Perspectives Med N°. 101- Mai 2015

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DIRECTEUR DE PUBLICATION : ALLAL EL MALEH │ÉDITIONS POPMEDIA │ PUBLICATIONS DES RÉFÉRENCE │PRIX PUBLIC : 30 DH │N°101

BENKIRAN III

QUEL CARNAVAL ! Les scandales ont eu raison de l’Exécutif Le feuilleton n’en finit pas de tenir en haleine l’opinion publique. Après l’affaire des stades, c’est autour des épisodes du chocolat et d’un mariage que le sort de Benkiran II a été scellé. Mai 2015

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ÉDITORIAL

DETTE DE SANG

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ALLAL EL MALEH

n l’espace de 13 ans, le pays a changé, sans aucun doute. Dans la mémoire collective, le 16 mai 2003 s’est incrusté comme un terrible cauchemar qui a ravagé des vies à Casablanca. En ce jour là, un des plus sombres de l’histoire immédiate du Royaume, des « bombes humaines » avaient explosé dans plusieurs endroits de Casablanca mettant tout le pays en émoi. Bien entendu, « l’exception marocaine » avait pris un sévère coup incitant la société civile à réagir en rejetant cette part d’ombre que le modèle de société avait charrié dans son sillage. Bien entendu, il fallait mobiliser les esprits pour en découdre avec les fragilités socio-économiques, véritable réservoir de kamikazes, sans oublier de mettre en avant une réforme appropriée du champ religieux. Cela sans omettre, bien sûr, une reprise en main du système sécuritaire appelé non plus à gérer les urgences, mais surtout à faire preuve de proactivité pour empêcher l’irréparable de survenir. Au terme de 13 années pleines, quel bilan peut-on établir à la lumière de tous les efforts consentis ? Là, il faut dire que le dossier s’avère des plus cocasses. Car si des salafistes djihadistes ont fait leur mea culpa et eurent à renouer avec une vie normale, il n’en reste pas moins que des irrédentistes en détention persistent dans leurs errements tout en cultivant un discours des plus ambigus. On comprend dès lors pourquoi la gestion légale et sécuritaire du dossier reste des plus sensibles à l’heure où des cercles montent au créneau pour exiger un élargissement général doublé d’une réconciliation nationale. Et dans cette quête là, on retrouve en pointe des partisans de l’actuelle formation islamiste modérée qui cogère les affaires du pays depuis 2011. Si l’approche des sécuritaires reste des plus prudentes dans ce dossier c’est bien parce qu’une belle brochette de « repentis » n’a pas hésité à répondre à l’appel au Jihad dans le Machrek. Et le pays a de quoi s’inquiéter face à la montée en puissance de « ses » djihadistes qui défrayent la chronique sur les fronts irakien et syrien… Car non seulement ils se sont contentés de vendre leurs âmes au sinistre Al Baghdadi qui nourrit le rêve déstabilisateur de la sphère arabo-musulmane pour y édifier son prétendu « Etat Islamique », mais ils ont l’outrecuidance de proférer des menaces directes au pays qui les a enfantés ! L’affaire est on ne peut plus grave. Surtout que le Maroc qui a pu vivre son « printemps » sans grands dégâts mesure les risques que l’instabilité ambiante à ses frontières pourrait charrier. La situation dans les camps de Lahmada est loin d’être réconfortante à la lumière des accointances que des dirigeants du Polisario ont pu développer avec des mercenaires qui sévissaient dans l’espace sahélo-saharien. On comprend dès lors la raison qui pousse le Royaume à s’investir dans le champ cultuel pour permettre aux pays frères comme le Mali et le Niger de bénéficier de son savoir-faire en matière de formation des Imams. Une offensive qui n’est pas dénuée de valeur lorsqu’on sait que la diplomatie marocaine qui s’investit dans l’Afrique de l’Ouest tire aussi sa force de la coopération Sud-Sud que le Roi n’en finit pas de cultiver. Ce que l’on regrettera, à coup sûr, c’est la politique de déni qu’un grand voisin comme l’Algérie affiche à l’endroit du Maroc. Et pourtant, les deux pays frères sont confrontés aux mêmes problèmes au point que la lutte contre le terrorisme aveugle nécessite bien plus qu’une concertation bilatérale. Daech est déjà opérationnel en Libye. Et il faut avoir en tête ce que cette sinistre organisation accomplit en se jouant des frontières entre l’Irak et la Syrie. En tout cas, nul besoin de souligner ici que le Maroc a autant intérêt à avoir pour voisin une Algérie forte que l’Algérie a besoin d’un Maroc solide. L’isolement de l’un par l’autre relève des calculs à somme nulle. Saura-t-on y remédier côté algérien en tendant au Maroc la main comme ce dernier n’a cessé de le faire ? L’espoir reste permis. Quoi que…

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POINTS CHAUDS FEUILLETON À REBONDISSEMENT POUR BENKIRANE

UNE SAGA ET DES GUIGNOLS

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SOMMAIRE 13

POINTS CHAUDS

Entre scandales et impéritie Benkirane III, tout un festival !

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NATION

Rapport de Ban Ki-Moon sur le Sahara Eviter le pire…

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MACHREK

L’armée yéménite divisée Entre tribalisme et confessionnalisme

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ÉCONOMIE

Croissance économique Le modèle s’essouffle…

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CHRONIQUE

Bonjour les dégats Visa pour le PAM

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MACHREK

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NATION

Dossier saharien Manœuvres algériennes

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MACHREK

67ème anniversaire de la Nakba Le poids du désordre arabe

La France et le monde arabe Carbone diplomatie

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MÉDITERRANÉE

MÉDITERRANÉE

Bruxelles et l’immigration Des quotas controversés

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ÉCONOMIE

Accélération industrielle Panne technique ou systémique ?

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Lampedusa Afro-nécropole au large de l’Europe

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ÉCONOMIE

Entre blasés et blousés Les Marocains ont le blues


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ÉCONOMIE CULTURE

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LOGISTIQUE

Stratégie logistique La charrue et les bœufs

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MARCHÉ

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CULTURE

Création culturelle Le sens de l’engagement

SPORT

SPORT

Abdelaziz Rabbah Accélérer la cadence des réalisations

Bourse de Casablanca La léthargie reprend !

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54

LOGISTIQUE

LOGISTIQUE

Fédération Royale Marocaine de Football Un foutoir fédéral

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TRENDS

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LOGISTIQUE

Réseau autoroutier Quadrillage en marche

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TRENDS

Ford Fusion Nouveau Cap

Nissan Note Offensive continue

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CULTURE

SPORT

Abdellatif Laâbi Culture et engagement

Sport et Etat Sans choix stratégique

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CHRONIQUE

SPORT

Sports automobiles Hold-up du MJS

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Juste pour rire Plats en l’air…

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION & DE LA RÉDACTION: ALLAL EL MALEH | RÉDACTION: ABDERRAHMANE EL MALEH - A. BEN DRISS - ABOUMARWA - SAID AKECHEMIR - LAMIA MAHFOUD - OULED RIAB - MOHAMMED TALEB - MUSTAPHA EL MALEH - YAHYA SAÏDI | ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : ABDERRAHMANE MEKKAOUI| RESPONSABLE ADMINISTRATIF & FINANCIER : FATIMA EL MALEH | CRÉATION: ISSRAE TAYBI/PM DÉVELOPPEMENT | PORTRAITISTE: HELMA LALLA | PHOTOS: PM EDITIONS | MENSUEL ÉDITÉ PAR POP MÉDIA SARL: 8, BD. YACOUB EL MANSOUR MAARIF – CASA | TÉL.: 05 22 25 76 17/ 05 22 25 76 54/05 22 25 77 84/ FAX: 05 22 25 77 38/ E MAIL : CONTACT@PERSPECTIVESMED.MA/ WWW.PERSPECTIVESMED.MA/ IMPRESSION: IDÉALE | DISTRIBUTION : SOCHEPRESS | N° DÉPÔT LÉGAL: 2005/0101 | ISSN : 1114-8772 | CE NUMÉRO A ÉTÉ TIRÉ À 15.000 EXEMPLAIRES

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VU LU

ENTENDU AFRIQUE DE L’OUEST

ENGAGEMENT ROYAL Une fois encore, c’est vers l’Afrique de l’Ouest que le Roi entreprend une visite à la tête d’une importante délégation d’opérateurs publics et privés. Le périple royal qui démarre au Sénégal lui permettra aussi de séjourner en Côte d’Ivoire, en Guinée et au Gabon. Une occasion pour raffermir davantage les liens de fraternité qui unissent Rabat à ces pays africains dont l’amitié reste à toute épreuve. Nul besoin de rappeler que le déplacement royal dans cette partie du continent permet de consolider davantage les relations économiques Sud-Sud qui pâtissent d’un échange triangulaire d’une autre époque. Le Maroc répond ainsi à une demande pressante exprimée par les pays amis et partenaires. Déjà, dans plusieurs pays de la région, des contrats de coopération ont été scellés et d’autres arrivés à maturation devraient l’être à cette occasion. L’investissement africain du Royaume a démarré dès les premiers mois de la transition monarchique, le Continent étant consacré comme étant l’ultime frontière de la croissance à l’échelle de la planète. Cette ouverture africaine du Royaume lui permet, en outre, d’afficher pleinement le rôle qu’il entend jouer auprès de ses divers partenaires comme un véritable portail de l’Afrique.

FRANC-MAÇONNERIE

CABALE À LA GLM

Selon des sources dignes de foi, le cercle des francs-maçons marocains aurait été victime d’une scission alimentée par des appétits de domination exprimés par de hauts dignitaires du Royaume. La Grande Loge du Maroc se serait donc scindée en deux à l’heure où les membres de la confrérie cherchaient les moyens de redonner plus d’aura à leur structure. « La tension était tellement forte et les avis très partagés quant aux véritables desseins déstabilisateurs des frondeurs pour que l’on puisse continuer à travailler en parfaite intelligence, entre frères, la main dans la main », déplore un acteur de poids de la GLM. Sous le sceau de la confidence, il rappelle les coups bas que les frondeurs avaient orchestrés pour vider la confrérie de sa substance. « Pas même notre site web n’a été épargné », souligne-t-il. Mais le plus grave est que les promoteurs de la sédition « nourrissent d’autres desseins des plus abscons pour le Royaume et pour ses institutions solidement ancrées. » Pour mémoire, un observateur de la confrérie rappelle que les acteurs de cette cabale ont eu l’outrecuidance de signer un pacte avec le diable. En se soumettant aux sombres desseins de la confrérie algérienne.

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RCA

PASSEMA AU MAROC Le candidat aux élections présidentielles en RCA Passema François a renoué avec le Maroc lors d’un passage qui lui a permis de rencontrer aussi bien les représentants de la diaspora centrafricaine dans le Royaume que les responsables marocains. Ce politicien hyperactif en France s’était déjà illustré en 1999 lors des présidentielles et compte mouiller le maillot en 2015 pour sortir le pays du « marasme dans lequel il est englué ». Excédé par la lenteur du processus de normalisation en cours, le candidat souligne qu’il a des chances de remporter le scrutin pour guider son pays vers des lendemains meilleurs. « Notre pays est riche en hommes et en ressources naturelles pour pouvoir remporter haut la main la bataille du développement par la reconstruction de l’Etat et de ses institutions », assure-t-il. C’est cette richesse-là, convoitée par d’autres puissances régionales, qui a plongé le pays dans le chaos, laisse-t-il entendre. A ses yeux, « tout est à reconstruire » pour que le pays puisse se relever. Et pour ce faire, il compte sur la coopération de tous les pays frères et amis, et à leur tête le Maroc dont il loue l’action à travers le contingent des casques bleus. Le contingent marocain qui a sécurisé les missions onusiennes à Bangui n’a pas hésité à faire le déplacement vers les zones instables pour ramener la paix.


AVORTEMENT JUSTICE FRANÇAISE

LE CAS HAMMOUCHI

Assurément, dans les rangs de la magistrature française, Abdellatif Hammouchi, directeur de la DGST et de la DGSN n’est pas en odeur de sainteté. Quelques heures après avoir été promu par le Roi en coiffant les organes sécuritaires, il a fait l’objet de plaintes en justice, en France pour des affaires de « supposés actes de tortures » dont l’accusent des dissidents marocains. Le parquet français vient d’en saisir officiellement la justice marocaine. Une source judiciaire française, a indiqué qu’après une enquête préliminaire qui a duré 14 mois, portant sur une plainte déposée par Zakaria Moumni, un sportif marocain devenu dissident, le parquet de Paris a envoyé “une dénonciation officielle aux fins de poursuites” aux autorités judiciaires marocaines, sur les faits allégués. Selon la même source, cette mesure d’usage intervient en raison de l’incapacité de la justice française à entendre les protagonistes du dossier, dont Abdellatif Hammouchi. L’accord de coopération judiciaire signé entre les deux pays oblige la justice marocaine de tenir informée la justice française, des suites qu’elle entend donner à cette dénonciation officielle.

LA MESSE EST DITE… DEUX MOIS APRÈS AVOIR ÉTÉ REÇUS PAR LE ROI, LES DEUX MINISTRES DE LA JUSTICE ET DES AFFAIRES ISLAMIQUES MUSTAPHA RAMID ET AHMED TOUFIQ, ET LE PRÉSIDENT DU CNDH DRISS EL YAZAMI, ONT REMIS LEURS RECOMMANDATIONS RELATIVES À L’AVORTEMENT AU SOUVERAIN. AINSI, L’AVORTEMENT N’EST EXPLICITEMENT PERMIS QUE DANS TROIS CAS : VIOL ET INCESTE, GROSSESSE METTANT EN DANGER LA VIE DE LA MÈRE ET MALFORMATION OU PATHOLOGIE GRAVE DU FOETUS. L’ARBITRAGE ROYAL QU’HABILLE LA SPÉCIFITÉ DE LA SOCIÉTÉ MAROCAINE NE SEMBLE PAS RÉPONDRE À LA FRANGE MODERNISTE QUI ATTENDAIT PLUS. EN TOUT CAS, LE DÉBAT EST LOIN D’ÊTRE CLOS ET D’AUTRES OUVERTURES PEUVENT INTERVENIR POUR PEU QUE LA MOBILISATION SOIT DU LOT. BIEN ENTENDU, C’EST AU CAMP MODERNISTE DE PRENDRE LE TAUREAU PAR LES CORNES POUR FAIRE VALOIR SES ATTENTES.

Entre les syndicats et l’Exécutif, le torchon brûle. Après avoir boycotté les manifestations du 1er mai, UMT, CDT et FDT reviennent avec un nouveau programme d’actions. Ce collectif syndical promet plein d’actions et valide le principe de porter plainte contre l’Exécutif auprès des instances internationales. Un corps expéditionnaire US a débarqué des véhicules amphibies à Agadir, en prévision du lancement de l’étape maritime de l’exercice DU LOURD À 2015 de l’«African Lion». La plus grande AGADIR manœuvre militaire que les USA mènent AFRICAN LION en Afrique permet, à cette occasion, de «tester la capacité de projection des forces navales conjointes sur les différentes zones de conflit, en temps de guerre ou de paix». Ces exercices combinés permettent aux FAR de hisser leur niveau de préparation au top. LES CAS DE VOLS SONT PASSÉS DE 24.651 EN 2012, À 21.884 EN 2013, ET 20.606 CAS EN 2014, EN BAISSE DE 8,57%, A DÉCLARÉ LE PRÉFET DE POLICE DE CASABLANCA NOTANT QUE PENDANT LA PÉRIODE ALLANT DU 1ER MAI 2014 AU 1ER MAI DE L’ANNÉE EN COURS, 17.786 VOLS ONT ÉTÉ ENREGISTRÉS. LES CRIMES AVEC PRÉMÉDITATION ONT BAISSÉ DE 29,27%, ALORS QUE LES CAS DE VOL DE VOITURES AVEC VIOLENCE ONT DIMINUÉ DE 38%.

TORTURE

LE MAROC ÉPINGLÉ Amnesty International a livré son nouveau rapport sur la torture et autres mauvais traitements au Maroc (2010- 2014). À travers les enquêtes de l’association plusieurs points ont été relevés dont la persistance de la torture et du mauvais traitement à travers le Maroc et cela à partir du moment d’arrestation et particulièrement pendant les interrogatoires en garde à vue. Pour l’organisation, décalage il y a entre les lois et engagements officiels et la réalité sur le terrain. Amnesty International a formulé une série de recommandations afin de résoudre ces contradictions constatées. PERSPECTIVES MED

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VU LU

ENTENDU

CELLULE TERRORISTE

ENCORE DAECH !

PILOTE MAROCAIN

VOIR CLAIR

Les informations autour de la dépouille du pilote marocain Yassine Bahti dont le F-16 s’est crashé dans la zone montagneuse du Nord du Yémen sont aussi contradictoires que la communication autour de la chute du chasseur-bombardier. Ainsi, on apprend que le corps du pilote aurait été remis aux autorités marocaines à la suite d’une médiation conduite par le marocain Jamal Benomar, ex-envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon pour le Yémen, dont la mission avait été, faut-il le rappeler, torpillée par le lancement de l’offensive saoudienne « Tempête de fermeté ». J. Benomar qui connaît très bien les protagonistes de la crise yéménite aurait convaincu les milices houthies de remettre la dépouille du pilote à la Croix Rouge qui, à son tour, devait la remettre aux autorités marocaines. Un avion a été dépêché à Sanaa, capitale du Yémen, pour transporter le corps du pilote, sans pour autant préciser vers quelle destination, indiquent des sources houthies. Le reçu confirmant réception du corps par la Croix Rouge mentionne qu’il s’agit toujours, à ce stade, du corps présumé du pilote, tandis que les Houthis confirment que la dépouille est bien celle de Yassine Bahti.

Un réseau financé par des Marocains de Daesh a récemment été démantelé par le très dynamique Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ) relevant de la DGST. Comptant pas moins de 10 individus, indique un communiqué du ministère de l’Intérieur, les membres dudit réseau s’activaient à Casablanca et Boujniba (environ 15 km de Khouribga) dans les filières de recrutements au profit de l’organisation terroriste « Etat islamique » en Irak et en Syrie. Mais, selon toute vraisemblance, là ne s’arrête pas la mission de la cellule démantelée. D’après des informations rapportées par les médias, ledit réseau dont les membres ont été formés au maniement d’armes et d’explosifs nourrissait de sombres desseins : assassinats de personnalités politiques et attaques contre les édifices publics. Ne manquait que le feu vert de l’organisation terroriste pour que ses membres passent à l’offensive.

Assurément, la prétention de Daech à vouloir essaimer dans tout l’espace arabe, Maroc compris, n’a pas de limites. La vigilance doit rester de mise… Surtout que des informations ont fait état du danger que fait planer sur le Maroc une attaque programmée avec des armes biologiques.

ISTIQLAL

LA CONCESSION DES « SANS CONCESSION » LES FRONDEURS ISTIQLALIENS NE COMPTENT PAS BAISSER LES ARMES FACE À CE QU’ILS CONSIDÈRENT COMME UN « HOLDUP » ORCHESTRÉ PAR HAMID CHABAT POUR S’APPROPRIER LA FORMATION NATIONALISTE. LE COURANT « BILA HAWADA » QUE DIRIGE ABDELOUAHED EL FASSI, EX-MEMBRE DU BUREAU EXÉCUTIF ET DESCENDANT DIRECT DU LEADER HISTORIQUE DE L’ISTIQLAL, NE MANQUE PAS D’ALLANT POUR RÉUSSIR À RESSOUDER LES RANGS DU PARTI DONT LE CRÉDIT AUPRÈS DE L’OPINION AURAIT DRAMATIQUEMENT BAISSÉ. POUR CE FAIRE, ON AVANCE L’IDÉE SELON LAQUELLE A. EL FASSI SERAIT PLEINEMENT DISPOSÉ À SE RETIRER DE LA COURSE POUR LE LEADERSHIP DE LA FORMATION POUR PEU QUE H. CHABAT DÉCIDE DE JETER L’ÉPONGE. UNE CONCESSION « HISTORIQUE » DE LA PART DU COURANT « SANS CONCESSION » QUE LE TRUBLION DE L’ISTIQLAL REJETTE. 8

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MOUVEMENT POPULAIRE

RANGS LÉZARDÉS

EN DÉPIT DES ASSURANCES FORMULÉES PAR MOHAND LAENSER QUANT À LA BONNE SANTÉ DE LA FORMATION QU’IL DIRIGE, IL FAUT CROIRE QUE LES FAITS NE LUI DONNENT PAS RAISON. LA BATAILLE AUTOUR DU CHOIX DES CANDIDATS POUR REMPLACER LES MINISTRES OBLIGÉS DE QUITTER LE NAVIRE GOUVERNEMENTAL APRÈS DE RETENTISSANTS SCANDALES (RACLETTE ET CHOCOLAT) A ÉTÉ DES PLUS DURES À GÉRER. MAIS LA FRONDE EST ENCORE LOIN D’AVOIR EXPRIMÉ TOUTE SA DIMENSION DÉSTABILISATRICE POUR CE PARTI DU CENTRE QUI A MAL AUSSI À SA JEUNESSE.

OMAR AZZIMAN AURAIT FAIT PARVENIR AU CABINET ROYAL LA COPIE QUE LE CONSEIL QU’IL PRÉSIDE POUR LA RÉFORME DU SYSTÈME ÉDUCATIF A FINI PAR ADOPTER DANS UN ESPRIT CONSENSUEL. LA DARIJA, PROBLÈME QUI REVIENT DANS TOUTES LES BOUCHES, N’AURA PAS ÉTÉ RETENUE MALGRÉ LA DURE BATAILLE MENÉE PAR SES PARTISANS. OÙ SONT LES RUPTURES ?


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HUMEUR Abdeslam Seddiki

« X PASTOR » Pour ceux qui l’ont connu avant, l’étonnement s’avère total. L’actuel ministre de l’Emploi qui a renoué avec le Livre, le parti des ex-cocos reconvertis en supports de l’islamisme qu’ils assurent « modéré », est à côté de ses pompes. Si Abdeslam qui a sévi dans les campus en tant qu’enseignant de l’économie aurait pu faire l’économie de ses déclarations radiophoniques. Celles qui représentent une insulte à toute la plèbe du pays dont se revendique la majorité écrasante du pays. Car voilà que Seddiki monte sur ses chevaux pour assurer face au micro, toute honte bue, que berger il fut et que berger il restera derrière le troupeau de moutons dont une partie a bel et bien voté pour son parti ! Nous voilà donc face à un « X Pastor » qui s’assume en nourrissant le rêve, enfoui dans ses entrailles, de guider à la baguette un peuple ignare juste propre à brouter les certitudes d’un ancien camarades. Exit la lutte des classes et les leçons sur le capitalisme compradore et bonjour la nouvelle conception de la FES déclinée par ce nouveau théoricien du peuple : la formation économique et sociale marocaine rase les pâquerettes. Avouez qu’il y a bien des fessées qui se perdent quelque part. Quel nivellement par le bas !

Lahcen Daoudi

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Il a suffi de mettre Daoudi devant ses responsabilités pour que des réunions de crise s’opèrent au ministère. Histoire d’évaluer le système de gestion informatisé, par exemple. Mais la puce qui lui a fait mal aura été la Conférence des présidents d’université qu’il s’est empressé de réunir. Après avoir boudé le plaisir d’écouter d’autres voix que celles qui lui susurrent dans les oreilles ce qui est bon ou non pour l’Enseignement supérieur. En somme, question de formalisme, il a tenté de rattraper le coup après un ensemble de mauvais coups assénés à l’Université marocaine, cette fabrique des élites par excellence. Mais le tortueux ministre n’en finit pas de tordre le cou à la raison. Preuve en est la (re) nomination du même proche, un camarade du patelin, à la tête de l’Université Cadi Ayyad. Pourtant, le beau parleur qui se plaît à écouter sa voix résonner dans les cénacles francophones, et il ne s’agit que de fanfaronnades sans tête ni queue, a été classé troisième par la commission de sélection. Dès lors, on est en droit de nous interroger sur les raisons qui font que Lahcen puisse ainsi sévir. Où réside l’incompétence ? Les membres de la commission de sélection sont-ils aussi cons pour n’y voir dans leur jugement rendu qu’une soupe insipide de pipi de chat ? Le ministre a donc sévi. Au grand dam de bien des compétences que le pays est en droit de mettre en selle pour avancer le schmilblick. Mais il faut croire que l’obtus Daoudi nourri par d’autres desseins aussi sombres que l’état délétère du secteur qu’il chapeaute : la réislamisation des campus avec la bénédiction des béni-ouioui qu’il ose mettre en orbite. Quel gâchis !

QUI SE SENT MORVEUX…


Meriem Bensalah

BIG BOSS…

P

NULLE PART AILLEURS

oint de surprises pour ceux qui croyaient que les urnes allaient parler… Sur près de 8.000 votants virtuels, un peu moins de 3.000 ont succombé aux charmes des isoloirs pour réélire Mme Bensalah pour un nouveau mandat de 3 ans. Dommage pour l’exercice démocratique qui peine à mobiliser les électeurs, y compris parmi les businessmans que compte le Royaume. Bien entendu, une des explications fournies à l’occasion pour expliquer la désinvolture des patrons à l’endroit de l’épreuve votative serait que le « jeu était plié d’avance ». Car il n’y a pas eu de files des candidatures qui se pressaient au portillon pour se départager les suffrages. Meriem s’est succédé a elle même, donc. Et à une majorité écrasante des votants. Pourtant, et c’est une lapalissade, les patrons ne sont pas des « martiens » peu habitués aux mœurs du pays. Ils reflètent, cela va sans dire, tout l’éventail du champ politique national. Et si d’aucuns saluent le courage dont a fait preuve la « Big Boss » jusqu’à présent en composant avec un Exécutif marqué du sceau de l’islamisme envahissant et en assumant le rôle de VRP dans ses divers safaris, il n’en reste pas moins qu’elle aurait pu faire mieux dans la défense des doléances patronales. Le tour de passe-passe avec les syndicats, UMT en tête, ne fera pas oublier aux opérateurs que sur le front de la paix sociale, il y a encore à boire et à manger. Surtout lorsqu’on voit le nombre d’entreprises au bord de l’asphyxie à cause des impayés. On est donc loin de l’accélération industrielle qui doit se faire dans un climat social serein. La Big Boss devra dès lors tirer les conclusions ad hoc à faire valoir auprès de son prédécesseur devenu ministre. A charge pour lui d’imaginer le meilleur des répertoires à interpréter. Et last but not least, Bensalah doit mobiliser tout son bagout pour étancher la soif des opérateurs excentrés qui critiquent « le centralisme » de la confédération patronale. Car jusqu’à présent, les Unions régionales qui font la force du syndicat patronal ont été laissées en jachère. Des déplacements sont donc à programmer pour circonscrire la fronde. Meriem qui chevauche la vrombissante Harley sait à quoi sert un casque. Surtout lorsqu’il y a risque de dérapage… PERSPECTIVES MED

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POINTS CHAUDS

FEUILLETON À REBONDISSEMENT POUR BENKIRANE

UNE SAGA ET DES GUIGNOLS

A CHAQUE JOUR SUFFIT SA PEINE ! LES MAROCAINS QUI SUIVENT DE PRÈS L’ACTUALITÉ POLITIQUE ONT RAISON DE NE VOIR EN LES MEMBRES DE L’ACTUELLE MAJORITÉ APPELÉE À CO-GÉRER LES AFFAIRES DU PAYS QUE LES ACTEURS D’UN SÉRIE « B ». LEURS FRASQUES ONT DÉFRAYÉ LA CHRONIQUE RENDANT DE PLUS EN DIFFICILE LE RÔLE CAMPÉ PAR LE HÉROS DE LA SAGA, ABDELILAH BENKIRANE. LES AFFAIRES SE SUIVENT ET NE SE RESSEMBLENT PAS, MAINTENANT EN HALEINE UNE OPINION PUBLIQUE QUI, À L’ÉPREUVE DES FAITS, A DE QUOI NOURRIR LA DÉFIANCE VIS-À-VIS D’UN MONDE POLITIQUE RATTRAPÉ PAR DES SCANDALES DE NATURE DIVERSE : MŒURS, INCOMPÉTENCE, IMPÉRITIE, DÉTOURNEMENT ET PROCRASTINATION. ON EST DÈS LORS LOIN D’UN EXÉCUTIF DE « SALUT PUBLIC », OSONS LE DIRE, QUE LE PJD AVAIT COUTUME DE FAIRE VALOIR EN RÉDUISANT LE CHAMP DU « PRINTEMPS MAROCAIN» À SA PLUS SIMPLE EXPRESSION DÉSTABILISATRICE. OÙ EN EST-ON DES SLOGANS QUI ONT FAIT LA GLOIRE DE LA FORMATION ISLAMISTE MODÉRÉE EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE « LA PRÉVARICATION » ET «L’OPPRESSION », CES MOTS D’ORDRE PORTÉS PAR LES GORGES DE TOUS LES MARGINALISÉS DE L’ATLANTIQUE À LA MER ROUGE ? PLUS, OÙ EN SOMMES NOUS DU PROGRAMME SOCIO-ÉCONOMIQUE QUE LE PJD S’EST EMPRESSÉ DE CONCOCTER POUR REMPORTER LES SUFFRAGES ? ON EST LOIN DU TAUX DE CROISSANCE DE 7% QUI DONNE TOUJOURS À RÊVER. COMME ON EST À DES ANNÉES LUMIÈRES DU PLEIN EMPLOI, SEUL À MÊME DE GARANTIR LA DIGNITE AUX MAROCAINS. A L’ÉCOLE DE L’EXERCICE DU POUVOIR, IL FAUT CROIRE QUE LES COURS ACCÉLÉRÉS QUE LA FORMATION ISLAMISTE QUE DIRIGE LE CHEF DU GOUVERNEMENT N’ONT PAS ÉTÉ BIEN ASSIMILÉS. A. BENKIRANE ASSURE, EN CROYANT RASSURER LE POUVOIR, QUE C’EST LE ROI QUI GOUVERNE. OUBLIANT AU PASSAGE CE QUE LA CONSTITUTION LUI ACCORDE COMME POUVOIRS. LE CHEF DU GOUVERNEMENT SE COMPLAIT DANS LE RÔLE DU SIMPLE EXÉCUTANT ALORS QUE LE PAYS A CRUELLEMENT BESOIN D’UNE HARDIESSE DANS LA VISION D’ENSEMBLE ET D’UNE FERMETÉ DANS LES CHOIX. UNE HARDIESSE QUE L’OPINION NE DÉCÈLE CHEZ BENKIRANE QUE LORSQU’IL EST QUESTION DE MONTER AU CRÉNEAU POUR DESCENDRE EN FLAMMES UNE OPPOSITION QUI NE FAIT QUE SON TRAVAIL. ET UNE FERMETÉ QUI NE SE DÉCLARE QUE LORSQU’IL S’AGIT DE VIOLER LES PRESCRIPTIONS DE LA CONSTITUTION ET DE S’ATTAQUER AU POUVOIR D’ACHAT DES MASSES. TOUT CELA INDUIT UN SURCOÛT. LE PJD PAIERA TOUTE L’ADDITION.

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POINTS CHAUDS ENTRE SCANDALES ET IMPÉRITIE

BENKIRANE III, TOUT UN FESTIVAL ! Le pays renoue avec les festivals. Mais le plus drôle de tous est celui que réserve le gouvernement Benkirane aux citoyens. Il tempêtera toujours plus, tonnera très haut et vociférera davantage. Guignolesque, le spectacle promet de nouvelles descentes aux enfers.

L’

Exécutif barré par Abdelilah Benkirane comporte-t-il une « dream team » faisant preuve d’un dynamisme qui fait oublier frasques et prestations calamiteuses d’une partie de l’équipe gouvernementale ? Que l’on nous permette d’en douter, et fortement, à la lumière de la forte propension de l’homme-orchestre à nourrir les clivages là où la raison recommande l’approche consensuelle. Car le patron de l’Exécutif donne l’impression que les habits de la fonction qu’il doit incarner sont trop courts pour occulter la dimension partisane de son attitude. Agissant toujours en tant que leader d’une formation politique plutôt que comme un homme d’Etat plus rassembleur que diviseur. Un tel défaut dans la stature qui exige plus de hauteur dans l’approche des divers problèmes à traiter se mesure à

l’aune des joutes parlementaires retransmises en direct. C’est la politique spectacle qui, fort malheureusement, semble privilégiée par A. Benkirane, témoignant d’un manque flagrant de tact dès lors que les invectives sont plus promues que les débats responsables. Ce manque de sérénité qui attise les tensions, bien des fois factices mais fortement médiatisées, conforte l’idée ressassée par les adversaires politiques à l’encontre d’un Exécutif en mal d’imagination, mais surtout pauvre en vision. Soutenir que le pays est économiquement pauvre pour pouvoir vivre au-dessus de ses moyens est une lapalissade. Le réalisme voudrait, en effet, que le diagnostic ainsi établi n’agit pas en tant que facteur inhibiteur d’une croissance souhaitée. Mais plutôt en tant qu’agent mobilisateur pour en découdre avec les

LES CHANTIERS LES PLUS URGENTS NE MANQUENT PAS POUR UN EXÉCUTIF EN PROIE AU POPULISME

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POINTS CHAUDS blocages qui freinent l’essor du pays qui, dans le papier, nourrit la prétention de faire bonne figure parmi les pays émergents. Et pour ce faire, il n’y a pas de secret. Il faut libérer toutes les énergies que le pays recèle en mobilisant autour d’une vision clairement définie les opérateurs économiques, publics comme privés, pour en découdre avec les miasmes du sous-développement. C’est à ce niveau-là que la rigueur doit être de mise pour que les efforts consentis en faveur des uns et des autres se traduisent par un retour sur investissement. Et en parallèle, rien ne vaut d’asseoir une « paix sociale » dont les termes doivent être négociés avec les syndicats qui ont des droits à faire valoir. C’est cette politique du « donnant-donnant » qui fait défaut au maestro du gouvernement qui n’arrive toujours pas à trouver le meilleur tempo. La tâche est immense lorsqu’il s’agit de détricoter un système vermoulu par la rente et l’esprit démobilisateur qu’elle induit à tous les étages de la société. Mais lorsque le pays est doté d’une justice qui fait sienne la logique de l’équité pour tous, le démantèlement de tous les verrous qui bloquent l’avancée du pays n’en serait que facilité. Mais il faut croire que sur ce front-là, la réactivité de l’Exécutif laisse à désirer. Ni l’institution en charge de la lutte contre la corruption, ni le Conseil de la concurrence n’ont pu dépasser le stade du bricolage. Pourtant, à elle seule, n’assure-t-on pas que la corruption pénalise le taux de croissance du pays d’au moins 2% ? Plus prosaïque encore est le volet gestion dynamique des ressources humaines. Avec un peu plus de 32 millions d’âmes, le recensement de la population légale le confirme, que prévoiton en terme de valorisation de ce gisement de croissance des plus importants pour le pays ? Nul besoin de rappeler à ce propos la déconfiture avérée du système éducatif national et ce à tous les étages. Pourtant, c’est cet immense réservoir de compétences qui conditionne soit le succès, soit l’échec de tout effort de développement. Une meilleure prise en charge du système éducatif par l’Exécutif relève de l’urgence. Encore faut-il que les prédispositions « idéologiques » du PJD ne soient pas un prétexte pour faire machine arrière. Nul besoin de rappeler, ici, qu’en matière d’indices de développement humain, le pays cumule les retards et autres déclassements. En matière de mobilisation conséquente des ressources humaines, sur les 124 pays passés au crible par le World Economic Forum, le Maroc se classe 95ème. Quoi qu’il en soit, ce serait accabler le gou14

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vernement que de lui planter le décor des attentes des Marocains. Ceux qui ont cru en la bonne étoile d’un PJD qui, assure-t-on, joue pleinement la carte de la modération. Ceux qui peinent à boucler leurs fins de mois. Plus du tiers des foyers sont obligés de s’endetter pour vivoter. Encore faut-il qu’ils soient solvables ! Et seuls 6% de la population ont la capacité de faire de l’épargne. Oui, évidemment que le Maroc est pauvre. Et ces chiffres sont corroborés par l’investissement de l’INDH qui a profité à 10 millions de personnes. Mais est-ce une raison pour se focaliser sur des inepties alors que le pays dispose de potentialités qui ne demandent qu’à être libérées ? Il est indécent que de rester prisonnier des anciens schémas qui reproduisent les clivages au sein d’une société capable de vivre sa dimension cultuelle sans entraves. On aurait aimé voir un chef du gouvernement militer ouvertement pour l’émancipation de l’être marocain au lieu de l’enfermer dans des carcans passéistes. Mais ce serait trop demander à A. Benkirane que de changer de focale. Lui qui n’assume que ce qui arrange sa carrière politique… Tout en se lavant les mains des échecs potentiels, en rappelant sur tous les tons que c’est le Roi qui gouverne. Pourtant, il suffit au patron de l’Exécutif de réajuster ses lunettes pour voir clair dans les textes de la Constitution. Ceux-là mêmes qui lui confèrent une kyrielle de prérogatives dont il n’ignore certainement pas l’existence. Et c’est bien là où réside le dilemme du leader du PJD. Il veut à tout prix continuer à plaire en haut lieu en se limitant à ne soulever que les vagues susceptibles de « mouiller » ses rivaux de l’opposition. Comme il nourrit l’ambition de continuer à plaire aux plus larges couches de la population en hissant le populisme à ses plus hauts sommets. Une conception assez singulière d’une aura à consolider. Mais ce faisant, le chef du gouvernement bloque la machine du pays lui qui lorgne sur les scores à réaliser dans les scrutins à venir. Sachant pertinemment qu’il n’a été porté là où il est que par une minorité d’électeurs. En cela, il a tout faux. Surtout qu’il est difficile de faire avaler aux Marocains des couleuvres. Ses promesses n’engagent que ceux qui y ont cru aveuglément. La peur est que le pays qui avance ainsi de travers ne se retrouve bloqué, dans un chemin sans issue. Ce n’est certainement pas avec le remaniement partiel qu’une nouvelle dynamique, vertueuse, est à attendre. Faut-il espérer se tromper ?

QU’IMPORTENT LES NOMS! Les Marocains ont été gavés par les scandales à répétition qui galvaudent la politique et mettent à mal les élites. Qu’importent les noms des nouveaux ministrables, pourvu que l’action du gouvernement soit des plus conséquentes pour rattraper les multiples dont pâtit le pays. Sans quoi, on peut s’attendre au pire. Qu’à Dieu ne plaise!


CHRONIQUE BONJOUR LES DÉGATS

VISA POUR LE PAM Par : Said Akechmir

«E

t pourtant, elle tourne !». Que l’on se rassure, il ne s’agit point ici de refaire en quoi que ce soit le procès de Galilée. Mais plutôt de faire un constat sur la sphère politique qui n’en finit pas de tourner dans le pays au point de rendre bien des acteurs qui se croyaient solidement amarrés à leurs certitudes comme des toupies. En tout cas, dans le cas d’un Mohamed El Fizazi, salafiste djihadiste convaincu un jour, les certitudes qu’il vient de placarder sur sa page Facebook ont de quoi donner le tournis. Car ne voilà-t-il pas qu’un islamiste pur et dur comme n’en formatent que les écoles wahhabites se découvre une capacité de circonvolution des plus strictes au point de se déclarer happé par la force d’attraction qu’exerce sur lui le PAM. De quoi donner, on imagine, une poussée d’urticaire à Khadija Rouissi, députée de la formation qui eut le malheur d’essuyer les foudres de tous les tordus dont moutonne la nation. S’il ne réfute rien quant au principe d’intégration que lui offre la formation du tracteur, il n’en reste pas moins que le Sieur El Fizazi a tenu a faire savoir qu’il cultivait ne serait-ce qu’une parcelle d’humour en rappelant que tout reste entre les mains de Dieu et non pas du cheikh Biadillah, un des membres fondateurs du PAM. Face à une telle révolution copernicienne du cheikh salafiste, avouez qu’il y a de quoi donner le tournis à tout observateur de la scène politique nationale. A moins que la formation que dirige aujourd’hui Mustapha El Bakoury ne joue pleinement la carte de la dé-radiUN DJIHADISTE QUI calisation. Auquel cas, on ne saurait que s’en féliciter même FAIT SON si une telle aptitude, nouvelle, COMING-OUT, UN entre en concurrence directe COCO QUI PRIE UN avec d’autres sphères que les militants du PAM n’ignorent BARBU QUI FAIT point. La question qui se pose GERBER dès lors serait de savoir comment la formation qui a siphonné nombre de militants progressistes réussira-t-elle à convaincre ses troupes du bien fondé d’une telle adoption problématique. D’autant que le passé du cheikh salafiste tonne encore dans les esprits. Dès lors, faut-il croire que le grand écart auquel invite la

nouvelle attitude du salafiste en question est consenti par les deux parties et qu’il ne reste qu’à le consommer? Drôle de pacte que celui-là. Mais il est vrai que la scène politique nationale nous gratifie, de temps à autre, de quelques tournures pour le moins croustillantes. Oubliera-t-on que l’actuel patron de l’Istiqlal avait avancé, sans le battement d’un cil, que Fès, capitale spirituelle par excellence, était citée dans le Livre Saint ? Mais il ne faut pas s’étonner de la part d’un maire qui rêvait, à sa manière, de doter ex nihilo Fès d’une mer. En tout cas, le nouveau Moïse a bien su naviguer entre les lames bien istiqlaliennes pour asseoir sa suprématie de leader incontesté. Telle est l’heure du chabatisme ambiant. Et fortement contagieux ! Saura-t-on faire l’impasse sur les photos que le leader du PPS a cru bon de faire partager sur la toile en le montrant tout en dévotion en train de prier ? On imagine aisément que l’ex-camarade devenu Hadj, titre auquel il s’accroche dit-on, rêve de transformer le tapis de prière en carpette d’Ali Baba susceptible, sous un quelconque effet magique, de transporter toutes les masses en une sorte « d’Inception » populaire groupée vers les urnes pour donner plus d’épaisseur au parti du Livre. Et que dire du dernier chevalier de l’Union Constitutionnelle qui se complait dans le fauteuil de Président du parti tout en faisant partager ses impressions aux autres. Impressions qui conduisent toutes à conclure que le Maire de Casablanca n’a jamais caressé le rêve de remplir les fonctions de leader incontesté de son hizbicule. Qui croire dans tout ce fatras de « fuitages » qui semblent calculés au millimètre près ? Sûrement pas nos politiques qui s’offrent en spectacle à longueur de journées sans pour autant que cela ne les affecte outre mesure. Nul besoin de rappeler à ce sujet les frasques du leader du PJD qui fait office de chef du gouvernement et de ses délires qui oscillent entre le zoologique et l’extraordinaire… Les Marocains ont été tellement gavés de crocodiles qu’ils sont au bord de tout régurgiter. On comprend dès lors pourquoi la défiance a de bons jours devant elle. Quelles déceptions !

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NATION DOSSIER SAHARIEN

MANŒUVRES ALGÉRIENNES

D

LE DERNIER RAPPORT DE L’ONU SUR LE SAHARA N’AURA PAS ÉTÉ DU GOÛT DES SÉPARATISTES DU POLISARIO. CONSPUÉS DANS LES CAMPS DE LAHMADA POUR GABÉGIES ET INCOMPÉTENCE, LES DIRIGEANTS SÉPARATISTES N’ONT RIEN TROUVÉ DE MIEUX QUE DE LANCER DES MANŒUVRES MILITAIRES.

LA DIPLOMATIE MAROCAINE DOIT RESTER AUSSI VIGILANTE QUE PROACTIVE 16

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Par : A. Benzeroual

ébut mai, dans la région de Tifariti, les observateurs des Nations Unies qui savent que la zone est démilitarisée, n’auront pas manqué de « signaler» à qui de droit les nouvelles manœuvres militaires que le Polisario a démarré. Ce sont là les troisième du genre à être médiatisées pour faire passer un message des plus belliqueux. Les forces du Polisario qui ont rassemblé leurs unités de combat, « plus professionnalisées » signalent-on, n’ont pas manqué de faire étalage de leurs capacités offensives. Grand cas a été fait de leur infanterie et autres batteries de missiles anti-aériens. En face, c’est avec sérenité que les FAR suivent la situation. Et une telle démonstration de force ne saurait en quoi que ce soit changer la situation sur le terrain où tout est sous contrôle. Car de pareilles saillies des séparatistes sont habituelles lorsque l’étau diplomatique se resserre sur eux. Comme ce fut le cas lors de la présentation du dernier rapport sur le Sahara par le Secrétaire général de l’ONU, à New York, devant le Conseil de sécurité. Rapport qui allait renouveler le mandat de la Minurso pour un an supplémentaire. Sans pour autant que la nature dudit mandat soit « ni revu, ni corrigé » comme le souhitaient les adversaires de la marocanité du Sahara. Ceux-là mêmes qui avaient bataillé dur pour que ledit mandat soit élargi au contrôle des droits de l’homme dans les provinces méridionales du Royaume. Et qui, à court d’arguments pour faire valoir une telle perspective, le rapport de Ban Ki-moon faisant état d’une situation tout à fait normale dans le Sahara marocain, avaient jugé bon d’imposer l’Union Africaine, de laquelle Rabat s’était retirée, pour contribuer à régler un dossier litigieux des plus factices. Bien entendu, c’est la diplomatie algérienne qui s’est évertuée à avancer de pareils pions. Sans pour autant que la moisson ne soit bonne. Aucun membre du Conseil de sécurité n’a été dupé par les lacs ainsi tendus par la machine algérienne emballée par les pétrodollars qui emplissent l’escarcelle des lobbyisites, à Washington comme à New York, et qui achètent les consciences.


Mais si la diplomatie marocaine a su comment résister aux bourrasques algériennes, il ne faut pas s’attendre à ce que les adversaires de la marocanité du Sahara réduisent pour autant leur voilure. Ramtane Laamamra qui vient d’être confirmé comme chef incontesté de la diplomatie algérienne, en montant en grade en devenant ministre d’Etat, reste la cheville ouvrière des menées anti-marocaines. Comme celles qui s’opèrent, au-delà du périmètre nord-américain, dans d’autres contrées, notamment sur le Vieux Continent. Tout est instrumentalisé par les hommes de Laamamra pour minorer les acquis arrachés par le Maroc et réduire leur portée. Il ne faut pas s’étonner dès lors à ce que le Parlement européen soit mis à contribution, une nouvelle fois, pour « neutraliser » les efforts du Royaume. Comme il ne faudrait pas, non plus, minorer la capacité de nuisance dont dispose la diplomatie algéienne au niveau de Bruxelles, là où s’active la Commission européenne. Ni procéder à un quelconque relâchement auprès des capitales européennes acquises à la thèse marocaine jugée « crédible et réaliste », celle de l’autonomie large à concéder aux provinces sahariennes dans le cadre de la régionalisation avancée. Car comme on l’a vu, si les combines n’en finissent pas de secouer le système algérien, comme cela a été vérifié à l’occasion du dernier remaniement du gouvenement algérien, la seule constance qui résiste à l’épreuve de toutes les manœuvres est bien celle qui vise à déstabiliser le Royaume. Et il ne faut dès lors pas s’étonner de voir ce voisin qui tente de tétaniser le Maroc à défaut de l’annihiler, jouer avec le feu. La mobilisation des forces algériennes le long des frontières avec le Maroc, là où plusieurs points d’observation et de contrôle ont été renforcés, et le rassemblement de l’armada polisarienne pour des manœuvres militaires sont autant de signaux susceptibles de « dégeler » un conflit mineur. Le danger réside, à ne point douter, en la faiblesse du système algérien qui craquèle au rythme des scandales qui le secouent et des conflits sociaux qui s’enveniment. Dès lors, exporter la crise interne pourrait tenter les faucons qui gravitent autour du Palais Al Mouradia. L’heure à la prudence…

L’ARME DU PILLAGE

ET L’AIDE HUMANITAIRE ? Le Polisario, soutenu en cela par la diplomatie algérienne, compte faire feu de tout bois pour isoler le Maroc. C’est ce qui ressort de l’agitation des séparatistes autour du présupposé pillage des ressources naturelles du Sahara. Or les adversaires de la marocanité du Sahara se trompent de chapitre. Surtout que le feu de la critique ne les a pas épargnés dans le lourd dossier du détournement des aides humanitaires convoyées aux camps de Lahmada sous supervision de l’armée algérienne. Le rapport d’OXFAM qui a ébranlé les soutiens de la sédition sahraouie au niveau européen a été sans équivoque. Il a mis dos à dos les responsables du Polisario qui bénéficient de l’appui de l’ALN et les hauts gradés de l’armée algérienne. C’est bel et bien eux qui s’enrichissent de cette manne humanitaire en recourant au faux et usage de faux. A commencer par le nombre des bénéficiaires de ces aides consignées par les récipiendaires en l’absence de tout recensement des populations séquestrées dans les camps de Lahmada. Et, pour boucler la boucle, en procédant à la substitution des denrées alimentaires de bonne qualité par d’autres de piètre qualité. Cela explique le train de vie que coule la Nomenklatura polisarienne et l’enrichissement de biens des galonnés algériens. Quant à la bataille autour d’un supposé pillage par le Maroc des ressources sahariennes, nul besoin de renvoyer ceux qui soutiennent une telle thèse au discours royal qui affirme chiffres à l’appui ce que l’effort de mise à niveau des provinces sahariennes a induit comme dépenses. Un effort national et solidaire qui n’a pas lieu d’alimenter une quelconque polémique. Le Maroc est bien installé chez lui n’en déplaise aux 243 ONG (elles auraient saisi l’ONU) dont la presse algérienne fait état en suscitant un faux débat autour d’un supposé «pillage continue » du Sahara. PERSPECTIVES MED

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NATION RAPPORT DE BAN KI-MOON SUR LE SAHARA

EVITER LE PIRE…

Propos recueillis par Lamia Mahfoud

Au Palais de verre, à New York, le dernier rapport du Secrétaire général de l’ONU sur le Sahara s’avère plus conciliant à l’endroit du Maroc. La diplomatie algérienne qui s’est évertuée à mobiliser autour de ses thèses anti-marocaines plus d’acteurs n’aura pas réussi à changer le cours des événements. La carte du séparatisme dérive dangereusement au risque d’embraser la région. C’est sur les diverses facettes de l’évolution du dossier saharien que Pr Abderrahmane Mekkaoui apporte nombre d’éclairages du géopoliticien qu’il est. Une lecture entre les lignes assez singulière. PERSPECTIVES MED : LE DERNIER RAPPORT ÉTABLI PAR BAN KI-MOON ET SOUMIS AU CONSEIL DE SÉCURITÉ DE L’ONU SE DISTINGUE CETTE ANNÉE PAR UN CHANGEMENT DE TON ASSEZ SINGULIER, MÊME SI DES PRESSIONS ONT ÉTÉ EXERCÉES PAR LES ENNEMIS DE LA MAROCANITÉ DU SAHARA, NOTAMMENT EN VOULANT INTÉGRER L’UNION AFRICAINE DANS LA RECHERCHE D’UNE SOLUTION DE PAIX. SI BAN KI-MOON APPELLE LES PARTIES EN CONFLIT À RENOUER LE DIALOGUE POUR UNE SOLUTION POLITIQUE, IL N’HÉSITE PAS À LOUER LA PAIX DANS LES PROVINCES SAHARIENNES. QUE SUGGÈRE POUR VOUS CE CHANGEMENT DE TON SURTOUT QUE LES ENNEMIS DU ROYAUME AVAIENT FAIT DE 2015 UNE ANNÉE DÉCISIVE POUR L’ÉVOLUTION DU DOSSIER SAHARIEN ? ABDERRAHMANE MEKKAOUI : C’est une question pertinente car le rapport du SG de l’ONU est très équilibré pour des raisons objectives. Primo, Ban Ki-Moon a pris en considération la fermeté du Maroc, affichée via le discours royal du 9 novembre dernier, le Roi ayant rappelé la position du Maroc en recadrant la nature du conflit algéro-marocain, historique et de nature hégémonique. Ce discours fort a été suivi par un contact direct avec le SG des N.U mettant en garde la communauté internationale contre la manipulation et l’instrumentalisation de ce dossier par les mandarins onusiens inféodés aux positions algériennes. Deuxio, il y a lieu de relever l’instabilité de l’Afrique du 18

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Nord qui va de Dakar au Caire, l’effondrement de plusieurs Etats, la menace terroriste tout en affirmant indirectement la dimension sahélo-sahraouie du conflit saharien. Tertio, les rapports de la Minurso dans les camps de Tindouf ont ouvert les yeux de l’ONU sur le début de l’implosion d’une organisation qui n’a aucun caractère d’organisation de libération nationale, le Polisario ayant été réduit à une milice supplétive de l’ALN dirigée par le système algérien. Voilà autant de nouvelles données qui ont conduit à un changement de cap dans la position du S.G dont le rapport, il ne faut pas l’oublier, reste moral mais non sans influence. IL Y A MÊME PLUS DANS LA DÉMARCHE DU S.G DE L’ONU QUI S’EST INTERDIT, FACE À LA FERMETÉ DONT A FAIT PREUVE LE ROYAUME À CE PROPOS, D’ÉLARGIR LE MANDAT DE LA MINURSO POUR ENGLOBER LA VEILLE SUR LES DROITS HUMAINS. N’EST-ON PAS À LA VEILLE D’UN CONTEXTE NOUVEAU, NOTAMMENT EN INSISTANT SUR LE RECENSEMENT DES SAHRAOUIS SÉQUESTRÉS DANS LES CAMPS DE LAHMADA, UNE REVENDICATION RÉITÉRÉE PAR LE MAROC ? A.M : De nombreuses études militaires ont démontré que les forces de la Minurso sont dans l’incapacité opérationnelle et juridique de muer en force de police. Et donc elles ne sauraient être l’outil adéquat pour assurer une mission supplémentaire, s’inscrivant en faux vis-à-vis de leur formation et de leur compétence, soit celle de superviser le respect ou non des droits humains dans les provinces sahariennes. A noter que le Maroc a toujours ouvert

UN CHANGEMENT NOTABLE A ÉTÉ CONSTATÉ AU NIVEAU DU TRAITEMENT DU DOSSIER SAHARIEN PAR L’ONU


les portes aux délégations des diverses organisations onusiennes et droit-del’hommiste, cela sans parler du HCR, sans complexe aucun. Ceci au moment même où Tindouf, territoire algérien, reste fermé à ces mêmes organisations, cela sans parler des médias. D’ailleurs, force est de constater que le système algérien reste très chatouilleux sur la question des droits de l’homme en général et de ceux des Sahraouis en particulier. Dans le même sillage, le Maroc a légalisé des organisations indépendantistes opérant sur le sol marocain au vu et au su des délégations des Nations Unies sur place. Voilà qui fait qu’accabler le Maroc sur les

questions des droits humains relèverait du recours à une arme de guerre diplomatico-médiatique en vue de diaboliser un Royaume stable et respectueux des droits humains. Pour l’anecdote, plusieurs voix d’intellectuels et de la société civile algérienne s’élèvent de plus en plus fort pour critiquer Ramtane Lamamra qui se balade aux frais des contribuables pour soit disant défendre les droits des Sahraouis marocains tout en oubliant de faire de même pour les Sahraouis de Tamanraset, Ghardaya, In Salah, Ilizi et Timimoun ! Notons que la machine politico-diplomatique algérienne, bien huilée auparavant, commence à subir des ratés considérables. Car pour la première fois, ouvertement, Ban Ki-Moon appelle l’Algérie à répondre favorablement au recensement des réfugiés dans les camps de Lahmada qui sont constitués, en majorité, de ressortissants mauritaniens, maliens et algériens. Mohamed Lamine el Bouhali, ministre de la défense de la république fantomatique (le visionnaire défunt Hassan II avait vu juste lorsqu’il évoqua la RASD en n’y voyant pas plus que la formule consacrée « Rien à signaler dans le désert »), originaire de Rguibat Chark, n’a-t-il pas officié au sein de l’ALN en tant que sergent chef ? L’Algérie joue sur deux tableaux à la fois en s’érigeant tantôt en pays concerné, tantôt en pays intéressé pour bloquer, depuis 1975, et les Nations Unies et le HCR, tentés de recenser les Sahraouis. Rien d’étonnant pour un pays qui a refusé, en 1962 déjà, le recensement de la population du Sud algérien, comme stipulé dans les accords d’Evian signés avec le Général De Gaulle. L’ONU ne pouvait pas rester insensible face au scandale qui a fait l’objet d’un rapport de l’Union Européenne quant aux aides allouées par la communauté internationale aux réfugiés et détournées par les généraux algériens et leurs supplétifs du Polisario. Plusieurs tonnes de ces aides (denrées alimentaires, médicaments, tentes,

etc) sont vendues aux organisations terroristes actives en Libye et dans le Sahel, dont Mokhtar Belmokhtar, alias le « borgne », était l’intermédiaire. AUTRE FAIT NOTABLE ÉTABLI DANS LE RAPPORT ONUSIEN A TRAIT, LUI, ET C’EST UNE PREMIÈRE, À L’EXISTENCE D’UNE FRONDE DANS LES CAMPS GÉRÉS PAR LE POLISARIO SOUS SUPERVISION ALGÉRIENNE. DES INCIDENTS ONT ÉTÉ NOTIFIÉS POUR LA PREMIÈRE FOIS DE L’AUTRE CÔTÉ DU MUR DE SÉCURITÉ BÂTI PAR LE MAROC ALORS QU’ILS ONT ÉTÉ TUS PAR DES MÉDIAS OCCIDENTAUX PROMPTS À S’ENFLAMMER POUR LES DROITS HUMAINS DANS LE ROYAUME. QU’EN PENSEZ-VOUS ? A.M : Tous les observateurs avertis soulignent que le Polisario est en perte de vitesse. Ce qui explique son agonie tient, entre autres, à la crise de succession à la tête de ce mouvement. La lutte s’est exacerbée entre Rguibat Sahel et Rguibet Chark, cette dernière frange ayant les faveurs du DRS algérien (services de renseignement et de sécurité) qui voudrait garder en main la carte du Polisario. En plus, l’émergence d’un mouvement islamiste parmi les jeunes sahraouis inquiète l’Algérie surtout qu’il est établi que nombre d’entre eux s’étaient enrôlés au sein du MUJAO et Al-Moulathamoun. Lamine Bouchneb qui a dirigé l’opération commando contre le site gazier d’In Amenas en est la preuve. Plusieurs soldats et sous-officiers du Polisario constituent la charpente des mouvements armés qui sévissent dans l’espace sahélo-saharien. Les médias occidentaux ne font pas état de ce glissement dangereux que le Maroc a tôt fait de mettre en évidence. Et last but not least, la crise politique en Algérie et l’éveil de l’opinion algérienne impactent le dossier sahraoui et ce malgré les efforts déployés par les généraux algériens pour masquer la réalité. LE S.G DE L’ONU PREND SUR LUI DE SOULIGNER LES RISQUES QUE FAIT PERSPECTIVES MED

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NATION nie noire. On comprend dès lors pourquoi Ban Ki-Moon s’évertue à relancer le dialogue plutôt que la confrontation, en attirant l’attention sur les risques de basculement de la région vers l’inconnu. FACE À CE FAISCEAU DE RÉVÉLATIONS, PEUT-ON DIRE QUE LA DIPLOMATIE MAROCAINE A RÉUSSI À DÉJOUER LES PLANS OURDIS PAR SES ENNEMIS ?

COURIR « LE BLOCAGE » ACTUEL DE LA SITUATION D’UNE RÉGION SAHÉLO-SAHARIENNE DONT LA STABILITÉ EST FRAGILISÉE PAR LES DÉRIVES DES BANDES ARMÉES DONT LES INTÉRÊTS CONVERGENTS AVEC CEUX DE GROUPUSCULES TERRORISTES. BAN KI-MOON A-T-IL FINI PAR SE RALLIER À LA THÈSE DÉFENDUE PAR LE ROYAUME DEPUIS QUELQUES ANNÉES DÉJÀ ? les pays de la région sont AUCUN MAL À Tous menacés par des ennemis CE QUE L’ONU proches et lointains, très actifs en Libye, en Tunisie, en Algérie, FASSE SIENNES voire même en Egypte. Tout de la réalité sur LES THÈSES changement le terrain aura des répercusfâcheuses sur la sécurité MAROCAINES sions et la paix internationale. Et tout glissement qui risquerait d’affaiblir le Maroc déstabiliserait directement aussi bien l’Algérie, la Libye que le Mali… Voire l’Egypte qui, malheureusement, vit sa décen20

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A.M : Le discours royal clair, net, ferme et décisif a balisé la voie à la diplomatie marocaine qui devient de plus en plus offensive et qui fait réfléchir plusieurs capitales. Ce n’est pas pour rien qu’au sein de pays comme le Nigéria, l’Afrique du Sud, le Kenya, l’Ethiopie et même l’Algérie, des voix s’élèvent pour exiger des dirigeants de revoir leur stratégie anti-marocaine. Bien entendu, plusieurs fronts sont encore à investir, surtout en Amérique Latine et en Asie, outre les pays nordiques, pour engranger d’autres acquis. Notre diplomatie qui a l’Histoire avec elle dispose de plusieurs cartes à faire valoir pour contrer propagande et subversion des ennemis de l’intégrité territoriale du Maroc. D’ailleurs, force est de rappeler que le rapport des amis du Sahara (USA, Angleterre, France, Espagne) a confirmé l’orientation de Ban Ki-Moon après de longues négociations tenues secrètes. Les Américains qui ont toujours été chargés de rédiger les rapports des amis du Sahara ont confirmé le caractère non prioritaire du conflit, le renouvellement du mandat de la Minurso pour une année et l’appel au dialogue pour une solution politique en incluant le HCR dans le recensement des réfugiés dans les camps de Lahmada. Cela a battu en brèche la machination algérienne et réduit à néant ses efforts de lobbying aussi bien au siège des Nations Unies qu’en dehors de New York. Pas de résolution décisive concernant le Sahara en 2015, pas de Nouveau Président et pas de CAN, ce puissant soporifique pour 2017… Une Algérie qui perd sur tous les tableaux pourrait être tentée par une aventure militaire par délégation contre le Maroc. Ignorant l’état d’esprit des dirigeants algériens, les militaires occidentaux éloignent cette perspective, surtout que l’armée algérienne fait face à Daèch en Libye depuis qu’Ansar Acharia ont été phagocytés et Okba Ibnou Nafia en Tunisie, cela sans parler du Sahel et de ce qu’ils appellent « terrorisme résiduel» d’Abdelmalek Droudkal, alias Abou Moussab Abelwadoud. Mais les Marocains qui connaissent bien le mental algérien vont redoubler de vigilance. Aucun scénario n’est à écarter.


MACHREK 67ÈME ANNIVERSAIRE DE LA NAKBA

LE POIDS DU DÉSORDRE ARABE Par : Lamia Mahfoud

Riyad n’en démord pas. Toute solution au Yémen doit nécessairement passer par la capitale des Al-Saoud qui ont réuni, pour la circonstance, une rencontre de paix à laquelle a pris part et le Président « légitime » d’une Felix Arabia désormais en proie à une guerre civile dont le potentiel destructeur s’est démultiplié avec les opérations de pilonnage « Tempête de fermeté » et le nouveau messi dominici de l’ONU en charge de dégager une solution à la crise yéménite.

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ien n’est plié d’avance pour les efforts de paix menés dans la région tant que la neutralisation des Houthis, alliés objectifs du Président déchu Abdallah Salah, n’est pas chose faite. La rivalité entre Riyad et Téhéran pour la domination régionale a donc pris une autre dimension, éminemment militaire, forçant les Saoudiens à abandonner leur démarche traditionnelle de « soft power », basée entre autres sur l’alimentation de conflits armés par procuration, au profit d’une intervention musclée dont le Yémen fait les frais. Pour se donner bonne conscience, un sommet du Conseil de coopération du Golfe s’est tenu à Riyad en présence d’un hôte de marque : le chef de l’Etat français dont le déploiement militaire dans la région est un secret de polichinelle. Un sommet intervenu à quelques jours seulement d’une rencontre programmée à Camp David, aux Etats-Unis d’Amérique. Les commentateurs ont vu en cette francophilie du CCG la marque d’un repositionnement stratégique susceptible de faire pression sur l’allié historique américain, à défaut d’une rupture. Surtout que Paris s’est révélé comme un allié inespéré qui épouse la fermeté des pétromonarchies à l’égard d’un Iran à la veille de la conclusion d’un accord avec les puissances internationales sur son programme nucléaire civil. Et pour donner plus de force à une telle spéculation sur un changement de paradigme, l’absence du Roi saoudien du sommet de Camp David est soulignée au marqueur. Toujours est-il important de souligner que l’issue du rendez-vous américain n’aura pas abouti à une quelconque « révolution » dans la position de l’administration Obama. Cellelà même qui a accordé son blanc seing à l’opération militaire coalisée contre le Yémen en passe de tomber dans l’escarcelle de l’Iran. En effet, Washington serait disposé à armer davantage les pétromonarchies, voire

à les intégrer dans la logique d’endiguement que les Américains promeuvent ailleurs (dans l’espace européen et eurasien) à grand renfort de « missiles anti-missiles ». Des batteries de Patriot pourraient faire leur apparition dans la région, sans compter ceux dont TelAviv comme Ankara sont dotés, pour rendre service aux pays du CCG échaudés à l’idée de voir l’axe chiite les enfermer dans son étau qui s’étend de l’Irak au Yémen, en passant par la Syrie et le Liban. Si les Américains se déclarent prêts à défendre leurs alliés historiques, ce qui équivaut à une réaffirmation des fameux accords conclus à bord du Quincy (pétrole contre sécurité), c’est qu’il n’entendent nullement se désengager de la région, quand bien même leur puissance en hydrocarbures qui monte leur permettront d’agir en tant qu’exportateurs nets. Mais ce n’est nullement une raison pour laisser tomber un accord « rassurant » avec la puissance nucléaire qu’est devenu Téhéran. Car l’hyperpuissance US entend toujours régenter les affaires du monde en fonction d’une stratégie mouvante où seuls ses intérêts priment. Washington joue sur tous les tableaux en ayant en main plusieurs cartes. On spécule déjà sur l’importance des contrats d’armement qui sont de nature à tonifier le complexe militaro-industriel américain. Ce qui risque de faire passer les contrats scellés par Paris pour de la broutille. Mais dans tout ce remue ménage, le Machrek livre de lui l’image d’un baril de poudre qui n’en finit pas d’exploser : En Irak, en Syrie, au Yémen, c’est le terrorisme de Daech et consorts qui s’agite. Même l’Egypte n’est plus épargnée. Alors qu’Israël persiste dans son diktat en reléguant le 67ème anniversaire de la Nakba au rang de simple souvenir avec lequel le peuple palestinien est condamné à vivre. Loin de tout soutien arabe agissant. Comme quoi, le désordre actuel a chamboulé l’ordre des priorités… PERSPECTIVES MED

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MACHREK LA FRANCE ET LE MONDE ARABE

CARBONE DIPLOMATIE Par : Abou Sarah

A l’heure où les terroristes de Daech rêvent de torpiller les frontières héritées de Sykes-Picot, la France s’investit à sa manière dans la région du Machrek. En jouant des coudes dans l’espace des pétromonarchies réputées à jamais acquises aux USA pour avoir son beurre. Des commandes militaires en rafale ne sont pas les seuls repères marquants. C’est plutôt un alignement sur l’univers sunnite qui paraît singulier. Une « Carbone diplomatie » qui excipe déjà du poids de l’Iran à l’échelle régionale.

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ême si la France dispose d’une base opérationnelle dans le Golfe, l’invitation de François Hollande au sommet du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) est une réelle surprise. On se souvient du silence assourdissant mais ô combien encourageant de Paris en juillet dernier quand Tsahal, la conscience tranquille, se donnait à cœur joie en pilonnant la bande de Gaza. Alors que des millions de manifestants battaient le pavé à travers le monde pour demander l’arrêt de l’agression sioniste, que les organisations humanitaires en place faisaient état de pertes colossales en femmes et enfants, que le Conseil des droits de l’homme des Nations unies accusait ouvertement Israël de mener des

LA FRANCE, PAYS DES DROITS DE L’HOMME PAR EXCELLENCE, RÉALISE DES PLUS-VALUES POLITIQUES EN VENDANT DES ARMES

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« attaques disproportionnées et indiscriminées » et lançait une enquête sur d’éventuels crimes de guerre, L’Elysée comme le quai d’Orsay ont tout simplement légitimé cette intervention au nom du droit de l’Etat d’Israël de se défendre ! Et tant pis pour les 2200 victimes, dont 1500 sont des civils, réduits à de vulgaires dégâts collatéraux. Quant aux destructions des fameux tunnels, elles se sont transformées en une mise en cendre des infrastructures civiles. Pour ceux qui doutaient encore des intentions de Tsahal, le 5 mai dernier, le jour même de la réunion du sommet du Conseil de coopération du Golfe en présence du Président français, c’est un document accablant de l’ONG israélienne Breaking the Silence qui dévoila au monde entier les exactions commises l’été dernier par l’armée israélienne. Mais qu’importe le silence compromettant des chancelleries européennes à l’égard des malheurs du peuple palestinien. Les monarchies du Golfe ne se soucient guère de la morale en politique. Plus urgents sont les enjeux que vit la région et qui risquent de mettre leur existence en péril.


Parce que l’Iran est en passe de signer un accord avec le reste du monde à leur tête les Etats Unis d’Amérique, que DAECH occupe des territoires conséquents à cheval sur la Syrie de Bachar el Assad et de l’Irak devenu un puzzle mouvant, que le Yémen est devenu une proie facile aux mains des djihadistes menaçant de facto les pétromonarchies, Arabie Saoudite en tête, il fallait réagir. C’est d’autant plus urgent que Bab El Mandeb est l’une des entrées stratégiques de la Mer Rouge et que l’Egypte du Maréchal Sissi, dont l’économie exsangue repose pour une grande partie sur la rente du canal de Suez, ne peut se permettre un tel chamboulement dans la région. Que dire de la région du Sahel, des rives de l’Océan Indien à celles de l’Atlantique et plus au Sud jusqu’au Golf de Guinée, ce sont les mêmes maux qui secouent désormais tous les pays d’Afrique depuis l’attaque hasardeuse de la France contre le régime de Kadhafi facilitant ainsi l’accès à un arsenal militaire colossal amassé par le Colonel « liquidé ». Et c’est dans ce contexte que François Hollande a fait une tournée quasi triomphale avec de juteux contrats d’armement à la clef. Au Qatar, F. Hollande a présidé, avec son homologue le prince Hamad ben Khalifa Al Thani, la cérémonie de la signature d’un contrat de vente de 24 Rafale pour plus de 6 milliards d’Euros alors que Jean Yves le Drian, ministre français de la Défense, rentrait des Emirats Arabes Unis où il était question de coopération stratégique et de la vente de 60 Rafale gelée depuis plusieurs années. En Arabie Saoudite, il était l’invité d’honneur, un honneur exceptionnel, du sommet du CCG, l’organisation économique et militaire réunissant les monarchies pétrolières de la péninsule arabique. Mais la présence française et surtout la vente du Rafale a débuté avec le premier contrat à l’export scellé avec l’Egypte en février dernier. Pour Le Caire qui doit faire face à plusieurs fronts à la fois, le Sinaï, la Lybie, la protection du Canal de Suez et son pendant la Mer Rouge, le Soudan, l’affaire ne relevait pas de l’urgence puisque son armée dispose de pas moins de 220 F 16 américains. C’est plutôt une façon pour le Caire de se démarquer de son allié US en s’approchant davantage de Moscou et de Paris . Quels enseignements tirer de cette vente en cascade du Rafale et de ce

rapprochement entre la France et les pétromonarchies du Golfe. A regarder la carte de plus près, un constat s’impose. La France consolide de façon assez inattendue ses relations avec les pays sunnites du Proche et du Moyen-Orient. Traditionnellement, l’ensemble de ces pays cultivait des rapports privilégiés, voire exclusifs avec les Etats-Unis. Mais les récentes positions de Washington vis-à-vis des deux régimes chiites de la région ont lézardé cette confiance. Les monarchies arabes de la région considèrent que Barak Obama et Jhon Kerry son secrétaire d’Etat veulent l’aboutissement rapide des tractations avec Téhéran sur l’épineuse question du nucléaire civil et la levée des sanctions contre le régime des Mollahs, ennemi juré des monarchies sunnites. D’un autre côté, l’étonnant refus des Etats-Unis de bombarder l’armée de Bachar el Assad coupable d’utilisation d’armes chimiques contre ses propres populations civiles dès 2013 laisse planer un sérieux doute sur la loyauté américaine à l’égard de ses alliés sunnites. Ces derniers souhaitaient contraindre le régime syrien à négocier avec l’opposition sunnite qui reflète par ailleurs le paysage religieux syrien composé dans

sa très grande majorité par des sunnites. Les monarchies pétrolières et l’Egypte redoutent la levée des sanctions économiques frappant Téhéran ce qui permettra à cette dernière de relancer son économie en souffrance depuis l’embargo de 1979. Avec la libération de ses ressources humaines et matérielles considérables, l’Iran sera en mesure de consolider ses alliances avec l’Irak, la Syrie ou encore le Liban et s’imposera, à terme, comme la plus forte des puissances du Proche-Orient. Cette funeste perspective pour les capitales sunnites de la région les a poussé à revoir leurs alliances au profit de Paris qui s’est singularisée par sa fermeté contre l’Iran (lors des négociations sur le dossier nucléaire) et la Syrie (Paris ayant nourri l’ambition d’y réussir le remake libyen). Conscient du poids politique et militaire de l’Hexagone à l’échelle de l’Union européenne et comme membre permanent du Conseil de sécurité, cela sans oublier son affiliation à l’Alliance atlantique, les pays du Golfe espèrent jouer une carte maitresse face à l’hégémonie américaine qu’ils espèrent faire « équilibrer » à défaut de pouvoir la faire plier.

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MACHREK L’ARMÉE YÉMÉNITE DIVISÉE

ENTRE TRIBALISME ET CONFESSIONNALISME L’évolution du Yémen, après sa réunification, ne semble pas se faire loin des pressions tribales et confessionnelles. Cette lame de fond spécifique que l’on retrouve jusqu’aux divers bataillons de l’armée, sans doctrine moderne. La guerre civile et l’offensive militaire de Ryad n’ont fait que renforcer davantage une telle singularité. Rendant cauchemardesque la vie au sein de la Felix Arabia. S’il y a une armée arabe qui a une longue histoire derrière elle, c’est bien celle du Yémen. Voilà une armée qui a été créée en 1919, au lendemain du Premier conflit mondial. A l’époque, le Yémen était sous la coupole du Royaume Moutawakkilite. La partie septentrionale de ce pays arabe était soumise nominalement à l’Empire Ottoman jusqu’en 1918. L’Imam des Zaydites, Yahia Mohamed Hamid était le commandant en chef de cette armée embryonnaire composée des grandes tribus. En signant des traités de défense avec l’Italie, le Yémen a pu maintenir ses frontières sauves malgré une défaite militaire contre l’Arabie Saoudite. En 1948, Ahmed, fils de l’Imam assassiné, devenu roi, a pactisé avec le bloc soviétique. Les Juifs yéménites ont joué un grand rôle dans la formation et l’armement des troupes équipées en matériel acquis aussi bien auprès de Moscou que de ses satellites. Ce royaume yezidite recrutait parmi les chiites Houthis et chaque tribu avait son propre bataillon dont le chef était nommé par l’Imam him self. Une telle situation rappelle, à bien des égards, celle qui avait prévalu dans le Royaume chérifien lors des 18 è et 19 è siècles avec ses terres Makhzen et ses terres Siba. La monarchie chiite (Imamat) devait disparaître en 1962, date qui marque le début de la guerre civile entre républicains d’un côté monarchistes de l’autre. Le coup d’état militaire du 27 septembre 1962 qui donnera le nom de la République Arabe du Yémen a été mené par des officiers sunnites soutenus par les forces armées égyptiennes fortes de 70.000 hommes (dont 26.000 furent morts dans les opérations). La guerre civile qui a duré jusqu’en 1972 avait opposé, par délégation, l’Egypte nassérienne à l’Arabie 24

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Saoudite. Elle prendra fin avec la reconnaissance de la République en 1970 par les puissances occidentales. Pour ce qui est de la partie méridionale du Yémen, elle correspondait à l’ancienne colonie britannique qui a été établie autour du port stratégique d’Aden. Le départ des Anglais allait donner naissance à un nouvel Etat indépendant appelé la République Populaire du Yémen du Sud qui prêta allégeance à l’Union Soviétique de l’époque. C’est sur le modèle soviétique que l’armée de ce nouvel Etat allait être formée. Au même titre qu’un très efficace service de renseignement formé par les officiers du KGB. Malgré le caractère marxiste du régime mis en place, le pays allait s’enfoncer dans la pauvreté poussant les commerçant à s’exiler à Oman et dans le Nord de l’Arabie. Mais les structures tribales restées en place et la doctrine militaire de cette armée, idéologisée de force, n’ont pas brisé les liens de sujétion aux chefs des tribus puissamment armées. Devant cette situation catastrophique, les dirigeants marxistes menés par Ali Salem Albid allaient opérer un tournant décisif dans l’évolution de l’histoire du Yémen du Sud qui va proclamer la réunification en 1990. Une fusion qui a poussé l’armée du Nord à investir le Sud et à phagocyter les bataillons marxisés sur la base des ramifications tribales et non plus sur une quelconque doctrine nationale. Lorsque le 2 août l’Irak investissait le Koweït, le Yémen réunifié, très dépendant du commerce et de l’aide irakienne, exprimait une opinion favorable à Saddam Hussein. Rien de plus normal puisque l’Irak équipait l’armée yéménite composée de 70 bataillons forts de 401.000 actifs (outre les réservistes au nombre de 450.000). Mais le pays recevait aussi beaucoup d’aide de l’Arabie Saoudite pour contrer les desseins du Baath irakien. Notons que le Yémen est le seul pays arabe qui a voté contre l’envoi des troupes arabes, au sein de la coalition internationale, pour

AVEC DES TRIBUS ARMÉES, IL EST DIFFICILE DE POUVOIR DÉGAGER UNE ISSUE A LA GUERRE CIVILE QUI PLOMBE LE PAYS


Par : Pr Abderrahmane Mekkaoui

protéger l’Arabie Saoudite face à l’Irak. Attitude exprimée aussi au sein du Conseil de sécurité de l’ONU. La position de Sanaa allait pousser Riyad à expulser un demi-million de yéménites et favoriser ainsi l’explosion de la deuxième guerre civile le 7 juillet 1994. Le Yémen du Sud a tenté vainement de faire sécession et n’est parvenu qu’à exacerber davantage les passions. Cette situation allait conduire à la démobilisation de l’armée du Sud Yémen et, plus grave, à déposséder la population de ses biens. C’est ce qui alimente toutes les tentations de sécession. L’armée n’a jamais cessé d’être tribale et confessionnelle : 21 bataillons constituent la Garde républicaine et 5 autres forment les Forces spéciales et la sécurité centrale. Tous ces bataillons

ont une seule mission : la protection du régime du président déchu Ali Abdallah Saleh. Les 2 milliards de dollars de budget annuel (pour 50% en provenance d’Arabie Saoudite) étaient consacrés aux fournisseurs traditionnels : Russie, Chine, Corée du Nord, Bulgarie. Depuis 1962, cette armée a connu six guerres contre les chiites d’Ansar Allah, dépendant d’Al-Houti, qui ont réussi à décimer le 1er bataillon d’infanterie, fer de lance de l’armée régulière yéménite. Le « Printemps arabe» a fait éclater l’armée en plusieurs entités d’obédiences diverses. La garde républicaine est restée fidèle au Président déchu, la seule bien formée et dotée d’armes sophistiquées (dont des missiles balistiques, des avions de combat et des frégates). Quant au reste des troupes régulières, elles ont fini par se fondre dans le magma tribal. Les manifestations de Sanaa et Taaz, paraissant pacifiques, étaient en réalité autant de démonstration de force entre loyalistes et rebelles. Pas moins de 40 millions d’armes sont entre les mains de la population. Déjà pauvre, la contestation populaire de 2011 allait coûter très cher à ce pays hautement stratégique : 2.000 morts, 25.000 blessés. Cette révolution s’inscrit dans un contexte international où les Frères Musulmans et Al-Qaida s’engouffrèrent. Malgré les dizaines de millions d’armes en circulation dans le pays et la violente répression qui y sévit, un des mots d’ordre était le pacifisme, AK 47 en mains. L’affrontement entre les diverses fractions de l’armée était inévitable. Devant le chaos, les pays du CCG, soutenus par les Occidentaux, ont dicté une solution de sortie de crise qui a été rejetée par la Garde républicaine, commandée par Ahmed Abdallah Saleh, fils du Président déchu, et par les miliciens Houthis. Ces derniers ont profité de l’aide iranienne pour s’accaparer du pouvoir et retourner au système de l’Imamat Moutawakkilite. L’insurrection des Houthis est l’une des facettes de la 3ème guerre que le Yémen a connue et dans laquelle de puissants acteurs régionaux croisent le fer. Les conséquences stratégiques de l’échec saoudien au Yémen et le retour des chiites sur la scène montrent l’importance géostratégique de ce pays et la confrontation entre le chiisme et le sunnisme dans tout le Moyen Orient. L’alliance entre A. Saleh et Abdelmalek Al-Houthi, considérée comme une déclaration de guerre contre Riyad, a forcé l’Arabie Saoudite à mobiliser une coalition arabe pour riposter. Un quatrième cycle de la meurtrière guerre yéménite poigne à l’horizon. A. Al Houthi, jeune chef de guerre des milices qui dominent la scène deviendra-t-il un jour l’homme fort du Yémen ? La doctrine

de cette milice, relayée par la propagande iranienne et irakienne, revendique son identité Yézidite (1/3 de la population) au grand dam des Chaffiites, des sunnites majoritaires. Quant à l’Arabie, puissance régionale dont l’ingérence a marqué l’histoire du Yémen, les Al Saoud jouent un rôle plus complexe qu’il n’y paraît. Réussiront-ils à tirer leur épingle du jeu du bourbier yéménite et à moindre frais ? L’opération « tempête de fermeté » a atteint apparemment plus que 70% de ses objectifs en détruisant les armes qui menaçaient l’Arabie Saoudite, surtout les missiles balistiques (SCUD AS 200) outre les vecteurs fournis par l’Iran à Ansar Allah. Mais l’autre camp nie d’une manière absolue ces destructions assurant que son arsenal est toujours intact, enfoui qu’il est dans les grottes des montagnes du Yémen. Les 21 bataillons de la garde républicaine n’ont pas été décimés en totalité, comme le prétend la coalition. En tout cas, les objectifs politiques tels que définis par Ryad n’ont pas été réalisés, à savoir : le retour du Président Mansour Hadi au pouvoir, la remise des armes lourdes et la libération des institutions de la république et l’engagement de s’asseoir à la table de dialogue supervisée par les pays du CCG. Les grandes tribus sunnites Chaffiites, les Hached et la Baakils, sont restées dans l’expectative malgré les promesses et menaces saoudiennes. Les Houthis et les fidèles de l’ex-Président s’attendent à une opération terrestre pour combler le déséquilibre des opérations et continuent à occuper les grandes provinces dites stratégiques telles Aden, Taaz, Sanaa, Abien et Cheboua, sans oublier la province d’Al-Houdeida sur la Mer Rouge. Les désistements pakistanais et turc ont dissuadé, jusqu’à aujourd’hui, la coalition quant à toute invasion terrestre apparentée à une aventure coûteuse à cause du terrain. Mais l’opération reste toujours sur la table et paraît inévitable car les escarmouches sont quotidiennes le long de la frontière, particulièrement à Najrane et Jezine. Quant au rôle de l’Iran, il se limite aujourd’hui à alimenter la rébellion houthie en armes par voie maritime. En conclusion, l’histoire du Yémen reste jalonnée de conflits depuis l’antiquité. La solution politique reste la seule voie d‘issue pour un conflit qui profite à Daech et Al-Qaida, côté sunnite, et aux bataillons chiites iraniens Al-Qods et d’Abou Fadl Al Abbas, légion internationale chiite. Si la guerre par délégation déclenchée au Yémen a démarré, sa fin ne semble pas pour demain. PERSPECTIVES MED

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MÉDITERRANÉE BRUXELLES ET L’IMMIGRATION

DES QUOTAS CONTROVERSÉS Par : Abou Sarah

Contrainte et forcée, l’Europe regarde enfin la misère du monde qui frappe à ses portes en voulant se draper d’un voile plus « solidaire ». Bruxelles propose aux Etats une politique d’accueil basée sur les quotas. Et envisage des expéditions musclées vers le Sud.

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es barricades qui enserrent le Vieux Continent commencent-elles à céder face à la pression humanitaire ? En tout cas, après avoir longtemps fermé les yeux sur des naufrages et des arrivées massives qui se comptent désormais en milliers, l’Europe se décide enfin à prendre des mesures concrètes pour accueillir convenablement les migrants qui échouent sur ses côtes et faire preuve de davantage de fermeté avec les passeurs. Le dossier géré naguère par les seuls pays méditerranéens, Italie en tête, relève désormais de l’Union Européenne. Les récents naufrages, tout aussi dramatiques les uns que les autres n’ont pas dissuadé les prétendants à une vie meilleure que ce soit pour des raisons politiques ou économiques à rebrousser chemin, bien au contraire. Le flot de migrants ne cesse de grossir. Sur proposition de Rome, Bruxelles a mis sur le tapis une série de mesures le 12 mai à soumettre aux dirigeants de l’Union le 30 juin. Selon le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, « l’Union européenne a besoin d’un système permanent qui

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permette le partage des demandeurs d’asile.» Bruxelles veut imposer des quotas obligatoires à ses pays membres, histoire de mieux répartir l’accueil de ses migrants. L’objectif est de soulager des pays exsangue comme Malte, la Grèce ou l’Italie. Ce dernier pays a reçu pas moins de 30 000 migrants durant les quatre derniers mois ! En Italie, des experts internationaux seront envoyés dans le Sud du pays pour déterminer les immigrants qui doivent bénéficier du statut de refugié politique et ceux dont la situation du pays d’origine ne le justifie pas. Si le gouvernement italien voit en cette proposition européenne une ingérence dans les affaires internes de son pays, les associations, confrontées à ces flux depuis des mois voire des années, saluent cette initiative qui va dans le sens de soulager l’administration et les bénévoles. Le problème est d’autant plus grave quand il s’agit de trouver une solution rapide pour les mineurs et les enfants qui se trouvent emprisonnés dans des conditions qui ne répondent nullement aux droits auxquels ils ont accès dans un pays signataire de la charte de protection des enfants. L’hébergement doit être


adapté, la scolarité obligatoirement proposée de même que la sécurité. On ne peut pas expulser des mineurs ni les laisser errer dans les rues. Le gouvernement italien a augmenté sa capacité d’accueil d’urgence de 3000 places à 20000 mais c’est loin d’être suffisant. Jean Claude Junker propose que ces quotas soient calculés selon le PIB, le taux de chômage ou encore le nombre de réfugiés déjà sur les territoires des pays de l’Union européenne. L’Allemagne et la France devraient être les principaux pays d’accueil. On pensait que la France accueillerait favorablement cette initiative européenne, contrairement aux pays de l’Europe de l’Est. Il n’en est rien. Manuel Valls vient de déclarer que la France refuse cette politique de quota attendu qu’elle a déjà accueilli sont « lot » de réfugiés. Le Premier ministre français a dit sa préférence pour la solidarité et la répartition équitable des réfugies. Paris a renforcé les contrôles dans les points de passage avec l’Italie où tous les migrants sans papiers sont systématiquement refoulés à la frontière. Quant au Royaume-Uni, sans surprise, il s’est catégoriquement opposé à cette mesure. La ministre de l’Intérieur, Theresa May a déclaré que «les migrants qui tentent de gagner l’Union européenne en traversant la Méditerranée devraient être renvoyés». Londres se singularise encore une fois dans le fragile concert de l’unanimité européenne. Contrariée par la position britannique, la Commission lui a immédiatement rétorqué que “le pire serait de ne rien faire”.

L’autre revers de l’instabilité politique et économique.

FILIÈRES CLANDESTINES La commission préconise également la lutte contre les passeurs et la destruction des bateaux. L’emploi de la force doit être discuté par les ministres des Affaires étrangères incessamment. Enfin, l’Europe insiste également sur la nécessité de renforcer les moyens de surveillance et de sauvetage en Méditerranée. C’est la mission assignée aux opérations « Triton » en Italie et « Poséidon » en Grèce, dont le budget et les moyens vont être accrus. Et pendant que l’Europe discute, le flot ne cesse de grossir. Ce qui remet sous les sunlights l’état de déliquescence qui perdure en Libye en proie à une guerre civile et où l’implantation du groupe terroriste « Etat Islamique » se marchande aujourd’hui à l’aune de la maîtrise des flux migratoires. Les représentants du sinistre Al-Baghdadi n’ayant pas hésité à faire valoir la carte qu’ils ont en main, soit un demi million d’immigrés qu’ils menacent d’encourager à gagner l’Europe.

MOUROIR NOSTRUM

CLIMAT DÉLÉTÈRE

L’Europe fait preuve d’une solidarité à géométrie variable dès lors qu’il est question de la gestion des flux migratoires qui assiègent la citadelle du Vieux Continent. En effet, c’est vers la Libye, pays en déliquescence, que les regards se braquent pour tenter d’y «fixer » les milliers de migrants. Quitte à organiser des expéditions punitives pour contrer, dit-on, les trafiquants. Dans ce concert de réactions, Paris qui entend se défausser de la politique des quotas, programmée par Bruxelles, manœuvre dur pour que la Conférence sur le réchauffement climatique (COP 21), prévue en décembre 2015, soit réussie. Et dans cette perspective, nul besoin de rappeler qu’un consensus existe entre scientifiques et politiques quant à l’émergence d’un nouveau phénomène qui risque de prendre de l’ampleur : les migrants climatiques. L’affaire dépasse la seule France pour obnubiler la communauté internationale. A charge pour cette dernière de mobiliser les moyens idoines pour éviter que les routes maritimes ne se transforment en gigantesques cimetières à ciel ouvert. En tout cas, un autre drame se déroule en Asie du Sud Est où le sort de quelque 8.000 migrants, des musulmans de Birmanie et du Bangladesh est inconnu. PERSPECTIVES MED

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MÉDITERRANÉE LAMPEDUSA :

AFRO-NÉCROPOLE AU LARGE DE L’EUROPE Par : Mustapha El Maleh

Mer de toutes les convoitises, la Méditerranée n’a eu cesse d’être au cœur de l’actualité. Au carrefour de trois continents, elle porte en elle leurs espoirs et désespoirs.

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es eaux réputées fécondes, calmes et d’un bleu azur sont secouées par les soubresauts des rivages qui la bordent et sont devenues, au mieux un refuge précaire pour des milliers de migrants, au pire un gigantesque cimetière de sépultures anonymes. Toute cette misère, toute cette souffrance se passe dans un monde dit global sans qu’un tel gâchis n’émeuve qu’une poignée de médias et de politiques. Parce que l’indifférence a pris le pas sur la fraternité, les vieux rafiots charriant des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants ne scandalisent quasiment personne. La vue de centaines de cercueils d’anonymes alignés dans les hangars est vite effacée par le flot d’informations continues, souvent des inepties. Les eaux qui les dégurgitent sont devenues maudites par ceux qui en vivent. Les pêcheurs et autres professionnels du tourisme sont les premiers concernés. En ce début d’année, les compteurs se sont affolés. Les vagues surchargées du Sahel meurent sur les rives Nord de la Méditerranée. Dès lors, le décompte macabre et les chiffres des migrants n’en finissent pas de monter en flèche. Cette zone de contact entre un Nord paisible, riche et un Sud pauvre et en guerre ne cesse de rejeter des milliers de réfugiés sur les côtes méridionales de l’Europe.

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Depuis peu, la palme d’or est à décerner à Lampedusa, cette île paradisiaque au large de la botte italienne qui aurait pu se passer de ce triste palmarès. Désormais, elle détient le triste record comme centre d’accueil de milliers de réfugiés échoués sur ses rivages. Au mieux, ils sont accueillis temporairement sur le long chemin de l’exode vers le nord, au pire le voyage s’arrête net et cette petite terre devient une nécropole pour des milliers de malheureux. En quatre mois, pas moins de 1776 personnes disparues en Méditerranée. On est dans la triste continuité de 2014 et même de 2013. Selon l’Organisation internationale pour les mouvements de migration dans le monde, 75 % des décès parmi les migrants l’ont été Méditerranée. En outre, près de 37 000 migrants sont arrivés sur les côtes européennes depuis janvier. L’année dernière fut une année record puisque le nombre de rescapés a atteint les 219 000 réfugiés, soit dix fois plus qu’en 2012. L’hasardeuse intervention française, quoi que sous la houlette du Conseil de sécurité, a mis à mal les milliers de kilomètres des côtes libyennes livrées aux passeurs. Les guerres qui secouent la Syrie, l’Irak, l’Afghanistan ou les pays d’Afrique Noire renvoient leurs flots de déplacés en quête de paix. Déjà en 2013, Khalid Chaouik,député italien d’origine marocaine, s’était « enfermé » dans un centre d’accueil à Lampedusa pour protester contre les conditions d’accueil des migrants et l’indifférence des autorités italiennes et européennes. Effaré, il avait déclaré au journal Le Monde que le centre d’accueil de Lampedusa « est un lieu plein de tristesse et de frustration, une sorte d’île au milieu d’une île. Cela fait peur.» Ce n’est que deux ans après que l’Europe a fini par se décarcasser. En promettant des décisions pour juin !


CHRONIQUE VÉCU ICI

LA FRANCE MÉRITE MIEUX !

A

lors que la majeure partie du microcosme politico-médiatique s’est donnée à cœur joie pour fustiger le maigre bilan de François Hollande à l’occasion du troisième anniversaire de son entrée à l’Elysée, on a eu droit à des « dérapages contrôlés » qui en disent long sur les intentions des prétendants au poste en 2017. Certes la politique de l’hôte de l’Elysée est aux antipodes de sa campagne électorale. Atone, la croissance économique ne permet pas la baisse du chômage. Les méfaits de la hausse continue des impôts sont accentués par la stagnation des salaires, jusqu’à quand? En l’absence de vision et encore moins de visibilité, le bout du tunnel est loin. Le temps de « la finance est mon ennemie » est révolue, « vive l’entreprise » ! Que reste t-il de gauche dans l’action du Président ? Après de longs débats sur le mariage pour tous, l’une des rares promesses du candidat Hollande à être tenue, le gouvernement et sa majorité mènent une politique qui fait rêver la droite tellement le sale boulot est bien fait avec l’assentiment complice des syndicats devenus des supplétifs d’un Exécutif qui se « centre » ou se « droitise» sans complexe. Abattus, les millions de français qui ont cru en l’actuel Président, vérifient à leurs dépends qu’en politique, les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Et tant pis si cette désillusion ouvre un boulevard au Front National qui se dé-diabolise ! La relative éclaircie que nous vivons, on la doit à la baisse des cours de pétrole et à l’Euro. Les Français, à leur tête le tandem Hollande-Dassault, peuvent dire merci à l’action de la BCE qui a rendu compétitif le prix du Rafale qui volera enfin sous d’autres couleurs que la cocarde tricolore. Parce que Bruxelles ou plutôt Berlin imposent à Paris un déficit de 3 % à atteindre, c’est devenu l’alfa et l’oméga de l’action politique hexagonale. La dernière réforme, celle du collège, portée par Mme Najat Vallaud-Belkacem, en est l’exemple parfait. Oui le système éducatif français est partiellement à

LES SOCIALISTES MÈNENT UNE POLITIQUE QUI FAIT RÊVER LA DROITE

Par : Mustapha El Maleh

bout de souffle. Oui le collège unique devient inique, mais la solution n’est pas le nivellement par le bas et encore moins en suivant les éminences grises de la rue de Grenelle qui ne sont capables de rendre que des productions stratosphériques. Admirez cette définition : la natation c’est l’action de «traverser l’eau en équilibre horizontal par immersion prolongée de la tête dans un milieu profond standardisé». Il y’a de quoi se frotter le séant contre un lustre ! Il faut garder les filières d’excellence et ne pas tomber dans l’égalitarisme pour masquer les coupes budgétaires. Donner plus de moyens à l’Education pour gommer les inégalités est l’unique moyen pour tout pays pour s’imposer dans la mondialisation. Mais je m’arrête là car ce qui m’a fait réagir c’est le sous texte de l’étonnant parallèle entendu dans la bouche de Sarkozy à l’encontre de Mmes Taubira et Vallaud-Belkacem. Ces deux Ministres, femmes issues de la diversité et du mérite de l’école Républicaine ont fait l’objet de propos sexistes et xénophobes qui nous rappellent « les dérapages » et l’activisme effrénés de l’ex Président de la République. Comme tout le monde, j’ai presque oublié l’adage des promesses en politique. Erreur, il est de retour et il nous ressert du réchauffé fétide en continuant à braconner sur les terres d’extrême droite. Ayant des troubles de la mémoire, il a déjà oublié que cette voie l’avait mené vers la sortie un certain 6 mai 2012. Entendre de tels propos de la bouche d’un ex-Président qui se veut rassembleur, il y’a de quoi s’étouffer. Lui a été éconduit par le suffrage universel, lui qui aime tant le système anglo-saxon doit s’en inspirer pour se retirer définitivement de la vie politique et se concentrer sur ses chères conférences. En étant aussi hargneux et clivant, il ne peut pas représenter le peuple français, la France et encore moins la République. A ce propos, cette dernière ne veut pas d’opération marketing en son nom pour toiletter un parti englué dans le caniveau des affaires. Même ses «amis » tel Luc Ferry s’offusquent de cette tentative en écrivant à juste titre que ce choix est le « Comble du ridicule, ( une ) imposture historique et intellectuelle ». Même en étant opposé à l’action de l’exécutif actuel, nous sommes des millions à refuser et à condamner de tel propos qui sont de la médiocre politique. La France et les Français méritent Mieux.

PERSPECTIVES MED

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PANORAMA MALI

PAIX FRAGILE Les principaux groupe rebelles ont boycotté la cérémonie de signature de l’accord de paix organisée à Alger. Ce qui relativise l’effet d’une telle démarche qui intervient alors que la tension sur le terrain est palpable avec pusieurs attaques contre l’armée malienne. Pour rappel la rébellion à dominante touareg avait paraphé, à Alger, l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, mais a réclamé de nouvelles négociations avant de signer un accord définitif pour mettre fin au conflit. Les représentants de la CMA ont relevé les limites de la cérémonie d’Alger. «Le paraphe de ce document et la signature de l’accord définitif sont et demeurent des actes juridiquement distincts», a déclaré Bilal Ag Cherif, responsable de la CMA. La rébellion a réaffirmé qu’elle ne signerait pas l’accord lors de la cérémonie officielle prévue à Bamako, assurant que de nouvelles négociations auraient lieu avant la signature définitive.

DAECH FAIT DES ÉMULES

AL MOURABITOUNE FONT ALLÉGENCE « AL MOURABITOUNE », GROUPE TERRORISTE DONT LE FONDATEUR MOLKHTAR BELMOKHTAR A TOUJOURS ÉTÉ CONSIDÉRÉ COMME LE LEADER, REJOINT L’ORGANISATION DE L’ETAT ISLAMIQUE. UNE ALLÉGEANCE ANNONCÉE PAR ADNAN ABOU WALID AL SAHRAOUI, EX-PORTEPAROLE DU MUJAO, PRÉSENTÉ PAR AILLEURS COMME LE NOUVEL ÉMIR DU GROUPE. VOILÀ QUI RELANCE LES DÉBATS AUTOUR DE LA MORT DE « MISTER MARLBORO » DISPARU DES RADARS. AL SAHRAOUI, DONT L’ÂGE EST ESTIMÉ ENTRE 36 ET 42ANS, EST PRÉSENTÉ COMME UN BRILLANT CHEF MILITAIRE, RARE CADRE DU MUJAO «LETTRÉ», QUI A PILOTÉ DES OPÉRATIONS DANS LA ZONE DE GAO, TERRITOIRE DU MUJAO JUSQU’À MENAKA ET JUSQU’AUX FRONTIÈRES AVEC LE MALI ET LE NIGER – LE CENTRE ET L’EST DU MALI RESTERAIENT SOUS L’INFLUENCE D’AQMI.» CITÉ DANS UNE AFFAIRE DE TERRORISME AU TRIBUNAL D’ORAN, IL EST AUSSI SUSPECTÉ D’ÊTRE À L’ORIGINE DE L’ENLÈVEMENT DE RESSORTISSANTS OCCIDENTAUX DANS LE CAMP DE RABOUNI, À TINDOUF, EN OCTOBRE 2011, REVENDIQUÉ ALORS PAR LE MUJAO.

REMANIEMENT MINISTÉRIEL EN ALGÉRIE

AFGHANISTAN

LES HOMMES DU

LYNCHAGE POUR BLASPHÈME

PRÉSIDENT MAINTENUS

A KABOUL, UNE FEMME ACCUSÉE D’AVOIR BRÛLÉ LE CORAN A ÉTÉ SAUVAGEMENT LYNCHÉE ET BRÛLÉE PAR LA FOULE. LA MISE À MORT DE CETTE FEMME DE 27 ANS DU NOM DE FARKHUNDAH A DURÉ PRÈS DE DEUX HEURES. ELLE A COMMENCÉ DANS UNE MOSQUÉE SITUÉE DANS UN QUARTIER TRÈS HABITÉ DE LA CAPITALE, À PROXIMITÉ DE PLUSIEURS BÂTIMENTS OFFICIELS, NOTAMMENT DU PALAIS PRÉSIDENTIEL ET DU MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR. LE COMMANDANT DE POLICE DE KABOUL A AFFIRMÉ QUE LES POLICIERS ÉTAIENT ARRIVÉS SUR PLACE APRÈS SA MORT ALORS QUE LES VIDÉOS TENDENT À PROUVER LE CONTRAIRE. 30

PERSPECTIVES MED

Un remaniement ministériel de plus en Algérie. Pour les observateurs, la démarche du Président Bouteflika vise à détourner l’attention de son état de santé, de la baisse de la rente pétrolière et de l’absence des réformes politiques promises.Ce remaniement est destiné à la « consommation médiatique » assure nombre d’observateurs et d’acteurs politiques. Les modifications opérées dans la composition du gouvernement Sellal n’ont pas pour autant charrié de ruptures même si des fidèles ont été débarqués. Les hommes de main du président (Sellal, Louh et Gaid Salah) sont toujours là. Et même Belaiz, appelé à conseiller le chef de l’Etat reste en lice en cédant son poste de ministre de l’Intérieur à Nouredine Bedoui. S’agitil d’une diversion de plus opérée par le système rattrapé par les scandales au point de pousser nombre de voix, de plus en plus nombreuses, à évoquer la vacance du pouvoir en Algérie. Pour Ali Benflis, coordinateur des Forces du changement, « le pouvoir politique en place est plongé dans l’irrationalité », a-t-il souligné à l’issue du remaniement. Cet ancien dignitaire du système doute que le remaniement soit l’œuvre du président Bouteflika : « Tous ceux qui savent que le sommet du pouvoir est vacant se demandent qui est à l’origine de ce remaniement ? Qui l’a décidé ? Quel est le but du changement dans un gouvernement qui ne gouverne pas ? ». A ses yeux, ces « changements, qui se suivent et se ressemblent, sont insensés et il est difficile de leur donner une explication politique ».


ÉCONOMIE &

MARCHÉ

CROISSANCE ÉCONOMIQUE

LOIN DE L’ÉMERGENCE !

Le Maroc est bien parti pour réaliser une bonne croissance en 2015. C’est ce que tout le gotha d’analystes prévoie pour le pays grâce à la bonne saison agricole qui charriera dans son sillage une progression de 8-10% de la valeur ajoutée agricole. En outre, à la faveur d’une accélération de la demande domestique et d’un environnement international plus porteur, la progression du PIB non-agricole repasserait ainsi légèrement au-dessus de 4% en 2015 pour la première fois depuis 2012, ce qui porterait la croissance de l’économie marocaine à 4,6% contre 2,4% l’an passé. Ce pronostic n’est toutefois pas sans risques. L’industrie manufacturière reste fragile malgré le boom du secteur automobile et de l’industrie de l’aéronautique. C’est le seul secteur qui a détruit des emplois en 2014, essentiellement dans la branche textile et pour laquelle les derniers indicateurs (taux d’utilisation des capacités, carnets de commandes) ne s’améliorent pas. La contraction des recettes touristiques durant le premier trimestre, après trois années de quasi-stagnation, est également assez inquiétante. En outre, la situation difficile sur le front de l’emploi, marquée par un chômage persistant à 9,9%, risque de peser sur la consommation. C’est ce que suggère l’indice de confiance des ménages dont le niveau a atteint un point historiquement bas en ce début d’année. De même, le crédit au secteur privé reste atone et le coup de pouce monétaire décidé par la banque centrale ne semble pas suffisant pour inciter les banques à jouer leur rôle de transformation dans un contexte de hausse du coût du risque. D’autant que les difficultés du secteur immobilier sont loin d’être résolues… Voilà autant d’éléments qui doivent inciter les responsables à revoir de fond en comble un modèle économique arrivé à saturation. Puisqu’incapable de réaliser un taux de croissance de 7% par an et dans la durée, comme l’indiquent les bailleurs de fonds, pour permettre de lutter efficacement contre le chômage. L’émergence par ce taux, à n’en point douter. PERSPECTIVES MED

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ÉCONOMIE CROISSANCE ÉCONOMIQUE

LE MODÈLE S’ESSOUFFLE…

R

IL Y A DE CES CÉNACLES QUI REMPLISSENT LEUR RÔLE : «AGITER LES IDÉES». C’EST LE PROPRE DU CERAB QUI A TENTÉ DE DÉCORTIQUER LE MODÈLE DE CROISSANCE DE L’ÉCONOMIE MAROCAINE. UN MODÈLE QUI SEMBLE AVOIR ATTEINT SES LIMITES.

DES VOIX S’ÉLÈVENT DE PARTOUT POUR IMAGINER UN AUTRE MODÈLE ÉCONOMIQUE QUE CELUI QUI A FAIT SON TEMPS 32

PERSPECTIVES MED

Par :Mohammed Taleb

ythmée par une croissance en dents de scie depuis une quinzaine d’années, l’économie nationale peine à émerger et à permettre l’inclusion sociale. L’impact de cette croissance sur l’emploi ne se fait pas sentir d’une manière claire. Ainsi, le chômage persiste, même durant des années de forte croissance, et les disparités sociales s’aggravent. Le modèle, en panne, incite au changement. Tel le plaidoyer de nombre d’économistes. L’une des raisons fondamentales qui a rendu impératif le changement du modèle de croissance économique résulte du passage forcé de l’économie marocaine d’une économie de rattrapage, relativement fermée et très peu ouverte sur les échanges où dominaient l’imitation technologique et le dualisme, à une économie mondialisée extravertie où la clef de voûte repose sur l’innovation. Vue sous ce prisme, il faut croire que les circuits de l’économie nationale n’ont toujours pas réussi à intégrer la nouvelle donne pour exprimer au mieux une croissance forte et durable. Celle que les institutions de Bretton Woods chiffrent à au moins 7% par an pour pouvoir relever les défis du sous-développement. À quel point l’actuel modèle triptyque basé sur le développement sectoriel, la libéralisation du marché et l’ouverture commerciale intègre-t-il les différentes dimensions de développement ? À quel point permet-il de renforcer la cohésion sociale et de réduire les inégalités sociales ? Jusqu’à quand pourrait-il se contenter de la seule consommation intérieure comme moteur de la croissance ? Et quelle (s) alternative (s) devrait-on imaginer? C’est à ces interrogations, entre autres, qu’un parterre d’économistes et de syndicalistes a essayé de répondre en tentant d’en percer tous les mystères lors d’un colloque organisé, fin avril à Rabat, par le Centre d’Étude et de Recherche Aziz Belal (CERAB) en collaboration avec l’Union marocaine du travail (UMT). Après le Haut-commissariat au plan et le Centre marocain de conjoncture qui ont ouvert le débat sur le modèle de croissance adopté et ses limites, c’est autour du CERAB d’apporter son lot d’éclairages. Sur ce sujet éminemment complexe, « nous avons, plus que jamais besoin de débat », a tenu


à rappeler l’ancien ministre des Finances, Mohammed Berrada. D’autant plus que le Maroc mène, sans concertation, une politique d’ouverture de son économie depuis la fin du Programme d’ajustement structurel (PAS). « Il me semble qu’il y a une pensée à développer» en la matière, même si au sein du parlement, il n’y a pas de débat sur la question : « Est-ce qu’on doit mener une politique libérale ou une politique keynésienne ? ». Cet ancien commis de l’Etat s’est, dans une sorte de subjection, interrogé : y a-t-il modèle de développement marocain ? Et de répondre d’emblée avec la franchise qu’on lui doit: « Le Maroc ne dispose pas d’un modèle de développement qui correspond chez nous à une stratégie pensée, élaborée et cohérente ». Selon lui, il ne suffit pas de rechercher la croissance tous azimuts, mais plutôt une qualité de la croissance sans laquelle on ne pourrait réaliser un développement cohérent et inclusif. Après avoir rappelé les différentes phases traversées par la croissance au Maroc à partir de l’indépendance, M. Berrada a expliqué que « ce n’est qu’à partir des années 2000 que le Maroc a pu reprendre avec une croissance de plus en plus importante et de qualité différente (une croissance moins inflationniste que dans le passé)». Néanmoins, cette embellie n’a pas généré une réduction des inégalités. « Certes, le revenu par tête à augmenté de 2% sur les trente dernières années, mais les inégalités se sont accrues encore plus », assure cet économiste blanchi sous le harnais.

DÉFICIT D’INCLUSION Se référant aux travaux de l’économiste français Thomas Piketty, connu pour sa spécialisation dans l’étude des inégalités économiques, M. Berrada a expliqué que, lorsque le taux de rentabilité du capital (R) se trouve supérieur au taux de croissance (G) cela induit qu’il y a eu augmentation des inégalités et vice versa. « Thomas Piketty démontre qu’il est fort probable que dans les années à venir le taux de rentabilité du capital R soit supérieur à G à l’échelle mondiale », a-t-il soutenu. Tout en affirmant que le Maroc ne semble pas échapper à cette donne. Quid du pronostic de l’ancien commis de l’Etat ? A ses yeux, «le taux de rentabilité du capital est appelé à augmenter dans les années à venir » et, par conséquent, « la

concentration du capital risque d’augmenter au Maroc » voire « d’atteindre des niveaux extrêmement élevés et potentiellement incompatibles avec les valeurs méritocratiques et les principes de justice sociale qui sont des fondements des sociétés modernes». Un avis partagé par le secrétaire général de l’Union marocaine du travail (UMT), Miloudi Moukharik. Evoquant la question de l’inclusion sociale, et partant du fait que les questions économiques conditionnent celle d’ordre social, le syndicaliste a critiqué « la mauvaise répartition des richesses » qui donne lieu, selon lui, à une augmentation des disparités sociales et favorise les pratiques rentières profitant à « une poignée de nantis ». Un brin philosophe, le patron du plus ancien syndicat a estimé que le Maroc « n’est pas un pays sous-développé » mais plutôt un pays « mal développé ». Et c’est sur cette même trame que le président du CERAB, Mohammed Chiguer, allait broder son laïus. Lui qui considère que «le Maroc a évolué sur le plan économique, mais n’arrive toujours pas à progresser ». Estimant que « le modèle économique en place depuis 1983 favorise le sous-développement ».

VOIE DE L’EMERGENCE

L’ARME INDUSTRIELLE Le Maroc paie le fait d’avoir trop longtemps repoussé les réformes structurelles. Les différents intervenants lors de ce colloque, unanimes sur la nécessité de mettre en cohérence la politique macroéconomique avec les réformes structurelles et les politiques sectorielles, ont appelé à mettre fin à cette tergiversation. La croissance économique au Maroc doit, donc, se soustraire de sa dépendance vis-à-vis du PIB agricole qui reste déterminant. Il est temps, selon ces spécialistes, de mettre fin au processus de désindustrialisation et favoriser l’émergence d’une industrie forte. L’histoire montre que seule l’industrie a la capacité de créer des emplois stables. Poser les jalons d’un nouveau modèle de croissance inclusive suppose une révision de la stratégie de l’investissement public en vue d’accroître sa productivité et son efficience. Choisir cette voie n’est pourtant pas facile et l’emprunter ne peut pas se faire sans dégâts. Le Haut-commissaire au plan, Ahmed Lahlimi, avait précisé, il n’y a pas si longtemps de cela, que pour marquer une rupture avec le modèle actuel, il faut accepter une récession dans le court terme, pour pouvoir rehausser le potentiel de croissance du Maroc. Rappelant que ce potentiel tourne autour de 4 à 5 %, A. Lahlimi a précisé qu’avec des réformes structurelles, on peut dans le moyen terme être capable de réaliser des taux de croissance entre 7 et 8%. Mais, il semble que l’actuel Exécutif ne veut pas courir ce risque ou n’a pas le courage de le faire.

PERSPECTIVES MED

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ÉCONOMIE ACCÉLÉRATION INDUSTRIELLE

PANNE TECHNIQUE OU SYSTÉMIQUE ? Par : Mohammed Taleb

Si le plan d’accélération industrielle 2014-2020 souffle sa première bougie, aucun signe positif n’a encore surgi. Devant accélérer son développement, l’industrie nationale qui peine à redémarrer cale devant ses difficultés.

P

ompeusement baptisé « Plan d’émergence aux écosystèmes performants », le plan dit aussi d’accélération industrielle s’est fixé 2020 comme date butoir, a fait le plein de promesses. Parmi les monts et merveilles promis, l’augmentation de 9 points la part du PIB industriel (14% à 23%) dans le PIB global et la création de 500.000 emplois à cet horizon. Douze mois plus tard, rien n’augure que le train de l’industrie a été mis sur les rails pour franchir les très ambitieux objectifs qu’il s’est fixé. Pis, les clignotants du secteur sont toujours dans le rouge. Une première lecture des récentes L’ACCÉLÉRATION enquêtes relatives à l’activité industrielle, INDUSTRIELLE RÉPOND publiées par les difféDANS LE VIDE ET LE MOTEUR rents conjoncturistes nationaux et internationaux, laisse présaTOUSSE D’ASPHYXIE ger qu’un rebond de l’industrie marocaine ne devrait pas intervenir dans l’année en cours voire même pas à moyen terme. Au ralenti, pour ne pas dire au point mort, l’industrie marocaine ne parvient toujours pas à trouver son second souffle comme en témoignent les résultats trimestriels de 34

PERSPECTIVES MED

l’enquête mensuelle de conjoncture publiés le 24 avril par Bank Al Maghrib (BAM). D’après cette dernière, même si les entreprises sondées jugent le climat des affaires « normal », les craintes demeurent de mise. Les industriels affirment que la situation de leur trésorerie aurait été, quant à elle, « difficile», en liaison principalement, avec l’augmentation des impôts et des charges non financières, l’accentuation des difficultés de recouvrement, ainsi que le raccourcissement des délais fournisseurs. S’y ajoutent également, selon les chefs d’entreprises, les coûts unitaires de production qui sont « globalement en hausse ». Autant dire que ces limites rendent difficile l’augmentation des effectifs, qui stagnent par rapport au trimestre précédent, voire donnent lieu à des pertes d’emploi. Celles-ci sont devenues, ces dernières années, quasi-constantes pour ce secteur qui croupit dans une léthargie sans pareille. L’industrie nationale, y compris l’artisanat, a perdu 37.000 postes d’emploi rien qu’en 2014, soit une baisse de l’ordre de 3% du volume d’emploi du secteur, et le double de la perte moyenne des trois années précédentes, estimée à 18.000 postes, selon la note d’information du HCP relative à la situation du marché du travail en 2014.


DÉFAILLANCES ÉLEVÉES Reflétant les difficultés des entreprises nationales, les pertes d’emploi sont dues essentiellement à l’augmentation incessante des défaillances. Cellesci sont appelées à se maintenir pour ne pas dire à enfler. Ayant prévu un maintien de la croissance des défaillances d’entreprises au même niveau qu’en 2014, à savoir 10%, le spécialiste de l’assurance crédit Eulers Hermès vient de confirmer cette prévision dans son bulletin économique du 24 avril. Autant dire que les défaillances devraient toucher pas moins de 8.374 sociétés. Selon les pronostics pays dudit bulletin, les entreprises marocaines, à l’image de celles d’autres pays de la Méditerranée, font face à d’importants obstacles dégradant le risque pays. Selon les analystes d’Eulers Hermès « le Maroc, en général, se positionne comme un pays à risque moyen et comme un pays vulnérable en matière de risque de financement en particulier ». Le ministre qui envisage de créer la moitié des 500.000 emplois grâce aux IDE, se doit plus que jamais, de surveiller le financement, dont les marges restent limitées pour envisager croissance et débouchés, et se pencher sur l’amélioration de la compétitivité du pays. Cette dernière étant mise à rude épreuve aussi bien par le ralentissement du crédit du secteur privé que par l’augmentation des coûts salariaux unitaires qui pèsent sur l’économie marocaine. Mais ce qui contribue aussi à l’essoufflement du tissu industriel est aussi à situer au niveau d’un risque plus important ; l’apparition de plusieurs zones low-cost (à bas coût). Selon la même source, « le coût du travail en Espagne a baissé de 30% et de 46% en Grèce». Ces deux pays sont ainsi venus s’ajouter à la Roumanie qui a bien des avantages comparatifs par rapport au Maroc à ce niveau. Peut-être que le problème de la compétitivité ne se révèle pas trop à court terme mais à moyen terme, il faut se poser la question : est-ce que le coût du travail et la productivité vont assez bien et assez vite pour soutenir la concurrence.

quelques jours après. Le Chef du gouvernement avait affirmé que «ce chiffre (500.000 postes d’emploi) est exact et ne cache aucun subterfuge». Certes, l’approche qui consiste à placer haut la barre est louable. Et personne ne peut remettre en cause une quelconque approche volontariste. Mais s’agit-il vraiment d’un défi, à relever avec les moyens du bord et sur des bases réalistes, ou plutôt d’une gageure sans aucune forme d’assurance ? Ne fallait-il pas chercher des solutions pour arrêter l’hémorragie et rattraper les retards cumulés plutôt que de chercher à atteindre une contribution 23% au PIB. Une barre que l’on ne pourrait jamais franchir au rythme où vont les choses. A moins que le secteur n’arrive à progresser de 119% sur 6 ans, soit 17% par an au lieu des 4,2% enregistrés durant les dernières années. Sur le registre de l’emploi, pour atteindre le surréaliste objectif de production de 500.000 emplois, le secteur devrait en créer près de 84.000 par an (sur 6 ans). L’industrie, y compris l’artisanat, a créé 9.000 postes durant le premier trimestre 2015. Si le secteur parvient, dans le meilleur des cas, à maintenir cette cadence il ne pourra atteindre que 36.000 durant sa deuxième année de mise en oeuvre. Par conséquent, il ne va même pas compenser les 37.000 emplois perdus l’année dernière. Force est de constater que pour ce secteur, qui perd en moyenne 25.000 emplois par an, en créer 84.000 serait de l’ordre de l’absurdité. Rappelons que le secteur n’a pu créer en somme que 75.000 emplois sur les dix dernières années. Bon Sang ne saurait mentir. A moins que M.H. El Alamy dispose d’une autre liseuse de chiffres.

LES PROMESSES NE VALANT QUE PAR CEUX QUI Y CROIENT Dans ce contexte, aucun signe d’accélération n’est perçu jusqu’à présent. Baignant toujours dans son marasme, l’encéphalogramme de l’industrie nationale est resté quasi plat depuis le lancement de ce plan. Et pourtant, l’Exécutif continue de multiplier les vœux pieux. Quelques mois après sa nomination, M.H. Elalamy s’est empressé d’enterrer le précédent plan industriel, baptisé « Pacte national pour l’émergence industrielle (PNEI) », qui n’a pas donné satisfaction en termes de réalisation d’objectifs avant même qu’il atteigne son échéance. Pour sortir du chapeau un nouveau plan aux objectifs utopiques. Des objectifs qui ont été confirmés par son patron, Abdelilah Benkirane, lors de la séance mensuelle consacrée à la politique générale du gouvernement PERSPECTIVES MED

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ÉCONOMIE ENTRE BLASÉS ET BLOUSÉS

LES MAROCAINS ONT LE BLUES Par : Ben Abedelouahhab

Les Marocains broient du noir. Le HCP leur a demandé de noter le niveau de leur bien-être. Résultat marquant: les disparités sociales se reflètent sur le bien être des citoyens. Entre les privilégiés disposant de la meilleure qualité de vie et ceux qui pâtissent le plus d’affects négatifs, le fossé grandit.

L

e ressenti des citoyens quant à leur qualité de vie a fait l’objet, et c’est une première, d’une enquête du Haut commissariat aux plans (HCP). Initié en 2012, ce travail inédit sur la question du bien-être des Marocains a, in extenso, synthétisé l’état de mal-être de la majeure partie de la population marocaine, en particulier, les tranches de la population qui pâtissent le plus d’affects négatifs. Alors que les nantis, soit une minorité constituée par les 20% qui ont le moins d’affects négatifs (entre 9 et 30), déclarent un niveau moyen de satisfaction de 6,3/10, les citoyens les plus désavantagés en termes de qualité de vie (49 affects négatifs ou davantage) déclarent un niveau de satisfaction inférieur à la moyenne, à savoir 3,7/10. Ces statistiques qui n’ont rien d’impressionnant

PEUT-ON PARLER DE BONHEUR LORSQUE LES INDICES DE CONFIANCE SONT AU PLUS BAS?

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PERSPECTIVES MED

dans la mesure où elles rament avec les résultats de l’indice de confiance des ménages, et il est à son plus bas historique, sont la résultante d’une analyse menée par les équipes du HCP. Convaincus que les statistiques macroéconomiques classiques ne peuvent rendre compte de la situation du simple citoyen et de son bien être, les « techniciens» du HCP ont cherché à répondre aux préoccupations que les statistiques classiques n’ont pu mieux exprimer. Les citoyens interrogés ont ainsi fixé 95 déterminants de la qualité de vie avec en premier lieu le logement évoqué par 60%, suivi du revenu (45%), l’emploi pour 43%, la santé (32%)et l’éducation (24%)... Au-delà de ces dimensions purement matérielles, la présente enquête a montré que d’autres aspects de la qualité de vie, liés surtout au domaine sociétal, incluant solidarité sociale, confiance, vie familiale, culturelle, spirituelle et de loisirs, font partie intégrante des facteurs du bien être du Marocain. Ils ont été évoqués par 29% des sondés. LE POIDS DE LA PIERRE L’envolée des prix de l’immobilier, des loyers, de


l’eau et de l’électricité a affecté des millions de familles marocaines mettant ainsi le logement au centre de leurs inquiétudes. L’indécence des prix, la qualité médiocre et l’espace réduit, ajoutées au surpeuplement et au manque d’accès aux services publics, tout cela fait du logement la première source du mal être des Marocains. L’étude montre que, de nos jours, 22% de Marocains n’ont pas encore eu le privilège d’avoir accès à l’eau potable et 5% n’ont pas d’accès à l’électricité. À l’échelle nationale, l’indice synthétique des difficultés et affects négatifs éprouvés à l’égard du logement montre que les conditions du logement précitées contribuent à raison de 64% à ces difficultés, suivies dans une moindre mesure par« les nuisances du voisinage (26%) et le confort de logement (10%) ». Dans l’ensemble, le niveau moyen de satisfaction quant au logement demeure inférieur à la moyenne, soit 4,7 sur 10. Une moyenne qui passe à 2,5 sur 10 pour les personnes éprouvant au moins 10 affects négatifs. L’ÉPINE SOCIALE La qualité des services de santé et d’éducation est loin de constituer une source de satisfaction pour la majeure partie de la population. Ainsi, rares sont les citoyens épargnés par les affects et facteurs de nuisance liés aux services de santé. En effet, la majorité de la population marocaine, à savoir 89 %, sont « sous l’emprise d’au moins quatre affects négatifs parmi les neuf mesurés », a souligné Ahmed Lahlimi, Haut-commissaire au plan lors de la présentation des résultats de ladite enquête. Et de préciser que l’accessibilité et la qualité des services procurés par les différents services du département de Louardi contribuent à hauteur de 81% aux affects négatifs reliés à ce domaine au moment où l’état de santé des citoyens y contribue à 19%. Du coup, le niveau moyen à l’échelle nationale de satisfaction à l’égard des services de santé est de 3,4/10. « Cette moyenne chute de 6,2 pour les personnes n’éprouvant aucun affect négatif à 2,4 pour celles en encourant au moins 8 », a précisé Lahlimi. D’un autre côté, l’appréciation des citoyens quant à l’éducation reflète pour sa part la situation lamentable du système éducatif national. La preuve : la moyenne faible de satisfaction des citoyens à l’égard de l’éducation (4,3 sur 10) et le niveau de satisfaction qui baisse de 6,4% pour les sondés n’encourant aucun affect à 2,3 pour ceux éprouvant au moins 10 parmi les 13 mesurés. L’insatisfaction des Marocains quant à ce qui concerne le système éducatif est, en fait, due à la défaillance des infrastructures et à la qualité peu reluisante de l’enseignement. La présente enquête montre, preuves à l’appui, que la disponibilité des infrastructures éducatives contribue à raison de 40% à l’ensemble des affects liés à l’éducation.

La qualité de l’enseignement semble, elle aussi, préoccuper de plus en plus les Marocains avec une contribution de 33 % des attributs liés à la qualité. Peu importe les chiffres que nous regardons, il est indéniable que tout le monde s’accorde sur le fait que l’éducation nationale, qui a absorbé 46 milliards de dirhams en 2015 (en hausse de 8,5% par rapport à 2014), est défectueuse. Ainsi, une mise à niveau de l’enseignement est inéluctable, sans elle on ne peut pas préparer les compétences de demain et former les élites. Son échec est synonyme de déchéance de tous les autres secteurs. Par ailleurs, les résultats de l’enquête relatifs aux autres aspects de la qualité de vie, notamment ceux liés au domaine de la famille et de l’environnement ainsi qu’à celui de la culture et des loisirs, restent très peu probants avec un niveau moyen de satisfaction, respectivement, de 4,5 et de 3,6 sur 10.

LES MULTIPLES RAISONS DE LA COLÈRE SONT DE NATURE À RELATIVISER LES RÉALISATIONS POLITIQUEMENT «VENDABLES»

L’ÉTAT FACE À SES RESPONSABILITÉS Pour le Haut-commissaire au plan, Ahmed Lahlimi, l’État doit changer de paradigme en ce qui concerne ses politiques publiques. « Outre l’impact macroéconomique et macrosocial recherché par les politiques publiques, celles-ci doivent avoir comme préoccupation essentielle de permettre aux citoyens de vivre tranquillement leur vie », nous a-t-il confié. « Il faut non seulement avoir cette préoccupation, mais se pencher également sur tout ce qui peut réduire les nuisances qui peuvent perturber la sérénité à laquelle aspire tout citoyen dans sa vie quotidienne », nous a-t-il expliqué. Selon lui, « les gouvernements qui se succèdent doivent s’atteler aux problèmes de l’environnement et à ceux liés à sa participation dans le processus de prise de décision… ». « L’État doit, a posteriori, mettre le citoyen au centre de ses politiques et lui procurer une écoute attentive afin de lui permettre d’exprimer ce qui le dérange », a-t-il soutenu. Et ce, « dans le but de répondre aux attentes de la population et de prendre en compte la dimension du bien-être dans les projets de développement », a-t-il conclu. Désormais, les décideurs peuvent se servir des résultats de cette étude qui a permis, selon Lahlimi, « d’appréhender les besoins sociaux déterminés par les citoyens eux-mêmes, selon leur conception du bien-être et des conditions de son effectivité dans sa vie quotidienne » et de « disposer de la hiérarchie des différentes dimensions du bien-être établie par la population elle-même ». PERSPECTIVES MED

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ÉCONOMIE PRÉVISIONS DE CROISSANCE

LA BANQUE MONDIALE LIVRE SON PRONOSTIC

S

elon le rapport de suivi de la situation économique au Moyen-Orient et en Afrique du nord (MENA) de la banque mondiale, la croissance économique du Maroc devrait s’élever à 4,6% en 2015 (contre 2,6% seulement en 2014) grâce notamment à la bonne pluviométrie et à la forte baisse des prix internationaux du pétrole. Pour 2016, la Banque Mondiale table sur un taux de croissance de 4,8%. Pour sa part, le déficit budgétaire devrait s’améliorer à -4,5% du PIB en 2015 (vs. -5% en 2014) grâce notamment à la volonté du gouvernement de poursuivre ses réformes fiscales et de retraites ainsi qu’à l’adoption de la Loi Organique relative aux lois de fianances (LOLF). Dans ces conditions, le déficit budgétaire devrait être ramené à 3% du PIB à horizon 2017. L’inflation devrait, quant à elle, être maintenue en dessous de 2% durant les deux prochaines années. Le déficit de la balance courante devrait également se résorber pour se fixer à -5% en 2015 (vs. -5,8% en 2014), grâce notamment à l’émergence de nouveaux relais de croissance à forte valeur ajoutée au niveau des industries à l’export tels que l’automobile et l’aéronautique et à l’expansion des entreprises marocaines en Afrique de l’Ouest. Le Maroc pourrait ainsi s’ériger en Hub entre l’Europe et l’Afrique sub-saharienne pour le commerce et l’investissement. Notons que le besoin de financement constitue une préoccupation modérée pour le Maroc à moyen terme, étant donné son faible niveau d’endettement extérieur, le soutien financier dont il bénéficie de la part des pays du CCG et son accès facile aux marchés internationaux. La banque mondiale rappelle à ce titre que le Maroc profite toujours de la ligne de précaution et de liquidité du FMI d’un montant de 5 Mrds de dollars qui devrait servir de bouclier contre les chocs externes jusqu’à la mi-2016. Signalons, enfin, que la banque mondiale table pour l’ensemble de la région MENA sur un taux de croissance variant entre 3,1% et 3,3%, en tablant sur l’application des réformes générales et la faiblesse des cours du pétrole.

EN RÉVISANT SON PRONOSTIC SUR LA CROISSANCE, L’INSTITUTION APPELLE AUX RÉFORMES

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PERSPECTIVES MED


CAISSE DE COMPENSATION

ÇA GAZE !

Au terme du mois de mars 2015, la charge de compensation relative au gaz butane et au sucre diminue de 43,9% à 2 774 M Dhs comparativement à la même période de l’année précédente et à périmètre égal. Par composantes, la charge de compensation du gaz butane recule de 47% à 2 241 M Dhs par rapport à mars 2014, ceci étant essentiellement dû à la baisse des prix du gaz butane. Notons que la subvention unitaire par bouteille supérieure à 5 kg au mois de mars 2015 était de 53 Dhs (vs. 34 Dhs en 2014). Pour sa part, la charge de compensation du sucre brut importé et du sucre consommé, pour les mois de janvier et février, a augmenté de 19% à 533 MDH comparativement à mars 2014, due principalement à l’impact de la subvention du sucre brut importé. En l’absence de réception des dossiers de subvention du sucre du mois de mars, la charge de compensation du sucre pour le premier trimestre de 2015 intègre uniquement les mois de janvier et février. Signalons enfin qu’il est prévu que les dépenses liées à la subvention de la caisse de compensation diminuent de l’ordre de 10 Mrds Dhs en 2015.

NOOR III

FINANCEMENT EUROPÉEN Dans le cadre du financement de la troisième tranche du complexe solaire d’Ouarzazate NOOR III, la Commission Européenne vient d’accorder un don de 43 M EUR soit 465 MDH à l’Agence marocaine de l’énergie solaire (MASEN). Sachant que la première tranche du projet (NOOR I) est en cours de construction et qu’elle devrait ouvrir ses portes en août 2015, les travaux des deux autres projets (NOOR II et NOOR III) devraient s’étaler respectivement sur 28 et 30 mois avant de débuter leur activité en 2017. La capacité de production de NOOR III devrait s’établir à 150 MW (contre 200 MW pour NOOR II) avec un prix du kilowattheure de MAD 1,42, pour une capacité de stockage de 8 heures. Il est à signaler enfin que les centrales NOOR II et III nécessitent un investissement global de 2,67 Mrds Dhs.

MOINS DE TIRAGES RETARDS DE PAIEMENT

LES DÉLAIS S’ALLONGENT D’après les résultats de l’enquête menée par le Groupe COFACE portant sur les délais de paiement, les sociétés marocaines seraient qualifiées de « mauvais payeurs », suite à l’allongement des délais de paiement et à leurs retards. En effet, 91% de l’échantillon interrogé admet accorder des délais de paiements à leur clients, dont 41% considérant ce fait comme inhérent au métier de commerçant et 35% le voit comme une simple pratique du métier. Selon cette étude, seules 39% des entreprises accordent des délais de paiement compris entre 30 et 60 jours, conformément aux normes internationales. 25% octroient un délai entre 60 et 90 jours et 10% accordent un délai supérieur à 120 jours. Signalons que les délais de paiement au Maroc se situent au même niveau que ceux des pays européens d’après COFACE. Pour leur part, les ratios d’impayés au Maroc demeureraient alarmants. En effet, 28% des sociétés sondées affichent un ratio d’impayés supérieur à 10%, principalement dans les secteurs du BTP, des nouvelles technologies et des services. Enfin et selon les résultats de l’enquête, les retards de paiement impacteraient la trésorerie de 80% des entreprises constituant l’échantillon. PERSPECTIVES MED

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ÉCONOMIE RATING

NOTATION INCHANGÉE

L’

agence de notation Fitch ratings maintient les notes du Maroc à BBB- et BBB concernant ses dettes à long terme en devises et en monnaie locale respectivement, ainsi que ses notes de plafond souverain (BBB) et ses dettes à court terme en devises. Les analystes de Fitch appuient les notations ainsi attribuées par une croissance prévisionnelle du PIB de 4,3% en 2015, un allègement escompté du déficit public à 4,3% du PIB, une diminution du coût des subventions à 2,4%, un ralentissement de la dette publique d’ici 2018 pour atteindre un niveau de 43% du PIB contre 49,2% en 2014, un repli du déficit du compte courant à 3,9% du PIB, redevable à la diminution de la facture énergétique à 7,4% du PIB et une croissance des exportations industrielles, principalement pour le secteur automobile. Dans les « Big three », l’agence Standart & Poor’s confirme, pour sa part, et pour la troisième fois consécutive, la note BBB de la dette marocaine court et long terme libellée en monnaie étrangère ainsi que la note A-3 pour les

LES DIAGNOSTICS DE FITCH ET S&P

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PERSPECTIVES MED

dettes en Dirham, avec perspectives stables. S&P justifie le maintien de la note souveraine dans la catégorie Lower medium Investment Grade par la stabilité politique du pays qui le place au 32éme rang à l’échelle mondiale ainsi que par la qualité de sa gouvernance et de ses institutions, avec comme bémol la faiblesse de son système juridique. De ce fait, l’agence anticipe une accélération de la croissance à 5% en 2015, un PIB par habitant en progression annuelle moyenne de 3% à horizon 2018 et un déficit du compte courant de 2,5% du PIB en 2017. La dette extérieure nette, elle, devrait baisser pour atteindre 30% des recettes du compte courant en 2018, contre 37% en 2014.Dans ce sillage, les estimations de S&P confirment les capacités du gouvernement à atteindre son objectif de ramener le déficit budgétaire à 3% du PIB d’ici 2017, au lieu de 7% en 2012. Sur le plan monétaire, l’agence de notation, qui prend en compte la récente révision du panier de cotation du dirham, signale toutefois que les gains sur le déficit public pourraient être limités par la poursuite de la dépréciation de l’euro contre le dollar. Ainsi, S&P préconise que BAM conserve encore le régime de change fixe du Dirham, dans l’attente d’une conjoncture macroéconomique d’avantage favorable.


CHOMAGE

LÉGÈRE BAISSE A fin mars, la population active en chômage ressort à 1 157 000 personnes, en baisse de 2,9% comparativement à une année auparavant, réduisant par conséquent le taux de chômage de 0,3 point à 9,9%. Ce recul prend en considération la baisse de 0,3 point à 14,3% du taux de chômage en zone urbaine et de 0,4 point à 4,7% en milieu rural. La baisse du taux de chômage en milieu rural s’explique surtout par le repli de la population active qui passe de 275 000 à fin 2014 à 253 000 au T1 2015. En effet, 27 000 postes ont été générés suite à la création de 45 000 emplois en milieu urbain et la perte de 18 000 autres en milieu rural. Par secteur, 4 000 nouveaux postes ont vu le jour dans les services (vs. 128 000 postes en moyenne entre 2011 et 2013), 9 000 postes dans l’industrie et l’artisanat et 14 000 emplois dans la branche « agriculture, forêts et pêche ». En revanche, le secteur des BTP a connu une stagnation de son volume d’emploi, après une perte annuelle moyenne de 37 000 postes au cours des trois dernières années. Par catégorie, les actifs ayant un certificat de spécialisation professionnelle représentent 24,3% des chômeurs talonnés par les détenteurs d’un diplôme de niveau supérieur dont la part grimpe à 19,9%. Signalons que la baisse du taux de chômage a bénéficié aux adultes âgés de 35 à 44 ans et aux personnes sans diplôme de 1 point et de 0,5 point respectivement. Pour leur part, les jeunes âgés de 15 à 24 ans sont les plus exposés au chômage avec un taux de 39,1%.

Les réserves internationales nettes affichent une nette progression de 17.2%, pour s’établir à 191.2 Mrds Dhs à fin avril 2015. Ainsi, le taux de couverture des besoins en biens et services devrait se renforcer. Par ailleurs, les réserves extérieures couvraient, sur le premier trimestre, 5 mois et 13 jours d’importations.

TOURISME

UN DÉBUT D’ANNÉE MOROSE

Au terme de l’exercice en cours, les arrivées touristiques aux postes frontières se replient légèrement de 0,5% à 1 946 056 touristes, intégrant une baisse de 5,8% des touristes étrangers à 1 150 577 personnes compensée par la hausse de 8,4% des MRE à 795 479 personnes. Par pays de résidence, les plus fortes augmentations concernent les arrivées en provenance de l’Allemagne (+18% à 130 141 touristes) suivies de l’Espagne avec une augmentation de 7% à 392 777 touristes. Les principaux marchés émetteurs restent la France avec 612 567 touristes (31% du total), suivie de l’Espagne avec 392 777 visiteurs (20% du total). En parallèle, les nuitées totales réalisées dans les établissements d’hébergements touristiques classés reculent de 8,7% à 3 970 556 nuitées. Par ville, Tétouan arrive en

tête du peloton avec une bonification de 9% tandis que les zones d’Ouarzazate et Essaouira-Mogador ressortent en bas d’affiche avec une contraction de 21% chacune. De facto, le taux d’occupation se déprécie de 3 points à 38%. Les recettes voyages s’effritent, de leur côté, de 5,5% à 11,6 Mrds Dhs à fin mars 2015 et ce, comparativement à une année auparavant. Pour le seul mois de mars, les arrivées touristiques ressortent en quasi-stagnation comparativement au même mois de l’année précédente à 726 963 touristes, dont 275 502 MRE (+7,8%) et 451 461 touristes étrangers (-4,2%). Pour sa part, le nombre de nuitées enregistre une baisse de 9% à 1 498 450, établissant ainsi le taux d’occupation à 41% (vs. 45% en mars 2014). Enfin, les recettes voyages ressortent, en repli de 5,4% à 4,2 Mrds Dhs. PERSPECTIVES MED

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ÉCONOMIE PANIER DE DEVISES

MOINS D’EUROS ET PLUS DE DOLLARS

L

a Banque centrale a décidé de changer la composition du panier de devises à partir duquel se fixait la valeur du dirham. Ce panier se composait à 80% d’euros et de 20% d’USD faisant que le dirham fluctuait en fonction de l’évolution de ces deux devises. La pondération traduisait la part dominante de l’euro dans les échanges commerciaux et financiers du royaume. « Coller » à l’euro permettait d’effacer les effets d’une fluctuation de la devise européenne : une hausse ou une baisse de l’euro ne se traduisait pas par un gain ou une perte significative de compétitivité. Mais l’ancrage du dirham permet surtout aux investisseurs européens, les plus présents au Maroc, de maîtriser avec une relative sécurité leur risque de change. Avec la forte hausse de l’euro face au dollar au cours des dernières années, l’ancrage de la monnaie nationale à l’euro a été maintenu: le Maroc qui a vu son taux de croissance s’accélérer devrait financer des importations croissantes de biens d’équipements (machines, véhicules, ...), mais aussi de pétrole (dont les prix grimpaient). La force de l’euro, et donc d’un dirham surévalué, permettait de réduire le coût des importations, soit une forme de subvention déguisée. La faible compétitivité de diverses exportations marocaines a ainsi fait pencher la balance en faveur d’une politique favorisant les importations pour accompagner l’émergence de nouveaux secteurs industriels (automobile et aéronautique, notamment). Avec la hausse des exportations industrielles depuis deux ans, dont celles des voitures Renault, et après être devenu le premier récipiendaire d’investissements étrangers au sud de la Méditerranée depuis 2011, le débat sur une flexibilisation du taux de change s’est installé. Jusqu’à mi-2014, dans un contexte de pétrole cher et d’euro fort, un changement des pondérations aurait conduit à une dévaluation du taux de change, et donc à une aggravation d’un déficit commercial proche de 20% du PIB en 2013. La décision a été prise début avril : le panier auquel est rattaché le dirham sera désormais composé à 60% d’euros et 40% d’USD. Cette modification est néanmoins un premier pas vers une véritable flexibilisation du taux de change réclamée par le FMI : lorsque l’euro et les prix du pétrole se renforceront, le dirham devra se déprécier davantage que par le passé.

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PERSPECTIVES MED


RISQUE PAYS

COFACE, EN TOUTE CONFIANCE

Dans un contexte conjoncturel difficile marqué par l’instabilité dans la région, l’assureur crédit COFACE maintient la note A4 (sur une échelle de sept niveaux allant de A1 à D) quant à son évaluation du risque-pays Maroc. En effet, en dépit des fragilités constatées sur le plan macroéconomique, le Royaume s’est démarqué par sa stabilité politique et par son trend positif de croissance. L’assureur crédit a aussi relevé la vulnérabilité des comptes extérieurs et la forte dépendance du pays vis-à-vis du secteur agricole atténuées par ses efforts d’investissement anticycliques dans des secteurs à forte valeur ajoutée (automobile, aéronautique, etc.). Dans ce sens et pour parer à la problématique du capital humain, le pays a mis en place des formations pour acompagner ces changements. Dans son analyse, COFACE révèle, en revanche, la faible efficacité des investissements en raison de leur portée long-termiste. Enfin, l’absence du Maroc dans le classement des futurs émergents s’explique par sa dépendance au secteur agricole dont la croissance est très volatile et se caractérise par sa concentration sur des cultures hydrophages.

FRÉMISSEMENT DES VENTES

CIMENTS

L’ANRT A SA FEUILLE TÉLÉCOMMUNICATIONS DE ROUTE

Selon les statistiques du ministère de l’Habitat et de l’urbanisme, le volume des ventes de ciments a affiché, à fin avril 2015, une hausse de 1,4%, en variation annuelle, pour s’établir à 4,9 millions de tonnes. Cette augmentation est attribuable aux résultats enregistrés par les régions de Doukkala-Abda (+31,8%), Souss-Massa-Draa (+15,6%) et Oued Ed-dahabLagouira (+11,5%). A contrario, des évolutions négatives ont été enregistrées dans les régions de Guelmim- Es-Smara (-19,5%), Chaouia-Ourdigha (-15,6%) et Taza-Al Houceima-Taounate (-13,4%). Au titre du seul mois d’avril 2015, le volume des ventes a atteint 1 383 361 tonnes, en progression de 3,4% en glissement annuel. En termes de segmentation, l’activité «négoce» a accaparé l’essentiel des ventes d’avril (1 002 256 T, soit une contribution de 72,5%). L’activité « préfabriqué » a atteint un volume des ventes de 95 407 T, générant une part de 6,9%. Pour leur part, les activités « béton Prêt à l’emploi », « travaux publics » et « bâtiment » ont représenté respectivement des parts de 12,4%, 4,3% et 3,9%.

SELON LA NOTE D’ORIENTATIONS GÉNÉRALES POUR LA POURSUITE DU DÉVELOPPEMENT DU SECTEUR DES TÉLÉCOMMUNICATIONS À L’HORIZON 2018, QUI VIENT D’ÊTRE ADOPTÉE PAR L’AGENCE NATIONALE DE RÉGLEMENTATION DES TÉLÉCOMMUNICATIONS (ANRT), IL EST PRÉVU D’ATTEINDRE 50 MILLIONS D’ABONNÉS À LA TÉLÉPHONIE MOBILE, 2 MILLIONS D’ABONNÉS À LA TÉLÉPHONIE FIXE ET 22 MILLIONS D’ABONNÉS À INTERNET. CETTE NOTE, QUI PRÉVOIT ÉGALEMENT UN CHIFFRE D’AFFAIRES ESTIMÉ À 34 MRDS DHS POUR LE SECTEUR DES TÉLÉCOMMUNICATIONS À CET HORIZON, A POUR OBJECTIF DE DONNER LA VISIBILITÉ REQUISE AUX ACTEURS EXISTANTS ET POTENTIELS DU SECTEUR ET DE TRACER LES MESURES ET ACTIONS À DÉPLOYER EN VUE DE SON DÉVELOPPEMENT. ET POUR ATTEINDRE CES OBJECTIFS, LA NOTE INSISTE SUR L’ENCOURAGEMENT DE L’INVESTISSEMENT ET LA CONSOLIDATION DU MARCHÉ NATIONAL DES TÉLÉCOMMUNICATIONS, LA POURSUITE DU DÉPLOIEMENT EFFECTIF DU PLAN NATIONAL POUR LE DÉVELOPPEMENT DU HAUT ET TRÈS HAUT DÉBIT (PNHD) OU ENCORE LE DÉVELOPPEMENT ET LA MISE EN ŒUVRE DE MODÈLES VISANT LA MUTUALISATION DES INFRASTRUCTURES DANS LE BUT DE PERMETTRE LA DIVERSIFICATION DES OFFRES DE SERVICES POUR L’ENSEMBLE DE LA POPULATION. PERSPECTIVES MED

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ÉCONOMIE L’IMMOBILIER DANS LA TOURMENTE

MARASME À TOUS LES ÉTAGES ! Par : Abou Marwa

De tempêtes en tornades, le secteur de l’immobilier gîte dangereusement de tous les côtés. Des groupes habitués à afficher leurs performances peinent à cacher leurs déconvenues. Les banques deviennent de plus en plus sévères dans la gestion d’un portefeuille à problèmes. Et l’Etat tente de sauver les meubles. Un roman à rebondissements. Sans les sagas familières de bien des familles qui ont transformé la pierre en or !

D

urant les deux dernières années, un net ralentissement marque de son empreinte l’immobilier et ce à tous les étages. L’euphorie des années 2000 semble avoir cédé la place à une crise qui rappelle à plusieurs égards les prémices d’éclatement de la bulle immobilière comme ce fut le cas pour nos voisins ibériques. Embolie sectorielle qui a mis l’Espagne à genoux. Dans ce sens, la responsabilité de l’Etat est engagée, dans son rôle de régulateur. Des défaillances en termes de vison mais aussi de gouvernance sont signalées par nombre d’acteurs aussi bien publics que privés. Sur leurs nuages, les professionnels semblent confiants quant à leur avenir arguant que le déficit en logements est loin d’être comblé. Cependant, dans la réalité, les stocks enflent asphyxiant nombre d’opérateurs qui, toutes tailles confondues, se voient désormais refuser tout nouveau financement nécessaire à leurs nouveaux projets. Face à des robinets fermés, ils se contentent de payer leurs échéances

DES GÉANTS AUX PIEDS D’ARGILES TITUBENT

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PERSPECTIVES MED

échues à coup de ventes providentielles. Quoi de mieux qu’une bonne crise, dit-on, pour réformer un secteur dont la panne est à craindre ! L’adage selon lequel « quand le bâtiment va tout va » se traduit dans un sens plus large que celui évoqué par le ministre directement en charge du dossier ou le gouvernement. Quand le bâtiment marche cela veut dire que les entreprises (PME-PMI pour la plupart) s’activent, générant des salaires pour un bon nombre de cadres moyens outre la réserve d’ouvriers (qu’on a créée à partir des années 60 dans certaines régions où l’on n’a pas construit d’écoles) qui travaillent dans les chantiers. La crise est là, parole de banquiers, incitant à une refonte en profondeur si l’on veut sortir du carcan « pompier pyromane » !

DÉFICIT DE GOUVERNANCE

A la lumière du dernier recensement, le déficit en logement constaté par le ministère de l’Habitat, toutes catégories confondues, cumule à pas moins de 470.000 unités. Le déficit incite, en toute logique, à ce que la machine de la production s’emballe alors même que l’offre s’essouffle et que les stocks débordent. Pourquoi est-on face


à un constat des plus contrastés? Des acteurs tentent une explication en soulignant que ces 470.000 unités englobent la classe moyenne pour laquelle aucune offre dédiée ne semble avoir été au rendez-vous. Et qui dit habitat pour classe moyenne dit un pouvoir d’achat ne dépassant pas les 800.000 dirhams. Ayant boudé un tel gisement, les promoteurs demandent plus de faveurs à l’Etat pour s’y investir. Ceci étant, il ne faut pas jeter la pierre aux seuls promoteurs pour leur propension à tomber si facilement dans l’affairisme et à se contenter de gérer une rente. Car l’inadéquation entre l’offre et la demande dépasse la simple avidité des promoteurs immobiliers. Pour exprimer les conséquences d’une politique d’aménagement du territoire des plus aléatoires. En la matière, c’est l’Etat qui en est le principal responsable. Pour absorber les flux de demandes en habitation, vu que le prix à l’intérieur de l’ancien centre-ville est en accroissement continu, on a créé des villes satellites à proximité des grands centres urbains. Cette extension s’est faite, bien entendu, au détriment du rural doublement pénalisé : par la spéculation aussi bien par la perte de terres fertiles. L’objectif du gouvernement qui promeut ces banlieues visait à modérer les prix. Mais la réalité est tout autre. Prenons l’exemple de la France, la mise pour l’acquisition d’un appartement à l’intérieur de la ville permet d’acheter un pavillon ou une villa à l’extérieur de la ville. Cette mécanique-là n’a pas réussi au Maroc, car les banlieues diffèrent en fonction du promoteur installé comme en témoignent les prix pratiqués dans la banlieue casablancaise (verte et aménagée de Bouskoura ) ou les prix affichés dépassent l’entendement. Ce cas de figure est principalement dû à la non intervention de l’Etat dans la régularisation des prix. Car le promoteur explique l’envolée des prix par l’acquisition du terrain aménagé. Sinon, pour le reste des banlieues, l’anarchie règne. Le manque d’infrastructures de base (équipements sociaux et transport) éloigne le foncier et l’offre immobilière des aspirations de dignité nourries par le marocain moyen. Ajouté à cela le laisser-faire des autorités en terme d’urbanisme, l’anarchie régnante n’encourageant pas les gens à s’installer dans des banlieues amputées de tout.

DÉLIT D’INITIÉ Si l’on s’attarde sur la problématique des banlieues et la politique des villes nouvelles dédiées, on est vite rattrapé par un constat des plus alarmants. Quand l’Etat exprime la volonté d’équiper une région, l’information tombe vite dans l’oreille de quelques initiés contribuant ainsi à embraser les prix. Et généralement, c’est au profit des grands groupes de la place que

tout ceci s’opère. Là où il y a les mastodontes de l’immobilier, on fait le nécessaire, côté intervenants publics, pour offrir les installations de base pour une vraie ville. « Ce sont des machines. Ils viennent quelque part, on leur ouvre les routes et on les raccorde au réseau électrique. Au lieu de 50 dirhams le mètre carré, on se retrouve vite à 1500 dirhams… Et la spéculation démarre. Ce sont eux qui font les prix. Ils ont fait ce qu’ils voulaient à Casablanca, Marrakech auparavant… », déplore ainsi un professionnel. Et à plus petite échelle, les élus locaux s’agitent dans le sillage des requins de l’immobilier. Il en va ainsi lors de l’élaboration des plans d’aménagement, démocratie oblige. Car ce sont les portes de l’affairisme qui s’ouvrent aux édiles. Et en grand ! Or le foncier aménagé se fait aux frais des contribuables. Ce sont des avances que fait l’Etat car une fois un territoire est ciblé et aménagé, le promoteur paie pour avoir son plan de lotissement et impacte ce prix sur le citoyen. Cela sans parler des recettes dédiées aux communes en charge d’assurer le suivi des infrastructures. C’est de l’argent récupéré et l’Etat ne perd rien in fine. Sauf lorsque les appétits des uns et des autres se font tellement forts… Un acteur de la place qui s’interroge sur la pertinence de la politique des prix rappelle que le pays a perdu, en succombant au diktat des agioteurs, une aubaine non négligeable. Les étrangers, rappelle-t-il, achetaient de l’immobilier dans le royaume lorsque la compétitivité était respectée. Mais depuis qu’ils ont vu que les prix ont commencé à flamber, ils se sont détournés vers l’Egypte ou ailleurs privant ainsi le pays de rentrées en devises conséquentes. « On a créé notre propre crise », s’indigne un opérateur de la place qui assure que « le prix a tellement augPERSPECTIVES MED

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ÉCONOMIE menté qu’il a dépassé le pouvoir d’achat ». Pour donner plus de corps à une telle certitude, rien de mieux que de citer l’exemple d’un couple de cadres qui gagnent 30.000 dirhams par mois. A eux deux, ils ne peuvent pas dépasser un endettement de plus d’un millions de dirhams pour acquérir un logement et vivre dans un cadre agréable. « Or il n’y a rien à acheter avec 1 million de dirhams », confirment les divers acteurs du secteur. Il n’y a qu’à voir les prix placardés…

RETOUR AUX SOURCES

L’ESSOR DE L’IMMOBILIER, SOUTENU PAR L’ETAT, A VITE TOURNÉ À LA RENTE OÙ LES REQUINS LE DISPUTENT AUX PARASITES 46

PERSPECTIVES MED

La crise du secteur immobilier a commencé en 2006 lorsque la spéculation battait son plein avec des intermédiaires qui achetaient des terrains à 3000 Dh le mètre carré pour les revendre le lendemain à 5000 Dhs. Les vannes des crédits étaient ouvertes permettant aussi bien aux banques d’engranger des bénéfices records qu’aux promoteurs de s’enrichir sans contrôle et sans payer d’impôts. Un enrichissement accompagné d’un appauvrissement des classes moyennes soumises à la dure loi du marché exigeant le paiement d’une partie en noir. L’Etat avait lancé le programme du logement économique en laissant libre court à la spéculation. La régulation n’est intervenue que dans le social alors que l’Etat aurait dû prendre le taureau par les cornes bien avant. Les premiers logements encouragés par l’Etat entre 2003 et 2004, les logements économiques à 200 000 Dhs, représentaient une réussite en termes de ventes. Car on a laissé la porte ouverte à la spéculation. Plusieurs personnes aisées n’ont pas hésité à spéculer sur un produit social : cela explique les achats en masse de logements économiques pour spéculer. Les pouvoirs publics ont laissé faire alors qu’ils auraient dû imposer aux acheteurs d’apporter des certificats d’indigence dans le but de prouver qu’ils répondaient réellement aux critères définis pour l’acquisition d’un logement économique. Si le coût de revient d’un logement économique était de 80 000 à l’époque, le bénéfice net atteignait le seuil des 120 000 Dh, aisément dépassé lorsque la pratique du noir était usitée. Les opérateurs se sont faits des billes en or en ayant bénéficiés de plusieurs faveurs (exonérations TVA 20%). Le cash coulait à flots ininterrompus facilitant l’entrée en bourse de quelques mastodontes. Rien que le fruit de la TVA récupérable par les promoteurs était de l’ordre de 27 Mrds de Dhs par an. Avec le logement économique, « c’est le beurre et l’argent du beurre » qui allait contribuer à engraisser bien des acteurs qui plus est étaient affranchis des droits de conservation et d’enregistrement. Voilà comment le secteur immobilier a généré un trop plein de cash qui s’est raréfié avec le temps. Enfantant ainsi des géants aux pieds d’argile. Que de promoteurs de la place endurent aujourd’hui les pires difficultés pour garder un semblant de solvabilité. Jusqu’où ira la crise ?


LE FONCIER DANS TOUS SES ÉTATS

SPÉCULATION ET OPACITÉ Par : M.Taleb

Le foncier pâtit de problèmes aussi variés que composites qui plombent sa contribution au développement du pays. Abdelouahed Idrissi, docteur urbaniste, ingénieur d’Etat et juriste réussit, dans cet entretien, à apporter des éclairages divers sur la crise du foncier. Pour ce professeur de l’Institut national d’aménagement et d’urbanisme (INAU), des actions volontaristes doivent intervenir pour dynamiser une politique urbanistique cohérente et équilibrée entre les divers acteurs.

PERSPECTIVES MED : AU COURS D’UN EXPOSE QUE VOUS AVEZ PRESENTE A L’OCCASION DE LA TENUE DU PREMIER CONGRES DE L’UGM AU MAROC, VOUS AVEZ EVOQUE L’EXISTENCE D’UN CERTAIN NOMBRE DE DYSFONCTIONNEMENTS DE LA POLITIQUE FONCIERE ET LA GESTION DE L’ESPACE, POUVEZ-VOUS NOUS EXPLIQUER LESQUELS ? ABDELOUAHED IDRISSSI : La question du foncier constitue une problématique composite, multidimensionnelle et multi-acteurs. Il y a une multitude de problèmes et de dysfonctionnements qui y sont relatifs. Ceux-ci se partagent entre des dysfonctionnements d’ordre général et d’autres d’ordre réglementaire. Parmi les premiers, on peut citer l’injustice foncière générée par les documents d’urbanisme et

POUR APURER LA QUESTION DU FONCIER, DES RÉFORMES EN SÉRIE SONT NÉCESSAIRES

«l’incapacité » des pouvoirs publics de libérer les emplacements réservés aux équipements publics par ces plans. S’y ajoute, également, l’opacité du marché foncier conjuguée au phénomène délétère de la spéculation foncière. Dans ce contexte, la spirale des prix et les mécanismes du marché foncier échappent à la règle de l’offre et la demande. Cela implique la déficience de la gouvernance en la matière marquée par le manque d’une politique foncière clairvoyante et la prééminence des politiques foncières de secteurs. Il est clair que la parcellisation excessive, notamment dans les zones périurbaines et côtières et l’enclavement du rivage de la mer à cause de l’émiettement du parcellaire sont des problèmes qui ne cessent de s’amplifier. Il y a lieu de souligner, dans ce sens, que cela donne lieu à un amenuisement de la surface agricole utile (SAU), surtout autour des villes accusant des dynamiques urbaines. Etant donné que 55% des exploitations agricoles sont de moins de 5 ha, la hausse des prix avive la vente desdites exploitations. Dans certains cas, on peut même mettre en évidence la concurrence non équilibrée entre le secteur public et le secteur privé. PERSPECTIVES MED

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ÉCONOMIE Il serait encore important de mettre l’accent sur l’obsession incessante du foncier et de l’immobilier comme source de dysfonctionnements du système foncier. La propriété foncière demeure un idéal social constituant un gouffre d’argent aux dépens de développement économique. Pour ce qui est des dysfonctionnements d’ordre réglementaire, il y a lieu de citer l’urbanisme dérogatoire comme source de spéculation foncière, de mitage urbain et d’industrialisation anarchique. Le Maroc a adopté une « réglementation » non réglementaire par les circulaires prétendues facilitatrices et incitatives à l’investissement. Il serait irrationnel de sacrifier la réflexion intégrée à la circonstance, le durable à l’éphémère, la prospective au rapiéçage. En outre, on reproche à la loi d’être rigide et insuffisante. Or, une partie du dispositif actuel n’est pas mise en œuvre, à titre d’exemples la contribution à la création de la voirie communale conformément aux articles 37, 38 et 39 de la loi 12-90 relative à l’urbanisme ou encore le partage de la plus-value générée par l’urbanisme entre l’Etat et les propriétaires fonciers comme prévu dans l’article 59 de la loi n°7-81. Cet article stipule que « lorsque l’annonce ou l’exécution des travaux ou opérations publics confère à des propriétés privées une augmentation de valeur supérieure à 20%, les bénéficiaires de cette augmentation ou leurs ayants droits sont solidairement redevables envers la collectivité intéressée d’une indemnité égale à la moitié de la

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PERSPECTIVES MED

totalité de la plus-value ainsi créée. En aucun cas l’enrichissement restant acquis au redevable ne soit inférieur à 20% ». Les dysfonctionnements précités sont loin d’être exhaustifs, on peut évoquer, également, une multitude d’éléments de la problématique foncière comme la question des statuts fonciers, la propriété en indivision, etc. QU’EN EST-IL DU DISPOSITIF INSTITUTIONNEL ? A.D : Dans le domaine du foncier, le Maroc accuse une situation de léthargie. On peut taxer l’action publique d’incohérence, en l’absence d’une politique foncière clairvoyante et la prééminence des politiques foncières sectorielle (de secteurs). Cette incohérence de l’action publique n’est pas sans impact sur la gestion et la production de l’espace urbain. Serait-il pertinent de parler de la complexification du système d’acteurs et les modalités de décision y afférentes ? Cette complexification est corollaire de la multiplicité d’acteurs, du morcellement du pouvoir de décision et du tiraillement de compétences entre les institutions publiques majeures. Pour ne citer que les acteurs principaux en matière de gestion du foncier, on trouve les ministères de l’Agriculture, des Finances, de l’Intérieur, des Habous, etc. Il y a aussi les institutions décentralisées et déconcentrées, à savoir l’Agence nationale du cadastre, de la conservation foncière et de la cartographie (ANCFCC), l’institution du Wali en tant que président de la commission régionale des opérations foncières instituée par le décret du 29 décembre 2004, la Direction et les délégations des domaines de l’Etat, le nidarat des habous, les agences urbaines comme établissements publics chargés de la planification et la gestion urbaine, le holding d’aménagement Al Omrane, la Compagnie Générale Immobilière (CGI) ... Ainsi, nul ne peut nier l’éclatement et l’incohérence du dispositif institutionnel précité quant à la maîtrise et la gouvernance du foncier, ce qui provoque souvent un phénomène de cloisonnement entre les institutions publiques et de dilution de l’action publique, sachant que notre pays ne dispose ni d’institution à même de produire et de gérer l’information foncière, ni de juridiction spécialisée. La création d’une agence foncière régionale est une recommandation récurrente, à même

d’estomper la déficience de la gouvernance en la matière. L’Etat manque de volontarisme. Il n’a pas pu engager des réformes structurelles dans le domaine du foncier. Les réticences des pouvoirs publics sont manifestes, au point de souligner le flou qui existe dans les choix politiques et les objectifs. Le discours sur l’équité foncière, la promotion de l’investissement, la démocratisation des processus et la simplification des procédures, tout cela ne s’est pas traduit dans des dispositions claires. Toutefois, on reconnait la difficulté de mettre en place un dispositif de régulation et d’arbitrage entre les intérêts divers et divergents. Comment réajuster les rôles d’acteurs? Comment concilier entre un urbanisme normatif, la spirale du foncier et l’insolvabilité des pouvoirs publics? Comment concilier entre l’intérêt général et l’intérêt particulier? Comment organiser et gérer les différents métiers de l’urbanisme et du foncier qui entretiennent parfois des relations conflictuelles et souvent des concurrences et des rivalités? C’est un questionnement qui s’impose et auquel il faut apporter des réponses claires et courageuses. L’attention doit porter non seulement sur les modes les plus efficaces et efficients du management du foncier mais aussi sur l’exercice du pouvoir et de la gestion de l’espace. COMMENT CELA PEUT-IL SE FAIRE? A.D : Déjà, il faut trancher le type du cadastre à adopter ou à améliorer à l’échelle nationale. Il va sans dire que le cadastre est un système normalisé d’information du territoire qui décrit et met à jour toute l’information relative aux parcelles et aux droits réels qui y sont rattachés. A ce propos, j’aimerai souligner que la puissance coloniale française a expérimenté le cadastre dit juridique à l’échelle nationale alors qu’elle a instauré le cadastre dit fiscal en France. En effet, le cadastre juridique est basé sur la publicité du bien foncier, sa délimitation et son levé topographique et son immatriculation. C’est un processus de purge juridique et de sécurité des droits, mais il est trop coûteux, compliqué et sporadique. D’ailleurs, durant presque un siècle, l’assiette foncière immatriculée ne dépasse guère 7% du territoire national. PEUT-ON COMPRENDRE, ALORS, QUE VOUS SUGGEREZ LA MISE EN PLACE DU


CADASTRE FISCAL ? A.D : Il serait hâtif de faire une telle recommandation. Je pense qu’il faut ouvrir un débat sur cette question. Chaque système présente des avantages et des inconvénients. Le cadastre fiscal est un instrument d’inventaire global du foncier qui repose sur l’imposition sur la propriété et l’imposition par destination. Il y a d’autres systèmes mis en vigueur dans le monde, à savoir le cadastre général, le cadastre à buts multiples, le cadastre 3D, etc. L’administration du foncier au Maroc n’est pas tout à fait défaillante, mais elle accuse un retard considérable qui hypothèque la mobilisation du sol. Parallèlement au cadastre juridique, l’Etat a mis en place un autre cadastre dit cadastre national visant à établir une couverture cartographique sur la base des propriétaires apparents pour accompagner le développement hydro-agricole, mais cet effort reste en deçà des aspirations tant publiques que privées. Pendant plus de 40 ans, on n’a pas dépassé la délimitation foncière de 1.600.000 ha, soit 2% du territoire national et 18% de la surface agricole utile. De même, le Maroc a institué en 1983 l’agence foncière nationale chargée d’inventorier les biens publics, urbains et périurbains notamment. Le bilan est de l’ordre de 650.000 ha, soit 3.5% des biens publics, ce qui confirme les limites de l’action publique, malgré les grands efforts entrepris jusqu’à présent. Si je ne m’abuse, l’amélioration des procédures en vigueur, la responsabilisation davantage et la mise à niveau du secteur privé, la réorganisation des rôles d’acteurs publics s’avère nécessaire pour rehausser les processus et aviver le secteur du foncier. D’ailleurs, l’ANCFCC, l’institution du Wali et du Gouverneur et l’Agence Urbaine ont besoin, chacune et à part entière, d’analyses profondes afin de pouvoir définir les remaniements nécessaires à la performance escomptée. Quoiqu’il en soit, une série de réajustements sont à entreprendre pour pallier les aspects de tiraillement et de déficience qui entachent l’organisation administrative établie. Il faut améliorer les relations qui interagissent entre l’ANCFCC, l’ordre national des ingénieurs géomètres topographes et les ingénieurs géomètres topographes qui exercent à titre privé pour apaiser un état de crispation, bien qu’il soit généralement latent. Les tiraillements comme les frictions existent encore, notamment, à cause de la « tutelle » exercée par l’ANCFCC sur le traitement et la gestion des dossiers cadastraux et l’exercice de la profession de l’ingénierie topographique. Considérant les impératifs de la compétitivité territoriale, les préoccupations et les priorités de l’ANCFCC sont à repenser pour la convertir en un véritable vecteur de production, de partage et de gestion de l’information foncière. Ce faisant, une recomposition institutionnelle s’avère nécessaire pour dépasser les avatars de la gouvernance foncière et construire ou conforter la culture de synergie entre les différents acteurs.

IL FAUT ÊTRE IMAGINATIFS DANS TOUT PROCESSUS QUI VISE À PROMOUVOIR LE FONCIER, EN CRISE, DANS LE PAYS. PERSPECTIVES MED

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ÉCONOMIE FINANCES PUBLIQUES

DÉFICIT MAITRISÉ

U

ne bouffée d’air frais semble souffler sur le budget de l’Etat comme en témoigne la baisse de 17% du déficit budgétaire au premier trimestre 2015 tirée en grande partie par les recettes des entreprises publiques et par la contribution libératoire. En effet, selon les chiffres de la TGR, les recettes ordinaires du Trésor augmentent de 6,9% à 54,3 Mrds Dhs, comparativement au mois de mars 2014 compte tenu de l’amélioration significative de 155,2% des recettes non fiscales à 2,2 Mrds Dhs, résultant de l’augmentation des recettes du monopole et des participations à 2 073 MDH (vs. 299 MDH seulement en mars 2014) ainsi que l’appréciation des recettes du domaine à 159 MDH (vs. 43 MDH en mars 2014) sans oublier la rentrée durant le mois de janvier d’un montant de 1,6 Mrds Dhs au titre de la contribution libératoire sur les avoirs et liquidités détenus à l’étranger. On note aussi la quasi-stagnation des impôts directs à 22,7 Mrds Dhs, intégrant une hausse de 6,1% à 9,4 Mrds Dhs des recettes provenant de l’IR et, un repli de 3% à 13 Mrds Dhs de celles provenant de

PLUSIEURS FACTEURS ENTRENT EN COMPTE

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PERSPECTIVES MED

l’IS. Cette correction est due, selon la TGR, au fait que 2014 avait enregistré des recettes exceptionnelles liées notamment à la cession de la Centrale Laitière. Toujours dans les recettes, les impôts indirects ont connu un ralentissement de 2,6% à 18,7 Mrds Dhs, tenant compte d’une augmentation de 7,3% de la TVA à 5,4 Mrds Dhs, d’une appréciation de 8,4% des droits d’enregistrements et de timbres à 4,8 MDH et d’une régression des autres impôts directs de 3,2% provenant notamment de la réduction de 7,3% des majorations de retard. De leur côté, les dépenses ordinaires enregistrent une hausse de 6,2% à 55,7 Mrds Dhs, résultant de l’alourdissement de 5,7% à 42,4 Mrds Dhs des dépenses en biens et services, de la hausse de 0,5% des dépenses de personnel et de 2,7% à 5,9 Mrds Dhs des charges d’intérêts de la dette, ainsi que de l’augmentation des charges de compensation de 12,4% à 7,4 Mrds Dhs. Dans ce sillage, le solde ordinaire à fin mars 2015 se fixe à -1,4 Mrds Dhs contre -1,7 Mrds Dhs une année auparavant. Pour leur part, les dépenses d’investissement s’établissent à 17,1 Mrds Dhs, en accroissement de 4,2%, pour un taux de réalisation de 30%. Dans ces conditions, l’exécution de la Loi de Finances à fin mars 2015 laisse apparaître un déficit budgétaire de -12,3 Mrds Dhs, en baisse de 16,9% comparativement à une année auparavant.


DOSSIER LOGISTIQUE

UNE STRATÉGIE QUI APPELLE À L’ACCÉLÉRATION

LE DÉVELOPPEMENT DU SECTEUR DE LA LOGISTIQUE EST UNE PRIORITÉ STRATÉGIQUE QUI CONCOURT INÉLUCTABLEMENT À L’EXPANSION SOCIO-ÉCONOMIQUE. EN 2006, UN RAPPORT DE LA BANQUE MONDIALE METTAIT EN AVANT LES DIFFÉRENTS PROBLÈMES DE LA LOGISTIQUE ENTRAVANT LA COMPÉTITIVITÉ ET L’ATTRACTIVITÉ DU MAROC: COÛT DE LA LOGISTIQUE ESTIMÉ À 20% DU PIB, FAIBLESSE DES INFRASTRUCTURES, FRAIS PORTUAIRES ÉLEVÉS, AVEC DES DÉLAIS ÉNORMES ET DES CONGESTIONS MULTIPLES. NEUF ANS PLUS TARD, LE MAROC DISPOSE DE NOUVELLES INFRASTRUCTURES LOGISTIQUES : LE PORT DE TANGER MED, UN RÉSEAU AUTOROUTIER QUI LIE LES GRANDES VILLES (1500 KM) ET DES PLATEFORMES MULTI FLUX MODERNES (CASABLANCA).CEPENDANT LA MISE EN PLACE DES CINQ PRINCIPAUX AXES DE LA STRATÉGIE DE 2010 TARDE À VOIR LE JOUR. LA CONCRÉTISATION DES GRANDES PROMESSES DE LA STRATÉGIE NATIONALE POUR LE SECTEUR LOGISTIQUE 20102015 ÉLABORÉE SOUS GHALLAB A ÉTÉ RENVOYÉE À L’HORIZON 2020 EN 2014 PAR SON SUCCESSEUR AU POSTE ABDELAZIZ REBBAH. A CELA, IL FAUT AUSSI AJOUTER LA PROBLÉMATIQUE DE LA COHÉRENCE DES DIFFÉRENTS PLANS ÉCONOMIQUES DU PAYS QUI SE TROUVENT DÉPHASÉS AVEC L’ÉPINE DORSALE QU’EST LA STRATÉGIE LOGISTIQUE. CAR, FAUT-IL LE RAPPELER, LE DÉPLOIEMENT DE CETTE STRATÉGIE OUVRE DES FRONTS MULTIPLES, COMPLEXES, ET INTERDÉPENDANTS EN TERMES DE MISE EN ŒUVRE, ET CONCERNE L’ENSEMBLE DES SECTEURS DE L’ÉCONOMIE AVEC UNE MULTIPLICITÉ D’ACTEURS. L’IMPLÉMENTATION DE CETTE STRATÉGIE NÉCESSITE DONC UN EFFORT COHÉRENT QUI S’INSCRIT DANS LA DURÉE ET REQUIERT UNE DYNAMIQUE POUR IMPULSER ET MAINTENIR UN RYTHME SOUTENU AUTOUR DES OBJECTIFS ASSIGNÉS ET DES ARBITRAGES À OPÉRER POUR DÉFINIR LES PRIORITÉS ET SURMONTER LES OBSTACLES. PERSPECTIVES MED

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LOGISTIQUE STRATÉGIE LOGISTIQUE

LA CHARRUE ET LES BŒUFS Par : Abedrrahmane El Maleh

La logistique présente des enjeux économiques importants pour le pays. La stratégie, telle qu’énoncée en attendant sa mise en œuvre effective, ambitionne de réduire les coûts logistiques par rapport au PIB de 20% en 2006 à 15% vers la fin de l’exercice en cours, l’accélération de la croissance du PIB en gagnant 5 points sur 10 ans par l’augmentation de la valeur ajoutée induite par la baisse des coûts logistiques et l’émergence d’un secteur logistique compétitif.

L’

importance du secteur de la logistique se mesure à l’aune de son impact direct sur la compétitivité de l’économie. La globalisation croissante de l’activité des entreprises conforte ainsi le Maroc dans la nécessité de renforcer son réseau de transport routier, autoroutier, ferroviaire, aérien et maritime. C’est la raison pour laquelle ce secteur figure parmi les principales priorités du gouvernement. Ce dernier engage tous ses efforts afin de réaliser des voies de communication modernes, facilitant les échanges commerciaux locaux, régionaux et internationaux et assurant la fluidité du trafic et la sécurité du transport des biens, mais aussi des personnes.Du fait du développement rapide de nombreux secteurs industriels au Maroc (automobile, énergies renouvelables, pêche, agriculture, etc.), une « stratégie nationale pour le développement de la compétitivité logistique » a été lancée par le ministère de l’Equipement et des transports en

SI SEULEMENT TOUS LES ÉLÉMENTS DU PUZZLE S’EMBOITAIENT CORRECTEMENT

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PERSPECTIVES MED

2010. Il s’agit de construire 3300 ha de nouvelles plates-formes logistiques d’ici 2030 et d’optimiser les coûts de la logistique. Cette stratégie répondra, au passage, aux besoins des secteurs prioritaires (plan Emergence, plan Maroc Vert, etc). Aussi, et après une première phase de flottement, un plan d’accélération de la stratégie pour la compétitivité logistique a été ratifié devant le Roi en 2014 et prévoit la finalisation des schémas logistiques régionaux et la signature des contrats d’application y afférents pour un développement progressif des zones dédiées. Etalé sur la période 2014-2020, et en plus de l’opérationnalisation des plans d’action édictés par la stratégie, ce plan a pour ambition la structuration de la logistique urbaine et rurale, la création d’un opérateur logistique public spécialisé dans l’aménagement des zones logistiques, l’accompagnement et la mise à niveau des opérateurs logisticiens nationaux et l’attraction d’opérateurs internationaux de référence dans le secteur. Et afin d’encadrer la mise en œuvre de la stratégie logistique sur le moyen terme et de sécuriser les moyens et ressources nécessaires, un contrat programme entre l’Etat et l’Agence Marocaine de Développement de la Logistique a été prévu en


attendant sa concrétisation.

PETITE AVANCÉE

Selon les différentes études réalisées dans ce domaine, notamment pour le compte du ministère de l’Equipement et du transport et de celui en charge de l’Industrie, on relève que le coût de la logistique représente, selon les branches industrielles, de la moitié aux deux tiers des charges du facteur travail. Il est au minimum de l’ordre de 20% du PIB, soit deux fois supérieur à celui des pays de l’Union Européenne (10%) et les pays d’Europe Centrale, cela sans parler des émergents comme le Mexique, le Brésil et la Chine (15 à 17 %). De ce fait, le Maroc se situe au même niveau que les pays à faible revenu de l’Amérique Centrale où ce ratio se situe entre 20% et 25% du PIB. Dans les secteurs manufacturiers (mécanique, textile, électronique), ce coût atteint environ 25% de la valeur ajoutée et pour les exportations des produits agricoles ou la distribution, les frais du transport international représentent 15 à 30% du prix de ces produits. Depuis le lancement de la stratégie en 2010 qui se fixait comme date butoir l’année en cours, et sur les multiples objectifs fixés par cette feuille de route rattrapée par la politique du lance-pierre, la seule réalisation effective concerne la mise en place des premières zones logistiques à Casablanca où l’investissement public et privé dans les zones logistiques et leurs connexions sur la période 2010-2014 a atteint près de 5 milliards de dirhams pour un équivalent en superficie globale brute de 185 ha. Pour le reste, on en est au stade de l’identification et de l’étude. Dans ce sens, la mise en place effective, mais avec un décalage de 3 ans, de l’Agence marocaine de développement de la logistique a permis de redynamiser les différents chantiers de cette stratégie, notamment en matière d’identification de 2.700 ha sur les 3.300 ha prévus par le schéma national à l’horizon 2030.

CONTRATS SECTORIELS

L’AMDL compte parmi ses missions la coordination de la mise en œuvre des plans d’action sectoriels associant les acteurs publics et privés pour améliorer, structurer et développer les chaînes logistiques des principaux flux de marchandises. Dans ce cadre, l’Agence a organisé des comités de travail regroupant des départements de l’Etat et le secteur privé chargés de décliner le contrat Programme Etat-CGEM en contrats d’application sectoriels visant l’amélioration des supply chains de certains flux de marchandises (flux import/ export, produits agricoles, matériaux de construction, hydrocarbures et distribution interne). Dans

ce sens, les contrats d’applications pour les trois filières de l’import-export, les matériaux de construction et la distribution interne ont été signés en mai 2014 et comportent plus d’une cinquantaine de mesures s’étalant sur la période 2014-2020 et visant l’émergence d’agrégateurs de chaînes logistiques, la facilitation des opérations logistiques import-export et la structuration de la logistique urbaine. Pour le reste des filières, les concertations sont toujours en cours.

RÉALISATIONS CHIFFRÉES • 1/3 du foncier nécessaire au déploiement du réseau national de zones logistiques a été mobilisé. • 2,5 milliards dhs est l’investissement public consenti pour le développement des zones logistiques de Casablanca et améliorer leur connectivité. • Construction sur 14 ha de la 1ère tranche de la plateforme logistique de la SNTL à Zenata, la 2ème tranche est en cours de réalisation avec une offre de foncier logistique aux opérateurs privés de 7 entrepôts construits de 6 000 m2 chacun. • Construction en cours sur 12 ha de la 1ère tranche de la zone logistique MITA de l’ONCF. • Le Maroc est au 50ème rang mondial en 2012 sur la base de l’indice de performance logistique (LPI) au lieu du 94ème rang en 2007 soit 44 places gagnées en 5 ans, et ce selon le rapport de la Banque Mondiale « Connecting to Compete 2012: Trade Logistics in the Global Economy ». Il occupe aussi la 17ème place du Maroc selon l’indice logistique des marchés émergents (Agility Emerging Markets Logistics Index 2013), avec une avancée de 4 places en une seule année et une deuxième meilleure évolution selon le même indice. PERSPECTIVES MED

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LOGISTIQUE ABDELAZIZ RABBAH :

ACCÉLÉRER LA CADENCE DES RÉALISATIONS Par : Allal El Maleh

Acteurs publics et privés travaillent de concert pour relever les défis liés à la logistique, levier clé de toute croissance économique durable. Dans cet entretien, Abdelaziz Rabbah, ministre de l’Equipement, du transport et de la logistique apporte les éclairages sur la stratégie définie sans pour autant omettre les contraintes qui freinent le volontarisme ambiant. Nul besoin de rappeler qu’agir sur la chaîne logistique c’est assurer au pays plus de compétitivité.

PERSPECTIVES MED : QUE POUVEZ-VOUS NOUS DIRE DES REAJUSTEMENTS INTERVENUS AU NIVEAU DE LA STRATEGIE NATIONALE ARRETEE POUR LE DEVELOPPEMENT DE LA LOGISTIQUE ? ABDELAZIZ RABBAH : Il faut bien noter que la période ayant suivi l’annonce de la stratégie nationale logistique a été caractérisée par une conjoncture internationale marquée par un ralentissement des économies mondiales. Le secteur de la logistique dans le monde et au Maroc n’en a pas échappé. En effet, cette situation n’a pas favorisé le drainage d’investissement privé dans les infrastructures logistiques, épine dorsale pour le développement du secteur. C’est pour cela que l’Etat a fait preuve d’un volontarisme approuvé en investissant directement dans la mise en place des premières zones logistiques à l’image de celles de Zenata et de Mita à Casablanca. Dans ce même élan, nous œuvrons à créer un aménageur public spécialisé dans le développement des zones logistiques pour accélérer la cadence de réalisation de projets en cours de structuration dans plusieurs régions à travers des études de marché et de conception. Par ailleurs, l’élaboration de plans

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PERSPECTIVES MED

d’actions 2014-2020 relatives à l’amélioration d’un ensemble de supply chain actés en mai 2014 par la signature de plusieurs conventions entre l’Etat et la CGEM a permis d’actualiser et d’adapter certaines mesures au contexte et à la conjoncture actuelle. EN QUOI CETTE STRATEGIE POURRAIT-ELLE ETRE INTERPRETEE COMME UNE NOUVELLE FRONTIERE DE DEVELOPPEMENT SOCIO-ECONOMIQUE DURABLE ? A.R: La logistique est déterminante pour la compétitivité de nos entreprises, elle est présente dans tout ce que nous consommons. Il faut savoir à ce titre que la part des coûts logistiques dans la chaine de valeur d’un nombre important de produits pèse lourd sur les dépenses des ménages. Par exemple, le coût logistique représente en moyenne 20% du prix de vente des biens de consommation et 10% des budgets des ménages, il représente 13 % du coût de construction d’un logement. Agir sur ce coût notamment à travers l’implémentation idoine de la stratégie logistique permettrait donc d’augmenter indirectement le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Par ailleurs, les mesures d’optimisation des différents flux de marchandises préconisées par cette même stratégie contribueraient à une meilleure


gestion des externalités des opérations logistiques notamment en termes de congestion urbaine et d’émission de CO2. LA REGIONALISATION A-T-ELLE ETE PRISE EN COMPTE DANS LA MISE EN ŒUVRE DE CETTE STRATEGIE NATIONALE POUR GARANTIR AUX ESPACES DEMUNIS AUJOURD’HUI DE RATTRAPER LE RETARD ? A.R: La conception de la stratégie logistique nationale a été faite sur la base d’études économiques se focalisant sur les bassins de production et de consommation en tant que territoires cibles et non sur la base d’un découpage administratif appelé à évoluer notamment à l’occasion de ce projet de régionalisation. Ces études ont permis, entre autres, de définir un schéma national de développement des zones logistiques pour lequel une déclinaison régionale a été arrêtée. Cette logique régionale intègre la dimension de complémentarité entre les différents territoires mais prend surtout en considération leurs besoins réels et leurs perspectives économiques et sociales de développement de telle sorte à assurer une certaine prospérité surtout pour les espaces les plus démunis. ON EVOQUE SOUVENT LES GAINS CIBLES EN TAUX DE CROISSANCE DU PIB ET LES ECONOMIES EN EMISSION DE GAZ A EFFET DE SERRE LORSQU’ON PARLE DE LA NOUVELLE STRATEGIE DEDIEE A LA LOGISTIQUE. LES PROJECTIONS SONT-ELLES REALISTES ? A.R: La stratégie logistique vise l’accélération de la croissance du PIB par l’augmentation de la valeur ajoutée induite par la baisse des coûts logistiques et l’émergence d’un secteur logistique compétitif. Le coût logistique global au Maroc a été évalué au moment de la définition de la stratégie logistique à 20% du PIB, soit un pourcentage deux fois supérieur à celui des pays de l’Union Européenne (10%) et

relativement loin de celui enregistré au niveau des pays d’Europe Centrale et des marchés émergents comme le Mexique, le Brésil et la Chine qui est de l’ordre de 15 %. Les objectifs de la stratégie en matière de réduction des émissions de CO2 et de faire décroître ce coût logistique global sont ambitieux mais restent à la portée du Maroc au regard des efforts qui ont été déployés en matières de développement des infrastructures et d’amélioration de la qualité des services logistiques offerts par les opérateurs. LA FORTE PRESSION SUR LE FONCIER NE RISQUE-T-ELLE PAS DE REDUIRE LA VOILURE DE CETTE STRATEGIE VOLONTARISTE? A.R: Nous sommes conscients que le foncier est l’une des composantes les plus critiques dans le processus de développement des zones logistiques en particulier et l’aboutissement de la stratégie logistique en général. C’est la raison pour laquelle nous avons

LA DYNAMIQUE VOLONTARISTE ASSURE, JUSQU’À PRÉSENT, LE DÉVELOPPEMENT LOGISTIQUE

identifié dans un premier temps les assiettes foncières adéquates en concertation avec les différents acteurs publics et privés au niveau local tout en veillant dans la mesure du possible à ce que ces terrains soient du domaine privé de l’Etat. Dans un deuxième temps, une convention cadre a été signée entre le ministère de l’Equipement, du Transport et de la Logistique et le ministère de l’Economie et des Finances ayant pour objet de définir les modalités de partenariat entre les deux ministères, pour la mobilisation de ce foncier. QUELS SONT LES CHANTIERS STRUCTURANTS ET INTEGRES APPELES A S’EMBOITER POUR GARANTIR LE SUCCES DE LA CHAINE LOGISTIQUE AINSI DEPLOYEE ? A.R: Le développement d’une réglementation propre au secteur est aujourd’hui un chantier phare qu’il faudra activer et qui permettra de poursuivre la mutation du secteur de la logistique et assurer un développement rapide, cohérent et irréversible du secteur. Cette réglementation est amenée à évoluer de telle sorte à ce que la logistique avec toutes ses composantes soit distinguée de l’activité industrielle et considérée en tant qu’activité à part entière. Ce levier permettra la structuration du secteur, l’amélioration de son environnement et favorisera la concurrence loyale et la transparence. Le chantier de structuration de la logistique urbaine au Maroc est également primordial notamment pour le déploiement d’espaces et zones logistiques pouvant constituer des alternatives plausibles à un transfert d’activités « nuisibles » à l’intérieur du périmètre urbain dense. LES DIVERS ACTEURS PUBLICS INTERESSES JOUENT-ILS LE JEU POUR REUSSIR UN TEL CHALLENGE ? PERSPECTIVES MED

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LOGISTIQUE SUCCES DE LA STRATEGIE DEDIEE A LA LOGISTIQUE ? A.R: Effectivement, la stratégie logistique dépend fortement du niveau de développement des différentes infrastructures liées au transport. Conscient de cela, le ministère a œuvré ces dernières années à mettre en place une politique visant à doter le pays d’infrastructures de transport modernes et à opérer des réformes ayant permis la professionnalisation et la mise à niveau des différents modes de transport. Cette politique a permis de renforcer l’offre d’infrastructures du Maroc avec des plateformes portuaires telles que Tanger-Med et Nador West Med, un réseau ferroviaire connectant ces ports, des aéroports au Hub de Casablanca et dans les régions, et enfin un réseau autoroutier qui connectera en 2018 toutes les villes ayant plus de 400 000 habitants.

A.R: La stratégie logistique est une stratégie transverse et sa réussite dépend évidemment de l’engagement de tous les acteurs publics et privés intervenant le long de la chaîne de valeurs logistique sur le plan local et national. Le bilan de mise en œuvre de la stratégie est assez positif grâce notamment à l’implication effective de ces acteurs sur plusieurs niveaux. Notre rôle aussi par rapport à cela, est de susciter l’intérêt de nos partenaires quant aux enjeux des différentes problématiques logistiques qui persistent et d’animer un travail de concertation permettant de convenir des démarches à entreprendre de façon participative.

LA LUTTE CONTRE LES MONOPOLES CONDITIONNE-TELLE LA REUSSITE DE LA STRATEGIE ? OU EN EST-ON AUJOURD’HUI ? A.R: Je vous rassure que pour le secteur du transport et de la logistique, nous avons la ferme volonté d’abolir toute forme de monopole en poursuivant les différentes réformes ayant permis la libéralisation du transport routier de marchandises et des transports maritime et aérien ainsi que la gestion des terminaux portuaires. Pour le secteur logistique, l’investissement et l’exercice des activités et prestations logistiques ne sont soumis à aucun monopole ou restriction, et sont libres à l’initiative privée que nous encourageons fermement.

QUID DES GRANDS CHANTIERS STRUCTURANTS ? A.R: Une réelle dynamique a été insufflée par le gouvernement pour la mise en œuvre de la stratégie logistique. Plusieurs chantiers ont été amorcés notamment pour le développement des zones logistiques. A ce titre, le Maroc se dote aujourd’hui de ses premières plateformes logistiques aux standards internationaux développées par des opérateurs publics et surtouts privés ce qui a permis par exemple à Casablanca de tripler l’offre en immobilier logistique entre 2009 et 2014 pour atteindre une superficie globale construite et couverte ET QUE DIRE DE L’ENGOUEMENT DU SECTEUR PRIVE? de 700 000 m2 en 2014. Des avancées importantes ont A.R: Le secteur privé est un partenaire incontourété également enregistrées en matière d’offres de sernable dans la concrétisation de la stratégie logisvices logistiques de qualité dans différents domaines tique. Nous avançons à pas sûrs aux côtés de nos développées par des acteurs marocains émergents partenaires du secteur privé avec qui l’interaction mais également par des opérateurs internationaux de est positive sur plusieurs chantiers. Nous comptons référence. La facilitation des opérations logistiques beaucoup sur leur mobilisation dans la mise en import-export, l’accompagnement à la modernisation œuvre des différents plans d’action découlant de la du commerce traditionnel sur le plan logistique notamstratégie logistique. ment à travers la structuration de la logistique urbaine, l’adéquation entre la demande et l’offre de formation QUE POUVEZ-VOUS NOUS DIRE SUR L’ADAPTATION dans les métiers logistiques sont également des chanET LA MISE EN CHANTIER DES INFRASTRUCTURES tiers qui sont entrepris en partenariat avec l’ensemble des intervenants concernés. LIEES AU TRANSPORT ET QUI CONDITIONNENT LE 56

PERSPECTIVES MED


STRATÉGIE PORTUAIRE

UNE CONNECTIVITÉ PLUS AMPLE Par : Ben Abdelouahhab

Si le Maroc a pu conforter sa présence sur les voies maritimes internationales, en passant du 78ème rang mondial en 2004, au 17ème en 2011 suite à la réalisation de Tanger Med I, l’achèvement récent du Tanger-Med II ainsi que la réalisation prochaine du port de Nador West Med (NWM) sont en mesure de permettre au Maroc d’atteindre prochainement le top 10.

L

ancé dans le cadre de la stratégie portuaire 2030, le port NWM renforcera beaucoup plus la connectivité maritime du Maroc et contribuera à drainer plus de flux des 20% du trafic mondial concentré en Méditerranée et, en particulier, capter une part du transit énergétique du pourtour. Ayant été prévu pour fin 2010, le lancement des travaux a été décalé de 5 ans, suite aux études environnementales et sismiques qui ont pris plus de temps et la modification du caractère initial du projet d’un port de transbordement exclusivement pétrolier en un port mixte (récupération des importations en charbon du port de Nador Beni Nsar actuel, transbordement pétrolier et conteneurs). L’objectif étant de se montrer complémentaire au port de Tanger Med, c’est pour la même raison que TMSA la société responsable de Tanger Med est entrée à hauteur de 49 % du capital de NWSA la société gestionnaire de Nador West Med. En tout état de cause les travaux de réalisations du NWM devront démarrer très prochainement. En effet, ce projet a suscité un vif intérêt auprès d’entreprises nationales et internationales. Sur les 16 groupements qui avaient présenté leurs offres suite à l’appel international à candidature pour pré-qualification pour la réalisation des infrastructures du NWM lancé en novembre 2014, 13 ont été pré-qualifiés. Le démarrage des travaux interviendra dès l’attribution de ce grand marché à l’une de ces sociétés, pour une durée de 48 à 60 mois. Les travaux de la première phase de ce projet devraient s’achever au second semestre 2018 pour une mise en service de l’infrastructure en 2019. La réalisation de ce port entre dans le cadre de la stratégie portuaire 2030 qui repose sur l’optimisation des capacités. Chaque pôle selon sa position

géographique et sa proximité de secteurs industriels développe ses activités. À titre d’exemple, au moment où le pôle de l’Oriental sera tourné vers l’Europe et la Méditerranée, celui du Nord-Ouest sera la porte du Détroit tandis que les pôles de « Kenitra-Casablanca » et « Abda-Doukkala» constitueront des centres de l’industrie lourde. Notons que cette vision repose sur un plan d’aménagement doté d’une enveloppe d’investissement qui varierait selon les estimations entre 74,2 milliards et 75 milliards de dirhams.

INFRASTRUCTURE PORTUAIRE

DES QUAIS SANS FLOTTE ! Avec l’achèvement du Tanger Med II, qui est un port à conteneurs, une fois et demie plus grand que Tanger-Med I, avec une capacité de 5,2 millions de conteneurs en vitesse de croisière et qui est constitué d’une digue principale de 3.800 m et d’une digue secondaire de 1.200 m, de 2.800 m de quai et d’une plateforme logistique de 150 hectares, le complexe portuaire Tanger- Med est devenu la plus grande plateforme en son genre en Méditerranée et sur le continent africain, avec une capacité totale de plus de 8 millions d’EVP. Ce qui est en mesure d’ouvrir de grandes perspectives de développement pour l’économie nationale mais également, raviver la concurrence avec les ports de la rive Nord. On notera, dans ce sens, qu’avec une capacité d’échanges de 25 millions de tonnes de marchandises par an, Tanger pourra désormais concurrencer le port espagnol d’Algésiras, éloigné de seulement 14 km. Outre la concurrence espagnole, le port risque de susciter la jalousie de notre voisin de l’Est, en devenant très prochainement le premier port desservant le marché algérien. A rappeler dans ce cadre que des spécialistes algériens avaient fait remarquer que Tanger-Med se positionne désormais comme le 1er port «algérien» puisque l’opérateur CMA-CGM aurait déjà programmé une ligne de «feedering» régulière à partir de ce port pour desservir ceux d’Oran et de Ghazaouaet. Dommage que de telles infrastructures soient orphelines d’un pavillon national fortement déployé.

PERSPECTIVES MED

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LOGISTIQUE COMPÉTITIVITÉ LOGISTIQUE

UN DÉFI EN SUSPENS

C

AVEC LA SIGNATURE DES DIFFÉRENTS ACCORDS DE LIBREÉCHANGE (ALE), NOTAMMENT AVEC LES ÉTATS-UNIS, LA TURQUIE ET CERTAINS PAYS ARABES, LE MAROC A PRIS LE CHEMIN DU NON-RETOUR QUANT À L’OUVERTURE DE SON ÉCONOMIE. UN CHOIX, PLUTÔT DIFFICILE QU’IRRÉVERSIBLE, QUI TOUT EN DONNANT UN ACCÈS PRIVILÉGIÉ À UN MARCHÉ DE PRÈS DE 1.5 MILLIARD DE CONSOMMATEURS, A LAISSÉ LA PORTE OUVERTE À UNE CONCURRENCE DE PLUS EN PLUS ACCRUE PRÉSENTANT DE RÉELS DÉFIS POUR UN TISSU ÉCONOMIQUE DE PLUS EN PLUS AFFAIBLI.

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PERSPECTIVES MED

Par : M. Taleb

omme première résultante de l’entrée en vigueur des ALE, les entreprises américaines, turques et arabes sont venues concurrencer les entreprises marocaines sur leur territoire (causant un déficit estimé à près 200 milliards de dirhams). Dès lors, il est devenu plus que jamais indispensable pour les entreprises marocaines d’être compétitives dans ce nouvel environnement. Ceci passe nécessairement par la maîtrise et l’optimisation des maillons des chaînes d’approvisionnement (supply chain) avec de nouvelles contraintes de temps, de fiabilité et de qualité. D’autant plus que les coûts logistiques restent très élevés au Maroc. Si l’on prend à titre d’exemple un pot de confiture made in France, de la porte de l’usine au port de Tanger, il arrive avec un coût logistique qui est équivalent à son concurrent fabriqué à Meknès et destiné à Casablanca. Mieux encore, des pays comme le Mexique ou le Brésil (situés à 7859 km de Madrid et 8635 de Paris) leurs coûts logistiques estimés entre 15 à 17% du PIB, sont plus compétitifs sur le marché européen par rapport au Maroc, éloigné de seulement 14 km de l’Europe, mais avec un coût logistique est de 20% du PIB. On est donc face à un avantage comparatif lié principalement à la géographie, et où la logistique devient un élément important. Pour répondre à cette problématique, le Maroc qui veut, grâce à sa situation géographique, s’ériger comme un Getaway (escapade) idéal pour l’Afrique occidentale, la stratégie nationale de développement de la compétitivité logistique (SNDCL) a été lancée en 2010 avec comme premier axe le « développement des zones logistiques multi-flux (ZLMF)» qui devra permettre une optimisation et une massification de la plupart des flux logistiques et ainsi réduire lesdits coûts. ETAT D’AVANCEMENT À l’heure de la signature du contrat programme pour la logistique entre la confédération générale des entreprises marocaines et le gouvernement en avril 2010, l’ensemble des acteurs ont versé dans un optimisme hors pair en fixant comme objectif de baisser les coûts de la logistique de 20% à 15% en 2015, former 61.000 profils et réaliser une valeur ajoutée additionnelle de 3 à 5% du PIB vers la fin de l’actuel exercice (2015).


De grands défis qui, jusqu’à présent, tardent à être relevés aussi bien par le gouvernement que par les professionnels. Et pour cause, le contrat programme de 2010 avait, certes, planté le décor, mais la scène est restée vide durant près de trois ans. L’Agence marocaine de développement de la logistique (AMDL), qui est l’organe régulateur du secteur, n’a eu un directeur (Youness Tazi) qu’en décembre 2012 et les budgets sont restés aux abonnées absents jusqu’en 2013. Résultat : l’agence, principal acteur de la mise en œuvre de la SNDCL, n’a pu établir son organisation et constituer son premier noyau de ressources humaines et commencer à fonctionner normalement qu’en 2014. L’agence s’est trouvée, donc, dans l’obligation d’accélérer la cadence de ses travaux pour la définition des projets de ZLMF à lancer dans chacune des régions. Ainsi, les objectifs devant être réalisés, en 2015, ont été décalés pour 2020 dans le cadre d’un plan d’accélération de la mise en place de la SNDCL. C’est la lenteur administrative, toujours pesante, qui retarde la mise en place des ZLMF. Selon l’AMDL, les sept conventions, visant l’accélération de la mise en œuvre de la stratégie nationale de développement de la compétitivité logistique, signées devant le Souverain en mai 2014, n’arrivent toujours pas à se décliner en contrats d’application pour les différentes régions. Hormis quelques réalisations, le reste des ZLMF sont toujours à l’étude. Les deux seuls points positifs à souligner dans cette salve d’échecs sont, en effet, la réalisation des premières tranches des zones logistiques de Zenata développées par la Société nationale des transports et de la logistique sur une superficie de 28 ha, dans la préfecture de Mohammedia et Mita dans la préfecture de Aïn Sbaa, réalisée par l’Office national des chemins de fer sur une superficie de 12 ha. Deux réalisations qui ont, en effet, eu un impact positif sur l’offre immobilière logistique dans le Grand Casablanca qui a triplée depuis 2010 pour atteindre près de 600.000 m2 d’entrepôts de classe A et B en 2014. Cette évolution de l’offre a permis de réduire de près de 25% les prix de location de l’immobilier logistique au profit des opérateurs du secteur. Pour le reste des ZLMF, l’AMDL indique que le contrat programme Etat-CGEM devra être décliné en contrats d’application régionaux. Ces derniers devront détailler les engagements des différentes parties prenantes notamment en termes de mise à disposition du foncier, de connexion des futures ZLMF aux réseaux routiers, ferroviaires, et d’incitation des opérateurs à investir dans les futures ZLMF. Jusqu’à présent rien n’a été fait au niveau de la définition du schéma logistique cible de chaque région caractérisé par des critères de localisation (connectivité de qualité aux différents réseaux de transport, topographie favorable des terrains,…) et un choix précis des types de plateformes adaptés à chaque région.

DÉVELOPPEMENT DES ZLMF

UN MAILLAGE NATIONAL Le développement des ZLMF se fera à travers la mise en place d’un Schéma National Intégré, qui consiste en des zones d’activité logistique regroupant un ou plusieurs types de plateformes : • plateformes conteneurs. • plateformes de distribution et de sous-traitance logistique. • plateformes d’agro-commercialisation. • plateformes de matériaux de construction. • plateformes céréalières. Le développement d’un tel réseau nécessite de réunir certaines conditions, notamment : • un foncier disponible à des coûts raisonnables, respectant des critères de location précis, variables d’un flux à l’autre (proximité de la ville, proximité du port, nombre de zones par bassin de demande). • une connectivité adaptée en termes de grande logistique (autoroute, rail) et petite logistique (p.ex. innervation pour la desserte des points de vente dans le cas de la distribution). • la régulation du transport routier de marchandises en milieu intra et péri-urbain. On entend par zone logistique multi-flux une zone d’activités dédiée à la logistique, comportant un ou plusieurs types de plateformes différentes, avec une mutualisation des Infrastructures communes et des services généraux sur site. La co-localisation de plusieurs types de plateformes dans une même ZLMF et l’établissement de couloirs logistiques autour des grandes métropoles permet également la mutualisation de la connectivité du site en infrastructures routières, autoroutières et ferroviaires. La superficie globale du foncier à identifier et à mobiliser par l’Etat pour la concrétisation du Schéma national des ZLMF est de 3300 ha dont 2080 désormais à l’horizon 2020 au lieu de 2015. PERSPECTIVES MED

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LOGISTIQUE LOGISTIQUE URBAINE

LE CAS DE CASABLANCA

L

a stratégie nationale de développement de la compétitivité logistique (SNDCL) s’exprime, même lentement, dans le Grand Casablanca. Mais la capitale économique est loin de respecter les normes de la logistique urbaine. Définie comme étant l’art d’acheminer les flux de marchandises qui entrent et sortent ou circulent à l’intérieur de la ville dans les meilleures conditions environnementales, sociales et économiques, la logistique urbaine est loin d’être prise en compte par les politiques urbaines publiques. Dans le cas de Casablanca, bien que la ville ait bénéficié d’une attention particulière en termes de déploiement de la SNDCL, elle accuse un important retard en matière de normalisation du trafic des flux de marchandises. En effet, la région a été la première où le développement des premières zones logistique a vu le jour. En 2010, les travaux ont démarré, avec le développement de la première tranche de la zone logistique de Zenata par la Société nationale du transport et de la logistique (SNTL) sur 12 ha. Idem, pour le port sec Mita Aïn Sebaâ, développé par l’ONCF et dont le premier terminal (40 ha) est déjà opérationnel. Ces efforts, certes, louables, n’ont pas contribué comme il le faut à la massification des flux et à la fluidité des échanges, ou encore à la maîtrise de la croissance continue du trafic routier dédié au transport de marchandises de poids lourds. Ces derniers sévissent dans les boulevards à n’importe quelle heure, les conteneurs sont dépotés en pleine rue. L’absence d’espace de livraison (cas de Derb Omar) contraint les camions à stationner en double file. Même si l’offre logistique dans la région a triplé pour atteindre une superficie globale construite et couverte de 600.000 m² en 2014, les opérateurs casablancais manquent toujours d’une culture logistique. Le concept de logistique urbaine, qui reste sociétal, demeure très peu vulgarisé. Seules quelques rares entreprises ont cette culture. Étant convaincue que la logistique urbaine constitue un enjeu de taille pour conquérir l’espace urbain à moindre coût et en tenant compte d’un problème profond, celui de l’environnement et du développement durable, l’AMDL a lancé la première étude sur la logistique urbaine du Grand Casablanca. Objectif : dresser une feuille de route pour la structuration de la logistique urbaine, définir une vision à long terme, ainsi que des plans d’actions à court et moyen termes pour le développement de la logistique urbaine. Cette étude sera suivie d’un guide national sur la logistique urbaine qui permettra de prendre les bonnes décisions.

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LOGISTIQUE LES COUACS DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

LE PAYS EN MAL DE « LOGISTICIENS »

L

e secteur du transport et de la logistique, qui a besoin d’un nombre important de compétences spécialisées, est loin de trouver celles qui peuvent répondre à ses besoins. Du logisticien au déménageur en passant par l’agent de transit, le déclarant de douane, le responsable d’entrepôt, le chef d’agence, le magasinier cariste… Les profils recherchés sont variés et les compétences offertes sont rares. D’autant plus que « la modernisation du secteur logistique marocain crée une demande de profils nouveaux, parfois très spécialisés et peu ou pas disponibles sur le marché national », souligne-t-on dans le document de la SNDCL. Constituant le quatrième axe de La stratégie nationale de développement de la compétitivité logistique (SNDCL), « le développement des compétences à travers un plan national de formation dans les métiers de la logistique », est loin d’atteindre les objectifs assignés. C’est du moins ce qu’affirmaient les professionnels du secteur, dans le cadre d’une évaluation à mi-parcours de la mise en application de ladite stratégie. À quelques mois de l’arrivée à échéance de la SNDCL, rien ne semble rassurer quant à sa capacité à atteindre ses objectifs en matière de formation. Cette stratégie, qui prétend être consciente de l’inadéquation entre l’offre et la demande en termes de profils (en particulier pour les métiers des opérateurs) qui caractérise le marché de l’emploi en général, s’est appuyée sur un plan de formation 61.600 entre cadres et techniciens à l’horizon 2015 et 173 mille à l’horizon 2030. À l’heure du bilan, les résultats de ce plan, qui visait de toucher l’ensemble des niveaux de qualification (opérateurs spécialisés, techniciens spécialisés, ingénieurs et managers) à travers deux initiatives clés : formation pré-embauche et post-embauche), sont peu probants.Pour ce qui est des profils de l’équivalent de bac à bac+5, hormis le lancement de quelques masters, notamment, celui de l’ENCG de Tanger en (2010-2011) et qui forme une trentaine de cadres par an et l’Institut spécialisé dans les métiers de l’aéronautique et de la logistique aéroportuaire de Nouaceur, qui devrait être opérationnel dès la rentrée 2013-2014, rien n’est à signaler en l’attente de la rentrée 2014-2015. L’OFPPT travaille sur le lancement de trois instituts de formation aux métiers de la logistique et du transport (Fès, Mohammedia et Benguerir) et compte ouvrir un centre à Taourirt. Pour l’heure, l’Office en est encore au stade des études techniques.

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LOGISTIQUE TRANSPORT ROUTIER

VÉTUSTÉ ET INFORMEL Par : Ben Abdelouahhab

Pour que tous les chaînons de la logistique s’emboîtent parfaitement, le transport routier doit subir une révolution. Car le secteur reste prisonnier de la rente, de l’informel et de la vétusté. Autant de facteurs structurels qui renchérissent le coût et impactent négativement la compétitivité des entreprises nationales.

L

e transport routier requiert une place importante dans la chaîne logistique. Charpenté autour de 60.000 km et 1500 km d’autoroutes, le réseau routier reste prépondérant tant pour la mobilité des personnes (90%) que pour les flux de marchandises (75% hors phosphates). En effet, les dernières statistiques du secteur montrent à quel point le secteur et son développement sont importants. Cette branche, qui représente près de 6% du PIB et plus que 10,3% de la valeur ajoutée du secteur tertiaire, emploie près de 250.000 actifs (soit plus de 10% de la population active), absorbe près de 34% (tous modes de transport confondus) de la consommation énergétique totale et génère plus de 15% des recettes du Trésor. Cependant, malgré des améliorations ponctuelles, la filière ne parvient pas à sortir du marasme qui la touche. Le transport des marchandises reste très peu développé et pâtit de plusieurs maux qui freinent son développement et entravent même son fonctionnement. Parmi les difficultés dont pâtit le secteur, il y a lieu de citer l’atomicité et la fragmentation qui se reflètent dans la composition du secteur dominée par les TPE et les PME. Ces dernières représentent pas moins de 95% des entreprises opérantes dans le secteur, donc 90% sont des entreprises individuelles (SARL). À cela s’ajoute la vétusté du parc (55% du parc de ces véhicules sont âgés de plus de 10 ans, dont 22% dépassent 20 ans) et les difficultés rencontrées par les opérateurs en matière de rajeunissement et d’expansion (les mêmes infrastructures qui supportaient la circulation de 1,5 millions de véhicules il y a 10 ans supportent actuellement plus de 3,28 millions de véhicules (stat 2013). De même, la forte concurrence exercée par l’informel, dont la part dépasse 40%, 64

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constitue un véritable handicap au développement du secteur. L’ensemble de ces facteurs contribue à rendre le coût du transport relativement élevé et impacte négativement la compétitivité de la production nationale. Force est de constater que depuis le lancement de la réforme du secteur de transport routier de marchandises en 2003, on n’arrive toujours pas, 12 ans après, à mettre un terme aux situations de rente et de monopole qui le caractérisent et à hisser le transport national au niveau des standards internationaux.

RÉFORME DU TRANSPORT ROUTIER CE QUE LES PROFESSIONNELS PROPOSENT Alors que tous les ingrédients semblaient être réunis pour l’entame de la réforme du transport routier dès le début de l’année en cours, il semble que la réforme de ce secteur n’est pas pour demain. Les moult négociations entre la fédération et le ministère du Transport, l’équipement et la logistique, l’établissement d’un projet de contrat-programme, ont accouché d’un contrat-programme. Les deux parties ont été d’accord sur la majeure partie des dispositions à l’exception d’une seule, à savoir celle relative à la location des agréments. Ceci dit, la réforme du transport s’avère être l’un des plus délicats dossiers présentés devant l’actuelle tutelle. Afin d’apporter son lot et permettre à cette réforme de sortir de l’impasse, la fédération du transport (FT) relevant de la CGEM a présenté un plan d’action en deux étapes. Dans ce cadre, la FT a proposé la création d’un fonds spécial pour accompagner le projet de réforme et a présenté, dans une seconde étape, une proposition de résolution de la problématique de la location des agréments qui se résume comme suit : - Les deux parties ont été d’accord sur la majeure partie des dispositions à l’exception d’une seule, à savoir celle relative à la location des agréments. -La mise en place, durant cette période transitoire, d’un cadre contractuel juridique précisant les relations entre l’exploitant et le titulaire de l’agrément. -L’élaboration des mesures adéquates pour la mise à niveau des différentes lignes de transport de voyageurs.


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LOGISTIQUE RÉSEAU AUTOROUTIER

QUADRILLAGE EN MARCHE Par : Abou Marwa

La structure du maillage autoroutier du territoire commence à se dévoiler. Le ministère de l’Equipement et du transport vient de définir les couloirs sur lesquels seront construits quatre axes autoroutiers. Cependant, l’investissement projeté est conséquent alors même que la société nationale des autoroutes croule sous les dettes.

A

ziz Rabbah, ministre de l’Equipement, du transport et de la logistique a présidé une réunion pour les présentations des études de définitions des autoroutes : Agadir – Guelmim, Bipôles Fès/ Meknès – Tanger/Tétouan, Safi – Marrakech – Béni Mellal et contournement Est de Safi, et Rabat – Casablanca continentale. Cette réunion a été tenue pour la présentation, par les bureaux d’études, des couloirs des autoroutes concernées à l’issue des études préliminaires et étude de définition. Ces investissements entrent dans le cadre du prochain contrat-programme entre l’Etat et Autoroutes du Maroc. Les estimations font ressortir un coût global compris entre 31,5 et 44,5 milliards de dirhams. Cette année, l’autoroute El Jadida-Safi, d’une longueur de

MÊME SI LA SNAM EST DÉFICITAIRE, ELLE EST APPELÉE À LEVER DES FONDS POUR ÉTOFFER LE RÉSEAU AUTOROUTIER

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143 km, sera enfin mise en service. L’autoroute Berrechid-Béni Mellal sera également inaugurée dans le courant de l’année. Mais au-delà, de nouvelles autoroutes relieront primo Agadir – Guelmim. Ce projet consiste en la construction d’une autoroute en site propre entre Agadir et Guelmim et revêt un caractère à la fois international, national, régional et local. Les longueurs du projet qui ressort des couloirs proposées varient entre 159 et 238 Km portant les estimations entre 7 à 17 milliards de dirhams. Concernant l’autoroute Bipôles Fès/Meknès – Tanger/Tétouan, cette autoroute est un maillon essentiel du grand axe structurant Agadir-Marrakech-Béni Mellal –Fès/Meknès-Tanger/Tétouan. C’est un projet qui offre des opportunités importantes pour l’accélération du développement socioéconomique d’un large périmètre au Centre- Nord du pays. Les longueurs du projet qui ressort des couloirs proposées varient entre 189 et 209 Km et leurs estimations oscillent entre 8 à 9 milliards de dirhams. L’autoroute Safi – Marrakech – Béni Mellal et contournement Est de Marrakech ont pour objectif d’assurer


une liaison à bon niveau de service entre Safi, Marrakech et Béni Mellal, relier Ben Guérir à la façade maritime et son nouveau pôle en pleine émergence et assurer une connexion de la RN9 (allant vers Ouarzazate) au réseau autoroutier sans traverser la ville de Marrakech. Les longueurs du projet qui ressort des couloirs proposées varient entre 356 et 422 Km et leurs estimations varient de 13 à 15 milliards de dirhams. Quant à l’autoroute Rabat – Casablanca continentale, ayant pour objectif de décongestionner l’autoroute actuelle qui relie Rabat à Casablanca et qui connaît un trafic élevé dépassant en 2013 un TMJA 50000 v/j, elle vise à offrir un axe autoroutier direct pour le trafic de transit allant vers l’Aéroport Mohammed V, Berrechid, Settat, Marrakech, El Jadida, Béni Mellal et le Sud et enfin desservir la ville de Ben Slimane en expansion et notamment son aéroport. La longueur du projet qui ressort des couloirs proposés est d’environ 55 Km et son estimation avoisine les 3,5 milliards de dirhams. Actuellement, le Maroc dispose de 1 511 km d’autoroutes qui passeront à 1 800 km en 2016, ce qui en fera le deuxième réseau d’Afrique. Loin derrière l’Afrique du Sud.

ACTEUR ENDETTÉ A côté de ces grandes ambitions, de gros investissements sont donc à prévoir. Et la SNAM est déjà installée dans un déficit qui risque de s’étaler de 25 à 50 ans à cause du poids de la dette issue des précédents investissements (financés à hauteur de 25% par l’Etat) et qui ne sont toujours pas amortis. Certes, le chiffre d’affaires de la SNAM a connu une progression de 2,4% (de 2,16 à 2,21milliards de dirhams) avec un excédent brut d’exploitation de 1,66 milliard de dirhams, en hausse de 3,5% sur un an. Mais en 2014 toujours, SNAM a écopé d’une dette de 2,8 milliards de dirhams contre 2,3 milliards de recettes, le résultat de l’exercice s’est soldé par un déficit de 1,11 milliard de dirhams. Selon le directeur

de la société Anouar Benazzouz, l’entreprise a connu d’importantes charges d’intérêts des prêts contractés pour le développement du réseau autoroutier et qui ont dépassé 1,52 milliard de dirhams l’an dernier. Au total, les dépenses de la SNAM relatives aux dettes frôlent les 3 milliards de Dhs et cette situation est bien partie pour durer selon le responsable de l’entreprise. Certes, ces prêts sont susceptibles d’être renégociés afin d’alléger la trésorerie de l’entreprise. Mais ceci n’occulte en rien le déficit chronique enregistré sur certains couloirs. Sur les 13 axes formant le réseau, la gestion de quatre d’entre eux s’avère déficitaire. Il s’agit des lignes Tanger Med-Tanger, Marrakech-Agadir, Tétouan-Fnideq et Fès-Oujda. Sur ces lignes, le trafic est toujours inférieur à 10000 véhicules par jour en moyenne, seuil à partir duquel une autoroute devient rentable. Ce qui en appelle à plus de diligence en matière de choix d’investissement et de couloirs à construire. Le réseau autoroutier concédé à ADM est d’une longueur totale de 1.800 km dont 1.511 km sont actuellement en exploitation et le reste en cours d’achèvement.

MÊME SI UN LOBBYING SOFT A MILITÉ EN FAVEUR DE L’AXE MARRAKECH-OUARZAZATE, LE PROJET N’EST PAS À L’ORDRE DU JOUR

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LOGISTIQUE APPUI AUX PROFESSIONNELS

FRAGILE STRUCTURE !

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armi les multiples missions confiées à l’AMDL dans le cadre de la stratégie logistique, l’appui au développement et à la structuration des acteurs du secteur. Un appui toujours en attente de concrétisation. Pâtissant d’un manque de compétitivité et de rentabilité, ces entités, dont la majorité est composée de PME, n’arrivent pas à percer et à se développer sur le marché mondial. Conscients des opportunités exceptionnelles et des revenus importants offerts par ce secteur, les acteurs du domaine du transport et de la logistique, ont appelé à l’élaboration d’une stratégie intégrée garantissant développement et compétitivité renforcée aux entreprises. C’est ce qu’ils ont claironné en marge du salon Logismed, lors d’un conférence organisée sous le thème « Pour des systèmes logistiques compétitifs : un nouveau lot de services pour les acteurs du transport et de la logistique ». Et après avoir déballé nombre de problématiques et de contraintes rencontrées par les investisseurs, ils ont souligné la nécessité d’accompagner les entreprises nationales sur les plans financier, logistique et juridique, pour leur permettre d’améliorer leur rentabilité et de présenter des offres répondant aux consignes des marchés mondiaux. Cette stratégie intégrée devrait être le fruit, selon ces professionnels, de l’engagement de tous les acteurs dans des initiatives communes. L’objectif étant de dégager des solutions intégrées et flexibles, et la mise en œuvre des normes pour la qualité des services, ce qui est de nature à renforcer les supply chain logistiques, en plus de faciliter l’admission aux marchés internationaux, et africains en particulier, à des prix compétitifs. Dans ce sens, plusieurs contraintes sont encore à revoir notamment en matière de simplification des règles, d’atténuation de la charge financière, de la mise en place des infrastructures développées, de la modernisation des services fournis par les stations et les ports au profit des professionnels du transport routier national et international. Mais aussi la tenue des contrats de partenariats multilatéraux avec des acteurs étrangers pour renforcer le réseau logistique national, ainsi que la mise en place de nouveaux plans pour une économie compétitive, capable de faire face à la mondialisation de la production, et la réalisation d’un équilibre entre les deux parties du processus de la production (client et actionnaire). Tout un programme !

LE PARTENARIAT PUBLIC-PRIVÉ GAGNERAIT À ÊTRE UNE LIGNE DE CONDUITE

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MARCHÉS BOURSE DE CASABLANCA

LA LÉTHARGIE REPREND ! Par : Abou Marwa

Après un T1 2015 positif, la Bourse des Valeurs de Casablanca ressort fragilisée durant le mois d’avril pour clôturer le quatrième mois de l’année sur un trend baissier. En attestent les indices phares du marché qui clôturent le 4ème mois de l’exercice sur un fort retrait mensuel de -3,24% à 9 937,38 points pour le MASI et -3,36% à 8 145,46 points pour le MADEX.

L

e marché Actions est incapable de continuer sur la lancée positive du premier trimestre et clôture le 4ème mois de l’année en cours en net repli. Cette situation témoigne de l’atonie dont souffre la BVC depuis plusieurs semaines. Le marché ayant été impacté par la conjonction de plusieurs événements dont la prolifération des Profit-warning avec, en prime, un silence du régulateur (13 au total): Samir, Managem, sa filiale SMI, CMT, Alliances, Centrale Laitière, Involys, Zellidja, Jet Contractors…, etc. La détérioration des résultats de certaines sociétés phares de la cote participe aussi à l’atonie du marché aboutissant ainsi à une masse bénéficiaire globale en dégradation de 13,1% à 22,6 Mrds Dhs. Dans ce sillage, la valorisation globale du marché ressort à 501,33 Mrds Dhs en chute de 16,62 Mrds Dhs comparativement avec le 31 mars 2015, soit un retrait de -3,21%, le MASI accusant une forte

POINT D’EUPHORIE À LA BVC. LE MARCHÉ PEINE À EXPRIMER TOUT SON POTENTIEL

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PERSPECTIVES MED

perte mensuelle de 3,24 % à 9 937,8 pts au moment où le MADEX se déleste de 3,36% à 8 145,46 points. Au cours du mois d’avril, le volume des transactions a enregistré une importante baisse, traduisant le repli des opérations aussi bien sur le marché de blocs que sur le marché central. Ce dernier a drainé un volume de 1,4 milliard de dirhams, soit un montant quotidien moyen de 63,6 MDH contre 119,5 millions le mois précédent. De même, les opérations effectuées sur le marché de blocs se sont chiffrées à 581,1 MDH contre 2,1 milliards enregistrés en mars. LES GROSSES CAPIS TRINQUENT Le repli de l’indice de référence de la Bourse reflète les dépréciations de la quasi-totalité des indices sectoriels. En effet, s’accaparant une part de 64,58% de la capitalisation boursière flottante, les indices « Banques », « Télécoms», « Bâtiments & Matériaux de construction » et « Immobilier », affichent des poids respectifs de 37,67%, 19,45%, 13,90% et 7,45%. Aussi 18 secteurs sur les 22 cotés ont affiché des variations négatives. Dans ce sens, et subissant la contre-performance accusée par ses deux


titres Delattre Levivier Maroc (-14,74%) et Stroc Indsutries (-1,71%), l’indice «Ingénierie & biens d’équipements industriels» se positionne en queue de peloton avec une régression mensuelle de 8,84%. La filière des «Pétrole et gaz » accuse une baisse mensuelle de -8,19% imputable aux deux valeurs Afriquia Gaz (-9,07%) et SAMIR (-5,42%). Pour sa part, la branche « Sylviculture et papier » fléchit de 8,13% à cause de la perte subie par son unique titre Med Paper. En revanche, l’indice des « Boissons » tire son épingle du jeu, au titre du mois d’avril 2014, en se plaçant en tête de liste des performances mensuelles avec une ascension de 4,21%, grâce au bon comportement affiché par son titre Brasserie du Maroc (+5,00%). En 2ème rang, figure le secteur « Chimie » qui se bonifie de 1,69%, tirant profit de l’accroissement de l’action SNEP (+3,70%). En 3ème position, se situe l’indice « Agroalimentaire et production » qui affiche une légère progression mensuelle de +0,62%, attribuable à ses deux valeurs Lesieur Cristal (+3,55%) et Centrale Laitière (+0,95%). Cependant, la perte de l’élan de la BVC émane, particulièrement, de la dépréciation de la quasi-totalité des Blue-chips, et en l’occurrence les valeurs : Lafarge Ciments (-8,01%), Ciments du Maroc (-5,19%), BMCE Bank (-4,35%), Attijatiwafa Bank (-4,00%) et Wafa Assurances (-3,25%). Ces cinq valeurs participent, à elles seules, à hauteur de -1,77% à la contre-performance accusée par le marché durant le mois d’avril 2015. Dans le détail, et s’agissant des valeurs du secteur bancaire, excepté le CDM qui a vu son cours augmenter de 4%, l’ensemble des titres ont enregistré des baisses, dont les plus importantes ont concerné BMCE (4,3%), ATTIJARIWAFA BANK (4%) et BMCI (4%). Le repli de l’indice des sociétés de financement reflète les baisses de 0,4% de TASLIF et de 5,4% de la valeur EQDOM. En revanche, les

cours d’AXA CREDIT, de MAROC LEASING et de MAGHREBAIL ont stagné d’un mois sur l’autre tandis que celui de SALAFIN a enregistré une hausse de 1,3%. Pour ce qui est des sociétés d’assurance, les cours de l’ensemble des valeurs ont enregistré des contreperformances en avril, avec notamment un repli de 3,3% de la valeur WAFA ASSURANCE. Par ailleurs, sur les 74 titres cotés, 14 ont pu résister au mouvement baissier du marché en clôturant le quatrième mois sur des variations allant de +0,95% jusqu’à +23,37%. On cite dans ce sens le rebond d’ALLIANCES de +12,20% suite à la crise dont souffre le pôle Construction du groupe immobilier, qui a obligé la société cotée de communiquer sur un plan stratégique visant le renforcement de ses fondamentaux ainsi que l’assainissement de sa situation financière.

COMMUNICATION FINANCIÈRE

RÉACTIVITÉ EXEMPLAIRE ! Après avoir défrayé la chronique de par son mutisme face aux multiples anomalies qui ont secoué la place casablancaise, le Conseil Déontologique des Valeurs Mobilières a communiqué sur les sanctions administratives prononcées à l’encontre de certaines sociétés cotées à la BVC n’ayant pas respecté les obligations d’information auxquelles elles sont assujetties. Et ce, suite aux contrôles effectués sur les publications financières de l’exercice 2014. Et c’est une première que le CDVM sévisse de manière collective contre plusieurs sociétés fautives. Dans le détail, plusieurs sociétés ont été sanctionnées par un avertissement en plus d’une amende en raison de l’absence de publications dont IB Maroc (89 000 Dhs d’amende), Med Paper (32 000 Dhs d’amende), SNEP (74 000 Dhs d’amende), Sothema (121 000 Dhs d’amende), Stokvis (68 000 Dhs) et Unimer (18 000 Dhs). D’autres sociétés ont été sanctionnées par une mise en garde en plus d’une amende pour retards de publications des profits warning comme BMCI (41 000 Dhs d’amende), Involys (167 000 Dhs d’amende), Jet Contractors (7000 Dhs d’amende), SRM (78 000 Dhs d’amende) et Fenie Brossette (20 000 Dhs d’amende). PERSPECTIVES MED

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MARCHÉS HÔTELLERIE

UNE REPRISE CAHIN-CAHA

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yant pâti d’une faible rentabilité, négative pour certaines catégories, malgré les performances en termes d’arrivées touristiques et de fréquentation, l’hôtellerie peine à retrouver des couleurs. Les indicateurs commerciaux du « Baromètre de l’hôtellerie » montrent que l’année écoulée a été celle de la reprise avec une progression aussi bien en terme d’occupation qu’en terme de prix moyen. C’est du moins ce qui a été affirmé par Philippe Gauguier, associé, co-directeur du département conseil tourisme, culture et hôtellerie du cabinet In Extenso, lors d’un workshop organisé, fin avril, par l’Association nationale des investisseurs touristiques (ANIT). Détaillant les performances du secteur en 2014, l’expert a mis en avant l’amélioration des différents indicateurs. Selon lui, le taux d’occupation (TO) des établissements touristiques s’est affirmé en situant autour des 62%. Et ce, au moment où le prix moyen global, qui a dépassé 820 Dhs contre à peu près 800 Dhs en 2013, a progressé, lui aussi, donnant lieu à une appréciation de 4% du chiffre d’affaires par chambre disponible

L’ANIT EST ÉCHAUDÉE PAR LA CRISE QUI DURE

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PERSPECTIVES MED

autrement dit le RevPar. Cette progression devrait impacter positivement un secteur qui a souffert d’un manque de rentabilité et poussé vers le haut son endettement qui a atteint, en 2013, les 108%, selon Inforisk. Pour rappel, les professionnels du secteur éprouvaient jusqu’en 2013 les conséquences d’un TO moyen faible avoisinant les 40% alors que les établissements hôteliers ont besoin, selon les catégories, d’un TO plus conséquent pour atteindre le seuil de rentabilité. À ce propos, P.Gauguier a précisé que « le TO doit se situer, en général, autour de 50 à 55% pour atteindre le seuil de rentabilité ». Un seuil qui se situe, d’après lui, sur des niveaux un petit peu inférieurs dans l’hôtellerie hautde-gamme et sur des niveaux sensiblement supérieurs dans l’hôtellerie économique. Cette dernière catégorie trouve son seuil de rentabilité à des niveaux supérieurs à 65% alors que l’hôtellerie très haut-de-gamme peut trouver son seuil de rentabilité sur des niveaux qui peuvent être inférieurs même à 50%. En dépit de l’amélioration de la santé de l’activité hôtelière et l’évolution des performances affichées,« il n’en reste pas moins qu’elles restent en deçà des attentes des investisseurs », a conclu la présidente de l’ANIT, Leila Haddaoui, à l’issue de cet atelier.


RÉCOLTE CÉRÉALIÈRE ET PETITS FELLAHS

LE CAM AUX PETITS SOINS

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a saison agricole 2014-2015 entrera certainement dans les annales de l’histoire grâce aux performances exceptionnelles de la céréaliculture. Selon les premières estimations, la récolte céréalière, comme cela a été déjà indiqué par le ministre de tutelle, varierait entre 110 à 115 millions de tonnes voire plus selon certains professionnels. Réjouissante à plus d’un titre, la moisson record ne va pas passer sans poser quelques problèmes aux agriculteurs, en particulier, les petits fellahs. Et ce, au niveau de la moisson, la collecte, du stockage et de la commercialisation. Mais les agriculteurs n’ont pas moins le sourire. Et pour cause, le Groupe crédit agricole du Maroc (GCAM) vient de mettre en place un dispositif de mesures important, doté d’une enveloppe conséquente de 5 milliards de dirhams (Mds Dhs), qui vise l’optimisation de toutes ses opérations. « Nous ne devons pas avoir de problème au niveau de l’écoulement de cette manne importante », a précisé Tariq Sijilmassi, President du GCAM, qui s’exprimait à l’occasion d’une journée d’information

LE CAM A LA SURFACE FINANCIÈRE POUR SOUTENIR LES PETITS

organisée pour communiquer sur les actions menées par sa banque pour accompagner ce plan. Disposant d’une assise financière importante, plus de 7 milliards de dirhams placés au niveau des OPCVM, le Crédit agricole estime qu’il serait mieux de mettre cet argent à la disposition d’agriculteurs solvables. Dans le détail, T. Sijilmassi a expliqué que 2 Mds Dhs iront vers le soutien aux petits fellahs, tandis que 2 autres serviront à accompagner la collecte, le stockage et la commercialisation. Au moment où un milliard sera dédié au développement de l’investissement. La réservation 2 Mds Dhs aux petits fellahs a pour objectif de stabiliser et consolider les acquis des projets du pilier II en cours de mise en œuvre. Mais également aider les professionnels à structurer les processus de production, de valorisation et de commercialisation des produits de la petite agriculture. Et aussi, contribuer aux projets de développement adaptés à l’extrême ruralité. Pour ce qui est du milliard consacré à l’investissement, il vise à faire de cette récolte céréalière record « un levier d’investissement». Et ce, « à travers la modernisation des équipements des exploitations, la rationalisation de l’utilisation de l’eau et l’accompagnement de la reconversion vers des cultures à forte valeur ajoutée », selon le GCAM. PERSPECTIVES MED

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MARCHÉS TOTAL MAROC

INTRODUCTION MAL PARTIE !

Après un an d’attente, Total Maroc, la filiale marocaine du géant pétrolier Total, vient d’obtenir le feu vert du Conseil Déontologique des Valeurs Mobilières (CDVM) pour introduire 15 % de son capital en Bourse. Pilotée par Attijariwafa Bank et la filiale marocaine de la Société Générale, l’opération se matérialisera par l’émission de 1 344 000 d’actions d’une valeur nominale de 50 Dirhams, qui seront cédées à un prix unitaire compris entre 455 et 535 Dirhams. Une décote de 20% sera accordée aux salariés du groupe et de 10% aux petits porteurs, dans la limite de 20 actions par souscripteur. Dans les jours qui ont suivi le feu vert du CDVM, ce dernier a publié un avenant à la note d’information suite à de multiples incohérences listées par une communauté de petits porteurs actifs sur le web. Ce document représente une modification de certaines données intermédiaires figurant sur le tableau de la page 40 de la note d’information relative à l’introduction en bourse de Total Maroc, visée par le CDVM en date du 30 avril 2015. En voilà qui en dit long sur la qualité du travail du régulateur qui semble dépassé avant même l’arrivée de CFC..!

ON S’Y EST REPRIS À DEUX FOIS POUR CORRIGER LE TIR

INWI ECHOS CONTRADICTOIRES SAMIR

On ne sait plus sur quel pied danser quand on s’intéresse à l’état de santé du troisième opérateur téléphonique. Après s’être illustré employeur de l’année en 2014, Inwi, et suite aux difficultés financières que l’entreprise connait, serait contraint de préparer un plan social qui prévoit le licenciement de quelque 200 personnes. Dans le même sens, après s’être fait distinguer par la 6ème édition du Morocco Awards, la marque de l’année, Inwi, et selon les chiffres de l’ANRT, aurait perdu 600 000 clients abonnés au terme du dernier trimestre. Voilà deux informations qui, en l’absence de communication de l’opérateur, laissent planer un doute sur ses ambitions énoncées, un son de cloche que le marché ne risque pas d’omettre en cas d’appels au financement surtout que l’actionnaire de référence, le Koweïtien Ajial semble loin de vouloir mettre la main à la poche…

SAMIR a annoncé avoir signé un accord de restructuration de sa dette avec la Banque Centrale Populaire portant sur un montant de 3 Mrds Dhs. Cette restructuration a pour objectif le renforcement de la structure de capital de la société et l’amélioration de sa liquidité afin de permettre l’extension de la maturité moyenne de l’endettement. Dans le cadre de cet accord, un crédit de refinancement à long terme de 1,2 Mrds Dhs a été accordé par la Banque avec un plafond global des facilités de 1,8 Mrds Dhs de crédit à court terme. SAMIR a également conclu des accords de financements avec des institutions à l’international d’un montant global de près de 600 M $, une convention MURABAHA de 235 M Dhs par la société internationale islamique de financement -ITFC- et une facilité de 350 M $ par le Groupe américain CARTYLE. En parallèle, la société avait entamé des négociations avec des institutions financières et des traders de matières premières pour l’octroi d’un financement à long terme de 400 M $, adossé à des contrats commerciaux. En revanche, le communiqué ne parle pas des négociations avec un fond d’investissement international pour un éventuel renforcement de ses fonds propres, ce qui laisse entier le problème de la structure financière.

RESTRUCTURATION EN MARCHE

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MEDITEL

LOURDS INVESTISSEMENTS À VENIR POUR L’ANNÉE 2015, L’OPÉRATEUR DE TÉLÉPHONIE MOBILE MÉDITEL, FILIALE D’ORANGE, COMPTE BOUCLER SON PROGRAMME DE RENOUVELLEMENT D’ÉQUIPEMENT RÉSEAU ENGAGÉ EN 2013. LES TRAVAUX LUI ONT COÛTÉ LA BAGATELLE DE 4 MRDS DHS. C’ÉTAIT EN PRÉVISION DE L’ACQUISITION DE LA LICENCE 4G QUI LUI A ÉTÉ ACCORDÉE, COMME AUX AUTRES OPÉRATEURS, LE 18 MARS 2015. ET POUR LES 5 PROCHAINES ANNÉES, CE SONT 7 MRDS DHS QUE LA SOCIÉTÉ TÉLÉCOMS PRÉVOIT D’INVESTIR DANS SON RÉSEAU. UNE GRANDE PARTIE DE CE MONTANT SERA DESTINÉE À L’OPÉRATIONNALISATION DE SA LICENCE 4G ET AU DÉPLOIEMENT DU TRÈS HAUT DÉBIT À TRAVERS LE PAYS. A NOTER QUE SELON LE MANAGEMENT DU GROUPE, L’ENSEMBLE DES RÉSEAUX MÉDITEL SERA COMPATIBLE À LA 4G À LA FIN DE CETTE ANNÉE ET LA COMMERCIALISATION DES PREMIÈRES OFFRES 4G EST PRÉVUE POUR LE 1ER TRIMESTRE DE 2016.

Les salariés du pôle construction du Groupe Alliances ont organisé un sit-in devant le siège d’Alliances. Ces derniers dénonçaient le non-paiement de leurs salaires des derniers mois. En effet, le non-paiement des salaires n’aurait pas épargné les cadres et responsables du pôle.

TENTATION AFRICAINE TRUST RE À CFC

La compagnie de réassurance bahreïnie Trust Re va installer à Casablanca Finance City (CFC) un bureau régional couvrant l’Afrique du Nord, de l’Ouest et du Centre. En effet, le groupe a annoncé officiellement l’ouverture de son Bureau de représentation à Casablanca. Grâce à la licence accordée par Casablanca Finance City (CFC), l’ouverture de ce Bureau amené à se transformer en succursale, permettra à l’entreprise d’opérer en tant que Bureau régional, de servir les clients dans ces 3 régions et de participer au monde des affaires financières au Maroc. Trust Re a précisé, d’autre part, que sa présence au Maroc ira au-delà d’une implantation ayant pour objectif une expansion africaine. Elle s’inscrit dans un partenariat mutuel au sein duquel Trust Re offrira à l’écosystème de Casablanca Finance City des services à valeur ajoutée sous forme de formation technique et actuarielle au profit des autres entités d’assurance.

A L’OCCASION DE LA RÉVISION SEMI-ANNUELLE DES INDICES MSCI, LE TITRE CIMENTS DU MAROC SERAIT INTÉGRÉ À L’INDICE MSCI FM MOROCCO DÈS LE 29 MAI. POUR SA PART, L’INDICE MSCI FM SMALL CAP VERRA D’UN CÔTÉ L’ENTRÉE DE SAHAM ASSURANCE ET DE RÉSIDENCES DAR SAADA ET D’UN AUTRE CÔTÉ, LA SORTIE D’ALLIANCES DÉVELOPPEMENT IMMOBILIER À PARTIR DE LA MÊME DATE.

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ENTREPRISE BMCE

SERVICE CONVERTIBLE

LYDEC

À L’ÉCOUTE DE SA CLIENTÈLE

Visant, entre autres, à promouvoir l’écoute et l’amélioration de la qualité de service à la clientèle, l’opérateur de distri-

bution de l’eau et de l’électricité et d’assainissement liquide

Désormais, les clients détenteurs de cartes étrangères peuvent fixer le montant souhaité dans leur devise avant de le retirer en Dirhams grâce au lancement du service Currency Choice sur les guichets automatiques bancaires de BMCE Bank. Le DCC (Dynamic Currency Conversion) sur les guichets automatiques bancaires a été lancé en partenariat avec Global Blue. Il s’agit d’un service fort avantageux pour l’ensemble des clients étrangers détenteurs de cartes VISA ou MasterCard qui se présentent à l’un des 800 guichets automatiques BMCE Bank. La carte sera détectée comme éligible lors de son utilisation au Maroc et l’offre Currency Choice sera aussitôt proposée. Le taux de change et les frais de conversion apparaissent clairement de sorte que le voyageur sait à l’avance combien il dépense sans avoir à attendre son relevé bancaire.

FERTILISER AUTREMENT

dans le Grand Casablanca, vient d’adopter un nouveau concept d’agence clientèle. L’agence Diouri, qui a servi de site-pilote, a été complètement repensée. Objectif : réinventer l’expérience client et offrir un service plus proche de la clientèle et de ses besoins. À rappeler que Lydec dispose d’un réseau de 13 agences clientèle réparties sur Casablanca et Mohammedia. Chaque mois, ces agences accueillent plus de 230.000 clients sur un total de 1,3 million, soit près de 10.500 visiteurs par jour.

La société Dalia Comodex, filiale du groupe Dalia et le groupe OCP viennent de signer un contrat package de distribution d’engrais phosphatés sur le marché marocain. Dalia Comodex commercialisera, désormais, l’ensemble des produits de la gamme d’engrais de l’Office sous la marque LFEDDAN. Dalia s’engage également à réaliser des formations sur les bonnes pratiques de fertilisation ou encore des essais de démonstration agronomiques au profit des agriculteurs.

L’Université internationale de Casablanca accueillera lundi 25 mai 2015 l’ancien premier ministre espagnol José Luis Rodriguez Zapatero. Au menu, un débat sur l’éducation pour la paix et de l’alliance des civilisations.

L’ASSOCIATION SQALA, EN PARTENARIAT AVEC «LA TABLE DE LA BAVAROISE» APPARTENANT AU GROUPE RESTOPRO ET PRESTIGIA, VONT ORGANISER UN TOURNOI DE GOLF ENGAGEMENT SOLIDAIRE LE 6 JUIN 2015 SUR LE CITOYEN PARCOURS DU GOLF TONY JACKLIN RESTOPRO À BOUSKOURA. LES FONDS RÉCOLTÉS SERONT VERSÉS AU PROFIT DE L’ASSOCIATION SQALA QUI A FINANCÉ LES INSCRIPTIONS DES ÉLÈVES DE TROIS ÉCOLES DE L’ANCIENNE MÉDINA.

CABLIANCE, 3 ANS DÉJÀ ! ALSTOM ET NEXANS FÊTENT LEURS 3 ANS DE COLLABORATION AU TRAVERS DE LEUR SOCIÉTÉ COMMUNE AU MAROC, CABLIANCE, DÉTENUE À PARTS ÉGALES. SITUÉE À FÈS, LA JOINT-VENTURE SPÉCIALISÉE DANS LA SOUS-TRAITANCE ÉLECTRIQUE FERROVIAIRE PRODUIT DES FAISCEAUX DE CÂBLES ET DES ARMOIRES ÉLECTRIQUES POUR LE MARCHÉ FERROVIAIRE MAROCAIN ET INTERNATIONAL.

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MÉDITEL

PARLER ILLIMITÉ L’opérateur vient de marquer le marché de la téléphonie en révolutionnant son catalogue d’offres : lancement de l’illimité à partir de 199 DH et sans engagement, étendue de son forfait Hani qui proposera désormais 8h de communication vers les destinations nationales ainsi que certaines destinations internationales au lieu de 3 heures et 500 SMS au lieu de 300 SMS. Les clients auront aussi droit à 1 Go d’internet, le tout à 99 DH par mois. Pour ceux désirant appeler en Europe ou aux États-Unis, il est possible de souscrire à l’offre illimitée + au prix de 399 dirhams intégrant comme par le passé des communications illimitées au Maroc mais aussi dans 17 pays étrangers. Ce forfait est également agrémenté de 12 GO d’internet 3G. Cette offensive ne laissera pas les concurrents indifférents.


MAROCLEAR

DÉSORMAIS SOUS UNAVISTA

AMEUBLEMENT

IKEA S’IMPLANTE AU MAROC Le géant mondial du mobilier IKEA s’apprête à ouvrir son premier site au Maroc. Ce dernier qui s’étend sur une superficie de 26.000 m2 devrait recevoir « 1,3 millions de visiteurs pour la première année d’activité du magasin », assurent les responsables. Le magasin-pilote du géant mondial du mobilier et de la décoration est actuellement en phase de construction dans la ville nouvelle de Zenata. Son ouverture est programmée pour fin 2015. Ce projet mobilisant une enveloppe budgétaire de 450 MDH devrait être entièrement conçu avec des matériaux qui respectent l’environnement. À terme, la joint-venture entre Ikea et Marjane Holding compte générer 400 emplois directs et 1.000 indirects. Pas moins de 360 candidats ont été retenus sur 2 000 postulants de Mohammedia/ Zenata…

LANCEMENT DE « SKILLS FOR AFRICA »

SAP

POIDS LOURD

VOLVO S’ALLIE À SOGELEASE

MAROCLEAR A ADOPTÉ UNE NOUVELLE INFRASTRUCTURE DE COLLECTE D’INFORMATIONS DE CLASSE MONDIALE POUR SOUTENIR L’ÉMERGENCE DE CASABLANCA EN TANT QUE CENTRE FINANCIER POUR L’AFRIQUE. EN EFFET, LE DÉPOSITAIRE CENTRAL DES VALEURS MOBILIÈRES AU MAROC, A SIGNÉ UN ACCORD DE COOPÉRATION AVEC LE GROUPE LONDON STOCK EXCHANGE. L’ANNONCE A ÉTÉ FAITE MERCREDI PAR LSE SUR SON SITE. L’ACCORD CONCERNE L’ÉLARGISSEMENT DE LA GAMME DE FTSE-100 AU MAROC.

Lors de la quatrième édition d’une série de cinq forums, organisés par SAP en Afrique en ce début d’année 2015, SAP Afrique a partagé les détails de la déclinaison marocaine de l’initiative « Skills for Africa » -Des compétences pour l’Afrique - qui vise à former 10.000 consultants en TIC à l’horizon 2020, axé sur les secteurs de croissance en Afrique. Le programme au niveau du Maroc est le résultat d’une étroite collaboration entre SAP Afrique et ses partenaires dans la région, dont plusieurs sont également engagés dans le développement socio-économique et la stimulation de la création d’emplois. La formation Skills for Africa qui a débuté en avril, à Rabat, comprend une approche hybride de la classe et du e-learning et sera donnée gratuitement pour 39 étudiants, émanant d’une sévère sélection.

VOILÀ UNE BONNE NOUVELLE POUR LES FUTURS ACQUÉREURS DES VÉHICULES LOURDS DES MARQUES VOLVO. LES SOCIÉTÉS DU GROUPE VOLVO AU MAROC ET SOGELEASE MAROC VIENNENT DE SIGNER UNE NOUVELLE ALLIANCE AVEC, À LA CLÉ, LE LANCEMENT D’UN PROGRAMME DE FINANCEMENT CONJOINT «VOLVO FINANCIAL SERVICES MAROC». LES DEUX NOUVEAUX PARTENAIRES VISENT À OFFRIR À LEURS CLIENTS UNE QUALITÉ DE SERVICE ÉLEVÉE VIA DES TAUX ATTRACTIFS, DES DÉCISIONS RAPIDES EN TERMES D’ACCORDS DE FINANCEMENT, DE POSSIBILITÉS DE «PACKAGER» LE PRODUIT AVEC DES OFFRES D’ENTRETIEN, AINSI QUE BIEN D’AUTRES AVANTAGES. POUR LES RESPONSABLES DU GROUPE «LE MAROC EST LA PREMIÈRE ENTRÉE POUR VOLVO FINANCIAL SERVICES SUR LE MARCHÉ NORD-AFRICAIN À TRAVERS NOTRE ALLIANCE AVEC NOTRE PARTENAIRE SOGELEASE MAROC ». PERSPECTIVES MED

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TRENDS FORD FUSION

NOUVEAU CAP E

xit la Mondeo, place à la Fusion ! Telle est la nouvelle appellation harmonisée de la berline à succès du constructeur américain Ford. Cette berline intermédiaire affiche une ligne qui rappelle celle des exotiques Aston Martin, particulièrement à l’avant, alors que la caisse ellemême semble dérivée des superbes Jaguar. Son design moderne, son capot musclé, sa calandre chromée et ses lignes élégantes lui confèrent un aspect extrêmement dynamique. La toute nouvelle Fusion accueille une importante série de technologies d’aide à la conduite, un châssis évolué et un intérieur de haute qualité qui augmente le confort et l’agrément. Elle accueille également le système de connectivité avancé SYNC 2 à commandes vocales avec écran tactile, pour un pilotage simplifié du téléphone, du système multimédia et de la climatisation. Parmi ses nombreuses innovations, figure la technologie Ford Dynamic LED avec ses phares adaptatifs. Ces derniers anticipent les changements de trajectoire dans les virages pour offrir une meilleure visibilité. Ils sont équipés de LED ultra-efficaces procurant un éclairage proche de la lumière du jour. Les phares s’adaptent également à la vitesse de conduite en ajustant l’intensité du faisceau afin de procurer un éclairage optimal. Fusion est aussi dotée d’une version évoluée de l’aide au stationnement perpendiculaire, qui permet au conducteur de détecter un espace de parking suffisant et de s’y introduire en marche arrière, sans les mains. Au volet sécurité, les ceintures arrière avec airbag intégrés sont une autre innovation remarquable et unique et viennent s’ajouter aux autres équipements qui ont déjà fait leur preuve. Elles permettent de répartir les forces

MARCHÉ AUTO HAUSSE DES VENTES Les ventes de véhicules neufs reprennent. C’est ce qui ressort des statistiques de l’Association des Importateurs de Véhicules au Maroc (AIVAM), qui dénotent que les ventes automobiles ont progressé de 11,4% à fin avril 2015 à 40 876 unités. Cette évolution intègre une hausse de 12,7% des ventes des voitures particulières (VP) à 36 880 soit 90,2% du volume global et une légère progression de 0,3% des ventes des véhicules utilitaires légers (VUL) à 3 996 unités. Pour le seul mois d’avril, les ventes s’élèvent à 11 970 unités en hausse de 16,1% comparativement à mars 2015 et en progression de 31,9% en glissement annuel. Par marque, Dacia vient en tête des ventes avec 11 329 unités écoulées à fin avril 2015 contre 10 546 une année auparavant pour une part de marché de 30,7%. Renault arrive en seconde position avec un volume de ventes de 3 384 véhicules (contre 3 097 au 30/04/2014) en hausse de 9,3% pour une part de marché de 10,9%. Une performance qui porte la part de marché du Groupe RENAULT à 39,89%. Quant à Hyundai, elle occupe la 3ème position avec 2 986 immatriculations contre 2 604 par rapport à fin avril 2014, en affermissement de 14,7%. Pour leur part, Ford et Peugeot ont écoulé respectivement 2 981 (+32,1%) et 2 690 (+5,4%) unités. Concernant le segment VUL, la marque Mitsubishi affiche les meilleures ventes avec 659 unités écoulées, suivie par Fiat et Toyota avec 616 et 587 nouvelles immatriculations respectivement. 78

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RENAULT TANGER

400 000 UNITÉS PRODUITES

d’impact sur une zone corporelle cinq fois plus étendue par rapport aux ceintures classiques et donc de limiter les risques de blessure. Mais la transformation ne s’arrête pas là! En effet, non seulement Fusion repose sur une toute nouvelle plateforme, mais sa mécanique est aussi toute nouvelle. Les versions 150 ch et 180 ch du moteur 2,0 litres TDCi seront complétées dans un deuxième temps par d’autres nouvelles motorisations, dont les moteurs 1,5 litre et 2,0 litres EcoBoost en 160ch, 203ch et 240ch. Niveau finitions, Fusion est proposée en quatre variantes Trend, Titanium, Titanium plus, Titanium X, chacune des trois premières finitions est disponible en boite de vitesses manuelle et automatique, la dernière finition n’est disponible qu’en automatique. Enfin, pour les tarifs, s’ils démarrent à 280 605 Dhs TTC clés en main pour la version trend, avec boite manuelle, ils atteignent les 410 605 Dhs TCC pour la Titanium X au 180 ch en BVA.

L’usine Renault-Nissan de Tanger a célébré le mardi 05 mai 2015, la sortie de chaine de son 400 000 ème véhicule depuis le lancement de son activité en février 2012. Pour l’année 2015 isolée, l’usine Renault-Nissan a produit en cumul à fin avril 74 925 véhicules. Le 400 000ème véhicule sorti des chaines de montage de l’usine Renault-Nissan de Tanger n’est autre que le DACIA LODGY GRAND TAXI, destiné à un client de Marrakech. Depuis son inauguration en février 2012, l’usine exporte vers plus de 63 destinations à travers le monde dont notamment la France, l’Espagne, l’Allemagne, aujourd’hui Top 3 des pays importateurs du « made in Morocco ». Cette performance a été atteinte grâce à la politique de perfectionnement continu menée par l’usine dans ses process et dans le management de ses équipes. Ainsi, la production moyenne est passée à 800 véhicules par jour courant l’année 2015. Ce nouveau cap marque la place importante que prend l’usine Renault-Nissan de Tanger dans le Royaume et sa volonté de poursuivre ses efforts pour devenir une plateforme incontournable dans les échanges avec l’extérieur.

GT ACADEMY #RACINGDRIVERWANTED La GT Academy arrive au Maroc et lance les courses de qualification. La compétition organisée par Nissan et PlayStation, ont débuté simultanément au Maroc, en Égypte et en Algérie. Il s’agit d’une compétition virtuelle qui donne la chance aux gagnants de décrocher un contrat de pilote international. Les joueurs peuvent ainsi s’affronter pour le meilleur chrono sur le circuit virtuel de Silverstone et peut-être accéder ainsi à la prochaine étape : la finale régionale du 11 juin prochain, en Egypte. Nissan et la GT Academy ont ainsi installé un pod (simulateur) au sein du Morocco Mall à Casablanca, avant de le déplacer les 22 et 23 mai dans le showroom Nissan, à Casablanca afin d’y poursuivre l’aventure. Cinq gagnants accèderont aux finales nord-africaines qui se tiendront en Egypte le 11 Juin. Au total, les épreuves de qualification en Afrique du Nord dureront 6 semaines et se tiendront dans 12 endroits différents. La GT Academy est une collaboration entre PlayStation® et Nissan, qui utilise le monde virtuel du jeu de Gran Turismo®6 afin de découvrir des talents de pilotes de course. Les vainqueurs des précédentes saisons de la GT Academy sont maintenant des pilotes de course réguliers. La compétition GT Academy 2015 est, cette année encore, plus étendue puisqu’elle intègre les joueurs de 24 pays différents à travers le monde. PERSPECTIVES MED

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TRENDS NISSAN NOTE

OFFENSIVE CONTINUE

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e constructeur nippon Nissan et son partenaire Auto Hall viennent de lancer sur le marché le monospace à succès Note. Cette deuxième génération du Nissan Note reconduit la recette de la première tout en affichant la volonté de quitter le segment du monospace pour faire partie de la catégorie B, celle des citadines polyvalentes au look inédit, dynamique et racé.... Son style atypique s’affirme clairement, notamment au niveau de la face avant. Ce nouveau Note reprend également pas mal d’éléments de l’Invitation Concept. On retrouve donc des flancs travaillés et une face arrière très expressive aussi bien au niveau du bouclier qu’au niveau des phares. L’intérieur se modernise également mais c’est surtout au niveau de la dotation que le Nissan Note progresse puisqu’il est pourvu pour la première fois d’un « bouclier de sécurité : le Nissan Safety Shield qui se compose de la détection des angles morts, de l’alerte de franchissement de voie et de la détection des objets en mouvement lors des manœuvres. Dans la recherche de ce compromis, le Note garde sa longueur de 4.10 m, offrant une des plus belles habitabilités de la catégorie en ce qui concerne les places arrière et en particulier l’espace aux jambes. Le volume de coffre évolue légèrement par rapport à la précédente génération en passant de 325 litres à 411 litres grâce aux banquettes coulissantes. Nissan propose en prime un kit de série pour scinder l’espace de chargement en deux parties. Equipé des meilleures technologies, le Nissan Note 2 accueille des équipements de dernière génération notamment grâce à la Vision 360° à additionner aux traditionnelles connectivités Bluetooth, USB et iPod/iPhone offertes avec une console centrale tactile. Sous le capot, on retrouve en diesel, le 1.5 dCi 90 ch accouplé à un Stop and Start d’entrée de gamme et boite à vitesse manuelle à 6 rapports. Ce bloc issu de l’alliance (Renault) se situe parmi les meilleurs de sa cylindrée en matière d’agrément et de sobriété. La nouvelle Note sera lancée avec deux qualités de finition -Acenta et Tekna -, et on trouvera sur ces deux modèles les systèmes d’allumage stop- start, six airbags et le régulateur de vitesse avec limitateur. Les modèles de base Acenta incluront la climatisation, la connexion Bluetooth et les vitres électriques arrière, tandis que les modèles supérieurs Tekna disposeront du pack Safety Shield, Nissan Connect et Around View Monitor, ainsi que l’habillage intérieur en cuir et le verrouillage à distance avec i-clé. Enfin côté tarif, le groupe Auto Hall affirme son agressivité et sa volonté de partager avec son nouveau partenaire Nippon ses réussites sur d’autres marques. Et pour ce faire, le Note est proposé à partir de 145 000 Dhs pour l’Acenta et à 175 000 Dhs pour la Tekna.

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INTELLECTUELS SUR TOUS LES FRONTS INTELLECTUELS ORGANIQUES Il n’y a pas de mystère. Les oeuvres qui se passent de l’usure du temps et rencontrent un succès planétaire ne sont autres que celles qui épousent les grandes causes des peuples. C’est à cette aune là que l’on mesure l’importance de l’intellectuel engagé qui s’active pour dénoncer toutes les tares d’où qu’elles proviennent. Même proscrits, marginalisés et bien des fois liquidés, ce sont les intellectuels organiques qui éclairent la voie de l’émancipation populaire. A. Laabi comme C. Mabkhout et tant d’autres sont des exemples parmi d’autres...

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CULTURE CRÉATION CULTURELLE

VALEUREUSES LUTTES Par : Lamia Mahfoud

La création littéraire reste l’expression « pensée » de la réalité dont disposent les divers producteurs de symboles. Une œuvre n’est immortelle que si elle exprime l’air du temps avec la richesse due aux âmes sensibles. Dans l’espace maghrébin, poètes et romanciers s’y attèlent. Non sans succès.

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ui osera dire que l’espace de la création marocain n’exprime pas, par la voix d’intellectuels engagés, toute la richesse du pays ? Personne de sensé quand bien même des plumes se hérissent à l’idée de voir la création francophone porter une aura assez singulière. En tout cas, l’œuvre poétique d’un Abdellatif Laabi, militant de la première heure, est célébrée aussi bien localement qu’à l’étranger. Ce qui en dit long sur la capacité de toute œuvre authentique à se jouer des frontières aussi fortes soient-elles, comme celle dite «linguistique ». Et il faut dire que dans cette affaire, la poésie rend les choses des plus compliquées puisque toute traduction comporte en soi une dimension de «trahison » et de l’esprit et de la lettre. N’empêche, nul n’osera se détourner du combat pour lequel de grands écrivains marocains ont consacré leur vie. Car à côté du phare qu’est A. Laabi, véritable cheville ouvrière d’un combat culturel qui est loin d’être achevé, quand bien même des esprits chagrins persistent à délégitimer la logique de l’engagement politique progressiste au motif d’une hypothétique « fin de l’Histoire », la scène romanesque a aussi eu ses heures de gloires avec des géants défunts de la trempe de Driss Chraïbi et Edmond Amran El Maleh… Bien sûr que l’expression « révolutionnaire » n’est pas l’apanage de ces têtes d’affiche qui ont contribué à faire connaître un pan de l’histoire marocaine. D’autres « refuzniks » ont épousé les souffrances de bien des générations, ce qui peut paraître chez d’aucuns comme autant de « causes perdues », en en exprimant la substantifique moelle aussi bien dans la poésie que dans les arts plastiques ou encore dans les romans. Nul ne contestera l’immense talent d’un Abdellah Zrika, ni le génie coloré d’un Farid Belkahia et encore moins les récits d’un Mohamed Berrada ou encore Ahmed Al Madini. Autant d’expériences intellectuelles qui ont marqué de leur richesse l’espace culturel marocain. Bien entendu, c’est la dimension de « l’engagement » de l’élite intellectuelle qui est ainsi capable de faire la

différence. Engagement qui porte aux nues ses acteurs et promoteurs. Et dans ce cadre-là, force est de souligner que le succès des divers producteurs culturels (le théâtre et le cinéma ne sont pas à minorer) se joue aussi, dans la sphère arabe, à l’aune de cet engagement authentique. On n’en voudrait pour preuve que l’incroyable promotion que procure aux romanciers arabes le prix « Booker » fortement couru et médiatisé depuis quelques années déjà. C’est aux promoteurs d’une telle distinction que l’on doit la sortie de l’ombre d’un romancier saoudien de la trempe d’Abdou Khal qui a brisé tous les tabous dans son récit épique « Tarmi Bicharar » traduit en français par « Basses besognes ». Comme c’est à lui que revient le droit de faire émerger de l’anonymat nombre de romancières qui peinent à occuper la place qui leur revient de droit dans l’espace éditorial arabe. Pour 2015, c’est l’universitaire tunisien Chokri Mabkhout qui a été distingué pour son premier roman « Ettaliani ». Et là aussi, il faut croire que le choix n’est point fortuit. Surtout qu’une telle œuvre romanesque expire par tous ses pores «l’engagement» d’une génération de Tunisiens perdus entre une gauche militante, un islamisme envahissant et un pouvoir répressif. La question qui se pose dès lors a trait au rôle de l’intelligentsia dans les sociétés qui sont les nôtres. Faut-il que les élites qui la composent tranchent dans leurs choix, en intégrant la case des « intellectuels organiques », fidèles en cela à la pure tradition gramscienne, où en se défaussant de leurs responsabilités historiques en cultivant les consensus en tout genre et en se laissant bercer par les illusions des compromis historiques qui, bien souvent, conduisent tout droit aux compromission ? Nul doute que cette problématique là jouit d’une actualité des plus brûlantes à l’heure où l’espace arabe est infesté de foyers de tensions qui prennent des dimensions confessionnelles et/ou tribales des plus destructrices.

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CULTURE ABDELLATIF LAÂBI :

CULTURE ET ENGAGEMENT

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MILITANT PROGRESSISTE, LE POÈTE ABDELLATIF LAABI N’A PAS PERDU UNE ONCE DE SON SOUFFLE EN FAVEUR DE L’AVÈNEMENT D’UNE SOCIÉTÉ OÙ LA CULTURE SERA CÉLÉBRÉE AUTREMENT AU MÊME TITRE QUE L’INTELLECTUEL. RIEN D’ÉTONNANT À CE QUE SON ENGAGEMENT POÉTIQUE EXPIRE AUSSI SES CONVICTIONS POLITIQUES POUR UN AUTRE MAROC.

LE DYNAMO DE LA REVUE «SOUFFLES» EST TOUJOURS DE TOUS LES COMBATS POUR L’ÉMERGENCE D’UNE VRAIE POLITIQUE CULTURELLE. 84

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Par: Pr Mohamed El Bouazzaoui

bdellatif Laâbi est, sans conteste, un intellectuel universel, connu pour son engagement inconditionnel en faveur d’un « sursaut de l’humain à l’homme». A travers une œuvre multiforme et foisonnante, il travaille sans répit pour instaurer un édifiant dialogue entre les hommes et les différentes cultures. Il serait réducteur de considérer ce grand poète comme un simple homme révolté, dont la pensée est aux antipodes de l’oppression, toutes catégories confondues. Car Laâbi est aussi un homme qui mène un autre combat contre l’hégémonie des cultures, contre le chauvinisme et les « identités meurtrières ». Hanté par la condition humaine, il n’a de cesse d’interroger de plus près les rapports entre les hommes. Il en fait une ode à l’amour, à l’amitié et au culte de la différence. La place de la cité et de la société est nodale dans tous ses écrits. Cela témoigne d’une volonté de contribuer au renouvellement de la culture, et ce dès les premiers moments de l’indépendance. L’expérience de Souffles représente, à bien des égards, le début d’une réflexion menée par Laâbi et une pléthore d’écrivains et poètes marocains autour de questions brûlantes, à même de dynamiter à la fois le champ littéraire, la création artistique que les idées politiques. La revue Souffles était une sorte de tribu(ne) à travers laquelle des voix avaient essayé d’énoncer leur désir de changement pour l’intérêt du Maroc. Le rêve était de voir le pays évoluer dans tous les sens, se décoloniser sur tous les fronts. Ce rêve continue à être pressant chez Laâbi. Son livre L’Autre Maroc traduit ce rêve permanent de voir le pays changer dans la bonne voie. D’où son combat pour la liberté d’expression et les droits de l’Homme de manière générale. Combat nourri de remises en question de la société postcoloniale et confronté à maints défis que l’Homme de lettres se doit de relever. Dans une Lettre ouverte à l’Equipe de Tel Quel, Laâbi énonce : « notre tâche n’est-elle pas d’abord et avant tout d’accompagner avec le maximum d’attentions le Maroc qui bouge, intègre à grands pas la modernité, reconnait les bienfaits du pluralisme et se bat au quotidien pour faire avancer le projet démocratique? ». La culture demeure pour lui l’un des leviers puissants permettant de réussir le projet démocratique. Sans une


véritable démocratie, la culture est menacée, fragilisée, voire minorée. La littérature en particulier ne saurait évoluer dans un contexte marqué par la chape de l’uniformisme sclérosant. Aux yeux de Laâbi, la littérature doit se lancer dans l’aventure de revisiter l’humain, de le célébrer. Selon Jacques Alessandra, l’écriture chez Laâbi est « une aventure héroïque de refaire l’homme et l’histoire » . En effet, il a entrepris un colossal travail en 2005 afin de préserver la mémoire culturelle, du passé et du présent. Laquelle est le meilleur bouclier contre l’amnésie et l’oubli. Ce travail consiste à dédier une anthologie à la poésie marocaine, allant de l’indépendance à nos jours. La poésie est l’un des supports de cette mémoire que l’auteur cherche à pérenniser. Elle est aussi l’espace où se profilent en liberté les idées de la tolérance, de la paix et de l’amour. Nous lisons sur la quatrième de couverture de ladite anthologie: «elle a constitué un pôle de désobéissance éthique et de résistance sans faille. Face aux fermetures identitaires, elle a défendu et illustre avec confiance les vertus du pluralisme linguistique » . Laâbi n’est pas un poète qui vit dans une tour d’ivoire. C’est un intellectuel qui œuvre dans le sens de promouvoir la culture marocaine, dans sa richesse et diversité. Ce n’est pas par hasard qu’il a présidé, entre 2003 et 2005, aux destinées du Fonds d’Aide au Cinéma National. S’agissant de cette expérience, il dresse le bilan suivant sur son site officiel : « nous avons œuvré sans préjugés idéologiques ou esthétiques pour un panorama de création ou tous les genres, les thèmes et

les formes d’écriture puissent être représentés. Tout en respectant les opinions et la liberté des créateurs, nous avons exercé notre vigilance face au moindre discours susceptible d’induire l’intolérance, l’obscurantisme et le sexisme. J’aimerais que nos concitoyens méditent ce que nombre de nos cinéastes talentueux nous apportent par ces temps de discours stériles, de désarroi et de périls. Grâce à eux, c’est un autre Maroc qui nous est donné à voir et à entendre ». Outre le champ culturel et artistique, Laâbi s’adonne dans L’Autre Maroc à un diagnostic des maux qui rongent la société marocaine. Laquelle ne parvient pas à se décoloniser, à réussir une réelle praxis de la politique et de la démocratie, en dépit du printemps arabe et de l’engouement qu’il a suscité chez le peuple marocain. L’auteur place beaucoup d’espoir dans la jeunesse qui sera amenée à relever des défis, à séparer religion et politique, à s’investir dans les partis politiques… Bien que le bilan dressé soit assez négatif, nous lisons dans ce livre quelques notes d’espoir et d’optimisme quant à l’avenir du pays. L’auteur propose quelques pistes de nature à enclencher le changement. Entre autres, il s’agit du développement urgent du secteur de l’enseignement, de la création d’une force citoyenne capable de dissiper le flou planant sur le champ politique marocain et en mesure de porter le projet démocratique. Le livre est aussi un appel à une réhabilitation urgente de la culture et du statut de l’intellectuel dans la société d’aujourd’hui. Tant que la culture est minorée, reléguée au second plan, il y aura péril en la demeure !

CRÉATEUR ENGAGÉ SUR PLUSIEURS FRONTS, LE POÈTE N’HÉSITE PAS A ÉPOUSER D’AUTRES FORMES CULTURELLES POUR AVOIR PLUS D’IMPACT PERSPECTIVES MED

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CULTURE « ETTALIANI », REMPORTE LE « BOOKER 2015 »

LE PARI « HOT » DE C. MABKHOUT Par : A. Ben Driss

« Ettaliani », premier roman de l’universitaire Chokri Mabkhout est porté aux nues par le « Booker 2015 ». Une chronique assez piquante de la Tunisie sous Bouguiba et Ben Ali. Et une ode à la liberté.

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ersonne ne l’attendait au tournant d’une carrière de romancier appelée à prendre son envol. Pourtant, Chokri Mabkhout, président de l’Université Manouba, connu pour son travail de traducteur, mais également de chroniqueur littéraire, a défrayé la chronique arabe avec son premier roman : « Ettaliani ». C’est avec cette oeuvre assez singulière qu’il a pu décrocher le Prix international du Roman Arabe « Booker 2015 ». De quoi confirmer la création romanesque tunisienne dans le vaste espace arabe d’autant plus que le Prix international créé en 2007 destiné à promouvoir l’écriture romanesque arabe équivaut à un sésame pour le succès des auteurs consacrés. Déjà primé avec le Comar d’Or 2015, C. Mabkhout, avait formé le voeu de voir « son roman marquer

UN ROMAN MAJEUR POUR LA TUNISIE EN MOUVEMENT

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le nom de la Tunisie dans le registre des lauréats du Prix Booker ». Un souhait prémonitoire ? En tout cas, il faut croire que son vœu a été exaucé. Ce qui n’est pas rien pour la carrière qui s’ouvre à un universitaire qui a marqué de son empreinte la scène tunisienne. Il y a lieu de rappeler qu’une telle consécration n’est point fortuite. La première oeuvre romanesque de C. Mabkhout, « Ettaliani » était en lice parmi 180 romans retenus dans une première étape et qui sont publiés en 2014 par des romanciers en provenance de 15 pays arabes. Resté en lice dans la dernière phase aux côtés de cinq romans signés par des auteurs palestinien, marocain, soudanais, syrien et libanais, « Ettalliani » est, selon les propos du poète et écrivain palestinien Mourid Bargouthi, président du jury « un début magique du romancier Chokri Mabkhout qui ressemble d’ailleurs au début fabuleux de son premier roman ». Le gagnant du Prix Booker reçoit un prix de 50 mille dollars américains (environ 120 mille dinars tunisiens) et bénéficie d’une traduction de son oeuvre vers l’anglais sachant que les six romanciers inscrits dans la liste courte gagnent chacun un prix de 10 mille dollars.


Lors de l’annonce du lauréat de ce Prix à Abou Dhabi, à l’occasion de l’ouverture de la foire du livre d’Abou Dhabi (Émirats Arabes Unis), C. Mabkhout n’a pas hésité à rappeler la philosophie qui le guide dans sa production littéraire. À ses yeux, « Ettaliani » est un réquisitoire pour la défense des droits de l’individu en Tunisie et représente, dès lors, « une œuvre au service de la liberté » dans son acception la plus large. Pour le romancier, le genre littéraire choisi pour défendre de telles valeurs et le mieux approprié puisque le roman « offre un espace d’expression large » pour traduire toutes les facettes des personnages en lice qui rythment la vie d’une Tunisie en proie à un changement contrarié. Le romancier plonge le lecteur dans l’histoire récente de la jeune Tunisie, qui se situe entre l’enfance de son héros central, Abdennasser, c’est-à-dire vers le début des années 60 et le début des années 90. On est donc plongés dans la trame de l’œuvre qui coïncide avec le début du règne de Bourguiba et de celui de Ben Ali avec toute ce que concentre cette période comme événements marquants. À travers ses personnages, le romancier essaye d’en tirer des enseignements, de proposer des explications et de poser des questions. Le romancier n’hésite pas à se vêtir des attributs de l’historien pour ce faire et tire le lecteur par la main pour lui faire découvrir Tunis, la capitale, les ruelles de sa vieille ville et les artères du centre-ville. Pour les critiques tunisiens, « chacun de ces endroits est cité par son vrai nom, comme le café « El Hadj » du Bardo ou bien l’hôtel « International », et même les personnages qui les peuplaient le sont également tels le professeur de philosophie, Habib Ben Hamida, des hommes ou des femmes publics, à l’image de la « proxénète du Palais », Saïda Agrebi, ou bien encore l’agent de censure, Abou Essaoud ». En somme, c’est le rendu d’un « tableau extrêmement circonstancié » que l’auteur livre au lecteur. Chaque fait et chaque lieu est porteur de signification. La description méticuleuse de la vie dans les quartiers de la Médina montre comment une crise morale commence à s’installer dans la capitale. Les causes en sont plusieurs dont la manifestation la plus visible est l’exode rural. Ce phénomène est dû, selon Abdennasser, personnage qui campe le Marxiste-léniniste du roman, au manque de développement régional et à la politique du libéralisme sauvage, tout en soulignant, toutefois, que ces victimes du système sont le prolétariat en haillons ou le lumpenprolétariat qui constituerait, ultérieurement, les forces de la contrerévolution. Roman politique ? Pour ceux qui en doutent, nul besoin de rappeler que les personnages

expriment autant de protagonistes qui avaient marqué la scène politique tunisienne polarisée entre une gauche révolutionnaire et des islamistes qui symbolisent l’obscurantisme. Sans oublier, bien entendu, la bourgeoisie affairiste et les jeux d’accommodement avec les extrêmes qui déchirent une société composite. Le roman fait honneur au mouvement syndical estudiantin, dirigé par l’UGET, à travers le statut de ses héros, les étudiants Abdennasser et Zina, doux révolutionnaires écartelés entre trahisons et combat. Bien qu’il soit resté fidèle au Marxisme-léninisme, le héros du roman est devenu journaliste pour le gouvernement alors que sa compère renonce totalement à l’action politique, change d’ambitions en devenant enseignante et s’éloigne un tant soit peu des idées qu’elle a véhiculées. Le romancier n’est pas tendre, non plus, avec les islamistes dont les connivences avec le régime politique de l’époque tendaient à affaiblir la gauche. Une formule magique qui n’est guère étrangère au lecteur arabe. En tout cas, c’est ce « blocage » du système politique ambiant qui a contribué à castrer les héros du roman. Des héros victimes d’une société impitoyable et malades de ses travers faits de pédophilie et d’inceste. L’idylle bloquée n’est que le témoignage d’une société bloquée. Celle qui conduira à « la révolution du jasmin ». PERSPECTIVES MED

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CULTURE

DÉPOSSESSION Le peuple palestinien endure depuis 67 ans les âffres du souvenir de la fameuse Nakba qui allait déteindre sur tout l’espace arabe. Face aux multiples offensives de l’Etat sioniste qui visent à faire le plein de colonies au détriment des Palestiniens, le combat de Naji Al Ali, caricaturiste palestinien assassiné à Londres par le tristement célèbre Mossad, reste d’actualité. “Handala”, héros du caricaturiste a encore du pain sur la planche.

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A BAS LA CHICHA !

HASHRAB HASHISH… Comment la chanson d’un documentaire « Le fil et le mur » de Mohamed Khaled, réussit à capter des millions d’auditeurs en Egypte et bien au-delà? « Hashrab Hashish » ne fait pourtant pas de ce répertoire révolutionnaire post-Printemps arabe qui emprunterait la voie de la nouvelle génération des poètes du Nil qui font honneur à Fouad Najm. La partition de Mouhab Sami qui ne passe pas à la radio et encore moins illustrée par un clip vidéo, n’a profité d’aucune opération de promotion… Et pourtant, la chanson qui bénéficie du net a permis à Luka Blue (19 ans) de se distinguer. « Hashrab Hashis »h, écrite il y a trois ans par cette chnateuse qui garde l’anonymat, raconte les «petits problèmes quotidiens» que connaissent les jeunes femmes en Egypte. Volée sur son mur Facebook et publiée sur Soundcloud, la chanson, dont le refrain est un tantinet provocateur, a été enregistrée initialement pour la bande originale d’un documentaire indépendant sur le street art et les artistes égyptiennes. «Alors tant pis je fume du hashish», expression qui rejoint celle qui a la prédilection des Marocains « tu as beau regarder, il ne reste qu’à boire le vin », continue à faire le buzz. Plongeant Luka Blue dans l’inconfort de l’anonymat…

LE BLUES ORPHELIN

Le guitariste américain B.B. King, légende du blues et source d’inspiration pour de nombreux musiciens, s’est éteint à l’âge de 89 ans. B.B. King, de son vrai nom Riley B. King, était considéré comme l’un des plus grands guitaristes de tous les temps. Avec plus de 50 albums à son actif, il est notamment célèbre pour des tubes devenus des classiques comme « Three O’Clock Blues », « The Thrill is Gone » ou « Rock me baby ». Né le 16 septembre 1925 dans le Mississipi, son enfance ressemble à celle de milliers d’enfants noirs, travailleurs agricoles dans les grandes plantations de coton du sud. Mais le jeune King, orphelin, a la chance à l’adolescence d’être pris sous l’aile protectrice de son cousin Bukka White, un guitariste aveugle qui va faire son éducation musicale.

Salama Kila, penseur palestinien, à propos du bouillonnement arabe : «Jusqu’à maintenant, les révolutions arabes n’ont pas produit de révolution culturelle. Cela est dû à plusieurs facteurs. En premier lieu, l’ancienne élite culturelle a été incapable de comprendre la réalité et par conséquent produire une culture qui corresponde au moment de la révolution. A partir de ce moment, la tâche incombe à des classes populaires, c’est-àdire aux jeunes qui ont déclenché la révolution sans avoir une conscience politique. Cette jeunesse a adhéré à la révolution suite à une crise économique. Notons qu’à travers les révolutions, les jeunes ont commencé à se refaire une nouvelle conscience et il suffit d’un certain laps de temps pour que cette jeunesse devienne capable de créer sa propre production culturelle. Car après trois ans de révolution, la jeunesse s’est rendu compte que c’est à elle de porter à bout de bras son aspiration et ses projets. Donc quand la conscience des jeunes aura une certaine maturité, nous pourrons parler d’un changement réel. Les révolutions culturelles auront bien lieu dans les années à venir surtout qu’une partie de la jeunesse arabe a commencé à lire, à se documenter et à faire ses propres recherches. » PERSPECTIVES MED

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DE LA CHOSE SPORTIVE ET DE SES INCOHÉRENCES

FLOU TOTAL Peut-on imaginer l’ombre d’une seconde que le sport national puisse prendre son envol sans stratégie clairement définie? Pourtant, c’est ce qui se passe depuis belle lurette, les gouvernements qui se succèdent ne cherchant nullement à définir une feuille de route qui tourne le dos aux approximations et à la reproduction d’un clientélisme politique du plus mauvais effet. Opacité et mauvaise gouvernance restent un sport national. Qui dit mieux?

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SPORT SPORT ET ETAT

SANS CHOIX STRATÉGIQUE Par : Yahya Saïdi

Bien qu’il soit rabâché à satiété, le sport au Maroc est toujours régenté par des mesurettes et des tâtonnements. L’absence d’un choix stratégique par l’Etat et la caducité d’un département gouvernemental (ministère de la Jeunesse et des Sports) en sont la contradiction principale.

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ura-t-on besoin de rappeler le rôle et la place du sport sur le plan socio-économique sous toutes ses facettes ? Aura-t-on besoin de s’interroger sur le sort de la Lettre Royale sur le sport convertie en recommandations qui ont découlé du grenelle sur le sport de Skhirate en octobre 2008 ? Voilà autant de vraies questions inhérentes au développement du sport et à sa modernisation, à asseoir sur des bases solides, qui demeurent en suspens. Ici et ailleurs, on a beau discourir ad nauseam sur une stratégie à mettre en œuvre pour assurer l’essor d’un secteur laissé en friche, rien n’y fait. Tout reste bloqué ! Quid du Plan Sport ? Plan Azur pour le secteur du Tourisme, Plan Vert pour l’Agriculture, Plan Emergence pour l’Industrie, etc. Ce sont-là des choix stratégiques entre autres de l’Etat pour booster ces secteurs en y mettant le paquet. Sauf le sport civil et ses adjuvants, scolaire et universitaire, qui s’embourbent de plus en plus dans un pourrissement qui n’a jamais dit son nom. De l’indépendance à nos jours, on a souvent mis en place une structure gouvernementale (ministère, Secrétariat d’Etat, Haut Commissariat, voire même la Primature) pour gérer un secteur des plus transverses. Mais en l’absence d’un Choix (Avec c majuscule SVP) stratégique de l’Etat en matière du sport, rien n’a bougé dans le bon sens. Car ce qu’on vit aujourd’hui comme naguère, ce sont des choix de commis d’Etat et non de l’Etat. Autrement dit, le choix stratégique du développement du sport doit être acté par le Conseil des ministres et non par le Conseil du Gouvernement. Un Conseil du Gouvernement qui n’a jamais délibéré ni même évalué le secteur du sport. Rien de plus normal en l’absence chronique dans les politiques publiques d’une telle vision! C’est là où réside la contradiction principale car

que ce soit avec un ministère, une agence nationale ou un Haut Commissariat, on ne peut quitter les sentiers battus. Décréter un Choix stratégique de l’Etat est un préalable pour astreindre par la suite l’Exécutif à adopter une stratégie claire et mettre un terme au rapiéçage voire à la politique politicienne. Et c’est une obligation manifestement légiférée dans la nouvelle Constitution puisque le sport a eu droit de cité, à trois reprises, notamment dans les articles 26, 31 et 33. Dans le préambule de la loi 30-09 relative à l’Éducation Physique et aux Sports, le message est sans équivoques. Un message truffé de connotations fortes mais d’une loi qu’on qualifie de « neutron législatif » en raison de l’absence du caractère obligatoire. Que dit le préambule de cette loi, décliné en une dizaine de paragraphes proustiens ? ‘’Le développement du sport est le premier jalon dans le processus d’édification d’une société démocratique et moderne, processus qui constitue l’un des grands projets de société engagé par Sa Majesté Mohammed VI, depuis son accession au Trône de ses glorieux ancêtres. En fait, le sport revêt une importance essentielle pour toute société aspirant à répandre les valeurs de patriotisme, de solidarité et de tolérance. Il constitue à ce titre un levier de développement humain et d’épanouissement de toute personne, notamment des personnes handicapées, un élément important de l’éducation et de la culture et un facteur fondamental de santé publique. Vu le rôle sociétal et économique du sport qui paraît comme le plus évident, mais également le mieux à même de justifier l’implication de l’Etat dans ce secteur, l’éducation physique et la pratique des activités sportives sont d’intérêt général et leur développement relève d’une mission de service public que l’Etat avec les autres personnes de droit

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SPORT

LE GOUVERNEMENT PEINE À DÉGAGER UNE VISION D’ENSEMBLE POUR L’ESSOR DU SPORT DANS LE PAYS. EST-CE UN LUXE ? 92

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public ou de droit privé devraient assurer (…). (…) Par ailleurs, depuis de nombreuses années, le sport national est confronté à un certain nombre de dysfonctionnements qui pénalisent, hélas, le processus de consolidation de la démocratie et de développement social et humain. Parallèlement, la législation et la réglementation en vigueur gouvernant la matière ont pu paraître insuffisantes et incertaines quant à l’organisation et le fonctionnement du sport devenu de nos jours mondialisé et évolutif. Ce qui exige une refonte du cadre juridique régissant le sport, concrétisée par l’élaboration de la présente loi qui tend à faire un fondement du modèle social marocain et un facteur de rayonnement du Maroc à l’échelle mondiale.’’ Un préambule prolixe, interdit aux asthmatiques voire mal écrit à l’instar des dispositions de la loi 30-09 qui n’est pas conforme au plus élémentaire des canons de la légistique. Un préambule qui doit être réécrit en l’adaptant à la nouvelle constitution. Mais quoi qu’on en dise, ce préambule tout comme la loi 30-09 qui demeure sans textes réglementaires, sont restés lettres mortes. Tout comme la Lettre Royale sur le sport et les recommandations du grenelle de Skhirate qui sont galvaudées et qui servent de faux-fuyants à ceux qui versent dans la politique politicienne. Ministère de la dérégulation ! Faut-il le rappeler pour la énième fois que le ministère de la Jeunesse et des Sports a fait son temps depuis très longtemps? Au lieu d’être une administration de mission, d’accompagnement et d’impulsion, ce département s’est transformé en laboratoire dédié aux cobayes que sont les politicards qui s’y sont succédé. Censé être un régulateur régalien dans les règles de l’art, il est devenu source de problèmes. Dépourvu de compétences spécialisées, le MJS est miné par des dysfonctionnements scandaleux et par des appétits partisans étriqués. Il en est de même pour les structures décentralisées du MJS, ces délégations provinciales ou préfectorales dont le fonctionnement coûte cher aux contribuables. Changer de ministre n’est qu’un trompe-l’œil pour noyer le poisson. Et c’est ce qu’on est en train de faire dans un gouvernement mené par une drôle de mouvance « religieuse » conservatrice dont le sport est voilé dans son agenda. La réforme stratégique transversale du sport doit être une priorité prioritaire. Une réforme qui ne peut s’opérer que si l’Etat pose les jalons essentiels d’un vrai développement pour un secteur qui n’a que trop souffert du replâtrage et du bricolage. L’heure a quand même sonné pour que l’Etat change le fusil d’épaule. IL y a péril en la demeure quand on sait que le sport en tant que fait social global est un sacré rempart contre l’intégrisme, la violence, dans une société sédentaire et dont le taux de maladies est très élevé et affecte inexorablement le budget de l’Etat.


8 ÈME MEETING INTERNATIONAL MOHAMMED VI

LA DIAMOND LEAGUE DANS LE PIPE

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e Grand Meeting International Mohammed VI soufflera sa huitième bougie le 14 juin prochain au Complexe Sportif My Abdellah. Le MIM6 a déjà mis le pied dans le circuit de la Ligue de Diamant. Organisée exceptionnellement au Grand Stade de Marrakech l’année dernière, le MIM6 retourne à son lieu officiel à Rabat. Et à chaque édition, cette fabuleuse manifestation d’athlétisme porte son lot d’innovations. Remarquable et remarqué, le MIM6 est devenu un rendez-vous sportif planétaire incontournable pour les athlètes de haut niveau. C’est ce qui a attiré l’attention des décideurs de l’IAAF et surtout de la Diamond League (Ligue de Diamant). Si la septième édition a été marquée par la présence des superviseurs de la Diamond League, les membres du Conseil d’Administration de cette dernière ont, lors de l’Assemblée Générale et à l’unanimité, confirmé que le MIM6 réponde aux exigences techniques pour faire partie du Chalenge de la Diamond League, le top du top des réunions d’athlétisme mondial. Comme les éditions précédentes, la huitième édition verra la participation d’un plateau exceptionnel de grosses pointures. Ce sont 17 champions olympiques et du monde qui rivaliseront aux côtés d’autres athlètes issus des cinq coins du monde sans oublier les athlètes marocains chez les filles comme chez les garçons qui feront parler d’eux notamment la nouvelle génération montante. Au total, pas moins de 183 athlètes d’une vingtaine d’épreuves entre courses de vitesse, de demi-fond et des concours (Sauts et lancers) seront en piste. Cette huitième édition verra aussi la programmation pour la première fois des épreuves du 400m ‘’dames’’, 110m haies ‘’hommes’’, le lancer du marteau ‘’hommes’’ et le lancer du disque ‘’dames’’.

À CHAQUE ÉDITION, CETTE FABULEUSE MANIFESTATION D’ATHLÉTISME PORTE SON LOT D’INNOVATIONS

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SPORT FÉDÉRATION ROYALE MAROCAINE DE FOOTBALL

UN FOUTOIR FÉDÉRAL Par : Y.S

La vraie réforme de la Fédération Royale Marocaine de Football traîne encore. Elle s’avère malformée par des dirigeants de clubs et de ligues régionales qui s’emmêlent les pinceaux. Radioscopie.

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rétendant des mesures prescriptives de la FIFA, les acteurs du Comité Directeur de la FRMF, élus le 13 avril de l’an dernier, persistent à biaiser les dispositions des nouveaux statuts. Alors qu’il reste deux mois pour abroger les dispositions transitoires (30 juin 2015), rien ne fut entrepris jusqu’à présent pour que la FRMF se moule sur les nouveaux statuts et institutionnalise son fonctionnement et ses organes centraux. Sans parler de l’habilitation, des statuts et de la reconnaissance d’utilité publique que la FRMF n’en a pas et qui brûle les chandelles par les deux bouts sans règlement financier et sans reddition des comptes. Il en va de même pour les clubs et les ligues régionales régis par des textes caducs. Durant cette saison sportive qui prendra fin dans deux mois, la chienlit sinon les conflits d’intérêts ont été latents et patents. À commencer par le chèque d’une société immobilière du président du RCA, libellé au nom de la RSB pour le transfert d’un joueur du MAS, en passant par la fausse démission de Boudrika du Comité Directeur de la FRMF, d’Abdelmalek Abroun, président du MAT et vice-président de la FRMF et dernièrement du président du Youssoufia de

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Berchid, membre du Comité Directeur Fédéral et de la Commission fédérale des statuts et des règlements. Sans oublier bien sûr les déclarations contradictoires récurrentes du président de la FRMF, Fawzi Lekjaâ, pour ne pas le nommer. Un président qui s’épanche dans les gazettes qui le caressent dans le sens du poil tout en évitant de répondre aux vraies questions. Confusion des genres ! Présidées par les membres du Comité Directeur Fédéral qui sont en même temps des présidents de clubs, les organes centraux (Commissions fédérales) d’arbitrage et de discipline doivent être indépendants, compétents et surtout élus lors de l’Assemblée Générale. C’est la substantifique moelle sur laquelle la FIFA a insisté mordicus pour la légiférer dans les statuts voire le nombre restreint des membres du Comité Directeur de la FRMF. Un Comité Directeur Fédéral qui n’est jusqu’à présent composé que de dix membres au lieu de dix sept. Les sept autres membres qui doivent être élus émanent de représentants de groupements (Joueurs, Entraîneurs, Anciens Arbitres,…). Or ces groupements n’ont même pas encore vu le jour. Pis encore, au lieu de s’atteler à commencer par le


commencement, le président de la FRMF est allé plus vite que la musique en s’acharnant à créer une ligue professionnelle avec des dirigeants de clubs amateurs et des statuts bourrés d’incohérences. Une ligue professionnelle qui sera gérée par les représentants de clubs non professionnels. Ces derniers se trouvent doublement représentés : A la FRMF et à la Ligue Professionnelle. Lekjaâ, un érudit Il faut dire que tout est artificiel à la FRMF comme ce gazon synthétique dans lequel on investit des milliards (1,5 milliard de dirhams) sur fond d’avis d’appels d’offres très controversés et qui sont supervisés par un membre fédéral (Président du MAT) au nom d’une soi-disant commission d’infrastructures au lieu d’un bureau d’études spécialisé. Parce qu’à la tête de la FRMF, il y a un commis d’Etat qui se permet de déroger à la législation en vigueur. Notre ami, le président de la FRMF, n’en finit pas de se regarder le nombril où le ‘’je’’ et le ‘’moi’’ ont été à maintes occasions exprimés lors de sorties médiatiques ubuesques. Lors d’une émission sportive sur medi1 TV, il est même allé jusqu’à dire que ‘’s’il y a un érudit qui pourrait comme moi ramener 1 milliard de dirhams, bienvenue à lui.’’ Mais ce que Monsieur Fawzi Lekjaâ feint d’oublier, c’est qu’il ne serait même pas président de la FRMF s’il n’était pas directeur du budget de l’Etat. Et on aurait apprécié son défi s’il avait drainé de l’argent du secteur privé au lieu de pomper l’argent de la Trésorerie de l’Etat. Voilà en bref le foutoir fédéral de la FRMF. Une féodalité qui ne dit pas son nom !

LE FOOT EST ENGLUÉ DANS UN FLOU RÉGLEMENTAIRE QUI N’A RIEN D’ARTISTIQUE. A LA FRMR, ON FERME LES YEUX.

Incohérences

DTN SANS DTN ! A la FRMF comme au sein de la plupart des fédérations sportives, il y a un DTN (Directeur Technique National) sans DTN (Direction Technique Nationale) en tant que structure, dotée de compétences et ou de prérogatives légiférées, d’un plan d’action et d’un organigramme. Tel n’est pas le cas de la DTN de la FRMF dont le fonctionnement n’est pas institutionnalisé et relève de personnes au lieu d’être régi par un cadre juridique. Cette structure n’est pas incluse dans un organigramme, adopté par l’Assemblée Générale, une obligation statutaire. Hormis le volet de la formation ou de l’encadrement, de l’organisation des séminaires, des symposiums, des stages, le choix des profils des sélectionneurs des équipes nationales relève de la compétence de la Direction Technique Nationale et non du président ou des membres du Comité Directeur Fédéral. A la FRMF, c’est l’inverse auquel on assiste. La plupart des sélectionneurs en l’occurrence celui de l’Equipe Nationale ‘’A’’ ont été nommés par le président de la FRMF avant la mise en place de ladite Direction Technique Nationale. Nacer Larguet porte deux casquettes : celle de Directeur Technique National et de Directeur Technique des Equipes Nationales sauf l’Equipe Nationale ‘’A’’. Cette dernière n’a aucun lien interactif avec la DTN et le DTN mais avec une drôle de commission fédérale dite des Equipes Nationales, présidée par le président du CRA, vice-président de la FRMF. Le Comité Directeur Fédéral n’a jamais inscrit à l’ordre du jour de ses réunions un quelconque point pour délibérer sur le programme de la DTN, évaluer ses actions et adopter les charges mensuelles astronomiques. Car quand on ajoute aux charges techniques, celles d’ordre administratif, outre les déplacements des membres voire des employés, le montant annuel donnera le tournis à celui qui le révélera ! PERSPECTIVES MED

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SPORT SPORTS AUTOMOBILES

HOLD-UP DU MJS

Par : Yahya Saïdi

La Fédération Royale Marocaine du Sport Automobiles est tombée sous le couperet d’un Comité Provisoire, désigné par le ministère de la Jeunesse et des Sports. Derrière ce Comité Provisoire se cachent les intérêts de l’ex-ministre, Mohammed Ouzzine, et sa bande de fonctionnaires.

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Controversé par l’écrasante majorité des représentants des clubs et des membres du Bureau Fédéral, le Comité Provisoire, composé des fonctionnaires du ministère de la Jeunesse et des Sports et présidé par la même personne qui était à la tête des comités provisoires des fédérations sportives du volley-ball et du basket-ball, n’est pas parvenu à persuader les clubs pour y adhérer.

RETROSPECTIVE LACONIQUE

Il faut remonter à 2012 lorsque la FRMSR a été minée par des tiraillements entre la majorité des membres du bureau fédéral et son président qui avait été démis de ses fonctions après avoir gelé le compte bancaire de la fédé. Et il est encore gelé car l’apurement des comptes n’a pas été fait. Le 30 novembre 2013, un nouveau bureau fédéral avait été élu lors d’une assemblée générale extraordinaire. Une AGE qui n’a pas été

A LA FRMSA, LE VIRAGE DE LA BONNE GOUVERNANCE EST RATÉ.

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validée par le MJS mais qui a été appréciée par la FIA. Ce qui a contraint le MJS à débloquer 2,4 MDH pour inscrire le MGP (Marrakech Grand Prix) dans le circuit du WTTC, Championnat du monde des sports automobiles du Tourisme. Sur la base d’une convention entre la FRMSA et le MJS. (NDLR : Notre magazine PERSPECTIVES MED en a copie des éditions 2014 et 2015 en plus d’autres documents). Alors qu’on s’apprêtait à l’organisation du MGP, organisé en avril dernier, les membres du bureau fédéral ont découvert que le président de la FRMSA est dans une situation flagrante de conflit d’intérêts. Ce président, un certain Nekmouch, est allé même jusqu’à empiéter sur les prérogatives du Secrétaire Général en s’appropriant un nouveau code auprès de la FIA pour y inscrire le MGP, portant le nom du Prince héritier, My El Hassan. Et c’est ce qui va pousser plus des deux tiers des membres du bureau fédéral à tenir une réunion extraordinaire le 25 mars écoulé. Une réunion qui a débouché sur la destitution du président de la FRMSA, notifiée le lendemain au ministère de la Jeunesse et des Sports. Une bonne oppor-


tunité pour le MJS qui a mis en place, le 2 avril, un Comité Provisoire arguant de considérants farfelus et abscons. LA GOUTTE QUI A FAIT DEBORDER LE VASE En fait ce marasme qui ronge la FRMSA n’est pas imputable à la prétendue refonte des statuts ni même aux intérêts personnels, prétendus par l’arrêté de l’actuel ministre de la Jeunesse et des Sports par intérim. Ce sont des enjeux financiers qui attisent les convoitises de ceux qui veillent à l’organisation du MGP. Ce sont deux structures : l’une sociétaire, dénommée MGP dont la forme juridique est une SA (Société Anonyme) ; et l’autre est une association à but non lucratif qui n’a jamais rendu les comptes et à laquelle on affecte, pourtant, 27 MDH. Une association présidée par l’ex-ministre de la Jeunesse et des Sports, Mohammed Ouzzine, en plus de son inamovible secrétaire général et de l’un de ses conseillers qui détiennent les rênes de cette association, dite association de gestion du circuit international My El Hassan dont le siège est sis Complexe Mohammed V à Casablanca. Après avoir squatté le COL du mondial des clubs de football en 2013, voilà l’ex-ministre M. Ouzzine et son Secrétaire Général qui se trouvent à la tête d’une association dont les comptes sont bien ‘’moussés’’ sur fond d’une convention entre le MJS, le ministère de Tourisme (ONMT) et le ministère de l’Intérieur. Le dénominateur commun : A la tête de ces ministères, bien avant le deuxième remaniement gouvernemental, on trouve des ministres issus du même parti politique, le Mouvement Populaire. SAISINE DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF Devant l’entêtement du MJS qui refuse de lâcher prise, les membres du bureau de la FRMA ont décidé de saisir le Tribunal Administratif pour annuler ledit arrêté ministériel du fait d’un tollé d’incohérences. ‘’ D’abord, nous n’avons pas été notifiés en bonne et due forme. Nous avons tenu une réunion avec le ministre de la Jeunesse et des Sports, M.Mohand Laensser et nous avons découvert qu’il a été induit en erreur par ses subalternes. Nous sommes résolument décidés à aller jusqu’où bout car nous ne pouvons cautionner le mal. Nous avons nos arguments irréfutables et nous les étayerons lors d’une conférence de presse’’, a déclaré Youssef Alaoui, coordinateur chargé de la gestion de la FRMSA. En tout cas, entre les décideurs du MJS, habitués à intervenir comme un éléphant dans un magasin de porcelaine et les membres de la FRMSA, dialogue de sourds il y a. Un MJS qui dissout des organes directeurs de fédérations sportives comme si ces dernières étaient des associations para-administratives. Des fédés avec des dirigeants amateurs et bénévoles auxquels on veut imposer une tutelle régalienne cocasse en vertu d’une loi incohérente et sans textes réglementaires!

GOUVERNANCE

L’ARGENT DES COMITÉS PROVISOIRES Tous les comités provisoires désignés par le ministère de la Jeunesse et des Sports en vertu de la présente loi (30-09) et sa précédente (06-87) n’ont jamais rendu les comptes. Au ministère de la Jeunesse et des Sports, on prétend souvent que les comités provisoires n’ont de comptes à rendre à personne ! En fait, les fonctionnaires du MJS règlent des comptes avec les dirigeants qui ne « flirtent » pas avec eux. Si on ne rend pas les comptes, c’est parce qu’il n’y a pas de texte réglementaire clair qui délimite les prérogatives du Comité Provisoire et l’oblige à la reddition des comptes. Grave, très grave à un moment où la Cour des Comptes réclame, elle, des comptes aux ministères qui subventionnent les fédérations sportives. Le MJS a-t-il communiqué à la Cour des Comptes les montants affectés directement aux comités provisoires voire par le truchement du CNOM ? Comment les banques autorisent aux comités provisoires l’ouverture de comptes bancaires sur la base d’un arrêté ministériel qui n’est pas publié au Bulletin Officiel. Et même s’il est publié au BO, la loi exige un récépissé de déclaration auprès des autorités locales en vertu du dahir des libertés publiques. Aussi, il faut rappeler que ledit ‘’arrêté ministériel’’ consistant à désigner Un comité Provisoire ne relève pas du ministre de la Jeunesse et des Sports. Quand on se réfère à l’article Premier du décret d’application de la loi 30-09, il est clair que le ministre de la Jeunesse et des Sports est chargé d’une myriade d’attributions sauf de deux choses qui n’existent pas dans ce décret : La désignation des Comités Provisoires et l’approbation des statuts des fédérations. Et in fine, la dissolution des organes directeurs s’applique aux fédérations sportives habilitées. Or, aucune fédération n’a l’habilitation du MJS, à moins qu’il s’agisse des fédérations du Golf et de l’Athlétisme. A quand donc la dissolution du ministère de la Jeunesse et des Sports pour être remplacé par une structure autonome et moderne ? PERSPECTIVES MED

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CHRONIQUE JUSTE POUR RIRE

PLATS EN L’AIR… Par : Ouled Riab

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usqu’à il n’y a pas si longtemps, personne ne pouvait faire changer l’avis de mézigue sur la prédisposition de Royal Air Maroc, pavillon national par excellence, à braver la somme de tous les cumulus pour faire honneur au tourisme national. Jusqu’au jour où le hasard a voulu qu’un vol Casablanca-Paris (et retour !) bouscule toutes mes certitudes. Et ces dernières, vous l’aurez compris, prennent leur envol déjà au niveau du comptoir. Face à une préposée à l’accueil dont la jeunesse exprime, peut-être, l’infortune d’une parfaite « troufion », il m’a été « ordonné » de délester mon paquetage de deux kilos supplémentaires que ma tendre moitié a vite fait de jeter sur ses épaules. Pourtant, mézigue n’avait pas plus de 25 kg en tout et pour tout pour, tenez-vous bien, deux places chèrement acquises ! Point de concession dans le semblant de discussion engagée au niveau du comptoir… Ce qui fit pouffer bien des hôtesses d’accueil et pousser des rires en cascade dans la queue qui se formait. Pourtant, en termes d’explications, les arguments ne manquaient pas, vous l’aurez deviné. Qu’est-ce qui interdit à un couple qui a droit à 46 kg de bagage et qui se présente avec un seul bagage débordant d’à peine quelques kilos fixés pour un seul voyageur de prendre son envol ? Et pourtant… A moins suggère-t-on que l’on passe à la caisse ! Nonobstant ce premier incident de parcours, c’est l’accès à l’avion qui fut d’une désagréable surprise pour mézigue. Car le zingue chlinguait grave ! Et pourtant, en terme de bonnes senteurs, nul besoin de faire le tour du magazine de la compagnie pour se rendre vite à l’évidence que le Pavillon national qui fait la pub à un fabriquant

LA BOUILLIE POUR CHATS QUE LA RAM SERT À SA CLIENTÈLE NE FAVORISE POINT LA FIDÉLITÉ.

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local de parfums aurait été inondé par une tempête d’effluves s’il le voulait. Mais il faut croire qu’en termes de coûts que le management serre telle une vis qui pourrait à tout moment foirer, ce n’est point le confort olfactif de la clientèle qui est recherché. Mais la surprise qui a scié mézigue en deux n’allait venir qu’en milieu de parcours, lorsque le Boeing avait parcouru la moitié de la distance programmée. Là, on vous offre une collation histoire de vous faire oublier les affres des «vols secs». Mais le drame c’est que la cuisine marocaine, un des arguments les plus massues de la promotion touristique, est volontairement massacrée. Imaginez que l’on vous sert sur un plateau une petite portion de salade, des carottes râpées pour l’occasion, dont la sauce a fini par tourner. Pis, le plat de poisson qui l’accompagne s’apparente à une bouillie pour chats… Cela sans évoquer le quignon de pain offert alors qu’il n’a pas encore repris toutes ses propriétés d’un long séjour au rayon des congelés. Avouez que l’appétit vous passe de remplir, comme on vous le suggère, le formulaire de la fidélité. Au retour, mézigue croyait qu’il allait se réconcilier avec le pavillon bien de chez nous. Surtout après avoir fait une diète où la cuisine internationale a des mots à dire. Mais paf, côté restauration, pour changer, j’ai opté pour un plat de viande, étant convaincu avant terme que le poulet était survitaminé aux antibiotiques. Mais là, ce que l’on vous sert sur un lit de semoule ne favorise point le retour d’un quelconque meilleur sentiment à l’endroit du premier transporteur aérien du pays. Comment donner envie à un étranger de se pourlécher les doigts en découvrant l’art culinaire national lorsque Royal Air Maroc dessert une des richesses nationales ? Et n’allez surtout pas servir la rengaine des surcoûts qui représente l’alpha et l’oméga des gestionnaires actuels de la compagnie… Car le coup est des plus mortels. Parole d’un sédentaire qui verra à deux fois avant de réserver à bord de RAM. Quel dommage !


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