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Habiter
Par Patrick Adler, directeur de la publication et de la rédaction.
Vous avez entre les mains la huitième édition annuelle de notre hors-série HABITER que les équipes d’ Or Norme consacrent à tout ce qui fait que, nous tous, habitons notre ville, et plus largement, à tout ce qui participe à notre cadre de vie, à Strasbourg et dans notre région.
Comme l’an dernier, nous consacrons plusieurs pages aux Journées de l’Architecture organisées par la Maison Européenne de l’Architecture, qui en a fait depuis 2000 un événement majeur de la région rhénane, et qui va aborder tous les grands enjeux sociétaux concernant l’habitat, et notamment ceux liés aux changements climatiques, aux économies d’énergie, aux mobilités ou encore à la pénurie de logements.
S’agissant de cette pénurie, le problème est particulièrement alarmant à Strasbourg (comme dans la plupart des grandes villes universitaires), pour le logement étudiant auquel nous consacrons un article.
Il semble pourtant qu’une solution innovante pourrait émerger : la transformation des bureaux vacants. Avec neuf millions de mètres carrés inoccupés en France, le potentiel est considérable. Cette approche représente non seulement une réponse pragmatique à un besoin urgent, mais aussi une démarche écologique pertinente.
Chaque année, trois millions d’étudiants se lancent dans une quête souvent désespérée pour trouver un toit. Cette situation impacte directement leur réussite académique et leur bien-être. La conversion des bureaux en logements pourrait créer rapidement des milliers de nouvelles habitations.
Cependant, cette transformation fait face à des obstacles significatifs. Les propriétaires immobiliers, réticents à vendre à perte, et la complexité administrative freinent ces reconversions. La démolition-reconstruction, bien que moins écologique, reste souvent privilégiée pour des raisons financières.
Pour réussir cette transition, le nouveau gouvernement devra sans doute mettre en place des incitations fiscales attractives, simplifier les procédures administratives de changement d’usage et, pourquoi pas, développer des partenariats public-privé innovants.
Cette transformation représente une opportunité unique de répondre simultanément à deux enjeux majeurs : le logement étudiant, et la valorisation d’espaces urbains sous-utilisés. C’est un investissement dans l’avenir de notre jeunesse et de nos villes, et Strasbourg profiterait sans doute pleinement d’une telle stratégie dictée avant tout par le bon sens.
Ce numéro vous fera également découvrir de très belles réalisations récentes (la nouvelle tribune sud du stade de la Meinau, le nouveau musée zoologique...), de superbes projets en cours (la tour Émergence, le nouveau cinéma StarSaint-Ex, le nouveau Bowling de l’Orangerie...), mais également des rencontres passionnantes et une kyrielle de lieux à découvrir, ou bientôt à redécouvrir après leur transformation.
Et puis, votre regard s’arrêtera sans doute sur le portfolio consacré à Guillaume Porche, dont les images argentiques, douces et lumineuses, apportent cette poésie dont l’architecture, et le monde que nous habitons, ont tant besoin. ←
Les Carnets ON
Les événements des Journées de l’architecture. 8 ☛ Architecture
L’Interview
25 ans d’architecture et de dialogues transfrontaliers. 14
Le Musée zoologique prend de la hauteur Focus sur sa réouverture. 18
Sommaire
DRLW architectes
De Strasbourg à Bâle-Mulhouse. 22
Stade de la Meinau
Une tribune Sud vertigineuse. ↓ 24
Espace couvert
Du temporaire qui dure. 28
Or Norme – Hors série Habiter 2025 est une publication éditée par Ornormedias 1 rue du Temple Neuf – 67000 Strasbourg. Dépôt légal : à parution – N°ISSN : 2272-9461 contact@ornorme.fr – www.ornorme.fr
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Couverture Photographie par Simon Pagès Insta : @von–pages
Directeur de la publication et de la rédaction Patrick Adler (patrick@adler.fr)
Directrice Projet Lisa Haller
Bowling de l’Orangerie Strike ! 30
Lou Burger Faire feu de tout booa. 32
☛
Urbanisme Dossier
Comment le vélo transforme Strasbourg. 34
Dossier
Des projets qui vont faire date à Strasbourg. ↓ 40
La Broc, c’est chic ! La seconde main, à Strasbourg. 78
Enseignes design
Au centre-ville, le design résiste. ↓ 82
Spa-ttitude
L’Alsace, nouvelle destination bien-être. 86
Santé mentale
Bien chez soi, bien en soi. 90
Avant/Après, saison 2
Des architectes ou particuliers inspirés. 92
Adresses
Les adresses des lieux cités. 98
Les Carnets Or Norme
Parcours vélo
Le Port de Strasbourg réinventé
L’architecture se met en selle ! Le vélo, qui a fait de Strasbourg une ville pionnière dans les mobilités douces, est ici à l’honneur dans ce parcours architectural des cours d’eaux de la ville. Trois dimanches d’affilée, en quelques coups de pédales ponctués de petites déclinaisons sportives, découvrez la mutation des rives et la manière dont les friches portuaires sont progressivement réhabilitées pour créer des espaces économiques, résidentiels ou de loisirs. t.h.
→ Dimanches 12/10, 19/10 et 5/11 — De 10h à 12h30
Parvis médiathèque André Malraux
1 Presqu’île André Malraux, Strasbourg
WINY MAAS, MVRDV
Précédé par sa réputation d’urbaniste d’avant-garde et héraut de l’architecture remarquable de demain, Winy Maas proposera le 9 octobre une conférence dans le volume audacieux du Théâtre du Maillon. Co-fondateur, en 1993, de l’agence d’envergure internationale MVRDV, le Néerlandais a ponctué son parcours d’œuvres architecturales primées, telles que la Markthal de Rotterdam et les Crystal Houses à Amsterdam. Ses projets sont entièrement dédiés au contexte dans lequel ils s’inscrivent : ce sont des lieux conçus pour les personnes qui les habitent ou les traversent, du foyer à l’espace public. Articulant sa pratique et son enseignement à la frange des académismes et de l’expérimentation, il a imaginé le think-tank « The Why Factory » comme un laboratoire pour assembler les solives d’une possible architecture du futur. t.h.
→ Jeudi 09/10 — 18h30 — Théâtre du Maillon — 1 boulevard de Dresde, Strasbourg
Crystal
Houses
(c)
Daria
Scagliola & Stijn
Brakkee
Conférence temps fort
Parcours
(c) DR
Textes par Thibaut Hofer
Les Journées de l’architecture fêtent leurs 25 ans. Le festival donne rendez-vous du 1er au 26 octobre autour de la thématique Habiter le Rhin supérieur : 2000-2025-2050.
La sélection Or Norme à ne pas manquer !
Intelligence artificielle et cadre de vie : habiter le Rhin supérieur en 2050
L’intelligence artificielle occupe un espace croissant dans nos quotidiens. Elle peut devenir un assistant compétent et une ressource pédagogique lorsqu’elle est encadrée et exploitée efficacement. À travers un triptyque d’exposition, de conférence et d’atelier, l’ENSAS et la MEA proposent au grand public de mieux comprendre comment l’IA générative peut trouver sa place en urbanisme. t.h.
→ Du 14/10 au 24/10
ENSAS — 6-8 boulevard du Président-Wilson, Strasbourg
Concert d’ouverture du trio « Architectes »
Et si on écoutait l’architecture ? A-t-on déjà prêté l’oreille à Oscar Niemayer ou fredonné Anupama Kundoo ? Imaginant des compositions mesurées à l’aune d’œuvres parmi les plus symboliques de l’architecture moderne et contemporaine, le trio Architectes balance son swing et déroule les chorus dans des portraits soignés. Ce projet atypique, né de l’envie de Jérôme Fohrer, Francesco Rees et Erwin Siffer d’exposer leur admiration pour des architectes emblématiques dans de remarquables volumes sonores, est appuyé par les compositions visuelles du graphiste et photographe Adrien Berthet. t.h.
→ Mercredi 01/10 — 20h30 — Le Cheval blanc 25 rue principale, Schiltigheim
Maquettes magnétiques
Minutieux modèle réduit ou abstraction artistique, la maquette projette le regardeur dans la vision de l’architecte. La perspective est enveloppante, le parcours libre, la concentration précise. Un plan général ou une coupe fascinent parfois autant que l’édifice qu’ils représentent. C’est ce « magnétisme » que propose d’illustrer la table ronde animée par Olivier Vadrot, designer et scénographe, en compagnie de deux artistes en résidence à l’Aubette 1928, Nicolas Chardon et Karina Bisch. t.h.
→ Samedi 4/10 — 16h-17h30 Aubette, place Kléber, Strasbourg
Table ronde
(c) DR
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Penser l’incertitude, Christian Barani
Documentariste poète, Christian Barani a l’œilleton sensible et le propos réaliste et engagé. C’est sans doute sa propre expérience d’enseignant, et un frère architecte de renom, qui lui ont soufflé le touchant sujet de Penser l’incertitude. En suivant de son objectif attentif mais pudique 24 jeunes professionnels de l’architecture et du paysage, Christian Barani lève le voile sur les balbutiements qui deviendront matière à penser, sur les soubresauts qui deviendront projets. Tourné dans le cadre du concours des Albums des jeunes architectes et paysagistes et autres voies (AJAP), ce film de 90 minutes éclaire les interrogations, tribulations et solutions d’une nouvelle génération. t.h.
→ Jeudi 02/10 — 18h30 — Cinéma Le Cosmos 3 rue des Francs-Bourgeois, Strasbourg
Table ronde
Mobilité dans le Bas-Rhin : 25 ans de transformations, 25 ans de défis à venir
Le succès des nouvelles mobilités témoigne de notre désir d’améliorer notre cadre de vie. Cette table ronde revient sur 25 ans d’initiatives, et partage des pistes. t.h.
→ Mardi 14/10 – 18h30 à 20h Centre de formation des Compagnons du Devoir – 1 place Vitruve, Strasbourg
Ateliers
A COMME ARCHITECTURE
☛ Quel regard porte-t-on aujourd’hui sur la place du Château et son histoire lestée de religion ? Cet atelier ludique propose de révéler les mystères de son architecture. t.h.
→ 18/10 – 16h – 17h30 – 5e Lieu, 5 place du Château, Strasbourg
PHOTOGRAPHIE, SORTIR DE SA RÉSERVE
☛ L’accumulation d’objets raconte le temps qui passe. L’atelier organisé par La Pierre Large vous invite à transmettre votre histoire, à faire d’une prise de vue, un récit. t.h.
→ Samedi 11/10 – 10h à 15h Hall de stockage 18 rue du Doubs, Strasbourg
Cinéma
(c) Luc
Boegly
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DR
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Expositions + Visites
EXPO & VISITES BY STRASBOURG
Le territoire du Rhin supérieur est une région riche de ses cultures et de ses confluences. Limitrophe et européenne, entre accueil et transit, paysage et bâti, voilà une zone géographique qui sait se préserver autant que se renouveler. La Ville et l’Eurométropole de Strasbourg vous invitent à encore mieux connaître ce paysage que vous habitez ou parcourez, à travers deux expositions et 13 visites. Guidées par la maîtrise d’ouvrage et les agences d’architecture à l’origine des projets, les visites permettront de découvrir les sites de transformation de la capitale européenne, achevés ou prometteurs. L’exposition aux Ponts Couverts proposera une série de photos révélant les coulisses de ces chantiers. Au Centre administratif, on découvrira les initiatives menées pour valoriser le patrimoine tout en répondant aux enjeux énergétiques actuels. t.h.
→ Du 1/10 au 26/10 — Centre Administratif — 1 Parc de l’étoile, Strasbourg Ponts Couverts — Place du Quartier Blanc, Strasbourg
HABITER ENSEMBLE DEMAIN
☛ Pour des raisons économiques ou sociales, la cohabitation est un principe qui a ses vertus et un phénomène qui se répand pour répondre aux enjeux de demain. L’association Réhabiter propose deux ateliers pour découvrir certains leviers pour mieux partager nos espaces domestiques. De la coopération pour favoriser l’équité à la place des seniors, les thèmes abordés présentent des aspects précis et peu visités d’une façon de vivre qui sera peut-être la nôtre. t.h.
→ 18/10 – 14h - 18h – La Maison Citoyenne 2 rue du Grand Couronnée, Strasbourg
Exposition
PAR-DELÀ LES EAUX DU FLEUVE
☛ Que connaissons-nous du Rhin, de son lit et de son histoire ? Que voyons-nous de ses tumultes en amont, aux chutes de Schaffhouse en Suisse ? Que savons-nous de ses expansions incontrôlées avant les grands travaux lancés en 1817, pour prévenir les inondations en plaines ? Dans l’exposition qui lui est consacrée, le photographe Christophe Bourgeois fait la focale sur cette identité que nous percevons, mais dont nous ne soupçonnons pas toujours les vicissitudes. t.h.
→ Du 10/10 au 12/10 – Collectif Repetita 120 Grand’rue, Strasbourg
Atelier
(c) DR (c)
Christophe
Bourgeois
ARCHI TEC
TURE
Julie Wilhelm et Arnaud Backer au Théâtre du Maillon où se tiendra la conférence phare des Journées de l’architecture.
JULIE WILHELM & ARNAUD BACKER
Vingt-cinq ans déjà que les Journées de l’architecture invitent le grand public à porter un nouveau regard sur notre cadre de vie. Né en 2000 d’une initiative privée, ce festival transfrontalier dédié à l’architecture contemporaine rassemble aujourd’hui près de 20 000 curieux. Julie Wilhelm, la vice-présidente, et Arnaud Backer, le trésorier de la Maison européenne de l’architecture (MEA), reviennent sur l’histoire de cette aventure et en esquissent les horizons à venir.
Rédaction : Barbara Romero
Photographie : Abdesslam Mirdass
Les Journées de l’architecture sont nées en l’an 2000 pour devenir en 25 ans un festival réputé et attendu au mois d’octobre. Quelle est votre recette ?
Julie Wilhelm : L’idée a germé dans l’esprit de Pascale Richter et Urban Knapp, deux architectes qui ont eu envie de créer un événement autour de l’architecture contemporaine qui fasse un peu bouger les choses. Dès le départ, il a semblé naturel à Pascale, qui est franco-allemande, de porter cette vision d’un territoire qui a quelque chose de très spécifique avec cette proximité du Rhin, de Kehl. La Maison européenne de l’architecture – Rhin Supérieur (MEA) a 25 ans, et c’est la seule maison transfrontalière en France. Dès le départ soutenue par l’Ordre des architectes d’Alsace, aujourd’hui Grand Est, mais aussi par les ordres allemands, la MEA a pour mission la diffusion de la culture architecturale.
Arnaud Backer : Contrairement à d’autres structures plus institutionnelles, nous sommes une association de bénévoles. Chaque Maison de l’architecture a sa spécificité. Nous, notre force, c’est le festival des Journées de l’architecture, unique en France. Il existe parce qu’il y a des porteurs de projets externes, c’est un réseau vivant, renouvelé chaque année. On se réunit, on débat, on choisit une thématique qui reste le fil conducteur de chaque édition. Et les gens répondent avec des balades, des expos, des ateliers, des conférences.
Pour chaque édition, vous définissez donc une nouvelle thématique, pile dans l’air du temps. C’est là aussi la clé du succès pour intéresser le grand public ?
J. W. : Sur les dix dernières années, on voit bien l’évolution des thématiques : sensibilité au contexte, à la ressource, au changement climatique. Ce sont
des sujets qui émergent dans la société, et nous les retranscrivons dans le festival. Parce que l’architecture est ancrée dans son époque, elle reflète son évolution. Rien qu’en retraçant les thèmes du festival, on ressent le changement entre Architecture en transition, Architecture et ressources, Architecture alternative, Transformation... On constate une bascule vers 2017. Avant, on proposait des thématiques liées à l’art, à la lumière, à l’espace, à la manière de faire de l’architecture. Puis on est passé à un regard tourné vers les grands enjeux sociétaux qui concernent tout le monde.
C’est quoi le déclic selon vous ?
A. B. : Les Accords de Paris ont joué un rôle clé. Les rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) ont commencé à parler à tout le monde, pas seulement aux spécialistes. On a assisté à une prise de conscience collective, mais aussi générationnelle : les plus jeunes ont amené le sujet dans le débat. En tant que professionnels, cela a changé notre manière de pratiquer. Avant, ces thématiques n’étaient pas aussi centrales. Aujourd’hui, elles guident une grande partie de notre réflexion et de nos projets.
Y compris de l’autre côté du Rhin ?
J. W. : Bien sûr ! L’architecture y est parfois complètement différente. Même à quelques kilomètres, tu sais que tu es ailleurs, ce n’est pas le même pays, il y a une forme d’exotisme local. Mais malgré cela, il y a un lien, un territoire commun, c’est ce que nous essayons de mettre en lumière. Ce lien on le trouve dans nos échanges. Le Rhin est une frontière, mais c’est aussi un axe de partage. Nous partageons aussi les mêmes ressources, comme depuis toujours le grès allemand.
A. B. : C’est le territoire qui fait sens, qui crée la cohérence. Bien sûr les pratiques diffèrent, les cultures sont distinctes, mais c’est cela qui est aussi intéressant : nous essayons de créer des ponts, d’encourager les passerelles entre nos cultures.
D’où la thématique cette année : Habiter le Rhin supérieur : 2000-2020-2025.
J. W. : L’idée est de plonger dans l’histoire de ce territoire, de voir comment on l’a construit et comment on le pense pour demain.
Quels sont les enjeux que rencontrent les architectes pour le bâti de demain ?
J. W. : Le changement climatique, pour ne citer que celui-là, nous oblige à réfléchir autrement, tout comme l’épuisement des ressources. La question est : comment réussir à faire une architecture plus intelligente, plus économe, qui utilise moins de ressources, mais qui continue d’offrir une ville confortable, résiliente, où il fait bon vivre ensemble.
A. B. : À l’époque, on essayait de faire une architecture qualitative, mais qui s’intéressait surtout à l’usage, au rapport à la ville. Aujourd’hui, on réfléchit aussi à comment on fabrique cette architecture, avec quels matériaux, plus locaux, réutilisables.
«
NOUS SOUHAITONS ACCUEILLIR DE NOUVEAUX BÉNÉVOLES, MOBILISER LES ÉTUDIANTS, LA JEUNE GÉNÉRATION D’ARCHITECTES. »
J. W. : Le plus écologique aujourd’hui, c’est de faire avec l’existant, pas de construire du neuf.
Le programme du festival tournera donc autour de ces questions du territoire, du Rhin et du temps. Un sujet qui a inspiré ?
J. W. : Nous avons en effet eu énormément de propositions sur cette thématique. Nous avons dû faire un tri et proposerons 150 manifestations durant le festival. Pour exemple, nous avons invité l’agence néerlandaise MVRDV, un acteur architectural majeur situé à l’embouchure du Rhin, à Rotterdam, qui compte 300 architectes dans le monde. Ils ont cette particularité de toujours interroger la société, la ville, les usages, et poussent les concepts jusqu’au bout. L’agence a intégré une cellule de recherche leur permettant de mener de vrais travaux prospectifs. Ils s’intègrent ainsi parfaitement dans notre thématique. Ils interviendront, ici, au Maillon le 9 octobre.
Quels sont les enjeux de la MEA pour les 25 prochaines années ?
J. W. : Nous souhaitons renforcer notre dimension trinationale en multipliant les partenariats avec l’Allemagne et la Suisse. L’idée est aussi d’ancrer davantage la MEA dans le paysage culturel strasbourgeois.
A. B. : Nous sommes très investis dans la transmission, à travers notamment notre concours de maquettes OSCAR auquel 130 classes ont participé cette année. Nous souhaitons accueillir de nouveaux bénévoles, mobiliser les étudiants, la jeune génération d’architectes. Je défends une architecture du bon sens, ancrée dans le territoire, qui fait appel à la ressource locale, sensible à l’environnement, et à la durabilité. La MEA donne cette opportunité de transmission, de défendre ces convictions. C’est un porte-voix pour transmettre.
J. W. : L’architecture s’impose à tous. On ne choisit pas toujours ce qui est construit autour de nous. C’est aussi une responsabilité sociétale : penser à l’usage, à la collectivité. Aujourd’hui, on va vers des pratiques collaboratives, des concertations citoyennes. C’est une évolution positive. ←
← Julie Wilhelm et Arnaud Backer en conversation avec Barbara Romero.
Le Musée zoologique prend de la hauteur
Après six ans de fermeture et de travaux colossaux, le Musée zoologique de Strasbourg, situé au cœur du quartier universitaire, a rouvert ses portes le 19 septembre dernier.
Rédaction : Olivier Métral
Portraits : Abdesslam Mirdass
« Ça rouvre quand ? ». Sébastien Soubiran, le directeur du Jardin des sciences de l’Université de Strasbourg, ne sait plus combien de fois la question lui a été posée ces derniers mois et ces dernières semaines. Prévue pour 2023 puis début 2024, la réouverture du Musée zoologique de Strasbourg a finalement eu lieu le 19 septembre dernier, à l’occasion des Journées du patrimoine, mettant ainsi fin à une certaine forme d’impatience. « On n’a pas vraiment été confronté à des problèmes majeurs pendant les travaux », précise Guillaume Aubry, architecte de l’agence Freaks, maître d’œuvre de la rénovation du bâtiment, « mais plutôt à quelques mauvaises nouvelles qui sont le lieu commun dans ce genre de rénovation. Et franchement, on a, à chaque fois et avec l’ensemble des acteurs du
→
Sébastien
Soubira, directeur du Jardin des sciences de l’Université de Strasbourg.
← Samuel Cordier, directeur du Musée zoologique
« Notre défi a été de conserver l’esprit du lieu, tout en le modernisant. »
projet qui sont nombreux, su prendre les bonnes décisions sans trop rallonger les délais ».
Une mise en scène verticale. La longue durée du chantier s’explique principalement par la complexité des travaux intrinsèquement liée au projet architectural de l’agence parisienne. « Ce que l’on aime dans les vieux musées, c’est le parquet qui grince, les animaux qui louchent, les lumières douteuses et l’ambiance surannée qui s’en dégage », poursuit Guillaume Aubry. « Notre défi a été de conserver l’esprit du lieu, tout en le modernisant et en évitant de l’aseptiser malgré les injonctions contradictoires liées aux normes de sécurité ».
La dépose de deux plafonds à l’entrée principale du musée pour créer un espace vertical, baigné de lumière et ouvert sur trois étages, reste sans doute la transformation la plus marquante de ce bâtiment du XIXe siècle. Quantité d’animaux s’y déploient et s’y suspendent dans une mise en scène autant ascensionnelle que vertigineuse, articulée par une machinerie semblable à celle d’un théâtre. « Dans ce hall, le visiteur est immédiatement confronté à la diversité du vivant et percuté par l’émotion qui s’en dégage », souligne Samuel Cordier, le directeur du Musée zoologique. « Si la caravane des animaux constitue la signature du Muséum national d’histoire naturelle de Paris, ce hall de la biodiversité sera celle du musée strasbourgeois », promet Guillaume Aubry.
↑ Vue de la façade sud du Musée Zoologique rénové.
Des exigences à respecter. Auparavant disséminées un peu partout dans le bâtiment, sans véritable protection incendie, les collections du musée, qui représentent 1,2 million d’espèces, soit l’une des plus imposantes du territoire, ont toutes trouvé refuge au dernier étage après une vaste opération de dépoussiérage et de nettoyage. Ici aussi, l’agence Freaks s’est heurtée à bien des difficultés pour en assurer les meilleures conditions de conservation, d’autant que le climat alsacien est ouvert à tous les extrêmes. « L’appellation “Musée de France”, dont dispose le musée strasbourgeois, exige un contrôle absolu de la température et de l’hygrométrie pour préserver au maximum l’intégrité des spécimens conservés », rappelle l’architecte. « Aujourd’hui, une centrale installée sous les faux-plafonds permet de réguler très précisément ces deux paramètres, mais on n’imagine pas le travail que toute cette installation a demandé et les trésors d’ingéniosité qu’elle a nécessités pour faire passer câbles et tuyaux dans ce vieux bâtiment qui est resté dans son jus ».
Au cœur d’un circuit muséal. Passées les contraintes techniques, le Musée zoologique de Strasbourg est donc prêt à accueillir ses visiteurs. Ils étaient 40 000 par an avant sa fermeture en septembre 2019. « Sur la base de ce que l’on a pu observer ici ou là, après une telle transformation et rénovation, on en attend 90 000, peut-être
(c) Freaks Architecture
100 000 », prévoit Samuel Cordier. Et peut-être bien plus, si l’on prend en compte la situation même du musée, qui s’inscrit géographiquement dans un parcours multisite au périmètre restreint, qui englobe le nouveau Planétarium, ouvert en juillet 2023, et les Musées de la minéralogie et de la paléontologie, qui rouvriront de leur côté leurs portes en 2026. « Un ensemble unique en France, et peut-être même en Europe, qui va offrir aux Strasbourgeois un quartier culturel dédié au dialogue entre sciences et société au sein même du campus », s’enthousiasme Sébastien Soubiran.
En phase avec les enjeux d’aujourd’hui. Pour l’heure et avant que tous les éléments de ce quartier ne soient totalement opérationnels, le Musée zoologique a fourbi ses armes pour attirer à lui ses prochains visiteurs. Orchestrée par l’agence lyonnaise dUCKS, sa scénographie repose sur une mise en lumière des enjeux environnementaux et des défis sociétaux auxquels l’Humanité est confrontée, au travers notamment des problématiques qui touchent au dérèglement climatique et au développement durable. Le parcours de visite, qui s’effectue du haut vers le bas du musée, traverse le cabinet d’histoire naturelle de Jean Hermann, à l’origine des collections du musée, la galerie des oiseaux et ses 600 spécimens, les sept salles « totems » consacrées aux pièces phares des collections, avant de s’immerger au cœur de trois expositions thématiques semi-permanentes, respectivement dédiées à l’écosystème du Rhin supérieur, à celui de la baie de Sagami, au Japon, et à la nature au laboratoire, sous le prisme des moustiques et des abeilles. Enfin, la première exposition temporaire s’intéresse à la biodiversité urbaine directement liée à la ville de Strasbourg. Entièrement accessible aux personnes à mobilité réduite, le musée rénové sort ainsi du cadre traditionnel du « déploiement de la systématique », selon les propres termes de Samuel Cordier, pour « suivre une véritable trame narrative qui s’interroge sur notre rapport au vivant ». Avec la « porosité » qu’il offre désormais avec l’extérieur, grâce à ses grandes ouvertures vitrées sur le boulevard de la Victoire et à son système de rétro-éclairage, il donne même à voir côté rue.
Sébastien Soubiran et Samuel Cordier piaffaient d’impatience à l’approche du 19 septembre. « C’est une chance d’avoir été présent à la naissance du projet et d’être toujours là à son aboutissement », résumait le premier. « C’est pour moi exceptionnel de vivre l’aventure d’une réouverture. J’y pense chaque matin en enfourchant mon vélo », complétait le second. Endormis depuis six ans et comme en hibernation prolongée, les animaux du Musée zoologique de Strasbourg sont enfin sortis de leur long sommeil. ←
↑ Parcours du musée rénové : de haut en bas, le cyclorama du Rhin, l’espace laboratoire, la table des océans.
drlw architectes De Strasbourg à Bâle-Mulhouse
Engagée dans la rénovation du café du 7eart et du cinéma
Star Saint-Exupéry à Strasbourg, l’agence drlw architectes porte également le projet d’extension du terminal de l’EuroAirport.
Rédaction : Olivier Métral
Photographie : Abdesslam Mirdass
→ Projection du hall du cinéma Star Saint-Exupéry.
Les cinéphiles strasbourgeois vont certainement trouver le temps long.
Mais la fermeture pour 18 mois du cinéma Star Saint-Exupéry et du café du 7e art constitue un passage obligé pour leur offrir une seconde jeunesse. Le chantier de la rue du 22 novembre, qui s’ouvre en ce début du mois d’octobre, concerne autant la réhabilitation patrimoniale de l’immeuble situé au n° 18 que la rénovation des deux établissements et leur mise aux normes en termes de sécurité incendie et d’accessibilité.
Des questions en arrière-plan.
Maître d’œuvre de l’ensemble des opérations, l’agence drlw architectes sera sur le qui-vive dès la phase de
curage, celle qui précède les travaux de rénovation proprement dits et qui conduit au retrait de tous les éléments non-structuraux. « Si on a bien retrouvé les plans d’archives de la construction initiale qui date de 1913, on n’a en revanche aucune trace de ceux qui ont accompagné le grand chambardement de 1973 », déplore Noémie Weibel, cheffe de projet au sein de l’agence. Cette année-là, l’espace jusque-là dédié à un restaurant-brasserie est converti en un cinéma de quatre salles à l’issue d’un vaste chantier. « Après la mise à nu, on réalisera de nouveaux relevés et on s’adaptera en fonction des bonnes ou des mauvaises surprises qui en découleront », rassure l’architecte.
drlw architectes
(c)
Pour l’heure, le projet tel qu’il a été conçu entraîne la stricte séparation des deux entités, cinéma et café, et la recomposition de la façade pour en respecter la symétrie d’origine, avec l’agrandissement de la devanture rouge du café et le décalage sur la droite de l’entrée du cinéma qui devient là secondaire. L’entrée principale, transférée rue de la Vignette, permettra d’anoblir et de requalifier son impasse et de réintégrer la passerelle historique qui donnera accès à l’une des salles.
Retour aux sources. Programmée pour mars 2027, la réouverture du café du 7e art et du « Saint-Ex » coïncidera peu ou prou avec le début des travaux qui concerneront l’extension du terminal de l’EuroAirport de Bâle-Mulhouse, un chantier également confié à drlw. L’agence alsacienne renoue là avec ses premières amours, elle qui avait véritablement changé de dimension en 1996 en se voyant attribuer le précédent agrandissement du terminal transfrontalier. « Il s’agit aujourd’hui d’améliorer l’expérience client et d’offrir aux passagers les meilleures conditions d’accueil et de déplacement dans un espace réputé comme anxiogène pour l’usager »,
explique Martin Goepfert, architecte-associé. Le projet, qui concerne la construction d’un bâtiment neuf de 14 000 m2 niché sur l’existant et qui sera lui-même rénové, permettra de mettre en scène une circulation verticale et intuitive entre les différents niveaux, sans croisement de flux entre les départs et les arrivées, et de renforcer la sécurité de l’aéroport. Élément phare du projet, une imposante boîte en bois, installée sur la partie haute du nouveau bâtiment et formée de poutres en treillis, fera office de repère dans un ensemble ouvert sur la Forêt-Noire. « La grande façade vitrée qui s’ouvre sur ce paysage majestueux constituera la signature visuelle de l’aéroport », précise le chef de projet. Reste encore à savoir si cette extension du terminal, dont les travaux en site occupé devraient courir jusqu’à 2031, sera complétée ou non d’un accès ferroviaire sous le parvis pour former un nœud multimodal. « Tout l’enjeu des premiers travaux qui seront engagés réside dans l’anticipation de cette possibilité », souligne Martin Goepfert. « À nous de faire en sorte que rien ne soit irréversible si cette décision est prise à l’avenir ». ←
« La réouverture du café et du “Saint-Ex” coïncidera avec le début des travaux du terminal de l’EuroAirport de Bâle-Mulhouse. »
← Projection du nouveau terminal de l’EuroAirport Bâle-Mulhouse.
→ Noémie Weibel et Martin Goepfert prêts à attaquer le chantier du Saint-Ex.
Une tribune Sud vertigineuse
En un temps record, le chantier d’extension et de réhabilitation du stade de la Meinau a déjà franchi un cap décisif : 90 % des travaux sont achevés. Les supporters ont pu en mesurer l’ampleur dès le 21 août avec l’inauguration de la spectaculaire tribune Sud pour le premier match à domicile. La livraison complète du projet est prévue pour avril 2026.
Rédaction : Barbara Romero
Photographie : Simon Pagès
À quelques heures de l’ouverture des portes de la Meinau, on a peine à croire qu’un match va s’y jouer. Si les joueurs du Racing Club de Strasbourg Alsace ont déjà repris la compétition, les ouvriers poursuivent leur cadence afin de boucler la tribune Nord, la dernière en chantier, d’ici au match du 8 novembre. « Nous avons démarré les travaux en septembre 2023, ce qui est vraiment très court pour un chantier de cette ampleur, souligne l’architecte Olivier de Crécy. Aujourd’hui, 90 % du chantier est réalisé. Pour exemple, on a réussi à reprofiler le pied des gradins de la tribune Est en trois mois, en travaillant en intersaison. C’est assez unique. »
Des fuselages d’Airbus en façade. L’ouvrage, propriété de l’Eurométropole de Strasbourg (EMS), a été repensé par les cabinets d’architecture
Popoulous et Rey-De Crécy. La maîtrise d’œuvre a été confiée à Vinci et Demathieu Bard pour le lot principal. Le plus spectaculaire du chantier colossal de 160 millions d’euros financé par l’EMS pour près de la moitié, la Région Grand Est, la Ville de Strasbourg, la CEA, et le RCSA, a donc été révélé cet été : une tribune Sud imposante dont la capacité est passée de 5 500 à 12 000 spectateurs. Du point culminant des gradins à 32 mètres de hauteur, la sensation est vertigineuse. La visibilité sur le terrain impressionnante. Face à nous se dessine une nouvelle vue sur Strasbourg où se détachent la cathédrale, le Parlement européen, les Black Swan, les Vosges et la Forêt Noire.
Mais le spectacle démarre dès l’entrée, dans le majestueux atrium aux allures d’aéroport.
« Les espaces publics comme celui-ci ont besoin de cette générosité pour gérer les flux », rappelle Olivier de Crécy tout en pointant les premiers fuselages d’A340 convertis en pare-soleil, « placés à 30 degrés pour protéger de l’ouest, et qui la nuit venue éclairent l’espace de reflets bleutés. » Une première qui réjouit la présidente de l’Eurométropole, Pia Imbs : « Nous avons à cœur de valoriser l’économie circulaire. L’habillage de
Des allures d’aéroport pour la Tribune Sud entre fuselages et coursives.
« Les espaces publics comme celui-ci ont besoin de cette générosité pour gérer les flux. »
Olivier de Crécy
la façade avec les anciens fuselages d’avions Airbus a démarré fin juillet, et 196 pièces seront installées au total, précise-t-elle. Dans le même esprit, les parquets des anciennes loges ont été donnés aux Ateliers des Jardins de la Montagne-Verte, les fauteuils à des associations locales, nous avons valorisé les matériaux de construction en réemploi grâce à l’entreprise Cycle Up. Ce projet spectaculaire, adopté à l’unanimité sous ma présidence, était attendu de longue date et son cahier des charges répond à nos préoccupations avec un stade plus écologique et accueillant tout en restant au cœur de la ville. »
Une consommation énergétique globale maîtrisée. Si la capacité d’accueil est passée de 26 000 à 32 000 places, les émissions de CO2 diminueront de près de 60 % et la consommation globale restera inchangée grâce à plusieurs leviers : l’installation de 900 m2 de panneaux photovoltaïques, la récupération des
eaux de pluie, les leds permettant de diviser par sept la consommation énergétique, le raccordement au réseau de chaleur, la source de chauffage issue de la biomasse...
Pour les espaces d’hospitalité, le club a soigné les moindres détails : aménagement intérieur, design, atmosphère, déclinés autour du « bleu Racing » pour un résultat vraiment élégant. Chaque salon réparti sur les quatre premiers niveaux – un premier d’une capacité de 700 personnes au niveau 1, trois grands salons au niveau deux, l’espace protocolaire au niveau trois et les 32 loges privatives à l’ambiance modulable au niveau 4, sont tous tournés vers le stade et avec une identité propre.
Au niveau 5, accessible par deux escaliers extérieurs à l’atrium, place aux gradins grand public offrant cette fameuse vue époustouflante, digne d’un grand stade. En chantier encore, la tribune Nord, les aménagements extérieurs et la Fan Zone pour une livraison prévue en avril 2026. ←
Une tribune
Sud atteignant
46 mètres de hauteur au total.
« Ce projet spectaculaire, adopté à l’unanimité était attendu de longue date. »
Pia Imbs
Espace couvert Du temporaire qui dure
Solidement ancrée sur le marché de l’événementiel depuis 27 ans, Espace Couvert, entreprise de location de structures temporaires poursuit son développement sur le secteur industriel.
Sans doute avons-nous tous été un jour abrité par une tente, un barnum ou un chapiteau d’Espace couvert. Aux Eurockéennes de Belfort, à la Fête de la bière de Schiltigheim, à la Foire aux vins de Colmar, aux Internationaux de tennis de Strasbourg, aux 500 Nocturnes de Logelheim ou encore à l’occasion de l’une ou l’autre des multiples manifestations qui jalonnent le calendrier régional des événements sportifs et culturels. Les chapiteaux et autres structures temporaires démontables de l’entreprise reichstettoise sont partout. Impossible ou presque d’échapper aux 100 000 m2 d’abris en tout genre qui constituent son parc locatif.
Repousser les frontières. En parallèle du marché local de l’événementiel qu’il est parvenu à phagocyter, le loueur alsacien compte depuis plusieurs années sur l’industrie, la grande distribution et le monde médical pour développer son activité en dehors des frontières du Grand Est, même s’il doit faire face à des difficultés de recrutement. « La location de nos structures pour ces différents secteurs, qui a vocation à être de plus longue durée, nous permet de lisser les coûts de transport dans le temps et d’élargir ainsi notre rayon d’action », confirment Camille et Maxime Egger, qui se partagent aujourd’hui la direction de l’entreprise créée en 1998 par leur père Johannes. Bâtiments de stockage, ateliers de production, magasins temporaires, extensions ou centres de vaccination sont autant de structures qui complètent leur catalogue et leur offrent de nouvelles perspectives sur tout le territoire national, dans un contexte macroéconomique où l’incertitude pousse davantage les décideurs à la location plutôt qu’à l’achat ou la construction en dur. ←
Camille et Maxime Egger à Espace couvert.
Lou Burger Faire feu de tout booa
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Lou Berger sur le site de Châtenois.
Spécialisée dans la construction sur mesure de maisons individuelles à ossature bois, la marque booa du groupe Burger & Cie s’émancipe pour élargir son champ d’action.
Rédaction : Olivier Métral
C’était depuis 2011 une marque. C’est désormais une société à part entière.
La filialisation en décembre 2024 de booa constitue un tournant dans la jeune histoire du constructeur de maisons individuelles à ossature bois, d’autant que cette émancipation du groupe Burger & Cie s’accompagne d’un plan d’investissement de neuf millions d’euros destiné à accompagner son développement. La construction d’un nouveau bâtiment sur le site de Châtenois, qui sera en service en 2026 et dédié à la fabrication de structures modulaires, témoigne du virage stratégique pris par l’industriel. « Notre volonté est de s’ouvrir à de nouveaux marchés et de s’orienter vers le logement collectif, les résidences étudiantes ou seniors, les bâtiments professionnels et les maisons en bande. Il y a véritablement ici une place à prendre »,
confirme Lou Burger, présidente de booa et directrice générale du groupe Burger & Cie.
Une stratégie déjà en marche. L’actuel assemblage d’un pôle médical de douze cabinets sur la zone artisanale de Wiwersheim, qui sera suivi de deux autres projets constructifs à Ribeauvillé et Ostheim, atteste déjà de cette ouverture sur l’habitat collectif avec, le cas échéant, le développement de partenariats avec les bailleurs sociaux. Mais pas question toutefois de renoncer au marché de la construction de maisons individuelles à ossature bois, qui a fait le succès et la force de booa depuis sa création. « On veut rester un acteur fort sur cette activité », précise Lou Burger. « Notre stratégie s’appuie sur les deux tableaux, l’individuel et le collectif, avec l’objectif global d’augmenter la part de la construction bois à tous les niveaux ». ←
Après trois années de fermeture, le Bowling de l’Orangerie rouvrira ses portes en décembre dans un tout nouveau bâtiment.
Exit la structure obsolète de 1965 : le site fait peau neuve avec un projet conçu pour répondre aux enjeux environnementaux actuels.
Rédaction : Barbara Romero Photographie : Abdesslam Mirdass
STRIKE !
Le chantier aura pris deux ans de retard pour être conforme aux exigences des Bâtiments de France. Après avoir démoli l’ancien bâtiment en début d’année, le Groupe Rimea, maître d’ouvrage, a enfin pu engager les travaux du nouvel équipement, conçu par le cabinet d’architecture Wolfrom & Schmitt. « Le chantier est dans les clous, nous devrions pouvoir rouvrir durant la première quinzaine de décembre », se réjouit Richard Meyer, président de Rimea. Un chantier colossal chiffré à 13,7 millions d’euros qui a le mérite d’être vertueux et novateur : « L’entreprise Fehr nous a proposé une solution innovante, à savoir du béton décarboné conçu avec 70 % de poudre d’argile et 30 % de ciment, détaille-t-il. L’argile n’étant pas chauffée, nous sauvons l’équivalent de plusieurs milliers d’arbres. C’est une enveloppe supplémentaire de 300 000 €, mais étant situé dans le parc de l’Orangerie, nous avons souhaité réaliser le projet le plus vertueux possible. » L’argile non calcinée offrira une douce couleur ocre à l’enveloppe du bâtiment de 4700 m2
Toujours dans une logique de circuit court, la charpente en bois lamellé-collé a été confiée à l’entreprise alsacienne Charpente Martin. Le bâtiment sera climatisé et chauffé en géothermie et isolé au maximum pour éviter de devenir la passoire thermique qu’était l’ancien bowling.
L’un des bowlings les plus silencieux de France. « Notre attention s’est portée sur le confort thermique et acoustique de l’établissement. Ce bowling sera l’un des plus silencieux de France grâce à l’installation de panneaux absorbants. Nous avons testé ce dispositif à Sélestat : désormais on y entend la musique, elle ne fait pas que couvrir le bruit », constate Richard Meyer. Côté aménagement, le futur bowling sera désormais de plain-pied avec le restaurant et le bar offrant un accès facilité aux personnes à mobilité réduite. « Cela facilitera également le travail des employés du bar qui devaient monter et descendre onze marches à chaque commande », rappelle le
dirigeant. Deux ascenseurs mèneront à la salle de billard, la brasserie et l’espace de réception de 350 m2 avec vue sur le lac. Sur un fond lumineux de 100 m2 de leds, le nombre de pistes passera de 24 à 32, permettant d’accueillir les compétitions internationales. La terrasse, jugée peu adaptée aux conditions climatiques, laisse place à un espace intérieur lumineux évoquant l’extérieur, avec des volumes généreux et une décoration végétale autour d’un noyer central, clin d’œil au parc de l’Orangerie. Coins salons, espace stammtisch sur une table en olivier pouvant accueillir jusqu’à 16 personnes, le restaurant de 330 m2 et 150 couverts pourra accueillir des soirées autour du vin, de la truffe ou des produits régionaux. En cuisine et en salle, Pauline et Grégory Reich, anciens de la Cuiller à Pot, proposeront une cuisine de saison mettant à l’honneur les produits bio. « Nous proposerons toujours un plat végétarien et du gibier, très appréciés. Nous allons également travailler une orange givrée exceptionnelle en clin d’œil au parc. » Enfin un coin épicerie bio complètera l’offre de ce Bowling de l’Orangerie tout en courbes, projet le plus abouti du groupe Rimea qui pilote également les bowlings de Dorlisheim et Sélestat. ←
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« Nous avons souhaité réaliser le projet le plus vertueux possible. »
(c) DR
← Richard Meyer sur le chantier du Bowling qui rouvrira ses portes en décembre.
Un nouveau Bowling tout en arrondi.
A N U B R
N I S M E
Vel’hop inclut de nouveaux modèles dans sa flotte avec 1400 VAE et 150 cargos.
DOSSIER
Comment le vélo transforme Strasbourg
Le vélo et Strasbourg, c’est une histoire d’amour qui dure depuis plus de 30 ans et qui a mené la capitale alsacienne dans le top du classement des villes cyclables françaises. La mairie a fait de cette mobilité écologique une de ses priorités. Mais où en sommes-nous aujourd’hui ? Alors que la fin du mandat municipal approche, de nombreux travaux de pistes cyclables ont perturbé l’été, redessinant certaines rues et places, bousculant certaines habitudes.
Rédaction : Jenna Abidi
Photographie : Christophe Urbain, Alban Hefti, DR
☛ Le nez dans le vent, les cuisses contractées, parfois fusant, flânant, lumineux ou sous cape, à plusieurs ou seul, les cyclistes traversent Strasbourg jour et nuit. Le vélo est utilisé comme moyen principal de déplacement par 16 % des personnes circulant en ville. Un chiffre que la municipalité aimerait porter à 20 % en 2030. « Notre ville, comme beaucoup, a été défigurée par le déploiement de la voiture dans les années 60. Nous avons besoin de retravailler la répartition de l’espace public pour qu’il soit plus juste et durable », contextualise Jeanne Barseghian, la maire de Strasbourg.
Dès le début du mandat, la question des mobilités est posée comme une priorité politique pour la Ville et l’Eurométropole de Strasbourg qui travaillent conjointement sur le dossier. En 2021, l’EMS (compétente sur la question et le financement des infrastructures liées aux mobilités) acte que 100 millions d’euros vont être mis sur la table afin de développer une centaine de kilomètres supplémentaires et des ouvrages de franchissement. Un réel coup d’accélérateur puisque seuls 26 millions avaient été investis sur la période 2014-2020.
À moins de six mois de la fin du mandat, des chantiers significatifs sont encore en cours, à l’instar de la Colmarienne qui reliera le Nouvel hôpital au Baggersee en quinze minutes (cinq millions d’euros), de la Romaine entre la route des Romains et Wolfisheim, ou du ring.
Le ring vélo, gros chantier de l’année.
Le ring est une boucle de 3,9 km autour de la Grande Île qui doit inciter les cyclistes à la contourner plutôt qu’à traverser le centreville. « Le ring est l’aménagement d’un espace sécurisé dédié aux vélos qui doit permettre
« Au départ, j’étais sceptique. Puis j’ai testé et je m’en sers maintenant au quotidien ! »
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Le ring couple pistes cyclables sécurisées et promenade végétalisée pour les piétons, mais entraîne la fermeture de certaines rues aux voitures.
100 M€
de budget de l’EMS pour les nouvelles infrastructures
100 kilomètres
de limiter les conflits avec les autres usagers comme les voitures et les piétons. Ces derniers gagnent aussi en espace avec une promenade végétalisée. Pour autant, les vélos ne seront pas interdits dans l’ellipse insulaire », détaille Alain Jund, vice-président de l’Eurométropole en charge des mobilités. Réalisé par segment, cet aménagement devrait être finalisé à 80 % d’ici à la fin de l’année et coûter au total 9,5 millions d’euros.
constate le directeur Fabien Masson. « Par ailleurs, nous réalisons souvent des contrôles de fin de travaux et nous trouvons encore trop souvent des choses à retoucher, comme un trottoir trop haut. Les ajustements sont ensuite faits, mais c’est une perte de temps et d’argent. »
Vélo, piéton, voiture… une difficile répartition de l’espace.
de pistes supplémentaires pour un total de d’aménagements cyclables dans l’Eurométropole au challenge Au boulot à Vélo en 2024 (+60 % depuis 2019) de fréquentation cyclable à Strasbourg entre 2019 et 2024
778 kilomètres 17 000 participants + 20 %
S’il n’a pas encore sa forme définitive, de nombreux cyclistes l’utilisent déjà. « Au départ, j’étais sceptique. Puis j’ai testé et je m’en sers maintenant au quotidien ! Mon trajet est plus fluide, plus sécurisé. Je n’ai plus du tout envie de passer par le centre », témoigne Augustin, un enseignant de 30 ans qui se déplace principalement à vélo. Comme lui, Julien, 27 ans, a été charmé : « Je l’utilise dès que je peux. Il faudrait simplement multiplier les contrôles, certains cyclistes roulent encore n’importe comment. »
De son côté, l’association de promotion du vélo CADR67, souvent concertée par les élus, se réjouit de cette politique ambitieuse de nouvelles pistes. Elle déplore cependant la lenteur de l’exécution. « On n’a rien vu pendant plus de deux ans, et nous venons de passer un été avec des travaux dans toute la ville »,
Ces nouvelles pistes cyclables, souvent bidirectionnelles, ont redessiné une partie de la ville, comme la rue de la Krutenau devant la Manufacture des Tabacs ou le quai Schoepflin. Si de nombreux habitants se réjouissent de pouvoir profiter de lieux plus verts et calmes, les sacrifices que certains automobilistes se sont vus forcés de faire ne passent toujours pas. « Entre la fermeture de certaines rues, la suppression de places et le stationnement payant, les conducteurs subissent une triple peine. Il risque d’y avoir de vraies répercussions sur l’activité économique avec un centre qui devient de moins en moins accessible en voiture », se désole Charlie, 52 ans, qui utilise à part égale sa voiture et son vélo. « Je me suis senti forcé de troquer ma voiture contre un vélo électrique en voyant les places se raréfier près de mon lieu de travail. Comme
(c)
Alban
Hefti
Les chiffres du mandat
↑ Pour évaluer le nombre de cyclistes, des compteurs sont installés en entrée de ville et sur les rues passantes. En moyenne, plus de 9 200 vélos et trottinettes sont comptabilisés chaque jour route de Vienne.
les pistes sont bien réalisées, je m’y suis fait. En revanche, je ne digère pas le passage au stationnement payant près de chez moi, à Neudorf », déplore Romain, 46 ans, qui a encore besoin de sa voiture pour déplacer ses instruments de musique lors de répétitions hebdomadaires ou du matériel de chantier.
« J’assume, en tant que maire écologiste, de dire que la part de la voiture doit être raisonnée, réservée à des usages nécessaires. Pour le reste, nous sommes présents pour accompagner les changements d’habitudes », affirme Jeanne Barseghian. Alain Jund assure que lors des réunions avec les riverains en amont des aménagements de la Krutenau et de la place d’Austerlitz, « la suppression des quelques places de stationnement n’a pas été un élément de crispation. Un report est possible dans les parkings des Bateliers ou d’Austerlitz. »
Assistance électrique et cargo : nouvelles formes, nouveaux usages.
Autres défis : la démocratisation de nouveaux formats de vélos ayant un impact direct sur les usages. Le vélo à assistance électrique (VAE), moins fatigant, plus rapide, adapté aux plus longs trajets et aux personnes moins sportives, a notamment eu un effet sur
l’ampleur des nouvelles pistes. « Les VAE nous ont amenés à agrandir notre focale. Il ne suffit pas de développer le réseau dans une ville, mais de faire des connexions avec les autres communes », explique Alain Jund en évoquant des pistes vers Schiltigheim, Illkirch ou le Kochersberg.
Le vélo-cargo a aussi fait son apparition en séduisant notamment les familles. « Je l’utilise pour transporter mes enfants, les courses, pour aller à la déchetterie… cela remplace une voiture familiale. En trois ans, j’ai fait 13 000 km avec », assure Fanny, mère de deux enfants.
Plébiscités à Vel’hop, ils sont aussi à l’origine de nouveaux services comme l’association S’Cargo qui prête à prix libre seize cargos dans plusieurs quartiers de Strasbourg (de la Montagne Verte à Koenigshoffen en passant par l’hypercentre et Neudorf). « L’objectif est d’apporter ce service aux personnes qui n’ont pas les moyens ou pas l’utilité d’investir dans un cargo », précise Britta Berndt, cofondatrice. Leur dimension représente cependant un nouveau défi pour les aménagements. Les nouvelles pistes, comme le ring, feront ainsi quatre mètres de large. « Certes un cargo prend de la place, mais toujours beaucoup moins qu’une voiture ! », relativise Alain Jund.
Alain Jund, vice-président de l’Eurométropole en charge des mobilités
« Certes, un cargo prend de la place, mais toujours beaucoup moins qu’une voiture ! »
2,56 %
À assistance électrique
Après la signature d’un nouvel avenant en août 2023, la flotte de Vel’hop s’est peu à peu transformée et diversifiée. 6500 vélos répartis en 25 modèles différents sont aujourd’hui disponibles à la location en court ou moyen terme. « La philosophie de Vel’hop reste celle de remettre en selle les utilisateurs et de leur permettre de tester des modèles. Nous sommes un tremplin vers l’acquisition personnelle », rappelle Camille Witschger, responsable communication. Ce que regrettent certains usagers qui voudraient adopter la location Vel’hop sur la longue durée. 20,51 %
76,92 % Mécaniques (dont 500 disponibles en station
Vélo Cargo (Longtail, biporteur, à plateforme...)
Flotte des 6 500 Vel’Hop
(c)
Alban
Hefti
Velhop : 6500 vélos dont 1 400 électriques
↑
L’été strasbourgeois a été marqué par de nombreux travaux d’aménagements cyclables et du réseau de chaleur, ce qui n’a pas manqué d’agacer les habitants.
Vol, mauvaise cohabitation, insécurité…
La politique cyclable de ce mandat ne fait cependant pas l’unanimité. « Il ne suffit pas de multiplier les kilomètres, mais d’abord de sécuriser ceux qui sont en place », reproche Jean-Philippe Vetter, candidat LR déclaré pour le prochain mandat municipal. Ces problèmes de cohabitation entre les différents utilisateurs, par exemple à certains carrefours, sont également pointés du doigt par Catherine Trautmann (PS) : « Le vélo doit être une solution, pas un problème. Je pense que ces pistes auraient dû être davantage intégrées dans un plan de circulation global et sécurisé », regrette cette dernière. Pour Pierre Jakubowicz (Horizons), il faudrait « remettre en question les zones de rencontre qui ne marchent pas avec un gros trafic. Certaines zones dédiées mériteraient d’être rematérialisées, comme une piste cyclable rue des Arcades », propose ce dernier.
Le problème du vol des vélos est également soulevé. « Je me suis fait voler sept vélos en cinq ans. Si je n’ai moi-même pas
renoncé à cette mobilité, je comprends que ce soit un frein pour beaucoup », s’insurge-t-il en mettant sur la table l’idée de rallumer les lumières, d’utiliser la vidéosurveillance ou de prioriser l’aide à l’achat de dispositifs de sécurité plutôt qu’à celui de vélo. Dressant le même constat, Jean-Philippe Vetter évoque la multiplication de mini parkings sécurisés, un achat de cadenas en gros par la Ville ou l’augmentation des interventions de la police municipale sur les vols et le respect du Code de la route. Pour contrer ces larcins, la maire rappelle que l’installation de 4 000 nouveaux arceaux est en cours et que la question du stationnement sécurisé est prise en compte par l’urbanisme. « Les nouvelles constructions disposent de locaux fermés. Nous travaillons également à multiplier les stationnements sécurisés, notamment dans les parkings en ouvrage. »
Devenues des sujets incontournables à Strasbourg, nul doute que les mobilités et la place du vélo feront partie du débat lors de la prochaine campagne municipale. ☚
Le site internet de l’Eurométropole de Strasbourg pour vous conseiller dans vos démarches : aides, travaux, réglementations, achat, gestion...
La tour Émergence vue du côté ouest.
Des projets qui vont faire date à Strasbourg
Au Port du Rhin et au Wacken, deux projets emblématiques vont voir le jour. Leur nom, Émergence et Archipel 2 cachent une modernité carrément assumée, même si les deux opérations sont diamétralement différentes au niveau des origines : 100 % privées pour la Tour Émergence et 100 % publiques pour Archipel 2 au Wacken. Dans les deux cas, c’est le Strasbourg qui innove qui est au rendez-vous...
Rédaction : Jean-Luc Fournier
Photographie : SAS 3B – Nicolas Rosès – Tobias Canales – DR
Tour Émergence : un phare au Port du Rhin
☛ Pour mesurer l’impact qu’aura la Tour Émergence quand elle s’élèvera, vers la fin 2028, dans le ciel du Quartier des DeuxRives, il suffit peut-être de bien prendre la mesure de son environnement urbain. La tour va s’intégrer dans le projet Deux-Rives, ce vaste aménagement transfrontalier qui vise à transformer un territoire de plus de 250 hectares en un espace de vie exemplaire voulu par la Ville de Strasbourg, via la création de la SPL Deux-Rives dès les toutes premières études, en 2013, aux prémices du second mandat du maire de l’époque, Roland Ries. « Lorsque nous avons imaginé notre projet, raconte Georges Bousleiman, le PDG de SAS 3B (un important aménageur-promoteur privé – ndlr), notre ambition était clairement de concevoir bien plus qu’un bâtiment. Nous voulions créer un symbole, un point de repère qui incarne l’esprit de Strasbourg, ville de dialogue et de progrès, résolument tournée vers l’avenir tout en restant profondément ancrée dans ses racines rhénanes. Cette tour devait donc représenter une passerelle entre le passé et le futur, entre tradition et modernité, entre Strasbourg et Kehl. Dès les premières réunions qui ont précédé les phases d’étude, nous avons souhaité mettre en avant nos principes : plutôt que de céder à des modes importées ou à des designs uniformisés, nous avons choisi de puiser dans l’identité de notre territoire pour concevoir une œuvre intemporelle et enracinée dans son environnement. C’est notre vision du
Georges Bousleiman
« Plus qu’une tour, c’est un signal architectural fort qui marquera l’entrée du quartier Citadelle. »
Strasbourg du troisième millénaire, rayonnant bien au-delà de ses frontières naturelles… »
Une icône urbaine. À l’intersection exacte du passé de Strasbourg et de son avenir, Émergence s’imposera vite comme un véritable repère visuel majeur pour la capitale européenne et la vallée du Rhin. Sa silhouette élancée inspirée par l’architecture rhénane, dialoguera parfaitement avec le fleuve et la ville, créant un véritable lien entre les rives et affirmant une nouvelle centralité urbaine. « Plus qu’une tour, c’est un signal architectural fort qui marquera l’entrée du quartier Citadelle », souligne Georges Bousleiman. Son design très épuré et son profil rappellent irrésistiblement le fameux Flatiron building construit il y a un siècle à Manhattan. La tour Émergence sera entièrement dédiée au résidentiel, y compris les niveaux les plus bas correspondant à des studios pour étudiants, avec un espace commun de coworking, une salle de sports et un espace-buanderie équipé.
Racines rhénanes. Insistant sur l’utilisation délibérée de la brique, Georges Bousleiman précise que les architectes ont travaillé ce matériau en relief : « Le fait de faire ressortir son agencement de cinq millimètres crée des ombres avec les aspérités qui ressortent. On peut ainsi fabriquer comme un dessin, une sorte de message sur l’ensemble de la tour, comme si un artiste transformait une surface lisse en quelque chose de purement magique. Un trompe-l’œil. Normalement, s’offrir une telle possibilité est hors de prix, mais le cabinet KCAP (un des leaders mondiaux en matière
d’aménagement des espaces portuaires – ndlr) a créén logiciel pour concevoir cela. De plus, on peut travailler la couleur et la texture de la brique. Avec les architectes, on essaie désormais de déterminer jusqu’où on peut aller en exploitant ces particularités. Nous travaillons en étroite relation avec les services d’innovation du fabricant Wienerberger, dont le siège est en Alsace. Je me dois d’insister sur le niveau de la qualité des logements qui sera proposée », poursuit le promoteur.
« Ce seront des logements atypiques, bercés de lumière avec des vues panoramiques ; j’espère que nos futurs acheteurs prendront conscience de tout ce qui a prévalu lors des décisions qui auront permis d’ériger Émergence. J’espère qu’ils comprendront nos intentions de revenir formellement aux principes fondamentaux, aux racines rhénanes de cette architecture que nous avons voulu imposer avec force dans ce projet. C’est aussi une question de fierté vis-à-vis de notre ville. Comme un maçon, au fond, mais je veux que mes enfants, quand ils passeront au pied d’Émergence, soient fiers de lever leurs yeux vers les étages de l’immeuble et comprennent qu’il est le symbole de la réalité de notre Strasbourg du troisième millénaire. Cet immeuble, je le considère un peu comme le couronnement de ma carrière. Je pense à sa grâce, à son esthétique, à la compréhension de sa cohérence par rapport à ce qu’est profondément notre ville et ce qu’elle continuera encore longtemps à représenter. L’histoire de cette tour vient de très loin, selon moi, c’est une histoire d’hommes qui ont eu cette audace de la concevoir telle qu’elle se dressera en 2028, une fois bâtie. » ☚
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La tour Émergence vue depuis le quai Vauban.
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Georges Bousleiman, PDG de SAS 3B.
↑ Archipel 2, perspective depuis le Maillon.
Archipel 2 : parachever la mue du quartier Wacken
☛ Le projet Archipel a été lancé en 2012 par la Ville de Strasbourg. Effectivement démarré en 2016, il a fait émerger un nouveau pôle d’affaires international. L’opération a permis de transformer le boulevard de Dresde en espace urbain vivant, mêlant activités tertiaires, commerces et habitat.
Cette première phase réalisée a totalisé 117 000 m2 de programmes. Par ailleurs, le projet comportait, au sud du périmètre, un jardin public reliant le Parlement européen à la Maison de la Région, assurant ainsi la transition avec la cité-jardin Ungemach. Il s’est distingué par une mixité fonctionnelle mêlant la présence du tertiaire supérieur et européen (83 000 m2) les équipements hôteliers (10 000 m2), les logements (18 000 m2) ainsi que les commerces et services de proximité (4 000 m2). La rupture de « l’isolement du Parlement européen », un des objectifs avoués du projet initial, a donc été en grande partie atteinte avec le bouclage de la phase 1.
Une phase 2 profondément revisitée. Le projet Archipel 2, la deuxième phase du projet initial, a vocation à développer un quartier mixte et attractif, davantage tourné vers l’habitat, selon le vœu de l’équipe municipale élue en 2020. Situé dans la Ceinture verte, l’accent a été porté sur la mise en valeur du développement d’un cadre de vie de grande qualité, profitant d’un parc de 4,5 ha le long de l’Aar et du canal de la Marne au Rhin.
« L’ensemble des lots est désormais attribué » se réjouit Rachel Holdriney, la directrice du projet Archipel 2, qui déroule
↑ Rachel Holdriney, directrice du projet Archipel 2.
l’amplitude du projet : « La programmation générale de plus de 70 000 m² se décline avec 16 000 m² de bureaux positionnés le long du boulevard de Dresde, 3 000 m² de commerces et services intégrés dans les socles des opérations, 2 300 m² d’hôtellerie et 48 000 m² de logements, soit 760 logements dont 62 % de logements aidés. Les livraisons des premiers lots en cours de construction sont annoncées entre le 2e semestre 2025, l’année 2026 et le 1er semestre 2027.
Les lots C et D, sujet de l’Appel à manifestation d’intérêt achevé en janvier 2024, regroupent cinq opérations aux programmes variés. Un travail de co-construction de plus d’un an et demi, intégrant des acteurs associatifs, institutionnels et économiques, a permis de confirmer l’installation prochaine dans le quartier de l’Agence du Climat, qui implantera dès fin 2028 ses bureaux au sein du lot C2 au dernier étage, sur un plateau d’environ 900 m², en partie partagé avec la Maison de l’Habitat portée par l’Eurométropole de Strasbourg. Un espace d’accueil du public de 170 m² sera également prévu au rez-de-chaussée. Cet espace polyvalent permettra l’accueil d’événements et d’animations portant sur les thématiques habitat et des temps d’échange proposés en lien avec les partenaires du réseau Maison de l’Habitat. »
Au plus près des problématiques de la vie urbaine… Rachel Holdriney précise aussi l’implantation de plusieurs structures connectées au plus près des problématiques de la vie urbaine : « Citiz Grand Est implantera son siège sur une surface de 800 m² et sera également
« L’ensemble des lots est désormais attribué. »
Rachel Holdriney
présent physiquement dans le quartier à travers les quatre véhicules installés sur le domaine public et deux véhicules complémentaires dans un silo intégré au lot C2.
L’association Solidarités Femme 67 gèrera un lieu dédié qui regroupera un centre de ressources, 24 places d’hébergement courte et moyenne durée et un lieu convivial qui accueillera une programmation événementielle organisée en lien avec l’ensemble des acteurs de l’écosystème.
La SCIC Conciergerie solidaire d’Alsace et l’association Créative vintage proposeront sur une surface de 180 m² une conciergerie de quartier, la distribution de paniers de fruits et légumes en lien avec Hop’la, ainsi qu’un programme d’animations autour du recyclage tout au long de l’année.
Enfin, l’Association Alsacienne Culturelle et de Sport Adapté (AACSA) proposera un lieu de petite restauration et des animations sportives et récréatives dans un espace dédié de 130 m2. »
En complément, l’Eurométropole et la Ville de Strasbourg travaillent sur l’émergence d’un tiers-lieu dédié à l’Europe et à la citoyenneté européenne, en lien avec le Mouvement européen Alsace (MeA), l’association parlementaire européenne (APE), l’association européenne pour la démocratie locale (ALDA) et le Cercle européen de Strasbourg. Regroupant un espace de travail partagé de
plus de 500 m² incluant un studio radio et un espace évènementiel d’environ 170 m², ce lieu a vocation à renforcer l’action associative et citoyenne, ainsi que les temps de rencontre entre les Parlementaires et les citoyens européens. Locusem sera le propriétaire bailleur de ces locaux, tout comme ceux de l’Agence du Climat, de la Maison de l’Habitat, mais également de la SCIC Conciergerie solidaire d’Alsace associée à Créative Vintage et de l’AACSA, en vue de pouvoir maîtriser les niveaux de loyer dans le temps. La livraison des lots AMI est attendue entre le 2e semestre 2028 et le 1er semestre 2029. D’ici trois ans, donc, sera achevée la profonde et spectaculaire mue de ce quartier du Wacken si cher au cœur des Strasbourgeois. On aura d’ici là sans peine oublié le splendide isolement du Parlement européen alors si décrié par les députés et leurs collaborateurs, la vétusté des installations de ce qui fut le Parc-Expo de Strasbourg et leur aspect un peu glauque en dehors des salons et manifestations rituelles. Ne subsistera que le Hall Rhénus Sports, où joue encore la SIG, en panne de résultats sportifs et qui s’est vue entravée dans son projet de création de la SIG Arena, un projet qui ne verra très vraisemblablement jamais le jour. Ce qui signifie sans doute qu’il va falloir très rapidement se poser la question de la destination de cette « dent creuse », en limite sud du périmètre Archipel. ☚
(c)
Tobias Canales
Archipel 2 en construction.
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IMMOBILIER
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LOI LE MEUR
Entrée en vigueur le 21 novembre 2024 dans le but de réguler les meublés de tourisme et préserver l’offre de logements résidentiels, elle renforce les obligations des propriétaires. Maître Emmanuelle Trauzzola, avocate en droit et immobilier à Strasbourg, nous donne les clés pour être dans les clous.
Rédaction : Salomé Dollinger
Datavisualisation : Cercle Studio
90 JOURS PAR AN
Le seuil pour les résidences principales à Strasbourg depuis janvier 2025 (contre 120 jours auparavant)
RÉDUCTION DE LA DURÉE MAXIMALE QUOTAS & SECTEURS RÉSERVÉS
Les PLU peuvent réserver des secteurs aux résidences principales, notamment dans les zones où les résidences secondaires dépassent 20% (environ 20% des logements strasbourgeois).
Pour les meublés touristiques en zone tendue
100€/jour pour non-transmission du DPE AMENDE AMENDE
5 000€ pour un DPE non conforme
A B C D E F G
pour les meublés classés
(plafond : 77 700€)
(plafond : 15 000€) 50% 30%
RÈGLEMENT DE COPROPRIÉTÉ
Il doit préciser si les locations touristiques sont autorisées. Louer en violation du règlement de copropriété expose à une interdiction votée en AG. Vous avez 2 mois pour la contester, à compter de la notification du procès-verbal.
DPE OBLIGATOIR EN 2028
DPE OBLIGATOIR EN 2025
DPE OBLIGATOIR EN 2034
DPE OBLIGATOIR EN 2034
DPE OBLIGATOIR EN 2034
DPE OBLIGATOIR EN 2034
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CONSEILS POUR LOUER SEREINEMENT
Déléguer l’administratif à une conciergerie locale (voir page 56).
Évaluer le régime réel avec un comptable, surtout si vous avez des charges élevées ou que vous êtes en zone tendue.
Si le régime réel est plus avantageux fiscalement, envisager un bail classique (3 ans non meublé et 1 an meublé) avec un service clé en mains (voir page 54). pour les meublés non-classés
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Logements étudiants : Le parcours du combattant
La rentrée universitaire à Strasbourg a, une fois encore, mis en lumière la pénurie criante de logements étudiants, entre loyers inabordables, offres rares et nombreuses arnaques..
Rédaction : Hélène Edel
Photographie : Laetitia Piccarreta
Derya, 22 ans, a découvert Strasbourg il y a deux ans en y posant ses valises pour entamer un master en vue de devenir professeure d’histoire-géographie. Depuis, chaque été se transforme en nouvelle bataille pour trouver un toit. « C’est toujours la même galère », confie-t-elle. Assistante d’éducation dans un collège strasbourgeois en parallèle de ses études, elle gagne un peu plus que le SMIC et perçoit une bourse. Malgré cela, louer seule est resté hors de portée pendant deux ans. « J’ai passé deux ans en colocation, faute de moyens. Cette fois, je voulais mon espace à moi. »
Avec un budget de 650 € charges comprises, elle a ciblé les quartiers Meinau, Neudorf, Esplanade, Krutenau ou encore Illkirch. Mais sur ce marché tendu, les biens abordables se font rares, et les exigences des bailleurs restent élevées.
« Beaucoup ne répondent même pas. D’autres exigent qu’on gagne trois fois le loyer. Même avec des garants solides, c’est très compliqué. »
Même avec des garants... Étudiante en sciences sociales, Louane avait à cœur de vivre seule dès le départ. Soutenue par ses parents, elle occupe un studio de 21 m2 avenue des Vosges. Elle rêve d’un deux-pièces plus confortable et compatible avec la présence d’un chat. Mais même avec deux parents garants, dont un fonctionnaire, rien n’y fait.
« Je cherche depuis deux ou trois mois, nous
Louane ↓
↑ Elyas
disait-elle fin août, mais je n’ai quasiment aucune réponse. Et puis il y a les arnaques. Une fois, on m’a demandé de payer sans visiter. » Face à ces difficultés, certains choisissent de passer par des internats de lycée, accessibles aux plus jeunes jusqu’au BTS, comme Elyas, 19 ans, qui y a vécu cinq ans. « C’est pratique, mais on ne peut pas vivre éternellement sous couvre-feu. J’avais besoin d’indépendance. » En septembre, il a donc quitté l’internat du Lycée Gutenberg pour une colocation avec son cousin à Schiltigheim : 425 € par personne « sans les APL » pour 70 m2. Une bonne affaire trouvée après de longues semaines de recherches sur les plateformes de locations de biens immobiliers : « J’ai eu de la chance de pouvoir m’installer en famille. » Pour les autres, il reste les résidences étudiantes privées, souvent très onéreuses, ou les résidences du Crous, bien plus abordables, mais prises d’assaut. Les foyers étudiants, parfois gérés par des associations ou des organismes confessionnels, complètent timidement l’offre de logements, mais les places y sont rares. Face à cette situation, la colocation s’impose comme une solution largement adoptée. Moins coûteuse qu’un studio en solo, plus souple qu’un bail classique, elle prolonge naturellement une vie collective que beaucoup viennent à peine de quitter en laissant derrière eux le cocon familial. Pour certains, elle représente
Vous souhaitez soutenir l’AFGES ? Rendez-vous sur afges.org ou contactez directement l’association pour faire un don, proposer un logement temporaire ou rejoindre les équipes bénévoles.
une expérience conviviale, presque initiatique. Pour d’autres, elle s’impose faute d’autre alternative, dans un contexte où les logements individuels deviennent inaccessibles.
Pression sur le marché locatif. Selon Le Figaro Immobilier, le prix du mètre carré à Strasbourg a grimpé de 23 % en cinq ans. Une hausse significative, qui varie toutefois foxrtement d’un quartier à l’autre et selon le type de biens. Portée par une demande soutenue dans un contexte économique incertain, cette tendance s’accompagne d’une augmentation des loyers, estimée à +22 % sur la même période, toujours selon la même source. Une hausse parallèle tout à fait logique, mais qui rend l’accès au logement de plus en plus difficile pour les plus précaires. La pression sur le marché locatif s’est également accentuée sous l’effet du développement massif des locations de courte durée,
« Les bénéficiaires passent parfois de canapé en canapé pendant plusieurs semaines. »
Chloé Heyd
« On a l’impression d’être indésirables. Pourtant, on fait tout dans les règles. »
notamment via des plateformes comme Airbnb. De nombreux logements autrefois disponibles à la location longue durée ont été transformés en meublés touristiques malgré les efforts de l’Eurométropole de Strasbourg qui œuvre activement à encadrer cette tendance depuis plusieurs années.
Dispositif d’urgence de l’AFGES.
Conséquence : les petites surfaces deviennent à la fois rares et hors de prix. Les étudiants, souvent sans CDI ni garants solides, peinent à rivaliser. Les investisseurs aguerris, eux, s’adaptent : certains acquièrent des T4 ou T5 pour les transformer en colocations, avec des chambres louées séparément.
Une stratégie efficace, parfaitement légale, encouragée par une demande constante.
Dans ce contexte étouffant, celles et ceux qui arrivent à Strasbourg sans réseau, sans garant solide ou sans solution de repli, sont les premiers à en faire les frais.
Chloé Heyd, ancienne présidente de l’AFGES (Association Fédérative Générale des Étudiants de Strasbourg), tire la sonnette d’alarme. Chaque année, entre fin août et mi-octobre, l’association met en place un
↑ Derya
dispositif de logements d’urgence. « On reçoit des appels de détresse, parfois d’étudiants déjà à la rue. L’an dernier, certains ont été victimes d’arnaques : ils pensaient avoir trouvé un logement, mais à leur arrivée, il était déjà occupé... ou n’existait pas. »
En 2024, l’AFGES a hébergé gratuitement plus d’une centaine de jeunes en auberge de jeunesse pendant une dizaine de nuits en moyenne. Plus de 400 étudiants ont également été accompagnés par l’association dans leur recherche de logement, grâce à un large réseau de solidarité entre les étudiants eux-mêmes : « Nous mobilisons toutes les ressources à disposition, les bénéficiaires passent parfois de canapé en canapé pendant plusieurs semaines avant de trouver un logement. »
Face à cette crise, les étudiants redoublent d’ingéniosité, jonglant entre petits boulots et compromis. Mais le coût humain est réel. « On a l’impression d’être indésirables. Pourtant, on fait tout dans les règles », résume Derya.
À Strasbourg comme dans d’autres villes, le logement étudiant est devenu un luxe, comme tant d’autres choses que la jeunesse pensait pourtant acquises. ←
Bien habiter la Terre
Premier constructeur alsacien de logements, Vivialys et sa présidente Anne Wintenberger tracent leur sillon dans un marché sous tension, guidés par une vision engagée de l’habitat, durable, locale et ouverte à l’innovation.
Stéphane Berger en 1999, marque historique de maisons individuelles en Alsace, l’entreprise familiale est devenue un groupe intégré de près de 300 collaborateurs, répartis entre cinq marques complémentaires et une vingtaine d’agences à travers la France. De l’habitat individuel avec Maisons Stéphane Berger et Maisons Oxygène, au logement collectif avec Trianon Résidences, en passant par l’hybride Carré de l’Habitat avec son concept unique de Duplex-Jardin®, l’aménagement foncier
avec Terre & Développement, Vivialys construit quelque 1 000 logements par an, et porte une ambition claire : contribuer à mieux loger, pour mieux vivre ensemble. « Nous évoluons dans un nouveau modèle économique de l’incertitude. Il faut être capable de s’adapter en permanence face aux défis multifactoriels : écologiques, politiques, économiques », explique Anne Wintenberger, présidente de Vivialys. Cette agilité s’est révélée déterminante dès la crise Covid, avec une reprise rapide des chantiers et des chaînes de décision courtes. Le groupe immobilier a aussi
La Passerelle, de l’artiste
Noémie Chust.
« Construire, ce n’est pas juste bétonner.
C’est un choix de société. C’est permettre à des communes de rester dynamiques, vivantes. »
misé sur la diversité de son offre – maisons appartements évolutives, résidences avec serres partagées, logements écorésidentiels... – pour répondre à la crise actuelle.
Car à Strasbourg, le constat est alarmant. Il manque plusieurs milliers de logements, et pas seulement pour les étudiants. « Cette pénurie affecte également le recrutement des entreprises et le bien-être des personnes âgées. C’est un échec sociétal ! Par manque de toits, on renonce à son avenir tel qu’on l’imaginait. Parce qu’être mal logé, c’est mal vivre. Et mal vivre, c’est se limiter dans ses créations de projets. Il y a un lien énorme entre le “où je vis”, “comment je vis” et “comment je vais”. Et ça, c’est notre préoccupation principale », assure Anne Wintenberger. « Bien habiter la Terre », c’est la philosophie Vivialys, pleinement ancrée dans la durabilité. Cela passe par des gestes très concrets : reconversion de friches, dépollution de sols, restauration de la biodiversité... autant d’actions saluées par la certification NF Habitat Haute Qualité Environnementale (HQE) et le label Alsace Excellence. « Construire, ce n’est pas juste
↑ Anne Wintenberger, Présidente de Vivialys.
bétonner. C’est un choix de société. C’est permettre à des communes de rester dynamiques, vivantes ».
Cette idée d’habiter autrement s’exprime aussi par la culture. Depuis 2020, la façade du siège strasbourgeois – visible depuis la voie rapide – se transforme en galerie d’exposition à ciel ouvert dans le cadre du projet ARTMUR. Dernière œuvre en date : La Passerelle, de l’artiste Noémie Chust, a été inaugurée en juin 2025 en partenariat avec la Haute école des Arts du Rhin (HEAR) et l’Unistra. Sur le thème Liberté, Égalité, Fraternité, la lauréate a choisi la tendresse comme ligne directrice, donnant vie à cette créature fantastique, nouvelle symbolique Vivialys pour les deux prochaines années. « Nous croyons à la puissance des œuvres pour susciter l’émotion, créer du lien, ouvrir le dialogue dans l’espace urbain ». En témoigne la récente participation du groupe au Festival de la Ceinture Verte, où La Passerelle était intégrée au parcours urbain, en collaboration avec les acteurs du quartier. À l’horizon 2026, Vivialys défend ainsi une conviction forte : cultiver la confiance et entretenir le dialogue. Entre collectivités, acteurs privés et habitants. Pour que l’habitat redevienne un projet de société. ←
CCube, carrément utile
Ils sont deux sur la photo, mais quatre derrière CCube : la première plateforme d’entremise de droit de commercialité déployée en France, indispensable pour naviguer dans la nouvelle donne du meublé touristique principalement.
Rédaction : Salomé Dollinger Photographie : Simon Pagès
Le droit de commercialité ? Une notion floue qui peut pourtant faire basculer un projet immobilier. « C’est un droit qui permet de transformer l’usage d’un appartement d’habitation en local commercial ou en location touristique », explique Gauthier Schaller, président de CCube. « On peut le voir comme une licence ou un droit d’exploitation », complète Guillaume Baur, directeur général. Entourés de deux autres Strasbourgeois – un agent immobilier et un juriste – les cofondateurs de CCube (pour Comptoir de Cession de Commercialité) visent un déploiement national.
Compensation obligatoire, mais négociable. Depuis la loi Le Meur de novembre 2024 (voir page 50), les règles ont changé : dans de nombreuses villes, il faut compenser tout changement d’usage à des fins commerciales dans des secteurs réglementés. À Strasbourg, pour exploiter 50 m 2 en meublé touristique dans le centre-ville élargi, il faut acheter jusqu’à 75 m2 de droit de compensation ou droits dits de « commercialité ». Si le bien est situé sur une ligne de tram, ça grimpe à 100 m2,
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Gauthier
Schaller et Guillaume Baur
www.cession commercialite.fr
soit le double de la surface réelle. Sans cette opération de compensation, la mairie rejette la demande de changement d’usage, en vertu de son nouveau règlement municipal d’octobre 2024. Selon CCube, ce droit peut valoir environ 1000 euros du mètre carré pour l’instant : un prix indicatif, qui comme dans l’immobilier, peut faire l’objet d’une négociation. Exploiter un usage commercial sans autorisation de la ville ? Mauvaise idée : l’amende peut s’élever jusqu’à 50 000 euros.
D’où l’intérêt de passer par cessioncommercialite.fr, qui agit comme un tiers de confiance entre vendeurs (promoteurs, marchands de biens, particuliers...) et acheteurs (particuliers, pros, professions libérales), en préparant les dossiers et en sécurisant les transactions via un compte sécurisé CARPA d’avocat. « L’objectif, c’est que l’acheteur soit sécurisé dans la transaction au regard du règlement municipal, et que le vendeur soit assuré de percevoir ses fonds une fois les travaux achevés, validés par la mairie, et ce, dans le strict respect de la réglementation locale applicable », résume Gauthier Schaller. Un outil à la croisée du droit et de l’urbanisme, qui éclaire un pan souvent ignoré de la fabrique de nos villes. ←
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Conciergerie complice
Banquière reconvertie en experte de la location saisonnière, Johanna Macel a fondé Cocoon BnB il y a trois ans et demi. Depuis, sa conciergerie a bien grandi, au point de changer de nom, d’étoffer son équipe et de se doter d’un second pilier : le conseil en réglementation.
Rédaction : Salomé Dollinger
Photographie : Laetitia Piccarreta
Quand elle achète son premier studio à Strasbourg pour le mettre en location courte durée (90 jours maximum), Johanna Macel n’imagine pas que l’immobilier changera sa trajectoire professionnelle. Elle quitte son poste salarié et fonde Enaïa Conciergerie – le nouveau nom de Cocoon BnB – avec l’envie de créer une conciergerie à taille humaine et bien ancrée dans sa ville. Aujourd’hui, celle-ci gère 36 logements, avec une équipe de sept personnes salariées. L’organisation est bien huilée et les prestations vont au-delà du ménage ou de la remise de clés : gestion des annonces sur Airbnb, logistique, linge hôtelier, maintenance, décoration, travaux... « On prend en charge la totalité du projet, de la mise en ligne aux échanges avec les voyageurs. Les propriétaires n’ont rien à faire ».
Trouver le juste équilibre. En parallèle, Johanna Macel développe une expertise unique sur Strasbourg : l’accompagnement réglementaire en matière de location saisonnière. Un sujet de plus en plus sensible, notamment depuis que la Ville a durci les règles en octobre 2024, en instaurant un système de compensation obligatoire pour les biens situés en centre-ville élargi. (lire page 58) « Beaucoup de propriétaires ne comprennent pas bien les règles, ou ne savent même pas qu’elles existent. Alors je commence par ça : les informer, vérifier la faisabilité de leur projet, monter leur dossier de changement d’usage ». Car tout le monde ne peut pas transformer un logement en meublé touristique, encore moins dans les immeubles classés. Surface à compenser, droit de commercialité, règles de copropriété... la réglementation est un labyrinthe.
Johanna Macel s’y est plongée jusqu’à trouver la sortie. À la clé ? La création d’une seconde structure, Enaïa Conseil, dédiée à ces démarches complexes pour permettre aux propriétaires d’agir en conformité avec les règles locales. Si le marché strasbourgeois reste modeste par rapport à Paris ou Nice, il est dynamique et porté par une forte attractivité touristique. Johanna Macel milite pour une pratique équilibrée de la location courte durée : « Il faut répondre à la demande familiale que les hôtels ne couvrent pas toujours, tout en régulant pour éviter les abus ». Elle rappelle par ailleurs que plus d’un tiers des annonces concernent des résidences principales ou des chambres chez l’habitant, des biens non concernés par la réglementation. À l’aube 2026, Enaïa Conciergerie souhaite enrichir l’expérience voyageur avec des attentions personnalisées, comme des paniers de produits locaux pour les arrivées tardives. « On veut faire vivre l’Alsace à travers chaque séjour ». Une autre façon d’habiter Strasbourg. ←
Des biens et du lien
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desarah.fr
« Quand je lève les yeux vers la cathédrale, je me dis que la pierre peut traverser les siècles avec panache ». Ce lien sensible à l’architecture, Sarah Kosman le cultive depuis toujours, elle qui a grandi sur les chantiers, entre sacs de ciment et histoires de succession. Quatorze ans à vivre dans le centre-ville de Strasbourg ont renforcé ce goût du bâti.
Cette connaissance fine du tissu local, elle l’a transformée en levier de conseil. Sa spécialité : les biens anciens avec du cachet.
« J’ai un faible pour les moulures, les belles hauteurs sous plafond, les parquets qui grincent un peu... Des lieux qui ont une âme ».
Un projet à 360 degrés. Son service d’investissement locatif clé en main est aujourd’hui sa grande force : définition du projet, étude de rentabilité, recherche
Amoureuse de la pierre et des belles histoires, Sarah Kosman a fondé L’Immobilière de Sarah, une agence à taille humaine où chaque projet est envisagé comme une rencontre. Sa singularité ? Une formule clé en main pour investir, rénover et mettre en location un bien ancien.
de biens, suivi de travaux et mise en location. Pour cela, elle s’entoure d’un réseau d’artisans de confiance et pousse le souci du détail jusqu’à l’ameublement et la décoration. Le tout avec une gestion optimisée de la fiscalité. Il faut dire qu’avant de commencer l’immobilier à l’âge de 20 ans, Sarah Kosman a officié en banque et en gestion de patrimoine. Une carrière exigeante qui lui a permis de développer de solides compétences juridiques, commerciales et fiscales, qu’elle mobilise aujourd’hui dans sa façon à elle de faire de l’immobilier : humaine, engagée, fondée sur l’écoute. « Je ne vends pas des mètres carrés, je vends un projet de vie ou un placement réfléchi. C’est un métier de confiance, car dans un bien, il faut se sentir bien ». Et ça, aucun simulateur de rentabilité ne peut le prédire. ←
Sarah Kosman
limmobiliere
Guillaume Porche
L’œil de l’architecte. Diplômé de l’École d’architecture de Strasbourg, Guillaume Porche a troqué les plans et les logiciels de modélisation contre un appareil photo argentique. Après deux années en agence, il comprend que ce qui l’anime véritablement, ce n’est pas la conception des bâtiments, mais leur représentation.
Attentif à l’atmosphère que dégage chaque lieu, il observe avec précision la lumière, les volumes, les usages, les couleurs et les matériaux. Il cherche à en saisir l’essence, toujours guidé par la quête d’une lumière douce et homogène. Sans avoir besoin de mots ou d’explications, c’est par sa formation d’architecte qu’il appréhende les projets naturellement.
Exigeant dans sa démarche, il a opté pour la photographie argentique, attiré par son rendu fidèle, la subtilité de ses teintes et l’authenticité qu’elle offre à chaque image.
Avec Atmosphères plurielles – l’image latente, Guillaume Porche explore la richesse sensible des lieux, révélant, à travers l’argentique, ce qui échappe au regard immédiat.
Gymnase Katia et Maurice Krafft à Eckbolsheim rhb architectes
Gymnase Albert Legrand à Strasbourg LDA architectes
Gymnase Albert Legrand à Strasbourg
LDA architectes
Salle d’escalade de l’ASCPA à Strasbourg
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La Broc, c’est chic !
Le marché de la seconde main connaît un véritable boom en France, atteignant 14 milliards d’euros en 2023. Si la fripe conserve le haut du panier, meubles et objets vintage prennent de plus en plus de place, représentant 34 % des ventes. Un phénomène qui se traduit concrètement à Strasbourg avec l’ouverture ou le renouvellement de l’offre de boutiques du genre..
Rédaction : Barbara Romero Photographie : Sabrina Schwartz
L’histoire des Trésors du quai illustre celle du marché de la seconde main en France. Installée depuis 1978 quai des Pêcheurs, la boutique de Corinne a su traverser les décennies en se réinventant sans cesse. « J’ai commencé en tant que couturière », raconte-t-elle. « Puis, en voyant que le prêt-à-porter ne fonctionnait pas, j’ai proposé à mes clientes un système de dépôt-vente. Ça a cartonné jusqu’à l’arrivée d’eBay. » C’est alors qu’elle décide d’ajouter de la déco et des antiquités à son offre. Une intuition visionnaire. Depuis quatre ans, Corinne affine encore sa sélection. Fini les antiquités classiques : place aux objets rares et désuets qui séduisent une clientèle plus jeune en quête de déco de caractère. Miroirs dorés, luminaires signés Max Sauze ou appliques Art déco d’Emil Stejnar. Ici, chaque pièce est un coup de cœur, loin du standard des grandes enseignes.
Le Cabaret du chat, Krutenau
Le Colvert chineur, Orangerie
Le vintage, un mode de vie. Depuis, d’autres boutiques de passionnés ont ouvert à Strasbourg, chacune avec son univers propre. À commencer par Le Cabaret du chat, à la Krutenau, en 2017. « Il existait des friperies à Strasbourg, mais hormis les Trésors du quai, aucune boutique ne proposait une offre complète vêtements, objets, meubles, se souvient Sonia. Je suis passionnée de chine depuis mes 15 ans. J’avais accumulé tellement de choses, je me suis dit qu’il fallait que j’ouvre une boutique, sinon tous ces trésors allaient pourrir dans mon grenier ! » Elle crée alors son cocon poétique et propose une sélection allant de la petite trouvaille à deux euros à la veste Saint Laurent vintage. « Je chine ce que j’aime : vaisselle de Sarreguemines, beaux meubles en noyer, objets curieux comme cette Madone en coquillages, etc. J’adore les fleurs et les oiseaux. Je ne propose pas d’objets de designers en revanche, d’autres font cela mieux que moi. » Pour Sonia, le vintage n’est pas qu’un style,
« Ce que l’on produit aujourd’hui n’a pas la qualité pour devenir un jour “vintage”. »
Sonia, Le Cabaret du chat
↑ Les Trésors du quai, Krutenau
mais un mode de vie. Comme Corinne, elle renouvelle son stock chez les particuliers qui font appel à elles. « Dans 25 ans, il n’y aura plus de vintage comme on l’entend aujourd’hui. Les objets auront trouvé leur place chez les gens. Ce que l’on produit aujourd’hui n’a pas la qualité pour devenir un jour “vintage”. » Arnaud, fondateur du Colvert Chineur, partage une vision plus évolutive. « Aujourd’hui les gens recherchent des objets et meubles des années 70 ou 90, un moment, ce sera peut-être le xvie siècle... On a eu la tendance rotin qui est passée, cela bouge tout le temps ! La chine existe depuis toujours et cela ne s’arrêtera pas. » Également passionné, il a quitté la grande distribution pour ouvrir sa boutique en 2019. Après un démarrage difficile à la Krutenau, il déménage rue Wimpheling avec une offre repensée : « Avant, c’était un peu le bazar. Aujourd’hui, je propose une sélection plus structurée : du mobilier, des miroirs, des objets publicitaires ou qui sortent de l’ordinaire. C’est ce que ma clientèle attend. »
La seconde main, un véritable mouvement. Une clientèle éclectique comme dans toutes les boutiques de seconde main. S’y croisent les passionnés en quête permanente d’objets ou meubles qui racontent une histoire, la « clientèle Instagram » qui réserve une pièce au coup de cœur pour suivre la tendance actuelle d’allier design et pièces vintage. Mais aussi celles et ceux en quête d’achats plus
« Je tiens à ce mélange du neuf et de l’ancien comme un positionnement personnel pour décloisonner la décoration entre le design et la brocante. »
responsables et de prix sympas. Loin d’être une simple tendance, la seconde main devient un véritable mouvement. Face à une planète en souffrance, les consommateurs sont de plus en plus nombreux à privilégier l’authenticité, la durabilité et l’histoire derrière chaque objet. « On ne cherche pas forcément à être puriste, mais à consommer mieux », souligne Sonia. Un constat partagé par les enseignes traditionnelles. Certaines, comme Ligne Roset, restaurent désormais leurs pièces iconiques – comme le célèbre canapé Togo – pour leur offrir une seconde vie. Un geste à la fois écologique et économique.
Selon une enquête de Maison & Objet menée en mai 2023, 64 % des distributeurs et 90 % des prescripteurs estiment qu’intégrer des produits de seconde main à leur offre sera bientôt indispensable. En 2021, ils n’étaient respectivement que 41 % et 76 %. La prise de conscience s’accélère.
↑
Pascale,
Maison P.latine
Un mouvement de fond qu’incarne Pascale qui a ouvert tout récemment sa boutique Maison P.latine, place Saint-Étienne. Aux côtés d’objets et meubles design qu’elles sélectionnent avec soin dans une démarche éthique et responsable, elle ajoute encore un supplément d’âme avec une sélection de pièces vintage. « Je tiens à ce mélange du neuf et de l’ancien comme un positionnement personnel pour décloisonner la décoration entre le design et la brocante. Ce positionnement plait beaucoup aux clients qui trouvent que cela donne un caractère unique et chaleureux à la boutique », confie-t-elle trois mois après son ouverture. Ce qui est par ailleurs surprenant, c’est qu’en passant la porte de sa boutique, certains ne réalisent même pas qu’elle vend – aussi – des objets chinés aux côtés de vases 3D canons... Ce fameux mix & match pile dans l’air du temps qui s’installe à Strasbourg, comme dans nos intérieurs. ←
Au centre-ville, le design résiste
La fermeture
d’Habitat, l’essor des zones commerciales périphériques, la concurrence en ligne… Sur le papier, le commerce de l’ameublement et de la décoration design semble voué à disparaître du cœur de Strasbourg. Pourtant, plusieurs enseignes, nouvelles ou historiques, continuent à miser sur l’hypercentre.
Rédaction : Hélène Edel
Photographie : Laetitia Piccarreta
↗ Bolia, rue de la Mésange
En à peine plus d’un an, deux géants internationaux de l’ameublement se sont installés rue de la Mésange, l’une des artères les plus prestigieuses de la ville. Kave Home, positionné sur une offre design à des prix relativement abordables, a ouvert début 2024, suivi en février 2025 par la marque danoise Bolia, spécialisée dans un design scandinave plus haut de gamme, qui a investi l’ancienne boutique Hermès. Enseigne de design scandinave mono-marque, Bolia propose des collections imaginées par des designers indépendants. L’espace, aménagé comme un appartement-témoin, joue sur la lumière, les parfums et l’ambiance sonore. Selon la direction de la marque, cette implantation en hypercentre répond à une volonté de proximité et de contact direct avec la clientèle urbaine. « Nous pensons
que le bon design doit faire partie de la vie quotidienne. Le centre-ville reflète un environnement créatif, accessible à pied, à échelle humaine, qui correspond parfaitement à notre philosophie du design. » Bolia dit cibler des acheteurs sensibles à la provenance et à la durabilité des produits, prêts à investir dans des pièces conçues pour durer.
Un accompagnement personnalisé. L’enseigne revendique une approche dite « lente » : « Nous voulons que nos clients se sentent écoutés et conseillés, sans pression », poursuit la direction. Cet accompagnement passe par la présentation d’échantillons de tissus et de finitions, la modélisation en 3D des espaces, et parfois même la prise de mesures à domicile.
« Un canapé ou une table, ce sont
des achats qui engagent sur dix ou quinze ans. On ne les choisit pas à la légère. » À quelques pas de là, sur une place moins prestigieuse, mais bien connue des Strasbourgeois, Maison P.latine joue une tout autre partition. Pascale Belguise, qui l’a ouverte en mars 2025, ne dispose pas de la puissance d’un groupe international. Sa force, c’est son indépendance. Ici, les clients ne cachent pas leur plaisir de trouver une boutique qui n’est pas une franchise, avec un univers mêlant inspirations méditerranéennes et pièces choisies auprès d’une douzaine de fournisseurs, de grandes marques scandinaves à de petites maisons françaises ou européennes. Certaines références sont exclusives à Strasbourg, voire en France. Pascale Belguise reçoit, écoute, conseille, réserve des articles, commande à la demande. « C’est l’avantage de décider seule : si une marque plaît à mes clients, je peux l’intégrer rapidement. »
Des samedis en baisse. Tout comme Maison P.latine, d’autres acteurs bien installés défendent eux aussi la vitalité du design indépendant au centre-ville. Régis Vogel, du Fou du Roi, et Jean-Paul Pfeffer, des boutiques Pyramide, font partie du paysage strasbourgeois depuis trois décennies. Tous deux évoluent dans le même registre : du mobilier haut de gamme, des créations internationales et un accompagnement sur mesure qui peut aller jusqu’au suivi complet d’un projet. Leur différence tient surtout à leur spécialisation : Pyramide met l’accent sur le design italien très haut de gamme, tandis que Fou du Roi conserve une sélection plus éclectique. Ni l’un ni l’autre ne se disent menacés par l’arrivée de Bolia ou Kave Home. Au contraire, ils voient dans ces ouvertures l’occasion de dynamiser un marché local jusque-là discret. Comme de nombreux autres commerçants, leur préoccupation est ailleurs : la fréquentation recule, surtout
« Nous pensons que le bon design doit faire partie de la vie quotidienne. Le centre-ville reflète un environnement créatif, accessible à pied, à échelle humaine, qui correspond parfaitement à notre philosophie du design. »
La direction de Bolia
← Pyramide, quai des Bateliers
→ Le Fou du Roi, rue du Faisan
le samedi, et la clientèle « moyenne », fragilisée par l’érosion du pouvoir d’achat, se fait de plus en plus rare. Les touristes, bien qu’omniprésents, ne suffisent pas à faire vivre ces commerces d’ameublement.
Ce qui sauvera le centre-ville : l’expérience client. D’autre part, si Internet reste leur concurrent le plus redoutable, c’est pourtant la question de l’accès au centre-ville qui cristallise le plus de mécontentement. « Beaucoup de clients me disent qu’ils viennent moins à cause du prix et du manque de places de stationnement », souligne Régis Vogel. Pour certains, c’est même le frein principal. Parkings souterrains onéreux, rares zones de dépose-minute, places en voirie limitées : le tableau est peu engageant. À cela s’ajoutent les effets de la piétonnisation progressive et des restrictions de circulation, qui dissuadent une partie de la clientèle venue de l’extérieur. « Les gens font vite le calcul : essence, péage parfois, parking... et ils se disent que ça coûte moins cher de commander sur Internet », résume un commerçant. Plusieurs plaident pour des mesures simples et concrètes comme la gratuité entre midi et deux ou des tarifs
réduits en soirée, afin de redonner envie de venir en centre-ville, que ce soit pour un achat réfléchi ou une visite improvisée.
Tous partagent la même conviction : ce qui sauvera le centre-ville, c’est l’expérience. « On peut prêter un meuble pour qu’il soit essayé chez le client », raconte Régis Vogel. « Aucun site ne peut offrir ça. » Et Jean-Paul Pfeffer d’ajouter : « Notre rôle, c’est aussi de faire rêver, de montrer ce que peut devenir un intérieur. » Dans leurs échanges quotidiens avec les clients, une tendance semble se dessiner : l’attention portée à la provenance et à la qualité ne cesse de croître. « Les gens veulent acheter moins, mais mieux », constate Pascale Belguise. « On sent une vraie recherche de sens », renchérit Régis Vogel. Un mouvement qui, selon eux, pourrait consolider la place des adresses où singularité, conseil et accueil vont de pair.
Le centre-ville reste donc un terrain exigeant, mais pas condamné. Entre la force tranquille des maisons installées, la créativité des nouvelles adresses et l’attachement des Strasbourgeois à leurs commerçants, le design y trouve encore sa place, à condition de savoir la défendre avec conviction et imagination. ←
« Notre rôle, c’est aussi de faire rêver, de montrer ce que peut devenir un intérieur. »
Jean-Paul Pfeffer
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Boutique Le Fou du Roi
L’Alsace, nouvelle destination bien-être ?
Notre région ne compte pas moins d’une vingtaine d’hôtels hautde-gamme où les spa tiennent une place désormais essentielle. Détours Chez Julien, à Fouday, au 5 Terres Hôtel & Spa à Barr et à l’Hostellerie des châteaux à Ottrott.
Buller, rêver, déconnecter... Les destinations bien-être sont de plus en plus prisées. Selon l’étude du Global Wellness Institute, le secteur de l’hôtellerie-spa pourrait atteindre 5,6 billons de dollars d’ici à 2027. En France, il connaît une croissance de 7 % par an. Les hôteliers indépendants que nous avons rencontrés l’ont bien compris, n’hésitant pas à réaliser d’importants investissements pour offrir une expérience mémorable à leur clientèle. Après La Cheneaudière et l’Hôtel du Parc présentés dans notre précédent numéro d’Habiter, partons à la découverte de l’Hôtel Chez Julien à Fouday, du 5 Terres Hôtel & Spa à Barr et de l’Hostellerie des Châteaux à Ottrott.
5 Terres Hôtel & Spa, une destination en soi
L’ambition de ce 5 étoiles imaginé par son propriétaire, Jean-Daniel Seltz : sortir du lot et être unique. Et en soi, le pari est déjà réussi. « Ce n’est pas une destination spa, mais une destination 5 Terres à Barr », confirme sa directrice générale,
Monica Preciozo. Issue des prestigieuses maisons Barrière et Relais & Château, le spa et l’hospitalité de luxe font partie de son ADN. « Depuis mon arrivée, il y a quatre ans, je m’attache à créer pour nos clients des moments uniques. En quelques mois, nous sommes passés cinq étoiles. Jean-Daniel est un visionnaire qui apporte le beau à l’hôtel, moi je mets mon énergie du côté du parcours client. »
Déjà doté d’un spa atypique, petit cocon niché dans l’ancienne cave à vin en grès des Vosges de la bâtisse du xvie siècle, le 5 Terres a inauguré une belle piscine extérieure de 20 mètres par six l’été dernier. « L’idée n’est pas d’attirer plus de monde et de créer une piscine communale, mais d’offrir à notre clientèle un espace extérieur dans un cadre idyllique », précise la directrice qui privilégie la clientèle de l’hôtel à celle extérieure. « Notre clientèle recherche le calme. On peut bien sûr réserver un soin et ensuite profiter de la piscine et du spa selon certains créneaux, mais on ne vient pas ici pour se baigner. »
Toujours dans l’idée d’offrir de l’espace et des moments uniques à sa clientèle, le 5 Terres poursuit son extension avec l’acquisition de la bâtisse attenante du xve siècle, l’ancien restaurant Le Brochet. « Le spa est encore dans l’imaginaire de Jean-Daniel Seltz, sourit Monica Preciozo. Mais nous avons en projet de créer une piscine intérieure plus grande et de nouveaux services pour le spa, toujours dans une quête d’excellence. » C’est dans cette bâtisse qu’ouvrira également à l’automne un deuxième restaurant proposant une cuisine régionale et généreuse, supervisée par le chef Thomas Koehren passé par chez Ducasse et Olivier Nasti. À la Table du 5, l’arrivée du chef étoilé Joël Philips et du chef de salle et sommelier Michaël Wagner a créé l’événement de la rentrée. Le 5 Terres en route vers une 6e étoile, gourmande, celle-ci ?
Chez Julien, destination vacances
On ne va pas Chez Julien pour une nuit ou pour un voyage d’affaires. C’est au contraire une destination vacances ou de Day-Spa « Nous n’avons pas la chance d’être sur un axe très touristique, en revanche nous sommes situés en pleine nature et c’est un atout certain,
souligne la directrice Eléonore Goetz-Arbeit. Où que vous regardez, vous profitez de la prairie, de la rivière, de la forêt. Toutes nos installations sont pensées pour être tournées vers la nature. »
Après la création d’un premier spa en 2013, la famille Goetz a inauguré un nouvel espace de 2500 m2 pendant le COVID fait de larges baies vitrées donnant sur le cadre bucolique dont on profite été comme hiver. Depuis deux ans, la Paillotte permet de profiter de l’extérieur le long de la rivière sur des transats sur pilotis. « Notre objectif n’est pas d’augmenter notre capacité d’accueil, mais d’apporter davantage de confort à nos clients, précise-t-elle. La Paillotte offre une vraie bouffée d’oxygène en termes d’espace. Nous voulons aujourd’hui reproduire cela pour l’hiver. »
Les Goetz viennent en effet d’engager des travaux d’extension estimés à 30 millions d’euros comprenant 1000 m2 supplémentaires de spa, douze nouvelles suites de grand standing de 70 à 100 m2 inaugurées cet été, sans oublier un nouvel espace restaurant où ils prévoient d’organiser des live cooking et des dégustations de produits régionaux. « Notre famille a toujours réinvesti dans l’hôtel, car on a la chance de fonctionner sans période creuse, confie Eléonore Goetz-Arbeit.
« Toutes nos installations sont pensées pour être tournées vers la nature. »
(c) Charlotte Kleinback
Christophe Meyer
Chez Julien
Eléonore Goetz-Arbeit
« La forêt environnante est omniprésente dans les ambiances, les matériaux et les vues. »
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L'Hostellerie des Châteaux
Mes parents, déjà, faisaient tous les quatre ans de gros travaux d’extension ou d’amélioration. » Il est loin en effet le Bistrot de routiers que tenait ses grands-parents en 1955. Lorsqu’il a repris l’affaire dans les années 1980, son père, Gérard Goetz, a eu l’intuition qu’il pouvait transformer cette bonne brasserie en hôtel de charme. 70 ans plus tard, Chez Julien est devenu une destination incontournable pour les Alsaciens, les Belges, les Allemands ou les Suisses, complet d’une année sur l’autre. Son point fort : ce spa ouvert sur la nature propice à la déconnexion. « Il est vrai que les voitures bougent peu de notre parking », sourit Eléonore qui, comme ses parents et sa sœur également dans l’affaire, veillent à offrir un cadre paisible et apaisant autour du bien-être.
Nouvelle identité pour
L’Hostellerie des Châteaux
Fondé au cœur d’Ottrott en 1971 par les parents de l’actuel propriétaire-dirigeant, Guillaume Schaetzel, l’Hostellerie des Châteaux s’apprête à connaître le plus grand agrandissement de son histoire, articulé autour de son spa. « C’est devenu un élément essentiel. Il y a vingt ans, chaque hôtel devait avoir sa piscine. Nous faisions partie des premiers à en proposer une dans les années 1990, puis un spa en 2004, qui a déjà connu trois
(c)
Agence
Chalumeau Hugues Architecte
Guillaume Schaetzel
agrandissements. Celui-ci sera le quatrième, mais surtout le plus important », précise-t-il.
Avec cette extension réalisée par le cabinet d’architectes Agence Chalumeau Hugues Architecte, le spa atteindra 8 000 m2 au total, contre 3500 aujourd’hui, avec neuf bassins ouverts toute l’année. Côté design, il combinera des espaces architecturaux traditionnels et contemporains, avec pour fil conducteur la forêt environnante, « omniprésente dans les ambiances, les matériaux et les vues. Le spa s’adosse au Mont Sainte-Odile, offrant deux grands jardins en pleine nature, le calme absolu et des panoramas à couper le souffle », confie Guillaume Schaetzel. Les travaux démarreront en fin d’année pour douze à dix-huit mois. Les nouvelles constructions, quant à elles, prennent place à l’arrière, entre les façades rénovées et le bâtiment principal du spa et des chambres. Leur architecture contemporaine, sobre et limitée à deux niveaux, préservera les perspectives depuis les chambres. Un long débord de toiture relie les ensembles, tandis qu’un soubassement minéral, des vitrages généreux et une toiture végétalisée favoriseront leur intégration paysagère. Une reconversion qui s’accompagne d’un changement d’identité : L’Hostellerie des châteaux devient le Domaine des châteaux, une destination en soi. ←
Chez Julien
Plus qu’un simple toit, notre logement façonne notre humeur, influence nos comportements et reflète notre état intérieur. De la disposition des meubles à la lumière qui filtre par les fenêtres, chaque détail compte.
Rédaction : Hélène Edel
Bien chez soi, bien en soi
Longtemps réduit à sa fonction première, celle d’abriter, le logement s’impose désormais comme un acteur à part entière de notre bien-être. Depuis les années 1960, la psychologie de l’habitat explore ce lien subtil entre espace de vie et équilibre intérieur. Le psychiatre franco-argentin Alberto Eiguer parle de « psychologie de l’espace » et nous invite à considérer l’intérieur de notre logement comme une extension de nous-mêmes. Repeindre un mur, déplacer un meuble, accrocher une photo : autant de gestes, en apparence anodins, qui peuvent se révéler profondément réparateurs.
Auto-régulation émotionnelle. Derrière le choix d’une couleur, il y a parfois l’envie de réchauffer une ambiance, d’adoucir une lumière, de transformer l’atmosphère d’une pièce. Dans le déplacement d’un meuble,
il y a le besoin de redessiner ses repères, d’ouvrir une perspective nouvelle, de faire circuler différemment l’énergie. Accrocher une photo, c’est convoquer un souvenir heureux, injecter un peu de soi dans l’espace, rappeler qu’ici, c’est notre histoire qui s’écrit.
Ces actions, que les psychologues appellent l’auto-régulation émotionnelle, traduisent le désir de remettre de l’ordre dans son monde intérieur à travers l’espace extérieur. Aménager son logement devient une manière silencieuse, mais puissante de se recentrer, de se réapproprier son quotidien. L’espace domestique agit alors comme un refuge mental, un territoire intime sur lequel on peut enfin avoir prise, à défaut de maîtriser les incertitudes du monde qui nous entoure. C’est là que se joue une part essentielle du bien-être, dans cette alchimie subtile entre murs, lumière, objets et émotions.
C’est cette philosophie que défend Magalie Knobloch, architecte d’intérieur et fondatrice de MagHome Thérapie dans le Val-deModer. Ses projets débutent par un audit et un test de personnalité pour traduire les valeurs, les habitudes et la sensibilité de chacun dans l’espace qui l’entoure.
Charges mentales invisibles. « Je rencontre souvent des personnes qui vivent avec de petites choses laissées à l’abandon pendant des années : cartons entassés, tapisserie décollée, tâche sur la moquette... Ce sont autant de charges mentales invisibles », confie-t-elle. Et lorsque ces « détails » s’accumulent, ils finissent par peser sur notre bien-être. Pour beaucoup, la période du COVID a agi comme un révélateur. En passant plus de temps chez nous, nous avons redécouvert nos intérieurs, parfois avec émerveillement, parfois avec un œil plus critique. Le logement est devenu à la fois bureau, salle de classe, salle de sport et refuge émotionnel. Nous
avons dû le réinventer pour qu’il absorbe nos tensions et nous permette de nous ressourcer.
Une récente étude menée par TRYBA et OpinionWay (le baromètre Bien chez soi – voir ci-contre) confirme cette prise de conscience. Réalisée auprès de 2 000 Français, elle révèle que 77 % souhaitent investir du temps et/ ou de l’argent dans leur logement actuel. Près de neuf Français sur dix s’y disent heureux, et la grande majorité y passe volontiers de longues heures. Ce sentiment de bien-être tient à des plaisirs simples : pouvoir ouvrir grand les fenêtres pour respirer (8/10), profiter de la lumière naturelle qui baigne les pièces (7,7/10) ou savourer un coin de verdure ou une terrasse lorsqu’on en a la chance (7,8/10).
En définitive, notre logement est à la fois miroir et médicament. Prendre soin de son intérieur, c’est prendre soin de soi. Derrière chaque espace optimisé, chaque objet choisi, chaque coin réorganisé, se cache le même geste, discret, mais essentiel : s’offrir un peu plus de bien-être, chaque jour, là où l’on vit. ←
CHIFFRES CLÉS DE L’ÉTUDE BIEN CHEZ SOI
89 % des Français se déclarent heureux dans leur logement actuel
91 % y passent beaucoup de temps
LES PRINCIPAUX CRITÈRES DE SATISFACTION SONT
La possibilité d’aération (8/10)
La luminosité (7,7/10)
L’espace extérieur (7,8/10 auprès des Français qui en sont équipés)
77 % souhaitent rester dans leur logement actuel, et 77 % également y ont investi en temps ou en argent (dès l’installation : 36 %, de manière régulière : 41 %)
ÉCART DE SATISFACTION SELON LE STATUT D’OCCUPATION
Propriétaires : 7,8 / 10
Locataires : 6,5 / 10, signe de difficultés liées à l’espace, à l’isolation ou à la personnalisation.
Étude Bien chez soi réalisée par TRYBA et OpinionWay du 17.10.2024 au 13.11.2024 auprès d’un échantillon représentatif de 2 000 personnes âgées de 18 ans et plus résidant en France métropolitaine.
(c) MagHome
Thérapie
Avant–Après, saison 2
Aurélie Fechter et Johan Fritzell, f+f architectes
S’ils réalisent essentiellement des équipements publics depuis près de vingt ans, les architectes Aurélie Fechter et Johan Fritzell cultivent une véritable appétence pour la rénovation complète d’habitats. Leur particularité : pousser chaque projet dans ses moindres détails en dessinant eux-mêmes les éléments fixes – cuisine, salle de bain, bibliothèques ou rangements intégrés – avec une approche globale de l’espace. « Si tous les projets sont différents, notre fil conducteur, c’est l’espace et le design. On recherche plutôt des matériaux à l’état brut ou que l’on huile, et des palettes de couleurs restreintes, dans l’esprit scandinave, avec des lignes qui se suivent, des plans simples et rationnels, dans l’objectif d’optimiser l’espace », confie Johan Fritzell. Quand leur client hésite à acheter un appartement au 5e étage de l’avenue Trudaine, eux y voient immédiatement un potentiel : « L’appartement était très cloisonné et bas de plafonds. En ouvrant l’espace, la vue sur la Tour Eiffel et les toits de Paris s’est révélée. » Ils déposent cloisons et murs porteurs au profit d’une large zone de vie traversante, lumineuse et structurée autour d’un îlot technique construit autour des éléments porteurs conservés. « On a imaginé un habillage en bois arrondi qui cache une cave à vins, des rangements, un bureau. » Ce « Totem », gainé de placage en koto gris délimite les zones repas, détente et travail. Leur approche artisanale s’étend à tous les détails : vasques en quartzite brésilien taillées sur mesure, portes camouflées, y compris celle d’un studio de musique secret. « Nous travaillons à toutes les échelles, du studio au bâtiment public, conclut Johan. L’important, c’est d’être sur la même longueur d’onde que nos clients. Tu ne fais pas un bon projet sans un bon client qui partage ta vision et te fait confiance. » ←
Architectes ou particuliers inspirés, ils nous dévoilent leur manière de sublimer les lieux d’une simple pause de papier-peint à une rénovation complète.
Bien connu des Strasbourgeois grâce à sa boutique Mémé en Autriche, véritable caverne aux trésors, Philippe Meyer a pris le large direction SainteMarie-aux-Mines en 2015. « Nous avons eu un vrai coup de cœur pour cette maison de maître de 1850, avec ses volumes incroyables, ses dépendances, son jardin, confie-t-il. Elle était dans son jus, avec sa déco de mamie, mais le potentiel était là. » Après la liquidation de sa boutique, l’idée de créer des chambres d’hôtes s’impose comme une évidence. Habitué du salon Maison & Objet depuis trente ans, passionné de déco, cet autodidacte a retapé la demeure du sol au plafond. La maison se transforme sous ses mains en un lieu chaleureux et singulier, où le mix and match règne en maître. « Mon inspiration démarre d’un papier peint, d’un meuble et après je déroule. Il n’est pas nécessaire de mettre beaucoup d’argent : parfois juste coller quatre baguettes sur un mur blanc change toute l’atmosphère de la chambre. » Entre objets chinés, souvenirs de famille et clins d’œil aux tendances glanées sur Instagram, Philippe raconte une histoire dans chaque pièce. Cet esprit, il le décline aussi dans sa boutique en ligne Studio Villa Grimm, véritable mine d’idées pour qui cherche une jolie vaisselle, un objet déco chic ou une touche décalée pour son intérieur. ←
(c) DR
Philippe Meyer, Villa Grimm
« Mon inspiration démarre d’un papier peint, d’un meuble et après je déroule. »
Villa Grimm
166 rue Clémenceau
Sainte-Marie-aux-Mines
06 74 67 52 01 villagrimm.com
Marion Cridel, MCLN architecture
Engager d’importants travaux de rénovation, transformer une cuisine en bureau, une micro-salle d’eau en buanderie : rien ne lui fait peur. Marion Cridel, architecte DPLG, vient d’ouvrir son agence après avoir fait ses armes au Luxembourg et dans le cabinet OSLO. Sa spécialité : la rénovation.
« Je me suis prise de passion pour l’architecture d’intérieur, avec cette force de l’architecte d’utiliser les atouts de l’existant et de réfléchir aux volumes. » Son credo : optimiser l’espace. Pour son projet Bagenelles de rénovation d’un appartement des années 1990, Marion Cridel a réussi à faire gagner 8 m2 à son salon en déplaçant la cuisine, désormais ouverte sur un double-séjour. Elle a aussi installé une nouvelle chambre à la place de l’ancienne cuisine, et réduit l’espace de la chambre en étage de 18 m2 pour gagner un mètre carré au niveau de la salle-de-bain. Le tout dans un budget contraint.
« L’architecture n’est pas réservée à une élite, insiste-t-elle. Nous pouvons trouver des solutions intelligentes avec des matières moins nobles mais qualitatives. » Marion Cridel aime réfléchir à l’intérieur dans sa globalité :
« Pour changer une ville et ses usages, il faut réfléchir de la micro-échelle (l’habitat) à l’environnement urbain. Je suis favorable à la rénovation de l’existant plus qu’à la construction, afin de préserver les zones naturelles. » ←
« Je suis favorable à la rénovation de l’existant plus qu’à la construction, afin de préserver les zones naturelles. »
MCLN architecture
16 rue de Saint-Dié Strasbourg 07 45 10 33 44 mcln-architecture.fr
(c)
Marion Cridel
(c)
Marion Cridel
(c) Marion Cridel
(c) Marion Cridel
Les adresses
☛ Boutiques Brocante
Le Cabaret du Chat
40 rue de Zurich, Strasbourg. lecabaretduchat.com
Maison P.latine
7 place Saint-Etienne, Strasbourg.
03 88 25 21 67 maison-platine.com
Le Colvert chineur
37 rue Wimpheling, Strasbourg
Insta : @lecolvertchineur
Les Trésors du quai
18 quai des Pêcheurs, Strasbourg
03 88 36 81 27
Insta : @Lestresorsduquai
Boutique design
Bolia
2 rue de la Mésange, Strasbourg
+33 1 87 65 11 53 bolia.com
Kave Home
11–13 rue de la Haute Montée, Strasbourg
+33 6 82 15 22 04 kavehome.com
Galerie Le Fou du Roi
4 rue du Faisan, Strasbourg
03 88 24 23 25 fouduroi.eu
Pyramide Design
Boutique P.1
32 quai des Bateliers, Strasbourg
+33 3 88 37 31 95 pyramide-design.com
Hôtels
5 Terres
11 place de l’Hôtel de ville, Barr
03 88 08 28 44 5terres-hotel.fr
Chez Julien
750 route de Strasbourg, Fouday
03 88 97 30 09 hoteljulien.fr
Hostellerie des Châteaux
11 rue des Châteaux, Ottrott
03 88 48 14 14 hostellerie-chateaux.fr
STRASBOURG
2 PIÈCES - 39 M2
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Œuvre murale de Noémie CHUST, 2025
Dispositif de mécénat ARTMUR : un espace permanent d’exposition temporaire dédié à la création artistique.
Façade des bureaux du Groupe Vivialys (37 rue de Molsheim à Strasbourg)