Perspectives Med N°. 109 - Juin 2016

Page 1

PERSPECTIVES Méditerranée

DIRECTEUR DE PUBLICATION : ALLAL EL MALEH | EDITIONS POPMEDIA: PUBLICATIONS DE REFERENCE | PRIX PUBLIC : 30 DH | N°109

www.perspectivesmed.ma

L’HEURE EST AU CHOIX

LE PEUPLE DE GAUCHE SE MOBILISE UN CHANGEMENT DE CAP ? Quelles perspectives ouvriraient les législatives d’octobre prochain ? Si Abdelilah Benkirane s’avère disposé à faire sa valise comme il le dit, c’est que l’alternance n’est pas impossible. La gauche qui a ouvert un débat entre ses diversesLa barbarie composantes, autour lede l’USFP, pourrait permettre au pays de changer de cap. En revivifiant nombre de Daech n’en finit pas d’ensanglanter monde. La Belgique a été frappée, en son cœur, par d’espoirs déçus. un commando de la terreur. La réplique de ce terrifiant séisme, dont l’épicentre se trouve au Proche-Orient, n’a épargné aucune nationalité à Bruxelles. Marocains, Américains, Français… ont été victimes du double attentat kamikaze. Le bilan est lourd et traumatisant: plus de 30 morts et 300 blessés !

Juin 2016


2

PERSPECTIVES MED


ÉDITORIAL PACTISER À GAUCHE ALLAL EL MALEH

D

e temps à autre ressurgit, tel un marronnier, l’idée consistant à tâter le terrain de l’islamisme politique pour en faire un allié de la gauche dans son combat pour le changement. On peut aisément voir en la démarche de l’USFP, via son « think-tank », une réplique de cette demande politique, lui qui a invité Abdelilah Benkirane, patron du PJD, à un débat des plus francs sur des questions qui fâchent, genre l’assassinat du leader socialiste Omar Bendjelloune, comme sur des questions qui se rapportent à la pratique de l’islam politique et à la normalisation du phénomène à l’aune de l’exercice du pouvoir. Sans entrer dans le détail, force est de rappeler que pour nombre de composantes de la gauche marocaine, la question de « la normalisation » avec les formations islamistes n’est plus un sujet tabou. Le PPS qui se réclame héritier de la mouvance communiste a même franchi le pas pour composer avec le PJD au sein d’une coalition gouvernementale. Mais est-ce une raison suffisante pour que les autres forces progressistes déplacent, elles aussi, leur curseur vers la même expérience ? Pour l’USFP, force est de souligner que la décision de composer avec la formation islamiste qui pilote l’actuel Exécutif est assujettie à une condition fondamentale : le PJD est appelé à abandonner le prosélytisme religieux auquel on imputerait sa force pour se fendre dans la sphère politique. Autant dire que le divorce entre le PJD et le Mouvement Unicité et Réforme, assimilé à son bras idéologique, doit être consommé avec la solennité qui sied à l’événement. Et à ce sujet crucial, il faut dire que le PJD est encore loin d’avoir tourné le dos à sa matrice idéologique qui emprunte le gros de son référentiel du domaine religieux, stricto sensu, plus que du domaine civil. La disruption exigée n’est même pas envisageable pour les cadors de la formation islamiste pour rassurer les uns et les autres sur un probable aggiornamento. Celui-là même capable de faire émerger sur la scène nationale l’équivalent d’une « démocratie chrétienne » susceptible de supplanter un islam politique qui se rigidifie en fonction des positions qu’il occupe au sein de la société. La question subsidiaire qui se pose est liée, elle, au memento d’une telle démarche provenant des forces progressistes. Pourquoi sont-elles tentées par une aventure qui n’a encore réussi nulle part ? Même en Tunisie, Ennahda n’a opéré qu’une mue de façade en troquant contre « l’islamisme politique » ce que El Ghannouchi appelle non sans em-

phase « la démocratie musulmane ». Un branding juste propre à vendre aux Tunisiens, en proie à l’islamisme radical, l’image d’un parti qui se rénove alors que le fond idéologique reste le même. Pis, si l’on se tourne vers l’expérience turque dont les formations islamistes font l’éloge, l’image que renvoie l’AKP au pouvoir est loin d’être réconfortante pour un pays qui a vibré, des décades durant, au rythme d’un système laïc aujourd’hui remis en cause par les dérives d’Erdogan. C’est de l’autoritarisme pur jus qu’il s’agit pour le cas d’espèce. Juges, avocats, enseignants et journalistes éprouvent amèrement le retour inique à une pensée unique. Certes, en Amérique latine, là où les forces de gauche ont réussi à percer au cours de ces dernières années, avec plus ou moins de bonheur, l’Eglise a joué un rôle déterminant pour faire tomber les dictatures. Elle a contribué, avec les partis de gauche, à la reconquête du pouvoir. Mais est-ce une raison pour vouloir dupliquer une expérience dont le succès, justement, réside en l’éclipse du religieux de la scène politique pour se consacrer aux traditionnels rituels de la foi et au sacerdoce ? Les forces progressistes ont raison de sonder tous les possibles en vue de renforcer la démocratie dans le pays. Elles ont aussi le droit d’interpeller les expériences vécues ailleurs pour tirer les leçons qui s’imposent en terme de succès comme d’insuccès. Mais elles ont surtout le devoir de rassembler le peuple de gauche, car il existe, en envisageant d’autres démarches militantes qui épousent l’air du temps. C’est à ce seul prix-là que le débat national ne sera plus étalonné à l’aune d’un islamisme envahissant. Pour ce faire, les courants progressistes qui hésitent encore sur la marche à suivre pour assurer l’avènement d’un front de gauche doivent vaincre le pire ennemi qui soit pour eux : l’immobilisme. Et dans la quête d’un renouveau, nul besoin de rappeler que les droits, tous les droits, sont exigibles et, in fine, s’arrachent. L’affaire relève de l’épreuve de force à engager et non pas des seuls calculs, petits à n’en point douter, qui renvoient à l’équilibre des forces. L’avenir appartient à ceux qui osent. Et dans cette configuration là, le pouvoir ne saurait ignorer le poids de toutes ces minorités de gauche, certes éclatées mais pouvant être agglomérées pour réoccuper la scène. Et le récit national proposé est prometteur. Car il tourne le dos aux piètres prières comme il tranche avec le fatalisme.

PERSPECTIVES MED

3


POINTS CHAUDS

13

TERMINUS !

SOMMAIRE 12

14

CHRONIQUE

POINTS CHAUDS

22

DOSSIER MRE

Bonjour les dégâts Le Maroc doit changer de trajectoire SIR BENKIRANE ET MISTER DAOUDI A GAUCHE, TOUTE !

DOSSIER MRE

24

18

DOSSIER MRE

Transit des MRE ASSURER CONFORTET QUIÉTUDE À LA DIASPORA

26

DOSSIER MRE

Nouveaux profils de MRE NOUVELLES ATTENTES…

Le mal-être des immigrés de France ENTRE ESPOIRS ET DÉSILLUSIONS

30

MONDE

32

MONDE

34

37

40

42

Les MRE tentés par la représentativité LES ENJEUX D’UN LOBBYING

MONDE

Ennahda s’offre L’Algérie veut en découdre avec la crise Face à une France anxiogène L’ARME DU REMANIEMENT… L’Elysée accroché « la démocratie musulmane » aux miracles ! SERAIT-CE LA FIN DE L’ISLAMISME TUNISIEN?

MONDE

Daech plie sous les coups en Syrie DE MANBIJ À RAQQA…

4

PERSPECTIVES MED

MONDE

La course à la Maison Blanche entre Clinton et Trump POURQUOI LE MONDE RETIENT SON SOUFFLE

MONDE

Présidentielle américaine : DÉMOCRATIE RAFRAICHISSANTE OU DÉFRAICHIE ?


47 74 81 92

ÉCONOMIE CULTURE

48

62

65

72

ÉCONOMIE

Les céramistes crient au dumping Interdiction des sacs en plastique TOUS SUR LE CARREAU ? GUERRE DÉCLARÉE AU POLYÉTHYLÈNE !

Abdellatif Laabi, une poétique chaotique JUSTE COMBAT, JUSTES MOTS

SPORT

Le change flexible n’est pas qu’un choix technique A. JOUAHRI DOIT S’EXPLIQUER

DOSSIER CÉRAMIQUE

Le taux de change en question GARE AUX SIRÈNES DU LIBÉRALISME

93

ÉCONOMIE

Modèle de croissance LE SÉSAME RÉSIDE DANS L’INDUSTRIALISATION

ÉCONOMIE

Réforme du football marocain DES ENJEUX DE TAILLE

60

ÉCONOMIE

l'émergence en questions DESSINE MOI UN MODÈLE !

82

SPORT

54

ÉCONOMIE

CULTURE

MARCHÉ

86

CULTURE

Ken Loach sacré à Cannes PALME À L’ENGAGEMENT...

94

SPORT

88

CULTURE

« Les derniers jours de Muhammad » de Hela Ouardi DÉPASSER MYTHES ET MYSTÈRES

Mohamed Ali raccroche pour toujours UNE ÉTOILE DU RING S’EST ÉTEINTE

98

CHRONIQUE

Juste pour rire STADE BUCCAL…

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION & DE LA RÉDACTION: ALLAL EL MALEH | RÉDACTION: ABDERRAHMANE EL MALEH - A. BEN DRISS - ABOUMARWA - SAID AKECHEMIR - LAMIA MAHFOUD - OULED RIAB - MOHAMMED TALEB - MUSTAPHA EL MALEH - YAHYA SAÏDI | ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : ABDERRAHMANE MEKKAOUI | DIRECTEUR ADMINISTRATIF & FINANCIER : FATIMA EL MALEH | CRÉATION: ABDELKABIR BOUMKIL / PM DÉVELOPPEMENT | PORTRAITISTE: HELMA LALLA | RESPONSABLE COMMERCIALE : IMANE ABDA | PHOTOS: PM EDITIONS | MENSUEL ÉDITÉ PAR POP MÉDIA SARL: 8, BD. YACOUB EL MANSOUR MAARIF, CASA | TÉL.: 05 22 25 76 17/ 05 22 25 76 54/05 22 25 77 84/ FAX: 05 22 25 77 38/ E MAIL : CONTACT@PERSPECTIVESMED.MA/ WWW.PERSPECTIVESMED.MA | IMPRESSION: IDÉALE | DISTRIBUTION : SOCHEPRESS | N° DÉPÔT LÉGAL: 2005/0101 | ISSN : 1114-8772 | CE NUMÉRO A ÉTÉ TIRÉ À 15.000 EXEMPLAIRES.

PERSPECTIVES MED

5


VU LU

ENTENDU Après 9 mois d’attente, l’Intérieur a enfin rendu publics les résultats détaillés des élections communales et régionales de 2015 disponibles sur le site www.elections.ma. Une transparence électorale bien tardive qui n’occulte en rien la difficulté de leur passage au tamis. Même le moteur de recherche fait preuve de ratés qui complique tout effort de consultation. Dommage ! Le Chef du gouvernement A. Benkirane a indiqué à la Chambre des représentants que les syndicats avaient présenté, dans le cadre du dialogue social, un cahier revendicatif dont l’impact financier s’élève à 40 milliards de DH par an. Compte tenu de la conjoncture économique, il a été impossible d’y répondre favorablement, précise le patron de l’Exécutif. D’où la panne sociale… Le travail dangereux affecte 193.000 enfants ( 7 à 17 ans), soit 59 % des enfants au travail et 2,9% de l’ensemble des enfants de cette tranche d’âge. Le Haut-commissariat au plan (HCP) a rendu publique ces données à l’occasion de la journée mondiale contre le travail des enfants, célébrée le 12 juin de chaque année. No comment ! Près de 206.000 ressortissants étrangers ont acquis la nationalité espagnole en 2014, selon les chiffres fournis par Eurostat (soit deux fois plus que la France). Le plus gros contingent vient du Maroc : 92.700 dont le tiers sont devenus espagnols. A rappeler que pour toute l’Europe, les demandes

ELYAS EL OMARI EN VRP MISSION RÉUSSIE Le fin fond de la mission menée en Chine par Ilyas El Omari, es qualité de Président de la région Tanger-Tétouan-Al-Hiceima, est enfin connue. Le groupe chinois Haite va injecter dans la région pas moins de 10 milliards de dollars pour développer des istes industriels dédiés entre autres à l’aéronautique. Le projet court sur 2 000 hectares (mobilisables en deux temps), avec une ville de 300 000 résidents… Une délégation du groupe chinois était en déplacement à Tanger où elle a rencontré le président de la région, ainsi que le ministre de l’Industrie, pour discuter des termes de ce deal qui a fait couler beaucoup d’encre. Confiant, El Omari a assuré qu’environ 50 % du foncier réservé à ce projet est prêt et que les travaux ne devraient pas tarder à démarrer. Le groupe Haite entend installer plusieurs de ses filiales dans cette nouvelle cité industrielle. Basé à Chengdu, dans l’ouest de la Chine, Haite Group compte un millier d’employés et une vingtaine de filiales dans la mécanique, l’entretien, la réparation et l’électronique aéronautique.

LES EAU SE RETIRENT DU YÉMEN LE MAROC SUIVRA… Les Emirats arabes unis ont affirmé que "la guerre est finie" contre le Yémen. "Notre point de vue est clair aujourd'hui: la guerre est finie pour nos troupes", a déclaré à la presse le ministre d'Etat émirati aux Affaires étrangères, Anwar Gargash, à Abou Dhabi. "Nous surveillons les arrangements politiques, donnant aux Yéménites le pouvoir dans les régions libérées", a ajouté M. Gargash. Le prince héritier d'Abou Dhabi, cheikh Mohammed ben Zayed Al-Nahyane, commandant en chef adjoint des forces armées émiraties, a aussitôt posté les propos de M. Gargash sur son compte Twitter officiel. La question qui se pose dès lors serait de savoir si les autres forces coalisées autour de lArabie Saoudite, depuis mars 2015, adopteraient la même attitude. Le Maroc qui s’y est investi suivra-t-il les EAU en annonçant, pour sa part, son retrait ? Officiellement, rien ne filtre à ce propos. Silence et bouche cousue…

avaient avoisiné le million…

DIPLOMATIE RELIGIEUSE

UNE FONDATION POUR LA TOLÉRANCE

6

PERSPECTIVES MED

Dans son engagement à lutter contre le jihadisme, le Maroc ne lésine pas sur les moyens. Durant le mois de Ramadan, le Roi a installé l’instance de concertation entre des oulémas provenant de 31 pays au sein de la mosquée Al Qaraouiyine de Fès, capitale spirituelle du Royaume et dont l’aura dépasse le seul territoire national. Créée par un décret royal (dahir) le 25 juin 2015, la Fondation Mohammed VI des oulémas africains a pour mission d’assurer une coordination entre 120 théologiens provenant de 31 pays du continent africain, afin que ceux-ci puissent échanger sur le meilleur moyen d’instaurer un islam de tolérance face à la propagande djihadiste. Le communiqué qui accompagne cette inau-

guration ménage les susceptibilités en soulignant que cette action est menée « sans interférer dans les décisions officielles de leurs pays ». Une démarche qui « procède plutôt d’une conception intégrée de la coopération constructive et d’une volonté de répondre concrètement aux demandes de nombre de pays africains frères en matière religieuse », a déclaré le roi devant les oulémas membres de la fondation, réunis pour l’occasion. Présidée par le souverain, le ministre des Habous et des Affaires islamiques, Ahmed Toufik, occupant le poste de président délégué, la nouvelle fondation est composée de sommités religieuses africaines (sur les 120 membres, on compte 17 femmes).


DJIHADISME : LE PÉRIL DES LOUPS SOLITAIRES La veille des services marocains de sécurité permet de contenir, jusqu’à présent, les prétentions destructrices des djihadistes inféodés à la nébuleuse terroriste internationale. Le Maroc n’est pas à l’abri des menaces proférées aussi bien par « Al-Qaida » que par sa rivale « Etat Islamique ». Et si les actions de prévention ont jusqu’à présent permis le démantèlement de réseaux locaux, constitués essentiellement de djihadistes marocains, le péril prend une autre ampleur à la lumière de l’émergence du phénomène des loups solitaires. C’est dans ce cadre là qu’il faudra lire l’arrestation du ressortissant italien à l'aéroport d'Oujda-Angad, le 8 juin dernier, pour « son implication dans un dangereux projet terroriste visant des sites sensibles dans le royaume ». Selon un communiqué publié lundi 13 juin par le ministère de l’Intérieur, on apprend que les services de sécurité en poste à l’aéroport Oujda-Angad, en collaboration avec la Di-

rection générale de la surveillance du territoire (DGST), ont arrêté, mercredi 8 juin, un ressortissant italien résidant en Belgique et qui faisait l'objet d’un avis de recherche pour lien avec le terrorisme. Les services de sécurité marocains avaient en effet des informations précises sur l’implication de cet individu dans des projets terroristes visant des sites sensibles dans le royaume. Selon les premiers éléments de l’enquête en cours, l’individu interpellé avait tenté, en vain, de rejoindre les rangs de Daech en Syrie ou en Irak en 2014. D’où son retour en Belgique d'où il préparait ses plans. En juin 2015, il avait rallié le royaume sur directives de Daech en vue de procéder à des repérages en vue de réaliser un ou plusieurs projets d’attentats. Le présumé terroriste aurait principalement préparé un attentat contre un site sensible à Casablanca où il avait effectué plusieurs repérages, nous apprend le communiqué du ministère de l'Intérieur.

DOSSIER SAHARIEN UNE MISSION TECHNIQUE À LAAYOUNE

Le compromis entre le Maroc et Nations-Unies au sujet du "retour à la pleine fonctionnalité de la Minurso" sera-t-il scellé avant l’échéance fixée à fin juillet ? Les discussions "techniques" ont repris et une mission onusienne a même fait un déplacement à Laâyoune où elle a eu des discussions avec Kim Bolduc, représentante spéciale de Ban Ki-moon pour le Sahara et chef de la Minurso ainsi qu'avec le général major pakistanais Muhammad Tayyab Azam, commandant de la Minurso. Jamal Benomar, diplomate marocain nommé en novembre dernier conseiller spécial de Ban Ki-moon, avec rang de secrétaire général adjoint, a pris part à cette mission. Ces discussions ont pour objectif de définir les véritables besoins de la Minurso en personnel civil. Si la résolution du Conseil de sécurité, votée le 29 avril dernier, évoque un retour de la Minurso à sa pleine fonctionnalité, il n’en reste pas moins que cela ne signifie pas obligatoirement le retour du personnel civil expulsé par le Maroc, ni son remplacement par un effectif identique (73 personnes).

Au niveau mondial, la nationalité marocaine n’est ni forte, ni faible. Elle est tout simplement moyenne. C’est ce que relève le cabinet international Henley & Partners qui vient de dévoiler, à Zurich, son nouvel indice de la qualité de la nationalité (QNI). Avec un score LES MAROCAINS de 23,8%, le Maroc est en effet CHAUVINS ? 121ème du QNI qui classe la vaDANS LA leur objective de 161 nationaMOYENNE… lités à travers le monde. Facteurs internes (économie, développement humain, paix, stabilité) et externes (voyage sans visa, capacité de s’établir et travailler à l’étranger) renseignent sur la qualité de la nationalité par rapport à d’autres.

DÉFENSE LE « MADE IN FRANCE » COTÉ AU MAROC Le Maroc est le huitième client de la France en matière d'armement, le cinquième dans le monde arabe, mais le premier au niveau de l’Union du Maghreb, selon un rapport du ministère français de la Défense. En 2015, 96 accords ont été conclu entre les deux pays pour un montant de 748 M€. Achats focalisés sur les transmissions, télécommunications, surveillance électroniques, chars blindés, missiles et équipements de recherche. Selon le rapport du centre Report Linker, chargé d’évaluer les investissements des marchés de l’armement, le Maroc investit 3,3 mrds de dollars par an dans l’armée.

PERSPECTIVES MED

7


VU LU

ENTENDU FOREIGN AFFAIRS MAGAZINE L’ALGÉRIE AU BORD DE L’IMPLOSION Selon l’influent magazine US « Foreign Affairs » édité par le think tank « Council on Foreign Relations », l’Algérie souffre aujourd’hui d’une précarité institutionnelle avancée, exacerbée par l’effet conjugué de l’immobilisme et des différents défis internes et externes qui risquent de « plonger le pays dans le désordre ». Francisco Serrano souligne que « l’Algérie demeure sous la coupe d’un régime constitué de l’appareil militaire, de sécuritaires et d’élites politiques”. L’analyste US analyse considère que le pouvoir algérien opère avec en toile de fond « des signes de déliquescence qui atteste d’un régime politique évidé ».

MILITAIRES ALGÉRIENS : LOUISA HANOUNE CONTRE L’OMERTA

AMBASSADEUR US À RABAT SATISFÉCIT AMÉRICAIN… "Le gouvernement des Etats-Unis reconnaît l’engagement continu du Maroc pour la consolidation des efforts de lutte antiterroriste, et particulièrement son leadership au sein des instances internationales tel que le Forum Mondial de Lutte contre le Terrorisme (GCTF), ainsi que la stratégie réputée du Royaume visant à contrer l’extrémisme violent à tous les niveaux", a déclaré Dwight L. Bush Bush dans un communiqué rendu public dans la foulée de la publication du rapport annuel du Département d’Etat sur le terrorisme dans le monde au titre de l’année 2015. "Nous applaudissons le Maroc en tant que leader aux plans régional et international tout comme nous apprécions sincèrement l’engagement actif du Royaume dans la mise en œuvre de mesures sécuritaires en Afrique, en Méditerranée, et à travers le monde", a noté l’ambassadeur US à Rabat.

C’est officiel. Hillary Clinton est candidate à la présidentielle, a annoncé dans un courriel à des donateurs John Podesta, un haut responsable de campagne. La démocrate qui est à sa deuxième tentative pour devenir la première femme à diriger les Etats-Unis est réputée pour être une « amie » du Maroc. Si elle arrive à la Maison Blanche, une nouvelle page dans les relations entre les deux pays est à envisager. En tout cas, l’actuel hôte du Bureau Ovale n’a pas manqué de féliciter la candidate qu’il considère comme une « amie ». Avec B. Obama, H. Clinton avait assumé les fonctions de chef de la diplomatie avant de se retirer.

DES ÉLUS TOMBENT : L’ISTIQLAL EN COLÈRE Le parti de l’Istiqlal n’hésite plus à s’en prendre au ministère de l’Intérieur qui chercherait, selon Hamid Chabat, à réduire l’aura de la formation d’Allal El Fassi à n’importe quel prix. Ce qui explique la montée en puissance des critiques bien istiqlaliennes est imputable à plusieurs mesures prises à l’encontre des élus du PI et à leur tête le Président de la Région Dhakhla Oued Eddahab. En effet, c’est le tribunal administratif d'Agadir qui a décidé "l'annulation de la décision administrative négative émanant du ministre de l'Intérieur, avec toutes les conséquences juridiques qui en découlent" concernant le recours contre l'élection du président de la région Dakhla-Oued Eddahab. Décision motivée par la

8

PERSPECTIVES MED

requête introduite par le PAM auprès du tribunal administratif d'Agadir, contestant l'élection de Yanja Khatat à la tête de la région Dakhla-Oued Eddahab, ce dernier résidant de «manière quasi-permanente en République islamique de Mauritanie». Cette décision a eu un écho inattendu dans les provinces sahariennes où des ténors de l’Istiqlal ont tenu à exprimer leur ire en rappelant que ce qui les lie au Maroc relève exclusivement de l’allégeance au Trône… Voilà de quoi attiser davantage la tension autour de la lecture que l’on pourrait faire de la saillie de Hamdi Ould Errachid. En attendant, le patron de l’Istiqlal a le temps pour digérer les sentences qui ont touché ses deux fils pour magouilles électorales.


COP22. UN F’TOUR POUR LEVER DES FONDS Evalué dans une fourchette comprise entre 800 et 850 MDH, dont 300 MDH devraient provenir du budget de l'Etat marocain, l’organisation de la COP 22, à Marrakech, est une occasion pour drainer le soutien de près d’une centaine d’opérateurs nationaux. Le tissu économique est sollicité pour y contribuer. Pour réussir cette levée des fonds, Salaheddine Mezouar a convié tout ce beau monde à un ftour, à Rabat. L’espoir nourri par le patron de la diplomatie marocaine est de réussir à faire tomber dans l’escarcelle de l’organisation quelque 200 MDH. Il y a lieu de rappeler que certaines organisations internationales avaient promis, lors d'une rencontre tenue en avril 2016, des dons (2 millions d'euros accordés par l'Union européenne qui pourrait verser 5 millions d'euros supplémentaires, 450.000 dollars par le FIDA et 2 millions d'euros versés éventuellement par le PNUD, si les pourparlers aboutissent).La contribution purement financière n'est pas la plus importante, signale-t-on. Des contributions en nature existent. Beaucoup d'entreprises sont déjà engagées, d'autres les rejoindront", répond ce membre du comité de pilotage. Les donations promises visent à équiper le village Bab Ighli, de moyens de déplacement, de voitures hybrides...

LA CGEM À L’ÉCOUTE DES PARTIS QUEL EST LE PROGRAMME ? A la veille des élections législatives, la CGEM a convié les partis politiques de la majorité et de l'opposition à une série de rencontres pour débattre des priorités économiques du Maroc pour la prochaine législature, annonce un communiqué de l'organisation patronale. Une occasion pour les différentes composantes politiques de présenter, certes, leur vision et leur programme économique. Mais aussi et surtout un moyen permettant à la CGEM de faire des propositions visant l'accroissement de la compétitivité de l'entreprise marocaine, le renforcement de la dimension industrielle de l'économie, l'amélioration du climat des affaires et la création d'emplois pérennes.

PERSPECTIVES MED

9


VU LU

ENTENDU H. CLINTON, AMIE DES MAROCAINS MAIS SURTOUT DES SAOUDIENS Souvent, la candidate à la succession d’Obama, à la tête des Etats Unis d’Amérique est considérée par nombre d’observateurs marocains comme « une amie » du Maroc. Quitte à passer outre le fait qu’elle ne fait que défendre les intérêts bien compris de son pays, elle qui sait ce que l’action diplomatique veut dire. Mais ce qui est certain, c’est que Hillary Clinton est surtout l’amie des Saoudiens. Que l’on en juge ! Selon Mohammed ben Salman Al Saoud, vice-prince héritier d'Arabie saoudite, le Royaume wahhabite a toujours soutenu financièrement les candidats des deux partis républicain et démocrate. Riyad a versé, ajoute la même source, plus de 20% du coût de la campagne d'Hillary Clinton. Pourtant, aux Etats-Unis, il est formellement interdit aux candidats à la présidentielle d'accepter des financements de gouvernements étrangers. En tout cas, The Clinton Foundation, présidée par Hillary et son mari Bill Clinton, a révélé en 2008 qu'elle avait accepté près de 25 millions de dollars du royaume saoudien la même année. L’Arabie n’est pas le seul pays à avoir financé la Fondation. Norvège, Koweït, Qatar, Brunei, Oman, Italie et Jamaïque ont versé, ensemble, environ 20 millions de dollars.

UNE AFFAIRE DE 600 MDH ! RÉHABILITATION DES MOSQUÉES C’est à Casablanca qu’un exposé a été présenté devant le roi sur le «Programme de réhabilitation des mosquées» par le ministre des Habous et des Affaires islamiques. Ahmed Toufiq a expliqué que le coût global de ces opérations de restauration est estimé à 598 MDH. Il a ajouté que 25 mosquées ont fait l’objet de restauration pour un coût de 112 MDH, notant que dans certains cas, il a été nécessaire de procéder à des fouilles archéologiques au sein de la mosquée restaurée, ayant révélé de nouvelles données historiques, comme ce fut le cas pour Al Qaraouiyine et la mosquée Sidi Chiguer à Safi. Le nombre des mosquées dans les anciennes médinas, les Ksours, les oasis et les Kasbahs, est estimé à 843, dont 183 grandes mosquées historiques et 660 moyennes et petites mosquées anciennes.

A LA HACA, LES MAROCAINS SONT-ILS TOUS ÉGAUX ? Le doute persiste quant à l’égalité des chances entre les Marocains au sein de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle. Le Centre marocain des droits de l’homme (CMDH) en sait quelque chose en relayant la plainte d’une employée de l’institution qui est poussée, aujourd’hui, vers la sortie… Pour avoir dénoncé le népostisme qui sévit au sein de l’institution. Le fils d’une personnalité aurait obtenu un poste important que la femme convoitait. Y verra-t-on clair dans ce feuilleton ?

Le Conseil constitutionnel a publié une décision en vertu de laquelle il invalide l'élection de 15 membres de la Chambre des conseillers, après avoir tranché, le 10 juin, dans tous les recours relatifs à l'élection des membres

CONSEILLERS RECALÉS LE POUVOIR DE L’ARGENT

de la Chambre des conseillers, dont le nombre est de 32. Cette invalidation est intervenue après des écoutes téléphoniques légales, ayant permis de révéler

le recours à des méthodes illégales pour séduire les électeurs.Quant aux autres cas, ils relèvent de la non éligibilité, de la transhumance syndicale et de l'écriture d'un slogan à connotation régionale discriminatoire sur une liste électorale, précise la même source.

10

PERSPECTIVES MED

SAISON ESTIVALE

BRONZER IDIOT ET PLUS SI AFFINITÉS Le rapport national de la qualité des eaux de baignade pour la saison 2015-2016 est tombé : 97% des plages répondent aux normes de qualité. 100% des eaux de baignade de la zone de l’Atlantique Sud (26 plages et 64 stations de surveillance) sont conformes aux normes, contre 98% dans la zone Atlantique Nord (81 plages et 223 stations de surveillance) et 91% dans la zone méditerranéenne (45 plages et 99 stations). Là, on peut bronzer idiot. Ce qui ne saurait être le cas dans 26 autres plages polluées.


PERSPECTIVES MED

11


CHRONIQUE BONJOUR LES DÉGÂTS

SIR BENKIRANE ET MISTER DAOUDI Par: Said Akechmir

L

e Maroc a un problème avec l’anglais. Il ne faut surtout pas chercher de qui il s’agit, à Londres, là où la diplomatie marocaine cafouille en n’arrivant toujours pas à convaincre les durs à cuir de la gauche de la justesse du dossier saharien. Car sur ce chapitre là, les vis-à-vis pour le moins singuliers, eux qui refusent la logique pure et dure de l’IRA tout en ouvrant les bras aux sécessionnistes du Polisario, sont pluriels. Ce dont on parle a trait à la langue de Shakespeare. Si nul ne sait si le Chef du gouvernement est tombé sous le charme du Roi Lear, ce qui a constitué le buzz n’est autre que le départ intempestif de SI Abdelilah vers le Royaume de Belgique pour suivre, dans un château près de Liège, des cours intenses d’anglais. Une semaine que le contribuable a offert à Sir Benkirane pour qu’il puisse se transformer en trilingue capable de discourir sans discontinuer en arabe (dans ses deux versions classique et de la rue), de persister à baragouiner dans la langue de Molière… Et le nec plus ultra, de ne plus passer pour le dernier de la classe lorsqu’il reçoit des ministres ou diplomates qui, en majorité, parlent anglais… Cela sans parler de ses participations aux fora où on ne parle pas un traitre mot de langues, vivantes ou mortes, à l’exception de l’anglais. Nul ne sait si Mister Benkirane fait sienne la logique froide mais ô combien rationnelle du « time is monney». Lui qui ne jure que par le dernier quart d’heure pour passer les lois cardinales que les longues années d’une législature finissante n’a pas réussi à suffire pour en assurer le « bouclage ». En tout cas, il n’a pas hésité à s’autoriser un congé pour vivre pleinement, en une semaine chrono, l’expérience des châtelains… Aux frais de la princesse ? Anyway ! Car au-delà des secrets de la Primature, il faut se dire qu’un autre ministre parmi l’équipe islamiste aux affaires n’a pas fait mystère quant à ses penchants pour la langue de Sherlock Holmes. Ce féru de Lord Byron n’est autre que Lahcen Daoudi ayant à charge le très stratégique département de l’Enseignement supérieur. Et bien, tenez-vous bien, il n’a rien trouvé de mieux que pousser les chercheurs marocains dans leurs derniers retranchements en les invitant à faire preuve d’une parfaite maîtrise de la langue anglaise avant de prétendre au

12

PERSPECTIVES MED

doctorat. Dès lors, tout doctorant est dans l’obligation de publier dans des revues savantes, et en anglais SVP, des recherches. Avant de se présenter à la soutenance. Munis en cela d’au moins un abstract rédigé dans la langue shakespearienne. Sans quoi, tout prétendant serait recalé d’office ! Dans la démarche de nos deux responsables islamistes, il y a un rapport au temps qui est pour le moins singulier. Car si Benkirane a ses raisons pour choisir sa « retraite anglaise » près de Liège, en se mettant à apprendre l’anglais en fin de mandat, c’est pour mieux rebondir dans un second mandat qui lui serait pratiquement acquis, comme il est le seul à l’avoir lu dans le marc. Et pour mieux prendre son élan politique, le dirigeant islamiste a tout fait pour, y compris en se réattribuant la présidence du PJD le temps d’un congrès extraordinaire au terme duquel le congrès ordinaire a été reporté. Et tant pis pour tous ceux qui louèrent les leçons de démocratie interne dont le parti islamiste fait preuve… Le kidnapping de la présidence n’ayant jamais eu lieu dans une formation qui ne croit qu’aux vertus du charisme. Reste l’autre mister, Daoudi en l’occurrence, qui tenait à marquer son passage au gouvernement en tirant sa dernière salve alors que le système éducatif national endure depuis des lustres un véritable Trafalgar. Nul besoin de chercher à traduire en anglais les ratés de nos responsables. « Zut » alors ! On le dira sans modération lorsqu’on sait que le système éducatif est limité plus par le contenu des curricula plus que par l’idiome d’assimilation du savoir. Ce qui est exigé est une véritable révolution (c’est aussi le terme adéquat en anglais) dans le système qui puisse remobiliser les « clients » de l’éducation nationale autour des savoirs à assimiler, ceux qui décillent et ouvrent l’appétit à la critique, pour mieux contribuer à l’essor du pays. Avec un tel système, gageons que Sir Benkirane n’aurait pas fait perdre à son mandat une semaine en Belgique pour évaluer ses capacités d’assimilation d’une langue globale. Et que même Mister Daoudi aurait fait l’économie d’un décret pour pousser les doctorants à se transformer en véritable éponge de la culture anglaise. Do you understand ? Yes, its clear, comme dirait le très communiquant Mustapha El Khalfi.


PERSPECTIVES MED

13


POINTS CHAUDS

LE MAROC DOIT CHANGER DE TRAJECTOIRE

A GAUCHE, TOUTE ! Le Maroc est en panne. Au bord de l’apoplexie, le pays a besoin d’un autre récit national que celui que déroule, depuis près de 5 ans, un PJD qui refuse de voir au-delà de son nombril. L’intérêt général incite à une alternance où la gauche à son mot à dire. Si elle est outillée pour, c’est qu’elle est disposée à en négocier les termes. Un exercice qui relève de l’urgance. C’est un exercice de salut public. Par : Allal El Maleh

P

lus que quatre mois séparent les Marocains de l’épreuve des urnes pour le renouvellement de l’institution parlementaire. Cette étape politique revêt un caractère crucial au regard des enjeux liés à la construction démocratique, point nodal à l’aune duquel sont évaluées les chances de la qualification du pays ou non pour venir à bout des défis auxquels il est confronté. Défis qui englobent nombre de domaines qui vont de l’économique au social et de l’intégrité territoriale à la sécurité globale, y compris celle éminemment cultuelle qui s’accommoderait mal de l’instrumentalisation de la religion à des fins bassement politiciennes. Au-delà des préparatifs liés à cette épreuve votative, importantes à n’en point douter pour assurer le bon déroulement d’un tel suffrage et l’émergence d’une carte politique plus expressive (le débat initié par l’opposition à ce sujet n’est pas à minorer), il y a lieu de souligner que les électeurs sont d’ores et

14

PERSPECTIVES MED

déjà confrontés à un choix cornélien à l’aune duquel se profile ce à quoi il faudrait s’attendre au lendemain du 7 octobre. Soit un vote massif en faveur de l’actuelle majorité qui signifierait le reproduction de l’expérience en cours, avec le bilan que l’on sait. Soit un vote de rupture qui prendrait les allures d’une sanctionne des choix faillis de l’actuelle équipe gouvernementale. Dans la configuration des possibles, point de troisième voie… EXTINCTION ISLAMISTE Dans les cuisines partisanes, force est de souligner que des pactes ont déjà été passés entre une partie de la composante de l’actuelle majorité. On signalera, à ce propos, que le PPS a été un des premiers partis à « sanctifier» les liens qui scellent son avenir politique à celui du PJD. Abdelilah Benkirane s’est évertué, au fil de la législature qui s’achève, à louer le « parfait amour»


qui unit un parti comptant naguère parmi les forces progressistes du pays (les héritiers du PCM ayant opéré un virage à 180° pour se complaire dans les fonctions de la gestion des affaires publiques) et sa formation éminemment islamiste. Plus qu’un trophée, c’est d’un sauf conduit qu’il s’agit pour le cas d’espèce, le PJD qui n’a toujours pas coupé le cordon ombilical qui le retient au MUR (son bras idéologique) cherchant à prouver le statut de « normalité» dans une scène politique où la polarisation pourrait survenir à chaque moment pour en dénoncer les dérives obscurantistes. Cette alliance a réussi à aggolmérer aussi la Mouvance populaire, autre parti d’appoint pour former une majorité en cas de succès électoral du PJD. On remarquera que dans cette équipée, le RNI, véritable machine électorale, ne s’est pas encore prononcé sur une quelconque alliance avec les autres composantes de la majorité aux affaires. Se réservant ainsi le droit de ne se prononcer qu’à la lumière des résultats des législatives. Point de gages, donc, pour le PJD. Même le Parti de l’Istiqlal, laminé par les épreuves des urnes depuis que Hamid Chabat préside à ses destinées, ne semble pas pressé de trancher dans le vif. Fiasant preuve d’un « Wait and See » alors que le PJD a cherché à le recruter dans un large front donné déjà gagnant. Le PI a

choisi de rester dans l’ombre le temps de voir clair dans la nouvelle carte que les suffrages dessineront en octobre. Du côté du PAM, l’affaire semble réglée d’avance puisque cette formation ne fait plus de mystère quant au fossé idéologique qui la sépare du PJD, abyssal pour obéir à une quelconque règle de compromis. Une attitude qui semble partagée, avec quelques nuances près, par les socialistes de l’USFP. Ces derniers conditionnant toute alliance avec le PJD à la capacité de ce dernier à renier son fonds de commerce idéologique. « L’Islam des lumières » auquel croit la direction de l’USFP n’étant pas le lot d’un MUR qui valse toujours entre un rigorisme de bon aloi et son avers obscurantiste. En passant au filtre la position des uns et des autres, la grille de lecture qui se dégage permet de douter quant aux performances électorales et du PJD et de ses alliés de circonstance. Car non seulement l’échec sur plusieurs fronts a été le lot de l’expérience gouvernementale pilotée par le PJD, la panne du pays donnant à réfléchir aux uns et aux autres, mais parce que les vents qui soufflent dans l’environnement proche et lointain confirment une tendance de l’heure : le début de la fin de l’islamisme politique. Non pas parce que « l’Islam est la solution » s’est révélé n’être qu’un slogan

creux (l’Egypte et la Tunisie ayant tranché avec les prétentions des barbus alors que le sang coule toujours en Libye et en Syrie, l’Irak et le Yémen étant des cas spécifiques), mais aussi et surtout parce que le modèle libéral (dont la sauvagerie pourrait s’exprimer avec éclat en s’alliant à l’islamisme) est partout sujet à caution. L’analyse de ce qui se passe de l’autre coté de la Méditerranée est symptomatique d’une réalité nouvelle qui se fraye son chemin. « Syriza », « Podemos », « Nuits Debout » sont autant de balises qui confirment si besoin est que les peuples n’acceptent plus le diktat d’un libéralisme débridé qui nuit gravement à la démocratie. L’heure n’est plus réglée, comme par le passé, sur « la crédibilité économique » qui dévore « la légitimité politique ». Nul besoin de rappeler, ici, les batailles qui sont menées un peu partout pour remettre les pendules à l’heure humaine. Même au sein de l’Empire US, temple du « laisser aller, laisser faire », le mot socialisme qui avait fui le vocabulaire politique a été réhabilité par Bernie Sanders. BARRER À GAUCHE Dans cette perspective, les meilleures cartes restent entre les mains des partisans du progrès et de la modernité. En d’autres termes, l’alternative serait le lot des for-

LE PPS ET LE PJD «UNIS À LA VIE, À LA MORT» « BLOC HISTORIQUE », QUELLE HISTOIRE ! Le PPS ne se fait plus d’illusion quant à son avenir. Conforté par son pacte avec le PJD, alliance qui prend les dimensions d’un « bloc historique » aux yeux de quelques illuminés du parti, il veut rafler davantage de sièges au parlement et rééditer l’exploit des dernières élections locales. Sa force, il la doit à un « mariage de raison » avec les islamistes qui lui pavent le chemin, là où il a des chances, pour étoffer sa présence dans les institutions élues. Tout lui sied en se faisant violence lors du Printemps marocain en ne suivant pas les jeunes (et les moins jeunes) qui occupèrent la rue pour réclamer des réformes politiques, économiques, sociales et culturelles. Le Mouvement du 20 Février était considéré, en dernière analyse, comme pestiféré aux yeux des analystes de l’ancien parti communiste. Pourtant, c’est bien grâce à cette agitation qu’une nouvelle Constitution eut lieu et que des

nouvelles consultations furent organisées sans pour autant réussir au PPS (18 élus à peine) qui paya cash, et il n’est pas le seul dans cette configuration, son détournement d’un mouvement de masse. Opportuniste, son alliance avec le PJD lui a permis d’obtenir des postes ministériels inespérés au regard de son poids électoral. Mais son allié du « bloc historique » ne pouvait que le faire bénéficier de ses largesses : la révolution du PPS qui pactisa avec les islamistes, jugés avant l’heure comme la traduction locale de « la droite chrétienne », servant de faire valoir à un PJD en quête d’une normalisation. Quête toujours d’actualité si on en croit les multiples déclarations rassurantes faites par Abdelilah Benkirane à l’endroit de la monarchie. Le PPS jouera la carte de la stabilité du pays aux yeux des militants de base (comme de la direction traversée de courants irréconciliables) pour

convaincre. Une police d’assurance usitée à chaque occasion par A. Benkirane pour légitimer sa présence au gouvernement. Mais peut-on croire l’ombre d’une seconde que le Maroc était si friable pour que les vents de la réforme qui ont soufflé sur lui soient capables de le souffler de sur terre? Nabyl Benabdellah en a fait courir suffisamment le bruit pour se convaincre d’abord de l’aggiornamento qu’il a fait subir à son parti et vaincre, par la même occasion, les réticences des vieux briscards du PPS. La fin justifie les moyens…

PERSPECTIVES MED

15


POINTS CHAUDS mations progressistes qui, si elles se liguent, pourraient assurer une alternance plus crédible et mieux en phase avec l’air du temps. L’USFP qui tente de retrouver l’aura qui le distinguait naguère sur l’échiquier politique pourrait, à coup sûr, précipiter sa convalescence en inaugurant le chantier de la construction d’un front de gauche. Et dans cette perspective, l’intérêt d’une ouverture plus franche sur la Fédération de gauche, constituée autour du PSU par le PADS et le Congrès Ittihadi, paraît des plus appropriés. Surtout que la résurgence de la « Koutla démocratique » est passée de mode, comme l’a affirmé Driss Lachgar. Et que le dénominateur commun entre ces formations de gauche milite en faveur d’une action concertée pour endiguer les dérives aussi bien autoritaires qu’identitaires. La revendication de la Monarchie parlementaire est un vœu commun dont l’avènement contribuerait à mieux exprimer les dispositions de la Constitution de 2011. Et dans ce cadre là, force est de souligner que rien ne vaut une démarche concertée pour remobiliser le peuple de gauche qui a déserté le jeu politique en signe de protestation contre les compromissions des élites sensées défendre ses intérêts bien compris. Compromissions qui non seulement ont perverti les règles de l’engagement politique mais ont laissé le champ libre aux tenants du populisme, arcboutés sur des idéaux passéistes et éminemment obscurantistes. En organisant des rencontres avec les divers courants progressistes, la direction de l’USFP n’écarte nullement de ses calculs l’ouverture de ce front-là. D’autant plus qu’au sein de l’état-major des socialistes, on convient que si la démocratie a été usurpée par des forces archaïques, c’est parce que les rangs progressistes se sont retrouvés pénalisés par leur éclatement… Une fragilité qui a contribué au ratage historique du memento que les islamistes ont su détourner en leur faveur. La lassitude des militants de gauche devant des horizons flous et les déchirures entre chapelles ont contribué, sans doute, à forger l’incapacité des forces de gauche à accompagner les poussées populaires. La canalisation du Mouvement 20 février en est le symptôme le plus expressif. FEUILLE DE ROUTE Dès lors, il s’avère nécessaire de faire basculer l’Histoire en faveur des forces du renouveau qui ont l’ambition de transformer la société marocaine. L’USFP, comme la Fédération de gauche ne manquent certainement pas de volonté de conquête du

16

PERSPECTIVES MED

pouvoir. Ni du récit national susceptible de redonner espoir à la majorité des Marocains qui s’emmurent dans un silence qui en dit long sur leur refus de cautionner ce « grand n’importe quoi » que meuble les vociférations d’un Chef de gouvernement qui croit toujours aux mauvais esprits qui animent un supposé « Etat profond» qui ne se résignerait à cesser ses attaques, frontales ou en biais, que lorsque le PJD est à terre ! Un discours de victimisation des plus populistes susceptible de le disculper, aux yeux du peule, de la somme de tous ses échecs. Alors que l’heure est celle de la reddition des comptes ! La gauche doit assumer un rôle actif dans la conjoncture historique actuelle, ou du moins accompagner les mouvements populaires, surtout que tous les soulèvements qui s’étaient matérialisés en 2011 étaient portées par des slogans propres à la gauche : liberté, dignité, travail et droits de la femme... Les législatives peuvent dès lors représenter le moment historique pour que les composantes de la gauche prennent leur revanche sur les représentants de l’islam politique, dit modéré, et réalisent l’alternance susceptible de consolider la démocratie. La nature humaniste de la gauche et sa solidarité inconditionnelle avec les opprimés sont autant de valeurs susceptibles de réenchanter la politique et de galvaniser le peuple de gauche qui fait preuve de désaffection politique. L’USFP comme ses alliés, peuvent aisément retrouver leurs capacités d’analyse, d’anticipation, de proposition et d’encadrement du mouvement social. Et, partant, mettre la question sociale au cœur de la problématique démocratique. Plus, sur le terrain culturel délaissé, la gauche gagnerait en procédant à l’élaboration d’une approche plus moderne et avancée de l’islam politique susceptible de couper l’herbe sous le pied de tous ceux qui en font un fond de commerce lucratif. Et, partant, endiguer les dérives djihadistes. Cela relève de l’urgence de produire du sens et de fixer le cap sur un avenir prometteur. Nul besoin de rappeler, à ce sujet, la nécessaire réactivation du rôle de la gauche dans la diffusion des idées des lumières et du rationalisme et dans la lutte intellectuelle contre les forces obscurantistes. La formation partisane est cardinale à ce sujet en prélude à une diffusion, plus large, des idéaux susceptibles de réduire la domination culturelle momifiante. Le recours aux outils et techniques de communication de masse, internet et réseaux sociaux, n’est point un luxe.

NOUVELLE GRAMMAIRE POLITIQUE LA CONCORDANCE DES TEMPS La bipolarisation du paysage politique opposant les anciens régimes et les partis islamistes a achevé de réduire sensiblement la participation et la visibilité des partis de gauche, incapables de produire du sens face à ses adversaires populistes. Le constat établi par nombre de formations ne saurait pour autant agir comme inhibiteur, ni comme une quelconque justification à la dévitalisation de la gauche. Les socialistes (et dans socialisme le social est ominprésent), peuvent prétendre conquérir le pouvoir par le suffrage universel. Mais avec une finalité de procéder aux réformes nécessaires pour assurer une transition économique et social qui échapperait aux fourches caudines du capital pur et dur, celles qui s’expriment via le libéralisme sauvage qui laisse sur le carreau des pans entiers de la population via un déclassement programmé. L’éducation populaire revête un caractère crucial et déterminant dans toute conquête du pouvoir. Car il faut en convenir, une des crises qui a contribué à l’écratèlement des forces de gauche réside dans l’incapacité des élites à épouser les causes du peuple. La nature ayant horreur du vide, cela a profité à la montée en puissance de l’islamisme. L’action à déployer n’est pas une sinécure. Surtout que la société se caractérise, comme ailleurs, par la montée de l’individualisme face à un collectif de plus en plus faible. La gauche est appelée à s’affranchir de la cage dans laquelle « l’immobilisme » l’a contraint à s’y loger. En abandonnant, justement, toute prétention à la conquête du pouvoir et en succombant au fatalisme face à l’émergence de forces nouvelles, mais aussi aux tentatives du système visant à l’isoler. Une nouvelle grammaire politique est à promouvoir pour assurer une concordance des temps avec les forces vives du pays. La monarchie en tête.


PERSPECTIVES MED

17


DOSSIER MRE

TRANSIT DES MRE par: L.M

ASSURER CONFORT ET QUIÉTUDE À LA DIASPORA Entre juin et septembre, le temps que dure l’opération « Marhaba 2016 », tout est entrepris pour assurer à la diaspora marocaine un retour au pays des plus confortables. Les moyens mobilisés pour ce faire ne sont pas négligeables.

C

omme à l’accoutumée, l’opération d’accueil des Marocains résidant à l’étranger (MRE) "Marhaba 2016" a démarré, officiellement, au port de Tanger-Med. Ce qui se traduit par une kyrielle de mesures visant, toutes, à garantir la fluidité du traLE TAPIS ROUGE fic des passagers et des véhicules dans des conditions de confort et de séDÉROULÉ AUX MRE curité. On a beau dire que l’affaire est bien rodée, À L'OCCASION l’ensemble des acteurs impliqués dans l’opération DE "MARHABA 2016" doivent toujours s’assurer que l’intendance suit sans coup férir. Car il faut être aux petits soins à l’accueil de ces dizaines de milliers de concitoyens qui travaillent dur ailleurs tout en rêvant de longs

18

PERSPECTIVES MED

mois durant de retrouver, ici, les leurs. C’est bien ça l’appel de la mère patrie. Pour ce faire, autorités portuaires et aéroportuaires, en coordination avec la Fondation Mohammed V pour la solidarité, Gendarmerie Royale, Direction générale de la sûreté nationale et Administration des douanes, ont pris une batterie de mesures idoines. Renforcement des ressources humaines, réactivation des espaces d’accueil et aménagement des aires de repos, sont autant de mesures prises pour accueillir les MRE dans les meilleures conditions qui soient. Au ministère en chargé des MRE et de l’immigration, les préparatifs de l’opération « Transit 2016 » ont été préparés d’avance pour que tout soit réglé comme du papier à musique. Anis Birou avait annoncé, en effet, qu’un plan de navigation maritime a été mis en place pour bien canaliser les flux. Ledit plan repose sur la mobilisation de


27 navires garantissant la liaison entre 10 lignes maritimes avec une capacité d’accueil de plus de 60.000 passagers par jour, soit une augmentation de 12% par rapport au plan d'action 2015. Une proactivité à saluer à sa juste valeur. D’ailleurs, il est fort à propos de rappeler que le plan navigation prévoit aussi un navire de réserve pour intervenir durant la haute saison. En parallèle, l’aménagement des ports et l'amélioration des services qui y sont dispensés, assure-t-on au ministère, devraient absorber un coût total estimé à 55 MDH, dont un budget de 30 MDH consacré au port de Tanger Med et 25 MDH dédié aux ports de Nador, Tanger ville et d'Al Hoceima. Bien entendu, la réussite de l’opération ne se mesure pas uniquement à l’aune du seul volet maritime. Ainsi, pour le transport aérien, des « efforts ont été déployés pour développer l'offre destinée aux Marocains du monde et créer de nouvelles lignes aériennes pour rapprocher les destinations les plus prisées», a signalé A. Birou. L’enjeu est crucial, là aussi, puisque le taux trafic par avion s'est ap-

précié, rappelle-t-il, de 41,57% en 2015. DÉPLOIEMENT À L’ÉTRANGER Tout paraît donc fin prêt pour garantir le succès de cette opération. « Plusieurs dispositifs ont été mis en œuvre cette année portant sur les volets social et médical, pour accompagner l’intensité du trafic maritime enregistré régulièrement à cette occasion, à travers le déploiement de plusieurs équipes d’assistance sociale et de médecins au niveau de tous les points d’entrée du Royaume, dont celui de Tanger-Med » a assuré, à cette occasion, Farid Tanjaoui Jazouli, directeur du pôle humanitaire à la Fondation Mohammed V pour la solidarité. Rien ne doit être laissé au hasard pour que l’opération soit rondement menée. Ainsi, plus de 400 assistants sociaux ont été mobilisés aux niveaux des sites d’accueil des ports de Tanger-Med, Nador et Al Hoceima, des entrées de Bab Sebta et Bab Mellilia, des aéroports de Casablanca Mohammed V, Oujda-Angad, Agadir-Al Massira et de FèsSaïss, et des aires de repos Tanger Méditerranée, Taourirte, Tazaghine et Jabha. Cet effort consenti sur le sol national est

épaulé aussi à l’étranger. Et il vise particulièrement les ports européens d’Almeria, Algesiras, Sète et Gènes, là par où transite le gros des effectifs. Des équipes médicales fortes d’une quarantaine de médecins et d’autant d’infirmiers, ont été mobilisées pour assister les passagers et leur fournir les soins et secours nécessaires en cas de besoin, outre la mise à disposition d’une vingtaine d’ambulances 24h/24h, assure-t-on. Tout ce beau monde vivra donc en alerte tout le long de l’opération "Marhaba 2016" qui se poursuivra jusqu’au 15 septembre prochain. En matière logistique, les responsables du port Tanger-Med Passagers, , assurent que les préparatifs pour cette septième campagne organisée au niveau du Port Tanger Med se déclinent sur deux axes, à savoir le renforcement de la capacité du transport maritime, à travers le déploiement de 11 navires avec une capacité journalière d’environ 35.000 voyageurs et 8.000 voitures, et l’augmentation du nombre de surfaces ombragées à l’intérieur du port ainsi que la multiplication des espaces de détente pour améliorer les

ANIS BIROU AUPRÈS DES MRE : ESPRIT DE MILITANCE Il ne compte plus les heures passées dans le ciel lors de ses déplacements officiels à l’étranger à la rencontre de la diaspora. Comme il ne fait même plus le point sur le nombre d’heures consacrées aux réunions avec les divers représentants des MRE que ce soit au Maroc ou ailleurs. Anis Birou fait partie de ces ministres qui étonnent par leur dynamisme et leur acharnement au travail. Jamais personne ne l’a entendu parler de break. Le secret d’un pareil souffle ? L’effort physique l’aide à faire tomber les doutes et à se ressourcer pour mieux attaquer les dossiers qui trainent. A.Birou aura développé une vision novatrice dans l’approche de la diaspora marocaine. Car voilà « un gisement de richesses

dont le pays a besoin », laisse-t-il entendre. Que de fois n’a-t-on pas entendu des MRE râler en voulant investir dans la mère patrie. Pour huiler la machine, le ministre a eu l’intelligence de monter de toutes pièces un « guichet unique » qui apporte aide et assistance aux porteurs de projets. Plus, un fonds a même été décroché auprès du budget de l’Etat pour soutenir financièrement les investisseurs qui le souhaitent. Mais il faut dire que la démarche Birou ne se limite pas à ce seul seuil. Le ministre cherche à intéresser les valeurs sûres parmi la diaspora au Maroc. Et pour ce faire, nombreuses ont été les rencontres organisées tantôt en faveur des ingénieurs

tantôt au profit des femmes d’affaires. L’essentiel est de « ratisser large » auprès des compétences marocaines établies à l’étranger et qui peuvent, dans la mesure du possible, apporter l’aide à leur pays. A. Birou troque-t-il le chapeau de ministre pour celui de « chasseur de têtes » ? C’est avec le sourire qu’il accueille pareille projection. Lui qui assure que le Maroc qui a « tant donné à ses fils peut espérer attendre d’eux un peu en retour ». Optimiste, il dit pouvoir compter sur une fibre patriotique qui est loin de s’éteindre au sein de la diaspora. Cela explique, sans doute, son investissement auprès d’un pan de la population marocaine qui lui est reconnaissante pour son esprit militant.

PERSPECTIVES MED

19


DOSSIER MRE

conditions d’attente des passagers avant l’embarquement. Hassan Abkari, directeur au Port Tanger-Med Passagers souligne qu'une nouvelle ligne maritime pour le transport de passagers reliant le port Tanger-Med à Motril (sud d'Espagne) avait été ouverte, en vue de renforcer l'accompagnement des flux des passagers et de la traversée des MRE. Concernant l’organisation des flux, le responsable a confirmé la mobilisation de près de 1.000 personnes en charge des opérations de sûreté, de sécurité, d’orientation et d’assistance 24h/24h. Plus, afin d’assurer le bon déroulement de l’opération, la mise en place de systèmes de comptage de trafic et de la reconfiguration des espaces de pré-embarquement a été réalisée. Même le volet communication n’a pas été laissé au hasard. On assure que le port Tanger-Med est doté de plusieurs dispositifs, dont le site web, l’application Tanger Med disponible sur les téléphones mobiles, la chaîne radio Tanger Med, et le service SMS qui va être utilisé durant cette opération, en vue d’informer les clients des détails des voyages en temps réel… Cela sans parler de la mise en place d’un réseau Wifi gratuit au niveau des espaces des ports passagers et rouliers. AUBAINE ÉCONOMIQUE Avec ce déploiement qui repose sur des moyens exceptionnels, le Maroc cherche

20

PERSPECTIVES MED

à devancer les desiderata de sa diaspora dont les liens avec la mère-patrie restent solides. L’enjeu est de taille puisqu’il faut songer aux générations qui ont succédé à celle constituée des pionniers pour que les liens puissent être suffisamment forts pour passer outre les hésitations que les droits du sol et du sang peuvent générer.

LA DIASPORA EST UN ATOUT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL. AUX TRANSFERTS S'AJOUTE LA SOLIDARITÉ Bien entendu, la diaspora représente une manne inespérée pour redynamiser les circuits économiques. Et un des premiers bénéficiaires n’est autre que le secteur du tourisme qui vit une atonie qui ne dit pas son nom. Une bonne partie des RME ne se contente plus d’aller au « bled» et s’enfermer entre quatre murs. Les jeunes veulent profiter des vacances d’été pour visiter les divers coins du Maroc et découvrir ses multiples facettes. Passé le ramadan, les circuits touristiques vivront au rythme des RME.Mais il faut dire aussi que la saison estivale est aussi mise à

profit par les banques pour assurer le captage d’un maximum de clients habitués à placer leurs économies ailleurs. L’enjeu dépasse, en effet, les seuls 7 milliards de dollars injectés annuellement dans l’économie au titre des transferts de MRE. Car la partie occultée relève, elle, de l’économie solidaire dont fait preuve la diaspora à l’égard des siens restés dans le pays. Et tout particulièrement en milieu rural. Même le secteur de l’immobilier se retrouve revigorée, durant la saison, par l’empressement de nombre de MRE à posséder un pied à terre dans le Royaume. Assurément, ce coup de fouet attendu, chaque année en pareille période, doit inciter à considérer la diaspora marocaine autrement. Elle qui non seulement joue à l’acteur économique occasionnel, mais aussi un rôle à consolider sur le terrain de la diplomatie parallèle. Les actions attendues de ce gisement humain restent inestimables aussi bien pour la défense de l’intégrité territoriale que pour le drainage d’investissements porteurs dans les métiers où le pays accuse bien des retards. Anis Birou est conscient de ces divers enjeux et s’échine à promouvoir une autre approche à l’endroit de la diaspora. Au ministère en charge des MRE et de l’immigration, un fonds est même disponible pour encourager les porteurs de projets qui voudraient retourner au pays pour y investir et/ou apporter leur savoir faire.


LOI 63-14 par: L.M

LES MRE CONCERNÉS AU PREMIER CHEF ! Tout porte à croire que l’Office des changes n’entend plus badiner avec l’application de la loi 63-14. Une loi qui interpelle, pour l’essentiel, les anciens MRE rentrés définitivement au Maroc.

M

ais que prévoit ladite loi au juste ? Rien de plus que l’obligation d’effectuer une déclaration auprès de l’Office des changes. Le dernier délai pour accomplir cette formalité s’achève le 19 octobre 2016. Il ne reste donc plus que quelques mois pour se mettre en conformité. La nouvelle législation s’adresse aux anciens MRE quelle que soit la date de leur retour au Maroc et du changement de leur résidence fiscale, détenant des liquidités, des actifs financiers ou des biens immeubles à l’étranger. Les Marocains qui continuent de résider à l’étranger plus de 183 jours par an ne sont pas concernés. Le principe de la déclaration consiste à télécharger un formulaire à partir du portail de l’Office des changes et de fournir les justificatifs demandés tels qu’une preuve de résidence à l’étranger, des bulletins de paie, des contrats de travail, des relevés bancaires. De nombreux moyens sont mis à contribution pour boucler ce dossier: internet, recours à un conseil, réseau bancaire… Faute de quoi, prévient Hassan Boulaknadel, directeur de l’Office des changes, «les personnes qui n’auront pas saisi cette opportunité unique de-

meureront, tout simplement, en situation irrégulière et se verront appliquer les peines et sanctions prévues par la loi. ».La loi sur les anciens MRE prévoit une amnistie à la fois sur le plan fiscal et celui du change. Après avoir effectué une déclaration auprès de l’Office, le contribuable concerné devra effectuer une déclaration annuelle uniquement à des fins de statistiques sur la position extérieure globale. Selon l’ancienne loi, les MRE qui rentraient définitivement au pays étaient obligés d’effectuer cette déclaration dans un délai de trois mois et de rapatrier leurs liquidités. Pour disposer de ses actifs à l’étranger, il fallait toujours une autorisation préalable de l’Office des changes. Mais ces dispositions étaient rarement appliquées. De plus, elles représentaient le principal obstacle empêchant les MRE de rentrer au pays. Le nouveau texte se veut plus souple. Plus, signale-t-on,, la réglementation s’avère plus généreuse que l’amnistie sur les biens à l’étranger de 2014 puisqu’elle permet de garder en l’état et de disposer librement de tous ses actifs à l’étranger sans aucune obligation d’en référer à l’Office des changes. Par

ailleurs, elle ne prévoit aucune obligation de rapatriement ni de paiement de contribution libératoire. Il est également possible d’ouvrir des comptes en devises ou en dirhams convertibles.Si le nombre d’anciens MRE ayant changé de résidence fiscale en se réinstallant dans le pays d’origine n’est pas encore définitivement arrêté, il n’en reste pas moins que les estimations font état de plus de 500.000 personnes… Les banques n’ont pas hésité à jouer cette carte. L’objectif étant de conseiller les MRE dans les formalités, mais aussi de les équiper en compte «ancien MRE». Attijariwafa bank est la première à avoir lancé une campagne de publicité ainsi qu’un centre d’appels pour courtiser les ex-MRE. Pour ratisser larges, des offres attractives sont même envisagées. La mise à contribution du guichet bancaire permettra aux personnes concernées d’effectuer toutes leurs formalités dans leur lieu de résidence sans devoir se déplacer à l’Office des changes. Ce dernier accompagne le réseau bancaire pour la formation des commerciaux, surtout qu’il ne reste plus que quatre mois et demi pour la date butoir.

UNE TASK FORCE POUR LES URGENCES

Le Maroc a été forcé de monter, dans l’urgence, des opérations de rapatriement des expatriés se trouvant dans plusieurs pays en guerre. Liban, Côte d’Ivoire, Libye ou Syrie, sont

autant de pays qui ont été ciblés par ces opérations qui s’avèrent assez complexes surtout lorsque le rapatriement se fait à partir de zones en conflit. Mais face à un monde qui connaît un regain de bouillonnement marqué par l’instabilité, rien ne vaut une politique préventive et proactive. C’est la raison pour laquelle le Royaume entend se doter d’une instance suffisamment outillée pour lui assurer

une capacité de projection rapide et efficace. Le dossier est géré aujourd’hui par les ministères de l’Intérieur, des Affaires étrangères et de coopération et de la Migration. Objectif, lancer une agence centrale qui aurait pour missions la gestion des crises relatives à la sécurité, au sauvetage et au rapatriement des ressortissants marocains piégés dans des zones de tension et ou de conflit ouvert.

PERSPECTIVES MED

21


DOSSIER MRE

LES MRE TENTÉS PAR LA REPRÉSENTATIVITÉ par : A. Ben Zeroual

LES ENJEUX D’UN LOBBYING Les travées de la prochaine Chambre des représentants seront-elles marquées par la présence d’élus mandatés par une diaspora qui demande à avoir, elle aussi, droit au chapitre de la construction démocratique ? La question est aussi cruciale que porteuse aux yeux des Marocains du monde. Et ils l’ont fait savoir en revendiquant la pleine jouissance de leurs droits constitutionnels.

A

l’approche des élections législatives prévues en octobre, les Marocains résidant à l’étranger (MRE) ne se découragent pas de voir les vents tourner en faveur de leur représentativité pleine et entière au sein de la future instance parlementaire. Une délégation de MRE comprenant des acteurs associatifs responsables des partis poliDROIT AU CHAPITRE tiques nationaux à l’étranger ont fait le déplacement DÉMOCRATIQUE. au Maroc pour sensibiliser nombre d’acteurs, publics et privés, sur la cause qu’ils LA DIASPORA EN FAIT défendent. Rien de plus normal. Et la diaspora maUN COMBAT LÉGITIME rocaine n’est ni monolithique ni a-politique. Elle vient d’en apporter la preuve en montant au créneau pour défendre un droit inaliénable et irréfragable à la représentativité au prochain parlement. Partis politiques, responsables du ministère de l’Intérieur, syndicats représentants des institutions de la bonne

22

PERSPECTIVES MED

gouvernance (CCME, CNDH et CESE), ont ainsi été sensibilisés à cette question jugée cruciale mais souvent éludée pour des motifs jugés approximatifs pour ne pas dire fallacieux. La principale revendication à laquelle une délégation de la diaspora marocaine s’accroche consiste à faire bénéficier les MRE de leur droit consacré : la participation aux prochaines élections législatives devant se dérouler, en principe, le 7 octobre prochain. La délégation dont la coloration politique est marquée du sceau de la pluralité (on y retrouve notamment des militants de l’USFP, du PJD et du PAM) semblai décidée à convaincre ses interlocuteurs et déployait tout un argumentaire solide pour vaincre les réticences des uns et des autres. Le constat élaboré à l’occasion est qu’il y a unanimité quant à la nécessité d’une représentativité des MRE au Parlement. Toutefois, on déplore que "le projet de loi organique N° 20.16, modifiant et complétant la loi organique N° 27.11 relative à la Chambre des représentants, ne se réfère pas aux droits des MRE à la représentation parlementaire, tels qu’ils sont mentionnés


dans l’article 17 de la Constitution de 2011". Une faille à combler et une injustice à lever. Car, assure la délégation qui exprime les desiderata de la diaspora, l’absence de représentativité au Parlement « ne répond ni aux orientations royales, ni à leurs attentes ». En attendant de voir les choses évoluer dans le sens souhaité, il faut dire que les modalités de participation des MRE aux derniers scrutins ne semblaient pas satisfaisantes pour les « Marocains du monde». L’effectivité de leur participation telle qu’exigée, aujourd’hui, sous-tend une nette rupture avec la pratique d’antan ; celle qui privilégiait notamment le vote par procuration. Une modalité jugée surannée et dont l’archaïsme contribue dans une large mesure à inhiber la volonté de la diaspora d’intégrer le jeu politique via la participation directe aux épreuves votatives. La preuve en est la faible participation aux précédentes législatives de 2011, le modus operandi n’ayant pas réussi à séduire la majorité des MRE. Pourtant, la participation au référendum sur la nouvelle Constitution, loi suprême qui consacre les droits inaliénables de la diaspora, avait marqué les esprits au vu de la grande affluence constatée au niveau des bureaux de vote montés à l’étranger. Cap Sud MRE qui a fait tout récemment le déplacement à Rabat pour sensibiliser les responsables sur l’importance de l’intégration de la diaspora dans la vie publique nationale ne manque pas d’arguments à faire valoir auprès de ses vis-à-vis. L’épreuve référendaire constituait, aux yeux de l’association, la preuve de l’implication d’une « majorité de MRE de la 2ème et 3ème générations dans la vie civique de leur pays

d’origine et une reconnaissance de leur pleine citoyenneté ». La bataille se jouera donc sur un autre terrain que celui de la participation aux épreuves votatives. Le but défendu par Cap Sud MRE est non pas seulement la sauvegarde du droit au vote direct, mais aussi et surtout la consécration du droit à l’éligibilité via la mise en place de circonscriptions dans les pays d’accueil. Une affaire des plus complexes qui amène nombre de responsables qui gèrent le dossier de la diaspora à éloigner cette perspective pour le moment. Mais qui ne freine nullement les ardeurs des défenseurs de la cause MRE. Les responsables de Cap Sud MRE rejettent « les prétextes liés aux problèmes de logistique » qui peuvent être assimilés à des « bâtons dans la roue » pour freiner un processus somme toute normal. Et l’argumentaire qu’ils déroulent à ce sujet ne manque pas d’intérêt ni de pertinence. D’autres pays ont déjà fait profiter leurs diasporas de pareils processus, comme ce fut le cas de l’Egypte, de la Tunisie… Ou tout récemment le Sénégal. Le plaidoyer fait ainsi auprès des dirigeants des formations politiques de la majorité, comme de l’opposition, des responsables du ministère de l’Intérieur et des instances concernées tels le CCME et le CNDH est-il suffisamment solide pour assurer la coupure avec les pratiques antérieures ? Assistera-t-on à une action concertée susceptible de répondre à l’appel de la diaspora dans l’optique d’amender la loi organique relative à la Chambre des représentants qui, valeur aujourd’hui, s’inscrit en faux vis-à-vis aussi bien des orientations royales qui rendent justice aux MRE que des droits de la diaspora à une représentativité parlementaire,

comme le stipule l’article 17 de la Constitution ? Les arguments qui ont été présentés aux divers interlocuteurs de Cap Sud MRE semblent avoir fait mouche. Le communiqué qui a sanctionné ces diverses rencontres le laisse croire puisque la délégation affirme avoir obtenu l’appui de formations politiques et autres intervenants à sa cause. Ces bonnes volontés ayant « confirmé leur disposition à proposer ou à approuver, loin de toute surenchère, des amendements au projet de loi organique de la Chambre des représentants, qui permettront de garantir la représentativité parlementaire des Marocains du monde». Dont Act. Quoi qu’il en soit, force est de souligner que Cap Sud MRE a levé le voile sur un « rapport sur les prérogatives constitutionnelles des MRE ». Rapport qui, assuret-elle, est « en parfaite harmonie avec leurs droits les plus fondamentaux ». Car 85% des sondés parmi la diaspora considère comme « fondamentale la participation des MRE aux législatives. Plus, 91% d’entre eux estiment que leur implication « est indispensable » dans mise en œuvre, l’évaluation des décisions et des projets des pouvoirs publics. La force de ces chiffres sera-t-elle suffisante à vaincre toutes les résistances qui ont marqué les rapports du politique national aux Marocains du monde ? La somme des incompréhensions doit céder la place à de nouveaux rapports basés sur la confiance mutuelle. Une confiance des MRE en un processus démocratique qui se construit, et dans lequel ils ont leur place, et une confiance des décideurs placée en une diaspora dont la richesse appelle à être capitalisée pour que les liens avec la mère patrie ne soient plus distendus.

PERSPECTIVES MED

23


DOSSIER MRE

NOUVEAUX PROFILS DE MRE par: Abou Sarah

NOUVELLES ATTENTES… La diaspora marocaine est loin d’être uniforme. Les responsables le savent. Pour capter leur intérêt, rien ne vaut un changement de prisme dans la perception du phénomène. Eclairages

S

ur le Vieux Continent, le profil de l’immigré marocain change. Le chibani, véritable icône d’une période en passe de s’éteindre, laisse place aux générations qu’il a participé à procréer sitôt le regroupement familial autorisé au début des années 70. La donne a radicalement changé puisque ce sont désormais les petits enfants et, dans bien des cas, les arrières petits enfants peuplant les bancs des écoles d’Europe Occidentale, qui imposent leur vision d’un monde qui leur appartient quoi que l’on dise. Dès lors, le temps a fait son effet pour effacer le mythe du retour qui est devenu caduc laissant place à un aller simple. C’est ainsi qu’on peut résumer le comportement des migrants marocains en Europe. Plusieurs indicateurs convergent dans ce sens.Au début des années 2000, l’étude de la CNAV lancée sur le « Passage à la retraite des immigrés » a donné les grandes lignes d’un désir qui s’est confirmé par l’étude l’INED 15 ans plus tard. Il en ressort que parmi l’ensemble des immigrés âgés de 45 à 70 ans vivant en France, 60 % interrogés avant l’âge de la retraite souhaitent rester en France. Loin derrière, le va-et-vient entre la France et le pays d’origine ne concerne que 23 % d’entre eux alors que le retour définitif n’est souhaité que par 6 % des personnes. A noter que près d’une personne sur dix restait indécise. L’étude de l’INED, « trajectoire et origines » donne une place de choix aux perspectives d’avenir telles que les voient les migrants installés en France qu’on peut

24

PERSPECTIVES MED

aisément extrapoler aux autres pays d’installation ou plutôt d’adoption. A la question si les migrants ont l’intention de repartir un jour dans leur pays d’origine, ils ne sont que 14 % à répondre oui. Mais ce taux n’est plus que 9 % quand il s’agit d’entamer des démarches effectives dans ce sens. En croisant les données avec la structure d’âge et de sexe des immigrés, force est de constater qu’il est très difficile de faire le parallèle entre la féminisation du flux migratoire et l’installation dans la durée des hommes et des femmes nées à l’étranger. Il n’empêche que l’arrivée des femmes a profondément marqué le comportement des migrants. Un simple micro-trottoir dans les marchés fréquentés par une forte population marocaine donne le ton sur leur désir de s’installer dans la durée en France. Très emblématique de la pensée régnante, nous avons fait le choix de poser la question du retour à plusieurs couples sexagénaires.A la quasi-unanimité, les femmes n’hésitent pas à affirmer que leur avenir est en France. Leur première préoccupation est la proximité de leur progéniture loin devant celle de leur famille au Maroc. « Comment voulez que je m’adapte là-bas alors que mes enfants et petits-enfants vivent ici ?» lâchent-elles. Le poids des habitudes, le tissu social tissé au fil des ans n’est pas près de rompre. Alors que les maris trimaient dans les usines, les femmes ont su s’adapter à leur nouvel environnement. Elles parlent la langue du pays d’accueil, connaissent le tissu associatif fé-


minin, les maitresses d’école, les assistantes sociales et autres secrétaires des services de proximité. La chaleur de l’entre-soi, entre ces dames venues jeunes, les longues journées d’hiver, ne peuvent se recréer de l’autre côté de la Méditerranée. L’une d’elles n’a pas hésité à tacler publiquement son mari sur son désir de rentrer au Maroc « le Hadj peut passer ses journées au café à palabrer et à jouer aux cartes avec les hommes, et moi, tel un amas de vêtements froissés, je resterai dans un coin à regarder la télévision et à m’inquiéter du sort des mes enfants », et d’ajouter dans une position de force en fixant son mari dans un éclat de rire partagé par tous, « si tu veux rentrer dans ta kherba froide, tu peux y aller, moi j’ai mes enfants ». Hésitants, les hommes pensent que les allers retours fréquents sont la meilleure façon de ne point couper les liens avec le Maroc. La modicité des billets d’avion hors période de vacances scolaires rend cette option plus que probable surtout que les autorités marocaines leur ont permis de garder une voiture sur cale à l’année dans leur maison hantée. Cet échange est loin d’être anecdotique. Il traduit une réalité qui s’est imposée au fil des années puisque le temps de l’immigration dépasse aisément celui passé au pays. L’évolution de la société marocaine à laquelle ils sont attachés leur est étrangère. Certes la télévision, via la généralisation de l’antenne parabolique, les informe mais nous savons tous, que cette information est partielle voire biaisée. Habitués à la critique des émissions et autres reportages télévisés français, ils prennent le message véhiculé par les antennes marocaines avec beaucoup d’amusement puisque « c’est la télévision du pays où tout va bien ». Alors que les « décideurs » des pro1 2

grammes destinés à la diaspora marocaine à l’étranger pensent véhiculer un message, leurs émissions servent de fond sonore musical la semaine et coranique le vendredi. Même les jours de fêtes musulmanes, ils ne coïncident jamais entre Rabat et Paris par la magie du calendrier lunaire !! Encore une hérésie à laquelle nos compatriotes ne croient plus ! Dans les essais consacrés aux changements vécus par les migrants marocains, principalement les chibanis vivant seuls dans les foyers, A. Sayad insiste sur « leurs passages au village, ( et le fait qu’ils) soient très critiques vis-à-vis de leur société d’origine, surtout rurale. Ils lui reprochent la corruption, l’arbitraire, le mauvais état sanitaire et social, l’organisation du travail (outillage, horaires, compétences). Ils sont souvent les premiers surpris de réaliser à quel point ils ont changé. De passage au pays, il arrive qu’ils soient traités comme des étrangers, comme des «Français », ou des « riches », jalousés ou contraints à se justifier » . Autre signe qui ne trompe pas sur la volonté des Marocains à rester en France, c’est la multiplication des carrés musulmans dans les cimetières. S’ils ne sont que 80 aujourd’hui à perler les cimetières, leur nombre comme leur taille sont en hausse constante. Si près de 80 % des corps sont rapatriés, cette proportion va sans cesse en diminuant. Outre le coût, c’est l’évolution des mentalités comme le souligne Abderhammane Ghoul, président du conseil régional du culte musulman à Marseille. Pour lui, « les enfants de la troisième génération veulent que leurs parents soient enterrés en France pour pouvoir se recueillir plus souvent auprès d'eux. » Il est même question de pénurie dans le futur proche sur lequel il va falloir se pencher.

Alors si les parents sont enterrés en France pourquoi rentrer au pays ? Les générations nées en France et en Europe n’ont pas le même rapport avec les clichés du bled, du thé à la menthe et autre moments typiquement marocains. Les mariages mixtes se généralisent et se banalisent. Le monde tend les bras aux jeunes générations qui ne voient en leur pays d’origine qu’une destination comme une autre. Pour freiner cette tendance, il faut recréer le désir Maroc au-delà de la banale et futile opération Marhaba. Les jeunes générations ne sont pas promptes à accepter le manque de démocratie, les tracasseries administratives et autres regards jaloux mais oh combien méprisants qu’ils ont supporté leur jeunesse durant. Il est des évènements gravés que seul le temps peut éventuellement effacer, et encore.

Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse. 16. Sayad (A.), L’immigration ou les paradoxes de l’altérité, Bruxelles, De Boeck Université, 1991. 6. Sayad (A.),La double absence , Paris, Le Seuil, 1999.

PERSPECTIVES MED

25


DOSSIER MRE

LE MAL-ÊTRE DES IMMIGRÉS DE FRANCE par: M. El Maleh

ENTRE ESPOIRS ET DÉSILLUSIONS La devise « Bleu, Blanc, Beur » a-t-elle fait son temps ? En France, la communauté immigrée vit mal aussi bien les promesses non tenues que les charges de quelques politiques mal inspirés. L’ambition multiculturelle est annihilée par une droitisation rampante. D’où le repli communautaire…

I

l est loin le temps où les populations d’origines maghrébines affichaient un large sourire croyant en des jours meilleurs. C’était au lendemain du deuxième tour des élections présidentielles de 2012 qui ont hissé François Hollande à la tête de l’Hexagone. Non pas parce que le candidat du Parti Socialiste a promis monts et merveilles à cette LES ESPOIRS FONDÉS SUR frange de la population, mais tout simplement en LES SOCIALISTES ONT FONDU. faisant des propositions sensées lui redonner justice LA FANCE "BLEU, BLANC, avec des mesures simples et nécessaires. Cela va du C.V anonyme pour éviter BEUR" A DISPARU les discriminations à l’embauche dont sont victimes leurs enfants, à la fin des contrôles d’identité à répétition juste parce que l’on a la malchance d’avoir une couleur de peau halée, sans oublier, enfin, la participation des étrangers extra-communautaires aux

26

PERSPECTIVES MED

élections locales en guise de bienvenue à une population qui vit en France depuis des décennies, qui payent des impôts et participent à la richesse de ce pays depuis près d’un demi-siècle. Ce temps est tout simplement révolu. De report en report, les promesses ont été enterrées. Entre difficultés de mise en œuvre, tollé d’une partie de la classe politique de droite et argument fallacieux osant prétendre que les Français n’étaient pas prêts à de tels changements, les prétextes servis pour expliquer ces reculades n’ont pas manqué. Mais ce n’est qu’une partie du reniement et du renoncement vécu ici. L’on a l’impression que le candidat Hollande, au nom de la realpolitik s’est mué en un Président Alien, un socio-démocrate qui hésite à porter tout simplement un costume de droite confronté à la répétition des échecs de sa politique économique et sociale. La dégringolade dans les abysses de sa côte de popularité et surtout ses échecs cuisants dans les élections intermédiaires ont fait les choux gras de la droite et surtout du Front National qui est de-


venu, l’espace d’un mandat de gauche, le deuxième parti de France ! Qu’il est beau le bilan à un an des élections. Peut-être qu’on a oublié trop tôt Martine Aubry qui, lors des primaires socialistes de 2011 a déclaré à propos des hésitations de l’actuel hôte de l’Elysée : « … Ma grand-mère disait : Quand c'est flou, c'est qu'y a un loup». Et dans le cas présent on peut se hasarder à évoquer le loup-garou. Entre temps, deux évènements tragiques ont secoué la France : les attentats de Charlie-Hebdo et ceux du 13 novembre 2015. Si les premiers ont mis à mal cette communauté dans le plus grand désir est de vivre le plus simplement du monde, les seconds ont donné le coup de grâce à leur représentation. La proposition de révision constitutionnelle de déchéance de la nationalité proposée par F. Hollande a inscrit quelque part dans leur subconscient l’instinct de l’incertitude et la peur d’être renvoyés. Aujourd’hui, la crise économique aidant, ils sont les premières victimes des charrettes de licenciements qui ont mis ce pays à genoux. Manque de qualification, difficultés d’adaptation à un monde qui bouge trop vite et qui requiert des compétences toutes nouvelles sont autant de causes objectives de leur taux de chômage beaucoup plus élevé que la moyenne nationale. Et parce que des patrons voyous n’hésitent plus à arborer leur préférence nationale dans les profils d’embauche en parlant de « recrutement bleu blanc rouge », la situation s’est compliquée encore plus. La mise à l’index de l’étranger et surtout du maghrébin n’est pas récente. Accueilli à bras ouverts durant les « Trente glorieuses », avec une économie qui tournait à plein régime et qui avait besoin d’une main d’œuvre peu ou pas qualifiée et par moment sous payée, l’étranger est devenu persona non grata avec la crise qui s’est installée de manière durable depuis le début des années soixante-dix avec des pics tels celui de 1973, de 1979 ou encore 2008. Victime de représentations stéréotypées, les étrangers sont une minorité visible mais oh combien méconnue. Le discours indigent de Jacques Chirac à Orléans en juin 1991 parlant du « bruit et de l’odeur » dans sa tentative désespérée de draguer l’électorat Front National résonne encore dans tous les esprits. Dans leur exceptionnelle enquête sur la diversité des populations en France , les auteurs introduisent leur travail en insistant sur « la crise et le chômage de masse endémique (qui) sapent ( la ) légitimité des ( immigrés) à vivre et à travailler dans leur pays d’installation » quant à leurs « enfants, pourtant

nés et ayant grandi en France, sont parfois perçus comme extérieurs à la communauté nationale ». Cinglant, ce constat se confirme tous les jours. Dès lors nul besoin de chercher pour croiser les regards vagues et tristes des chibanis dans leurs tentatives désespérées de passer inaperçus dans les rues des villes et villages de l’hexagone. Pour ce qui est de leurs enfants, voire leurs petits enfants, la parade au souci sécuritaire et répressif à souhait de la part des bras armés de l’Etat, consiste en un repli communautaire dans l’affichage à outrance. Les barbes fleurissent de plus en plus et les femmes se voilent au grand dam des lois et autres décrets d’application des plus vagues sur des interdictions dans des espaces de plus en plus vagues. Certes là n’est pas la bonne réponse. Mal comprise, la laïcité qui a un double objectif à savoir la liberté de pratiquer sa religion mais aussi le respect des lois de la République passe mal auprès d’une frange de plus en plus étoffée de cette population. Elle la vit non pas comme une avancée démocratique mais comme une insulte, comme une agression. Les immigrés marocains comme les autres de confession musulmane ne dérogent pas à cette règle de conduite qui hérisse de plus en plus. Les langues se délient et les actes racistes et antimusulmans se multiplient à souhait. La dernière sortie de N. Sarkozy dans sa campagne des primaires à droite en dit long sur sa stratégie en parlant de la France comme pays « chrétien », qui doit être « respecté » par « ceux qui veulent y vivre » et de dénoncer une « immigration massive et communautarisée ». Emmanuel Berretta, de l’hebdomadaire Le Point parle d’attaques fallacieuses et approximatives (…) qui frappent avec efficacité un imaginaire collectif imprégné de déclinisme ». Comment l’immigré (ou sa descendance) peut –il recevoir un tel discours sachant que les Républicains sont donnés gagnants aux élections présidentielles de 2017. A coup sûr mal. Ces déclarations s’ajoutent aux qualificatifs scandaleux des Molenbeek français suite aux arrestations des terroristes belges dans la banlieue de Bruxelles. Des dérapages de Manuels Valls quand ils refusent les diagnostics qui ont poussé les enfants français à se jeter dans les bras de l’obscurantisme et de la mort. La liste est longue et fastidieuse depuis près d’un an. Alors le retour au Bled semble être le répit pour échapper à ce climat anxiogène. Mais faute de moyens, beaucoup renoncent à faire

le voyage. Ceux qui ont la chance de faire la traversée seront comme à l’accoutumée accueillis à bras ouverts. Mais cet élan de Marhaba n’est point partagé par tous car la discrimination est présente aussi de l’autre côté de la Méditerranée. L’on note de plus en plus d’enfants d’immigrés qui refusent le rituel du retour au pays. Car en dépit de tout, la France pour les uns, la Belgique pour d’autres, restent leur pays natal. Quant aux tentatives des parents de les ancrer dans le pays d’origine, elles deviennent vaines au regard des mariages mixtes qui se banalisent et de l’installation définitive de cette frange de la population. Au lieu d’investir dans une maison hantée toute l’année et de supporter les HLM, ils préfèrent, et à juste titre, aspirer à mieux vivre dans des pavillons et autres appartements modernes au milieu de leurs compatriotes. C’est là l’unique moyen de tordre le coup à l’imaginaire qui divise et de construire un lendemain meilleur. Beaucoup y croient dur comme fer…

PERSPECTIVES MED

27


CHRONIQUE VU ICI

LA BANALISATION DE LA MORT par: Mustapha El Maleh

E

n publiant la photo d’un bébé mort repêché au large des côtes libyennes, l’ONG Sea-Watch, qui participe aux opérations de sauvetage des réfugiés en Méditerranée, souhaitait alerter l'opinion publique européenne sur le silence honteux qui entoure la mort de centaines que dire de milliers migrants, africains et arabes entre autres, et par conséquent, pousser les responsables européens à agir.Mais qu’elle est loin l’émotion qui agita les citoyens et la sphère politico médiatique du vieux continent à la vue du petit Eylan gisant face contre terre. L’indignation provoquée par la mort du petit syrien de 5 ans s’est éteinte depuis des mois maintenant. Et dans le temps médiatique, c’est tout simplement, une éternité. L’Europe qui ne veut plus voir ces images a conclu, ou plutôt ses dirigeants ont conclu des accords contestables avec la Turquie pour que les flux migratoires soient « traités » en dehors des frontières européennes. Et oui ! Le sauve qui peut qui a suivi l’arrivée massive des réfugiés originaires des zones de conflits du Proche et du Moyen Orient a secoué l’un des fondements de l’Union Européenne, à savoir la liberté de circuler au sein de l’espace Schengen. Avec l’apparition ici et là de frontières, de barbelés qui lézardent la face de cette belle création aussi imparfaite qu’elle puisse être, qu’est l’U.E a poussé ses dirigeants à réagir face à une poussée xénophobe et raciste des nouveaux pays récemment intégrés à l’ensemble européen. Quelle ironie ! Hier encore, derrière « le mur de la honte », peuples et dirigeants ont tout fait pour profiter de la locomotive siglée U.E pour trainer leurs guêtres et aspirer à de meilleures conditions de vie. Aujourd’hui, ils pratiquent un forcing scandaleux en voulant à tout prix fermer la porte derrière eux. Ce que l’on retiendra de cette épisode, c’est que les peuples d’Europe sont loin d’être épris dans leur entièreté des principes universels des droits de l’homme et que les stigmates des cinquante années de pseudo-communisme ont sclérosé les masses récemment intégrées. Pour cela il suffit de voir leurs votes et par conséquent leurs représentations politiques virer progressivement du Rouge au brun sans sourciller. Mais les peuples de l’Europe centrale ne sont pas les seuls à être gangrenés par le cancer de la droite dure. En Autriche, il a fallu dépouiller les derniers bulletins de vote pour donner la majorité à un président vert mais surtout démocrate. En France, la montée du Front National est inexorable. A Bézier, ville dont le premier magistrat n’est autre que l’abject Robert Menard, ex président de «Reporters sans

28

PERSPECTIVES MED

frontières » se sont données rendez-vous toutes les factions de « la vraie droite » à l’invitation du Maire de la ville. Décomplexés, les penseurs comme les «citoyens», pardon les fachos lambda se sont lâchés dans des diatribes nauséeuses. Leurs piques se sont, pour l’essentiel, focalisées sur l’immigré, véritable mal de ce pays. Et parce que l’hexagone a une tradition de terre d’accueil, ce sont toutes les nationalités que l’on retrouve dans ses territoires qui en ont pris pour leur grade. Dès lors, ce n’est pas l’Asiatique, ou l’Américain ou encore moins l’Australien qui pose problème à ces sclérosés de l’esprit, c’est le musulman, c’est l’arabe, cette drôlesse de confusion qui n’est, à leurs yeux, absolument pas compatible avec la France aux racines chrétiennes ! En Allemagne au passé douloureux et où le néonazisme est banni, on voit percer des relents fétides qui rappellent les années trente alors même que la Chancelière A. Merkel a tendu la main à des centaines de milliers de réfugiés syriens et aurait aimé que d’autres pays comme la France fassent autant. Mais la « realpolitik » a rendu une large partie des socialistes français, au pouvoir, « pragmatiques», reniant au passage leur programme pourvu que les élections de Mai 2017 soient favorables à leur candidat. Au Royaume Uni, terre de prédilection des migrants en quête de meilleures conditions de vie, les frontières se ferment un peu plus et pire encore puisqu’il est question de renvoyer tous les migrants qui ont un revenu mensuel inférieur à 3500 Euros par mois. L’honneur est sauf puisque la tradition est respectée. Des migrants, les conservateurs au pouvoir en veulent of corse, à condition qu’ils soient riches ! Et qu’importe l’origine de l’oseille. L’argent n’a pas d’odeur dans les coffres de la City et leurs détenteurs sont les bienvenus dans le quartier chic de Canary Wharf ou sur les bords de la Tamise. Ce qu’a fait cette Europe avec la Turquie, elle aurait tant aimé le faire avec les autorités libyennes qu’elle a participé, que dire initié à décapiter sans préparation politique du lendemain. Parce que le pays est livré aux obscurantistes et autres mafieux qui, dans bien des cas se confondent, pour faire fortune avec la mort de pauvres errants subsahariens, les flux ne sont pas prêts de se tarir tellement la misère est tueuse de tout espoir.Alors la publication de photos choquantes ou la diffusion d’images qui le sont tout autant n’émeuvent plus personne et sont devenues de simples brèves dans la rubrique fourre-tout des restes du monde.


Rencontre sur le thème

´ƒ°Vƒe ∫ƒM AÉ≤d

Meeting on the topic

entre e l b m e s n E Le Vivre ie b o h p o m a l s I et Radicalisme

ÚH ∑ΰûŸG ¢û«©dG É«HƒaƒeÓ°SE’G h ±ô£àdG

Living Togeth er between Radicalism an d Islamophob ia

27 2016 mai

…Ée

may

www.mre.gov.ma

29de PERSPECTIVES MED Centre International

Conférence Mohamed VI de Skhirat


MONDE L’ALGÉRIE VEUT EN DÉCOUDRE AVEC LA CRISE par: A. Ben Driss

L’ARME DU REMANIEMENT… El Mouradia a pris tout le monde de court, ou presque, en annonçant un remaniement partiel du gouvernement Sellal. De nouvelles têtes remplacent les anciennes dans les postes clé de l’économie. La crise qui étouffe le pays, avec une rente pétrolière mise à mal depuis quelques mois, explique ce changement d’équipe.

A

l’heure où le débat est encore loin d’être clos sur le changement du modèle économique en Algérie, débat nourri par la baisse drastique du matelas de devises que procure la rente en hydrocarbures, le système algérien a fini par sortir de sa torpeur en annonçant un remaniement partiel du gouvernement. L’Exécutif que pilote Sellal est ainsi touché au cœur. Si tout le monde paraît surpris par un tel lifting que la rumeur nourrissait depuis quelques mois, à en croire les observateurs de la scène algérienne, il faut se rendre à l’évidence que seul le Patron du FLN, Amar Saadani, était dans le secret des Dieux. Lui qui a chargé, ces derniers temps, ad hominem plusieurs membres de l’équipe Sellal. Le changement a donc surtout concerné les ministères économiques. Finances, Energie et Agriculture ont changé de titulaires. Le départ d’Abderrahmane Benkhalfa, qui vient de boucler sa première année à la tête du ministère des Finances, est comblé par Hadji Baba Ammi, qui occupait jusque là le poste de ministre délégué chargé du Budget. Considéré comme un « Ovni » dans l’équipe de Sellal, Abderrahmane Benkhalfa, cède son fauteuil d’Argentier à un technocrate pur jus. En effet, Hadji Baba Ammi a fait carrière au ministère des Finances avant d’intégrer le gouvernement. Saurat-il faire face à la crise qui se propage ? Stoppera-t-il la dégringolade de la monnaie nationale ? Comment gérera-t-il la propension du Trésor algérien à recourir à l’endettement pour éponger la crise des liquidites qui poigne à l’horizon ? Pour juguler la crise, le pouvoir a fait son choix sur un produit du sérail pour occuper un autre poste important. De président-directeur général de Sonelgaz (situation qui attira sur lui des soupçons de corruption dans un marché de centrales électrique), Noureddine Bouterfa a été propulsé ministre de l’Energie à la place de Salah Khebri, nommé en mai 2014. Avec lui, la facture énergétique ac-

30

PERSPECTIVES MED

quittée par les Algériens devra subir une réévaluation, le nouveau titulaire du portefeuilles de l’Energie ayant plaidé, depuis des mois, en faveur de la hausse des prix de l’électricité. Dans le viseur du SG du FLN, Sid-Ahmed Ferroukhi, cède sa place de ministre de l’Agriculture à un enfant de la boîte, Abdeslam Chelgham qui occupait, jusquelà, le poste de secrétaire général. Nul besoin de rappeler que ce secteur est érigé par le système algérien en une alternative à la chute des prix des hydrocarbures. Amar Ghoul, toujours maintenu au gouvernement depuis l’arrivée de Bouteflika au pouvoir abandonne le ministère du Tourisme à Abdelwahab Nouri qui cède le département des Ressources en eau à Abdelkader Ouali. Boudjema Talai hérite, lui, du ministère en charge des Transports et Travaux publics.L’Exécutif de Sellal est renforcé par un nouveau département à la tête duquel attérrit Mouatassem Boudiaf. Il est chargé de l’Economie numérique et de la Modernisation des systèmes financiers.Et pour clore cette liste, Ghania Eddalia est la seule « politique » qui a intégré la nouvelle équipe de Sellal. Elle est chargée des Relations avec le Parlement en remplacement de Tahar Khaoua, qui fait ainsi les frais de ses déboires avec le groupe parlementaire de son parti, le FLN.Ce lifting de l’Exécutif intervient quelques jours après le changement intervenu à la tête de la Banque d’Algérie.Nul besoin de souligner qu’il s’agit-là d’une remaniement à forte connotation « technocratique » susceptible de gérer la période de crise dans laquelle l’Algérie est engluée. Et pas seulement sur les plans économique et financier. Le pays étant installé dans une phase de transition qui dure le temps de la maladie qui a mis le Président Bouteflika dans un fauteuil roulant. Ce dernier a profité de ce remaniement pour propulser Boualem Bessaieh ministre d’Etat, conseiller spécial et représentant personnel du chef de l’Etat.


LA TUNISIE DANS L’EXPECTATIVE par: L.M

ENJEUX D'UN REMANIEMENT EN L’AIR Aux feuilletons télévisuels les Tunisiens doivent sacrifier au feuilleton politique qui les tient durant ces jours ramadaniens en haleine depuis l’annonce par Béji Caïd Essebssi de l’avènement d’un « gouvernement d’union nationale ».

C'

est à une équation à plusieurs inconnues que les observateurs tunisiens sont en face depuis l’annonce, à la veille du ramadan, de la ferme volonté du Président de la République de sonder la voie d’un « gouvernement d’union nationale ». En effet, Beji Caïd Essebssi dont l’agenda relève du mystère a fait en sorte de ratisser large pour voir l’écho qu’une telle alternative proposée suscite au sein de la société tunisienne. Et les premières réponses à tomber ne manquent pas d’intérêt puisqu’elles proviennent de deux acteurs-clé dans le pays. D’abord l’UGTT, ce puissant syndicat qui mène la vie dure aux divers Exécutifs qui se sont alternés au regard de la situation chaotique qui prévaut sur les plans économique et social. Ce partenaire dans «la transition politique » que vit la Tunisie s’est déclaré favorable à une telle perspective. Pour peu que l’ordre des choses puisse changer en redonnant espoir aux déçus de la révolution du Jasmin. Car la dynamique de croissance s’est arrêtée net après la révolution (au point que des milieux de plus en plus nombreux se déclarent orphelins de l’ère Ben Ali marquée par un essor économique certain) et le marché de l’emploi est loin de renouer avec une quelconque reprises, déclassant de plus en plus de Tunisiens et obscurcissant les horizons de l’emploi pour une jeunesse en proie au chômage. Ensuite, on signalera aussi « la bénédiction» apportée par la Confédération patronale à la proposition alternative de l’hôte du palais de Carthage. L’UTICA en effet s’est déclarée aussi favorable à une telle perspective qui puisse lisser davantage les aspérités de la vie politique tunisienne qui représentent autant d’obstacles à la relance. Mais il est fort à propos que de souligner que ni l’organisation patronale, ni le puissant syndicat n’expriment le souhait de

faire partie de l’équipée proposée par BCE. Dès lors, ce dernier est ainsi clairement avisé de la position de ces partenaires jugés incontournables dans la nouvelle dynamique que l’homme fort de la Tunisie entend redonner au pays. Reste donc à convaincre les forces de gauche qui même éparpillées ont leur mot à dire dans la Tunisie d’aujourd’hui. Mais tout laisse croire que le Président, même avec une ferme volonté de ratisser large, ne semble pas décontenancé par les positions de cette partie-là de la société tunisienne. Laquelle considère que l’appel de BCE n’est que l’expression de la panne que vit le pouvoir en place. Que reste-t-il donc comme solutions au Président qui, il faut le dire, est fragilisé par les saignées que Nidaa Tounès a collectionné au cours de ces derniers mois ? Assurément, et « la révolution » d’Ennahda l’a aidé en cela, il va se tourner vers ses alliés islamistes dont la représentativité au sein du gouvernement Habib Essid est loin d’être proportionnelle à leur poids dans l’échiquier. Avec deux portefeuilles, la 2ème force politique représentée au Parlement pourrait voir son poids politique restitué au sein du prochain Exécutif. A charge pour les deux composantes de l’alliance au pouvoir, à savoir l’Union patriotique libre et Afek Tounes, de suivre les arbitrages et autres négociations en cours de près. Autre inconnue dans le scenario que BCE a concocté pour les Tunisiens, quid de Habib Essid, actuel chef du gouvernement. L’alternative se fera-telle avec ou sans lui ? Pour cet homme politique qui a fait carrière sous Ben Ali, son sort importe peu au vu des enjeux qui font vibrer la Tunisie. C’est pourquoi il a laissé entendre, non sans sagesse, qu’il était disposé à rendre le tablier dans l’heure si telle est la volonté du Président. La discipline de l’ex-ministre de l’Intérieur reste sans faille…

PERSPECTIVES MED

31


MONDE ENNAHDA S’OFFRE « LA DÉMOCRATIE MUSULMANE » par: Allal El Maleh

SERAIT-CE LA FIN DE L’ISLAMISME TUNISIEN? Ennahda ferme la boutique de « l’islam politique » pour ouvrir le rideau sur « la démocratie musulmane ». Le leader historique de cette formation tunisienne en a décidé ainsi. Mais jusqu’où ira l’aggiornamento promis par Mohamed Ghannouchi ? La Tunisie est partagée sur la mue d’un parti qui a géré, dans l’échec, la transition.

A

ttendu depuis 2012, le Xème congrès du parti islamiste Ennahdha a fini par se tenir à Hammamet, dans le Sud tunisien, le 23 mai dernier. Un congrès qui a été précédé de plusieurs rencontres régionales au cours desquelles le débat, on l’imagine, n’a pas manqué d’être houleux autour de la feuille de route que la direction de la formation ENNAHDA OPÈRE-T-IL UNE islamiste propose à sa base. L’affaire est loin d’être anoRÉVOLUTION COPÊNICIENNE dine pour un parti qui affiche l’ambition de se défaire de EN ABANDONNANT "L'ISLAM son identité en voulant dissocier islam et politique. Le pari de Mohamed GhanPOLITIQUE" ? nouchi consistait à monter patte blanche à de larges pans de la population tunisienne qui a privé le parti islamiste d’une victoire électorale qui est allée à Nidaa Tounès, formation qui a fait sa campagne, justement, contre le processus d’islamisation rampante de la

32

PERSPECTIVES MED

société. On comprend dès lors pourquoi, dans cette quête de la normalité, le Président tunisien Béji Caid Essebssi, père putatif de Nidaa Tounès, n’a pas rechigné à se joindre aux invités dudit Congrès d’Ennahda. Fin tacticien, M. Ghannouchi aura réussi à médiatiser son congrès à outrance : car il faut bien « vendre » la marchandise après un rebranding souhaité. Et il faut croire que la démarche du leader d’Ennahda a été singulière en ce sens que c’est la première fois que l’on entend un tel discours chez un parti membre de l’association internationale des Frères musulmans pour lesquels la finalité de tout investissement politique n’est autre que la création d’un Etat régi par la charia. Faut-il croire, dès lors, que la direction d’Ennahda a définitivement tiré un trait sur « l’islam politique » pour basculer dans une nouvelle ère nommée « démocratie musulmane » ? M. Ghanouchi qui cherche à assurer le marketing du nouveau paradigme qui intègre la scène politique tunisienne serait-il le partisan convaincu d’un tel renoncement ? Bien sûr que « la


bête politique » qu’est le leader d’Ennahda ne pouvait que tirer les conclusions nécessaires du bouillonnement que vit la société tunisienne déjà marquée au feu du terrorisme islamiste aveugle. Car depuis la chute du régime de Ben Ali, et à l’occasion notamment des débats de la Constituante, la direction de la formation islamiste a mesuré le degré de réticence que la société opposa au projet « islamiste ». Et en plus, la bérézina électorale essuyée au cours des dernières législatives (Ennahda ayant été supplanté par Nidaa Tounès) n’est à lire qu’à l’aune de l’échec de la conduite des affaires du pays au sein de la Troïka. Le pragmatisme dont on affuble M. Ghannouchi explique-t-il, à lui seul, ce revirement pour le moins inattendu ? Le coût de la normalité recherchée n’est-il pas si exorbitant pour un parti qui a fait de l’islamisme politique son fond de commerce ? Ennahda va-t-il laisser le prosélytisme dont les partisans d’Ennahda usaient et abusaient aux seules formations salafistes qui défrayent toujours la chronique tunisienne? L’adieu est-il ainsi définitivement fait à « la république islamique » dont l’avènement avait bercé les militants de cette mouvance islamiste? Certes, en virant sa cuti, M. Ghannouchi aura cherché à garantir à Ennahda une autre vie, moins crispée et peu clivante… Car seuls les obtus persisteront à croire que « l’Islam est la solution » à tous les maux qui traversent la Tunisie de bout en bout. La tension qui persiste dans la Libye voisine, là où Daech s’est installé au côté d’autres formations islamistes, comme la chute de la Jemaa en Egypte, peuvent aider à comprendre le cheminement pris par Ennahda. C’est donc la quête d’une respectabilité bon teint qui est visée aussi bien à l’intérieur de la Tunisie qu’à l’étranger. M. Ghannouchi veut, avant tout, rassurer. Quitte à projeter Ennahda dans l’expérience réussie de l’AKP turc qui avait réussi à occu-

per les devants de la scène en s’accommodant du modèle laïc d’Atatürk et en imprimant une nouvelle dynamique de croissance socio-économique. Mais même ce modèle turc s’avère difficilement transposable à la Tunisie. Surtout au vu des dérives autoritaires qui marquent les arcanes du pouvoir « néo ottoman » à Ankara. La méfiance à l’endroit de cette formation ne s’atténuera donc qu’avec le temps. Ce qui exige de la part d’Ennahda la présentation de gages suffisamment solides pour convaincre les milieux qui croient toujours en une ruse (assimilée « halal » dans le combat politique) purement islamiste. Ennahdha a choisi de tenir ses assises dans un climat extrêmement délétère: le djihadisme fait toujours rage en Libye voisine, comme dans l’espace sahélo-saharien, la guerre civile n’en finit pas de détruire et la Syrie et l’Irak, cela sans parler de ce qui se déroule au Yémen, ou encore dans le Sinaï égyptien… . Dès lors, la sortie applaudie pour partie de Ghannouchi ne saurait agréer une base traditionnaliste quant bien même elle serait habitué à obéir au chef au doigt et à l’œil. M. Ghannouchi semble vouloir engager son parti dans une voie qui rappelle celle empruntée par la démocratie chrétienne européenne. Dans la forme, tout pourrait conforter une telle thèse. Mais s’y aventurer, c’est aussi oublier la dimension de contextualisation qui rend à chaque expérience son caractère spécifique. Ruse politique ou volonté sincère de s’éloigner d’un islamisme qui a plongé le monde musulman dans l’aventurisme et la violence ? M. Ghannouchi connaît très bien les Tunisiens, et n’ignore pas que la composante féminine reste accrochée, mordicus, à la culture de liberté héritée du bourguibisme pour succomber un jour au machisme des islamistes. Ghannouchi a lancé un défi… Réussira-t-il à convaincre la frange nahdaouie de « l’inté-

rieur», par opposition à celle de « l’extérieur» que le leader dirigea depuis son exil à Londres? C’est bien là où réside la bataille qui ne semble pas encore définitivement gagnée par M. Ghannouchi. Une bataille contre les ténors de la « radicalisation » du discours islamiste. La marmite d’Ennahda bouillonnera pour de longs mois. Les observateurs sont unanimes à juger que d’intenses conflits traversent cette formation que seule larigueur disciplinaire maintient dans une forme monolithique. L’éloignement de ceux que les spécialistes considèrent comme des faucons du parti, Sadok Chourou et Habib Ellouz notamment, n’est pas une sinécure. Même pour le leader historique incontesté qu’incarne, depuis des lustres déjà, M. Ghannouchi. Tout ne semble pas définitivement plié pour Ennahda. D’autant que si ses thuriféraires croient en la sincérité de l’engagement de l’homme, il n’en reste pas moins que ses détracteurs le considèrent comme un politique qui louvoie et n’hésite pas dire la chose et son contraire. Et le pire dans tout ça est le souvenir indélébile laissé par Ennahda dans ses positions par trop accomodantes vis-à-vis des salafistes, voire des takfiristes qu’incarna, le temps de l’opération contre l’ambassade US à Tunis, Abou Iyadh, dirigeant de la branche locale d’Al-Qaida. Les quatre années à venir, c’est-à-dire celles qui séparent les nahdaouis de leur 11è congrès, ne seront pas de tout repos. Surtout que le chef historique de cette formation qui se revendique désormais de « la démocratie musulmane », sans laïcité il faut le préciser, entend en faire une véritable « meule » sur la scène politique pour assurer partout une dynamique de renouveau. Et qu’Ennahda entend bien se préparer aux échéances éléctorales qui se profilent à l’horizon. Locales en tête. Les temps de la reconquête ont-ils sonné ? Wait and see…

PERSPECTIVES MED

33


MONDE FACE À UNE FRANCE ANXIOGÈNE par: M . El Maleh

L’ELYSÉE ACCROCHÉ AUX MIRACLES ! Avec un retournement de situation conjoncturel, l’Exécutif croit aux miracles. Et conjugue dans tous les temps « ça va mieux » ! Mais la grammaire politique qui sanctionne est aussi faite de la colère non feinte des Français et de la courbe des sondages qui s’en accommode. L’expérience social démocrate ne tient plus qu’à un fil…

A

ssurément, les dirigeants français n’arrivent pas, ces derniers temps, à se départir de la méthode Coué. Ils ne cessent de clamer haut et fort que «ça va mieux » sur tous les supports médiatiques pourvu que leur message devienne audible dans la cacophonie qui a caractérisé la communication gouvernementale depuis l’avènement de François Hollande à l’Elysée. LA CHANCE PEUT SOURIR Cet élément de langage, soufflé à coup sûr par les À F. HOLLANDE, MAIS communicants des deux têtes de l’Exécutif, insiste SA POPULARITÉ BAISSE sur les deux dernières publications du marché de l’emploi et des statistiques de l’INSEE sur la croissance. Attendue depuis des mois, une baisse sensible de la courbe du chômage semble se dessiner au moment où l’investissement repart et que les déficits semblent marquer le pas. A l’évidence, ça va mieux… mais.

34

PERSPECTIVES MED

L’exception est loin d’être exclusivement française. Bien au contraire. Nos voisins et autres pays de l’OCDE collectionnent des chiffres bien meilleurs et ce depuis des mois. Alors au-delà de la fanfaronnade somme toute de bon aloi de la part des politiques, il est un pas que les économistes de droite et de gauche ne semblent nullement vouloir franchir. Tous invitent à la prudence, tellement la conjoncture mondiale reste volatile, pour ne pas dire versatile. Hier, c’est le prix du baril en chute constante qui a relancé partiellement la croissance, aujourd’hui, le prix à la pompe est reparti à la hausse. QUANT LE MAUVAIS SORT S’ACHARNE La France, première destination touristique mondiale est, semble-t-il, boudée par les visiteurs étrangers suite aux attentats qui l’ont frappé au cœur, à Paris. Mais pas seulement. Un climat anxiogène règne dans le pays marqué par les « Nuits Debout » et autres débrayages. Même l’Euro-foot qui commence dans quelques jours est loin de faire la « Une » cédant la


place aux diatribes sur la situation sécuritaire, encore et encore, et sur les déclarations de Cantona, Debbouze et Benzema portant sur les raisons de l’absence pour le moins étonnante de faciès français d’origine maghrébine dans l’équipe de France. Les trois pointant un racisme latent au sein du staff dirigeant. Là aussi on est bien loin de la devise « Black, Blanc, Beur» de 1998. Depuis l’arrivée de François hollande en 2012, un vent d’optimisme a semblé souffler sur la France malmenée par l’agitation effrénée de Nicolas Sarkozy qui a aggravé les effets de la crise de 2008. Le slogan de campagne « le changement, c’est maintenant » a fait pschitt pour paraphraser un autre corrézien qui dirigea le pays pendant 12 ans. Les Français ont très vite déchanté. Les équipes montées avec Ayrault et Valls n’ont ni vision ni visibilité. Leurs stratégies, aussi tenté que l’on puisse qualifier leurs politiques d’une quelconque conduite méthodique des affaires du pays, sont courtermistes. Pire encore, elles sont loin de refléter la ligne politique choisie par la majorité des Français qui les a portées au pouvoir. En plus d’une politique de droite non assumée, on navigue à vue. Entre démissions forcées ou voulues, la valse des ministres n’a jamais cessé. Arguant de la maxime « un ministre ça ferme sa gueule ou ça démissionne », ils furent nombreux à déserter les bancs de l’Exécutif. Les poids lourds de la gauche sont tous partis. La sortie la plus emblématique fut celle de Christiane Taubira qui, ayant avalé des couleuvres au nom de la solidarité gouvernementale et de la fidélité envers l’hôte de l’Elysée des mois durant, n’a pas supporté la proposition de révision constitutionnelle portant sur la déchéance de la nationalité et a préféré jeter l’éponge en cohérence avec les idéaux qu’elle a défendu depuis toujours. Même si la défense du territoire et du citoyen

est légitime et nécessaire, l’option du tout sécuritaire est un mauvais choix. L’urgence sécuritaire semble aveugler le tandem de l’Exécutif. Jusqu’à quand va-t-on reconduire l’état d’urgence mobilisant les forces de l’ordre au-delà de leurs capacités physique et morale ? Les dérapages auxquels on assiste, comme la charge brutale des policiers sur des journalistes, ou encore des collégiens bretons mécontents de la fermeture programmée de leur collège, est un exemple parmi tant d’autres en matière de « bavures policières ». MÊME LE CIEL GRONDE… Depuis trois mois la France vit au rythme de manifestations, de grèves et de Nuits debout contre la loi El Komri. La « souplesse » que veut donner cette loi au code du travail s’ajoute aux milliards d’Euros distribués sans réelle contrepartie au patronat n’ont jamais été actés dans le programme de François Hollande, le candidat dit et autoproclamé du changement. Aujourd’hui, de reniement en reniement, il est en bas des sondages et même s’il doit prier pour que la courbe du chômage continue son fléchissement, les Français ne semblent pas, loin s`en faut, vouloir lui accorder leur confiance de nouveau. Dans la dernière enquête sur les intentions de vote en 2017, il ne recueille qu’une maigre moisson. En effet, le sondage singulier par l’ampleur de son panel que l'institut Ipsos a livré il y’a quelques jours est riche en enseignements sur l’état d’esprit des Français à un an des présidentielles. Pour 19 445 personnes interrogées, soit 20 fois plus qu'une enquête habituelle, l'image du Président de la République continue d’être au plus bas. Seuls 14 % des intentions de vote au premier tour lui sont acquises. Il est largement devancé par Nicolas Sarkozy ( 21 % ) et surtout par Alain

Juppé ( 35 %). Le score de François Hollande avoisinerait celui de François Bayrou (13%) et Jean-Luc Mélenchon (12%). Plus cinglante est la montée de Marine Le Pen qui obtiendrait un score inédit (28%) qui lui permettrait de franchir aisément le premier tour. Certes, l’échéance de mai 2017 est encore loin, et les primaires aussi bien à droite qu’à gauche n’ont pas livré leur verdict. Mais le doute ronge les rangs de la gauche qui ne voit pas en Hollande un candidat naturel qui porterait ses couleurs. Cette dégradation de l’image de l’Exécutif se mesure à l’aune de la gronde sociale qui ne cesse d’enfler touchant quasiment tous les secteurs d’activité : SNCF, Air France, éducation, santé, énergie, transports routiers, dockers, éboueurs… Et comme si cela ne suffisait pas, voilà que la France semble s`attirer les foudres du Ciel, noyée par des trombes d’eau depuis des jours. C’est comme si les dieux de la météo manifestaient, eux aussi, leur colère contre la politique menée par ce gouvernement estampillé social-démocrate. Ce reniement est ravageur pour le parti socialiste et ses satellites. Les échéances électorales s’annoncent saignantes et le sauvequi-peut a déjà touché les rangs des conseillers qui peuplent l’Elysée comme les autres ministères à la recherche de « planques plus sûres ». A l’évidence, Il y a des signes qui ne trompent pas même si, en politique, rien n’est jamais gagné d’avance.

EN FRANCE, DES SCÈNES DE GUERILLA URBAINE

PERSPECTIVES MED

35


MONDE PRESSION IRAKIENNE À FALLOUJAH ET PROGRESSION SYRIENNE À RAQQA par: A Ben Zeroual

DAECH PRIS, ENFIN, EN TENAILLE ! L’organisation terroriste Daech, alias Etat Islamique, accuse les coups qui lui sont sévèrement portés sur les fronts irakien et syrien. Pris en tenaille, elle lâche de plus en plus de positions… En attendant l’assaut fatal. La jonction des armées syrienne et irakienne signerait la fin d’un mouvement djihadiste des plus sanguinaires.

E

n portant la guerre jusqu’en Amérique, l’attentat d’Orlando étant symptomatique d’une stratégie du désespoir, l’organisation terroriste Daech confirme, si besoin est, que l’étau se resserre définitivement sur les principaux foyers qu’elle occupa des mois durant pour y installer son proto-Etat. En Irak, il faudra s’attendre à ce que « le conseil» américain accordé aux forces irakiennes, fortement engagées pour la libération de la large province d’Al-Anbar, prenne une autre dimension, impliquant plus fortement les forces coalisées pour porter des coups encore plus destructeurs à Daech. Et ce qui court en Irak pourrait aussi être réédité au Nord de la Syrie, dans les derniers bastions encore entre les mains des djihadistes de l’organisation Etat Islamique. Car là aussi, des « forces spéciales » américaines épaulent sur le terrain, avec l’aide de contingents français et britanniques, l’avancée des forces kurdes, alliées à des combattants arabes, pour porter l’estocade finale à Daech dans la région de Raqqa. Déjà, une course contre la montre avait été engagée ces derniers jours entre les diverses forces qui cherchent à dévitaliser l’organisation terroriste dont la force de nuisance n’est point à minimiser. L’offensive des combattants kurdes dans la région septentrionale de la Syrie est l’expression d’une course contre la montre, chronométrée pour l’essentiel par les Américains, en vue de priver l’armée syrienne de rééditer l’exploit de Palmyre. La bataille autour de Raqqa est donc éminemment stratégique pour les deux camps. Au point de forcer les Russes à opérer un « come back » sur le terrain pour prêter main forte à Damas qui peine toujours à

36

PERSPECTIVES MED

s’imposer sur les multiples fronts ouverts. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que les autres groupements djihadistes s’activent particulièrement à Alep pour rendre encore plus difficile l’effort de guerre que nécessite la montée en puissance dans toute offensive à Raqqa. Mais le pouvoir syrien ne se berce pas d’illusion lui qui vient d’affirmer, par la bouche de son Président, que le combat reste total jusqu’à l’élimination de toute présence terroriste sur la moindre parcelle du territoire. Et qui dit Raqqa évoque la possibilité de jonction des forces irakiennes avec les forces syriennes dans la lutte commune engagée contre Daech. En effet, entraînées et aidées par les Américains, les forces irakiennes qui bombardent les positions de l'EI, regagnent plus de terrain face aux djihadistes dans la province d'Al-Anbar, où se situe Falloujah. La guerre urbaine qui y est menée promet une réédition de l’exploit que constitua la reprise de la ville de Ramadi. Mais il est vrai qu’il est encore trop tôt de pouvoir parler de victoire. De larges pans de cette province restent aux mains des djihadistes, ainsi que la grande majorité de la province de Ninive (nord), dont Mossoul. L’attentat d’Orlando permettra-t-il de lever les obstacles dressés face à une coopération plus affirmée entre forces américaines et russes, engagées sur le terrain syrien, pour en finir avec Daech ? La question est si importante à soulever à l’heure où les diplomates russes ne cachent par leur courroux à l’endroit de Washington qui biaise toujours dans la lutte contre les groupes terroristes hyper-actifs dans la région.


DAECH PLIE SOUS LES COUPS EN SYRIE par: A. Ben Zeroual

DE MANBIJ À RAQQA… L’Organisation terroriste Etat Islamique plie sous la double pression qui s’exerce sur lui en Syrie. D’abord avec l’encerclement de Minbaj par une coalition menée par les Américains. Ensuite par l’offensive de l’armée syrienne sur Raqqa, soutenue par les Russes. Mais au-delà, les appétits s’aiguisent autour d’Alep. Et condamnent les pourparlers de paix…

U

ne victoire contre le groupe Etat Islamique près de Manbij, en Syrie, est largement relayée par les médias occidentaux. On y souligne que le principal axe de ravitaillement des jihadistes entre la Syrie et la Turquie vient d’être coupé par les Forces démocratiques syriennes (FDS), coalition arabo-kurde appuyée par Washington et Paris. Manbij se trouve donc L'ARMÉE US VEUT DISPOSER entièrement encerclée après dix jours d’offensive, privant D'UN CORRIDOR AU NORD les hordes de Daech de toute possibilité de retraite. Les DE LA SYRIE... combattants de l’EI à Manbij sont donc coupés du reste des régions syriennes toujours sous leur contrôle comme Raqqa, leur capitale autoproclamée. Mais derrière cette « prise » stratégique, commentent nombre d’observateurs de la scène syrienne, se cache une sourde bataille entre les puissances occidentales engagées dans le conflit syrien et les

alliés du régime de Damas, Russie et Iran en tête. Ces dernières ayant toujours reproché au camp occidental d’être sélectif dans un conflit où s’agitent de nombreuses organisations terroristes « tolérées pour leur supposée modération ». Tout en fermant les yeux sur tous les trafics alimentés depuis le territoire turc. Dès lors, faut-il voir en cette « percée » militaire contre Daech un quelconque changement d’attitude dans la gestion occidentale de la crise syrienne ou faudra-t-il convenir que l’administration Obama ne veut pas la paix en Syrie ? A cette grosse interrogation se joint une autre non moins pertinente : le siège de Manbij, avant sa reprise, ne vise-t-il pas à priver l’armée syrienne, et ses appuis, de la victoire projetée à Raqa ? Et partant, ne cherche-t-on pas à endiguer la projection de la souveraineté syrienne sur tout son territoire ? Dans ce jeu là, il faut croire qu’à Damas, on ne se fait plus d’illusions sur les appétits des uns et des autres qu’aiguise une Syrie dépecée. Des intérêts qui entendent se nourrir sur la bête… Peu importe qu’elle soit

PERSPECTIVES MED

37


pour le dossier syrien, ne se fait donc plus d’illusion. Et table sur le renforcement capacitaire de l’armée syrienne pour faire basculer la balance, définitivement, en défaveur des divers foyers terroristes soutenus par l’étranger.

debout où à terre. C’est la raison pour laquelle Bachar Al Assad sort de son mutisme pour replacer les choses à l’endroit. Les pourparlers de paix et les trêves ayant servi de vade mecum pour « muscler » les groupes terroristes qui se cachent derrière un prétendu « Printemps syrien » pour mieux servir leurs séides et les sombres desseins qu’ils réservent à la Syrie. On comprend dès lors pourquoi les Russes ont dû s’avouer, in fine, que les États-Unis ne collaboreraient pas au maintien du cessez-le-feu, ni à une attaque coordonnée contre l’État islamique et al-Qaïda, ni à la paix en Syrie. Le chef de la Diplomatie Russe a levé le voile, une fois encore, sur le jeu de Washington qui, une fois de plus, a demandé à Moscou de ne pas bombarder al-Qaïda, alors même que deux résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU exigent son éradication. Une demande expresse qui se fait concomittamment à l’arrivée d’énormes convois de ravitaillement de Turquie pour les « rebelles» qui vont, comme d’habitude, les partager avec al-Qaïda et d’autres terroristes. Serguie Lavrov qui marque John Kerry à la culotte, surtout

38

PERSPECTIVES MED

VENTS CONTRAIRES Sur le terrain, l’offensive de l’armée arabe syrienne sur Raqqa est entravée, non seulement par les tempêtes de sable, mais aussi par les offensives d’al-Qaïda, d’Ahrar al Sham et des forces du Parti islamique du Turkestan contre ses positions au sud d’Alep. Attaques opportunes qui engagenet, selon le centre russe de contrôle du cessez-le-feu en Syrie, plus de 1000 éléments. Fait notable, on évoque pour la première fois la présence de soldats turcs au nord de la ville. C’est à croire que le scénarion qui s’est déroulé en mars et avril derniers, quand l’armée syrienne a été obligée de stopper son avancée vers l’est de la Syrie pour éviter de nouvelles pertes dans la lutte contre Al-Qaïda au sud d’Alep, est reproduit à l’identique actuellement. Il semble évident, d’après des analystes, que les attaques des forces soutenues par les Etats-Unis et sa coalition ont pour but d’empêcher le gouvernement syrien de regagner du terrain à l’est. La diplomatie russe s’active. Et dans un communiqué, elle souligne que « Lavrov a exprimé sa préoccupation concernant les tentatives de retarder la reprise des négociations politiques, sous divers prétextes», Kerry étant le récipiendaire du message en provenance de Moscou. Car jamais rencontre de réconciliation, baptisée « Génève 4 », n’a semblé si éloignée. Ce qui pousse la Russie à reprendre l’intiative, y compris sur le terrain. Comme le laissent entendre les frappes aériennes russes contre les terroristes en Syrie qui ont triplé au cours des derniers jours. Plus, des ressources supplémentaires ont même été discrètement acheminées vers la Syrie. Les Russes ont débarqué, en effet, des forces terrestres et des parachutistes dans le port de Tartous pour soutenir les 3000 volontaires russes envoyés dans la région au cours des dernières semaines, dans le but de relancer la coordination avec l’armée syrienne. Le personnel de commandement russe qui a coordonné les opérations de soutien aérien à l’automne dernier serait de retour à la base militaire Hmeimim, dans la province de Latakia, pour entamer la préparation de nouvelles opérations, apprend-on à Damas. De quoi donner un coup de fouet aux forces gouvernementales qui ont progressé à l’intérieur des frontières administratives de la province de Raqqa et ne se trouvaient

plus qu’à moins de 30 km de l’aéroport militaire de Tabqa», a déclaré le directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), Rami Abdelrahmane. Elles s’approchaient également à quelque 25 km du lac Assad, au sud-ouest de la ville de Tabqa, a-t-il ajouté, l’offensive ayant été lancée depuis Hama. Un peu moins de deux ans après en avoir été délogée, l’armée syrienne a pénétré, samedi 4 juin, dans la province de Raqqa au nord de la Syrie. Les troupes régulières syriennes avancent en direction de la capitale de l’organisation Etat islamique. En revanche, dans la province d’Alep, des difficultés se font sentir au fur et à mesure que l’armée syrienne tente de prendre le dessus sur Daech. ALEP, CLÉ DU CONFLIT ? De rudes combats se poursuivent dans cette ville stratégique, après la violation de l’accord de cessez-le-feu par les groupes terroristes, et les forces gouvernementales ont lancé une offensive pour encercler entièrement et prendre le contrôle complet de la partie occidentale de la ville aux mains des takfiristes. Les combats qui font rage sur plusieurs fronts impliquent l’armée et milices loyalistes syriennes, Daech, Al-Nosra, ainsi que les autres groupes djihadistes, ASL (Armée Syrienne Libre) et les Kurdes. Épaulées par des frappes aériennes russes et des combattants iraniens et libanais au sol, les forces loyalistes syriennes ont pu regagner de larges portions de territoire à l’intérieur et autour de la ville dont ils contrôlent désormais environ 60%. La bataille actuelle d’Alep marque ainsi un tournant décisif dans le conflit syrien, en renversant progressivement l’équilibre des forces militaires dans cette grande ville en faveur du gouvernement légitime. Parmi les importantes percées de l’armée à Alep : parvenir à couper la route Alep-Bab Al-Salam qui mène à la frontière turque, la principale voie de ravitaillement des djihadistes, notamment du Front Al-Nosra et d’Ahrar Al-Cham, et briser le siège de Nubul et Zahraa, deux villes sous contrôle des forces terroristes depuis trois ans. Les combats de l’armée syrienne ciblaient d’abord le quartier de Cheikh Maqsoud, au nord de la ville d’Alep, qui est d’une importance stratégique, car c’est par là que passe l’autoroute Castello considérée comme le dernier axe de ravitaillement permettant de rejoindre la Turquie et la région d’Edlib depuis Alep. L’armée loyaliste pourrait conserver son avancée militaire dans la ville et sa portion la plus large pour deux causes principales: d’un côté, les forces gouvernementales sont


une seule entité cohérente face à une mosaïque de groupes armés qui sont de plus en plus divisés entre eux et entrent souvent en conflit. De l’autre côté, les lignes d’approvisionnement pour ces groupes, que ce soit en provenance d’Iraq ou de la frontière turque, sont de plus en plus contrôlées par Damas. L’enjeu de la bataille d’Alep est considérable, car si celle-ci ne va pas résoudre complètement le conflit qui ravage la Syrie depuis cinq ans, elle va contribuer largement à redéfinir le poids et la nature de l’hégémonie politique sur le terrain de chaque protagoniste. En d’autres termes, la bataille d’Alep est le pendant militaire de l’action politique des négociations visant à reconstruire l’État syrien. Le Président syrien Bachar al-Assad a d’ailleurs encore insisté récemment sur la nécessité de restituer la souveraineté de la totalité d’Alep, preuve que reprendre toute la ville est en fait un enjeu stratégique majeur. En effet, en cas de victoire, le gouvernement syrien pourrait renforcer son contrôle sur une grande partie de « la Syrie utile», concept élaboré par Bachar et qui désigne particulièrement la ligne sud/nord qui s’étend de Damas à Alep, sachant que les forces loyalistes contrôlent déjà les grands centres urbains de Damas, de Homs et d’Hama. Par ailleurs, la chute d’Alep serait également une grande défaite des groupes terroristes, téléguidés par Washington et Tel-Aviv, et soutenus directement par Riyad et Ankara. En effet, la victoire du régime légitime syrien dans cette bataille stratégique serait une grande défaite pour la Turquie, puisqu’Alep est à la fois le point d’entrée principal de ravitaillement turc pour les factions auxquelles elle apporte soutien ainsi que le

point faible par lequel ces factions peuvent cibler la zone extrêmement fortifiée du régime légitime syrien, notamment à Lattaquié. C’est pour cette raison qu’Ankara, dès le début de la bataille d’Alep a souhaité intervenir directement sur le terrain, ambition se heurtant à un ferme refus américano-russe. Mais il semblerait qu’Ankara est passé outre… car il ne faut pas oublier que les États-Unis sont prêts à faire tout ce qu’il faut pour

empêcher le gouvernement légitime syrien de se renforcer, car si les troupes loyalistes obtenaient une victoire militaire dans la région d’Alep, environ 90% du territoire syrien serait alors sous leur contrôle. Ce qui n’arrangerait guère les affaires d’une coalition dans laquelle pays occidentaux, turcs et des parties arabes se retrouvent réunis pour empêcher la Syrie de renâitre de ses cendres.

LE PARRAIN DE JABHAT AL NOSRA SORT DE L’OMBRE Ayman al-Zawahiri, leader de l’organisation terroriste Al-Qaïda, et dont Jabhat al-Nosra lui a fait allégeance, a lancé un appel à tous les opposants au gouvernement syrien légitime pour leur demander de consolider leur unité face à l’offensive de l’armée gouvernementale syrienne dans le secteur d’Alep. « Soit vous vous unissez, soit vous mourrez», a déclaré le chef terroriste qui a salué le rôle de sa filiale locale, « Jabhat al-Nosra » en l’occurrence, tout en crtiquant vertement le cessez-le-feu en Syrie. On comprend dès lors pourquoi la région d’Alep s’est embrasée… Le chef d’Al-Qaïda a exigé que les «vrais musulmans» de tous les pays concentrent leurs efforts sur le djihad en Syrie. Il affirme que « si les Moudjahidin ne s’unissent pas, c’est la défaite des mains

des croisés russes et occidentaux qui les attend ». Il y a lieu de rappeler aussi que Hamza ben Laden, le fils d’Oussama ben Laden âgé de 23 ans, s’est lui-même allié au leader d’al Qaïda pour soutenir Jabhat al-Nosra. Il a affirmé pour sa part que « la Oumma islamique doit se concentrer sur le djihad en Syrie et resserrer les rangs en laissant de côté les désaccords du moment.» Face à cette envolée lyrique des leaders d’Al-Qaida qui confirment si besoin est que Jabhat-Al-Nosra n’est que leur succursale en Syrie, les Américains continuent à faire bénéficier cette faction terroriste, listée par l’ONU, de leur bienveillance. Les accointances avec les pays du Golfe impliqués ouvertement dans le confli syrien expliquent pareille attitude désinvolte…

PERSPECTIVES MED

39


MONDE LA COURSE À LA MAISON BLANCHE ENTRE CLINTON ET TRUMP par: A. Ben Driss

POURQUOI LE MONDE RETIENT SON SOUFFLE Fin des primaires ou presque au pays de l’Oncle Sam. Les candidats à la présidentielle américaine dont l’enjeu dépasse les seules frontières de l’Empire sont désormais connus ; Hillary Clinton côté démocrate, Donald Trump, côté Républicains. La dernière étape de la course, prévue le 8 novembre, permettra d’y voir un peu plus clair dans cette course d’obstacles qui s’annonce à deux : une candidate démocrate face à un rival androgyne républicain.

D

ans le rang démocrate, il faut croire que le Président Obama a d’ores et déjà « tranché » dans le vif en lançant son fameux « I’m with her » pour cautionner la candidature de Clinton qui a toutes les chances de remporter la primaire très symbolique de Washington DC. Le locataire de la Maison Blanche lui ayant pavé la voie en reSI H. CLINTON OCCUPERAIT cevant Bernie Sanders pour le convaincre de « laisser LA MAISON BLANCHE, tomber » sa candidature, les jeux étant faits. Pas décidé à lâcher le morceau, Sanders RÉUSSIRA-T-ELLE À SE a fait des signes qui ne trompent pas: après avoir DÉMARQUER assuré, à l’issue des derniers scrutins, qu’il ferait «tout» DES NÉO-CONSERVATEURS ? pour empêcher l’élection de Trump, il a déclaré à l’issue de son entretien avec Obama qu’il voulait rapidement rencontrer Clinton «pour voir comment nous pouvons travailler ensemble afin de

40

PERSPECTIVES MED

vaincre Donald Trump et de créer un gouvernement qui nous représente tous». LES DÈS SONT JETÉS Voilà qui permet à nombre de médias américains de souligner que dans le camp démocrate, Hillary Clinton sortira vainqueur face à Bernie Sanders. Son avance en nombre de délégués est telle que les résultats de cet énième «Super Tuesday» importent assez peu, en tout cas sur le plan mathématique. Sauf coup de théâtre judiciaire dans l’affaire de ses emails privés ou improbable retournement de veste des superdélégués en faveur de son rival, l’ancienne secrétaire d’Etat sera investie lors de la convention démocrate, fin juillet. Puis défiera le magnat de l’immobilier Donald Trump le 8 novembre. Même si elle sort fragilisée de sa campagne, la projection de l’image qu’elle s’est construite en 2015 comme « championne des Américains ordinaires» n’arrivant toujours pas à émousser celle qu’elle personnifie comme un politicienne de la caste, « froide, calculatrice et avide de pouvoir ». Cela explique le


plongeon de sa cote de popularité, supérieure à 50% début 2015, à 37% d’opinions favorables, soit à peine mieux que Donald Trump (34%). Bernie Sanders a révélé la fracture profonde qui divise l’électorat démocrate entre la gauche progressiste, à qui le sénateur du Vermont a donné une voix, et le centre modéré, qu’Hillary Clinton prévoyait d’incarner. Fracture générationnelle, aussi, entre l’élite vieillissante du parti et une jeunesse de gauche de plus en plus antisystème. Quant au milliardaire new-yorkais, sa campagne se poursuit comme elle a commencé avec des insultes contre des journalistes et, surtout, ses attaques à répétition contre un juge de San Diego, qui préside le procès pour escroquerie contre l’université Trump. Donald Trump accuse le magistrat américain d’origine mexicaine d’être partial en raison de son «héritage». Des accusations vivement critiquées, y compris dans son propre camp. N’empêche, le parti républicain se met en ordre de marche derrière le milliardaire. Les partisans du «Never Trump» («Jamais Trump»), qui espéraient fomenter une candidature indépendante, semblent avoir perdu la mise. Le président républicain de la Chambre des représentants, Paul Ryan, s’est finalement rallié à Trump pour éviter à tout prix une présidence Clinton. Hillary Clinton a durci le ton en animant, récemment, un discours sur la diplomatie US. «Faire de Donald Trump notre commandant en chef serait une erreur historique», a-t-elle martelé, montant en épingle son «ignorance» et ses positions «dangereusement incohérentes». Entre les deux candidats, La bataille promet d’être épique. Voire même «Nasty», comme les Américains évoquent la saleté. Les dès sont jetés. LES DÉMONS DE L’EMPIRE Dans le camp de B. Sander, ils sont nombreux à craindre que l’élection d’Hillary Clinton ne

conduise à l’application de la politique belliciste des néo-conservateurs. Encore faut-il souligner qu’une sorte d’unanimité s’est faite jour sur l’état des Etats-Unis comme sur le panel de candidats qui s’offre aux électeurs. Une sélection du pire des candidats pour le pire des mondes possibles. De nombreux analystes laissent entendre que les néoconservateurs voient en Clinton leur cheval de Troie à la Maison-Blanche. Dans la perspective de Clinton présidente, son entourage sera composé d’une équipe de néoconservateurs qui contrôleraient la diplomatie américaine pour en faire l’outil des stratégies de « changement de régimes » au Moyen-Orient, de « révolutions de couleurs» sur les continents sud-américain et africain et d’intensifier la « guerre froide » vis-à-vis de la Russie. Les démons de l’Empire venderaient les scenarï du pire : coup de grâce final au régime syrien; sanctions contre l’Iran afin de pousser Téhéran à abandonner l’accord nucléaire; large déploiement de troupes américaines à la frontière russe et pour une intégration de l’Ukraine dans la structure militaire de l’OTAN. Cela sans parler du retour en force des complots en Amérique Latine, pour éliminer les régimes progressistes, et des coups bas en Afrique… Et encore moins du durcissement face à la Chine. La question qui se pose serait de savoir si Hillary Clinton dispose de l’épaisseur de sagesse nécessaire pour résister au déploiement d’une politique guerrière. Surtout que le président Barack Obama s’est trouvé assailli par de multiples pressions militaristes auxquelles il n’a pas, toutes, plié... Face à la toute-puissance des néoconservateurs sur la diplomatie américaine – particulièrement au sein de l’administration du département d’État, des grands médias et des think tanks importants – Clinton sera harcelée par la

multiplicité de projets « va-t-en guerre » émanant à la fois de l’extérieur de son administration et de son propre camp. Déjà, des néoconservateurs influents, tel que Robert Kagan de la Brookings Institution, ne cachent pas qu’ils escomptent avoir une influence non négligeable sur la diplomatie de Clinton. Kagan, qui s’est repositionné lui-même comme un « libéral interventionniste », affiche son soutien à Clinton qui l’avait nommé au Conseil consultatif du département d’État. A Washington la rumeur court quant à l’épouse néoconservatrice de Kagan, Victoria Nuland, secrétaire d’État adjointe pour l’Europe, une autre protégée de Clinton et l’architecte du « changement de régime » en Ukraine, en lice pour une haute fonction diplomatique dans l’administration Clinton.Tout au long de son parcours comme sénatrice et secrétaire d’État, Clinton a cautionné les solutions radicales de « changement de régime» : invasion de l’Irak en 2003, coup d’État au Honduras en 2009, guerre aérienne en Libye en 2011, guerre civile en Syrie depuis 2011. Si elle ne s’est pas faite le chantre de l’escalade des conflits, comme en Afghanistan et en Iran… Ce qui tranche, nettement, avec la politique d’Obama.Les néoconservateurs n’ont jamais abandonné leurs rêves de renverser les gouvernements moyen-orientaux qu’Israël a inscrits sur sa liste d’ennemis. L’Irak était seulement le premier. Les suivants furent la Syrie et l’Iran avec l’idée qu’en installant des dirigeants pro-israéliens dans ces pays, les ennemis frontaliers d’Israël – Hezbollah au Liban, Hamas et autres groupes militants palestiniens – pourraient être isolés et écrasés. Voilà qui éclaire d’un jour nouveau la sortie de Clinton devant l’AIPAC en soulignant devant le puissant lobby juif qu’en cas de victoire, le premier hôte étranger qu’elle invitera à la Maison Blanche ne serait autre que le Chef du gouvernement d’Israël… La messe est dite.

PERSPECTIVES MED

41


MONDE PRÉSIDENTIELLE AMÉRICAINE : par: Abou Sarah

DÉMOCRATIE RAFRAICHISSANTE OU DÉFRAICHIE ? Face à deux discours radicaux, le socialisme faisant son entrée dans le vocabulaire US avec force dans la campagne de B. Sanders et le populisme de D. Trump, les Américains finiront-ils par choisir H. Clinton, candidate mainstream ? Difficile de trancher à l’heure où Daech s’est invité dans la campagne avec le sanglant attentat d’Orlando.

Ç

a y est ! Les primaires chez les Démocrates ont presque rendu leur verdict. C’est Hillary Clinton qui est adoubée pour mener la bataille des présidentielles face à Donald Trump désigné haut la main en dépit d’un parti Républicain réticent. Mais si, au début de ce long marathon, l’ex-Première LES ÉLECTEURS Dame fut donnée largeDIVISÉS SUR LES CANDIDATS ment favorite face au sénateur du Vermont, Bernie Sanders, sa canEN COMPÉTITION didature n’a cessé de marquer le pas si bien que l’outsider ne veut toujours pas s’avouer vaincu. Ces deux candidats reflètent le visage des électeurs démocrates. A 75 ans, le sénateur du Vermont est ardemment soutenu par une jeunesse

42

PERSPECTIVES MED

américaine qui a beaucoup de mal à trouver une réelle place dans une société fortement inégalitaire. Il faut dire que bien avant d’entamer leur vie active, ils sont déjà dans leur écrasante majorité fortement endettés rien que pour se payer un cursus scolaire digne de ce nom ! Pour ce qui est des classes laborieuses et autres minorités noires ou latinos, elles ne sont pas en reste dans cet Empire ou « l’American Dream » s’altère pour n’être plus qu’un dur « struggle for life ». Les espoirs tant déçus dans les deux mandats de Barak Obama ont radicalisé cet électorat qui aspire, non plus à des promesses souvent non tenues, mais à des engagements réels pour un avenir conforme aux capacités et aux richesses du pays. Les stigmates de la crise de 2008 ne sont pas effacés. Des centaines de milliers d’ex propriétaires sont encore « à la rue » et des régions entières des EtatsUnis, pour l’essentiel situées dans la Rust Belt, sont


sinistrées. Les tentatives de redonner à cette partie de l’Amérique l’aura de « Manufacturing Belt» sont encore un mirage pour des millions d’Américains qui assistent, effarés, à l’enrichissement sans fin d’une poignée d’entre eux. C’est ceux-là qui sont protégés par la classe politique au pouvoir depuis la mise en place du libéralisme sauvage sous Reagan et accentué par ses successeurs Républicains. Que le pouvoir soit aux mains des Démocrates ou des Républicains, les inégalités n’ont cessé de se creuser au nom du libéralisme assis depuis longtemps dans ce «nouveau monde». De temps à autre un toilettage sociétal est pratiqué pour éviter le pire. Mais les intérêts des plus forts et des plus riches sont toujours à l’abri. C’est cette accointance entre les puissants lobbies, industriels et financiers, qui a rendu les Américains distants de Washington. Les taux de participation aux présidentielles sont particulièrement bas et deviennent synonyme d’une certaine défiance vis-à-vis des institutions fédérales jugées lointaines des préoccupations des 330 millions d’Américains. Il y a huit ans, l’arrivée de Barack Obama était porteuse d’espoirs. Son slogan de campagne, « Yes we can » a fait mouche puisque la confiance lui a été accordée à deux reprises. Mais le constat est là. Que de désillusions dans une Amérique atrophiée par ses contradictions, sa dette colossale, un monde multipolaire et surtout une mondialisation sans pitié pour les plus humbles. Dès lors, une partie a choisi le camp populiste et franchement réactionnaire, soit une extrême droite portée par les « Tea party » avant que Donald Trump, candidat milliar-

daire dit « anti-establishment » ne déroule des diatribes racistes, misogynes, homophobes, anti-avortement, va-t’en guerre qui flattent les bas instincts d’une partie de l’Amérique qui croit en l’unilatéralisme, le port d’arme et à une Amérique blanche qui rappelle les sombre années du Ku Klux Klan. De l’autre côté, l’électorat Démocrate veut rompre avec les années Clinton. Les reproches faits à Mme Clinton sont pour l’essentiel axés sur la proximité de son mari avec Wall Street et avec les monarchies du Golfe. Devenu un boulet dans sa campagne, il s’est fait rare sur les plateaux télé et dans les

LA PRESSION DES ÉLECTEURS DÉPASSE LES CANDIDATURES MAINSTREAM meetings. Mal à l’aise dans le difficile exercice qu’est une longue et dure campagne des primaires, elle a dû batailler ferme pour s’imposer face à un Sanders combatif et excellent orateur. Ayant choisi la neutralité pendant cette bataille fratricide, Obama a sifflé la fin de la récréation en invitant les deux protagonistes à unir leur force face à la montée inexorable de D. Trump, déjà en campagne présidentielle. Salué par son attitude exemplaire, Bernie Sanders a rendu hommage à Obama dans

sa position de neutralité mais il ne s’avoue toujours pas vaincu et attend toujours le verdict définitif de la Convention démocrate prévue en juillet. De son côté, jouissant d’une facilité déconcertante dans la communication de masse, l’hôte actuel de la Maison Blanche a commencé la tournée des plateaux TV pour venir en aide à H. Clinton contre le rouleau compresseur Trump. Son espoir et celui de tous les démocrates dans le monde : voir une Femme occuper le fauteuil de Président de la première puissance mondiale après que le suffrage universel y a installé un Noir. On sait pertinemment que quelle que soit sa couleur de peau ou son sexe, le Président des Etats-Unis protègera d’abord les intérêts de son pays. On sait aussi que ces derniers priment sur une quelconque amitié. Mais compte tenu du poids de cette nation dans les décisions à l’échelle globale, des soubresauts qui agitent le monde principalement la région du Proche et du Moyen Orient, d’Afrique et d’ailleurs, l’espoir est que la défense somme toute légitime des Etats Unis de ses propres intérêts ne se fera pas au détriment des mêmes et qu’elle saura trouver des voies alternatives pour un monde meilleur. Qu’une femme puisse entreprendre ce virage l’inscrira dans la postérité. Aussi imparfaite qu’elle puisse être, cette démocratie est réjouissante et rafraichissante à la fois. Elle montre le chemin à suivre pour les autres démocraties empêtrée dans des schémas classiques et révolus. Ne dit-on pas que la Femme est l’avenir de l’Homme !

PERSPECTIVES MED

43


PANORAMA RÉPRESSION AU BAHREIN

DOUBLE ATTENTAT À DAMAS

RETOUR À LA CASE PRISON POUR N. RAJAB

DAECH CIBLE SAYEDA ZEINAB

Nabil Rajab, militant des droits de l'homme des plus célèbres dans le monde arabe, a été arrêté par la police bahreïnie un peu moins d'un an après sa sortie de prison à la faveur d'une grâce royale, a annoncé sa femme, lundi, sur Twitter. Aucun motif n'a été avancé pour justifier cette interpellation, a-telle expliqué par ailleurs au journal « Al Wassat », et les autorités n'ont pas réagi. Fondateur du Centre bahreïni des droits de l'homme, Nabil Rajab qui a joué un rôle de premier plan dans la mobilisation chiite de 2011 en faveur d'une ouverture démocratique a été incarcéré en mai 2012 avant d’être libéré deux ans plus tard. En janvier 2015, il a été condamné à six mois de prison pour atteinte à la sûreté de l'Etat, puis gracié deux mois plus tard pour raisons de santé par le roi Hamed ben Issa Al Khalifa.

AL-ZAWAHIRI FAIT ALLÉGEANCE AU CHEF DES TALIBANS LE PRIX DE LA PROTECTION D’AL-QAIDA Ayman al-Zawahiri a prêté allégeance au nouveau leader choisi par les talibans afghans après la mort de leur ancien chef dans un raid américain, Mollah Mansour, a rapporté le Centre US de surveillance de sites jihadistes SITE. Le leader d’Al-Qaida a proclamé cette allégeance au mollah Haibatullah Akhundzada, dans un message audio de 14 minutes mis en ligne sur ces sites, selon le centre américain.Il a appelé « la nation musulmane » à suivre son exemple en proclamant « soutien et allégeance à l’émirat islamique » le nom donné par les talibans à leur Etat islamiste en Afghanistan entre 1996 et 2001. Le fondateur d’Al-Qaïda, le Saoudien Oussama ben Laden, tué dans un raid de forces américaines en 2011 au Pakistan, se considérait comme l’invité des talibans. Il avait été le premier à prêter serment d’allégeance à Mollah Omar, le premier chef des talibans après que son mouvement s’est installé dans les années

44

PERSPECTIVES MED

Au moins 20 personnes sont mortes et 30 ont été blessées dans le double attentat perpétré aux alentours du mausolée chiite de Sayeda Zeinab proche de Damas, a indiqué l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). L’agence officielle Sana rapporte que le bilan de ce double attentat est d’au moins 12 morts et 55 blessées, en précisant qu’un kamikaze avait fait sauter sa ceinture d’explosifs à l’entrée du sanctuaire et un autre avait fait exploser une voiture piégée dans une rue de ce secteur de la banlieue de Damas. Le groupe jihadiste État islamique a revendiqué les attentats. «Trois opérations martyrs, deux au moyen d’une ceinture d’explosifs et une troisième au moyen d’une voiture piégée, ont été menées par les combattants de l’EI Sayeda Zeinab », a affirmé l’agence Aamaq, liée à l’organisation terroriste Daech. Le mausolée de Sayeda Zeinab, vénéré par les musulmans chiites car il abrite la tombe de la petite-fille du prophète Mahomet, a déjà été la cible de plusieurs attaques de groupes jihadistes sunnites, dont l’EI, qui considèrent les chiites comme des hérétiques

1980 des deux côtés de la frontière afghano-pakistanaise. Al-Qaïda jouissait de ce fait de la protection des talibans dans cette zone, selon les spécialistes.


TROUBLES AU VENEZUELA ET AU BRÉSIL LA DOCTRINE MONROE EN MARCHE

AU BUNDESTAG, LES DÉPUTÉS TURCS AVERTIS L’EFFET ARMÉNIEN… … Les parlementaires allemands originaires de Turquie ont été avertis par le ministère des Affaires étrangères de surseoir à tout déplacement vers la Turquie pour des raisons de sécurité. L’hebdomadaire Der Spiegel . Cet avertissement intervient après le vote par le Bundestag d’une résolution qualifiant de « génocide » le massacre de 1,5 million d’Arméniens par les forces ottomanes en 1915. Ce qui a poussé le président turc à taxer les 11 élus d’origine turque qui ont voté en faveur du texte de terrorisme et a affirmé que du « sang corrompu » coulait dans leurs veines. Cem Özdemir, coprésident des Verts au Bundestag, a par ailleurs fait l’objet de menaces de mort. D’autres médias allemands ont fait savoir que les 11 députés seront désormais placés sous protection policière pour leurs activités professionnelles et privées.

PARIS RÉAMORCE LA PAIX AU PROCHE-ORIENT : DIFFICILE PARI… Des personnalités de premier plan ont fait le déplacement à Paris pour tenter de relancer les pourparlers de paix israélo-palestiniens. John Kerry et Sergueï Lavrov, ministres américain et russe des Affaires étrangères, Frederica Mogherini, en charge de la diplomatie de l’Union européenne, Ban Ki Moon, Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, les ministres des principaux pays européens et arabes… Tout ce beau monde n’a pourtant pas bénéficié de l’aura médiatique qui sied à pareil événement. Car Israël avait pris soin de « marketer » son refus de l’initiative française malgré les déplacements d’Ayrault et de Valls à Tel-Aviv. Du coup, les principaux protagonistes : les palestiniens et l’entité sioniste criminelle, n’étaient pas conviés à y assister. Les israéliens ayant fait savoir qu’ils étaient pour des pourparlers directs sous la supervision de leur mentor, l’Empire US…

A quoi doit-on imputer les troubles politiques qui secouent le Brésil ou encore le Venezuela ? D’après des analystes, ce serait un euphémisme que de rappeler que l’Amérique centrale et l’Amérique du sud restent, aux yeux de Washington, « des chasses gardées » des États-Unis. Pour rappel, c’est en 1823 que le président Monroe avait déclaré que les « Américains » ont le statut de protecteurs de tout le continent américain vis-à-vis des puissances coloniales européennes. Une doctrine qui évoluera pour servir de base au verrouillage des relations de domination politique et économique. Et du soutien apporté à des dictatures (Somosa, Pinochet,…) outre les coups d’Etat (Allende au Chili, Goulart au Brésil,…) pour « protéger » ces pays du communisme. Si la politique du « Big Stick » semble passée de mode, le gros bâton est brandi indirectement. Le président Wilson n’a-t-il pas soutenu croire que « Dieu a présidé à la naissance de cette nation et que nous sommes choisis pour montrer la voie aux nations du monde dans leur marche sur les sentiers de la liberté » ? Le Brésil serait sanctionné pour sa contribution à l’édification des BRICS et pour avoir défendu la cause palestinienne. Il ne fallait pas plus pour actionner les ressorts de la déstabilisation. D. Russef n’a pas assimilé la leçon argentine, Cristina Kirchner ayant été écartée, elle aussi, pour avoir dénoncé l’agression israélienne contre Gaza et dénoncé le soutien apporté par les Américains aux groupes terroristes au Moyen Orient… Quant au Venezuela, on assiste aux mêmes manipulations et tentatives de déstabilisation au grand dam du président Maduro, héritier de feu Hugo Chavez, qui tente de résister à la droite oligarchique décidée à le renverser avec le soutien US

PERSPECTIVES MED

45


PANORAMA DAECH PERD

SAUVETAGES EN MÉDITERRANÉE

SYRTE

LES ITALIENS EN POINTE

SA PRÉSENCE

Pas moins de vingt opérations distinctes ont été menées durant le seul week-end du 11 au 12 juin dernier dans le canal de Sicile pour sauver 2 578 migrants, a annoncé à Rome le Centre opérationnel des gardes-côtes italiens, qui les a coordonnées. Des navires des gardes-côtes et de la marine de guerre italienne, un bâtiment espagnol du dispositif Frontex, des bateaux d’ONG comme MOAS (Migrant Offshore Aid Station) et Médecins sans frontières ont participé à ces missions. Un cadavre a été récupéré sur un des canots pneumatiques. Avec l’été, les migrants continuent d’affluer par milliers en Italie à bord d’embarcations de fortune à partir des côtes libyennes. Selon le comptage établi par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, avant les opérations de ces derniers jours, plus de 48 000 personnes, presque toutes originaires d’Afrique subsaharienne, sont arrivées dans le pays depuis le début de l’année, soit à peu près autant que sur l’ensemble de 2015.

EN LIBYE CIRCONSCRITE ? Dans la bataille de Syrte l’épilogue semble proche. Les forces progouvernementales libyennes ont progressé rapidement dans leur offensive à Syrte contre le groupe Etat islamique en s'emparant du port et de plusieurs quartiers. Désormais la résistance de l'EI se concentre dans une zone restreinte d'environ 3km², au cœur de la ville. En deux jours, l’organisation jihadiste a perdu le contrôle de tous les check-points qui entouraient la ville, le port et son QG. Encore faut-il préciser que la majorité des combattants, estimés à 3 000, ont déjà fui ce qui était le principal fief de l’EI en Libye. Une victoire de remportée par le camp de Fayez el-Sarraj, reconnu par la communauté internationale. Martin Kobler, chef de la mission de l’ONU songe donc déjà l’après reprise de Syrte. Le diplomate allemande parle de la possibilité de la levée de l’embargo sur les armes pour les forces pro-el-Sarraj, si les conditions étaient réunies. Mais il faut dire que l’hydre Daech est encore loin d’avoir disparu. Le regroupement des terroristes pourrait être rapidement réalisé pour profiter de la moindre faille dans le processus de réconciliation inter-libyen.

FUSILLADE MEURTRIÈRE À ORLANDO DAECH S’INVITE À LA PRÉSIDENTIELLE US

46

PERSPECTIVES MED

La fusillade qui a éclaté dans une discothèque d'Orlando, en Floride, a fait 50 morts et quelque 53 blessés, selon le dernier bilan donné par le maire de la ville. Le tireur, qui a trouvé la mort durant l'attaque, était un Américain d'origine afghane, Omar Mateen. Le groupe Etat islamique, par le biais de l'agence de presse Amaq, a revendiqué l'attaque. La réaction d’Obama à ce lourd bilan est faite de tristesse. Mais il faut dire que deux choses ont marqué ce triste événement qui s’est invité dans la présidentielle américaine. D’abord, l’occasion saisie au rebond par le populiste D. Trump pour fustiger la paralysie de l’administration Obama face au terrorisme et appeler à fermer les frontières de l’Amérique face aux musulmans non résidents aux USA. Ensuite, la gêne de H. Clinton qui a reporté un meeting durant lequel Obama devait prendre part en attendant une réaction officielle de la Maison Blanche. Mais le plus étonnant est l’absence de déclarations officielles des amis de Washington à cette occasion. C’est à croire que le temps a été suspendu…


ÉCONOMIE &

MARCHÉS

O LES DÉFIS DE L’ÉMERGENCE

LE SENS DE L’AVENIR

n peut ne pas être d’accord avec le syndicat patronal lorsqu’il milite au ras des pâquerettes en ne défendant que ses intérêts catégoriels bien compris. Car souvent, ils s’opposent à ceux d’une classe laborieuse dont le patronat tire sa richesse. Mais on peut aussi cautionner la Confédération patronale lorsque celle-ci prend sur elle d’écarter ne serait-ce que pour un temps sa logique du « laisser faire, laisser passer» pour « parler vrai ». Quitte à heurter le monde politique qui est obnubilé plus par les mandats à négocier à l’occasion des législatives d’octobre. Et dans cet exercice, on peut compter sur Meriem Bensalah Chakroun qui a habitué son auditoire à ne pas garder sa langue dans sa poche. A Skhirat, la vérité a été bonne à dire face à un Chef du gouvernement sanglé de quelques uns de ses ministres engagés dans le processus de l’émergence du pays. Car c’est de ce grand défi là qu’il s’agissait de débattre l’espace de 48 heures. Le diagnostic établi par la « Patronne des patrons », connu pour ceux qui savent décoder les chiffres officiels, est des plus cinglants. En termes d’infrastructures socio-économiques et de services de base, la politique gouver-

nementale collectionne les retards. Dixit la Direction des études et des prévisions financières (DEPF). Pas de quoi euphoriser, donc, dans ce domaine. Comme il n’y a pas de quoi pavoiser pour nombre d’autres « indicateurs » de l’émergence que la notation de M. Bensalah réduit, pour le Royaume, à une échelle (incongrue ?!) de 2/5. Ni croissance forte et durable, ni développement humain appréciable, ni marché intérieur en expansion… Alors, comment faire pour assurer au pays le bénéfice que procure la griffe de «Dragon » nord-africain, le doute en moins ? Les Marocains sont invités à se regarder dans le miroir et ne plus succomber aux sirènes d’un nombrilisme aussi mystificateur que destructeur. Et s’atteler au travail pour réactiver les moteurs de la croissance qui tournent au ralenti. Et redonner espoir aux opérateurs pour qu’ils caressent le rêve des «champions » que représentent les capitaines d’industrie face aux rentiers. C’est le sens de l’avenir à conjuguer dès à présent. La vérité a cette vertu là qu’elle permet d’asseoir une véritable grammaire politique. Ceux qui n’en maîtrisent pas les enjeux ne peuvent être que… recalés.

PERSPECTIVES MED

47


ECONOMIE L'ÉMERGENCE EN QUETIONS par: Abou Marwa

DESSINE MOI UN MODÈLE ! Le Maroc dispose-t-il d’un modèle de développement ? Pour répondre à cette question, de nombreuses personnalités ont été appelées à phosphorer à Skhirat. D’autant que le but d’une telle réflexion plurielle n’est autre que de sonder les voies susceptibles de permettre au pays d’intégrer par la grande porte le club des pays émergents.

M

ine de rien, la ville de Skhirat n’est pas dédiée aux seules rencontres de réconciliation qui la consacrèrent à l’international à l’occasion de la crise libyenne. Deux jours durant, elle a prêté son Palais des congrès aux participants au colloque international organisé sous le thème « Quel modèle de développement pour l’entrée du Maroc dans le concert des pays émergents ». Un colloque introspectif qui a réuni plus de 600 participants, dont des personnalités politiques COTÉ OFFICIEL, LE TRAIN DES nationales et internationales, des ambassadeurs, RÉFORMES, MÊME LES PLUS des experts internationaux, des opérateurs DOULOUREUSES, EST ASSIMILÉ économiques, des universitaires et des acteurs AU MODÈLE SOUHAITÉ... de la société civile. Autant dire que l’Association des Membres de l’Inspection Générale des Finances (AMIF) en partenariat avec le ministère de l’Economie et des Finances, a voulu réussir son coup en initiant ce conclave introspectif, avec trois panels, somme toute prometteur. Car il fallait faire un bilan

48

PERSPECTIVES MED

d’étape assorti d’un « état des lieux », passer en revue les « expériences internationales de développement» pour, enfin, se pencher sur la question nodale ; « quel modèle de développement pour un Maroc émergent». Les interventions de Fouzi Lekjaa, patron de l’AMIF, de Miriem Bensalah Chaqroun, Président de la Confédération patronale CGEM, de Mohamed Boussaid, ministre de l’Economie et d’Abdelilah Benkirane, Chef du gouvernement, ont marqué l’ouverture, mais aussi les esprits des participants au colloque. Selon F. Lekjaa, les fondements d'un modèle de développement "unique alliant volontarisme et réalisme et une vision claire et inclusive » ont été ancrés dans le Royaume. Un modèle qui a permis de cumuler d'importantes réalisations qui ne peuvent être mesurées à leur juste valeur que si l'on se rappelle les déficits dont souffrait le pays à tous les niveaux. Pour le président de l’AMIF, la crise financière et économique internationale a mis en épreuve la solidité et l'immunité de l'économie nationale et sa capacité à concevoir des politiques à même d'absorber ses répercussions. Cependant, malgré ces difficultés, l’économie marocaine a pu faire preuve de résilience notamment grâce à l’accumulation des réformes et des projets qui ont pour but un développement soutenu du climat d'affaires,


la modernisation des outils de gestion et de l'ensemble des secteurs productifs et des services. Ces réformes ont pu ouvrir la voie vers une économie verte, l’allègement de la dépendance énergétique et la recherche de nouveaux partenariats à l’instar de ceux réalisés récemment avec les pays du Golfe, la Russie et de la Chine. Outre cette dynamique, le Maroc a accordé une importance toute particulière au volet social, à travers le lancement de plusieurs chantiers et initiatives de désenclavement et de lutte contre la pauvreté et la précarité dans le monde rural et les quartiers défavorisés. INDH et RAMED ont été mis en exergue. REMISE À PLAT PATRONALE Lui succédant, Miriem Bensalah Chaqroun habituée à ne pas faire de laïus creux est revenue sur les concepts et définitions des pays émergents tout en ne ménageant pas le Royaume dans cette équation-comparaison. A ses yeux, pour qu’un pays émerge, un ensemble de prérequis s’avère nécessaire: en tête desquels réaliser un bon niveau de développement humain, disposer d’un marché intérieur en pleine expansion, ouvrir fortement l‘économie sur le commerce extérieur, atteindre un niveau relativement élevé d’industrialisation et d’exportation de produits industriels et, enfin, avoir un fort taux de croissance du PIB. Or sur ces 5 critères communément partagés, le royaume arrive à peine à 2/5. « Certes nous disposons d’une économie ouverte (peut-être même un peu trop) et un marché intérieur qui soutient la croissance, pour le reste, les chiffres sont têtus » s’est-elle contentée de signaler. Mais la présidente de la CGEM n’allait pas en rester là. Alors qu’au cours de la période 2007-2011, le taux de croissance moyen annuel avait atteint 4,6%, il n’est que de 3,3% pour la période 2012 à 2016. En 5 ans donc, la Maroc a perdu 1.3 points de croissance, a-t-elle martelé. Et le plus préoccupant, c’est que ce ralentissement vient du PIB non agricole. Dans ce sens, la part de l’industrie dans le PIB, malgré les résultats probants de certains métiers mondiaux du Maroc tels que l’automobile ou l’aéronautique, ne dépasse pas les 16% aujourd’hui. Enfin et en matière de développement humain, le royaume est classé 126e sur 188 pays, soit dans la moitié inférieure du classement. Poursuivant son diagnostic elle a relevé que la croissance marocaine est soutenue en grande partie par la consommation intérieure qui, tendanciellement, croît plus vite que les investissements avec comme conséquence que le surplus de consommation est alimenté par les importations. Dès lors, elle s’est interrogée quant au poids que

représentent les « réussites industrielles » dans le PIB et notamment ceux des domaines de l’automobile, de l’aéronautique, de l’électronique et de la Chimie. En matière de compétitivité et attractivité des investissements étrangers, elle s’est élevée contre l’argumentaire gouvernemental basé sur une main d’œuvre low-cost et sa capacité à pérenniser l’évolution économique. Elle a par ailleurs constaté que la croissance économique marocaine ne crée pas assez d’opportunités d’emplois et qu’elle n’est pas pérenne. Attirant l’attention sur l’insuffisance de l’innovation et le faible budget alloué à la R&D (0,8% du PIB), elle a insisté sur l’importance de l’intégration du secteur informel dans le tissu économique. Enfin, le dernier « point noir » dénoncé par M. Bensalah est lié à l’iniquité fiscale qui contribue négativement à la compétitivité des entreprises. Dès lors, au regard de ces constats, la Présidente de la CGEM s’interdit toute fanfa-

MAIS LE PATRONAT VOIT LES CHOSES AUTREMENT ET DÉCLINE SA FEUILLE DE ROUTE

ronnade en affirmant que le Maroc est encore un pays en voie de développement. Assumant son rôle, elle n’a pas hésité à faire des propositions pour prendre, enfin, le train de l’émergence. Une émergence à la fois économique et sociale. Le pays doit faire preuve d’attractivité pour les investissements, créateur de valeur ajoutée localement produite, pourvoyeur d’emplois pérennes, générateur de ressources suffisantes pour alimenter l’investissement étatique, et disposant, enfin, d’une base élargie de contribuables pour alléger la pression fiscale. En d’autres termes, selon la présidente de la CGEM, le modèle de développement économique que le Maroc doit s’atteler à construire doit être la résultante d’une réflexion qui permette de créer les conditions d’une compétitivité globale de tous les facteurs, et non pas seulement des salaires ou des zones franches aux avantages sélectifs, profitant à quelques investisseurs seulement. Un modèle de développement qui, grâce à une nouvelle génération de réformes à initier avec une réelle synergie entre le global, le sectoriel et le régional, s’appuiera sur la

nouvelle économie, inclusive, faisant de l’environnement, du capital humain et des territoires, autant de fers de lance. SÉCURITÉ ET PROGRÈS Attendu, le Chef du gouvernement a mis l’accent sur l’aspect majeur qui caractérise le royaume dans son environnement régional, à savoir sa stabilité. Pour A. Benkirane, le Maroc est le seul pays du monde arabe à avoir su concilier avec succès stabilité, sécurité et respect des droits de l’Homme et des libertés. Selon lui, on ne peut guère parler d’économie ou de modèle économique sans parler des fondamentaux que sont la sécurité et la stabilité. Dans cette perspective, il a attiré l’attention sur la nécessité d’adopter une gestion optimale des ressources (absence de marges de manœuvres), et a appelé à libérer les finances publiques et de les consolider afin de financer de nouveaux projets et accéder à de nouveaux secteurs économiques, porteurs d’opportunités d’emplois qui éviteraient aux jeunes de sombrer dans les drogues, la délinquance voire de basculer dans le terrorisme. Pour le chef du gouvernement, l’évolution du modèle de développement du a besoin de produire davantage de richesses à travers la valorisation du capital humain, notamment l’intégration des jeunes dans la vie active par l’auto-emploi et la création d’entreprises. Sans oublier d’adopter une bonne allocation des ressources tout en veillant sur la redistribution en faveur des catégories fragiles de la population (personnes âgées, handicapés, veuves, etc.). Mohamed Boussaid, ministre de l’Economie et des finances, s’est inspiré des discours royaux pour affirmer que la dignité du citoyen reste le pilier central de l’ensemble des reformes initiées. Dans ce sens, il confirme la nécessité d’améliorer le niveau du taux de croissance à travers des revenus individuels plus importants, une plus grande ouverture sur l’économie mondiale, le renforcement institutionnel et, bien évidemment, une concentration sur l’industrialisation et une réhabilitation du capital humain. Pour l’Argentier, afin d’accompagner l'entrée du Maroc dans le concert des pays émergents, il s'avère nécessaire d'effectuer une transformation structurelle de l'économie où l'industrie occupe une place de choix. Une transformation qui vise à améliorer la compétitivité, à intégrer le secteur informel, à créer des postes d'emploi et à rentabiliser le capital immatériel. Tout cela passe aussi par le développement humain et les mécanismes de la bonne gouvernance à établir dans l'objectif d'améliorer le niveau de vie des citoyens et de garantir l’équité sociale.

PERSPECTIVES MED

49


ÉCONOMIE L'ÉMERGENCE EN QUESTIONS par:A. Marwa

CHERCHE CROISSANCE DÉSESPÉRÉMENT Si pour la plupart le Maroc est bien partie pour atteindre, à terme, le club des pays émergents, force est de constater que sans une volonté patriotique portée par un rêve commun de renaissance, le Royaume risque de rater son rendez-vous avec l’Histoire… Celle d’une grandeur à restaurer.

L

e Maroc cherche à actualiser son modèle de développement. Après plusieurs appels à l’introspection émis par le Souverain, la question de l’émergence refait surface dans le débat national. Thème central d’un colloque international, l’accès du pays au club des émergents ne peut être le résultat d’un modèle préconçu de développement calqué sur des expériences externes. Chaque pays, en fonction de ses spécificités, doit construire son propre TOUT MODÈLE modèle. Tous en conviennent. A cet égard, les dimensions NE SAURAIT CONVAINCRE culturelle et identitaire sont déterminantes dans la perSANS PROJET DE SOCIÉTÉ tinence et la réussite d’un modèle donné. Pour la «Maison Maroc », si le Roi a tracé les piliers sur lesquels repose le modèle de développement national, il n’en demeure pas moins qu’il faille les opérationnaliser à travers les multiples réformes à engager. Dès lors, l’instauration d’un climat de sécurité et de stabilité, la mise à niveau du capital humain et la promotion d’une

50

PERSPECTIVES MED

gouvernance efficace autour d’institutions fortes et compétentes, voilà autant d’axes autour desquels s’articule la vision royale du modèle marocain à même de permettre au pays d’intégrer le club des pays émergents. Dans ce sens l’accélération de la mise en place des chantiers structurants de croissance est inéluctable et devrait, en principe, répondre à plusieurs équations avec des arbitrages que seul le courage politique pourra contribuer à résoudre. Il s’agira d’opter pour des politiques publiques dans les domaines des politiques macro-économiques, sectorielles et sociales ainsi que celui des infrastructures, articulées autour de la satisfaction des besoins essentiels des populations et tournées vers la lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales et spatiales. L’objectif essentiel, pour tout modèle de développement, consiste à mettre en place les conditions de vie favorables aux citoyens. Pour ce faire, il s’agira de trouver des compromis entre les diverses priorités intrinsèques au modèle comme c’est le cas dans le choix entre des réseaux d’infrastructure d’envergure et des liaisons routières à caractère social, des projets nouveaux et des projets de maintenance, l’accom-


pagnement des grands pôles sectoriels et la prise en compte de la répartition équitable des ressources, la libéralisation des services publics et la sauvegarde des services déficitaires… Voilà autant d’arbitrages et de chantiers à présenter dans les programmes électoraux des différents partis à l’orée des prochaines élections législatives. ATOUTS ET DÉFIS Le modèle de croissance marocain a mis du temps à se mettre en place. Après une période de forte intervention de l’Etat, avec le protectionnisme comme marqueur, une crise financière aigue de l’Etat pour cause de surendettement, une phase d’abondance des ressources et d’investissements publics importants et, enfin, une phase post-crise caractérisée par la fragilité des équilibres macro-économiques, l’heure est à la révision du modèle de croissance national. Dans l’état actuel des choses, les principaux atouts du pays consistent en une stabilité politique et une situation géostratégique exceptionnelle favorable au développement des investissements étrangers. Mais il serait réducteur de les confiner à ce seul seuil. Car le pays est aussi doté d’infrastructures de qualité (Port Tanger Med, centrale thermodynamique, TGV, station photovoltaïque d’envergure, etc.), son économie est ouverte sur l’international et des accords de libre-échange (51 accords) capables d’attirer les investisseurs, un capital humain jeune, un potentiel de croissance important dans plusieurs secteurs (notamment industriel et agricole) et, enfin, un secteur financier solide et dynamique. N’empêche, ces atouts sont fragilisés par plusieurs carences qui appellent à être dépassées. Comme c’est le cas pour l’inadéquation de l’éducation et de la formation aux besoins du marché, malgré l’importance relative des moyens investis dans ce domaine. Outre la persistance des inégalités sociales, de la corruption, des inégalités entre les sexes... La croissance économique demeure volatile, caractérisée par une faible création d’emplois et d’une réglementation du marché de l’emploi contraignante. Le pays souffre aussi du manque de cohérence et d’alignement des efforts face aux difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des réformes. Son tissu industriel est toujours fragile et ne dispose pas encore d’une taille critique à cause notamment de l’importance du secteur informel. Et, enfin, l’économie nationale est caractérisée par un faible taux d’investissement des opérateurs nationaux au regard des efforts d’investissement fournis par le secteur public. Afin de parer à l’ensemble de ces difficultés, il est nécessaire d’accélé-

rer le train des réformes tout en respectant les lignes tracées du modèle de développement national. UN MODÈLE ET DES HOMMES N’étant pas une finalité en soi, ce processus de développement passe inéluctablement par l’identification claire et précise des ambitions du pays, le tout assorti d’une vision immaculée et stratégique des objectifs de la nation. Cette vision, si limpide dans les multiples discours du chef de l’Etat, semble ne point trouver de résonance dans les autres arcanes du pouvoir. Faisant que la traduction de ce modèle, sensé tomber sous le sceau du consensus national, loin des clivages et autres intérêts égoïstes que peuvent avoir les représentants des forces vives du pays, n’est pas à l’ordre du jour des débats. Ce constat dressé avec brio par Hassan Abouyoub reflète, à lui seul, l’état calamiteux des indicateurs de développement du pays qui, malgré les efforts consentis, le placent toujours parmi les pays en voie de développement. Des interférences en matière de vision font perdre au pays des années de croissances dans tous les domaines et l’enfoncent dans ses déséquilibres budgétaires, spatiaux et humains. Dès lors, il est désormais impératif de soumettre le modèle de développement à adopter à un débat responsable à l’issu duquel les priorités stratégiques de la nation trouveront consensus et engagement total du pays. Qualifiées de prioritaires, ces priorités doivent bénéficier de l’adhésion patriotique de tous pour rattraper les temps perdus. Hassan Abouyoub a rappelé, à juste titre, que la principale cause de l’effondrement de l’économie nationale durant les années 80 fut l’absence de cohérence des politiques publiques. Dès lors, le parallélisme avec la situation actuelle est évident : « les mêmes conditions produisent les mêmes effets, dans le sens où sur les grands objectifs stratégiques il est impératif que le gouvernement, les syndicats, les entreprises et la société civile trouvent un consensus jumelé à une cohérence infaillible, c’est le cas de dossiers tels que l’éducation, la justice, la politique de redistribution des richesses… Il s’agira d’engager les vraies réformes et de dépasser le stade de la politique politicienne pour parer au déphasage entre vision royale et exécution par les politiques au pouvoir… Il est naturel d’avoir des divergences mais pas quand il s’agit de la viabilité d’un état». Pour H. Abouyoub, les partis politiques doivent jouer leur rôle de proximité avec les citoyens afin de les impliquer dans le processus de transformation du pays en les aidant à comprendre les enjeux des réformes à engager et procéder ainsi à l’exercice de

la vraie démocratie via les urnes. Or la réalité fait que les citoyens du pays ne sont pas impliqués dans l’exercice du pouvoir comme le démontre le taux d’abstention énorme à chaque élection. Et pour cause, l’absence de projets viables chez les politiques associés à leurs comportements médiocres qui sapent la confiance des citoyens quant à la chose politique : « Il faut restaurer la dignité et la noblesse de l’action politique, en dépit de la démission des élites nationales qui ont abandonné le jeu par manque de confiance et de vérité… La somme de nos maux réside dans les partis politiques ». Cette sclérose, ainsi dénoncée, explique-t-elle, à elle seule, les ressorts du déclinisme marocain ? Assurément non. La conjonction de plusieurs facteurs contribue à bloquer le pays. En tête desquels on ne sait que regretter l’absence d’un vrai projet de société, ce rêve commun qui scelle un récit national de combat pour en découdre avec le sous-développement et ses miasmes.

PERSPECTIVES MED

51


ECONOMIE STRATÉGIES SECTORIELLES Par: A.M

LE SUCCÈS APPELLE À LA COHÉRENCE Si un taux de croissance, relativement soutenu durant les 15 dernières années, a été le lot du pays, c’est bien grâce à des projets sectoriels plus au moins aboutis. Toutefois, ces stratégies buttent toujours sur plusieurs défis qui appellent à être surmontés. A commencer par l’atout de la cohérence.

D

ans sa quête d’émergence, le Maroc a ouvert les voies durant le nouveau règne à des réformes majeures dans le but de réussir sa transition économique et sociale. De nombreuses stratégies ont vu le jour dans les secteurs sociaux (éducation, santé, couverture sociale) et économiques (Plan Maroc vert, le plan émergence et sa mise à jour d’accélération, les Différentes visions touristiques…), ainsi que des réformes transversales ( la réforme fiscale, la réforme de l’investissement, la réforme de l’administration, la lutte contre la corruption)… Des réformes structurelles qui ont permis de maintenir à flot face aux différentes crises économiques et sociales qui ont secoué le monde, et aussi le hisser en tant que modèle régional sur la voie d’un développement sûr. Cependant, malgré l’importance des investissements consentis, l’efficience de cet effort n’est pas au rendez-vous comme le confirme la problématique de l’emploi, le chômage affectant particulièrement les jeunes et les femmes avec ce que cela charrie comme pauvreté et exclusion. Voilà donc la première entrave à l’émergence du pays. Sur ce point, le Royaume a des marges importantes de développement à assurer et ainsi être en phase avec les avancées de tel ou tel secteur. Dans ce sens, le développement du capital humain, la promotion de la concurrence sur les marchés, et surtout le renforcement de la bonne gouvernance sont les mis-

52

PERSPECTIVES MED

sions qui incombent aux différents acteurs politiques, économiques et sociaux dans une démarche consensuelle. Les diverses orientations stratégiques doivent se soumettre aux fourches caudines de cette approche. Certes, on peut s'enorgueillir des 6,7 % de croissance agricole en moyenne entre 2008 et 2015 grâce aux 34 Mrds investis dans le cadre du Plan Maroc Vert. Et tirer gloriole des 13 Mrds sur 20 alloués à l’accélération industrielle qui permettra, projette-t-on à terme, de densifier les filières, d’apporter le plein-emploi, de rééquilibrer les comptes extérieurs, et soutenir l’intégration de l'informel… Mais au regard des chiffres et autres indicateurs, par manque de cohérence et de bonne gouvernance, ces plans n’ont pas permis à l’économie d’atteindre sa croissance potentielle ni de passer à la phase de l’émergence. Les statisticiens chiffrent à 3 points du PIB le manque à gagner dû à ces carences avec ce que cela comporte en matière d’exclusion sociale et territoriale. Dans ce sens, et au-delà de tous les miasmes politico-politiciens, le défi majeur reste d’épouser une vision stratégique globale en conformité avec les principes directeurs édictés par la Constitution de 2011. S’astreindre à une cohérence transversale entre les réformes envisagées et rechercher une convergence des différentes stratégies vers la vision adoptée, voilà l’exercice du salut. Surtout lorsqu’il est partagé par tous…


ECONOMIE CONJONCTURE Par: A.M.

LA PANNE PROVOQUE BAM La banque centrale multiplie ses avertissements quant à la situation désastreuse de la conjoncture nationale. Tournant au ralentit, l’économie nationale risque de voir sa progression limitée à 1.2% selon le gouverneur de Bank al Maghrib.

L

e Wali de BAM est loin d’être satisfait de sprint final du gouvernement et le fait savoir à qui veut bien l’entendre. Prenant part à de l’assemblée générale de l’Association professionnelle des sociétés de financement (APSF), A. Jouahri a dressé un tableau plutôt sombre de la situation économique du Royaume : croissance en berne, compétitivité économique faible, tissu productif très fragile, grands groupes industriels en difficulté, crédit en panne, fort taux de chômage des jeunes (40% dans les villes). Tous ces éléments confirment tristement les pronostics de croissance émis par la banque centrale et qui ne devraient pas dépasser les 1.2%. A cela l’amélioration des équilibres macroéconomiques et la stagnation de l’endettement public (64% du PIB) ne feront rien d’exceptionnel. Car malgré l’ensemble des efforts consentis par BAM, notamment en matière de baisse historique du taux directeur à 2.25 et son soutien à la TPME, la conjoncture persiste dans la morosité. Afin de sauver ce qui reste de l’année, le wali de BAM s’est allié à la CGEM et le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM) pour préparer un mémorandum pour interpeller le gouvernement quant à cette situation délicate et qui nécessite une action de l’Exécutif notamment sur les dossiers de l’environnement des affaires et les délais de paiement. CONFIANCE PERDUE ! Deux enquêtes d’opinion sur le degré de confiance des entreprises et des ménages au premier trimestre 2016 témoignent des difficultés économiques conjoncturelles qui minent le pays en ce début d’année. Ces données confirment les préoccupations des entrepreneurs par ses indicateurs de transition : la gouvernance d’entreprise (et la loi sur les faillites)

et la concurrence sont les deux critères les plus en déphasage avec les ambitions du royaume. Dans ce sens, le baromètre de la conjoncture publié par la CGEM à partir de sondages réguliers auprès des entreprises se détériore à 36% d’opinions favorables à 3 mois (pour 46% en septembre 2015). Le moral des entrepreneurs est donc affecté par la conjoncture médiocre, notamment une croissance du PIB qui décélère fortement en raison des mauvaises performances de l’agriculture, victime de la sècheresse. Ceci pèse sur les commandes. La majorité des chefs d’entreprises pensent différer leurs investissements. Par ailleurs, les principales préoccupations des entrepreneurs restent la concurrence déloyale et les retards de paiement (surtout ceux de la part de l’Etat), sujets qui devancent les questions fiscales ou sociales. De leur côté, les ménages ressentent un même sentiment d’inconfort : ils estiment que leur pouvoir d’achat va diminuer dans les prochains trimestres, que le chômage va progresser et que leur capacité d’épargne se détériore. L’indice de confiance publié par le Haut-commissariat au plan chute à 70. Cette tendance est aussi corroborée par certains chiffres: la consommation des ménages est en baisse en début d’année et le chômage des jeunes est en forme de pyramide inversée (plus le niveau de qualification est élevé, plus on court le risque d’être au chômage). Le chômage des diplômés universitaires atteint 23%, le double de la moyenne nationale. Malgré ces contre-performances conjoncturelles, la stabilisation des équilibres macro-économiques marocains se poursuit (compte courant, déficit budgétaire, réserves en devises), mais à un rythme moins rapide que prévu l’année dernière.

PERSPECTIVES MED

53


ECONOMIE MODÈLE DE CROISSANCE Par: M. Taleb

LE SÉSAME RÉSIDE DANS L’INDUSTRIALISATION Percer les mystères du modèle de croissance projeté pour le Maroc est un exercice auquel peu d’économistes, de chercheurs, d’organismes, de partis politiques se sont livrés. Ni changement de logiciel, ni alternative crédible n’ont eu lieu. Le Centre marocain de conjoncture (CMC) a osé mettre les pieds dans le plat.

R

ythmée par une croissance volatile depuis une quinzaine d’années, l’économie nationale peine à émerger et à permettre l’inclusion sociale. L’impact de cette croissance sur l’emploi ne se fait pas sentir d’une manière tranchée. Le chômage persiste, même durant des années de croissance moyennement forte, et les disparités sociales s’aggravent. Le modèle de croissance, en panne, incite EN PANNE OU donc au changement. D’autant plus que son principal moteur, à savoir la ESSOUFFLÉ, LE demande intérieure, est en décélération continue ces dernières années. MODÈLE DE CROISSANCE Les alertes à ce propos ne manquent pas. Ce qui explique, peut être la multiplication ces derniers temps de renINTERPELLE LE CMC. contres traitant du modèle de croissance. Tout le monde appelle à pousser le moteur de la croissance en jouant sur un autre levier que la demande intérieure. Plus facile à dire qu’à faire. Bref, on est face à un diagnostic sans remède miracle. Le CMC a le mérite de troquer les

54

PERSPECTIVES MED

habits des conjoncturistes contre les blouses des laborantins. Lui qui a montré depuis des années les limites du modèle triptyque basé sur le développement du secteur privé, la libéralisation des marchés, et l’ouverture commerciale. La proposition d’aujourd’hui consiste à développer la réflexion sur un modèle baptisé « le nouveau modèle de l’émergence de l’économie marocaine ». Un effort louable qui s’ajoute à d’autres réflexions inscrites dans le même registre : dégager les stratégies d'émergence de l'économie marocaine. AU-DELÀ DU DIAGNOSTIC «Le Maroc horizon 2030 : Quelles voies d'émergence? Les scénarios de croissance», voilà la thématique arrêtée pour cette 22ème rencontre du CMC organisée fin mai à Casablanca. Mais, avant d’essayer de répondre à cette question et de définir les différents scénarios, l’heure était (encore ?!) au diagnostic. Après avoir fait un retour sur l’évolution des taux de croissance depuis le début des années 90, (2,8% durant les années 90,


4 et 5% durant les années 2000 et de près de 3 % à partir de 2010), Habib El Malki, a expliqué que « cette volatilité est source d’instabilité et l’instabilité est un facteur qui aggrave la vulnérabilité de l’économie nationale ». Et le président du Centre de préciser que « c’est pour cette raison que des changements structurels s’avèrent nécessaires ». Dès lors, « comment faire pour que l’économie marocaine soit sur le sentier d’une croissance moyennement forte mais régulière », s’est-il interrogé. «La réponse semblait rapide et schématique, nous l’avions dit depuis des années à travers nos publications et nous la répétons parce qu’elle est basé sur une analyse très approfondie : il faut changer le modèle de croissance ». « Le modèle qui a prévalu jusqu’à présent s’est épuisé. Si «essoufflement » il y a, c’est qu’il est « très difficile de continuer à baser l’évolution de la croissance au Maroc uniquement sur la demande intérieure ». H. El Malki a avancé trois autres raisons qui poussent vers ce changement. Primo, « le Maroc connaît, actuellement, des transformations démographiques très profondes dont on ne soupçonne pas l’impact à moyen et à long termes ». A ses yeux, « l’une des principales manifestations de ces transformations démographiques est un nouveau déséquilibre en faveur de la population urbaine comme le souligne le dernier recensement général de la population. Il y a une nouvelle population avec de nouvelles aspirations et de nouvelles exigences », assure-t-il. « La ville redevient le principal foyer du changement et c’est pour cette raison que la base du système au Maroc dans sa dimension politique, institutionnelle, socio-économique n’est plus la même», a soutenu l’ancien ministre de l’Agriculture. Cette mutation s’est traduite, selon le président de la commission administrative de l’USFP, par le « passage d’une base rurale à une base urbaine ». Dès lors, «il faut en tirer tous les

enseignements nécessaires sur le plan politique, institutionnel, social, mais aussi sur le plan environnemental ». Secundo, il a avancé que « le retard du Maroc est fondamentalement industriel et c’est pour cela que nous avons observé ces dernières années une sorte de repli de l’industrie au Maroc », ajoutant que « certains parlent même de désindustrialisation à travers non seulement la stagnation de la part de la valeur ajoutée industrielle dans le PIB, mais même un certain recul d’un à deux points selon les tentatives de chiffrage ». D’après lui, « en dehors des industries métallurgiques mécaniques électriques, à côté de l’électronique, qui connaissent un certain dynamisme, les autres activités manufacturières traditionnelles (textile et agroalimentaire) connaissent des difficultés et reculent de manière significative». La dernière raison mise en exergue par H. El Malki, pour appuyer l’idée du changement de modèle de croissance, est « la mondialisation ». « Qui dit mondialisation, dit libéralisation des échanges et dans ce contexte, nous le savons tous, les accords de libre-échange sont considérés comme un outil privilégié dans les rapports Nord-Sud, Nord-Nord ou Sud-Sud quel que soit le coût social à côté des avantages économiques». Tout en critiquant le coût social des ALE, qui est nettement plus élevé que leurs avantages économiques, El Malki a laissé entendre que c’est un mal nécessaire, « c’est une arme dans la guerre économique que nous vivons à l’échelle mondiale ». CROISSANCE POTENTIELLE Alors en quoi consiste ce nouveau modèle d’émergence de l’économie marocaine ? « Le nouveau modèle », tel que l’entrevoit le CMC « est fondé sur la notion de croissance potentielle. C’est une notion d’avenir qui est de plus en plus utilisée, particulièrement depuis la crise de 2007-2008, afin de mettre

à profit toutes les marges de production disponibles ». H El Malki précise à ce propos que « l’estimation que le CMC a pu faire dans le cadre de cette étude horizon 2030 est que « si on opte, si on introduit, si on intègre dans la politique monétaire, dans la politique budgétaire, la notion de croissance potentielle, il est possible de réaliser dans la durée un taux de croissance de 7, 3% ». Mais pour que le miracle advienne « seule l’industrie peut jouer ce rôle en poussant les frontières de la croissance encore plus loin », assure-t-il. Selon lui, l’analyse comparative de toutes les expériences en matière de développement et de croissance dans un certain nombre de pays, au Nord mais aussi au Sud, confirme que « sans l’industrie, il n’est pas du tout possible de stabiliser la croissance, comme il est impossible de procéder aux transformations nécessaires concernant le système productif ». « Ce modèle d’émergence de l’économie nationale est porteur de modernité parce que l’industrialisation va toucher les grandes et les moyennes villes et, certainement, elle va développer un nouveau salariat ». Ce qui va se répercuter sur le marché intérieur qui va s’élargir, les couches et les classes moyennes vont se développer, et certainement aussi la demande intérieure va rejouer un rôle moteur dans la croissance économique ». Et si ce modèle est porteur de modernité dans le domaine économique, dans le domaine politique, c’est aussi un modèle qui aura la capacité d’accélérer le niveau de maturité. Et quand on arrive à un stade de la maturité dans les domaines économique et politique, on atteint un point de non retour. Ce qui n’est pas tout à fait le cas aujourd’hui, malgré les efforts et progrès accomplis et réalisés depuis plus de 10 -15 ans. « Seul un modèle d’émergence nationale porteur de modernité peut véritablement atteindre le point de non retour», a-t-il conclu.

PERSPECTIVES MED

55


ECONOMIE CONJONCTURE Par : A.M.

LE DÉFICIT SE CREUSE

S

elon les statistiques de l’Office des Changes, les importations ont enregistré une hausse de 4,2% à fin avril 2016 à 129,4 Mrds Dhs. S’agissant des exportations, celles-ci ont progressé de 3% à 76,9 Mrds Dhs. Compte tenu de ces évolutions, le déficit commercial s’est établi à près de 52,5 Mrds Dhs, en aggravation de 6,1%. Il en ressort un taux de couverture en baisse à 59,4% (contre 60,1% une année auparavant). L’évolution des importations intègre un recul de 25,6% à 15,7 Mrds Dhs des importations des Produits énergétiques. Dans cet ensemble, les importations des «Gasoils et fueloils» ont atteint 6,6 Mrds Dhs, en retrait de 6,1%. Les importations de produits alimentaires ont bondi de 3,7% à 15,8 Mrds Dhs. Une hausse attribuable essentiellement aux importations d’orge, passant de 455 MDH à fin avril 2015 à 964 MDH à fin avril 2016. Les produits finis de consommation ont connu un affermissement de 15,9% à 25,9 Mrds Dhs. Dans cette catégorie de produits, les achats de parties et pièces pour voitures de tourisme ont augmenté de 23,5% à 1,8 Mrds Dhs et les importations de voitures de tourisme ont bondi de 55,7% à près de 4,7 Mrds Dhs. Les importations de produits bruts ont diminué de 11,7% à 6,1 Mrds Dhs. Dans cet ensemble, les importations de «soufres bruts & non raffinés» ont chuté de 15,1% à 1,8 Mrds Dhs. Les importations des demi-produits ont progressé de 9,4% à 31,5 Mrds Dhs. Par principaux produits, les achats à l’étranger des accessoires de tuyauterie et construction métallique ont nettement augmenté passant de 622 MDH à fin avril 2015 à 2 Mrds Dhs à fin avril 2016. Parallèlement, les importations des demi-produits en fer ou en aciers non alliés ont cru de 39,2% à 1,5 Mrds Dhs.

56

PERSPECTIVES MED

Les importations des biens d’équipement se sont affermies de 15,6% à 34,4 Mrds Dhs. Par principales composantes, les achats de voitures industrielles ont bondi de 13,2% à 2,9 Mrds Dhs. Au registre des exportations, les Phosphates & dérivés se sont situées à près de 12,8 Mrds Dhs, en retrait de 6,6%. La branche Automobile a généré un CA à l’export de 18,9 Mrds Dhs, en accroissement de 14,9%. Cette performance est attribuable aux exportations de l’activité «construction», passant de 8,4 Mrds Dhs à 10,5 Mrds Dhs. Pour leur part, les exportations de câblage ont gagné 5,5% à 7 Mrds Dhs. Côté Agriculture & agro alimentaire, le secteur a drainé un CA à l’export de 18,3 Mrds Dhs, en hausse de 3%. Dans cet ensemble, les exportations de l’industrie alimentaire ont bondi de 4,3% à 9,1 Mrds Dhs. A contrario, les ventes à l’étranger de «l’agriculture, sylviculture & chasse» ont reculé de 3,3% à 7,3 Mrds Dhs. Les exportations des produits Textile & cuir ont aussi progressé de 4,8% à 12 Mrds Dhs. Une performance liée aux vêtements confectionnés dont les exportations ont bondi de 9,8% à 7,8 Mrds Dhs et aux chaussures qui ont augmenté de 6,3% à 1,1 M Dhs. En revanche, les exportations des articles de bonneterie ont fléchi de 2,6% à 2,3 Mrds Dhs. Pour ce qui est des autres produits, les ventes à l’étranger de l’aéronautique, de l’électronique et des produits de l’industrie pharmaceutique ont bondi de 8,6% à 2,6 Mrds Dhs, 5,1% à 2,8 Mrds Dhs et 0,6% à 351 M Dhs respectivement. Par ailleurs, les recettes IDE ont cédé 9,6% à 10,3 Mrds Dhs. A contrario, les recettes voyages et les recettes MRE se sont améliorées respectivement de 6,2% à 16,9 Mrds Dhs et 4% à 19,4 Mrds Dhs.


IPPIEM : LÉGÈRE BAISSE Selon la dernière note d’information publiée par le HCP, l’Indice des Prix à la Production Industrielle, Energétique et Minière -IPPIEM- observe les principales variations mensuelles suivantes: Un repli de 0,2% des prix à la production des industries manufacturières suite à la dépréciation de 0,9% des prix des industries d’habillement, de 0,5% des coûts de fabrication d’équipements électriques et de 0,6% des prix des industries alimentaires. Ces baisses ont été compensées par la progression de 1,5% des prix de l’industrie du raffinage, et de 0,4% des coûts de fabrication de textiles. Par ailleurs le HCP note aussi la stagnation des coûts au niveau du secteur de production et de distribution d’eau, de la production et distribution d’électricité et de celui des industries extractives.

CRÉDITS BANCAIRES STAGNATION DE L’ENCOURS Au terme du mois d’avril 2016, l’encours des crédits bancaires ressort en quasi-stagnation par rapport au mois précédent à 769,2 Mrds Dhs (+2% en un an). Cette évolution mensuelle recouvre les hausses des prêts à l’équipement de 0,6% à 148,4 Mrds Dhs et des crédits immobiliers de 0,2% à 241,8 Mrds Dhs (intégrant des crédits à l’habitat et à la promotion immobilière en progression respective de 0,3% à 183 Mrds Dhs et de 0,5% à 56,5 Mrds Dhs), entièrement compensées par les baisses des créances diverses sur la clientèle de 1,9% à 102 Mrds Dhs et des comptes débiteurs et crédits de trésorerie de 0,5% à 169,2 Mrds Dhs. En revanche, les crédits à la consommation sont restés quasiment au même niveau que le mois précédent, soit 47,3 Mrds Dhs. Enfin, les créances en souffrance poursuivent leur dégradation pour s’établir à 60,6 Mrds Dhs (+2%) pour un taux de créances en souffrance qui s’accroît de 0,2 point à 7,9% (+0,7 point par rapport à avril 2015).

FRET AÉRIEN : UN ACCORD À 7 SIGNÉ AU MAROC Une convention de partenariat pour la promotion du fret aérien au Maroc durant la période 2016-2020 a été signée, à Rabat, en marge d'un séminaire sur "Le développement du fret aérien au Maroc : Potentialités du secteur et perspectives de son développement", organisé par le ministère de l'Equipement, du Transport et de la Logistique. Cette convention engage le ministère, l'Office national des Aéroports (ONDA), la CGEM, la Fédération du Transport-CGEM, l'Agence marocaine de Développement de la Logistique (AMDL), la Douane et la RAM. A noter que le Maroc s’est fixé comme objectif stratégique quantitatif d’atteindre un volume de 100 000 tonnes à l’horizon 2020 et de 182 000 tonnes à l’horizon 2035. Et à cet effet, un plan d’investissement a été élaboré. Ce plan est évalué à environ 430 M Dhs à court terme et 440 M Dhs à moyen et long termes, soit environ un investissement global prévisionnel de 870 M Dhs.

IMMOBILIER : STAGNATION DES ACTIFS IMMOBILIERS Selon Bank Al Maghrib, l’indice des prix des actifs immobiliers a affiché au titre du T1 2016, une stabilisation comparativement au T4 2015. Cette évolution recouvre une augmentation de 1,2% des prix du foncier, une hausse de 3,6% des biens à usage professionnel et un retrait de 0,7% des prix du résidentiel. S’agissant du nombre des transactions, celui-ci s’est étiolé de 8,5%. Cette variation intègre le recul de 12,1% pour les biens résidentiels et une progression des ventes du foncier et des actifs à usage professionnel de 1,1% et de 3,2% respectivement. Par ville, les plus fortes baisses ont été enregistrées à Meknès (2,6%), Rabat (2,1%), Oujda et Agadir (1,6%) et Fès ( 1,2%) . En revanche, des hausses ont été affichées dans les villes de Marrakech (+3,1%), Kénitra (+1,8%) et El jadida (+1,4%). En variation annuelle, l’IPAI a reculé de 2%, en raison de la baisse de 3,6% des prix des biens résidentiels et l’amélioration des prix du foncier et des biens à usage professionnel de 1,2% et de 2,1% respectivement.

PECHE : FORTE HAUSSE DES CAPTURES Selon les dernières statistiques de l’Office national des pêches -ONP, la production halieutique cumulée, toutes espèces confondues, affiche une augmentation de 45% à 412 600 T à fin avril 2016, comparativement à une année auparavant, profitant vraisemblablement de la poursuite de la clémence des conditions climatiques. Dans une moindre mesure, les revenus de la production enregistrent une progression limitée à 18% pour se fixer à 2,1 Mrds Dhs sur la même période, en raison probablement d’un effet prix négatif. Par type, les pélagiques occupent la première marche du podium avec un volume de 360 700 T (+52%), suivis des poissons blancs avec 28 600 T (+7%), des céphalopodes avec 16 100 T (+7%) et des crustacés avec 2 074 T (+14%). En revanche, les

coquillages se replient de 64% à 125 T à fin avril 2016. Enfin, par destination des produits, la congélation monopolise 49,7% de la production, suivie par la consommation du poisson frais avec 26,3% et par la conserve avec 18,8%. Le reliquat est réparti entre industrie de farine et huile de poisson, salaison et appâts.

PERSPECTIVES MED

57


ECONOMIE CONJONCTURE

LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE AU CREUX DE LA VAGUE ! Par : A.M.

L

a situation des finances publiques à fin avril 2016 fait ressortir une hausse de 1,2% des recettes ordinaires à 69,5 Mrds Dhs, pour des dépenses ordinaires en baisse de 1,5% à 72,1 Mrds Dhs. Au registre des recettes ordinaires, les Recettes fiscales ont progressé de 9,7% à 65,6 Mrds Dhs. C’est ce que rapportent les statistiques de la Trésorerie générale. Les droits de douane ont bondi de 19,2% à 3,2 Mrds Dhs, les impôts directs ont gagné 14,6% à 30 Mrds Dhs, les droits d’enregistrements & de timbre se sont accrus de 13,5% à 6,6 Mrds Dhs, et les impôts indirects ont augmenté de 2,8% à 25,8 Mrds Dhs. Coté recettes non fiscales, par contre, elles se sont contractées de 57% à 3,4 Mrds Dhs. Une situation attribuable essentiellement aux recettes monopoles et participations passant de 3,9 Mrds Dhs à 276 M Dhs et autres recettes passant de 4 Mrds Dhs à 3 Mrds Dhs en raison de la dégradation des recettes en atténuation des dépenses de la dette, des fonds de concours et de la redevance gazoduc respectivement de 34,4% à 1,4 Mrds Dhs, de 70,6% à 132 M Dhs et de 39,9% à 349 M Dhs. S’agissant des dépenses ordinaires, celles-ci ont connu un accroissement de 5% des dépenses au titre des biens & services à 57,1 Mrds Dhs. Dans cette catégorie, les autres biens & services et les dépenses du personnel

58

PERSPECTIVES MED

ont augmenté respectivement de 13,1% à 22 Mrds Dhs et de 0,5% à 35,1 Mrds Dhs. Les charges en intérêts de la dette ont connu une progression de 9,9% des à 12,5 Mrds Dhs (+11% en intérêts de la dette intérieure à 12 Mrds Dhs et 15,3% en intérêts de la dette extérieure à 464 M Dhs). Enfin les dépenses de compensation ont chuté de 66,3% à 2,5 Mrds Dhs. Par ailleurs, les dépenses d’investissement engagées par l’Etat se sont bonifiées de 16,3% à 24,3 Mrds Dhs. Au total, la situation des charges et ressources du Trésor fait état d’un déficit budgétaire de 19,9 Mrds Dhs (contre un déficit de 21,2 Mrds Dhs à fin avril 2015). Ceci étant et compte tenu d’un besoin de financement de 20,8 Mrds Dhs et d’un flux net positif du financement extérieur de 3,1 Mrds Dhs, le Trésor a eu recours au financement intérieur pour un montant de 17,7 Mrds Dhs (contre 27,6 Mrds Dhs à fin avril 2015). Sur le plan de l’encours de la dette intérieure, celui-ci a bondi à 476,8 Mrds Dhs, en hausse de 1,1% comparativement à fin décembre 2015. Ceci s’explique par le recours du Trésor au marché des adjudications pour un montant net de 1,8 Mrds Dhs, résultant de souscriptions pour 43,4 Mrds Dhs et de remboursements pour 41,6 Mrds Dhs.


TOURISME : PROGRESSION LIMITÉE

CIMENTS : REPRISE DES VENTES Selon les statistiques du ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme, les ventes de ciments ont affiché à fin avril 2016 une hausse de 3,49%, en variation annuelle, pour s’établir à 5,1 millions de Tonnes. Au titre du seul mois d’avril 2016, le volume des ventes a atteint 1 345 892 Tonnes, en repli de 2,71% en glissement annuel. En termes de segmentation, l’activité «Négoce» a accaparé l’essentiel des ventes au cours du mois d’avril (933 257 T, soit une contribution de 69,3%). L’activité « Préfabriqué» a atteint un volume des ventes de 108 246 T, générant une part de 8%. Pour leur part, les activités « Béton Prêt à l’Emploi », «Travaux publics » et « Bâtiment » ont représenté des parts de 13,1%, 5,5% et 4,1% respectivement. Par type de ciment, les ventes de « CPJ 45 » ont atteint 744 829 T, représentant une part de 55,3%. Pour ce qui concerne le «CPJ 35», le volume de ses ventes a atteint 281 772 T, soit une part de 20,9%. S’agissant du ciment technique «CPA 55», celui ci a drainé un volume des ventes de 319 291 T, soit 23,7% du total.

TRAFIC AERIEN : LE COMMERCIAL DÉCOLLE Selon les statistiques de l’Office National des Aéroports, le flux de passagers transitant par les aéroports nationaux a évolué de 0,88% en avril par rapport à la même période une année auparavant, pour s’établir à 1 537 605 passagers. Cette évolution a été rendue possible grâce aux performances des aéroports de Dakhla (49,94%), de Laâyoune (40,20%) et d’Essaouira (37,88%) qui ont enregistré les plus fortes hausses. Par origine, le flux domestique a marqué une bonification de 1,8% à 166 017 passagers tandis que le trafic international a connu un accroissement de 0,8% à 1 371 588 passagers. Par région, l’Europe demeure le premier marché, accaparant 70,3% du trafic international, suivi par le Moyen et Extrême Orient (7,4%) et l’Afrique (6,2%). Concernant le mouvement d’avions en avril 2016, celui-ci a affiché un repli de 0,92% à 13 319 mouvements. Ainsi, la part des aéroports de Mohammed V, de Marrakech Ménara et d’Agadir Al Massira est de 49%, 20% et 7,6% respectivement de ce trafic. Le trafic du fret s’est, quant à lui, apprécié de 13,95% à 6 192,21 tonnes, contre 5 434,25 tonnes en avril 2015.

Selon l’Observatoire du Tourisme, les arrivées touristiques aux postes frontières enregistrent une progression limitée de 1,2% en mars 2016, comparativement à la même période de l’année précédente, pour se fixer à 735 487 personnes, dont 293 742 MRE (+6,6%) et 441 745 touristes étrangers (-2,2%). Par conséquent, le cumul des arrivées au T1 2016 s’établit à 1 935 693 personnes (-0,5% comparativement au T1 2015). Sur le seul mois de mars 2016, les plus fortes baisses concernent les arrivées en provenance de France (-2% à 214 942 personnes), du Royaume-Uni (-8% à 50 645 touristes), d’Allemagne (-7% à 51 443 personnes) et d’Italie (-9% à 26 613 touristes). A l’opposé, l’Espagne, la Belgique, les Etats-Unis et la Hollande affichent respectivement des hausses de 6%, de 15%, de 12% et de 2% à 154 206, 41 105, 20 619 et 34 228 personnes. Concernant les nuitées dans les établissements d’hébergement classés, elles ressortent en repli de 1,1% à 1 487 205 en mars 2016, intégrant un recul de 4,0% à 1 084 079 nuitées pour les non-résidents et une croissance de 7,9% des nuitées pour les résidents à 403 126. En cumulé, le nombre de nuitées diminue de 0,9% à 3 956 211 comparativement à la même période de l’année précédente. Par ville, Marrakech arrive à la première position du classement des destinations par nuitées avec 532 195 nuitées (+2%), suivie par Agadir avec 331 500 nuitées (-7%) et Casablanca avec 170 299 nuitées (-2%). Dans ces conditions, le taux d’occupation national se fixe en mars 2016 à 39% (-2 points) et à 35% (-3 points) en cumulé.

INDICE DES PRIX A LA CONSOMMATION

A LA BAISSE… Selon le Haut Commissariat au Plan (HCP), l’IPC a enregistré une légère baisse de 0,1% au mois d’avril 2016 comparativement à un mois auparavant. Cette variation est le résultat du repli de 0,4% de l’indice des produits alimentaires, suite à un recul des prix de «légumes» de 3,6%, des «poissons et fruits de mer» de 1,7%, et de «lait, fromage et œufs» de 1,2%. En revanche, les prix ont augmenté de 3,7% pour les «fruits» et de 0,8% pour les «viandes». Pour sa part, l’indice des produits non alimentaires a connu une progression de 0,3%, en raison de la hausse des prix des «carburants» de 5,1%. Par région, les plus importants reculs mensuels ont été enregistrés à Safi (0,6%), Meknès (0,5%), Tanger (0,4%) et à Rabat et Tétouan (0,3%). En revanche des hausses ont été enregistrées à Al Hoceima (+0,9%), Guelmim (+0,7%), Laâyoune (+0,4%) et à Marrakech(+0,3%). Comparativement à un an auparavant, l’IPC a enregistré une augmentation de 1,6%. Cette variation résulte de l’accroissement de 2,9% de l’indice des produits non alimentaires et de 0,5% de celui des produits alimentaires.

CAPCITÉS DE PRODUCTION : TAUX D’UTILISATION À 61%... Selon les résultats de l’enquête mensuelle de conjoncture de BAM relative au mois d’avril 2016, la productionindustrielleaaccuséunestagnation etce,pour44%desrépondants.Cetteévolutionde l’activité reflète une progression de l’activité dans les branches de l’industrie, «chimie & parachimie» et «électriques & électroniques». Pour leur part, les industries «agroalimentaires», «mécaniques & métallurgiques» et «textile & cuir» auraient affiché une baisse. Dans ces conditions, le taux d’utilisa-

tiondescapacitésdeproductionauraitatteint61% (70%horslasousbranchecokéfaction&raffinage). Une situation qui s’explique par une amélioration à 52% dans la branche «chimie & parachimie» et unediminutionà69%dansl’«agroalimentaire»etla «mécanique & métallurgique». Pour ce qui est des ventesetdescommandes,celles-ciauraientreculé dans les industries «agroalimentaires» et «textile & cuir» et auraient progressé dans la «mécanique & métallurgique» et l’«électrique & électronique».

Concernant la «chimie & parachimie», les ventes auraientaccuséunreplialorsqueles commandes auraientaugmenté.Leniveaudescarnetsdecommandesseraitinférieuràlanormalepourl’ensemble desbranches,àl’exceptionde«mécaniques&métallurgiques» où il aurait été à un niveau normal. En termes de perspectives pour les troisprochains mois, les entreprises anticipent une amélioration de la production et des ventes dans l’ensemble des branches.

PERSPECTIVES MED

59


ÉCONOMIE LE CHANGE FLEXIBLE N’EST PAS QU’UN CHOIX TECHNIQUE Par: M. Taleb

A. JOUAHRI DOIT S’EXPLIQUER Le Maroc s’apprête à prendre un virage dans sa politique de change. Jugée nécessaire bien que trop complexe, la transition projetée vers un régime de change flexible est vue comme une décision périlleuse. Si le FMI, la Banque mondiale et BAM sont unanimes à dire que les prérequis sont-là, rares sont les économistes qui partagent le même avis

DEBATS

M

60

ise en veilleuse depuis des années, la migration vers le change flexible est à l’ordre du jour. Annoncée par le gouverneur de Bank Al-Maghrib via la presse étrangère (Bloomberg), cette décision qui n’a pas été sujette à concertation risque de faire jaser. Si l’on rassure du côté de la Banque centrale sur les conditions réunies pour une migration sereine, le gouverneur s’est entretenu à ce sujet courant mai avec une délégation du FMI, des spécialistes affirment, vent debout, que le Maroc n’a ni la taille critique ni les moyens pour endosser les chocs monétaires qui peuvent en résulter. En tout cas, ne pouvant pas continuer à ignorer les sirènes du FMI et de la Banque mondiale qui exigent la transition vers un système flottant, le pays a déjà réajusté le panier de cotation du dirham en avril 2015. Un réaménagement qui s’inscrit dans un long processus qui, in fine, permettrait, du moins selon le FMI et BAM, de mieux intégrer l’économie internationale et de mieux s’ajuster aux chocs extérieurs voire de les absorber, et par conséquent améliorer sa compétitivité ! Quoique ce raisonnement ne trouve pas écho chez la majorité des économistes marocains, il semble qu’il a été épousé par le gouverneur de la Banque centrale, Abdellatif Jouahri. Voilà qui jette une nouvelle lumière sur son plaidoyer, en octobre 2015, pour l’indépendance de BAM en émettant le souhait de voir les attributions de l’institution élargies à la stabilité financière. Si le Maroc a, depuis la fin du PAS, résisté aux institutions de Bretons Woods à ce propos, qu’est-ce qui

PERSPECTIVES MED

a changé depuis 1993 ? Quelles sont les variables qui favorisent une telle décision et pourquoi ce timing ? CHANGEMENT DE CAPS ? On a souvent laissé entendre que les libéraux, qu’ils soient Marocains ou autres, ont l’habitude de plier l’échine à la moindre pression des institutions internationales. C’est ce qui semble être le cas avec le gouvernement Benkirane qui s’est particulièrement distingué par une docilité à l’égard du FMI. Advienne que pourra, les directives du FMI ont toujours été classées comme des priorités par l’actuel Exécutif pour qui « la migration vers le change flottant n’est qu’une décision technique sans conséquence grave». Néanmoins, en regardant de plus près, on s’aperçoit qu’il s’agit d’une décision aux conséquences lourdes étant donné que le taux de change est à cheval sur l’économie financière et sur l’économie réelle des biens et services et qu’il s’agit d’un indicateur de la vigueur, de la stabilité et de la productivité d’une économie ainsi que de la valeur de ses titres financiers. Sommes-nous face à un nouvel épisode de la soumission au diktat des institutions financières internationales ? Des économistes comme Abdelouahed El Jay et Rachid Achachi ne laissent planer aucun doute à ce sujet. Pour ce dernier, ça répond à la logique libérale prônée par le FMI qui a pour vocation à lever toutes les barrières à la mondialisation


des échanges et à la mobilité des capitaux. « Toute la logique des privatisation, des accords de libre-échange, d’indépendance de la banque centrale, de passage vers un taux de change flottant flexible…Toutes ces mesures tendent au recul de l’Etat en tant qu’acteur économique et vers l’émancipation et la libéralisation des agents économiques individuels», explique ce membre-fondateur du Laboratoire d’économie du développement. Dit autrement, c’est le dogme du FMI « moins d’Etat et plus de marché » qui prime faisant valoir les thèses du monétarisme « qui vont jusqu’à dire que l’Etat doit littéralement disparaître au profit du marché qui s’autorégule par lui-même. Et que la Banque centrale doit non seulement ne pas être dépendante de l’Etat mais doit disparaître à terme et que les forces du marché vont tout réguler et équilibrer mutuellement », explique R. Achachi. Rappelant que l’inscription du Maroc dans ce processus est intervenue dans un contexte particulier, à savoir celui du Programme d’ajustement structurel (PAS) Abdelouahed El Jay abonde dans le même sens en indiquant qu’ « au sortir du PAS, on a établi ce que le FMI appelle la convertibilité minimale. Et puis, on est allé crescendo en introduisant plus de souplesse dans ce régime de convertibilité ». Cependant, il semble que le Maroc qui a tâché de garder le pied sur des freins afin d’y aller doucement semble lâcher du lest. Cet ancien directeur à Bank Al Maghrib estime que ce qui est recherché est « une convertibilité plus large du dirham». Cela procède de la logique « implicite» dit-il. PAIX SOCIALE EN JEU Pour R. Achachi, les autorités ont opté pour une approche de libéralisation progressive car elles « comprennent très bien que tout changement économique doit correspondre à un changement social». Un préalable qui semble aux abonnés absents après plus de deux décennies. Quand on sait que les Ma-

rocains demeurent très sensibles aux augmentations des prix, un simple mouvement de spéculation sur la valeur du dirham peut avoir des conséquences lourdes. Avec l’éventualité d’une dépréciation du dirham, les Marocains peuvent, dans ce cas, se retrouver avec une perte du pouvoir d’achat. « Quand on dit qu’on va livrer la valeur du dirham au marché réel, cela veut dire livrer le pouvoir d’achat des Marocains au marché », soutient R. Achachi. Les couches défavorisées, en partant de la classe moyenne vers le bas, peuvent énormément souffrir sachant que le Maroc importe en devises la moitié de ses besoins en céréales à titre d’exemple », dit-il. A l’autosuffisance, sans laquelle ce serait extrêmement compliqué d’entrevoir ce passage, R. Achachi ajoute le poids global de l’économie. Selon lui l’économie marocaine manque de taille critique en termes de masse monétaire et de PIB. «Plus ces deux paramètres sont importants, plus il est difficile de la déstabiliser par un mouvement spéculatif », explique-t-il. « Vu la valeur du PIB d’un pays en développement comme le Maroc, un simple mouvement spéculatif sur le marché international de devises pourrait mettre à genoux le dirham », assure le consultant au Cabinet de conseil en stratégie et en management des risques (CMAIS). BON TIMING ? Jean-Pierre Chauffour, économiste principal pour le Maroc et coordonnateur des échanges régionaux pour la zone MENA auprès de la Banque Mondiale, a esquivé nos questions en se contentant d’affirmer, lors d’un récent colloque organisé par le CMC, que les « conditions se profilent pour opérer cette migration». Une certitude que beaucoup d’économistes ne partagent pas. Alors qu’il indique que le rétablissement des équilibres macroéconomiques est le signal pour l’amorce de cette mue, il est clair pour tous que le rééquilibrage macroéconomique actuel est du essentiel-

lement à des variables exogènes, en l’occurrence la baisse des cours du pétrole. Dire que la mise en œuvre d’un taux de change flexible « permettrait de mieux intégrer l’économie internationale et de s’ajuster plus facilement aux chocs extérieurs », (sic J.P. Chauffour), relève de l’art de jeter la poudre aux yeux. A contrario, « ça va nous mettre plus en difficulté », relève R. Achachi qui s’insurge : « on veut améliorer l’intégration du Maroc à l’économie mondiale à un moment où elle n’a jamais été aussi fragile aussi instable. C’est de la pure folie ». D’après lui, le Maroc n’est pas encore au stade de développement qui lui permettrait de virer vers un taux de change flottant qui correspond à une économie développée avec un PIB important, une masse monétaire importante, un secteur privé très dynamique et une économie tournée vers l’exportation. Su la même ligne, Abdelouahed El Jay estime qu’ « il n’y a pas de raison objective pour que le Maroc passe à un régime de change flexible ». Rappelons qu’ « il faut déterminer d’abord les objectifs » et que le taux de change n’est qu’un moyen pour les atteindre », El Jay regrette le fait qu’on commence par le moyen et qu’on oublie la fin (ce à quoi ça va servir)». « Est-ce juste pour se conformer à l’économie de marché et aux préceptes du libéralisme prôné par le FMI ? Ou pour avoir une convertibilité plus large ? On se contentant d’annoncer « juste la flexibilité sans parler des objectifs visés, parait ambigu. Il faut clarifier», insiste-t-il. L’intérêt est ailleurs, selon R. Achachi pour qui « cette décision parachutée n’a pas un but pratique, mais plutôt un but idéologique ». « A aucun moment le débat n’a été lancé par BAM ou bien sous forme de consultations avec les partis politiques ou avec les représentants du peuple, la société civile, la CGEM… ». Une décision aux lourdes conséquences promue par une institution se plaçant au de la logique de gouvernance résume par reddition des comptes.

PERSPECTIVES MED

61


ECONOMIE LE TAUX DE CHANGE EN QUESTION Propos recueillis par : M.T

DEBATS

GARE AUX SIRÈNES DU LIBÉRALISME La question du changement de régime du taux de change ravive les débats. Surtout à l’heure où le pays est soumis à de fortes pressions de la part des institutions de Bretton Woods. Le risque est grand de voir les vents du libéralisme ambiant souffler les résistances marocaines. Avec les dangers que cela comporte pour la santé du dirham. Rachid Acachi, économiste et membre fondateur et chercheur du Laboratoire d'économie du développement, reste aussi alarmant dans ses propos que clair dans ses explications.

PERSPECTIVES MED : -QUE PENSEZ-VOUS DU CHANGEMENT GRADUEL DU TAUX DE CHANGE, D’UN RÉGIME FIXE À UN RÉGIME FLOTTANT, QUE BANK AL MAGHRIB ENVISAGE D’OPÉRER? Rachid Achachi : On présente souvent le sujet du passage à un taux de change flottant comme une décision technique qui revient aux seuls techniciens et spécialistes qui traitent entre eux au niveau de la Banque centrale avec le FMI. Quant au commun des mortels, il n’a pas forcément à comprendre ce genre de choses qui, in ON VEUT NOUS FAIRE fine, ne le concernent pas directement. Ce qui est faux. Car il y a une dimenGOBER LA POTION sion idéologique dans ce genre de choix. Ce ne sont pas des choix puDU LIBERALISME rement techniques. Ils répondent à une logique, à une idéologie et à un paradigme donné qui est le libéralisme. Qu’on le veuille ou non, le libéralisme est une idéologie qui, après l’effondrement du communisme, est resté comme la seule idéologie dominante. Et le libéralisme a, par définition, vocation à lever tous les obstacles à la mondialisation des échanges et à la mobilité des capitaux aussi bien financiers qu’humains… Et donc toute la logique des privatisations, des

62

PERSPECTIVES MED

accords de libre-échange, d’indépendance de la Banque centrale, de passage vers un taux de change flottant ou flexible… tout cela tend à consacrer le recul de l’Etat en tant qu’acteur économique et à courir vers l’émancipation et la libéralisation des agents économiques individuels. EST-CE À DIRE QUE NOUS SOMMES FACE AU DOGME DU FMI QUI APPELLE À « MOINS D’ETAT ET PLUS DE MARCHÉ » ? R.A : Exactement, moins d’Etat et plus de marché. Ceux qui défendent cette théorie arguant qu’il y aura une logique vertueuse du marché qui servira la prospérité de la population, en libérant le potentiel humain en le laissant s’exprimer. Il y a toute une rhétorique et tout un discours derrière ce paradigme. Ce n’est pas seulement le FMI, c’est également la Banque mondiale qui l’adopte, mais dans un autre volet, c’est-à-dire au niveau du développement économique et des grandes stratégies. Le FMI, c’est uniquement au niveau financier et au niveau des échanges internationaux. Il y a une distribution des tâches entre les deux, mais l’idéologie qui est derrière est la même : le monétarisme et l’Ecole de Chicago dont le fondateur n’est autre que Milton Friedman, prix Nobel de l’économie. Poussant sa logique jusqu’au bout, Frie-


dman est allé jusqu’à dire qu’il faut privatiser même l’armée et la police. C'est-à-dire que l’Etat doit littéralement disparaître au profit du marché qui s’autorégule par lui-même et que la Banque centrale doit non seulement ne pas être dépendante de l’Etat, mais doit disparaître à terme et que les forces du marché vont tout réguler et équilibrer mutuellement. C’est le volet idéologique dans lequel s’inscrit ce genre de décisions. Avec le programme d’ajustement structurel (PAS), n’ayant pas le choix à la fin des années 80, le Maroc s’est inscrit dans une stratégie de libéralisation de l’économie mais en gardant toujours le pied sur le frein. C'est-à-dire en n’allant pas trop loin, et doucement… Parce que les autorités marocaines comprennent très bien que tout changement économique doit correspondre à un changement social (au niveau des mentalités) et qu’il ne faut pas aller trop vite pour qu’il n’y ait pas de distorsion entre les deux. Parce que, in fine, libéraliser très vite l’économie génère des disparités de classes. SUPPOSANT QU’UNE FOIS LES CHOSES SONTLÀ ET QU’ON A PASSÉ À UN RÉGIME DE CHANGE FLOTTANT, EST-CE QUE ÇA PEUT AVOIR DES CONSÉQUENCES DIRECTES OU INDIRECTES SUR LA PAIX SOCIALE ÉTANT DONNÉ QUE LES MAROCAINS SONT TRÈS SENSIBLES AUX AUGMENTATIONS DES PRIX? R.A : Déjà si on passe vers un régime de taux de change flottant, on ne pourra plus parler de dévaluation ou évaluation, mais on parlera de dépréciation et d’appréciation. Les termes sont très importants parce que dans le second cas de figure, rien ne dépend pas de nous, tout se déprécie ou s’apprécie en fonction du marché. Concernant le danger sur la paix sociale, quand on dit qu’on va livrer la valeur du dirham au marché réel -c'est-àdire l’offre et à la demande au niveau des importations et exportations et au niveau des marchés des monnaies (le marché Forex), ça veut dire qu’on va livrer au marché le pouvoir d’achat des Marocains. Et là, Adieu la tranquillité. Car la stabilité du pouvoir d’achat est garanti par BAM à travers un régime de change lié au Dollar et à l’Euro. Demain, si on passe à un régime de change flottant à terme, graduellement ou pas graduellement, - je ne parle pas de gradualité et je pars directement à la finalité-, le Dirham va soit perdre soit gagner 40% de sa valeur. Une éventualité qui fait peur si jamais le Dirham est déprécié par les forces de l’offre et de la demande au niveau du marché des devises. Car là, il ne faut pas perdre de vue qu’il y a également des mécanismes de spéculation. On peut se retrouver, nous Marocains, avec une perte de 40% du pouvoir d’achat vis-à-vis des produits étrangers. Les exemples sont nombreux. Le dernier

en date est celui de la Russie en 2014. Il y a eu un mouvement de spéculation sur le rouble qui a perdu énormément face au dollar et à l’euro. Ainsi, tous les Russes se sont précipités pour vendre le Rouble et acheter les devises. Il y a une perte de confiance dans la monnaie nationale. Dans des cas similaires, les gens commencent à épargner pour leur pouvoir d’achat non pas dans la monnaie nationale, mais dans une monnaie étrangère. Et c’est là où réside le problème ! Alors, le danger social est-là ! Les couches défavorisées en partant de la classe moyenne vers le bas peuvent énormément souffrir, sachant que le Maroc importe en devises la moitié de ses besoins en céréales à titre d’exemple. CELA VOUDRAIT-IL DIRE QU’ON NE PEUT PAS ALLER VERS CE RÉGIME SI ON N’A PAS UNE CERTAINE AUTOSUFFISANCE AU NIVEAU DES MATIÈRES DE PREMIÈRE NÉCESSITÉ? R.A : Oui. Tant qu’on n’a pas une autosuffisance

L'ECONOMIE MAROC N'EST PAS SI FORTE POUR LAISSER FILER SA MONNAIE

alimentaire, ce serait extrêmement compliqué. J’ai donné cet exemple parce que c’est le plus sensible concernant les populations pauvres et que c’est un impératif indiscutable. Après, normalement, pour pouvoir entrevoir la possibilité de passer vers un taux de change flottant avec un moindre risque, il faut que le poids global de l’économie soit énorme. Parce que plus une économie est importante en termes de masse monétaire et de PIB, plus il est difficile de la déstabiliser par un mouvement spéculatif. D’autant plus que les fonds de spéculation qui sont, par définition, occultes et incontrôlables et résident dans les zones offshores, viennent spéculer sur une monnaie et se retirent après. En termes de milliards, ça peut être impressionnant quand on sait qu’un fond spéculatif représente 200 milliards ou 500 milliards de dollars. Ça paraît énorme pour une économie telle que le Maroc, mais pas pour la zone euro. Vu la valeur du PIB d’un pays en développement comme le Maroc, un simple mouvement spéculatif sur le marché international de devises pourrait mettre à genoux le Dirham.

DEVRAIT-ON COMPRENDRE DE CE QUE VOUS DITES QUE NOUS N’AVONS PAS LA TAILLE CRITIQUE POUR PASSER À UN RÉGIME DE CHANGE FLOTTANT ? R.A : Exactement. On n’a pas les capacités monétaires pour absorber un mouvement spéculatif sur le dirham. Ce qui se passe dans un régime flexible, le Dirham perd de sa valeur si le marché n’en veut plus. Le seul mécanisme dont dispose l’Etat, c’est le fait que la Banque centrale peut soutenir le Dirham en le rachetant. Créer de la demande sur le Dirham serait le seul moyen de le redresser. Dans une telle éventualité, BAM devra intervenir pour racheter le dirham pour lui permettre de retrouver de la valeur. Mais comment va-t-elle le faire ? Elle va le racheter grâce aux réserves de changes dont elle dispose. On pourra perdre en une semaine les réserves de change stratégiques qu’on a passées des années à constituer pour couvrir nos importations en cas de défaut, juste pour soutenir le dirham en cas de dépréciation majeure. Ça relève de la pure absurdité vu la réserve de change qu’on a. N’Y A-T-IL PAS D’AUTRES MÉCANISMES DE MAINTIEN DE L’ÉQUILIBRE DU DIRHAM? R.A : En tout cas, BAM ne peut avoir les moyens pour gérer ces situations à long terme. Une Banque centrale n’a pas trente-six moyens pour soutenir sa monnaie dans un régime de change flexible. Le seul moyen, c’est de racheter sa monnaie en puisant dans les réserves de change. Sinon, l’autre moyen est de décréter un retour au régime de change fixe. Un retour en arrière. En cas d’extrême situation, on arrête le jeu et on perd en crédibilité, ce qui démontre au passage qu’on n’a pas le poids et les moyens d’assumer un taux de change flottant. Ceci dit, je vois qu’on n’a pas intérêt à changer de régime de taux de change. Les arguments selon lesquels ça va permettre une meilleure intégration du dirham et juste une évaluation. Le fait d’être bien intégré n’est pas une finalité en soi. Ça doit être un moyen vers une finalité plus grande. C'est-à-dire vers le développement économique, vers l’augmentation du niveau de vie des Marocains. Il ne faut pas oublier, dans ce sens, que l’objectif pour le Maroc est le développement économique et la sortie de la pauvreté. Je ne crois pas que le passage en soi vers un régime de change flottant va nous aider à affronter cette situation. Au contraire, ça va nous mettre davantage en difficulté. Car, selon leur argument, on veut améliorer l’intégration du Maroc à l’économie mondiale à un moment où l’économie mondiale n’a jamais été aussi fragile et aussi instable. C’est de la folie ! Surtout que le contexte mondial n’est pas bon.

PERSPECTIVES MED

63


ECONOMIE DONC, SELON VOUS, ON A TRÈS MAL CHOISI LE MOMENT ? R.A : On n’a très mal choisi le moment. Je ne suis par principe contre ce genre de choix, mais je crois que chaque choix économique doit correspondre à une configuration économique donnée ; le taux de change flottant correspond à une économie développée avec un PIB important, une masse monétaire importante et une économie libéralisée avec un secteur privé très dynamique et une économie tournée vers l’exportation. Ce régime ne correspond pas à une économie en voie de développement. C’est une question juste de stade de développement. On ne peut pas prendre des outils adaptés pour l’Allemagne et les utiliser pour des économies comme le Maroc, la Tunisie ou l’Algérie. Prenons l’exemple de l’Arabie Saoudite. Le Rial saoudien est entièrement indexé sur le dollar. Pourquoi l’Arabie Saoudite fait ça ? Tout simplement parce que son économie est intégralement dépendante du pétrole. Et comme ce dernier est exclusivement vendu en dollar, le fait de lier intégralement le Rial au dollar garantit une stabilité parfaite dans la parité Rial-Dollar. Ce qui offre une sécurité des échanges entre l’Arabie Saoudite et le reste du monde. Quant au Maroc, nos échanges se font principalement en Euro et en Dollar. Notre intérêt est de garder le dirham stable face à ces deux monnaies parce que dans l’immédiat, on n’est pas concernés par la parité Dirhams-Yen ou bien Dirham-Couronne scandinave. On est concerné par la structure de nos échanges extérieurs. Et donc

le taux de change doit garantir la stabilité et la pérennité de nos échanges extérieurs et nos partenaires sont là ; c’est l’UE et les USA. A aucun moment le débat n’a été lancé par BAM ou bien sous forme de consultations avec les partis politiques ou avec les représentants du peuple, la société civile, la CGEM… Il n’y a pas eu de consultation, c’est une décision qui est parachutée. On ne prend pas du tout en compte les intérêts des différentes composantes de l’économie et de la société marocaine. C’est là le danger d’une décision idéologique. C’est que si notre désir ne colle pas à la réalité, c’est la réalité qui doit changer et pas nous et pas notre volonté. C’est ça le danger de l’idéologie : c’est l’idée qui prime sur la réalité. A VOTRE AVIS, QUELLES SONT LES VÉRITABLES MOTIVATIONS D’UNE TELLE PERSPECTIVE? R.A : Ce n’est pas du tout une initiative marocaine. Pendant des années le Maroc a résisté à cette exigence du FMI. Ce n’est pas nouveau. Ca fait déjà des années que le FMI nous demande de flexibiliser le dirham davantage et de nous préparer vers un passage à un régime flottant. Et à chaque fois, les Finances comme Bank Al Maghrib disaient non. Mais là, on est dans une situation marquée par une politique de rééquilibrage des comptes nationaux, de désengagement de la caisse de compensation, de réduction des investissements et de l’emploi public... Et où le FMI nous offre la possibilité de le faire en octroyant la ligne de crédit. Sans cette ligne de crédit, il serait difficile pour

le Maroc d’avoir une visibilité à long terme dans une situation de déséquilibre macroéconomique. Maintenant, en ayant cette ligne de crédit, même si on n’utilise pas ces 6 milliards du FMI, elle nous donne un sentiment psychologique de sécurité. C'est-à-dire qu’au pire des cas on peut se tourner vers cette ligne de crédit. Ce financement du FMI est une sorte de fromage qu’on met dans la souricière. Je ne pense pas du tout que ca vient de BAM. Mais on peut parler de lâcheté de BAM qui n’a pas su résister aux sirènes du FMI et à ses exigences. Il ne faut pas oublier que le gouvernement qu’on a actuellement (Benkirane I et II) est un gouvernement libéral sur le plan économique et conservateurs sur le plan sociétal. Toutes les décisions prises sont des décisions impopulaires (désengagement de la caisse de compensation, au niveau des régimes de retraites etc.). Donc le tempo était parfait pour que le FMI impose ces mesures-là. Ce que je critique avant tout, c’est la nature non démocratique de cette prise de décision. Ce n’est pas du tout démocratique comme mécanisme de prise de décision de parachuter un choix aussi stratégique qui pourrait toucher le pouvoir d’achat de tous les Marocains. C’est antidémocratique et c’est là où je lie avec le statut de BAM. Si celui-ci n’avait pas une situation d’indépendance vis-à-vis de l’Etat, il aurait du avoir l’accord du Parlement pour prendre ce genre de décision. Et donc, il aurait du soumettre cette décision au débat.

RÉVISION DU STATUT DE BAM LA MUE NÉCESSAIRE En attendant la nouvelle refonte du statut de Bank Al Maghrib qui devrait placer cette institution explicitement sous le contrôle du Parlement, la Banque centrale continue d’être, dans la conduite de la politique monétaire, le seul maître à bord. Excepté le rapport présenté annuellement au Souverain, l’institution « n’a aucune obligation de reddition des comptes », affirme R. Achachi pour qui « les germes du problème sont principalement au niveau du statut qu’il est temps de réviser ». Depuis 2006, BAM a été dotée d’un nouveau statut. « On a fait de la Banque centrale une banque indépendante de l’Etat, mais pour la seule politique monétaire », rappelle A. El Jay en attirant l’attention sur le fait que « la politique de change est une attribution de l’Etat ». Un des rares économistes qui appelle à une telle révision, R. Achachi met le doigt sur une des causes du gonflement de la dette intérieure du Trésor. Selon lui, «la mesure qui interdit à l’Etat d’emprunter auprès de la Banque centrale et qui avait pour but d’éviter les abus (l’article 27), « apparaît de plus en plus comme un frein au

64

PERSPECTIVES MED

développement économique qui profite essentiellement aux banques privées ». Tout en disant qu’il n’est pas pour l’annulation de l’indépendance ni pour revenir au statut antérieur, l’analyste appelle à inventer une situation intermédiaire « où il y aurait une commission plurielle où seront représentés partis politiques, société civile, syndicats, CGEM… Donc, le gouvernement quand il aura besoin d’un financement ne pourra pas contacter BAM, mais il va soumettre sa demande ou ses besoins d’investissement à cette commission. Celle-ci, indépendante de BAM et du gouvernement, devra objectivement analyser la pertinence de ces investissements. Si elle donne l’aval, Bank Al Maghrib devra créer cette masse monétaire et financer l’investissement ». Néanmoins, A.El Jay pour qui « c’est légitime de faire cette critique» juge qu’il faut faire attention. « Il ne faut pas non plus que la planche à billet soit utilisée sans limites », dit-il. Aux yeux de cet ancien de l’institution, « l’indépendance totale de la banque centrale n’existe nulle part».


DOSSIER CÉRAMIQUE

LES CÉRAMISTES CRIENT AU DUMPING par : Mohammed Taleb

TOUS SUR LE CARREAU ? Le département du commerce extérieur vient d’ouvrir une enquête antidumping visant les importations de carreaux céramiques originaires d'Espagne. Faisant le bonheur des producteurs locaux, cette enquête a alerté les autorités espagnoles qui tentent de sauver leur quote-part du marché. Mais il n’y a pas que les Espagnols qui craignent cette enquête. Celle-ci n’a pas été du goût des importateurs nationaux pour qui la requête de l’APIC est « fallacieuse » !

A

près une tentative qui a essuyé l’échec en octobre 2015, l’Association professionnelle de l’industrie de la céramique (APIC) a fini par convaincre le ministère délégué chargé du Commerce extérieur de l’objectivité des éléments de sa requête pour justifier l'ouverture d'une enquête antidumping visant les produits en provenance du voisin ibérique. Déposée lundi 7 mars dernier, cette requête est en fait une mise à jour d’une autre lancée le 18 octobre dernier, mais qui avait été suspendue après objection de la douane. Cette dernière avait annoncé, une semaine après, que les statistiques concernant ce dossier étaient erronées. Cette suspension n’avait pas découragé les producteurs nationaux qui, selon le président de l’APIC, Mohsine Lazrak, avaient «après moult relances pu obtenir les bons chiffres de la part de la douane ». Abstraction faite de ce qui s’est passé avec la douane, le département de tutelle, a conclu, après examen de la requête, que « les éléments d'information présentés dans la requête sont objectifs et suffisants pour justifier l'ouverture d'une enquête antidumping». Cela étant, il a décidé sous recommandation de la Commission de surveillance des importations, réunie le 29 avril, de

diligenter l’enquête à partir du mercredi 18 mai. Une décision qui a attisé les inquiétudes des producteurs espagnols qui, selon El Mundo du 31 mai, ont saisi leur gouvernement pour qu’il intervienne auprès de son homologue marocain. Chose faite. Bien que rien n’ait circulé à ce propos du côté marocain, la même source assure qu’effectivement « le gouvernement espagnol est en train de négocier avec le Maroc pour le « dumping sur les carreaux » en précisant que le ministère du commerce espagnol a invité la Commission européenne à se joindre à ses actions. Si la position des espagnols demeure « légitime et compréhensible », celle des importateurs marocains prête à quiproquo. Ces derniers considèrent qu’il ne s’agit, ni plus ni moins, que d’une « requête fallacieuse et d’une enquête abusive». Le président de l’Association nationale des professionnels de la céramique et du second œuvre (APISA), Youssef Belkaid, en est convaincu. Pourquoi dès lors une association nationale s’oppose-t-elle à une démarche visant à protéger une industrie nationale. Retour sur une épreuve de force qui n’a pas encore dit son dernier mot.

PERSPECTIVES MED

65


DOSSIER CÉRAMIQUE

LA TUTELLE AU SECOURS DE L’INDUSTRIE LOCALE par: M.T

UNE PREMIÈRE MANCHE DE GAGNÉE

L

e 18 mai restera gravé dans la mémoire de l’industrie céramique locale. Ce jour-là, le ministère délégué chargé du Commerce extérieur a ouvert une enquête antidumping concernant les carreaux de céramique en provenance d’EsLES CARRELEURS pagne. Considéré comme plutôt frileux NATIONAUX N'EN DÉMORDENT par les industriels quand il s’agit de dumPAS LE DUMPING ping, le département de Hafid El Alamy ESPAGNOL LES GÊNE semble désormais résolu à se protéger des importations « bon marché » qui portent préjudice au tissu industriel national. C’est du moins ce qu’il a affirmé lors d’une rencontre organisée récemment par le CMC. La preuve en est, apprend-on

66

PERSPECTIVES MED

auprès de son département, la multiplication des enquêtes de sauvegarde sur les importations de plusieurs produits et aussi l’ouverture d’enquêtes antidumping sur les importations du Polychlorure de Vinyle (PVC) et aussi de carreaux de céramique. Cependant, les industriels qui estiment que le département relevant du ministère de l'Industrie, du commerce, de l'investissement et de l'économie numérique « n’a commencé à agir qu’après multiplication des pressions » affirment que ces enquêtes concernent des secteurs envahis par les importations qui ont sensiblement augmenté ces dernières années. Quoiqu’on en dise, rien que l’entame de pareilles démarches, laisse les industriels pousser un soupir de soulagement à l’image du président de l’APIC, Mohsine Lazrak, qui ne cache pas sa satisfaction après acceptation de la requête de son association. « La requête a été acceptée par le ministère du commerce extérieur en estimant que les données que nous avons fourni sont assez so-


lides et vont dans le sens, justement, d’un dumping de la part de la partie espagnole», a-t-il confié. Selon lui, l’enquête a bel et bien démarré par l’envoi de « formulaires qui doivent être dument remplis aussi bien par les producteurs nationaux que par les producteurs espagnols qui sont connus pour exporter sur le Maroc». Cette démarche, faut-il le rappeler, doit obéir aux règles de l’Organisation mondiale de commerce (OMC). Dans cette optique, la tutelle affirme que « l’allégation de l'existence du dumping dans la requête est basée sur une comparaison entre la valeur normale construite du carreau céramique en Espagne, et un prix à l'exportation moyen calculé à partir des devis fournis par des entreprises espagnoles pour la vente à l'exportation vers le Maroc ». Et comme l’impose les règles de l’OMC, « ces deux prix ont été comparés par le requérant au même stade commercial «sortie usine », précise la même source arguant que « ma marge de dumping, ainsi obtenue par le requérant, dépasse largement le niveau de minimis (2%) et justifient, en conséquence, l'ouverture de l'enquête ». Rappelons dans ce sillage que l’APIC met en avant l’existence d’une contradiction entre les chiffres de la douane marocaine et ceux de la douane espagnole. « Effectivement, il y a eu une différence de 1,8 millions de mètres carrés concernant les statistiques des importations entre la douane marocaine et la douane espagnole », nous a confié M. Lazrak en soulignant que son association a saisi, à ce propos, l’administration des douanes. « Nous avons approché la douane et nous lui avons demandé de s’enquérir de cette différence et de faire un rappel à son homologue espagnole pour voir d’où provient la différence ». D’autant plus que ça représente, d’après lui, « une centaine de conteneurs. C’est une investigation que nous avons demandée à la douane et nous sommes aussi très curieux de connaître l’exactitude de ces chiffres ». Aussi satisfaisante qu’elle soit pour les producteurs, cette enquête ne semble pas être du goût des importateurs. HACHE DE GUERRE DÉTERRÉE Connus pour avoir entretenu depuis des années un rapport de force avec les producteurs locaux, les importateurs, qui ne cessent de dénoncer ce qu’ils qualifient « d’entraves techniques à l’importation» subies par leur profession, considèrent l’enquête du ministère comme « abusive».

Le président de l’APISA, Youssef Belkaid, confie que « l’enquête qui vient d’être initiée va prendre du temps ». Avant d’ajouter, admirez la contradiction, qu‘elle « va rapidement déterminer » qu’il s’agit «d’accusations fallacieuses ». « Nous pensons que c’est une enquête abusive, nous sommes face à une corporation de producteurs locaux qui ont bénéficié de cinq années de mesures de sauvegarde entre 2005 et 2010 et qui s’étaient engagés à exporter. Mais ils n’ont rien fait depuis», ajoute-t-il dit. A sn avis, même avec leur recours à « cet arsenal suprême antidumping contre l’Espagne, vous allez voir, l’enquête va rapidement déterminer qu’il s’agit de charges fallacieuses». Quant aux résultats de l’enquête en question et leurs impacts sur la profession, Y. Belkayd se montre rassuré. « Nous sommes très sereins quant à l’issue de cette enquête», a-t-il dit en sou-

tenant que les membres de l’APIC cherchent à travers « cette requête abusive un «protectionnisme primaire ». Allusion faite aux clauses de sauvegarde dont ont bénéficié entre 2005 et 2010 les producteurs locaux qui, d’après lui, « s’étaient engagés à exporter et n’ont finalement pas tenu leurs engagements et restent exclusivement sur le marché local ». Cela biaise la donne puisqu’une situation fait que le consommateur se retrouve in fine « pris en otage dans un marché fermé ». Selon lui, « ils sont victimes et coupables à la fois ». Entre le marteau des importateurs et l'enclume des producteurs espagnols qui ne vont pas ménager d’efforts pour se maintenir sur le marché marocain, les industriels locaux sont dans l’obligation de chercher des solutions innovantes, de se mettre à niveau et d’affûter leurs armes. Car tout promet une concurrence rude dans le secteur.

CONCURRENCE MORTELLE DES PERTES ÉVALUÉES ENTRE 50 ET 100 MDH La concurrence est salvatrice, dit-on. Comme tout autre secteur, l’industrie céramique est confrontée à la rude concurrence italienne, égyptienne et espagnole. Cette concurrence aurait pu être vitale pour le secteur si elle était loyale et équitable. Car depuis la fin de 2014, les céramistes dénoncent publiquement des « importations massives de produits à bas prix ». A cause du dumping pratiqué par les céramistes espagnols, les producteurs nationaux ont essuyé une perte estimée, par le président de l’APIC, à 52% des importations. « Sur les 10 millions de m2 en 2015, il y a 5 millions qui sont en dumping », confie M. Lazrak en précisant qu’il s’agit d’ « un manque à produire d’abord de 5 millions de m2 soit un manque à gagner d’entre 50 et 100 MDH». Des mesures de sauvegarde ont bénéficié aux opérateurs entre 2005 et 2010, un délai de grâce qui aurait du être mis à profit pour assurer la mise

à niveau industrielle. M. Lazrak confirme que « l’investissement demandé a été dépassé » et, en termes de quantité, «le Maroc a pratiquement doublé sa production depuis 2005 ». « Technologiquement, les investissements ont été faits deux fois, il y a eu deux vagues d’investissements en 2007 et la deuxième entre 2011 et 2013 », soutient le président de l’APIC en précisant que les producteurs nationaux ont mis sur la table plus d’un milliard de dirhams dans des investissements hautement technologiques en 2011 et 2013 sans pour autant pouvoir bénéficier des retours sur investissement étant donné le dumping exercé par les producteurs espagnols qui menace pas moins de 3500 emplois. L’APIC comprend 12 établissements qui emploient 5000 personnes dans deux secteurs différents; le carrelage qui, à lui seul, emploi 3500 et le reste est dédié au sanitaire.

PERSPECTIVES MED

67


DOSSIER CÉRAMIQUE

MOHSINE LAZRAK : par: Mohammed Taleb

LES CÉRAMISTES ESPAGNOLS FONT DU DUMPING Les producteurs et les importateurs de céramique se chamaillent. Cela fait des années qu’une épreuve de force est ouverte entre les associations représentatives des deux corporations. La dernière entente entre l’APIC et l’APISA remonte à 2008 lorsqu’un protocole d’accord avait été signé entre les deux parties en vertu duquel les importateurs acceptent la reconduction de la mesure de sauvegarde à condition que les producteurs apportent la preuve certaine d’une véritable menace sur la production nationale. Mais depuis, il faut croire que l’accalmie n’a été que de courte durée : la tension entre les deux bat son plein.

PERSPECTIVES MED : -QUE PENSEZ-VOUS APRÈS L’ACCEPTATION DE LA REQUÊTE QUE VOUS AVEZ DÉPOSÉE DEMANDANT AU MINISTÈRE D’OUVRIR UNE ENQUÊTE ANTIDUMPING ? ET QU’EN EST-IL DES CONTRADICTIONS CONSTATÉES AU NIVEAU DES CHIFFRES DES DOUANES ESPAGNOLE ET MAROCAINE ? Mohsine Lazrak : La requête a été acceptée par le ministère du Commerce extérieur en estimant que les données que nous avons fourni sont assez solides et vont dans le sens justement d’un dumping espagnol. Cette enquête a démarré en envoyant des formulaires qui doivent être dument remplis aussi bien par les producteurs nationaux que par les producteurs espagnols qui sont connus pour exporter sur le Maroc et aussi par les importateurs. Pour ce qui est des chiffres de l’ACIMAC (l’association des constructeurs de machines italiens), il faut dire que c’est une source de données qui n’est pas très précise parce qu’elle prévoit plusieurs nomenclatures douanières qui ne sont pas l’objet de la requête anti-dumping. Celle-ci fait essentiellement appel à deux nomenclatures douanières à savoir la position 6908.90.00.91 et la position 6908.90.00.99. Ainsi, les pro-

68

PERSPECTIVES MED

duits considérés importés en dumping sont les carreaux et dalles de pavement ou revêtement, vernissés ou émaillés, en céramique, originaires d'Espagne, relevant desdites positions douanières. Par contre, la différence que nous trouvons effectivement entre la douane marocaine et la douane espagnole est une autre chose. Effectivement, il y a une différence de 1,8 millions m2 entre les deux. Nous avons approché l’Administration des douanes et nous lui avons demandé de s’enquérir de cette différence et de faire un rappel à la douane espagnole pour voir d’où est-ce que ça vient. D’autant plus que ça représente une centaine de conteneurs. C’est une investigation que nous avons demandé à la douane et nous sommes aussi très curieux de connaître l’exactitude de ces chiffres. Ceci dit, dans notre enquête antidumping, nous considérons que les chiffres que nous avons présenté, sont des chiffres du côté marocain, c'est-à-dire de l’Office des changes et de la douane marocaine. QUE RÉPONDEZ-VOUS AU PRÉSIDENT DE L’APISA QUI CONSIDÈRE QUE VOTRE REQUÊTE EST « FALLACIEUSE » ET QUE L’ENQUÊTE EN QUESTION EST « ABUSIVE» ? M.L.: La requête que nous avons déposée est contre les producteurs espagnols. Je ne vois pas le rôle que les importateurs peuvent jouer dans cette affaire-là et comment ils peuvent se permettre de dire qu’elle est fallacieuse, eux qui sont toujours virulents à l’encontre des producteurs nationaux au vu des sorties médiatiques de cette association depuis le mois d’août 2015. On se demande franchement si on est face à une association marocaine ou une association espagnole. C’est une question à poser parce qu’une association marocaine défend avant tout les intérêts du Maroc. Autrement dit, les emplois et l’industrialisation du pays. A plus forte raison qu’il n’y aura pas d’interdiction d’importer, mais juste des droits de douane éventuellement imposés! Droits de douane auxquels tout le

monde est assujetti. Et s’ils n’importent pas d’Espagne, il y a des tas de pays d’où ils peuvent importer. Donc, attaquer les producteurs marocains avec une telle virulence démontre une faiblesse dans le raisonnement, car notre requête qui est basée sur des chiffres … Et ce ne sont pas nos chiffres, mais bien ceux de la douane marocaine et de l’Office des changes, sans parler de ceux de l'Association espagnole des fabricants de carreaux de céramique (Ascer). Si quelqu’un se permet de juger ça de fallacieux, ça veut dire quoi ? Que le ministère du Commerce extérieur manque de discernement ? Tout ça va devenir plus clair à l’issue de l’enquête. Et on jugera alors sur pièce, c'est-à-dire sur la réalité des factures qu’ils sont obligés de produire pour renseigner sur les prix d’importation. Et s’ils disent qu’ils ne vont pas être impactés, pourquoi dès lors attaquer la production nationale ? Pour moi, attaquer le produit national reflète un manque de patriotisme. C’est une honte. Quand on voit la position des importateurs espagnols ou autres dans le cadre d’une enquête antidumping, on se dit qu’au Maroc, il nous manque un peu de fibre nationale. Et ça ce n’est pas normal. Les industriels ont beaucoup investi depuis plus d’un quart de siècle. Ils peuvent ne pas faire ça et opter pour d’autres alternatives qui sont beaucoup plus rentables. Imaginez que demain les usines de céramiques ferment au Maroc : ce sont 3500 personnes qui vont à la rue avec leur famille. Ça représente au moins 25000 personnes directement touchées. Est-ce que ce sont les importateurs qui vont leur trouver un emploi ? A VOTRE AVIS, D’OÙ VIENT LA DIFFÉRENCE EN TERME DE PRIX ? EST-CE QUE LES ESPAGNOLS ONT UN PRIX DE REVIENT INFÉRIEUR? SINON QUE CHERCHENT-ILS À TRAVERS CETTE DÉMARCHE ? ET QUE POUVEZ-NOUS DIRE DE L’INTERVENTION DES AUTORITÉS ESPAGNOLES AUPRÈS DU GOUVERNEMENT RAPPORTÉE PAR LA PRESSE ?


YOUSSEF BELKAID : par: M.T

LE MARCHÉ OTAGE DES INDUSTRIELS LOCAUX M.L.: L’UE a imposé depuis déjà cinq ans des mesures antidumping sur les carreaux chinois. Pourquoi ? Parce que la Chine déversait sur le marché européen des carreaux à très bas prix. L’Espagne est en train de faire la même chose chez nous. Ce n’est pas parce qu’ils ont un prix de revient qui est très bas, car s’ils l’avaient, ils n’auraient pas demandé la reconduction des mesures antidumping contre la Chine et auraient été à même de se défendre contre les produits chinois. Et de là, on voit le double discours des producteurs espagnols. D’une part, ils disent qu’ils ont sur le Maroc de très bons prix de revient et qu’ils arrivent à vendre à très bas prix et en même temps, ils demandent des mesures antidumping sur la Chine. Il y a quelque chose qui n’est pas logique dans cette histoire. Dans la requête que nous avons lancée, nous avons prouvé, avec les données de l’Ascer, que leur prix de revient est bien supérieur au prix de vente auquel ils vendent au Maroc. Sinon le ministère du Commerce extérieur n’aurait jamais ouvert d’enquête. Effectivement, les marges sur le produit national sont faibles, mais cela n’empêche pas M. Belkayd d’être un de mes bons clients. Donc, le produit marocain a sa valeur et reste apprécié, malgré la marge minime qu’il génère. Par contre, sur le produit importé, il y a beaucoup de marge. La question qui se pose serait de savoir comment arrive-t-on à trouver des carreaux vendus localement à 70 Dhs alors qu’ils sont facturés en Espagne à seulement 2,70... En plus du dumping qui existe, il y a forcément de la contrebande. D’ailleurs, il n’y a pas très longtemps j’ai lu un article qui fait état de l’arrestation d’une semi-remorque remplie de carreaux céramique provenant de Melilla. Quant aux informations rapportées par les médias, il s’agit de la reprise d’un article paru dans d’El Mundo du 31 mai. A la lecture de cet article, la contradiction des producteurs espagnols saute aux yeux. Car d’une part ils militent contre le dumping chinois et de l’autre ils revendiquent leur place sur le marché marocain, quitte à jouer, là aussi, la partition du dumping.

PERSPECTIVES MED : QUE PENSEZ-VOUS DE L’OUVERTURE D’UNE ENQUÊTE ANTIDUMPING VISANT LES CARREAUX DE CÉRAMIQUE EN PROVENANCE D’ESPAGNE ? Youssef Belkaid : L’enquête vient d’être initiée. Ça va prendre du temps. Nous pensons que c’est une enquête abusive, nous sommes face à une corporation de producteurs locaux qui ont bénéficié de cinq années de mesures de sauvegarde entre 2005 et 2010 et qui s’étaient engagés à exporter, mais ils n’ont rien fait. Ils n’ont pas tenu leurs engagements en matière d’exportation et prennent le marché intérieur en otage. Maintenant, ils ont demandé cet arsenal suprême de l’antidumping contre l’Espagne. Je pense que ce sont des accusations fallacieuses et que l’enquête va rapidement le déterminer. Nous sommes très sereins quant à l’issue de cette enquête. On pense que la requête de l’APIC est une requête abusive et que ses membres cherchent de nouveau «un protectionnisme primaire». Donc ils sont victimes et coupables à la fois. C’est l’APIC qui a initié la requête dont le traitement durera entre un an et 18 mois. QUEL SERAIT L’IMPACT DE L’OUVERTURE DE CETTE ENQUÊTE ET DE SES RÉSULTATS SUR VOTRE ACTIVITÉ ? Y.B.: Bien sûr, notre entreprise est concernée et notre association aussi. Nous travaillons avec des partenaires espagnols. D’autant plus que l’Espagne, qui est un marché de proximité, est un pays qui a une tradition très ancrée de céramique. C’est le deuxième producteur européen de céramique. C’est là où il y a la technologie, c’est là où même les producteurs locaux achètent les colorants, les émaux, les designs, etc. On est très sereins, c’est une requête totalement abusive. Ce qu’ils recherchent, c’est le prolongement

de la protection de 25 ans d’une industrie locale qui n’est pas capable de se développer ni de se rénover. C’est nous les perdants en fin de compte, le Maroc est l’un des marchés de l’Espagne. Ce n’est ni le premier marché ni le dixième. QU’EN EST-IL DE L’IMPACT SUR VOTRE ACTIVITÉ ET QUE PENSEZ-VOUS DE CE QUI EST CE DIT DE L’EXISTENCE DE DIFFÉRENCES ENTRE LES QUANTITÉS QUI SORTENT DES PORTS ESPAGNOLS ET CELLES QUI ARRIVENT CHEZ NOUS? S’AGIT-IL ICI DU PHÉNOMÈNE DE SOUS-DÉCLARATION ? Y.B.: Non, ça ne va pas nous impacter puisque l’Espagne n’est pas la seule origine de la céramique. L’Espagne ne représente que 4% de la production mondiale de la céramique. Les adhérents vont toujours chercher le meilleur rapport qualité prix pour leurs clients. Nous sommes des commerçants en tout cas et nous avons beaucoup investi en showrooms et tout ça… Si l’enquête taxe la démarche espagnole de dumping, nous allons chercher une qualité équivalente à des prix équivalents. Je pense qu’on est loin de ça. L’enquête vient d’être initiée et les premiers éléments du dossier sont tout à fait fallacieux et tout à fait contradictoires. De notre point de vue, le dossier présenté par l’APIC est totalement vide. Nous sommes très sereins et nous faisons confiance au ministère du Commerce extérieur qui a initié l’enquête. Pour ce qui des allégations dont vous parlez, ma réponse et non, il n’y a rien de tout cela. Il n’en n’est pas question parce que de toute façon depuis cinq ans il y a un pesage systématique des carrelages en céramique au niveau de tous les postes frontières terrestres et maritimes du Maroc. En plus, les importations sont est taxées sur le poids et pas sur le mètre carré.

PERSPECTIVES MED

69


ECONOMIE LE MAROC AU SEUIL DE LA RÉVOLUTION DES TÉLÉCOMS Par: M.T

PANNE NUMÉRIQUE Faute d’un cadre législatif « à la page », d’une gestion rationnelle de la lourde infrastructure passive et, surtout, d’une mutualisation des infrastructures entre opérateurs, le secteur des télécoms peine à intégrer la révolution digitale. Un raté historique alors que l’Etat et l’ANRT mettent le focus sur la rente au lieu de libérer le secteur.

L

es opérateurs télécoms sont les seuls capables de rendre possible la transformation numérique de l’économie. Le fil conducteur, pour ce faire, tire sa force de la connectivité offerte par les réseaux haut débit et autres terminaux de plus en plus intelligents et multiformes à mettre à la disposition des clients, outre les services digitaux qu’ils sont dans l’obligation de proposer (paiement mobile, services e-gouvernement, service e-santé, maison connectée ou streaming…). De tout cela, force est de RATÉ, souligner que le pays est encore loin LE RENDEZ-VOUS d’avoir amorcé cette transformation capitale. Puisque les trois opérateurs DIGITAL ? nationaux n’ont pas réellement intégré la révolution digitale, peinent à changer la donne et, par ricochet, freinent la transformation numérique du pays. Khalid Ziani, expert en télécoms, ne fait pas dans l’imprécation en mettant en exergues les ratés dans la démarche qui, en principe, doit être basée sur l’anticipation. En faisant des comparatifs entre l’évolution des opérateurs télécoms dans le monde notamment en Europe et au USA, le constat

70

PERSPECTIVES MED

qu’il établit est sans conteste alarmant : «cette révolution-là n’a pas encore eu lieu au Maroc ». Ailleurs, les opérateurs ont profité de la transformation numérique pour développer de nouveaux services et ont délaissé la partie classique qui consiste à offrir des services de base comme la voix (etc.) pour investir d’autres applications notamment sur le web (VoiP) etc. Aux yeux de l’expert, la raison de ce retard à l’allumage est imputable à « un environnement législatif qui a favorisé la stagnation et une situation de confort pour les opérateurs télécoms et surtout une situation de non-mutualisation des infrastructures qui, dans la situation inverse, aurait permis de dégager des marges de manœuvre pour investir dans d’autres secteurs de l’économie numérique». N’empêche, « les opérateurs télécoms sont le fer de lance de la transformation numérique complète dans un pays », martèle-t-il puisqu’«ils touchent forcément à tous les domaines grâce à une connectivité et des choses intelligentes qui communiquent et/ou communisent les informations qui sont scrutées ». Et d’ajouter que « si l’opérateur télécom ne prend pas en compte ce rôle de « digital enabler » de


l’économie, le pays est freiné dans son évolution de transformation numérique ». Résultat des courses, le Maroc est « freiné parce que les opérateurs télécoms n’assument pas leur rôle de transformateurs de l’économie numérique ».

LÉGISLATION OBSOLÈTE Adoptée en 2004, amendée en 2007 et 2010, la loi des télécoms s’avère obsolète à l’aune de l’évolution rapide du secteur. « Cette loi, qui a été conçue dans un environnement où n’existait pas Facebook, WhatsApp, Skipe… et où il y avait un seul opérateur, est complètement dépassée», précise le conseiller en chef Top Management de M2M. D’après lui, « le cadre dans lequel on fonctionne actuellement n’autorise pas de développer des nouveaux services numériques, ni ne permet aux opérateurs de profiter de la mutualisation des infrastructures qui diminuerait leurs investissements tout en leur permettant de les recentrer vers le développement de nouveaux services numériques ». Pour cet ancien DSI d’Econocom Managed Services (filiale de l’acteur européen de la transformation digitale des entreprises Econocom), « le cadre légal a une importance phénoménale ». C’est du moins le cas dans les pays européens qui, selon lui, « ont incité via la modification de la loi, les opérateurs pour préserver leurs marges et leurs marchés à se diversifier ». Si la première remarque consisterait à accabler les opérateurs, l’expert tempère en soulignant que « nulle part dans le monde cela ne s’est fait par les opérateurs eux-mêmes. C’est toujours, soit le régulateur, soit le gouvernement qui a pris la

décision de mutualiser les infrastructures ou de définir un cadre pour la mutualisation des infrastructures.» Les cas sont multiples et vont de l’Australie, à des pays de notre continent tels le Ghana, Kenya ou le Nigéria. Des pays proches de nous où, systématiquement, le régulateur et/où le gouvernement a pris des dispositions pour obliger les opérateurs à céder leurs infrastructures passives à ce qu’on appelle un « telco d’infrastructures », rappelle l’expert. Celui-ci n’aura pas de rôle autre que de gérer l’infrastructure passive, vendre à des prix très réglementés les services d’infrastructures passives aux opérateurs télécoms pour que ces derniers puissent par la suite délivrer leurs services via ces infrastructures. « Ça permet une mutualisation des services dont on a impérativement besoin au Maroc pour couvrir l’ensemble du territoire » ce qui fait toujours défaut à notre pays », ajoute K Ziani. Nul besoin de rappeler que l’ensemble du territoire n’est toujours pas couvert à 100%.

EN ATTENDANT LE« TELCO » Le Maroc affiche, pourtant, ses ambitions en se projetant comme un hub eurafricain, voire l’épicentre d’une coopération tripartite qui a des racines en Afrique et des branches qui vont au-delà du vieux continent pour toucher le Caucase et l’Himalaya. Mais peut-il y arriver alors que la couverture réseau est encore loin d’avoir atteint les 100% à l’échelle nationale? Assurément non, rappelle l’expert. « Nos infrastructures actuelles ne nous permettent pas de jouer ce rôle » regrette K. Ziani qui préconise « de permettre aux trois opérateurs marocains de céder leurs infrastructures pas-

sives à un opérateur mondial qui rachèterait les infrastructures passives et qui mettrait en vente les services demandés par les opérateurs à des prix encadrés ». Tel est le prix à payer sur la voie de la mutualisation des infrastructures. Une passerelle que le Maroc ne peut pas ouvrir sans le recours à des investissements colossaux que seul un « opérateur mondial peut faire ». En Afrique, des exemples sont légion, à l’image d’ICONE et de HFS. « Ce sont des opérateurs mondiaux d’infrastructures qui viennent racheter les infrastructures passives des opérateurs et ont un cahier de charge de couverture du territoire et un cadre tarifaire qui les oblige à vendre à un certain prix aux opérateurs télécoms », indique l’expert. Qui plus est souligne qu’une telle démarche «permettra aux opérateurs télécoms de consacrer leurs investissements à la diversification des services » et donner lieu à « la révolution des objets connectés, la révolution du mobile Banking, la révolution du cloud computing… Autant de chantiers sur lesquels nous n’avons absolument pas avancé ». Pour l’instant, face à la baisse du chiffre d’affaires des opérateurs et par ricochet des impôts et taxes (entre 11 et 12 milliards de dirhams), l’ANRT et le gouvernement, qui sont dans une situation de stress budgétaire, prennent des « mesures complètement aberrantes comme le blocage de la VoIP » et des mesures comme l’encadrement des offres tarifaires des opérateurs télécoms qui poussent mécaniquement les opérateurs à réviser à la hausse leurs tarifs», déplore l’expert. Des actions qui ne font que retarder l’inéluctable métamorphose du secteur.

PERSPECTIVES MED

71


ECONOMIE INTERDICTION DES SACS EN PLASTIQUE Par: M.T.

GUERRE DÉCLARÉE AU POLYÉTHYLÈNE ! Adoptée à la hâte, la loi interdisant les sacs en plastique risque de rester lettre morte. A moins d’un mois de son entrée en vigueur, cette procédure dite « irréversible » par la tutelle risque d’être repoussée face au peu d’entrain des industriels « angoissés » par ses retombées. La démarche officielle brusque une industrie en mal de reconversion et laisse dire que le Maroc se veut plus « écolo » que les autres. Pourtant, la France qui a organisé la COP 21 a reporté l’interdiction et pourrait même repousser l’interdiction une deuxième fois.

E

n publiant au bulletin officiel la loi 77-15 interdisant les sacs en plastique et fixant la date d’entrée en vigueur au premier juillet prochain, le ministère de l’Industrie, initiateur de ce projet, pensait bien faire. Marrakech abrite la COP 22 en novembre et le pays s’est doté d’une charte de l’environL'ÉCO-RESPONSABILITÉ nement… Mais c’est sans compter avec les effets pervers de cette déEN QUESTION cision qui risque de détruire des emplois et de peser lourd sur des industriels pour la plupart endettés. Du côté de la tutelle, le discours tend vers la minimisation des dégâts. Une enquête tout ce qu’il y a d’officiel estime que l’enjeu ne porte

72

PERSPECTIVES MED

que « sur 2.000 emplois permanents, un chiffre d’affaires de 2 milliards de DH et un PIB (produit intérieur brut) industriel de l’ordre de 211 MDH. Bref, une quantité négligeable, en somme. Surtout qu’une subvention est à l’ordre du jour pour assurer un recyclage d’une industrie polluante pour le respect de la durabilité. Toute TPME dont le CA est inférieur à 10 MDH aura droit à une subvention plafonnée à 2 MDH, assure-t-on. Pendant ce temps, les industriels évoquent le cas de pas moins de 300 entreprises, sans compter l’informel, avec plus de 50.000 emplois menacés. Conscient des difficultés pouvant miner son initiative, le ministère dont l’enquête a réaffirmé que l’essentiel de ces entreprises opèrent dans l’informel, a publié le 3


mai un avis de manifestation d’intérêt aux industriels désireux d’opérer leur reconversion. Mais le hic est que le délai fixé à cette reconversion est court : moins de deux mois ! « Si le déménagement d’une unité de Tétouan à Casablanca s’est fait en 7 mois, croyez-vous qu’un opérateur pourrait se reconvertir en moins de deux mois ? », s’est exclamé non sans ironie un dirigeant de la Fédération marocaine de la plasturgie (FMP). L’avis ainsi émis rejoint celui du directeur de ladite Fédération, Nabil Saouaf qui affirme qu’il « est indiscutable» que la « fédération adhère à 100% à l’application de la loi » qui intègre les engagements annoncés par le Royaume lors de la COP 21. Toutefois, le délai laissé aux industriels est «très court». Selon lui, à moins d’un mois de la date butoir, beaucoup de questions restent sans réponses. « Comment accompagner les entreprises, de quelle façon et selon quel timing ? »

RECONVERSION PROBLÉMATIQUE L’enquête ministérielle se veut rassurante en faisant état l’adhésion de la majorité des opérateurs à la reconversion industrielle. N’empêche, les opérateurs ne cachent pas leur leurs craintes. Deux options leur sont proposées in fine: bénéficier d’un programme d’appui ou d’un programme de reconversion. Face à cette offre, les opérateurs demeurent partagés. Surtout que la première option ne concerne que quelques unités ayant la capacité de se maintenir dans la production des sacs en plastique non interdits et qui devraient, selon une la corporation, bénéficier des programmes d’appui de Maroc PME. Chose qui n’est pas du tout à l’ordre du jour, selon N. Saouaf. «Tous les sacs sont interdits par la loi en sursis qui devrait entrer en vigueur le premier Juillet » souligne-t-il quand bien même la production de sacs en plastique biodégradables soit obtenue par la reconversion des procédés de fabrication similaires mais respectueux de l’environnement, ou par l’ajout d’additifs permettant de rendre le plastique conventionnel plus friable et donc biodégradable. La deuxième option, elle, concerne, les entreprises souhaitant opérer

une reconversion industrielle. Une proposition qui, selon des indiscrétions, se décline en « un financement d’un plan de reconversion accompagné d’une subvention dont le montant pourrait atteindre 50% de l’investissement global». On ajoute que les PME dont le CA oscille entre 2 et 10 MDH auront droit à une prime pouvant s’élever à 10 MDH. Néanmoins, les condi-

LES INDUSTRIELS VEULENT UN MORATOIRE POUR RÉUSSIR LEUR RECONVERSION

tions imposées pour bénéficier de « ces aides sont excessivement discriminatoires», laisse-t-on entendre au sein de la profession. «Il suffit de dire que le ministère impose un état régulier vis-à-vis de la CNSS, du fisc et des états financiers certifiés par la DGI etc., pour se rendre compte que la

liste des entreprises éligibles est très restreinte». Le hic, selon lui, « c’est que même les entreprises formelles ne sont pas toutes en mesure de se conformer à ces conditions». Que dire alors de l’essentiel de la filière qui opère dans l’informel ? Au moment où des pays développés très soucieux de l’aspect écologique dans leur politique publique comme la France ont choisi de repousser le délai de 6 mois afin d’éviter une hémorragie des emplois, le Maroc y va les yeux fermés. « On avait demandé un délai de grâce, mais on n’a pas reçu de réponse jusqu’à présent », signale le Directeur de la FMP. N. Saouaf rappelle que la France a prolongé le délai de quatre ans et l’Arabie Saoudite aussi de 5 ans. «On ne comprend pas pourquoi le Maroc ne pourrait pas faire de même». S’exprimant sur un ton un peu déconcertant. Que va faire la tutelle qui n’a pas choisi une interdiction progressive dans ce cas? N’aurait-il pas été plus judicieux de promouvoir une écologie « gagnant-gagnant» en allant progressivement vers des alternatives «bio sources » et « compostables» et donner lieu à la création locale d’un nouveau marché de sachets « amis de la nature » sur la base de l’alpha, voire du chanvre?

PERSPECTIVES MED

73


MARCHÉS COTATIONS BOURSIÈRES par: A.M

UN MOIS DE MAI NÉGATIF

A

près avoir enregistré sa meilleure performance mensuelle depuis janvier 2015 avec un rebond de presque 7 % du Masi à l’issu du mois avril dernier, la Bourse de Casablanca renoue avec la morosité et clôture le cinquième mois de l’année en baisse. En effet, à l’issue de mai marqué par le détachement habituel des dividendes et la revue en baisse du Maroc dans LES POIDS LOURDS l’indice MSCI Frontier Market, l’indice phare DE LA COTATION FONT de la place casablancaise, le Masi a enreGRISE MINE gistré une baisse de 2,18 % à 9.757,92 points, rompant ainsi avec sa tendance haussière initiée depuis février. Même tendance enregistrée du côté du Madex qui a franchi, à la baisse, la barre des 8.000 points pour s’établir à 7.966,20 points, soit 193,55 points de moins sur un mois.

74

PERSPECTIVES MED

Ainsi, les performances "Year-To-Date" (YTD) de ces deux indices se trouvent amoindries à +9,32 % et +9,80 %, contre +11,76 % et +12,47 % à fin avril dernier. Cette baisse est principalement attribuable à la mauvaise performance de certains poids lourds de la cote à l’image de la première capitalisation de la place Itissalat Al-Maghrib (-7,25 %), le cimentier Lafarge (-8 %) et le groupe Attijariwafa bank (-2,23 %). En effet, ces trois valeurs ont contribué négativement à l’évolution du Masi durant le mois écoulé respectivement avec -148,88 points, -61,63 points et -35,90 points.En termes de flux, les volumes échangés ont affiché une progression mensuelle de 64,4 % à 3,62 Mrds Dhs. Une dynamique redevable à la fois à la hausse des transactions sur le marché central (+40,9 % à 3,02 Mrds Dhs) et au rebond des opérations de gré à gré (605,4 M Dhs, contre 60,9 M Dhs au 30 avril 2016). Pour sa part, la capitalisation boursière de la place en repli de 2,42 %, ressort à 490,60 Mrds Dhs.


LA BVC EN S.A par: A.M

NÉO STATUT POUR L’EFFICIENCE La réforme de la bourse de Casablanca est en marche. L’acceptation actée des termes du cahier des charges par l’ensemble des nouveaux actionnaires a amorcé la concrétisation effective de l’ouverture du capital de la place aux nouveaux actionnaires.

F

aisant suite à la première cérémonie officialisant la démutualisation de la bourse entérinée en novembre de l’année passée, Mohamed Boussaid, ministre de l’Economie et des finances, a réuni l’ensemble des nouveaux actionnaires de la bourse de Casablanca (Banques, entreprises d’assurances, sociétés de bourse, la Caisse de dépôt et de gestion et Casablanca finance city authority) afin de parapher le cahier des charges les LA BVC OPÈRE liant à l’Etat et qui acte le rôle et les nouvelles SA MUE. missions de cette institution dans le cadre élarDU CONCRET gi de son actionnariat. Par la démutualisation SOUS PEU de la BVC, qui consiste à faire évoluer une association détenue par ses membres en une structure de propriété prenant la forme d'une société de capitaux, la bourse des valeurs affirme explicitement sa vocation à faire des bénéfices. Cette démutualisation se matérialise par une ouverture du capital de la BVC pour un actionnariat qui se présente pour rappel comme suit : 39% par les banques ; 11% par les assurances ; 5% par CFCA ; 20% par les sociétés de bourse et Casablan-

75

PERSPECTIVES MED

ca Finance City (CFC) ; et 25% par la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) à titre de portage. La participation de CDG sera toutefois ramenée à 5% au profit d’un investisseur industriel étranger qui devrait être, sans doute, la bourse de Londres, avec laquelle un partenariat stratégique devrait être rapidement mis en place. En principe, et bien que le processus administratif et financier soit pour le moins long, la finalisation des nouveaux statuts de la Bourse, du pacte d’actionnaires et la concrétisation effective des opérations d’entrée dans le capital devront avoir lieu avant l’échéance électorale. DÉTAILS DU CAHIER DES CHARGES En attendant la suite de ce processus du renouveau de la place, les axes majeurs du nouveau cahier des charges de la place casablancaise se traduisent dans un premier lieu par la volonté de mettre en phase les missions de cette institution avec le projet de développement du marché boursier. Et aussi par le fait que la Bourse se dotera d’un nouveau schéma intégré d’organisation afin qu’elle soit érigée en un holding qui gère l’ensemble de l’infrastructure du marché, y compris les entreprises du marché à terme que la Bourse va créer (Société gestionnaire et chambre de compensation). Dans un second lieu, il est prévu d’assigner à l’institution de la Bourse

PERSPECTIVES MED

75


MARCHÉS

un rôle étendu en matière de développement du marché à travers notamment la structuration d’instruments financiers sur le marché boursier et de façon plus globale, l’enrichissement continu de l’offre de produits et services. Le renforcement des règles de bonne gouvernance fait aussi partie des axes du nouvel cahier des charges. Ainsi, la nouvelle structure de l’actionnariat qui traduit clairement la volonté d’associer davantage les principaux intervenants du secteur financier (dont les représentants du secteur bancaire, des assurances, des sociétés de bourse, de la Caisse de dépôt et de gestion et de Casablanca Finance City), dans la définition de la stratégie de développement de la place. Sur le même registre, un comité de suivi auprès de la Bourse chargé de s’assurer de la mise en place des nouvelles infrastructures du marché sera institué. En plus, l’engagement est clarifié pour l’accompagnement du positionnement de CFC en tant que hub financier sur la scène régionale. Et ce, à travers entre autres la contribution à la mise en place d’un environnement compétitif pour la cotation des titres étrangers et la diversification des instruments financiers offerts aux investisseurs internationaux. Cherchant à donner impression que le gouvernement tend à joindre les actes à la parole, le ministre a rappelé, dans cette optique, quelques réformes majeures de développement du marché qui ont été ou sont en cours d’installation. Il s’agit, notamment, de la mise en place effective de l’Autorité marocaine des marchés de capitaux et ses prérogatives renforcées pour assurer la transparence du marché et renforcer la confiance des investisseurs première condition de réussite de tout marché. Vient ensuite, le renforcement de la

76

PERSPECTIVES MED

panoplie d’instruments financiers et de marchés offerts aux investisseurs et aux émetteurs tels que les instruments financiers à terme, le prêt de titres, la titrisation des créances, les OPCI et les OPCR. Enfin le ministre a insisté sur le cadre relatif au projet de loi sur la bourse qui apporte plusieurs nouveautés dont la mise en place d’un marché dédié aux petites et moyennes entre-

prises, la cotation des fonds qui devrait ouvrir des perspectives importantes en matière de contribution de la bourse au financement de l’économie. Sans oublier l’impératif d’améliorer la liquidité du marché boursier ou encore l’encadrement des conseillers en investissements pour un plus grand professionnalisme des intervenants dans l’intermédiation.

RÉFORME EN MARCHE LES ASPIRATIONS DE BOUSSAID Le cahier des charges fixe et encadre on ne peut plus clairement les missions et tâches de la bourse. Primo, la première tâche de cette institution devra traduire ses missions dans un projet industriel intégré adossé à un plan d’action pour sa réalisation. Les nouveaux actionnaires devront se faire représenter au plus haut niveau dans le Conseil d’Administration de la bourse surtout lors de son premier mandat quand il aura à prendre des décisions stratégiques qui vont orienter le développement de la place. Celle-ci ainsi que les principales institutions financières de la place seront appelées à jouer un rôle plus

actif en matière d’identification et d’accompagnement des secteurs ou des projets qui ont besoin de financement par la Bourse ou plus globalement par le marché des capitaux. Des secteurs tels que les nouveaux métiers mondiaux du Maroc et plus largement les opportunités offertes par les différentes stratégies sectorielles outre la place que doit occuper la PME au niveau du marché boursier. Dans cette perspective, il est d’une importance capitale que de développer un marché compétitif qui offre des conditions et coûts d’accès qui devraient converger vers les pratiques des meilleures places financières.


ENTREPRISES ADM Par: M.T

PERFORMANCE ALOURDIE PAR LA DETTE Dans une situation patrimoniale difficile, la Société nationale des autoroutes du Maroc (ADM) réalise un chiffre d’affaires en permanente progression. Si le trafic autoroutier lui permet des recettes en hausse, son résultat net plombé par l’endettement. Ce qui n’empêche pas son management de dire que sa situation est loin d’être inextricable. « 2015 était une bonne année pour ADM » ; telle est la sentence du directeur d’ADM, Anouar Benazzouz, prononcée lors de la présentation des résultats de l’une des sociétés les plus endettées du Royaume. A fin 2015, ADM entretenait un réseau de 1.588 km en exploitation et 184 km d’autoroutes en cours de construction. Avec ce réseau qui devrait s’étendre à 1770 à fin 2016, selon le Top management, ADM a pu réaliser un CA de 2,42 Mrds Dhs contre 2,21 Mrds Dhs en 2014 en hausse de 9,15%. Cette augmentation, due à la hausse des recettes de 9,7% (2,31 Mrds Dhs (hors taxe)) s’est reflétée sur son excédent brut d’exploitation qui a évolué au 31 décembre 2015 de 3,64% par rapport au 31 décembre 2014. Cette appréciation est due, principalement, à l’augmentation du chiffre d’affaires d’un montant de 203 MDH, et ce malgré la hausse des charges de grosses réparations d’un montant de 119 MDH». Cependant, son résultat net a été marqué par une perte de 2,15 Mrds Dhs contre 1,14 en 2014, principalement due à la dégradation du résultat financier. Ce dernier a connu une dépréciation de 385 MDH suite entre autres à la constatation d’une provision pour grosses réparations de 600 MDH. Sur le plan

des réalisations, l’ADM reste l’une des rares entreprises publiques qui ont un taux de réalisation des engagements avoisinant les 100%. Ainsi, « 8 des 9 projets prévus dans la cadre du contrat programme 2008-2015 (1039 km) ont été réalisés», a indiqué A. Benazzouz, soulignant que « le tronçon Berrchid-Tit Mellil, qui tarde à cause de l’expropriation, sera lancé en 2016 ». Sur le plan financier, le management se dédouane de toute responsabilité. « Pour tout ce qui est financement, c’est l’Etat qui fait tous les choix », confie A. Benanzzouz. Par ailleurs, la principale réalisation d’ADM ces derniers temps reste la mise en service de télépéage Jawaz et sa généralisation, courant 2016. Lancée en juin 2014 afin de fluidifier le trafic, Jawaz est une solution qui fonctionne à l’aide d’un boîtier collé au pare-brise et qui permet d’effectuer automatiquement la transaction en matière de péage en levant la barrière et en décomptant le montant du péage du solde du client. Dans un premier temps, Jawaz a été déployé sur un périmètre limité entre Kénitra et Berrechid, sans aucune majoration sur les tarifs. En tout, près de 29 000 tags Jawaz ont été vendus à ce jour.

PERSPECTIVES MED

77


ENTREPRISES CIMR PÉRENNITÉ DU RÉGIME CONFIRMÉE

JET CONTRACTORS PHOTOVOLTAÏQUES INVESTIS Le Groupe Jet Contractors vient de procéder à la signature d’un protocole d’accord pour la construction d’une usine de cellules et une autre de modules photovoltaïques d’une capacité de 160 MW chacune et ce, dans le cadre d’un partenariat reliant sa filiale PV Industry avec l’opérateur chinois Hareon Solar, la société d’investissements énergétiques -SIE- et Attijariwafa Bank. A cet effet, la joint-venture à créer sera détenue par PV Industry et Hareon Solar à hauteur de 40% chacune et par la SIE pour 20%. La signature des accords définitifs par lesdits partenaires devrait se concrétiser post approbation de leurs Conseils d’Administration respectifs. En parallèle, PV Industry devrait démarrer, dans les prochaines semaines, le process de mise en conformité de son unité existante de modules photovoltaïques d’une capacité de 30 MW avec la technologie certifiée « TIER 1 BLOOMBERG » de la société Hareon Solar et ce, dans un délai maximum de 6 mois. Dans le cadre de cet accord, l’opérateur chinois devrait fournir à la filiale marocaine l’accès à sa technologie en termes de résultats et de R&D ainsi que lui transférer toute la technologie et le savoir-faire industriel. A travers cet accord, Jet Contractors renforce son positionnement sur le solaire avec davantage d’intégration amont, devant lui permettre d’améliorer aussi bien son offre que ses niveaux de marges dans un contexte de forte demande en la matière, notamment au Maroc. Enfin, signalons que Hareon Solar est une SA cotée à la Bourse de Shanghai au capital de 720 M $. Leader du PV chinois, la société dispose d’une capacité de production annuelle de 1 800 MW de cellules et de 1 200 MW de modules.

Khalid Cheddadi, Président Directeur Général de la caisse a présenté les résultats financiers de l'exercice 2015 ainsi que les résultats du Bilan Actuariel qui confirme la pérennité du régime. Ainsi, la CIMR a enregistré une progression de 11,2% de la réserve de prévoyance à plus de 40 Mrds Dhs en valeur comptable. L’excédent d'exploitation de l’exercice, affecté à la réserve de prévoyance, s’élève à 4 Mrds Dhs et les produits nets du patrimoine sont de 2075,80 M Dhs, enregistrant une hausse de 5%. Dans le détail, la CIMR a enregistré au 31 décembre 2015 un excédent d'exploitation totalisant 4 043,43 M Dhs. De ce fait, conformément aux dispositions statutaires et compte tenu de cet excédent, la réserve de prévoyance a été affectée pour le montant total de l’excédent d’exploitation. Elle est passée de 35 961 M Dhs à 40 004 M Dhs, représentant une progression de 11,2%. L’année 2015 a enregistré l’adhésion de 706 nouvelles entreprises au profit de 6106 affiliés. Par ailleurs, le nombre des salariés affiliés à la CIMR a progressé de 2,6% environ, atteignant un effectif global de 595 091, répartis entre actifs cotisants, au nombre de 320 315 et ayants droit, au nombre de 274 776. Le nombre d’actifs cotisants a également progressé de 1,5% par rapport à 2014, dépassant l’hypothèse retenue pour l’élaboration du bilan actuariel annuel, qui fixe l’évolution minimale annuelle du nombre d’actifs à 0,5% pour assurer le maintien de l’équilibre du régime. Enfin, la projection du fonds de prévoyance réalisée dans le cadre du bilan actuariel répond aux deux critères de pérennité fixés par la charte de pilotage. Le fonds est ainsi constamment positif sur la durée de projection et la courbe de projection est ascendante en fin de période. La situation en 2015 s’est améliorée par rapport à 2014.

TAQA MOROCCO RYTHME MAINTENU Au terme du premier trimestre 2016, le leader marocain de la production électrique a affiché des indicateurs de rentabilité au beau fixe. Ainsi, le chiffre d’affaires consolidé s’est replié de 7% à 2 074 M Dhs, intégrant essentiellement une appréciation de 3,9% des frais de puissance, justifiée en grande partie par une amélioration de 2,4 pts du taux de disponibilité des unités 1 à 4 à 96,9%, compensant de facto, le retrait de 17,4 pts du taux de disponibilité des unités 5&6 à 76,7%. Sur ce volet, il convient de noter que le premier trimestre a connu la réalisation de la révision planifiée de l’unité 5, en conformité avec le plan de maintenance. Et enfin un retrait de 18,1% des frais d’énergie, en lien essentiellement avec l’évolution du prix du charbon à l’international.

78

PERSPECTIVES MED

Capitalisant sur l’évolution des frais de puissance et sur les efforts consentis en termes d’optimisation des charges, le Résultat d’exploitation consolidé s’est élargi de 2% à 673 M Dhs. Au final, le RNPG s’est bonifié de 5% à 256 M Dhs. Concernant les dividendes, le Groupe annonce que le paiement des 30 Dhs/action sera effectué au plus tard le 27 juillet 2016. En dépit de l’arrêt planifié de l’unité 5, le Groupe a pu assurer la croissance de ses frais de puissance, capitalisant essentiellement sur la performance opérationnelle des autres unités. Une performance qui a été accompagnée par des efforts d’optimisation des charges qui continuent de contribuer à l’appréciation des marges du producteur émirati.


SOFAC : BONNE PERFORMANCE Le groupe Alliances vient de publier un communiqué expliquant le retard de publication de ses réalisations annuelles de l’exercice 2015. Dans ce sens, le groupe rappelle avoir lancé son plan de restructuration qui comporte un certain nombre d’actions, parmi lesquelles figurent la mise en place d’une nouvelle gouvernance, la réorganisation du groupe, la réduction des charges de structure, la réduction de la dette bancaire, la réduction de la dette privée ainsi que le recentrage sur les métiers historiques, et ce, via la liquidation des sociétés EMT. Selon la société immobilière, ce plan de restructuration, mené avec l’accompagnement de conseillers professionnels, permettrait de donner une meilleure visibilité sur la

période 2016/2018. Dans ce sens, la société a jugé nécessaire de reporter la tenue des conseils d’administration d’arrêté des comptes 2015 au 10 mai 2016 en vue de présenter les comptes clos au 31 décembre 2015 et les projections issues de ce plan de restructuration.

SAMIR LIQUIDATION CONFIRMÉE La cour d’appel du Tribunal de Commerce de Casablanca a confirmé le jugement prononcé par le Tribunal de Commerce de Casablanca plaçant SAMIR en liquidation judiciaire. Ainsi, ni les arguments présentés par les avocats d’AL AMOUDI, actionnaire majoritaire, ni l’engagement de ce dernier d’injecter M USD 680 en cas de conversion de la liquidation en redressement judiciaire n’auront suffi à convaincre la cour. Rappelons que les dettes de SAMIR s’élèvent à plus de 44 Mrds Dhs dont plus de 13 Mrds Dhs auprès du Fisc. SAMIR aurait encore la possibilité de porter l’affaire devant la Cour Suprême, mais cette dernière ne pourra pas interrompre la procédure de liquidation en cours. Le Gouvernement, s’est, de son côté, engagé à faire son possible afin que l’ensemble des dettes de la société soient remboursées et que la situation des salariés soit préservée. Ce dernier devrait aussi relancer la production de la raffinerie pendant le processus de liquidation afin d’attirer des acquéreurs potentiels. Redémarrage en stand by…

BCP ADAPTATION À LA RÉGIONALISATION La BCP a publié un avis de convocation des actionnaires à une AGE pour l’approbation du projet de convention de fusion par voie d’absorption de BP El Jadida-Safi par la BCP, de l’évaluation du patrimoine de l’absorbée et de sa dissolution, selon les conditions suivantes : Cette opération sera définitive à la réalisation de la dernière condition suspensive, soit l’agrément de la BCP en tant qu’établissement de crédit après absorption de la Banque régionale. Celle-ci se trouvant dissoute le même jour, sans qu’il soit procédé à aucune opération de liquidation. La prime de fusion est nulle et résulte de la différence entre la valeur du patrimoine transmis au terme de cette opération diminuée des parts sociales remboursées par la BP El Jadida-Safi ou mutées vers d’autres BPR et la valeur comptable des parts sociales de la BP El-Jadida-Safi dans les livres comptables de la BCP. Rappelons que cette opération intervient pour harmoniser le périmètre de la BCP avec celui de la Région Casablanca-Settat nouvellement créée après la mise en œuvre de la régionalisation avancée par les autorités publiques en 2015.

PERSPECTIVES MED

79


ENTREPRISES ATTIJARIWAFA BANK

FONDS PROPRES À RENFORCER Attijariwafa bank a obtenu en date du 08/06/2016 le visa de l'AMMC pour l'émission d'obligations subordonnées d'un montant de 1 Mrds Dhs portant jouissance à partir du 28/06/2016. Le Groupe vise à travers cette opération, dont la période de souscription s'étalera du 16 au 20 juin 2016 inclus, à renforcer ses fonds propres réglementaires et, par conséquent, son ratio de solvabilité (12,5% sur base consolidée à fin 2015) ainsi qu'à financer son développement tant à l'international qu'au niveau domestique. Cette émission se fait avec une prime de risque comprise entre 75 et 85 pbs pour les tranches A, B, C et D et entre 90 et 100 pbs pour les tranches E et F, soit à un niveau identique à la précédente opération. Pour rappel, celle-ci remonte à décembre 2015 et portait également sur un montant de 1 Mrds Dhs. A la suite de cette nouvelle opération, l'encours de dettes subordonnées devrait représenter près de 27,7% des fonds propres et assimilés (contre 26% à fin 2015). En terme de perspectives, la Banque compte poursuivre ses objectifs stratégiques à horizon 2017, se rapportant notamment à la consolidation du positionnement sur le Corporate & Retail banking, la captation d'une part significative sur les segments faiblement pénétrés (Banque économique, TPE, PME, etc.), le développement de produits de la banque transactionnelle et des marchés de capitaux et l'expansion dans les pays à fort potentiel de croissance ainsi que l'intégration et transformation des filiales acquises en Afrique. Enfin, Attijariwafa bank prévoit un programme d’investissements de près de 2,3 Mrds Dhs sur la période 2015-2017 incluant l’aménagement de plusieurs agences, la création de nouvelles ainsi que et la mise à niveau de la sécurité et la modernisation des infrastructures informatiques.

CARTIER SAADA : BONNE SAISON A l’issue de l’exercice 2015, clos le 31/03/2016, CARTIER SAADA affiche au compteur un chiffre d’affaires en progression de 5,8% à 133,8 MDH comparativement à la même période de l’exercice écoulé. Cette évolution intègre une amélioration de 3,8% des ventes à l’export à 127,3 MDH (soit 95% du chiffre d’affaires global) et 71,1% des ventes au Maroc à 6,5 MDH. Dans une plus ample mesure, le résultat d’exploitation signe un bond de 2,1x à 16,8 MDH, recouvrant notamment une variation de stocks de produits de 10,2 MDH contre -4,2 MDH en 2014. Au volet des perspectives, la société ambitionne d’assurer la pérennité et la rentabilité dans un esprit de développement durable à travers une nouvelle vision stratégique, devant se matérialiser par la mise en œuvre d’un plan d’investissements sur trois ans pour une enveloppe totale de 25 MDH. Ce projet devrait bénéficier d’une subvention d’Imtiyaz croissance de l’ordre de 5 MDH.

80

PERSPECTIVES MED

MED PAPER MESURES DE SAUVEGARDE Med Paper vient d'obtenir gain de cause suite à sa requête présentée auprès du Département de Commerce Extérieur et qui concerne les importations de papier en rame ou en bobine. L'enquête diligentée dans ce sens a, en effet, conclu à l'existence de graves dommages à la production nationale, aboutissant à l'instauration de mesures de sauvegarde en appliquant un droit additionnel de 25% sur les importations de papier. Ces mesures devraient être mises en place pour une durée de 4 ans, assortie d'un calendrier de démantèlement progressif pour passer à 15% en 2020. A ce titre, notons que la part de marché des importations de papier en rame est passée 64,8% en 2010 à 99% au S1 2015, et celles du papier en bobine de 48,9% en 2010 à 97,6% à la première moitié de 2015. L'instauration de ces mesures devrait donner une bouffée d'oxygène à Med Paper.

OCP LÉGER RECUL DES RÉSULTATS À FIN MARS

Dans un contexte de marché moins favorable pour les produits de phosphate, le leader mondial de l’industrie des engrais a publié ses résultats pour les 3 premiers mois de l’année en cours. Le chiffre d’affaires du Groupe ressort en léger recul de 5,2% par rapport au premier trimestre 2015 à 10,3 Mrds Dhs (contre 10,9 Mrds Dhs au T4 2015) intégrant un effet prix négatif non compensé par la hausse des volumes. La marge brute s’est ainsi maintenue à des niveaux similaires à la même période une année auparavant à 67,4%, alors que la marge d’EBITDA s’est contractée à 28% contre 36% au T1 2015 (vs. 35% au T4 2015). Cette dernière a été affectée par le recul du chiffre d’affaires et la baisse de la production stockée, neutralisant l’effet favorable de la baisse des cours des matières premières notamment le souffre et l’ammoniac. Sur le plan opérationnel, le REX s’est délesté de 880 MDH par rapport à fin mars 2015 pour atteindre 2,4 M Dhs et les cashflows opérationnels réajustées se sont établis à 622 MDH contre 2,1 Mrds Dhs l’année précédente. Enfin, et pour ses perspectives, l’OCP prévoit une amélioration graduelle des conditions de marché pour la suite de l’année grâce à la reprise de la demande et la stabilisation des prix.


CULTURE ECRIRE L’ESPOIR

LA SOMME DES RÊVES

Peut-on ébranler les archaïsmes, bousculer les mentalités et imprimer une dynamique libératrice d’un pays sans révolution culturelle ? La réponse tombe sous le sens… Sauf pour ceux que l’inconfort du questionnement lancinant incommode pour des raisons évidentes du maintien en l’état de la société. Un équilibre des plus précaires à l’heure où la désaffection politique atteint des degrés laisse croire en l’absence de tout civisme au sein d’une société qui s’emmure dans le silence. Dur test pour la démocratie à laquelle aspirent les esprits libres. Ceux-là mêmes qui croient toujours, loin des collectionneurs des déconvenues fatalistes, en des lendemains qui chantent. La somme des rêves d’une minorité agissante peut encore être évaluée par tous ceux qui croient que le pays est un désert culturel où rien ne pousse… Si l’on excepte les mauvaises herbes. La collection de Souffles (et de son alter ego arabe « Anfass ») sort des placards de l’oubli. Grâce au combatif Abdellatif Laabi dont le parcours d’intellectuel engagé ne se dément pas. N’en déplaise à ceux qui ne jurent que par la restauration de la technostructure, sans âme, pour piloter le développement du pays. Oubliant au passage que le combat contre le sous-développement est d’abord un combat d’idées.

PERSPECTIVES MED

81


CULTURE ABDELLATIF LAABI, UNE POÉTIQUE CHAOTIQUE par: L.M

JUSTE COMBAT, JUSTES MOTS Poète et romancier, dramaturge et traducteur, Abdellatif Laabi n’est pas un inconnu de l’échiquier littéraire marocain. Connu pour avoir joué dans la case de la contestation, cet intellectuel engagé jusqu’au bout des ongles, n’a pas cherché à se détourner de ses anciennes amours en changeant de veste.

B

ien au contraire, il s’acharne toujours à faire vivre cette lueur de la création critique dont le pays a grandement besoin. C’est à croire que les années de braise qui ont laissé leurs marques sur le corps frêle qui le transporte dans ses diverses pérégrinations n’ont réussi in fine qu’à forger davantage ses convictions ENTIER, A. LAABI en un monde meilleur. Car il n’y a pas pire MÈNE SANS RELÂCHE pour un pays que de vivre au rythme d’une LA LUTTE POUR SES IDÉES désertification culturelle qui mine les esprits. Rien d’étonnant, dès lors, à ce que l’enfant de Fès, établi dans son cocon de Harhoura (là où il a été agressé en compagnie de sa femme), engonce de nouveau la tenue de l’engagement pour faire rééditer les exemplaires des revues « Souffles» et «Anfass » qui l’avaient. Une collection contre

82

PERSPECTIVES MED

l’oubli. Susceptible aussi de meubler les cases vides d’une quête d’une réflexion responsable sur les événements tragiques qui secouent le monde arabe. Hier embastillonné pour « complot » contre le régime, Ilal Amam étant assimilé à un mouvement d’extrême gauche qui théorisait pour la reproduction locale de la thèse du « foco », le revoilà qui «complote » contre un désordre gouvernemental qui assure, de la bouche même de son chef islamiste, que le pays n’a que faire de la poésie et de la littérature, le développement étant une affaire qui ne saurait être que de l’ordre des ingénieurs et autres « techniciens». Mais il faut avouer que A. Laabi a ce pouvoir d’imprécation quasi prophétique qui ne trompe pas. Bien avant la réédition de l’aventure éditoriale à laquelle il présida dans les années soixante et début soixante-dix, n’a-t-il pas accouché d’un manifeste pour la résurgence de la culture dans le pays ? C’est comme s’il avait lu dans le marc la décomposition avancée que les strctures intellectuelles subissaient devant les assauts incessants


d’une pensée unique qui drape son conservatisme dans une supposée « technicité» pour ne pas contrarier l’aspiration à la modernité. Un manifeste qui, fort malheureusement, n’a pas bénéficié de l’intérêt qu’il devait susciter dans les milieux intéressés. Les intellectuels « démissionnaires» fuyant la scène le disputant aux «réactionnaires» en mal de reconnaissance pour générer le vide… Quel tourbillon ! PRÊCHER DANS LE DÉSERT Mais au-delà de ces combats, loin d’être d’arrière-garde pour un sou, voire picrlichiens, c’est l’œuvre d’A. Laabi qui importe. Car elle continue d’éclairer sur ce qui a toujours habité l’homme, le militant et le créateur. Dans « Le Livre imprévu », on y lit une critique de la vacuité des médias et de ses représentants happés qu’ils sont dans la course au buzz plus qu’à l’amorce de débats salvateurs pour une société qui s’enkylose sous leurs yeux. Un ratage qui, il faut en convenir, éclaire d’un jour nouveau l’abattement des « hommes de plume» et le retrait, sur le bout des pieds, des plumes qui jouaient tantôt aux mouches du coche tantôt aux veilleurs… L’essentiel consistant à animer le débat autour d’une démocratisation à construire… C’est ce vide là qui a donné leur chance à ces «diables d’hommes, barbus jusqu’aux couilles, et des jeunes filles en fleurs bien fanées sous le voile de rigueur. » L’islamisme rampant est bien là, installé dans la cité. Et le drame c’est que nul ne sait jusqu’à quand le repli durera. « Devant cette réalité, il ne sert à rien de se lamenter. Cette nouvelle donne ne doit pas pousser à rendre les armes avant d’avoir combattu. La bataille des idées est de nouveau devant nous. Encore faut-il s’y rendre après avoir revisité de façon critique celles qui nous ont fait monter au créneau il y a cinquante ans! ». Le poète a-t-il toujours raison ? «Un autre Maroc » est-il possible? Edité en 2013, cet opus s’acharne à décortiquer l’Histoire du pays à la lumière de la transition monarchique. Si sous Hassan II, « la chair et l’âme des insoumis » étaient écrasées, les temps n’ont changé que pour revêtir d’autres formes. L’intellectuel dira que « l’écrasement est moins brutal et systématique sous le nouveau règne. Le nier serait stupide. Mais il revêt d’autres formes qui ne sont pas moins stérilisantes s’agissant de la vie politique. » L’analyse faite de cette dernière est assimilable à un «théâtre de marionnettes où les ficelles sont tirées par ce que l’on appelle par euphémisme le « pouvoir profond », terme qui remplace de plus en plus, dans le nouveau lexique

politique marocain, celui bien connu de makhzen, désignant l’ensemble des appareils de l’institution monarchique. En dehors d’une minorité qui proteste encore contre la duperie d’un tel système, la plus grande partie de la classe politique, y compris la mouvance islamiste qui est au gouvernement aujourd’hui, s’en accommode sans grands états d’âme. » A. Laabi fait-il partie de ces militants « revenus de tout » et qui ne croient plus en rien alors qu’il s’investit, intellectuellement au moins, pour changer le désordre des choses ? La réponse qu’il apporte est cinglante. « Le plus pervers dans cette situation, c’est que l’on n’a plus besoin de truquer les élections. On peut même dire que les dernières d’entre elles ont été relativement libres et transparentes. L’illusion démocratique fonctionne donc bien, alors que nous faisons encore du surplace s’agissant de l’établissement de l’État de droit, d’une réelle séparation des pouvoirs et de l’exercice sans entrave des libertés. Dans une telle situation, ceux que vous appelez «les insoumis » sont condamnés à prêcher dans le désert. »

DANS SON ESSENCE, LA BARBARIE N'A PAS CHANGÉ

DROIT DE VIGILANCE Tout cela parce qu’un raté marque l’histoire contemporaine du pays. A. Laabi ne recourt nullement aux surconvolutions pour dire clairement comment « le ratage » a été consommé. « Au début du règne actuel, la monarchie a un temps hésité. Elle a même donné quelques signes forts en direction du changement, avant que sa nature profonde ne revienne au galop et qu’un certain nombre de ses archaïsmes ne soient reconduits à l’identique. Là encore, je pense que nous avons raté un rendez-vous avec l’Histoire. Et dans ce ratage, on ne peut pas incriminer la seule institution monarchique. D’autres composantes politiques y ont pris une large part. Je pense notamment au Premier ministre socialiste de l’époque (1999), Abderrahman Youssoufi, qui aurait pu, s’il avait eu la stature d’un homme d’État

comme Adolfo Suarez en Espagne, négocier la transition dans le sens d’une reconsidération des prérogatives de la monarchie, d’un rééquilibrage des pouvoirs, créant ainsi les conditions d’un véritable décollage démocratique. » Tout y est dit. Mais faut-il croire A. Laabi lorsqu’il assène, dans « L’Ecorché vif » que « lorsqu’un poète parle en dehors de sa poésie, ne commet-il pas sa plus grave infidélité?» Vers où nous conduit une telle assertion? L’intellectuel rassure en expliquant faire partie de ces écrivains qui n’ont que peu de secrets pour ce lecteur. « Pratiquement, à chaque livre, j’invite ce dernier à visiter la cuisine, ou la forge, où s’élabore mon écriture. Que de fois ne lui ai-je pas dit que pour moi écrire est une aventure qui n’a de sens que s’il prend au moment désigné le relais de l’écrivain ? C’est pour toutes ces raisons qu’il m’arrive d’enrager quand je dois expliquer, commenter ce qui devrait être perçu, reçu comme une offrande, avec sa part de mystère. Pour moi, le poème vient, naît ou advient chargé de sa propre pensée (ou, si vous voulez, sa philosophie). Cette dernière lui est intrinsèque, presque organique. » Si A. Laabi préfère troquer « l’éthique » contre « l’engagement », ce n’est pas par démission face aux luttes à mener aujourd’hui et demain. Car le monde, dans sa complexité, interpelle l’intellectuel. Et le regard qu’il porte sur le monde ne se départit jamais des contingences qui l’éclairent, dans ses facettes multiples. « Côté ténèbres: les visages de la barbarie d’aujourd’hui sont peut-être différents de ceux d’hier. Mais la barbarie, dans son essence, n’a pas changé. Les peuples qui viennent de mettre à bas la statue d’un tyran peuvent dès le lendemain acclamer un nouveau tyran. Côté lumière : un peuple qui semble soumis aujourd’hui, acceptant toutes les avanies, peut s’insurger demain et revendiquer des libertés inconcevables auparavant. L’égoïsme, l’indifférence, la fermeture de l’esprit peuvent,dans des circonstances déterminées, voler en éclats pour faire place à l’altruisme, l’attention à autrui, l’accueil bienveillant de la différence. La dualité est en nous, en chacun de nous. Ce qui compte, c’est la vigilance, le travail incessant de l’esprit, la reconstruction permanente de la pensée qui peut combattre efficacement l’assoupissement des consciences et le flux rampant des obscurantismes.» Voilà qui résume et l’œuvre et la vie du poète qui a marqué, de ses jalons, la scène littéraire marocaine. Pour le reste, il faut puiser au fond de la jarre…

PERSPECTIVES MED

83


CULTURE MAHMOUD DARWICH, LE CHANTRE DE LA NAKBA

LE MILITANT ET SON DOUBLE par: L.M.

Il n’a jamais osé faire de l’immobilisme son dada. Lui, c’est Mahmoud Darwich, « Moi l’Arabe », comme il le clama haut et fort dans un poème qui scella l’amour qu’il partagea avec les foules arabes qu’il sut ensorceler par le verbe, la magie des métaphores, la force des mots…

I

l ne s’est jamais plaint à ses proches de ses multiples pérégrinations à travers les villes arabes qui l’accueillaient en héros et le consacraient comme Héraut de la cause palestinienne ; «juste » pour expliquer et légitimer tous les sacrifices aux yeux de la majorité, et LE VERBE EST UN OUTIL «moribonde»soutiennent d’autres qui DE COMBAT mettent en avant la collusion d’intérêts géoQUI TRANSCENDE politiques qui réduisent le combat de tout un peuple en une simple LA VIE DU POÈTE parenthèse dans l’Histoire mouvementée du Machrek. Mais il faut croire que la prose d’un génie qui parle de Jenin et de Naplouse, d’Al-Qods et de Jaffa, lui qui a su si bien voyager dans la géographie de son pays, en y plongeant sa plume dans le terreau fertile

84

PERSPECTIVES MED

de son histoire millénaire pour en rappeler la solidité de sa quête identitaire, aussi forte qu’un rameau d’olivier… Cette prose là, constitue à n’en point douter le limon d’une cause qui ne saurait s’accommoder des défaites des uns et des défections des autres. En quittant ce bas monde le 9 août de l’an 2008, sa présence ne s’est jamais éclipsée comme le chante à l’envi des voix arabes dont la sincérité ne fait point de mystère : l’engagement reste au bout de la voix et la résistance est toujours entonnée par des millions de gorges que l’occupation, quelle que soit la force sauvage qu’elle déploie, ne saurait trancher. Evoquant ses poèmes, Mahmoud Darwich ne fait pas preuve d’un quelconque narcissisme en rappelant qu’ils « sont entrés dans la mémoire collective, si bien que je ne peux plus en disposer. Ils ne m’appartiennent plus. » Tous ceux qui ont eu à l’entendre n’oublieront pas de sitôt sa voix au timbre bien particulier qui porte, dans ses relents rauques, toute la chaleur d’une terre qui fut promise à la convi-


vialité entre les trois révélations monothéistes. Terre qui souffre le martyr sous les coups de pelleteuses des colons qui ferraillent pour déraciner un peuple promis à une injuste errance, et qui ploie sous le poids des chars et autres machines de guerre promptes à être mobilisés pour écraser du Palestinien. La «habba » de ces jours, cette Intifada qui ne dit pas son nom, revoie au quotidien l’image de la barbarie israélienne qui se résume en des exécutions sommaires et à ciel ouvert. M. Darwich peut-il être réduit à un volume en français, intitulé « Présente absence » ? Assurément non. Le fait est que cet avant-dernier recueil a été publié du vivant du poète en 2006, à Beyrouth, sous le titre « Fi hadrat al-ghiyâb». Si toute son œuvre a été traduite en français par son ami Elias Sanbar, poète et essayiste promus ambassadeur de la Palestine auprès de l’Unesco, cet opus a été transposé dans la langue de Molière à quatre mains puisqu’un autre ami de Darwich s’est associé à la traduction, l’éditeur et écrivain franco-syrien Farouk Mardam-Bey. Un jeu qui vaut la peine d’être tenté à deux, puisque la figure du double est si prégnante dans la vingtaine de chapitres du livre. «En présence de l’absence » ne résume-t-elle pas l’avers et le revers de la médaille? L’oxymore n’est qu’apparent tellement les deux notions se complètent, se reflètent, s’allient dans les reflets du miroir. Dans un dialogue continu avec son alter ego, le poète fait un retour sur son parcours, comme le mourant qui, dit-on, revoit en une fraction de seconde sa vie défiler. Et en effet, pressentant sa fin s’approcher depuis l’intervention chirurgicale subie à la fin des années 90, il avait l’impression de vivre en sursitaire :« Moi, vers un rendez-vous plus d’une fois remis avec une mort à laquelle j’avais promis dans un poème une coupe de vin rouge. »(p.9). A rebours du temps, dans un aller retour entre présent et passé, le flash-

back permet de pister Mahmoud depuis le petit village natal de Birwa. En Ulysse ayant déjoué les sortilèges des Lotophages :« Les mangeurs de lotus ne t’ont pas ensorcelé avec le goût mielleux de l’oubli. »(p.56), le poète se souvient de la cour de sa maison, du Carmel, de Haïfa, de la Galilée, de Nazareth, d’Acre « la plus vieille des belles cités, la plus belle des vieilles cités » (p.132). De la prison et des multiples départs. Des aéroports : « Tu t’es ensuite vu dans un troisième, quatrième, dixième aéroport, donnant à des fonctionnaires indifférents une leçon d’histoire contem-

LES LIEUX ONT SCELLÉ L'AMOUR VOUÉ À LA PALESTINE poraine […] Comme si l’aéroport était le pays de celui qui n’a pas de pays. » (pp.45-46). Il se souvient aussi des villes dont il égrène les noms comme on enfile des perles : Moscou, le Caire, Beyrouth, Damas, Tripoli, Paris, Rabat, Tunis, Alger… Voilà qui résume le parcours mobile du poète qui n’oublie pourtant pas le fondamental, la quête d’un peuple pour un parcours immobile sur ses terres ancestrales. « Là-bas, tu as suffisamment vécu les effets destructeurs de la Nakba pour te faire détester l’autre moitié de l’enfance. »(p.38). Cet aller retour vers la chose et son contraire procède aussi du Flashforward puisque Darwich anticipe sa mort et déclame jusqu’à sa propre élégie : « Je suis celui dont on dit l’élégie et celui qui la dit »(p.14) mais par la magie de la langue, par la magie de la poésie, l’élégie

de Mahmoud devient celle de son peuple. En effet, ne pouvant guérir de son mal: « Quand guérirai-je de mon addiction à définir le tout par la partie ? »(p.25), Darwich le poète lyrique et intimiste devient grâce à la métonymie un poète épique : « Qui es-tu en ce périple ? Un poète troyen, rescapé du massacre pour raconter ce qui s’est passé ?» (p.56) Occupation, massacres, déplacement des populations, transformation d’un peuple en réfugiés, exil, destruction des maisons et rasage des villages, rien n’est épargné dans cet opus pour dire le mal être palestinien. Il raconte, avec ses mots incisifs, comment Deir Yassine a été gommée de la carte ; le calvaire de Gaza et les massacres Sabra et Chatila :« Tu apprendras par les radios que la nuit de Sabra et Chatila a été illuminée pour que les assassins puissent regarder dans les yeux leurs victimes et ne pas manquer un instant de jouissance à la table des immolations. » (p.67). Mais la Palestine, lieu de fixation vers lequel convergent les espoirs de tous les Palestiniens, ceux de l’intérieur comme les exilés, se trouve transcendée pour revêtir la dimension universelle : « …Un seul mot, de six lettres, peut-il contenir toutes ces choses… et nous être étroit ? »(p.33). La Palestine devient la métaphore de cette « présente absence » affichée dès le titre, elle devient la métaphore de toute injustice, de toute nostalgie, de tout exil, elle devient le poème « d’un poète perplexe entre prose et poésie » (144). Jamais la grandeur de ce poète ne sera démentie, lui qui a su faire de ses rêves, de ses doutes, de ses certitudes et de ses songes, de ses amours et de sa haine pour l’injustice, la cause de tout un peuple. Un peuple qui s’apprête à célébrer la défaite de 1967, un sombre mois de juin, en luttant pour que la Palestine survive à la théorie du chaos créateur et à aux affidés locaux des néo-conservateurs qui adoubent le diktat américain.

PERSPECTIVES MED

85


CULTURE KEN LOACH SACRÉ À CANNES par: L.M.

PALME À L’ENGAGEMENT... Le Festival de Cannes c’est une overdose de cinéma. Et pourtant, dans ce condensé de paillettes et d’œuvres, les douze jours se sont succédés sans se ressembler. La preuve, Ken Loach a pu décrocher une palme de plus. Pour couronner un cinéma fait de réalisme et d’engagement. La Croisette s’est même transformée en une tribune politique le temps de la remise du prix au cinéaste britannique engagé.

L

e Cinéma ne saurait être réduit à la culture de l’image mainstream composée pour l’essentiel des blockbusters produits et promus à grands budgets par Hollywood. C’est aussi un cinéma d’auteurs qui peine à dominer dans un marché où les règles de l’offre et de la demande sont biaisées. Mais nom''MOI, DANIEL BLAKE'' breux sont les réalisateurs qui ne désarment face à l’empire du dolENREGISTRE L'ORDINAIRE lar. Pour aborder des sujets engagés qui POUR DES EFFETS répondent à une attente latente des cinéEXTRAORDINAIRES philes. Au dernier festival de Cannes, les médias qui se pressaient pour immortaliser les sourires des vedettes et le bling-bling des bêtes de scène ont presque oublié que le 7ème Art est aussi un véhicule d’idées… A rebrousse poils de la culture du convenu, celles des consensus mous et des « idées valise », Ken Loach, réalisateur britannique, a réussi du haut de ses 79

86

PERSPECTIVES MED

ans, à remettre une couche. D’abord, en signant un magnifique « Moi, Daniel Blake » après avoir tant de fois répété qu’il comptait mettre un terme à sa carrière de cinéaste. Ensuite, en intégrant, par la grande porte, la caste des cinéastes deux fois palmés qui compte dans ses rangs Francis Ford Coppola, Shohei Imamura, Emir Kusturica, les frères Dardenne et même Bille August. LA MISÈRE SOUS PROJECTEURS Il faut croire que le jury a été emporté par le déroulé d’un réel magistralement rembobiné par Ken Loach. Car « Moi, Daniel Blake » fait état du combat du personnage du film, un prolétaire âgé, amoindri et empêché de travailler par un cœur malade, emporté dans une croisade contre l’univers écrasant d’oppression des politiques d’usure et de ses rouages administratifs aussi absurdes que mortifères. Le déclassement social est à l’œuvre avec son concert de drames. Loach reste fidèle à sa démarche artistique basée sur le portrait social-réaliste de la vie des couches les plus défavorisées de la société britannique. Loach, auteur qui avait signé, il y a plus


de quarante ans, quelques œuvres qui ont marqué le Free Cinema britannique (Kes et Family Life), n’est pas un étranger à Cannes. C’est pour la treizième fois qu’il est en compétition, lui qui avait arraché, en 2006, la palme d’or en 2006 pour le Vent se lève, le prix du jury à trois reprises, et une autre brassée de prix œcuméniques. Sur scène, Loach a remercié le jury pour sa gentillesse. Et profité de l’occasion pour dénoncer, dans un discours très politique, les «pratiques néolibérales qui ont précipité des millions de gens dans la pauvreté et nous conduisent à la catastrophe». «Recevoir la Palme, c’est quelque chose d’un peu curieux car il faut se rappeler que les personnages qui ont inspiré ce film sont les pauvres de la cinquième puissance mondiale qu’est l’Angleterre. C’est formidable de faire du cinéma, et comme on le voit ce soir c’est très important. Le cinéma fait vivre notre imagination, apporte au monde le rêve mais nous présente le vrai monde dans lequel nous vivons. Mais ce monde se trouve dans une situation dangereuse. Nous sommes au bord d’un projet d’austérité, qui est conduit par des idées que nous appelons néo-libérales qui risquent de nous mener à la catastrophe. Ces pratiques ont entraîné dans la misère des millions de personnes, de la Grèce au Portugal, avec une petite minorité qui s’enrichit de manière honteuse. Le cinéma est porteur de nombreuses traditions, l’une d’entre elles est de présenter un cinéma de protestation, un cinéma qui met en avant le peuple contre les puissants, j’espère que cette tradition se maintiendra. Nous approchons de périodes de désespoir, dont

l’extrême-droite peut profiter. Certains d’entre nous sont assez âgés pour se rappeler de ce que ça a pu donner. Donc nous devons dire qu’autre chose est possible. Un autre monde est possible et nécessaire.» Tout est dit, ou presque, à l’occasion de ce festival qui tenu en haleine la Croisette douze jours durant. Ken Loach qui n’ignore

L'ENGAGEMENT DE K. LOACH RESTE TOTAL : LES PALESTINIENS APPRÉCIENT pas les vagues de contestation qui ont secoué l’Espagne, la Grèce et maintenant la France, avec Nuit Debout et le concert des protestations contre une loi du travail qui promet le « déclassement », aura signé un film qui épouse l’air du temps. DÉFENDRE LES CAUSES JUSTES Bien plus, au lendemain de son sacre à Cannes, il a marqué de sa présence, à la grande surprise des organisateurs, le lancement du Festival Ciné-Palestine. Une occasion dont il s’est saisi pour réaffirmer, fidèle à son engagement en faveur de la cause palestinienne, son soutien à la campagne Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS) contre Israël. Rien de plus

normal puisque Ken Loach est un des parrains du Festival. Le cinéaste britannique, a pris part à la soirée d’ouverture de l’événement lors de laquelle le film « 3000 nuits », réalisé par la cinéaste palestinienne Mai Masri, a été projeté dans l’auditorium qui affichait complet à l’Institut du monde arabe (IMA). Etaient présents, entre autres, le président de l’IMA Jack Lang ainsi que l’ex- ambassadrice de la Palestine auprès de l'Union européenne Leila Shahid. Ken Loach a souligné, à cette occasion, que le FCP était « aussi important que tous les autres grands festivals ». Bien entendu, son soutien à BDS, clairement réaffirmé, sonnait comme une réponse à Manuel Valls qui, depuis Israël, affirma son opposition au mouvement. Le message du cinéaste, engagé jusqu’à la moelle dans la défense des causes justes, se prêtait bien au thème évoqué par « 3000 nuits », qui met en lumière - non sans émotions - le sort des prisonnières palestiniennes. Le long-métrage, tiré d'histoires vraies parmi les milliers de prisonniers palestiniens dans les géôles israéliennes, a été ovationné par le public. Y figurait Alaa Sharbati, un fils de prisonnier politique condamné à 100 ans de prison et qui a passé 19 ans en détention. Le jeune homme, qui a chaleureusement remercié la réalisatrice pour la qualité de son film, a indiqué qu’il était en master de droit international pour se battre en faveur de la justice pour son pays. Pour Leila Shahid, il faut rappeler que «tout ce que demande le peuple palestinien est l'application du droit international » et ce film « est une façon de faire entendre les voix ».

PERSPECTIVES MED

87


CULTURE « LES DERNIERS JOURS DE MUHAMMAD » DE HELA OUARDI par: M. El Maleh

DÉPASSER MYTHES ET MYSTÈRES La mort du prophète Mahomet continue d’alimenter, des siècles après la révélation, mythes et mystères. Hela Ouardi n’est pas la première à être tentée d’y voir clair. Toujours est-il que la chercheuse tunisienne qui a travaillé sur la vie (et la mort) du « sceau des prophètes » n’a pas manqué de courage à l’heure où le monde arabo-musulman est traversé, de part en part, par une lame de fond djihadiste qui emmitoufle le message islamique, de paix, dans la violence et le concert des linceuls qu’elle charrie dans son sillage.

C

ourageux, l’essai de Hela Ouardi est bien documenté. L’auteure n’a pas cherché, dans sa quête, à alimenter une quelconque diatribe antimusulmane, un exercice facile qu’elle laisse à d’autres, mais plutôt a tenté de lever le voile sur un épisode douloureux de l’Histoire de Mahomet. Son livre LA MORT DU PROPHÈTE donne le ton dès les premières lignes puisqu’il POSE UN DOUBLE PROBLÈME : commence par l’agonie du Prophète sur son lit de mort en ce 8 juin 632. L'EMPOISONNEMENT Sa fièvre n’est rien comparée à la température ET LA MISE EN BIÈRE caniculaire qui baigne l’Arabie au début de la saison estivale. Son esprit est habité exclusivement par ses prières pour que ses souffrances soient abrégées alors qu’à l’extérieur de sa maison, ou plutôt de sa chambre, l’agitation est extrême pour gérer l’après

88

PERSPECTIVES MED

mort de l’envoyé de Dieu. D’emblée, l’auteur pose la question primordiale sur l’inhumation tardive du prophète qui eut lieu, de nuit, deux jours après son décès, et ce dans le plus grand secret. Pour elle, c’est « un affront fait au prophète dont le corps laissé à l’abandon offre le spectacle obscène et affreux de sa putréfaction», lui homme connu pour être « amateur passionné de parfums raffinés ». Pour elle, « l’image tragique de l’abandon du cadavre du Prophète par ses amis les plus proches, qui, plus tard, s’imposeront comme ses successeurs (…) est une image funeste (qui) hanterait encore l’inconscient collectif des musulmans ». Ce constat tranche entre le personnage mortel et semblable à tous des premiers temps de l’Islam et la vénération et l’obsession du blasphème qui l’entoure encore aujourd’hui. Pour Ouardi « le rapport à l’image est le symptôme plus profond d’un rapport complexe à la mémoire» si bien que les musulmans modérés comme les fanatiques portent le même fardeau à savoir «l’in-


terdit de la représentation du prophète» et d’aboutir au postulat selon lequel « seule la reconstitution historique patiente et objective permettrait de dépasser la dichotomie du modéré et de l’intégriste». Dès lors, elle inscrit son livre dans une tentative de « tracer un portrait d’un homme de chair et d’os », de dessiner les contours d’une figure humanisée du Prophète. Le choix de traiter la fin de la vie du prophète n’est point anodin car il rassemble les lieux communs de la chute d’un souverain avec des défaites militaires, une aura qui a faibli, des tentatives d’assassinat qui se répètent, la mort de son fils Ibrahim et l’interventionnisme excessif de sa famille dans la gestion des affaires publiques. Tous ces soubresauts aboutissent à un constat selon lequel « la religion est souvent le paravent d’ambitions humaines ». Pour cette chercheuse tunisienne, l’agitation autour de Mahomet agonisant porte en elle « les signes avant-coureurs des discordes et luttes fratricides qui déchirent les musulmans depuis des siècles » Parce que les racines de l’Islam s’enlisent dans les sables mouvants du dogmatisme, sa démarche est celle d’une historienne qui veut ôter à Mahomet sa légende héroïco-religieuse pour le rendre à l’Histoire, car c’est un « personnage réellement historique » comme le soulignait Ernest Renan. Parce que les musulmans croient pouvoir condenser leur histoire, et même leur avenir, dans une illusion d’éternité et d’infaillibilité, l’Islam avance donc vers la sortie de l’Histoire. Dans son travail de recherche, elle s’est appuyée sur l’historiographie musulmane shiite et sunnite ce qui confère un minimum de vérité autour de personnages contestés que le sont les Compagnons de Mahomet. Comme toute scientifique, Ouardi est consciente des limites de son livre puisqu’elle clos sa préface en la qualifiant d’une «tentative utopique de quarrer le cercle ». L’essai est divisé en plusieurs chapitres portant sur la fin de vie de Mahomet avec des questions cruciales qui restent sans réponse. Le prophète est-il mort victime d’empoisonnement ou d’une simple pleurésie ? Les ouvrages de la Tradition comme celui de Bukhari présentent les deux versions contradictoires ! Ce qui est certain, c’est que c’est un sujet gênant. Dans le premier cas, Allah protège Mahomet et il ne peut donc pas être empoisonné et à fortiori par une juive, acte visant à nuire à son prestige. Embarrassés les oulémas d’al Azhar répondent qu’il a été effectivement empoisonné mais qu’il a survécu à

cette tentative d’assassinat trois années ce qui relève, en soi, du miracle. D’autres livres parlent d’un sortilège lancé par la juive de Khaibar et qui a fait son effet trois ans plus tard. Si la Tradition de faire de la juive de Khaibar l’assassin du prophète, c’est que cette version comporte plusieurs avantages selon Ouardi. En plus de faire du prophète un martyr, cette thèse associe la haine des juifs à la misogynie tout en écartant d’éventuels soupçons pouvant peser sur l’entourage proche de Mahomet. A noter que ce dernier nourrissait une méfiance constante vis à-vis de ces derniers. S’il est mort de maladie, pourquoi les récits ne parlent-ils pas des médecins qui lui rendirent visite alors que la Tradition relate les nombreuses visites des praticiens de Médine qui viennent s’enquérir du caractère licite des remèdes qu’ils prescrivent. L’âge du prophète pose problème puisque les biographes n’arrivent pas à dater sa naissance et même sa mort en 632… Puisqu’il était encore en vie en 634 à Gaza ! Face à autant d’incohérences, Ouardi abouti à la conclusion selon laquelle « faute d’exactitude chronologique, l’écriture de la biographie de Muhammad a ainsi été bâtie sur des artifices littéraires fondés eux mêmes sur des anaphores et des symétries ». On sort de la lecture de l’essai avec plus d’interrogations que de réponses. La figure du prophète devient insaisissable tellement les récits se contredisent à son propos. Toujours est-il que la mort de Mahomet porte en elle la naissance de la religion musulmane. Au-delà de la controverse que suscite l’attitude d’Abou Bakr et d’Omar durant les derniers jours de Mahomet, ce sont ces deux personnages clefs qui ont créé une institution politique basée sur l’idée de se suppléer au Prophète : le califat. Selon Ouardi, le califat alimente encore « l’imaginaire collectif musulman qui le conçoit comme une institution politique infaillible ». En utilisant le Coran et le hadith, ces hommes ont fondé leur autorité sur la religion. Le régime qu’ils ont créé a fait entrer l’Islam dans l’Histoire. Ouardi, à l’instar de plusieurs orientalistes fut confrontée à moult difficultés pour retracer la vie de Mahomet à propos de laquelle des zones d’ombre subsistent encore. Voilà qui fonde à dire que la conclusion de Chase. F. Robison qui s’est consacré à l’historiographie musulmane selon laquelle «les tentatives des chroniqueurs abbassides et autres n’est pas forcément de falsifier l’his-

toire mais de produire un passé convaincant donnant du sens un présent transformé » semble toujours d’actualité.

LA DÉMARCHE DE L'ESSAYISTE CONSISTE À DÉPOUSSIERER UN LEGS DES PLUS MYSTIFICATEURS

PERSPECTIVES MED

89


BLOC-NOTES

RITA EL KHAYAT,

ASAMA LAMRABET,

FATIMA HOUDA-PEPIN,

médecin psychiatre, femme de lettres et des arts : « Il faut changer les structures politiques: c’est la seule voie. En passant à la démocratie, réelle, celle des Grecs antiques, celle des pays scandinaves, aujourd’hui. Sinon il faudra des siècles pour une transformation de ces mentalités que les dictatures viriles entretiennent pour leurs intérêts, vantant le patriarcat, le machisme, la supériorité absolue de l’homme sur la femme (…) La transformation doit venir de l’intérieur même de ces pays constituant le monde arabe et l’Afrique subsaharienne. Les révolutions à venir sont d’abord anthropologiques, la politique ayant échoué et dans les sens gauchistes et, surtout, dans les états concrets, de droite ou carrément fascistes, ensemble du monde arabe (…)Aujourd’hui, l’espoir est mort : le wahhabisme et le khomeynisme ont détruit le monde arabe et musulman car ils ont appuyé la dictature, et dans ces conditions, les êtres humains ne peuvent être eux-mêmes et s’exprimer pour leur optimum (…) Il faut alphabétiser tous les individus, les instruire sans les embrigader, développer le sens critique dès l’enfance, enseigner tout ce qui fait la promotion des hommes et des femmes, ensemble et non les unes derrière les autres, donc l’enseignement des droits humains, des religions dans leur diversité, de l’éducation sexuelle, du sens civique, de l’exercice des droits politiques, etc. »

médecin et théologienne, directrice du Centre des Etudes Féminines en Islam, organisme affilié à la Rabita Mohammadia des Oulémas : ‘‘Quand il y a des violences sexuelles au Maroc, en Tunisie ou en Algérie, on lit que c’est à cause de l’islam. Or, dès qu’on traverse la Méditerranée, d’autres causes sont invoquées: les troubles psychiques, la situation économique, le machisme (…) Pourquoi une féministe française ou anglaise parlerait-elle au nom de musulmanes? Je ne lui demande pas de parler en notre nom. Agir de la sorte, c’est nous considérer comme des subalternes (…) Il est inacceptable que la critique du sexisme dans les pays musulmans serve à justifier des interventions militaires, comme cela s’est produit en Afghanistan, en Irak et au Mali.’’Au yeux d’A. Lamrabet, "le Coran parlant le plus souvent d’ "être humain", transcende dans ses enseignements la notion de genre. La misogynie dont on accuse les règles de la Charia, proviennent plus de "l’abîme colossal" entre ce que dit le Coran et ce que disent les sources l’interprétant, durant ces derniers siècles. Les érudits et les oulémas anciens ont fait une lecture des textes aux dépens des femmes, ce qui appelle à une "déconstruction des interprétations" qui ont été faites jusque là, des textes religieux, afin de rétablir de son droit à l’émancipation, "la femme qui est la moitié de l’humanité et la moitié de toute société".

politologue de Méknès et ex-députée à l'Assemblée nationale du Québec : Dans un article consacré à la situation de la femme à l’ère de l’islamisme radicale, son asservissement sous daech et Boko Haram pour exemples, elle a accusé l’Arabie Saoudite d’être la mère nourricière de ce courant intégriste qui a fini par virer au takfirisme et au terrorisme. « Bien avant que l’islamisme radical ne se révèle sous son expression terroriste, l’Arabie avait préparé le terrain en déployant, à coups de dizaines de milliards de dollars, son idéologie wahhabite, renforcée par les idéologues salafistes à la solde des pays du Golfe, infectant ainsi la planète d’un cancer qui ne cesse de la ronger. C’est de cette matrice que naîtront une multitude de groupes extrémistes, y compris al-Qaïda et le groupe État islamique. » Pour Fatima Houda-Pepin cette variété de groupes terroristes, peuvent diverger, parfois dans la violence, sur tous sauf sur un seul sujet : la haine des femmes. « Ces organisations politiques, sous couvert de religion, ont un point en commun: la haine des femmes et des mécréants », affirme-t-elle.

90

PERSPECTIVES MED


PERSPECTIVES MED

91


LE MAROC A MAL À SON FOOT

UN GRENELLE SALVATEUR ?

A la Fédération royale marocaine de football (FRMF), les limites de la Botola Pro sont connues. Aux grands maux les grands remèdes. Sauf qu’il faut que les acteurs soient associés au processus qui vise la professionnalisation d’un système sportif aussi chaotique que sclérosé. Le grenelle servira-t-il de catharsis ?

92

PERSPECTIVES MED


SPORT RÉFORME DU FOOTBALL MAROCAIN par: Yahya Saïdi

DES ENJEUX DE TAILLE En l’absence de choix stratégiques de l’Etat en matière de développement du sport et de son ancrage dans les politiques publiques locales, régionales et nationales , la Fédération Royale Marocaine de Football (FRMF) a fait bande à part en organisant des États -Majors les 30 et 31 mai derniers. Descriptif concis d’une pléthore d’ateliers.

S

i l’on excepte le grenelle sur le sport de Skhirate en octobre 2008 et dont la Lettre royale et les recommandations demeurent toujours lettre morte, le débat sur le sport d’une manière générale et sur le football en particulier, est galvaudé voire minoré même par le ministère de la Jeunesse et des Sports, censé être le régulateur et l’administration d’impulsion et d’accompagnement. A la FRMF où beaucoup reste à faire, l’approche participative consistant à organiser des journées d’études est salutaire. Elle contribue d’une manière ou d’une autre à mettre un terme aux philippiques d’une mentalité obsolète qui a fait son temps. Et ce n’est pas gratuit d’avoir opté pour une devise prospective et participative pour ces journées: “ Ensemble pour construire le football de demain“. VASTE CHANTIER Une dizaine d’ateliers, animés et encadrés par des orfèvres marocains et français, ont permis de lancer des débats sous plusieurs prismes sur fond d’un benchmark ( Football français ). Une bonne opportunité de saisie pour divorcer d’avec l’autarcie et de ne plus se perdre en palabres. Mais en même temps, il ne faut pas se leurrer car les journées d’études ne peuvent être une panacée pour remédier à la situation devant les atrocités de la glorieuse incertitude du sport. Comme on ne peut plus continuer à naviguer à vue, une vision stratégique à court, moyen et long termes reste le préalable. Relais de l’Etat pour participer à une mission de service public, comme on le lit dans la loi sur le sport, ce qui est commun aux autres fédérations sportives, les acteurs de la FRMF cherchent à dégager de ces journées d’études une politique footballistique fédérale transversale. Un vaste chantier qui gravite autour de la professionnalisation sur tous les plans. La mise en place des structures

sociétaires pour les clubs, sur la base d’un cahier des charges draconien, la restructuration des ligues régionales, de l’aggiornamento de la Direction Technique Nationale et autres réformes sont autant de chantiers qui seront entamés après avoir mis en sas les propositions et les suggestions qui ont accouché de ces journées d’études. A en croire Fawzi Lekjaa qui, lors de la clôture de ce grenelle, n’a pas manqué d’insister mordicus sur la traduction des recommandations en plan d’action fiable et viable. UN TORRENT DE COUACS Si le cadre de conceptualisation est aisément imaginable pour mettre en oeuvre une politique footballistique transversale, il est question de couacs d’ordre macrocosmique notamment sur le plan législatif. Car on a du mal à aspirer à une organisation du sport marocain et à son essor alors que l’arsenal juridique souffre d’un fatras d’incohérences qui constituent les vrais cactus derrière lesquels se cachent la sclérose ambiante et les déconvenues récurrentes. La responsabilité incombe sans conteste au ministère de la Jeunesse et des Sports, un département gouvernemental qui déraille de plus en plus. L’actuelle loi sur le sport (Loi dite 30-09) est source de problèmes au lieu d’être un texte ont l’application constituerait l’un des moyens susceptible de dissiper les écueils et ancrer une nouvelle gouvernance du sport, conforme aux canons des standards modernes, recommandées à l’échelle planétaire. Sans valeur constitutionnelle du fait qu’elle a été adoptée avant la nouvelle constitution du Maroc, la loi sur le sport reste une loi mal conçue et mal élaborée. Elle consacre le flou artistique ambiant qui cache à peine des rentes de situation et les errements de quelques patentés agioteurs qui parasitent le sport national à tous les étages.

PERSPECTIVES MED

93


SPORT MOHAMED ALI RACCROCHE POUR TOUJOURS par: L.M.

UNE ÉTOILE DU RING S’EST ÉTEINTE A 74 ans, la mort allait surprendre la légende de la boxe US, Mohamed Ali, un vendredi 3 juin. Ce fervent militant de la cause des Afro-Américains souffrait depuis des décennies de la maladie de Parkinson.

A

u sommet de son art, Mohamed Ali avait coutume d’affirmer être " le plus beau, le plus grand, le plus fort". Autant dire que le puncheur américain qui séduisit le monde lors de ses combats « mytiques» sur le ring était un tantinet mégalo. Rien de plus normal au regard des enjeux extra sportifs qui accompagnent les équipées des pudilistes profesENTRE LE PAPILLON ET sionnels. Car il faut non seulement convaincre les masses qui parient L'ABEILLE, M. ALI ÉTAIT sur les valeurs sûres, mais aussi séduire les concepteurs des primes PARTAGÉ qui sanctionnent les combats. "Quand on est aussi grand que je le suis, difficile de rester humble", affirmait-il. Remporté par la maladie le 3 juin dernier, à l’âge de 74 ans, c’est une légende qui s’en va. Une icône non seulement des

94

PERSPECTIVES MED

rings, mais aussi de la cause des afro-américains. Pour tous ceux qui se sont frotté à lui, comme pour ceux qui ont eu vent de ses exploits, les deux facettes du personnage s’entremêlaient au point de n’en faire qu’une. Vif et précis, le grand boxeur tout en muscle avait l’habitude seriner, jusque dans les cordes où il isole ses adversaires : « Je vole comme un papillon et je pique comme une abeille». En 1974, George Foreman devait faire les frais d’une telle affirmation dans un stade archi-comble de kinshasa. C’était l’un de ses combats cultes alors qu’il était, sur papier, perdant face à la puissance de son adversaire. Sa réputation devait prendre des dimensions planétaires, bien avant que la globalisation ne soit à la mode. Du muscle, de l’intelligence, voilà qui lui assura un incroyable palmarès que seules les flèches décochées à ses adversaires, comme aux arbitres, peuvent minorer. Car dans sa


bouche, l’insulte aussi était facile. Cassius Marcellus Clay Jr, né protestant puritain qui, plus tard, choisit d’être rebaptisé Mohamed Ali, après avoir épousé la cause défendue par Nation of Islam, entra dans la légende à 18 ans, en décrochant la médaille d’or des poids mi-lourds aux Jeux olympiques de Rome en 1960. Il a fini par tourner le dos au sang anglo-irlandais qui irriguait ses veines, Cassius junior rejeta alors les politiques d’intégration en vogue, vues par lui comme une dissolution, une destruction du peuple noir, qu’il considérait comme spolié de sa nationalité originelle. Son amitié avec Malcolm X allait changer le destin du talentueux pugiliste, alimentant par la même occasion les joutes sur le séparatisme racial. Passé professionnel, sous l’œil vigilant de son coach Angelo Dundee, il collectionna les victoires, notamment contre l’ex-champion du monde Archie Lee. Même le champion du monde Sonny Liston, donné invincible par la plupart des commentateurs sportifs, fut détroné sous les coups de M. Ali, en 1964 à Miami. Six rounds ont suffi pour que le jeune boxeur de 22 ans, arrache le titre de champion du monde. La voie lui est ainsi tracée puisqu’un autre exploit devait lui revenir l’année suivante, contre Lewiston. En hommage à son père spirituel, le militant des droits de l’Homme Malcom X, il prend le nom de Cassius X, avant d’adopter celui de Mohamed Ali, que lui donne le fondateur de Nation of Islam Elijah Muhammad. En 1966, en pleine guerre du Vietnam, le jeune prodige de la boxe refuse de servir l’armée américaine. Un objecteur de conscience de son gabarit allait ébranler les arcanes d’un patriotisme tout américain. Pourquoi y aller alors qu’aucun «Viêt-Cong ne m’a traité de nègre", argumente-t-il. Une position qui allait lui attirer une pluie de coups qu’il supporta avec grande philosophie. Il fut condamné l’année suivante à 10 000 dollars d’amende, à cinq ans de prison, perd sa licence de boxe et est déchu de son titre de champion du monde. Un titre qu’il ne retrouva qu’en 1971, après une annulation de ce jugement par la Cour Suprême américaine, alors que l’opinion américaine était en majorité en faveur du retrait des troupes US du Vietnam. Ne retrouvant les chemins du ring qu’en 1970, il enchaîna de nouveau les victoires contre les meilleurs boxeurs américains comme Ken Norton, George Chuvalo ou encore Floyd Patterson – plus jeunes que lui… jusqu’en 1971, où il accuse sa première défaite contre l’Américain Joe Frazier, sur

qui il obtint finalement sa revanche peu après. Mais ce n’est qu’en 1974 que Mohamed Ali récupère le titre de champion du monde, lors de son combat culte "the Rumble in the Jungle" (littéralement "Grondement dans la jungle") contre le redoutable George Foreman à Kinshasa. Non sans douleur, Mohamed Ali parvient à épuiser son adversaire et remporte le combat en huit rounds, acclamé par un public tout acquis à sa cause. L’année suivante, il quitte Nation of Islam pour se convertir à l’islam sunnite. Mohamed Ali prend sa retraite en 1981, physiquement amoindri après plusieurs défaites. Trois ans plus tard, il annonce qu’il est atteint de la maladie de Parkinson. En 1990, il entre au service de la diplomatie américaine en négociant, auprès de Saddam Hussein, la libération de 14 otages américains en Irak. Il est nommé messager de la paix par l’ONU en 1998. Il reçoit la médaille présidentielle de la liberté, la plus haute distinction civile américaine, en 2005. La même année, il est décoré, par l’ONU, de la médaille de la paix Otto-Hahn pour "son engagement en faveur du mouvement américain contre la ségrégation et pour l’émancipation culturelle des Noirs à l’échelle mondiale". Sa maladie de Parkinson fut diagnostiquée en 1984. Gérant son déclin, il offrit sa réputation et son temps pour de nobles causes. Avant de basculer, progressivement, vers le soufisme en devenant un adepte d’ Inayat Khan, fondateur, en 1914 à Londres, de l’Ordre soufi de l’Occident, matrice de l’école du « soufisme universel». Cette disparition n’a pas laissé l’univers de la bose américaine sans voix. En effet, George Foreman, ancien champion du monde des lourds, battu par Ali dans l’un des combats les plus célèbres de l’histoire «The Rumble in the Jungle», a affirmé qu’une «partie» de lui s’en est allée. «Ali, Frazier et Foreman, nous ne faisions qu’un. Une partie de moi s’en est allée, la plus grande partie», a-t-il lancé sur son compte Twitter. L’autre légende de la boxe mondiale, Mike Tyson, a exprimé sa tristesse «Dieu est venu chercher son champion, adieu au plus grand, à Ali, The Greatest RIP». «C’est une perte énorme. Je voulais être comme lui, il m’a inspiré (...) On m’a demandé un jour si je voulais battre son record et j’ai répondu non, car cela voulait dire qu’il fallait que je perde, mais pour revenir d’une défaite, il faut être plus fort encore et c’est ce qu’Ali a montré durant sa carrière», a affirmé de son côté Evander Holyfield, ancien champion du monde des lourds.

PERSPECTIVES MED

95


SPORT FORMULE-1 : par: Abou Sarah

UNE SAISON PAS COMME LES AUTRES ! On avait l’habitude d’entendre ici et là que la formule 1 a perdu de sa substance. Il faut dire que les dernières saisons n’ont pas été riches en rebondissements à même d’aiguiser l’appétit des amoureux des sports mécaniques. A moins d’un miracle, les premiers tours de piste donnaient le nom du vainqueur qui réitérait son exploit les manches suivantes. Mais la saison 2016/2017 semble à priori démentir les déçus puisque les dernières courses sont loin de désigner un pilote champion du monde.

S

i Mercedes domine le haut du padock, cette firme a su s’illustrer aussi bien à Barcelone qu’à Monaco pour faire parler d’elle, mais pas toujours de belle manière. Et si Ferrari peine à sortir du rouge, les petites écuries ne semblent plus vouloir jouer aux figurants car L'ÉCURIE MERCEDES EST elles grignotent des points précieux qui permettront, à terme, LOIN D'AFFICHER UNE de leur donner les moyens de grandir au sein d’une famille STRATÉGIE DE GROUPE BIEN gourmande en ressources humaines et en millions de dollars. N’est-ce pas là le nerf de toute guerre ? HUILÉE

BARCELONE : TAUREAUX ET TESTOSTÉRONE Parce qu’elle refuse, à ce jour de mener des courses d’équipe et par conséquent désigner un pilote majeur et un figurant, Mercedes lâche la bride à ses

96

PERSPECTIVES MED

pilotes pour se toiser les uns les autres sur la piste et nul par ailleurs. C’est tout en son honneur sauf que sa logique a trouvé ses limites à Barcelone quand ses deux pilotes se sont embourbés dans le bac à sable dès le premier tour tels des gamins gâtés avec des jouets qui valent des millions de dollars et conçus par 1300 ingénieurs et techniciens! La course s’annonçait radieuse pour la firme bavaroise puisque ses deux monoplaces grises ont dominé, comme à l’accoutumée, les séances de qualification devançant une étonnante ligne bleue composée des deux Red-Bull et décevante ligne rouge Ferrari. Sous un soleil éclatant dont seule la Méditerranée a le secret, Mercedes s’affichait gagnante. Mais c’était sans compter avec les égos démesurés de ses pilotes qui ont tout simplement ruiné ses espoirs au bout de… 300 mètres. Les commentateurs se sont déchainés pour blâmer l’un ou l’autre. Mais finalement, les deux pilotes


ont reconnu leurs erreurs et l’enquête diligentée par les commissaires de course s’est close sur une conclusion : l’accident est un fait de course. Fermez le ban, il n’y a plus rien à voir. Et non car la nature a horreur du vide. Si l’étoile de Mercedes s’est éteinte ce dimanche elle a donné naissance à une autre, celle de Max Verstappen au volant de la Red-Bull. Ce pilote néerlandais s’est illustré comme le plus jeune pilote de la formule 1 à avoir gagné une course. Petit jeunot à peine installé dans le baquet d’une monoplace dédié jusqu’alors à l’incontrôlable russe Danii Kvyat - rétrogradé pour fautes à répétition chez la modeste Toro Rosso – Verstappen a su résister à la Ferrari de Vettel pendant de longues minutes avant de voir le drapeau à damier s’abaisser pour le sacrer vainqueur d’une course dont il était l’obscur outsider. Avant cette issue heureuse, les deux team Red Bull et Ferrari ont adopté deux tactiques identiques improvisant un bal de souris des plus inédits à ce niveau de la compétition. L’une de Riccardo calquée sur celle de Kimi Räikkönen et la seconde de Verstappen copiant celle de Vettel. Le suspens fut total jusqu’aux derniers mètres qui ont promu Max victorieux. Chaleureusement félicité par Vettel et Alonso, il a été fêté par ses mécaniciens et le staff Red Bull qui voit en lui une pépite à garder face aux appétits féroces et de Mercedes et de Ferrari.

UN PRINCE SUR LE ROCHER

Quinze jours plus tard, la caravane de la course a franchi les Pyrénées pour s’installer, le temps d’une course, dans la principauté de Monaco. C’est la manche la plus glamour du calendrier et tous les pilotes rêvent de la gagner. Sur les terres de la principauté monégasque on attendait « le régional de l’étape » Nico Rosberg. Mais l’étoile de ce dernier n’a pas été au rendez-vous princier laissant à son coéquipier Hamilton le soin d’animer et de gagner la course. Sous une pluie battante, le grand prix de Monaco fut une manche inédite. Alors que les qualifications ont eu lieu sous un soleil tapant et une température printanière, la course a commencé avec un temps quasi hivernal. Ecuries comme pilotes ont couru à l’aveuglette puisque les monoplaces étaient réglées pour le sec. C’est le souriant australien Ricardo qui s’est adjugé la pole position à bord de sa Red Bull. Mais c’était sans compter sur la

malchance et la hargne d’Hamilton qui, tout en sirotant un thé à la menthe, ironisait sur le mauvais temps qui n’est plus l’exclusivité de l’Angleterre. En effet, après s’être débarrassé de son coéquipier quasiment absent de cette course mythique pour cause de problème de freinage, il a caracolé en tête aidé par un arrêt interminable de Ricardo dans les stands pour changer de pneumatiques. Pour Lewis, c’était la course à gagner. Parti troisième, il a su manœuvrer avec maestria même si son pilotage fut limite par moment pour empêcher le pilote australien de le doubler. Cette victoire, la 44 ème de sa carrière, tombait à pic car c’est son numéro fétiche pour lequel il courrait depuis la fin de la saison dernière. Aidé par un départ derrière la Safety Car, il n’a pas eu à gérer les aléas du premier virage qui laisse toujours des monoplaces sur le bas-côté. Inattendue, la modeste Force India a hissé son jeune pilote mexicain sur la troisième marche du podium. Le pilote mexicain jubilait à l’issue de la course. Sa joie égalait presque celle de Lewis et tranchait avec l’amertume et la déception de Ricardo. Au bord des larmes, il a refusé de commenter la course tellement il sentait que la victoire lui appartenait, si son équipe avait été à la hauteur. Un peu plus tard, il a déclaré un brin agacé « Je sais que j’ai quand même eu un podium aujourd’hui à Monaco. Je devrais être extrêmement heureux et reconnaissant… mais être privé de la victoire deux fois d’affilée, surtout ici… J’étais le plus rapide en début de course, j’avais creusé un joli écart. Je ne sais pas quoi vous dire à propos de la stratégie, ce qu’il s’est passé avec les pneus." "Ce n’était pas ma décision de rentrer aux stands à ce moment-là du Grand Prix, c’était celle de l’équipe, donc ils auraient dû être prêts. » Quant à Ferrari, après l’erreur de pilotage de Räikkonen qui lui a valu l’abandon dès les premiers tours, Vettel n’a pas pu rivaliser avec Perez à bord de sa Force-India. Suite à cette énième déconfiture, la presse italienne s’est déchainée contre la scuderia. Volant au secours de son équipe, le quadruple champion du monde a déclaré que comparé à "l’année passée, nous étions dans un no man’s land. Nous concédions trop de terrain à la référence du plateau, Mercedes, mais nous avions trop d’avance sur nos plus proches poursuivants. Cette année, par la force des choses,

les écarts sont plus faibles, et je pense que nous sommes plus proches de Mercedes." Optimiste sur la suite de la saison, Vettel a conclu sa déclaration en estimant que Ferrari est « sur la bonne route ». Espérons que celles des circuits à venir sauront lui donner raison. Après cette courte parenthèse sur le vieux continent, le padock posera ses valises au Canada où l’on espère assister à une course haletante dont seul ce circuit a le secret.

À LA SCUDERIA, DES VOIX S'ÉLÈVENT POUR DÉNONCER LES CONTREPERFOMANCES

PERSPECTIVES MED

97


CHRONIQUE JUSTE POUR RIRE

STADE BUCCAL… Par : Ould Riab

I

l ne faut plus en douter. Une partie de la classe politique marocaine est encore au stade buccal. Non seulement parce que, comme l’attestent les saillies du patron des islamistes du PJD, c’est la consécration du « phénomène oral » qui est en question. A. Benkirane a habitué les Marocains à dire la chose et son contraire, sans même déciller. Mais parce que les formations qui arrivent à s’asseoir dans les maroquins de responsabilité refusent de les abandonner de peur de retomber dans le stade infra dans l’échelle de perception telle que définie par les psychologues. Car entre le stade que vous savez, celui qui met les fesses de nos responsables à l’abri de toute reddition des comptes, et celui qui leur permet de pérorer davantage qu’en étant hors des circuits du pouvoir, seule la vocalise change. Manœuvriers jusqu’au bout des ongles, ils mesurent leur virtuosité en fonction de la bénédiction qu’ils réclament en entrant dans les rangs. Tenez, en faisant le déplacement au siège de l’USFP à Rabat, ce qui lui a valu un accueil des plus chaotiques, le Chef du gouvernement qui était engoncé dans sa gandoura n’aura pas fait de mystère en affirmant que le ministère de l’Intérieur n’était plus « la mère des ministères ». Pour se rattraper vite en soulignant quand même que le réflexe de maternité dont fait preuve ce puissant ministère est toujours là. Le contexte d’une telle affirmation ? La publication par l’Intérieur des résultats des élections locales. Le retard accusé en la matière servant moult interprétations qui, toutes, nous rassurent quant au degré de transparence qui marque la marche démocratique dans le pays. La classe politique a-t-elle raison de focaliser son attention sur un hyper-ministère dont le statut n’a pas encore tellement opéré de mue lui permettant d’épouser les contours du nouveau concept de l’autorité et, surtout, de s’imprégner de sa philosophie? Pour répondre à cette question pour le moins cruciale, revenons aux propos d’A. Benkirane au sujet des résultats des élections. Devant un parterre de militants socialistes, il n’a pas hésité à souligner qu’il avait demandé au ministre de l’Intérieur de livrer les chiffres relatifs à l’épreuve votative en question. A la question de savoir pourquoi il n’avait pas

98

PERSPECTIVES MED

exigé, es qualité de Patron de l’Exécutif, qu’un tel exercice soit réalisé dans les temps, A. Benkirane est revenu à la charge pour bien expliquer sa requête. Réitérant à l’envi qu’il avait demandé et non pas exigé de l’Intérieur de faire son travail. Voilà qui en dit long sur la hiérarchie réelle du pouvoir, celle qui confirme l’institution de la primature dans un rang subalterne à la puissantissime machine de l’Intérieur. Un Mohamed Hassad vaudrait donc plus qu’un Abdelilah Benkirane qui n’en finit pas de soûler les Marocains qui veulent bien l’entendre de sa virtuosité à normaliser le PJD sur la scène politique nationale. Et on ne parle même pas d’un Charki Draïss. La peur refoulée de l’Intérieur ressurgit à chaque coup pour rappeler que les dispositions de la Constitution n’ont pas encore rempli toutes leurs fonctions. Y a-t-il un mal si le patron de l’Exécutif fasse preuve de plus d’autorité à l’endroit d’un ministère qui expire l’autorité par tous pores ? C’est au Chef du gouvernement de répondre… Lui qui répand son autorité à l’encontre des diplômés au chômage qui se font tabasser par les éléments de l’Intérieur. Et ils n’ont pas été les seuls à subir l’épreuve de la matraque sous le gouvernement Benkirane. Avec la même autorité qui ne s’accommode d’aucun avis contraire, ce dernier est allé jusqu’à tourner le dos aux syndicats qui ne réclament que la remise sur rails d’un dialogue social essoufflé. Et il continue à faire preuve de la même rigidité lorsqu’il défend les dérives libérales qui accompagnent sa gestion des affaires publiques. En programmant le démantèlement progressif de la compensation, le désengagement étatique de secteurs sociaux tels l’enseignement ou encore la santé et le recul sur nombre d’acquis chèrement défendus par les Marocains. Nul besoin de rappeler que derrière les consultations organisées à hue et à dia pour ficeler des lois cardinales, la démarche qui s’affiche inclusive ne traduit, dans le fond, que son concert d’exclusions. Et encore moins de rappeler le dialogue avec la société civile, ni la question de la femme qui a enfanté la colère de tous ceux qui revendiquent la consécration de l’égalité. Voilà où nous conduit le stade buccal en question…



Des espaces de vie qui font votre bonheur

Il y a de petites choses dans la vie de chacun qui le rendent heureux. Amine aime jouer au football dans son quartier près de son école. Aziza adore prendre soin de ses fleurs et profiter du soleil. Et Ali prend plaisir à construire sa maison lui-même en toute liberté et choisir l’agencement des chambres et leurs couleurs avec sa famille. Ce bonheur, ils l’ont tous trouvé chez le Groupe Al Omrane qui oeuvre depuis plus de 40 ans avec ses partenaires à équiper, construire et aménager des espaces de vie de qualité à la hauteur de vos attentes. 100 PERSPECTIVES MED www.alomrane.ma


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.