Qu'est-ce que l'identité républicaine ?

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Une société ainsi conçue comme un parcellaire cadastral où les droits et devoirs seraient différents d’un canton à l’autre et où la loi ne serait plus que la traduction du pouvoir des groupes ne peut fonctionner dès lors qu’elle est confrontée à des pressions migratoires fortes. C’est ce constat qu’ont dressé récemment les dirigeants allemands, néerlandais et britanniques. Leur modèle est en échec car il n’est pas fondé sur un vouloir‐ vivre ensemble mais sur une règle de cohabitation réduite au minimum et qu’on pourrait dénommer « soft apartheid ». Cependant, le Président de la République française a bien tort d’emboîter le pas des éditorialistes du Figaro Magazine qui saluent le constat d’échec du modèle communautariste comme un rappel à l’évidence. Selon l’un et les autres, une nation serait menacée dans son identité par l’afflux de personnes dotées d’une autre race, d’une autre langue et d’une autre religion. Ce qui est peut être vrai pour la Grande‐Bretagne dont la monarchie accepte l’existence de micro‐républiques closes indiennes, pakistanaises, sri‐lankaises ou ghanéennes ne saurait être appliqué à la France dont la tradition est totalement différente. Que le Figaro Magazine et Madame le Pen se rassurent, la France et sa culture ne sont menacées d’aucune forme de submersion. Qu’elle soit gouvernée par la gauche ou par la droite, elle applique, au‐delà des différences de discours une politique assez constante de régulation des flux migratoires. Au demeurant et contre les anathèmes construits avec des fantasmes pour exploiter le désarroi social qui a bien d’autres causes, nul étranger n’a envie de venir en France s’il n’est assuré d’y trouver, par le travail et par le respect de sa propre identité, une vie digne de ce nom. Il est juste cependant de reconnaître que le communautarisme tente toujours de se frayer un chemin pour dépasser les règles républicaines. Cette réalité qu’on peut observer notamment dans nos banlieues, signale plus l’échec de nos politiques de mixité sociale dans le logement, d’intégration par l’école républicaine et d’égal accès aux services publics qu’une volonté des communautés immigrées de faire en somme « France à part ». De plus, quand la solidarité nationale s’efface, chacun et chacune recherchent de nouvelles solidarités pour faire face à l’avenir. Les tableaux vivants et multicolores qu’offrent à Paris le marché du métro Château Rouge ou à Marseille la sortie de la mosquée le vendredi à la porte d’Aix sont à nos yeux des preuves de la capacité d’accueil d’un pays sûr de lui en ce qu’il est fort dans sa tradition républicaine. En revanche, lorsque tous les Africains de la région parisienne appellent les quartiers nord de Montreuil « Bamako sous Bois », lorsque les Chinois dénomment « Chinatown » le 13ème arrondissement de Paris, ils nous disent que nous avons laissé se constituer des ghettos et donné une sorte d’autorisation tacite à l’édiction de règles qui leur seraient propres. L’esprit communautaire, souvent très fort dans les milieux de l’immigration, est un atout lorsqu’il est synonyme de solidarité. A l’inverse, le communautarisme deviendra la pente naturelle et dangereuse qu’emprunteront les immigrés mais aussi tous les groupes sociaux qui doutent de l’intégration républicaine si la République elle‐même ne se montre pas fidèle à ses principes et en particulier si elle ne garantit pas l’égalité en droits. Dans toutes les générations précédentes, la France a démontré que son modèle d’intégration permettait à toutes les composantes du pays de se rapprocher tout en

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