Architecture & Musique

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Introduction Comme de longs échos qui de loin se confondent [...] Les parfums, les couleurs et les sons se répondent1. Dans ce sonnet, Charles Baudelaire fait correspondre les sens. Le dernier vers énumère ce qui relève de l’ouïe, de l’odorat et de la vue. Il perçoit des points analogues entre ces différentes sensations. Ces sensations se répondent en une perception globale et confuse. Il interroge une correspondance artistique, notre sensibilité artistique passant par nos perceptions sensorielles. En effet dans Curiosités Esthétiques, Charles Baudelaire prête à la peinture de Delacroix une imprégnation « quasi musicale2 ». Il nous invite à interroger spécifiquement la relation entre musique et peinture lorsqu’il écrit à propos d’Eugène Delacroix : « [...] ces admirables accords de sa couleur font souvent rêver d’harmonie et de mélodie, et l’impression qu’on emporte de ses tableaux est souvent quasi musicale3. » L’impression qu’il emporte de ses tableaux est perceptive, un sens en appelle un autre. L’expérience de l’espace passe par des perceptions plus ou moins actives. Tout comme la peinture, la sensibilité visuelle est la plus évocatrice. La peinture relève souvent d’un plan unique où la matière est appliquée sur un médium graphique en deux dimensions. Elle laisse la vue hégémonique. L’espace est tridimensionnel et convoque nos perceptions olfactives, haptiques, et sonores. La dimension sonore est inhérente à l’espace, qui se constitue de pleins mais aussi de vides. L’architecture et la musique ont en commun ce dernier point. Si l’espace est habituellement considéré par ses pleins, ses murs, ses façades et sa matière, ces paramètres là définissent en réalité ses vides. L’architecte dessine les vides en les qualifiant et en les délimitant par la géométrie, le volume, la matière… puis nous habitons ces vides. Lorsque l’architecte vient à traiter la question de l’espace, il est souvent amené à répondre à des questions acoustiques. Ces questions influent sur la conception, 1 Charles Baudelaire, Quatrième sonnet de la section « Spleen et idéal » des Fleurs du mal, Correspondances, Paris, 1857. » 2

Charles Baudelaire, Curiosités esthétiques. Vol. 2. Michel Lévy Frères, 1868.

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Ibidem.

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