Perspectives Med N°. 102 - Juin 2015

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DIRECTEUR DE PUBLICATION : ALLAL EL MALEH │ÉDITIONS POPMEDIA │ PUBLICATIONS DES RÉFÉRENCE │PRIX PUBLIC : 30 DH │N°102

MARHABA

RME, UN FILON EN OR ! La richesse de la diaspora est sans limite La saison estivale nous rappelle au bon souvenir de nos Marocains du monde. Une diaspora qui s’apparente à un véritable gisement d’or qui mérite toute l’attention du pays. Affaire éminemment politique. Juin 2015

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ÉDITORIAL LE ROYAUME DE LA TRICHE!

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ALLAL EL MALEH

ls étaient plus de 5.000 élèves à avoir été pris en flagrant délit de triche au baccalauréat. La « high-tech », mobilisée pour l’occasion, aura certainement permis à quelques « chanceux » d’échapper aux lacs. Bien entendu, on ne mesurera certainement jamais avec exactitude l’ampleur des dégâts ainsi occasionnés. Pour pouvoir dire que le mal est marginal ou pas. Toutefois, la question qui se pose à chaque épreuve reste la même dans son lancinant énoncé. Comment les épreuves de cet examen, érigé en véritable «moussem éducatif », réussissent-elles à échapper des centres d’examen pour se retrouver entre les mains de quelques indélicats prompts à livrer les réponses moyennant bakchich ? Et la réponse de couler de source : là où il y a demande, l’offre suit. Ce qui voudrait dire que le pays est devenu accroc à la sacro-sainte loi du marché. Là où tout se négocie, tout se vend et rien ne se perd. Sauf, bien entendu, une bonne partie de l’ordre moral qui doit animer tous les acteurs de la société. Le pays s’est-il installé définitivement dans l’émoustillant confort que procure la triche dont il faut craindre qu’elle ne soit généralisée ? Le faux et usage de faux ruisselle-t-il à ce point pour toucher tous les étages de la pyramide sociale ? Le louvoiement est-il devenu un trait de caractère communément partagé par toutes les générations qui plébiscitent, à l’unisson, la réussite économique et sociale d’où qu’elle provienne ? Un proverbe bien de chez nous n’invoque-t-il pas le Tout Puissant pour que la duplicité puisse départager vendeur et acheteur alors que le dol est puni aussi bien par la loi céleste que par celle des hommes ? Voilà autant d’interrogations légitimes qui méritent l’attention de tout marocain qui se respecte. Car il ne suffit pas de dire que la triche au bac relève de « la trahison » sans que le crime ne soit sévèrement puni. Le Chef de l’Exécutif a toutes les raisons du monde pour qualifier les fuites de tous les noms qui lui tombent dans la bouche. Encore faut-il que sa pensée ne soit pas elle même trahie par l’inaction. Les instances judiciaires compétentes n’ont pas besoin de requête particulière pour diligenter les enquêtes idoines et frapper, d’une main de fer, tous ceux qui se livrent à de tels travers. Car il y va de sa crédibilité. Celle-là même qui a été écornée, il faut le rappeler, sur la voie de la moralisation de la vie publique qui fait la force de sa faconde. Abdelilah Benkirane n’a-t-il pas laissé tomber, de guerre lasse, que la lutte contre les prévaricateurs était perdue d’avance ? C’est à l’aune de pareilles saillies que l’on mesure l’ampleur des dégâts que la corruption occasionne pour le pays. Une corruption bien installée dans les mœurs au point qu’il serait difficile de la déloger par une simple « ligne verte » promue par le département de la Justice. Certes, il se trouvera toujours quelques gorges chaudes pour louer la dimension révolutionnaire d’une telle initiative. En l’assimilant à une première étape devant assurer in fine l’accumulation nécessaire au niveau de la lutte contre la corruption. Mais si les laudateurs rêvent de « la taille critique », n’est-il pas plus opportun de suggérer au gouvernement qui prêche la vertu que la vraie bataille de la moralisation ne se gagnera pas de la sorte. A moins d’attaquer les corrompus qui ont atteint, eux, « la taille critique » qui leur permet de corrompre toujours afin de sauvegarder leur rente de situation. Et c’est bien là où le bât blesse ! Car la lutte contre la triche est bien plus globale pour la confiner au seul seuil des examens scolaires. Elle est le témoin d’une déréglementation de la société dans ce qu’elle a de plus cher à défendre comme lien de sociabilité: l’éthique ! Sans éthique, le plus fort écrase le plus faible, lui arrache de la bouche ce qui fait son pain quotidien et le menace des pires sévices si jamais il ose appeler au secours. Bref, une reproduction à ciel ouvert de la loi de la jungle. Celle qui permet aux plus forts, comme aux plus futés, de s’en sortir. Sans égard pour les autres, tous les autres. C’est donc la bataille de la réappropriation des valeurs éthiques qui est à engager pour mieux asseoir la société sur des bases saines et en phase avec son temps. Et la meilleure des vertus est de pouvoir gagner cette bataille-là. Le secret de la réussite ? Il n’y en a pas deux : l’éducation et rien que l’éducation. Quand au bac, changer de méthode d’examen est la solution appropriée. Les épreuves US peuvent servir de modèle…

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SOMMAIRE POINTS CHAUDS OPÉRATION MARHABA 2015

TOUT POUR PLAIRE… P13

DOSSIER SPONSORISÉ PAR :

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ÉCONOMIE

Croissance économique Les pronostics de la BAD

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ÉCONOMIE

Compétitivité Africaine Mal partie ?

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ÉCONOMIE

Fiscalité locale et régionalisation la réforme s’impose

51 - 67

DOSSIER ENVIRONNEMENT Le pari durable

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TRENDS

Sorento se relance sur les greens Le swing parfait de Kia...

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CULTURE

Déconstruction de l’espace arabe La « Nakba » démystifiée

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SPORT

FIFA GATE Pourriture par la tête

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION & DE LA RÉDACTION: ALLAL EL MALEH | RÉDACTION: ABDERRAHMANE EL MALEH - A. BEN DRISS - ABOUMARWA - SAID AKECHEMIR - LAMIA MAHFOUD - OULED RIAB - MOHAMMED TALEB - MUSTAPHA EL MALEH - YAHYA SAÏDI | ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : ABDERRAHMANE MEKKAOUI| RESPONSABLE ADMINISTRATIF & FINANCIER : FATIMA EL MALEH | CRÉATION: ISSRAE TAYBI/PM DÉVELOPPEMENT | PORTRAITISTE: HELMA LALLA | PHOTOS: PM EDITIONS | MENSUEL ÉDITÉ PAR POP MÉDIA SARL: 8, BD. YACOUB EL MANSOUR MAARIF – CASA | TÉL.: 05 22 25 76 17/ 05 22 25 76 54/05 22 25 77 84/ FAX: 05 22 25 77 38/ E MAIL : CONTACT@PERSPECTIVESMED.MA/ WWW.PERSPECTIVESMED.MA/ IMPRESSION: IDÉALE | DISTRIBUTION : SOCHEPRESS | N° DÉPÔT LÉGAL: 2005/0101 | ISSN : 1114-8772 | CE NUMÉRO A ÉTÉ TIRÉ À 15.000 EXEMPLAIRES

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MAROC-FRANCE

VU LU

ENTENDU

L’ACCORD D’ENTRAIDE JUDICIAIRE VALIDÉ

TOURNÉE ROYALE EN AFRIQUE

ENGAGEMENT CONTINENTAL La tournée royale en Afrique qui l’a mené au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Gabon et en Guinée-Bissau marque sans doute la ferme volonté du Maroc à raffermir davantage ses relations avec les pays frères. Pour rappel, l’intensification des relations entre le Maroc et les pays subsahariens s’est faite en trois phases : ce sont les entreprises publiques marocaines qui ont d’abord investi le secteur des infrastructures de base (barrages, routes, électricité…) et les accords de coopération ou commerciaux se sont multipliés (plus de 500 à ce jour avec 40 pays africains). La multiplication des accords a ouvert une seconde phase à l’expansion marocaine avec l’implantation de grandes sociétés de services (Telecom, Banques, ...). Aujourd’hui, la diplomatie marocaine se concentre sur l’établissement d’une zone de libre-échange avec la Cedeao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) et avec la Cemac (Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique centrale). Les conséquences économiques de cette ouverture sur l’Afrique sont tangibles : 60% des investissements directs étrangers marocains (IDE) sur 2009-2013 concernent l’Afrique, et le Maroc est devenu le second investisseur africain en Afrique et le premier en Afrique de l’Ouest.

Le nouvel accord judiciaire liant le Maroc à la France a été approuvé, sans surprise, par la majorité des députés français, entérinant ainsi l’accord d’entraide judiciaire signé en février dernier. Ne manque que l’avis du sénat prévu en juillet… Et là aussi, sans surprises. Elisabeth Guigou, présidente de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, a jugé « important qu’on mette notre coopération judiciaire à la hauteur de tout le reste de notre coopération, et puis que l’on surmonte ce blocage qui a été extrêmement néfaste pour nos deux populations ». Il y a lieu de rappeler que la relance de la coopération judiciaire entre les deux pays avait fait suite à une crise diplomatique en Rabat et Paris lorsqu’un juge français avait demandé, il y a un an, l’audition du patron du contre-espionnage marocain de passage à Paris. Si la crise relève désormais du passé, il n’en reste pas moins que quelques associations de défense des droits de l’homme craignent qu’il empêche de poursuivre en France tout officiel marocain. Ledit protocole demande aux juges d’instruction chargés d’une enquête en France sur un ressortissant marocain d’en informer les autorités marocaines et de privilégier un renvoi vers la justice marocaine.

Entre le Maroc et l’Algérie, la coopération sécuritaire reste limitée au « degré zéro ». C’est ce que Mohamed Hassad, ministre de l’Intérieur a laissé entendre dans un entretien accordé à l’hebdomadaire « Jeune Afrique ». Les deux pays doivent se contenter des « relations triangulaires », les échanges devant transiter par des services tiers.

PURGE À LA JEUNESSE ET SPORT

STADE FINAL…

Enfin, Mohand Laenser décide d’agir sur le terrain. Il a limogé Karim Akkari, secrétaire général du ministère de la jeunesse et des sports, après que le rapport sur le scandale du gazon du stade Moulay Abdellah de Rabat aie été remis au Roi. Si la responsabilité morale de l’ex-ministre est engagée dans le scandale qui a éclaté lors de la dernière édition de la coupe du monde des clubs de football, c’est K. Akkari qui endosse la responsabilité directe de « l’effet raclette ». Mais M. Laenser n’est pas au bout des « mauvaises surprises » au sein d’un département vermoulu par les scandales… En effet, l’actuel ministre doit s’atteler à redorer le blason d’un département qui vivait de graves problèmes de gouvernance. Et une accumulation de problèmes de gestion d’un ministère depuis longtemps squatté par la Mouvance populaire. 6

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TEMPÊTES À LA DGSN

NETTOYAGE TOTAL ?

A la DGSN, une atmosphère de « mani pulite » semble règner dans les couloirs depuis que Hammouchi Abdellatif, puissant patron de la DST, a débarqué. Plusieurs limogeages ont été opérés et des licenciements ont été prononcés à l’endroit de « ripoux ». Mais l’opération de nettoyage prend de l’ampleur en touchant aussi les transactions douteuses, comme l’affaire d’une commande de 20.000 gilets passée du temps de l’ex-directeur du budget de la DGSN, débarqué. Des soupçons pèsent sur la procédure de passation de ce marché estimé à plusieurs millions de dirhams.

DES HEURTS ONT ÉCLATÉ À TANGER, ENTRE MAROCAINS ET MIGRANTS D’ORIGINE SUBSAHARIENNE. CES INCIDENTS QUI ONT TENU EN HALEINE, DEUX JOURS DURANT, LES AUTORITÉS DE LA CAPITALE DU DÉTROIT, NE SONT PAS LES PREMIERS DU GENRE. LA COHABITATION ENTRE LES DEUX COMMUNAUTÉS RESTE TOUJOURS DIFFICILE.


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VU LU

ENTENDU ABDELLAH BOUANOU

DR NO… L’actualité est riche en cinéma ! Passons sur le triste épisode de « Much Loved » et rembobinons la production filmique du PJD au cours de ces dernières semaines. Et arrêtons de dérouler le concentré de la politique spectacle pour ne fixer que l’épisode haut en couleurs de l’intelligence du célèbre député Aftati qui a voulu jouer aux apprentis espions dans l’Oriental. Ce qui l’a perdu, le pauvre, lui qui ignorait que le terrain politique national est tapi de mines. A la moindre incartade, tout saute ! Et c’est Abdellah Bouanou qui se voit ainsi monter en grade. Le Dr qui a été propulsé depuis les plaines de Meknès a eu l’heur d’annoncer au directorat du PJD que l’indiscipline relève de l’intolérable dans les casernes islamistes. Et que l’armée est une ligne rouge que nul ne doit transgresser. Mais le rôle du pompier en chef est revenu, comme d’habitude, au Chef Benkirane qui, droit dans ses bottes, a tenu à rassurer l’institution qui représente, dans tout pays, l’épine dorsale du pouvoir. Le malheur d’Aftati, rétrogradé pour le coup, fait le bonheur de Bouanou. Le docteur en lui s’est exprimé en rassurant quant aux résultats du check-up qu’il a fait subir à l’enfant putatif de Benkirane. Tout au plus pronostiqua-t-il l’éloignement de l’enfant terrible du PJD des feux de la rampe. Le temps pour le parti d’avaler la pilule. Mais le médecin en chef de la légation parlementaire du parti islamiste a tout faux. Il aurait certainement pu diagnostiquer un truc machin d’ordre vaguement vagolytique… Pour expliquer les errements de son frère d’armes. Cela aurait pu tomber sous le sens puisque le crâne renforcé d’Aftati n’a pas été blindé face aux coups de gourdins distribués un certain jour à Oujda. Non, c’est au Dr No que Bouanou a joué. Pour ceux qui l’ignorent, il s’agit d’un antihéros de la série des James Bond. Sauf que dans cette histoire, c’est le docteur qui a été autorisé à tuer et non plus le célèbre agent 007. Ca sent la mort politique…

MAROC-OCDE LES BONNES PRATIQUES

A. Benkirane s’est rendu au siège de l’OCDE le 15 juin 2015 pour renforcer et approfondir la coopération entre les deux parties en matière d’investissement, de commerce et globalisation, de gouvernance publique, de développement territorial, de fiscalité, d’éducation, d’inclusion sociale et l’emploi, et de tourisme. Si le Chef du gouvernement a laissé entendre que l’objectif économique visé serait un taux de croissance de 7%, il n’en reste pas moins qu’en attendant, l’OCDE lui a fait parvenir une note sur les bonnes pratiques à mettre en branle en matière de bonne gouvernance. En lui enjoignant d’exiger des responsables publics la fameuse « déclaration du patrimoine ».

B. Hakkaoui veut faire le bilan. A l’occasion de l’ouverture d’une rencontre nationale sur « la situation des enfants au Maroc : réalité et engagements », organisée en collaboration entre le ministère, l’UNICEF et l’Observatoire national des droits DIALOGUE de l’enfant (ONDE), la ministre NATIONAL ? de la Solidarité, de la femme, de la famille et du développement ENFANTS ABANDONNÉS social, a appelé à l’ouverture d’un dialogue national objectif sur la réalité de l’enfance au Maroc et les moyens susceptibles de promouvoir cette situation. En attendant, plus de 25.000 enfants sont SDF dans le Royaume et on ne parle même pas des conditions de travail dans le rural et de scolarisation… 8

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DAECH LA MOISSON DES DÉMANTÈLEMENTS MOHAMED HASSAD FAIT GRAND CAS DE LA LUTTE MENÉE CONTRE LA PRÉSENCE DES PARTISANS DE DAECH DANS LE ROYAUME. LORS DES DERNIERS MOIS, PAS MOINS DE 27 CELLULES DJIHADISTES ONT ÉTÉ DÉMANTELÉES, ASSURE-T-IL. UN DES FINANCIERS DES GROUPUSCULES TERRORISTES AURAIT ÉTÉ MIS À L’OMBRE APRÈS AVOIR TRAQUÉ SES DÉPÔTS DE MARCHANDISES AVARIÉES QU’IL RECYCLE DANS LE COMMERCE DANS PLUSIEURS VILLES.


MOHAND LAENSER

JEUNESSE ÉTERNELLE Il trône dans ses costards deux pièces comme un jeune premier. Mohand Laenser, chef de file de la Mouvance populaire, collectionne les postes ministériels. Rien qu’à côté d’Abdelilah Benkirane, il aura donné raison à tous ceux qui voyaient mal comment il pourrait se contenter de partager le gâteau avec son Nabyl de rival. Du coup, le « jamais deux sans trois » allait se vérifier après que son jeune « frère » haraki, le remuant Ouzzine, avait fait les frais d’un magistral coup de balaie après avoir joué à toute une nation le très sale coup de la raclette. C’est donc par la grâce de cette raclée-là, bien sentie au demeurant, que Mohand qui assurait l’intérim allait franchir le portail du très « populaire » ministère de la Jeunesse et des sports. Reste à savoir si cette fois-ci, ce sera la bonne pour échafauder, enfin, une stratégie nationale susceptible de porter le sport national aux nues ! En tout cas, le temps presse et Laenser a du pain sur la planche. Non pas uniquement sur le terrain ministériel, mais aussi et surtout sur le terrain par trop instable de la formation qu’il chapeaute depuis des lustres déjà. Les jeunes loups trouvent le temps long et exigent sa tête, tandis que les vieux briscards de la Mouvance font la moue face à une gestion par trop lâche des affaires du parti. Le consensuel Mohand réussira-t-il à empêcher que n’éclate sa mouvance en mille morceaux sous les coups de boutoir d’un « mouvement rectificatif » prédisposé à autoriser le parricide ? En politique, rien n’est acquis d’avance. Renchérira-t-il ?

L’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) n’a pas interpellé les opérateurs téléphoniques par rapport à leur utilisation d’une application violant la vie privée de leurs clients. Le fameux «LCS», logiciel qui permet de tracer les utilisateurs, est interdit à l’échelle internationale. Ce qui n’empêche pas la NSA d’espionner jusqu’aux chefs d’Etat alliés. Lors de son premier Conseil d’administration tenu après l’élection du binôme Miriem Bensalah-Chaqroun/Mohammed Talal à la présidence de la confédération, le 12 mai dernier, la Confédération patronale a procédé aux LE PLEIN DE nominations des membres du bureau, COMMISSIONS du médiateur, du trésorier et du trésorier adjoint, des présidents de commissions permanentes ainsi que des membres désignés au sein du Conseil. «Relations avec les institutions internationales» et «e-entreprise et e-commerce» s’ajoutent aux 22 commissions permanentes de la CGEM.

PATRONAT

LE CHEF DU GOUVERNEMENT A-T-IL LE DROIT DE SAISIR LA HACA POUR EXIGER D’ELLE DE STATUER SUR L’AFFAIRE JENNIFER LOPEZ QUI A DÉFRAYÉ LA CHRONIQUE DEPUIS LA RETRANSMISSION DE SON SHOW À MAWAZINE SUR 2M ? EN TOUT CAS, A. BENKIRANE NE FAIT PAS DE MYSTÈRE QUANT À LA DYNAMIQUE VERTUELLE QU’IL ENTEND IMPRIMER AUX PROGRAMMES TÉLÉ DÉJÀ MÉDIOCRE. MIEUX VAUT LE ZAPPING QUE LE RECOURS À LA POLITIQUE DU « REMOTE CONTROL », NON ?

ELECTIONS PROFESSIONNELLES

L’UNTM EN VEDETTE Les élections professionnelles n’ont pas manqué d’impacter la scène syndicale dans sa dimension représentativité. Ainsi, si l’UMT et la CDT semblent plus ou moins épargnées, la FDT par contre aurait perdu de sa superbe. Payant ainsi le lourd tribut de la division. Mais c’est l’UNTM, bras syndical du PJD qui sort vainqueur de ces élections. Très satisfait, Mohamed Yatim, a voulu atténuer l’impact de cette percée en soulignant que la montée en puissance de sa centrale n’équivaut pas à une « percée au Parlement. » Voilà donc pour les enjeux tels qu’appréciés par le patron de l’UNTM. PERSPECTIVES MED

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HUMEUR Alami Lazrak

SEIGNEUR DE LA TERRE Il y a les seigneurs de la guerre. Mais chez nous, on trouve aussi les seigneurs de la terre. Lazrak a certainement réussi à se tirer de la guerre de l’ERAC, à Marrakech, sans le moindre bleue. Et c’est ce qui fait son bonheur d’aujourd’hui, lui dont la success story s’est illustrée plus dans sa carrière privée que publique… En tout cas, il n’a gardé de son passage public que ce port altier et cette arrogance du chef bien calé dans son fauteuil « présidentiel ». Le monde des médias bouge lorsqu’il les sonne. Et c’est un défaut dans la cuirasse que ne lui pardonnèrent guère ses bailleurs de fonds appelés à la rescousse pour sauver ses meubles. Mais c’est une autre histoire. Toujours est-il que le Groupe Alami vit mal sa transition : la convalescence s’avère douloureuse pour un corps fatigué d’un excès de cholestérol. Il fallait tailler dans le gras pour maintenir la tête hors de l’eau. Mais là, le seigneur de la terre s’est accoutré pour le régime en enfilant son uniforme de combat. Car la cure a été particulièrement poignante pour nombre de salariés jetés à la…rue. Face à leurs revendications, Lazrak ne fait dans l’art consommé du mélodrame. Il préfère fuir l’engagement. RSE où es-tu ?

Khali Henna Ould Rchid

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RICHE COUPLE

La vie privée devient publique lorsque la politique réussit à bénir les lien d’un mariage du siècle ! En tout cas, il faut croire que le rapprochement par les liens du sang entre les notables Sahraouis Khali Henna Ould Rchid et Derham a son lot de surprises. D’abord, parce que le père d’Omar, l’heureux marié, est connu pour son cachet istiqlalien pur et dur et que le père de la charmante élue de la famille Derham avait des accointances plutôt socialistes. On n’ira pas jusqu’à dire que l’amour est aveugle au point de braver les barrières partisanes qui marquent de leur sceau la vie politique sahraouie. Le fait est que cette nouvelle liaison s’apparente à un mariage de raison susceptible de favoriser la percée, en force, des formations de l’opposition dans les provinces méridionales. Invité, le patron du PJD aura certainement averti de cette union qui s’apparente ailleurs au calumet de la paix que l’on brandit pour enterrer la hache de guerre. Mais passons sur ces conjectures politico-politiciennes… Ensuite, et c’est là où cette union fait la force, ledit mariage de raison a été une occasion pour étaler au grand jour la richesse des deux familles et de leurs invités. Jamais un aussi épais tapis de dirhams tout en bleu n’a été filmé pour faire le buzz. Ould Rchid, comme Derham, font partie de ces riches notabilités que l’économie de rente a certainement favorisés. Mais était-il si nécessaire de faire étalage d’autant de tonnes de billets de banque qui s’affaissaient par paquets aux pieds des danseurs invités pour l’heureux événement ?


Hakima El Haite

FIÈVRE VERNACULAIRE

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LANGUES FOURCHUES

l y a de ces responsables politiques qui gagneraient certainement à garder hermétiquement bien fermée leur bouche pour éviter de multiplier les bourdes. Hakima n’aura pas été sage en s’attaquant bille en tête à son environnement linguistique. Puisque la ministre en charge de l’Environnement n’a rien trouvé de mieux que de souligner devant un parterre de journalistes que lorsqu’elle parle en arabe, elle devient fiévreuse. Les Marocains se souviendront longtemps de la bouche bien dessinée de la ministre qui lui assure des bouffées de chaleur en osant s’attaquer à un quelconque problème dans la langue d’Al-Jahiz. La pauvre ! On la plaint par les changements climatiques qui courent. Surtout que par les temps de chaleur estivale ambiante, elle ne pourrait nullement exiger le moindre ventilo au Chef du gouvernement très regardant sur les dépenses. Un ventilo rien que pour la bouche d’une ministre pour la soulager de la chaleur vernaculaire ambiante, ce serait la demande de trop qui la placerait illico sur la voie de son ex-camarade, lui aussi bien populaire pour avoir pêché par la bouche. L’exilé de Madagh doit certainement garder sur les pigments de sa langue la douceur du chocolat payé par des deniers publics. El Haite qui doit, à coup sûr, bien apprécier la langue maternelle d’une bonne partie de ses concitoyens et pour la promotion de laquelle un Institut a été créé sans pour autant lui assurer la liberté d’intégrer l’école nationale, aurait pu se rabattre sur son paire à la tête de l’Education nationale pour faire des cours de rattrapage… Mais lorsqu’on sait qu’un Belmokhtar reconnaît ne pas maitriser l’arabe, Hakima manquera et de soutien et de cours académiques comme ceux que l’on croise dans les librairies qui se respectent : l’apprentissage de l’arabe en dix leçons ! La sagesse, El Haite doit le savoir pour certainement l’avoir appris durant sa jeunesse, aurait été de respecter le dicton fort édifiant : « le silence est d’or ». Mais que voulez-vous de la part d’une dame qui a bravé tous les obstacles par la grâce de la communication. Elle fera pâlir de jalousie un El Khalfi prompt à assurer que tout est clair. A-t-on été clair ? PERSPECTIVES MED

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CHRONIQUE BONJOUR LES DÉGATS

BOUYA OMAR & CO Par : Said Akechmir

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aut-il être fou de joie et applaudir l’initiative du ministre de la Santé qui a consisté en la fermeture du mouroir Bouya Omar ? Oui et vivement ! Pour ceux qui ont eu le loisir de lire les opus de Michel Foucault sur la folie, nul besoin de rappeler que le pays a cruellement besoin de théoriciens capables de verser dans « l’archéologie du savoir » bien local pour l’expurger de tous ses sédiments vermoulus qui permettent à d’aucuns de se forcer une attitude de « bien-pensance » mal acquise. Celle qui conduit à soutenir, toute honte bue, que le pays est par la force des lois supranaturelles traditionnaliste ! Car ne voilà-t-il pas qu’un ministre, alerté par l’OMS sur les dégâts d’un « lâchage » de centaines de déséquilibrés mentaux en pâture aux apprentis-sorciers, a choisi, lui, de forcer le destin. En refusant de se complaire dans l’attitude fort bien confortable de ceux qui considèrent, non sans fatalisme débridé, qu’il est du lot de notre nation, et c’est dans l’ordre des choses, de rester enveloppée dans la camisole du sous-développement. Bien fait donc pour tous ces théoriciens de pacotille habitués à caresser dans le sens du poil les circonvolutions d’un ordre établi. Sans chercher à décortiquer les ressorts d’une société composite où le tabou le dispute au profane dans un désordre des plus déconcertants. El Ouardi a osé, enfin, « libérer » les pensionnaires d’un sanctuaire où la seule règle en vigueur est faite de lucre et de profit. Nos théoriciens peuvent-ils assimiler que l’arriération à un surcoût qui appelle à être évalué à sa juste mesure pour pouvoir libérer toutes les énergies du génie marocain ? En tout cas, il est fort à propos que de souligner que ledit mausolée qui a bâti sa puissance symbolique sur une prétendue « baraka» d’un suaire arrive à générer, bon an mal an, un chiffre d’affaires de 8 millions de dirhams. Vous vous imaginez le pécule et tout ce dont s’évertue à faire les bénéficiaires pour que ce mode de production de la bêtise se perpétue ?! Mais dans le Royaume qui peut compter à loisir ses mausolées, ses saints, ses zaouias et autres « fekhda» des prétendus « chorfa », il suffit de bien doser le courage politique qu’il faut pour faire

IL FAUT SE FAIRE UNE RAISON POUR NE PAS TOMBER DANS LA FOLIE FOLLE!

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sauter les verrous d’une servitude qui n’a que trop duré. Et que ceux qui ne croient pas en la vertu de la dynamique qui consiste à tirer le peuple vers le haut s’écrasent. Plutôt que de continuer à écraser, de leurs certitudes surannées, les partisans d’une émancipation générale des forces de l’obscurantisme, celles qui tirent le pays vers le bas. Car il n’y a pas que le triste épisode de Bouya Omar à mettre en relief pour se convaincre de la puissance de feu des partisans de la reproduction du sous-développement. Tenez, pas loin d’El Jadida, capitale des Doukkala, n’est-il pas éclatant de voir les « tenanciers » du célèbre mausolée Moulay Abdellah Amghar s’étriper pour la cagnotte que le site génère? Autant dire que ceux qui promettent aux pauvres pèlerins de ces lieux monts et merveilles dans l’au-delà, la baraka de « l’hôte vénéré de l’endroit» aidant ne se soucient guère de l’infortune sort de tous les égarés plus qu’ils ne cultivent le bas commerce qu’ils fructifient. Oui, exit Bouya Omar et sa prétendue baraka qui libère les esprits tout en enfermant les corps, avec la bénédiction des autorités. La question qui se pose dès lors serait de savoir si cet effort là sera suivi dans d’autres lieux… Histoire de libérer les Marocains de tous les mauvais esprits qui les habitent. Cela aura au moins une incidence directe sur le discours politique national qui s’est enrichi de néologismes aussi obscurs que les fameux « afarit » chers à Benkirane. Si El Ouardi a fait sa part du chemin, qui osera faire le reste? Là encore, il faudra nécessairement que la société civile se mobilise, à son tour, pour exiger plus. Car il faut en finir avec ce chemin de croix qu’empruntent tous les égarés d’un pays qui ont besoin d’un projet de société qui les fait voyager autrement que via la voie express de Bouya Omar et consorts. Un projet de société clairement défini ou le rationnel doit primer sur l’émotionnel. Les marocains ont besoin de lisibilité dans leur présent, comme dans leur avenir, afin de libérer leurs énergies refoulées. Et le meilleur défouloir national n’est autre que l’Ecole publique qui, doit plus forger les esprits qu’enrayer la critique. Il faut se faire une raison pour ne pas tomber dans la folie folle !


POINTS CHAUDS

OPÉRATION MARHABA 2015

TOUT POUR PLAIRE…

DES MAROCAINS DU MONDE, ON NE REMARQUE QUE LA NORIA DE VOITURES IMMATRICULÉES À L’ÉTRANGER QUI OCCUPENT LE HAUT DU PAVÉ DURANT LA SAISON ESTIVALE. MAIS POUR RÉUSSIR LES OPÉRATIONS DE TRANSIT DES MRE, C’EST UNE GRANDE LOGISTIQUE QUI EST DÉPLOYÉE AUSSI BIEN SUR LE SOL MAROCAIN QU’AILLEURS. QUE DE MOYENS SONT MIS EN BRANLE POUR QUE L’OPÉRATION MARHABA PUISSE ÊTRE COURONNÉE DE SUCCÈS. LE ROYAUME RESTE DONC AUX PETITS SOINS POUR SES RESSORTISSANTS À L’ÉTRANGER. RIEN DE PLUS NORMAL AU REGARD DE LEURS APPORTS INESTIMABLES POUR LA DYNAMISATION DE L’ÉCONOMIE NATIONALE. LEURS TRANSFERTS RIVALISENT ENCORE AVEC LES EXPORTATIONS DES PHOSPHATES OÙ ENCORE LES RECETTES TOURISTIQUES. MAIS CE QUE L’ON IGNORE, C’EST QUE LA COMMUNAUTÉ MAROCAINE À L’ÉTRANGER, POUR DISPARATE QU’ELLE SOIT, REPRÉSENTE UN TRÉSOR INESTIMABLE. NOMBRE D’ENTRE EUX SONT SUSCEPTIBLES D’APPORTER UN PLUS EN TERMES DE TRANSFERT DE KNOW HOW ET DE SAVOIR VIA UN RÉSEAU QU’IL S’AGIRA DE GÉRER AU MIEUX. LE PAYS COMPTE PAS MOINS DE 400.000 COMPÉTENCES À L’ÉTRANGER, TOUTES BARDÉES DE DIPLÔMES. EN PLUS, IL Y EN A QUI ONT CHOISI DE PLACER LEURS INVESTISSEMENTS DANS DES SECTEURS JUGÉS PORTEURS. C’EST CETTE DIMENSION-LÀ QUI BÉNÉFICIE D’UNE ATTENTION TOUTE PARTICULIÈRE DE LA PART DES AUTORITÉS. CELA SANS OUBLIER D’AUTRES ACTIONS SUSCEPTIBLES DE MAINTENIR INTACT LE CORDON OMBILICAL QUI LIE LES 2ÈME ET 3ÈME GÉNÉRATIONS À LEUR PAYS D’ORIGINE. C’EST UN PAN IMPORTANT DANS LA GESTION DE LA CHOSE MIGRATOIRE DANS LE PAYS. UNE FEUILLE DE ROUTE APPELÉE À S’ENRICHIR DAVANTAGE…

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POINTS CHAUDS

MAROCAINS DU MONDE

UNE DIASPORA, DES RICHESSES ALLAL EL MALEH Ils sont des millions de Marocains à vivre à l’étranger. Sans pour autant rompre avec leurs origines. La preuve est à situer au niveau des transferts annuels, en progression. Et de l’émergence d’une nouvelle classe d’opérateurs assoiffés de faire fructifier leur capital. Cela nécessite une autre gestion de la diaspora. De quoi a-t-elle l’air ?

L’

Opération Marhaba vient de démarrer avec tout ce que cela suppose comme logistique appropriée. Les divers acteurs qui s’activent dans cette grande opération estivale qui permet aux Marocains du monde de retrouver la douceur de leur foyer d’origine sont sur les dents. Car rien ne doit être laissé au hasard dans la gestion des flux de nos compatriotes de retour. « Même si l’opération est rodée, il faut maintenir une veille constante» assure Anis Birrou, ministre en charge des Marocains résidant à l’étranger et des affaires de la migration. Rien de plus normal puisqu’on n’est jamais à l’abri d’une surprise. En particulier lors des « pics » attendus à la fin de Ramadan et lors de l’opération retour qui coïncide avec la dernière semaine d’août et le début septembre. S’il est difficile de pronostiquer le nombre exact des MDM attendus lors de cette saison, A. Birrou pronostique un flux au moins identique à celui enregistré lors de la saison précédente, s’il ne serait pas légèrement

supérieur. Les miasmes de la crise économique qui avait frappé de plein fouet les pays d’accueil n’auront pas, ou peu d’incidences sur la saison. Autant dire que les rouages de l’économie nationale bénéficieront durant la saison estivale des ingrédients nécessaires pour une relance de la consommation. Et le tourisme ne manquera certainement pas la reprise qui s’annonce avec l’arrivée massive d’une clientèle de plus en plus exigeante.

LES MAROCAINS DU MONDE, DES ATOUTS INESTIMABLES

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PERSPECTIVES MED

CAPITAL DE CONFIANCE

Car on est loin des schémas de pensée qui avaient marqué la 1ère génération, celle qui préférait, en prévision d’un retour, dissoudre ses économies dans l’immobilier. Les 2ème et 3ème générations ont d’autres priorités et un autre mode de vie. Dont profite l’économie nationale grâce notamment aux transferts qui évoluent d’année en année. Sur ce point là, A. Birrou aborde la question avec sérénité. Et les chiffres lui donnent raison. A fin avril, 19,4 milliards de DH (contre


SÉRÉNITÉ Anis Birrou déploie une démarche participative devant associer toutes les énergies des Marocains du Monde

18,1 milliards l’année passée) avaient renfloué les caisses de l’Etat. Soit une évolution de 7,3% qui dépasse les prévisions de croissance du PIB. Le ministre assure que le Royaume fait partie des « rares pays ayant enregistré une hausse assez significative des transfert s». Et rien, à ses yeux, n’interviendra pour changer une telle progression qui permettra au pays de capter plus de 59 milliards de DH cette année. Car derrière ces chiffres se cachent une nouvelle donne qui appelle à être appréciée à sa juste valeur. « Une telle évolution est le meilleur témoignage de la confiance que les nouvelles générations nourrissent à l’endroit de leur pays d’origine et de sa stabilité.» Si les investissements dans l’immobilier relèvent de «la démarche traditionnelle » chère aux RME, il y a lieu de souligner que d’autres secteurs captent l’attention des placements des MDM. Agriculture, énergies renouvelables, nouvelles technologies sont autant de domaines de prédilection investis par les RME. Rien de plus normal puisque « le Maroc présente d’excellents avantages comparatifs et que les secteurs investis bénéficient de stratégies ad hoc finement déclinées », indique A. Birrou. D’où la mise en place par le gouvernement d’un dispositif de soutien et d’accompagnement des RME désireux d’investir dans les secteurs présentant les meilleurs atouts. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien qu’une cellule dédiée à été mise en place au niveau du ministère pour orienter et sensibiliser cette nouvelle catégorie d’investisseurs. Ainsi, les opportunités que charrie la dynamique de croissance économique leur sont présentées et, en sus, les possibilités d’accompagnement via le fonds MDM Invest leur sont exposées. Pour A. Birrou, il s’agit-là d’une fenêtre de tir qu’il ne

faudra pas rater. C’est pourquoi la réactivation dudit fonds a été nécessaire en vue « d’octroyer une aide directe aux porteurs de projets, avec une participation de l’Etat à hauteur de 10% du coût global d’investissement.» La main ainsi tendue à cette catégorie nouvelle d’agents économiques n’est pas à minorer. « Le soutien peut atteindre le seuil des 5 MDH », assure-t-il. Ce qui n’est pas rien… Autant dire que le nouveau reprofilage de la politique dédiée aux MRE vise à les rassurer davantage quant aux opportunités que leur pays d’origine offre en termes de développement. Et pour mieux raffermir les liens de confiance, il fallait dépasser les craintes exprimées par les MRE à l’égard de la contribution libératoire. La loi relative aux avoirs extérieurs des MRE ayant choisi de s’installer au Maroc, récemment votée, a contribué à lever les équivoques induites par une ancienne réglementation qui remonte à 1958 aussi obsolète que contraignante.

GISEMENT DE COMPÉTENCES

Ainsi, « la nouvelle loi permet à nos RME d’effectuer des transferts d’argent, de garder des comptes en devises à l’étranger, ou d’avoir des comptes en devises convertibles au Maroc. Plus besoin pour eux d’’une autorisation de l’Office des changes pour opérer des transactions. » Pour A. Birrou, il fallait assurer un tel déverrouillage dont le pays ressentira les effets positifs dans les années à venir. Plus, au ministère, des « projets migration et développement » ont été déployés en plaçant au centre des interventions les transferts de ressources des MRE pour le développement du Maroc. Pour le ministre, il faut démystifier le mot PERSPECTIVES MED

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POINTS CHAUDS

lorsqu’il évoque le travail de proximité engagé auprès de l’ensemble des ONG. Une action pénible, harassante et s’inscrivant dans la durée. Mais qui ne tente rien n’a rien, semble être la philosophie du ministre qui mise gros sur les compétences dont regorge la diaspora marocaine. Rien de plus normal lorsqu’on sait que des profils pointus composent le riche tissu diasporique : pas moins de 400.000 MRE ont un niveau Bac plus 5 et plus. Bien plus, souligne les statistiques établies dans les pays de l’OCDE, l’émigration marocaine « très qualifiée » est de pas moins de 16%, un taux parmi les plus élevés au monde. Pour profiter d’un tel gisement de richesse, rien ne vaut la constitution de réseaux collaboratifs. Maghribcom est une plate-forme dédiée qui sert de cadre formel de mise en circulation de l’information en termes d’opportunités d’affaires, de collaboration ponctuelle, d’investissement et d’emploi.

TERRE D’ACCUEIL

La communauté marocaine à l’Etranger bénéficie d’un intérêt particulier. La jeunesse n’est pas oubliée. générique des transferts pour ne plus englober la seule dimension financière par trop réductrice. Car les transferts englobent aussi d’autres dimensions techniques, sociales et humaines acquises dans les pays d’accueil. Et c’est bien à ce niveau-là que s’exprime, dans sa totale plénitude, la richesse de la diaspora marocaine. Et pour réussir un tel challenge, « le projet Sharaka » a vu le jour avec pour objectif de renforcer les synergies entre les politiques publiques marocaines et européenne en optimisant les effets bénéfiques que la migration apporte aussi bien au Maroc qu’à l’Union Européenne. Car il reste opportun de rappeler une évidence que l’on a tendance à oublier : un MRE et « un MRE de retour potentiel ». Dès lors, il faut être outillé pour gérer une telle donne et réussir toute réintégration socio-économique. A. Birrou veut pousser plus loin la logique du partenariat que le pays se doit d’engager avec la diaspora. Et c’est dans ce cadre-là que la revivification du tissu associatif qui s’active auprès des MDM s’avère nécessaire. L’objectif étant de « normer » l’action des 2.500 associations des MDM pour qu’elles puissent répondre aux attentes de la diaspora. Ceci est d’autant capital que beaucoup d’espoirs sont placés dans ce riche tissu associatif pour qu’il puisse assumer les rôles d’interface, de relais et de force de propositions. Crédibilité et dynamisme sont les maîtres mots qui reviennent dans la bouche du ministre 16

PERSPECTIVES MED

Une nouvelle approche de la question diasporique est nécessaire pour gérer les Marocains du monde. D’autant plus que « notre émigration reste composite ». A. Birrou en est conscient. Et le département qu’il chapeaute agit en conséquence. « Chacun de nos ressortissants doit sentir que son pays d’origine ne l’abandonne pas. Bien au contraire ! ». Mais au-delà de cette dimension, le ministre n’oublie pas que le Maroc est aussi devenu une terre d’accueil pour les migrants subsahariens. Et à ce sujet, le dossier s’avère des plus compliqués puisque le Royaume reste essentiellement une passerelle vers l’Europe. Et il faut craindre que le pays ne subisse une pression encore plus forte à cause de l’instabilité géopolitique et des changements climatiques. Mais d’ores et déjà, fort est de constater que les responsables marocains n’ont pas attendu longtemps pour réagir. En anticipant une stratégie migratoire qui a démarré avec la régularisation de 18.000 cas, avec cartes de séjour à la clé, sur les 28.000 que la commission nationale de recours a pu enregistrer. Si le Maroc fait toujours preuve de fermeté dans la gestion des flux migratoires, il n’en reste pas moins que « la dimension humanitaire » n’est pas pour autant ignorée. La preuve, femmes et enfants ont pu bénéficier de la régularisation même s’ils ne répondent pas aux critères prédéfinis. Et tous les migrants en situation vulnérable peuvent bénéficier du RAMED. Pour A. Birrou, « la politique migratoire procède d’une vision articulée autour de 81 projets intégrant l’éducation, la culture, la jeunesse et sport, l’assistance juridique, la santé, le logement, l’emploi… ». Le tout étant accompagné d’un dispositif juridique avec des projets de lois se rapportant notamment à la traite humaine et à la migration. Un échafaudage encore à asseoir sur des bases solides mais qui pare au plus pressé. Un programme spécifique de soutien humanitaire a été déployé, et 50 conventions signées avec des associations, outre l’accord cadre avec le CRM, pour venir en aide aux migrants vulnérables. « La dignité humaine que l’on exige pour nos ressortissants vivant ailleurs doit aussi être exigée pour les migrants que le pays accueille», rassure le ministre.


PERSPECTIVES MED

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POINTS CHAUDS MAROCAINS DU MONDE

PARALYSÉ, LE CCME ? Par : Mohammed Taleb

L’actuel Exécutif, dont l’investiture a coïncidé avec la fin du mandat provisoire d’un Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME), peine toujours à ériger le nouveau conseil prévu par la Constitution de 2011 en une institution à part entière. Les propositions de loi sur la participation des Marocains du monde aux législatives demeurent au stade de projet. Pendant ce temps la diaspora continue de prendre son mal en patience.

L

a participation politique demeure l’une des revendications essentielles des Marocains du monde. Ayant pu arracher l’acquis majeur de la représentativité grâce à l’écoute attentive des plus hauts responsables, ce qui a débouché à la création d’un Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (fin 2007), la communauté marocaine à l’étranger n’a pas encore pu s’impliquer effectivement dans la vie politique nationale. Et pour cause : l’actuel Exécutif continue, sur les pas de ses prédécesseurs, à tergiverser quant à l’accélération du processus d’adoption des textes de loi pouvant permettre enfin aux Marocains du monde une citoyenneté extraterritoriale effective et une réelle représentativité à la Chambre des re-

LE CCME DOIT SORTIR DU « FLOU ARTISTIQUE » DANS LEQUEL IL EST MAINTENU. UNE URGENCE !

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présentants. L’équipe Benkirane dont l’investiture a coïncidé avec la fin du mandat provisoire du CCME, n’a pas fourni d’effort, ou presque, pour enfin hisser ledit Conseil en une institution constitutionnelle, comme le stipule l’article 163 de la Constitution. Avec ce dernier, la loi suprême a fait du CCME une instance parmi celles devant assurer la protection des droits de l’homme à côté du Conseil national des droits de l’homme, le médiateur et l’autorité chargée de la parité et de la lutte contre toutes formes de discrimination… Il se révèle donc que, depuis, le 21 décembre 2011, le conseil est pratiquement en veilleuse. Les 37 membres nommés par le Souverain sont dans l’expectative et attendent avec impatience que le Conseil voit le jour, dans sa nouvelle mouture. Les six groupes de travail du Conseil, à savoir « Citoyenneté et participation politique»; «Cultures, éducation et identités » ; « Approche genre et nouvelles générations » ; « Administration, droits des usagers et politiques publiques »; «Compétences scientifiques, techniques et économiques pour le développement solidaire » ; « Cultes et éducation religieuse » ainsi que les « commissions ad hoc chargée de l’étude d’autres questions, conti-


nuent à travailler dans un manque totale de visibilité. D’autant plus que le mandat de 6 ans de son Président, Driss El Yazami, est lui aussi échu depuis plus de deux ans. De surcroît, force est de rappeler que D. El Yazami n’est plus réservé à cette seule mission. Depuis 2011, il est de plus en plus occupé avec ses responsabilités de président du Conseil national des droits de l’homme (CNDH) ! Un cumul qui n’est pas sans induire des « passages à vide » pour des RME de plus en plus remuants.

LA VACHE A LAIT

Le gouvernement Benkirane ne cesse de faire preuve d’ingratitude à l’égard de la diaspora marocaine. En ces temps difficiles pour l’économie nationale, les transferts des « MRE » –malheureusement, c’est le terme qui est toujours employé dans les comptes de la comptabilité nationale et dans les documents de l’Office des changes- ont constitué un véritable soutien de la balance des paiements et de la réserve de change. Au moment où l’autre principale source de devises à savoir les recettes du tourisme ont fléchi de 5,5% durant le premier trimestre (11,56 milliards de dirhams (Mrds Dhs) contre 12,24 en 2014), les transferts des Marocains du monde ont atteint 19,4 Mrds Dhs à fin avril en progression de 7,3 par rapport à la même période de 2014. Ce qui revient à dire que si le gouvernement Benkirane devrait remercier quelqu’un, c’est bien, après la clémence du ciel qui n’a pas manqué d’être au rendez-vous depuis son investiture, les Marocains du monde qu’il doit gratifier. Mais tel ne semble guère être le cas. Juste après leur participation au référendum sur la Constitution, 96, 05% des votants ayant dit « Oui », l’Exécutif a plié la page des Marocains du monde. Il n’a même pas fait le nécessaire pour qu’une loi sur leur représentativité puisse enfin voir le jour. Trois propositions de loi appelant à réserver des sièges aux Marocains du monde ont été déposées au Parlement. Elaborées, en l’occurrence, par les groupes parlementaires USFP, PI et PJD, elles devaient être examinées, depuis fin janvier, au sein de la « commission de l’intérieur, des collectivités territoriales, de l’habitat et de la politique de la ville ». Mais si l’examen en commission pourrait enrichir le débat, il n’est pas écrit que la loi soit automatiquement adoptée. Surtout lorsque le gouvernement ne semble pas pressé de

faire aboutir un tel chantier. Une attitude qui s’explique par le clientélisme étroit, d’autant que le PJD reste peu représenté dans le tissu associatif de la diaspora par rapport à ses farouches concurrents (USFP et le PI). Le mieux serait de reporter une telle progression à la prochaine législature. Ce qui favorise cette probabilité, résulte, en effet, dans le nombre de sièges à consacrer aux Marocains du monde projeté dans chacune des propositions. Au moment où le PI, dont la jeunesse est très présente dans des pays étrangers, propose 60 sièges, l’USFP ne suggère que 30 tandis que le PJD se contente de 16. La formation islamiste craint une forte représentativité de la diaspora marocaine. Et ça ne s’arrête pas là, le gouvernement est allé encore plus loin en essayant tant bien que mal de réduire le budget du CCME sous prétexte d’un manque de transparence.

UN PREJUDICE A REPARER

Dès lors, tout observateur remarquera que le dossier de la participation et de la représentativité de la communauté marocaine à l’étranger a toutes les chances de rester figé sans une impulsion venant d’en haut. Le CCME travaille hors la loi depuis près de 4 ans sans que cela

fasse bouger quoi que ce soit au sein du gouvernement. Tenue de par le dahir de sa création d’établir, tous les deux ans, des rapports stratégiques sur la situation des Marocains vivant à l’étranger, l’instance paralysée n’a jamais pu le faire. Et pourtant, cela ne veut dire en aucun cas que la diaspora vit en toute quiétude. Bien au contraire, nos ressortissants sont confrontés à une kyrielle de questions délicates et pressantes à régler. Il y a lieu de citer, entre autres, la question du culte musulman qui est devenue une véritable problématique dans les pays d’accueil, avec notamment la montée des actes islamophobes. Il y a aussi, le débat sur la double nationalité et le double statut juridique qui a refait surface, récemment, et qui remet en cause la participation politique de concitoyens dans leur pays d’accueil… C’est, en substance, ce que la diaspora reproche aux autorités marocaines : une perception réductrice et mercantile, la limitant aux recettes en devises. Quand va-t-on prendre conscience d’un tel préjudice et essayer de le réparer ? Jusqu’à quand gardera-t-on un système réglementaire électoral qui ne permet pas aux binationaux de s’impliquer dans la chose politique nationale ?

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POINTS CHAUDS POLITIQUE MIGRATOIRE ET GLISSEMENT SÉCURITAIRE

EVITER LES DÉRAPAGES Par : M.T

Le Maroc est l’un des rares pays du sud à avoir adopté une politique migratoire. Bien que cette politique lui ait redoré le blason, elle laisse dans son sillage bien des attentes. Dans cet entretien, l’enseignant-chercheur Abdelfattah Ezzine, décortique les enjeux géopolitiques de la migration, les pressions européennes subies par le Maroc et la déception des Marocains du monde.

PERSPECTIVES MED : OU EST-EN DE LA NOUVELLE POLITIQUE MIGRATOIRE AU MAROC ? ABDELFATTAH EZZINE : Pour parler de la politique migratoire marocaine, il faut d’abord déterminer dans quel sens et dans quel cadre elle est inscrite. Il faut aussi rappeler avant tout que toute politique migratoire est une politique souveraine. Quand on dit politique souveraine, cela veut dire qu’elle va se faire selon ce que l’Etat veut de cette politique. Le Maroc, qui est en train de se transformer de pays émetteur de migrants en un pays de transit, n’en subit pas des pressions européennes et internationales. Et ce, malgré le rôle qu’il a joué avec le Mexique, leaders mondiaux en la question, en ce qui concerne la prise de conscience de la question migratoire au niveau international. EST-CE QUE CELA A ETE DICTE PAR LEUR POSITION GEOGRAPHIQUE ? A.E : Tout à fait. Ce qui joue dans la migration, les réseaux, flux et déplacements de migrants, est beaucoup plus géopolitique et géographique. Le Maroc, point le plus proche de l’Europe par le détroit de Gibraltar et aussi par les présides de Sebta et Melilla 20

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occupés, est un pont ou un relais vers l’Europe. C’est le cas aussi du Mexique. il ya une certaine similitude de la relation « Mexique-Amérique du nord » et « Maroc-UE ». CEDENT-ILS A CETTE PRESSION ? A.E : Pour ce qui est du Maroc, il n’a pas seulement cédé à la pression européenne, mais il a également essayé de tirer profit de cette politique européenne. C’est surtout au niveau de l’image qu’il essaye de véhiculer en tant que pays connaissant une transition politique et aussi en tant que leader des droits de l’homme dans sa région, c’est-à-dire « un Etat qui a ratifié la convention internationale des droits de l’homme »... Le royaume promeut son image également comme étant le premier pays où se déroule une régularisation de la migration et c’est de taille … Le pays se présente, aujourd’hui, comme un cas d’école, comme un exemple au niveau international qu’il faut étudier de plus près. Et dont il faut non seulement se contenter de pointer les failles et les défaillances de la politique menée, mais aussi il faut voir les points positifs et l’encourager dans ce processus. EST-CE QUE C’EST FAIT DE LA PART DE L’UE QUI


VOUDRAIT L’ACCULER A JOUER LE ROLE DE « GENDARME » CONTRE UNE AIDE DERISOIRE ? A.E : Il ne faut pas seulement voir le Maroc en tant que pion… Il l’est certes, mais il est en train de devenir un joueur, et pas n’importe lequel, « un joueur de taille incontournable » dans la région. Pourquoi il ne faut pas se contenter de dire que le Maroc joue un rôle de gendarme ? Aujourd’hui, on peut même dire que l’Italie joue le rôle de gendarme européen, l’Espagne aussi jouait le rôle du gendarme européen au moment où il y avait le flux important de migrants en provenance du Maroc. Il faut savoir qu’au niveau africain, l’Europe a une grande responsabilité, qui ne dédouane nullement les Etats africains en mal de démocratie, du fait du legs colonial qui n’a pas pu être capitalisé et dépassé. Il a été reconnu au niveau international que les frontières laissées par les colonisateurs étaient des bombes à retardement et elles sont, aujourd’hui, en train d’éclater. Et du coup, au lieu de mener une politique seulement étatique, il faut mener des politiques de bassins faites de liens transnationaux où l’Etat-nation est en train de perdre le contrôle charriant de grands problèmes autour des frontières. Dès lors, quand je dis que la politique marocaine a des points positifs, c’est qu’elle est entrain de construire cette coopération qui a tardé à émerger malgré les discours qui tournent autour, à savoir la coopération sud-sud... Mais on ne peut pas continuer à critiquer l’Europe quand l’Afrique n’a pas de politique alternative. En substance, la politique migratoire marocaine a ses « avatars » et ses problèmes. Son premier problème est l’Europe elle-même. Il y a aussi ce Maghreb qui tarde à se développer et à s’imposer en tant qu’interlocuteur avec l’Europe. Il y a aussi un voisinage, malheureusement, en perte de vitesse et qui vit des crises qu’il veut exporter. Généralement, ce voisinage voit la source chez les voisins et pas en luimême, le système algérien agonisant reste prisonnier du prisme de la guerre froide. Il en est, malheureusement, toujours l’otage. Si on ne sait pas ce qui va se passer dans ce pays, le feu qui couve sous la cendre est inquiétant… L’EUROPE NE CHERCHE-T-ELLE PAS A FAIRE DU MAROC UN PAYS D’ACCUEIL ALORS QU’IL A, TOUJOURS, ETE UN PAYS DE TRANSIT ? A.E : Le Maroc est en train de mener une nouvelle politique que, malheureusement,

les forces politiques ne suivent pas pour pouvoir assumer leurs responsabilités en la matière. L’actuel gouvernement n’a pas su développer une capacité créatrice au niveau de la recherche et développement d’une politique nouvelle. On voit clair que le Roi est le seul Actif sur ce champ pendant que gouvernement et opposition gigotent sur des sujets qui n’ont vraiment pas de teneur politique. Mais la société civile est là, elle reste très active et interpelle le gouvernement, voire même l’Etat sur certains points. On a aussi certaines institutions de consultations qui jouent le jeu surtout dans ce domaine là. On peut noter le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) et le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Cela n’empêche pas qu’une nouvelle politique est en train de se développer, mais, malheureusement, les acteurs qui doivent prendre cette politique en main et la concrétiser sur le terrain, n’ont ni la capacité, ni l’intelligence, ni les forces pour le faire. Et cela pose problème. C’est pour cela, d’ailleurs, que l’on a cette sensation que tout ce qui est en train de s’ouvrir relève du précaire, du vulnérable, si ce n’est du bazar, et ne laisse pas entrevoir un avenir. La déception est bien là. Dès lors, il faut réagir. COMMENT ? EN CHERCHANT A AMELIORER SON IMAGE DE MARQUE ? A.E : Non seulement à ce niveau-là, sachant par ailleurs que cela n’est quand même pas négligeable. Quand on entend que « c’est le seul pays paisible de la région où il n’y a pas de problème », cela peut encourager l’investissement, le tourisme… La migration est un atout mais c’est la manière de la gérer qui va déterminer si la politique marocaine suivie est une bonne politique ou seulement un bon discours. Le Maroc est l’un des rares pays qui accordent aux étudiants africains des bourses et des places à l’université. Alors comment le Maroc doit tirer profit de cette situation dans le domaine de la migration parce que la migration n’est pas une politique sectorielle mais plutôt un politique transversale. Jusqu’à aujourd’hui, on n’a pas encore fait d’enquête sur les ressources humaines africaines formées au Maroc. Où sont-ils. Parce que normalement ce sont eux qui devraient être les premiers interlocuteurs des investisseurs marocains qui vont vers l’Afrique. Mais, malheureusement, ce sont les autres qui sont en train de les gagner à leurs causes.

Est-on pour autant face à une politique transversale ? C’est là où peut résider le problème, avec guéguerres entre diverses administrations, de l’Intérieur aux Affaires étrangères en passant par les départements en charge des affaires de la migration VOUS VOULEZ DIRE CELUI CHARGE DES MRE ET DES AFFAIRES DE LA MIGRATION ? A.E : Oui, c’est pour ça que j’ai dit la migration marocaine. On a aussi des institutions dont les Marocains, particuliers ou chercheurs, ignorent les spécificités, à savoir la spécificité du CCME, la spécificité de la fondation Hassan II pour les MRE… Tout ce monde là ne joue pas le jeu, ne coopère pas, n’a pas de vision ou de projet sur lequel il travaille. Qui contrôle qui ? Comment ? Etc. Donc tous ces problèmes là, il faut les mettre sur la table. Parce qu’il y a des intervenants hétéroclites, qui ont des statuts, des attributions et des missions qui se chevauchent… COMME QUOI ? A.E : Prenons l’exemple de la traite. En ce qui concerne la question de la traite, il y a le volet crime qui répond au ministère de l’Intérieur, il y a aussi la migration qui répond au ministère chargé de la migration et le coté social qui dépend du ministère de la solidarité, de la femme, de la famille

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POINTS CHAUDS changement du statut du CCME. Malheureusement, le groupe de la réforme a fait passer certains de nos vœux et s’est abstenu de le faire pour d’autres. Cela ne veut pas dire qu’on a croisé les bras mais je ne peux juger l’institution que sur les prérogatives que lui réserve la loi. Le CCME est une institution consultative qu’on ne peut juger que sur ses missions et rôles déterminés par la loi.

et du développement social. Vous voyez que ce petit phénomène qui se développe au sein de la migration concerne trois départements. La question qui se pose est comment chacun des intervenants va-t-il gérer la chose ? Sans parler de l’intervention de la société civile et d’autres instances internationales comme les agences des Nations Unies et autres... Le grand problème de la migration est aussi celui de la gouvernance. Car comment mettre en place une gouvernance où tout un chacun, comme dans un orchestre, doit jouer la note qu’il faut au moment où il le faut ? QUE PENSEZ-VOUS DU CCME ? A.E : Il faut savoir le CCME n’est, d’après son statut, pas responsable ni des migrants ni de la migration. Il est tenu d’émettre des avis soit au Souverain, soit à l’Etat ou autre. Il ne gère pas… MEME CES AVIS IL NE LES A PAS ENCORE REMIS? A.E : J’essaye de lire comme il le faut les lois. Celui qui décide est ce qu’il est en retard ou non est celui qui a demandé l’avis. Alors si SM a demandé un avis … Prenons l’exemple du Conseil économique, social et environnemental (CESE) ... je vous ai dit que c’est une instance consultative elle donne son avis à la personne qui la demande, il n’a pas de contact avec la société civile ou avec la société. Le jour où le CESE a donné son avis sur le modèle de développement dans les provinces du Sud, il l’a donné d’abord au Roi avant qu’il ne décide sa divulgation… Donc, il faut suivre et respecter la loi. Si cette dernière n’arrange pas une partie, celle-là a le droit de sortir pour imposer son changement. En tant que Coordinateur national du « Réseau marocain transnational migration et développement (RMTMD) » et en compagnie de mon ami Abdou Menebhi, Coordinateur du Réseau à l’étranger, on a déposé auprès de la Commission consultative de révision de la Constitution des motions où nous demandons le 22

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QU’EN PENSEZ-VOUS DE LA PROBLEMATIQUE DE LA PARTICIPATION DES MAROCAINS DU MONDE A LA VIE POLITIQUE ? A.E : La plus haute autorité du pays a déjà parlé de leur participation. Il faut rappeler, également, que le Maroc a déjà eu une expérience dans les anciens parlements qui n’a, malheureusement, pas abouti à ce qui était voulu. Suite au discours royal, il y a eu de problèmes au sein du CCME qui, d’après les uns et les autres, bloquent. Certains mettent les bâtons dans les roues et ne veulent pas de cette participation malgré qu’elle soit inscrite dans la Constitution. D’autre part, les migrants veulent, certes, participer mais à partir de chez eux. C’est-à-dire que ceux qui habitent en France veulent voter en France. EST-CE QUE ÇA VA ETRE COMME LES CIRCONSCRIPTIONS DES FRANÇAIS DE L’ETRANGER OU DES EGYPTIENS DE L’ETRANGER ? A.E : Le débat n’est jamais allé aux détails de l’opération. Sans entrer dans le détail, ils ont parlé de découpage des zones de résidence en des circonscriptions électorales. Il y a eu un mouvement qui s’est créé, et dont j’étais membre, c’est le DABA 2012, qui était une campagne des marocains du monde pour une citoyenneté effective. Malheureusement, c’était un mouvement quantitatif et pas qualitatif, il y a eu des guéguerres dans le tissu de la migration marocaine. Vous savez ce qui ce passe entre les amicales et autres représentant la communauté. Cette guerre a été dépassée et on est allé vers la constitution d’un groupe pour imposer cette demande. Depuis, tout s’est disloqué et on s’est retrouvé partie minime et donc le dossier a été clos. Aujourd’hui on continue en tant que RMTMD. On a continué avec ceux qui sont membres de ce réseau à défendre la question. Dans le cadre des préparatifs du Forum social mondial qui a eu lieu à Tunis, on a demandé à faire participer les Marocains du monde à partir de leur lieu de résidence. Malheureusement, dans l’écriture de cette lettre qui devait être envoyé au ministère de l’intérieur notre avis n’a pas été pris en compte. Les Marocains du monde participent mais à partir de leur lieux d’habitat au Maroc et non pas à partir de leur lieux de résidence. L’Etat marocain et le gouvernement avancent des problèmes de la logistique… Bref, l’arbre qui cache la forêt.


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POINTS CHAUDS L’IMMIGRATION D’ICI ET D’AILLEURS

LE MAROC PEUT MIEUX FAIRE Par : A. Ben Zeroual

La gestion des flux migratoires n’est pas une sinécure. Mais le pays dont l’accueil est ancestral doit faire preuve de plus d’humanisme dans le traitement d’un phénomène qui fait désormais notre quotidienneté. Tel est le sacerdoce de Laila Naji qui mène un « combat humanitaire ».

L

aila Naji vient de présenter, à Rabat, une étude consacrée à « La nouvelle politique migratoire au Maroc ». Cette consultante sénior, experte en questions d’immigration, pose les questions qui dérangent. Coordinatrice de plusieurs programmes, dont l’INDH, l’experte qui travaille en freelance s’est intéressée à « la chose migratoire » au début des années 2.000. C’est « la gente féminine » qui lui a permis de se pencher sur les drames sociaux induits par un phénomène appelé à prendre de l’ampleur. En Europe, la femme arabe dont on tait les traits caractéristiques dans l’appréhension du phénomène migratoire allait constituer son dada. Etudiantes, femmes de ménages, prostituées… devaient constituer « le matériau » sur lequel allait travailler L. Naji. Les questions du regroupement familial, les coupures d’avec les traditions « protectrices », sont autant de traits saillants sur lesquels l’intérêt de la chercheuse allait être focalisé. « On est face à un autre visage de

GÉRER AUTREMENT L’IMMIGRATION C’EST POSSIBLE. SANS CLICHÉS

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l’immigration économique ». Mais c’est le drame de Melillia, de 2005, qui allait forcer l’experte à changer de focale pour se consacrer au phénomène migratoire subi par le Maroc. Un travail qui devait lui faire découvrir le degré d’impréparation dont le Maroc a fait preuve en terme de gestion des flux humains. La collaboration avec le Croissant rouge marocain et le HCR allaient guider ses pas sur un phénomène qui allait prendre de l’ampleur. « Un phénomène que l’on ne voit pas grandir sous nos yeux », assure-t-elle. D’où l’organisation d’une conférence régionale à Oujda, suivi de beaucoup d’autres, notamment à Rabat, pour démystifier un phénomène nouveau qui interpelle le Royaume et ses institutions. L. Naji devait répondre à un appel à candidature lancé par l’Union européenne dans le cadre d’un projet de promotion des valeurs internationales contre la xénophobie. Il fallait donc passer au crible la perception qu’ont les Marocains vis-à-vis des immigrés. Membre de la Fondation Orient-Occident, son crédo est l’accueil humain des immigrés. Pour ce faire, il n’y a pas de miracles: « il faut renforcer les capacités et ressources du pays, assurer la formation aux autorités qui vont au contact des immigrés et assurer la sensibilisation


de masse autour du phénomène migratoire. » Car les immigrés ne sont pas à traiter comme de la marchandise en vrac. Ils ont besoin de centres d’accueil, de crèche pour enfants et, surtout, d’une écoute attentive. L’experte ne se contente pas de théoriser sur le phénomène. Elle met la main à la pate en se débrouillant pour que des contrats soient signés avec des immigrés dont le talent musicien n’est pas à négliger. Et tente d’arracher des cartes de séjour pour les plus chanceux. Pour L. Naji, l’immigration ne doit plus représenter aux yeux des Marocain un simple phénomène plus qu’il ne s’agirait de se pencher sur un quotidien que le pays est appelé à gérer après le durcissement de la polit de voisinage définie par Bruxelles et la crise ouverte avec l’Algérie autour du « lâchage des immigrés ». On est face à une manipulation politico-diplomatique, s’indigne l’experte qui constate que « l’Europe se contente de régulariser selon ses besoins propres ». Laissant aux autres le soin de gérer un phénomène transnational. Une approche sélective dénoncée par L. Naji qui rappelle que l’Allemagne, par exemple, voudrait capter 300.000 immigrés de plus. A condition qu’ils soient ingénieurs ! Ni les crises économiques et politiques, ni les changements climatiques ne favorisent le tarissement des flux migratoires. C’est ce que l’on perçoit, depuis quelques mois, au Sud de l’Italie et en Grèce, là où échouent des embarcations, à razbord chargées de candidats à l’immigration. Au Maroc, désormais pays d’accueil, la montée de la haine, nourrie par des médias, et la xénophobie rampante, a cédé la place à un apaisement. Depuis qu’une nouvelle approche a été adoptée par les pouvoirs publics, y compris en terme de régularisation de la situation des immigrés. Mais le flot est incessant et l’on estime leur nombre à 40.000 au moins, si on prend en considération les réfugiés en provenance de Syrie et d’Irak. S’il y a eu 27.000 demandes de régularisation, seuls 18.000 dossiers ont abouti… « On est loin du compte» assure L. Naji. Surtout si on y ajoute les ressortissants européens, français et espagnols, qui ont choisi de s’établir dans le Royaume. Pour l’experte, aucune politique «sélective» ne doit prévaloir dans la gestion des flux humains. Les droits humains étant indivisibles. Le Maroc qui est lié par des conventions internationales doit assurer aux immigrés un traitement dans les règles, leurs biens et papier ne doivent pas leur être confisqués, leur accueil doit se faire en présence d’interprètes, et il doivent bénéficier de délais pour quitter territoire et ne pas subir les affres de la détention. Des centres d’accueil, assurant gite, soins et éducation doivent être

promus dans ce sens-là. « Enormes restent les défaillances de l’actuel gouvernement face à ce phénomène», rappelle l’experte. Politiques et syndicalistes restent sourds face à un phénomène qui appelle à un traitement des plus démocratiques. Pour le Maroc, pays d’accueil par excellence, le traitement des immigrés gagnerait à être plus humain. « Ce n’est pas trop demander », rappelle L. Naji pour un pays qui fait sienne l’ouverture sur l’Afrique.

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POINTS CHAUDS POLITIQUE MIGRATOIRE

UN TRAVAIL DE LONGUE HALEINE Par : Abderrahman El Maleh

L’amorce une nouvelle politique migratoire, jugée révolutionnaire, a démarré en septembre 2013. Mais sa mise en œuvre suscite bien des interrogations. Le point sur l’évolution de la question migratoire a été fait lors de la présentation de l’étude de Laila Naji.

B

ien qu’ayant ratifié plusieurs conventions, le Maroc n’avait pas de vision claire dans la gestion de la migration, notamment parce que les immigrées considéraient le pays plus comme étape de transit vers l’Europe que comme objectif final. Puisque les immigrés ne représentaient que 0,24% de la population, le Royaume n’avait pas estimé nécessaire d’établir des règles pour leur reconnaissance et leur intégration. Le durcissement des contrôles frontaliers par l’Union Européenne a changé le statut du Maroc ; d’un pays de transit, il est devenu un pays de destination. La Loi 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Maroc, à l’émigration et l’immigration irrégulières, seule loi en vigueur, apporte des éléments relatifs à la lutte contre les mafias du trafic de la migration irrégulière et de la traite des êtres humains. Elle interdit également l’expulsion de la femme étrangère enceinte et l’étranger mineur. Il

LA SOCIÉTÉ CIVILE DOIT S’IMPLIQUER

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reste que la Loi 02-03 est fortement critiquée, notamment par le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Pour sa dimension sécuritaire et sa non conformité avec la convention de Genève en terme de mobilisation des moyens de protection des migrants et de leur famille. Ses aspects hautement sécuritaires s’expliquent, essentiellement, par la conjoncture (la gestion post attentats terroristes de 2003) au moment de son élaboration. L’une des dispositions de la Loi n°02-03 stipule que toute personne quittant le territoire marocain de façon clandestine est passible d’une peine d’amende ou d’emprisonnement. Malgré plusieurs efforts diligentés par les associations marocaines qui n’ont cessé d’attirer l’attention sur les manquements aux droits de l’Homme dans la gestion du dossier, le calvaire enduré par les immigrés a persisté. Les événements tragiques de 2005 ont été l’un des points révélateurs de la situation des immigrés et des conséquences des programmes MEDA. La migration ne se limite pas au seul parcours allant d’un pays d’origine vers un lieu de destination, les migrants, notamment les subsahariens, sont forcés d’emprunter des itiné-


raires dangereux, où leur vulnérabilité est accrue. Les femmes faisant de plus en plus partie des migrants témoignent d’agressions sexuelles, de viols… Même les enfants subissent ce triste sort, au même type que les handicapés.

AUX GRANDS MAUX…

Le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) dans son rapport de juillet 2013 conjointement publié avec la Délégation Interministérielle aux Droits de l’Homme (DIDH) et le bureau de Rabat de l’OIM, a relevé un grand nombre de points sombres, voire dramatiques : il a pointé du doigt les contrôles effectués sur cette tranche de la population vivant sur le sol marocain, souvent opérés en l’absence de tout respect des droits humains. Une stratégie migratoire, selon les catégories des migrants et demandeurs d’asile, a été suggérée en l’adossant à un système organisationnel et structurel. Pour cela, le Conseil a interpellé tous les acteurs (société civile, parlement, médias, etc..) et les parties prenantes, pour humaniser la gestion de la migration et apporter des solutions adéquates. Sensible à ce rapport, le Roi Mohammed VI a, dans sa lettre royale de septembre 2013, attiré l’attention sur l’impératif traitement humanitaire des personnes migrantes sur le sol marocain, et il a incité les ministères directement impliqués à agir rapidement. Et ainsi fut le cas, le Maroc s’est doté d’une politique migratoire. Une politique jugée futuriste, elle prend son essence des recommandations du rapport du (CNDH) qui met en exergue quatre axes fondamentaux, «la situation des réfugiés et des demandeurs d’asile», «les étrangers en situation administrative irrégulière»,» les étrangers en situation régulière» et «la lutte contre la traite des personnes». Et depuis il a été procédé à l’ouverture, à Rabat, du bureau des réfugiés et des apatrides relevant du ministère des Affaires étrangères et de la coopération et au lancement de l’opération exceptionnelle de régularisation des étrangers au Maroc. Ce bureau s’attelait, en coordination avec la représentation du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) à Rabat, à l’examen des demandes d’asile selon une démarche qui donne la priorité aux cas humains. Dans le même élan, une opération exceptionnelle de régularisation des personnes migrantes sans papiers a été lancée en 2014. Bilan : en février 2015, le président du CNDH a

annoncé qu’au 31 décembre 2014, 27.130 demandes avaient été déposées auprès des bureaux des étrangers et « 16.180 ont d’ores et déjà obtenu un avis favorable ». Parmi les bénéficiaires d’un avis favorable figuraient 9.202 femmes et 6.232 hommes. Le ministre délégué à l’Intérieur a quant à lui annoncé aux médias, le 9 février 2015, des chiffres légèrement en hausse : 17.916 demandes acceptées sur un total de 27.332 demandes. Cependant ce taux reste faible. Car l’interprétation des critères d’accès à la régularisation reste par trop rigide.

LES BONS REMÈDES

Outre la régularisation, des textes de loi et un plan d’action d’intégration des immigrés sont en cours. Leur évaluation est cependant précoce. Mais d’ores et déjà en décembre 2014, Anis Birrou, ministre en charge des Marocains résidents à l’étranger et des affaires migratoires, avait présenté la stratégie nationale de l’immigration et de l’asile devant le conseil de gouvernement. Cette stratégie prévoit des mesures qui ciblent les immigrés régularisés dans le cadre de la campagne en cours. Elle énonce, par exemple, des actions et activités en lien avec la mise en œuvre de programmes d’accompagnement des immigrés régularisés dans la validation des acquis professionnels et le développement de leurs compétences. La stratégie prévoit également des actions en direction des personnes migrantes qui ne sont pas régularisées et/ou qui n’ont pas déposé de demandes au 31 décembre 2014. Dans une large mesure, cette feuille de route incite à canaliser les énergies

en direction de la réussite de la stratégie d’intégration des personnes migrantes et des membres de leurs familles et à rompre avec l’approche sécuritaire. Les institutions, tant nationales qu’internationales, sont toutes très optimistes et déclarent que la NPM est un pas très important franchi en matière de respect des Droits humains. Le pays se conforme donc aux conventions internationales ratifiées et la NPM ne s’arrêtera pas à cette étape de régularisation mais ira encore plus profondément dans des actions humanitaires. Cependant les actions sous la NPM sont à leurs débuts, et des progrès sont attendus en terme d’efficacité. Certes, l’élaboration des textes de loi est le gage juridique qui forme le cadre pour contrer l’arbitraire, mais la mise en exécution de ces textes reste tributaire du renforcement des capacités des gestionnaires de l’immigration à tous les niveaux. D’où l’importance de l’implication de la société civile qui, de son côté, bien qu’elle soit invitée par les institutions responsables de la NPM, se complait toujours dans son rôle d’écoute et non d’implication réelle dans la prise en charge de cette politique. Concrétiser la vision noble de cette NPM c’est inciter la société civile à faire preuve d’avantage de solidarité et constituer une force pour le changement des comportements et la lutte contre les visions xénophobe et sécuritaire. Car la société civile dispose d’un atout de taille: pouvoir intervenir auprès du gouvernement et aussi auprès des organisations internationales et des Etats, notamment nos voisins et l’UE, pour les inciter à humaniser l’immigration.

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POINTS CHAUDS ENJEUX MAROCAINS DES SCRUTINS ESPAGNOLS

LE PP SAUVE LES MEUBLES À SEBTA ET MELILLIA Si la scène politique espagnole a connu un réel séisme, avec la montée en puissance de nouveaux acteurs qui contestent le traditionnel jeu de l’alternance entre le PP et le PSOE, le poids de l’électorat marocain est resté insignifiant, y compris à Sebta et Melillia. Pourtant, la nouvelle formation Podemos développe un discours de réconciliation historique avec le Maroc en lui rétrocédant les présides et autres îlots toujours occupés par l’Espagne. Réalisme ou angélisme ? Le point sur un scrutin purement espagnol aux implications bien marocaines… PERSPECTIVES MED : A QUELS NOUVEAUX DÉFIS LE MAROC SE VOIT CONFRONTÉ AVEC LA NOUVELLE ARCHITECTURE PARTISANE QUI A PRIS CORPS EN ESPAGNE AVEC LA FIN DU BIPARTISME ET LA PERCÉE DES MOUVEMENTS «PODEMOS» ET «CIUDADANOS»? Abderrahmane Mekkaoui : Les élections en Espagne ont représenté un véritable séisme politique au niveau tant des municipales que des provinces autonomes. Mais l’onde de choc de ce séisme politique n’a pas atteint les deux villes de Sebta et Melillia occupées outre les Iles Zafarine. Car le Parti populaire (PP) a obtenu une majorité absolue ! Plusieurs raisons peuvent expliquer un tel «conservatisme ». Les élections municipales à Sebta et Melillia ont permis au président de la municipalité d’accéder au poste de Président du gouvernement autonome. Cela renforce l’idée selon laquelle les électeurs de ces enclaves se situent à l’extrême droite du PP. Cette majorité absolue, particulièrement à Sebta, est la seule qui a marqué ces derniers scrutins en comparaison avec toutes les autres villes d’Espagne et ce depuis 20 ans de gouvernance continue. Au niveau de Melillia, le PSOE, rival historique du PP, n’a pas obtenu la majorité absolue mais gouvernera quand même grâce au soutien d’un autre parti libéral qui a percé, « Ciuadadanos ». On peut dire, dès lors, que malgré son échec au niveau de toute l’Espagne, le PP a pu conserver son influence intacte 28

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dans les enclaves occupées et ce pour une deuxième législature. On souligne que les Marocains de Melillia ont voté pour la coalition melilloise qui a obtenu 7 sièges, contrairement à ceux de Sebta qui ont boycotté les urnes, portant le taux d’abstention à 50%. Ce qui veut dire que ces électeurs n’ont pas trouvé de formation politique a même de prendre en charge leurs problèmes. On peut dire aussi que Rabat a contribué de manière indirecte à l’exploit du PP. Mariano Rajoy est crédité d’avoir convaincu le Maroc de surseoir provisoirement à ses revendications territoriales. Mais contrairement aux supputations des observateurs espagnols, rien n’a été confirmé du côté de Rabat. L’autre raison qui a aidé le PP à gagner le pari dans les deux colonies est imputable à l’application par le Maroc de l’accord de l’acceptation des immigrés refoulés d’Espagne signé entre les deux parties en 1992. Auparavant, le Maroc refusait d’une manière catégorique que cet accord puisse inclure les immigrés installés dans les deux villes à cause du litige de souveraineté. C’est ce qui confirme que le Maroc a commencé à appliquer sur le terrain ledit accord. La dimension économique n’est pas, non plus, à minorer. Le PP a bénéficié de la revivification du « trabendo », avec un rythme d’exportations vers le Maroc qui a dépassé les flux de 2008. Pour conclure, on souligne que le discours politique à Sebta et Melillia tourne autour de l’immigration clandestine, la souveraineté, la contrebande. Pour ce qui est du jeune parti Podemos, il a focalisé sa campagne dans les deux villes sur la question de la restitution des deux colonies au Maroc, comme il a

LES MAROCAINS PEU SÉDUITS PAR LE JEU POLITIQUE ESPAGNOL


Propos recueillis par A. Ben Driss

aussi exprimé sa grande compréhension du dossier de l’immigration tel qu’appréhendé par Rabat. A cause de ces deux positions, cette nouvelle coalition de gauche a été électoralement punie. Pourtant, ce parti qui se présentait sous diverses appellations a obtenu plusieurs élus dans les territoires autonomes et des municipalités dans l’ensemble de l’Espagne, exception faite de Sebta et Melillia. D’ailleurs, force est de rappeler que ces deux villes garnison conservent toujours les symboles du Général Franco dans les espaces publics et autres boulevards au moment où toutes les autres villes espagnoles ont effacé ces symboles. Avec le vote-sanction essuyé par le PP et la fin de la dualité partisane (PP-PSOE), tout laisse présager la percée d’un nouvel échafaudage politique en Espagne. Car si le PP a gagné dans l’ensemble, il a perdu 2,5 millions de voix, comme il a perdu nombre de mairies dans toutes les grandes villes qu’il gérait naguère, exception faite de Malaga. La perte de son fief historique, Valencia, et de la capitale politique, Madrid, sont autant de repères significatifs. Dans le même sillage, tous les gouvernements d’autonomie ont été perdus par le PP, sauf à Valence, Malaga, Sebta et Melillia. La force de Podemos, soutenue de coalitions politiques civiles et de gauche, a permis à cette nouvelle formation de réaliser un score important à Barcelone, désormais conduite par la jeune Ada Colau qui a monté une association de défense des propriétaires de logements victimes de la crise financière. La prise de Madrid est aussi un symbole de changement réel en Espagne. Les conclusions à tirer de ces élections pour le Maroc sont multiples, surtout après l’émergence de cette troisième force politique qui pourrait devenir la deuxième, voire la première lors des prochaines élections générales. Cette coalition de gauche devrait renverser la donne quasiment stable dans les relations entre les deux pays voisins. En conclusion, ces épreuves électorales se sont déroulées six mois avant les élections législatives dans lesquelles Podemos entrera dans l’arène avec son nom propre et son logo, mettant l’Espagne sur un virage de radicalisation plus grand et plus fort que durant la folle journée du 24 mai passé.

DOIT-ON CRAINDRE UN CHAN-

GEMENT D’APPROCHE DANS LA PERCEPTION DE «LA QUESTION MAROCAINE» CHEZ NOS VOISINS IBÉRIQUES AVEC LA MONTÉE EN PUISSANCE D’UN MOUVEMENT RADICAL, COMME CELUI QUE REPRÉSENTE «PODEMOS»? S’il y a une première conclusion à tirer, c’est bien celle qui consiste à dire que ces épreuves ont confirmé le processus de marginalisation politique de la communauté marocaine en Espagne, en comparaison avec les autres pays européens. Les Espagnols d’origine marocaine ne se sont pas déplacés en grand nombre aux bureaux de vote. Voilà une véritable surprise, voire un cataclysme ressenti par tous les partis, et ce malgré l’émergence de nouvelles formations et l’ouverture de formations nationalistes, en Catalogne et dans le pays Basque, sur des activistes d’origine marocaine. On est loin de la reproduction de quelques saillies historiques qui ont permis à des Marocains d’assumer des fonctions régaliennes et de prestige dans des pays voisins de l’Espagne, et même ailleurs. Dans les villes qui accueillent une forte colonie marocaine comme Madrid, Valencia, Grenade, Barcelone, la participation était très faible. A titre d’exemple, dans deux centres de vote de Grenade, dans un quartier connu pour être celui des Marocains, sur 200 électeurs, seuls 4 ont voté. Même Podemos qui défend la cause des immigrés n’a pas réussi à mobiliser les Marocains. Dans toutes les listes électorales, point de candidatures marocaines. Pourtant, 750.000 marocains résident légalement en Espagne, dont 90.000 naturalisés espagnols… Des chiffres assez significatifs puisque ce gisement représente quand même 2% de la population espagnole en âge de voter. Aucune représentativité politique dans les municipalités et au Parlement au moment même où plusieurs Marocains en France, en Hollande, en Belgique ont atteint la magistrature suprême et/ou le poste de ministre. Même en Italie, la présence marocaine a atteint des proportions importantes sur l’échiquier politique. Ce déphasage s’explique, à mon avis, par le refus des partis politiques espagnols traditionnels de signer un accord avec Rabat permettant aux citoyens résidants dans les deux pays de participer aux élections municipales. Bien sûr que l’on permet aux Marocains de faire des queues interminables pour s’inscrire PERSPECTIVES MED

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POINTS CHAUDS

PABLO IGLESIAS, À LA TÊTE DE PODEMOS, SAVOURE UNE VICTOIRE SUR LES FORCES POLITIQUES TRADITIONNELLES. LE VÉRITABLE ENJEU RESTE INHÉRENT AUX PROCHAINES LÉGISLATIVES. 30

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dans le chômage où pour la régularisation de leur statut. Mais ce qui est sûr, c’est que la politique de marginalisation volontaire, institutionnelle et officielle des ressortissants marocains rend insignifiant tout effort d’intégration ou d’assimilation. Pour le moment, le Maroc et l’Espagne se sont déclarés pays voisins alliés contre deux menaces déstabilisatrices : le terrorisme transfrontalier et l’immigration clandestine. Ce sont là les deux priorités des deux gouvernements actuels. C’est ce que laisse entendre la dernière réunion, à Madrid, de la commission mixte maroco-espagnole. Sur les divergences, on préfère les reléguer aux calendes grecques. Pourtant, il y a le passif colonial, la position de Madrid vis-à-vis du dossier saharien, le tracé des frontières maritimes entre le Maroc et les Canaries, cela sans parler des problèmes posés par l’agriculture. Les nouveaux partis, Podemos et « Ciudadanos ont une vision particulière qui s’inscrit en faux vis-àvis de l’approche traditionnelle et unanime de « la question marocaine ». La première des particularités, et elle est de taille, a trait au passif colonial que représente l’occupation espagnole de Sebta et Melillia. Madrid est ainsi invité à les restituer au Maroc. Podemos développe aussi une autre approche de la question de l’immigration clandestine qui prend en charge les doléances exprimées par Rabat, notamment en conditionnant le retour des immigrés à leurs pays d’origine à l’aide au développement avec, en prime, le respect du droit international humanitaire. Concernant le Sahara marocain, on regrette que les nouveaux mouvements espagnols qui ont des affinités avec les lobbies pro-algériens et pro-polisariens, développent une vision confuse et contradictoire.

SI LA DIPLOMATIE PARALLÈLE N’A JAMAIS ÉTÉ LE FORT DU MAROC EN ESPAGNE, COMME AILLEURS, COMMENT LES REPRÉSENTANTS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE DEVRAIENT COMPOSER AVEC LES NOUVEAUX ACTEURS DE LA SCÈNE POLITIQUE ESPAGNOLE?

Contrairement à la France et aux Pays du Benelux, la communauté marocaine en Espagne est la plus pauvre et la moins structurée. Malgré sa force numérique, elle reste marginalisée et très vulnérables au djihadisme, à l’islamisme radical et au crime organisé. Cette situation des plus complexes doit inciter les autorités marocaines et espagnoles à veiller sur l’immunisation d’un tel gisement humain pour mieux l’impliquer dans l’intérêt d’un bon voisinage. La société civile marocaine doit s’ingénier à trouver les meilleures passerelles pour garantir à la communauté marocaine établie en Espagne une autre intégration. L’affaire n’est pas entendue d’avance.


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MAGHREB L’ALGÉRIE DANS LE DOUTE

GUERRE DE SUCCESSION ? Par : A. Ben Zeroual

Tout concorde pour dire que la gestion de l’après-Bouteflika se se fait dans la confusion. Le chef de l’armée apporte son grain de sel dans une marmite qui bout avec un Ouyahia qui joue au « cuisinier en chef ».

A

hmed Ouyahia que les observateurs algériens considéraient comme « cuit » sort sa tête de la marmite pour jouer un autre rôle que celui qu’il occupait ces derniers temps en tant que chargé de mission à la Présidence. L’auteur d’un rapport sur la réforme de la Constitution dont l’hôte du Palais El Mouradia récuse la copie, reprend du service pour participer à la configuration de l’après-Bouteflika. Et il entend se placer au centre, comme le pivot d’une transition qui permettrait, enfin, à un « protégé de l’Etat profond », le fameux « système » décrié par nombre de politiques algériens de renom, de se faire justice. Et pour ce faire, il n’aura pas attendu longtemps pour recevoir le blanc seing de la puissante armée algérienne, Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major, pour propulser Amar Saadani, leader contesté du FLN, au sommet de l’Etat. Un blanc seing renforcé par une missive présidentielle qui a jeté le doute au sein de la classe politique. Ce qui attira l’ire de Mouloud Hamrouche, qui exigeait de lui d’être le chef de l’ANP et non pas le bouclier d’une partie au pouvoir. Et il n’est pas le seul à avoir fustigé un tel positionnement.

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Le flou artistique, dénoncé par plusieurs leaders politiques, se trouve donc renforcé par le positionnement de l’ALN au côté d’un Saadani qui pilote une formation politique en perte de vitesse. Mais derrière tout ce charivari, il faut croire qu’aucun consensus ne semble avoir été trouvé entre le triumvirat qui tient en haleine tout un pays en proie à des problèmes socio-économiques des plus aigues auxquels se greffent les risques d’instabilité qu’un terrorisme résiduel pourrait renforcer. Bouteflika (et son entourage), Gaïd Salah et «Toufik» Mediène, puissant patron des services secrets, qui se contente de compter les (mauvais) coups des uns et des autres. La bataille promet-elle de mettre aux prises un Saadani sur le retour qui a osé attaquer de front le DRS et sa politique de l’ombre, et Ouyahia qui, en 2008 déjà, fut présenté par l’ambassade US comme « le mieux placé pour succéder à Bouteflika», selon les révélations de WikiLeaks. D’autant que ce soldat a survécu aux purges de 2013 quand Bouteflika congédia Belkhadem du FLN et obtint la tête de Soltani du MSP. Sur tous « entremets » qui sentent le brûlé, Louisa Hanoune, leader charismatique du PT parle de


LA TUNISIE BOUILLONNE ENTRE DAECH ET LE PÉTROLE

CA SENT LE SOUFRE !

Alors que les forces tunisiennes continuent à payer un lourd tribut face aux djihadistes qui se réclament de Daech, la colère du peuple prend des dimensions alarmantes, comme en témoigne la campagne « Winou El Petrol ? » et les manifestations charriées aussi bien dans la capitale qu’ailleurs. Forçant le gouvernement piloté par Nidaa Tounes à réagir en force pour calmer les esprits… Echaudés par une situation socio-économique des plus difficile et un chômage endémique parmi les jeunes. Pour Rafik Chelli, secrétaire d’Etat à l’Intérieur, les incidents liés à ladite campagne ont des relents suspects et visent à « couvrir l’infiltration d’éléments de l’Etat islamique en provenance de Libye vers la

«viol des consciences des soldats et des officiers. » Surtout lorsque le jeu du chef d’état-major peut aussi être interprété comme une « saillie » de dernière chance dans la redistribution des cartes autour de la succession problématique. Une saillie qui pourrait aussi signifier qu’il reste l’interlocuteur central, voire la candidat potentiellement providentiel, en dehors de Bouteflika. La première responsable du Parti des travailleurs, généralement plus nuancée quand il est question de commenter les faits et gestes du cercle présidentiel, a préféré tirer dans le tas. A commencer par le président de la République, dont elle semble douter même qu’il soit l’auteur de la lettre de félicitations envoyé à Amar Saadani. «Le message attribué au président de la République lors du congrès du FLN est inédit, hideux, laid. Ce n’est pas digne de notre pays. Le président de tous les Algériens devient, tout d’un coup, celui d’un parti. Tout le contraire de ce qui est en cours ailleurs», déclare-t-elle. Pour elle, la situation que renvoie la double lettre de félicitations à Amar Saadani porte un nom : «La politique de terre brûlée.» Ce qui l’inquiète le plus est que la lettre de Gaïd Salah «n’est pas la continuité de celle du Président ; mais la preuve d’une concurrence féroce entre plusieurs cercles». Mme Hanoune affirme : «Il y a des recompositions guidées, par moments, par leurs seuls intérêts étroits, avec le mépris du peuple.» L’affaire est jugée très grave par l’ensemble du spectre politique algérien. Et tous les témoignages concordent à dire que l’Algérie vit un dernier quart d’heure des plus délétères où la confusion et l’improvisation risquent de couter cher. Serait-ce pour cela que le chef d’Etat français a jugé bon de faire un déplacement des plus courts en Algérie pour y rencontrer un Président qui, assure-t-il, jouirait de toutes ses capacités intellectuelles ? L’inquiétude de l’Elysée ne saurait être que renforcée par le classement US de l’Algérie parmi les pays candidats à la faillite.

Tunisie.» Mais l’affaire se complique davantage avec la réaction de l’ex-Président Marzouki qui, depuis Paris, s’est exprimé en faveur de cette campagne. Confiant par la même occasion qu’il aura été empêché trois ans durant « d’ouvrir ce dossier ». Pour le moment, ladite campagne est relayée par de petits partis dont le Congrès pour la république et ses satellites, voire les fondamentalistes de Hizb Ettahrir. Quant à Ennahda, échaudé à l’idée de voir le pays basculer dans le chaos, il a délégué son leader pour battre le pavé avec un seul mot d’ordre. « La Tunisie ne dispose d’autosuffisance en pétrole. » Rached Ghannouchi ne s’est pas privé de battre le pavé dans les provinces du Sud déjà en butte à la marginalisation. Pour appuyer les déclarations de Zakaria Hamad, ministre de l’Industrie, qui a assuré aux députés que « la Tunisie produit 54.000 barils de pétrole par jour », couvrant à peine 50% des besoins.

NOUVEAU CANAL DE SUEZ UN RECORD…

L’Autorité du canal de Suez entend présenter au monde « l’emblème de la nouvelle Egypte », avec l’inauguration du nouveau canal qui s’étend sur 72 Km le 6 août par le président égyptien Abdel Fattah El-Sissi. « Le nouveau canal de Suez est bien plus qu’une nouvelle voie de navigation et un joyau d’ingénierie. C’est un catalyseur pour le peuple égyptien, une nouvelle source de fierté et la promesse d’un avenir plus prospère », a expliqué l’amiral Mohab Mameesh, président et directeur général de l’ACS. Le projetqui s’étend sur 72 km « est à plus de 80% achevé, et ce pourcentage augmente toujours, avec plus de 210 millions de tonnes de sable creusés », assure-t-on. « Le nouveau canal constitue l’emblème d’une nouvelle Egypte, reflétant l’énergie, le génie et la détermination du peuple égyptien et forme un des projets les plus importants de l’Egypte des temps modernes. Il devra contribuer à l’essor de l’économie et de la société pour les décennies à venir », a affirmé l’amiral Mameesh. L’énorme projet de construction a commencé avec une souscription nationale pour lever les fonds nécessaires. En six jours, 8,5 milliards de dollars ont été levés. Le canal de Suez est depuis plus de 150 ans au cœur de l’économie égyptienne. Le projet de construire une nouvelle voie navigable de 72 km devra permettre d’avoir un trafic dans les deux sens et de doubler la capacité quotidienne de transport. Résultat, l’Autorité du canal devrait voir ses revenus annuels passer de 5,3 milliards de dollars en 2015 à 13,2 milliards en 2023. PERSPECTIVES MED

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MACHREK ESPACE ARABE

SANGLANT RAMADAN

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LES ONDES DE CHOC DU SÉISME QUI A FRAPPÉ L’ESPACE ARABOMUSULMAN N’EN FINISSENT PAS DE LE DÉSTABILISER. DU YÉMEN À LA LIBYE, ET BIEN AU-DELÀ, JAMAIS UN RAMADAN N’A ÉTÉ AUSSI SANGLANT. AUTANT DE DÉCHIRURES QUI FONT LA JOIE D’ISRAËL. ET DE SES PARTISANS.

DISLOQUÉ, LE MONDE ARABE PEINE À SORTIR DU CHAOS DANS LEQUEL IL SEMBLE ENGLUÉ. POUR DES DÉCENNIES ? 34

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Par : A. Ben Zeroual

amadan, mois sacré durant lequel les conflits sont jugulés, offre une autre image du monde arabo-musulman. Ainsi, le rouleau de bombes continue de secouer le Yémen, entrainant dans sa folie meurtrière des pans entiers de l’histoire des peuples arabes. Les forces coalisées autour de l’Arabie Saoudite ne désarment pas : à Genève, la dernière rencontre menée par le représentant spécial des Nations Unie a vite tourné en eau de boudin, tellement les positions des parties au dialogue étaient inconciliables. Pas loin de ce terrain miné qui risque de se transformer en bourbier, dans le Sinaï, les opérations de ratissage menées par les forces égyptiennes pour circonscrire le danger terroriste, ses frappes devenant de plus en plus meurtrières, n’en finissent pas. Et il est fort à craindre que la gestion de cette tension, alimentée sous d’autres « labels djihadistes » par la confrérie des « Frères Musulmans », ne s’inscrive, elle aussi, dans le temps. Mais c’est dans le célèbre « Croissant fertile » que la tension est à son summum, avec les percées « militaires » réalisées par le groupe terroriste de « l’Etat Islamique » qui vient de célébrer, dans le sang et la désolation, son anniversaire. En Irak, cette « armée » qui obéit au doigt et à l’œil d’Abou Bakr Al-Baghdadi, occupe désormais le tiers du pays. Auquel s’ajoute la moitié d’une Syrie en proie à des batailles engagées autour des quatre points cardinaux. Sur ce terrain là aussi, Daech le dispute à Jabhat Al Nosra, appendice régional d’Al-Qaida que intérêts régionaux tentent de ramener en odeur de sainteté auprès des capitales occidentales sous les oripeaux de la modération. Mais les drames qui affectent l’espace arabe dépassent le seul cadre du Machrek. En effet, en Libye, pays en déliquescence avancée, « l’Etat Islamique » s’est aussi greffé à la mosaïque djihadiste et commence à faire parler de lui. Menaçant la Tunisie dans sa quête de stabilité postrévolutionnaire au point de forcer Tunis à fermer ses représentations diplomatiques après le rapt d’une brochette de ses diplomates. Et incitant l’Algérie à masser ses troupes le long d’une frontière commune pour conjurer le sort djihadiste. Le précédent In Amenas échaude le pouvoir algérien qui craint que le feu de la déstabilisation ne finisse par l’atteindre. Même le Maroc n’est pas épargné par le


péril « takfiriste », comme le démontre le nombre de cellules terroristes démantelées. Il va sans dire que le tableau est loin d’être idyllique dans l’’espace arabo-musulman. Celui-là même qui, depuis Djeddah, a décidé de monter une coalition sunnite susceptible de conjurer un péril chiite en voie de consolidation. D’où la coalition mise sur pied pour endiguer la percée des Houtis dans un Yémen déjà explosif. Et pour conjurer les prétentions de puissance régionale que Téhéran est soupçonnée de réaliser aussi bien en Irak qu’en Syrie. La lutte à mort engagée dans le Machrek excipe déjà de lendemains des plus chaotiques. Surtout si les négociations engagées avec l’Iran sur sa technologie nucléaire aboutissent. Voilà pourquoi le lexique des géopoliticiens s’est enrichi d’une nouvelle formule qui sied bien aux divers foyers de tension dans la région : des guerres par procuration. Les belligérants étant réduits, au terme de cette démonstration, à de simples exécutants de donneurs d’ordre que sont le Royaume Wahhabite et l’Iran Des Mollahs, tous deux engagés dans un bras de fer des plus meurtriers. Mais c’est oublier que dans cet « Orient, très compliqué », comme le résume la célèbre maxime de De-Gaulle, d’autres enjeux, non moins importants, entrent en lice pour éclairer d’autres zones d’ombre. Israël, l’ennemi juré des peuples arabes, doit se frotter les mains à l’idée de voir la carte du monde arabe changer sous ses yeux. Ce qui détourne l’attention de l’opinion sur ses crimes de guerre qui continuent en terre palestinienne dans un concert d’assassinats, d’emprisonnement des palestiniens et de colonisation. L’allié attitré de l’Amérique dans la région est même allé jusqu’à troquer son immobilisme régional contre une subvention en armes de 9 milliards de dollars comportant aussi bien des missiles « high-tech» que des chasseurs de nouvelle génération, les fameux F-35 en l’occurrence. Et si Israël accepte par devers elle les négociations des « 5 plus 1» sur le nucléaire iranien, rien ne l’empêche de fournir asile et couverture de feu aux combattants d’Al-Nosra qui s’agitent dans le Golan syrien. Histoire de minorer les victoires remportées par la coalition de la résistance dans le Qalamoun, à la frontière libanaise, engageant l’armée arabe syrienne au côté des combattants du Hezbollah. Mais Israël n’est pas le seul acteur régional à se frotter les mains à l’idée de voir ses pires ennemis englués dans une guerre religieuse. Même ce qui se passe dans le Sinaï la réconforte puisqu’aucun obus n’a jamais été tiré sur Israël. L’autre larron qui s’invite dans la crise n’est autre que la Turquie que dirige un Erdogan qui se rêve en Sultan tout en nourrissant les espoirs des néo-ottomans. Les responsables de l’Etat irakien n’ont pas hésité, au même titre que leurs homologues syriens, à dénoncer l’ingérence d’Ankara dans leurs affaires. Notamment en accueillant les candidats au

djihad et en leur ouvrant ses postes-frontière pour transiter vers les territoires sous domination de Daech avec armes et bagages. Dans cette guerre d’intérêts, la Jordanie assume aussi une part de responsabilité en étant accusée par Damas de jeter de l’huile sur le feu syrien. En intégrant la spirale de dé-tricotage des Etats de la région dans laquelle serait happée et l’Arabie Saoudite et le Qatar. Si Washington semble « laisser-faire», fidèle en cela à la nouvelle politique promue par B. Obama sous le vocable « d’empreinte légère», tout le contraire d’une présence massive et lourde, comme du temps de la précédente administration Bush, il n’en reste pas moins que cette attitude là semble bel et bien cadrer avec ses intérêts propres. Ceux qui guident les USA à faire tomber l’étiquette du « Grand Satan » dont fut affublé l’Iran… Et tout accord intervenant dans le dossier nucléaire iranien ne fera que rejaillir sur la région. Avec notamment une implication plus grande dans la gestion des déchirures régionales qui l’impactent directement. Alors, vers quoi s’achemine l’espace arabo-musulman englué dans des tensions tribales et confessionnelles des plus sanglantes ? Certainement pas vers un quelconque statu quo ante. Les quantités d’armes qui y circulent et les torrents de sang versé rendent difficile tout processus de cicatrisation. Surtout lorsque, comme le dit si bien Saeb Erekat, chef des négociateurs palestiniens, on a en face la barbarie de Daech. « Y a-t-il un leader arabe capable de rivaliser avec Abou Bakr Al-Baghdadi qui recrute à bras ouverts une jeunesse arabe prompte à s’accrocher au rêve du martyr et des houris ?» Une question qui dérange, certes, mais qui ne pardonne à quiconque qui se laisse distancer sur la voie de la démocratie, seul et unique rempart contre la mort et l’idéologie de la haine.

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CHRONIQUE VÉCU ICI

AU SECOURS MARIANNE, ILS SONT DEVENUS FOUS !

O

n a pour habitude de dire qu’on a les gouvernants qu’on mérite. Dès lors si tout pays est à l’image de ses dirigeants alors la France n’est plus la France, elle est pour ainsi dire devenue méconnaissable. Le parti socialiste au pouvoir depuis 2012 est en quête d’identité. Tout en louchant sur son nombril à la recherche d’un nouvel positionnement dans l’échiquier politique, il n’a plus de vision. Brouillonne sa communication est affligeante de médiocrité si bien que même les bonnes nouvelles passent incognito dans le brouhaha médiaticopolitique. Sa vision est tatillonne, et sa visibilité illisible comme si, ses stratèges rue Solferino semblent atteints de cécité. Avec comme point de mire les élections de 2017, sourd aux attentes des millions d’électeurs qui l’ont porté aux manettes du pays, l’Exécutif continue sa politique «réformatrice » et porte peu d’égards à son aile gauche scandalisée par des prises de position au mieux social-démocrates au pire de droite. Le Président et son Premier ministre implorent les cieux pour que l’hypothétique reprise engendre enfin des emplois inversant la courbe du chômage et par conséquent celle de leur popularité… Tout un programme. En face, le « nouveau » parti dit les « Républicains » avec un casting de rêve retombe dans ses travers. En quête des électeurs frontistes qui n’en veulent pas, il récidive avec pour première préoccupation : l’Islam en France. C’est comme si les Français n’ont que le péril vert ou noir c’est selon, en tête. Les deux Présidents de la République et des Républicains rivalisent de figures de style. Si le premier veut labourer la France abord de son …Falcon, le second, haut comme trois pommes, veut reconquérir la France, un pays de plus d’un demi million de km2, centimètre par centimètre. A ce rythme, les deux ont vraiment du pain sur la planche et les Français peuvent attendre longtemps les fruits de cette campagne stratosphérique et d’une reconquête

NI LA COURBE DU CHÔMAGE N’A CHANGÉ NI CELLE DE L’IMPOPULARITÉ DES POLITIQUES

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Par : Mustapha El Maleh

futuriste. Et pendant ce temps là, quid des vrais problèmes. Prenons le réchauffement climatique, la Terre brûle, mais dans son discours d’investiture Mr Sarkozy n’a pas eu un seul mot pour l’écologie !! Quant aux ténors du parti socialiste, ils se sont englués dans l’application de leurs propres lois devenues de véritables usines à gaz à l’image de la circulation alternée les jours de pic de pollution. Autre exemple de la carence politique en hexagone. Au large de la Méditerranée des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfant ne semblent guère émouvoir personne. Entre les déclarations de bonnes intentions quand il s’agit de conclure des contrats mirobolants avec les pays du Proche Orient, la France renforce ses contrôles aux frontières de l’Italie, refoulant les pauvres migrants dans la péninsule au mépris de toute morale. De son temps, Michel Rocard avait déclaré que « la France n’avait pas vocation à accueillir toute la misère du monde », soit, mais il a ajouté «elle doit y contribuer ». Ses propres descendants politiques semblent avoir oublié les principes de Blum et de Jaurès pour envoyer la cavalerie contre les campements des migrants au cœur de Paris. L’intervention musclée et disproportionnée a ému les voisins dudit campement, ceux là mêmes qui souffraient des nuisances d’une telle installation « sauvage ». Ils ont choisi d’accueillir chez-eux ces naufragés devenus des hors la loi chassés par la police. Choquée par un tel traitement, Anne Hidalgo, maire de Paris, propose de créer un centre d’hébergement avec gite et couvert le temps que l’OFPRA statue sur leur sort. Mais ou sont passés nos hommes politiques ? Depuis quand le Vieux continent, fort de ses 500 millions d’habitants, de ses richesses exceptionnelles peut il être effrayé par une poignée de réfugiés fuyant la barbarie en Syrie et d’Erythrée ? C’est de cela qu’il s’agit et non pas de pseudo profiteurs des systèmes sociaux des pays européens, de « vulgaires migrants économiques » que d’aucuns voudraient renvoyer à coups de millions d’Euros alors qu’il suffit de prévoir, dans le cadre européen, une véritable politique d’asile politique loin de tout populisme. Nos hommes politiques perdraient peut-être la bataille politique à court terme mais gagneraient celle de l’éternité.


ÉCONOMIE &

MARCHÉ

LE BONHEUR DU « LOW COAST »

DANS LA COURSE AU CAPTAGE DES DÉLOCALISATIONS, LE MAROC PLACE SES PIONS SUR UN ÉCHIQUIER DES PLUS MOUVANTS. ET RÉUSSIT BIEN DES COUPS, COMME LA TOUTE RÉCENTE DÉCISION D’IMPLANTATION DE PSA DANS LES PLAINES DU GHARB. BIEN SÛR QUE LA STRATÉGIE DE « RÉ-INDUSTRIALISATION » DU PAYS, AVEC LA MULTIPLICATION D’ÉCOSYSTÈMES IDOINES, A ÉTÉ PROMUE EN LIGNE DIRECTRICE D’UN EXÉCUTIF QUI N’ARRIVE TOUJOURS PAS À CONVAINCRE LE CAPITAL NATIONAL À ABANDONNER LA LOGIQUE DES RENTES DE SITUATION. ET C’EST CE QUI FAIT QUE DES CONSTRUCTEURS AUTOMOBILES, SÉDUITS PAR LA DYNAMIQUE DU « LOW COAST », REJOIGNENT DES SOUS-TRAITANTS DE L’AÉRONAUTIQUE. HIER, ON CÉLÉBRAIT RENAULT ET SON MÉGA PROJET DE TANGER. AUJOURD’HUI, ON LOUE LA PERTINENCE DES CHOIX DE PSA ET DE… FORD. MAIS DANS CETTE DYNAMIQUE-LÀ, IL NE FAUT PAS S’ATTENDRE À DES MIRACLES. LA CAPACITÉ D’ABSORPTION LOCALE DE TOUT « KNOW HOW » N’EST PAS AVÉRÉE SI JAMAIS L’INDUSTRIE DÉLOCALISÉE, DANS UN ÉLAN D’ALTRUISME, AIE PLANIFIÉ UN BRIN DE TRANSFERT TECHNOLOGIQUE. LE PAYS MANQUE DE CAPITAINES D’INDUSTRIE CAPABLES DE DONNER LA PLUS VALUE ATTENDUE DE TOUT ÉCOSYSTÈME POUR LEQUEL L’ETAT DÉROULE AVANTAGES ET TAPIS ROUGE. QUI OSERAIT INVESTIR DANS LE DÉVELOPPEMENT DES VOITURES ÉLECTRIQUES À L’HEURE OÙ LES BREVETS SONT LIVRÉS GRATUITEMENT AU COMMUN DES MORTELS ? BIEN SÛR QUE « CONTRE MAUVAISE FORTUNE, ON FAIT BON CŒUR ». SURTOUT QU’UNE DES PLAIES DE L’EXÉCUTIF N’EST AUTRE QUE LE CHÔMAGE. DÈS LORS, ON LOUE TOUT INVESTISSEMENT ÉTRANGER POUR PEU QU’IL GARANTISSE DE L’EMPLOI… MÊME « LOW COAST ». ET C’EST À L’AUNE DE CETTE RÉALITÉ QU’IL FAUDRA ÉVALUER L’ATTITUDE DES CENTRALES SYNDICALES QUI CRAIGNENT QUE LE PAYS NE SE TRANSFORME EN UN RÉSERVOIR DE MAIN D’ŒUVRE CORVÉABLE, VOIRE JETABLE À MERCI ! PERSPECTIVES MED

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ÉCONOMIE CROISSANCE ÉCONOMIQUE

LES PRONOSTICS DE LA BAD Par : Abderrahman El Maleh

La croissance économique devrait s’établir à 4,5% en 2015 et à 5% en 2016, selon l’édition 2015 des «Perspectives économiques africaines » publiée par la Banque Africaine pour le Développement (BAD). Performance tirée par le secteur agricole et la poursuite de la tendance haussière des activités non agricoles. Cependant, le pays devrait relever des défis sociaux de taille. L’application de la régionalisation avancée devrait y contribuer.

L

a BAD vient de livrer ses pronostics quant à l’évolution économique du Continent. D’après ses prévisions, la croissance du Maroc devrait s’établir à 4,5% en 2015 et à 5% en 2016 contre 4,4% et 5% prévues par le FMI. Cette évolution serait attribuable à la reprise de l’activité agricole et à la poursuite de la tendance haussière des activités non agricoles, notamment le secteur minier et les industries mécaniques, électriques et électroniques -IMEE. Cependant, le niveau de croissance attendu est largement tributaire de plusieurs facteurs à commencer par le maintien de la baisse des cours du pétrole, la chute des cours devant rendre aisé le redressement de ses équilibres macroéconomiques (baisse du déficit budgétaire, augmentation des réserves de change), revigorer le pouvoir d’achat des ménages et renforcer la compétitivité des entreprises marocaines. Cette reprise est aussi

LA RÉGIONALISATION, UN LEVIER DE CROISSANCE CAPITAL

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dépendante de la poursuite de la reprise de la demande mondiale qui devrait s’apprécier de 6,7% cette année et de la mise en œuvre des différentes réformes structurelles déjà engagées (régime de retraite, fiscalité, bonne gouvernance, justice et système compensatoire). S’agissant de la dette publique, la dernière analyse des principaux risques conduite par le FMI, et reprise par la BAD, conclut qu’elle reste soutenable à moyen terme à condition que le Maroc poursuive la mise en place des réformes nécessaires et les efforts de maitrise du déficit budgétaire. Dans ce sens, le Trésor, principal emprunteur qui représente 52 % du total de la dette extérieure publique, devrait voir sa dette en légère augmentation de 1,7 points à 66% en 2015 avant de diminuer progressivement à partir de 2016 bénéficiant des réformes d’assainissement de la dette et des mesures entreprises depuis 2011 pour le rétablissement progressif des équilibres budgétaire et extérieur. Quant au déficit budgétaire, il passerait de -4,9%, affiché en 2014, à -4,2% en 2015 puis à -3,8% l’année prochaine. Le déficit du compte courant se stabiliserait, quant à lui, à -6,1% avant de baisser à -5,6% en 2016. Reste l’inflation qui devrait se maintenir


à un niveau faible, respectivement à 1,2% et 1,4% en 2015 et 2016, grâce notamment à la diminution des prix du pétrole qui se répercuteront sur les coûts de production et de transport compensant la hausse du salaire minimum interprofessionnel garanti -SMIGattendue pour juillet 2015.

LE PRIVÉ À STIMULER Si le pronostic de la BAD est empreint d’optimisme, il n’en reste pas moins que plusieurs carences tempèrent pareil sentiment. Plusieurs écueils sont à dépasser à commencer par le secteur privé qui peine encore à jouer pleinement son rôle de moteur de croissance et d’emploi. Le diagnostic de croissance réalisé par les autorités avec l’appui de la BAD et de la MCC souligne que malgré la mise en place de toute une batterie de réformes, le dynamisme du secteur privé reste encore limité. La combinaison de plusieurs facteurs tels que le poids important du secteur informel, frein à la modernisation, la prépondérance des petites et moyennes entreprises (95 % du tissu productif) et leur incapacité à se développer en taille, et la faible diversification sectorielle des investissements concentrés dans les industries mécaniques, électroniques et le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), jettent un nouvel éclairage sur les facteurs bloquants. Le diagnostic de croissance indique que pour promouvoir l’investissement et le développement du secteur privé, le Maroc devrait chercher à lever plusieurs obstacles à commencer par la mauvaise qualité du système éducatif et l’inadéquation entre l’offre et la demande de travail, la lenteur de l’exécution des décisions de justice, les distorsions fiscales et la difficulté d’accès au foncier (industriel et agricole).

OSER LA RÉGIONALISATION La BAD a fait grand cas de l’utilité de la régionalisation avancée comme moyen idoine pour atténuer les disparités entre les différentes régions du pays (12 au lieu de 16 entités territoriales). Et les déséquilibres régionaux se posent d’abord en termes sociaux. En plus de la pauvreté qui demeure un phénomène essentiellement rural, des disparités existent aussi en termes d’accès aux services de base (éducation et santé). Ainsi, malgré les efforts fournis pour améliorer la situation sanitaire de la population et assurer une certaine équité entre les régions et les milieux rural et urbain, les disparités demeurent élevées. Ces mêmes disparités sont encore plus visibles dans le domaine de l’éducation. Ainsi, malgré les efforts déployés pour améliorer les niveaux d’éducation dans

toutes les régions, le retard à rattraper demeure important. Ces disparités s’expliquent par le déficit socioéconomique que connaissent les zones rurales désavantagées. Du point de vue économique, les régions qui composent le Maroc se différencient par leur contribution au PIB et par leurs potentialités socio-économiques. Les régions côtières de la partie Nord du pays représentent plus de 60 % du PIB, dont la moitié provient de la région du Grand Casablanca note le rapport. Dès lors, la BAD pronostique qu’il est désormais nécessaire de mettre en place les stratégies nécessaires pour atténuer les disparités et permettre aux citoyens de s’inscrire dans la dynamique économique du pays. Et pour ce faire, la stratégie de régionalisation avancée devrait permettre aux régions de jouer pleinement leurs rôles et contribuer de façon effective au développement économique, politique, social, culturel et environnemental, sachant que ceci nécessitera la mobilisation de nouvelles ressources, la mise à niveau des ressources humaines et la mise en place de fonds de soutien visant à réduire les disparités entre les régions.

PERSPECTIVES AFRICAINES

DÉFIS MULTIPLES La croissance du produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique devrait se consolider en 2015 et 2016, à 4.5 % et 5 %, après deux années d’expansion modérée (3.5 % et 3.9 % en 2013 et 2014). C’est ce qui ressort des Perspectives économiques en Afrique publié par la BAD et qui montrent un continent prêt à reprendre sa tendance de croissance à moyen terme. Cependant, après 2016, plusieurs facteurs tant internes qu’externes pourraient affecter les conditions de la transformation structurelle. En effet dans les prochaines décennies, les changements dans le contexte mondial, la croissance rapide de la population et des exigences sociales croissantes créeront de nouvelles possibilités et de nouveaux défis auxquels les décideurs africains auront à répondre par des stratégies de développement innovantes. La croissance africaine peut pâtir d’un essoufflement de l’économie mondiale (alors que le phénomène de « basculement de la richesse » semble devoir se poursuivre, la croissance dans ces économies a ralenti) et de la baisse continue des cours des matières premières. Les économies africaines doivent prendre ces changements en compte et adapter leurs stratégies de développement. PERSPECTIVES MED

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ÉCONOMIE LA BANQUE AFRICAINE DE DEVELOPPMENT

CHANGE DE TÊTE ET DE CAP ! Par : Abou Marwa

L’ancien ministre nigérian de l’Agriculture, Akinwumi Adesina, a été élu président de la BAD avec 58,10% des voix, selon les résultats officiels. L’élection du candidat du Nigeria, première puissance économique du continent, brise une règle non écrite qui voulait que la BAD soit dirigée par des pays de petite ou moyenne taille.

A

près les six rounds de vote départageant les huit prétendants à la présidence de la Banque Africaine de Développement, le choix s’est finalement porté sur le candidat nigérian, Akinwumi Adesina. Le vainqueur de l’élection du 28 mai dernier, serait le témoin du poids économique et politique croissant pris par son pays. Soutenu dès le premier tour par la majorité des gouverneurs africains, il a obtenu la majorité absolue au grand dam du Tunisien Jelloul Ayed, lâché par l’Algérie et la Libye... Cette élection confirme la volonté de renforcer l’intégration et la coopération des actionnaires africains face aux membres « non-régionaux ». Avec un total d’actifs de 33 Mds $, la BAD est cependant la plus petite des cinq banques multilatérales de développement dans le monde. Ce faible capital ne lui donne évidemment pas les moyens d’être un acteur majeur du développement africain. La Banque n’a investi que 122 Mds $, dont un tiers étant destiné aux projets d’infrastructures. Mais cette institution a tout de même fait du chemin depuis sa création en 1964. Le triplement historique de son capital en 2010 et la confirmation de sa note AAA par l’ensemble des agences de notation en 2012 ont ainsi renforcé sa position en Afrique et surtout sa crédibilité sur la scène interna-

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tionale. Celui qui hérite du portefeuille de chairman de la vieille institution a sa propre feuille de route qui a influé dans la balance. A. Adesina souhaite améliorer l’inclusion financière du secteur privé, en priorité les PME, en octroyant plus de prêts dans des pays n’ayant peu ou pas accès aux financements de marché. Le diagnostic du nouveau président est intéressant dans le sens qu’il renforce l’évolution en cours dans les schémas de développement classiques appliqués à cette zone. Longtemps focalisée sur les grands projets d’infrastructures (qui reste légitime…), la BAD redressera le cap vers la stimulation du secteur privé, l’amélioration de la gouvernance et le développement de l’entrepreneuriat. Cette évolution résulte d’une nouvelle vision théorique du rapport entre croissance et développement que la Banque mondiale pronostique depuis les années 90. La priorité ira donc au capital humain et aux institutions. Mais la nouvelle orientation s’inspire aussi d’une dynamique de développement propre au continent africain et qui n’avait pas forcément été prévue par les théories de la croissance. Ainsi l’essor du secteur privé est réel, parfois même étonnant dans un environnement institutionnel très dégradé. Il représente aujourd’hui 70% de la production totale et 90% des emplois du continent. Le projet du nouveau président de la BAD entend épouser les formes de la réalité de la dynamique de croissance africaine au cours de ces dernières années. Celle-ci est évidemment stimulée par l’émergence en cours de la classe moyenne, qui aspire à de nouveaux besoins de consommation. En Afrique comme dans d’autres pays émergents, c’est donc bel et bien la demande qui est en train de créer l’offre… Mais gardons en tête la très grande hétérogénéité du niveau de risque dans les pays du continent qui rend toujours périlleux les discours globalisants sur cette zone.


FMI/LPL

OPTIMISME RÉSERVÉ

«

L’économie se redresse et les perspectives macroéconomiques sont favorables, mais restent exposées à des risques extérieurs importants ». Voilà le résultat du check-up élaboré par les services du Fond Monétaire International dans le cadre de sa mission au Maroc relative à la deuxième revue de l’accord LPL. Ainsi, la croissance économique devrait s’établir à 5% en 2015, après le ralentissement constaté une année auparavant. À moyen terme, la croissance devrait continuer à s’accélérer sous réserve d’une amélioration des conditions extérieures et de la mise en œuvre des réformes. Les risques d’une période prolongée de croissance lente dans les pays avancés, d’une remontée des prix de l’énergie ou d’une augmentation de la volatilité sur les marchés restent considérables, et appellent à la poursuite des efforts visant à renforcer la résilience de l’économie. Cette croissance pour 2015 serait ainsi portée par le redressement escompté de la campagne agricole, combinée à l’accélération progressive de l’activité au sein des branches secondaires notamment dans l’industrie automobile. S’agissant de la position extérieure du pays, elle devrait s’améliorer en raison de la baisse du prix du pétrole observée à partir de fin 2014 et du maintien de la dynamique au niveau des ventes des secteurs émergents. Au volet des Finances Publiques, le Déficit Budgétaire devrait poursuivre son trend baissier suite à la diminution escomptée des dépenses publiques. Dans ce sillage, la dette publique devrait plafonner à 65% du PIB. Enfin, au volet prix, le taux d’inflation devrait se fixer à 1,5%. Toujours dans le cadre de ses consultations, le FMI a rappelé aux décideurs l’urgence d’accélérer la réforme du système de ses retraites et ce, afin d’en assurer la viabilité et étendre la couverture. Il est également nécessaire, selon la mission du FMI, de continuer d’améliorer le climat des affaires, la transparence, la concurrence et la gouvernance afin de rehausser davantage la compétitivité, de favoriser une croissance plus forte et plus riche en emplois, et de réduire la pauvreté. De même un assouplissement du régime de change, en coordination avec les autres politiques macroéconomiques, soutiendrait la stratégie gouvernementale de diversification des produits et des marchés d’exportation, et aiderait l’économie à mieux absorber les chocs.

L’OPTIMISTE DU FMI TEMPÉRÉ PAR LE TRAIN DES RÉFORMES

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ÉCONOMIE COMPÉTITIVITÉ AFRICAINE

MAL PARTIE ?

S

L’AFRIQUE A MAL À SA COMPÉTITIVITÉ. LE CONTINENT AFFICHE, CERTES, UNE CROISSANCE ÉCONOMIQUE SOUTENUE DEPUIS 15 ANS. ET SA DÉMOGRAPHIE GALOPANTE PROMET L’ÉMERGENCE D’UN VASTE MARCHÉ DE CONSOMMATEURS ET D’UNE MAIN-D’ŒUVRE SANS PRÉCÉDENT. CEPENDANT, LA PRODUCTIVITÉ DANS TOUS LES SECTEURS EST EN CONSTANTE STAGNATION EN RAISON DE LA FAIBLESSE DES MOTEURS DE LA COMPÉTITIVITÉ.

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PERSPECTIVES MED

Par : Abou Marwa

ur les 15 dernières années, la forte croissance économique de nombre de pays africains a de quoi faire pâlir nombre de puissantes économies. N’empêche, tout n’est pas rose sur le Continent Noir confronté à d’innombrables difficultés pour asseoir sa compétitivité. Assez mitigée, cette réalité n’en confirme pas moins le caractère distinctif d’un Continent qui s’affirme comme l’une des dernières frontières du développement. De meilleures performances macroéconomiques sont affichées parallèlement à une plus grande stabilité et une gouvernance plus saine. Plus, le Continent est également à la pointe des réformes visant à améliorer le cadre des affaires. Selon un rapport rendu public au Cap, en Afrique du Sud, à l’occasion de la 25è session du Forum Economique Mondial (WEF) 2015 sur l’Afrique, en dépit d’une croissance économique élevée, le Continent souffre d’une stagnation de la compétitivité qui complique les efforts visant à réaliser une croissance inclusive et soutenue rendant les perspectives d’une croissance durable vulnérables face au manque de conditions favorisant l’émergence d’économies compétitives et productives. Le Nigéria, 1ère économie africaine en termes de PIB, est l’exemple typique de ce déphasage. Cette puissance économique perd 7 positions pour se retrouver au 127e rang mondial des économies compétitives. Ce rapport biannuel intitulé «transformer les économies africaines», fournie des données exhaustives tirées de l’Indice Mondial de la Compétitivité (GCI) avec des études approfondies de la performance de secteurs clefs, dont l’agriculture et les services. Ainsi et prenant en compte la population jeune et croissante du continent, les secteurs qui emploient le plus de main d’œuvre doivent jouer un rôle plus important dans la transformation économique du continent, lit-on dans le rapport, qui relève que le secteur des services ne peut pas, à lui seul, tirer la croissance économique dans le continent en termes de PIB et d’emplois. La croissance économique doit être fondée, spécifie-t-on, sur des bases solides, à savoir des institutions fortes, des infrastructures appropriées et des investissements plus accrus ciblant les secteurs de la santé, de l’éducation et des compétences. Le rapport relève que le faible niveau de compétitivité rend les économies du continent vulnérables aux


chocs externes, comme le ralentissement de la croissance dans les pays émergents et la hausse des cours des produits pétroliers. A moyen terme, cette faiblesse remet en question la capacité du continent à relever le défi de la croissance démographique, lit-on dans le document, rappelant que la population du continent de plus de 1 milliards d’âmes offre un large marché qu’il faut exploiter. Il est crucial de renforcer la compétitivité des économies africaines pour leur permettre de bénéficier de ce marché et, partant, générer des emplois nécessaires pour les jeunes, indique le WEF qui soulève nombre de questions liées à la mise en place, par les décideurs africains, des fondamentaux à même de maintenir le cap sur une croissance forte et durable.

TRANSFORMER LES ÉCONOMIES Bien que d’autres régions aient privilégié l’expansion du secteur manufacturier comme ressort du développement économique, l’Afrique a suivi un tout autre chemin. Alors que l’agriculture continue d’employer plus de la moitié de la population, elle est lentement remplacée par un secteur des services en plein essor. Il représente désormais plus de 50 % du PIB. Cette évolution s’observe en grande partie dans le secteur des services marchands, - notamment le commerce de détail, la distribution et d’autres activités commerciales-, qui emploie 25 % de la population en âge de travailler. Mais il existe des possibilités d’accroître la productivité de la main-d’œuvre aussi bien dans le secteur agricole que dans celui des services marchands vers lequel bascule la grande majorité de la main-d’œuvre agricole. Le rapport définit les leviers les plus importants pour relever les défis qui interpellent le continent. Il s’agira en premier lieux de développer l’infrastructure de transport et des TIC, dans le sens ou l’augmentation des dépenses consacrées aux infrastructures rurales permettra de réduire la dépendance à l’égard de l’agriculture fluviale en soutenant l’irrigation intensive, en renforçant la résilience face au changement climatique et en améliorant l’accès aux marchés pour les intrants intermédiaires et les produits agricoles. Un tel processus contribuera à débloquer le commerce (intra-)africain et la participation aux chaînes de valeur régionales et mondiales. L’infrastructure TIC est aussi capitale pour la fourniture de services au niveau national et d’un pays à l’autre. Autre point cardinal, renforcer la qualité de l’enseignement. Car même si le continent a accompli des avancées considérables dans le domaine de l’accès à l’enseignement primaire, les taux de scolarisation restent désespérément bas dans le secondaire. Le rapport va plus loin en inci-

tant à la réduction des barrières commerciales qui, au-delà du piteux état de l’infrastructure physique et du niveau élevé des tarifs, représentent 60 à 90 % des coûts du commerce via des mesures non tarifaires. Ceci sans parler de la nécessité de la simplification des procédures d’import-export. Enfin, le rapport préconise un renforcement du cadre réglementaire, qui demeure loin des standards internationaux, afin que l’économie africaine puisse participer aux chaînes de valeur mondiales. Participation qui ne manquera pas de contribuer à accroître la productivité, renforcer les compétences et diversifier les exportations.

LEADER MAGHRÉBIN Pour ce qui est du Maroc, toujours selon ce rapport qui reprend le classement du WEF (World Economic Forum), il se place en tête en Afrique du Nord. Dans le classement général, le Royaume ressort en 4ème position en Afrique et leader au Maghreb. Capitalisant ainsi sur nombre d’indicateurs pris en compte tels la mise à niveau des infrastructures de base (55ème position) et de l’enseignement primaire (105ème rang), la généralisation de la couverture médicale (AMO et RAMED) et l’accroissement de l’espérance de vie (92ème place), l’amélioration de l’environnement macroéconomique et la maîtrise du Déficit Budgétaire (113 position), l’appréciation du taux de couverture des importations par les exportations à 58,8% à fin avril 2015 (69ème rang) et de la part du Commerce Extérieur dans le PIB (86ème place) ; la diversification réussie de l’économie et son rôle dans l’augmentation des exportations et des IDE (10ème place) ; les efforts entrepris en matière de diminution des barrières tarifaires, de politique de la concurrence et de protection de la propriété intellectuelle (41ème place), le renforcement de la solidité du système bancaire (42ème place) et l’amélioration de l’accès au crédit (46ème rang) et à l’accès aux services financiers (59ème position). Néanmoins et, à l’instar de plusieurs pays africains, la lourdeur du commerce transfrontalier continue à pénaliser le Royaume. Idem pour l’enseignement supérieur et l’emploi qui se contentent de la 104ème et de la 111ème position dans le classement mondial. Dans ce sens, le Maroc devrait se focaliser sur les synergies entre emploi et système éducatif pour assurer une meilleure adéquation entre les formations et les besoins du marché du travail. Il devrait aussi fournir des efforts notamment en matière d’accès au financement, de la formation de la main d’œuvre qui demeure inadéquate, d’infrastructures, de réglementations du travail et de lutte contre la corruption. Que de chantiers ouverts ! PERSPECTIVES MED

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ÉCONOMIE FISCALITÉ LOCALE ET RÉGIONALISATION

LA RÉFORME S’IMPOSE Par : Ben Abedelouahhab

Quand la Cour des comptes s’emploie à évaluer un système national de gestion, elle frappe fort, et tout le monde en prend pour son grade. Cette fois, c’est autour de la fiscalité locale d’être la cible des magistrats de la Cour. D’innombrables lacunes sont restés dans le tamis.

L’

instance dirigée par Driss Jettou a rendu public, fin mai, un rapport portant sur l’évaluation de la fiscalité locale. Un document qui intervient alors que le processus de mise en place de la régionalisation a été enclenché et que les ressources financières afférentes aux collectivités locales, qui doivent suivre, sont sujettes à débat. Partant du fait que la fiscalité des collectivités territoriales n’est pas seulement une ressource financière (17,5% des recettes fiscales totales de l’Etat) destinée à couvrir les charges des services publics locaux, mais c’est aussi un instrument de politique économique, les magistrats de la Cour ont souligné que la mobilisation de ressources pérennes devient nécessaire pour que les collectivités territoriales puissent assumer leurs responsabilités

DÉDOUBLEMENT DES TAXES, MULTIPLICATION DES PONCTIONS, INCOHÉRENCE RÉGLEMENTAIRE … LE LOT DE LA FISCALITÉ LOCALE.

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PERSPECTIVES MED

en matière de développement local et de satisfaction des besoins des citoyens et des entreprises. Un objectif qui demeure difficile à atteindre face à la complexité du système fiscal local et aux insuffisances de sa gouvernance. Ce qui nécessite, selon la Cour, l’ouverture d’un vaste chantier de réformes devant intégrer l’évolution du processus de la régionalisation avancée, répondre à la demande sociale et prendre en compte notamment : les besoins en services publics communaux, les marges permises par le potentiel fiscal local, l’amélioration du rendement et de l’efficience tout en préservant les principes d’équité et d’égalité devant l’impôt.

FLAMBÉE DES IMPAYÉS

Le rapport affirme que la typologie de la fiscalité locale révèle une fiscalité de superposition dominée par une assiette étroite. Ce qui conduit à un système complexe à rendement limité. En effet, sur le plan du recouvrement, durant la période 2009-2013, période de l’audit de la Cour des comptes, les restes à recouvrer sont passés, entre 2009 et 2013, de 13 à 16,8 milliards de dirhams (Mrds Dhs) enregistrant une aggravation de 29%, soit un taux d’augmenta-


tion annuel moyen de 7,3 %. Quoique les recettes des collectivités territoriales se soient établies, en moyenne, à 27,5 Mrds Dhs par an, avec 21,5 Mrds Dhs en moyenne annuelle, soit 79% des recettes fiscales totales des collectivités territoriales, de grandes difficultés de recouvrement restent à l’ordre du jour. Et pour cause, l’évolution du système fiscal local a pris un chemin conduisant à une multiplicité d’impôts et taxes censés produire des recettes suffisantes à même de couvrir les besoins de financement croissants des collectivités territoriales, soulignent les magistrats de la Cour. Selon ces derniers, la fiscalité locale présente encore un paysage se dispersant autour d’une pluralité d’impôts et taxes superposés. Caractérisés par des assiettes hétérogènes et étroites et des modalités complexes et disparates d’établissement et de recouvrement, aboutissant à un ensemble peu rentable et globalement inefficient. De surcroît, ils font remarquer qu’au moment où « la fiscalité d’Etat a enregistré des avancées importantes en termes d’assiette, de recouvrement et d’une façon générale en matière d’intelligibilité fiscale, la fiscalité locale partait en diversification et en éclatement de la matière imposable ». Ce qui impose, selon eux, des ajustements en matière de renforcement des structures dédiées, d’intégration au système global de taxation de la Direction générale des impôts, ainsi qu’en matière de renforcement du recouvrement et d’identification des montants tendanciellement irrécouvrables. Par ailleurs, la juridiction financière souligne non sans dépit que ladite complexité fait que les exonérations accordées, dans la plupart des cas à des organismes de l’Etat, à certaines entités publiques et à des fondations ou pour la promotion de projets de développement ou de projets sociaux, ne sont pas évaluées dans leur ensemble afin d’apprécier dans quelle mesure les objectifs escomptés sont atteints.

GOUVERNANCE DÉSINTÉGRÉE

Le rapport de la Cour des comptes remet en cause la multiplicité des acteurs qui donne lieu à une absence de vision fiscale locale tant pour l’administration centrale que pour les collectivités. Sur ce registre, le rapport rappelle que la gouvernance interpelle trois organismes, à savoir, les communes, la Direction générale des impôts (DGI) et la Trésorerie générale du Royaume (TGR) en tant qu’acteurs principaux dans le processus fiscal local. S’y ajoute, également, le ministère de l’Intérieur en tant que tutelle. Dans ce sillage, les auteurs du rapport indiquent que même si le cadre institutionnel fixant l’organisation et les attributions des entités intervenantes dans le processus fiscal local est « relativement bien défini » et se traduit sur le plan opérationnel par des « fonctionnalités globalement positives », « l’absence de gouvernance

intégrée ne permet pas de pallier les difficultés liées aux insuffisances des interfaces et à la carence en matière de prise en charge des problématiques horizontales ». Et de préciser que « les domaines transversaux de déploiement des actions de gouvernance en matière de fiscalité locale se situent non seulement au plan législatif et réglementaire », mais intéressent également « la stratégie, l’organisation, le fonctionnement et plus généralement les aspects opérationnels communs comme l’établissement de plans stratégiques et de programmation, d’une organisation type, de système d’information partagé… ». Toutes ces problématiques s’expliquent, selon la même source, par le fait que la mise en place du système fiscal local n’a pas été précédée d’études permettant l’évaluation de la base imposable et du rendement fiscal attendu, notamment en corrélation avec les besoins de développement des collectivités territoriales.

UNE ÉTUDE D’ÉVALUATION DE LA FISCALITÉ LOCALE DOIT INTERVENIR POUR DISSIPER LE FLOU ARTISTIQUE

SIMPLIFICATION DU SYSTÈME

CRÉATION D’UN COMITÉ DES FINANCES DES CT Si la mission de la Cour des comptes a identifié les limites de la fiscalité locale actuelle, elle a aussi formulé des recommandations et proposé des pistes de réforme susceptibles d’améliorer ce système grippé. Face à la juxtaposition d’une fiscalité locale autonome et d’une fiscalité locale de répartition qui peut générer des redondances et aggraver la pression fiscale, jusqu’à présent limité à 3,5 de PIB, la Cour estime nécessaire de mettre en place des dispositifs d’intégration en vue de maîtriser ce risque. Et ce, en évitant les superpositions avec les taxes de l’Etat, et en intégrant plus de lisibilité et de simplification. Elle recommande, dans ce sens, de centrer la fiscalité locale sur les impôts fonciers et d’éviter de recourir à des taxes dont l’assiette est déjà soumise à la fiscalité d’Etat. Elle préconise d’abandonner certaines taxes peu rentables pour en adopter d’autres qui touchent des activités plus pérennes. Enfin, la Cour recommande la création d’un comité des finances des collectivités territoriales (CT) à vocation transversale ayant pour mission, entre autres, d’impulser, de coordonner et d’arbitrer l’action fiscale locale, avec l’objectif d’instaurer plus d’efficacité dans le fonctionnement des services locaux et d’assurer l’efficience dans la mobilisation du potentiel fiscal. PERSPECTIVES MED

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ÉCONOMIE

PRODUCTION

TAUX D’UTILISATION EN HAUSSE Selon les résultats de l’enquête de conjoncture de BANK AL-MAGHRIB pour le mois d’avril 2015, le taux d’utilisation des capacités de production -TUCs’améliore de 5 pbs à 71% comparativement au mois précédent. Par branche, le TUC des différentes industries a connu un bond de 9 points du TUC pour les branches « chimiques et parachimiques », s’établissant à 72%, une appréciation de 3 points des industries « textile, de l’habillement et du cuir » à 67%, une bonification de 5 points des activités « mécaniques et métallurgiques » qui s’est élevée à 62%, une amélioration des industries « agro-alimentaires» à 70% . L’exception qui confirme la règle est le repli de 2 pbs du TUC des industries « électriques et électroniques » à 78%. Au volet des ventes, celles-ci ont augmenté pour les industries « chimiques et parachimiques » et « agro-alimentaires ». En revanche, celles de l’« électrique et électronique » et la «mécanique et métallurgie » se sont contractées, au moment où le segment du « textile et cuir » a stagné au même niveau que le mois précédent. Les nouvelles commandes, elles, se sont améliorées en relation avec l’appréciation de celles des branches « chimie et parachimie », « agro-alimentaire » et « électrique et électronique ». Toutefois, les carnets de commandes sont restés en dessous de la normale pour l’ensemble des industries. S’agissant des trois prochains mois, les entrepreneurs s’attendent globalement à une appréciation de la production et des ventes pour l’ensemble des activités à l’exception de l’« électrique et l’électronique » et de la « mécanique et la métallurgie ».

Priorité aux produits issus des joint-ventures maroco-françaises. Tel est le crédo de Renault Maroc. Des synergies devraient se développer avec les financements qui vont avec.

FINANCES PUBLIQUES

DÉFICIT MAITRISÉ 46

PERSPECTIVES MED

Les chiffres du ministère de l’Économie et des Finances confirment l’amélioration des recettes ordinaires du Trésor de 5,5% à 68,9 Mrds Dhs par rapport à fin avril 2014. Cette évolution s’explique par l’appréciation de 1,1% à 26,2 Mrds Dhs des impôts directs comparativement à fin avril 2014, la baisse de 2,7% à 25,1 Mrds Dhs des impôts indirects consécutivement au repli de 6,9% à 7,7 Mrds Dhs des taxes intérieures de consommation, l’amélioration de 8,4% des droits de douane à 2,7 Mrds Dhs, la hausse des droits d’enregistrement et de timbre de 9,5% à 5,8 Mrds Dhs ainsi outre l’évolution à 59% des recettes non fiscales à 8,2 Mrds Dhs. Au volet emplois, les dépenses ordinaires s’élèvent à 73,2 Mrds Dhs, en repli de 0,9% comparativement à fin avril 2014, intégrant une hausse de 15,1% à 11,4 Mrds Dhs des intérêts

de la dette et une quasi-stagnation à 54,4 Mrds Dhs des dépenses de biens et services (+0,6% par rapport à la même période de l’année précédente) suite à la progression de 1,2% des dépenses de personnel à 34,9 Mrds Dhs. Pour leur part, les dépenses de compensation reculent de 24,5% à 7,5 Mrds Dhs, tandis que l’investissement enregistre une dépréciation de 7% à 20,8 Mrds Dhs, pour un taux de réalisation de 37%. Compte tenu de ces éléments, le solde ordinaire enregistre, à fin avril 2015, un déficit de -4,3 Md contre -8,5 Mrds Dhs un an auparavant. Dans cette lignée et, intégrant un solde positif de 7,9 Mrds Dhs dégagé par les comptes spéciaux du Trésor, l’exécution de la Loi de Finances durant les quatre premiers mois de l’année fait ressortir un déficit du Trésor de 17,1 Mrds Dhs contre 24,5 Mrds Dhs à fin avril 2014.


PPP

ENFIN LE DÉCRET ! Le décret d’application élaboré par le ministère de l’Economie et des Finances au sujet de la loi n° 86-12 relative aux contrats de Partenariat Public- Privé -PPP- vient d’être adopté par le Conseil du Gouvernement en date du 1er juin 2015. Ce décret précise, en application des dispositions de ladite Loi, les modalités et les conditions communes et spécifiques aux modes de passation des contrats de PPP, partant de la phase de préparation et de déroulement jusqu’à celle de l’attribution. Le décret prévoit également la mise en place d’une Commission Interministérielle chargée des contrats de PPP auprès du ministre des Finances dont l’objectif est de porter un avis sur le rapport de l’évaluation préalable et de s’assurer que la réalisation du projet dans le cadre d’un contrat PPP est plus avantageuse notamment en matière de coût global, de partage des risques et de la qualité du service comparativement aux autres modes de réalisation de la Commande Publique. Ce décret fixe aussi l’extrait de contrat de PPP conclu avec le partenaire privé à publier et ce, en application des principes de transparence. Enfin, notons que le PPP est défini comme étant un mode de financement par lequel une autorité publique fait appel à des prestataires privés pour financer et gérer un équipement assurant ou contribuant au service public. Le prestataire privé reçoit, en contrepartie, une rémunération du prestataire public.

OCDE APPUI DES RÉFORMES

L’OCDE et le gouvernement du Royaume du Maroc ont signé i à Paris un Protocole d’Accord relatif à l’établissement du « Programme-pays Maroc », une collaboration prévue pour deux ans visant à soutenir le plan de réformes du Maroc. Le Programme-pays est un nouvel outil de l’OCDE permettant à certaines économies partenaires de tirer profit de l’expertise et des bonnes pratiques de l’OCDE, de renforcer leurs institutions et les capacités pour des réformes publiques réussies. Le Programme-pays Maroc inclut 17 examens des politiques publiques, l’adhésion à 9 instruments juridiques de l’OCDE et une participation renforcée à 9 Comités de l’OCDE. Il est construit autour de trois thèmes principaux : croissance et compétitivité économiques, inclusion sociale et gouvernance publique.

BANQUE MONDIALE

UN BRIN DE PESSIMISME

Selon le rapport de la Banque mondiale sur les perspectives des pays de la région –MENA-, la croissance économique du Maroc devrait ressortir à 4,6% en 2015, avant de se renforcer à 4,8% et à 5% respectivement en 2016 et 2017. La Banque mondiale rappelle que, face à l’impact de la hausse du taux de change du Dollar sur les pays fortement importateurs et afin de maintenir une bonne compétitivité, Bank al-Maghrib a opéré une dépréciation du Dirham par rapport au Dollar, à l’instar des Banques Centrales de la région qui ont baissé de 4% à 8% leur monnaie durant le premier trimestre de 2015. En revanche, la banque mondiale souligne que l’élasticité du Dirham par rapport aux autres devises pousse souvent la Banque Centrale à opter pour une maîtrise de la dépréciation de sa monnaie afin de contenir l’inflation, plutôt que de soutenir l’activité économique. Au volet social et malgré ses efforts en matière de maîtrise du chômage, le Maroc affiche un niveau aux alentours de 10%, contre une moyenne de 5,4% pour les pays en voie de développement. Enfin, la Banque Mondiale estime qu’en termes de climat des affaires, le Maroc reste un pays davantage compétitif. PERSPECTIVES MED

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ÉCONOMIE SOUS-LIQUIDITÉS BANCAIRES

UN CRÉDIT CRUNCH SE PROFILE Par : M.Taleb

Les crédits à l’économie ne cessent de décélérer, les créances en souffrance, qui sont en hausse constante depuis 2011, n’en finissent pas de grimper et le manque de liquidités ne se résorbe pas malgré les injections devenues systémiques de la Banque centrale. Les craintes d’une raréfaction du crédit se matérialisent d’un exercice à l’autre.

S

i l’on veut prendre le pouls des différents opérateurs et par conséquent de l’activité économique dans sa globalité, il n’y a pas meilleur indicateur à scruter que l’évolution des créances en souffrance. Celles-ci ne cessent d’augmenter depuis 2011, leur part dans le total des crédits bancaires est passée de 5,8 en 2013 à 6,8 en 2014 et frôle actuellement les 7%. Rappelons qu’elles ont augmenté de 25,3%, entre 2012 et 2013 et ont continué leur progression en 2014 (20,2%) pour s’établir à 52,53 milliards de dirhams (Mrds Dhs). Un niveau déjà dépassé durant les quatre premiers mois de l’exercice actuel. En effet, selon les dernières statistiques publiées par Bank Al Maghrib (BAM), l’encours des créances en souffrance a dépassé 54 Mrds Dhs, à fin avril, en hausse de 15,5% par rapport à avril 2014. Pendant ce temps, le rythme de progression du crédit bancaire s’est encore inscrit en décélération de 2,9% en mars dernier à 2,5% le mois d’avril. Selon la même source, l’encours du crédit bancaire a atteint, à fin avril, 753,9 Mrds Dhs en baisse de 0,6% par rapport au mois de mars 2015. Un repli imputé principalement par la banque centrale à la diminution de 2% des crédits à l’équipement à 141,4 Mrds Dhs et de 2,6% des concours aux promoteurs immobiliers à 62,3 Mrds Dhs. Seuls éléments positifs dans la salve des statistiques inquiétantes de BAM, les facilités de trésorerie et les crédits à la consommation ont enregistré de légères hausses de 0,5% et de 0,9% à respectivement 173,04 Mrds Dhs et 45,2 Mrds Dhs. Néanmoins, il y a lieu de signaler que le rythme de progression du crédit bancaire marque une décélération encore plus importante par rapport à 2014 en passant de 4,4% en avril 2014 à 2,5% en avril 2015. Décélération induite par le ralentissement

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PERSPECTIVES MED

du rythme de progression des crédits à l’équipement de 5,9% à 1,9% et des prêts immobiliers de 3,2% à 2,9%. Ce repli inquiétant des crédits et surtout cette flambée préoccupante des impayés, s’approchant de plus en plus du seuil fatidique de 10% avec ce qu’elle implique en matière d’augmentation du provisionnement, risquent de conduire à une plus grande fébrilité des établissements bancaires. Et, par conséquent, dans un marché déjà marqué du sceau d’une grave crise de liquidité susceptible de pousser les banques à recourir à des emprunts obligataires à l’international, à une raréfaction voire à un resserrement du crédit. En somme, de quoi renforcer l’atonie ambiante…


INVESTISSEMENT

LE GROS POUR L’ÉNERGIE La Commission interministérielle des investissements a approuvé 15 projets d’investissement pour une enveloppe globale de 24,77 Mrds Dhs, devant créer 3985 emplois directs. Selon un communiqué du gouvernement, la répartition des investissements par secteur fait ressortir une forte prédominance du secteur de l’énergie avec 16,52 Mrds Dhs représentant 67% du total des investissements soumis à la commission. Les investissements dans le secteur de l’énergie concernent le solaire et l’éolien et devrait avoir un impact à long terme en terme notamment de capacité énergétique, souligne le communiqué. Les secteurs du tourisme, immobilier et loisirs occupent la 2ème position avec près de 6,5 Mrds Dhs, soit 26% des investissements projetés, alors que celui du commerce arrive en 3ème position avec 6% des investissements. Avec près de 16,52 Mrds Dhs, les joint-ventures représentent 67 % du total des investissements projetés soumis pour approbation à la commission. Les investissements nationaux arrivent en seconde position avec 29 % du total avec un montant d’investissement dépassant les 7 Mrds Dhs. L’Arabie Saoudite est en 3è position avec 3 % de la part des investissements et la création de près de 550 emplois directs, suivie par les investissements d’origine des Pays Bas avec 1 % et 125 emplois directs.

TIC

TOUS MOBILE ! L’ANRT vient de publier la 11ème édition de l’enquête nationale annuelle sur les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) auprès des ménages et des individus au titre de l’année 2014. Les principaux indicateurs collectés portent sur l’équipement, l’accès et l’utilisation des TIC par les ménages et les individus mais également

CIMENT

sur l’utilisation des réseaux sociaux. Ainsi, 94,1% des indivi-

LÉGÈRE BAISSE DES VENTES

l’équipement en téléphonie fixe serait en baisse, avec plus

A fin mai 2015, le cumul de la consommation de ciments chute de 0,33% à 6 192 458 tonnes par rapport à la même période de l’année 2014. Sur le seul mois de mai, les ventes des cimentiers ont atteint 1 2 66 114 tonnes, en régression de 6,33% comparativement au même mois de l’année précédente et de 8,48% par rapport à avril 2015. De son côté, la ventilation par canal de distribution laisse apparaître, en mai 2015, une prédominance du « négoce » avec 71,46%, suivi par le BPE (13,12%), le BTP (8,18%) et le PREFA (7,24%). Enfin et par catégorie de produits, le CPJ 45 accapare plus de la moitié de la consommation (56,82%) suivi par le CPJ 35 et le CPA 55 qui représentent 22,48% et 20,70% des ventes respectivement.

dus seraient équipés en téléphonie mobile au moment où de 24% de ménages équipés en 2014, plus d’un ménage sur deux disposerait d’un ordinateur en 2014, en hausse de 6 pts par rapport à 2013, soit 3,8 millions de ménages équipés, le taux de pénétration d’Internet dans les ménages aurait atteint les 50,4% en 2014 soit une hausse de 5 pts par rapport à 2013, 3/- le mode d’accès privilégié restant la connexion mobile utilisée par près de 36% des ménages. Seulement 5% des ménages accèderaient à Internet via une connexion fixe. PERSPECTIVES MED

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COMMERCE EXTÉRIEUR

BAISSE DU DÉFICIT

L

es performances commerciales se sont améliorées selon les chiffres publiés par l’Office des Changes pour le mois d’Avril 2015. Le déficit commercial ressort en allègement de 27,6% à -50,2 Mrds Dhs par rapport à la même période de 2014, pour un taux de couverture de 58,8% contre 49,4% en avril 2014. Cette amélioration est imputé au bond des exportations : 19,7% pour les phosphates et dérivés (13.7 Mrds Dhs), 12,6% pour l’automobile (15,9 Mrds Dhs) et 8,7% pour l’agriculture et de l’agro-alimentaire (15,5 Mrds Dhs). Ainsi, les exportations ont globalement progressé de 6% pour une valeur de 71,9 Mrds Dhs, alors que les importations ont enregistré un retrait de 11,0% à fin avril 2015 à 122,0 Mrds Dhs. La chute des cours du pétrole explique en partie une telle performance. Cette embellie (très relative, le déficit commercial atteignant près de 19% du PIB) devrait se poursuivre en 2015, grâce à une meilleure balance commerciale agricole, la poursuite prévue de la hausse des exportations des «nouveaux-métiers » (automobiles, aéronautique, etc.) et le maintien du prix du pétrole relativement bas. A fin avril, le déficit commercial chutait déjà pour ces raisons de 27,5% à près de 50,2 Mrds Dhs donnant à penser que le déficit courant pourrait se réduire de 16,5% du PIB. Le besoin de financement en devises de l’économie sera donc lui aussi en baisse : le déficit du compte courant, passé de -8,7 Mds $ en 2013 à -6,3 Mds $ en 2014, grâce à la baisse des cours du pétrole et au ralentissement économique qui réduit les importations, devrait continuer à se réduire en faveur d’une hausse des exportations vers l’Europe et du maintien de prix du pétrole bas, même si le regain de croissance se traduira par une hausse des importations d’équipements. Le Maroc pourrait économiser près de 2 milliards $ en devises en 2015. Les tensions sur les liquidités en devises devraient ainsi sensiblement baisser cette année, ce qui améliore le risque souverain du pays. Toutefois, des risques persistent : les tensions inflationnistes sont croissantes, suite aux dernières réformes fiscales sur les prix de l’énergie et de la dépréciation du taux de change face au dollar américain (-20,4% a/a en mai). L’inflation atteint 1,7% sur les quatre premiers mois de 2015, contre 0,4% en 2014. Or, la hausse de la consommation locale prévue pour 2015 importera davantage d’inflation et provoquera probablement des goulots d’étranglement inflationnistes par nature ; la hausse de l’inflation serait aussi plus importante en cas de hausse inattendue des prix du pétrole.

LA FACTURE PÉTROLIÈRE SOULAGE LA BALANCE COMMERCIALE 50

PERSPECTIVES MED


DOSSIER ENVIRONNEMENT

LE PARI DURABLE

VERTUEUSE, IL NE FAUT NULLEMENT EN DOUTER, EST LA DYNAMIQUE ENCLENCHÉE AUTOUR DU DÉVELOPPEMENT DURABLE. ET LA CHARTE NATIONALE DE L’ENVIRONNEMENT N’EST QUE LE TÉMOIGNAGE PARFAIT DE CETTE PRISE EN CHARGE DU PRÉSENT, QUI CONDITIONNE FORTEMENT LE FUTUR, QUI INCITE À CHANGER DE PARADIGME EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT. CAR LE MAROC A DÉCOUVERT QUE SA VULNÉRABILITÉ AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES, INSCRITS À L’ORDRE DU JOUR, N’EST PAS UNE VUE DE L’ESPRIT. ELLE EST L’EXPRESSION MÊME DE L’ILLOGISME QUI PRÉSIDA AUX CHOIX PASSÉS DU « LAISSER FAIRE » AVEC CE QUE CELA A INDUIT COMME SURCOÛTS ENVIRONNEMENTAUX DONT L’ÉVALUATION EST À LA MESURE DES DÉGÂTS CONSTATÉS. IL FALLAIT RÉAGIR POUR NE PAS HANDICAPER DAVANTAGE L’AVENIR. UNE STRATÉGIE A MÊME ÉTÉ ÉLABORÉE ET EXPOSÉE ICI ET AILLEURS. MAIS UNE TELLE DÉMARCHE SE SUFFIT-ELLE POUR DONNER BONNE CONSCIENCE AUX DÉCIDEURS ? ASSURÉMENT NON ! LA DÉCLINAISON DE CETTE STRATÉGIE EN DÉMARCHE QUOTIDIENNE, RAISONNÉE ET RAISONNABLE, CONSTITUE LE MEILLEUR PARI POUR GARANTIR LA DURABILITÉ SOUHAITÉE. UNE AFFAIRE, À N’EN POINT DOUTER, DES PLUS TRANSVERSALES À GÉRER. UNE HARMONISATION DES LOIS ÉDICTÉES S’AVÈRE DÈS LORS PRIORITAIRE POUR QUE LA STRATÉGIE AD HOC PUISSE SE SOUSTRAIRE À LA SEULE PRESSION DE LA CONSOMMATION MÉDIATIQUE. FORT HEUREUSEMENT QUE DES RÉALISATIONS RELÈVENT DÉJÀ DE L’ACQUIS. COMME EN TÉMOIGNENT LES ÉNERGIES RENOUVELABLES DONT L’ESSOR EST LA MEILLEURE GARANTIE DU PARI PORTÉ SUR LA DURABILITÉ. DANS CETTE COURSE, LE PAYS GAGNERAIT CERTAINEMENT À RÉGLER LA CADENCE DES RÉALISATIONS. UNE AFFAIRE D’HARMONIE DANS LE DÉVELOPPEMENT… DURABLE ! PERSPECTIVES MED

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ENVIRONNEMENT CHANGEMENT CLIMATIQUE

ACQUIS ET MULTIPLES DÉFIS Depuis plus d’une décennie, le Maroc a pris conscience de l’importance de son environnement et du coût lié à sa dégradation, ce qui a donné lieu à l’adoption de plusieurs mesures pour améliorer sa politique environnementale, jusque-là très générale ou concentrée sur les questions de base de la gestion de l’eau. Cependant et malgré les progrès réalisés, le cadre juridique de l’environnement reste à compléter.

L

e Maroc reconnaît de longue date qu’il est vulnérable aux conséquences du changement climatique. Le gouvernement a ratifié la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) en 1995 et le Protocole de Kyoto en 2002. En 1996 a été établi un Comité National sur les Changements Climatiques. En 2009, le Plan National de Lutte contre le Réchauffement Climatique a fixé les premiers objectifs de réduction des GES dans les secteurs de l’énergie et de l’industrie. La Constitution adoptée en 2011 a permis EN SE DOTANT D’UNE également de donner une nouvelle impulsion au STRATÉGIE NATIONALE AU processus visant l’instauSERVICE DE LA DURABILITÉ, LE ration du développement durable. Articulée autour des principes universelleMAROC A PLANTÉ LE ment reconnus et enrichie DÉCOR … QU’IL FAUT MEUBLER. des retours d’expériences internationales, elle fait office de référence. Le développement durable y est considéré comme un droit de chaque citoyen. De plus, l’adoption de la Charte nationale de l’environnement et du

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développement durable, lors de la 7ème session du Conseil national de l’environnement en 2011 a permis au pays de redoubler ses efforts. En effet, l’opérationnalisation de cette charte se fait à travers la promulgation de la loi cadre de l’environnement et du développement durable et à travers l’élaboration d’une stratégie nationale avec tous ses aspects économique, social et environnemental. En vue d’accélérer les progrès sur la prévention de la pollution et la restauration de conditions environnementales, le Maroc a mis en place un certain nombre de programmes nationaux et développe activement sa coopération environnementale internationale. L’adhésion à un ensemble d’accords environnementaux internationaux et régionaux faisant foi. Pour répondre aux besoins des accords ratifiés, plusieurs programmes et plans d’action ont été développés et l’aide internationale a été mobilisée pour soutenir la formulation et l’exécution de ces programmes et plans d’action. Parmi eux, le Programme national de gestion des déchets ménagers et assimilés, celui de l’assainissement liquide et de traitement des eaux usées, de la collecte et de l’élimination des sacs en plastique, de mise à niveau des écoles rurales et de préven-


tion et de lutte contre la pollution industrielle. Cependant, la législation environnementale nationale manque souvent de conformité avec les normes et concepts internationaux, et elle n’est pas appliquée ou mise en œuvre dans la majorité des cas.

MECANISMES DE SUIVI

Le cadre juridique de l’environnement pose des problèmes de mise en œuvre. Certaines lois sont dépassées, d’autres n’ont pas de législation secondaire pour être efficaces et applicables. En outre, les lois régissant l’environnement ne prévoient pas de pouvoirs explicites en faveur des principales autorités environnementales chargées de l’inspection et de l’application législative. Bien qu’il y ait des inspecteurs de l’environnement, le système de surveillance doit être renforcé. Les ressources consacrées à la conformité sont très modestes. Par ailleurs, il n’y a pas de programme d’inspections, pas même dans les régions fortement industrialisées telles que le Grand Casablanca. Des visites de site sont pour la plupart ad-hoc et font suite aux demandes ou plaintes. Un nombre limité d’inspections ont été faites à l’issue de la procédure des études d’impact environnemental ou suite à des projets ayant bénéficié du financement de la dépollution industrielle. L’autocontrôle vient juste d’être mis en œuvre et très peu d’industries, sauf l’industrie du ciment et quelques grandes entreprises, y ont recours. Elles exercent leurs activités de surveillance en raison de la politique interne de l’entreprise. Aucune information quantitative n’est disponible qui permettrait de comprendre l’impact de la procédure et de la législation en vigueur. En raison de l’absence du contrôle de la conformité, les autorités environnementales encouragent une culture réglementaire en grande partie basée sur des négociations, la recherche d’un consensus et des approches volontaires. Même si l’impact de ces approches s’avère positif, une analyse qualitative a permis de conclure que les instruments et les ressources du système marocain de l’assurance de la conformité environnementale ont des chances limitées de produire des résultats concrets. L’approche actuelle relative à la conformité ne répond pas aux défis environnementaux, qui peuvent progressivement devenir des défis économiques et de développement.

AUTORITE A RENFORCER

Durant le processus des derniers changements institutionnels, le statut de l’autorité nationale en charge de l’environnement est passé de celui de ministère à celui de Secrétariat d’Etat, puis en département ministériel, entre autres,

au sein du ministère multidimensionnel de l’énergie, des mines, de l’eau et de l’environnement. Ainsi, la promotion de la protection environnementale et la gestion environnementale judicieuse relèvent d’un ministère ayant des intérêts divers et parfois concurrents. Au même moment, les plus hautes autorités du pays ont fermement donné la priorité à la protection de l’environnement et au développement durable. Par conséquent, les compétences du Département de l’environnement continuent de s’étendre. Cependant, l’exécution de certaines de ses fonctions, par exemple veiller à la protection de l’environnement ou promouvoir le développement durable dans divers secteurs, nécessite un statut approprié, celui qui lui garantirait une capacité plus large à initier et à faciliter la coopération interministérielle et intersectorielle. Le statut actuel de l’autorité nationale en charge de l’environnemental semble être inadéquat puisqu’il affaiblit la mise en application de la législation environnementale. De plus, malgré la hausse du nombre des projets gérés par le Département de l’environnement, des améliorations à long-terme dans la gestion et la protection de l’environnement nécessitent une élaboration judicieuse d’un cadre stratégique garantissant la continuité et la prévisibilité de la politique nationale environnementale tant sur le front national qu’international. Actuellement, la stratégie déclinée, bien qu’il s’agisse d’un document ontologique, ne peut remplacer une vision environnementale nationale cohérente et exhaustive. Il est évident donc que la discontinuité probable et le manque de prévisibilité dans les politiques dans un domaine crucial, tel que la politique de l’environnement, ne facilite pas la gestion ou la protection environnementale à long-terme. PERSPECTIVES MED

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ENVIRONNEMENT LA CHARTE NATIONALE DE L’ENVIRONNEMENT VUE PAR HAKIMA EL HAITE :

SERA-T-ON AU RENDEZ-VOUS EN 2016 ? Ca chauffe au ministère chargé de l’Environnement. La volonté de rattraper les retards est palpable et Hakima El Haite s’y active. Dans cet entretien, elle apporte des éclairages intéressants sur les chantiers opérationnels et/ ou prévus. Tout un programme !

PERSPECTIVES MED : QUELLE EVALUATION FAITESVOUS DU COUT DE LA DEGRADATION DE L’ENVIRONNEMENT AU MAR OC ? HAKIMA EL HAITE : L’étude réalisée en 2003 avec l’appui de la Banque mondiale et qui est en cours d’actualisation, a évalué que le coût de la dégradation de l’environnement (CDE) au niveau national était de l’ordre de 3,7% du PIB en se basant sur les données de l’an 2000. D’autres études ont été lancées récemment pour évaluer le coût de la dégradation de l’environnement au niveau des secteurs productifs. A titre d’exemple, le diagnostic environnemental de la production des huiles d’olives a confirmé que le problème majeur de la trituration des olives réside dans le rejet des margines. Elles sont sources de plus de 85% des dommages touchant principalement les domaines du sol et de l’eau et dont le coût s’élève à environ 12% de la valeur ajoutée du secteur, soit environ 66.4 millions de MAD par an. L’étude a également démontré qu’il est possible de résorber en majeure partie cet impact négatif en adoptant un système de production continu à 2 phases. Pour les tanneries, les coûts des dommages sont relativement élevés comparés à la production. Ils s’élèvent à environ 18.5% de la valeur 54

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ajoutée du sous-secteur, soit environ 36.5 MAD par an. COMMENT REPONDRE AUX PROBLEMATIQUES POSEES PAR LA GESTION TRANSVERSALE NOTAMMENT LES RISQUES DE DEFICIT D’HARMONIE DE L’ACTION PUBLIQUE? H.L.H : Le Maroc dispose d’une Stratégie Nationale de Développement Durable (SNDD), qui n’est pas une stratégie de plus, mais le fil rouge stratégique qui relie nos différents plans sectoriels les uns aux autres dans une perspective de durabilité et dans l’esprit de participation de tous. Cette stratégie est prévue par la Loi Cadre portant Charte Nationale de l’Environnement et du Développement Durable et devrait être mise en œuvre au niveau national dans un délai de 2 années ; soit en 2016. Les mesures prioritaires préconisées par la SNDD seront scellées dans un pacte de convergence dont la signature est prévue avant fin 2015. QU’EN EST-IL DE L’ETAT D’AVANCEMENT DES PROGRAMMES NATIONAUX DE MISE A NIVEAU ENVIRONNEMENTALE ? H.L.H :Plusieurs programmes phares ont été lancés. Le


Programme National des Déchets Ménagers (PNDM) qui dans sa nouvelle génération s’intitulerait plutôt programme national de valorisation des déchets solides. Aujourd’hui 77 décharges sauvages sont en cours de réhabilitation et concernent plus de 100 provinces et 20 centres de valorisations sont lancés ou en cours de travaux. Lancé en 2007 conjointement par le ministère chargé de l’Environnement et celui de l’Intérieur avec l’appui de la Banque Mondiale, ce programme permettra de professionnaliser la collecte, de valoriser les déchets en créant de nouveaux métiers, d’intégrer dans l’économie formelle plus de 50 000 personnes travaillant actuellement dans des conditions peu appropriées et éliminer les déchets sans impacts sur nos ressources et sur la santé de la population. Le Maroc avait défini lors de la conception de ce plan un objectif stratégique de valoriser 20% des déchets générés à l’horizon 2020. Nous avons augmenté les ambitions et pour certains centres nous sommes entrain de passer à 50% comme taux de valorisation. Demain nous espérons pouvoir éclairer certaines villes à partir de leurs propres déchets. Des filières de valorisation des déchets ont été lancées (batteries, pneus usés, huiles usagées, déchets plastiques agricoles, déchets d’équipements électriques et électroniques et déchets de papier-carton) et d’autres sont en cours. Pour toutes ces filières, nous avons légiféré en mettant en place le décret des déchets dangereux et le décret du mouvement transfrontalier des déchets, nous avons réglementé en mettant en place les procédures de traçabilité des déchets et de leur valorisation et d’évaluation de leur contribution à la diminution des gaz à effet de serre. Quant au Programme National d’assainissement Liquide (PNA), des efforts notoires ont été enregistrés au niveau de la prise en charge des rejets des eaux usées en milieu urbain et chaque année, nous connaissons une amélioration du taux de raccordement qui a atteint 73% et du taux de traitement qui sera de l’ordre de 50% après l’achèvement des travaux des stations de traitement en cours de réalisation contre 8% en 2005. Les eaux usées traitées à un stade avancé pour être réutilisées pour l’arrosage est actuellement de 24%. Déjà 61 STEP sont en cours de réalisation dont 14 avec le traitement tertiaire. Les réalisations en milieu urbain permettront d’atteindre les objectifs fixés pour ce programme à l’horizon 2020, soit 100% de taux de raccordement et d’épuration et 50% de volumes réutilisé.

Pour le milieu rural, un programme (PNAR) vient combler les retards d’assainissement en milieu rural. Il est une réalisation du ministère de l’Intérieur en collaboration avec le ministère chargé de l’Environnement, draine un investissement global durant la période 2015-2040 de près de 43 milliards DH au profit d’une population de 15 Millions d’habitants. Un plan d’action prioritaire a été mis en œuvre par le ministère de l’Environnement pour les années 2015-2016 et des projets d’assainissement de communes rurale névralgiques sur le plan environnemental (communes oasiennes) a été lancé. LA POLLUTION DE L’AIR ATTEINT DES SEUILS CRITIQUES (A TITRE D’EX : POUR LE DIOXYDE DE SOUFRE ON NOTE PLUSIEURS DEPASSEMENTS DE LA NORME ANNUELLE (20MG/M3 ) POUR LA PROTECTION DES ECOSYSTEMES DEPUIS 2004, LA NORME EN TERMES DE POUSSIERES (50MG/M3) A ETE EGALEMENT DEPASSEE DEPUIS 2003), QU’AVEZ-VOUS PREVU POUR INVERSER LA VAPEUR ? H.L.H :Le Maroc accorde de plus en plus une attention particulière aux problèmes de la pollution atmosphérique, due aux activités industrielles ou au trafic routier intense, à cause de son impact direct et dangereux sur la santé des populations, et en particulier sur les enfants. Pour remédier à cette situation, le gouvernement a pris des mesures de surveillance de la qualité de l’air, de renforcement de l’arsenal juridique et de réduction de la pollution de l’air. Parmi ces actions, on citera la réalisation des études de Cadastre des émissions atmosphériques au niveau des grandes villes. La disponibilité de ces cadastres décrivant la répartition spatiale et l’évolution temporelle des émissions atmosphériques constitue un outil d’informations primordiales pour caractériser la qualité de l’air, et contribuer à fixer les stratégies de lutte contre la pollution. Ces études comprennent la réalisation d’un inventaire des émissions atmosphériques, l’analyse des tendances d’évolution des émissions pour le moyen terme, l’évaluation de l’impact de ces tendances sur la santé des populations et l’élaboration d’un plan d’action, avec un échéancier d’exécution pour réduire la pollution atmosphérique provenant du transport et de l’activité industrielle. Les Régions concernées sont le Grand Casablanca, Tadla-Azilal, Fès-Boulmane, Gharb Chrarda Bni Hssen et les villes de Safi, El Jadida, Youssoufia, Tanger, Tétouan,

Rabat, Salé, Temara, Marrakech, Essaouira, Benslimane, Khouribgua et Settat. En matière de surveillance de la qualité de l’air, un réseau national de surveillance comptant 29 stations fixes a été mis en place par le ministère chargé de l’Environnement en collaboration avec la Fondation Mohammed VI pour la Protection de l’Environnement, le ministère de l’Intérieur et la Direction de la Métrologie Nationale. L’objectif de ce réseau est de mesurer, prévoir et informer le public, les autorités locales et les décideurs sur la qualité de l’air. Ces stations sont réparties sur les villes suivantes : Casablanca-Mohammedia (13), Rabat (1), Salé (1), Kénitra (1), El Jadida (2), Safi (1), Tanger (1), Fès (1), Marrakech (3), Agadir (1), Essaouira (1), Khouribga (1), Settat (1) et Benslimane (1). Le ministère a lancé, récemment, une étude permettant de mettre en place un système de modélisation au niveau national. Ce système permettra en effet de mieux connaître les interactions entre les émissions polluantes, les conditions météorologiques et les niveaux de pollution mesurés en zone urbaine ou rurale. Ce sont également des outils incontournables pour évaluer l’efficacité des politiques de réduction des émissions polluantes, par secteur d’activité ou par procédé industriel, la réalisation des

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ENVIRONNEMENT cartes de dispersion des polluants atmosphériques. Le ministère vient de mettre en place deux mesures importantes : la police de l’environnement et le laboratoire mobile de contrôle des émissions. Un projet national de transport propre est en cours de finalisation et sera proposé au chef du gouvernement. C’est un nouveau chantier et nous serons capables de vous en dire plus long d’ici l’année prochaine DES ETUDES ECO-EPIDEMIOLOGIQUES ONT MONTRE QU’A CASABLANCA, LA POLLUTION DE L’AIR CAUSE DES DÉGÂTS SANITAIRES. COLLABOREZ-VOUS AVEC LE DEPARTEMENT DE LA SANTE POUR RESOUDRE CES PROBLEMES? H.L.H :La mise en œuvre de la SNDD en milieu industriel et dans le transport, principales sources des émissions atmosphériques, et la réussite de la mise en œuvre du projet du parc automobile propre au niveau national permettront d’améliorer drastiquement les niveaux des émissions. Une première convention portant sur un projet de 80 MDH a été signée avec la préfecture de Nouacer pour le remplacement des taxis actuels par des véhicules propres. Le ministère y participe à hauteur de 50%.

TOUT UN ARSENAL JURIDIQUE ET RÉGLEMENTAIRE EST PROPULSÉ AUX DEVANTS DE LA SCÈNE POUR VEILLER À LA SAUVEGARDE DE L’ENVIRONNEMENT 56

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QU’AVEZ-VOUS PREVU POUR LIMITER LES REJETS INDUSTRIELS CONCENTREES SUR LE LITTORAL ? H.L.H :Le ministère chargé de l’Environnement est en cours d’activer la promulgation de la loi relative au littoral et la publication des valeurs limites des rejets indirects dans le réseau d’assainissement et dans l’océan. Des instruments économiques et financiers ont été mis en place pour accompagner les secteurs industriel et artisanal dans la mise a niveau environnemental afin de réduire les impacts négatifs sur l’environnement. Le Fonds de Dépollution Industrielle (FODEP) mis en place dans la cadre de la coopération Maroco-Allemande depuis 1998, est alimenté par un don du Gouvernement Allemand (KfW) de 240 MDH. Outre le Mécanisme Volontaire de Dépollution Industrielle Hydrique (MVDIH) mis en place dans le cadre du programme d’Appui au Programme National d’Assainissement Liquide (PNA) financé par un don de l’Union Européenne. Ce mécanisme est doté d’un budget de 110 MDH entre 2011 et 2015. Afin d’orienter le financement vers les zones sensibles et activités prioritaires, le fonctionnement de ce mécanisme passe à travers des comités régionaux présidés par les Agences du Bassin hydrauliques (ABH). Actuellement, 52 MDH ont été réservés dans le cadre de ce mécanisme pour le financement de 20 projets de dépollution industrielle Hydrique. Le budget restant sera utilisé pour la lutte contre la pollution industrielle notamment les margines des huileries d’olives. Pour ce qui est du secteur traditionnel et artisanal, 2 guichets ont été crées : un guichet potier qui subventionne à hauteur de 40 % l’acquisition des fours à gaz en remplacement des fours traditionnels et un guichet huilerie d’olive sans margine qui subventionne à hauteur de 40 % l’acquisition des systèmes de trituration écologique à 2 phases avec la mise en place d’un séchoir de grignon, afin d’éliminer à la source la pollution.


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ENVIRONNEMENT NÉGOCIATIONS CLIMATIQUES

LES FONDS DE LA BATAILLE… À quelques mois de la Cop 21, le Maroc a déposé sa contribution (INDC) comportant ses engagements auprès de l’ONU. Fort des réalisations accomplies en énergies renouvelables, Rabat entend se battre pour ramener le financement nécessaire à ses projets. Une tâche des plus difficiles au regard des enjeux économiques et politiques en lice.

A

près le fiasco des dernières conférences des parties entrant dans le cadre de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), celle qui devrait se tenir en décembre prochain à Paris s’avère particulière. Plus de 20 000 délégués de 195 pays feront le déplacement pour tenter, pour la énième fois, de parvenir à un accord global sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre et mettre en route une véritable politique mondiale de lutte contre le réchauffement climatique. Tâche difficile au vu des réticences d’une bonne partie des pays membres. En effet, au moment où tous les négociateurs devaient déposer leurs engagements auprès de l’ONU au plus tard à fin mai, seuls 39 pays, dont les 28 pays membres de l’Union européenne, ont déposé leurs contributions. Le Maroc figure dans cette short liste avec sa contribution nationale qui s’est fixée l’objectif très ambitieux de réduire à 32% ses

LE RENDEZ-VOUS DE LA COP-21, À PARIS PEUT ÊTRE MIS À PROFIT PAR LE MAROC

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émissions en 2030, notamment grâce à un appui financier international. Qualifiée officiellement d’ambitieuse, cette contribution a été taxée de « très optimiste», voire d’ « irréaliste » par des sources proches du dossier. Ces derniers estiment qu’il sera très difficile pour le Maroc de ramener les financements nécessaires. D’autant plus que le co-président de la conférence annuelle, en compagnie de l’Américain, Daniel Reifsnyder, n’est autre que l’algérien, Ahmed Djoghlaf, qui a, déjà, travaillé pour la branche de l’ONU traitant l’environnement (l’UNEP) et qui a l’habitude des négociations internationales.

OPTIMISME AVEUGLE ?

Lors d’une conférence nationale dédiée à la présentation de la contribution du Maroc aux efforts de lutte contre le changement climatique (INDC Maroc), organisée début juin 2015 à Skhirat, le projet marocain comporte plus de 54 projets nécessitant une enveloppe colossale devant s’élever à 45 milliards de dollars (Mrds $) pour son déploiement. Objectifs : réaliser en premier lieu une réduction de 13% des émissions de gaz à effet de serre en 2030 ; mais, également, une réduction


additionnelle de 19% conditionnelle tributaire d’un appui international, ce qui porterait la contribution du Maroc auxdits efforts à une réduction totale à 32% des émissions de gaz à effet de serre (GES) en 2030. Selon le document officiel de l’ « intended nationally determined contributions (INDC) », 10 milliards de dollars devront être assurés par l’État tandis que la «diplomatie climatique » marocaine lèvera les autres 35 Mrds $ auprès du Fonds vert pour le climat ainsi que les investisseurs étrangers présents lors de la Cop21. La ministre déléguée chargée de l’Environnement, Hakima Haiti, affirme avoir déjà «ramené » les fonds escomptés. « Ces 35 Mrds $ seront constitués d’une participation du Fonds vert mondial mais également d’une participation du secteur privé », assure-t-elle. «Sachez que lorsque vous investissez 1 $ dans les innovations et dans les énergies renouvelables, vous avez de l’autre côté 2 ou 3 $ qui viennent du privé », confie-t-elle. Donc, il ne s’agit pas de 35 Mrds $, il s’agit plutôt de ce montant divisé par trois, a-t-elle nuancé. « Ce sera autour de 3 milliards sur 10 ans, dont 1,5 milliard par an du fonds vert », précise-elle. Pour lever toute ambigüité, Mme Haiti, souligne que le Fonds verts pour le climat « va servir pour donner une partie comme levier » et puis « l’autre partie sera une participation du privé ». La ministre n’a pas manqué de mettre l’accent sur la différence existante entre « une technologie conventionnelle et une technologie sobre en carbone ». « La technologie sobre en carbone est encore plus chère donc il y a un gap de financement. C’est celui-là que l’on va aller chercher au fonds vert le reste viendra du privé et nous avons l’habitude à investir dans les énergies renouvelables grâce aux participations du secteur privé » a-elle conclu.

UNE GAGEURE OU UN SIMPLE DÉFI ? Qualifié « d’excellent et très agréable » par des sources proches qui s’interrogent sur le bien fondé d’un tel discours. Pour le géographe climatologue, Mohammed Saïd Karrouk explique qu’un distinguo est à faire entre deux niveaux en ce qui concerne les objectifs fixés par le pays dans ce cadre. Selon cet expert, la ministre parle de choses qui sont déjà planifiées et déjà réalisées ou en cours de réalisation, l’objectif initial (13% de réduction des GES en 2030) demeure à la portée. Et ce, du fait, que «cet objectif est celui du plus solaire marocain présenté en 2009 (…) et qui permettrait une diminution de 14% des émissions des GES à l’horizon 2020 grâce à la production de 2000 MW, dont 38% de ces projets étaient déjà réalisés en 2008 ». « Un gain réalisé comparativement à la production de

ce même niveau d’énergie avec des énergies fossiles », explique-t-il. C’est réalisable, selon lui, à condition que « le plan soit opérationnel en 2020 ». Point de nouveauté donc, le projet existant depuis 2009 et déjà présenté à la Cop 15 à Copenhague, « mais pas dans tous ces détails ». Pourtant, pour ce qui est des 19% additionnels dont parle Haiti et qui devront porter la contribution du Maroc à 32%, le spécialiste ne cache pas ses doutes. Parce que les investissements dont parle la ministre nécessitent, selon elle, un « transfert de technologie ». Chose qui provoque son ironie. « C’est de la folie d’entendre parler de transfert de technologie ! Les gens ne dépensent pas des milliards en « recherche et développement» pour avoir une technologie et puis la transférer ? », s’est-il exclamé avant de préciser qu’ «il peut y avoir un transfert technique, c’est-à-dire de la technicité et pas du tout de la technologie.» Et parce que «c’est un dossier très délicat et très complexe» puisqu’il s’agit de grands projets qui font saliver les investisseurs. Les Allemands ont le grand lot, mais les USA cherchent également leur part du gâteau, les Français aussi. Et il n’y a pas que ceux-ci, les Japonais et les Chinois ont aussi des visées sans oublier les pays du Golf qui sont déjà présents ou qui prévoient des partenariats avec le Maroc. En substance, l’expert résume en disant que «c’est un dossier très complexe, chacune des puissances économiques cherche sa part de gâteau », mais, le Maroc lui, conscient de ces considérations, comprend parfaitement ces enjeux et essaye de maîtriser ce dossier sur le plan interne ».

COP 22 LE MAROC PORTE LES DOLÉANCES DE L’AFRIQUE « L’aventure ne fait que commencer parce qu’il ne suffit pas de faire et de présenter des contributions, encore faut-il les mettre en œuvre et commencer à travailler dès aujourd’hui pour arriver à la Cop 22 qui sera organisée à Marrakech, en 2016, avec un agenda de solutions ». C’est ce qui découle de l’intervention de la ministre déléguée chargée de l’environnement, Hakima Haiti, lors de la présentation de la contribution du Maroc aux efforts de lutte contre le réchauffement climatique. Pour elle, les changements climatiques n’ont pas de frontières. Personne n’est épargné. On est de plus en plus vulnérable « mais si l’Afrique n’est pas au rendez-vous, les conséquences vont être encore plus désastreuses », insiste Haiti. La « Cop22 n’est pas celle du Maroc, mais plutôt celle de toute l’Afrique », rappelle-t-elle, en notant que « sous l’effet du réchauffement climatique, il y a eu une dégradation de 500 millions d’hectares dans le Continent, soit de quoi nourrir les 7 milliards de populations mondiales »,. Il y a de l’argent dans le Fonds vert, il faut donc se mobiliser pour arriver avec un inventaire d’actions sur les différents plans nationaux, a-elle-dit. Pourtant, pour atteindre ces objectifs « rêveurs », il va falloir que les pays pollueurs s’accordent à Paris de mettre des mesures d’atténuation. Ces dernières nécessitent au moins 1200 milliards de dollars par an !

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ENVIRONNEMENT ESPACES PROTÉGÉS

LE DILEMME ÉCONOMIQUE Alors que le Maroc a réalisé des progrès significatif dans l’élargissement de son réseau d’aires protégées et dans l’élaboration d’une série de plans, politiques et lois de gestion et réglementaires, l’état des lieux suggère que la pratique n’arrive pas à atteindre les cibles et objectifs fixés, avec des problèmes d’application et de mise en œuvre.

O

asis, montagnes, zones humides… Voilà autant de milieux naturels de grande valeur écologique qui distinguent le pays. Si certains de ces milieux, tels que les réserves naturelles et les parcs nationaux, bénéficient d’une protection légale, nombreux sont ceux qui en sont privés. En particulier, les écosystèmes fragiles, comme les oasis et zones de montagnes, soumis à diverses menaces, telles que la surexploitation des ressources naturelles, la perte de la surface végétale, l’ensablement, les inondations, les crues, les sécheresses, les érosions hydrique et éolienne, la salinité des sols. Des documents stratégiques reconnaissent l’ampleur du phénomène mais aussi admettent le vide juridique concernant la protection de ces milieux naturels. Parmi les menaces principales à la biodiversité, plusieurs semblent être intrinsèquement liées aux défis du développement socio-économique. En effet, les initiatives de

DE LOURDES MENACES PÈSENT TOUJOURS SUR LES MILIEUX VULNÉRABLES

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conservation qui n’arrivent pas à prendre en considération la dimension socio-économique à court et long-terme semblent avoir une faisabilité limitée. Il est difficile de convaincre les personnes de la nécessité de la conservation de la biodiversité lorsque leurs besoins essentiels de subsistance ne sont pas assurés et lorsque l’utilisation des ressources naturelles (de manière légale ou illégale) aide plus ou moins à alléger les contraintes. Bien des efforts sont déjà déployés pour intégrer les deux objectifs de la conservation et du développement socio-économique, l’investissement supplémentaire dans ce domaine est essentiel pour la conservation de certains types spécifiques d’écosystèmes comme la forêt. Cette dernière qui présente de nombreux atouts en rapport avec sa grande diversité biologique et son impact sur l’équilibre socio-économique du pays, commence déjà à se métamorphoser à cause de la sensibilité au climat, une vulnérabilité accentuée par des facteurs anthropiques notamment, le pastoralisme, le défrichement, les incendies…etc.


BILAN D’ETAPE

Afin de mesurer le chemin parcouru, mais également marquer un temps d’évaluation et d’analyses des potentiels et des fragilités des écosystèmes naturels face aux nombreux défis actuels et à venir, une réunion du Conseil National des Forêts a été tenue le 26 Mai 2015 à Ifrane. Présidé par le Haut-commissaire aux eaux et forêts et à la lutte contre la désertification (HCEFLCD), Abdeladim Lhafi, ce conseil a pour mission de réunir les éléments de définition de la politique du gouvernement en matière de développement économique des zones forestières et de parcours et étudier et proposer les moyens et les mesures intégrées de nature à promouvoir le développement des zones forestières et de leurs zones riveraines. Cette réunion a été consacrée à l’évaluation du bilan des réalisations du plan décennal 2005- 2014, ainsi qu’à la présentation des principales composantes du nouveau plan décennal 2015-2024. Plusieurs acquis s’ajoutent ainsi à l’actif du HCEFLCD lors de la décennie passée notamment dans le registre de la sécurisation foncière du domaine forestier, une amélioration substantielle a été enregistrée de la cadence de réalisation des différentes étapes de clarification du statut juridique du domaine forestier. Sur les 9 millions d’hectares du domaine forestier, seulement 2% de la superficie (240 000 ha) restent à délimiter. Sur le volet de la réhabilitation des écosystèmes forestiers, il a enregistré quant à lui une augmentation du rythme de la reconstitution des forêts avec 36.400 ha par an enregistrant ainsi une augmentation de la superficie forestière de 2%. Des actions de Lutte contre l’érosion hydrique ont permis le traitement de 100.000 m3 par an à travers la mise en œuvre de 86 projets intégrés dans 18 BV prioritaires au niveau de 40 provinces pour la lutte contre l’envasement des barrages et les risques d’inondations. Les actions de lutte contre l’ensablement ont connu un renforcement notable à travers notamment la fixation de 39.000 ha de dunes dans 18 provinces et la création de 7 ceintures vertes dans les provinces du sud. L’actualisation du Plan d’Action National de Lutte Contre la Désertification a permis, par ailleurs, d’assoir une plateforme territoriale et intersectorielle de référence pour la coordination de la lutte contre la désertification. Par ailleurs, d’autres actions ont été également réalisées pour assurer la conservation et la valorisation de la biodiversité, notamment la promulgation de la loi sur les aires protégées et la loi sur la CITES (Convention sur le commerce international des espèces

de faune et de flore sauvages), l’actualisation des lois sur la chasse et sur la pêche dans les eaux continentales ) la réhabilitation des habitats et la réintroduction de certaines espèces disparues dans leurs milieux naturels (faune saharienne). S’agissant des incendies de forêts, une réduction significative des superficies touchées a été notée (de 13 ha/incendie entre 1960 et 2003 à 5 ha/ incendie en 2013). Ceci grâce à l’élaboration et la mise en œuvre de dispositifs de prévention et de gestion des risques.

LA LUTTE CONTINUE Capitalisant sur ces acquis, le HCEFLCD a élaboré un nouveau Plan Décennal 2015-2024 qui adopte une vision basée sur trois dimensions de gestion durable des espaces naturels. Primo, la dimension temporelle qui adopte la prise en compte du temps écologique, largement supérieur aux autres temps (économique et électoral). Secundo, la dimension socioéconomique qui met l’élément humain au cœur de tout projet de développement et, tertio, la dimension proactive qui nécessite d’anticiper sur les nouveaux défis et enjeux relatifs aux facteurs naturels et humains, notamment les changements climatiques et l’évolution des besoins de développement. Ce nouveau plan décennal se décline en plusieurs objectifs dont le premier étant la lutte contre l’érosion hydrique et la dégradation des terres au niveau des bassins versants à travers la création de 2 millions de m3 de seuils de sédimentation et le reboisement de PERSPECTIVES MED

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ENVIRONNEMENT

L’ADHÉSION DES POPULATIONS AUX EFFORTS DE SAUVEGARDE DES MILIEUX FRAGILES RESTE LA MEILLEURE DÉMARCHE À PROMOUVOIR. 62

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190.000 hectares. Le 2ème objectif consiste en la lutte contre l’ensablement via la fixation de 8.000 ha de dunes littorales et continentales par des actions de lutte mécaniques et biologiques. Cette action permettra la protection de 240.000 ha de terrains directement menacés par l’ensablement et la protection de 120 Km d’infrastructures routières. Quant au 3ème objectif, il consiste en l’adaptation aux changements climatiques et la gestion des risques à travers l’aménagement et l’équipement des forêts pour une meilleure protection contre les incendies de forêts. Il s’agira aussi d’intensifier les opérations de reboisement ainsi que l’élaboration de modèles intégrés de gestion des territoires via des actions de reboisement sur 600.000 ha, des actions sylvicoles sur 300.000 ha et des études d’aménagement participatif sur 4,5 millions d’hectares. Le HCEFLCD s’engage aussi pour l’appui aux programmes de création des ceintures vertes sur 100.000 ha et l’accompagnement et le renforcement des plantations sur les domaines non forestiers via la distribution de 60 millions de plants forestiers. De même, pour ce qui est de la lutte contre les facteurs de dégradation des écosystèmes forestiers à travers la gestion participative des espaces pastoraux, l’amélioration des troupeaux (avec 300 associations pastorales et 50 groupements d’éleveurs) et la diminution de la pression sur la consommation du bois de feu. L’effort de conservation et de valorisation de la biodiversité sera aussi maintenu à travers la classification de 25 sites d’intérêt biologique et écologique selon la nouvelle loi sur les aires protégées, la création de comités de gestion et l’adoption de plans de gestion participative de ces aires protégées et enfin, le développement de l’activité éco-touristique. Le HCEFLCD compte aussi inverser la tendance de dégradation de la biodiversité à travers notamment l’inventaire et le suivi des espèces de faune et de flore menacées d’extinction et leur conservation in-situ et ex-situ, la mise en œuvre des plans opérationnels de réintroduction des espèces menacées dans leurs habitats naturels et la promotion de l’éducation environnementale. La finalisation de l’immatriculation foncière du domaine forestier en garantissant les droits des tiers et la valorisation des produits forestiers et des filières de production, le développement de l’investissement dans le secteur et le renforcement de l’économie sociale et solidaire sont aussi au menu de ce plan décennal. Enfin, pour assurer une meilleure mise en œuvre et application de ce plan, priorité est ainsi accordée à la bonne gouvernance et au développement de mécanismes spécifiques avec les partenaires.


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ENVIRONNEMENT RECHERCHE APPLIQUÉE PROMUE PAR L’IRESEN

L’ÉNERGIE RENOUVELABLE EN RÉSEAU L’Institut de Recherche en Energie Solaire et Energies Nouvelles (IRESEN) met la main à la poche pour booster la recherche appliquée dans le domaine des énergies renouvelables. Des appels à projets sont lancés et des actions en réseau sont menées pour garantir l’essor technologique local.

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omment permettre au pays de s’approprier le know-how nécessaire à l’émergence de solutions industrielles locales liées aux énergies renouvelables ? A l’IRESEN, on ne cultive point de mystère. Pour assurer le « déverrouillage » technologique, il faut d’abord garantir le financement de la recherche appliquée. Ainsi, un financement pouvant atteindre 5 MDH pour chaque projet et consortium est garanti par l’institution. La preuve, depuis 2012, l’IRESEN a lancé 8 appels à projets dans les thématiques du solaire thermique, du photovoltaïque, de l’éolien et de la biomasse en mobilisant une enveloppe budgétaire de plus de 150 MDH et en sélectionnant 33 projets innovants portés par des consortiums alliant universités et entreprises. On comprend dès lors comment une dynamique vertueuse a pu s’installer au sein de la communauté des chercheurs et étudiants dans le domaine des énergies renouvelables au Maroc. En effet, le nombre de projets soumis aux appels ad hoc augmente chaque année en impliquant de plus en plus de chercheurs et d’entreprises marocaines et étrangères. Ainsi, 4 ans après le démarrage de l’IRESEN, la barre de 200 MDH sera franchie en 2015. Voilà donc pour une insti-

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tution dédiée à la formation du capital humain à travers le soutien financier des travaux de recherche de plus de 280 doctorants, étudiants en master et ingénieurs sous l’encadrement de plus de 120 Enseignants-chercheurs marocains. En somme, il s’agit d’un réseau universitaire et industriel constituant une réelle force de frappe pour inventer et innover dans le domaine des énergies renouvelables et permettra de positionner effectivement le Maroc comme hub technologique au niveau régional. Et ce n’est pas que des vœux pieux ! En effet, l’appel à projet INNOTHERM 1, lancé en 2012, a permis la formation d’un consortium autour du projet CHAMS intégrant aussi bien l’équipe « Energétique et Energies renouvelables » de l’Ecole Nationale supérieure d’Arts et Métiers de Meknès, que la société INTER TRIDIM, spécialisée dans la construction métallique (Maroc) et le bureau d’études AQYLON (France). L’objectif étant de développer le premier champ solaire à concentration marocain de type Fresnel. Ce projet de R&D a été couronné par la réalisation de la première installation préindustrielle à concentration sur la plateforme de test, de recherche et de formation Green Energy Park à Benguérir. À moyen terme,


ce projet vise également l’exploitation du champ solaire dans diverses applications telles que la climatisation solaire. Le prototype en instance de validation permettra de concevoir un champ solaire à faible coût (moins de 1500 Dh/m2 contre un prix moyen variant entre 2500 et 3500 Dh/m²). ‘’COLDSUN’’ fait aussi partie des projets financés par l’Institut dans le cadre de l’appel à projet INNOTHERM III. Il permettra au même consortium de réaliser, dans deux ans, la première centrale solaire thermodynamique à caractère industriel de type similaire d’une puissance de 300 KW destinée spécialement à la climatisation. L’objet de l’étude est non seulement de dépasser les verrous technologiques, mais surtout de parvenir à concevoir une technologie solaire assimilable par le tissu industriel marocain. Et il en va de même pour l’unité de dessalement mobile et modulaire couplée à l’énergie solaire dans le cadre de « l’Inno-Therm » 1 et 2. L’installation a été fournie et installée par un consortium dénommé Aquasolar Maroc constitué des Centre National de l’Energie, des Sciences et Techniques Nucléaires, la Faculté des Sciences et Techniques, Errachidia - Université My Ismail Meknes, la Faculté des Sciences Ben M’sik, Université Hassan II Mohammedia-Casablanca, LSA INDUSTRIES, Tubes et Profils, FIMME et Plateforme Solaire d’Almeria PSA. Grâce aux résultats récoltés, il sera désormais possible de mettre en place des stations mobiles en container ou en shelter dans le but de répondre de façon rapide et efficace aux besoins en eau potable. Qui dit mieux !

L’IRESEN CONTRIBUE AU DÉVERROUILLAGE TECHNOLOGIQUE EN FINANÇANT UNE KYRIELLE DE PROJETS PORTEURS

Grand Casablanca

DÉPOLLUTION LIQUIDE TOTALE

Au cœur des enjeux nationaux de développement durable, le Système Anti-Pollution du littoral Est (SAP Est) du Grand Casablanca représente le plus grand investissement de la Gestion Déléguée au pays. Il permet à la métropole de jouir d’un taux de dépollution des eaux usées de 100%. Ce projet d’envergure qui a nécessité un investissement de 1,45 milliard de Dhs, traite 55% des eaux usées de la région du Grand Casablanca et permet d’intercepter les rejets directs d’eaux usées situés entre le port de Casablanca et la ville de Mohammedia, de les prétraiter à la station baptisée «Eaucéan» située à Sidi Bernoussi et de les écouler à travers un émissaire marin. Il complète ainsi le dispositif déjà mis en place dans la partie Ouest de la région (de Dar Bouazza à Casa Port) et qui traite 45% des eaux usées de Casablanca. Complexe et ambitieux, le SAP du littoral Est du Grand Casablanca, a nécessité l’utilisation d’une technologie de pointe. Il s’agit de la technique du «microtunnelier», une solution innovante adoptée pour la construction de galeries souterraines sans tranchée. Machine de creusement commandée à distance à partir d’une cabine au sol, le microtunnelier a été utilisé pour la réalisation du premier tronçon de l’émissaire (galerie souterraine), avec fonçage de tuyaux sur une distance de 1.050 mètres linéaires. Cette méthode, respectueuse de l’environnement, assure une meilleure sécurité, offre un gain de temps important et occasionne moins de gênes aux riverains et usagers de la voie publique. De plus, elle minimise le risque pour les bâtiments adjacents et est indépendante des conditions météorologiques. Grâce à ce grand projet, la population et le littoral du secteur Est de Casablanca sont désormais protégés de la pollution liquide due aux rejets d’eaux usées brutes dans la mer, notamment ceux des industriels. A présent, les habitants de cette zone disposent de plages propres avec des eaux de baignade conformes aux normes marocaines de salubrité. En préservant le littoral, ce projet contribuera à la réhabilitation urbaine de toute la côte Est de la ville, à travers l’embellissement et la revalorisation de la façade maritime et l’amélioration du cadre de vie des habitants. Le SAP Est permettra aussi le raccordement des eaux usées des nouvelles zones d’aménagement urbain sur les intercepteurs, ce qui évitera les rejets directs en mer. Enfin il est à noter que Lydec a reçu le 1er prix de la catégorie Responsabilité Sociale et Environnementale de l’Entreprise pour son projet du Système Anti-Pollution du littoral Est.

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ENVIRONNEMENT RECYCLAGE DES DÉCHETS

L’INFORMEL FAIT L’AFFAIRE Chaque Marocain génère en moyenne plus de 0,76 kg de déchets par jour. D’énormes quantités de matériaux sont « perdues » ! Et pourtant, plastiques, métaux, verre, papiers, cartons… sont, partout dans le monde, récupérés et réutilisés pour la fabrication de nouveaux produits. Une pratique qui relève encore ici-bas presque du domaine du concept !

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ourquoi le recyclage ? La réponse est simple: à mesure que la consommation augmente, les déchets suivent.D’où la réutilisation partielle ou totale des matériaux qui composent les produits usés pour en fabriquer d’autres. Ce qui génère moins de pression et sur la nature et sur les matières premières. Dans ce sillage, une prise de conscience tardive à ce niveau a eu lieu au Maroc. Un plan national de valorisation des déchets (PNVD) a été lancé sans pour autant arriver à des résultats probants. Intitulé auparavant « Plan national de gestion des déchets solides (PNDM) », celui-ci, révisé en 2012, comptait donner plus d’ampleur à la valorisation des déchets. Trois ans après son lancement on peut dire que tout est resté, ou presque, en plan ! Les réalisations sont loin d’être satisfaisantes. La valorisation sur laquelle insiste la tutelle est restée essentiellement informelle. Constituant une véritable filière, dont la structure est à peu près complète allant de la récupération dans les poubelles jusqu’à l’industrie de recyclage, le « tri-récupération »qui constitue un modèle de l’informel fait l’affaire.En l’absence de centres de tri sélectif moderne, les chiffonniers et ramasseurs anarchiques s’en chargent, dans des conditions de travail insalubres et très difficiles aussi bien sur le plan sanitaire que sur le plan technique. Pendant ce temps, il y a lieu de souligner que l’attention qui a été accordée à cette filière, qui représente un véritable gisement, n’est pas du tout la résultante de soucis écologique. Bien au contraire, elle est due essentiellement au potentiel financier qu’elle représente. En effet, considérant que la récupération informelle les prive de recettes importantes, les gestionnaires de la chose locale ont commencé à s’intéresser à cette manne financière. Notons in fine, que le PNVD, qui table sur la création de 50 000 à 70 000 emplois avec un 66

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taux de recyclage de 20% d’ici à 2022, n’arrive toujours pas à atteindre les 10 % de recyclage, en 2015, fixé dans son ancienne version. Le seul petit bémol que l’on peut mettre en avant sur ce plan est que ledit programme a déjà essayé d’expérimenter l’insertion sociale d’un échantillon de fouineurs récupérateurs des poubelles. Les résultats de cette action, qui a profité à près de 154 ramasseurs de déchets, devraient être élargis au profit de 20 000 personnes. Les actions-pilotes devant permettre le développement de la « tri-recyclage-valorisation» se déploient très lentement.

GRAND CASABLANCA STRUCTURE PILOTE À SIDI BERNOUSSI Un premier centre de tri et de recyclage des déchets (CTRD) n’a vu le jour qu’en juin 2014 à Sidi Bernoussi à Casablanca. Cette opération-pilote de tri sélectif vise 7 quartiers relevant des arrondissements Sidi Bernoussi et Sidi Moumen. Le budget global alloué à ce centre, dont la superficie s’élève à 2 600 m2, est de l’ordre de 9,4 MDH, dont 3,82 financés par l’INDH. La nouvelle structure, composée notamment d’une plateforme pour le tri, le recyclage et la valorisation des déchets ménagers et assimilés, de chambres froides pour les déchets organiques, ainsi que des blocs sanitaires (…) devrait recevoir dans un premier temps 60 à 70 tonnes de déchets ménagers et assimilés qui ont déjà subi un tri sélectif à l’amont au niveau des ménages. C’est au niveau de ces derniers que réside la grosse difficulté. Les initiateurs de ce projet devraient harmoniser leurs actions pour pouvoir opérer un changement effectif du comportement de milliers casablancais. Le tri doit désormais devenir un geste systémique. Dans ce dessein, des actions de sensibilisation deviennent primordiales. Atteindre l’objectif escompté repose en premier lieu sur le comportement des citoyens. Ces derniers se doivent d’être à l’origine du premier geste dans la boucle du recyclage étant donné que le tri sélectif est l’élément de base de tout le processus. C’est dans ce cadre que des éco-kiosques ont été implantés dans les quartiers cibles. Cette initiative louable devrait être étendue sur le reste des préfectures de Casablanca.


RECHERCHE PÉTROLIÈRE

IMPÉRATIF DURABLE Catalyseur de l’exploration minière et pétrolière, l’ONHYM a réussi à dynamiser l’exploration pétrolière dans divers bassins. Pas moins de 32 sociétés s’y activent (contre 10 en 2000). Pour autant, la responsabilité environnementale n’a pas été laissée de coté.

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éduire l’impact des activités de l’exploration sur l’environnement est un objectif majeur. L’ONHYM, de par sa vocation, se porte garant du respect de la législation et la réglementation environnementale en vigueur (Loi n°21-90). En témoigne la mise en place de la responsabilité sociale (RSE) par la prise en compte, sur une base volontaire, les préoccupations sociales et environnementales dans ses activités et dans leurs interactions avec les autres acteurs «parties prenantes». La stratégie mise en place vise la réduction de l’impact sur l’environnement des activités d’exploration et d’exploitation pétrolière pour prévenir la pollution, préserver les écosystèmes et protéger l’environnement. Elle veille aussi à l’application du principe de précaution, l’utilisation des meilleures pratiques environnementales et le cas échéant, le rétablissement des sites en cas de préjudice. Un ensemble de mesures de protection de l’environnement est mis en place pour minimiser l’impact des travaux d’exploitation et de la production pétrolière et atténuer tout effet négatif sur l’environnement. L’ONHYM veille à ce que des actions RSE soient mises en œuvre par ses partenaires conformément aux standards et aux bonnes pratiques de l’industrie pétrolière et minière. Que ce soit en «onshore » ou en offshore, les partenaires de l’Office disposent de procédures QSE respectant les normes et standards internationaux. Plus, ils sont tenus de réaliser des études d’impact sur l’environnement, avant d’entamer leurs travaux qui permettent de quantifier les effets potentiels de chaque projet sur l’environnement. Une deuxième étape consiste à déterminer les moyens techniques pour les réduire, voire

les prévenir ; Chaque compagnie pétrolière dispose d’une politique de gestion du risque environnemental. L’application d’un référentiel de sécurité par chaque compagnie pétrolière opérant au Maroc reste la norme en vigueur. Kosmos et Chevron représentent même des modèles dans le cadre de la contribution des entreprises aux enjeux du développement durable au Maroc dans le respect de la législation et des conventions collectives. Les deux opérateurs ont adopté depuis quelques années, et en collaboration étroite avec le gouvernement marocain, l’ONHYM, et les différents représentants de la société civile, un processus destiné à intégrer les préoccupations en matière sociale, environnementale, éthique, dans leurs activités d’exploration. Plusieurs projets structurants ont vu le jour dans différentes régions tels la réhabilitation et renforcement des infrastructures scolaires à Boujdour, en collaboration avec l’association « Haut Atlas », la prévention des maladies, la sensibilisation aux pratiques d’assainissement et d’hygiène, le financement des coopératives de pêche au bénéfice des femmes à Sidi Ifni et Sidi Abed… Agadir, Taghazout, Essaouira et Dakhla ont bénéficié de programmes de formation en faveur des populations vivant de la pêche, de l’agriculture et du tourisme. En outre, Kosmos et Chevron sont partenaires dans le cadre du programme « Morocco Capacity Advancement Partnership», destiné à développer et financer des programmes solides de formation à travers trois domaines : l’industrie du pétrole et du gaz, le développement économique et la santé. PERSPECTIVES MED

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MARCHÉS MARCHÉ BOURSIER

LA CHUTE CONTINUE

A

APRÈS UNE HAUSSE DE 6,8% AU PREMIER TRIMESTRE, L’INDICE DE RÉFÉRENCE A ACCUSÉ UNE BAISSE DE 5,4% AU MOIS DE MAI, RAMENANT SA PERFORMANCE SUR LES 5 PREMIERS MOIS DE L’ANNÉE À 0,9%. LE VOLUME DES TRANSACTIONS A ATTEINT 16 MILLIARDS DE DIRHAMS, CONTRE 16,5 MILLIARDS UNE ANNÉE AUPARAVANT.

LA PLACE DE CASABLANCA AFFICHE UNE PETITE MINE. LES INDICATEURS NE SONT PAS AU VERT, BIEN AU CONTRAIRE …

Par: Abou Marwa

près les vents encourageants du premier trimestre 2015, la voilure du MASI a accusé le coup dans un marché atone où des baisses respectives de 3,2% et de 2,3% avaient ponctué les mois d’avril et mai. Par secteur, l’indice a connu un repli de 4,3% après une hausse de 16,1% pour les « bâtiments et matériaux de construction », une baisse de 3,8% après un accroissement de 6,5% pour les « banques» et une diminution de 12,1% après une progression de 16,9% pour les « télécommunications ». Pour le secteur immobilier, il a enregistré une nouvelle baisse de 3,5% après celle de 15,5% un trimestre auparavant. Comme en témoignent les titres Alliances et Addoha qui ont chuté respectivement de 23,6% et 3,2%. Au-delà de l’immobilier, d’autres capitalisations phares ont vu leurs cours chuter comme Attijariwafa bank qui a reculé de 1,5% ou encore la Centrale Laitière de 20%. Idem pour Maroc Telecom qui a vu son cours se contracter de 4,1%. De l’autre côté, le cours de certaines valeurs a progressé, ce qui a permis au Masi de se maintenir. C’est le cas de Lafarge et Ciments du Maroc dont le cours a augmenté de 9%, Residences Dar Saada qui s’est apprécié de 4% ou encore Brasseries du Maroc avec une performance mensuelle de 6%. La capitalisation boursière, s’est inscrite en hausse de 1,8% à 487,3 milliards, portant son ratio au PIB à 51%. Dans ces conditions, le Price Earnings Ratio s’est établi à fin mai à 19,8 après 19,2 à fin décembre 2014 et le Price to Book Ratio s’est légèrement déprécié à 2,38. Concernant le volume des transactions, il est revenu de 3,9 milliards de dirhams en moyenne au premier trimestre 2015 à 2,2 milliards durant les mois d’avril et mai. Il s’est ainsi établi à 16,0 milliards de dirhams depuis le début de l’année après 16,5 milliards durant la même période de l’année précédente. Le marché central a drainé 67% du montant échangé, soit 10,7 milliards.

DES EMISSIONS DE TITRES EN BAISSE

Les émissions des titres de créances négociables ont totalisé 3,8 milliards de dirhams en avril après une moyenne de 4,5 milliards au T1 2015 et de 5,5 milliards en 2014, avec des taux en hausse pour les bons de sociétés de financement et en baisse pour les billets de trésorerie. Pour les certificats de dé PERSPECTIVES MED

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pôts, les levées ont atteint 1,9 milliard de dirhams après une moyenne de 2,9 milliards un trimestre auparavant et ont été effectuées avec des taux variant entre 2,8% et 3,75% après une fourchette entre 2,52% et 3,93% au cours du premier trimestre. Les émissions des bons de sociétés de financement ont, quant à elles, totalisé 455 MDH après une moyenne de 337 assorties des taux allant de 3,57% à 3,99% au lieu de 3,09% à 4%. De même, les souscriptions des billets de trésorerie ont enregistré une hausse de 200 MDH à 1,4 milliard et leur taux ont varié entre 3% et 4,8% après un intervalle de 3% à 5,75%. Tenant compte des remboursements d’un montant de 5,3 milliards de dirhams, l’encours des autres titres de créances négociables s’est établi à 68,2 milliards de dirhams, en baisse de 7% par rapport à fin décembre. Le marché obligataire n’a connu aucune émission durant le mois d’avril, après des levées de 2,8 milliards au premier trimestre 2015 contre 4 milliards durant la même période une année auparavant. Ainsi, l’encours s’est établi à 96,9 milliards, en augmentation de 1,3% par rapport à fin décembre. Pour ce qui est des souscriptions aux titres d’OPCVM, et selon les données arrêtées au 15 mai 2015, ces souscriptions sont ressorties en baisse, enregistrant une moyenne mensuelle de 44,7 milliards de dirhams après celle de 63,8 milliards un trimestre auparavant. Dans le même sens, les rachats se sont chiffrés à 47,2 milliards en moyenne mensuelle contre 61,9 milliards. Pour ce qui est de l’indice de performance des fonds OPCVM, il s’est déprécié de 1% par rapport au trimestre précédent. Dans ces conditions, l’actif net des OPCVM valorisé à fin mai, a atteint 304,6 milliards de dirhams en baisse de 2,1% d’un trimestre à l’autre. Par

EN CIBLANT LE CRÉNEAU PME/PMI, C’EST LA LIQUIDITÉ DU MARCHÉ QUI EST VISÉE. UN MARCHÉ EN PANNE DE NOUVEAUX «PAPIERS» 70

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catégorie d’OPCVM, l’actif net a régressé de 1,3% pour les fonds obligataires, de 3,1% pour ceux monétaires et de 5% pour les fonds actions.

UN PAS DE PLUS POUR LES PME

Les Petites et moyennes entreprises suscitent l’intérêt de la place casablancaise. Un accord a été signé entre l’Agence nationale pour la promotion de la petite et moyenne entreprise (ANPME), l’Association professionnelle des sociétés de Bourse (APSB) et la Bourse de Casablanca qui devrait ouvrir aux PME la voie du marché financier pour le soutien de leur développement et croissance. Il s’agira de mettre en place un écosystème financier complet, regroupant l’ensemble des acteurs du marché. Voilà qui permettra d’élargir la base de PME éligibles au financement via le marché des capitaux ce qui, sur le long terme, participera au développement de l’économie nationale en renforçant le rôle central que jouent les PME dans ce développement. Selon les termes de cet accord, les trois institutions se sont engagées à élaborer une syndication plus large des actions des différents intervenants dans le champ de la PME en fédérant les compétences et les moyens de chaque partie pour la mise en place d’un cadre stimulant et attractif pour le développement d’une nouvelle génération de PME plus compétitives et mieux intégrées au marché. La prochaine étape consistera en la mise en place, conjointe, d’un cadre pour la réalisation d’une étude permettant la définition d’une formule incitative au financement des PME via le marché financier national.


BCP

LE TEXTILE INVESTI SNI

DEUX FEMMES AU SOMMET Le Conseil d’administration d’Inwi a nommé Nadia Fassi Fehri en tant que PDG de l’opérateur télécom alors que quelques jours plus tôt, Noufissa Kessar a été promue au poste de Directeur Exécutif. Ainsi, dans le cadre de la nouvelle stratégie dessinée par Mounir El Majidi président de Siger, la SNI poursuit son évolution en ouvrant aux femmes les portes de son top management et en valorisant les compétences internes les plus méritantes. Nadia Fassi Fehri qui assurera le rôle de CEO opérationnel d’Inwi, a gravi un à un tous les échelons du groupe SNI. DG du Groupe FC Media, présent dans l’affichage publicitaire, l’édition et la communication digitale au Maroc, c’est en 1996 qu’elle rejoint le groupe ONA en qualité d’ingénieur dans la filiale minière du groupe, Managem. Noufissa Kessar a de son côté été diplômée de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, et a débuté sa carrière professionnelle en tant qu’Ingénieur cadre à la Direction de l’organisation du groupe Nestlé en Suisse. Rentrée au Maroc en 1990, elle intègre la Banque Commerciale du Maroc, pour ensuite participer à la création d’Attijari Finances Corp., filiale du groupe bancaire dont elle deviendra également CEO. Chargée de créer la Direction des financements structurés au sein du groupe Attijariwafa bank, elle interviendra durant 6 ans en lead-arranger sur des opérations d’envergure dans des secteurs émergents.

LE GROUPE BEL ACCROÎT SA PRÉSENCE AU MAROC EN SIGNANT UN ACCORD AVEC SAFILAIT, LE TROISIÈME LAITIER LOCAL, EN VUE DE L’ACQUISITION DE 69,82 % DE SON CAPITAL.. CONNU POUR SES MARQUES « LA VACHE QUI RIT », « LES ENFANTS » OU ENCORE « KIRI», BEL EST PRÉSENT AU MAROC DEPUIS LES ANNÉES 1970. IL A UNE USINE DE PRODUCTION À TANGER ET UNE FILIALE À CASABLANCA DEPUIS QUARANTE ANS. EN METTANT LA MAIN SUR SAFILAIT, BEL SAFILAIT VA POUVOIR ÉLARGIR SON OFFRE, BEL TOUT COMME SAFILAIT. CETTE SE RENFORCE DERNIÈRE PRODUIT DU LAIT FRAIS ET DES PRODUITS LAITIERS, SOUS LA MARQUE JIBAL. ELLE FABRIQUE UNE GAMME TRÈS COMPLÈTE DE YAOURTS, FROMAGES FRAIS, CRÈMES GLACÉES, BOISSONS LACTÉES, JUS DE FRUITS, PÂTES MOLLES ET FROMAGE FONDU. SAFILAIT REVENDIQUE UN CHIFFRE D’AFFAIRES DE 880 MDH EN 2014.

La banque centrale Populaire (BCP) et l’Association marocaine des industries du textile et de l’habillement (AMITH) viennent de signer un accord de coopération visant l’accompagnement et le soutien des écosystèmes du textile à travers des financements et des prestations à forte valeur ajoutée. Cet accord vise à renforcer le soutien de la BCP en faveur des écosystèmes du textile et permettre au secteur d’amorcer un tournant significatif en matière de création d’emplois, d’accroissement des exportations et de dynamisation de la création des TPE et des PME. L’accord porte aussi sur la mise en place de solutions concrètes et innovantes pour répondre aux préoccupations majeures des opérateurs du secteur du textile en termes d’investissement, de renforcement des fonds propres, d’optimisation de la trésorerie et de développement à l’international.

BMCI

NOUVELLE PRÉSIDENCE Jaouad Hamri qui avait quitté l’Office des changes le 24 avril dernier après l’avoir dirigé depuis 2010, vient d’être nommé le12 juin comme nouveau président du conseil de surveillance de la BMCI et de la fondation BMCI, succédant ainsi à Mourad Cherif qui a démissionné. Au côté de J. Hamri, de nouveaux membres ont également été nommés au sein du CS, dont Abderrahim Bouazza, Janie Letrot (ex Maroc Telecom), Yves Martrenchar et Dounia Taarji (ex CFG et CDVM). Le mandat de tous les membres composant le conseil prendra fin à l’issue de l’exercice de 2017.

4G

LA BATAILLE EST LANCÉE La guerre de la data est déclarée. Après le lancement par Méditel, filiale du groupe télécom Orange du service 4G sur les villes de Casablanca et Rabat, Inwi a annoncé le lancement de sa 4G le 17 juin 2015, accessible d’entrée de jeu dans 21 villes du pays, ainsi que sur l’autoroute Casablanca- Rabat et l’aéroport Mohammed V. L’Offre de la 4G par Inwi est gratuite jusqu’à un certain niveau d’utilisation. Au-delà, l’usager devra payer 50 DH pour 4 Gigaoctets pour un mois. Pour Méditel, l’offre est gratuite pour le moment mais les clients de l’opérateur devront changer leur puce pour une autre qui permet la 4G pour 30 Dhs. Du côté de Maroc Telecom, la 4G est annoncée « pour bientôt ». PERSPECTIVES MED

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MARCHÉS OCP

BON DÉMARRAGE

Au terme du 1er trimestre 2015, l’Office chérifien affiche une amélioration de ses indicateurs d’activité. Sur le plan commercial, l’OCP performe avec un chiffre d’affaires de 10 912 M Dhs, en hausse de 27,4% grâce à une appréciation aussi bien des volumes vendus que des prix. En effet, les engrais vendus enregistrent une amélioration de 4% à 1,2 millions de tonnes vendues au T1-2015. Pour sa part, l’EBITDA s’est apprécié à 3 947 M Dhs, en hausse de 84,4%. Ainsi, la marge d’EBITDA est de 36,2% au T1-2015, contre 25,0% au T1-2014. Cette croissance significative des marges est attribuable à la réduction des coûts opératoires via l’apport du slurry pipeline. Dans ces conditions, le résultat opérationnel au T1-2015 s’élève à 3 252 M Dhs, en hausse de 92,3%. D’ou une marge opérationnelle de 29,8% (Vs. 19,7% un an auparavant). Pour sa part, le cash-flow opérationnel ajusté est de 2 432 MDhs au T1-2015, contre 1 819 M Dhs une année auparavant.

L’OCP EST REVIGORÉ PAR UNE MAITRISE DES COÛTS ET UNE REPRISE DES VENTES

CIMR RÉSULTAT EN HAUSSE

Au terme de l’année 2014, la Caisse Interprofessionnelle Marocaine de Retraite –CIMR-, affiche des performances commerciales et financières marquées par une légère baisse du nombre des entreprises adhérentes à 5 870 contre 5 965 en 2013, la hausse de 3,8% des actifs cotisants net des sorties à 315 595 (dont 224 790 hommes et 90 805 femmes), l’amélioration des pensions servies ainsi que l’augmentation de 1,6% du nombre des allocataires à 153 123, et enfin l’appréciation de 12,43% des réserves globales à 35 961 M Dhs. Au volet actuariel, la CIMR a enregistré une progression de 3% des engagements nets non couvert par les cotisations futures ni par le fonds existant à 46,6 MDH. Dans ce sillage, le taux de préfinancement et le taux de couverture se fixent respectivement à 68,1% (contre 67,2% en 2013) et à 39,9% (contre 37,8% en 2013). Enfin, en termes de bénéfices, le résultat de gestion ressort en nette amélioration de 12,1% à 3 974,8 MDH en 2014.

ALLIANCES RESTRUCTURATION EN MARCHE !

Le Groupe Alliances vient d’annoncer, avec l’appui d’une banque conseil internationale, avoir mené

des discussions avec l’ensemble de ses partenaires financiers pour agréer les modalités précises de son plan de restructuration. Dans ce sens, des protocoles d’accord ont été signés avec 3 banques importantes dans le but de désendetter le Groupe, reprofiler l’assiette, réduire les taux d’intérêts sur ses dettes restantes, augmenter ses liquidités, et ce à travers plusieurs leviers, dont un programme de cessions d’actifs permettant au Groupe de rembourser la dette et de dégager des liquidités. Par ailleurs, des discussions avec 3 autres institutions financières seraient en bonne voie dans le respect des principes du plan de restructuration, et devraient se concrétiser par la signature de protocoles. Le Groupe estime le taux d’avancement actuel de son plan de restructuration autour de 60%. Et la finalisation de l’ensemble de ces protocoles permettra au Groupe Alliances de compléter son plan de restructuration et son business plan sur la période 2015-2017. 72

PERSPECTIVES MED


LESIEUR CRISTAL

NOUVEAU CAP

Dans le cadre de son plan de développement industriel CAP 2018, le Groupe LESIEUR CRISTAL entend améliorer ses process industriel et opérationnel tout en poursuivant sa stratégie de lancement de produits innovants. En effet, pour l’activité de raffinage des huiles, le Groupe compte mobiliser une enveloppe de 77,5 M Dhs sur les 4 prochaines années, dont 22 M Dhs en 2015, 18,5 M Dhs en 2016, 17 M Dhs en 2017 et 10 M Dhs en 2018. Ce financement devrait servir à soutenir la politique de marque d’huiles de table et à améliorer le processus industriel et opérationnel via la création de deux nouvelles stations de livraison de clients industriels et de formulation des huiles. Pour le segment de la fabrication de savons et autres produits d’hygiène, la filiale marocaine du Groupe AVRIL compte investir 90 MDH sur les 4 prochaines années, dont 15,8 MDH en 2015. Cette enveloppe serait principalement consacrée à l’acquisition d’une nouvelle ligne de séchage pour le savon de ménage, au réaménagement de l’atelier savonnerie ainsi qu’à la mise à niveau de la saponification. L’investissement servirait aussi au financement des innovations prévues notamment dans la gamme TAOUS (savon liquide et gel douche) et au développement du produit de lessive EL KEF pour machine. Enfin et sur le plan énergétique, l’entreprise a investi dans la biomasse à partir de la combustion des grignons d’olive. A cet effet, le complexe industriel d’Ain Harrouda, alimenté aujourd’hui à 60%, devrait fonctionner à 100% de biomasse à l’horizon 2018.

Le CDVM vient de viser en date du 4 juin 2015 la note d’information relative à l’Offre Publique de Retrait -OPR- visant les titres CGI à l’initiative de la société CDG DEVELOPPEMENT. Dans le cadre de cette opération, aucun seuil de renonciation à l’offre n’est prévu par l’Initiateur. CDG DEVELOPPEMENT s’engage, en effet, à acquérir de manière ferme et irrévocable la totalité des actions apportées par les actionnaires minoritaires de CGI dans le cadre de l’OPR. En vue d’assurer le financement de cette OPR, CDG DEVELOPPEMENT devrait contracter, auprès de la CDG, un prêt d’un montant maximal de 2,5 Mrds Dhs destiné exclusivement à financer la présente opération. Rappelons que cette opération fait suite à la demande formulée par le ministre de l’Economie et des Finances. Décision qui intervient dans un contexte où il existe une volonté d’infléchir les orientations stratégiques de la CGI.

CGI

VISA DU CDVM POUR L’OPR LYDEC A OBTENUE POUR LA DEUXIÈME ANNÉE CONSÉCUTIVE LA CERTIFICATION SMI (SYSTÈME DE MANAGEMENT INTÉGRÉ) ET QSST (QUALITÉ SANTÉ ET SÉCURITÉ MANAGEMENT PRIMÉ AU TRAVAIL), SELON LES NORMES ISO 9001 ET OHSAS 18001. POUR 2015, LE DÉLÉGATAIRE A AJOUTÉ À SON PALMARÈS DEUX NOUVELLES CERTIFICATIONS POUR LA STATION D’ÉPURATION DES EAUX USÉES DE MÉDIOUNA ET LE LABORATOIRE D’ANALYSE DES EAUX LABLEMA.

LYDEC

EIBC

DESTINATION RABAT L’EIBC (Export-Import Bank of China) vient d’inaugurer à Rabat son premier bureau de représentation dans le Royaume qui constitue le 2ème établissement d’outremer de l’EIBC en Afrique, juste après le bureau de représentation pour l’Afrique Australe et de l’Est, situé à Johannesburg, en Afrique du Sud. Dans ce sens, le Bureau de représentation à Rabat va fournir ses services financiers au Maroc ainsi qu’à 25 autres pays d’Afrique du Nord, de l’Ouest et d’Afrique centrale. En effet, la Banque d’exportation et d’importation de Chine souhaiterait, via cette nouvelle plate-forme financière, compte renforcer les liaisons avec les clients locaux et les gouvernements des pays emprunteurs, consolider et élargir ses parts de marché, et intensifier la supervision transfrontalière et la prévention contre les risques pour ses projets en Afrique. PERSPECTIVES MED

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TRENDS SORENTO SE RELANCE SUR LES GREENS

LE SWING PARFAIT DE KIA...

I

GÉNÉRALEMENT, UN 4X4 SUR LES GREENS FAIT DÉSORDRE. LES AFICIONADOS DU GOLF NE TOLÈRENT PAS PLUS QUE LES KADDIES ET VOITURETTES ÉLECTRIQUES. MAIS KIA A VOULU FRAPPER FORT EN DÉVOILANT LE SORENTO À MAZAGAN. EN Y SPONSORISANT, AU GRAND BONHEUR DES GOLFEURS, UN 24 HEURES NON STOP.

C’EST L’OPTION “PREMIUM” QUI EST MISE EN SCÈNE AVEC LE “SORENTO”. DE QUOI COUPER L’HERBE SOUS LE PIED DES CONCURRENTS 74

PERSPECTIVES MED

Par : A.E.M.

l ne faut surtout pas vous y méprendre en évoquant Kia au Maroc. La marque est décidée à se relancer vaille que vaille et multiplie les actions pour réoccuper le haut du pavé. Un peu plus de 6 mois après avoir battu le pavé via sa « Kia Expo », renouant ainsi avec une clientèle laissée en rade.le Top Management de Kia Motors Bin Omeir Group (KMBG) était aux petits soins des compétiteurs sur le green de Mazagan. Mais aussi pour les représentants des médias appelés en renfort pour le déballage du nouveau Sorento. C’est comme pour rappeler aux sceptiques que le représentant de la marque coréenne n’entend plus se laisser conter en renouant avec les succès d’antan. Et un des meilleurs vecteurs marketing n’est autre que le sport pour assurer la dynamique d’une marque. Surtout que Kia est une marque indissociable du sport en général, foot, tennis et golf étant les disciplines de choix sur lesquels le constructeur a jeté son dévolu. Un convoi de Sorento, rutilantes, était de la partie. Au grand bonheur des journalistes habitués aux essais dynamiques. Nouveauté, là aussi, des caméras embarqués sur les 4x4 empruntés le temps de faire ronronner la mécanique sur les pistes qui jouxtent le complexe touristique où le casino a ses habitués. Sain est le comportement de ce nouveau SUV, y compris en off road, Un argument qui pourrait rassurer quant aux projections de vente établies, entre 200 et 250 unités par an. Pour rassurer la clientèle, il fallait frapper fort. Et il faut croire que le top management mesure la portée de son swing. D’abord, en faisant en sorte que la marque soit associée à un sport select qui se démocratise. Ensuite, en offrant un SUV qui ne manque ni de caractère, ni de qualités intrinsèques. Le Sorento, de 3ème génération SVP, aura bénéficié d’une attention particulière de la part du constructeur. Avec un reprofilage


aérodynamique et généreux qui ne laisse pas indifférent, sa silhouette un tantinet « musclée », comme le souligne le « Tiger Nose » de la calandre, expire une prétention à la sportivité, digne de tout SUV qui se respecte. Il faut bien soutenir la concurrence qui fait rage dans le segment. A bord, les petits soins ergonomiques ne laissent de marbre ni conducteur, ni passagers. Telle est le reflexe « Premium » dont est doté un habitacle, assure-t-on, « 7 places », fractionnables, sans altérer les volumes du chargement, un nouveau compartiment de rangement ayant été intégré au plancher du coffre. Et le plus, tient en une conception de l’habitacle en largeur et dans un style moderne, voire exclusif. Une des réussites du produit réside dans son interface utilisateur où les dernières technologies HMI (Interface Homme-Machine) ont été adoptées. La sérénité est logée, elle, sous le caport, avec un groupe motopropulseur de 2,2l diesel «Euro 5 ». Ce sont 200 chevaux qui ébranlent le SUV pour une consommation mixte de 5,7 l/100 km. Le ticket d’entrée dans le club Sorento démarre à 369.000 Dh, boîte manuelle à 4 roues motrices. Mais Kia n’est pas avare en offrant 4 niveaux de finition pour ceux qui cherchent l’exclusif.

Marché

ÇA DÉCÉLÈRE !

S

elon les statistiques de l’Association des importateurs de véhicules au Maroc (AIVAM), les ventes automobiles ont baissé de 0,8% à fin mai 2015 pour s’établir à 51 452 unités. Par catégorie, les ventes des voitures particulières (VP) se sont établies à 46 553 unités contre 46 744 unités une année auparavant, soit un recul de 0,4%. Par marque, DACIA maintient sa position en tête du peloton avec 14 745 unités (tous types confondus) confortée par la marque au losange avec 4 927 importées montées, faisant que le Groupe RENAULT détient une part de marché de 38,23%. La marque coréenne HYUNDAI occupe le 3ème rang avec 4 366 unités, soit une PDM de 8,49%. FORD garde, quant à elle, sa 4ème place au classement avec 4 203 unités soit une PDM de 8,17%. La marque PEUGEOT chute à la 6ème position au profit de FIAT qui se repositionne en 5ème place avec 3 818 véhicules vendus, soit une PDM de 7,42%. S’agissant des ventes des véhicules utilitaires légers (VUL), elles se sont repliées de 4,4% à 4 899 unités. Cette contreperformance est due à un tassement des ventes Nissan (-73,9% à 17 unités), Citroën (-56,4% à 58 véhicules) et Peugeot (-49,9% à 168 voitures). Pour le seul mois de mai, les ventes ressortent à 10 576 unités en recul de 11,6% comparativement à avril 2015 et de 30,3% en glissement annuel, consécutivement à la non récurrence de l’effet AUTO EXPO, salon organisé il y a un an. PERSPECTIVES MED

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TRENDS FORD

LE RELAIS MAROC F

ord Motor Company étend ses opérations en Afrique du Nord avec un nouveau bureau de vente régional à Casablanca et un bureau d’achat à Tanger. Le constructeur US compte introduire sept nouveaux véhicules cette année sur le marché d’Afrique du Nord, des introductions qui passeraient par Casablanca, et envisage de doubler la quantité des pièces achetées auprès de ses fournisseurs en Afrique du Nord. Le réseau des fournisseurs automobiles, en constante progression dans la région, notamment au Maroc, fournira entre autres des pièces à l’usine d’assemblage de Ford à Valence, en Espagne, réalisée avec un investissement de 2,3 milliards d’Euros. “Afin de soutenir le développement de notre production à Valence, la quantité de pièces Ford provenant notamment du Maroc augmentera de manière exponentielle », a déclaré Kalyana Sivagnama, Directeur de Ford Afrique du Nord et Moyen orient. Cela se traduit par « des milliers d’emplois indirects et des investissements de plusieurs millions de dollars.” Pour sa part, M. Bouhdoud, ministre délégué auprès du ministre de l’Industrie, assurait à l’occasion que le Maroc possède tous les atouts : d’excellentes infrastructures, un sens aigu des affaires, des ressources humaines qualifiées, un réseau de sous-traitance automobile de qualité mondiale, un positionnement stratégique et une stratégie industrielle ambitieuse. Des qualités confirmées par le directeur de Ford MENA qui s’est déclaré « très heureux » d’associer le Maroc afin d’étendre les opérations de Ford en Afrique du Nord. Ces entités développées peuvent actuellement produire 450.000 véhicules par an et elles sont suffisamment flexibles pour permettre un ajustement des volumes entre les six plaques signalétiques assemblées : Mondeo, Kuga, S-MAX, Galaxy, Tourneo Connect et Transit Connect. Les entités fabriquent actuellement des wagons Fusion, des cinq portes et des quatre portes parmi lesquelles les modèles Fusion hybride, Kuga SUV, Transit Connect (VUL) et Tourneo Connect pour les personnes actives. Récemment, les

EXIT LA 918 SPYDER INSPIRATION PORSCHE La dernière Porsche 918 Spyder est sortie des ateliers de Stuttgart-Zuffenhausen. Toutefois, le legs n’est pas éteint pour autant pour ce fleuron technologique. La 918 Spyder a été entièrement pensée et développée pour être une voiture hybride rechargeable ultra-performante. Dès son lancement sur le marché fin 2013, la 918 Spyder s’est inscrite dans la plus pure tradition des supersportives signées Porsche. Source d’inspiration, « la 918 Spyder est incontournable pour le développement des voitures de sport de demain», assure-t-on. Son concept de motorisation, qui associe un moteur thermique haute performance à deux moteurs électriques, en constitue indéniablement « l’aspect technique le plus abouti », estime le constructeur. La Porsche 918 Spyder peut convertir bien plus d’énergie cinétique en énergie électrique que les autres voitures hybrides, indique-t-on. La conception du système de récupération d’énergie est semblable à celui qui équipe les prototypes LMP1 919 Hybrid, qui ont valu à Porsche un impressionnant doublé aux dernières 24 Heures du Mans. Caisse monocoque en carbone, aérodynamique variable, roues arrière directrices adaptatives, voilà autant de prouesses d’un bijou qui incarne les valeurs de la marque. Avec ses 887 ch et environ 3 l/100 km, la 918 Spyder consomme moins de carburant que la plupart des citadines en cycle européen. 76

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KIA

WIDADI CORÉEN

DIX ANS APRÈS SON PREMIER PARTENARIAT, KIA REDEVIENT PARTENAIRE DU CLUB MYTHIQUE CASABLANCAIS WAC, CHAMPION DU MAROC 2015. EN SIGNANT LE 4 JUIN LE entités ont commencé la production des nouveaux S-MAX et Galaxy (monospaces) ainsi que la Fusion. Le responsable communication du groupe Ford pour la région Mena, Trevor C. Hale, a précisé que le constructeur compte actuellement «cinq principaux fournisseurs» au Maroc, pour la fabrication de volants, housses de siège et câblages. A ce niveau, les plateformes commerciales de Casablanca et Tanger vont permettre de tripler les approvisionnements de Ford au Maroc afin d’y atteindre jusqu’à 600 millions d’euros pour combler la demande émanant des usines du sud de l’Europe. “Le volet le plus important de cette expansion va consister à apporter aux consommateurs les véhicules qu’ils veulent et à donner plus de valeur aux marchés à travers l’Afrique du Nord”, a déclaré Sivagnama. Du côté marocain, le ministre a souligné que « la présence d’un constructeur de cette renommée impactera de manière positive et significative » l’économie marocaine et surtout permettra au Maroc de s’affirmer sur l’échiquier automobile mondial. C’est chose faite par PSA aussi…

SALON DE L’AUTO D’OCCASION

UNE PREMIÈRE RÉUSSIE La 1ère édition du salon dédiée à l’Auto d’Occasion s’est tenue du 6 au 14 juin 2015 à la Foire Internationale de Casablanca et a connu un succès remarquable allant au-delà même des espérances de l’organisateur Actif Events et de ses partenaires. Attirant une quarantaine d’exposants et une affluence de plus de 52.000 visiteurs tout au long des 9 jours avec des pics de 8.000 à 10.000 visiteurs durant les weekends, le Salon a généré des ventes de près de 500 véhicules. Cette édition fondatrice promet de susciter davantage d’intérêt à l’avenir, notamment auprès des concessionnaires qui s’engagent de plus en plus dans la reprise de véhicules contre l’achat du neuf. Des offres de services tels que l’assurance, le crédit, la maintenance et les accessoires ont également complété et enrichi cet évènement.

PROTOCOLE D’ACCORD, LES DIRIGEANTS DES DEUX PARTENAIRES, SAÏD NACIRI (WAC) ET JAMAL SAHL (KIA), ONT DÉCLINÉ LES GRANDES LIGNES DE LEURS ENGAGEMENTS. LE CONTRAT QUI PORTE SUR CINQ SAISONS POUR UN TOTAL DE 15 MDH PERMET À KIA D’ÊTRE LE SPONSOR AUTOMOBILE OFFICIEL ET EXCLUSIF DU CLUB. TOUT EN ÉTANT SPONSOR DE L’ÉQUIPE SÉNIOR DU WYDAD, KIA SERA PAR AILLEURS LE PARTENAIRE OFFICIEL DE L’ÉCOLE DE FOOTBALL DU CLUB, ACTANT AINSI SON ENGAGEMENT POUR LA FORMATION DES JEUNES ET L’ÉCLOSION DE NOUVEAUX TALENTS. KIA EST OFFICIELLEMENT LE TROISIÈME GRAND PARTENAIRE À S’ASSOCIER AVEC LE WYDAD CASABLANCA APRÈS INGELEC ET ETIHAD AIRWAYS.

SMEIA/BMW L’OCCASION PREMIUM Smeia vient de lancer l’activité Voitures d’Occasion BMW au Maroc. Il s’agit d’une offre intégrée comprenant vente des voitures neuves, reprises, vente des voitures d’occasion, Service AprèsVente et pièces de rechange. L’objectif est de promouvoir l’activité de la reprise pour accompagner le développement des ventes de voitures neuves et la vente des voitures d’occasion BMW dans les meilleures conditions qui soient. En matière d’occasion, le BMW Premium Sélection qui est une offre de reprise de voitures dont l’âge et le kilométrage ne dépassent pas 5 ans ou 120,000 km, qui doivent être conformes au standard du label (contrôles mécaniques et esthétiques exhaustifs et rigoureux, l’historique complet et kilométrage sont aussi contrôlés et garantis), pour bénéficier de la garantie constructeur de 12 mois. Ces véhicules seront exposés dans un showroom d’une superficie de 700m² sur une superficie globale de 1800 m², dédiés aux voitures BMW Premium Sélection. L’aire de stockage des voitures d’occasion serait de 1100m². Le Service technique des BMW Premium Sélection et des voitures d’occasion sera assuré sur place et présente aussi l’image conforme aux standards de la marque. Le cout de cette installation est de 18 MDH et confirme l’engagement de Smeia à développer davantage son activité automobile au pays. PERSPECTIVES MED

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TRENDS PSA

C’EST ACTÉ !

C

e n’est plus Tanger Med qui tient la vedette automobile mais bien la capitale du Gharb en quête d’un renouveau industriel. En effet, c’est sur Kénitra que le constructeur français PSA compte ouvrir une usine en vue de répondre aux besoins du marché maghrébin mais aussi africain. Annoncé officiellement le 19 juin, l’investissement consenti sera de 557 millions d’euros, dont un apport de la CDG estimé à 5 %, outre la mise à disposition du terrain nécessaire pour l’installation du constructeur. Le démarrage des travaux de terrassement est d’ores et déjà programmé début 2016. Ce site industriel devrait disposer dans un premier temps d’une capacité de près de 90 000 unités mais qui pourrait atteindre les 200 000 unités à l’horizon 2023 si la demande suit. Ce site accueillera également un atelier d’assemblage de moteurs, d’une capacité de 90 000 unités. PSA entend s’approvisionner en composants et pièces à 60 % sur place à l’ouverture, puis faire progresser ce taux à 80 % à moyen terme. Dans un premier temps, la production marocaine devrait se concentrer sur de petits véhicules de segment B et C comme la C1, la 301 ou la C-Elysée, le best-seller chinois. Pour le constructeur français, l’Afrique représente un relais de croissance intéressant à l’heure où le marché russe s’effondre et que les difficultés au Brésil se multiplient. Selon les estimations du constructeur, les ventes de voitures neuves dans cette région devraient grimper à 8 millions de véhicules en 2025, contre 5 millions aujourd’hui. Et pour pouvoir être compétitif sur le continent, PSA compte sur les salaires très bas dans son usine de Kenitra à faible taux de robotisation. A la clé, pas moins de 4 500 emplois directs et 20 000 emplois indirects sont prévus. De plus pour les 80 % de la production marocaine qui sera destinée à l’export, PSA jouira d’importantes exemptions fiscales et douanières. Un problème de « taille critique » se pose néanmoins pour le constructeur français. Le marché ciblé par les 100.000 véhicules, seuil minimal de rentabilité de toute usine de montage, est-il disponible ? L’Algérie, marché de proximité par excellence, reste fermé face aux exportations marocaines. Valeur aujourd’hui au moins. Si la zone nord-africaine pose des problèmes de commercialisation, à moins que l’Egypte ne soit l’exception à la règle, le nouveau site de production n’aurait d’intérêt que si le Maroc agirait comme une plate-forme pour le partenaire chinois, Dongfeng Motors, qui lorgne le marché africain qui, lui aussi, pourrait participer à l’investissement. Mais là aussi, la maturité du marché n’est toujours pas en vue, le marché africain étant considéré comme un marché de l’occasion par excellence.

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LE CHAOS RELIGIEUX GESTION DU CHAMP RELIGIEUX En France, la question de l’Islam prend de plus en plus d’ampleur depuis les attentats de janvier dernier. Forçant l’Etat, de tradition laïque, à chercher à dégager une solution à l’équation musulmane en France dont les termes basculent entre affirmation identitaire et basculement djihadiste. L’objectif étant d’immuniser la France contre l’instabilité que traverse l’espace arabo-musulman, une instabilité qui force l’armée française à s’impliquer aussi bien sur le sol, comme dans l’espace sahélien, qu’en l’air, contre le djihadisme qui sévit en Irak. Comment dès lors gérer autrement le champ religieux?

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CULTURE LA COMMUNAUTÉ MUSULMANE EN FRANCE ÉCARTELÉE

L’ISLAM DES CAVES !

Par : Lamia Mahfoud

Une première en France : la nouvelle instance de dialogue avec l’islam va se tenir à la veille de Ramadan. Le ministre de l’Intérieur multiplie rencontres et consultations pour discuter de la place de l’Islam en France.

P

lace Beauvau, Bernard Cazeneuve continue à labourer le champ religieux, l’Islam, cette « religion immigrée » naguère étant devenue « 2ème religion de France ». Cet intérêt revêt un caractère stratégique pour le ministère de l’Intérieur en charge des questions du culte. Surtout depuis les attentats contre « Charlie Hebdo » qui ont remis sous les feux de la rampe « l’islamisme radical » qui n’a point épargné un pays réputé pour sa laïcité, la France étant devenu un exportateur net de djihadiste. Alors que ses troupes combattent les milices d’Al-Qaida au Sahel et son aviation s’est jointe à la coalition internationale montée sous la houlette US pour barrer la route au groupe djihadiste hyper actif en Mésopothamie. B. Cazeneuve multiplie donc les rencontres avec les représentants de la communauté musulmane vivant en France. Celle qui a transcendé « l’Islam des caves », géré par des Imams qui officiaient dans les mosquées des foyers pour basculer dans « l’Islam riche » des mosquées rutilantes et des prêches cathodiques enflammés aux…pétrodollars. Il vient de recevoir une trentaine de Français de confession musulmane, des quadras majoritairement, parmi lesquels une douzaine de femmes. Ordre du jour, discuter des dossiers liés à l’islam. Le plaidoyer du ministre qui se base sur les piliers de l’inclusion des « enfants de la république » donne déjà u avant-goût de la rencontre programmée autour du « dialogue avec l’islam ». Telle est la démarche voulue par le gouvernement qui, pour la première fois, réunit à la mi-juin, la nouvelle instance de dialogue avec l’islam incluant le Conseil français du culte musulman (CFCM). A la veille du mois sacré de Ramadan, ce que les commentateurs affublent déjà du qualificatif de « sommet de l’islam de France » rassemblera plus de 150 personnalités issues du monde musulman français pour aborder des dossiers qui vont des actes antimusulmans jusqu’aux financements du culte. Déjà, un avant-goût des débats passionnés a du alerter le ministre lorsque le CFCM a

été ouvertement critiqué. «Au bout de cinq mandats, il n’a résolu aucun des problèmes qui concernent le culte musulman. Rien n’a bougé», s’est-on entendu dire. Une telle charge n’a pas réussi à démonter le ministre qui pense que « le CFCM a fait de son mieux», tout en reconnaissant aussi une «responsabilité de l’Etat» dans le fait que les dossiers n’aient pas suffisamment avancé. A propos du financement du culte ou des constructions de mosquées, le ministre estime qu’il faut «mettre des règles pour assurer la transparence». Plaidant pour une laïcité elle aussi «inclusive», il s’insurge qu’on l’invoque à tort et à travers, comme pour interdire les repas de substitution dans les cantines scolaires. Jouant la partition de l’apaisement, le ministre regrette l’instrumentalisation de questions liées à l’islam «pour alimenter les polémiques» politiques. B. Cazeneuve qui n’est clairement pas favorable à l’interdiction du voile dans les universités reste évasif sur la question de l’accompagnement des sorties scolaires par les mères voilées. A ses yeux, il s’agit d’un «prosélytisme à l’école» qui ne saurait être toléré par la République. De quoi alimenter, sans doute, d’autres polémiques. Surtout que la vision de l’islam comme possible frein à l’« intégration » des immigrés et de leurs descendants s’impose d’autant plus facilement auprès des fonctionnaires gouvernants de l’Intérieur que celle-ci rentre en écho avec les réactions que suscite au même moment, chez les services de renseignements, la montée en puissance de l’islam politique oppositionnel au Maghreb. Une conviction qui s’est forgée chez nombre d’analystes qui se sont intéressés à cet « islam de France ». Avec les risques que fait courir Daech, il faut croire que les officines françaises « ne s’intéressent pas à l’islam en tant que culte, mais à l’islam comme vecteur de politisation, voire de radicalisation.» Le dossier reste brûlant à l’heure où les alertes se multiplient quant au retour des djihadistes au bercail…

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CULTURE L’ISLAM DE FRANCE VU PAR BERNARD GODARD

L’IMPRIMATUR WAHHABITE EST RÉELLE Par : A.E.M.

La question de l’Islam et de la communauté musulmane obnubile la France. Rien de plus normal au regard de la dangerosité des répercussions du djihadisme dans le pays des Lumières où la laïcité relève du principe intangible. La scène politique, comme son pendant médiatique, semblent partagées autour de la gestion la mieux appropriée de la chose cultuelle. Le débat est loin d’être clos, comme l’attestent le foisonnement éditoral qui entoure une problématique des plus complexes.

PERSPECTIVES MED : POURQUOI AVOIR CHOISI DE VOUS LANCER DANS LA MÊLÉE DE L’ISLAM EN FRANCE À L’HEURE OÙ LA GESTION SÉCURITAIRE DE CETTE DONNE COMPLEXE LE DISPUTE À L’ISLAMOPHOBIE? BERNARD GODARD : J’ai écrit ce livre pour plusieurs raisons : j’ai été en charge pendant de nombreuses années des relations avec le culte musulman au sein du petit service qui s’occupe des relations avec les cultes en général au sein du ministère de l’Intérieur. Le Bureau central des cultes est un service qui n’est en rien relié aux services de sécurité. Il répond à l’obligation de l’Etat (Art 1 de la loi du 9 décembre 1905) d’assurer le libre exercice du culte. Après cette expérience, je pensais utile de transmettre tout ce que j’avais pu observer. Deuxièmement, j’étais vraiment irrité par la tournure que prenait le débat autour de l’islam, en particulier le blocage entre deux visions, celle d’une laïcité de moins en moins ou-

LA GESTION DE LA CHOSE RELIGIEUSE EN FRANCE DOIT RESTER FRANÇAISE

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verte à l’évolution du monde qui est instrumentalisée par tout un courant identitaire qui va de l’extrême droite à la gauche traditionnelle, d’une part, et un même mouvement identitaire chez certains musulmans, qui joue de la victimisation et du complotisme (qui peut pousser au pire des dérives), d’autre part.

Si vous convenez que l’Islam en France est pluriel, comment évaluez-vous l’agitation autour de la communauté musulmane de France de plusieurs intérêts bien divergents: Maroc/Algérie, Egypte/Pays du Golfe, Turquie/Iran? B.G : Il est impossible de détacher les musulmans d’Europe d’une culture d’origine. Il est tout à fait normal que cette dernière continue à irriguer la conception de la religion. Je commente ainsi les liens des Turcs avec le pays d’origine (y compris pour les générations issues de l’immigration) ou les Marocains. Mais le fait diasporique, le rapport dialectique entre un pays et des membres d’une communauté expatriée, même depuis de nombreuses années doit être conçu comme une sorte «d’union libre». La diaspora est libre de ses choix, elle ne doit en aucune manière subir une pression de la part de ces pays d’origine. Or, il faut reconnaître que


ce n’est pas forcément le cas. Cette pression est essentiellement le fait du Maroc et de l’Algérie. Pour l’heure, même si une pression interne peut exister de la part de l’organe de direction des affaires cultuelles turques sur les mosquées en France, rien ne transparaît à ce stade. Paradoxalement, c’est le lancement du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) en 2003 qui a mis en exergue cette pression. Le Maroc par exemple s’est réellement intéressé à «sa» communauté et s’est engagé dans la constitution d’une structure nationale musulmane «marocaine» en France. De la même manière pour l’Algérie qui a structuré un réseau qui, il est vrai, était déjà mal en point. Bien sûr, cela n’a pu se faire sans le volontarisme de certains responsables cultuels d’origine marocaine vivant en France. Mais on a vu apparaître des antagonismes algéro-marocains, qui, même s’ils pouvaient être latents auparavant ne revêtaient pas une telle envergure. En outre, les enjeux politiques marocains telle l’arrivée au gouvernement du PJD ont pu de manière indirecte influer sur la vie de ces fédérations «marocaines». Cela n’est pas souhaitable. Les contextes égyptiens et iraniens ne jouent aucun rôle au sein de l’islam de France. Même si les Frères Musulmans sont présents au travers de l’UOIF, ces derniers maintiennent une certaine étanchéité entre le contexte international et la situation française, comme par exemple au moment de la démission forcée de Morsi et de la répression contre le mouvement qui s’en est suivie. L’Iran, même s’il a suscité quelques inquiétudes dans les années 1980, ne joue plus de rôle du tout au sein de l’islam de France. Il y a quelques communautés chiites ça et là, mais ça reste très marginal. Enfin, il y a un financement des mosquées épisodique des pays du Golfe comme le Koweit, le Qatar ou l’Arabie Saoudite. Il ne faut pas le surestimer. Cela concerne surtout les grandes mosquées qui représentent que 8% du total des édifices du culte musulman. En outre, aucune de ces mosquées ne subit des pression pour professer un type d’islam littéraliste ou laisser la parole à des imams qui seraient envoyés. En revanche, l’influence wahhabite est réelle quand on voit l’importance déterminante des oulemas de Médine ou de La Mecque au sein de la mouvance salafiste. Ainsi, la production vendue dans les librairies islamiques est de plus en plus majoritairement salafiste, donc financée par l’Arabie saoudite.

COMMENT JUGULER LE PÉRIL TERRO-

RISTE EN FRANCE À L’HEURE OÙ DAECH EST TENTÉ PAR LE DÉMEMBREMENT DE L’ESPACE ARABE ET QU’AL-QAIDA RENAIT DE SES CENDRES ? B.G : La question du traitement de la radicalisation de jeunes musulmans est devenue une question nationale en 2014 quand des familles se sont mobilisées pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur le départ de leurs enfants en Syrie pour accomplir leur «Jihad». La France a été confrontée depuis plus longtemps au terrorisme (1986) de type islamiste. Mais là la réponse essentiellement sécuritaire ne suffit plus. C’est une partie de toute une génération qui est touchée. Sur le plan de la prévention, il faut «déconstruire» tout l’arsenal mis en oeuvre par les recruteurs. En dépit de la sauvagerie et de la barbarie de Daesh, on a pu avoir l’impression qu’aucun argument ne pouvait décourager les apprentis «djihadistes». Le problème est pluridimensionnel : il y a une donne sociale et familiale indéniable (fragilités adolescentes, situations familiales déstructurantes, relégation des quartiers), des pathologies qui peuvent prendre de l’ampleur après un passage en prison, une donne qui nous ramène au religieux également. Mais cette variable doit être remise dans un contexte : le retour à la foi, en particulier pour les non musulmans qui se convertissent à l’islam se fait de manière complètement erratique. Comme l’a très bien démontré Olivier Roy ( La Sainte ignorance), toute religion détachée d’un environnement culturel, est asséchante et pousse au littéralisme. C’est exactement le cas de ces jeunes, c’est à dire une connaissance très primitive voire simpliste des sentiers de la foi alliée à une quête éperdue de sens. Mais peut-être que la chose la plus importante, qui se situe à la croisée de toutes ces données, réside dans le cocktail explosif constitué par la victimisation et le complotisme. C’est par là que s’introduit la référence au contexte géopolitique : on convainc ces jeunes qu’ils sont des victimes d’un complot mondial en tant que musulmans ( oppression des musulmans des Philippines à la Palestine à l’extérieur, oppression au travers des vexations pour les «soeurs» musulmanes, affirmation d’une laïcité «anti-musulmane» dont la défense du blasphème à l’intérieur). Tout cela contribue à cette radicalisation et doit être traité point par point. En ce qui concerne le danger terroriste, cela reste de la compétence des services de renseignement et je n’ai aucune qualité pour

avoir un avis dessus.

BIEN DES PENSEURS ARABES QUI ONT USÉ LES BANCS DES UNIVERSITÉS EN FRANCE ONT TENTÉ DE RÉFORMER LE CHAMP RELIGIEUX EN S’ATTAQUANT AU DOGMATISME, SOURCE DE TOUTES LES DÉVIANCES. ESTIMEZ-VOUS QU’UNE TELLE ENTREPRISE, RARE IL FAUT LE DIRE, EST LA VOIE DU SALUT? B.G : Jusqu’au début des années 2000 existait encore l’idée de la nécessité pour la France d’être la promotrice d’un islam mondial «des lumières». Des personnalités telles que Mohamed Arkoun ou Jacques Bercque l’appelaient de leurs voeux. Cela provenait de la grande tradition orientaliste française qui a eu ses figures. Aujourd’hui, pour penser l’islam en France ou en Europe, il faut faire un vrai travail pratique sur «comment se vivre comme musulman en Europe ou en Amérique», c’est à dire comment penser le dogme à la lumière de la sécularisation et de la liberté totale du culte, telle qu’elles existent dans ces pays. C’est une véritable révolution qui doit s’accomplir. L’islam européen ne peut pas être l’islam marocain ou indonésien. Pour ce faire, il faut avoir recours à tous ces jeunes chercheurs musulmans qui ont étudié dans les universités de Cambridge Tübingen ou de l’EPHE (Ecole pratique des hautes études de Paris), ainsi qu’aux jeunes imams français qui ont parfois «bricolé» leurs réponses au vaste public qui les sollicite tous les jours. En attendant la «voie du salut» c’est de l’échange fécond entre ce futur islam «occidental» avec les autres islams du monde entier que peut émerger une solution.

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CULTURE INTÉGRATION RELIGIEUSE

DÉRIVES ET AMALGAMES

Propos recueillis par A.E.M.

PERSPECTIVES MED : QUELS SONT LES AXES DE VOS RECHERCHES ?

ENSEIGNANT-CHERCHEUR EN SCIENCES SOCIALES ET JURIDIQUES RATTACHÉ AU LABORATOIRE DE LEHESS LE CADIS, RACHID RAHAOUI QUI ENSEIGNE À L’UPJV ET À SAINTE SOPHIE, NOURRIT UNE RÉFLEXION ASSEZ SINGULIÈRE VIS-À-VIS DU « FAIT MUSULMAN » EN FRANCE. LES JUGEMENTS À L’EMPORTE-PIÈCES ET LES AMALGAMES SONT FINEMENT ANALYSÉS DANS SES ESSAIS, COMME DANS SES INTERVENTIONS. DANS L’ENTRETIEN QUE NOUS REPRODUISONS CI-APRÈS, NOMBRE D’INTERPELLATIONS SONT MONTÉES EN ÉPINGLE ET AUTANT D’ÉVIDENCES SONT DÉCORTIQUÉES. EN SOMME, UN PROCESSUS DE DÉ-TRICOTAGE DES PLUS ÉDIFIANTS.

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RACHID RAHAOUI : Mes axes de recherches sont divers et variés. Les principaux tournent autour du militantisme et du fait religieux islamique. J’ai publié nombre de livres là-dessus. Le principal, publié en 2006, porte sur la question de « L’islam des jeunes : entre la normalisation et la contestation. Les ambigüités de la confrontation du mouvement musulman et du tissu institutionnel ». Dans un autre essai, je me suis penché sur le militantisme des enseignants « Politisation et syndicalisation chez les enseignants du secondaire ». Enfin, deux autres livres portant respectivement sur la formation des jeunes migrants ou issus de l’immigration « Minorités culturelles et rapport à l’université de masse : L’auto formation, subjectivités individuelles ou motivations collectives ? » et sur le « Regard projectif sur une rupture prévisible : Les jeunes Français issus de l’immigration ». Ajoutez à cela bien d’autres publications dans des revues scientifiques ou dans la presse…

EN AYANT QUITTÉ LE MAROC À UN ÂGE PRÉCOCE, COMMENT AVEZ-VOUS VÉCU L’INTÉGRATION EN FRANCE? R.R : L’intégration ? Déjà il faut définir ce que l’on entend par ce concept « d’intégration » ! S’intégrer à quoi ? Sémantiquement, je n’aime pas trop ce concept, car il est utilisé à tort et à travers, sans savoir à quoi vraiment ce concept peut renvoyer. Cependant, ce concept me fait penser directement à celui de l’identité. Et les obsessions contemporaines sur la question de « l’identité » sont une façon apparemment neutre de questionner nos appartenances et nos loyautés. Comme nous devrions avoir « une identité », nous devrions avoir une loyauté exclusive : si cette dernière n’est pas revendiquée prioritairement, ou si elle est critique par rapport à son champ d’appartenance, alors le doute s’installe dans les intentions, les fidélités et, au fond, dans la nature de la loyauté. Il est important de rappeler que nos identités sont multiples et mouvantes et que nos sociétés ne survivront qu’en gérant positivement, et en célébrant, comme il se doit, la richesse de leur pluralisme religieux et culturel. Aussi, il est nécessaire de leur ajouter la dimension


politique liée à la question de la loyauté. Car, répétons-le, derrière le spectre de l’identité affichée, la question qui demeure, et qui importe, est celle de la loyauté défendue…

QUE POUVEZ-VOUS NOUS DIRE SUR VOS ACTIVITÉS ASSOCIATIVES ET QUELLES EN SERAIENT LES FINALITÉS ? Je suis administrateur dans une association dite interculturelle dont la finalité est le croisement de la diversité culturelle en vue d’une communication sereine entre les peuples. Il faut se rencontrer pour se connaître. Sans ce croisement, l’individu ne peut que rester figé, sans alternative. C’est le propre de l’Homme. Il faut réactiver la rencontre.

LES ÉVÉNEMENTS DE « CHARLIE HEBDO » ONT ÉBRANLÉ LA FRANCE. QUEL REGARD PORTEZ- VOUS SUR CE QUI S’EST PASSÉ ? R.R :Et bien ! Il y a énormément de choses à dire. Mais en même temps, comme chacun avance des arguments qui sont la plupart du temps fallacieux ou erronés, il convient d’analyser la situation à tête reposée. Il faut refroidir la situation, ensuite poser de bonnes questions. Chaque citoyen est ému et scandalisé par les attaques des membres de « Charlie Hebdo », l’assassinat des deux policiers ou encore l’attaque et la tuerie au sein de l’épicerie casher. Mais en disant cela, la question qui se pose maintenant, c’est que faisons- nous après ? En 2006 déjà, j’avais publié un ouvrage, une sorte de manifeste pour exposer un nouveau « Nous ». Car il y a de quoi être inquiet. Durant ces deux dernières décennies, la situation des Musulmans dans les sociétés occidentales n’a globalement pas été très facile. Force est de constater que cela a empiré durant ces cinq dernières années. La guerre contre le terrorisme lancée après le 11 septembre 2001, la répétition des attentats terroristes à travers le monde, ajoutée aux multiples tensions dues aux divers problèmes sociaux ou à l’immigration, ont fini par associer l’Islam et les Musulmans à l’expression d’une menace pour les sociétés occidentales. La peur s’est installée avec son lot de réactions émotives et irrationnelles, parfois légitimes et compréhensibles, parfois instrumentalisées à des fins politiques ou électoralistes. Ces dernières années ont mis les populations occidentales devant des réalités et des questionnements profonds et difficiles. La présence de plus en plus visible de millions de musulmans parmi elles leur ont fait réaliser que leurs sociétés avaient changé, que l’homogénéité culturelle était une donnée du passé, que la question de leur propre identité se complexifiait et que la mixité sociale était un idéal difficile à atteindre, a fortiori quand les problèmes sociaux (chômage, racisme, marginalisation, etc.) se multiplient. Cette instabilité (ajoutée à la perception de la présence d’une religion et de cultures « étrangères » ) a produit des angoisses et des questions légitimes même si parfois elles s’expriment dans la confusion : les Musulmans peuvent-ils vivre dans des sociétés sécularisées, leurs valeurs sontelles compatibles avec celles de la démocratie, sont-ils prêts à vivre et à se mêler à leurs voisins non musulmans, peuvent-ils lutter contre les comportements choquants

produits en leurs noms (terrorisme, violence domestique, mariages forcés, etc.), peuvent-ils sortir de leurs ghettos sociaux où se répandent chômage, insécurité et marginalité ? Face à ces questions, les Musulmans doivent s’assumer et exprimer la confiance qu’ils ont en eux-mêmes, en leurs valeurs et en leur capacité de vivre et de communiquer sereinement dans les sociétés occidentales. La révolution de confiance que nous appelons de nos vœux passe d’abord par une confiance en soi et en ses convictions : il s’agit de se réapproprier son héritage et de développer à son endroit une attitude intellectuelle positive et critique. Etre capable de dire que les enseignements islamiques appellent essentiellement à la spiritualité, à l’introspection et à la réforme de soi. Affirmer avec force que les Musulmans sont tenus par le respect des législations des pays dans lesquels ils vivent et auxquels ils se doivent d’être loyaux : des millions de Musulmans prouvent tous les jours que « l’intégration religieuse » est acquise, qu’ils sont chez eux dans les pays occidentaux dont ils ont fait leur le goût, la culture, la psychologie et les espérances.

COMMENT PEUT-ON À L’AVENIR ÉVITER DE PAREILLES MONTÉES DE VIOLENCE DANS UN PAYS QUI CROIT À LA DIVERSITÉ CULTURELLE ? R.R :Le discours qui, hier, était l’apanage des partis d’extrême droite tend malheureusement à se normaliser au sein des partis traditionnels. Des leaders jouent la carte de la peur pour mobiliser les électeurs et promouvoir des politiques de plus en plus dures sur le plan de la gestion des problèmes sociaux, de la sécurité ou de l’immigration. En

SOCIOLOGIE DES ZONES… D’OMBRE Rachid Rahoui qui marche sur la quarantaine est un pur produit « Beur » qui a réussi. Ce sociologue touche à tout qui a passé son enfance avenue Gabriel-Péri, à Montataire, n’a pas froid aux yeux. C’est « la banlieue », son terrain de prédilection par excellence, qui l’interpelle et aiguise son appétit de savoir. Rien d’étonnant à ce que ses écrits touchent aussi bien « l’islam et les jeunes », « Vivre dans les zones de relégations » que la « Rap attiude ». Rien ne le détourne d’un laboratoire à ciel ouvert où le sociologue trouve son…bonheur. Même s’il a eu à « gouter » à la violence qui sévit dans « la zone ». Il se souviendra toujours de la voiture de son père incendiée par les jeunes du quartier. « En brûlant les voitures, les jeunes veulent fêter un anniversaire. C’est la tradition : on incendie des véhicules pour le Jour de l’An. Pour eux c’est un acte banal. J’ai rencontré le père d’un des incendiaires probable. Il m’a dit : je lui avais interdit de sortir. Il m’a répondu : je t’enverrai l’assistante sociale. Ces mineurs ont un sentiment d’impunité. Ce sont des petits caïds au sein du quartier. Ils savent qu’ils vont avoir une condamnation pénale. Mais cela ne les freine pas. » R. Rahaoui ne ménage point les politiques, élus locaux en tête. Eux qui considèrent le terrain du sociologue comme un désert où rien de bon ne peut fleurir. PERSPECTIVES MED

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CULTURE

LA QUESTION DES COMMUNAUTARISMES ET DU REPLI IDENTITAIRE OBNUBILE LES CHERCHEURS QUI ANALYSENT LE CHAMP RELIGIEUX

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panne d’idées politiques novatrices et créatrices pour promouvoir le pluralisme culturel ou lutter contre le chômage et les ghettos sociaux, ils se contentent d’une rhétorique dangereuse sur la protection de « l’identité» et l’homogénéité culturelles, la défense « des valeurs occidentales » et l’imposition d’un cadre strict « pour les étrangers » avec, bien sûr, l’appareil des lois sécuritaires pour lutter contre le terrorisme. Ces discours politiques jouent sur les angoisses, entretiennent la confusion des domaines et promeuvent une approche binaire des questions sociopolitiques. Ce qui ressort implicitement des termes des débats revient à distinguer deux entités: « Nous, les Occidentaux » et « Eux, les Musulmans. », même quand les citoyens sont musulmans et tout à fait occidentaux. Le retour permanent des mêmes questions dans les débats politiques nationaux (violence, femmes, intégration, etc.) n’est pas innocent et la question de « l’islam » est souvent devenue la balle de ping-pong avec laquelle les partis jouent pour tenter de mettre à mal leurs adversaires politiques et attirer à eux des électeurs. Des propos racistes et xénophobes se généralisent. On relit le passé en niant à l’islam la moindre participation à la formation de l’identité occidentale désormais purement « gréco-romaine » et « judéo-chrétienne ». On fait passer des examens aux frontières qui testent arbitrairement la « flexibilité morale » des immigrés et les lois sécuritaires s’imposent naturellement en ces temps de peurs et d’instabilité. Sans oublier les discours et les politiques intransigeants qui finissent par criminaliser les immigrants et les demandeurs d’asile. Face à ces instrumentalisations, et parfois les manipulations qui en découlent, les citoyens de confession musulmane doivent faire exactement le contraire de ce qui pourrait être la réaction naturelle : plutôt que de se retirer du débat public et de s’isoler, ils doivent se faire entendre, sortir de leurs ghettos religieux, sociaux, culturels ou politiques et aller à la rencontre de leur concitoyens. Le discours de ceux qui instrumentalisent la peur a pour objectif de produire ce qu’ils disent combattre : en accusant en permanence les Musulmans de ne pas être intégrés, de s’isoler, d’établir des barrières entre « eux » et « nous » et de s’enfermer dans leur appartenance religieuse considérée comme exclusive, les intellectuels qui mettent en garde contre la « naïveté » des politiciens, « le danger de l’islam » ou de « l’échec » de la société plurielle ou du multiculturalisme sèment la suspicion, créent les fractures et cherchent en fait à isoler les Musulmans. Les citoyens doivent établir une critique rigoureuse de ces discours alarmistes qui cachent mal l’idéologie qu’ils promeuvent : c’est au nom des valeurs des sociétés occidentales ellesmêmes qu’il faut combattre la diffusion d’un discours qui normalise un racisme ordinaire, des traitements discriminatoires et la stigmatisation d’une partie de la population. La vraie loyauté citoyenne est une loyauté critique : il s’agit de refuser d’avoir à systématiquement prouver son appartenance à la société et, en connaissant ses responsabilités, de revendiquer ses droits et d’établir une critique de fond des politiques gouvernementales quand celles-ci trahissent les idéaux des sociétés démocratiques.


COCON TEXAN Achraf Baznani, chef de file de la photographie surréaliste au Maroc relance sa carrière en intégrant l’exposition collective internationale de la galerie Globe d’Adisson, au Texas. Seul Marocain et Arabe à accrocher ses œuvres aux cimaises de cette célèbre galerie, ses oeuvres collent parfaitement à l’intitulée de l’exposition « Paperman » (L’homme en papier), il a de quoi épater déjà ses fans.

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CULTURE DÉCONSTRUCTION DE L’ESPACE ARABE

LA « NAKBA » DÉMYSTIFIÉE Par : Abou Sarah

Le 6 juin 1967, Israël a défait, par surprise, les armées arabes en détruisant les capacités militaires égyptiennes. Une Nakba de plus qui s’ajoute à celle de 1948. Mais pour comprendre l’Histoire du sionisme, rien ne vaut l’éclairage des historiens. Élias Sanbar, historien palestinien, et Thomas Vescovi reviennent sur l’analyse du processus colonial en Palestine, antérieur à 1948 et qui, à cette date-là, allait prendre un tournant tragique.

E

n 1948, plus de 800 000 Palestiniens ont été dépossédés de leurs terres. Une gigantesque entreprise d’épuration ethnique allait suivre. Pour que cette vérité historique soit unanimement admise, il a fallu attendre les travaux des nouveaux historiens israéliens qui n’ont accédé qu’en 1978 aux archives de l’État d’Israël. Dix ans plus tard, ils l’historiographie traditionnelle israélienne est remise en cause et ses mythes fondateurs enfin déconstruits. De quoi consacrer les travaux des historiens palestiniens comme Charif Kanaan ou Walid Khalidi dont les thèses se voient ainsi corroborées. « Le nettoyage ethnique de la Palestine », voilà un ouvrage de l’historien israélien Illan Pappé qui fera date dans les annales de l’histoire d’un Machrek en proie

LES TRAVAUX DES HISTORIENS ISRAÉLIENS SUR LA NAKBA REJOIGNENT CEUX ÉLABORÉS PAR LES PALESTINIENS

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aux flemmes de la destabilisation. Dans cet opus, l’historien a décortiqué le caractère minutieusement programmé de l’expulsion des Palestiniens en 1948 et rapporté les modalités d’exécution du plan Dalet arrêté par les dirigeants sionistes et qui prévoyait l’attaque militaire de tous les villages de Palestine. Une triste opération qui s’est accompagnée de la destruction de plus de cinq cents villes et villages, des registres familiaux et des archives institutionnelles, afin d’effacer toute trace de la présence palestinienne. On est donc face à ce que la mémoire collective palestinienne, et par delà arabe, appelle la « Nakba ». Un effondrement que l’on commémore chaque année, le long de l’espace arabe, sous une seule dimension. La « nakba » prend les allures d’une simple défaite des armées arabes face à Israël à un moment fondateur dans la tragédie du peuple palestinien alors que cette date n’est qu’une étape d’un processus colonial dont l’emballement n’en finit pas de marquer les esprits. Annexions, expulsions et colonisation ont depuis lors ponctué la démarche de l’entité sioniste, donnant ainsi plus d’épaisseur à ce que soutenait l’ancien Premier ministre israélien Ariel Sharon, en 2001 déjà, lorsqu’il avait affirmé au quotidien israélien Haaretz


que « la guerre d’indépendance n’était pas terminée », 48 n’étant que le premier chapitre. Rien n’a effectivement changé depuis 1948, la politique de confiscation des terres, de morcellement du territoire, de dépersonnalisation du peuple palestinien, de destruction de l’économie continue. C’est ce que l’universitaire palestinien Joseph Massad, explique dans l’un de ses livres en rappelant la persistance de la question palestinienne et en démontrant qu’en « cherchant à métamorphoser les juifs européens, le sionisme a déclenché un processus de métamorphose des Arabes palestiniens en juifs, dans une géographie transposée de l’antisémitisme ». Thomas Vescovi, auteur de « La mémoire de la nakba en Israël », travaille dans la même veine et explique que le sionisme originel avait la volonté de renouer avec une identité juive perdue. « Le sionisme n’est pas un mouvement juif religieux, mais européen. Au début du XXe siècle, une des premières associations sionistes s’implante à Paris pour sensibiliser les juifs français au sionisme et les amener à reconsidérer leur présence en Europe. Ils vont rencontrer des étudiants juifs arabes, originaires des colonies françaises. Ces étudiants devaient être davantage liés à la culture hébraïque traditionnelle, que prétend retrouver le sionisme, que les partisans du sionisme eux-mêmes. Or, les militants sionistes vont leur reprocher leurs mœurs, leurs tenues vestimentaires, leur culture. En fait, les sionistes ont appliqué sur les juifs arabes les mêmes codes qu’ils ont appliqués aux Palestiniens : des codes coloniaux propres à l’idéologie européenne. Le sionisme est au départ un mouvement d’émancipation, il prétend libérer les juifs de l’antisémitisme, mais il est à caractère colonial puisque la solution pratique est celle de la conquête d’une terre par la force », affirme le chercheur. En se focalisant sur la nature coloniale première de l’État d’Israël, Élias Sanbar, historien palestinien et ambassadeur de la Palestine à l’Unesco, explique la spécificité de ce processus de colonisation au cours de l’histoire. Il ne s’agit pas d’une colonisation au sens classique (occupation/ exploitation) mais d’une colonisation de remplacement. M. Sanbar rappelle que la « guerre d’expulsion a pris une forme tragique en 1948, mais elle n’est cependant pas achevée. Elle se déroule encore à ce jour avec différents procédés, des politiques extrêmement complexes et suivies

pour encourager le transfert volontaire des Palestiniens ». L’idée de remplacement est donc centrale dans la compréhension d’un dispositif sioniste qui vise à effacer l’identité palestinienne. Thomas Vescovi rappelle ici l’importance de 1948 comme rupture historique. Avant cette date, la Palestine était une terre où juifs, musulmans, chrétiens vivaient dans une relative harmonie. « Il ne faut cependant pas perdre de vue que le mouvement sioniste, dans sa très grande majorité, n’avait pas pour ambition de vivre en paix et en harmonie avec les Arabes de Palestine. Le « nettoyage « de la présence autochtone du paysage a été pensé, discuté, puis mis en pratique. Le sionisme a dans son essence originelle un caractère colonial, et 1948 ne peut pas être vue autrement que comme une entreprise coloniale. Une entreprise coûteuse pour la population locale, puisque 805 000 Palestiniens ont été contraints à l’exode, expulsés, 685 localités palestiniennes ont été partiellement ou totalement dépeuplées, 70 massacres sur des civils ont été relevés. Au final, c’est 78 % de la terre de Palestine qui est conquise par Israël, loin des 55 % que l’Onu avait octroyés à l’État juif », explique-t-il. C’est sur les contradictions profondes du sionisme relatées par les nouveaux historiens qu’Élias Sanbar apporte un éclairage des plus crus. A ses yeux, les récits rapportés en 1988 avaient été produits dès 1951-1952 par les historiens palestiniens. Selon lui, « les victimes le sont par deux fois : d’abord elles subissent, ensuite elles ne sont pas entendues. Il a fallu que

l’occupant le dise en 1988 pour que ce récit devienne crédible. Il a été essentiel pour le monde parce qu’il a permis de casser le mythe des Palestiniens qui auraient vendu leurs terres ou seraient partis de leur propre chef ». Il précise cependant que cette évolution n’a pas fondamentalement bouleversé l’approche israélienne, car tirer les conséquences de l’histoire impliquerait de remettre en cause leur propre légitimité. Thomas Vescovi fait sienne cette position en expliquant que si le travail des nouveaux historiens a pu dans un contexte précis avoir des effets sur le mode de perception par la société israélienne de son histoire, depuis quelques années nous assistons à un processus inverse. « Dans les années 90, il y a eu un mouvement d’ouverture, une partie de la société israélienne s’est demandée s’il n’était pas temps de faire la paix, dans ce cadre les nouveaux historiens ont pu avoir une certaine place et un espace d’expression. Mais depuis une dizaine d’années, l’État tente de refermer cette page. Deux exemples : en 2001 lorsque Ariel Sharon a été élu, il a pris la décision de retirer les manuels scolaires en expliquant que cette histoire n’était pas celle qu’il fallait enseigner. En mars 2011, un amendement au budget israélien est voté, il interdit d’octroyer des subventions aux associations qui organisent des commémorations de la nakba. Le fait d’avoir introduit un amendement à ce sujet a presque démocratisé le mot nakba, employé comme une expression populaire sans pour autant qu’on ait conscience de ce que cela implique », conclut le chercheur.

Ilan Pappe, historien israélien : « Si le conflit israélo-palestinien était résolu de manière juste, le Moyen-Orient changerait de visage. L’occupation de la Palestine est l’une des principales justifications pour ceux qui ont des sympathies islamistes, car il est le symbole du deux poids deux mesures que l’Occident applique à ceux qui violent les droits humains fondamentaux. Un changement de l’approche européenne envers le peuple palestinien aurait une incidence sur la puissance de la propagande islamiste. Sans la Palestine la justification de l’existence de l’Isis ne serait pas si forte (…) Ce qui a changé par rapport au passé est que les caractéristiques les plus profondes de la société israélienne, qui étaient auparavant moins manifestes, aujourd’hui sont sorties à découvert : le racisme et la polarisation économique et sociale ont augmenté comme jamais auparavant. L’écart socio-économique est le meilleur sol pour les idéologies extrémistes. Les groupes les plus marginalisés, en particulier les Juifs originaires du Moyen-Orient et de l’Afrique, sont plus facilement recrutables par la droite. Et en fait, le cœur du débat électoral n’est pas la question sociale et économique, mais le choc des identités. La société est plus raciste, plus extrême, dépourvue de solidarité interne même envers d’autres Juifs, fondée sur la haine envers le différent. C’est un poison.»

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CULTURE UNION GÉNÉRALE DES ÉCRIVAINS ARABES

LÉNINE À BERLIN

GÉRER LE GLACIS…

SAISON ROUGE Durant tout l’été, Lénine dominera de son imposante taille la ville de Berlin. Ciselée dans 3,5 tonnes de granite, sa statue va être déterrée pour traversera la capitale allemande d’Est en Ouest sur un camion pour rejoindre l’exposition “Dévoilé. Berlin et ses monuments” à la Citadelle de Spandau. Les images du retour de Lénine devraient faire le tour de monde.

LE ZOU FRAÎCHEUR TUNISIENNE

C’EST LA CAPITALE DU DÉTROIT QUI A ABRITÉ LA RÉUNION DU BUREAU PERMANENT DE L’UNION GÉNÉRALE DES ÉCRIVAINS ET HOMMES DE LETTRES ARABES. UNE KYRIELLE D’ÉCRIVAINS, D’INTELLECTUELS ET D’HOMMES DE LETTRES ONT INVESTI LA MAISON DE PRESSE DE TANGER POUR DÉBATTRE DE L’ÉTAT DE L’ESPACE ARABE, EN DÉLIQUESCENCE, ET DU RÔLE DES INTELLECTUELS DANS L’ACCOMPAGNEMENT DES CHANGEMENTS POUR LA DÉMOCRATIE. EN TOUT CAS, L’UEM DONT L’ÉCLATEMENT EST CONSOMMÉ ÉTAIT DE LA PARTIE.

Les dessins animés de « CGS 3D », société de production tunisienne, seront consacrés par la saison 2 de la série animée ZOU. Produite pour le compte de CybergroupStudios, l’un des plus grands producteurs de dessins animés européens et diffusée sur Disney Channel, ZOU est une production pleine d’humour, d’aspects éducatifs et d’aventures. Grâce aux nombreuses références de CGS 3D dans les dessins animés 3D comme par exemple Mademoiselle Zazie, Bali Signe et Garfield, le projet lui a été donc confié après une rude sélection.

QUE DE TRACES… BIENNALE DE MARRAKECH

Comment rendre honneur aux sites historiques qui font la fierté de la capitale des Almoravides ? Par une biennale, pardi ! Reem Fadda, commissaire principale de l’événement placé sous le signe « Trace » a indiqué que cette édition sera marquée par un programme éclectique et varié avec une série de spectacles, des expositions d’archives, des programmes d’études cinématographiques, des séminaires mais aussi des conférences qui soutiendront l’exposition principale et suggèreront en outre le questionnement par rapport au thème de la biennale. La semaine d’ouverture se déroulera du 24 au 28 février 2016, et chaque week-end de la Biennale offrira un programme riche et diversifié à travers des présentations d’artistes, des spectacles en espace public et des conférences. Des activités seront également organisées à Essaouira.

ACADÉMIE FRANÇAISE

C’EST FORT, DE CAFÉ ! L’écrivain haïtien Dany Laferrière, qui vit désormais au Québec, a été reçu à l’Académie française, où il occupera le fauteuil numéro 2, qui fut jadis celui de l’Immortel Montesquieu. Cet auteur prolixe sera le premier Haïtien et le premier Québécois à siéger sous la Coupole, a été reçu mercredi à l’Académie française. À 62 ans, il va succéder à l’écrivain d’origine argentine Hector Bianciotti et occupera le fauteuil numéro 2, qui fut jadis celui de Montesquieu et d’Alexandre Dumas fils. Natif de Port-auPrince, ce fils de l’ancien maire de la capitale haïtienne, contraint à l’exil lorsque le dictateur Jean-Claude Duvalier prend le pouvoir, a été confié à sa grand-mère, femme cultivée qui l’a marquée à vie, dans le village de Petit-Goâve. 90

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LUTTE ANTI-TERRORISTE AU PAKISTAN

LA BD COMME ARME !

Si le blasphème est passible de la peine de mort au Pakistan, Mustafa Hasnain et Gauhar Aftab, ont trouvé la plache de salut por endiguer, à leur manière, extrêmisme et tentation au jihadisme. « Paasban N », soit « le veilleur » en ourdou, tel est le titre choisi pour leur BD assez expressive. Reste à savoir si les talibans qui n’avaient pas hésité à massacrer en décembre dernier plus de 130 enfants dans une école à Peshawar, laisseront en paix ces créateurs. Mustafa Hasnain, directeur de la société Creative Frontiers qui a fondé CFX Comics à Lahore, croit en les vertus de ses « héros ordinaires » pour endiguer la terreur que l’extrémisme charrie dans son sillage. Héros dont les péripéties peuvent être suivies sur smartphone !


VADALISME DAÉCHIEN

ENFIN, UNE LISTE ROUGE Une « liste rouge d’urgence » des biens et objets culturels irakiens en péril, menacés par la destruction, le vol, le pillage, la contrebande ou le trafic illicite vient d’être publiée à Paris par le Conseil international des musées (Icom). Sept catégories d’objets y sont énumérées comme les tablettes d’écriture cunéiforme en argile ou en pierre, sceaux, sculptures, éléments architecturaux (frises ou mosaïques), récipients, accessoires ou monnaies. Ces joyaux couvrent une période allant de la Mésopotamie ancienne (jusqu’à -10.000 ans av. JC), jusqu’aux règnes ottoman et mamelouk (XVIe au XIXe siècle ap. JC). « Ces derniers mois, nous avons assisté aux massacres de minorités en Syrie et en Irak mais aussi à la destruction d’oeuvres inestimables du patrimoine culturel millénaire », a déclaré Jean-Luc Martinez, président du musée du Louvre, lors de la présentation à la presse de la liste mise en ligne sur le site de l’Icom (www.icom. museum).

BLOGEUR ET BÉDOUINS

PRISON ET COUPS DE FOUET Mais où est-ce qu’on vit en terre d’Arabie ? En ce troisième millénaire, la cour suprême du Royaume wahhabite a confirmé la lourde peine à l’encontre du blogueur saoudien Raef Badaoui poursuivi pour «insulte à l’islam ». Ensaf Haidar, épouse du blogueur a déclaré que l’institution saoudienne a confirmé la décision « d’infliger à Raef 10 ans de prison, 10 ans d’interdiction de sortie du royaume et 1000 coups de fouet», ajoutant que la condamnation est assortie d’une amende d’un million de rials (266 000 dollars). Réfugiée à Paris avec ses trois enfants E. Haidar fait campagne en Europe pour défendre la cause de son époux qui vit les affres de l’isolement. Lors d’une conférence de presse, fin mai à Paris, elle a indiqué que le but de sa campagne «n’est pas de faire pression sur Riyad, mais de communiquer sur un cas humanitaire, celui de mon mari qui a toujours prôné la paix et la liberté, et qui aujourd’hui manque cruellement à sa famille». Emprisonné depuis 2012 et condamné en 2014, le blogueur a subi une première séance de flagellation le 9 janvier… Pour avoir demandé la fin de l’influence religieuse dans le royaume saoudien.

Much Loved

L’INTELLO ET SA PERRUQUE !

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ssurément, il est des intellectuels qui sous les oripeaux de leur « progressisme » portent la pire des atteintes à l’un des droits les plus élémentaires pour lequel des ténors sont tombés sur les champs d’honneur : le droit d’expression. Et pourtant, ne voilà-t-il pas que dans les colonnes d’un journal que je respecte, « Al Ittihad Al Ichtiraki » il faut le nommer, Bensalem Himmich, romancier de son état et subsidiairement ex-ministre de la Culture, a pris sur lui de charger bille en tête Nabyl Ayouch pour son film « Much Loved ». C’est à n’y rien comprendre. Jamais un académicien qui se respecte n’oserait ailleurs exiger de frapper une œuvre fictionnelle de l’interdit. Sauf chez-nous ! Que l’on se souvienne du dernier roman de Houellebecq, « Soumission » et du tollé qu’il a soulevé pour « islamophobie ». Et pourtant, le roman occupe les devantures des librairies sans que sa vue ne dérange personne. Point d’autodafé ! On n’ira pas jusqu’à évoquer le débat engagé autour de l’œuvre de Heidegger et de ses affinités nazies… Mais ailleurs, il faut croire que la liberté d’expression n’est pas que du cinéma. C’est un combat. Une qualité que l’on peine à trouver dans la praxis de ce « maître-à-penser » qui ferraille dur pour qu’un pauvre jeune producteur, aussi provocateur soit-il pour servir un quelconque « arrivisme », n’ose pas dévoiler la face cachée d’une société où le sexe a son mot à dire. Où sont les saillies de ce nouvel inquisiteur, dénonciatrices par excellence des bourrasques de l’obscurantisme qui secouent le pays (au risque de le souffler qu’à Dieu ne plaise !) et qui le cas échéant pourrait le dédouaner d’un quelconque « accident de l’histoire » qui pourrait survenir dans la carrière bien repue d’un « intellectuel » qui se croit de haut vol ? On a beau tourner les pages de l’histoire immédiate du pays, on n’en trouve nulle trace. Tout au plus tombera-t-on sur l’anecdotique relation que cultive cette tête qui se croit bien faite avec une perruque qui masque mal une calvitie bien avancée. Autant dire que cet intello de pacotille aura raté une occasion de se taire et pour s’aérer les idées ailleurs qu’en soufflant dans le sens des obscurantistes qui non seulement troublent la vie des Marocains mais cherchent à les aveugler ! Il faut tomber bien bas pour oser interdire une œuvre artistique, réussie ou pas, là n’est pas la question. Et faire fi d’une réalité qui rappelle aux féodalités de la place que des prolétaires du sexe existent. Même habillées en Dior . Le plus vieux métier du monde a existé, existe et existera… il n y a aucun leurre à se faire là dessus. Ni les doxa de ce bas monde ni messages divins n’ont réussi à le circonscrire. Et voilà que notre Himmich s’en offusque. Le pauvre, il est Kaput !

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LA FIN DE L’EMPIRE BLATTER

FIFA CONNEXION

Les pots de vin et autres malversations ont fait l’objet d’enquêtes journalistiques et de livres avant que le FBI US ne se lance à l’assaut de l’Empire FIFA. Le Maroc aurait été éliminé de la course de l’organisation de la Coupe du Monde au profit de l’Afrique du Sud. Un épisode à 10 millions de dollars. Aujourd’hui, les limiers de la justice américaine travaillent sur les conditions de sélection de la Russie et du Qatar. L’empire Blatter est tombé. Est-ce la fin de l’hydre?

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SPORT FIFA GATE

POURRITURE PAR LA TÊTE Par : Abou Jihad

Le séisme qui a secoué les puissantes arcanes de la FIFA, fin mai dernier, est gros de répliques dont il est difficile de mesurer l‘ampleur. Quatre jours seulement après sa réélection à la tête de l’institution pour un 5éme mandat, la tourmente a forcé Sepp Blatter à démissionner. Le système foot est gangréné par la corruption.

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epuis l’arrestation de responsables de la FIFA soupçonnés de corruption, le 27 mai dernier, les révélations se suivent et ne se ressemblent pas. Dernière révélation en date, le versement de 5 millions d’euros à la Fédé irlandaise pour éviter que la justice ne se saisisse de la main « magique » de Thierry Henry. Les observateurs n’hésitent pas à applaudir, et chaudement, l’entrée en jeu du FBI, et à travers lui la justice US, pour démêler l’échevau. Car le scandale est énorme, à la mesure des enjeux financiers que charrient le « foot-spactacle » tel qu’orchestré par la FIFA dont l’universalisme, il faut le rappeler, n’a été chose réelle que depuis la percée du brésilien Joao Havelange, cet « homme du Sud », à la tête de l’organisation, en 1974. C’était lors du du congrès de Francfort. Voilà qui fait que le fonctionnement même de l’institution a commencé à nourrir la polémique. Car l’attention particulière a été apportée par S. Blatter aux pays africains, caribéens et asiatiques, a ravivé la rivalité entre l’organisation et l’UEFA que dirige un Michel Platini peu tendre avec le Capo de la vielle FIFA, créée en 1904. Les principes qui guident la « vieille dame » qui concourt pour la concordance entre les peuples et la paix entre les nations se basent sur la reconnaissance d’une fédération par pays, la régulation de la circulation des joueurs, la création d’une compétition internationale et le développement international du football. Nul besoin de s’apesantir sur le « mercato » qui célèbre, à chaque saison, la migration fort juteuse des joueurs. Et encore moins d’évoquer les enjeux financiers charriés par chaque coupe du monde, à grand coup de sponsoring et de négociations serrées sur les droits de retransmission télé. L’affaire est devenue un business des plus juteux où des sommes astronomiques sont en jeux. On parle de milliards de dollars… Et de « pots de vins » qui ruissellent entre les circuits décisionnels de la FIFA lors du choix du pays hôte de la coupe du monde. D’une simple PME, la FIFA est devenue une firme vers laquelle convergent les intérêts bien compris d’autres…firmes du sport.

Selon le Sunday Times, c’est le Maroc et non l’Afrique du Sud qui aurait dû remporter l’organisation de la Coupe du Monde 2010. Le journal britannique affirme que le vote a été trafiqué. Ismail Bhamjee, ancien membre du comité exécutif de la FIFA, évoque un vote favorable au Maroc mais maquillé à l’avantage de l’Afrique du Sud pour qu’elle organise la Coupe du Monde 2010. Le sulfureux Jack Warner, vice-président de l’instance, aurait d’ailleurs accepté des pots-de-vin des deux partie et fait chanter l’Egypte. Les révélations faites sur la malchance du Maroc, candidat malheureux face à l’Afrique du Sud, trouve « écho » dans les comptes de la FIFA qui aurait arbitré en faveur de Prétoria contre 10 millions de dollars. Autant dire que de lourds soupçons pèsent sur « l’emploi » de cette enveloppe dont la Fédération sud-africaine reconnaît avoir convoyé… Mais pas en tant que corruption ! Pourtant, S. Blatter était présent à Prétoria Le fait est que le Maroc n’a pas été dédouané non plus, en le créditant d’avoir tenté d’acheter « les voix » en faveur de sa candidature contre 1 million de dollars. Une assertion qui allait alimenter la polémique avant que la FRMF ne réagisse, tardivement, en dénonçant une fausse piste. Aujourd’hui, les comptes de la FIFA sont passés au peigne fin pour voir clair dans les candidatures de la Russie et du Qatar. la Fifa a pour la première fois laissé entendre que la Russie et le Qatar pourraient perdre l’organisation des Coupes du Monde 2018 et 2022. Selon Domenico Scala, le président du comité d’audit de la Fifa, « il faudra pour ça apporter la preuve qu’elles ont été attribuées avec l’aide de la corruption ». L’hypothèse de la délocalisation de ces deux fêtes footballistiques est admise. Certes, du bout des lèvres… Y a-t-il une cabale contre la FIFA de la part de la justice US ? En tout cas, c’est forte des révélations de « sa » taupe attitrée, Chuck Blazer, S.G de la Confédération de football d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes) entre 1990 et 2011, qu’elle a orchestrée cette puissante tornade capable de faire tomber bien d’autres têtes.

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SPORT PAS DE MIRACLE POUR LA SCUDERIA

ETOILES FILANTES ! Par : Abou Sarah

A la mi-saison, il faut croire que l’écurie Mercedes affiche toutes les performances. Même en étant en retard par rapport à la technologie embarquée par Ferrari, les « étoiles filantes » donnent le tournis aux rivaux. Un récital de succès dont ne se lassent pas les aficionados de la F-1…

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vec 242 points contre 148 à Ferrari, l’écurie Mercedes frappe décidément très fort en ce début de saison 2015. Et bien entendu, ses pilotes sont aux avant-postes si bien que la seule question qu’on se pose au lendemain de la sixième manche c’est quid d’Hamilton ou de Rosberg pour ravir le titre de la saison. Avec 126 points, Hamilton n’est pas si loin de son coéquipier puisque seuls 10 point les séparent. Et à voir l’antipathie qui les anime, ça promet une chaude fin de saison. Et c’est tant mieux car durant la dernière manche au Canada, les flèches d’argent ont littéralement écrasé la concurrence alors que les moteurs n’ont pas encore bénéficié des évolutions prévues au grand prix d’Autriche. Jusqu’où iront-ils dans la performance ? A Montréal, la question qui taraudait les amateurs de la F-1, c’est comment Hamilton allait-il

LA BATAILLE ENTRE LES DIVERSES ÉCURIES FAIT RAGE SUR LES PISTES. SAISON SOUS TENSION!

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répondre de sa bévue monégasque. Retour sur une victoire annoncée qui s’est terminée par un fiasco retentissant. Après des essais dominants et un départ tonitruant, le pilote britannique avait assuré l’essentiel surtout que doubler dans le circuit de la principauté relève de la prouesse. A l’abri de ses poursuivants, il enchainait les tours la tête dans les étoiles. Mais à la faveur de l’entrée de la voiture de sécurité suite à l’accident de Hamilton et ses ingénieurs ont pris une décision hâtive de changer de pneumatique alors que Rosberg et Vettel continuaient à économiser pneumatique et carburant derrière la safety car. Avec quelques mètres de retard à sa sortie des stands, il s’est retrouvé en 3 ème position derrière Vettel. Cette bévue dans la stratégie provoqua un réel malaise dans l’équipe. Mais à écouter les échanges radio entre Hamilton et ses ingénieurs la responsabilité est partagée. Au Canada, c’est la piste qui a départagé les concurrents et dans ce jeu, le Britannique était au-dessus surtout que Vettel s’est mal qualifié pour cause de fiabilité et comble de malchance, il a écopé de pénalités l’ayant relégué à l’arrière


du peloton. Sa troisième place qualificative, il l’a confiée le temps d’une course à Raïkonen… l’avenir nous dira s’il est à même de reprendre sa place. Toujours est-il que le finlandais a terminé au pied du podium provoquant l’exaspération de son patron Maurizio Arrivabene. Conscient des insuffisances de son écurie, le patron de la scuderia n’a pas admis le classement de ses monoplaces surtout que Vettel a véritablement animé la compétition avec une chevauchée exceptionnelle tout au long de la course le portant des abysses du classement à la cinquième position. C’est d’autant plus rageant que Ferrari alignait les podiums puisqu’en quatre manches, elle s’est adjugée l’équivalent de la totalité de la moisson de la saison dernière. De plus, son pilote vedette s’invite systématiquement entre les deux Mercedes et l’éternel taiseux et laborieux Raïkônen occupe la quatrième place. Il faut dire que compte tenu des écarts hadaux de cet été entre les deux écuries, les améliorations apportées à la monoplace rouge et les performances réalisées depuis, sont du domaine du Miracolo ! Retomber dans les travers de la saison passée, c’est tout simplement inacceptable surtout à ce niveau de la compétition.

Le Grand prix de Barcelone Quatre semaines plutôt, la formule 1 était de retour dans le Vieux continent et c’est à Barcelone que se disputa la première manche européenne. Les voitures reçurent des améliorations que les pilotes ont pu enfin rudoyer. Sur ses terres, Alonso rêvassait d’engranger les premiers points pour Honda. Les essais comme la course au classement se sont passés de manière assez sereine pour Mercedes. Le seul changement ce fut Nico Rosberg qui s’était adjugé la pôle au grand désarroi d’Hamilton. Quant à Vettel, coutumier du fait, il s’installa, à la grande satisfaction de son team, à la troisième place de la grille. Pour ce trio de tête, leur suprématie leur a permis d’économiser un train de pneu médium tout neuf. Encore une fois, les gommes étaient et demeurent la variable qui fait et défait les champions. Dès le départ, Rosberg a su maintenir sa place de leader, place qu’il saura la garder jusqu’au drapeau à damiers. Il a su montrer la maestria de son pilotage. Après avoir perdu sa seconde place au profit de Vettel, Ha-

milton va la ravir au pilote Allemand avec 3 arrêts au stand s’il vous plait ! Agrémentés par de précieuses secondes perdues par les mécaniciens, ce furent les rares moments de suspens de l’après midi. C’est dire la fiabilité et la puissance de Mercedes qui continue à surclasser le paddock. Impuissant face à cette déferlante d’étoiles filantes, Vettel s’est contenté de la troisième place et son coéquipier de la cinquième. De son côté, Alonso, victime de surchauffe de freins a été contraint à l’abandon non sans avoir donné des frayeurs à ses mécaniciens sur lesquels il a foncé. Heureusement plus de peur que de mal. Ce que l’on a retenu de cette manche catalane, c’est Mercedes qui rafle, encore et encore la mise. Convalescente, Ferrari a pu raffermir sa seconde position et de belle manière. Quant au régional de l’étape, Alonso, il est sorti par la petite porte dans l’attente de jours meilleurs. Cette sortie, il la connaît tellement bien qu’il en use et abuse comme en témoigne son attitude au Canada puisqu’il a refusé d’obtempérer aux ordres de son team sachant pertinemment que sa façon de piloter l’amènera à coup sûr à l’abandon et ce fut le cas…… Dernier fait de course c’est le nuage de fumée du moteur Renault en passant sous le drapeau à damier. Décidément Renault soigne son image !! Le retour durant l’été en Europe est une période majeure pour les écuries, les pilotes et leurs images de marque. Les six grands prix qui se courront dans le Vieux continent pourront peut-être départager les machines et les hommes. PERSPECTIVES MED

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SPORT GT ACADEMY

LA PASSION VIRALE DE NISSAN Par : A.E.M.

Des pistes d’AutoVroom en Egypte à celles de Silverstone, en Angleterre, voilà ce qui fait courir les six vainqueurs de la GT Academy Afrique du Nord. Et comment Nissan passe à la découverte d’espoirs du racing. De la sueur et des larmes ont coulé au Caire.

C’

est dans l’une des extensions « industrielles» du Caire que les compétiteurs de la GT Academy Afrique du Nord se sont donnés rendez-vous le 14 juin dernier, dans le célèbre circuit de Kart où flotte un singulier drapeau noir (qui n’a rien à voir avec ceux qui font l’actualité sanglante de la région) de Nissan. Une section de « pilotes virtuels» composée de Marocains, d’Algériens (une dizaine au total) et le reste de l’équipe, plus fournie, d’Egyptiens. Sur les 5 finalistes marocains, un seul devait sortir du lot (et l’exercice est identique côté algérien) pour aller disputer la vedette aux meilleurs retenus pour le Race Camp Nismo PlayStation GT Academy, au Royaume-Uni. Il s’agit de Ilyes El Mahmoudi sorti vainqueur des épreuves physiques et psychologiques (endurance) que des courses virtuelles Gran Turismo 6, cela sans parler des essais sur la piste d’AutoVroom dans une vraie voiture Nissan. Ali Pacha AbdelJelil, surnommé «Joe », a surclassé ses compagnons algériens. Tandis que du côté Egyptien, Amr Malone, Tarek Khedr, Ali Sami et Mahmoud Sadek constituent le gros du contingent des sélectionnés. Une sélection qui a pesé sur le moral des autres compétiteurs maghrébins, mais… L’essentiel est que des

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drapeaux nord-africains puissent flotter au Race Camp GT Academy à Silverstone, en Angleterre. Car c’est là où la ligne de partage finale sera érigée face à des pilotes d’Australie, des USA, du Mexique et de la Turquie. Rendez-vous est donc prix pour la la mi-août sur le célèbre circuit de course de Silverstone, fief de la course automobile britannique. Les joueurs de la PlayStation GT Academy y seront soumis à une batterie d’autres tests susceptibles de dévoiler «la graine de champion ». À la fin du stage d’une semaine, le joueur avec le plus grand potentiel de course aura la chance de devenir un Champion GT Academy et athlète NISMO. Le vainqueur de chaque région du monde participera à un programme intensif de développement de pilotes conçu par Nissan. Avec, à la clé, l’occasion de courir au niveau international à la course des 24 Heures de Dubaï, en janvier 2016. Le constructeur jamponais aura mis les petits plats dans les grands pour l’occasion. Plusieurs membres clés de l’équipe internationale GT Academy ainsi que de précédents champions internationaux étaient présents pour encourager les finalistes et juger les résultats. Daniel Whittemore, directeur de GTA international, Jean-Paul Evy, entraineur de courses GT-A et Ricardo Sanchez du Mexique, qui a remporté le championnat international GT Academy 2014, étaient de la partie. Ce dernier était au centre de l’intérêt de tous les candidats en lice. Rien de plus normal : ce jeune champion distribuait sourires et encouragements. Voilà pour une fête bien cairote qui n’est pas sans rappeler la pertinence de la remarque d’Isao Sekiguchi, Président Directeur Général de Nissan Motor Egypte et Afrique du Nord ; « la passion suscitée par la GT Academy est virale ».


30 JOURS, 30 MARATHONS, 30 VILLES

MARTHON MAN Par : A.Ben Driss

Tricoter de jambes, Tarik El mlih sait y faire. Lui qui s’est lancé dans les défis de la course au pied pour conjurer le cancer entend mener de front 30 marathons sur un mois. Une course singulière pour un Marathon Man bien de chez-nous. Le Top départ se fera le 1er septembre, à Lagouira. A vos chronos !

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u’est ce qui fait tant courir un Key Account Manager de 39 ans aussi bon athlète soit-il? Pas que de juteux contrats. Tarik El mlih, diplômé de l’Institut Supérieur de Commerce et d’Administration des Entreprises (ISCAE), option finances, adore par dessus tout les grands espaces. Ce salarié de Méditel refuse de se laisser avachir par le confort de sa situation. Lui qui affectionne la course à pied depuis 12 ans déjà, il entend marquer son « temps » à lui par une équipée singulière : en 30 jours, il entend courir un marathon par jour et se reposer dans 30 villes. Sa silhouette frêle cache à peine le caractère trempé du bonhomme, bien campé sur ses jambes. Rien de plus normal à ce qu’il expire par tous ses pores une sérénité de sherpa. Celui qui a pris part à plusieurs Marathons et Trails sait de quoi il est capable. Ce coach sportif d’une équipe de marathoniens à ses heures perdues et co-fondateur de l’équipe « meditel marathon » a un moral d’acier. Bien trempé. Celui qui a baigné jeune dans l’univers du karaté, et il fait partie des champions qui ne s’affichent pas, sait ce qu’un kiai veut dire. Une force cachée qui lui a permis de remporter l’adhésion de nombre de sponsors pour sa singulière aventure. « En 2015, j’aurai accompli 15 ans de vie professionnelle. Il est temps pour moi de réaliser le projet dont je rêve depuis des années », confie-t-il. Mais de quel rêve nous parle-til? Un challenge, faire 30 marathons, en 30 jours, en parcourant 30 villes marocaines. Le départ se fera, pour ces jambes frêles, depuis Lagouira, le 1er septembre. Une course qui le mènera à parcourir le littoral Atlantique jusqu’au nord pour ensuite enfiler les kilomètres du littoral Méditerranéen, avant d’obliquer vers Casablanca, en passant par Fès/Meknès. Bien entendu, le champion est prévoyant. Il sera accompa-

gné, pour cette équipée haute en sueurs, par un chauffeur, un assistant sportif, un assistant logistique, un assistant médical et last but not least, un responsable com. Voilà de quoi réconforter le challenger, certes, mais aussi et surtout les sponsors qui l’accompagnent dans son aventure. Chaque jour, l’équipe détermine le circuit pour le lendemain. Pour notre Marathon Man, les “grandes phases” de l’équipée sont les premières, deuxièmes et troisièmes dizaines de jour. Marqué par la perte de son père dans une lutte inégale contre le cancer, Tarik décide de vivre une vie inspirée par le sport, l’anti-tabagisme, la bonne diététique, ainsi qu’une mentalité et des valeurs de sportif. « Bouger contre le cancer », objet de communication de la Fondation Lalla Salma y trouve naturellement écho dans sa démarche. Méditel, OCP et Keep Maroc lui ont fait confiance. A la bonne heure !

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CHRONIQUE JUSTE POUR RIRE

PEINE CAPITALE Par : Ouled Riab

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l y a de ces incohérences dans la démarche de nos islamistes modérés qui sidèrent les observateurs les mieux avertis. Voilà des lustres que des militants des droits humains ferraillent pour que la peine capitale soit frappée de caducité dans le Royaume. Et les pauvres hères, dont mézigue fait partie, continuent à batailler pour que ce châtiment, foncièrement inhumain, soit définitivement mis en bière. Au lieu de monter des échafauds, c’est un collectif qui a été monté pour sensibiliser les pouvoirs publics sur la barbarie que génère une prescription légale que rien ne légitime. Pas même les crimes odieux qui révulsent tout être équilibré. Ne faut-il pas se garder de répondre à la barbarie par la… barbarie. Mais il faut dire que telle ne semble être la démarche de l’actuel Exécutif appelé à monter un échafaudage législatif qui mettrait le pays à l’abri des dérives de quelque nature qu’elles soient. Le ministre de la Justice et des libertés fait toujours la sourde oreille à une revendication profondément humaine et éminemment éthique. Et les couloirs de la mort continueront à résonner des complaintes que n’arrivent pas à réfréner tous les candidats au gibet. La compassion ? On ne connait pas ! Où si. Lorsqu’il est question de défendre les barbus. N’a-t-on pas vu des cadors du PJD monter toute une scène pour faire valoir leur attachement à l’abandon de la peine de mort ? Bien sûr que si… Lorsque l’instance judiciaire égyptienne a pris sur elle de condamner à la peine capitale le très célèbre Morsi et ses acolytes, déboulonnés par un peuple qui vent debout a bouté hors du pouvoir les représentants des Frères Musulmans qui comptaient livrer le Caire à… Tel-Aviv, avec le papier cadeau en prime ! Et c’est bien là où réside l’incohérence des nos barbus de « frères » qui battent le pavé dès qu’il est question de prêter main forte aux victimes sacrificielles de la

NOS ISLAMISTES SONT POUR L’ABROGATION DE LA PEINE DE MORT. LORSQU’IL S’AGIT DES LEURS !

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tristement célèbre Confrérie. Haro donc sur la peine de mort, dénoncent toutes ces gorges chaudes dont l’élan de solidarité disparaît dès lors qu’il s’agirait de faire de l’abandon de la peine capitale une revendication universelle. N’est-ce pas là la parfaite illustration de l’expression consacrée « deux poids, deux mesures » ? Si nos barbus du PJD donnent l’impression de batailler pour la vie, c’est uniquement pour sauver leurs « frères » des abords du Nil et, chemin faisant, les absoudre de tous les crimes qu’ils ont commis. Y compris à Rabea dont ils ont adopté le signe, la fameuse main brandie avec les quatre doigts bien en vue. Normal, les frérots ont scellé par delà les frontières « les liens du sang » qui les habilitent à s’innocenter mutuellement quand bien même l’agression soit de leur lot. Oui, bien sûr que les islamistes s’accrochent à la vie. Mais la leur et celles de leurs coreligionnaires. Et que la mort soit réservée aux autres, tous les autres ! Voilà comment la Confrérie et ceux qui gravitent dans son sillage considèrent l’humanité. Il y a les élus qui bénéficient, en toutes circonstances, de saufconduits. Et il y a le commun des mortels, ces troupeaux de moutons promis à l’abattage. Une dualité mortifère qui légitime les appels au crime pour tous ceux qui auraient l’heur ou le malheur de ne pas partager avec eux leur pain béni. Celui que l’on prend soin de pétrir de certitudes aussi surannées qu’absconses et que l’on sert, par fournées, aux âmes perdues. Et gare à ceux qui osent faire vibrionner le tamis. L’exclusion de la communauté est au bout… Et là, pas la peine de se triturer les méninges pour se faire une idée bien précise de ce que l’apostasie comporte comme risque pour la… vie. Heureusement que Jennifer Lopez dont l’agenda est chargé a vite fait de plier bagage une fois sa prestation à Mawazine terminée. Sans quoi, on imagine mal comment elle aurait pu passer inaperçue aux yeux inquisiteurs de nos barbus qui, l’œil lubrique, se frottent déjà les mains à l’idée de l’avoir condamnée, la pauvre, à deux ans de prison par contumace. Quant à notre ami Nabil Ayouch et les acteurs qu’il a réussi à mobiliser pour son « Much Loved », qu’ils soient assurés de la solidarité pleine et entière de mézigue. La liberté reste le lot de tous les immortels que nous sommes. La revendiquer c’est batailler pour l’arracher quel qu’en soit le prix. Amen !


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