Or Norme a dix ans l Or Norme #40

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L E M AG A ZI N E D ’ U N AU T R E R EG A R D S U R ST R AS BO U RG

№ 4 0 AV R I L 2021 OR NORME A DIX ANS

c D OS S I E R

S ACT UALI T É

C CAHI E R CE NTRAL

a CULTURE

Q OR CHAM P

UNE DÉCENNIE OR NORME Quarante numéros parus et un pari tenu : du journalisme avant tout ! Page 6

LE COMPLOTISME Cet autre virus qui défie la démocratie Page 62

LE CLUB DES PARTENAIRES Là où les idées naissent et les projets grandissent Page 99

MUSÉES DE STRASBOURG Dématérialisation, attention danger ! Page 100

RUDY REICHSTADT Les moutons sont-ils ceux qu’on croit ? Page 142

10 ans hors normes



É DI T O

OR NORME A DIX ANS Par Patrick Adler, directeur de publication

« Tout organisme pour s’adapter doit innover, tenter une aventure hors de la norme, engendrer de l’anormalité afin de voir si ça marche, car vivre, c’est prendre un risque. »

E MOND U D T EMEN C E L L Y RU L N I K R O S L’ E N ) B O R I S C AT R E , AIN ( 1 9 97 O P SYC H I T E , É C R I V R S N E U H A N A LY P SYC

ertige… Au moment d’écrire cet éditorial pour le numéro 40 d’Or Norme , c’est sans aucun doute le ressenti qui, comme beaucoup d’entre nous, caractérise, plus que d’autres, ce que m’inspire la situation que nous traversons actuellement. Bruno Latour, (sociologue, anthropologue et philosophe) dans son dernier ouvrage intitulé fort à propos Où suis-je ?, écrit : « … derrière la question politique - “Que faire ? Comment s’en sortir ?”-, est apparue une autre question : “Mais enfin où sommes-nous ?” Grâce au confinement, et même à cet horrible masque qui nous mange la figure et nous étouffe, on en vient à ressentir, derrière la crise politique, l’irruption d’une crise cosmologique. »

V

Toutes nos certitudes, et souvent nos valeurs, sont remises en cause par les multiples crises que nous traversons et qui touchent l’ensemble de la planète au même moment. Pour chacun d’entre nous, ces bouleversements peuvent, doivent même, prendre également un sens particulier, en nous interrogeant sur le sens de notre vie et donc de la place que nous souhaitons prendre, de la mission que nous voulons nous assigner. C’est un exercice exigeant et ambitieux pour nous tous, alors que les

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« pensées uniques », d’où qu’elles viennent, véhiculées par les réseaux sociaux jusqu’à l’écœurement, agissent comme les pires stratagèmes nous empêchant de penser par nous-mêmes. Le dossier sur le complotisme que nous vous proposons dans ce numéro est un exemple édifiant de ce à quoi nous sommes confrontés : la vérité ne devient qu’une opinion parmi d’autres, et le simple fait d’argumenter face au complot prouve au complotiste que vous en êtes ! En fait le malaise vient souvent du fait que les complotistes comme les anti-complotistes restent dans des postures, figures imposées par les « pensées uniques », et ressassent, chacun de leur côté, les discours qu’on leur sert « prêts à l’emploi » sur les chaînes d’information continue ou sur les différents réseaux sociaux. Notre responsabilité ultime, en tant qu’Homme, cet « animal raisonnable » (Aristote), est justement de raisonner, de penser, et il faut bien reconnaître que cette faculté, cette liberté qui est notre qualité la plus précieuse, semble être de moins en moins partagée… Sans appeler à un nouveau siècle des Lumières, essayons simplement chacun d’entre nous, en toute humilité, de nous poser cette question : quand fais-je l’effort, car c’en est un, de m’offrir le

temps et la liberté de penser par moi-même, de prendre ce risque de vivre qu’évoque Boris Cyrulnik ? Très modestement, depuis dix ans, Or Norme  essaye de vous proposer des articles et reportages, en tentant cet exercice, et je veux rendre ici hommage à toute l’équipe des contributeurs à ce magazine qui osent cette exigence, et à vous, chers lecteurs, qui osez lire nos articles dont la densité et la longueur sont clairement « hors de la norme » de l’écriture en mode tweet ! Dans ce numéro anniversaire, nous avons voulu également mettre à l’honneur ceux sans qui ce pari d’un magazine gratuit, accessible à tous, serait impossible : nos annonceurs, au premier rang desquels les 36 membres de notre Club des Partenaires, qui nous soutiennent à l’année, et qui méritaient bien que nous leur consacrions un cahier central qui leur est dédié. Malgré la période incertaine que nous traversons, ils sont restés «Or Norme  ». Pour ce bel anniversaire, permettez-moi de faire un vœu pour nous tous : Pensons, innovons, prenons des risques… restons tous « Or Norme » ! 3


SOMMAIRE 06-43 c Dossier spécial Or Norme a dix ans !

AV R I L 2021

a Culture

100 Musée Paul Lang 104 Métiers d’art Cécile Coyez 108 Patrimoine Philippe Edel 112 Livre Claire Koç 116 Espoir Victoria Eber (↓) 118 Poésie Que nous disent les pierres ? 120 Photo Passé-Composé 122 Portfolio Corentin Meyer

06 Grand entretien 14 Dix ans de journalisme 20 Qu’es-tu devenu ? 44 Putain, 10 ans ! 46 10 ans 10 photos

S Actualité

76 Le parti pris de Thierry Jobard (←) 80 Santé Sage-femmes 84 L’ère du temps Fragments 90 Numérisation Numérize 94 Chronique Moi, Jaja...

En page 99

Supplément Le Club des partenaires Or Norme E Société

130 Art de vivre Vin de garde (↓) 132 Quotidien Il est où le bonheur ? 134 Sélection Culture 140 Regard Jak Krok’ l’actu

c Dossier spécial Complotisme

62-75 4

64 Interview masquée 70 « Un chaos est à l’horizon » 73 Hold-up, le film 74 Commentaire

Q Or Champ 142 Complotisme Par Rudy Reichstadt

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Or Norme a 10 ans ! « Il y a une vraie envie et un vrai esprit d’équipe dans ce magazine… »


c D OS S IER — OR N ORME A DI X ANS ! Rédaction : Alain Ancian Photographie : Nicolas Rosès

Dix ans, quarante numéros. Le raccourci simple d’une belle aventure imaginée avec une audace assumée, poursuivie en surmontant tous les obstacles les uns après les autres et qui aujourd’hui recueille un succès qu’on a le droit d’estimer mérité. On a réuni les deux artisans qui font de Or Norme ce magazine au ton unique, Patrick Adler, directeur de la publication et Jean-Luc Fournier, directeur de la rédaction, pour un dialogue qui mêle les souvenirs, les convictions et qui n’hésite pas à défricher l’avenir. Un entretien délibérément… Or Norme.


Quarante numéros (en comptant ce numéro du printemps 2021) : c’est une aventure peu commune qui fête aujourd’hui son dixième anniversaire et qui semble depuis toujours axée autour de vos deux personnalités complémentaires. Et pourtant, malgré les apparences, cette complicité qui vous unit aujourd’hui autour de Or Norme n’était nullement programmée ainsi quand le numéro un du magazine a vu le jour en décembre 2010…

patrick adler : « J’ai fait la vraie connaissance de Jean-Luc il y a un peu plus de douze ans aujourd’hui quand il m’a invité aux Rencontres littéraires du Château de l’Ill qu’il organisait pour le compte de l’agence de presse ASP qu’il dirigeait. À ce moment de ma vie, j’avais un peu plus de temps à consacrer à ce type d’événements, car le groupe familial que je dirigeais jusqu’alors venait de disparaître, vaincu par les conséquences de la crise financière de l’automne 2008. Immédiatement, nous avons tous deux réalisé que nous avions pas mal d’approches communes que ce soit professionnellement ou humainement parlant : le football, qui avait amené Jean-Luc en Alsace puisqu’il 8

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avait été le directeur de la communication du FC Mulhouse quand ce club était encore professionnel, mais aussi la littérature, l’art en général… Et ce n’est que quelques mois plus tard que Jean-Luc m’a parlé de ce projet qu’il avait depuis longtemps : la création d’un magazine gratuit trimestriel, résolument centré sur l’information… jean-luc fournier : Il y a quelque chose d’important qui m’a fait entamer ce bout de chemin amical avec Patrick. Il y a douze ans de cela, je l’ai entendu me raconter les douloureux ultimes épisodes qui ont mené à la disparition de la société qu’il dirigeait avec son frère Serge. Il l’a fait avec une grande sincérité et, au-delà des circonstances qu’il racontait de façon très transparente, j’ai reconnu très vite ce que j’aime chez les hommes que je rencontre : l’engagement total, la loyauté, et aussi ce qui est finalement assez rare : l’analyse sans concession de ses propres responsabilités, qu’elles conduisent aux succès ou aux échecs. En outre, très vite aussi, j’ai perçu chez Patrick cette capacité à rebondir et à repartir de l’avant et cette réelle empathie qui est la sienne, naturellement.

PA : Je me souviens en effet très bien de ces conversations fréquentes que nous avions tous les deux et sur beaucoup de sujets. En ce qui me concerne, je les goûtais d’autant plus que je prenais enfin du temps pour moi, après toutes ces années consacrées quasi exclusivement à ma société… JLF : On raconte par ailleurs l’histoire complète des dix ans du magazine. Mais, début 2009, quand j’entame les premiers épisodes de cette belle complicité avec Patrick, je me sens presque en deuil de Or Norme, car le magazine, qui figurait dans les projets de l’agence dès sa création, en 1999, devait en fait naître au début de l’hiver 2008. L’agence de presse qui le portait avait accumulé depuis dix ans un petit « trésor de guerre » dans le but de pouvoir assumer ce lancement. La crise financière de septembre 2008 est venue casser brusquement cet élan, on est parvenu in extremis à éviter un gros crash au décollage. Néanmoins, et sans que la situation de l’économie ne se soit améliorée notablement, on a quand même décidé finalement de se lancer deux ans en plus tard, en décembre 2010. Il est tout à fait vrai

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« J’ai perçu chez Patrick cette capacité à rebondir et à repartir de l’avant et cette réelle empathie qui est la sienne, naturellement. »

que ni Patrick ni moi ne pouvions alors imaginer une seule seconde que débutait alors une aventure qui allait finir par nous associer très étroitement quelques années plus tard… Bon, vous ne parlez tous les deux que de cette belle complicité qui s’est établie spontanément après votre rencontre. Mais n’empêche : quand on découvre ce premier numéro de Or Norme, on y lit d’entrée un grand entretien qui est consacré à… Patrick Adler ! Ce n’est sûrement pas un hasard…

JLF : Et pourtant, cela aurait pu être quelqu’un d’autre. C’est là où je dis qu’au fond, c’est vrai, le hasard n’existe pas. Le cahier des charges était simple : je souhaitais que ce magazine bénéficie d’une vraie ligne éditoriale et que d’entrée en effet, il publie chaque trimestre un grand entretien avec une personnalité réellement hors normes, pour coller au mieux avec la promesse de son titre. Le choix était vaste, j’avais déjà coché quelques noms. Mais au bout de quelques semaines, en pesant le pour et le contre de ces noms, une évidence est apparue : pour ce numéro un,

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il me fallait quelqu’un de totalement et fortement inattendu, quelqu’un de suffisamment connu par les lecteurs potentiels, au moins par son nom, mais dont les propos allaient réellement surprendre. Et si Patrick, via sa notoriété dans le monde des affaires, mais aussi son investissement au Racing Club de Strasbourg, cochait les cases de la notoriété, il avait aussi une personnalité insoupçonnée et très profonde à faire découvrir et qui pouvait nourrir un récit « hors normes » qui surprenne et fasse réfléchir le lecteur. C’était une parfaite opportunité pour un numéro inaugural. Je ne savais pas que j’allais avoir un mal de chien à le convaincre… PA : Je me souviens très bien de ce moment-là : j’avoue avoir été très surpris de la demande de Jean-Luc et j’ai d’abord en effet refusé plusieurs fois, je ne voyais pas en quoi mon parcours pouvait présenter le moindre intérêt pour un grand entretien. J’étais en train de me reconstruire après l’arrêt du groupe industriel Adler, et j’étais aussi en train d’écrire le projet qui allait devenir plus tard Aedaen et Jean-Luc a dû beaucoup ramer pour me convaincre.

Et je n’ai finalement jamais regretté d’avoir accepté cette interview parce que je crois à l’importance de l’écrit : que Jean-Luc ait su poser les choses et m’ait donné l’occasion d’exposer mon projet lui a quelque part permis d’exister. Je m’en suis vraiment rendu compte en relisant l’entretien bien après sa parution : quand une pensée est là et s’exprime, le projet existe, il vit déjà. S’il n’y avait pas eu cet article, peut-être le projet Aedaen n’aurait-il jamais vu le jour. Ce qui fut le cas six ans après… Avant d’en arriver à cette période où vous allez vous retrouver tous deux très liés à la barre de Or Norme, il y a un numéro tout à fait spécial qui vous a, je l’imagine, encore plus soudés. En avril 2012, le n° 5 de Or Norme publie, sur une quarantaine de pages, un dossier « Destinations de légende » consacré à Israël. Et on y retrouve déjà vos deux signatures…

JLF : Depuis l’origine, nous avions en effet eu l’idée d’aller à la rencontre des Alsaciens de l’étranger et nous leur demandions de nous faire visiter le pays où ils vivent et où ils travaillent. Outre le fait d’être évidemment passionnant à réaliser, ce numéro « Destination de légende » qui paraissait chaque année au printemps était à chaque fois merveilleusement accueilli par les lecteurs. C’est Patrick qui m’a suggéré Israël qui est un pays qu’il connaît particulièrement bien et où de nombreux Alsaciens se sont installés. Ni une ni deux, j’ai dit OK, mais à une condition : on y va ensemble…

PA : Ce fut un voyage important. Nous avons passé dix jours mémorables, ce qui nous a permis d’encore mieux nous connaître. Et puis surtout, j’ai découvert ce qu’était le travail et la vie d’un journaliste sur le terrain, de la préparation du voyage très en amont jusqu’à l’improvisation quasiment permanente sur place puisque les choses se passent somme toute rarement comme elles sont prévues. Ce furent dix jours extraordinaires où on n’a cessé de vivre des rencontres et des expériences magnifiques et c’est vrai que c’est exceptionnel de faire découvrir ainsi un pays et ses habitants, qu’on croit connaître. Le magazine a eu un retentissement important quand il est sorti quelques semaines plus tard et cet épisode vécu ensemble a encore renforcé notre amitié… JLF : Un magazine où on peut lire un très beau papier écrit par Patrick sur André Chouraqui et qui retrace bien l’esprit qui c D OS S I E R

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nous avait conduits ici, sa veuve, Annette, nous ayant souvent accompagnés elle aussi sur le terrain. André, formidable intellectuel et humaniste, avait traduit la Bible, les Évangiles et le Coran et œuvré au dialogue entre les frères humains qui vivent en Israël. Ce magnifique papier, Patrick l’a écrit dans l’avion du retour, en une heure, pendant que je piquais un petit roupillon… Les quatre années qui suivirent furent très mouvementées au point, Jean-Luc, que vous avez envisagé de cesser la parution de Or Norme…

JLF : Oui… La crise économique qui perdurait a fini par rattraper l’agence de presse qui éditait le magazine au début de l’été 2013. Elle a dû brutalement cesser ses activités. Heureusement, le titre m’appartenait en nom propre ce qui lui a permis de ne pas cesser net sa parution. J’étais alors à quelques trimestres de ma retraite, il y avait donc cette nécessité de tout faire pour que le magazine perdure. Heureusement, l’équipe rédactionnelle de base, Véronique Leblanc et Charles Nouar ainsi que Julie, notre graphiste, ont fait front et n’ont rien lâché et les annonceurs nous sont pour la plupart restés fidèles. Mais au bout d’un peu plus de deux ans plus tard, au moment de faire valoir mes droits à la retraite, j’étais un peu rincé par tous ces événements et effectivement, j’ai songé à l’arrêt de la parution. Après tout, on avait alors sorti une bonne vingtaine de numéros — on aurait bien signé pour le quart en 2010 — et on n’avait pas à rougir de la performance…

« Depuis l’origine, nous avions en effet eu l’idée d’aller à la rencontre des Alsaciens de l’étranger… »

PA : Je me souviens du jour où JeanLuc m’a annoncé son intention d’arrêter ; je venais de lui faire visiter le lieu qui allait devenir la brasserie, la pizzeria et la galerie Aedaen. Je lui ai tout de suite dit : « Tu ne peux pas faire ça, pas après t’être battu aussi longtemps ». Mais je comprenais bien sa lassitude. De la rédaction au commercial en passant par la comptabilité, il était au four et au moulin depuis plus de cinq ans… Sur le coup, je n’avais pas la moindre idée de la façon dont j’allais m’y prendre pour l’aider, mais je lui ai suggéré de me mettre à la recherche d’un repreneur… JLF : Et 48 heures plus tard, Patrick m’annonçait que ce repreneur, c’était… lui ! Ce qui fut pour moi une totale surprise, car je n’avais vraiment rien vu venir. Et ce qui m’a immédiatement soulagé, car, sincèrement, je ne voulais pas que le magazine tombe entre n’importe quelles mains,

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on avait bien trop ramé pour le voir devenir un énième gratuit insipide, sans fond et sans personnalité… Patrick, qu’est-ce qui vous a décidé à relever ce défi et vous engager dans cette aventure ?

PA : D’abord, il y avait une condition : que Jean-Luc continue à diriger la rédaction, pour moi c’était évidemment un point capital. Ensuite, je me suis dit que si j’avais sûrement la possibilité d’aider à développer commercialement le titre, il fallait aussi le développer sur le numérique où on ne pouvait jusqu’alors que simplement le feuilleter. Ce qui fut fait quelques mois plus tard, avec une nouvelle maquette et un plus grand nombre de pages. Très vite, j’ai également imaginé de surfer sur quelques événements exclusifs d’où l’idée du Club des partenaires qui comptent aujourd’hui près

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« En 2016, quand on a décidé de travailler ensemble, Jean-Luc et moi, on a voulu faire de Or Norme un vrai magazine. » d’une quarantaine d’annonceurs qui nous soutiennent à chaque parution et qui sont tous d’une fidélité exceptionnelle. Or Norme a donc fortement augmenté sa diffusion donc sa visibilité et s’est positionné comme une marque globale print/digital/événementiel très présente au cœur de la vie de la cité. La signature qu’on a choisie ensemble avec Jean-Luc, c’est « un autre regard sur Strasbourg ». On revendique l’amour qu’on porte à notre ville, mais on revendique également le fait de la regarder sous des angles parfois inattendus… En tout cas, il y a un parti pris éditorial qui existait déjà à l’origine et qui perdure : Or Norme est un magazine généraliste d’information, réalisé par des journalistes…

JLF : J’exprime un peu plus loin dans ce numéro-anniversaire cet aspect des

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choses, car il est essentiel : je n’ai jamais compris pourquoi, dans ce pays, la presse gratuite est si souvent affublée de cette image négative d’un média où quelques vagues articles rédactionnels remplissent les espaces entre de nombreux espaces publicitaires. Pour moi, il y a dix ans, il n’était nullement question de s’inscrire dans cette voie-là. Et ce dont je suis assez fier aujourd’hui, c’est qu’Or Norme a vu le jour, s’est développé et a su se pérenniser sur la base d’un vrai travail journalistique. On en apporte la preuve numéro après numéro avec des dossiers qui demandent certes un travail considérable, mais qui sont lus et commentés bien au-delà de notre lectorat de base. Dans notre dernier numéro, notre enquête et nos interviews portant sur la présence du siège du Parlement européen à Strasbourg qui est remis en cause et qui ne tient qu’à un fil a suscité beaucoup de réactions, jusqu’au

Nicolas Sarkozy, président de la République de 2007 à 2012.

ministère des Affaires étrangères. Notre interlocuteur principal qui parle dans ce dossier a démontré à quel point ce sujet révèle les carences, des plus locales aux nationales : les trois derniers présidents de la République, les maires de Strasbourg qui se sont succédés, la haute administration d’État… Nous respectons la promesse de notre titre : « un autre regard sur Strasbourg »… PA : En 2016, quand on a décidé de travailler ensemble, Jean-Luc et moi, on a voulu faire de Or Norme un vrai magazine. Pour cela, il fallait renforcer la rédaction, ce qui fut fait grâce à l’arrivée de nombreux nouveaux annonceurs. Ce qui fait notre réussite, en tout cas ce qui fait que nous sommes toujours là, car je ne sais pas si on peut parler de réussite, ce qui fait que nous sommes aujourd’hui lus et attendus, c’est aussi le fait d’être guidé par c D OS S I E R

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autre chose que le seul profit financier. Il y a surtout cette vraie motivation, il y a une vraie envie, un vrai esprit d’équipe dans ce magazine aussi bien parmi les journalistes et rédacteurs que chez les photographes ainsi que tous celles et ceux qui font tourner la machine. Et cet état d’esprit, on le retrouve aussi chez nos partenaires et annonceurs qui ont été d’une fidélité exceptionnelle en 2020 qu’ils ont renouvelée pour l’année en cours. Cet état d’esprit règne également chez nos lecteurs qui nous apportent également beaucoup de témoignages : nous sommes toujours sidérés de constater le nombre de gens qui nous communiquent leurs réactions, notamment via les réseaux sociaux… Enfin, il y a un point important que je me dois de souligner : notre équipe de journalistes cultive avec soin son esprit indépendant. Ils le sont tous, statutairement, mais ils le sont aussi dans leur façon de travailler. Nous tous, nous vivons cette ville à fond et si Or Norme fait partie des acteurs qui se distinguent à Strasbourg, nous conservons un certain esprit critique, car nous ne sommes pas pour autant affiliés à qui ou quoi que ce soit. Nous sommes, je crois, respectés pour cette indépendance d’esprit… À l’issue de ce bilan de dix ans de Or Norme, il est difficile de ne pas évoquer vos projets pour la prochaine décennie. Parce que vous en avez, n’est-ce pas…

JLF : Ouh la, dans dix ans !.. Bon, c’est vrai que ça passe vite, une décennie, la preuve… Personnellement, je ne me suis jamais projeté aussi loin à l’époque du numéro 1. Mais bon, je vis une retraite formidable grâce à ce beau développement de Or Norme que Patrick a su initier. Je retrouve le plaisir inouï de faire mon métier à fond et d’animer cette formidable équipe de rédaction. Oui, nous avons des projets : nous travaillons beaucoup aujourd’hui sur les plateaux diffusés en direct sur Facebook live dont nous avons propotypé le modèle il y aura bientôt un an pour le compte de l’Eurométropole pour accompagner le premier déconfinement. On a également cartonné avec l’émission de début décembre dernier consacrée à la géothermie profonde, pour laquelle la nouvelle municipalité nous avait sollicités. Plus récemment, on a monté une autre émission en direct pour l’hommage au regretté Bernard Stalter pour le compte de la Chambre des Métiers d’Alsace. Et nous travaillons sur un très gros programme d’émissions en direct et 12

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de reportages pour un important organisateur d’événements en Alsace. Nous sommes persuadés avec Patrick qu’un développement majeur pour Or Norme sera au rendez-vous sur ce type de média et nous sommes heureux qu’on nous sollicite à ce sujet et qu’on fasse appel à nos compétences journalistiques… PA : Jean-Luc a raison d’insister sur notre ADN journalistique. Elle est à la base de nos productions, les quatre numéros trimestriels de Or Norme, notre programme de hors-séries annuels — il y en aura cinq en 2021 — et nos partenariats avec les Bibliothèques idéales, St-Art la Foire internationale d’art contemporain, les Internationaux de Tennis de Strasbourg ou encore le salon Egast sur la gastronomie et les métiers de la restauration et donc, les émissions en direct live sur Facebook que nous produisons aujourd’hui. À l’occasion du premier confinement, on a vu toute l’importance prise par le média vidéo, on s’est très vite

positionné sur ce média vis-à-vis duquel on a acquis un vrai savoir-faire en privilégiant les contenus journalistiques et les diffusions en direct de qualité qui sont devenus notre marque de fabrique, car ces émissions ne tolèrent évidemment pas le moindre amateurisme en matière de diffusion. Il y a eu un tournant quand nous avons enregistré puis diffusé les interviews des candidats en lice pour le premier tour des élections municipales. Nous y avons apporté la « touche » Or Norme en rencontrant les candidats dans un cadre feutré, intimiste et nous avons particulièrement soigné l’ambiance. Du coup, je crois que les candidats — en tous cas, c’est ce qu’ils nous ont dit — se sont livrés bien mieux et bien plus que partout ailleurs. Et puis, nous avons organisé et animé en direct le débat du second tour. Les statistiques de vues sur internet ont été impressionnantes et les retours ont été excellents et de toutes parts, chacun soulignant notre professionnalisme et notre intégrité en la matière. Avec Jean-Luc,

« Il y a un point important que je me dois de souligner : notre équipe de journalistes cultive avec soin son esprit indépendant. » Jean-Luc Fournier

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nous croyons qu’il y a là une vraie opportunité pour développer ce nouveau média et du coup, renforcer le potentiel de la marque Or Norme… En tout cas, tous nos projets, et nous ne pouvons pas tous les évoquer ici, sont sous-tendus par cette exigence incontournable : produire du travail de qualité et avoir des contenus à la hauteur du contenant, car nous respectons nos lecteurs et nos annonceurs…

« Produire du travail de qualité et avoir des contenus à la hauteur du contenant car nous respectons nos JLF : Pour écrire les pages qui suivent lecteurs et nos et qui reviennent sur les dix ans du magazine, nous nous sommes livrés à un imporannonceurs… » tant travail statistique dont le résultat nous a nous-mêmes surpris. Depuis le n° 1 de décembre 2010, nous avons interviewé exactement 798 personnes, et je ne parle ici que des gens rencontrés spécifiquement, en tête à tête. Si l’on y ajoute les gens simplement cités, c’est-à-dire ceux avec lesquels nous avons eu un simple échange de mail ou un coup de fil, nous ne sommes pas loin de 1 200 personnes dont nous avons recueilli les propos depuis 39 numéros. Ça, c’est un vrai marqueur de notre intégration dans la vie de la cité. Dans un des tout premiers éditos, j’écrivais que le rôle d’un magazine trimestriel est aussi de donner la parole à toutes celles et ceux qui font, avant de paraître et de briller médiatiquement. Ces faiseurs, nous les dénichons, les rencontrons, les questionnons et le magazine leur fait la part belle depuis dix ans. Et bien sûr, nous allons continuer. Il y a du

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Patrick Adler

travail, Strasbourg est une ville très prolixe en la matière. Les porteurs de projets sont innombrables et démontrent un formidable sens de l’innovation. À chaque fois, nous sommes heureux et fiers de les mettre dans la lumière. Quelquefois, dans un même numéro, à peine à quelques pages d’écart, il y a une personnalité d’audience nationale qui s’exprime et, dans la foulée, des anonymes locaux qui disent eux aussi les passions qui les animent. Dans notre dernier numéro, en décembre dernier, c’est un des plus célèbres philosophes français, André Compte-Sponville, qui commentait notamment « la pente dangereuse sur laquelle nous avons commencé à glisser » depuis un an que la pandémie s’est invitée au cœur de notre quotidien. Dix pages plus loin, quatre professeurs de collège, réunis par nos soins au sein d’une table-ronde, disaient leur émotion et leur désarroi après l’assassinat de leur collègue Samuel Paty et, dans les pages suivantes, on découvrait, notamment, Astrid Franchet, une éditrice schilikoise qui publie des livres somptueux… Sincèrement, à la lecture de ce numéro, à la veille de nos dix ans, nous nous sommes dit une fois de plus que Strasbourg était la ville française idéale pour abriter un magazine comme le nôtre et que nous ne nous étions pas trompés vers la fin des années 2000 quand nous avions élaboré et écrit notre ligne éditoriale. Nous avons tous pris dix ans de plus, mais elle, elle n’a pas vieilli… » c c D OS S I E R

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c D OS S IER — OR NORME A DI X AN S  ! Rédaction : Jean-Luc Fournier Photographie : DR

Dix ans hors normes Du journalisme, avant tout du journalisme… Rien de tel qu’un anniversaire pour prendre le temps de regarder derrière soi. Non pas pour cultiver la nostalgie et encore moins l’autosatisfaction, ce n’est pas trop le genre de la maison. Mais au contraire pour mieux mesurer ce qui fut fait, bien ou un peu moins bien fait, juste façon d’imprimer la marque sur les dix ans à venir. Car il reste tant à défricher sur ce terrain des médias et de l’information qui, à pas mal d’égards, sont dans la tourmente…

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u moment d’écrire ces mots me revient en mémoire mon cher ami Michel Gomez qui figure en pleine page juste après le tout premier édito du numéro 1 de Or Norme, paru en décembre 2010. Cette pleine page n’avait à l’évidence jamais été prévue, encore moins imaginée. Mais voilà : Michel nous avait fait la mauvaise blague de nous quitter le 11 août précédant la sortie de notre tout premier numéro, à peine quelques jours après que nous ayons ensemble atterri sur sa chère terre natale de Corse pour des vacances qui s’annonçaient comme toujours chaleureuses et fraternelles avec sa famille corse sur place et quelques copains eux aussi solidement arrimés en pleine Méditerranée. Je pense aujourd’hui à toi, Michel, un peu plus de dix ans plus tard en imaginant la tête que tu aurais faite lors de notre café matinal quotidien à La Solidarité si je t’avais dit qu’on reparlerait dans une décennie de tel ou tel point qui nous opposait en prototypant Or Norme. Tu m’aurais dit : « Bon, chouchou (c’est comme ça que tu appelais les quelques amis que tu aimais beaucoup), va falloir que tu te calmes et que tu t’endormes un peu plus tôt le soir… » Car oui, au mitan des années 2000, Michel fut le premier qui entendit parler de ce projet fou, qui devina qu’il me tenait très à cœur et s’auto-empara de cette mission déterminante : décrypter pour moi cette part de Strasbourg qui, six ans après mon arrivée dans la capitale alsacienne, restait encore pour moi à cette époque assez mystérieuse. J’ai avec toi, Michel, compris beaucoup avec tes « Ne perds pas

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de temps avec lui, c’est un con d’envergure mondiale » ou encore « Oui, celle-là elle est passionnante. On se fait une bouffe ensemble la semaine prochaine, je m’en occupe… » Michel ne vit jamais ce premier numéro. Chienne de vie… Mais chaque été, depuis, je lui parle silencieusement des quatre derniers numéros sortis dans les douze mois passés, assis sur sa dalle de pierre sur le balcon rocheux de San Nicolao, face à la mer… Dans ce premier numéro, il y eut donc en couverture la superbe Judith II (Salomé) de Klimt, photo shootée clandestinement par nos soins à la Ca Pesaro de Venise quelques années auparavant, profitant d’un moment d’inattention d’un vigile soupçonneux. Car oui, la Fondation Beyeler avait eu la divine intelligence (lol) d’attendre la sortie du numéro 1 de Or Norme pour programmer la superbe expo Wien 1900 avec les chefs d’œuvre de l’Art Nouveau et de la Sécession viennoise. Ma période préférée et de loin. Le hasard n’existe pas… Dans le même numéro, il y eut aussi cette chance d’avoir visité en avant-première une des plus belles expos jamais montée dans un musée français : la bien nommée Chefs-d’œuvre ? en ouverture du Musée Pompidou de Metz. Je me suis toujours demandé pour quoi le surdoué Laurent Le Bon (nommé quelques mois auparavant à la direction de PompidouMetz et qui préside désormais aux destinées du Musée Picasso de Paris) avait tenu à ce que ce point d’interrogation soit partie

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intégrante du titre car, difficile sans doute à imaginer aujourd’hui, les œuvres de pas moins de 254 artistes prestigieux étaient accrochées aux cimaises. Le gotha de l’art mondial du XXème siècle, ni plus ni moins. Le mot éblouissant est insuffisant, en fait il aurait fallu inventer un adjectif… La plus formidable expo que j’aie jamais vue… À la sortie du numéro, je me souviens du commentaire d’une auto-proclamée sommité artistique de Strasbourg : « C’est curieux pour un magazine qui se veut local de ne parler que de Bâle et de Metz dans son premier numéro. ». Du tac-au-tac, la réponse qui laissa pantois notre entourage commun : « C’est là qu’est l’actualité des expos en ce moment, alors on en parle. Vous voyez le titre du magazine : Or Norme. On va rester hors normes, je vous le promets… » Sourires contraints et obligés. Fin de l’épisode. Dans ce même numéro, il y avait aussi Patrick Adler, Alain Ancian en parle dans le papier d’ouverture de ce dossier Anniversaire. Et puis, un certain Edwy Plenel qui se battant alors bec et ongles pour développer et rendre profitable Mediapart, n’hésita pas dix secondes à accepter l’interview que je lui proposais, bien conscient d’aider ainsi ce nouveau magazine dont je lui parlais déjà depuis quelque temps et qui se lançait alors que la crise financière de 2008 battait encore son plein… Le numéro 1 ne passa pas inaperçu et fit son petit effet. Tirage 20 000 exemplaires dont 12 000 directement distribués en boite

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« La sarabande s’est poursuivie, avec toujours plus de reportages de qualité, toujours hors normes et une vraie passion pour faire découvrir des talents strasbourgeois… »

aux lettres. De gros budgets. Le prix qu’il fallait payer pour se faire connaître rapidement… À ce stade, il faut que je vous dise un mot de Véronique Leblanc et Charles Nouar car, de toute la rédaction actuelle, ils furent les deux piliers d’origine et ils sont tous deux toujours de l’aventure à ce jour. Charles vous décrit Véronique dans son papier Putain dix ans ! dans les pages suivantes et du coup, il parle pas mal de lui aussi. Je me souviens de nos conférences de rédaction de l’époque des premiers numéros, sur la table basse de salon chez l’un ou chez l’autre. Nous avons toujours été sur la même longueur d’onde. Et je n’oublie rien

de leur soutien concret et amical quand les vents se firent contraires car les tempêtes n’ont jamais manqué. Belles plumes, belles narines pour flairer l’actu et, surtout, précieux amis… Et puis, la mayonnaise prît. Un beau numéro 2 qui inaugurait une série qui dura des années, celles des numéros « Destinations de légende » où nous partîmes souvent au bout du monde pour rencontrer les Alsaciens expatriés qui vivent et travaillent dans leur pays d’adoption dans le but qu’ils nous le fassent visiter. L’Ouest américain, Barcelone, le Tibet dans ce numéro d’avril 2011. Les années suivantes, ce furent Israël (inoubliables dix jours de reportages effectués en compagnie de l’ami Patrick Adler qui en parle également dans l’interview d’Alain Ancian), l’Inde, le Kazakhstan, la fabuleuse Namibie, Cuba, Venise, Rome, Vienne, la Thaïlande, le Vietnam, le Cambodge, Beyrouth, Londres, Chypre, Petra, le formidable Spitzberg, Istanbul et la Birmanie d’avant leurs dictatures et Java, là où l’aventure se termina car elle reposait pour beaucoup sur un bon stock de billets d’avion gratuits offerts annuellement par la direction régionale d’Air France en contrepartie d’encarts publicitaires quand la compagnie nationale était encore présente à Strasbourg. Deux directeurs successifs se prêtèrent généreusement au jeu avant que le tout dernier, venu là pour fermer les locaux et éteindre la lumière, décline la poursuite du partenariat. Sans cet apport inestimable, il aurait été insensé de poursuivre cette magnifique c D OS S I E R

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« Vous voyez le titre du magazine : Or Norme. On va rester hors normes, je vous le promets… »

série. Nous n’avons jamais été Paris Match… La sarabande s’est poursuivie, avec toujours plus de reportages de qualité, toujours hors normes et une vraie passion pour faire découvrir des talents strasbourgeois ou alsaciens souvent passés sous les radars de la notoriété et de belles opportunités venant consacrer le flair des journalistes et rédacteurs, comme le soutien important apporté à la toute première édition de Résonnances(s), le salon des métiers d’art organisé par la Fédération Régionale des Métiers d’Art d’Alsace et sa toute jeune directrice d’alors Ninon de Rienzo, pleine d’audace et de passion. Succès populaire et médiatique immédiat, le salon était lancé…

Restons Charlie ! Or Norme Hors-série - 2015

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Pendant toutes ces années, de 2010 à 2016, l’imagination fut vraiment au pouvoir, l’audace aussi. Il a fallu quelquefois tenir bon la barre. Abd Al Malik en couverture du n°6 fit grincer les dents dans quelques « beaux quartiers ». « Vous comprenez, un rappeur, et puis… il est noir… » osa même la patronne d’un commerce que les distributeurs utilisaient comme dépôt-relais. Quelques mots bien sentis les yeux dans les yeux et nous trouvâmes un autre endroit, tout près. Ce commerce a fermé depuis et… Abd Al Malik poursuit son merveilleux parcours artistique. Une autre « Une » fit sensation en décembre 2013 annonçant l’expo du talentueux JR à la Fondation Burda de BadenBaden : sur la splendide couverture en noir et blanc, un imam rigolard, un curé rubicond et un rabbin qui louche (volontairement), reflets du travail réalisé par le photographe en Palestine et en Israël, de part et d’autre du mur. Un numéro qui (il ne fut pas le seul) résumait si bien la

philosophie du titre : son grand entretien était consacré à l’acteur Michæl Lonsdale, l’inoubliable interprète du film Des hommes et des dieux qui y parlait de sa foi et qui racontait comment, lors de la présentation du film à Strasbourg, l’Archevêque de l’époque s’était mélangé les pinceaux au moment de le présenter devant 1 200 fidèles à la cathédrale. Après lui avoir demandé en coulisse comment se prononçait son prénom, Michæl Lonsdale confia à l’Archevêque qu’il se prononçait « à l’américaine ». Quelques minutes plus tard, sans doute très ému devant ce très nombreux public, l’Archevêque s’empressa de présenter « celui que vous attendez tous, Michæl Jackson… ». La nef en rigole encore… Dans les pages suivantes, un long papier sur Germain Muller à l’approche des vingt ans de sa disparition, le fou de jazz Philippe Ochem, l’incandescente chorégraphe Gisèle Vienne, un étonnant sculpteur de métal lorrain, un surprenant artiste luxembourgeois qui dessine… au stylo-bille, le foldingue DJ Vladimir Spoutnik, l’excellent chanteur et compositeur alsacien Jean-Baptiste Mersiol, le regretté Alain Moussay et son Rimbaud adoré, les hotspots de Vienne en hiver, l’heureuse issue au Café Brant qui venait d’échapper aux griffes d’un groupe bancaire, le splendide boulot de Marc Philibert à la tête de l’ARES, toute l’équipe du pari réussi du Rallye de France alors organisé en Alsace et le « Portrait de femmes presque ordinaires », Brigitte, Ema et les autres, toutes tapineuses près de la gare de Strasbourg ou dans la pénombre du quai Pasteur… Toutes des histoires… Or Norme. Du sacré boulot de terrain… Il y eut tant et tant de difficultés, des responsables commerciaux défaillants voire même… indélicats, des graphistes « caractériels » mais aussi Julie, géniale, qui fut l’auteure d’une belle maquette épurée qui nous fit quatre ans. Il y eut l’indispensable Corinne, secrétaire de rédaction mais aussi comptable qui se prit de passion pour le bébé dès sa naissance et dont les précieuses critiques étaient toujours empreintes du bon sens de l’objectivité. Il y eut cet exceptionnel numéro Spécial Charlie, réalisé bénévolement par toute l’équipe soudée dans l’émotion après le carnage de janvier 2015 et financé grâce à l’élan généreux des annonceurs… Il y eut aussi… Patrick Adler qui, en 2016, prit les risques de la relance du titre (lire là encore l’interview réalisée par Alain Ancian) et l’arrivée de splendides

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plumes pour renforcer enfin l’équipe de rédaction. Les Eleina Angelowski, Isabelle Baladine Howald, Quentin Cogitore, Amélie Deymier, Thierry Jobard, Aurélien Montinari, Jessica Ouellet, Barbara Romero… qui aujourd’hui se sont toutes et tous magnifiquement intégrés au sein de la rédaction et sont à l’unisson de l’audace, l’inventivité et… l’Ornormalité.

Un mot aussi sur notre staff photographique : le souvenir de Alban Hefti venu très tôt braver son hyper timidité de très jeune ch’timi exilé en Alsace pour nous dire : « je voudrais que vous me donniez ma chance… », Nicolas Rosès qui venait juste de décrocher les cimaises de sa galerie et qui s’est pris de passion pour la photo de presse au point d’être le moteur essentiel de l’extraordinaire et émouvant numéro sur les attentats de décembre 2018, ces mêmes tragiques événements qui nous amenèrent à nous intéresser à l’ultra-sympathique et attachant Abdesslam Mirdass dont les photos exclusives furent publiées par quarante médias du monde entier et qui est aujourd’hui partie intégrante de l’équipe. Parmi nos photographes, le talentueux Vincent Muller auteur de couvertures de portraits très travaillés ces années dernières, Sophie Dupressoir découverte grâce à son très beau travail sur les plages du débarquement primé au Salon de l’Image de Strasbourg, Caroline Paulus complice de Jessica Ouellet, notre amoureuse du vin, Franck Disegni, notre photographe parisien pour qui nous accompagner dans nos reportages chez Michel Serres, Pierre Terrasson, Régis Debray, André Compte-Sponville, Axel Kahn, Jean Teulé, Charlélie Couture, Marek Halter et autres Nikos Alliagas est un plaisir qui le laisse sans cesse ébloui. Petit dernier de la bande de nos shooteurs, Marc Swierkowski qui ose se lancer dans la photographie professionnelle dans cette époque si difficile et que nous sommes heureux d’accueillir… Il y a aussi ces autres piliers, tout aussi indispensables, notre couteau-suisse de l’agence Ornormedias, Lisa Haller, notre commercial Valentin Iselin qui a succédé à Régis Pietronave que nous n’avons pas oublié, Raphaël Bravi notre magicien du web, Maxime Pintadu, Marlène Astrié et Marie Secher à la tête du studio de design graphique Cercle qui assure désormais la direction artistique du titre et qui ont créé la nouvelle maquette du magazine à compter de ce numéro 40 que vous avez en mains, et Laure et Léa de l’Agence Izhak en charge de la mise en page trimestrielle. 18

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Il y a enfin nos nombreux amis et soutiens. Certains sont là depuis toujours, je pense en particulier à François Wolfermann de la Librairie Kléber qui dès l’origine a accepté de nous distribuer chaque trimestre et avec lequel nous collaborons depuis longtemps pour l’organisation et l’animation des Bibliothèques idéales, si chères à nos cœurs et au sien. Nous n’oublions pas nos annonceurs réguliers et les membres du Club des Partenaires d’Or Norme à qui nous consacrons un cahier spécial au cœur de ce numéro et qui participent avec enthousiasme à nos rencontres et événements que nous allons bientôt reprendre, dès que la vie sera redevenue normale après l’épreuve que l’humanité traverse depuis plus d’un an maintenant.

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« Ce sont des projets d’amoureux de la presse, des projets de journalistes. » №40 — Avril 2021 — Or Norme a dix ans

Il y a enfin vous toutes et tous, nos lecteurs. Vous êtes au bas mot plus de 50 000 à nous lire chaque trimestre. Traditionnellement, la presse magazine a un mal fou à mettre des visages identifiés sur son lectorat. Pas à Strasbourg ! Depuis dix ans, vous nous interpelez sans cesse et à tout moment, lors des interviews que nous assurons à la Librairie Kléber, lors des événements auxquels nous sommes associés, les Bibliothèques idéales, les Internationaux de tennis de Strasbourg, la Foire ST-Art d’art contemporain…, dans la rue, par mail, par courrier postal, par téléphone… Certaines et certains d’entre vous sont d’une étonnante fidélité depuis toutes ces années. Vous toutes et tous êtes partie intégrante de cette belle aventure débutée il y a dix ans et qui, nous l’espérons, se poursuivra encore longtemps. En répondant aux questions de Alain Ancian, nous évoquons, Patrick Adler et moi, les projets qui nous motivent pour les prochaines années. Ils ont tous un point commun : ce sont des projets d’amoureux de la presse, des projets de journalistes. Peu importe que ce métier soit décrié comme il l’est aujourd’hui, pour notre part nous l’exerçons du mieux que nos moyens nous le permettent et nous sommes plutôt fiers, oui plutôt fiers, de ce que nous produisons ensemble avec notre petite équipe. Il y a très peu de villes françaises qui possèdent en leur sein un magazine indépendant comme Or Norme. Strasbourg en est. Et nous aimons Strasbourg… Restons toutes et tous Or Norme. c c D OS S I E R

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c D OS S I E R — Q U’ES -T U D EVENU  ? Rédaction : Jean-Luc Fournier Photographie : Sébastien Brillais — Sébastien Ognier — DR

Didier Wolf « J’expose toujours dans le ciel, d’un continent à l’autre… » Une des plus inattendues découvertes… Or Norme. Dans notre n°13 de juin 2014, nos lecteurs apprenaient l’existence d’un de ces hommes atypiques que nous avons toujours adorés présenter. En titrant le papier « Le rendez-vous avec soi-même », il nous avait semblé être tout à fait raccord avec le personnage, tout entier tourné vers l’accomplissement personnel. Sept ans plus tard, l’aventure continue, sur la même belle fréquence…

e papier racontait une belle aventure personnelle, l’ennui de jeunesse sur les bancs du collège et du lycée, puis les Arts Décos (plus jeune élève de France à être reçu) avant d’en claquer la porte très vite (trop d’académisme !) puis l’école de théâtre à Paris avec Annie Girardot et Philippe Léotard comme profs, l’écriture de scénarios de films avant un retour au dessin et à la peinture. Enfin, le déclic ultime, la révélation : je vais dessiner et décorer les carlingues des jets ! British Airways n’ose pas prendre le risque mais Didier Wolf, qui découvre la 3D en même temps qu’il devient auxiliaire de vie scolaire à Mundolsheim, décide de vraiment se donner les moyens pour vivre son aventure personnelle dans l’aviation. En 2014, son Happy Design Studio surfait sur le succès, des projets plein les cartons… C’est désormais dans le Parc naturel des Vosges du Nord, à 45 minutes de Strasbourg, que Didier Wolf exerce son activité. Alors Didier, toujours fidèle au rendez-vous avec toi-même ? La réponse fuse : « Oh oui ! Plus que jamais. Il y a un peu plus d’un an de cela, je me suis dit que ça faisait dix ans que j’étais dans tous les aéroports du monde et qu’il fallait donc que je pense un peu plus à moi. J’avais en tête une sorte d’année sabbatique, le temps de me poser au vert, de dénicher une maison qui me ressemble. Je menais toujours cette quête quand le premier confinement est arrivé… du coup, j’en ai profité pour remettre mes priorités dans l’ordre en prenant mon temps. Peu de temps après je dénichais la maison, je quittais la ville pour un endroit dans la montagne où je ne sais plus en regardant par la fenêtre si on est lundi, mercredi ou dimanche et c’est parfait comme ça. Ces dix dernières années, j’avais passé mon temps à embellir des avions et là, j’embellis ma maison et mon jardin. Je suis complètement libre, formidablement libre… »

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Pour autant, Didier reste ce passionné que nous avions rencontré, toujours à la tête de son cher Happy Design Studio : « À l’évidence, depuis que le virus est arrivé, l’industrie aéronautique s’est immédiatement mise en pause » commente-t-il. « Mais j’y garde un pied malgré tout. J’ai récemment été 20

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nommé « peintre des Armées », une sorte de petite congrégation officielle qui a décidé d’accueillir tous ceux qui font notre métier de décorateur d’avions. Malgré la situation économique des compagnies aériennes due aux contraintes sanitaires, j’ai affiné des projets qui sont plutôt des concepts et qui vont me permettre, dès que la situation se rétablira, de multiplier les propositions de designs très innovants auprès de mes clients. Depuis notre rencontre il y a sept ans, la profession est devenue très concurrentielle. Bien sûr, il y a toujours les compagnies aériennes traditionnelles qui ont besoin de travailler le design de leurs carlingues mais c’est au niveau de l’aviation d’affaires que le marché a explosé. Les constructeurs eux-mêmes s’attardent beaucoup plus sur l’aspect extérieur des avions qu’ils commercialisent, après n’avoir été focalisé que sur l’intérieur depuis des décennies. Aujourd’hui, ils ont découvert qu’un avion peut être reconnu aussi par sa déco extérieure. Ils soignent un peu plus le sujet. D’autre part, les traditionnels designers de l’intérieur des carlingues sont venus

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« Aujourd’hui, ils ont découvert qu’un avion peut être reconnu aussi par sa déco extérieure »

eux aussi sur nos métiers. Bon, ceci dit, ça ne change rien à ma façon de travailler, mon objectif que j’avais largement atteint reste le même, relever le défi de travailler des carlingues d’avion d’une façon de plus en plus audacieuse grâce à des décos de plus en plus complexes pour le bénéfice de clients ayant cette même audace et qui aient envie de se différencier de tout ce qui existe. Ces dernières années, j’ai pu réaliser des choses tout à fait dingues, dans ce sens. Ce souhait reste très actuel… et c’est pourquoi je suis toujours aussi passionné pour évoluer sur ce fantastique terrain de jeu, cette toile tridimensionnelle volante comme je le dis souvent. J’aime bien cette vision poétique-là. Au lieu d’exposer dans une galerie, j’expose dans le ciel, d’un continent à l’autre… » Didier Wolf reconnait volontiers qu’au fil de ces dix ans, son œil s’est affuté, son style a beaucoup mûri et qu’il a fini par faire beaucoup moins de concessions grâce à une connaissance devenue très fine de « l’objet -avion ». « Je sais d’avance de quoi aura l’air une déco, de trois-quarts avant ou de c D OS S I E R

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Avion du constructeur Bombardier

trois-quarts arrière, dessus, dessous… Je l’imagine complètement avant même de débuter sa réalisation. ». Avant de conclure en avouant qu’il aimerait beaucoup travailler un jour avec une cliente femme : « Parceque je pense sincèrement que cela aurait une incidence sur ma façon d’aborder et réaliser le projet… » Nous nous apprêtions à boucler ce numéro de Or Norme quand, par SMS, Didier Wolf nous a appris la mort brutale de Olivier Dassault dans le crash d’un hélicoptère, en Normandie. Effondré par la nouvelle, il se souvenait qu’à ses débuts, l’industriel lui avait confié la décoration de son Falcon personnel. Un très beau lien s’était créé entre les deux hommes, Olivier Dassault lui confiant de nouveau la décoration de son Falcon 900 l’an passé. « Il était devenu comme mon parrain. C’était un homme génial et attachant » nous déclarait Didier Wolf quelques minutes après avoir appris la triste nouvelle. c 22

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« Ces dernières années, j’ai pu réaliser des choses tout à fait dingues… » Didier Wolf

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c D OS S I E R — Q U’ES -T U D EVENU ? Rédaction : Jean-Luc Fournier Photographie : Thibaut Hatsch

Sasha Loup, Frédéric et Aurélie Jamais deux… sans toi C’est un des sujets parmi les plus bouleversants jamais publié par Or Norme. Dans notre n°17 daté de juin 2015, nos lecteurs découvraient Frédéric et Aurélie, un jeune couple strasbourgeois et leur fils Sasha, alors âgé de quatre ans, atteint d’une maladie génétique orpheline non encore répertoriée par la science médicale. Qu’est devenu Sasha, « le petit garçon qui n’avait pas de larmes », une des caractéristiques de la maladie qui l’affecte ?.. n 2015, en rencontrant Frédéric, Aurélie et Sasha dans leur petit appartement de la rue Louis-Apfel à Strasbourg, nous avions merveilleusement été submergés nous aussi par des bouffées d’amour reçues à profusion à l’écoute d’un couple de parents ayant résolument décidé de se battre au quotidien pour leur petit garçon. Mais on se souvient aussi des mots à la fois terribles et merveilleux prononcés par Frédéric quand le couple dut se rendre à l’évidence d’être les parents d’un petit garçon qui serait à jamais « différent » : « Il nous a fallu finalement tuer l’enfant qu’on idéalisait pour que Sasha naisse enfin. Tout s’effondrait, c’était le vide… Oui, il nous a fallu déconstruire cette idée de l’enfant idéal pour accepter le handicap de Sasha, accepter cet enfant qui était là et pourvoir l’aimer… »

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Sasha et ses parents vivent désormais dans le sud de la France, entre Nîmes et Avignon, tout près du Pont du Gard. « Un choix très réfléchi » précise Frédéric. « D’abord celui d’un habitat plus rural qui était le nôtre depuis toujours et un choix qui concerne aussi Sasha qui apprécie beaucoup la nature. Ce déménagement a aussi été stratégique car Sasha quittait la structure d’accueil de Schiltigheim pour les enfants de zéro à six 24

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ans et il nous fallait trouver une nouvelle structure, un Institut médico-éducatif devant l’accueillir jusqu’à sa majorité. Nous connaissions déjà cette région et une place s’est libérée là-bas, après une longue bagarre en ce qui nous concerne. Notre fils est désormais accueilli dans son IME chaque matin jusqu’à 17h, heure à laquelle il rentre à la maison… » Frédéric résume en quelques mots l’évolution de Sasha depuis les six dernières années : « Il a bien évolué et beaucoup changé. Il est aujourd’hui beaucoup plus dans le contact mais il ne parle et ne marche toujours pas. Selon toute vraisemblance, il marchera peut-être un jour car il progresse bien au niveau moteur mais le langage suppose un tel nombre de prérequis que je crois qu’il ne parlera jamais. Mais sa communication est très sensorielle, il est devenu très attentif à ce qui se passe autour de lui, il reconnait les personnes, il aime beaucoup le contact notamment avec les autres enfants, il est très sociable, en somme… »

Le laisser dans de beaux bras… Dans la foulée du très beau livre consacré à Sasha paru en 2015, un tome 2 vient d’être édité par l’association Ambassade des Curieux créée pour venir en aide à Sasha. Toujours aussi bien réalisé (Frédéric est graphiste de profession), on y comprend ce qui est toujours une épreuve pour le couple (notamment ces longs moments où les crises d’épilepsie à répétition du petit garçon accablent de fatigue ses parents également). Au détour d’une page, il avoue même avoir ressenti quelquefois l’envie d’en finir, heureusement vite chassée…

a, on Sash x à e beau ux n aid nir e ces très et de je e v e s e d e n n m g s faço en li r hori Belle acheter és d’ap irés, su p m t s e u pe s, pars s et in rieux.f r tre e u livre ots drôl adedesc nt en ou l i de m .ambass urélie so sse ma x.f r e u r w A e d t i w r e ’a w escu via l éric Fréd ctables assaded a b cont ct@am a cont

Mais c’est une autre hantise qui marque presque quotidiennement Frédéric. « Je crois que c’est une de nos plus grandes peurs : que nous mourrions tous les deux avec Aurélie. (…) Qui saurait prendre le temps de déchiffrer son monde ? Et si ce monde s’écroule, qui l’aiderait à avancer, lui qui ne marche toujours pas ? » lit-on à la fin du livre. Ne plus avoir la force de s’occuper de leur fils est aussi une des grandes hantises du couple. « On a besoin de se sentir entourés… » confie Frédéric. c

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c D OS S I E R — Q U’ES -T U D EVENU ? Rédaction : Jean-Luc Fournier Photographie : DR

Sabine Trensz et Pierre Mann

Étonnants voyageurs… Or Norme a parlé à plusieurs reprises de cet étonnant couple d’infatigables voyageurs : Pierre Mann, aujourd’hui octogénaire mais bon pied et très bon œil, a parcouru la planète, caméra au poing, depuis soixante ans et son épouse Sabine Trensz fait partie du top des photographes animalières françaises. Faites tourner un planisphère devant ces deux-là, arrêtez-le à l’aveugle et il y a fort à parier qu’ils vous raconteront immédiatement une foule d’anecdotes sur le pays que votre doigt aura pointé…

epuis notre dernière visite (Or Norme n°19 daté de décembre 2015), Pierre a continué à travailler sur ses nombreux projets de films (car le bougre ne renonce que très rarement) : « J’avais depuis longtemps ce projet d’une série sur les espèces animales menacées de par le monde » raconte-t-il. « Mais les conditions pour recueillir le soutien des chaines de télévision sont devenues aujourd’hui drastiques. Sans ce soutien, une garantie de diffusion très souvent, on ne peut plus monter les budgets nécessaires. J’ai mis de côté cette série et à défaut de l’apport d’une télévision, je me suis donc limité à produire et monter mon dernier film sur l’Antarctique qui est sorti au début de l’année. Il ne montre pas seulement la splendeur de ce continent de glace mais il en pointe résolument les signes qui prouvent qu’il est en danger comme son titre l’indique d’entrée : Antarctique : un continent à la dérive. Je ne suis pas un scientifique mais un témoin et j’ai toujours œuvré

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comme ce que l’on appelle aujourd’hui un lanceur d’alerte. Mais je constate avec tristesse que ça n’aura pas servi à grand-chose, car je suis vraiment pessimiste sur l’avenir de l’humanité… » Et Pierre, pour prouver ses dires, se met à commenter une abondante revue de presse dont les premières coupures remontent aux années soixante et qui, effectivement racontent toutes les sonnettes d’alarme qu’il a tirées depuis des décennies. Via les réseaux sociaux essentiellement, le film se vend déjà très bien. La caméra de Pierre Mann est au plus près des espèces et du terrain et le commentaire qu’il dit luimême impressionne par son ton qui laisse transparaître la tristesse devant les transformations de ce monde qu’il connait si bien (cinq voyages en Antarctique durant les huit dernières années). On est évidemment là très loin des superproductions à grand renfort d’innombrables drones et d’hélicoptères livrées par les gigantesques maisons de production réquisitionnées par les chaines de télé à audience mondiale. « Souvent, ce sont deux ans de tournage avec quatre ou cinq équipes en permanence sur le terrain… » confie Pierre qui se définit, lui, comme « un artisan au contact, seul sur le terrain avec ma caméra… ». Prochain film (montage en cours) : un film entièrement dédié aux ours, sur tous les continents de la planète… Quant à elle, Sabine a eu la grande joie de fêter la sortie de deux superbes livres photos grand format. Dans Oursitudes (2018) — tirage aujourd’hui épuisé, un vrai succès rencontré lors d’innombrables conférences et salons auxquels la photographe a participé ! — Sabine avoue avoir « parcouru les coins les plus reculés du globe pour traquer dans leur milieu naturel l’ours polaire, l’ours brun, le grizzli, l’ours noir ainsi que le très rare ours Kermode. « L’ours est un animal fascinant, à l’impressionnante et sauvage beauté » confie-t-elle. Sorti fin 2019, Primatitudes est la réunion des plus beaux clichés de la photographe sur les singes de la planète, réalisés durant ses nombreux voyages sur trois continents, l’Amérique du sud, l’Afrique et l’Asie. Avec, à l’instar de son mari, ce regard lucide sur la disparition du vivant : « Ce n’est pas une affirmation gratuite : sous les coups de boutoir de l’espèce humaine, la population des primates de la planète a diminué

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En attente de l’ours, au nord-ouest du Canada, près de la frontière avec l’Alaska

de 75% en moins d’un siècle » s’insurge-telle… Évidemment, depuis la survenue de la pandémie, les deux globe-trotters ont cessé net d’arpenter le globe. Pierre en a donc profité pour accélérer les montages de ses films en cours mais Sabine, elle, tient un discours très réfléchi : « Cette pause depuis l’apparition du virus m’a quelque part débranchée, si j’ose dire. Tous mes collègues photographes fouillent dans leurs archives, en extraient et publient sur le net des tas d’images. Et bien, de mon côté, le nouvel appareil photo que je venais de recevoir et qui m’a coûté les yeux de la tête est toujours dans sa boîte… Pour moi, c’est une belle pause, certes forcée, dans mon existence. Je n’ai jamais ressenti la moindre oppression ni la moindre atteinte à ma liberté dans les événements que nous vivons depuis plus d’un an maintenant mais je comprends bien, ceci dit, qu’il n’en soit pas de même pour d’autres. J’ai pris pas mal de recul sur les choses… Je suis persuadée que nous sommes en train de vivre un virage important, il y a d’innombrables petites initiatives qui se sont mises en marche, ça ne s’arrêtera pas du jour au lendemain. La chose la plus importante est de prendre conscience de la

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« Je ne suis pas un scientifique mais un témoin et j’ai toujours œuvré comme un lanceur d’alerte.  »

beauté, y compris dans sa relation à l’autre. Il faut aussi que chacun se sente responsable de ce qu’il va faire de sa vie. Plein de gens, dont beaucoup de jeunes, ont commencé depuis un an à réfléchir autrement, ça me réjouit… » Ce couple d’aventuriers au long cours qui parcourt le monde la main dans la main vit donc avec ses projets contrariés par la pandémie. Ils viennent d’annuler, pour la deuxième fois en douze mois (!), un voyage sur les hauts plateaux du Massaï Mara au Kenya mais ne désespèrent pas de pouvoir aller filmer et photographier les ours et les loups en Roumanie, le jaguar dans l’état brésilien du Pantanal (pour terminer un tournage, troisième voyage en trois ans) et la faune de Madagascar. Tout ça d’ici la fin de l’année… si l’état sanitaire du monde le permet. c à nent conti é USB. n u : l ique ré sur c o.f r — o tarct liv m An eut être n@wanad l fi e L p n   a e v em ri nible la dé ct : pierr n.com dispo oo.fr t n s a t e a n d Co rem ititudes wana .pier www re Primat : strensz@ Le liv mande à e sur d c D OS S I E R

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c D OS S IER — QU ’ ES-T U DEV EN U   ? Rédaction : Amélie Deymier Photographie : Nicolas Rosès

Alain Beretz Le passionné En 2015, Alain Beretz, alors président de l’Université de Strasbourg, introduisait nos pages sur « Strasbourg et les intellectuels » par un plaidoyer en faveur d’une ville solidaire, empreinte d’humanisme et tournée vers l’avenir. Pour ce numéro spécial anniversaire des dix ans de Or Norme nous ne pouvions nous passer de son regard éclairé…

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lain Beretz nous a donné rendez-vous au Cardo à Strasbourg, dans son bureau de l’Institut Européen Entreprise et Propriété Intellectuelle (IEEPI) dont il assure bénévolement la présidence non-exécutive : « C’est une structure de formation à destination des entreprises et des administrations sur la propriété intellectuelle qui a été fondée entre autres par l’Université de Strasbourg (…) Je suis là pour résoudre les petits problèmes, pour mettre de l’huile dans les rouages ». Retraité depuis le 1er septembre il dit avoir « changé de rythme et ça c’est formidable (…) J’ai le droit d’avoir des envies aujourd’hui ». Il dit aussi être plus présent pour sa famille qui « a quand même morflé » ces quinze dernières années. Il faut dire qu’Alain Beretz n’a jamais chômé : enseignant-chercheur, président d’université, fonctions au sein du ministère. Il se dit ravi de toutes ces années : « Ça n’a pas toujours été facile, ça n’a jamais été reposant, mais c’était de grands moments ». Ce dont il est fier, c’est d’avoir participé « au changement de positionnement de l’Université à la fois au niveau local et au niveau national ». Bien que selon lui « le bilan d’une université se compte en siècles »…

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Toute la difficulté réside dans le fait de trouver l’équilibre entre la pérennité des valeurs et l’évolution de la société, donc de l’Université : « On est dans une phase de mutation de ce que sont les études. L’étudiant d’aujourd’hui, ce n’est pas l’étudiant d’il y a 100 ans. En même temps les valeurs qu’on veut lui transmettre sont les mêmes qu’il y a 100 ans ». Il ajoute : « Ce sont de belles personnes, en pleine évolution. Ils sont bons, ils sont plus exigeants, plus intelligents que nous à leur époque ». Et pas question de lui parler de génération sacrifiée : « C’est insupportable ! La manipulation des concepts est impudique, c’est scandaleux de dire des trucs comme ça ! On n’a pas sacrifié les jeunes, on n’a pas assez réfléchi ! (…) C’est une population fragile, complexe, en pleine évolution intellectuelle, personnelle, et on n’a pas assez fait attention. Je dois dire que Michel Deneken mon successeur a été remarquable. Il a été un des premiers à dire cette phrase qui a été beaucoup reprise : « la fermeture des universités risque de plus tuer que le virus. » C’est une formule un peu exagérée mais dans l’esprit c’est exactement ça. » Celui qui préfère voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide, voit par ailleurs dans la crise sanitaire « à la fois une victoire et paradoxalement une défaite de la science dans sa relation avec la société (…) Un vaccin en un an c’est extraordinaire et on ne l’a pas assez dit ! ». Cela n’aurait pas été possible sans la recherche fondamentale. Autrement dit, « avoir les capacités de répondre à un défi sans savoir quel va être ce défi (…) C’est la preuve qu’il faut plus soutenir la recherche aujourd’hui ». D’un autre côté, « il y a un vrai sujet sur la relation entre la décision politique et l’expertise scientifique. Et là je n’ai pas peur de dire que ça a été catastrophique ». Il s’emporte : « Et ça n’est pas la faute de la science ! J’en ai marre que les gens trainent dans la boue les scientifiques ! Ça m’énerve vous le voyez, ça m’énerve profondément ! Le chercheur ne fait pas de politique au sens où les faits sont les faits. En revanche, le politique doit prendre des décisions sur la base de ce que les chercheurs lui auront fourni comme éléments. Mais comme le politique n’a pas de formation scientifique du tout — on a très peu de docteurs PhD [titulaire d’un doctorat] dans nos instances — il veut des certitudes. Le chercheur ne vous donnera jamais des certitudes, il vous donnera des probabilités (…) c’est comme ça que parle le chercheur ! ». Et c’est comme ça que parle Alain Beretz, avec engagement et passion. c

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Jean-Pierre Sauvage Le militant Nous nous étions entretenus avec lui en mars 2017, quelques mois après que le prix Nobel de chimie lui ait été décerné pour ses travaux sur « le design et la synthèse de machines moléculaires ». À cette époque Jean-Pierre Sauvage ne semblait toujours pas en revenir. Quatre ans après cet entretien où en est-il ?

’avais arrêté de diriger une équipe de recherche un an avant le prix Nobel et je me voyais bien avoir une vie plus calme, mais mes activités ont littéralement explosé par rapport à ce que j’avais comme idée pour mon avenir ». Quatre ans après ce prix Nobel, Jean-Pierre Sauvage n’a toujours pas atterri, au sens propre du terme. De la Chine à Cuba, des ÉtatsUnis au Japon, en passant par l’Europe et la Russie, cela fait quatre ans qu’il tient conférence à travers le monde pour parler de son domaine de recherche à des publics plus ou moins avertis, et ainsi transmettre sa passion pour la science. « J’ai beaucoup de plaisir à faire ça (…) c’est très enrichissant au niveau des échanges ». Mais au-delà du plaisir, il y a la nécessité d’agir dans un monde en perte de rationalité : « Ce qui me motive c’est d’essayer de convaincre un maximum de gens que la science est absolument essentielle (…) qu’on peut faire confiance à des scientifiques, qu’il est même nécessaire de faire confiance à des scientifiques plutôt qu’à des

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gens qui peuvent raconter n’importe quoi sur les réseaux sociaux parce qu’ils ont un niveau d’audience élevé ». Plus qu’un passeur, Jean-Pierre Sauvage se voit ainsi comme « un militant du rationnel, de la rationalité, donc de la science ». Il ajoute : « Je n’ai rien contre les réseaux sociaux, mais ils ont une part de responsabilité qui est très importante dans le fait que la science et les scientifiques soient dénigrés par un grand nombre de gens qui ne savent pas ce que c’est que la science ou qui ne savent pas ce que sont les scientifiques. Ça m’inquiète beaucoup, c’est pour cela que je rencontre un maximum de gens, notamment de jeunes gens qui peuvent être sensibles aux charmes des réseaux sociaux, pour essayer de leur démontrer qu’on doit prendre les informations d’une source fiable (…) plutôt que de gens dont on ne connaît pas les bases ni les motivations ». N’en déplaise aux complotistes, JeanPierre Sauvage a bien l’intention de « continuer à transmettre son enthousiasme pour la science, en espérant être contagieux ». c c D OS S I E R

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c D OS S I E R — Q U’ES -T U D EVENU ? Rédaction : Amélie Deymier Photographie : Nicolas Rosès

Jules  D  Hoffmann L’intuitif Nous avions rencontré Jules Hoffmann en 2013, deux ans après qu’il ait reçu le prix Nobel de physiologie ou de médecine pour ses travaux sur le système immunitaire inné. À cette époque, il nous disait son enthousiasme devant les perspectives qui s’ouvraient alors pour les sciences du vivant. Huit ans plus tard, ce jeune homme de 79 ans n’a rien perdu de son élan…

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epuis qu’il a commencé ses activités de chercheur au début des années 60, Jules Hoffmann a assisté à l’évolution spectaculaire des sciences biologiques. « J’ai commencé à un moment où on n’avait que l’expérimentation macroscopique et l’histologie (…) Aujourd’hui on peut suivre l’expression des gènes, cellule par cellule, en réponse à des stimuli divers, infections ou cancer par exemple (…) Il y a eu un progrès considérable, salvateur même ». Pour lui, les avancées de la chimie et de la physique et les échanges transdisciplinaires ont été déterminants pour les progrès en biologie. « L’attribution du prix Nobel donnait de la crédibilité aux choix que j’avais fait avec mes collaborateurs tout au long de nos travaux (…) y compris le choix d’un insecte comme modèle expérimental. En particulier certaines des expériences que nous avions faites chez la drosophile auraient été plus longues et plus délicates chez la souris à l’époque (…) Cela montrait également que nous avons passé au bon moment de la zoologie expérimentale à la biochimie, puis à la chimie analytique, puis à la biologie moléculaire et la génétique moléculaire de la drosophile ». Bien qu’il se dise aujourd’hui moins impliqué dans la recherche, Jules Hoffmann n’a rien perdu de son flair. « Je travaille actuellement de façon relativement active avec de jeunes chercheurs sur la manière dont la drosophile reconnaît les cellules cancéreuses et se défend contre ce type d’invasion. Ces questions précises avaient été peu abordées auparavant ». Une fois de plus Jules Hoffmann a eu une bonne intuition. « Nous avons des échanges tous les matins par visioconférence (…) Je m’occupe d’une grande partie des rédactions, de la bibliographie et j’anime les discussions (…) Notre premier travail, qui vient d’être publié, nous a permis d’identifier des centaines de gènes qui sont induits par injection de cellules cancéreuses dans des mouches adultes mais non pas par injection de microbes (…) Les mécanismes moléculaires qui contrôlent ces réponses nous intéressent actuellement au plus haut degré ». À l’écouter parler de ces travaux, il est évident que Jules Hoffmann n’a rien perdu de son enthousiasme. « Je reste enthousiaste comme avant, mais je ne peux plus travailler autant qu’avant. Quand la journée est terminée, je suis fatigué… », dit-il en souriant. Jules Hoffmann affirme s’être habitué à son prix Nobel, il n’a pourtant pas fini d’en honorer le mérite… c

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c D OS S I E R — Q U’ES -T U D EVENUE ? Rédaction : Benjamin Thomas Photographie : Nicolas Rosès, Marie Vialle

Marie Vialle

Plein ouest, une nouvelle vie…

Pour beaucoup d’entre eux, ses nombreux amis strasbourgeois ont découvert son superbe talent de photographe quand, lors du premier confinement, elle a publié les images de son nouveau lieu de résidence, Belle-Île-en-Mer, au large de Quiberon. Rencontre avec Marie Vialle, néo-bretonne et ilienne parfaitement intégrée…   r Norme n° 27 de décembre 2017 avait parlé de Marie Vialle et de son label Bloody Mary Records and Music dans un article de deux pages très fouillé. Charles Nouar y évoquait « presque une exception dans un monde très masculin. Une place qu’elle assume pleinement, forte d’une envie, d’une passion musicale et d’une pugnacité qui lui valent non seulement la confiance des artistes (…) mais également d’un nombre croissant de ses aînés… »

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« Au moment de cet article, j’étais à fond les ballons » commente aujourd’hui Marie

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« car j’avais décidé de faire de Bloody Mary mon sacerdoce. Objectivement, j’ai alors très mal mesuré à quel point se retrouver toute seule dans ma petite structure allait assez vite m’essouffler. Dans ce milieu-là, particulièrement dans les musiques actuelles indépendantes, on dépense beaucoup d’énergie pour très peu de retours en matière financière et autres. C’est très, très dur et ce fut d’autant plus dur qu’à Strasbourg, j’ai pu constater que c’était vraiment chacun pour soi, chacun cherchant avant tout à préserver son petit carré vert. Malgré tout ça, j’ai encore sorti un album avec Manuel Etienne en novembre 2019 avec quelques dates de concert et j’ai eu encore quelques autres dates bookées début 2020. Mais j’ai mis fin à mon activité de placement de concerts en raison de cet énorme ras-le-bol et parce que mon frère Franck, installé depuis la fin 2019 à Lorient, m’avait incitée à étudier ce projet de déménagement en Bretagne avec l’idée de trouver du taf dans la culture, là-bas. Très amoureuse de cette région, j’ai franchi le pas… » Une fois installée, après quelques petites formations en management culturel, Marie décide de « faire un petit break d’un mois à Belle-Île-en-Mer dans un petit 25m2 loué au Palais » (le port principal de l’île - ndlr). Elle est encore là le 12 mars 2020, à quelques jours de rentrer sur le continent quand le premier confinement survient. Bloquée, elle continue ses longues balades solitaires et, photographe (et lève-tôt) dans l’âme, elle se passionne pour les belles lumières et

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ambiances bretonnes qu’elle n’hésite pas à publier quotidiennement sur les réseaux sociaux. « Et là » avoue-t-elle avec un étonnement non feint, « est né un véritable engouement pour mes images. » À la rédaction de Or Norme, on peut témoigner de ce phénomène pour l’avoir éprouvé nous-même. Et ce n’était pas seulement dû à notre propre confinement d’alors. Le littoral est un véritable piège pour les photographes : par millions, il y a les photos « cartes postales » et puis, il y a quelques photographes qui parviennent à capter l’âme des paysages. Sincèrement, les photos de Marie Vialle se classent résolument dans cette deuxième catégorie… On a reparlé très récemment avec Marie. Se sentant toujours aussi bien intégrée dans la communauté de Belle-Île (les iliens ont vu eux aussi ses photos sur les réseaux sociaux

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« Je ne regrette donc pas mon départ de Strasbourg car, ici, je mesure ma chance chaque jour qui passe. »

et elle est devenue correspondante locale du quotidien Le Télégramme …), elle vient de décrocher un job à plein temps à la comptabilité d’une PME installée sur l’île. « Je suis super heureuse car il semble que ce soit la fin de la galère et que ma nouvelle vie démarre bien. Je ne regrette donc pas mon départ de Strasbourg car, ici, je mesure ma chance chaque jour qui passe. Je shoote des photos comme jamais et des commerçants de l’ile m’ont commandé des cartes postales pour la saison touristique… Et d’ajouter : « Je suis devenue aussi administratrice du festival estival Lyrique en Mer et je ne perds pas de vue l’idée de monter une assoc pour organiser des concerts dès que la pandémie se sera éloignée… » On se disait bien que la musique ne l’avait pas complètement quittée… c c D OS S I E R

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c D OS S I E R — Q U’ES -T U D EVENU ? Rédaction : Barbara Romero Photographie : Nicolas Rosès

Angèle et Raymond Lieby « J’aime la vie, mais je ne referais pas le même chemin. » Neuf ans après la sortie de son livre Une larme m’a sauvée(*) où elle racontait son calvaire à l’hôpital, plongée dans le coma, ressentant tout, entendant tout, prise pour morte, mais ne pouvant s’exprimer, Angèle Lieby est revenue nous voir avec son mari Raymond. Tous deux plus amoureux que jamais et croquant la vie à pleines dents.

e l’énergie à revendre, aussi amoureux que notre directeur de la rédaction les avait décrits en 2012… Rencontrer Angèle et Raymond Lieby fait un bien fou en ces temps incertains. « Nous devions nous remarier à Saint-Pétersbourg pour nos 50 ans de mariage en juillet dernier, mais la COVID en a décidé autrement, raconte le couple. Ce n’est pas grave, nous le ferons pour nos 80 ans ! » Aussi bavards l’un que l’autre, ils racontent leurs années folles après la sortie du livre Une larme m’a sauvée, coécrit avec le journaliste Hervé de Chalendar. « Le premier journaliste à m’avoir interviewée, c’est Jean-Luc Fournier, votre directeur de la rédaction. Il m’a mis le pied à l’étrier. J’étais terrorisée au début, puis je suis partie dans mon récit. On entendait une mouche volée dans la salle Blanche de la Librairie Kléber où il y avait 400 personnes. Puis tout s’est enchaîné, le jour-même M6 m’attendait devant la maison, puis RTL et ainsi de suite. »

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Le succès du livre d’Angèle est retentissant, édité en 15 langues et vendu à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires. 34

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* Son histoire En juillet 2009, accablée par une migraine, Angèle Lieby se rend aux urgences d’un hôpital de Strasbourg. Son état s’aggrave. On doit la plonger dans un coma artificiel. Quatre jours plus tard, les médecins n’arrivent pas à la réveiller. Malgré toutes les stimulations, elle ne montre aucun signe de vie. « Il faut la débrancher », annonce-t-on bientôt à son mari. Pourtant, le jour d’anniversaire du mariage d’Angèle, sa fille voit une larme perler au coin de la paupière de sa mère. Angèle est non seulement vivante, mais parfaitement consciente. Depuis le premier jour. Angèle Lieby raconte dans ce livre son expérience hors du commun : l’enfer d’une femme enfermée dans son propre corps ; l’amour de ses proches, qui ne l’abandonnent jamais ; sa lente résurrection. Une incroyable leçon de vie, d’amour et de détermination.

Angèle et Raymond sont invités en Italie, en Suisse, au Canada. Pendant les cinq années qui ont suivi sa sortie, ils voyagent beaucoup. « Je ne peux expliquer ce succès, je pense que notre histoire touche les gens », estime justement Angèle. « Les écoles d’infirmières achètent ce livre, nous avons fait des conférences un peu partout en France, ajoute-t-elle. « L’une d’entre elles m’a dit « grâce à votre livre, je vois aujourd’hui que les gens en réa’ ne sont pas inertes, et c’est génial. Moi j’aurais voulu qu’un médecin me dise « Je ne sais pas ce que vous avez mais nous cherchons ». Après la sortie de mon livre, des soignants m’ont appelé pour me dire « mais vous étiez morte ». Mes trois encéphalogrammes étaient plats. » Reste qu’ils se sont retrouvés parfois dans des situations délicates, comme après une conférence-fleuve dans les Vosges, où des parents leur ont demandé s’ils devaient vraiment débrancher leur fils victime d’un tragique accident de moto. « Il n’y avait plus d’espoir, j’ai répondu que je ne le laisserais pas souffrir plus longtemps. Pour l’euthanasie, chaque cas est différent. Je suis heureuse de vivre, je suis une bonne vivante,

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«  La Covid me fait peur à cause des respirateurs, j’ai passé six mois en réa, je sais ce que c’est. »

j’aime la vie ! Mais je ne referais pas le même chemin, j’ai déjà écrit mes directives. » À ses côtés, Raymond ne l’entend pas de cette oreille, même s’il ne dit mot… Fort heureusement, au quotidien, ils ne pensent plus à ces années douloureuses. Ultra actifs, ils font du sport, de la randonnée, des marches quotidiennes, de la muscu. « Il faut la suivre !, s’amuse Raymond. Nous sommes tellement en bonne santé que l’on croque la vie à 200%. »

Avec la COVID, ils ont toutefois dû se réinventer. « Avant, elle allait trois fois en salle de sport par semaine, là ce n’est plus possible. Alors on en fait à la maison. » Mais confinés, amoureux, ne veut pas dire l’un sur l’autre. « On a chacun notre pièce, chacun notre télé, et le week-end, on est ensemble. Ce que l’on faisait en temps normal. » Sans doute là la clé d’une relation durable et épanouie. « Je regrette juste d’avoir arrêté de travailler il y a deux ans, explique Raymond qui était apporteur d’affaires après une carrière de policier. Cela m’aurait aussi occupé pendant le confinement ! ». Les deux aventuriers rêvent déjà de leurs prochaines randonnées dans les Dolomites, « après la Covid ». Une situation qui perturbe tout de même Angèle. « La Covid me fait peur à cause des respirateurs, j’ai passé six mois en réa, je sais ce que c’est. » « Il faut que je la protège, alors je me protège », appuie Raymond. Sans pour autant vivre reclus à deux : chacun apprécie les marches entre copines ou les moments en plein air avec des amis. En attendant le retour à la normale qui devrait être encore plus sportif pour ce couple exemplaire. c c D OS S I E R

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c D OS S I E R — Q U’ES -T U D EVENU ? Rédaction : Erika Chelly Photographie : Nicolas Rosès

Hatim Elmrini Toujours un projet d’avance

En repérant par hasard cette vieille (et magnifique) Triumph Herald 168 d’un rouge écarlate sur un parking de société, nous avions été les premiers dans notre numéro 8 de décembre 2012 à vous parler de cet excellent réalisateur strasbourgeois qui venait de terminer Forever Car, son premier long métrage en autoproduction…

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r Norme avait également parlé en mars de l’année suivante du beau succès rencontré par l’avant-première du film opportunément organisée par le cinéma l’Odyssée. Salle comble, applaudissements nourris et bien mérités… « Je me souviens si bien de ce soir-là » se rappelle Hatim. « Un an après avoir terminé l’écriture du script, je repensais aux quatre mois de tournage très intenses, puis du montage. Enfin, toute l’équipe découvrait Forever Car sur le grand écran d’une salle. Waooh… » Huit ans plus tard, le film va enfin pouvoir être projeté dans le circuit des festivals : « En fait, je n’ai cessé de le faire évoluer au niveau du montage, et à chaque fois que je corrigeais une de mes erreurs d’origine, j’en découvrais une autre et ainsi de suite… Je ne peux pas encore trop en parler, mais ça y est, j’arrive au bout de la démarche, le film va avoir une seconde vie… » affirme mystérieusement Hatim.

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Depuis, ce fou d’image s’est mis à son compte et a continué à réaliser de très beaux films « de marques, révélant l’identité et l’ADN » des sociétés ou institutions commanditaires. Déjà repéré et reconnu à l’époque de la sortie de son film, Hatim est devenu une véritable signature dans le milieu des grosses sociétés de production du secteur grâce à son écriture et son inspiration. « Une respiration poétique et un peu hors du temps » comme il le dit joliment. Il illustre précisément sa démarche en parlant de sa dernière production en date, pour le compte de Mane à Grasse, un des plus grands fabricants de flagrances de parfum et d’arômes naturels au monde. « On a fait le choix d’aller au cœur de la matière, de montrer le mouvement de ses atomes. Personne n’était allé aussi loin auparavant, on s’est éclaté, c’était vraiment chouette de montrer cette effervescence de matière… » dit Hatim. Loin des innombrables « produits corporate » qu’on voit partout… L’entendre parler de longues minutes de la prouesse technique qu’il a dû mettre en œuvre, sans images 3D, pour fabriquer ce petit bijou de film nous fait irrésistiblement penser aux artisans d’art. Modeste, Hatim réfute la comparaison. N’empêche… Et quand on lui fait remarquer qu’il s’éclate vraiment en tant que créateur, il approuve en rajoutant : « Là, ce fut une éclate sur la goutte d’eau mais on a également pris notre pied en allant tourner sur le porte-avions Charles de Gaulle ou à bord de sous-marins pour le compte de Naval Group, un univers incroyable… » L’époque actuelle lui pèse avec tous ces projets sans cesse reportés. « C’est voyager qui me manque le plus » avoue-t-il. Malgré tout, « comme on connaît bien l’oiseau », même ces mots n’éteignent pas la petite lueur malicieuse qui scintille au coin de son œil. On finit par découvrir le pot aux roses : « Je travaille depuis plus d’un an sur un projet de nouveau long métrage » confiet-il. « On est bien avancés, on est en train de terminer la fabrication du décor, dans une cave. Ce sera très touchy, en huis clos… » On finit par lui arracher que ce sera un scénario de science-fiction dans une époque très proche de nos jours et qui parlera « du savoir tout-puissant, absolu, qui pèse sur les êtres humains… » Le tournage devrait être terminé d’ici la fin de l’année. Quelque chose nous laisse penser que Or Norme va reparler de Hatim Elmirini courant 2022… c

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c D OS S I E R — Q U’ES -T U D EVENU ? Rédaction : Barbara Romero Photographie : Nicolas Rosès

Silvio  A  Philippe

De Charlie à dir’cab

À 19 ans, Silvio Philippe avait été la cheville ouvrière de la marche républicaine réunissant 40 000 personnes à Strasbourg suite aux attentats contre Charlie Hebdo. L’étudiant en première année à Sciences Po d’alors, est aujourd’hui directeur de cabinet de Danielle Dambach, maire de Schiltigheim. Certainement l’un des plus jeunes de France du haut de ses 26 ans.

llure décontractée en petit pull et Converses, avenant, Silvio Philippe n’a rien du directeur de cabinet austère et tiré à quatre épingles. Dans son bureau qu’il partage avec sa chef de cabinet Zoé Benali fraîchement sortie de Sciences Po comme lui, il repense à son « année Charlie », en 2015. « Organiser cette marche n’a pas changé ma vie, mais cela l’a marquée. Je me suis retrouvé très rapidement propulsé dans des réseaux que j’aurais mis dix ans à intégrer » confie-t-il. « J’ai été confronté à des idées, à des militants pour les droits humains, la solidarité, le respect, c’était très stimulant. La notion de liberté était fondamentale. » Après avoir organisé la marche pour Charlie épaulé par les réseaux associatifs strasbourgeois, Silvio Philippe a réussi sa première année d’un cheveu. Direction ensuite Lausanne pour étudier les inégalités des genres, un sujet qui lui tient particulièrement à cœur, avant de décrocher son master 2 en administration locale et régionale à Sciences Po à l’été 2019. Son diplôme en poche, il est de suite embauché en tant que chef de cabinet de la maire de Schiltigheim Danielle Dambach. Il faut dire que le jeune homme avait été repéré en tant que chef de file du parti EELV strasbourgeois de 2017 à 2019. Depuis le début du deuxième mandat de la maire de Schiltigheim, il est passé directeur de

cabinet, à tout juste 26 ans. « Je ne sais pas si je suis le plus jeune de France, sourit-il. Avant d’accepter, j’ai pris le temps de réfléchir. L’expérience est fondamentale, mais la première compétence nécessaire, c’est la compréhension de l’élu pour lequel on travaille, cela n’attend pas le nombre des années. » Quand d’autres se cherchent encore, Silvio Philippe ne compte pas ses heures et s’investit à 2000% pour sa mission « la réussite de notre élue. Mon job, c’est de faire ressentir ce qu’elle pense. Aujourd’hui, je me projette sur plusieurs années, car je me sens utile et épanoui. » S’il a activement participé à la campagne de Jeanne Barseghian, « déjà avant qu’elle ne soit la seule à se convaincre de se présenter », Silvio n’ambitionne pas de rejoindre le cabinet de la maire strasbourgeoise. « Je suis engagé auprès de Danielle Dambach, et le fonctionnement du cabinet strasbourgeois est complètement différent, avec 20 personnes à son bord. À Schiltigheim, nous sommes deux, notre travail est de l’ordre de la proximité et de la polyvalence. À deux, nous portons l’ensemble du projet politique. » Envisage-t-il d’être en politique toute sa vie ? « Peut-être qu’à un moment donné j’aurais envie de faire quelque chose qui me laisse davantage de place pour ma vie, le militantisme, les activités artistiques ou sportives. » Mais cela n’est clairement pas à l’ordre du jour. c

« L’expérience est fondamentale, mais la première compétence nécessaire, c’est la compréhension de l’élu»

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c D OS S IER — QU ’ES-T U DEV EN U   ? Rédaction : Amélie Deymier Photographie : Nicolas Rosès

Laurent Schmoll

Le visionnaire Le petit objectif qui se fixe sur les smartphones et qui permet d’examiner et de photographier les tympans, c’est lui. Laurent Schmoll, médecin ORL à Strasbourg, est un des pionniers de la télémédecine. Habitué de nos pages, on l’avait laissé en 2017 au début de l’aventure TokTokDoc, un service de télémédecine proposé aux Ehpad. Quatre ans plus tard sa petite entreprise ne connait toujours pas la crise.

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rois-cent Ehpad en France, c’est le nombre de clients de TokTokDoc. « C’est une tablette et un stéthoscope connecté qu’on vend aux Ehpad pour qu’ils puissent faire de la téléconsultation entre un patient avec une infirmière dans l’Ehpad et n’importe quel médecin qui a un ordinateur avec une webcam ». Ce modèle — qui s’adresse essentiellement au secteur médico-social, en particulier aux personnes âgées et/ou en situation de handicap, donc difficiles à déplacer — a rapidement trouvé ses limites et incité Laurent Schmoll et son équipe à chercher des solutions pour l’améliorer. « On s’est rendu compte qu’on était en très fort sous-usage parce que les infirmières dans les Ehpad n’avaient pas le temps. Elles ne sont pas nombreuses on le sait et en plus elles sont surbookées », qui plus est en pleine crise sanitaire. Laurent Schmoll et son associé décident alors de proposer au ministère de la Santé un

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nouveau modèle : la polyclinique mobile. Une première en France. « On a obtenu un numéro FINESS, comme un hôpital ou une clinique (…) mais sans structure murale ». Depuis mars 2020 se sont ainsi cinq infirmiers et infirmières engagés par TokTokDoc qui couvrent les sept Ehpad test de l’Eurométropole. « Ils viennent le lundi matin se fondre avec les équipes de soin pour recueillir les besoins (…) et reviennent le mardi et le mercredi après avoir organisé la téléconsultation » avec différents spécialistes. Durant la téléconsultation ils réalisent les gestes nécessaires à l’examen clinique. Ils sont en quelque sorte les mains du médecin qui lui est connecté à distance. Ils font ensuite un compte rendu aux familles et au médecin traitant. Résultat : « une augmentation de 8 à 18 fois plus de téléconsultations ». Avec sa polyclinique mobile, Laurent Schmoll fait ainsi d’une pierre trois coups : non seulement il propose un nouveau système de soins et de médecine préventive plus efficace, il invente un nouveau métier — « care manager, manager du soin » — mais il propose également un nouveau modèle économique. Une tarification, non plus à l’acte, mais au forfait mensuel par patient, et ce sont quelques milliards d’euros d’économie pour la Caisse d’assurance maladie : « Je vous donne un exemple chiffré : dans un Ehpad il y a en moyenne 80 lits. Sur les 80 lits 50%, donc 40 personnes, sont hospitalisées dans l’année (…) sur les 40 on sait que (…) 20 le sont de façon inutile » 20 jours en moyenne à 1000 euros la journée. « Donc si vous faites 20 personnes hospitalisées pour 20 jours inutilement, c’est 400 000 euros par Ehpad dépensés de façon totalement inutile ». De quoi séduire le ministère de la santé qui a donné son accord pour qu’en 2021, onze Ehpad de plus entrent dans la phase de test qui doit s’étendre sur 36 mois. Une affaire à suivre donc… c

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c D OS S I E R – OR N O RME A DIX A N S  !

Hors-séries Or Norme Or Norme Spécial Charlie Janvier 2015

Habiter Hors-série de l’habitat à Strasbourg 2019 & 2020

Les hors-séries thématiques de Or Norme complètent l’offre rédactionnelle du magazine trimestriel. Cinq numéros sortiront en 2021.

ST-ART Hors-série de la Foire européenne de l’art contemporain et de design 2017, 2018 & 2019

Le livre de ma vie Avec la librairie Kleber 2019

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Terriennes Hors-série des Internationaux de Strasbourg 2017, 2018, 2019 & 2020

Épicuriens Hors-série incontournable des hôtels, restaurants et bars. 2018, 2019 & 2020

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Quêtes Hors-série des entrepreneurs innovants du Grand Est. 2020

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c D OS S IER — O R N O RME A DI X ANS !

e r i a t n e m m Co

Rédaction : Charles Nouar

!   s n a 0 1 , n i a t Pu ’est comme cela que tout a commencé. Un coup de fil de Véro. Leblanc. Une amie, une plume, une confiance absolue en elle et en son jugement. Véro, c’est la fille qui peut se retrouver un bras coincé dans la porte extérieure d’un wagon de train entre Bruxelles et Namur, faire des Bolino en rase campagne à un groupe de touristes espagnols un 23 décembre au soir, mais qui ne t’embarquera jamais dans un plan pro foireux. Alors j’ai dit oui. Rendez-vous 25 boulevard du Président Wilson : celui-là même dont l’épouse s’affirmait descendante de Pocahontas.

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Sur le fronton de la petite ruelle intérieure qui mène à l’Appart Hôtel Victoria, écrit en lettres massives :  Mannesmannröhren und eisenhandel - Geselleschaft mit beschrändkter Haftung  en référence à un passé sidérurgique et à ce qui était, jusqu’en 1990, une usine de boites de conserve. Entre revisite et poids de l’histoire, tout pour rassurer… Entrée par une porte sur la gauche, première rencontre avec Do It. Une passion éditoriale, un avis sur tout, des punchlines dignes des Tontons flingueurs et cette idée un peu ubuesque : créer un vrai magazine sur Strasbourg, gratuit, fait par des journalistes ; un truc qui claque, qui donne envie, sans concessions, (H) or(s) Norme. Là, forcément tu commences par soupirer, faute d’avoir trop entendu ce couplet par le passé, mais le mec se montre convaincant. Mieux, il t’annonce que tu seras (correctement) payé, qu’on fera bosser des photographes pro, qu’on aura un(e) secrétaire de rédaction. Limite, toutes les bases techniques d’un métier sabordé depuis vingt ans par des cohortes de « marketeux » dont l’horizon éditorial ne dépasse plus celui d’un tableau Excel. Do it ? C’est le surnom qu’on a un temps donné à Jean-Luc : parce qu’à chaque idée rédactionnelle, le mec te répondait immanquablement par ce slogan de chausseur. Mieux, pour être sûr que tu n’oubliais pas tes propres idées, il te les renvoyait par mail… en lettres capitales rouge sang, taille 40. Officiellement, un bug d’affichage numérique. Dans les faits, pour nous, un héritage supposé de son passé d’instit’ et l’angoisse de devoir investir dans un écran 21 pouces à 2000 balles, décoré de petites fleurs et de cœurs pour en atténuer l’effet oppressant.

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Mais la ligne éditoriale n’a pas varié, avec l’humain pour conducteur : préférer les gens qui créent à ceux qui maugréent, les maraudes de Noël aux illuminations, le parcours tendre et douloureux de prostituées à celui des tartuffes de la pensée low cost, des reportages in situ sur des expats jusqu’à la Havane où tu t’entends dire Do it ! quand tu soulignes que tu ne parles pas un mot d’espagnol. Un reportage hors norme où, à peine installé dans ta Casa Familia, ta première rencontre est avec une serveuse de burgers au coin de ta rue, qui te lance le plus naturellement du monde un good, love, good sex, good night  en se caressant la poitrine. P… dans quoi tu m’as encore embarqué Jean-Luc ? Là, tu creuses, t’essaies de comprendre ce qu’est la Havane d’aujourd’hui, tu t’étonnes, t’étouffes et réalises pas mal de choses. Féministes radicales s’abstenir de hurler a priori parce que le sordide de te faire siffler tous les cent mètres t’aide à prendre conscience de pas mal de choses sur la « condition féminine ». Et puis, on a eu des bugs, aussi. L’un des meilleurs : celui de ce commercial qui approchait au nom du titre, des annonceurs pour leur vendre des abonnements de golf. Premier trou noir budgétaire dû a une petite balle blanche en surlyn et uréthane. Jean-Luc a eu beau hurler, chercher des solutions, s’épuiser à trouver des commerciaux compétents, la loi de Murphy était devenue son point Godwin. Autre titre Or Norme, le magazine Eurometropolitan n’y résista pas. Pas plus que les emplois de Marianne et Bärbel, deux traductrices que t’imaginerais presque sorties d’un Marvel tant elles n’ont jamais rechigné à la tâche : #Bisous #VousNousManquez. Et d’une secrétaire de rédaction, Julie : #Itou. Nous, avec Véro, on aurait aussi dû couler, mais Jean-Luc n’a jamais lâché. Pas plus que vous, lecteurs. C’est là que Patrick A. est arrivé, tel un réparateur chauffagiste de l’Iceberg « tueur » du Titanic. La suite, vous la connaissez : Or Norme est toujours là : un petit miracle en soi. La rédaction, elle, s’est agrandie ; Régis, prodigieux commercial de cette nouvelle ère (#LePremier #Merci) vient de rejoindre la startup nation (# P... LeCon #PressionAuSuivant) ; une marque (même si la multiplication des genres m’angoisse parfois) se dessine, s’affirme, tant les projets sont multiples. Une décennie que cela dure. Presque un effet Disney. Wilson, Pocahontas. Il y a des moments, c’en est presque à s’interroger sur les signes… d’ailleurs trop nombreux dans ce papier par rapport à ce qui m’avait été demandé. Mais bon : Putain, 10 ans  ! c

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Crémant d’Alsace. Simplement brillant.

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Tant de personnalité(s) * Le savoir-faire des vignerons alsaciens confère au Crémant d ’Alsace une robe br illante et délicate

L’A B U S D ’A L C O O L E S T D A N G E R E U X P O U R L A S A N T É , À C O N S O M M E R A V E C M O D É R AT I O N


10 ans 10 photos

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Or Norme n° 9 d’avril 2013 Réserve de Wolwedans - Namibie Douze jours de périple en Afrique australe sur les traces d’un cuisinier d’Alsace du nord ayant trouvé l’amour (et un job) dans l’un des plus beaux pays de la planète. Chaque jour au réveil, le sentiment incroyable de vivre le premier matin du monde… Photo : Jean-Luc Fournier

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Or Norme n° 29 de juin 2018 Interview du photographe des stars, Pierre Terrasson - Aubervilliers Une rencontre homérique avec une vraie légende du rock’n roll. Juste avant de nous quitter, on shoote une série de photos de Une. Sur celle-ci, affublé d’un improbable casque de la Wehrmacht rose, Pierre Terrasson braque notre directeur de la rédaction, Jean-Luc Fournier, avec un pistolet en plastique… Photo : Franck Disegni

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Or Norme n° 27 de décembre 2017 Terrassé par un cancer, le comédien Alain Moussay avait souhaité que Or Norme tienne la chronique de ses derniers mois de vie… Photo : Jean-Luc Fournier

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Or Norme n°30 de septembre 2018 Jardin des Deux Rives à Strasbourg Au moment précis où l’arbitre siffle la fin de la finale de la Coupe du monde le 15 juillet 2018 à Moscou, les 10 000 spectateurs qui suivent le match sur l’écran géant ont les yeux rivés sur le triomphe des Bleus. Un seul tourne le dos à l’écran : notre photographe, Nicolas Roses… Photo : Nicolas Rosès

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Or Norme n°28 de mars 2018 Opéra de Strasbourg La directrice de l’Opéra, Eva Kleinitz, pose pour l’objectif de Vincent Muller. Dans l’entretien du magazine, elle évoque le « magnifique accueil » que Strasbourg lui a réservé. Eva Kleinitz nous a malheureusement quittés un an plus tard… Photo : Vincent Muller

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HORS-SÉRIE RESTONS CHARLIE de Janvier 2015 Deux mois après cette photo en Une du magazine-hommage aux victimes des attentats, une idée jaillit : essayons de retrouver cet homme et demandons-lui qui il est. Autant chercher une aiguille dans une botte de de foin !.. Miracle : deux jours plus tard, le téléphone sonne. « Bonjour, je suis Armand Erb, c’est moi qui étais en couverture de votre magazine. Avez-vous encore des numéros, il faudrait que j’en envoie un peu partout… ». Le hasard n’existe pas… Photo : Gilles Varela c D OS SI ER — Or Norme a dix ans

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HORS-SÉRIE ST-ART de novembre 2019 Parc-Expo de Strasbourg Face à face pointilleux… Photo : Bartosch Salmanski

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Or Norme n°39 de décembre 2020 Camp d’extermination de AuschwitzBirkenau (Pologne) Sur la Judenrampe du camp de Birkenau, la pianiste strasbourgeoise Elizabeth Sombart se concentre avant de tourner une scène d’un film réalisé à l’occasion du 250ème anniversaire de la naissance de Beethoven. Photo : Jean-Luc Fournier

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Or Norme n°36 de mars 2020 Fondation Beyeler à Bâle Une bonne heure avant la conférence de presse de l’expo Hooper., on surprend Wim Wenders, grand admirateur du peintre américain, seul devant un dessin dans une salle de la Fondation. Il acceptera une interview au débotté. Un quart d’heure avec Wim Wenders autour d’un café : quel beau métier on fait !… Photo : Jean-Luc Fournier

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OR NORME n°22 de septembre 2016 Salle de l’Aubette à Strasbourg Une belle photo de Une signée Alban Hefti pour une énième édition des Bibliothèques idéales où Or Norme était partenaire de la magnifique manifestation de la rentrée strasbourgeoise. Photo : Alban Hefti

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Or Norme n°32 de mars 2019 Place Kléber à Strasbourg L’hommage du président de la République aux victimes des attentats du 11 décembre 2018 à Strasbourg Photo : Nicolas Rosès

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c D OS S IER — COMP L OT I SM E Rédaction : Jean-Luc Fournier Photographie : Nicolas Rosès - Simon Woolf - SkyNews - DR

Complotisme

Cet autre virus qui défie la démocratie

QAnon et c’est le Capitole qui est pris d’assaut aux États-Unis, le film Hold-up et ses millions de vues et c’est la France qui vacille… C’est ainsi quasiment partout : le mensonge industrialisé transporté à la vitesse de la lumière par les réseaux sociaux mine nos démocraties en ravageant les relations sociales et en diffusant son puissant venin… Nous avons voulu comprendre en rencontrant une victime du complotisme qui nous raconte comment son couple a failli se désintégrer et un autre témoin qui ne fut pas le dernier à s’abimer dans les théories complotistes avant de se ressaisir. Zoom sur un fait de société qui ne sera pas éradiqué avant très longtemps et contre lequel il faut lutter avec constance et intelligence…



c D OS S IER — COM PLOT I SM E Rédaction : Jean-Luc Fournier Photographie : Nicolas Rosès - Simon Woolf - SkyNews - DR

Complotisme « D’un coup, nous vivions dans deux mondes différents…» Nous avions rendez-vous avec Stéphane* dans un restaurant de Kehl, juste avant la fermeture administrative décidée par le Land du Bade-Wurtemberg le 11 janvier dernier. Ce jeune cinquantenaire est cadre commercial pour le compte d’une société qui l’emploie des deux côtés du Rhin. Il nous raconte ici la lente dérive de sa compagne vers les territoires sombres du complotisme et le combat qu’il a alors mené « avec les moyens du bord » pour sauver son couple, sans être aujourd’hui très sûr d’y être totalement parvenu. Un témoignage glaçant, le récit de faits qui peuvent tous nous concerner brutalement et à n’importe quel moment…

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n ne peut pas mesurer, à l’évidence, le courage qu’il faut pour prendre la décision d’affronter les questions (forcément trop intrusives) d’un journaliste sur des événements qui mettent en jeu l’intimité d’une vie de couple au plus profond. Alors, même rassuré par de nombreuses conversations téléphoniques durant lesquelles nous n’avons pas cessé de lui garantir l’anonymat qu’il exigeait, Stéphane a eu besoin de très longues minutes pour parvenir à raconter l’engrenage dans lequel son couple a bien failli imploser en vol durant les derniers mois de 2020. Mais peu à peu, les mots sont devenus plus assurés, les circonstances se sont précisées et il a fini par se raconter avec, en toile de fond, l’espérance que son « témoignage puisse servir à quelques personnes qui le liront » et qui seraient elles aussi engagées dans ce combat qui ne laisse aucun répit. Entretien.

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Le complotisme a fait une entrée fracassante dans votre vie personnelle et de façon finalement assez récente. Quel a été le processus ?

« Oui, cela s’est passé dans la sphère privée, dans mon couple. Je partageais une vie commune avec ma compagne depuis une vingtaine d’années. Nous sommes dans la même fourchette d’âge, elle a longtemps été enseignante et n’exerce plus depuis quelques années. Cela s’est manifesté au début de l’automne dernier l’an passé. Et cela s’est concentré essentiellement au départ à

l’approche des élections américaines Trump/Biden. Depuis longtemps, elle avait une sympathie avouée pour Trump mais c’était resté comme une plaisanterie entre nous deux : j’étais bien sûr très éloigné de son opinion et je lui disais souvent que pour moi, Trump c’était Depardieu à l’Élysée : la grande gueule, le mec qui s’impose par son physique… Mais elle avait un réel penchant pour ses égarements et ses débordements. Son analyse n’était absolument pas politique, c’était le personnage qu’elle appréciait. Ça restait bon enfant. Et puis là-dessus se sont profilées les élections, on devait être courant septembre ou tout début octobre… Je me dois de préciser qu’auparavant, je n’ai jamais décelé le moindre signe avant-coureur. Au printemps, au début de la pandémie, elle a été une des premières à se procurer les masques, par exemple. Parallèlement, à la même époque, elle a commencé à rechercher plein d’informations sur internet à propos de la Chine et de ce qui s’y passait à propos du virus. Elle ne cherchait pas ses informations sur les principaux médias mainstream, c’était tous azimuts. Très vite, elle a commencé à évoquer le fait que les chiffres diffusés par la presse étaient falsifiés et que c’était le fait du gouvernement chinois… Elle n’avait pas forcément tort, sur ce sujet…

Tout à fait. Mais elle avait aussi déniché des images en dehors des sites traditionnels, des images qui montraient des charniers à ciel ouvert et qui révélaient l’ampleur de la pandémie. En ce qui me concerne, je savais

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que ces images n’étaient pas sourcées et qu’elles étaient pour le moins sujettes à caution. Je ne m’en suis pas vraiment ouvert à elle à ce moment-là. Là-dessus survient le premier confinement, le 12 mars 2020. Et elle s’est alors mise à consacrer énormément de temps à ses recherches sur internet. C’est un trait fondamental de son caractère, elle se passionne à fond pour ce qu’elle entreprend, et elle va toujours au fond des choses. Peu à peu, je l’ai entendue affirmer que les médias principaux menaient une politique de désinformation, que le professeur Raoult avait raison et que l’hydroxychloroquine pouvait guérir de la Covid. Aujourd’hui, je pense qu’elle était déjà allée très loin vers ce genre de théories et qu’elle ne me distillait le fruit de ses recherches qu’à petit feu. Plus tard, vers la fin de l’été, je pense que c’est là qu’elle a commencé à s’imprégner profondément de ce qu’elle lisait sur des sites d’information très douteux, d’autant que ça a correspondu aux premiers frémissements de la dernière ligne droite de campagne américaine… Durant tous ces mois, est-ce que vous aviez des discussions tous les deux ? Comment se passaient-elles ?

Personnellement, j’étais constamment dans le réel puisque j’étais tous les jours sur le terrain pour mon boulot et je rencontrais des gens touchés par la maladie, directement ou indirectement. Je lui parlais de ces rencontres et de tous ces gens. Et elle, de son côté, elle commençait déjà à minimiser le nombre de cas réels. Il n’y avait cependant pas de réels conflits là-dessus mais

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« À ce moment-là, il n’y avait plus de place pour les arguments rationnels... »

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sincèrement, nous n’étions déjà plus sur la même longueur d’onde, en quelque sorte, on divergeait doucement… J’ai remarqué qu’elle doutait encore plus des médias traditionnels, s’orientant résolument vers des sources d’informations venues du net. Mais c’est à quelques semaines des élections américaines que tout s’est cristallisé. La sympathie qu’elle éprouvait pour Trump s’est assez brutalement transformée en une véritable fascination et là, j’ai commencé à réaliser qu’il se passait quelque chose de vraiment anormal. Et très soudainement, lors d’un énième échange entre nous qui ressemblait déjà à tant d’autres auparavant, elle a brutalement déversé les thèses QAnon. J’en ai été extrêmement surpris. C’est comme si elle se retenait depuis très longtemps et que, d’un coup, la digue cédait. Pour être très sincère, je ne savais même pas à cet instant que QAnon existait. J’ai compris ce qui se passait après avoir fait moi-même quelques recherches. Elle était persuadée que Biden était ce pédophile sataniste abondamment décrit dans les publications de QAnon. On était soudain très loin des analyses politiques sur le cas de Trump, un sujet que nous avions souvent abordé ensemble auparavant et sur lequel j’attirais volontiers son attention sur ses propres contradictions : sincèrement, quand on voyait et entendait ses partisans, on ne pouvait que les comparer au pire des Gilets jaunes chez nous. Et elle, en bonne bourgeoise qu’elle est psychologiquement et financièrement, elle les détestait ces Gilets jaunes… Mais soudain tout cela a été balayé. À ce moment-là, il n’y avait plus de place pour les arguments rationnels, elle c D OS SI ER — Complotisme

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s’est mise à m’opposer violemment toute la rhétorique et l’agrégat QAnon : l’entourage pédo-satanique de Biden, les relations profondes entre Clinton, Obama et Jeffrey Epstein (ce milliardaire américain sex-addict qui s’est suicidé en prison en 2019 à la veille de comparaitre dans son procès pour trafic de mineurs -ndlr), Epstein qui selon elle ne se serait nullement suicidé dans sa cellule mais aurait été « éliminé » pour ne pas qu’il parle. Bref, si sur le sujet de Trump on en était resté jusqu’alors sur le ton de la plaisanterie ou de la taquinerie, là, à cran, elle ne plaisantait plus du tout et se révélait d’un coup très véhémente. Soudain, j’entendais des choses comme : « Oui, mais toi tu es trop péremptoire, tu ne jures que par ce que te racontent les médias officiels. Si tu te renseignais mieux sur le sujet… » Sousentendu, moi j’ai exploré tout ça et je sais mieux que toi. D’un coup, nous vivions dans deux mondes différents…

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« Les raisonnements logiques qu’on peut opposer à ceux qui sont sous cette domination ne pèsent pas bien lourd. » On touche là au cœur du comportement des complotistes. Ils se vivent comme appartenant à une frange supérieure de la société, celle de ceux qui savent…

C’est exactement ça. On peut dire qu’elle avait beaucoup bossé : si elle avait déployé le même sérieux et la même énergie sur des supports crédibles, elle serait devenue une experte sur ces sujets. Mais non, elle est partie sur cette voie-là. Et elle a été happée… Quoiqu’on en dise, le système complotiste est très bien foutu mais pour moi, c’est purement et simplement une mécanique sectaire qui est très bien huilée pour amener la personne sous influence vers un objectif bien précis. Et ce système est très bien verrouillé. Elle s’est investie à fond là-dedans, en recueillant toutes sortes d’informations et en les relayant sans discernement. Dans la journée, elle pouvait mettre en ligne une trentaine de publications, toutes plus délirantes les unes que les autres, elle en était à ce point… Quelquefois, je contestais sur internet l’un ou l’autre de ses posts et immédiatement je me prenais une volée de bois vert par toutes sortes de gens qui, comme elle, étaient favorables à ces thèses, parmi 66

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lesquels il y avait nombre d’antisémites et de négationnistes. Combien de fois j’ai lu : oui, mais toi, tu es un mouton comme tous les autres, tu ne te donnes pas les moyens de t’informer ailleurs, vous êtes tous manipulés, quand on se renseigne un peu on se rend compte qu’on ne vit pas dans le monde où on pense vivre et j’en passe... Au final, quand tu lis sous la plume de ces gens que les attentats du 11 septembre 2001 à NewYork était en fait une gigantesque manipulation de la CIA, alors là, tu cesses toute conversation et tu coupes tout… Donc, tout ça est allé crescendo jusqu’à l’élection. Comment votre compagne a-telle réagi à la défaite de Trump ?

Comme tous les complotistes. Les dés étaient pipés dès le début, c’était couru d’avance, l’élection a été truquée. Et quand je lui disais que les propres juges que Trump avait lui-même nommés n’ont accordé aucun crédit à ce qu’il alléguait, elle repoussait l’argument d’un revers de main. Rien n’y a fait… Dans quel état s’est retrouvé alors votre couple ?

Pour moi un couple c’est une entente aussi bien physique qu’intellectuelle. Alors, dans ces conditions, les relations ont fini par se distendre considérablement. Je ne pouvais plus partager quoi que ce soit avec une personne qui était si loin de la réalité des choses. De mon côté je me suis toujours efforcé de rester dans l’ironie distante vis-à-vis de tout ça et peut-être a-t-elle été excédée par le petit côté sarcastique qui a été le mien. Mais, vers

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la fin de l’année, elle n’a cessé d’exprimer de la colère et du mépris envers moi. Souvent, ses mots relevaient de l’insulte pure et simple. Tout ça devenait plus qu’obsédant, on en revenait sans cesse et sans cesse à ce sujet-là, à ce qui nous opposait si fondamentalement. Dans cette sphère du complotisme, on finit par tout amalgamer et on en arrive à parler du Deep State, l’État profond, tu nages dans l’uchronie la plus totale, on te raconte que les descendants des dynasties Rockfeller ou Rotschild continuent en secret à gouverner le monde, puis tu vois arriver Bill Gates avec son projet de dépopulation, les GAFAM, les chemtrails, les Big Pharma avec leur volonté d’une vaccination mondiale avec les puces de traçage 5G incorporées dans les vaccins. Sur ce dernier point, je n’ai pu m’empêcher de vraiment me moquer d’elle tant c’était énorme. Il y avait alors chez elle comme une espèce de fascination, un peu comme un ado qui regarde Matrix, ce film extrêmement bien foutu en termes de scénario sauf que c’est de la science-fiction, c’est tout sauf la réalité. C’est exactement la même chose pour les scénarios complotistes, tout part d’un fait réel puis on bascule dans la fiction la plus totale et c’est également très bien foutu aussi. J’ai fini par comparer ça à du tuning d’informations. Comme ceux qui métamorphosent leur bagnole, les complotistes partent d’un fait réel, ils l’hypertrophient à outrance et ça devient une vérité pour leurs adeptes et c’est très difficile à déconstruire. Bon, c’en était trop. Vers la fin novembre dernier, on a fini par se séparer… Avec le temps qui passe, quelle est votre analyse sur ce qui s’est passé, sur la violence de ce phénomène qui vous a séparé et sur les raisons qui lui ont fait prendre tant d’importance ?

Il y d’abord entre nous une grande différence de tempérament : elle est quelqu’un de plutôt angoissée alors que moi, je prends les choses comme elles viennent, je ne me fais pas de films. Une autre différence très importante, moi, je travaille et elle non. Donc, au cœur de son oisiveté, elle était H24 préoccupée par ce phénomène de complotisme, elle rebondissait sans cesse d’info en info. Ce trop-plein de recherches était sans doute provoqué par son tempérament angoissé. Les gens comme elles ont besoin d’être rassurés, ils ont besoin de trouver un cadre, des explications… Et les complotistes savent très bien jouer là-dessus, ils prétendent apporter des réponses. Chez eux, tout est borné, planifié, on sait d’où tout provient et on sait où on nous emmène. C’est cadré… Dans ces conditions, les 68

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« Les complotistes partent d’un fait réel, ils l’hypertrophient à outrance et ça devient une vérité pour leurs adeptes. » raisonnements logiques qu’on peut opposer à ceux qui sont sous cette domination ne pèsent pas bien lourd. En me documentant, j’ai fini par comprendre qu’en fait, il ne faut absolument pas aborder frontalement les complotistes mais au contraire, adopter leur point de vue pour leur montrer qu’on s’intéresse à eux et puis, peu à peu, les amener au pied du mur et les pousser un peu dans leurs retranchements pour les amener d’eux-mêmes à se questionner sur l’irrationalité de ce qu’ils croient… Mais j’ai conscience que c’est un processus très long, qui peut prendre des années, comme je l’ai lu dans certains témoignages de gens qui ont réussi à se sortir de cette spirale infernale… » Ainsi se terminait le témoignage de Stéphane au moment où nous l’avons recueilli vers la mi-janvier dernier. Depuis, le couple s’est reformé et a entamé une fragile vie commune. Stéphane essaie tant bien que mal de continuer à appliquer ce qu’il explique ci-dessus. Il est optimiste : « J’ai remarqué qu’avec les belles journées de printemps que nous avons vu les semaines dernières, elle a repris contact avec des amies à elle, elle remet le nez dehors, elle se bouge… Ce retour à la vie réelle l’éloigne d’internet où elle continue malgré tout à publier. Je tente de renouer avec elle car j’ai considéré que c’étaient des étrangers qui nous avaient séparés et qu’il n’y avait aucune raison que je laisse ces gens virtuels détruire notre histoire. Cependant, même si on ne discute plus de tout ça, ou alors très peu, je n’ai pas lâché l’affaire pour autant… Je continue à m’y prendre de la manière que j’expliquais auparavant. Et j’espère que tout ça s’atténuera et s’éteindra avec le temps. » c * Le prénom a été changé, notre interlocuteur ayant exigé l’anonymat.

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c D OS S I E R — C OMP L OTIS ME Rédaction : Jean-Luc Fournier Photographie : Nicolas Rosès - Simon Woolf - SkyNews - DR

artin parle de manière douce et apaisée de ce complotisme débridé qui a soudain envahi nos sociétés : « À mon avis, le point commun qui concerne tous les complotistes est sans doute un sentiment d’injustice doublé d’une volonté presque chevaleresque de protéger le faible vis-à-vis du fort. Très tôt, j’ai été sensible à ça : les copains de classe qu’on ostracise un peu à l’école primaire, le racisme dont sont victimes certains parents quand on est au collège… Un peu plus tard, au lycée, on est là à la mi-90, je fréquente des lycéens d’Arts pla très politisés, à l’extrême gauche comme de tradition. Ils se définissent comme anars. Pour m’intégrer je m’intéresse à la politique, je finis vite par rédiger des tracts, j’organise des manifs, on écoute beaucoup le groupe de hip-hop Assassin et on admire son chanteur, Rocking Squad… À l’époque, je cherche vraiment à comprendre d’où vient ce sentiment d’injustice que je ressens si fort. Je me confronte alors à la complexité du monde, la géopolitique, l’histoire contemporaine et je m’aperçois que tout est lié. Par ailleurs, on s’aperçoit très vite que les complots, objectivement, existent et que les mensonges d’État sont une réalité : la guerre du Vietnam dans les années 70, la guerre d’Algérie, la communication tant de l’URSS que des gouvernements occidentaux sur la nature et les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl… Je réalise alors que les valeurs que l’école m’a transmises sont souvent piétinées par les personnes qui sont chargées de les incarner, je parle des dirigeants nationaux. Une porte s’ouvre pour moi… je me rends compte qu’il faut aller au-delà de la lecture des journaux, des infos de la radio ou de la télé. À cette époque-là, il n’y a pas internet mais, autour de moi, j’ai une pléthore de lieux alternatifs et une flopée de réunions politiques où beaucoup de gens s’expriment et parlent haut. La plupart sont des militants et ont dépassé la vingtaine d’années et moi j’ai quinze ou seize ans… Peu à peu, je commence à croire à pas mal de choses sans avoir bien sûr la possibilité réelle de vérifier quoique ce soit… ».

Complotisme M « Un chaos est à l’horizon, c’est terrifiant… » Martin*, 40 ans, artiste-auteur à Strasbourg. Il remonte avec nous le fil de sa jeunesse pour évoquer les croyances qui ont pu l’envahir très tôt au fil des rencontres et qu’il a fini par éradiquer au prix d’un gros effort de raison et d’analyse avant de détailler les raisons profondes qui, selon lui, ont fait émerger comme jamais les théories complotistes les plus échevelées…

Martin

C’est la politique qui va tout cristalliser : « À ce moment-là, pour moi, l’ennemi ultime ce sont les USA. Et là-bas, il y la Zone 51. C’est le père d’un ami de lycée qui me parle le premier de cette base secrète dans le Nevada où on conserve le cadavre d’un extra-terrestre dont le vaisseau spatial s’est écrasé en 1947 près de la base américaine de Roswell, au NouveauMexique. Est donc présenté comme évident 70

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le fait que l’armée américaine a ainsi récupéré des technologies d’origine extraterrestre qu’elle exploite pour manipuler le peuple américain. A l’époque, je me dis : ouais, c’est ça, on y est ! Tout comme le réseau HAARP, un observatoire de recherche américain voué à l’étude de l’ionosphère qui existe vraiment mais dont on dit en fait que ses recherches sont réalisées pour pouvoir modifier le climat, détruire ou détourner les avions et les missiles transcontinentaux et finalement, influencer les comportements humains… J’ai aussi cru aux théories de la terre creuse. C’est une cosmogonie complotiste très intéressante qui dit qu’en fait la terre est creuse, que les extra-terrestres ne sont pas des extra mais des intra-terrestres qui sont subrepticement apparus en 1945 quand ils ont entendu le bruit qu’a fait la bombe atomique d’Hiroshima. S’en suivent des tas d’autre théories

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complotistes sur la disparition de l’Atlantide, le Saint-Graal, des recherches menées par les nazis dans les Pyrénées pour découvrir des tunnels permettant un accès vers le centre de la terre et j’en passe… » « Honnêtement, à force d’entendre développer ces théories, je commence à être un peu circonspect, j’écoute quand même mais je me dis que ça va tout de même un peu trop loin. Il y a cependant une différence fondamentale avec ce qui se passe aujourd’hui avec les réseaux sociaux : je ne parle de tout cela à personne, je ne répercute rien » analyse Martin. « C’est au milieu des années 2000, il y a une quinzaine d’années, que j’ai versé un peu dans le prosélytisme avec la propagation des travaux de Jean-Pierre Petit, un ex-directeur de recherches du CNRS, qui prétendait que son inspiration en matière d’applications

potentielles de sa science de la mécanique hydraulique des fluides lui avait été soufflée par des appels téléphoniques provenant directement d’extraterrestres… À ce moment-là, je suis convaincu par une grande partie de ce que ce chercheur affirme, j’en parle autour de moi mais, tout comme ce qui s’est passé quelques années auparavant avec les théories de la terre creuse, je finis par réaliser que là aussi, ça va trop loin... avoue-t-il. « À cette époque déjà circulent des documentaires qui soutiennent ces théories et tentent de convaincre les gens : Zeitgeist Addendum, par exemple en 2008, qui démonte les mécanismes de la haute finance mondiale ou le film La révélation des pyramides diffusé sur le net à grande échelle à partir de 2012 : le récent film Hold-Up n’a rien inventé, poursuit-il et la technique est toujours la même : on part de faits scientifiques, on extrapole, on brode puis c D OS SI ER — Complotisme

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ça part dans tous les sens et ça vire au complotisme fumeux… C’est au moment où ces films apparaissent que je commence vraiment à prendre mes distances avec ces théories, je coupe les liens avec tout ça et aussi avec certains comptes Facebook, j’y suis alors depuis trois ou quatre ans, qui ne parlent que de ça. Je me suis rendu compte que j’étais allé assez loin dans ces croyances mais bon, au pire, je n’ai fait que casser les pieds à toute la famille au moment de la table de Noël… »

Une société ravagée par le complotisme On pousse Martin à réfléchir sur ce qui l’a fait réagir il y a donc une dizaine d’années : « En fait, je me suis rendu compte par moimême que j’étais très léger au niveau de mes vérifications et qu’il fallait que je prenne le temps d’essayer de sourcer sérieusement tout ce que je racontais. Là, le net m’a bien aidé car tous les principaux organes de presse avaient déjà mis en place des outils pour checker les infos. Depuis, j’ai complètement diversifié mes sources et je continue régulièrement à faire preuve de vigilance quant aux infos que je reçois. Le sentiment d’injustice que j’évoquais tout à l’heure est toujours là, ce qui veut dire que j’ai toujours autant besoin de comprendre car ça m’aide. Et puis j’ai toujours envie de ces grands débats avec mes amis, j’aime la joute verbale et que si je veux y participer, il faut que je sois costaud au niveau de ce que je soutiens. Cette accélération du phénomène du complotisme qu’on constate surtout depuis un an, depuis l’arrivée du virus, est selon moi due à plusieurs facteurs concomitants dont l’anthropie de la civilisation humaine qui génère une incroyable complexité. À l’époque des Lumières, on pouvait encore imaginer qu’un seul homme puisse intégrer tout le savoir du monde. Aujourd’hui, c’est devenu tout à fait impossible ce qui fait qu’on est obligé de faire confiance à une grande quantité de sources extérieures. Et puis, il faut bien citer aussi ce lent démembrement du système éducatif : quand on acquiert moins de connaissances ou moins de culture générale, on est forcément plus sensible aux théories les plus délirantes. » Persuadé depuis longtemps que les conditions sociales sont la base de tout l’édifice, Martin affirme « qu’il y a l’effrayante montée des inégalités qui fait que des masses humaines considérables sont de plus en plus pauvres, l’argent ne circulant plus que pour le profit d’une infime minorité d’habitants de la planète. L’argent c’est comme un fluide énergétique vital pour un corps. Il faut qu’il circule. S’il ne le fait que très mal, c’est tout 72

c D OS SI E R — Complotisme

Jack Angeli, le « QAnon Shaman » lors des émeutes du Capitole à Washington

le corps qui souffre et qui se retrouve en danger. Aujourd’hui, on peut se permettre d’avoir des millionnaires mais certainement pas d’avoir autant de milliardaires. Je préférerais échanger chacun de ces milliardaires pour mille millionnaires. C’est aussi la misère, les injustices et les souffrances grandissantes qui font le lit des théories complotistes, j’en suis convaincu… » dit-il avec force avant de confier : « Personnellement, j’avoue que je n’ai rien vu venir de tout ce qui s’est exacerbé depuis un an et qui fait l’objet de notre rencontre aujourd’hui. Je suis complètement interloqué. Le terme qui selon moi résume le mieux la situation au jour où on parle est de comprendre qu’on est entré dans une période proto-fasciste. On est dans l’humus chaud et humide, les graines sont là et il n’y a plus à attendre qu’un peu de soleil travaille le tout pour que ça pousse dru… Ces théories complotistes ravagent la société, elles émergent de partout et du coup, on est dans l’ère de la post-vérité. Ce qui veut dire que ce sera celui qui tapera le plus fort sur la table en hurlant « La terre est plate » qui aura raison aux yeux de la masse. Tout ce qu’on croyait établi grâce aux faits, aux observations, grâce à la science et à tous les acquis de la connaissance est en train de se désintégrer. C’est à proprement parler terrifiant, un chaos est à l’horizon, tout est possible…. » conclut-il avec une réelle inquiétude dans la voix. c

« Tout ce qu’on croyait établi grâce aux faits, aux observations, grâce à la science et à tous les acquis de la connaissance est en train de se désintégrer. C’est à proprement parler terrifiant, un chaos est à l’horizon, tout est possible…. »

* Le prénom a été changé, notre interlocuteur ayant exigé l’anonymat.

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Hold-up Le complotisme à tout-va orti directement sur internet le 11 novembre dernier, le documentaire long métrage Hold-up a rencontré un impressionnant succès (les derniers chiffres connus datent du début de la présente année et parlent de plus de 6 millions de vues). Sa durée (plus de 2h45), sa réalisation soignée et son montage très professionnel sont des atouts indéniables pour le sérieux affiché par le film qui déroule les propos de pas moins de 37 personnalités interviewées sur fond noir. Voilà pour le factuel. Concernant le contenu, le film est une sorte de fourre-tout de toutes les fausses infos sorties depuis le début de la pandémie, il y a un peu plus d’un an à date. La plupart des 37 interviewés se présentent comme des lanceurs d’alerte en rupture avec leurs institutions officielles respectives. Parmi eux, on notera l’interview de la députée du Bas-Rhin, Martine Wonner…

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De nombreux articles de presse et tribunes sont parus depuis cinq mois et soulignent tous le déferlement volontaire d’une quantité astronomique d’informations. Des centaines de contributions ont, depuis la sortie du film, énuméré la liste conséquente des mensonges, contre-vérités, interprétations fantaisistes ou abusives qui émaillent le film. Le sociologue Gérald Bronner parle à ce sujet de « millefeuille informatif » et Rudy Reichstadt, le fondateur du site Conspiracy Watch, déclare que « vous ne pouvez pas résister au poids de cette cascade d’arguments. Ce qui fait la toxicité d’un produit complotiste, ce n’est pas que c’est faux de A à Z, c’est que tout repose sur le mélange du vrai et du faux. Le mélange du vrai et du faux est encore plus toxique que le faux.» Ce déferlement inextricable occupe les deux premières heures du film. Et tout cela sert à enfoncer le clou lors des trois derniers quarts d’heure : on préparerait dans

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l’ombre « le grand reset », un asservissement total de la population de la planète sur fond d’une implacable troisième guerre mondiale. Ce dernier tiers du film est un collage délirant basée sur de vieilles thèses colportées depuis des décennies, savamment réintroduites et réactualisées pour l’occasion. Un dernier élément : ce film a pu être réalisé grâce à une cagnotte Ulule lancée au mois d’août dernier. Les auteurs ont récolté 183 000 €, soit dix fois la somme espérée lors du lancement de la cagnotte. Pas de doute, le complotisme est bankable. c c D OS SI ER — Complotisme

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c D OS S IER – COMP L OTIS ME

e r i a t n e m m o C

Rédaction : Jean-Luc Fournier

iculé h é v e m s i scurant b o ternet l n e i v r u a o p n e e r C la lumiè e d e s s e à la vit a science n’a parfois pas de réponse mais le complotisme, lui, en a toujours une ». C’est peutêtre cette réflexion de Sylvain Delouvée, maître de conférences à l’université Rennes-II et spécialiste des croyances collectives, cité par Le Monde le 18 janvier dernier, qui situe le mieux les origines de ce phénomène séculaire qui fait si violemment résurgence depuis quelques années et particulièrement depuis que le virus Covid 19 fait des ravages sur la planète. Le complot existe depuis la nuit des temps, les sorcières, les francs-maçons et les Juifs en attestent en connaissance de cause. Aujourd’hui, c’est plutôt l’ampleur et la rapidité avec lesquelles sa résurgence actuelle frappe les esprits qui interroge…

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Les deux témoignages que nous publions dans les pages précédentes sont édifiants : Stéphane a vu son couple quasiment ravagé par les effets du complotisme chez sa compagne avec laquelle il partageait une vie commune depuis dix-huit ans. Imprégné dès son adolescence par certaines théories, Martin s’est débarrassé de ce fardeau vers la trentaine au prix d’un intense effort d’introspection. Comment le complotisme a-t-il pu essaimer aussi rapidement dans nos sociétés durant les dernières années ? Par quels artifices les théoriciens du complot ont-ils entrainé des centaines de millions de gens de par le monde à abandonner toute rationalité pour se faire eux-mêmes les ambassadeurs de ces absurdités ? Stéphane discerne, à juste titre selon nous, deux ou trois éléments qui favorisent à coup sûr « l’entrée en complotisme » et qu’on retrouve dans la quasi-totalité des cas : une oisiveté, généralement subie mais pas toujours, et une forme d’isolement intellectuel qui évidemment n’arrange rien. Quant à lui, Martin pointe résolument que, selon lui, « c’est aussi la misère, les injustices et les souffrances grandissantes qui font le lit des théories complotistes… » On ajoutera à tout cela un des faits les plus marquants de la décennie passée (pour ne pas remonter plus loin encore) : l’hyper-défiance vis-à-vis de tout ce qui ressemble de près ou de loin à une parole dite « officielle » : celle des politiques, malmenés de toutes parts, celle des « experts » tous suspectés aujourd’hui d’être massivement achetés par les puissances industrielles, politiques et financières dominantes. Celle des journalistes également, les médias n’étant pas les derniers à subir les foudres d’une part du grand public…

sa disparition : « Les réseaux sociaux ont donné le droit de parole à des légions d’imbéciles qui avant, ne parlaient qu’au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourd’hui, ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel ». Rajoutez un petit zeste de chaines d’information continue qui rivalisent de populisme et de démagogie pour capter leur précieuse audience, et le compte sera bon, le tableau sera complet… Sur ces mêmes chaines d’information continue, vous souvenez-vous de l’un des leaders des Gilets jaunes, Maxime Nicolle, mettant ouvertement en doute le caractère terroriste de l’attentat du marché de noël de Strasbourg le 11 décembre 2018 et évoquant ouvertement « une manipulation du gouvernement pour détourner l’attention » de son mouvement ? Face à ce déferlement, la raison a-t-elle encore une chance d’imposer ses analyses ? La presse mutiplie les rubriques de vérification des informations (« CheckNews » pour Libération, « Décodex » pour Le Monde, « L’Agence Franceinfo » sur France Info, « Le Vrai-Faux de l’Info » sur Europe 1, …). Fondé en 2007, le site Conspiracy Watch animé par Rudy Reichstadt (lire la tribune libre que nous lui avons accordée en page 142 du présent numéro de Or Norme) publie régulièrement analyses et notices pour tenter de contrer les propagateurs de théories complotistes. (Conspiracy Watch a récemment publié – en décembre dernier – une notice sur la députée du Bas-Rhin Martine Wonner qui apparait dans le film Hold-Up – lire pages précédentes –. Martine Wonner a réagi au lendemain de la publication de la notice la concernant en enjoignant Conspiracy Watch, sous peine de poursuites, de retirer sous 48 heures la notice d’information la concernant publiée par le site mais aussi « toutes publications présentes sur votre site traitant de ma personne ». Selon nos informations, à la date du bouclage de notre article le 5 mars dernier, Conspiracy Watch n’avait reçu aucun acte judiciaire officiel de la part de la députée du Bas-Rhin… –ndlr)

La lutte contre les théories complotistes est donc d’ores et déjà un enjeu majeur pour nos sociétés démocratiques. Car c’est bien de la démocratie dont il s’agit, cette démocratie qui vacille sous les coups de boutoir des émeutiers pro-Trump manipulés par QAnon aux Etats-Unis et maintenant sur une bonne partie de la planète, cette démocratie attaquée par les thèses conspirationnistes développées par le film Hold-Up en France. Cette démocratie attaquée Pour compléter le tableau, on aura un mot sur l’omnipré- partout par ce nouvel obscurantisme véhiculé à la vitesse sence des réseaux sociaux, commentée de manière magis- de la lumière par internet… L’enjeu majeur est là, à n’en trale par le merveilleux Umberto Eco peu de temps avant pas douter. c

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S ACTUALI T É — LE PART I PRI S DE T H I ERRY JOBARD Rédaction : Thierry Jobard Photographie : DR

e m s i t o l p m o C s r u e l l i a t s e é t i La vér Mea culpa. J’ai longtemps refusé de reconnaître l’évidence et mon entêtement arrogant, je l’avoue, était un double péché d’orgueil et d’ignorance. Désormais je connais la Vérité : le monde est gouverné par une lignée de lézards géants originaires des étoiles Draco et Zeta Reticuli. Ce sont eux les véritables maîtres du monde. Parmi eux se trouvent George Bush, les Rothschild, la reine d’Angleterre et sans doute ma belle-mère.

e déconne, je ne suis pas sûr pour ma belle-mère. En revanche, je dois bien avouer que les théories complotistes m’ont jusqu’à présent paru ne pas valoir un quart d’heure de peine. Qu’un ancien footballeur se soit reconverti dans l’exploitation de la crédulité de gogos avec des histoires de reptiles multidimensionnels me paraissait relever banalement d’une ressource qui, contrairement au pétrole, est inépuisable : la connerie humaine. (1) Jusqu’à présent, c’est-à-dire jusqu’au 6 janvier dernier lorsque des partisans de Trump ont investi le Capitole. Difficile dès lors de ricaner d’un air entendu. Difficile aussi de ne voir dans ces assaillants qu’un troupeau d’abrutis, avant-garde obscurcie des 74 millions et quelques autres abrutis ayant votés pour Trump. Soit plus encore que lors de son élection 4 ans auparavant. Rien d’une victoire écrasante des non-abrutis au final. Trump avait, par avance, annoncé qu’il refuserait de céder la place. Il était fidèle en cela aux enseignements de Norman Vincent Peale dont il suivait les sermons, enfant, avec son père : « Il faut visualiser la vérité désirée plutôt que la réalité » ou bien « w » (2). Préceptes qu’il a abondamment mis en pratique durant son mandat et qui consiste à dénier sa consistance à un réel dérangeant.

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Vu de ce côté de l’Atlantique, les choses semblent entendues. Un peu trop. Car la question se pose : comment se fait-il que dans une société à ce point abreuvée d’informations, hyperconnectée, qui plus est habituée depuis des siècles à l’alternance politique, on en arrive à une telle situation ? La thèse d’une crétinisation générale de la

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société américaine, n’est pas tenable et n’explique rien. D’autant qu’entre les platistes (3), ceux qui pensent que l’on n’a pas été sur la Lune, les tenants des chemtrails (4), ceux qui croient que Lady Diana a été assassinée par la famille royale d’Angleterre (tiens, tiens, on retrouve la reine…) ou que Michael Jackson n’est pas vraiment mort, on brasse bien au-delà des Etats-Unis. D’après les plus récentes études sur la question, il semble que les thèses complotistes se soient répandues ces dernières années chez nous, et plus encore durant les périodes de confinement. Elles toucheraient davantage les jeunes mais atteindraient désormais certains baby-boomers. Les attentats du 11 septembre 2001 à New York ont marqué une inflexion, puis la tuerie de Charlie Hebdo en France, la vérité officielle étant remise en cause par des théories alternatives. (5) Nonobstant, si l’on pose que nous avons affaire d’un côté à des partisans de théories du complot (une ou plusieurs, les liens entre elles n’étant pas automatiques) et de l’autre à des gens sensés, d’un côté à des naïfs ou des pauvres d’esprit, de l’autre à

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« La thèse d’une crétinisation générale de la société américaine n’est pas tenable et n’explique rien. »

des individus dotés d’un intellect agissant, soit la plèbe versus le bon peuple, même si cela semble confortable, on n’y entravera que pouic. Bien plus intéressante et urticante est l’hypothèse selon laquelle on aurait affaire non à un manque de raison mais plutôt à une forme d’excès, non à une opposition entre crédulité et sens critique mais à une mécompréhension de la nature de la croyance.

CE QUI CARACTÉRISE UN COMPLOTISTE, C’EST D’AVOIR RÉPONSE À TOUT On pourrait certes s’en tenir à une forme d’épochè (6) et badiner en avançant : « Vous me la baillez belle avec vos divagations mon/ma pauvre ami-e, mais si l’on vous a chié dans le crâne, je n’y puis rien. Le bonjour chez vous ». L’épisode du Capitole a ceci de révélateur que les théories du complot peuvent avoir un effet, et un effet politique concret (notamment cinq morts). Ce qui caractérise un complotiste, c’est d’avoir réponse à tout. Essayer de le convaincre de

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va chercher que ce qui conforte une vérité décrétée à l’avance (biais de confirmation), qu’on va relier indûment des événements sans rapport (biais de conjonction) et qu’on va réduire la complexité du réel à une cause unique ou un acte volontaire (biais d’intentionnalité). Un avion s’écrase mystérieusement dans les Andes ? Encore un coup de la CIA. L’hydroxychloroquine n’est pas en vente dans les supermarchés ? Typiques des agissements de la Big Pharma. On croit faire preuve d’esprit critique, on ne fait qu’alimenter un scepticisme malsain. Non content d’échafauder laborieusement des arguties branlantes, le complotiste sème le doute sur les autorités habituellement légitimes. L’Etat (et sa gestion guignolissime de la pandémie n’aide pas à le dédouaner), les médias (et leur concentration entre les mains de quelques milliardaires n’est certainement pas une bonne chose, non plus que la confusion des genres qu’entretient l’infotainment), les « élites » en général (et le renforcement des inégalités ces dernières années joue en leur faveur). C’est donc là affaire de degré, le doute, légitime dans toute recherche de vérité(s) devient ici systématique, perpétuel, abusif. Avec le syndrome anti-vaccins par exemple, c’est la science elle-même qui est mise en cause. Les désaccords entre gens de l’art passe pour des contradictions de la discipline elle-même alors qu’il s’agit du processus normal de recherche par confrontation d’hypothèses.

LES THÉORIES DU COMPLOT LA SOIF DE CERTITUDES La Vérité sortant du puits, 1896 Jean Léon Gerome

ses errements revient à être rejeté dans le camp des ennemis, des conspirateurs supposés, ou bien des imbéciles qui se laissent abuser par les discours officiels. Le complotiste est malin. Il sait voir derrière les apparences et faire le lien entre des éléments apparemment sans rapport. Et comme il rassemble ainsi des événements disparates qu’il prend pour preuves de ce qu’il défend, il faut faire appel à des domaines de compétences différents et construire patiemment un raisonnement sérieux. La charge de la preuve incombe alors à l’autre, face à celui qui débite des insanités. Ce qui peut provoquer une certaine lassitude. Les complotistes, soudés dans une forme de communauté solidaire, font comme si

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leur raisonnement était charpenté, mais il tient davantage du bric-à-brac argumentatif, amalgamant pseudo-connaissances scientifiques, raccourcis, déformations et exploitation de détails sans valeur explicative. Le complotiste sait. Et il en tire un sentiment se supériorité, ayant réussi à dévoiler la Vérité. Il ne connait ni le hasard, ni l’indétermination : tout doit faire signe, tout doit faire sens. Le sens qu’il veut, bien entendu. D’où ce tic de langage typique : « comme par hasard »… En hochant la tête avec l’assurance de ceux-qui-savent. De prime abord donc, la démarche de réflexion est assurée et la méthode respectée : on doute, on cherche, on établit une vérité, comme Descartes. A ceci prés qu’on ne

Pourtant, il y a quelque chose de touchant dans ces efforts de trouver du sens à notre monde, à vouloir surnager parmi le flot d’informations qui nous submerge sans cesse, à vouloir retrouver une forme d’appartenance et de lien social à rebours de l’atomisation sociale. Les différents biais cognitifs auxquels cèdent les complotistes, nous y sommes tous potentiellement exposés. Quant au besoin de croire quelque chose, de croire en quelque chose, il semble être une nécessité anthropologique. Tout comme la propagande touche plus sûrement ceux qui cherchent des réponses, les théories du complot étanchent la soif de certitudes. Les théories du complot assument donc une fonction cognitive (trouver des réponses), une fonction affective (on peut exprimer à loisirs ses sentiments : méfiance, haine, peurs), une fonction normative (on désigne les gentils et les

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méchants) et une fonction mobilisatrice (celle qu’on a vu en acte au Capitole et qui pet conduire à une radicalisation politique) (7). Le décalage s’opère peut-être ici, dans le jeu entre certitude, croyance et vérité.

L’ÉTHIQUE DE LA PENSÉE A SES RÈGLES Prenons les choses simplement. Si il existe une vérité (celle de l’Etat qui contrôle l’information, celle du dogme d’une Eglise, celle établie par la science, celle d’une morale quelle qu’elle soit), comme ce fût longtemps le cas, et bien que des complots ou des rumeurs existassent, l’accord se fera majoritairement sur celle-ci. Mais à partir du moment où les sources d’émission se multiplient sur un « marché cognitif » (8), la concurrence des vérités favorisera les plus simples, les plus séduisantes ou les plus valorisantes. On passe alors à un relativisme que même les philosophes ont pu encourager. Ainsi de Foucault pour qui il existe moins une vérité que des régimes de vérité, historiquement et politiquement déterminés. Mais si se brouille alors la distinction entre vrai et faux, ceux-ci n’existant pas objectivement mais selon notre rapport à eux, cela commence à sentir sérieusement le faisan lors qu’émergent post-vérité et autres fake news. Il convient donc de ne pas opposer croyance(s) et raison d’une part, de poser une conception plus exigeante de la vérité d’autre part. Celle-ci existe, objectivement, indépendamment de nos désirs Nous sommes des êtres rationnels (plus ou moins selon les cas). On peut certes croire en se laissant guider par l’émotion mais nous avons vu que les croyances complotistes relèvent d’une forme de raisonnement, quoique vicié. Il y a des croyances involontaires, héritées de notre milieu et de notre époque mais nous sommes ici face à un net volontarisme. Comme l’écrit Boudon : « lorsque des croyances s’installent dans l’esprit des individus, c’est que ceux-ci ont des raisons fortes d’y adhérer » (9). Des raisons donc, et la Foi, qui est un type de croyance, recourra toujours à des arguments de type rationnel pour se justifier, à moins de verser dans le pur mysticisme. Il y a une définition classique de la vérité comme adéquation de la chose et de la pensée, une vérité qui correspond aux faits. Encore faut-il s’entendre sur les représentations que nous avons de la réalité. D’où la nécessité de procédures qui impliquent non de donner des raisons mais de rendre

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raison de ses croyances. Et c’est aux complotistes de le faire : avec logique, rigueur et honnêteté. Ici le raisonnable doit rejoindre le rationnel. Si le réel est complexe, il n’est pas occulte. De même qu’il existent des vérités indépendantes de notre petit avis personnel, il y a des vérités morales indépendantes de nos actions. Devant la vérité, la sincérité et la conviction doivent céder le pas. Cela s’appelle l’éthique de la pensée et elle a ses règles. La rigueur argumentative en est une, le respect d’autrui et la confiance également, a fortiori en démocratie. La mise en doute permanente, la suspicion généralisée ne font que miner l’implication citoyenne et laisser le champ libre aux propositions les plus extrêmes. Et cela conduit à souiller les marches du Capitole. S

(1) Je parle de David Icke et je n’irai tout de même pas jusqu’à citer les titres de ses livres. (2) Norman Vincent Peale, La puissance de la pensée positive, Des méthodes simples et efficaces pour réussir votre vie. Trump précisant d’ailleurs à propos de Peale : « Il pensait que j’étais son plus grand élève de tous les temps ». (3) Qui donc soutiennent que la Terre est plate. Voilà… (4) Les traînées de condensation des avions seraient dues à des produits chimiques répandus sur les populations. (5) Le Monde du 18 janvier 2021 : « En 2019, selon une étude de la Fondation Jean Jaurès, 21 % des Français interrogés adhéraient à au moins cinq énoncés conspirationnistes » in « Je faisais partie des esprits supérieurs ». Pourquoi le complotisme séduit tant ». Sachant que tout le monde n’avoue pas forcément cette adhésion et que le mal progresse. (6) Du grec epokhế donc. (7) Notons que, d’après des études convergentes, le taux d’adhésion aux théories du complot est plus fort parmi les électeurs d’extrême droite et d’extrême gauche. (8) Selon l’expression de Gérald Bronner, notamment dans La démocratie des crédules, PUF (9) Raymond Boudon, Raison, bonnes raisons, PUF

« La concurrence des vérités favorisera les plus simples, les plus séduisantes ou les plus valorisantes. » S ACTUAL I TÉ

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S ACT UA L I T É — SA N TÉ Rédaction : Barbara Romero Photographie : Nicolas Rosès

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Le plus beau métier du monde vire au cauchemar pour les quelques 24 000 sages-femmes du territoire – dont environ 300 dans le Bas-Rhin. Exclue du Ségur de la santé, la profession a décidé de ne plus être si sage et de se faire entendre… et enfin reconnaître. 55 % des sages-femmes ont déclaré en février vouloir changer de métier. Un métier pourtant de conviction, de passion, avec entre leurs mains la santé des deux êtres parmi les plus fragiles, les nouveau-nés et les femmes enceintes. Seulement voilà, on a beau estimer qu’il s’agit du plus beau métier du monde, la profession de sagefemme manque cruellement de reconnaissance. Statut flou, zéro revalorisation financière, astreinte, assignation, disponibilité… Jusqu’à, coup de grâce, être exclue totalement du Ségur de la santé. « Notre indépendance professionnelle en tant que profession médicale et nos compétences très variées en gynécologie, obstétrique, orthogénie, pédiatrie, prévention, vaccination, assistance médicale à la procréation, protection maternelle et infantile, font de nous des couteaux suisses de la santé de la femme et du jeune enfant, rappelle Eve Doriz qui exerce ce métier depuis 16 ans. Qui réhabilitera à sa place notre profession dont le statut ressemble plus à celui d’une infirmière spécialisée qu’à celui d’un véritable professionnel médical dont la responsabilité compte plus au tribunal qu’à la ville ? Nous ne voulons plus être assimilés aux paramédicaux qui sont nos alliés du quotidien mais avoir le salaire décent qui correspond aux risques et aux responsabilités qui nous incombent. » Déguisées en servantes écarlates, « parce qu’on ne sert qu’à la reproduction, n’est-ce pas ? », ironise Eve, les sages-femmes se sont faites entendre, une fois n’est pas coutume, lors de la manifestation de la journée des droits des femmes. « C’est historique, se réjouit Emilie Beau. Considérée comme un métier d’urgence, nous sommes assignées quand il y a grève. Celles qui sont présentes ont pris une heure de pause, sans que cela ait un impact sur nos patientes. » Métier d’urgence pour les grèves, mais pas pour la revalorisation des salaires visiblement. « Nous avons cette chance d’aimer notre métier mais on nous casse, confie Emilie. Il y a deux ans, les urgences ont

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obtenu des “primes pour urgences”. Nous au CMCO, on s’appelle “urgences gynécologiques”, mais nous n’avons rien eu car on ne nous considère par comme urgences au final… » Lors du Ségur de la santé, suite au premier confinement, « pas une seule fois le mot sage-femme n’est apparue », rappellent les deux amies presque quadras, sur le front comme tous les soignants pendant la COVID. Et puis il y a eu la dernière goutte d’eau, lorsque notre ministre de la Santé, Olivier Véran, a lancé en février « qu’elles commencent à avoir la couleur, le goût, l’odeur du médecin… » Serait-ce à réduire les sages-femmes à du Canada Dry ? « Nous n’avons aucune envie d’être médecin, chacun son rôle !, tempête Emilie. Moi j’adore ma profession, j’adore le physiologique, je ne veux pas m’occuper de pathologie, chacun son rôle. » À l’inverse, les sages-femmes revendiquent, à juste

« Nous avons la chance d’aimer nos métiers, mais on nous casse » Emilie Beau, qui nous a reçus chez elle après une garde.

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Les sages-femmes ne sont pas des sorcières, ni des servantes écarlates…

« Tout ça pour démarrer à 1700 balles et atteindre péniblement 2500 € au bout de 16 ans de carrière. »

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titre, d’être classées dans les professions médicales et non plus dans un entredeux. « Là où nous avons échoué il y a quelques années, en tentant de faire valoir nos droits, trop d’un côté et pas assez de l’autre, les politiques ont tenté de se rattraper depuis 2016 en nous accordant toujours plus de responsabilités mais en continuant à nier l’aspect médical de notre exercice comme en confère le dernier discours de Monsieur Véran », appuie Eve. Les sages-femmes ne font pas « qu’accoucher ». Elles réclament le droit à la prescription libre comme l’ont les dentistes. « Nous sommes assez grandes pour ne pas faire n’importe quoi !, rappelle Emilie. Les pouvoirs publics ne disent pas non plus aux jeunes filles qu’elles peuvent venir voir les sages-femmes pour leur contraception, pour faire de la prévention… Le taux d’IVG ne baisse pas en France, c’est dramatique. Nous aimerions être là pour aider. » Les sages-femmes ne comptent pas leurs heures et répondent systématiquement présentes lorsque l’une d’entre elle est portée pâle, les effectifs étant toujours a minima. Elles enchaînent les gardes de 12 heures, les nuits (à 9 € de l’heure), doivent choisir entre Noël et Nouvel an,

Pâques et l’Ascension, « tout ça pour démarrer à 1700 balles et atteindre péniblement 2500 € au bout de 16 ans de carrière », regrette Eve. Dérisoire comme salaire, comparé aux autres professions médicales… « Je suis passionnée et je refuse d’abandonner cette vocation au détriment d’un système de soin qui périclite, ajoute-t-elle. C’est pour ça que je suis là. Je vois les étincelles qui s’éteignent dans les regards de mes collègues qui sont censés faire « le plus beau métier du monde ». Je constate personnellement que 25 % des femmes ne se font plus suivre car ne trouvent plus d’interlocuteurs et que notre place est auprès d’elles. Soutenir les sages-femmes, c’est aussi défendre les droits des femmes. » Un métier magique, éprouvant lorsque tu passes d’une salle où un bébé meurt à une autre où la vie arrive, cela te bouffe une énergie folle, confie Emilie. En février, Olivier Véran a enfin ouvert les négociations. Un rapport devrait être présenté au printemps sur le statut “du plus beau métier du monde”. Un métier, rappelons-le, que nul autre ne peut faire à leur place. S

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S ACT UA L I T É — L’ÈRE DU TEMP S Rédaction : Eleina Angelowski Illustrations : Victor Barthel

s t n e m Frag s e u l b n o i x e n n Co

PATRICK Professeur à l’université de Strasbourg, 53 ans

« Je sens la crise d’angoisse monter quand soudain je perds le fil de ma pensée. »

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« Je me demande à quoi ressemble-t-elle ? Mélusine, un prénom dérivé de Mélisande, référence aux mythes et légendes du MoyenÂge, à cette fée qui pouvait se changer en serpent… Parfois, elle se manifeste dans le chat pendant mon cours, toujours en essayant de me déstabiliser avec un “Tout à fait pas clair !”, “Mais encore ?”, “Je comprends moyen”, “Trop abstrait”…. à la limite de la politesse, jamais rude, mais décidée à me faire suer. Oui, il m’arrive de suer, littéralement, un genre de sueur froide… Je sens la crise d’angoisse monter quand soudain je perds le fil de ma pensée. Une parole se détache de ma bouche – la dernière feuille morte de l’arbre, arrachée par un tourbillon paralysant. L’humidité perce ma chemise et me laisse sec à l’intérieur. De quoi je parlais ? Du post-modernisme et du mouvement féministe dans l’art contemporain ? Il m’est déjà arrivé de perdre le fil pendant un cours en présentiel, je m’arrête alors un instant pour reprendre mon souffle, je m’accroche à un regard en face et je souris. “Qu’en penses-tu de ce que je viens de dire ?”. Et pendant que la jeune

personne cherche une réponse, j’entrevois un nouveau chemin, une réponse m’arrive avant même que la question soit formulée. On s’est soutenu dans l’embarras par un accord tacite, je souris, je fais une blague, la bifurcation est réussie, parfois c’est même à ce moment-là qu’une idée brillante surgit, une connexion inattendue de deux idées, eureka… Je suis traversé par un élan inattendu, je crée. Je ne fais jamais le même cours deux fois. Transmettre de l’information inerte ne m’a jamais réussi… Mais là, face à l’écran, je me sens coupé de ma source… Combien de temps s’est écoulé depuis que me suis arrêté de parler ? J’ai éteint la caméra sans même me rendre compte. Je vois défiler dans le chat “Problème de connexion ?”, “On vous entend plus”, “Vous êtes là ?”… pas plus que trois ou quatre réactions en quelques minutes, ce sont sûrement ceux qui ont continué à me suivre pendant la dernière heure ? J’écris “Problème de connexion !” et… j’essaie d’imaginer les yeux de Mélusine… » S

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ÉDITH Retraitée, 79 ans — « Excusez-moi Madame, je ne suis pas du coin, vous savez s’il y a une carte du parc ? Etrange question. L’Orangerie n’a rien d’une forêt où l’on peut se perdre, pensa Edith. — Je n’en sais rien, mais vous pouvez le découvrir tout seul, ce n’est pas si grand que ça. Cela fait des lustres qu’un homme inconnu ne lui avait pas parlé spontanément, dans la rue. Il devait avoir le même âge qu’elle… Un peu plus jeune ? “Non mais…, je ne sais même pas à quoi il ressemble derrière ce masque, emmitouflé dans ce long manteau noir. Qu’est-ce qu’ils ont tous à obéir, à servir la peur comme des moutons ?”, se disait Edith en s’éloignant dans la direction inverse. Elle ne portait jamais “cette muselière”. Les voisins ont fini par l’accepter et ne plus la flinguer de regard, même au marché… “Toute une vie j’ai cheminé pour faire tomber les masques qu’on m’avait collées au cœur et au visage. Ce n’est pas maintenant que je vais me voiler la face. Je n’ai que quelques années devant moi pour respirer, parler, chanter, rire…”. Son petit-fils de vingt ans, qu’elle prenait dans ses bras aussi souvent qu’il venait la voir, racontait à ses potes que de tous ses grands-parents seule mamie Edith n’avait pas attrapé la Covid. “Mais tu n’as pas peur de te balader sans masque ? Tu es en rémission de cancer et vu ton âge…” C’était la remarque récurrente de

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certaines de ses copines… Elle n’avait plus envie d’argumenter. “Tant pis, si mon cercle d’amis a rétréci. Avant j’avais envie de les convaincre, de partager tout ce que j’avais appris en chemin…”. Edith était née dans une famille protestante d’Alsace. Pourtant, elle adorait aller à la messe catholique pour la beauté des chants et des cérémonies moins austères. Sa meilleure copine était juive. Plus tard dans sa vie, elle avait découvert le bouddhisme. Elle aimait prier devant une icône orthodoxe du Christ, venue de Bulgarie… “Vous aussi ? Ma fille se méfie de mes recherches spirituelles et de mon attitude de plus en plus rebelle vis-à-vis de la doxa dominante… Mais je garde espoir que notre peuple se réveillera enfin, qu’on retrouvera nos liens, non dans la peur et la compétition prédatrice, mais dans la solidarité et l’échange. De toute façon je sens depuis des années qu’on approche le point de bifurcation. La dystopie du Great Reset que cette élite dégénérée tente à nous imposer en profitant de la pandémie, n’est qu’un délire transhumaniste et destructeur… Depuis le confinement j’ai acheté un smartphone. Un jeune m’a appris à l’utiliser. Alors, je vais aussi sur YouTube où j’ai trouvé des Français qui proposent une sortie vers le haut : le physicien Philippe Bobola, l’écrivain psychothérapeute Annick de Souzenelle, l’économiste Gaël Giraud… Il y en a tant, mais on ne les entend pas dans les médias officiels…”

« Qu’est-ce qu’ils ont à tous obéir, à servir la peur comme des moutons ? »

*** — Excusez-moi Madame, je ne suis pas du coin, vous savez s’il y a une carte du parc ? Encore lui ?! Non, ce n’était pas le même homme, mais il portait aussi un masque. Etait-ce une farce ou un ange qui voulait lui passer un message ? — Eh… non. Je ne crois pas, lui répondit Edith un peu embarrassée. Mais… — Puis-je faire un bout de chemin avec vous ? Soudain, elle se rappela le début d’un slam qu’elle venait de composer la veille : “L’habit ne fait pas le moine, les mensonges remplissent la marre où se noient nos canards…” — Pourquoi pas, allons voir les vilains petits canards masqués. Il se pourrait qu’ils se transforment en cygnes, répondit Edith en souriant, réjouie de se sentir en connexion avec ses anges farceurs.» S

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MADEMOISELLE CHAMPAGNE Effeuilleuse et directrice du Strasbourg Burlesque Festival 14 -28 Février 2021 Un an depuis sa dernière montée sur scène. Plus de préparatifs, de répétitions et de rencontres, plus rendez-vous avec les musiciens et les techniciens de scène. Elle ne sort presque pas de chez elle. Les kilos appuient sur des vieilles douleurs dans le corps. Une sorte de rouille physique et mentale s’en saisissent, avec cette impression d’étouffer derrière un masque banalisé, sans plumes, ni paillettes… Mais aujourd’hui, elle est toute excitée, fière et fébrile à la fois. Le tournage et la mise en ligne du festival burlesque de Strasbourg aura lieu, malgré et contre tout ! Elle a réussi à faire venir 14 sur les 37 artistes initialement prévus et c’est déjà énorme. Mademoiselle Champagne et l’équipe du tournage remplacent le public. Sur la scène de l’Espace K monte un oiseau blanc à tête de cygne. « Tout est blanc et froid… J’essaie de me consoler, c’est un voyage esseulé, écoute mes yeux, écoute mes lèvres… Je veux vivre au Paradis » Dans la fraicheur extatique de la chanson d’Emilie Simon, un corps se meut dans le corset de ses illusions couvrant de glamour une profonde solitude. La séduction ressemble à un jeu de dissimulation, le mouvement des ailes disperse la tristesse… Puis, pause, changement de rythme, des voix africaines et des djembés annoncent l’arrivée du cygne dans son paradis rêvé. On est enfin au Sud ! La vraie cérémonie d’effeuillage peut commencer. L’oiseau se débarrasse de ses plumes pour devenir une femme qui prie le ciel et s’enracine dans la Terre. Elle se montre enfin dans sa nudité triomphante, ses fesses et ses seins revendiquent l’exubérance de leur nature, la peau respire et vibre… Daâr Djiling s’est donnée à fond, comme tout le monde. Certains ont tremblé, d’autres ont pleuré pendant les répétitions… Mademoiselle Champagne n’allait pas danser cette fois-ci, mais elle est remplie de la joie des artistes, reliée à sa passion. Ils ont au moins pu imaginer le public… pourvu qu’il se connecte ! S

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MOUSTAFA Sans-papiers, responsable du collectif Les sans-papiers d’Alsace, 30 ans « Moi Madame, je suis venu à Strasbourg en 2018. En Algérie, malgré mes diplômes, je ne trouvais pas de boulot. C’était la corruption et les pistons à tous les niveaux. À trente ans, je ne pouvais pas me créer une situation, me marier, faire des projets, je me suis senti rejeté. Alors je me suis dit que si ma première patrie ne pouvait pas m’offrir une vie, j’irais frapper à la porte de la France – notre deuxième patrie en quelque sorte… Je ne pouvais pas imaginer que la France avait aussi tant de soucis à se faire… Le peuple de France souffre, même si la situation est incomparable avec l’Algérie. Quand la pandémie s’est abattue sur le pays, la souffrance a fait surface et c’est là qu’on a reçu le plus de soutien, qu’on a ressenti le plus de solidarité. Comme si soudain on était tous en connexion, dans le même bateau ! J’ai été épaulé par docteur Georges, par Odile et Alfred. On a fondé le Collectif des sans-papiers d’Alsace pour rejoindre le mouvement au niveau de la France entière et depuis on a fait plein de manifestations.

La classe populaire et d’autres associations se sont souvent joints à nous : d’ailleurs nous sommes, la Cimade, des syndicats. En octobre dernier on a fait la marche de Strasbourg à Paris pour revendiquer la régularisation de toutes et tous les sans-papiers, le droit au logement et au travail, sans oublier la fermeture des Centres de rétention. Et tu sais quoi, je me suis même créé des bonnes relations avec la Police. Je me rends chez eux pour étudier les parcours de nos manifs. Ça a bien changé depuis le 30 mai 2020 quand les flics nous avaient encerclés près de la Gare de Strasbourg en collant des amendes en masse… On a même été soutenus par des élus, l’Etat commence à nous reconnaître… La pandémie, Madame, nous a reliés au destin commun de tous les Français. On a tous été privés, enfermés, traumatisés… On applaudissait les soignants et on pleurait les victimes ensemble. Et c’est ensemble qu’il faudra s’en sortir maintenant… Et Madame, tu sais, le meilleur c’est que je vais me marier bientôt ! » S

« On applaudissait les soignants et on pleurait les victimes ensemble. Et c’est ensemble qu’il faudra s’en sortir maintenant… » №40 — Avril 2021 — Or Norme a dix ans



SOPHIE Lycéenne, 17 ans Il le faut ! Il faut se lever malgré cette fatigue qui la plaque au sol. Trop d’absences injustifiées peuvent nuire à son classement sur le Parcours Sup – cet algorithme qui effraie même les élèves de Terminale avec 19 de moyenne générale. « C’est une machine, papa ! Tu ne peux pas comprendre ! Je ne vais pas me calmer, tu m’entends ! Tu veux que je termine dans la rue ? », avait crié Sophie la veille quand son père insistait que sa santé passait avant tout le reste. Non, elle ne peut pas zapper les épreuves du contrôle continu qui ont remplacé le BAC. Il faut, il faut se lever ! Employer des forces surhumaines pour s’habiller, boire une tasse de thé réchauffée au micro-ondes et foncer dans le froid à moitié endormie sans oublier à piocher dans la boite à masques à l’entrée avant de sortir. Pourvu qu’elle ne fasse pas une crise d’angoisse aujourd’hui, comme celle qui l’avait laissé au sol hier. Elle avait si honte de se montrer faible et souffrante. « Pourquoi je n’y arrive pas ? Je suis nulle ! ». Pourtant, il y avait encore deux élèves dans sa classe qui faisaient régulièrement des crises d’angoisse, comme elle. « Aller à l’école pour réussir Parcours Sup, étudier dans le supérieur, se créer un CV en béton pour espérer échapper au chômage, bosser pour la retraite qui sera revue à la baisse et finir dans une EPHAD pas trop dégueu si la catastrophe climatique ou un virus ne me tue pas avant ? C’est ça la vie ? »… Sophie s’enfonce dans le brouillard vers l’arrêt du bus. Il fait moins 10° ce matin… Dans sa poche, à travers le gant elle ressent à peine la vibration du téléphone. Un texto de Thomas sur insta ! « Hey, ça gèle grave ! Ça vous branche qu’on ramasse des vestes et des couvertures pour les SDF ? On ira les

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distribuer demain dans quelques spots en ville. Je n’imagine pas comment on peut dormir dehors par ce temps-là… » En dix minutes de trajet, trois de ces potes ont déjà répondu « bah oui », « cool », « je demande à ma sœur si elle peut nous aider aussi ». D’un coup, Sophie se sent réveillée. Elle n’oubliera jamais leur maraude spontanée en décembre. C’est là qu’elle et Thomas se sont rapprochés. Ils ont préparé des repas pour vingt personnes qu’ils ont distribués dans des barquettes avec des couverts achetés à Auchan, Place des Halles. C’était d’autant plus satisfaisant que c’était interdit de distribuer de la nourriture. « Trop cool la bonté illégale ! » Ils se sont fait insulter par certains SDF qui avaient abusé de la bouteille pour se maintenir au chaud, mais ça ne faisait rien. Ce frisson, cette connexion directe à la réalité lui ont fait retrouver le goût et l’odorat du cœur, comme leur premier baiser gelé sous couvre-feu… S

« Hey, ça gèle grave ! Ça vous branche qu’on ramasse des vestes et des couvertures pour les SDF ? » №40 — Avril 2021 — Or Norme a dix ans



S ACTUALI T É — NU M É RI SAT ION Rédaction : Aurélien Montinari Photographie : DR

e z i r e m Nu l e i r é t a m m i ’ l s r Ve Entreprise basée à Hoerdt depuis 2008, Numerize est le spécialiste de la numérisation de documents et de l’archivage électronique. Une activité au cœur de nombreux enjeux, techniques, entrepreneuriaux, éthiques et sociétaux. Plongée, avec Boris Coriol, PDG de Numerize, dans l’univers de la dématérialisation où patrimoine et prospective se confondent.

umerize aime flirter avec les records. 6000 clients partout en France, plus de 30 millions de documents déjà traités, si Numerize s’est tout d’abord concentrée sur les collectivités, elle cherche désormais à couvrir d’autres secteurs. L’entreprise vient ainsi de s’associer au londonien James Hyman, propriétaire de la plus grande collection de magazines au monde, afin de numériser 160 000 références. Un patrimoine international inestimable, enregistré au Guinness World Records, que Numerize aide à sauvegarder. « Notre historique est fondé sur la numérisation des états civils dans les administrations. On a su cependant se démarquer ces dernières années avec des projets pour des entreprises, des industries et autres… Nous voulons désormais basculer sur le B2B, résoudre cette problématique du papier, cette phobie du classement. Nous avons

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envie de guérir ça », annonce Boris Coriol. Dans cette même démarche, l’entreprise alsacienne vient de lancer un logiciel de gestion électronique des documents (GED). La nécessité de passer au zéro papier s’est imposée avec la crise sanitaire, accélérateur de la transformation digitale et de la numérisation pour de nombreuses entreprises : « C’est toute une façon de penser qui est en train d’être revue. L’idée est de se réinventer et la dématérialisation est adaptée aux besoins actuels. »

UNE NUMÉRISATION SOUS HAUTE SURVEILLANCE Faisant appel à un haut degré de technicité et des protocoles précis, la chaîne de numérisation se découpe en trois étapes

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majeures. « Il y a tout d’abord un travail d’audit. L’idée est d’identifier quels sont les documents nécessaires à la numérisation, d’accompagner les clients sur du conseil d’archivage pur et dur, de dire : “ces pièces, il faut les numériser et celles-là il n’y en a pas besoin.” On passe ensuite à la numérisation. Nous avons des scanners adaptés, qui respectent les documents, pour chaque typologie. Ce n’est pas un photocopieur standard ! La vraie valeur ajoutée de notre travail, c’est enfin de pouvoir rendre accessible l’ensemble de ces documents via des index. Le client peut ainsi retrouver n’importe quoi n’importe quand. » Ce travail de numérisation se fait en toute sécurité et confidentialité. La salle d’archives de Numerize suit ainsi les recommandations des Archives de France. Elle comporte un système de contrôle d’hygrométrie, de température, et même une

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caméra infrarouge, le lieu étant, de plus, sécurisé par accès à badges. Pour les documents confidentiels (comme des actes de notariat qui ne peuvent pas sortir de l’étude), l’équipe de Numerize intervient sur place à l’aide de scanners portables.

DES BONNES PRATIQUES NUMÉRIQUES Si numériser des tonnes de documents papier paraît à la fois nécessaire et pratique sur de nombreux points (gain de place, facilitation des recherches, conscience écologique), cette dématérialisation des données n’est pas sans poser d’autres problèmes, notamment dans ses usages quotidiens. « Un exemple que je mets souvent en avant

« Le système technique d’une époque façonne la qualité phénoménale du monde dont nous faisons l’expérience. » Stéphane Vial

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c’est qu’il y a environ 80 % des experts comptables, voire même des entreprises, qui transmettent aujourd’hui les fiches de paie par e-mail, alors que c’est une donnée interdite par le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données). Numerize intervient également sur ces parties-là : distribuer de manière sécurisée les documents et apprendre aux entreprises à travailler en ce sens. Il ne s’agit pas que de dématérialiser des documents, mais aussi et surtout d’aider les entreprises à utiliser ces données digitales », explique Boris Coriol. L’avenir sera donc forcément numérique, reste encore à déterminer ses conditions de réalisation, exercice prospectif qui n’échappe pas au PDG de Numerize : « Pour nous il est impératif de penser avec trois coups d’avance. Les méthodes de travail vont complètement évoluer avec l’actualité sanitaire et le télétravail ; c’est notre vie entière qui va changer ! Le monde se réinvente, à nous d’être plus clairvoyants et de définir comment les entreprises vont travailler d’ici deux ou trois ans ». Le futur sera immatériel. S

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« Il ne s’agit pas que de dématérialiser des documents, mais aussi et surtout d’aider les entreprises à utiliser ces données digitales. »

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S ACTUALI T É — CH RONIQU E Rédaction : Pink Jaja Photographie : Charles Nouar

… a j a J , i Mo e u q t i d a Qui t n e i a t é s e t s i t r a les  ? s é n fi n o encore c L’été avait plutôt bien commencé : alors que les statues tombaient sous les coups des Black Lives Matter, Benjamin Griveaux s’était redressé. De quoi rassurer Tato qui s’était pas mal inquiété pour l’ancien porteparole de l’Elysée depuis la diffusion de son appendice sur la Toile. Depuis nommé expert parlementaire de la BITD française, Benji reprenait du service le temps d’un « outcall » de deux mois sur les « attributs » de l’industrie militaire. #Rédemption.

n jour peut-être, Gérald Darmanin sera-t-il à son tour commissionné pour rédiger un rapport sur l’accès au logement, s’il ne finit pas d’ici-là Premier de la Dame blonde qui rêve de nous raser la tête tous les matins. En attendant, le poste est occupé depuis juillet par un vieux Monsieur d’un âge certain. Effet start-up nation. Castex, a tenté de m’expliquer Tato, c’est une peu comme si Jean Lassalle officiait sur chaîne non cryptée, mais pas mal enneigée.

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MON « PETIT PONEY ROSE » Pour tout vous dire, c’est à ce moment précis qu’aurait dû commencer ma seconde chronique. Celle de rentrée. À ceci prêt que Tato et moi on s’est offert une petite déprime estivale. Trop de destinations vacances, trop de libertés, trop d’amour dans le Monde d’Après. Pas une ligne envoyée. Les boss du mag n’ont pas aimé. Surtout le faux Corse. Du coup, punition, mise à pied. Jusqu’en avril. Tato ne l’a pas ramenée, bien conscient qu’on avait grave merdé. Petit bonheur, néanmoins, Tato m’a emmené à Paris. Une escapade où dès la première patte posée sur le quai de la gare de Strasbourg un petit vent d’occupation

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«  Sous Castex, qui plus est dans l’Est, on ne badine pas avec les règles… » sanitaire m’a renvoyé à toutes les raisons pour lesquelles j’ai décliné l’offre de vie munichoise. « Alle in einer Schlange! », « Gesichtsmaske ! » auraient pu être les mots d’ordre du moment. Sous Castex, qui plus est dans l’Est, on ne badine pas avec les règles tu ne déconnes pas. Pour combler cette morosité passagère, me dire que notre ville était, selon 20 Minutes, désormais gouvernée par un « “Petit poney rose”, empathique (et) bilingue » ravivait au moins mes couleurs, même s’il m’était difficile de ne pas y déceler un certain daltonisme du rédacteur. À Paris c’est Le Boulet, comme l’appelle Tato, qui est venu nous chercher. Capote levée, hits trop datés, passage par les quais de Seine, la Tour Eiffel, le Louvre et quelques lieux emblématiques des ors de la République : le temps de quelques photos en compagnie de nos maîtres à penser ou d’une aspiration gouvernementale. Trois mois après, nous y sommes retournés pour son anniversaire. Le soir venu, dans un quartier périphérique aux allures de Tout Monde, voiture garée, sous protection : d’un dealer à gauche, d’un dealer à droite, entre deux BM dernier cri. Là-bas, les voituriers ne connaissent pas la crise.

PLAT PAYS ET ALPES BELGES À Bruxelles, ma seconde destination vacances, autre ambiance. Le couvre-feu est appliqué mais à partir de 22 h. Petit vent de liberté pour qui aime dîner entre amis. Seule difficulté pour les autorités belges qui, l’air de rien, ne contrôlent pas grand-chose, trouver le moyen de rivaliser d’ingéniosité administrative avec la France qu’elles semblent avoir pris pour modèle sanitaire, au point où pour savoir

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de quoi demain sera fait, chacun y a pris l’habitude de suivre les multiples points presse hexagonaux. Pourquoi, en effet, s’embêter à réfléchir quand un simple copier-coller des discours de Castex et Véran suffit à combler l’absence d’idées. Même le ski a été interdit en Belgique ! Un choc pour nos voisins qui ont découvert à cette occasion qu’ils disposaient de montagnes alpines. Heureusement, pour Noël, un fonctionnaire a redoré l’imaginaire du Plat Pays. Accueillir des gens pour Noël serait possible, mais dans votre jardin, pour peu que vous puissiez y accéder sans passer par votre habitat. L’humoriste GuiHome s’en est amusé, imaginant un voisin détruire son garage pour y créer un accès en lieu et place. Amusez-vous mais, dans la réalité, cette mesure a suscité une rupture de stocks de tonnelles et de braseros en quelques jours à peine. La police belge y est également allée de son petit coup de pouce commercial, laissant entendre que des drones équipés de caméras thermiques pourraient être utilisés pour surveiller le respect des règles sanitaires. De quoi relancer l’action Parrot et offrir un peu de rêve aux adeptes de la Zone 51. Quant à qui voudrait se soulager, seul pourrait le faire l’invité administrativement fiché comme cas contact de la famille organisatrice des festivités. Étonnant, de ce point de vue, que les ventes de couches pour adultes n’aient pas suivi la même courbe que celles du mobilier de jardin.

TAPER « PLUS VITE QUE SES DOIGTS » Depuis, pas grand-chose, sinon que quelques Rednecks ont pris d’assaut le Capitole, encouragés par un homme au faciès orangé, déchu de son trône par un petit vieux dont on ne sait si l’âge avancé lui permettra de tenir son mandat. Bonne nouvelle toutefois, les États-Unis reviennent dans l’Accord de Paris sur le Climat et donnent de l’élan aux mesures environnementales de notre « Petit poney rose » local : promotion des bus et vélos au lithium, accès des montures électrifiées aux rames de tram après le début du couvrefeu : la cause avance… Tout comme celle, plus pieuse de Christine Boutin, l’évangéliste politique mariée à son cousin, qui,

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à un Internaute qui écrivait. En réalité, l’homme parlait de Gabriel Jesus, joueur de ManCity, et non de la part de responsabilité du premier amour de Christine dans la propagation de la Covid. Ceci étant, les élections approchant, d’autres artistes devraient bientôt faire leur retour sur scène. À commencer par Nadine M., espère Tato. Grande prêtresse es punchline du Grand Est, Nadine est celle qui s’enorgueillit de taper « plus vite que (ses) doigts mais corrige aussi vite que (sa) pensée ». Le CERN ne l’ayant toujours pas intégrée dans ses unités de mesure, cela laisse le temps de la comprendre ou, soyons fou, d’imaginer Isabelle B. en chroniquer les plus beaux extraits sur TPMC. Imaginez : Texte : Nadine M. ; Mise en scène : Isabelle B. ; Musique : Tom Ross, son « petit frère » de Levallois et ancien Tybalt shakespearien contribuable de l’équipe Pagny dans The Voice… Sérieusement, qui a dit que les artistes étaient encore confinés ? S

« Mais vraiment, à quoi sert Jésus ? Faut penser à aller se faire voir à un moment donné. » №40 — Avril 2021 — Or Norme a dix ans




Le club des partenaires Là où les idées naissent et les projets grandissent


Merci à nos partenaires vraiment Or Norme !

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n parcourant les pages de ce supplément, vous allez un peu mieux découvrir les entreprises, ainsi que les femmes et les hommes qui les dirigent ou qui nous en parlent. C’est une grande fierté pour nous de les avoir tous à nos côtés, pour beaucoup depuis plusieurs années. Grâce à eux, nous pouvons, chaque trimestre, vous permettre de lire gratuitement Or Norme. Avec eux, l’équipe Or Norme partage des moments uniques où l’échange, la connaissance, la culture, et surtout l’amitié nous ont réunis régulièrement les dernières années.Malgré la pause obligée de nos événements, ils sont restés fidèles et nous avons tellement hâte de les retrouver bientôt physiquement. Chacune et chacun d’entre eux, dirigeants, collaborateurs, méritent nos remerciements et notre respect. Jamais ils n’interviennent sur la partie éditoriale du magazine, respectant notre indépendance. Toujours ils nous soutiennent dans nos initiatives et participent activement à nos événements. Si Or Norme peut fêter ses 10 ans et envisager l’avenir avec confiance et enthousiasme, c’est à eux tous que nous le devons. MERCI LES AMIS ! Patrick Adler

J ACTECIL 02 J ADIRA 03 J Cabinet d’avocats Alexandre Levy Kahn Braun et Associés 04 J Caisse d’Épargne Grand Est Europe 05 J MediaSchool 06 J 5 Terres Hôtel et Spa 07 J CIVA 08 J ÉS 09 J L’Espace H 10 J FIBA 11 J Heineken 12 J Immoval 13

J Izhak J Joaquim Armindo J Klafs Sauna J KS groupe J La Casserole J La Parenthèse J LACO J LCR J Le Vaisseau J Maison de l’Alsace J Nexity J Nhood J Noiizy J Nouvel R

14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27

J Numerize J Puma J Racing Club de Strasbourg Alsace J Sogeho J Strasbourg Events J Théâtre du vin J Théâtre National de Strasbourg J Top Music J Ultima J Wienerberger France

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Richard Bertrand ACTECIL Entré en vigueur en 2018, le Règlement européen sur la protection des données (RGPD) s’inscrit dans la continuité de la loi française « Informatique et libertés » et est on ne peut plus contraignant pour les entreprises. Impossible d’en faire l’impasse à l’heure de l’usage accru du numérique et du commerce en ligne. Rédaction : Aurélien Montinari Photographie : Marc Swierskowski

Une nouvelle solution digitale pour s’adapter au RGPD « La vocation d’ACTECIL, résume Richard Bertrand, est d’être aux côtés de toutes les entreprises qu’elles soient publiques, privées ou associatives pour qu’elles se conforment à ce cadre juridique. Nous leur proposons un panel de solutions incluant consulting, audit, e-assistance, cybersécurité, formations etc. » Forte d’une cinquantaine de collaborateurs répartis dans toute la France et rompue au télétravail, ACTECIL n’a pas été directement impactée par la crise sanitaire mais ses clients l’ont subie de plein fouet. « Certains ont dû interrompre leurs activités, beaucoup n’ont plus pu nous accueillir, d’autres ont dû développer des solutions dans l’urgence afin de préserver leur activité. Sans toujours mesurer les enjeux et les failles potentielles. » Le printemps sera intense Richard Bertrand s’attend donc à une demande d’autant plus forte au sortir de la crise que la Commission Informatique et Liberté (CNIL) a annoncé de gros contrôles sur les sites

« Nous serons aux côtés des entreprises ». Richard Bertrand PDG

de e-commerce à partir du 31 mars. « Nous serons aux côtés des entreprises », promet-il pour des simulations de contrôle préalables et pour la mise à disposition d’une méthodologie ». Pour ACTECIL, le temps du confinement a en effet été l’occasion de mettre au point des classes virtuelles et un logiciel intitulé « ACTECIL BB COMPLIANCE » qui permet à chacun de s’auto-conformer au RGPD. Cette nouvelle solution digitale sera d’ailleurs présentée lors d’un événement inaugural lancé à Strasbourg en partenariat avec Or Norme. « Notre collaboration avec le magazine est stratégique », souligne-t-il. « Il s’agit d’une publication qualitative, reconnue, attachée à des sujets de fond et accompagnée par un club de nombreuses entreprises Alsaciennes dont nous sommes ravis de faire aujourd’hui partie. » www.actecil.eu LE CLUB DES PA RTENA I RES

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Rédaction : Jean-Luc Fournier Photographie : Marc Swierkowski

Yves Demangel ADIRA

Rencontre avec le directeur du Pôle Marque Alsace à l’ADIRA, l’Agence de développement d’Alsace qui vient de rejoindre le Club des Partenaires Or Norme.

La Marque Alsace est donc désormais gérée par l’ADIRA… Oui. La Marque Alsace a été lancée en 2012 et a connu immédiatement un beau succès en terme d’adhésion. C’est une marque partagée qui appartient à tous ceux qui se fédèrent pour faire rayonner l’Alsace et lui donner de l’attractivité. On compte aujourd’hui plus de 28 000 « ambassadeurs » qui ont adhéré aux valeurs de la Marque. Il y a aussi les 8300 « partenaires », des entreprises, associations, institutions et collectivités qui peuvent utiliser la marque sous certaines conditions très précises. Tous le font avec une mentalité très positive. Et nos 17 pages sur les réseaux sociaux réunissent plus de 2,5 millions de fans. Le point commun entre tous est le partage des valeurs de l’Alsace : l’excellence, l’innovation, le pragmatisme, sans oublier l’humanisme et la touche « citoyenne du monde » qui caractérise notre région…

« Générer de Un mot sur les valeurs de la la visibilité positive Marque Alsace que vous évoquiez pour l’Alsace ». et sur le label Alsace Excellence… Yves Demangel Directeur de la Marque Alsace

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Le but est de générer de la visibilité positive pour l’Alsace en fédérant les

diverses communautés qui œuvrent également en ce sens. L’ambition du label Alsace Excellence est de faire rayonner l’excellence des entreprises alsaciennes, d’attester l’excellence via un audit et de rassembler les meilleures pour promouvoir une Alsace qui excelle. Vous avez été d’emblée très enthousiaste à l’idée de rejoindre le Club des Partenaires Or Norme… Oui, très clairement. Le magazine est incontestablement de haute qualité et présente de vrais beaux contenus qui épousent notre vision de l’excellence. Nous rejoignons au sein de son Club des Partenaires de très belles entreprises et nous connaissons certains projets de Or Norme qui souhaite s’étendre au niveau de toute l’Alsace. A l’ADIRA, nous avons mesuré le fait que nous partagions d’importants enjeux communs donc c’était une évidence d’adhérer au Club des Partenaires Or Norme…

www.marque.alsace - www.adira.com


Rédaction : Jean-Luc Fournier Photographie : Marc Swierkowski

Le cabinet où vous êtes associée est l’un des plus anciens de Strasbourg… Oui. Il est issu de la fusion de deux cabinets historiques de Strasbourg et il siège désormais au 12, rue des Pontonniers à Strasbourg. Ce déménagement a permis de restructurer le Cabinet, de le tourner vers l’avenir : nouveaux équipements, nouveaux logiciels d’exploitation, une vision plus moderne de l’exercice de la profession avec une ambition managériale de développement et de maîtrise de nouveaux outils. Le management est assuré par sept avocats associés, de générations et d’horizons différents, ce qui permet d’avoir une vision plurielle de notre profession. Nous nous sommes bien sûr entourés de nombreux collaborateurs, dont vingt autres avocats, permettant de déployer l’attractivité du cabinet sur de nombreux domaines du droit. Du coup, le cabinet est une ruche qui s’agite tout au long de la journée dans un joyeux brouhaha… (sourire) L’activité est constante et au quotidien, on assiste donc au ballet agité de la défense : les drames et les combats, les réussites et les échecs… Votre métier est réputé comme un de ceux qui vont évoluer technologiquement le plus vite à court terme…

C’est vrai et nous avons pu découvrir de nouveaux outils issus de la Legaltech, des moteurs de recherche ultra puissants et bouleversant notre façon d’exercer notre métier. Ils nous permettent, aujourd’hui en quelques secondes, d’avoir une vision précise et chiffrée de la jurisprudence en France et par région. On voit poindre à l’horizon des outils de justice prédictive permettant même d’envisager une vision statistique de notre métier mais nous gardons cependant la tête froide face à ces nouveaux outils : l’avocat demeure l’humain qui, par son expérience, peut mettre au point une vraie stratégie.

Cabinet d’avocats Alexandre Levy Kahn Braun et Associés Maître Sarah Zimmermann, un des sept associés du cabinet, répond à nos questions pour le supplément Club des Partenaires Or Norme…

Le Cabinet est toujours bien représenté aux rencontres du Club des Partenaires d’Or Norme… L’une des avancées dans notre métier est aussi l’ouverture de la communication pour les Cabinets d’avocats. Nous avons pensé utile de communiquer vers l’extérieur pour présenter nos compétences et notre savoir-faire, on s’est donc tourné vers les médias d’entreprises et d’affaires. À ce titre le Club affaires Or Norme nous permet de rencontrer les entreprises locales qui sont pour nous soit des clients, soit des prospects, dans un cadre de relations d’affaires permettant d’échanger et de communiquer sur notre Cabinet et ses valeurs.

« L’avocat demeure l’humain qui, par son expérience, peut mettre au point une vraie stratégie ». Sarah Zimmermann-Friederich, Arnaud Friederich, Bernard Alexandre, Rita Bader, Bernard Lévy, Franck Merkling, Thomas Bloch Avocats associés

www.alexandre-avocats.fr LE CLUB DES PA RTENA I RES

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Bruno Deletré Caisse d’Épargne Grand Est Europe

Rédaction : Jean-Luc Fournier Photographie : Marc Swierkowski

Nous avons rencontré Bruno Deletré, Président du Directoire de la Caisse d’Épargne Grand Est Europe, nouveau partenaire du Club Or Norme...

« Un magazine comme Or Norme propose de la réflexion. On en a bien besoin aujourd’hui… ». Bruno Deletré Président du Directoire

Un mot tout d’abord sur le périmètre de la société dont vous êtes président du Directoire et sur son activité, surtout depuis le début de la crise sanitaire, il y a un an… « La Caisse d’Epargne Grand-Est Europe regroupe 300 agences réparties sur toute la région Grand Est qui est son territoire naturel ainsi que six centres d’affaires consacrés aux entreprises et aux institutionnels à Strasbourg, Mulhouse, Metz, Nancy, Reims et Troyes. Notre nom comprend « Europe » car nous sommes également concernés par les pays limitrophes à notre région, la Belgique, le Luxembourg, l’Allemagne et la Suisse où beaucoup de frontaliers et d’entreprises travaillent.

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Dans quel cadre se situe le soutien que vous venez d’accorder à notre magazine, via l’adhésion à son Club des Partenaires ? Or Norme nous plait beaucoup. En tout premier lieu parce qu’il est hors normes (rires) et de grande qualité. Ce type de publication propose de la réflexion et on en a bien besoin aujourd’hui. Nous sommes très heureux de faire partie du Club des Partenaires Or Norme. La Caisse d’Epargne est très engagée dans le mécénat culturel et philanthropique depuis 200 ans. Cela va du soutien aux grandes institutions comme l’Orchestre Philarmonique de Strasbourg ou Le Maillon jusqu’à des manifestations comme le Festival des cultures urbaines mais cela concerne aussi, via notre Fondation, la lutte contre l’exclusion sociale en venant notamment en aide aux étudiants face à la situation difficile qu’ils rencontrent depuis un an. Tous ces soutiens sont dans notre ADN depuis deux siècles… www.caisse-epargne.fr/grand-est-europe


Emmanuel Guingand & Géraldine Bally

Campus MediaSchool

Campus regroupant plusieurs écoles, MediaSchool forme les professionnels de demain. Directement impacté par la crise, l’enseignement a dû se réinventer et penser d’autres modèles pédagogiques, à distance mais « tout en restant soudés ». Rédaction : Aurélien Montinari Photographie : Marc Swierskowski

« Soudés face à la crise ». Géraldine Bally et Emmanuel Guingand

En 100% distanciel dès le début de la crise sanitaire, le Campus MediaSchool de Strasbourg a connu un énorme bouleversement selon la directrice adjointe, Géraldine Bally ; « ça a été un gros défi pour les intervenants et les étudiants, mais tout le monde a joué le jeu. » Caméras, logiciels, du nouveau matériel a été rapidement déployé, permettant aux intervenants sur place, de donner des cours à distance, les étudiants, eux, étant uniquement accueillis « pour la partie travaux pratiques et dans le respect des directives sanitaires gouvernementales », précise Emmanuel Guingand, directeur du Campus. Les étudiants ont ainsi pu continuer à faire des reportages, en radio, presse écrite ou télé et présenter leurs travaux aux jurys, une manière pour eux de « garder un pied dans la réalité », et aussi « d’être accompagnés au mieux par les intervenants », d’après Emmanuel Guingand. Des étudiants qui peuvent se retrouver en souffrance et dont le sort préoccupe la direction qui encourage des soirées étudiantes en virtuel afin de maintenir le contact au sein des promotions.

Penser l’avenir de MediaSchool La morosité ne l’emporte pas pour autant. Le campus est d’ailleurs à la recherche d’espaces supplémentaires pour ses différentes écoles, à l’instar de la Strasbourg School of Sports, créée avec Teddy Riner, qui ouvrira ses portes en septembre. Une école qui intègrera le e-sport, « se différenciera par son expertise au niveau de la communication, de l’événementiel et du marketing » et entrera en dialogue avec « l’écosystème régional, comme des associations et des clubs sportifs ou des entreprises et des marques comme le Racing, la SIG, Puma, Casal Sport, Adidas… »,annonce Emmanuel Guingand. Un réseau régional augmenté par le partenariat avec le magazine Or Norme, « une évidence » pour le directeur du Campus, « le miroir de ce pourquoi nous formons nos étudiants. » mediaschool.eu ecole-ecs.com/strasbourg supdeweb.com/strasbourg iej.eu/strasbourg ecoleiris.fr LE CLUB DES PA RTENA I RES

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Rédaction : Barbara Romero Photographie : DR

La crise sanitaire n’arrête pas Jean-Daniel Seltz, créateur et dirigeant du 5 Terres Hôtel & Spa à Barr. Dans les tuyaux, une extension du Spa sur 1500 m2, la création de nouvelles Junior Suites et Suites, et la réouverture après travaux de l’historique winstub de la place de l’hôtel de Ville, la S’Barrer Stuebel.

Jean-Daniel Seltz 5 Terres Hôtel & Spa

C’est dans une bâtisse du 16e siècle qu’est né ce précieux joyau qu’est le 5 Terres Hôtel & SPA, mettant en lumière les matériaux bruts d’origine – murs de briques, colonnes en grès des Vosges, tuiles anciennes – sublimés d’objets design. Entièrement pensé et créé par Jean-Daniel Seltz, l’hôtel enchante les amoureux d’ambiance raffinée et feutrée, jusqu’au Spa intimiste lové dans une cave voûtée. Cinq ans après son ouverture, après plusieurs mois de mise à l’arrêt forcée, crise sanitaire oblige, l’hôtel d’exception prévoyait de rouvrir ses portes fin mars début avril, avec déjà plusieurs – gros – projets dans les cartons. « La décision était prise avant la crise sanitaire qui va finir par s’arrêter un jour », rappelle, confiant, JeanDaniel Seltz.

« Un somptueux Une destination idéale pour pluécrin en phase sieurs nuitées d’agrandissement ». Au programme, l’extension du Spa Jean-Daniel Seltz Dirigeant 5 Terres Hôtel & Spa

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sur 1500 m2 avec des bassins intérieurs et extérieurs, dans un cadre autant

pittoresque que verdoyant, et la création de 25 nouvelles Junior Suites et Suites, toujours dans l’esprit de cocon raffiné propre à l’établissement. « Je souhaite offrir une destination où les Strasbourgeois se réjouissent de passer plusieurs jours », confie l’entrepreneur. Jean-Daniel Seltz a ainsi racheté l’historique winstub de la place de l’hôtel de ville, pour offrir une offre de restauration brasserie de qualité à ses clients, en parallèle de la gastronomique Table du 5. Réinventée par les jeunes chefs Paul Boizet et Quentin Dassé qui ont fait leurs classes dans de prestigieux étoilés français, la Table du 5 propose une cuisine gourmande et élégante, des produits de qualité et une sélection de quelque 800 vins à la carte. Vins que l’on apprécie de déguster à tout moment de la journée dans l’élégant lobby sublimé de sa verrière, ou confortablement installé dans l’un des salons des 5 Terres. 11, place de l’Hôtel de Ville - Barr www.5terres-hotel.fr


Étienne-Arnaud Dopff Conseil interprofessionnel des vins d’Alsace (CIVA)

Rédaction : Véronique Leblanc Photographie : Marc Swierkowski

« Des campagnes identitaires et des slogans inédits ». Étienne-Arnaud Dopff Viticulteur - Président de la Commission Marketing France et Export du Civa

« Les synergies que nous avons créées entre les différentes familles professionnelles du vin ces dernières années nous ont beaucoup aidés à traverser la crise de la Covid19 », constate Etienne-Arnaud Dopff, propriétaire du domaine Dopff-au-Moulin. « Nous avons gardé une activité assez intense malgré un contexte budgétaire très tendu ». Une « même trame à tricoter selon les spécificités nationales ou internationales », un travail opiniâtre « pierre après pierre », l’humain d’abord et avant tout et puis la volonté de « jouer collectif » entre les territoires et au sein du CIVA lui-même où vignerons indépendants, négociants et coopératives jouent la même carte des vins d’Alsace pour avancer ensemble. Etre prêts au sortir de la crise « Face à la baisse des revenus des vignerons et de leurs cotisations au CIVA liées aux hectolitres vendus, il nous a fallu être d’autant plus ingénieux que nous n’avons pas voulu freiner sur les investissements afin d’être prêts au sortir de la crise. La communication centrée sur l’humain a été l’un de nos axes, nous avons développé des campagnes identitaires, des slogans inédits », raconte Etienne-Arnaud Dopff. « Il fallait garder le lien même si les visites au caveau étaient interdites. Refuser le fatalisme, garder la foi en l’avenir. Et ça a payé, on a réussi à endiguer la baisse bien plus que d’autres vignobles. » Il faudra continuer sur cette voie de la mutualisation, de l’invention et de la réinvention assure-t-il, intégrer le digital pour être prêt à « parer au cas où » mais sans perdre de vue que « l’Alsace est une région à taille humaine ». Sans compter « l’axe vert » qui se développe de plus en plus et promet de belles surprises au sein du vignoble. Pour Etienne-Arnaud Dopff, « rien de plus logique qu’un partenariat avec Or Norme pour des vins Or Norme élevés par des vignerons Or Norme. Nous voulons montrer nos produits au plus grand nombre et nous savons que les lecteurs sont sensibles à notre démarche. Nous participons à l’identité et au rayonnement de l’Alsace et nous voulons communiquer avec les Alsaciens. Or Norme nous permet de le faire. vinsalsace.com LE CLUB DES PA RTENA I RES

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Michel Piguet ÉS Énergies Strasbourg Rédaction : Véronique Leblanc Photographie : Martin Itty

« Commercialisateur d’électricité et de gaz naturel, ÉS s’est mobilisée pour faire face à la crise sanitaire », déclare Michel Piguet. « Nous avons adapté nos modes de fonctionnement pour préserver et consolider notre relation client. Télétravail, télé-conseil et autres outils digitaux se sont évidemment renforcés mais nous avons tout fait pour rouvrir dès que possible les accueils physiques de nos agences de Strasbourg, Haguenau et Molsheim, essentielles pour maintenir le lien, notamment avec nos clients les plus vulnérables et destinataires des « chèques énergie »». « Des échéanciers de paiement personnalisés ont par ailleurs été définis avec les professionnels les plus touchés et nous avons mené des actions plus ciblées pour exprimer notre solidarité avec des associations ou des corporations dont nous sommes proches. ÉS Energies a ainsi participé à des opérations de soutien aux commerces locaux dont un crowfunding organisé pour les restaurateurs afin de permettre aux internautes d’acheter des chèques cadeaux dans différentes enseignes. » Innovation et transition énergétique La crise n’a pas freiné l’élan d’innovation de l’entreprise. Michel Piguet cite : la transformation de l’Espace Client qui regroupe désormais les deux énergies (Gaz et Electricité) ainsi qu’un engagement toujours plus concret dans la transition énergétique. À titre d’exemple, il relève le service gratuit « J’agis sur ma facture » qui permet une meilleure maîtrise de la consom-

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« La crise n’a pas freiné l’élan d’innovation de l’entreprise ». Michel Piguet Directeur Général ÉS Énergies

mation et identifie les bonnes pratiques éco-responsables, ou l’outil de réalité augmentée qui permet de simuler sur tablette un projet d’installation de panneaux photovoltaïques. Déterminée à participer à la décarbonation, ÉS Energies développe son offre d’énergies vertes et s’investit dans la mobilité électrique en proposant déjà des solutions de recharge pour les entreprises, les collectivités et l’habitat collectif. Quant au partenariat avec Or Norme, « il est voué au long terme comme tous ceux que noue ÉS », confie Michel Piguet. « Il se fonde sur des valeurs partagées : un fort attachement à notre territoire, l’importance des relations de proximité et le développement des réseaux de connaissances. » www.es.fr


Rédaction : Aurélien Montinari Photographie : Marc Swierskowski

Michel Hentz L’Espace H Représentant des marques BMW et Mini dans le Bas-Rhin, le concessionnaire l’Espace H est un groupe familial où l’humain prime. Un état d’esprit qui a permis au directeur général, Michel Hentz, et à son équipe d’aborder la crise avec philosophie et agilité.

Quand on interroge Michel Hentz sur son activité, on perçoit une forme de fierté mais aussi de gratitude. « Notre groupe s’est très bien adapté. J’ai envie de mettre cela sur le compte de nos collaborateurs. Ils ont vraiment fait preuve d’engagement, de créativité, d’ingéniosité, de solidarité, et ça a beaucoup joué. » Car si l’année 2020 a été difficile sur le marché de l’automobile, avec une diminution de 25% au niveau national, Michel Hentz préfère partir du principe que « c’est dans la difficulté que l’on a les meilleures idées ». Développement du marketing digital, nouvelle approche client pour répondre aux normes sanitaires, l’Espace H a su se réinventer et faire face à la crise. En 2021, les mots-clés pour le directeur sont « service, implication, optimisation, innovation, gestion du changement, respect des règles », de quoi continuer sur la bonne voie : « le secteur automobile va évoluer dans les cinq à dix prochaines années comme il a pu évoluer ces 50 dernières années, l’avenir s’annonce passionnant. » À la pointe de la technologie Électrique, hybride, la voiture du futur se dessine aujourd’hui. BMW, constructeur et motoriste, est à la pointe de l’innovation sur ces enjeux avec notamment sa gamme BMW i, « un modèle de développement durable ». À cela s’ajoutent de nouvelles technologies comme la fonctionnalité eDrive

Zones qui permet d’optimiser l’utilisation des véhicules hybrides en passant automatiquement en mode 100% électrique dans des zones spécifiques. Pour Michel Hentz, « l’hybride est un challenge, pas une contrainte. ». Cette motivation, on la retrouve dans le partenariat avec Or Norme et son Club des Partenaires grâce auquel Michel Hentz souhaite « participer à la mise en avant de nos richesses culturelles et de nos acteurs économiques locaux. » Challenge accepted !

« Faire des contraintes des opportunités ». Michel Hentz, Directeur général (4e en partant de la gauche) et son équipe Après-Vente

www.lespaceh.fr LE CLUB DES PA RTENA I RES

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Francis Wassmer Cabinet d’expertise comptable FIBA

Rédaction : Véronique Leblanc Photographie : Marc Swierkowski

tion sociale, gestion de patrimoine et formation. » Cette offre full service a été complétée depuis l’automne par une activité de conseil en communication.

«Notre cœur de métier est le conseil aux entreprises de tous types à chaque moments-clés de leur activité ». Francis Wassmer Président

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« Fort de 245 collaborateurs dont plusieurs sont bilingues ou trilingues, le groupe FIBA a été créé à Strasbourg en 1969 et compte aujourd’hui 16 bureaux répartis entre l’Alsace (7 dans le Bas-Rhin, 4 dans le Haut-Rhin), la Moselle et Paris », précise Francis Wassmer. « Notre cœur de métier est le conseil aux entreprises de tous types dans tous les moments-clés de leur activité. L’offre de FIBA est globale et regroupe l’ensemble des métiers de l’expertise comptable - y compris la gestion des paies, le conseil en matière sociale et droit des affaires - ainsi que le commissariat aux comptes et l’audit contractuel. Nous conseillons également les clients sur leur gestion privée, déclarations fiscales, retraite, protec-

L’humain au cœur de l’entreprise « La crise sanitaire nous a contraints à inventer du jour au lendemain de nouveaux modes de relation, tant au sein de l’entreprise que dans les échanges avec nos clients. Nous avons aussi accompagné ces derniers dans la transition numérique, la récupération des données, la gestion à distance de la comptabilité ou de la paie, etc. Tout s’est fait sans heurt grâce à notre service informatique très performant. Avec pour conséquence, relève Francis Wassmer, l’embauche d’une personne supplémentaire chargée spécifiquement du numérique. » Cette transition numérique reste cruciale, « mais, souligne-t-il sans jamais perdre de vue notre devise : « l’humain au cœur de l’entreprise ». Pour FIBA, la convivialité est un « état d’esprit » qui doit prévaloir tant en interne que dans la relation client et elle est particulièrement importante en cette période de stress sociétal. Cette convivialité - associée à l’art et à la culture - Francis Wassmer la retrouve au sein du Club des partenaires Or Norme. « Nous en faisons partie depuis le début et nous ne l’avons jamais regretté. Cela nous ouvre à des échanges de qualité avec le monde de l’entreprise et les acteurs locaux. Ces rencontres ont une belle dimension humaine... » www.groupe-fiba.fr


Christelle Salvado Heineken Notre fleuron brassicole régional Fischer fête en 2021 son bicentenaire. Pour l’occasion, la marque, dans le giron du groupe Heineken depuis la fin des années 90, lance une nouvelle bière bio pile dans l’air du temps. Rédaction : Barbara Romero Photographie : DR Christelle Salvado Chef de groupe Crafts / Heineken

Tout a commencé en 1821 au 54, rue du Jeu-des-Enfants à Strasbourg. Jean Fischer y produit son premier brassin à la brasserie de l’Ours Blanc. C’est en 1877 qu’elle est transférée à Schiltigheim, à la brasserie de l’Espérance, où toute la gamme Fischer est encore brassée et embouteillée. « En rejoignant la Cité des Brasseurs, cela lui a permis de creuser des cuves de garde profondes pour brasser des bières à fermentation basse », raconte Christelle Salvado, chef de groupe Crafts/Heineken. « La brasserie de l’Espérance est aussi celle que le groupe Heineken a choisi pour s’installer en France il y a 50 ans, précise-telle. Aujourd’hui, 236 collaborateurs y travaillent. Heineken est attachée à sa brasserie alsacienne et fière de perpétuer Fischer et son savoir-faire. » Une Fischer tradition en label AB, de nouveaux designs… Fischer, c’est la tradition dans l’innovation. D’abord avec son emblème, le Fischer Mannele, apparu en 1930 et jamais démodé. Puis en 1982 avec sa Fischer tradition qui bouscule les codes brassicoles. « Elle est innovante par sa bouteille de partage de 65 cl et son bouchon mécanique pour la refermer, rappelle Christelle Salvado. Elle

représente aujourd’hui 80% du volume de la marque en France. » Pour le bicentenaire, la bière emblématique s’offre une nouvelle jeunesse avec sa version labélisée bio à découvrir dès avril en grande et moyenne surfaces. « Depuis ces dernières années, la vraie innovation a été, et sera, la transition éco-responsable et durable de la marque pour renforcer son ancrage local », précise Christelle Salvado. Labélisée « Savourez l’Alsace », Fischer a aussi signé un partenariat avec le Comptoir agricole, garantissant un houblon 100% alsacien agriculture raisonnée. Ce virage important de son histoire, Fischer le célèbrera cette année avec un design plus frais de ses gammes, le bleu pour la Fischer tradition, l’orange pour sa bière ambrée et le vert pour la Trois Houblons. « Nous aurions aussi aimé organiser un événement festif, mais le contexte reste trop incertain, regrette Christelle Salvado. Nous sommes en revanche impatients de retrouver nos clients du CHR pour pouvoir vivre ensemble les 200 ans de la marque. » Qui plus est dans un contexte où la crise sanitaire a révélé un attachement plus particulier des Français aux marques de notre patrimoine. www.heinekenfrance.fr LE CLUB DES PA RTENA I RES

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Rédaction : Aurélien Montinari Photographie : Marc Swierskowski

« Nous étions prêts ! » Immoval, référence de l’immobilier à Strasbourg, est une agence toujours en développement et qui sait anticiper. Analyse du marché, dématérialisation, expansion, retour avec Christian Gautheron, directeur général, sur une année pleine de challenges et un avenir riche en projets.

Christian Gautheron Immoval

Si le marché immobilier du secteur professionnel a été lourdement affecté en 2020, celui des particuliers a su rester extrêmement dynamique, avec même une progression par rapport à 2019, « Strasbourg est par nature un marché très stable et qui connaît peu de variations » analyse Christian Gautheron. Le défi pour Immoval : maintenir les activités courantes dans le métier, comme les visites de biens ou l’organisation des réunions de copropriété. Un défi relevé grâce à une démarche de dématérialisation de la relation client, avec des visites en vidéo immersives à 360° et la signature électronique des documents. Des process anticipés en amont, déjà en place avant la crise, et qui ont, de fait, permis de s’adapter rapidement aux nouveaux usages, « une véritable démonstration par l’exemple » pour Christian Gautheron.

« Une agence avec un coup d’avance ». L’innovation comme ADN Christian Gautheron Directeur Général

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L’année 2021 pour Immoval est celle du développement externe avec

l’ouverture récente d’une nouvelle agence de près de 400 m2, place de l’Hôtel de Ville à Molsheim, dans le cadre du rachat de la filiale Scheuer. L’opportunité pour lmmoval « d’accroître sa présence dans cette région, grâce à une marque forte, présente depuis plus de 40 ans. » Cette politique de segmentation se retrouve également dans la création, fin 2020, du Service Prestige, Avenue de la Paix à Strasbourg ; « un accompagnement plus personnalisé pour une clientèle cherchant à vendre ou à acquérir des biens haut de gamme sur toute l’Eurométropole. » Immoval innove, à l’image du magazine Or Norme et son Club des Partenaires, « une manière originale de communiquer et d’échanger avec des personnes d’horizons différents, tous acteurs du territoire », comme le résume son directeur général. immoval.com


Mathieu Zenner Agence IZHAK Interact L’agence de communication digitale IZHAK Interact fêtera ses cinq ans en mai. Malgré une crise sanitaire ayant fortement bousculé les usages et comportements de ses clients, l’agence et ses vingt collaborateurs travaillent en 2021 pour résoudre les nouveaux défis auxquels sont confrontées les marques. Rédaction : Barbara Romero Photographie : Marc Swierskowski

« Nous avons renforcé nos partenariats avec Google, Facebook / Instagram et Amazon mais aussi cette année avec TikTok. ». Mathieu Zenner Président

ADN digital « The next starts ». Sur son site Internet, IZHAK Interact affirme son positionnement. « Nos clients ont plus que jamais besoin de réinventer leur image de marque. » constate Mathieu Zenner. Ce qui est ressorti du premier confinement ? « Trois consommateurs sur quatre n’adhèrent qu’aux marques qui partagent leurs valeurs. L’enjeu n’est plus simplement publicitaire, il s’agit de parler des marques avec authenticité pour leur permettre de mieux se connecter aux aspirations de leurs clients. C’est cela la nouvelle définition d’une marque. » « Créer des expériences capables de générer de l’interaction » Au cœur de sa stratégie, le digital et le social media occupent une place majeure. « Nous démarrons chacune de nos campagnes par un audit digital. Nous avons renforcé nos partenariats avec Google, Facebook/Instagram et Amazon mais aussi cette année avec TikTok. Nous proposons ainsi des campagnes plus engageantes grâce à l’enthousiasme des influenceurs avec qui nous collaborons. » Récemment labellisée « Agence de transformation digitale » par la Région Grand Est, « nous voulons capitaliser sur l’ensemble de nos savoir-faire sur le digital » souligne Mathieu. « Nous croyons au talent de nos équipes, nous avons mis en place 4 squads expertes pour accélérer les projets de nos clients avec agilité et maîtrise budgétaire. Nous avons aussi décidé de nommer Florence Lickel directrice générale et développons l’agence pour innover sans cesse. » En 2021, IZHAK Interact pense au delà du digital pour accompagner les entreprises dans la mise en place de leur programme RSE et leur permettre de mieux exprimer la vision qu’elles portent du futur. Dans leur locaux assez waouh de l’avenue de la Roberstau, avec studio intégré, déco léchée et espaces pensés comme lieu de vie, les équipes créatives de l’agence abordent ce nouveau cap avec envie et ambition. www.izhak.fr LE CLUB DES PA RTENA I RES

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Joaquim Armindo Entreprise Joaquim Armindo

Rédaction : Aurélien Montinari Photographie : Marc Swierskowski

Entreprise générale de BTP, la société Joaquim Armindo est présente dans le paysage local du bâtiment depuis plus de 30 ans. Une entreprise familiale, dont le crédo est « construire naturellement et durablement » et qui, face à la crise, puise dans son optimisme et sa flexibilité. se veut malgré tout rassurant : « nous restons très optimistes sur l’avenir ! »

« Nous restons très Un secteur qui tient bon optimistes sur l’avenir ! ». Même si le secteur du BTP et plus largeJoaquim Armindo, Président, et Ludovic Armindo, Directeur Général

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ment de l’immobilier résistent bien au contexte de ces derniers mois, Joaquim Armindo, président de la société éponyme, avoue que la crise impacte au quotidien le fonctionnement des opérations, « avec la déclaration de cas contacts et les absences, nous avons dû apprendre à mettre en place une organisation plus flexible. Désormais, nous avons toujours un plan A ET un plan B, voire même un plan C ! », déclare le dirigeant. Une vitesse de croisière à surveiller constamment, un cap à maintenir pour un entrepreneur qui

Ouvrir ses horizons Le secteur du BTP se porte bien donc, avec pour preuve un nouveau chantier, fraîchement commencé au cœur de la ville d’Obernai : la construction, par l’entreprise Joaquim Armindo, d’un impressionnant parking aérien pour voitures. Conçu par le cabinet d’architecture LAMA Architectes pour TOPAZE Promotion et SCHARF Immobilier, « c’est un projet particulier, avec une géométrie qui se fond parfaitement dans l’environnement et réalisé quasi intégralement en béton teinté rose et matricé, rappelant le fameux grès des Vosges », explique Joaquim Armindo. Quand on évoque avec lui la pertinence du partenariat avec Or Norme, c’est immédiatement à l’enrichissement personnel que fait allusion le constructeur, « j’ai un fort intérêt pour l’art, et le magazine Or Norme aborde justement une multitude de sujets qui gravitent autour de cette thématique, cela permet de découvrir de nouveaux horizons, de nouvelles façons de voir les choses. » Quant au Club des Partenaires, là encore, Joaquim Armindo y voit, « la chance de faire des rencontres et d’accumuler des connaissances supplémentaires », un enrichissement, toujours. armindo-joaquim.fr


Vanessa Lefakis Klafs Spécialiste du sauna et hammam sur-mesure, la marque Klafs est synonyme de bien-être et d’excellence. Située à Orbey, l’entreprise Henry-Soredi, co-gérée par Vanessa Lefakis, distribue les produits Klafs dans la région Grand Est et au-delà, depuis plus de trente ans... Rédaction : Aurélien Montinari Photographie : Marc Swierskowski

Réinvestir le chez-soi Alors que projets de vacances et autres voyages sont en berne depuis plusieurs mois, l’envie de se faire plaisir et de décompresser demeure et se traduit par la recherche de plus de confort chez soi, tout simplement. « Les gens ont vraiment besoin de se faire plaisir. Ils ne dépensent pas dans leurs voyages, ils améliorent donc leur habitat », analyse Vanessa Lefakis, qui distribue la marque Klafs en Alsace. Un changement d’usage qui voit le chez-soi réinvesti, avec des projets d’extension de maison, de construction de sauna, de hammam, voire de salle de massage… « Nous notons une augmentation de 30% des demandes par rapport à l’année dernière, nous pouvons dire que nous avons le vent en poupe », confie la co-gérante. Cette tendance, contre toute attente, se retrouve même chez les professionnels, avec des commandes venant d’hôtels, d’architectes ou encore de piscines publiques. Des projets quatre étoiles Le savoir-faire Klafs est demandé un peu partout sur le territoire. Le Spa Nuxe de l’hôtel des Haras à Strasbourg vient ainsi d’être dévoilé. Pensé par

« Les gens ont vraiment besoin de se faire plaisir. Ils ne dépensent pas dans leurs voyages, ils améliorent donc leur habitat ». Vanessa Lefakis et Aurélien Henry Co-gérants

le studio de designers parisiens Jouin Manku, l’équipe de Vanessa y a assuré l’installation du sauna et du hammam. En cours, le chantier de l’hôtel Le Clos des Délices, à Ottrott, où se construit, « un très beau projet, vraiment spectaculaire ». Le dynamisme Klafs ne s’arrête pas là. Désormais présente sur les réseaux sociaux, la filiale Grand Est, sous l’égide de Vanessa Lefakis, renforce son rayonnement via le Club des Partenaires Or Norme. Plus qu’un moyen de rencontre entre entrepreneurs, une vision portée par Patrick Adler, son directeur de publication, une approche hors normes, « qui m’a tout de suite plu », conclut Vanessa Lefakis. klafs-sauna.com LE CLUB DES PA RTENA I RES

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Jérôme Sauer KS groupe

Rédaction : Aurélien Montinari Photographie : Marc Swierkowski

Contractant général multidisciplinaire, l’expertise de KS groupe se manifeste à travers 18 filiales dédiées aux différents métiers de la construction et du bâtiment, du foncier jusqu’à l’exploitation. Pour Jérôme Sauer, directeur général du groupe, « l’entreprise traverse une période charnière », pour le meilleur !

« Se réinventer pour garder une longueur d’avance et aborder un nouveau cycle dans les meilleures conditions. ». Edouard Sauer (à gauche) et Jérôme Sauer, Dirigeants de KS groupe

Évoluer vers d’autres métiers C’est en 2018, pour les 60 ans de la société, que KS Groupe s’est associé à Or Norme, louant son réseau de partenaires et la qualité des événements organisés. Aujourd’hui, KS Groupe « continue sa mue ». Après 20 années de fort développement et face à la crise, KS Groupe se réinvente, employant au mieux les mesures imposées ; « une réorganisation interne indispensable pour stabiliser un groupe et aborder un nouveau cycle sur des bases efficaces », selon Jérôme Sauer. Trois nouveaux axes de développement Au programme de cette stratégie, la mise en avant d’une offre globale de conception et réalisation industrielle

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avec la filiale Cical Synergies, qu’illustre parfaitement l’actuel chantier d’Epernay pour la maison de champagne Pol Roger. Vient ensuite le développement foncier destiné à l’immobilier professionnel avec KS Promotion, cette fois. Des projets de réhabilitation de friches industrielles en zones d’activités, comme à Obernai avec le chantier de la Divinale, ou encore à Hoerdt et Ostwald. Enfin, le dernier pôle de développement de KS Groupe se traduit par la création, avec Valéry Fenes, de la société AREFIM GE spécialisée dans le campus d’activités de très gros volume. « Les changements des modes de consommation entraînent l’explosion de la vente en ligne et nécessitent la construction de halls de stockage et de distribution », analyse Jérôme Sauer, comme à Reichstett avec le lot 33, ou à Eschau avec Menicon Pharma, centre de production, de logistique et de distribution. KS Groupe poursuit, bien évidemment, en parallèle, le développement de son activité de contractant général avec les récents chantiers strasbourgeois des Haras, de L’IRCAD 3, ou du site Bossard à Souffelweyersheim, et peut toujours s’appuyer sur les expertises spécifiques de ses filiales de corps d’état. KS Groupe se transforme tout en consolidant son cœur de métier et son image d’acteur clé du bâti dans la région Grand Est. ksgroupe.fr


Rédaction : Jean-Luc Fournier Photographie : Marc Swierskowski

« Il y a un an, au printemps, mon angoisse était que ma boîte coule » se souvient Cédric Kuster. « Puis les aides de l’Etat se sont mises en place, heureusement. Mais c’est la vente à emporter qui nous a sauvés. On a connu des moments assez incroyables grâce à ce système : à Noël, nous avons assuré la livraison de 600 menus, et 300 autres pour le nouvel an. Je crois que pour beaucoup de nos clients, nous représentons le petit restaurateur indépendant qu’ils veulent à tout prix aider. La Casserole a l’image d’un restaurant de qualité où le patron tient sa maison à bout de bras et ça compte beaucoup dans la perception positive que les gens ont de nous. Si notre établissement tient le choc, c’est parce que nous maîtrisons nos coûts en toutes circonstances. Mais bon, il ne faut pas se mentir, je ne vous cache pas que moralement, nous avons un grand besoin de retrouver nos clients, leur chaleur dans les échanges et leur convivialité… » Ces rencontres inestimables… Quand nous l’avons interviewé à la fin février dernier, Cédric Kuster espérait « une possible réouverture rapide, même avec des contraintes, à l’horizon avril/mai. Nous avons tant besoin de nous réinvestir à fond le plus tôt possible et au quotidien dans notre savoirfaire en cuisine et en salle avec l’accueil de nos clients » Et puis, il n’aura pas fallu pousser très loin le sémillant directeur de La Casserole pour qu’il parle de son investissement dans le Club des Partenaires

Cédric Kuster Restaurant La Casserole

Or Norme : « J’y suis présent depuis trois saisons. Ce club est un des partenariats les plus sympas de Strasbourg car il nous offre d’être membre d’un réseau sain basé sur le business certes, mais aussi sur l’amitié. La marque de fabrique du Club des Partenaires, c’est la bienveillance. Très sincèrement, j’y trouve parfaitement mon compte et je suis très satisfait. J’ai hâte là aussi que nous puissions revivre ensemble les bons moments vécus depuis trois ans, ces rencontres inestimables qui sont le sel de nos métiers… » conclut Cédric Kuster, plein d’espoir.

« La vente à emporter nous a sauvés ». Cédric Kuster Gérant

la-casserole.fr LE CLUB DES PA RTENA I RES

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Isabelle Schaeffer La Parenthèse Centrée sur les événements BtoB organisés pour des entreprises, Isabelle Schaeffer a traversé ces derniers mois sans déroger à sa « signature » qu’elle résume par ces mots : l’événement qui fait sens et qui engage ses publics. Rédaction : Véronique Leblanc Photographie : Marc Swierskowski

« Dans « essentiel », il y a « essence » et « sens »... ! ». Isabelle Schaeffer Dirigeante

La crise sanitaire l’a amenée à créer des nouveaux formats d’événements hybrides ayant pour objectif le maintien de l’attention de bout en bout. « La rencontre, dit-elle, a franchi une nouvelle dimension où il s’agit de bien gérer le mix présentiel/distanciel, le physique et le digital pour augmenter l’expérience et l’intérêt des publics. » Là où l’événementiel était parfois un one shot éphémère, il s’agit aujourd’hui d’animer « des moments de vie durables » en reconsidérant la temporalité de la rencontre. Isabelle a entamé 2021 avec un très bel événement « phygital » réunissant autour de Schmidt Groupe son réseau Cuisinella et Schmidt réparti dans 25 pays. Un bel événement strasbourgeois en septembre C’est dans cet état d’esprit que La Parenthèse prépare la Biennale du Réseau entreprendre prévue à Strasbourg en septembre 2021. Rassembler plus de mille dirigeants français pendant trois jours dans des lieux tels que l’ENA, l’IRCAD et le Zénith représente un pari et un challenge très motivant. « Les événements seront d’autant plus essentiels que la crise les a rendus rares, conclut Isabelle. » Et dans « essentiel », il y a « essence » et « sens »... et c’est tout naturellement que l’agence s’est engagée dans une démarche RSE (Reponsabilité Sociale de l’Entreprise). Ce qu’elle aime dans Or Norme : « des contenus qui lui apprennent quelque chose, le soin apporté à l’écriture et aux photos, un sérieux qui ne se prend pas au sérieux. » Sans compter l’ancrage local joint aux contacts qu’elle peut nouer au sein du Club des partenaires… Contact : isabelle.schaeffer@la-parenthese.eu

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Dyna Peter-Ott LACO Avez-vous déjà entendu parler de la mythique Pierre d’Argent ? Ce nettoyant universel, fabriqué entièrement à partir de produits naturels biodégradables, est le produit phare de l’entreprise LACO. Basée en Alsace et aux USA, LACO fabrique et distribue des produits de nettoyage, d’entretien et de bien-être à destination des particuliers et des entreprises, une production éco-responsable, Made In France, à partir d’ingrédients issus de l’agriculture biologique.

« L’essor de LACO, entre chimie verte et bien-être ». Dyna Peter-Ott Présidente

Rédaction : Aurélien Montinari Photographie : Marc Swierkowski

Face à cette crise sanitaire sans précédent, pour Dyna Peter-Ott, PDG de LACO, il fallait « élargir la gamme de désinfectants, mais aussi de produits de bien-être afin de répondre aux besoins des clients liés à la pandémie. » Une réactivité commerciale mais aussi et surtout sociétale pour la présidente : « C’est une période où nous devons être solidaires, tendre la main à ceux qui en ont besoin, travailler sur les fragilités avec force pour contribuer à la préservation de l’environnement, à la digitalisation des process et à la réindustrialisation du pays. ». Ce sont justement ces valeurs qui ont permis à LACO de se développer depuis 40 ans, pour être désormais présente dans plus de 45 pays dans le monde, « impliquer, fédérer et avoir une vision claire de ce que l’entreprise incarne, c’est l’élan nécessaire à l’action, qui pousse à être ambitieux et à innover », soutient la présidente. Un enrichissement mutuel Afin de s’adapter au contexte et d’être au plus près des besoins de ses clients, LACO a développé un Drive au sein de sa boutique à Hoerdt. L’entreprise a également ouvert un département de compléments alimentaires et renforcé le cycle vertueux de ses produits d’entretien écologiques, une façon de favoriser le bien-être des clients, toujours. Fraîchement entrée dans le Club des Partenaires Or Norme, Dyna Peter-Ott résume ce partenariat avec philosophie, en citant Paul Valéry : « mettons en commun ce que nous avons de meilleur et enrichissons-nous de nos mutuelles différences ». www.lacoshop.com LE CLUB DES PA RTENA I RES

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Rédaction : Barbara Romero Photographie : Marc Swierskowski

Un service clé en main pour le tertiaire, l’industrie, le transport, la logistique et les locaux d’activités. Un engagement reconnu depuis 33 ans pour la qualité des réalisations, le respect des délais et du prix. D’une seule agence à Strasbourg en 1988, Les Constructeurs Réunis s’apprêtent à ouvrir leur dixième agence à Troyes début avril 2021, suivie de près par Paris. « C’est une croissance organique en tache d’huile qui s’effectue dans les territoires, nous n’avons jamais été dans une course effrénée au CA. » insiste son président, Patrick Jean. Solide, le groupe emploie aujourd’hui plus de 140 personnes et dépasse les 150 millions d’euros de chiffre d’affaires. « Nous avons une activité bien cernée, nous ne nous dispersons pas », précise le Président. « Nous ne faisons pas de maisons individuelles ou de collectif, nous ne répondons pas aux appels d’offres publics. Si notre activité est vaste, elle reste ciblée et lisible par tous. » Spécialiste plus que généraliste, LCR Les Constructeurs Réunis se démarque par son expertise dans les domaines de la promotion immobilière et de la construction à l’attention des entreprises privées - petites ou grandes - dans une relation de proximité. Si le premier confinement a stoppé net 85 chantiers, le Groupe a su organiser la reprise. « Dès le premier jour du déconfinement, nous étions prêts à redémarrer car nous avions tenté de tout anticiper », soulignent JeanPhilippe Hoffmann, directeur général et Hugues Heinrich, directeur de l’exploitation. « Nous avons interrogé plus de 1500 de nos partenaires sous-traitants pour connaître leurs difficultés. Cela nous a permis de les aider efficacement dès la reprise et donc de répondre à l’attente de nos clients. Malgré la crise mondiale que nous traversons, le Groupe a connu une nouvelle croissance de son CA au 31 mars 2021. Elle s’explique notamment par un carnet de commandes confortable avant le premier confinement du pays. Nous avons enregistré quelques reports de chantiers et in fine très peu d’annulations

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Patrick Jean Groupe LCR Les Constructeurs Réunis Créé en 1988 et racheté en 1997 par Patrick JEAN, le promoteur-constructeur LCR Les Constructeurs Réunis est aussi l’un des premiers contractants généraux français. Le groupe alsacien, réputé pour son expertise et sa croissance maîtrisée, va ouvrir à Troyes sa dixième agence, puis une autre à Paris.

Patrick Jean (à droite) Président du groupe LCR, et son équipe

sur l’exercice en cours; nous remercions nos clients de continuer à investir.» La société LCR a connu plus d’une crise et se prépare à en affronter d’autres. « Nous regardons toujours plus loin et portons un regard confiant sur l’avenir en nous adaptant aux différentes évolutions de notre environnement », confie le président. « D’ici à 2030, nous aurons d’autres missions et nous souhaitons à terme mailler le territoire. Les entreprises ont des besoins et nous resterons toujours disponibles pour y répondre et les accompagner.

« L’Alliance » 2021 sera aussi marquée par le déménagement de la société LCR en fin d’année, à 200 mètres de son siège actuel. Baptisé l’Alliance, ce smart building BEPOS (bâtiment positif), labellisé BREEAM Excellence de plus de 5200 m2 sera partagé avec une société d’avocats. Ce nouveau siège symbolise ce qui anime le Président de la société LCR depuis toujours : l’alliance avec ses partenaires, l’union de compétences multidisciplinaires au sein d’un Groupe, et l’avenir. www.lcr.fr


Rédaction : Barbara Romero Photographie : Marc Swierskowski

Equipement de la Collectivité européenne d’Alsace, Le Vaisseau vient de fêter ses 16 ans en mode digital. « Comme nous ne pouvons pas ouvrir, nous faisons tout pour rester au plus proche de notre public », confie sa directrice, Sabine Ischia. Parce que le propre du Vaisseau, c’est justement le contact, le toucher, le partage. Le musée interactif où les enfants apprennent en s’amusant. Avec la crise sanitaire, il a fallu se réinventer, sans perdre de vue ce doux plaisir d’expérimenter. Et tout est prêt ! Les équipes se sont mobilisées pour retrouver les tribus, les scolaires, en limitant les jauges, en désinfectant régulièrement le matériel, en ouvrant l’accès sur réservation. « Nous sommes confiants, il n’y a eu aucun cluster dans les milieux muséaux pendant les réouvertures entre juin et octobre », rappelle Sabine Ischia. Et franchement, nous aussi nousavons hâte de repousser les portes du Vaisseau où nous attend une expo ultra quali sur les As de la Jungle sur fond de sensibilisation à la biodiversité. « Nous souhaitons renouer avec les expositions temporaires qui rencontrent un vif succès, souligne la directrice. Nous venons de recevoir une information des ministères de la Santé et de la Culture qui n’attendent pas un retour à la normale avant septembre 2022. Cela nous permet d’anticiper la programmation. » Une nouvelle offre en cours… Car financièrement, il faut tout de même faire face à une baisse de fréquentation de 75% en 2020 (sic), du budget commercial, et à l’incertitude planante. Les prochaines élections de la Collectivité européenne d’Alsace donneront le cap pour les 6 ans à venir. « Pendant cette période un peu particulière nous avons travaillé sur les améliorations à apporter au bâtiment qui après 15 ans nécessite des travaux. » Le petit frère de la Cité des Sciences à Paris, « notre maître d’œuvre dont nous souhaitons nous affranchir », sourit Sabine Ischia, a néanmoins plus d’un tour dans son sac. En projet, une

Sabine Ischia Le Vaisseau Touché de plein fouet par la crise sanitaire, le Vaisseau, musée interactif où les enfants découvrent la science en s’amusant, attendait impatiemment, au moment où nous écrivions ces lignes, de pouvoir retrouver le contact avec son public familial et scolaire, avec un nouveau protocole sanitaire au carré.

refonte de tous les espaces, pour coller davantage à l’évolution de la société, en plaçant l’enfant et le développement de ses capacités au cœur de ses préoccupations. Ce en quoi le mécénat a un rôle actif à jouer, comme l’a fait la société Merck de Molsheim en injectant 20 000 dollars pour concevoir le nouvel espace « Caverne » qui ouvrira en octobre autour de la lumière, la couleur et l’électricité. « Nous recherchons des mécénats en financement, en compétences, en nature, pour soutenir nos projets », précise Sabine Ischia. Avec près de 200 000 visiteurs annuels (hors-COVID) contre les 90 000 attendus, nul doute que le Vaisseau compte dans le paysage des musées strasbourgeois.

« Tout est prêt pour rouvrir  ». Sabine Ischia Directrice du Vaisseau

www.levaisseau.com LE CLUB DES PA RTENA I RES

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Rédaction : Benjamin Thomas Photographie : Marc Swierkowski

Pierre Loeb Maison de l’Alsace à Paris

Pierre Loeb dirige à Paris et en Alsace le Club des 100 qui réunit les sociétés partenaires de la maison de l’Alsace à Paris, en plein cœur du quartier d’affaires de la capitale…

« Repartir d’un bon pied en septembre prochain… ». Pierre Loeb Directeur du Club des 100 de la Maison de l’Alsace

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On ne présente plus la maison de l’Alsace à Paris. Récemment redynamisée par MDA Partner’s, une société commerciale qui réunit des entrepreneurs leaders en Alsace, ce centre d’affaires permet aux entreprises de louer des salons de prestige, des salles de réunion ou des bureaux à la journée. Réaménagée en profondeur depuis quelques années, cette belle adresse sur les Champs-Élysées a bien sûr, à l’instar de tous ces lieux dédiés à l’économie, été frappée de plein fouet par la crise sanitaire actuelle. « Tout s’est évidemment fortement compliqué depuis mars 2020 » résume Pierre Loeb. « La situation nationale mais aussi spécifiquement parisienne nous a paralysé quasiment immédiatement même si, heureusement, nos partenaires alsaciens ont continué à jouer le jeu et nous aident à passer cette période. Nous n’avons pas eu le temps de nous repositionner complètement entre les deux confinements et nous avons donc vraiment hâte d’entrevoir la fin de cette triste période très difficile et très longue à vivre : songez que nos derniers événements du Club des 100 ont eu lieu en mars 2020, il y a plus d’un an !.. Alors oui, vraiment, on peut dire qu’on espère fermement pouvoir repartir d’un bon pied en septembre prochain… »

« Or Norme est une très belle aventure… » « Déjà dix ans !.. » s’étonne Pierre Loeb quand nous évoquons avec lui notre numéro-anniversaire. « Votre parcours représente vraiment une très belle aventure. J’ai vu naître Or Norme et j’ai suivi son essor trimestre après trimestre. Il s’est développé d’une manière remarquable et est devenu aujourd’hui une marque reconnue à Strasbourg et en Alsace et nous avons tous beaucoup de chance de pouvoir bénéficier d’un tel magazine. » « La Maison de l’Alsace à Paris et son Club des 100 ont adhéré au Club des Partenaires Or Norme dès que Patrick Adler nous a annoncé sa création et je dois dire très franchement que c’est un de nos plus beaux partenariats avec ces soirées-événements animées par Jean-Luc Fournier, votre directeur de la rédaction, sous le rooftop de la Maison de l’Alsace. Nous avons pas mal de partenaires économiques en commun et c’est toujours une belle fierté de pouvoir les réunir ensemble à Paris. Nos intérêts sont complémentaires, donc, mais je peux aussi affirmer que le plaisir est toujours au rendez-vous. Je crois que là aussi, nous cultivons ensemble cette convivialité qui nous caractérise bien… » conclut Pierre Loeb. maisonalsace.paris


Arnaud Ferrière NEXITY Groupe immobilier spécialisé dans les logements neufs, et en mutation vers une plateforme de services, Nexity est un acteur innovant, connecté aux enjeux sociaux et écologiques. Arnaud Ferrière, directeur général de Nexity Promotion Est, voit la crise sanitaire comme un challenge à relever ensemble, pour une ville toujours plus inclusive.

La Vie Ensemble : « un engagement social, sociétal et environnemental ». Arnaud Ferrière Directeur général adjoint de Nexity Est

Rédaction : Aurélien Montinari Photographie : Marc Swierskowski

La vie ensemble « 2020 aura bien évidemment été une année atypique, mais le marché du neuf a su rester relativement dynamique malgré un contexte de pénurie d’offres », analyse Arnaud Ferrière. La demande s’est donc maintenue, portée par des taux d’intérêt très attractifs, même si l’on note, au niveau national, une baisse de 20 à 25% du nombre de ventes, notamment due à la réduction des permis de construire déposés en contexte de crise. Pour Arnaud Ferrière, il est évident qu’il faut désormais, « redessiner le rapport à l’espace et imaginer des logements évolutifs, capables de s’adapter à l’évolution des modes de vie des personnes. » Intégration d’espaces extérieurs végétalisés, accentuation de la modularité des logements et bureaux, amélioration de la qualité de l’air dans les intérieurs, autant de « mesures durables au service des citoyens. » Œuvrer pour la société Cette année aura été aussi l’occasion pour Nexity de travailler sur sa raison d’être : La Vie Ensemble, « un engagement social, sociétal et environnemental ». Un manifeste qui résume les valeurs auxquelles souscrit le groupe et qui se traduisent par des solutions d’habitat adaptées aux plus fragiles (personnes isolées ou en situation d’exclusion), ainsi que par des innovations pour le bâti, comme des immeubles en structure bois à Geispolsheim ou des maisons avec de nombreux espaces en pleine terre (30%) destinées aux gens du quartier, que l’on retrouvera à Schiltigheim, sur l’emplacement des anciennes tours Kepler. Pour Arnaud Ferrière, l’action de Nexity doit « répondre aux nouveaux usages », une approche novatrice que l’on retrouve dans le sens qu’il donne au partenariat avec le magazine Or Norme : « Travailler avec Or Norme c’est avoir la chance de donner un autre regard sur notre métier, lui-même en pleine mutation. » www.nexity.fr LE CLUB DES PA RTENA I RES

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Marc Miltenberger NHOOD Rédaction : Véronique Leblanc Photographie : Marc Swierskowski

« Notre positionnement est environnemental, social et économique ». Marc Miltenberger Responsable projets

L’urgence de se transformer Si le 26 janvier dernier marque la naissance officielle de l’entreprise de services immobiliers mixtes NHOOD (contraction du mot anglais Neighborhood qui signifie quartier), « cela fait de nombreux mois que nous travaillions au rapprochement des foncières Ceetrus et Nodi pour créer cette nouvelle entité », confie Marc Miltenberger. Détenue par l’Association familiale Mulliez (AFM), NHOOD incarne la volonté de « créer des lieux en mieux », des « morceaux de ville » dédiés au « vivre ensemble » dans ses 10 filiales pays. « Notre positionnement est environnemental, social et économique », précise Marc Miltenberger, nous voulons créer de la valeur utile tant pour le marché que pour et avec les habitants de la planète ». À l’horizon de NHOOD, de nouveaux lieux de vie mixtes, intergénérationnels et résilients au changement climatique. « L’Inattendu » à Koenigshoffen « La crise inédite qui a percuté la planète entière souligne cette urgence de se transformer », note Marc Miltenberger. « L’opération L’Inattendu que nous menons avec Bouygues Immobilier, Route des Romains à Koenigshoffen y répond déjà ». Entamé par CEETRUS, avant la création de NHOOD, ce projet n’a pas été transformé car il correspondait aux objectifs de la nouvelle entité NHOOD. Résolument novateur, il s’inscrit dans une perspective de cohabitation et d’ouverture sur le quartier en alliant dynamisme urbain, cadre verdoyant et accès aux mobilités douces. « Une bulle de quiétude » en lieu et place d’une friche inoccupée où se dressait jadis le site administratif de la Société alsacienne de Supermarché. De son partenariat avec Or Norme, Marc Miltenberger retient le dynamisme du Club des partenaires et ses « belles rencontres avec des professionnels d’horizons différents ». Il se réjouit de toucher au travers du magazine « des lecteurs curieux, attentifs au développement de leur ville, de leur région. Je pense qu’ils peuvent être sensibles à notre message », conclut-il. nhood.fr

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Jérémie Lotz NOIIZY

Rédaction : Barbara Romero Photographie : Marc Swierskowski

Fondée en mars 2019 par Jérémie Lotz, l’agence de relations presse et de communication digitale Noiizy a déjà tout d’une grande.

De gauche à droite : Maureen Labbaye, Jérémie Lotz, Adelise Foucault, Emmanuelle Alizon

L’agence RP qui fait du bruit ! « 2020 a été une année intense et décousue, en 2021, nous sommes dans l’expectative, mais nous avons la pêche en tout cas ! », sourit Jérémie Lotz. Passionné, dynamique, aussi sérieux que décalé : Jérémie, 35 ans, a choisi de fonder une agence à son image, après 13 années de relations presse chez Eurostratège puis chez Oxygen dont il a dirigé le bureau strasbourgeois pendant sept ans. Accompagné dans cette aventure par Emmanuelle Alizon, Jérémie, à sa grande surprise, réalise une première année d’activité de dingue. « Juste avant le premier confinement, nous avions assuré nos objectifs de l’année. Le 16 mars, nous avons perdu 40% du chiffre d’affaires annoncé. C’était déstabilisant. Trois semaines de silence radio. Mais dès l’annonce du déconfinement progressif, nos clients nous ont très vite renouvelé leur confiance. C’est cynique de dire cela, mais en temps de crise, nos métiers prennent encore plus de sens et de relief. »

Une vision transversale du métier de relations publiques Si historiquement il gérait davantage des portefeuilles liés au tourisme et à la gastronomie, avec Noiizy, Jérémie s’oriente vers des sujets beaucoup plus techniques : industrie, medtech, institutionnel, promotion immobilière… C’est du lourd ! « Ce sont des sujets très spécifiques, qui dénotent de l’image que l’on peut renvoyer, mais quand un projet nous parle, nous y allons à fond. » La vraie particularité de Noiizy ? « Nous jouons de notre jeunesse et entretenons le flou. Pas question d’entrer dans une case ! » Leur cœur de métier, les relations presse, tout en se démarquant en étant aussi créateurs de contenus, de vidéos, de podcasts. « Nous avons un beau projet de podcasts pour nos clients avec Top Music pour le printemps, confie Jérémie. Je tiens d’ailleurs à remercier tous ces gens des médias qui m’ont soutenu dès le début de notre aventure, alors que je ne m’y attendais pas. » Désormais à quatre – bientôt cinq –, l’agence Noiizy continuera sans nul doute de faire du bruit. Même si Jérémie Lotz compte profiter de 2021 pour se structurer. « Ce doit être une année de sagesse après ces deux années un peu folles pour capitaliser sur ce que nous avons construit en deux ans, estime-t-il. 2022 sera une année plus enthousiasmante ! » Homme de contact, Jérémie attend aussi avec impatience de pouvoir retourner sur le terrain, « Le développement d’une offre de conférence de presse digitale ne fait pas tout. À chaque retour sur le terrain, on ressent davantage de chaleur, d’enthousiasme, comme une parenthèse du monde d’avant » Celui que, plus que jamais, on rêve de retrouver… Contact : hello@noiizy.com Page Facebook : @NoiizyAgence LE CLUB DES PA RTENA I RES

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Hervé Stark NOUVEL R

Rédaction : Aurélien Montinari Photographie : Nicolas Rosès

Spécialiste de la rénovation intérieure immobilière, l’entreprise Nouvel R, dirigée par Hervé Stark, voit son activité maintenue grâce aux demandes des particuliers, qui effectuent un véritable repli sur leur habitat.

« Les gens cherchent à améliorer leur intérieur, ils réinvestissent le chez-soi ». Hervé Stark Président

Améliorer son intérieur Pour Hervé Stark, « le marché est bon », une situation au beau fixe qui est en réalité un effet collatéral de la crise sanitaire. Privés de projets de voyages, précautionneux quant à l’avenir, effrayés à l’idée d’être reconfinés, les Français ont épargné ces derniers mois et investissent désormais dans leurs maisons ou appartements ; « les gens cherchent à améliorer leur intérieur, ils réinvestissent le chez-soi », commente Hervé Stark. Un retour sur des valeurs sûres, tangibles au quotidien. Si le travail ne manque pas, Nouvel R a malgré tout dû faire face à de nombreux changements durant l’année, notamment dans la gestion des chantiers. Ainsi, au premier confinement, il a fallu veiller à ce qu’aucun corps de métier ne se croise. Aujourd’hui, les gestes barrières et autres protocoles sanitaires sont pleinement intégrés aux interventions. Une nouvelle ère Pour 2021, l’entreprise Nouvel R a décidé de continuer à se développer, « nous voulons mettre l’accent sur la communication », confie son dirigeant. Un nouveau site Internet est en effet consultable depuis peu, auquel s’ajoutent de nouvelles identités graphiques. Prochaine étape, amorcer une « transition numérique », avec la création d’un logiciel interne permettant l’établissement de devis. Pour Hervé Stark c’est donc l’entrée dans l’ère du digital sans pour autant oublier la presse et le magazine Or Norme qu’il considère comme « une vitrine pour l’entreprise. » conseil-nouvelr.fr

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Rédaction : Erika Chelly Photographie : Marc Swierskowski

Boris Coriol NUMERIZE Sa société n’a pas encore treize ans mais elle est déjà la spécialiste reconnue de la numérisation de documents et de l’archivage électronique. Retour sur un succès fulgurant avec son dirigeant, Boris Coriol…

Numerize surfe sur la vague… 6 000 clients, plus de vingt salariés qui ont déjà (notamment) traité plus de 30 millions de documents d’état-civil : le bilan affiché par le leader français de la numérisation est éloquent. Boris Coriol raconte volontiers comment l’inspiration lui est venue à la fin des années 2 000 : « Je travaillais déjà dans ce domaine depuis quelques années pour une société luxembourgeoise qui avait décroché la numérisation du Livre Foncier d’Alsace-Moselle. Quand mon employeur m’a annoncé qu’il ne souhaitait pas poursuivre l’aventure en France, j’ai immédiatement décidé de me lancer car j’avais bien conscience de l’opportunité de pouvoir me positionner sur ce marché très porteur : pouvoir assurer une conservation du patrimoine dans tous les départements de l’Est de la France, en commençant par le BasRhin et la Moselle. On a démarré en janvier 2018 avec trois scanners haut de gamme et de fil en aiguille, ça a pris et nous nous sommes faits connaître et le bouche à oreille des maires des communes a rapidement fait le reste… » se souvient-il. En phase avec les enjeux du monde contemporain La solution propose depuis l’origine des solutions digitales sur mesure aux entreprises. Numérisation, classement, archivage, Numerize maîtrise toutes les étapes de la gestion électronique des documents que ce soit dans ses locaux de Hoerdt ou directement sur le site du client. Ces services, en phase avec les enjeux du monde contemporain, sont en outre écologiques, sûrs et

performants, et représentent un formidable levier de croissance pour les entreprises. « Les problématiques sont partout les mêmes » dit Boris Coriol, « les collectivités locales ayant vingt ans de retard en matière d’informatique, nous surfons sur la vague ». Nécessaire et inéluctable, la numérisation des documents ne comprend que des avantages. Ce procédé, en résonance avec la transformation numérique des sociétés, correspond à la définition même du progrès qui veut que l’on améliore ses performances. Boris Coriol se dit en outre « très satisfait du partenariat avec Or Norme et même heureux d’en être. L’idée était bien sûr de présenter les services de numérisation en dehors des administrations et des collectivités locales ».

« Les collectivités locales ayant vingt ans de retard en matière d’informatique, nous surfons sur la vague ». Boris Coriol PDG

numerize.com LE CLUB DES PA RTENA I RES

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Rédaction : Jean-Luc Fournier Photographie : Marc Swierkowski

Richard Teyssier PUMA France

Rencontré en février dernier, le directeur général de Puma France était tout entier concentré sur son challenge le plus important de l’année : le déménagement de son siège traditionnel d’Illkirch au Wacken…

« La Ville de Strasbourg a su créer en amont les conditions pour que Puma puisse investir dans ce tout nouveau quartier d’affaires ». Richard Teyssier DG Puma France

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Une étape importante de l’histoire de la société à Strasbourg « La date prévisionnelle n’a pas changé : le 3 mai, nous devrions être dans nos locaux flambant neufs du quartier d’affaires international Archipel Wacken » commente Richard Teyssier. « Ces nouveaux locaux vont pouvoir accueillir nos 120 salariés dans de meilleures conditions que notre désormais ancien siège à Illkirch. Nous avons d’ailleurs beaucoup travaillé avec eux pour imaginer l’agencement final de ce nouveau siège, les groupes de travail se sont multipliés à cet effet avec cette demande de base : « Dites-nous ce dont vous avez besoin… » Un programmiste a compilé tout ça et a ensuite briefé longuement l’architecte du bâtiment. Ce fut un travail important qui a duré près de trois ans… » Le directeur général de Puma France précise que « la Ville de Strasbourg a su créer en amont les conditions pour que Puma puisse investir dans ce tout nouveau quartier d’affaires. Sa localisation est évidemment de tout premier ordre et nous allons y gagner en visibilité, avec cette proximité immédiate avec les bâtiments du Parlement Européen. »

Quand nous le questionnons sur la santé de Puma France au cœur de la terrible crise sanitaire que nous traversons depuis plus d’un an maintenant, Richard Teyssier reconnait que « 2020 a été une année évidemment globalement difficile mais nous avons fait partie des chanceux car nous avons pu rattraper les conséquences de la fermeture des magasins durant trois mois. Au final, 2020 aura présenté une activité étale par rapport à celle de l’exercice précédent. 2021 a bien démarré côté business mais maintenant, tout va dépendre de l’évolution à court terme de la situation sanitaire, nous sommes dans l’attente des beaux jours, au sens propre comme au sens figuré. On espère tous, en tout cas, que 2021 sera plus apaisé que l’an passé… » soupire Richard Teyssier qui ajoute également qu’il a « hâte de retrouver les événements proposés par le Club des Partenaires Or Norme que je m’efforçais de fréquenter aussi souvent que possible avant que là aussi, la pandémie vienne tout bouleverser. Ce magazine est un atout important pour notre ville et il contribue aussi à son rayonnement… » conclut-il. eu.puma.com


Marc Keller Racing Club de Strasbourg Alsace Comme à l’instar de la quasi-totalité des entreprises, le Racing Club de Strasbourg Alsace est très impacté par les effets de plus d’un an de crise sanitaire. En vrai battant, Marc Keller, n’entend pas pour autant céder au découragement…

« Le public nous manque, c’est un vrai déchirement… ». Marc Keller Président

Rédaction : Jean-Luc Fournier Photographie : RCSA

Quand il se remémore les quatorze mois qui viennent de s’écouler, Marc Keller mesure parfaitement la situation : « La saison dernière, la saison a été brutalement arrêtée alors que nous pointions à la 10e place. Nous étions alors dans une dynamique favorable… Nous avons très vite intégré le fait qu’en ce qui concerne la saison 2020/2021, le public ne serait pas à la Meinau avec nous. Pour nous, si c’est évidemment

extrêmement pénalisant en terme de performance sportive, ça l’est aussi sur le plan budgétaire car nous pointons parmi les plus grosses affluences du championnat avec les 25 000 places de La Meinau qui sont toutes occupées à chaque match. La Covid nous pénalise de 10 millions d’euros sur l’ensemble de la saison. Et il faut rajouter à cela la défaillance de Mediapro (la société qui avait acquis les droits de la Ligue 1 française et qui vient de déposer son bilan – ndlr) qui nous coûte 20 millions d’euros de plus. Heureusement, nous avons toujours établi des budgets très sécurisés et nous avons accumulé des fonds propres grâce à notre saine gestion, ce qui va sûrement permettre au club de passer ce cap très difficile mais en ce qui nous concerne, ici à Strasbourg, cette absence du public est un vrai déchirement. C’est une frustration énorme, pour nous qui avions l’habitude d’évoluer devant et avec un stade plein comme un œuf… » Quand on lui parle du dixième anniversaire de Or Norme, Marc souligne qu’il est « très attentif au travail réalisé par Patrick Adler et ses équipes et que la présence du Racing au sein du Club des Partenaires du magazine est une évidence car ce Club crée du lien et permet aux gens de se rencontrer ». Mais, au passage, il se souvient aussi que cela fait presque dix ans également qu’il a repris ce club avec ses amis actionnaires : « Ce fut une épopée formidable après cinq ans passés au sein du monde amateur. Après notre remontée en Ligue 2, notre montée en Ligue 1 a été immédiate. Bien sûr, les souvenirs vont rester très longtemps : le but sur coup-franc de Dimitri Liénard qui signe notre maintien lors de notre première saison en Ligue 1, notre victoire en Coupe de la Ligue il y a deux ans, et tant d’autres... Cependant, pour moi, je place au même niveau la victoire contre Raon à Épinal, par exemple, qui nous fait monter en National. J’ai des flashs de notre épopée en amateurs qui se mêlent à ceux que nous vivons depuis quelques saisons au plus haut niveau. Je crois que pour le public, il y a vraiment une génération Racing qui s’est forgée au cours de tout ce périple et nous avons tous hâte de retrouver le Mur Bleu et un stade plein au plus vite… » conclut Marc Keller. rcstrasbourgalsace.fr LE CLUB DES PA RTENA I RES

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Stéphanie Scharf Groupe Sogeho

Rédaction : Jean-Luc Fournier Photographie : Marc Swierskowski

Stéphanie Scharf pose un regard lucide sur la crise sanitaire qui bouleverse le secteur de l’hôtellerie/restauration et oblige à une profonde réflexion…

« Réfléchir profondément Stéphanie Scharf parle « d’une belle sur ce qui se passe… ». rencontre » quand elle évoque le parStéphanie Scharf Direction Concept & Innovation/ Marketing & Communication

tenariat que l’Hôtel BOMA (membre du groupe Sogeho) entretient avec Or Norme. « Je me suis tout de suite reconnue dans ce partenariat qui, pour moi, est gagnant/gagnant. Il est l’exemple même de ma philosophie du business : il y a bien sûr sa rentabilité mais il nous permet aussi de rencontrer beaucoup de gens pour créer des synergies avec le BOMA. » On avance ! Sur la crise sanitaire qui perdure, Stéphanie Scharf confirme que le secteur hôtellerie/restauration figure parmi ceux qui en ont été le plus affectés : « Objectivement, tout reste très compliqué car on n’a pas vraiment de visibilité, on reste dans les extrapola-

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tions. Le BOMA est resté ouvert car aujourd’hui réussir à accompagner nos salariés et les faire travailler autant que possible est une priorité pour nous. Nous souhaitons également être présents pour les clients, notamment de proximité, les inviter à réserver dans un hôtel de leur ville ou de leur région pour qu’ils s’offrent une parenthèse d’évasion dans leur quotidien ». Les problématiques sont nombreuses et considérables pour un groupe comme Sogeho. En témoigne le dossier de l’établissement qui va sans doute être l’un des très beaux hôtels du groupe et dont les travaux avancent rue de la Nuée Bleue. « Un des enjeux pour nous est de déterminer la date optimale pour réceptionner les travaux et pouvoir entamer l’exploitation. On reste déterminés et optimistes : on travaille dur sur le concept, sur l’ADN du lieu, on évolue sur la conception du site internet. On avance ! » Stéphanie porte un regard plutôt lucide sur cette crise interminable qui engendre tant de bouleversements humains et économiques, : « Il y a beaucoup de gens, parmi les plus sensibles et les plus éclairés, qui considèrent cette crise pour ce qu’elle est : un signe qu’on ne peut plus continuer comme si de rien n’était. Et puis il y a les autres qui n’ont qu’un seul espoir que tout redevienne comme avant. J’ose croire que nous sommes nombreux à avoir compris qu’il faut que nous nous réorientons vers une autre voie. On doit prendre de la hauteur, réfléchir profondément sur ce qui se passe… » sogeho.com


Albane Pillaire Strasbourg Events Albane Pillaire, directrice générale de Strasbourg Events, affronte avec cran les conséquences de la crise sanitaire et mise tout sur la rentrée de septembre prochain… Rédaction : Jean-Luc Fournier Photographie : Marc Swierkowski

« Premiers touchés, on sera les derniers à repartir…». Albane Pillaire Directrice Générale

Difficile d’être à la tête d’un navire tel que Strasbourg Events quand la tempête fait rage partout autour de soi. Albane Pillaire résume en quelques mots les affres de l’an passé : « D’un jour à l’autre tout s’est arrêté, on nous a littéralement interdit de travailler, y compris sur le salon Egast qui était en cours de montage. Après l’embellie de septembre dernier et au vu de notre spécificité d’organisateurs d’événements publics, on a vite compris ce qui se passait : nous avons été les premiers touchés et nous serons les derniers à repartir… Nous avons placé 90% de nos effectifs en chômage partiel et tout ce qui a pu être coupé l’a été… » « Strasbourg va garder tout son potentiel… » Albane Pillaire avoue n’avoir que très peu de visibilité sur les mois qui viennent : « Sincèrement, pour l’instant, je vois 2021 comme la redite de 2020 car on a le sentiment de revivre les stop & go de l’an passé. Nous avons

très peu d’engagements sur le deuxième trimestre mais tout le monde espère que ça va reprendre fortement à la rentrée de septembre prochain… » Quand on l’interroge sur la violence de cette crise sanitaire et de ses impacts sur la vie économique, la directrice générale confie qu’à son niveau « c’est l’apprentissage quotidien sur le terrain car il n’y a pas de formation pour ce que nous vivons. Ce qui est vital c’est que même en sommeil, la vitalité de l’entreprise soit préservée. On est une entreprise de projets toujours en activité, et même à distance nous restons quotidiennement connectés au devenir de ces projets… Sur l’avenir, Albane Pillaire reste donc confiante : « Hors crise, il y a un grand potentiel à Strasbourg. Pour l’instant la distanciation impose le virtuel mais peu y trouvent leur compte et tous attendent le retour du présentiel avec impatience. Demain, à Strasbourg, on aura conservé tous les atouts que nous avions avant cette crise. La destination va garder son attrait et des opportunités inattendues vont se révéler, j’en suis certaine. Strasbourg Events et le PMC vont ainsi se tourner beaucoup plus vers les sociétés locales, c’est une thématique sur laquelle nous planchons intensément… Quand ça repartira vraiment, les équipes de Strasbourg Events seront fin prêtes, j’en suis certaine. » conclut-elle avec la conviction dans la voix… strasbourg-events.com LE CLUB DES PA RTENA I RES

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Christophe Lasvigne Le Théâtre du vin Si son activité principale de fournisseur des restaurants, bars et hôtels est à l’arrêt depuis leur fermeture, le créateur et gérant du Théâtre du vin continue de faire tourner ses cinq boutiques à Strasbourg et alentours, développe son service grâce au digital, et concocte deux projets innovants à la COOP et à l’ombre de la cathédrale.

« Une augmentation de 40% de notre chiffre d’affaires dans les boutiques ». Christophe Lasvigne Gérant Rédaction : Barbara Romero Photographie : Marc Swierskowski

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Le goût d’innover Plus de 2000 références en vins, 500 en spiritueux, une mise en scène soignée où les breuvages sont classés par moments de dégustation plutôt que par régions… Bienvenue au Théâtre du vin, une référence pour les amateurs et les néophytes en quête de conseils et de découvertes. Imaginé par Christophe Lasvigne il y a 15 ans, au départ uniquement à destination du secteur du CHR (Cafés, hôtels, restaurants), le Théâtre du vin compte aujourd’hui cinq boutiques à Strasbourg et alentours. Avec l’arrêt complet de l’activité de marchand de vins liée à la fermeture des bars et restaurants depuis de longs mois, Christophe Lasvigne a choisi de s’adapter. D’autant que les Strasbourgeois prennent plaisir à retrouver leur caviste, avec « une augmentation de 40% de notre chiffre d’affaires dans les boutiques », précise-t-il. « Les Français consomment davantage de vin à la maison » Christophe Lasvigne a profité du premier confinement pour se mettre à jour au niveau digital en mettant en place le Click & Collect, en proposant des « téléconsultations » pour choisir son vin en visio. Un succès. En 2020, le Théâtre du vin, avec ses plus de 700 références en bio ou éco responsables, est aussi devenu le premier caviste de France labellisé AB. Et l’entrepreneur de regarder l’avenir avec confiance. « Les Français se sont mis à cuisiner et consomment davantage de vin à la maison. Ces habitudes devraient perdurer, espère-t-il. Ils seront aussi extrêmement heureux de retourner au restaurant, comme nous l’avons déjà constaté à Strasbourg cet été. » Dans les tuyaux, la création d’une cuverie sur le site de l’ancienne COOP où il fera venir le raisin pour le vinifier et le consommer sur place à côté du Food Court imaginé par Franck Meunier. Autre projet au long cours, l’ouverture d’une boutique dédiée aux vins d’Alsace, « où nous retrouverons près de 800 vignerons alsaciens, les 51 grands crus d’Alsace, avec des animations en 3D à la découverte de notre vignoble. » Le lieu est encore tenu secret devrait ouvrir « à un jet de bouchon de crémant de la cathédrale ! » www.theatreduvin.fr


Stanislas Nordey Théâtre National de Strasbourg Nul n’est prophète en temps de pandémie mais Stanislas Nordey reste déterminé et maintient trois spectacles à l’affiche du TNS en juin : Mithridate de Racine mis en scène par Éric Vigner, Au Bord de Claudine Galea mis en scène par Stanislas Nordey et Dekalog d’après Le Décalogue de Krysztof Kieślowski dans la mise en scène de Julien Gosselin avec les jeunes artistes issu.e.s de l’École du TNS.

« Au fil des confinements successifs, nous avons tenu à assurer les cachets et à reprogrammer», précise Stanislas Nordey. «Nous voulions protéger les artistes et continuer à passer des commandes d’écritures aux auteurs et autrices très touchés par la crise.» «En écho au «tester, tracer, isoler» notre mot d’ordre a été et reste encore «protéger, protéger, protéger» y compris nos jeunes diplômés devant qui s’est ouvert un vide angoissant ». Stanislas Nordey Directeur du Théâtre National de Strasbourg

Rédaction : Véronique Leblanc Photographie : Benoit Clinder

Le lien avec le public a été maintenu Le lien si important avec le public a été maintenu grâce aux contenus en ligne «TNS chez vous» qui proposaient une immersion dans les écritures contemporaines qu’elles soient tirées d’extraits de la revue PARAGES ou spécifiquement commandées dans ce cadre. Toutes les commandes ont été portés par les voix de nos artistes associé.e.s et des élèves de l’École.» A souligner : La Traversée de l’été dont la seconde édition revient en 2021. Elle a permis au TNS d’aller à la rencontre de nouveaux publics grâce à des rendez-vous gratuits, en itinérance sur tout le territoire, notamment dans les Ehpad, foyers d’accueil, missions locales, centres culturels, places et parcs publics. La culture est « essentielle » La mise en veille du secteur culturel n’a pas étonné Stanislas Nordey. «Depuis plus de vingt ans, dit-il, la culture est considérée comme «non essentielle» en France, les décisions sanitaires se sont inscrites dans cette ligne. Elles actent la méconnaissance de ce que peuvent apporter l’art et la culture à la société, à sa jeunesse.». Il est donc plus que jamais primordial à ses yeux que le TNS continue à creuser les questions les plus aiguës et qu’il le fasse en poursuivant sa promotion des écritures contemporaines dans un lieu de culture où parité, diversité et ouverture aux publics les plus éloignés restent des valeurs portées haut et fort. «Un théâtre à fois exigeant et populaire» dont le partenariat avec Or Norme doit rester «très joyeux». «J’aime travailler avec des revues qui s’attachent à faire circuler l’art, la pensée et la culture. Elles ne sont pas si nombreuses et restent souvent trop fragiles. On a tous à gagner à un échange fondé sur la liberté de regard.» www.tns.fr LE CLUB DES PA RTENA I RES

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Rédaction : Barbara Romero Photographie : Marc Swierkowski

Christophe Schalk TOP Music

Si les radios musicales subissent aussi la crise sanitaire, l’équipe de Top Music se mobilise pour se réinventer. Rencontre avec son dirigeant, Christophe Schalk.

Radio en transition Moins de monde sur les routes, d’abord à cause des confinements, ensuite en raison du télétravail grandissant. Résultat : les radios ont perdu en 2020 en France 1,9 million d’auditeurs qu’elles captivaient dans les bouchons entre le boulot et la maison. Si Top Music ne connaîtra son audience qu’en juillet, son dirigeant, Christophe Schalk, sait déjà qu’elle n’est pas épargnée. « Notre chiffre d’affaires est en baisse de 15%, notamment en raison de la fermeture des commerces, nos annonceurs, et l’audience n’est pas à la hausse », confie-t-il. Pas de quoi lui faire baisser les bras. Forte d’une image positive, la marque Top Music étant connue de 76% de la population alsacienne, la radio se réinvente. « Nos objectifs pour 2021 : accélérer notre transition digitale et développer deux types de population : nos 160 000 auditeurs quotidiens, et ceux qui nous suivent sur notre site web et les réseaux, grâce à nos sujets vidéo, à nos podcasts… »

« L’idée est de faire revivre le spectacle vivant, même si ce n’est Podcast, digital, lien… qu’avec 200 ou Top Music a d’ailleurs un train 300 personnes ». d’avance sur ce média en vogue qu’est Christophe Schalk Président

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le podcast, puisqu’elle est la première radio indépendante de France à en

produire. « Nous en avons déjà une quinzaine sur des sujets ultra variés de la santé à l’emploi en passant par Femmes de foot, qui touchent et fidélisent une population plus large que notre audience naturelle. » Et plus que jamais depuis cette crise sanitaire, la radio, créée en 1982, veut créer du lien entre la vie du territoire et la population. « Depuis septembre, nous faisons une radio plus humaine, plus incarnée, confie Christophe Schalk. Durant le premier confinement, nous étions dans l’actu dure. Depuis, nous donnons à nos programmes une atmosphère plus feel good. Nous souhaitons donner le sourire. » Génératrice ou partenaire d’événements – plus de 300 par an - Top Music compte bien revenir sur le devant de la scène avant l’été. Cinq showcases sont programmés avec notamment Julien Doré, Vianney, Louane ou Calogero, en plus de deux plateaux célébrant les 20 ans de la FM en 2021. L’un réunissant toutes les radios indépendantes de France en septembre à Paris. L’autre, on l’espère, à Colmar le 26 septembre. « L’idée est de faire revivre le spectacle vivant, même si ce n’est qu’avec 200 ou 300 personnes », conclut le dirigeant. Top Music : 94.5 Topmusic.fr


Michèle et Philippe Moubarak Ultima Rédaction : Barbara Romero Photographie : Marc Swierskowski

Démarrée en 1987, l’aventure Ultima portée par les époux Moubarak, c’est un amour partagé du beau, de l’exclusivité. Touchés comme les autres par les confinements successifs et le manque de touristes, les battants à la tête de six boutiques à Strasbourg et deux dans le Sud, passent le cap du digital.

Le duo ambassadeur des belles choses Innover, avancer, s’adapter. Depuis leurs débuts, Michèle et Philippe Moubarak sont en mode action continue, « avec un nouveau projet tous les trois ans », rappellent-ils. Après leur première boutique Stephane Kélian ouverte il y a 34 ans Petite Rue de l’Eglise, ils ont enchaîné les ouvertures distillant à chaque fois des marques exclusives à Strasbourg. Dior, Jimmy Choo, Chloé, Balenciaga, Saint Laurent… De quoi faire rêver les amoureux des belles choses. « Avec Ultima 2, nous avons choisi l’élégance des chaussures de Prada, Dior, Freelance… Nous étions convaincus que le luxe avait sa place à Strasbourg, nous avons attaqué très fort en faisant venir les collections prêt-à-porter de ces marques prestigieuses que nous avions déjà en chaussures et maroquinerie. » Bordeaux. Si la perte des touristes arabes et asiatiques et les confineMoins de touristes au fort pouvoir ments successifs les ont quelque peu déstabilisés, « nous venions de rend’achat ? Place au digital S’ils ont apporté le très haut de trer les nouvelles collections à chaque gamme à Strasbourg, Michèle et fois », les Moubarak savent s’adapter. Philippe savent s’adapter au contexte « Résultats des courses, nous aussi économique. « Quand nous avons nous nous mettons au digital ! » Un traouvert la boutique homme rue de la vail de titan pour réaliser un e-shop à Mésange, nous avons complété l’offre leur image, soigné, précis, intuitif. Une femme de marques plus accessibles nouvelle page s’ouvre pour Ultima, comme Iro, Etoile d’Isabel Marant ou tout en privilégiant encore davantage Lagerfeld. Il ne faut pas avoir peur de leurs boutiques, belles vitrines pour venir chez nous ! », sourient-ils. 34 des marques prestigieuses. ans après le début de leur aventure, Michèle et Philippe sont à la tête de Ultima, Petite Rue de l’Eglise cinq boutiques Ultima et de trois bou- et rue de la Mésange. tiques High à Strasbourg, Cannes et Ultimamode.com

« Résultats des courses, nous aussi nous nous mettons au digital ! ». Michèle et Philippe Moubarak Dirigeants

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Frédéric Didier Wienerberger Leader mondial des solutions terre cuite pour le mur, la toiture et la façade, le groupe Wienerberger emploie 350 personnes en Alsace. Attachée à son ancrage local, l’entreprise est mécène depuis 2018 de l’Industrie magnifique et exposera en juin l’œuvre monumentale Terre de ciel réalisée par l’artiste Patrick Bastardoz, en résidence dans l’une de ses trois usines alsaciennes.

« Nous avons déjà diminué l’impact CO2 de 35% entre 2000 et 2019 ». Frédéric Didier Directeur Général de Wienerberger France

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Groupe autrichien né en 1819 à Vienne, Wienerberger compte aujourd’hui 16 000 collaborateurs œuvrant dans plus de 200 sites à travers le monde, dont trois en Alsace. « Wienerberger est en France depuis 1995 ; l’usine de Betschdorf, qui date du 16e siècle, démontre l’histoire de de notre groupe, précise Frédéric Didier, Directeur Général de Wienerberger France. « Notre groupe, c’est plus de 200 ans d’histoire de terre cuite, avec un ADN très fort sur l’innovation depuis toujours, en développant constamment de nouveaux process de production et de nouveaux produits. » Leader du marché français de produits en Terre Cuite (Briques, Tuiles et briques apparentes), Wienerberger emploie 350 personnes en Alsace,

Rédaction : Barbara Romero Photographie : Marc Swierskowski

entre Achenheim, Betschdorf et Seltz. Fabriquées localement, les briques et tuiles en terre cuite ont une durée de vie de plus de 100 ans. « La terre cuite est un matériau très réputé pour sa résistance thermique, qui rend l’habitat meilleur et améliore la qualité de l’air intérieur », ajoute Frédéric Didier. Si le groupe a comme tout le monde été touché par la crise de la COVID, il s’en sort plutôt bien et se lance de nouveaux défis. Objectif zéro carbone en 2050 En première ligne, celui du développement durable, avec un objectif zéro carbone d’ici à 2050. « Nous avons déjà diminué l’impact CO2 de 35% entre 2000 et 2019 », précise le Directeur Général. Deuxième axe stratégique : la performance et l’excellence industrielle et commerciale, « en répondant aux besoins de nos clients et des consommateurs finaux avec des produits innovants et de qualité. » Enfin, Wienerberger œuvre pour la croissance de ses ventes dans tous les métiers du mur, de la toiture et de la façade en intégrant de l’intelligence dans leurs produits, à l’instar du Climamur®, une brique auto-isolante révolutionnaire 100% minérale, ou en travaillant sur les performances énergétiques de la toiture par le photovoltaïque. 2021 est aussi marquée par sa deuxième participation à l’Industrie Magnifique en juin. « Cela tenait à cœur de notre président Francis Lagier qui nous a quitté en août dernier, confie Frédéric Didier. Ce grand homme était un fervent défenseur de l’industrie alsacienne et de l’Industrie magnifique. » Place Broglie, les passants pourront découvrir l’œuvre Terre de ciel réalisée par l’artiste Patrick Bastardoz en résidence à l’usine d’Achenheim. « Nos salariés ont participé à sa réalisation, nous sommes extrêmement fiers de cette opération mettant au cœur de la cité des générations d’industriels et de collaborateurs qui ont construit l’Alsace. » À découvrir du 3 au 13 juin prochains. wienerberger.fr


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Le club des partenaires

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a CULTURE – M U SÉ E Rédaction : Véronique Leblanc Photographie : Alban Hefti

PAUL LANG,DIRECTEUR DES MUSÉES DE STRASBOURG DÉMATÉRIALISATION, ATTENTION DANGER ! Visites virtuelles, modules sur l’art contemporain, captations à foison… l’art et la culture se sont dématérialisés en cascade au printemps dernier et, sur le moment, on s’en est sentis un peu ragaillardis. Au fond, ce confinement n’allait-il pas nous rendre plus futés ? Nous permettre d’entrer dans le secret des artistes et des lieux historiques sans quitter le confort de nos « chambre à nous » ? La dématérialisation estelle l’avenir des musées ?

Paul Lang, Directeur des Musées de Strasbourg

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our Paul Lang, la réponse est assurément non. « Le choc initial, dit-il, en évoquant cette interminable crise sanitaire que nous traversons, a été d’apprendre que les institutions culturelles n’étaient pas “essentielles” ce qui voulait dire qu’elles étaient “dispensables” ».

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Inconcevable pour lui d’entrer dans cette logique ou d’envisager un avenir purement digital pour les musées car, « tout comme les cinémas, théâtres… ils sont des lieux de communion tacite qui ouvrent à l’autre et où l’on se rend pour se confronter physiquement à une œuvre originale ». Prendre conscience des dimensions de celle-ci, de sa matière, de sa capacité d’interpeller le visiteur quand il entre dans une salle, de la nature du dialogue qu’elle peut instaurer, à telle ou telle distance ou dans le dialogue avec celles qui ont été installées dans sa proximité… Tout cela participe à l’émotion esthétique. Visiter un musée ou une exposition est un parcours « quasi-initiatique, qu’on a du mal à imaginer réduit à la Toile », résume Paul Lang. « La raison d’être du musée est de rendre intelligible une œuvre originale »,

rappelle-t-il. Cette accélération de la dématérialisation à la faveur de la pandémie est « inquiétante » à ses yeux. Pour les raisons que l’on vient d’évoquer, mais aussi parce qu’elle porte en elle le risque d’« une ségrégation entre ceux qui ont l’expérience physique des œuvres et ceux qui ne l’ont pas. «Même chose pour le théâtre ou l’opéra où les problématiques sont encore plus complexes ».

AMPUTÉ DE SON PUBLIC, UN CONSERVATEUR EST « UNIJAMBISTE » Le pire pour lui serait de «rouvrir pour ensuite fermer à nouveau. Le problème du stop and go est l’incertitude, la lassitude qu’il ne faut pas laisser s’installer », ditil. « Pour un conservateur, être amputé de son public le contraint à un travail d’unijambiste. » Et de citer, à titre d’exemple, le superbe travail de Florian Siffer responsable du Cabinet des Estampes et des Dessins. « L’exposition Goethe à Strasbourg qui se tient à la Galerie Heitz du palais des Rohan dépasse mes espé-

« TOUT COMME LES CINÉMAS, THÉÂTRES… LES MUSÉES SONT DES LIEUX DE COMMUNION TACITE QUI OUVRENT À L’AUTRE ET OÙ L’ON SE REND POUR SE CONFRONTER PHYSIQUEMENT À UNE ŒUVRE ORIGINALE. »

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rances mais risque de fermer sans que personne ne l’ait vue, même si nous l’avons prolongée jusqu’au 31 mai ». Tout comme celle sur L’œil de Huysmans au Musée d’Art moderne démontée en février, Fantasmagorie au Musée Alsacien ou Frank Hoppmann/ Michel Kichka au Musée Tomi Ungerer, l’exposition Goethe est accessible en visite virtuelle sur le site et la chaine YouTube des musées ainsi que sur les réseaux sociaux. «Ces modules ont rencontré un vrai succès (quelque 13 000 vues fin février). Nous continuerons sur cette voie pour les expositions à venir tout comme nous continuerons à intégrer le numérique dans nos systèmes de réservation et à l’intérieur des salles.» Loin d’être persona non grata, le virtuel peut être un outil, un complément voire une invitation à la découverte dans ce lieu physique du musée dédié au ressourcement, à la confrontation, à l’émotion. Déterminé à rester « optimiste», Paul

« ON SENT UNE ATTENTE, LA MAIRIE EST CONSCIENTE DU RÔLE STRUCTURANT DE LA CULTURE ET, POUR MA PART, J’ESPÈRE QUE NOUS POURRONS ROUVRIR DÈS QUE POSSIBLE. »

Lang «croit en l’avenir, en la civilisation, en une civilisation pleinement rétablie car pour l’instant elle ne l’est que partiellement. On est en train de se rendre compte du rôle que joueront les musées dans la reconstruction. On sent une attente, la mairie est consciente du rôle structurant de la culture et, pour ma part, j’espère que nous pourrons rouvrir dès que possible.» Avec, à l’horizon de l’automne, une exposition-événement autour de La Marseillaise. Elle se tiendra au Musée d’Art moderne et contemporain entre le 5 novembre et le 20 février 2022, en lien avec des événements prévus dans toute la ville : Berlioz en version participative à l’Opéra national du Rhin, des collaborations avec le Théâtre National de Strasbourg, la collaboration de l’Orchestre philharmonique… Les bataillons de la culture se reformeront dans un souffle retrouvé. Il faut y croire. a

Frank Hoppmann/Michel Kichka au Musée Tomi Ungerer, visible en visite virtuelle

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a CU LTUR E – MÉTIERS D’A RT Rédaction : Véronique Leblanc Photographie : Alban Hefti - DR

CÉCILE COYEZ DES DIRECTIVES EUROPÉENNES À LA RELIURE D’ART « Je suis une fille des îles », résume Cécile Coyez dans un radieux sourire en évoquant son enfance à La Réunion. Est-ce pour cela qu’elle est aussi solaire ? La rencontrer, fut-ce au plus gris d’un février alsacien, donne du peps, l’envie d’aller de l’avant et de se faire confiance. on parcours à elle, « juriste pure intello » devenue relieuse d’art n’a rien d’un chemin balisé. Après s’être occupée des affaires européennes à la Chambre de commerce et d’industrie de Strasbourg — ah les affres de la très chimique directive Reach ! — elle a rejoint de 2011 à 2014 le service communication du Parlement européen. Travailler dans la « Tour de Babel » des bords de l’Ill était pour elle un Graal dont elle a savouré chaque instant avant d’avoir l’impression de ne plus se renouveler. Elle a préféré partir plutôt que de céder à la routine, s’est retrouvée avec « du temps libre » et s’est inscrite à un stage de reliure chez Maurice Salmon au Neudorf.

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« J’AI ADORÉ L’AMBIANCE, LES MACHINES, LES OUTILS. J’ÉTAIS ÉMUE DE FAIRE DES CHOSES DE MES MAINS ET J’AI POURSUIVI MON APPRENTISSAGE PENDANT DEUX ANS, DE 2015 À 2017. »

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« J’ai adoré l’ambiance, les machines, les outils. J’étais émue de faire des choses de mes mains et j’ai poursuivi mon apprentissage pendant deux ans, de 2015 à 2017. » En 2018, elle crée son propre atelier, chez elle d’abord et ensuite dans un local de la plaine des Bouchers. Y trône « Josette », sa presse achetée à Dijon. 800 kg/1 tonne de pression, du vrai matos !

« APPORTER DU BONHEUR, MOI ÇA ME VA » Outre le bonheur de s’être découverte manuelle et créative, Cécile retient de ce nouveau métier-passion le contact avec les clients, « ceux qui ont l’habitude de faire appel à des relieurs et les autres à qui s’ouvre un champ des possibles. Au départ, il y a toujours un attachement qui n’a pas forcément à voir avec la valeur marchande, un souvenir, une envie de transmettre… Des mots qui s’échangent, parfois incertains, des histoires qui se racontent, une commande qui se dessine en espérant bien en comprendre l’enjeu, et au

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final la livraison dont on espère qu’elle comblera les espérances. » Cécile « essaie en permanence », multiplie les prototypes et continue à se former parce que rien n’est pire que de se croire « arrivée ». Elle participe au « Are your Book enough Challenge » qui rassemble des relieurs du monde entier sur Instagram. À chaque fois un thème : « le rêve », « la paire » ou bien encore « Ecouter » pour lequel elle a conçu un « livre piano » rassemblant dans un même volume Le Quatrième mur de Sorj Chalandon, Antigone de Anouilh, centrale dans l’intrigue, et la partition du Requiem de Maurice Duruflé convoqué par Chalandon pour évoquer la pureté de l’héroïne antique. Est-il besoin de préciser que Cécile ne regrette rien. « En vrai, je suis super fière ! », dit-elle. « Ce métier de relieuse me permet tout simplement d’apporter du bonheur aux gens, moi ça me va. ». Elle tente une reliure en bois, sans succès jusqu’à présent mais avec obstination, explore le travail du cuir, rejoint chaque jour son atelier où l’attendent tant de livres et de carnets à régénérer sous l’ombre tutélaire de « Josette ». a r yez.f

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a CU LTUR E – PATRIMOIN E Rédaction : Véronique Leblanc Photographie : Alban Hefti

Edel PHILIPPE EDEL Philippe fait partie de ces Strasbourgeois IL RESSUSCITE discrets et passionnés sans cesse à l’affût celles et ceux qui, LE MÉCÈNE de au fil des siècles, l’histoire de STRASBOURGEOIS tissèrent la ville et contribuèrent KARL TRÜBNER à sa renommée. l a écrit sur Ilse Jordan, née à Bischwiller, étudiante à Strasbourg et intrépide voyageuse. Elle fut, en 1930, la première Occidentale à effectuer en solitaire la traversée des montagnes de l’île de Formose, l’actuelle Taïwan.

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Il travaille actuellement sur Abraham Dürninger honoré par une plaque au 34, Quai des Bateliers. Drapier strasbourgeois, celui-ci se convertit aux préceptes de l’Eglise morave et mit son expérience entrepreneuriale au service de sa nouvelle communauté en y intégrant des principes éthiques. Un pionnier ! Philippe Edel est également passionné par l’Europe centrale et orientale et s’est particulièrement attaché à la Lituanie. Dans la foulée des bouleversements qui ont suivi la chute du mur de Berlin et l’écroulement de l’URSS, il a créé un « Comité Vilnius » en 1991 transformé en une association « Alsace-Lituanie » toujours active. Cette structure publie des « Cahiers lituaniens » dont la dernière livraison contient un long article signé Philippe Edel et consacré à l’éditeur strasbourgeois Karl Trübner.

KARL TRÜBNER, AGITATEUR DE CULTURE Le personnage est passionnant et son activité intimement liée à l’histoire cultu-

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relle de Strasbourg devenue capitale du Reichsland d’Alsace-Lorraine en 1871. Nikolaus, l’oncle de Karl, libraire et éditeur allemand établi à Londres répondit à l’appel de 47 personnalités du monde des livres pour la refondation de la Bibliothèque de Strasbourg détruite lors du siège de la ville en 1870. D’importants dons furent alors envoyés d’Europe

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Karl Trübner

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mais aussi d’Amérique et d’Asie et Nikolaus Trübner coordonna les donations issues des pays anglo-saxons. On le sollicita pour créer une succursale de sa librairie à Strasbourg afin de travailler avec la Bibliothèque universitaire, ce fut son neveu Karl qui y installa ses locaux d’abord Place Gutenberg en 1872, puis au 9, Place de la Cathédrale dès 1873. Plus éditeur que libraire, Karl Trübner était spécialisé en linguistique, une science en plein essor, particulièrement à l’université de Königsberg qui fit don à Strasbourg d’un important fonds sur la Lituanie lors de l’appel de 1870.

STRASBOURG LUI DOIT BOTTICELLI ET REMBRANDT Très attaché à sa terre d’adoption, Trübner publia de nombreux alsatiques dans des domaines aussi variés que la linguistique, l’architecture et le droit local ainsi que des guides touristiques illustrés de Strasbourg, de sa cathédrale et des Vosges. Guidé par Wilhelm Bode, conservateur du musée des Beaux-Arts, il fit aussi l’acquisition de nombreuses toiles de maîtres anciens - Botticelli, Rembrandt, Jan Steen, Van Ruysdael etc. qu’il légua à la ville ainsi qu’une somme rondelette de 250 000 marks destinée à l’acquisition d’autres œuvres. La belle villa néo-régionaliste qu’il se

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fit construire au 41 rue Schweighauser reprend dans sa décoration de façade l’archer qui servait de marque à son activité d’éditeur et affiche trois consoles en bois de personnages tenant des livres. Il la légua également à la Ville, tout comme ses locaux commerciaux. Reconnaissante, Strasbourg donna son nom à la rue créée en 1913, dans le prolongement de celle qu’il habitait. Fait exceptionnel, c’est l’une des rares voies nommées en l’honneur d’un Allemand venu s’implanter en Alsace après 1870 qui ne fut pas débaptisée par les autorités françaises en 1919. Karl Trübner le valait bien ! Philippe Edel en est persuadé. a

« LE PERSONNAGE EST PASSIONNANT ET SON ACTIVITÉ INTIMEMENT LIÉE À L’HISTOIRE CULTURELLE DE STRASBOURG. »

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a CU LTUR E – L IV RE Rédaction : Barbara Romero Photographie : Nicolas Rosès - DR

CLAIRE, LE PRÉNOM DU COURAGE « ILS M’ONT INTERDIT DE M’ASSIMILER » Née en Turquie, arrivée en France à l’âge de un an, Cidem Koç est devenue Claire Koç en 2008 en choisissant d’être naturalisée française. Dans son livre Claire, Le prénom de la honte, elle raconte son combat pour être assimilée et devenir une femme libre.

out en toi pue la France ». Quand Claire Koç annonce fièrement à sa famille qu’elle est naturalisée française et qu’elle a changé de prénom, le rejet est total, la rupture entamée. Pour eux, elle renie ses origines, alors qu’elle s’est construite une identité. Ses amis, ses collègues journalistes, lui reprochent la même chose. Au fil des 200 pages de ce témoignage poignant, la journaliste fait preuve d’un courage exemplaire, prenant à contre-pieds ce que disent ces « bobos bien-pensants » et les associations d’aide aux immigrés. Ceux-là même qui, selon elle, sont

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« PEU À PEU LES TRANCHES DE JAMBON DISPARAISSENT DU FRIGO, LES CHAMAILLERIES SUR LA PELOUSE DU QUARTIER ENTRE FRÈRE ET SŒUR PRENNENT FIN ET JE DOIS À PRÉSENT ENTRETENIR LA MAISON QUAND JE NE SUIS PAS À L’ÉCOLE. »

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responsables de l’échec de l’assimilation en France. Fière d’être Française, la jeune femme de 38 ans, ne comprend pas comment et pourquoi la Marseillaise, le drapeau tricolore, sont presque devenus des gros mots. Pourquoi dans notre pays, être patriote, ou tout simplement fier d’être Français, c’est être assimilé au Rassemblement national.

« LE MARIAGE FORCÉ… MA PEINE POUR SORTIR DE PRISON » Ce livre, c’est une lettre d’amour à la France. Un constat d’échec aussi. Claire dénonce « cette volonté affichée de ne pas s’intégrer pour cultiver la victimisation. » Elle rejette l’assistanat, « alors que l’on devrait viser l’autonomie ». Quand elle était jeune, elle accompagnait son père aux entretiens d’embauche car il ne parlait pas bien français. « Comment peut-on s’intégrer dans un pays si l’on refuse d’apprendre sa langue ? » lâche-t-elle à plusieurs reprises dans son livre. Au fil des pages, Claire raconte son parcours du combattant pour s’affranchir de sa famille, jusqu’à accepter un mariage

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forcé « ma peine pour sortir de prison ». Pourtant, à son arrivée en France, les Koç sont ouverts, prêts à s’intégrer. Des alévistes, une minorité turque progressiste et républicaine. Jusqu’à l’arrivée de la parabole : « Son installation signa l’arrêt de mort de notre intégration joyeuse. », écrit-elle. Le JT de PPDA et les dîners en compagnie de Delon et Gabin, cèdent la place aux programmes turcs. « Peu à peu les tranches de jambon disparaissent du frigo, les chamailleries sur la pelouse du quartier entre frère et sœur prennent fin et je dois à présent entretenir la maison quand je ne suis pas à l’école. » Claire résistera. Depuis toute petite sur les bancs de l’école primaire, à Rennes puis à Strasbourg où elle a grandi dans la Cité nucléaire, Claire a essuyé des coups, des insultes, de sa famille, de ses copains de classe ou de ses professeurs. Sans jamais baisser les bras pour devenir la femme libre qu’elle est aujourd’hui. Son livre courageux, documenté, lui vaut de nombreuses insultes sur les réseaux sociaux. Mais Claire tient toujours bon. Et elle a raison. a (*) aux éditions Albin Michel.

Claire, Le prénom de la honte, aux éditions Albin Michel.

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a CU LTUR E – E S P OIR Rédaction : Barbara Romero Photographie : Nicolas Rosès

SOLAIRE VICTORIA EBER CINÉMA, SÉRIE, TOUT LUI RÉUSSIT À l’affiche du dernier film de Philippe Le Gay, en salle fin septembre si tout va bien, actuellement en tournage pour la première série européenne de Disney+, la Strasbourgeoise Victoria Eber connaît un début de carrière de comédienne des plus encourageants à tout juste 19 ans.

LOIN DE « LA FAME ET DES PAILLETTES »

tu te retrouves face à de mauvaises personnes. Ma plus grande recommandation, c’est de ne jamais y aller seule. » Et là, tout s’enchaîne. Philippe Le Gay a su dès sa première audition qu’il la voulait dans le rôle de Justine, la fille de Bérénice Bejo et Jérémie Renier dans L’Homme de la Cave, qui devrait sortir en septembre. Quelques mois plus tard, elle est prise pour jouer l’un des rôles principaux dans la première série européenne de Disney + Parallèles. Une série un peu science fiction qui embarque quatre jeunes dans des univers différents. « Nous sommes deux à jouer le même personnage à des âges différents. C’est rare de partager un rôle avec quelqu’un, nous avons beaucoup échangé pour s’accorder. » Actuellement en tournage à Chambéry, Victoria vit à 100 à l’heure. « Le rythme est intense avec beaucoup de séquences tournées en peu de temps. »

Avant d’être admise à l’école de la Comédie de Reims, Victoria avoue avoir cruellement manqué de confiance en elle. « C’est difficile de croire en soi quand tu sais qu’il y a des milliers de filles comme toi qui veulent faire ce métier. » Pourtant, en 2018, elle décroche un rôle dans la série Au-delà des espérances d’Eric Woerth, alors qu’elle est en Terminale L, option théâtre à Pontonniers. Elle prend aussi un agent sur les recommandations d’une directrice de casting. « Je ne savais même pas que ce métier existait, mais grâce à elle, je ne vais plus dans des castings où

Victoria s’est aussi découvert une passion pour le théâtre à Reims. « Je rêve de faire les deux. Le théâtre, c’est très flippant, un peu un saut dans le vide. Au cinéma, tu peux faire des pauses, alors que là tu dois tout donner en deux heures. » Pas du tout « dans la fame et les paillettes », d’un naturel désarmant, Victoria confie dans un éclat de rire : « Moi ce que j’aime, c’est être comédienne, je ne me vois pas en égérie, c’est trop loin de moi tout ça ! » D’ici cet été, elle s’installera à Paris en espérant un retour à la normale rapide pour le milieu culturel. a

our un premier film, tourner avec François Cluzet, Jérémie Renier et Bérénice Bejo, ça claque pas mal. « C’était une expérience de malade, aux côtés de supers comédiens, confirme la jeune femme. J’ai beaucoup appris grâce à François Cluzet notamment. Rien que le fait qu’il croit en moi, c’était énorme. » Silhouette longiligne, yeux de biche, peau diaphane et sourire éclatant, Victoria Eber a ce petit truc en plus assez indescriptible, solaire. « Quand j’étais petite, j’étais toujours dans la lune, un peu dans mon monde, confie-t-elle. Ma maman m’a proposé de faire du théâtre, j’ai commencé à m’intéresser au cinéma, je n’arrêtais plus de regarder des films, je savais que je voulais faire ce métier. »

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Victoria Eber, la jeune comédienne strasbourgeoise qui monte.

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a CU LT U RE – P OÉ SI E Rédaction : Isabelle Baladine Howald Photographie : DR

POÉSIE   L  MAIS QUE NOUS DISENT LES PIERRES ?

a ville se chante depuis toujours, chanteurs de rue ou chanteurs de variété : « Comme un arbre dans la ville Je suis né dans le béton Coincé entre deux maisons Comme un arbre dans la ville Sans abri, sans domicile » chantait Maxime Le Forestier, qui savait que des fleurs de macadam percent entre deux fissures, d’une couleur jaune vif qui éclaire la rue ou d’un bleu qui reflète le ciel intense.

La ville est dolente, comme en convalescence, du moins nous l’espérons enfin. Les murs se réchaufferont, les terrasses seront pleines avant l’été mais il subsistera longtemps la fameuse distance, quelque chose de prudent, voire de méfiant (la méfiance hélas…).

« Les journaux sont imprimés Les ouvriers sont déprimés Les gens se lèvent, ils sont brimés C’est l’heure où je vais me coucher » Au tour de Jacques Dutronc de célébrer la ville cette fois à l’aube, quand les trottoirs trempés de l’eau jetée pour les nettoyer, aujourd’hui encore. Ensuite Verhaeren, le poète même de la ville, dans Les villes tentaculaires. Dans la ville qu’il décrit, la vie circule à plein tubes, on sent encore le vieux XIXème siècle dans l’odeur de l’acier, des industries, des automobiles, les fumées : « Là-bas, Ce sont des ponts tressés en fer Jetés, par bonds, à travers l’air ; Ce sont des blocs et des colonnes Que dominent des faces de gorgones ; Ce sont des tours sur des faubourgs, Ce sont des toits et des pignons, En vols pliés, sur les maisons ; C’est la ville tentaculaire, Debout, Au bout des plaines et des domaines. » Aujourd’hui le tram est silencieux, fors ses freins et sa vibrionnante « sonnette » d’alarme, les vélos filent indisciplinés tout azimuts, les poussettes tirées par les deux roues ont des vitres de plastique qui laissent voir les visages des bébés somnolents, le kiosque ouvre, on se fait de grands signes de la main. Ça sent moins le café qu’autrefois, les silhouettes sont vêtues de vêtements plus informes, moins dessinées, on est peut-être encore plus pressé. Toutefois place de la Cathédrale en fin d’hiver le brouillard rôde comme du temps de Goethe et l’hiver qu’il passa à Strasbourg,

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la pièce de Büchner sur ce poète, (nous avions tous des couvertures tant le vent jouait dans nos cheveux comme selon la vieille légende il court toujours sur la place cherchant son maître le Diable !).

le pavé mouillé fait glisser un talon, le ciel gris remonter une capuche, tout change mais rien ne change. La ville est aménagée, on y construit bio et en bois, on va y planter des murs végétaux, des arbres partout, quelle chance ! On y roule moins et plus lentement.

MAIS QUE DISENT LES PIERRES ? Les pierres disent l’Histoire, le passage du vent dans le grès rose, sculptant les angles, laissant parfois de minuscules états scintillants s’effriter au coin des petites rue des Dentelles ou rue des Cheveux, le vacarme des chevaux transportant le poète fou Lenz de Waldersbach chez le Pasteur Oberlin à Strasbourg, les voix des comédiens sur la plate-forme jouant deux siècles plus tard

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LA VILLE N’EST POUR LUI QUE COMPOSITION, ANTI-NATURE AUTANT QUE POSSIBLE…

La ville de façon générale a beaucoup inspiré les poètes (les romanciers comme Hugo aussi, voyez Les misérables !), le plus célèbre étant certainement Baudelaire avec ses Tableaux parisiens. La ville n’est pour lui que composition, anti-nature autant que possible, c’est ainsi qu’il l’aime, lui qui a horreur de la campagne. Toutefois le poète n’aime pas le « progrès » qui défigure : « La forme d’une ville change plus vite, hélas, que le cœur d’un mortel » La ville a un cœur, le poète est un flâneur solitaire qui fend la foule, tâte le pouls battant de ses divers quartiers. Il y a peu je m’y promenais, au Musée de l’Œuvre Notre-Dame notamment, cette merveille, les pierres dans la lumière basse me chuchotaient l’Histoire d’Erwin, l’architecte de la construction de notre Dame de Strasbourg, notre belle rose élancée, celles des vierges sages et de la délicate Synagogue, celle d’une petite tête de femme en bois peint, merveilleusement belle, solitaire, exactement à sa place sur le mur blanc. Vingt-deux heures sonnent toujours à la cathédrale, autrefois c’était le couvre-feu pour les juifs qui se hâtaient de quitter la ville par les grandes portes (chaque ville a ses hontes). Demeurons attentifs à toute la poésie que dégage une vile, la nôtre est haut lieu de passage des langues, des poètes, des philosophes, le plus souvent à pied ou en carriole, et maintenant en TGV, mille visages venus du monde entier, curieux, prêts à tomber amoureux : « Dans les rues de la ville, il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. » dit René Char, qui s’y connaissait en passion… Nos amours, nos amis et ces petites silhouettes enfantines toujours renouvelées. « Vienne la nuit sonne l’heure Les jours s’en vont je demeure » disait Apollinaire : c’est tout ce que nous nous souhaitons, avec la venue de ce printemps. a

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a CU LTUR E – P HOTO Rédaction : Jean-Luc Fournier Photographie : Nicolas Rosès - DR

LA BELLE IDÉE CE PASSÉ SI PRÉSENT… Ce Colmarien d’origine vit à Rixheim près de Mulhouse mais, depuis 2009, est sapeurpompier professionnel à la caserne du Finkwiller à Strasbourg. Découvrez la belle idée photographique et éditoriale du talentueux Corentin Meyer…

l l’avoue d’emblée : « Je ne me qualifierais même pas de photographe, je ne me comparerais pas non plus à un artiste, surtout quand je vois les splendeurs que certains réalisent. En fait, je me sens comme un détective : dans le travail que j’ai réalisé pour éditer ce livre, il s’agissait surtout, à partir d’un cliché historique, de retrouver le quartier, l’endroit et l’angle précis de la prise de vue… ».

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IL SUFFISAIT D’Y PENSER…

39-45 STRASBOURG – PASSÉ COMPOSÉ – Corentin Meyer 34 € - I.D. L’EDITION

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« Quand ma tante a entrepris de retracer l’histoire de mon grand-père » raconte Corentin, « elle a retrouvé des lettres qu’il avait envoyées durant la dernière guerre. Mon intérêt pour cette période est né là.

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Corentin Meyer s’est mis en scène lui-même comme dans son livre, au coin sud-ouest de la Place Kléber.

C’est la photo du drapeau nazi flottant sur la cathédrale de Strasbourg qui a déclenché l’idée. J’ai réalisé la photo qui est sur la couverture du livre dans la foulée. Et c’était parti… Je suis allé aux archives récupérer d’autres photos et j’ai continué ce travail. Et plus je réalisais ces montages, plus j’avais envie d’en faire d’autres et plus j’allais dans le détail, le plus j’apprenais de choses comme la germanisation à marche forcée de la ville, notamment celle des noms, durant cette période dramatique de son histoire. Le livre montre bien cet aspect des choses. Le plus dur, au fond, c’est d’avoir ramé pendant des mois pour récupérer les ressources photos de l’époque. Ce fut assez facile au niveau des archives municipales de la ville, y compris au niveau de l’achat des droits dont

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le montant était tout à fait correct. Il n’en a pas été de même auprès des particuliers, par exemple, c’est monté quelquefois à 90 € l’image. La cagnotte Leetchi que j’avais montée m’avait procuré 2500 €, elle a été assez vite épuisée… Mais c’est la rencontre avec mon éditeur I.D. L’Edition qui a été déterminante. Il a été OK tout de suite pour que je travaille étroitement avec le graphiste, les quelques idées de mise en page que j’avais ont été respectées et c’est le seul éditeur de tous ceux que j’ai rencontrés qui m’a garanti cela. Le livre a bénéficié également de la plume d’un historien, Richard Seiler, qui a signé la préface et les textes des pages intérieures. Dans le livre, je remercie ces personnes qui m’ont facilité énormément les choses : de l’œuvre Notre-Dame qui m’a

ouvert exceptionnellement les portes de la cathédrale durant le confinement de l’an passé jusqu’aux particuliers dont j’ai tiré la sonnette pour pouvoir accéder à leur balcon et bénéficier de l’angle idéal pour la prise de vue, elles ont été nombreuses… » conclut Corentin. Tous les obstacles ont donc fini par se régler les uns après les autres. A l’heure où vous lirez ces lignes, le livre sera sorti. Il représente un témoignage original et inédit de cette époque qui s’éloigne et qu’un jeune et talentueux photographe amateur de 34 ans fait revivre de façon extrêmement originale. a des ortfolio vez le p ntin Meyer u o r t e R de Core tes images pages suivan s le s dan

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Corentin Meyer Passé composé Modeste, Corentin Meyer ne se définit ni comme un photographe ni comme un artiste. Mais qu’estil donc alors, lui qui donne à voir l’invisible, lui qui revisite l’histoire de Strasbourg et qui réveille tant d’émotions qu’on croyait à jamais enfouies dans les vieux albums photos ? Ses vues photographiques sont troublantes car elles disent toutes qu’au fond, tout n’est pas si lointain. Ça pourrait être nous, assis devant le Palais des Rohan au rendez-vous des célèbres Joutes d’alors face au Quai des Bateliers, ça pourrait être nous dans les bras de notre mère sur le quai de la gare de Strasbourg, de retour de l’exil ou route du Polygone au milieu des oriflammes nazis… Corentin Meyer, qui a mené à bien avec entêtement son projet de livre, espère qu’il intéressera aussi les jeunes de sa génération. C’est tout le mal que l’on souhaite à cet ouvrage hors du temps, magnifique comme quelques histoires de famille savent encore l’être… Texte : Benjamin Thomas Photos : DR

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Rédaction : Jessica Ouellet Photographie : Caroline Paulus

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PRÉPARER UN TCHIN-TCHIN LOINTAIN Les bouteilles ornées de poussière dévoilent de petits mystères œnologiques. Témoins du passé, elles portent notamment les marques de leur millésime et du labeur de l’humain qui s’y cache. Symbole de boisson vivante, le vieux vin captive. Entre jeunesse et déclin, son évolution valse vers une harmonie gustative. Jusqu’à retomber. Coup d’œil sur l’alchimie des vins de garde, et quelques idées pour bien boire dans 10 ans.

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ntendons-nous sur la définition ; un vin de garde se bonifie avec le temps. Dans la bouteille, une série de réactions chimiques se produit. Parmi elles, les composés aromatiques se complexifient, les tanins s’assagissent, et la fraîcheur s’apaise. En dépit d’un acharnement honorable et une cave exemplaire, certains flacons ne trouveront jamais le chemin de cette grâce.

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Un vin de garde est une composition artistique où toutes les notes sont brillamment exécutées. Le terroir, le cépage, le millésime, et la patte du vigneron, entre autres, donnent le ton. Accessoirement, les formats grandes soifs (magnum, jéroboam…) permettent un meilleur aboutissement.

UN EXERCICE DE TEMPS En quête d’une bouteille chez votre caviste de quartier, jetez votre dévolu sur des appellations reconnues pour leur aptitude – voire leur besoin – à pratiquer un exercice de temps. Plutôt blanc ? Optez pour un Champagne millésimé, Corton-Charlemagne, Savennières, Alsace grand cru, Arbois... En rouge, Pomerol, Saint-Estèphe, Chambolle-Musigny, Côte Rôtie, Châteauneuf-du-Pape et Madiran sauront ravir un tchin-tchin lointain. La liste est longue et…exotique ! C’est que les pays du nouveau monde dévoilent aussi des cuvées dédiées aux plus sages. On les retrouve notamment chez Opus one (Californie), Cheval des Andes (Argentine), Felton Road (NZ)… Le travail d’orfèvre mérite toutefois son petit pesant d’or. Ainsi, un vin de garde s’affiche rarement sous 20€. Dans tous les cas, choisissez-en un qui s’accorde avec votre budget. Malgré son élégance, un vin qui casse votre tirelire laissera toujours une note amère. E

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IL EST OÙ LE BONHEUR, IL EST OÙ ?

Rédaction : Jessica Ouellet Photographie : Caroline Paulus

FAIRE SCINTILLER L’ORDINAIRE Au moment d’imprimer ces lignes, le World Happiness Report dévoile son classement annuel. Un podium scintillant sous nuées amères. L’étude du bonheur considère des mesures qui feront sans doute trébucher certains drapeaux, cette année. Parmi elles, la générosité, le sentiment de liberté dans ses choix, ou encore la confiance accordée aux dirigeants. Intimement lié à notre épanouissement, le contexte disparate nous affecte inégalement. C’est que nous n’avons pas tous la même résonance quant au « tout seul », et aux virages à 90 degrés dans le quotidien.

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lus jeune, j’adorais colorier. J’ornais de grandes feuilles de papier avec trente-six teintes de Crayola®. Ma grande joie, c’était l’ajout de paillettes en poudre. La matière brillante me tartinait un sourire sincère. Une tempête d’enthousiasme ! C’était l’âge des colliers de pâtes et des poupées volantes certes, mais l’idée d’entretenir sa gaieté – aussi futile soit-elle – me semble particulièrement pertinente. La joie se faufile dans l’ordinaire. Elle se glisse notamment sur le post-it paré d’un je t’aime, le ciel barbe-à-papa, l’appel qui fait du bien, et le fondant au chocolat. Il faut être éveillé, vis-à-vis de son pot de paillettes ! Les petits plaisirs de chacun se mesurent difficilement dans le rapport sur l’étude du bonheur, mais en les collectionnant dans son ménage, on arrive à en émietter inconsciemment dans le quotidien des autres. Parfois juste en prenant le temps d’être là. Les gestes bienveillants nous accrochent un brin d’humanité, et nous rendent un peu plus solides.

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DES PLUIES DE PAILLETTES Il y a aussi ceux qui ne veulent pas jouer avec les paillettes. Parce que pas pratique, trop clinquant. Ce qui est ironique, c’est que sous leur amour du mat, ces éternels flegmatiques – n’y voyez aucune aigreur envers les Anglais – entretiennent une malsaine curiosité envers tous ceux qui scintillent. Je laisse le soin à Antoine de Saint-Exupéry de leur murmurer que les paillettes « c’est véritablement utile, puisque c’est joli » (Le Petit prince). Bien qu’il soit nuancé par son lot de subjectivité, le bonheur fait vibrer le social et le personnel. Mais pour un meilleur aboutissement, le deuxième se cultive avant le premier. Cette année résonne l’urgence des affaires. Et une évidente soif de Faire, aussi. Il importe néanmoins de déclencher des pluies de paillettes. Non par nécessité d’avoir une bonne note dans un classement mondial, mais pour entretenir une chaleur au ventre. Celle qui rendra notre humanité un peu plus brillante. E

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SPECTACLES FESTIVAL, LIVRES GALERIES, ETC. Chaque trimestre, la rédaction de Or Norme a lu, écouté et visionné l’essentiel de ce qu’on lui fait parvenir. Cette sélection fait la part belle à ses coups de cœur…

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a CULTURE — SÉ LE CT ION Rédaction : La rédaction de Or Norme Photos : DR

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Parabole berlinoise Grégory Ott es amoureux de Wim Wenders n’ont pas oublié son film sans doute le plus personnel, Les Ailes du Désir (Der Himmel über Berlin). un noir et blanc somptueux, le cinéaste mettait en scène, en 1987, deux anges invisibles (un des meilleurs rôles de l’excellentissime Bruno Ganz) aux yeux des malheureux humains qu’ils survolaient dans le ciel de Berlin. On sait que le film a été tourné au jour le jour, évoluant vers une fin encore inconnue du cinéaste au moment

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où il enchaînait les scènes. Evidemment, cette part d’improvisation, si commune au jazz, n’a pas échappé aux yeux du pianiste Grégory Ott qui a profité du confinement de l’an passé pour composer les morceaux de cette interprétation musicale personnelle du film de Wenders. Ce formidable voyage musical a été édité sur le label Jazzdor Series avec la complicité active de e abol Philippe Ochem. Une Par gory Ott ies - 10 € é r Gr r Se vraie réussite… a zzdo Ja

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Strasbourg Galeries Tour Faites le tour des galeries strasbourgeoises près une première édition qui a suscité un grand enthousiasme dans la ville en septembre dernier, Strasbourg Galeries Tour revient pour sa deuxième édition, printanière cette fois. Les galeries strasbourgeoises renoueront avec leur public les 16, 17 et 18 avril prochains. 18 galeries. 18 expositions, 18 regards, et bien plus d’énergie et d’initiatives communes de la part des galeristes pour continuer à faire vivre le secteur de l’art et faire revenir à eux les amateurs d’art contemporain. Strasbourg Galeries Tour a doréna-

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vant vocation à devenir un événement régulier, qui lorsque les conditions le permettront, pourra même évoluer. Une belle vitrine pour ceux qui vivent pour et par la création toute l’année. Toutes les galeries recevront le public dans le strict respect des contraintes sanitaires a r s Tou lerie à 19H a G h rg de 11 sbou Stra /18 avril des s 7 16/1 réserve anitaire s s u s o n S o ricti rest

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3KLIVRES Un très bel éloge de la gourmandise sucrée J.M. Truchelut et P.P. Zeiher ean-Michel Truchelut, professeur de cuisine et de pâtisserie, est également ingénieur de restauration aux Hôpitaux Universitaires de Strasbourg. Son complice Pierre-Paul Zeiher a fait toute sa carrière dans les plus belles maisons parisiennes et est revenu à Strasbourg après avoir, lui aussi, beaucoup enseigné. Ces deux professionnels aguerris et talentueux se sont associés pour publier ce formidable ouvrage qui réunit 100 techniques et préparations de bases, plus de 100 fiches techniques recettes et surtout plus de 130 vidéos accessibles gratuitement par QR codes, une innovation parfaitement réalisée et qui sera appréciée par toutes celles et tous ceux qui, passionnés de cuisine, veulent marcher sur les traces des plus grands chefs pâtissiers. Plus de 730 pages qui composent un cours magistral de pâtisserie. Le titre du livre n’est erie pas usurpé. Une t âtiss La P férence ruchelu merveille ! a ré er el T

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Plongée aux sources de la civilisation Dominique Zins uteur de théâtre et poète, Dominique Zins anime le collectif littéraire strasbourgeois Turbulences. Entre récit, action dramatique et stases poétiques, dans une vaste geste brassant les époques et les lieux, Avant le temps nous permet de redécouvrir des mythes parmi les plus antiques : les légendes mésopotamiennes, l’histoire fameuse du Jardin de l’âge d’or ou encore l’évocation d’Orphée ou de l’Apocalypse. Leur narration a été modernisée mais la langue qui l’apporte tend, au contraire, à permettre de se rapprocher au plus près de leur souffle épique originel… a s

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Artistes inatteignables… Daniel Payot

hilosophe de l’art, ex-enseignant à l’Université de Strasbourg et ex-adjoint en charge de la culture de la capitale alsacienne, Daniel Payot publie Retours d’échos - Comment ne pas écrire sur les artistes. Il esquisse dans cet essai une autre voie d’approche des œuvres via l’écriture. « Où l’on s’efforce de suivre les aléas d’une petite phrase qui court après les œuvres d’art et les artistes. Elle aimerait (…) parler d’elles et d’eux dans des termes convenables, adéquats, judicieux. (…) Mais ça ne marche pas. Devant la petite phrase, les œuvres se dérobent, les artistes se rendent inatteignables. Pas de chance... » La mise en pages élégante et soignée (agrémentée de dessins originaux de Gérard Titus-Carmel) est à la hauteur de l’intérêt de ce texte érudit. a

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OR CHAM P Par Rudy Reichstadt Photographie : Jean-François Paga (Grasset)

COMPLOTISME : LES « MOUTONS » SONT-ILS CEUX QU’ON CROIT ? ous l’ignorez peut-être mais le 4 mars dernier devait avoir lieu la « véritable investiture » à la présidence des Etats-Unis. Celle… de Donald Trump ! Celui-ci devait être rétabli dans ses fonctions de seul et unique président légitime : c’est en tous cas ce dont a essayé de se persuader un petit groupe d’irréductibles évoluant dans la mouvance dite « QAnon », un mouvement complotiste qui a commencé à trouver de puissants relais en Europe depuis l’année dernière.

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Cette prophétie contrariée est loin d’être la première à laquelle les « QAnon » ont souscrit aveuglément ces dernières semaines. Avant le 4 mars, les mêmes avaient fixé la date d’une reprise en main du pouvoir par Trump au 20 janvier, date à laquelle Joe Biden et sa vice-présidente Kamala Harris ont prêté serment. Sur les réseaux sociaux et dans des visioconférences retransmises en direct, les plus influents d’entre eux ont cru jusqu’au dernier moment à un ultime retournement de situation, réclamant de leurs auditeurs une « confiance absolue » dans ce qu’ils leur annonçaient : tout était censé faire partie d’un « Plan » d’une extraordinaire sophistication. Prisonniers de leur monde parallèle, ils en avaient comme oublié qu’avant cela, la « révélation » (qui, en grec, se dit ἀποκάλυψις et a donné le mot « apocalypse ») était prévue pour le 6 janvier 2021. On sait ce qui s’est passé en réalité ce jour-là : l’envahissement du Capitole, siège du pouvoir législatif américain, par des partisans de Donald Trump convaincus qu’on leur avait volé l’élection. Coup de force improvisé, sans préparation ni objectif clair sinon celui de « punir les traîtres » et d’interrompre le processus de certification des votes des grands électeurs par le Congrès. Un pétard mouillé plutôt qu’un véritable coup d’Etat, mais qui se sera tout de même soldé par la mort de cinq personnes. Depuis que l’Américain Leon Festinger a publié en 1956 l’une des œuvres classiques de la psycholo-

gie sociale, L’Echec d’une prophétie, on n’ignore plus que les démentis que le réel inflige à nos croyances n’ont pas forcément pour effet de les faire disparaître ni d’ailleurs de simplement les affaiblir. S’il est une leçon à retenir de la séquence insensée dont nous avons été les témoins ces derniers mois, c’est-à-dire la sécession d’avec la réalité d’une fraction significative de l’opinion publique de ce qui est probablement la plus vieille démocratie du monde, c’est que le complotisme n’a rien à voir avec le doute. On l’a vu spectaculairement avec la fin de la présidence Trump mais on l’observe très régulièrement à propos d’innombrables autres sujets, à commencer par celui de la pandémie de Covid-19 : le recours aux théories du complot n’est pas l’expression d’une incertitude mais d’une crédulité désarmante. Une crédulité confinant dans certains cas à la croyance religieuse mais s’en distinguant en ce qu’elle se donne les apparences avantageuses de l’esprit critique. Penser que le complotisme a un quelconque rapport avec le libre examen, la recherche désintéressée de la vérité ou l’exercice du doute méthodique cher à Descartes (qui n’avait pas de mots assez durs contre ces sceptiques qui « ne doutent que pour douter, et affectent d’être toujours irrésolus »), c’est confondre la forme avec le fond, prendre pour ouverture d’esprit ce qui n’est qu’une suspicion guidée par l’obsession ou le préjugé ; c’est être dupe d’une opération de camouflage consistant à parer des atours du scepticisme ce qui n’est rien d’autre qu’un réflexe panurgique. En matière de complots et de théories du complot, les « moutons » sont-ils vraiment ceux qu’on dit ? Watch, Rudy site Conspiracy du r eu at des imbéciles. nd Fo * eur de L’Opium rasset, 2019). ut l’a t es dt ta Reichs iste (G estion complot Essai sur la qu Complorama » « t as dc po le Il co-anime fo. sur France In

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Couverture  Photo par Sophie Dupressoir Portraits de l'équipe Illustrations par Paul Lannes www.paul-lannes.com

AV R I L 20 21 Directeur de la publication  Patrick Adler 1 patrick@adler.fr Directeur de la rédaction Jean-Luc Fournier 2 jlf@ornorme.fr Rédaction Alain Ancian 3 Eleina Angelowski 4 Isabelle Baladine Howald Erika Chelly 6 Amélie Deymier 7 Jean-Luc Fournier 2 Thierry Jobard 8 Véronique Leblanc 9 Aurélien Montinari 10 Charles Nouar 11 Jessica Ouellet 12 Barbara Romero 13 Benjamin Thomas 14 redaction@ornorme.fr

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Photographie Franck Disegni 15 Sophie Dupressoir 16 Alban Hefti 17 Abdesslam Mirdass 18 Vincent Muller 19 Nicolas Rosès 20 Marc Swierkowski 21 Direction Artistique Cercle Studio

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Mise en page Izhak Agency Typographie GT America par Grilli Type Freight Pro par Joshua Darden Impression Imprimé en CE

Publicité Valentin Iselin 22 07 67 46 00 90 publicité@ornorme.fr Directrice Projet Lisa Haller 23

Or Norme Strasbourg est une publication éditée par Ornormedias 2 rue de la Nuée Bleue 67000 Strasbourg Contact : contact@ornorme.fr Ce numéro de OR NORME a été tiré à 15 000 exemplaires Dépôt légal : à parution N°ISSN : 2272-9461 Site web : www.ornorme.fr №40 — Avril 2021 — Or Norme a dix ans



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