui va pour P. Boniface va aussi pour Edwy Plenel qui défend les musulmans de France non pas pour leur religion, ou leur religiosité, mais parce qu’ils sont des citoyens français à part entière. C’est à croire que tout peut passer, chez Himmiche, même lorsqu’il s’agit d’un trotskyste convaincu comme E. Plenel, pour peu qu’il prenne la défense des musulmans et, par extension, de l’Islam, comme veut le croire l’ex-ministre de la Culture… S’il faut applaudir ces deux essayistes qui ont osé nager contre le courant d’idées dominant en France, eux qui ont trouvé grâce aux yeux de A. Himmiche, au nom de quoi se permet-il de descendre en

flammes les essayistes qu’il taxe d’islamophobie ? Où est la liberté de pensée dans tout cela ? Et quid de la liberté d’expression tout court ? On regrettera sans doute la débâcle des intellectuels arabes qui, en majorité, ont été pris par surprise par les chamboulements qui ont toujours cours dans le monde arabe. Au point de s’isoler dans leur tour d’ivoire pour ne pas subir les contrecoups d’une ré-

PASSER LE DOGME AU TAMIS ÉQUIVAUT-IL À L’ISLAMOPHOBIE ? D’AUCUNS Y CROIENT. A TORT.

volution plébéienne. Un repli ancestral depuis que les autodafés ont marqué l’histoire de la production idéelle en terre d’Islam. Une terre de guerre qui ne dit pas son nom pour que survive une doxa que toute critique ne doit pas maculer. Voilà qui nous renvoie au loin, à la première génération des partisans de la renaissance arabe, et aux joutes qu’ils ont alimenté depuis. Car les mêmes questionnements qui avaient obnubilé ses partisans restent, fort malheureusement, d’actualité. Faut-il où non passer au tamis le legs culturel pour libérer les énergies créatrices et favoriser le take-off ? Pour A. Himmiche, l’affaire est entendue. L’Ijtihad, cet effort d’exégèse salutaire, a ses limites que la raison, pourtant, ne saurait tolérer. Voilà pourquoi le siècle des lumières s’éloigne de plus en plus de l’espace qui s’étend de Tanger à Djakarta. Sous le double coup d’une seule et même fausse pièce : l’offensive déstabilisatrice des djihadistes, aussi intemporelle que suicidaire pour des générations encore et son avers en milliards de dollars de dollars que la wahhabisme injecte pour que survive une idéologie du néant, usine de nihilistes. Quelle galère !


DROIT MUSULMAN

LE BÉNÉFICE DU DOUTE par: Elias Saba

Dans un ouvrage récent, Intisar Rabb, professeur de droit à Harvard, traite de ce qu’elle appelle le « critère de doute » en droit musulman, selon lequel les juristes sont censés éviter toute peine criminelle en cas de doute. Rabb rappelle qu’il s’agit là d’un concept central en droit musulman, pourtant trop souvent ignoré de nos jours.

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ans Doubt in Islamic Law, Intisar Rabb souligne le rôle central joué par le doute dans l’évolution du droit musulman. Rabb insiste plus précisément sur ce qu’elle appelle le « critère de doute », selon lequel les juristes musulmans sont censés « éviter toute condamnation criminelle en cas de doute » (p. 4). Elle retrace l’histoire de ce critère, et montre comment il fut utilisé pour éviter de lourdes condamnations. Le doute est donc un aspect central du droit musulman trop souvent ignoré dans les débats actuels, où ce dernier est réduit à un ensemble rigide de décisions juridiques substantielles. Selon Rabb, « les plus ardents défenseurs du droit musulman [à l’heure actuelle] démontrent un manque évident de connaissances sur son évolution historique, notamment en ce qui concerne les définitions

LE DROIT CRIMINEL MUSULMAN N’EST PAS RIGIDE

en contexte, les fonctions et les usages du doute » (p. 321). Cet ouvrage tout en nuances retrace admirablement un millénaire de droit criminel musulman, des récits de la vie de Mahomet au VIIe siècle à l’expansion des empires ottoman et safavide au XVIe siècle. Dans son analyse de l’usage procédural du droit musulman, Rabb montre comment de nombreux juristes envisageaient la mise en pratique de ce dernier. Selon elle, les juristes musulmans voulaient notamment éviter les lourdes condamnations apparemment stipulées par le code pénal. C’était précisément cette sévérité qui menait les juristes à remettre en cause l’application de certaines mesures, dans les cas où l’infraction ne semblait pas justifier une trop lourde condamnation. Rabb parle d’un(e) « évasion pénale » à la disposition des juristes cherchant à « atténuer leurs propres appréhensions morales quant à l’application de peines injustes » (p. 59). C’était encore une fois la sévérité des règles qui rendait leur application si difficile. Ainsi le critère de doute fut d’abord une pratique

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CULTURE judiciaire, avant d’être inscrite dans les fondements du droit, pour enfin devenir pratique courante parmi les juristes musulmans. Le critère de doute se basait à l’origine sur des récits de la pratique judiciaire du prophète et de la première communauté musulmane. Une fois inscrite dans les textes, on se mit à parler du critère de doute ; ce texte finit par faire autorité parmi les juristes, qui s’en servirent dès lors dans leurs décisions comme d’un principe général.

LE DOUTE ET LES PROBLÈMES DE LA LETTRE DE LA LOI

Les juristes musulmans prétendent que le droit musulman est littéral et trouve son origine dans le Coran et le Hadith. Il est dit que les ḥudūd (peines fixées par Dieu, singulier ḥadd) sont explicitement prescrites dans le Coran. Mais nombreux sont ceux qui contestent l’origine exacte de ces lois ; de même, le nombre et la portée de ces lois sont loin de faire l’unanimité (p. 34). Compte tenu de la sévérité des peines prescrites dans ce cadre, les juges étaient réticents à l’idée de les appliquer, et invoquaient alors le doute pour disculper les accusés. L’argument d’un doute circonstanciel permettait aux juristes de disculper le coupable, évitant par là même d’appliquer les peines ḥudūd. Pour les juristes, le doute servait donc à alourdir la charge de la preuve, mais aussi à éviter d’appliquer une peine dans les cas où l’on ne pouvait pas clairement établir qu’il s’agissait d’un crime ḥudūd. La non-application de ces peines si le crime est avéré, de même que l’application de ces peines si le crime ne relève pas de la loi divine, constituerait une violation de la loi divine. De même que le doute circonstanciel servait à ne pas appliquer la peine lorsque l’identité du coupable restait incertaine, le doute concernant la loi et son interprétation pouvait également invalider les peines ḥudūd requises. Dans le cadre du doute sur la loi, les juristes disculpaient les accusés qui ne savaient pas que leur action était illégale ; c’était une situation relativement fréquente dans l’environnement juridique pluraliste du droit musulman médiéval. Le doute sur les interprétations de la loi pouvait intervenir au niveau des juristes, lorsque différentes interprétations

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valides d’un texte de loi pouvaient donner lieu à différentes décisions de justice. Rabb donne l’exemple du « cas Māʾiz », à l’époque du prophète Mahomet. Māʾiz était un musulman converti coupable d’adultère, qui confessa son crime à Mahomet ; ce dernier refusa pourtant de condamner Māʾiz pour adultère, malgré ses multiples confessions. Lors de la quatrième confession de Māʾiz, Mahomet lui demanda s’il était sain d’esprit et s’il avait « simplement donné un baiser, fait un clin d’œil ou lancé un regard à une ‘autre femme’ » au lieu de véritablement commettre un adultère (p. 25). Lorsque Māʾiz confirma qu’il avait commis un adultère au vrai sens du terme, Mahomet le jugea coupable sans lui imposer de peine. Le prophète apprit plus tard que les villageois avaient lapidé Māʾiz. Très déçu, Mahomet s’écria qu’ « ils auraient dû laisser partir Māʾiz » (p. 26). L’histoire de Māʾiz est un des premiers exemples de l’usage du doute dans le but d’éviter l’application de peines ḥudūd. De nombreux juristes virent dans le fait que Mahomet ait refusé de condamner Māʾiz une indication sur la manière dont ils devaient procéder à leur tour. Malgré la confession de Māʾiz, Mahomet ne le condamna pas, puis, après quatre confessions, il tenta de jeter le doute sur sa culpabilité grâce à des éléments permettant de le disculper. La consternation de Mahomet à l’annonce de la lapidation de Māʾiz ne faisait ainsi que confirmer son opposition à la peine imposée par les habitants de la Mecque. Si la majorité des juristes considéraient que ce texte incitait à éviter les peines ḥudūd, une minorité y voyait l’application stricte de la peine requise malgré le désir personnel de Mahomet de ne pas punir Māʾiz.

LE DOUTE SOUS TOUTES SES FORMES

Rabb montre que le doute apparaît dans des comptes rendus d’audiences anciennes où un juge décida de ne pas appliquer l’ḥadd, ou de ne l’appliquer qu’en cas de preuve irréfutable. Dans le « cas Māʾiz », par exemple, Mohamet ne mentionnait jamais explicitement le doute, mais il était facile pour les juristes enclins à éviter l’application de ces peines d’y voir l’usage du doute. Dans ce cas, comme dans d’autres cas de la même époque, les juges soute-

naient l’idée que la morale privée et la résolution de conflit hors du tribunal prévalaient sur l’action judiciaire publique. La population n’était pas censée aller au tribunal pour des cas mineurs, s’il était possible de les résoudre en privé. La repentance du coupable pouvait ainsi se substituer à la décision du juge. Les premières autorités en droit invoquaient le doute et les récits impliquant une part de doute pour discuter l’application des lois ḥudūd. On pouvait trouver dans les textes les deux impératifs ; les juristes prétendant à un littéralisme rigoureux dans leur application de la loi, pouvaient néanmoins se référer à des textes (récits, jurisprudence, contrats, etc.) où le doute subsistait, pour éviter d’avoir à appliquer les peines ḥudūd. Les différentes écoles de droit arrivaient à leurs fins de différentes

LE PROPHÉTE, L’ADULTÈRE ET LE PARDON

manières, mais même ceux qui prétendaient appliquer avec rigueur les peines ḥudūd parvenaient souvent à établir un doute permettant de disculper le coupable lors de son procès, de manière à éviter d’appliquer la sévère peine encourue. Au fil de l’évolution du droit musulman, le critère de doute devint un texte fondateur attribué à Mahomet, ainsi qu’une maxime officielle du droit. Cette attribution autorisa un usage de plus en plus fréquent du critère de doute, ainsi que le développement d’une jurisprudence du doute. Rabb donne de nombreux exemples des types de doute acceptés et des cas auxquels ils pouvaient être appliqués ; il est en tout cas clair que l’usage du doute dans le but d’éviter les peines ḥudūd s’intensifia très clairement du XIe au XVIe siècles.


CONTRE LE DOUTE

Même si Rabb démontre que la « jurisprudence du doute » prévalait parmi les juristes musulmans, il n’en restait pas moins une tendance minoritaire opposée à l’usage du doute dans le but d’éviter l’application des peines encourues. Cela venait en partie d’un littéralisme strict et d’une croyance selon laquelle le droit musulman avait toujours une seule réponse correcte à chaque question juridique. Pour la majorité des juristes, il y avait plus qu’une réponse correcte pour une situation donnée, notamment en raison des interprétations divergentes du Coran et du Hadith. Mais ceux qui n’étaient pas de cet avis semblaient également moins enclins à adopter une jurisprudence du doute. De plus, si le doute pouvait permettre d’éviter d’imposer des peines trop sévères, il risquait également d’être utilisé à l’avantage des élites. Rabb montre que si l’on se servit de la maxime du doute pour inverser cette tendance, la maxime fut néanmoins utilisée à des fins corrompues par l’élite, dont faisaient partie les juristes. Rabb traite également de la maxime d’indulgence envers l’élite, qui poussait les juges à fermer les yeux sur les infractions commises par cette partie de la société. C’était une maxime qui avait cours en même temps que le critère de doute, et ce n’est qu’avec une exception dans le cas des peines ḥudūd que la maxime d’indulgence envers l’élite finit par être enregistrée, gardée en mémoire et diffusée. Cela était dû au fait que le critère de doute s’était établi en renforçant l’idée que personne ne pouvait échapper aux peines ḥudūd, pas même les membres de l’élite. Rabb montre qu’une minorité de juristes persistait cependant à s’opposer au critère de doute. C’était notamment le cas du zāhirisme, école de droit littéraliste qui pratiquait aux IXe et Xe siècles en Iraq, puis au XIe siècle en Espagne musulmane. On notait une tendance similaire chez les Hanbalis aux IXe et Xe siècles, même si la pratique de l’évitement resta majoritaire même après l’évolution de l’école au XIIe siècle ; en effet, celle-ci dut s’adapter à des empires pluralistes, et cohabiter avec d’autres écoles plus pragmatiques. Il n’en reste pas moins que

ces opposants au doute soulignaient les points de contradiction du critère : puisque le doute n’était jamais appliqué de manière uniforme, il impliquait nécessairement incohérences et incertitudes légales ; de plus, il favorisait souvent les individus jouissant d’un capital social élevé. Rabb identifie d’ailleurs une opposition similaire entre traditionnalistes et rationalistes chez les juristes chiites aux XVe et XVIe siècles. L’auteur montre bien que les juristes musulmans tenaient non seulement à résoudre les conflits juridiques selon les règles, mais aussi à être justes au sens large du terme, c’est-à-dire à trouver une peine à la mesure du délit, ni plus ni moins. Rabb présente le droit musulman comme un système où les juristes aspirent à la clémence et à la compréhension. C’est donc un portrait bien différent de celui que l’on peint actuellement d’un système inflexible et immuable, dis-

tribuant des peines plus sévères les unes que les autres. Il s’agit là d’un ouvrage très important pour les chercheurs et les étudiants en droit musulman, qui offre également un arrière plan historique essentiel pour la compréhension des interactions entre démocratie, droit musulman et modernité dans le Moyen-Orient actuel.

LES LIMITES DES HUDÜD PROFITENT À L’ÉLITE

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CULTURE LA RICHESSE D’UMBERTO ECO

L’ENGAGEMENT TOTAL… par: Lamia Mahfoud

On peut être philosophe et amoureux de la fiction au point d’en devenir l’esclave soumis à ses lois. Umberto Eco a su conjuguer son savoir au pluriel. Pour mieux le transmettre aux lecteurs « avertis », ceux dont il analysa les ressorts es qualité de sémiologue. D’où la somme des best-sellers qu’il léga au bout d’une foisonnante vie de fin analyste, curieux de tout, et de grand romancier. L’engagement de ce grand créateur, à gauche, n’a jamais été démenti. Comme l’amour qu’il cultiva pour les livres dont il fut un grand collectionneur.

Polyglotte, marié à une Allemande, Eco a enseigné dans plusieurs universités, en particulier à Bologne (nord) où il a occupé la chaire de sémiotique jusqu’en octobre 2007, date à laquelle il a pris sa retraite. Eco a expliqué s’être mis sur le tard à la fiction car il «considérait l’écriture romanesque comme un jeu d’enfant qu’il ne prenait pas au sérieux». Il est l’auteur de dizaines d’essais sur des sujets aussi éclectiques que l’esthétique médiévale, la poétique de Joyce, la mémoire végétale, James Bond, l’art du faux, l’histoire de la beauté ou celle de la laideur.

C’

est bien « Le nom de la rose » qui allait précipiter Umberto Eco sous les sunlights dès 1980. L’auteur de cette fresque historique, palpitante enquête policière ayant pour toile de fond la communauté religieuse du 14è siècle, fait pourtant partie de cette communauté de philosophes engagés que la rigueur de la sémiotique (science des signes) n’allait pas l’empêcher de foncer, tête baissée, dans la bataille politique. Arraché à la vie dans son domicile milanais, à 84 ans (le 19 février), l’enfant d’Alessandria, dans le Piémont, avait grandi dans le bruit du maquis antifasciste. Rien d’étonnant à ce que sa thèse consacrée à l’esthétique chez Thomas d’Aquin, soutenue en 1954, soit encadrée par le philosophe Luigi Pareyson. Sa prolixité égale en puissance la retenue dont il fait preuve dès lors qu’il est question de passer par le

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divan des confidences. Mais son engagement allait se traduire, sur le terrain, par l’intérêt affiché pour la chose culturelle. Que ce soit dans la confection des programmes culturels de la chaine de télé la RAI où dans son investissement dans des revues littéraires proches de la nouvelle avant-garde qui, de gauche, tacle la littérature engagée. En 1963, c’est l’aventure au sein du « Gruppo 63 » qui allait le happer dans la galaxie de la presse. C’est que le journalisme l’a fasciné jusqu’à son dernier soupir. Homme de gauche, Eco écrivait régulièrement pour l’hebdomadaire L’Espresso. Son dernier combat l’a mené aux côtés d’autres écrivains, dont Sandro Veronesi (Chaos calme), pour protéger le pluralisme de l’édition en Italie après le rachat de RCS Libri par Mondadori, propriété de la


famille Berlusconi. Disciple de Roland Barthes, il fait la part des choses dès lors qu’il est question de l’analyse de la charge sémiotique des médias. A ses yeux, deux attitudes de réception se superposent ; une attitude « apocalyptique », tenant d’une vision élitaire et nostalgique de la culture, et une autre, « intégrée », qui privilégie le libre accès aux produits culturels, abstraction faite des modes de production. A partir de là, Eco plaide pour un engagement critique à l’égard des médias. Ses recherches l’amèneront à aborder les genres considérés comme mineurs – tels le roman policier ou le roman-feuilleton, pour les analyser sous toutes les coutures, comme il n’hésita point à passer au crible des phénomènes propres à la civilisation contemporaine, comme le foot, le vedettariat, la publicité, la mode... Aux yeux d’Eco, tout

L’ÉRUDITION DES ÉCRITS D’ECO EXIGENT LA COMPLICITÉ DU LECTEUR. UN JEU À SOMME POSITIVE est matière à analyse, mais aussi propice au débat. Une quête du sens là « où on serait tenté de ne voir que des faits ». La théorie qu’il privilégia pour l’art allait être résumée dans « L’Œuvre ouvert » en montrant, via une série d’articles consacrés à la littérature et à la musique, que l’œuvre d’art est un message ambigu, ouvert à une infinité d’interprétations, dans la mesure où plusieurs signifiés cohabitent au sein d’un seul signifiant. Le texte n’est donc pas un objet fini, mais, au contraire, un objet « ouvert », requérant la coopération du lecteur « Lector in Fabula ». D’où la notion de « ecteur modèle», ce lecteur idéal qui répond à des normes prévues par l’auteur et qui présente les compétences requises pour assimiler ses intentions, mais sait aussi « interpréter les non-dits du texte ». Le texte se présente

comme un champ interactif où l’écrit, par association sémantique, stimule le lecteur, dont la coopération fait partie intégrante de la stratégie mise en œuvre par l’auteur. Le même souci s’exprime dans Les Limites de l’interprétation (Grasset, 1992). Ses œuvres de fiction sont d’une certaine façon l’application des théories avancées dans L’Œuvre ouverte ou Lector in Fabula. Ses deux premiers romans, Le Nom de la rose et Le Pendule de Foucault se présentent comme des romans où se mêlent ésotérisme, humour et enquête policière. La complicité du lecteur (lui qui en fut un grand, en faisant le bonheur des libraires en étant un rat des bibliothèques, la sienne en comptait 50.000 titres) est sollicitée à chaque page l’énigme, l’allusion, le pastiche ou la citation cimentant une telle intimité. Le premier roman, situé en 1327, en un temps troublé (hérésie et traque inquisitoriale), se déroule dans une abbaye où un moine franciscain, préfiguration de Sherlock Holmes, tente d’élucider une série de crimes obscurs. A partir de là, trois lectures sont possibles, selon qu’on se passionne pour l’intrigue, qu’on suive le débat d’idées ou qu’on s’attache à la dimension allégorique qui présente, à travers le jeu multiple des citations, « un livre fait de livres ». Le Pendule de Foucault mêle histoire et actualité à travers une investigation menée sur plusieurs siècles, de l’ordre du Temple au sein des sectes ésotériques. Troisième jeu romanesque, L’Île du jour d’avant (1994 [1996]) est une évocation de la petite noblesse terrienne italienne du XVIIe siècle. Le récit d’une éducation sentimentale, mais également, à travers une description de l’identité piémontaise, un roman nostalgique et en partie autobiographique : l’auteur se penche sur ses propres racines, comme il le fait plus tard dans son livre le plus personnel, La Mystérieuse Flamme de la reine Loana (2004 [2005]), sorte d’autoportrait déguisé en manteau d’Arlequin coloré d’images illustrées de l’enfance. Amnésique à la recherche de son passé, Yambo, la face cachée d’Eco, reconstruit son identité en s’appuyant sur ses lectures de jeunesse des années 1930, quand les romans d’aventures français et les bandes dessinées américaines concurrençaient la propagande fasciste. De Baudolino (2000 [2002]),

éblouissante chronique du temps de Frédéric Barberousse tenu par un falsificateur de génie, à Numéro Zéro (2015), fable aussi noire que féroce qui épingle la faillite contemporaine de l’information, en passant par Le Cimetière de Prague (2010), où le thème du complot, si présent dans l’œuvre, est au cœur d’une fiction glaçante, Eco renoue avec une envergure plus large, des interrogations plus éthiques où l’érudition et la malice le disputent au jeu, sur le vrai et le faux… «Un texte est une machine paresseuse qui exige des lecteurs qu’ils fassent une partie du travail», et «un dispositif conçu pour produire son lecteur modèle»

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CULTURE

TAYEB SADDIKI

GÉNIE PLURIEL Une des figures du théâtre marocain a tiré sa révérence à l’heure où, ironie du sort, plusieurs villes marocaines, dont Casablanca, seront dotées de théâtres dignes de ce nom. Tayeb Saddiki n’aura pas la chance de fouler le lieu magique qui a fait son infortune, lui qui a tenté de mobiliser des fonds pour construire son propre théâtre et sa propre école des arts dramatiques. Mais gageons que ses œuvres magistralement jouées sur les planches, avec leur charge populaire et universelle à la fois, auront la chance d’être rejouée en un hommage renouvelé pour le génie qu’il fut. Lui qui mariait avec maestria le patrimoine culturel local et celui, global et universel. Mais le défunt qui menait une vie d’artiste n’a pas été habité par les seuls démons du théâtre. Il s’est aussi essayé au cinéma (Zeft le rappelle) et a excellé en tant qu’artiste plasticien. Bien entendu, l’homme du théâtre qu’il fut n’aura pas manqué de saisir, en ayant le cœur à gauche, les nuances politiques d’un Maroc en mal de démocratie. D’ailleurs, il a quelque part payé le prix d’un engagement scellé loin de tout encartage politique. Ce génie pluriel a su marquer de son empreinte indélébile le patrimoine narratif dans lequel excella un autre de ses compères, lui aussi disparu ; Tayeb Laâlaj. Ces deux génies des planches ont permis au théâtre marocain d’accéder au rang d’art majeur impressionnant aussi bien l’univers arabe qu’européen. La perte est immense !

GEORGES TARABICHI

AÏSSA IKKEN

L’ANTI DOXA

PALETTE CALLIGRAPHIQUE

La pensée des lumières qui peine à percer dans le monde arabe vient de perdre un grand philosophe, le syrien Georges Tarabichi, en exil en France depuis plusieurs lustres. L’intellectuel qui a travaillé sur le patrimoine arabe pour tenter le dépassement de la crise qui a mobilisé nombre de penseurs, héritiers de la « Nahda » est arrivé à la conclusion qui forgea ses convictions. Tout dépassement ne saurait se faire sans déconstruire, et partant détruire, la doxa qui emprisonne la pensée libre. Aux yeux de ce penseur, célèbre pour avoir chargé la démarche intellectuelle de son alter égo marocain Mohamed Abed Al Jabri, toute réforme politique qui se fait avec la préservation de l’ancien système idéel et des concepts traditionnels équivaut à piocher dans l’eau. L’essentiel, dans sa démarche intellectuelle, consiste à soumettre le patrimoine à de nouveaux questionnements, à la quête de nouvelles réponses… Pour s’assurer l’accès à la modernité. Oser le contraire équivaudrait, à ses yeux, à apporter « aux questions de nos enfants les réponses de nos ancêtres », soit la reproduction d’une culture hermétique au renouveau par la reproduction, à l’infini, d’anciens paradigmes. Progressiste et ouvert à tous les courants de la pensée, ses traductions en font foi, il a des idées tranchées en matière politique. « Notre drame est d’avoir réduit la démocratie aux urnes », confiait-il. Plus, il avait la ferme conviction que « toute société qui aspire à la démocratie politique tout en l’interdisant pour la pensée, et plus spécialement à la religion, ne saurait réussir dans sa quête.»

Amoureux de l’amazighité, Aïssa Ikken l’a exprimé dans ses diverses expressions plasticiennes. Les signes calligraphiques qui ornaient ses toiles ne se limitaient pas au tifinagh mais le dépassent pour intégrer d’autres signes de la culture hellénique et de bien d’autres. C’est l’expression de l’universalité, par le beau, qui était recherchée par un poète et un romancier disparu de la scène par surprise. Comme par inadvertance, son éclipse s’apparente à une excuse auprès des siens et de ses proches… Le vide étant symbole de chagrin, lui qui s’est acharné, toute une vie durant, à meubler les espaces en donnant libre courts à sa palette de couleurs qui réhabilitent la vie minimaliste, celle des petites gens que l’on soupçonne à peine dans l’encadrement de ses œuvres. Tant ses formes archaïques débordaient de vie. Des artistes et des intellectuels ont perdu un ami qu’il serait difficile de remplacer. Lui que le sort a privé de voir la rétrospective que la faculté des lettres de Kénitra devait lui réserver. L’artiste qui s’est investi au sein de l’Association marocaine des arts plastiques visait à donner une autre dimension à la création artistique, loin du fracas que d’autres charrient dans leur sillage. Son action s’apparente, aux yeux de ses pairs, à la patience dont il faisait preuve lorsqu’il cherchait à ciseler ses sculptures. Disparu, ses créations parleront pour lui. Et c’est à cette aune-là que l’on mesure la grandeur d’un homme et la sensibilité d’un grand talent.

DAECH TUE LES POÉTES ! C’est à Deir Ezzor que les mains sales des liquidateurs de Daech ont osé, début mars, exécuter le poète syrien Mohamed Bashir Al-âni. Pour les bourreaux de l’obscurantisme, un poète ne mérite pas de vivre, surtout s’il prend sur lui de chanter la vie et de rester fidèle à son engagement progressiste. Communiste, ce militant du verbe est resté fidèle à la terre où a été enterrée sa moitié, emportée par un cancer, avant de l’accueillir, en compagnie de son enfant, après avoir séjourné dans les geôles des takfiristes.

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Le Street Art tel qu’il s’exprime dans les rues arabes lors d’une expo à l’IMA, à Paris.

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BLOC-NOTES RELIGION UN RETOUR TERRIFIANT, SELON A. HARB « Parler de la vitalité du phénomène religieux nous ramène à une formule célèbre attribuée à Malraux et concernant le « retour du religieux ». La religion est évidemment de retour, mais c’est un retour terrifiant qui a transformé le djihadiste en un prince terroriste, en un monstre et un bourreau. Mais il ne faut pas se laisser ensorceler par des mots tels que « retour » ou « vitalisme ». Tout phénomène ou activité possède deux aspects : initialement bénéfique, il peut dégénérer et produire des effets nocifs si l’on ne réussit pas à le modifier pour le faire évoluer. C’est ce qui arrive actuellement en France : son modèle social et économique, le meilleur en Europe, s’est usé et a maintenant besoin d’être renouvelé, ce que la France semble incapable de faire. Pour toutes ces raisons, je dis que le projet religieux de l’islam, ainsi qu’il a été reformulé il y a plus d’un siècle, n’exprime ni vitalité ni créativité ; il se réduit à une simple régression vers le passé, une réaction, motivée par un désir de vengeance contre l’Occident qui a réveillé la civilisation islamique de son sommeil. Je dis également que le projet de l’islam contemporain a échoué partout où des islamistes

EGYPTE

SILENCE, ON CONNDAMNE ! Ahmed Naji, jeune écrivain égyptien de 30 ans, a été condamné samedi 20 février, à deux ans de prison ferme pour la publication du chapitre 6 de son livre «l’Usage de la vie» («Istikhdam Al-Hayat», éditions Dar Al-Tanwir, 2014, non traduit). Un extrait du roman, publié en feuilleton dans la prestigieuse revue littéraire «Akhbar Al-Adab», en août 2014, aurait rendu gravement malade un lecteur allergique à la liberté d’expression. Ce chapitre qui se demande ce «que font les jeunes qui ont la vingtaine au Caire», raconte les tribulations et frustrations sexuelles de Bassem, jeune Egyptien de 23 ans. Hani Saleh Tawfik, 65 ans, est tombé dessus en lisant le magazine «Akhbar Al-Adab». Il a été pris de palpitations cardiaques et a subi une chute de tension. L’histoire aurait fait rire si l’homme, blessé dans son «sens moral», n’avait pas porté plainte contre l’écrivain. Acquitté en novembre 2015, Naji a finalement été condamné trois mois plus tard pour «atteinte à la pudeur». Tarek Al-Taher, le rédacteur en chef d’«Akhbar Al-Adab», a de son côté écopé d’une amende de 10.000 livres égyptiennes (environ 1150 euros) pour avoir publié les extraits. Pourtant, la constitutionnalité d’une telle cabale contre les écrivains n’est pas à l’ordre du jour puisque la loi suprême garantit la liberté d’expression !

se sont emparés du pouvoir, et que des organisations terroristes comme Daech et ses semblables travaillent eux-mêmes à leur propre destruction et à celle du projet religieux en général. J’entends par là que les sociétés arabes devraient traverser tous ces malheurs, ces catastrophes, ces massacres et ces guerres civiles afin de se convaincre que l’islam n’est plus valable pour construire une civilisation développée et moderne. Il n’y a pas de réconciliation possible entre l’islam et la modernité ou l’Occident. Le projet islamiste d’établir un califat et le règne de la charia est une régression par rapport aux acquis de la civilisation. La seule issue, s’il y’en a une, pour sortir de cette impasse, c’est d’accomplir un travail d’autocritique, de désislamisation, afin de retirer le qualificatif d’« islamique » à nos partis politiques, nos États et nos sociétés. Seulement alors serons-nous capables de s’ouvrir à l’autre, de traiter avec notre tradition et le monde qui nous entoure d’une manière constructive et créative, et de contribuer ainsi au progrès de la civilisation. » Ali Harb philosophe libanais et auteur de l’opus « Le Terrorisme et ses créateurs : le prédicateur, le tyran et l’intellectuel ».

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APOSTASIE

UN PRÉDICATEUR ALGÉRIEN CONDAMNÉ ! Six mois de prison, dont trois ferme et 50.000 dinars d’amende pour le prédicateur salafiste qui avait émis une fatwa contre l’écrivain Kamel Daoud, appelant à son exécution. Le tribunal d’Oran en a décidé ainsi le 8 mars dernier. , prononcé mardi contre le prédicateur salafiste qui. Ni Kamel Daoud ni Abdelfattah Hamadache n’ont assisté au prononcé du verdict. Ce derbier avait demandé l’exécution du controversé prix Goncourt 2015 (Meursault, contre-enquête) pour apostasie après que ce dernier ait critiqué le rapport des musulmans à leur religion sur le plateau d’une chaîne de télévision française. Preille sentance sera-t-elle un jour généralisée au reste du monde arabe où les appels au meurtre sont légion ?


EGALITÉ

DÉVOILER LE VOILE

« LES FÉMINISTES ISLAMIQUES REVENDIQUENT LE DROIT DE PORTER LE VOILE COMME GESTE POLITIQUE, IDENTITAIRE OU RELIGIEUX. MAIS SI PORTER LE VOILE EST S’ÉLEVER SOI-MÊME, POURQUOI, ALORS, LES HOMMES NE LE PORTENT-ILS PAS? EUX DOIVENT PORTER LA BARBE, SYMBOLE ET MARQUAGE DE VIRILITÉ. LA FEMME, ELLE, DOIT CACHER SA PEAU ET SES CHEVEUX LONGS. EN FIN DE COMPTE, ON EN ARRIVE TOUJOURS AU CORPS DES FEMMES COMME LIEU DE TOUTES LES TENTATIONS. » CHAHLA CHAFIQ, ÉCRIVAINE ET SOCIOLOGUE.

Le cinéaste serbe Emir Kusturica tourne actuellement un documentaire « Le dernier héros » sur l’ancien président uruguayen José Mujica. A Montevideo, le réalisateur a confié à la presse qu’il voulait montrer une autre façon de faire de la politique. «Il n’y a pas un pays au monde, ni même dans les démocraties les MUJICA IMMORTALISÉ plus développées, dans lequel le président quitte son poste et où le peuple est si heuLES BOBINES reux de lui témoigner combien il l’aime», a DE KUSTURICA précisé le réalisateur, après que J. Mujica aie remis le pouvoir à son successeur Tabaré Vazquez. Avant son départ, «Pépé» Mujica, 79 ans, avait été salué par des milliers d’Uruguayens dans les rues de Montevideo. «C’est un cas unique. Les présidents vont généralement en prison, tentent de s’échapper, tentent de se cacher ou deviennent très riches et confirment que la majorité des gens qui se consacrent à la politique le font pour s’enrichir. Dans ce cas, c’est le contraire», a poursuivi Emir Kusturica, qui a reçu à deux reprises la Palme d’or au Festival de Cannes.

ISLAM

Y A-T-IL PLACE À LA CRITIQUE ? « Il y a une détestable police de la pensée qui a fait sa niche au sein de la gauche communautariste et qui considère que toute critique de l’islam relève du racisme et de la xénophobie. Cette pensée a fait son chemin dans les universités, les médias, les groupes féministes, les syndicats et les partis politiques. Elle ne reconnaît pas l’universalité de l’être dit musulman. Elle voit en lui tout au plus un être dominé dont elle se donne pour mission de le défendre. Pour cette gauche communautariste, cet être doit être pensé exclusivement sous la lorgnette du religieux. Ce qui relève d’une méconnaissance profonde des aspirations à la modernité des peuples de la région, à commencer par les luttes d’indépendance nationale ». Djemila Benhabib auteure algérienne « Après Charlie »

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HOOLIGANISME

LA COUPE EST PLEINE !

Le pire est arrivé. C’était prévisible depuis que les actes de hooliganisme ont déferlé sur les stades de football avec leur concert de destructions et de morts. Qui faudra-til incriminer ? Dans le box des accusés, on retrouve le Club rajaoui et ses tifosis. Mais l’instruction d’un tel procès est-elle pour autant équitable ? L’affaire est plus complexe qu’il n’y paraît. Surtout lorsqu’on sait que la FRMF est impliquée jusqu’au coup. Au même titre que le ministère de la Jeunesse et des sports. « Plus jamais ça » n’est qu’un slogan passager. C’est à l’Etat de prendre le taureau par les cornes pour évacuer, définitivement, les risques de tout trouble à l’ordre public.

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SPORT LUTTE CONTRE LA VIOLENCE DANS LES ENCEINTES SPORTIVES par: Yahya Saïdi

DÉPASSER LE RAPIÉÇAGE ! En matière de lutte contre la violence dans les arènes sportives, beaucoup reste à faire. Face à la recrudescence de cette violence macabre à laquelle on assiste chaque week-end, la situation empire de plus en plus. Ladite stratégie de lutte contre la violence tarde à voir le jour. Décryptage d’un fléau insoluble qui menace sérieusement l’ordre public.

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iolence, incivilités, hooliganisme, sont le corpus des mots qu’on redonde ici et qu’on galvaude là. L’appel à de pseudos spécialistes qui sont légion et qui interviennent au nom d’une soi-disant référence académique masque les mesures prescriptives qu’il faut engager pour crever l’abcès. Car il y va de l’ordre public. Certes, au cours de la réunion du LA BARBARIE 2 février, les pouvoirs publics (ministère de l’Intérieur, de la Justice A MOBILISÉ L’ÉTAT. POUR et de la Jeunesse et des Sports en plus de la DGSN, Gendarmerie QUEL RÉSULTAT ? Royale et La Fédération Royale Marocaine de Football) n’ont pas fait dans la dentelle. Tous ont convenu de la nécessité de la mise en place d’une véritable stratégie de lutte contre la violence dans les stades dont les contours ont été bien définis. Et c’est au ministère de la Jeunesse et

des Sports qu’incombe désormais la responsabilité de mettre sur pied cette stratégie et la mettre en œuvre.

VASTE CHANTIER

C’est la première fois qu’on parle de la nécessité de l’élaboration d’une stratégie transversale qui a été axée auparavant sur la promulgation d’une loi (Loi 09-09 qui complète le Code Pénal, publiée au Bulletin Officiel en juin 2011) mais qui est restée lettre morte. L’heure est venue pour s’apercevoir qu’il faut non seulement appliquer cette loi, mais aussi et surtout l’enrichir par d’autres dispositions nécessaires. Et le plus important ne réside pas dans cette question d’application de la loi mais de remédier à la situation à d’autres niveaux. Il s’agit de doter les stades des moyens matériels, logistiques et modernes (Places assises numérotées, tourniquets, vidéosurveillances etc.). Et c’est là où le bât blesse ! Surtout lorsqu’on sait que la majorité des stades ne remplissent pas les

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SPORT conditions minimales sportives requises pour abriter une rencontre footballistique. A la FRMF, on s’est ingénié à investir 1,5 milliard de dirhams dans les aires de jeu pour les doter du gazon synthétique… Sans pour autant penser aux tribunes qu’il faut humaniser du fait du caractère festif et populaire du football.

DE LA SÉCURITÉ SPORTIVE

Sur un autre volet non moins important, la question de la sécurité, il faut en convenir, n’est pas liée aux seuls agents de sécurité comme galvaudé par certains. La sécurité essentielle est d’ordre sportivo-technique. Et ce n’est pas un hasard quand le législateur a conféré cette responsabilité au ministère de la Jeunesse et des Sports. Certains obtus rappellent souvent la loi 09-09 en ignorant la loi 30-09 relative à l’Education Physique et aux Sports. Les articles 78, 79 et 80 de cette loi stipulent que la sécurité sportive des compétitions, voire de l’infrastructure aussi, est du ressort du ministère de la Jeunesse et des Sports. Et cette sécurité sportive doit être un préalable dans ladite stratégie pour réduire les risques de la violence dans les stades et faciliter la tâche aux organisateurs voire les responsabiliser.

ET LE CAHIER DES CHARGES ?

Reste, bien entendu, la question lancinante du cahier des charges qui est l’une des obligations, sinon des contraintes, que la FRMF esquive et qui n’a pas été évoquée lors de la réunion du 2 février. Si la loi 09-09 responsabilise les organisateurs des manifestations sportives (Article 308-8) sans que la justice ait jamais condamné personne, ni même infligé des amendes pécuniaires, la Fédération Royale Marocaine

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de Football n’exige pas, de son côté, un cahier des charges des clubs pour prendre part à la prétendue BOTOLA-PRO. La grande défaillance réside dans cette absence du cahier des charges qui ne peut s’opérer que si on entame une véritable professionnalisation du football. Chantier qui doit commencer par la mutation des clubs, et c’est là un vrai défi, en sociétés sportives.

Mais jusqu’à présent, tout porte à croire que l’on presse pas le pas au ministère de la Jeunesse et des Sports. Un ministère qui, malgré la valse des responsables promus à sa tête, s’est transformé depuis longtemps en une impuissance publique qui génère la sinistrose.

SONARGES ET SEGMA

DU PAREIL AU MÊME ! SONARGES (Société Nationale de Réalisation et de Gestion des Stades) a été évoquée lors de la réunion du 2 février. Cependant, cette entreprise qui avait vu le jour en juin 2010 en vertu d’un texte, publié au Bulletin Officiel en 2007, est dans une situation catastrophique. La banqueroute a commencé il y a deux ans à cause d’un calcul mesquin de l’ex-ministre Mohammed Ouzzine qui, en 2013, fut le président du COL du mondial de football des clubs en tant que Président du Conseil de Surveillance et en même temps de la SONARGES. Et là, c’est une autre affaire sur laquelle on va revenir. Aujourd’hui, SONARGES n’a que trois stades sous sa coupole (Tanger, Marrakech et Agadir). La refonte de ses statuts est une obligation mais n’est-il pas venu le moment d’abroger le système SEGMA (Service Géré de Manière Autonome) ? Un système qui a été décrété pour alléger le fardeau de l’Etat alors que l’on assiste à l’inverse. SEGMA, SONARGES et le FNDS (Fonds National de Développement du Sport) doivent être audités par la Cour des Comptes avant de les restructurer. Histoire de mettre en évidence les dysfonctionnements graves qui ont marqué de leur empreinte cette externalisation des fonds qui a consacré la rente et ses circuits. Un secret de polichinelle !


GRAND PRIX D’AUSTRALIE-F-1 Par : Abou Sarah

ROSBERG, LE MAESTRO DE MELBOURNE. Après un repos bien mérité et des « stress-test » pour les différentes écuries en lice pour le championnat du monde de F-1, c’est par les pistes d’Australie que les choses sérieuses ont démarré. Sur les chapeaux de roues. Une fois encore, la suprématie de Mercedes a été au rendez-vous.

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ur les pistes de Melbourne, l’écurie Mercedes a réussi l’exploit de renverser la vapeur après les premiers 19 tours dominés par la scuderia Ferrari. Et c’est le traditionnel duo Rosebreg talonné par Hamilton qui est sorti vainqueur en dominant les plus hautes marches du podium, cédant la troisième place à Vettel. Nico démontre ainsi qu’il a la rage de vaincre chevillée au corps. Lui qui a attendu trois grand prix avant de monter sur la plus haute marche du podium l’année dernière. Heureux et chanceux, Nico Rosberg peut croire en sa belle étoile en ce tout début de saison à Melbourne, en remportant haut la main le grand prix d’Australie. Pourtant, rien n’était plié au départ du rendez-vous australien. Après la série de qualifications calamiteuses et de son départ raté comme celui d’Hamilton qui s’est adjugé la pôle position, ce sont les Ferrari qui ont mené la peloton pendant 19 tours avant la neutralisation de la course par les commissaires suite à la spectaculaire collision entre Alonso et Esteban Gutiérrez. Un choc à… 250 Km/h ! A la faveur de ce long arrêt aux stands, l’écurie Mercedes a choisi de jouer son va-tout. En chaussant ses monoplaces de pneus medium alors que Ferrari a joué la carte des super tendres. Une fois la piste nettoyée, la course a repris ses droits. Mais dès le 24è tour, Raïkonen a bord de sa Ferrari fut contraint de rentrer définitivement au stand alors que l’huile moteur prenait feu au dessus de sa tête ! Stoïque, le pilote finlandais laisse Vettel batailler seul pour ramener sa première victoire à la Scuderia.

Sachant qu’il sera contraint de repasser par les stands pour changer de gomme, Vettel se devait de cravacher histoire de gagner le plus de temps possible pour compenser un arrêt que les Mercedes ne feraient pas ! Car les pneus medium se comportaient mieux en piste et n’exigeaient pas le moindre retour aux stands avec les pertes de secondes que cela occasionnerait. Au 35è tour, Vettel s’arrête 4 longues secondes pour sortir derrière les flèches d’argent qui ont pris une avance logique de près de 21 secondes. Les 20 tours qui leur restaient à parcourir avant le drapeau à damier devraient suffire à Vettel, selon les stratèges de Ferrari, pour passer devant ses « ennemies de toujours ». Mais la course ne s’est pas déroulée com-

me prévue. Un cauchemar pour la scuderia qui a tant misé pour que sa légendaire suprématie mécanique s’exprime. La chance a souri aux Mercedes qui, en réalité, n’ont pas besoin de ce coup de pouce tellement elles sont invincibles. Comme quoi, la chance sourit aux vainqueurs. Ce fut une belle course, haletante, qui s’est très bien terminée. Malgré le terrible accident d’où Alonso et Gutierrez sont sortis indemnes. Sur le podium le trio gagnant était joyeux et promet de nouvelles prouesses à venir. Rendez vous donc est pris pour Bahreïn, prochaine étape au cours de laquelle la piste et les conditions climatiques exigeraient plus. Tant au niveau des pilotes que du concentré technologique roulant.

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CHRONIQUE JUSTE POUR RIRE

L’ESCALIER DU BONHEUR Par : Ould Riab

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on et mille fois non ! N’allez surtout pas accorder le moindre crédit aux auteurs du rapport mondial sur le bonheur. Car ils ont tout faux. Pire, ils se trompent bien lourdement lorsqu’il s’agit de (dé) classer le Maroc. Eux qui ne voient rien de pourri dans le Royaume du Danemark qui surclasse toutes les autres contrées, la première puissance impériale en tête. Et qui, dans leur quête d’objectivité (toute relative), osent faire courir le Maroc dans le marathon du bonheur juste derrière la Somalie, avec un dossard qui exprime par tous ses pores tant d’efforts... vains. Croisez-vous chaque jour que le bon dieu fait les regards aussi vides que fuyants de ces 30 millions de nationaux au sortir du lit ? Voyez-vous des Marocains tristounets qui arpentent les rues avant de vaquer à leurs occupations quotidiennes ? Ressentez-vous le taux d’adrénaline qui coule à flot dans les veines de ceux qui font la queue pour prendre un moyen de transport en commun ? Nos concitoyens se portent bien à l’école. Ils sont des plus sereins dans les mosquées. Leur placidité est légendaire dans les établissements hospitaliers, lorsqu’ils les accueillent. Ils prennent tous les retards avec philosophie : « pas trop vite le matin, doucement l’après-midi » est leur devise. Les taux de divorce sont des plus faibles quand bien même on les encourage à plonger dans la polygamie. La vie en couple, même décomposé, est des plus sereines. Ils ne connaissent pas LE MAROC SURCLASSÉ la grammaire des femmes PAR LA SOMALIE. QUE DU battues. Ni la conjugaison, dans tous les temps, d’un quelconque état colérique. BONHEUR ! Même nos économistes rechignent à suivre les courbes du PIB pour plonger dans la seule analyse, matérielle ou non, du Bonheur national brut. Bref, que du net, ici bas ! Tous est clean, circulez, y a rien à reluquer ! Même pour « Much Loved », on n’a pas eu le temps de le débobiner. Scellé, il le restera au même titre que quelques publications qui égratignent notre « art de vivre » paisible. Car voyez-vous, même les enjeux politico-politiciens glissent sur la majorité qui peine à aller investir les isoloirs. C’est que notre querelle avec la politique est bien enracinée. Et ce serait le seul reproche à faire à notre pays sur l’échelle de Cantril. Cet escalier du bonheur que l’Institut Gallup a

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cru bon de construire depuis 2012 pour distribuer bons et mauvais points aux nations. Pourquoi dès lors cet institut de Collumbia cherche-t-il des poux dans nos têtes à nous ? On n’a ni problèmes existentiels qui minent nos vies, ni enjeux susceptibles de nous pousser à fouetter un chat. Sous nos latitudes, tout va bien et dans le meilleur des mondes. Même si les fins limiers du BCIJ ferraillent dur pour que le djihadisme ne nous explose pas en pleine figure. Ni le Chef du gouvernement, ni le ministre en charge de la Communication n’oseraient dire le contraire. A. Benkirane est assez content de voir ses militants qui ont gagné des galons depuis que le PJD est aux affaires vivre dans la prospérité. « Qui aurait pu imaginer toucher à la fin de chaque mois quelques millions » alors que nos barbus ne percevaient pas plus de 6000 Dh à chaque pleine lune ? Benkirane le soutient, sans ciller, lui qui n’a pas oublié les veuves pour lesquelles il réserve un petit chouia du budget général… Permettant à son ministre de la Com de recycler les assurances d’un bien être généralisé quand bien même le pays serait pauvre en moyens ! Oui madame la Marquise, tout va bien et dans le meilleur des mondes. Le patron de notre Exécutif, face à Mogherini, haute représentante de l’Union Européenne avec laquelle on vivait une passe difficile, n’a-t-il pas défendu notre fierté nationale en la rassurant ? Surtout ne vous en faites pas s’il y a embargo, lui avait-il signifié. «Nos tomates et notre poisson, on va les manger ». Que du bonheur ! N’allez pas imaginer que l’on vous raconte des salades. Notre tambouille grésille sous feu réduit. Ce qui nous permet d’espérer des lendemains meilleurs. Il faut tout prendre avec philosophie. Même si la discipline peine à s’acoquiner avec la pensée unique et inique de bien des milieux qui n’aiment ni la raison, ni la critique. Mais, il ne faut surtout pas s’en faire. Le Marocain moyen est large d’esprit. Comme sa « kechaba » d’ailleurs. Il a de quoi encaisser encore et encore, et toute honte bue, plein de classements les uns aussi horripilants que les autres. L’indice du développement humain est là pour nous rappeler la somme de nos petites misères. Alors, faut quand même prendre l’échelle de Cantril pour ce qu’elle est. Elle qui nous invite à faire preuve de logique en faisant le ménage. En empruntant les escaliers, il faut commencer par le haut, non ? C’est l’évidence même !


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Nouveau Ford C-Max

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SCAMA - Groupe Auto Hall • Casa-Siege : 05 22 76 11 00 • Casa Lalla Yacout : 05 22 46 43 80 à 84 • Casa Moulay Ismail : 05 22 24 78 37 / 40 • El Jadida : 05 23 37 37 22 • Settat : 05 23 72 48 54 • Safi : 05 24 63 03 63 / 67 / 68 • Béni Mellal : 05 23 48 31 19 • Attaouia : 05 24 23 58 99 • Chemaia : 05 24 46 90 90

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• Chichaoua : 05 24 35 37 74 • Marrakech 1 : 05 24 44 84 22 • Marrakech 2 : 05 24 35 47 20 • Agadir 1 : 05 28 84 29 95 • Agadir 2 : 05 28 83 81 19 / 90 / 91 • Dakhla : 05 28 93 14 12 / 53 • Errachidia : 05 35 79 26 45 / 47 / 48 • Rabat 1 : 05 37 72 58 46

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• Rabat 2 : 05 37 29 08 82 • Salé : 05 37 88 63 19 / 21 / 23 • Kénitra : 05 37 37 99 66 • Karia Ba Med : 05 35 62 89 32 • Rommani : 05 37 51 66 71 • Meknès 1 : 05 35 55 12 70 • Meknès 2 : 05 35 30 05 19 / 543 / 548 • Fès 1 : 05 35 62 59 51

• Fès 2 : 0535 72 14 21 / 22 • Berkane : 05 36 64 51 80 / 81 • Oujda 1 : 05 36 52 40 20 • Oujda 2 : 05 36 70 60 23 • Nador : 05 36 35 98 78 / 79 / 80 • Al Hoceima : 05 39 98 01 40 / 42 • Tétouan : 05 39 71 52 05 • Tanger : 05 39 95 11 11


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