Des nuances de Silence en architecture

Des nuances de

SILENCE

en architecture

École Nationale Supérieure d’architecture de Marseille Séminaire Murmuration Architecture, Art, Philosophie Semestre 1, automne 2021

Des nuances de

SILENCE

en architecture

Manon BONNIN Sous la direction de Christian Leclerc et Emmanuel Breton

S

ommaire

Introduction

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Tacet

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Degré zéro Efface tes traces Le paradoxe d’Adolf Loos : intimité et spectacle

Soupir Le souffle de l’esprit Progression continue du silence

Bruissement L’écoute du rêve Le frémissement intime

Conclusion

Bibliographie

Fiches de lecture

Charte de non plagiat

8 19 22

26 26 36

44 44 47

51 53 55 74

I

ntroduction

De la même manière que nous envisageons l’ombre et la lumière, les pleins et les vides, silence et son ne seraient-ils pas plutôt complémentaires ? Ce phénomène qui relève de l'imperceptible tend à nous échapper, et relève d’un anonymat profond pour quiconque habite le monde. Pourtant, par son impossibilité, il est aussi le sujet poétique des fantasmes d’un monde sans son. Le langage décline naturellement le silence sous de nombreuses significations. Du latin silere, il évoque d’abord le verbe d’action personnel de « se taire ». Il peut être imposé, suggéré ; il parle de secret, du caché et de l’intime ; il signifie une absence, une interruption, ou encore une mise en suspension, en tension.

Pour l’art, la philosophie et l’architecture, il peut être manié comme un outil d’expression aux multiples entrées. Il existerait alors une certaine palette de silences, du « plus » au « moins » silencieux. Comment est-il traité ? Quelle intensité, quel timbre, quel poids ou légèreté lui est-il attribué ? De quelles manières le silence peut-il figurer comme un outil d’expression et se décliner en une palette de nuances silencieuses ?

Nous commencerons par un silence radical, celui de l’absolu, pour évoluer vers des déclinaisons plus bruyantes, enfin moins silencieuses… En effet, l’absolu laissera place au soupir, le silence de la contemplation, une intensité vectrice de spirituel. Nous glisserons vers un silence impossible, ou trop parfait : le bruissement.

Pendant ces trois temps, nous nous appuierons sur la littérature de Roland Barthes et la philosophie poétique de Gaston Bachelard. Nous convoquerons de multiples interventions artistiques telles que celles d’Ad Reinhardt, de Jean-Pierre Raynaud ou de Joseph Beuys. Enfin, parmi d’autres, l’architecture d’Adolf Loos, puis celle de Junya Ishigami formuleront des cas d’études surprenants. Évaluons les variations d'intensités et de timbres de ces silences, qui frôlent parfois le sublime.

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Fig. 1. Cage, John. 4’33’, partition. 1952.

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Tacet

Degré zéro

En 1952, John Cage compose 4’33’’1. L’oeuvre est ouverte à n’importe quel instrument.

Critique des musiques générées industriellement, ces 4 minutes et 33 secondes évoquent la durée moyenne d’un morceau de musique de l’époque. Mais à la place d’une succession de rythmes et de mélodies, l’artiste propose un long silence. Les trois mouvements ne comportent qu’une indication du compositeur : Tacet ; il se tait. Cette notation musicale indique à l’instrumentiste de ne pas jouer sur une durée définie. Devant la pause, le tacet est l’indication d’un silence musical de la plus grande intensité, une interruption qui se veut absolue et radicale. Celui-ci est en musique la recherche d’un silence extrême, d’un certain degré zéro sonore.

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Cage, John. ‘‘4’33’’’’, 1952.

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Roland Barthes, sémiologue et philosophe français publie son premier essai en 1953, Le Degré zéro de l’écriture2. Ce titre est métaphorique d’une théorie linguistique qui vise à identifier une écriture neutre, affranchie du style et des codes. Il recherche dans ce neutre une manière de voir au-delà du langage, une tierce forme qui dépasserait le signifié et le signifiant et transcrirait l’histoire et son point de vue exprimé par l’auteur.

Partie d’un néant où la pensée semblait s’enlever heureusement sur le décor des mots, l’écriture a […] atteint aujourd’hui un dernier avatar, l’absence : dans ces écritures neutres, appelées ici « le degré zéro de l’écriture », on peut facilement discerner le mouvement même d’une négation, et l’impuissance à l’accomplir dans une durée, comme si la Littérature, tendant depuis un siècle à transmuer sa surface dans une forme sans hérédité, ne trouvait plus de pureté que dans l’absence de tout signe, proposant enfin l’accomplissement de ce rêve orphéen : un écrivain sans Littérature3.

Le degré zéro littéraire profite du non-sens de la forme et du style au profit du conscient pour en tirer sa pureté absolue. L’écrivain se retrouve « sans Littérature » car il est Littérature, en dehors de tout signe.

Stéphane Mallarmé reconsidère l’espace du papier comme le cadre structurant mais aussi conscient des mots. Son texte Un coup de dés jamais n’abolira le hasard4 est une série de vers rédigés par poignées de mots parsemés sur le papier. Les mots, dispersés, donnent au poème une oralité du silence, qui est à la fois ponctuation et récit, forme et conscient. En cela la littérature atteint une forme de pureté au croisement du lyrisme et de l’Histoire, entre style et neutre, ce troisième signe qui n’en est pas un, le degré zéro de l’écriture. Ce degré zéro littéraire trouve écho chez Cage dans sa recherche absolue et pure d’une forme tierce d’expression.

2 3 4

Barthes, Roland. (1972). Le Degré zéro de l’écriture : suivi de Nouveaux essais critiques. Seuil.

Ibidem. Barthes, Roland. p. 5.

Mallarmé, Stéphane. Un coup de dés jamais n’abolira le hasard. 1914.

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Celle-ci a trouvé son équivalent en recherches dans le domaine pictural. Daniel Buren a investit 40 ans de sa pratique à redéfinir l’expérience visuelle par la suppression de la référence illusionniste ou expressive de la peinture, c’est-à-dire la ramener à un degré zéro5. À travers la répétition en alternance de bandes blanches et colorées de 8,7cm de largeur, il opère une réduction maximale du contenu pictural sur un tissu rayé approprié qui à la fois montre ce qu’il était et est sans fioritures. Cela aboutit à une totale impersonnalité. L’artiste souhaite amplifier la vision du réel, et ce par une suppression du sujet et du geste de l’artiste pour laisser place à l’imaginaire du spectateur même. Il s’inscrit en fait dans des pratiques qui pourraient en partie définir l’expressionnisme abstrait.

5 Buren, Daniel, et Centre national d’art et de culture Georges Pompidou (Paris). Le musée qui n’existait pas. Centre Pompidou, 2010.

Fig. 2. Buren, Daniel. Peinture acrylique sur tissu rayé de bandes blanches et noires, 106.7 x 132.1. 1973. Art Basel (2016), Bortolami.

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Mark Rothko était une figure emblématique de l’expressionnisme abstrait du XXe siècle, bien qu’il en ait toujours refusé l’étiquette. En réaction à l’Action Painting, il défend une pratique du Colorfield Painting, une peinture en champs de couleurs, un style reconnaissable par son utilisation d’aplats de couleurs vives, brutes et unies, créant des plans ininterrompus6. Les aplats s’affranchissent de la perspective et se développent uniquement en plan. L’importance est donnée à la constance de forme et du processus et non à la gestualité, à l’action du peintre.

Orange and Yellow est une peinture à l’huile faisant figurer deux aplats de couleurs rectangulaires : un jaune dans le tiers supérieur et un orange sur les deux tiers inférieurs. Le fond est d’un jaune-orange légèrement plus sombre et dé-saturé, agissant comme une séparation et un cadre, une marge entre les deux aplats. Ici, Rothko inonde la toile de pigments purs, faisant subtilement varier les saturations et les intensités de couleurs pour provoquer des flots d’émotions et d’effets esthétiques. L’oeuvre semble irradiée d’une lumière chaude et douce : les surfaces lumineuses fonctionnent en transparences sur un fond plus terne.

Par l’abstraction extrême, la couleur devient le sujet, l’épurant de toute forme. La couleur est débarrassée de l’objet et devient l’unique sujet de vision. Il déplace le centre d’intérêt, l’oeuvre est dé-personnifiée, ayant pour effet de tendre à la peinture méditative des champs de couleurs. Ces transparences qui fonctionnent comme une lumière lénifiante, homogène, inonde non seulement l’espace de la toile mais aussi celui de l’exposition par réflexion de la lumière. De cette manière, le sujet extérieur à l’oeuvre est appelé à y projeter ses propres émotions, tourments, à effectuer un travail introspectif. Le silence n’est pas uniquement une production sonore du public, mais l’oeuvre semble donner corps au silence. Silence aussi de la part de l’artiste en retrait par cette technique hostile à la gestuelle.

6 Debecque-Michel, Laurence. « Rothko : une spiritualité infigurée », Ligeia, vol. 29-32, no. 1, 1999, pp. 104-114.

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Fig. 3. Rothko, Mark. Orange and Yellow. 1956. huile sur toile, 231,14 x 180,34 cm.

Collection Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, New York © Kate Rothko Prizel & Christopher Rothko / Artists Rights Society (ARS), New York.

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Fig. 4. Reinhardt, Ad. Ultimate Painting n° 6 (Dernière peinture n°6).

1960. huile sur toile, 153 x 153 cm © Service de la documentation photographique du MNAM - Centre Pompidou, MNAM-CCI/Dist. RMN-GP.

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Ad Reinhardt, précurseur de l’art conceptuel et minimal, est aussi hostile à la figuration. Il s’affranchit de toute référence figurative, et fait évoluer des formes géométriques vers ce qui semble être des monochromes. En fait, il s’agit plutôt de multiples nuances d’une même couleur. À la fin de sa carrière, ses peintures semblent noires, de même format et valeurs, laissant seulement entrevoir le motif. Il s’agit selon lui des « dernières peintures que l’on peut peindre7 ». Il donne une définition radicale de ses « Ultimate Paintings» : Une peinture pure, abstraite, non objective, atemporelle, sans espace, sans changement, sans référence à autre chose, désintéressée, un objet conscient de lui-même (rien d’inconscient), idéal, transcendant, oublieux de tout ce qui n’est pas l’art8…

Ce traitement global du plan vise à simplifier, à épurer toute figuration possible. D’une grande radicalité, l’oeuvre elle-même disparait : l’art n’est plus, l’art en tant qu’art, qui ne laisse qu’une absence9. Cherchant à faire disparaître l’oeuvre, cette abstraction géométrique extrêmement radicale pose la retenue de l’art lui-même. Le spectateur est laissé seul face au rien qui lui fait face, une absence lui laissant l’espace de la toile et le temps de son regard pour trouver son vide intérieur. La peinture permet l’introspection, qui passe par un travail de silence profond provoqué par la profondeur, la figuration de l’imperceptible, et l’absence que laisse l’oeuvre. Il induit à son tour le méditatif, l’introspectif et l’intime.

Le silence prend corps dans l’opacité. Comme pouvait l’exprimer André Gide : « chaque chose que je veux posséder devient opaque pour moi10 ». Quand l’on cherche à se représenter le secret, le caché, l’on a tendance à tendre vers l’opaque, le sombre, la masse d’un mur.

C’est un silence désincarné, mais que le visiteur peut posséder volontairement, l’espace et le temps qu’il veut. L’abstraction expressionniste rend au silence sa valeur méditative, donne au sujet la pleine possession de son introspection par cette retenue de la figuration. Cette retenue des sens et cette mise en retrait permet à l’imperceptible, à l’émotion de s’exprimer.

Néanmoins, ces deux artistes contemporains l’un de l’autre se répondent en proposant deux interprétations d’un silence pictural opposées. Rothko travaille par transparences, des aplats lumineux qui irradient la toile et qu’il met en relief par des nuances marquées, souvent en fardant un cadre, un fond, un contexte. Reinhardt peint des nuances et géométries à peine perceptibles, et c’est plutôt par une représentation de la masse, de couches opaques successives qu’il nous laisse rentrer dans la toile. Leurs deux propositions exemplifient un rapport ambivalent à l’absolu silence. Reinhardt cherche un silence enfoui dans le plein quand Rothko, Mallarmé ou Cage aboutissent au vide.

Les artistes aboutissent à ce degré zéro depuis la pureté ou la neutralité extrême du sujet.

Ils se mettent en retrait afin de trouver un idéal esthétique et éthique qui cherche à pousser les limites de l’expression. Comment mettre en œuvre cet idéal esthétique neutre en espace ? Comment aboutir à la neutralité extrême du sujet alors que l’expérience de l’espace passe par lui ?

7 Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne , sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007.

8 Ibidem. Dans Collection art moderne. Ad Reinhardt. Iris Time , n°7, 10 juin 1963, à l’occasion de l’exposition de sept « Black Paintings » à la galerie Iris Clert, Paris.

9 Reinhardt, Ad. Art-as-Art, publié à l’origine dans Art International, VI, no. 10, Lugano, décembre 1962.

10 Gide, André. Cité par Benjamin, Walter dans « Expérience et pauvreté suivi de Le conteur et La tâche du traducteur », trad. Cédric Cohen Skalli. éditions Payot & Rivages, Paris, 2011 (2018). p. 44.

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Fig. 5. Raynaud, Jean-Pierre. La Maison De La Celle-Saint-Cloud. 1988.

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En 1969, Jean-Pierre Raynaud opère des changements radicaux : à peine propriétaire d’une maison dans la ville de La Celle-Saint-Cloud, il divorce de sa femme et garde la propriété pour en faire son centre d’art dédié privé. Disant rejeter la vie moderne classique, sa routine de stimulations insensibles et son bruit constant, il s’enterre et s’isole pour se « réapproprier le sens de [son] corps11 ». Progressivement, il carrelle l’ensemble de la maison, du sol au plafond, chaque mur, le mobilier même, de faïences carrées blanches de 15x15cm.

L’ensemble de la maison est recouverte de ce matériau unique et omniprésent, l’espace est dénudé, unifié.

Il y développe son art avec profusion, et y invite des amis pour témoigner de son travail.

Pourtant, le 1er septembre 1988, il s’enferme définitivement et refuse la visite de quiconque.

Cet isolement, qui dura 6 ans, fut pour lui une révélation et une expérience unique et inédite d’introspection et de création. Cette décision accompagnait aussi le désir d’une protection des agressions du monde extérieur. Finalement, c’est un véritable blockhaus qui se profile : peinte en kaki, la maison est recouverte de filets de camouflage et protégée par des barbelés et des projecteurs mobiles. Il emploie lui-même un vocabulaire architectural défensif : meurtrière, crypte, tour, mirador... Il décide finalement de mettre fin à tout cela en détruisant la maison, processus qu’il immortalisera par un reportage photographique et une dernière exposition des gravats dans 976 containers chirurgicaux au CAPC de Bordeaux.

Ce processus long, c’est la recherche de l’esthétique d’un lieu idéal. Cet idéal se traduit par la pureté, qu’il matérialise par cette monochromie des surfaces de faïences. La lumière, la plus homogène possible, efface les volumes, les sommets de chaque objet que seuls les joints noirs qualifient. Ce matériau n’est pas choisit de manière anodine: le carrelage blanc immaculé apporte une touche hygiéniste et troublante au lieu. À l’image des hôpitaux, des morgues, ou des tombes des cimetières sud-américains, ce matériau semble contradictoire et inapproprié à un habitat. Une provocation volontaire que Raynaud apprivoise par une familiarisation forcée à la faïence. L’artiste simule sa propre mort, nous dit de passer notre chemin avec une certaine hostilité. Un cercueil de faïence qui permet à l’artiste de libérer toute sa puissance créatrice. Les espaces froids et aseptisés deviennent le miroir chaleureux de ses réflexions, de sa conscience et de cet idéal artistique.

L’artiste a vécu une marginalité volontaire. Un choix d’isolement procuré par cette architecture, dont la nécessité de pureté absolue traversait son œuvre. Il a consacré 24 ans à cette maison, marquant une relation entre l’homme et ce lieu spécifique, conférant à son domicile une valeur spirituelle, celle d’être. La maison devient un lieu mental : dans sa solitude complète, il se retrouve. Finalement, il opère une fusion entre art, architecture et corps. Il atteint alors une neutralité complète en étant lui-même silence, un degré zéro à la fois spatial et humain.

11 La maison de Jean Pierre Raynaud: Construction Destruction 1969-1993, Michelle Porte Broché, Editions du Regard (6 octobre 2011), Paris.

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Efface tes traces Cette fois volontaire, cet émargement de l’homme à la vie n’est pas unique à une démarche artistique et philosophique. L’isolation involontaire du sujet dans son monde naît en chacun de nous, et est une problématique critique de la modernité.

Edward Hopper s’inscrit comme figure majeure du réalisme américain, ce courant artistique rattaché à une représentation fidèle de la société et du quotidien. Ses huiles sur toiles sont imprégnées de la nostalgie d’une Amérique passée, alors partagée entre racines et modernité. La simplicité des scènes peintes donne une grande place au détail et à l’intériorité des personnages, plongés dans leurs états d’âmes. Le cadrage suggère la fragmentation de l’image et donc de la scène ou de la pensée des personnages représentés. Ces représentations suspendent des moments sans résolution, accentuant cette thématique de réalisme psychologique de son travail.

En 1927, il représente un personnage féminin, perdu seul dans ses pensées à la table d’un automate, qui donnera son nom à l’œuvre. Ces espaces standardisés étaient des lieux de convenance sociale pour les femmes travailleuses. Le mobilier standard, l’éclairage froid et régulier perçant le sombre monochrome du miroir, participent au silence et au malaise que semble vivre la femme esseulée. Mélancolie, solitude et froid glacial se dégagent du tableau, que seules une coupe de fruits et la chair de la femme volontairement éclairée interrompent.

Le monde extérieur nous est dissimulé, nous laissant pleinement attiré par cette femme.

Nous cherchons les raisons de sa peine et de son tourment, son histoire, et faisons acte de voyeurisme. Hopper brise l’intimité de la scène en laissant cette femme vulnérable dans cet endroit étrange, par ce cadrage qui la dépasse et l’espace public si lumineux qu’il efface même la nuit. Alors, le titre revêt son ambiguïté : parle-t-on toujours du lieu de cette scène, ou la femme serait-elle devenue à son tour automate, le monde moderne lui ayant retiré son intimité, son identité ?

La femme subit sa solitude involontaire et le tableau révèle sa grande vulnérabilité, ne pouvant jamais réellement produire ce silence intérieur. Malgré qu’elle soit plongée dans ses pensées, l’éclairage de sa chair, la typologie du lieu et l’attitude qu’adopte le spectateur la déshabille et supprime sa faculté de penser, son intimité, de vivre ce silence pleinement et consciemment. Ce constat est celui de l’aliénation urbaine : la ville moderne a étouffé l’identité individuelle au profit de son unification par cette saturation assourdissante, la transparence et la vitesse.

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Fig. 6. Hopper, Edward. Automate (Automat), 1927. huile sur toile, 71,4 cm.

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Le silence relève de la masse, d’un certain poids opaque et immobile, antonyme des espaces contemporains. « Le verre est [...] l’ennemi du secret12 » : Ce matériau est traversé, et rien ne peut s’y fixer. Le secret est une part d’intimité et une forme de communication privilégiée. Il appartient à l’individu, comme un trésor, qu’il ne partage qu’à un ou quelques élus. Le secret est en l’exigence de sa discrétion un silence que le verre interdit.

Pour l’homme moderne, la technique a bouleversé la nature de ses expériences. « L’expérience a subi une chute de valeur13 » : conséquence directe de la guerre et de l’industrialisation, les hommes se sont appauvris en « expériences communicables ». L’homme moderne habite la ville « sans laisser de traces », phénomène qu’il rapproche à une architecture d’acier et de verre, un matériau « froid et sobre », « dur et lisse » sur lequel « rien ne peut être fixé ». Le philosophe a en horreur le salon bourgeois et son inhospitalité. « Efface les traces14 ! » : la bourgeoisie adopte des manières qui ne leurs sont pas propres, et qui artificialisent et suppriment leur passage sur terre. C’est un déclin, un dépérissement de l’aura15, provoqué par l’intervention de la technique et la reproductibilité de l’art.

L’homme moderne est stimulé de toutes parts de petits chocs qu’il va recevoir par saturation.

Il est contraint de s’habituer et de subir cette sur-sollicitation, le rendant insensible aux expériences qui pourraient le bousculer réellement. Il se laisse pousser de part en part du monde sans s’interroger, sans se rebeller. Cette barbarie que revendique Benjamin désacralise tout, et plutôt que de répartir la richesse, elle répartit la pauvreté. Les hommes sont pauvres en expérience et ne savent plus raconter, comme ils ne savent plus s’ancrer au récit.

Hopper peint des scènes quotidiennes effrayantes de réalité. Il représente la solitude auxquels sont soumis les hommes par une figuration très précise des objets. Les personnages sont désincarnés, dépossédés de leur histoire. Le silence est réduit à la définition d’une absence ou d’une angoisse. Là où le réalisme apporte un constat, l’abstraction offre à l’individu une chance de saisir l’expérience méditative. Les expressionnistes le tirent de son insensibilité, de son aliénation. Mais quand Rothko traite le plan par ces transparences, permet-il au silence de s’installer réellement en l’individu, alors que figurent sur la toile des flots inhibant de couleurs saturées ? Le silence, exprimé à son degré le plus absolu, témoigne d’un paradoxe d’interprétation.

12 Op. cit. Benjamin, Walter. « Expérience et pauvreté suivi de Le conteur et La tâche du traducteur ». p. 44.

13 Ibidem. p. 38.

14 Brecht, Bertolt. Manuel pour habitants des villes. cité ibid. p. 45.

15 Walter Benjamin, L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, dernière version 1939, in « Œuvres III », Paris, Gallimard, 2000.

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Le paradoxe d’Adolf Loos, intimité et spectacle Adolf Loos était pour le début du XIXe siècle en Autriche, un précurseur de l’architecture moderne et un fervent défenseur du dépouillement architectural. En 1908, il écrit Crime et Ornement, un texte controversé promouvant la simplicité, l’épure géométrique et structurelle de l’architecture dont la forme exprimerait sa fonction16…

En 1910, il crée le scandale avec sa première réalisation majeure, la Looshaus à Vienne.

Cet immeuble de bureaux sera une démonstration de la dichotomie architecturale revendiquée par Loos, entre architecture monumentale et édifice utilitaire. Les commerces de style classique en partie basse s’opposent à la partie supérieure de logements du bâtiment qui est choquante de nudité, neutre et banale, alors qu’elle fait face au palais impérial de Viennes. Elle n’en est pas méritante car elle ne participe pas à l’espace de la ville, elle appartient au domaine privé.

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Loos, Adolf. Crime et Ornement, 1908.

Fig. 7. Loos Adolf, Looshaus Michaelerplatz, 1910. Thomas Ledl, 2015.

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Loos travaille par une réduction du geste architectural comme le silence est une réduction de la parole. L’ornementation est une surcharge qui empêche de lire l’architecture, un bruit, une perturbation. Par cette obsession de l’épure et du neutre, du dépouillement maximal, il pousse son architecture au degré zéro, au silence architectural de l’absolu. Dans ce silence, apparaissent des contradictions manifestes. En 1903, il dessine à Viennes un appartement pour lui et sa jeune femme Lina Loos, dont une chambre qui attire l’attention : La pièce blanche que Loos a conçue pour Lina […] était l'endroit le plus intime de la maison. Les murs blancs, les draperies blanches et les peaux de mouton angora blanches créaient une fluidité sensuelle et délicate ; chaque objet dans la pièce était blanc. Même les placards étaient cachés derrière des rideaux de lin pâle. C'était une architecture du silence, d'une approche sentimentale et érotique17.

L’appartement est une confrontation du masculin et du féminin dans un bouleversement des rapports sexuels. La chambre représente le lieu de la féminité idéalisée et sanctifiée, paradoxalement à un aménagement fétichiste proche d’une maison close où la féminité sera souillée et jugée. Les tissus blancs qui recouvrent les murs rappellent les robes que portait Lina, tandis que le lit, légèrement surélevé, est à l’image d’un autel sacrificiel rituel.

Fig. 8. Loos Adolf, coupe de la chambre pour Lina et Adolf, 1903. Hubmann Vass Architekten.

Cette chambre est manifeste du silence paradoxal que construit Loos. À la fois il feutre l’espace, le rend intime, doux et duveteux avec des matériaux absorbants et légers. D’autre part, il casse cette intimité du secret par un voyeurisme et érotisme malsain, masochiste. Il met la chambre en scène par des éléments pervertis, une disposition avec le reste de l’appartement qui révèle tout et laisse flotter un malaise. Il sacralise le profane et profane le sacré. Cette disposition du silence dans son rapport paradoxal de l’intimité et du spectacle nous rappelle l’Automate d’Hopper.

17 Panayotis Tournikiotis, Adolf Loos, Princeton Architectural Press, 2002, p. 36. https://leisuregallery.ca/vienna-diary-1-lina-loos-bedroom

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Fig. 9. Loos Adolf, chambre pour Lina et Adolf, 1903.

Hubmann Vass Architekten.

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Pour Loos, l’homme moderne est amené à refouler l’érotisme et ses pulsions par l’esthétisation et l’obstruction. La sensualité et l’instinct destructeur sont complices dans tout acte de création, le tout aboutissant à une finale dé-sexualisation. Celle-ci se traduit dans le travail de Loos par une grande radicalité, froideur moralisatrice et rationalisation à l’extrême. Une auto-restriction au plaisir, qui finalement laisse une maigre place à l’irrationalité et donc, à l’« expression paradoxale d’un désir interdit18 ». C’est donc bien dans le paradoxe qu’il le laisse évoluer.

La modernité masque les pulsions imposées. Entre le rationnel extrême et l’irrationnel ponctuel et imprévu, la culture est un équilibre. Une dichotomie radicale qu’il traduit nettement sur ses bâtiments : des extérieurs et des plans fonctionnels dénudés, opposés à des espaces intérieurs soignés, complexes, intimes et détaillés. La Villa Müller est cette contraction entre pureté fonctionnaliste et intimité luxueuse. Il opère une séparation radicale entre intérieur et extérieur, rationnel et irrationnel ; il pousse le dénuement jusqu’à effacer le bâtiment là où il s’implante, le rend banal et neutre, silencieux.

Cette utilisation du tacet architectural n’est pas anodin pour l’homme et la manière dont il est au monde. Il révèle des tendances systémiques inquiétantes, et interroge cet entre-deux paradoxal que l’homme contemporain est contraint de subir. Ces stimulations inhibitrices sont un réel danger pour l’homme, qui s’insensibilise radicalement à son monde. L’architecture de Loos est intrigante par le fait qu’elle ne s’impose pas comme une seule réponse.

Au contraire, l’ambivalence de ses œuvres propose deux démonstrations opposées, qui se rejoigne là où naît le désir, l’irrationnel et le rêve. C’est dans un silence paradoxal qu’il glisse une expérience sensée et sensible destinée à l’homme.

Le sujet est riche d’une philosophie et d’une littérature elle-même ‘radicale’, critique de situations problématiques de la condition humaine des sociétés modernes. Les réponses apportées sont extrêmes, jusqu’à amener l’artiste à son autarcie complète. Cette isolation, c’est s’affranchir finalement du soucis de contexte. On peut se demander si la maison de JeanPierre Raynaud est toujours de l’architecture, autant que la chambre de Lina Loos semble hostile à recevoir sa fonction même, celle de l’habiter. Nous pourrions ainsi questionner un silence moins radical qui laisse au temps et à l’esprit, toute la place de leur déploiement : celui de la pause.

18 L’architecture du fantasme, Adolf Loos et l’humour masochiste. Can Onaner, 2019. MetisPresses, Genève. p. 478.

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Soupir

Le souffle de l’esprit

En musique, le soupir est un signe a valeur d’une noire, un « temps » sur une portée qui exprime un silence. Le soupir, aussi appelé pause, peut être étendu ou raccourci (quart, huitième, seizième…). Sur la partition, il peut être représenté d’une simple virgule. En solfège, chaque figure de note correspond à une figure de silence.

Certains artistes n’ont pas attendu John Cage pour composer le silence. Erwin Schulhoff, compositeur et pianiste tchécoslovaque compose en 1919 In Futurum, le troisième mouvement de la suite pour piano Fünf Pittoresken. Il construit des rythmes et enchaînements très complexes brodés de silences de toutes natures. La partition est ponctuée de signes étranges, des nouveaux soupirs indiquants même quelle expression faciale arborer sur certains passages.

Le résultat obtenu est un long soupir frisant l’absurde. D’influence Dadaïste, il se distingue de son successeur Cage, qui lui souhaitait focaliser l’écoute sur l’entoure et établir un propos critique des pratiques de son temps. Schulhoff immerge l’instrumentiste et le public dans l’interprétation. Il focalise toute l’attention sur le jeu, sur le geste, sur les intervalles. Le soupir s’inscrit comme un souffle, le murmure retenu de l’émotion. Le public est absorbé par la complexité de la composition, il est suspendu du temps et de l’espace par la contemplation. Cette contemplation sonore révèle un état spirituel de la sensation.

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Fig. 10. Seeing the Sound of Silence in the Great War - Scientific Figure on ResearchGate. Fig. 2.

Erwin Schulhoff, In Futurum (copyright by Ries & Erler, published with kind permission) 27

Les espaces liturgiques ont une relation programmatique et concrète au silence. Les partis pris matériels sont au coeur des résultats obtenus. Les temples bouddhiques sont favorables à une utilisation de matériaux secs, peu absorbants et peu réfléchissants qui fonctionnent comme des filtres tandis que la pierre des églises possèdent des propriétés très réfléchissantes. Les lieux de culte christiques construisent le silence par une amplification paradoxale du phénomène sonore, l’individu est acteur du calme et du silence qu’il trouble. C’est une manière d’unifier l’expérience personnelle d’un espace à ses valeurs spirituelles. Les pratiquants se taisent, feutrent leurs pas pour ne pas troubler la grandeur du calme en place. Ils se plient à cette volonté supérieure, alors nous n’entendons que les soupirs de leurs prières.

Réalisée peu après la mort du peintre Rothko, la Chapelle Rothko regroupe les 14 toiles monochromes monumentales que le peintre a réalisé spécifiquement pour ce lieu. Elle met en lumière cette relation spécifique du contexte au silence. On voit un changement significatif dans sa peinture, qui se radicalise vers un traitement du plan global et opaque, monochrome. La chapelle exemplifie une relation programmatique de l’espace à l’œuvre picturale, une fonction assumée méditative, un lieu de paix intérieure directement lié au culte protestant américain. Les toiles manifestent la fonction de la chapelle, en sont le reflet. Elles communiquent directement avec l’espace d’exposition, qui est à l’origine de la direction qu’a pris l’artiste pour la production des œuvres. Le visiteur est appelé à parcourir la chapelle et les tableaux de telle manière à explorer son fort intérieur. Il entame une procession immobile : un déplacement spatial qui immortalise un instant, que l’œuvre picturale guide.

La lumière zénithale qui provient de la verrière du toit sert plusieurs objectifs : elle amplifie l’aspect divin du lieu par un rapport au ciel direct, et baigne l’espace central de lumière, tout en signifiant une temporalité du lieu. Alors, la noirceur monochrome des toiles revêtent un nouveau motif : celui du passage du temps. Cette valeur confère au lieu, synergique entre art et architecture, une qualité spirituelle nouvelle. Par l’expérience haptique et visuelle — sensorielle de la contemplation, l’individu se plonge dans un état méditatif et en tire un calme intérieur, une quiétude de l’âme.

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J’écris : Silence et Lumière. Le Silence n’est pas très, très calme. C’est quelque chose qu’on peut dire non lumineux ; non obscur. Non obscur, ce mot n’existe pas, mais pourquoi pas ? Non lumineux ; non obscur. Désir d’être ; désir d’exprimer.

On peut dire que c’est l’ambiance de l’âme, si on revient au-delà et que l’on pense à quelque chose où la lumière et le silence étaient ensemble, et le sont peut-être encore, séparés seulement pour la commodité du discours19.

Louis Kahn, protagoniste essentiel de la scène moderne architecturale, exprime la valeur spirituelle du silence, en association à celle de la lumière. Il confère au silence une capacité méditative de l’être, un besoin introspectif profondément ancré chez l’homme. Cette nécessité d’un temps de pause, de mise à l’écart des autres autant qu’un retour vers soi s’est longtemps manifesté par le biais des religions. Il manque néanmoins aux grandes villes des espaces calmes et vastes qui laissent la place à la méditation et au raffinement en dehors des lieux de culte. Friedrich Nietzsche formule cet appel à sublimer la réflexion et le temps à l’écart des villes20. C’est un appel au silence et une critique de l’église devenue obsolète, nous devons envisager l’architecture comme des poches de silence dans la ville industrielle.

19 Louis Kahn, Silence et lumière, 1996, DU LINTEAU, p.164.

20 Nietzsche, Friedrich. Le Gai Savoir. « Architecture pour ceux qui cherchent la conaissance » (p.

148-149). Traduction de «Die Fröhliche Wissenshaft (La Gaya Scienza)» (édition 1887) par Henri Albert (1869 - 1921). Édition électronique (ePub) v.: 1,0 : Les Échos du Maquis, 2011.

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Fig. 11. Intérieur de la Chapelle Rothko. Photographie par Paul Hester. Date inconnue.

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Les thermes de Vals réalisées par Peter Zumthor en 1996 mettent en scène matière et silence d’un geste contemporain unique. Gaston Bachelard pensait qu’il existe deux formes d’imagination : « une imagination formelle et une imagination matérielle21 ». Pour Zumthor, son imagination est celle des choses réelles, concrètes et des relations factuelles22.

L’eau, l’ombre et la lumière sont autant de matériaux concrets que la pierre et l’acier.

Finalement, il dessine les thermes comme une pure masse d’ombre et de silence au milieu d’un paysage pittoresque, dans lequel il glisse des touches de lumières, des infiltrations de son et de mouvement.

Montagne, pierre, eau – construire dans la pierre, construire avec la pierre, dans la montagne, construire hors de la montagne, être à l’intérieur de la montagne – comment les implications et la sensualité de l’association de ces mots peuventelles être interprétées, architecturalement23 ?

Il opère la rencontre par une typologie du creux et de la masse, de l’ouverture et de la compacité, du rythme, de la répétition et de la variation. Le plan qui en résulte est une succession rythmée de pleins et de vides. Il habite la masse pour abriter des cavernes intimes et introverties, arborant des colorimétries et des thématiques différentes, afin d’exprimer des états d’âmes divers : le bain de feu aux murs rouges, le bain de fleurs aux parois noires et aux senteurs de lavandes… servent l’expérience d’immersion et de suspension.

21 Bachelard, Gaston, 1983, L’ eau et les rêves : un essai sur l’imaginaire de la matière , trad. Edith R. Farrell (Dallas : Pegasus Foundation [1942 en français]), p. 1.

22 Zumthor, Peter, 1998, Thinking Architecture (Baden : Lars Müller).

23 Sensibilité suisse : La culture de l’architecture en Suisse, Peter Zumthor cité par Anna Roos, Birkhauser, 2017, p. 128.

Fig. 12. Zumthor, Peter. Croquis au fusin sur parchemin pour les Thermes de Vals.

1995.

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Fig. 13. Zumthor, Peter. Thermes de Vals. 1996. photographie par Fernando Guerra.

Cette accession spirituelle est demandeuse d’un investissement dans le temps. Giuseppe Penone nous invite à méditer sur la fugacité des choses. Avec le temps, le parfum enivrant des feuilles de lauriers de l’œuvre Respirare l’ombra se dissipe, elles se dessèchent, changent donc d’aspect, elles vieillissent. Cette profondeur grave amène le visiteur à se recueillir. Les sens relèvent le passage du temps, le silence naît du vide que son passage nous laisse.

Gaston Bachelard évoque le grenier ou la cave comme des lieux du mystère et de la mémoire24. La retenue des objets et leur mise en ombre traduisent ces lieux en attente, en pause. Manifestes d’états révolus, ils sont les lieux du repos de l’histoire et de l’âme.

Cette réflexion laisse une place particulière à la poésie, seule issue langagière à l’injonction des images. Claudio Parmiggiani oppose à cette tautologie artistique le mystère et un antique silence25. Garder le silence sur l’art, c’est laisser demeurer des questionnements tels qu’ils en alimentent le mystère. Ainsi, il propose le souffle, typologie du silence ambivalente, comme la véritable prospérité de l’œuvre. Le souffle de l’art est là que repose son histoire.

24 Bachelard, Gaston, et al. «La poétique de l’espace.» (1957): 2017.

25 Didi-Huberman, Georges. «Génie du non-lieu air, poussière, empreinte, hantise.» (2001). p.

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Fig. 14. Penone, Giuseppe. Respirare l’ombra. 2008. Palazzo Grassi, Venezia.

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Pour l’œuvre Delocazione, Parmiggiani choisit l’absence comme vocabulaire, « choix qui oriente le spectateur vers des territoires historiquement définis de la pensée26 ». De cette manière, il réduit le facteur d’interprétation que l’auteur effectue par la simple expression de celle-ci.

J’avais exposé des espaces nus, dépouillés, où la seule présence était l’absence […]. Un espace d’ombres, ombres de toiles décrochées des parois, ombres d’ombres, comme voir derrière un voile une autre réalité voilée et derrière cette autre réalité voilée une autre encore et d’autre voiles et ainsi de suite jusqu’à se perdre à l’infini, en cherchant une image et à travers cette image le désir de s’entrevoir soi-même27.

Parmiggiani fait évoluer son œuvre dans l’absence, la profondeur plastique du néant.

Elle acquiert son sens ultime en le soufflant au spectateur, un murmure intime, la parole prononcée de son silence. La cendre grasse laissée sur les murs est dans son immatérialité, une substance de l’âme. Cette poussière impure devient pure absence, accession spirituelle d’une visualisation de l’imperceptible qu’est le temps, au sein duquel évolue l’esprit.

Les sens s’emparent d’une plénitude acquise de la contemplation. L’esprit en pause effectue une mise à l’écart, et reflète par ses sensations le passage inévitable du temps.

En résulte une mise en abîme introspective, un murmure autonome que l’individu saisit pour en faire une véritable expérience décisive dans son évolution spirituelle. Cyclique, le souffle donne à l’homme une chance de se sentir complet au monde. Finalement, dans la disparition, il trouve la permanence.

26 Ibid. Didi-Huberman, Georges. p. 48.

27 Claudio Parmiggiani, Bresson-Lucas Anne, et Bresson-Lucas Michel. Stella sangue spirito.

Actes sud, 2004. p. 194-197.

Fig. 15. Parmiggiani, Claudio. « Ce qui reste », 2017. Auteur inconnu.

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Progression continue du silence Dans Paris, Capitale du XIXe siècle, Walter Benjamin structure son texte à la manière d’un véritable parcours dans le temps et l’espace28. Les passages parisiens, manifestes de l’évolution de la bourgeoisie parisienne au XIXe siècle, sont ces espaces protégés, couverts d’une verrière, de flânerie privatisés par des commerces et constituant des cocons protecteurs pour le piéton. Entre deux grands boulevards, le piéton s’extirpe d’un rythme et d’un brouhaha de la ville sur-stimulante pour y prendre son temps. Intérieurs, couverts, ornés… ils sont l’espace idéal du rêve et du spleen.

Ces nouvelles porosités, constituées d’entre-deux bâtis, sont créatrices de poches de silence au sein de la ville sous forme de vitrines. Le pas y est ralenti, l’individu reprend son souffle au sein d’un nouveau tracé, un nouveau parcours dans la ville qu’il traverse. À l’image d’une parenthèse, les passages parisiens sont une nouvelle progression continue du vide, une écriture parallèle de la ville qui s’embourgeoise.

Le philosophe est critique de cette nouvelle disposition urbaine corrélée à des bouleversements socio-historiques. Occasion d’étonnement esthétique et fascinant pour la mobilité qu’il engendre, le passage est la manifestation d’une utopie esthétique, politique et économique. La technique qui supplante désormais l’art, l’acier et le verre ont remplacé l’expression de la masse et de l’opacité, du secret que peut laisser planer l’ombre. Leur caractère même de cocon protecteur est problématique. Les passages restituent difficilement l’histoire de la ville en s’extirpant de celle-ci. Ils se muséifient et se figent par déni d’une séparation entre l’individu et la technique. Ces continuités parallèles se placent alors en ruptures urbaines, insensibilisant l’homme à son environnement. Leur expérience de la pause est globalisée, appauvrie et artificielle, et surtout déconnectée du monde. Le passage n’est plus que le théâtre vieillot de spéculations de la mobilité, le rêve a disparu.

Cependant, la passage porte toujours l’espoir d’un parcours du silence ancré dans la ville.

L’orient effectue un déploiement spécifique de cette progression de la pause dans l’espace. La méditation fait partie intégrante du quotidien de l’individu, et le paradigme du zen marque spatialement l’espace. Ce déploiement d’une accession spirituelle s’effectue par un travail d’unité de l’homme à son environnement, ontologie animiste, homme et nature ne font qu’un, et l’être se doit de tisser des continuités linéaires et ouvertes sur le système qu’il habite. Ainsi, le cheminement de la réflexion opère une sédimentation importante qui voit s’entremêler des liens organiques.

28 Benjamin, Walter. Paris, capitale du XIXe siècle. 1939. édition électronique réalisée à partir du texte de Walter Benjamin, Paris, capitale du XIXe siècle – in Das Passagen-Werk (le livre des Passages), Frankfurt am Main, Suhrkamp Verlag, 1982, pages 60 à 77.

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Fig. 16. Les passages parisiens : progression continue du vide. Production personnelle, croquis style à encre noire, 2021.

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Fig. 17. Ishigami, Junya. Chapel of Valey, 2018. Exposition Freeing Architecture à la Fondation Cartier pour l’art contemporain, 2018, Paris.

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L’art et l’architecture japonais mettent en scène ce flot de vie, ces entrelacs en mouvement constant du vivant à en faire vibrer les couleurs et les formes. Souvent très végétalisés, organiques, à l’image du parc ou du jardin, les endroits que l'architecte Junya Ishigami dessine sont calmes et invitent à l’introspection, la sérénité. Ces lieux interviennent dans la protection du caché, du secret, et de l’intime. Le paysage végétal fonctionne comme de multiples filtres, d’où la porosité extrême des espaces que dessine Ishigami entre intérieur et extérieur. Le résultat correspond à cette considération du tout comme environnement pour le vivant. Par analogie, le plein, l’épaisseur, la matière seraient des perturbations d’un silence environnemental. Junya propose d’inscrire ses projets dans des motifs linéaires, des continuités directes qui ne viennent pas perturber l’environnement du projet. C’est pour cela qu’il opère des interventions minimales, des propositions fines, légères.

L’architecte effectue un travail long, par sédimentations. Une démultiplication des couches, du dessin à la conception, qui permet une insertion plus fine dans l’environnement du projet. Cette sédimentation de longue haleine cherche aussi à capturer le temps qui passe, l’architecte suggère une expérience du temps. Ses espaces sont imprégnés de la spiritualité naturelle des lieux que sa finesse d’écriture révèle. Junya Ishigami crée des expériences à l’aspect méditatif. Afin d’aboutir à ces chemins méditatifs flottants, homogènes et symbiotiques, il prend l’élémentaire et lui fait rejoindre le divin par le mouvement, le défi structurel et la rencontre.

Sa réalisation en Chine de la Chapel of Valley exemplifie cette relation du projet à la nature. Ici, la chapelle fait paysage. Elle s’insère dans le sol par simple contact, elle s’y pose. Le paysage est seulement fendu par l’étroitesse du béton. Sans toit, exposé à l’air et aux intempéries, le bâtiment est à disposition du ciel et de la nature des changements du climat dans le temps. Par une ingénierie minutieuse, il pousse les limites de cette porosité entre intérieur et extérieur par un jeu d’écoulement de l’eau et de dépôt de lumière sur les parois. Cette écriture, qui est celle du pli, est aussi celle de la douceur, de la finesse et de l’humilité. À l’image des utopies de Christian de Portzamparc, Ishigami exprime par une grande puissance graphique une poésie architecturale du cheminement. Le grand lyrisme qui s’en dégage interpose puissance et légèreté, toute l’ambivalence du silence, d’un geste unique. Objet de tout un parcours dans les forêts de Shandong, le visiteur est amené à projeter son esprit depuis le sol et termine son chemin au ciel. Le cheminement spirituel traverse une palette de couleurs, de matières, de volumes divers, qui marquent une progression d’expérience dans le temps, reflet de ses perceptions. L’être s’y plonge pour retrouver sa propre quiétude. L’architecture d’Ishigami cherche l’esprit caché sous les sédiments expressifs d’une certaine géologie du silence.

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Le silence semble se manifester dans la douceur. Au Rolex Learning Center de Lausanne en Suisse, SANAA relativise l’angle sur l’ensemble des formes produites. Conjointement à Ishigami, le centre est contraint par un programme propice au calme et à la concentration. Ce besoin d’isolation, phonique mais aussi d’usage, a abouti à ces emplois de matériaux absorbants et du dessin de la pente, dans laquelle s’installe la personne en quête de silence. La lumière s’y dépose en épousant les courbes. La pause se manifeste par une synergie des formes spatiales et d’usage de ces formes. L’esprit suit l’immersion totale destinée au calme et à l’intimité qu’il lui est proposé. Ces deux architectes mettent en scène des filtres et des porosités qui construisent des nuanciers spatiaux. Le silence naît des vides, issus d’un vocabulaire de l’atténuation et de l’absorption. Le sol du Learning Center est couvert d’une moquette grise : chaleureuse et confortable, elle perpétue l’effort de douceur du dessin. Ce matériau traduit une volonté de feutrer l’espace.

Fig. 18. SANAA. Rolex Learning Center, Lausanne (Suisse). Photgraphie par Simone Bossi, date inconnue.

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Joseph Beuys utilisait ce vocabulaire absorbant pour son œuvre Plight, conçue pour la Galerie Anthony d’Offray à Londres en 1985 puis acquise par le Centre Pompidou à Paris. Il réalisa une installation au sein d’une pièce qu’il recouvrit de rouleaux de feutre, un matériau symbolique à titre personnel en réponse aux nuisances sonores causées par des travaux dans la galerie. Le caractère isolant thermique comme acoustique est signifié par le couvercle fermé d’un piano noir, recouvert d’un tableau noir et d’un thermomètre.

Plight évoque une polysémie entre contrainte et promesse sur la mise en pratique d’un véritable rite de passage29. Il crée un parcours : le spectateur doit se courber afin d’accéder à la pièce à l’issu d’un couloir resserré lui aussi feutré. Une fois entré, il découvre une atmosphère différente de l’endroit d’où il vient : chaud et protecteur, ce nouvel environnement est isolé et silencieux. L’artiste propose un nouvel environnement thermique et acoustique qu’il expose dès le titre. Sans issue, son installation invite à une réflexion sur le libre arbitre et la main-mise du créateur sur l’individu.

Avec Ishigami, Beuys formule une expérience d’extraction et d’isolation passant par un parcours ayant une finalité. C’est finalement ce que l’artiste critique : l’individu est l’objet d’une véritable expérience spirituelle mais à l’épreuve du temps car isolé du monde.

Elle est amenée à sa fin. En cela SANAA crée ce lien constant à la ville par l’inconstance des vues et de la topographie. L’architecture qui crée un nouveau paysage, en formule aussi un nouveau intérieur. L’entrelacement de ces deux parcours aboutit à une plénitude d’expérience et de continuité en rapport constant à son contexte. Par rapport au passage parisien, l’homme n’est plus extrait de son expérience, il est bercé et accompagné par le souffle créateur et la douceur des formes.

Nous avons questionné un silence de l’ordre du soupir. Celui-ci interroge un silence progressif. Cette progression du vide se traduit spatialement différemment d’un idéal à l’autre. Quand l’occident répond à la pause par l’isolement, l’Asie effectue un déploiement du tissage, de l’entrelacs. L’esprit et le corps sont soumis au parcours, qu’architectes et artistes dessinent tantôt par la courbe, le feutre… des formes de révélations de silences qui composent un nouvel environnement sensoriel relié à un imaginaire onirique. La pause est finalement créatrice de contexte corrélée à un paradigme dans lequel elle se construit.

29 Drugeon Fanny, Op. cit. Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou. 2007. Centre Pompidou, Paris.

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Fig. 19. Beuys, Joseph. Plight. 1985. Centre Pompidou, Paris, 2019. photographie par Fred Fehlau.

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Bruissement L’écoute du rêve

Nous avons interrogé deux teintes de silences : en partant d’un extrême tacet, nous avons exploré le soupir, la forme moins silencieuse de la pause, qui repose sur le souffle. Ces deux intensités silencieuses ont révélé leur qualité spirituelle et offert une certaine poésie de l’absence. Dans l'ambiguïté et la contradiction, nous cherchons cette forme finale, ou plutôt non-finale, du silence.

Les Klavierstücke («Morceaux de Piano») sont un groupe de 19 pièces musicales du compositeur Karlheinz Stockhausen, écrites entre 1952 et 2003. D’abord destinées au piano, les compositions évoluent pour le synthétiseur ou d’autres pratiques électro-acoustiques.

Les durées des compositions sont variables, d’une demi-minute à près d’une demi-heure.

Le compositeur définit un système d’écriture spécifique, sur une unique page, de 19 «fragments». Véritable labyrinthe pour le performeur, la composition obéit à un ensemble de règles qui rendent son interprétation unique en termes de durée, de rythmes, de hauteurs… Il relie les pièces par une attention fine portée à la grande et à la petite échelle.

Il focalise par sa musique de l’intuition et ses techniques sérielles les éléments, les fragments de chaque pièce, de manière à ce que chacun puisse être écouté indépendamment ou tout à la fois, comme un ensemble d’environnements musicaux, une constellations.

En plus de la mélodie de base, Stockhausen interrompt les formules musicales par des intervalles figuratifs et ornementaux, des bruits doux qu’il nomme « silences colorés30 ». En superposant ces intervalles, il forme une « toile contrapuntique ». Stockhausen superpose à la mélodie principale une écoute du silence. Il anime ce silence par des jeux de glissandi ou des accentuations de notes. Il crée l’emphase par des juxtapositions entre fragments polyphoniques, que l’on pourrait qualifier de torrents de bruits, et de ces silences colorés.

Par une saturation de son, ou une déformation poussée à l’ultime, le compositeur inverse l’écoute. Il recherche au sein d’une composition musicale dense le maigre espace laissé au silence. Il nous fait retenir notre souffle, et taquine ce frisson procuré par l’évaporation du son. Entre pauses, soupirs et simples atténuations, il fait varier des intensités de silences et construit cette écoute parallèle de l’inaudible. Cette nouvelle sensation murmurante se construit dans le son même.

30 Stockhausen, Karlheinz. 1988. Notes sur les oeuvres. In Albèra, P. (Ed.), Karlheinz Stockhausen. Montag aus Licht : Revue Contrechamps / numéro spécial. Éditions Contrechamps. doi :10.4000/books.contrechamps.1135

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Fig. 20. Stockhausen, Karlheinz. Klavierstücke (Morceaux de Piano). 1952-2003. partition.

Stockhausen construit par le biais de l’écoute de nouvelles images. Il se sert de l’environnement, de la dimension spatiale du silence pour évoquer un nouvel imaginaire poétique. L’écoute se transforme en verbe d’action, phénomène inscrit dans la dialectique de Bachelard qui définit une conscience active et une conscience imaginante31.

Par l’actif, celui d’écouter, l’être accède à cet espace de penser intérieur. Cet espace est celui de l’intimité qu’il qualifie d’immense. Le vaste lieu de l’être est l’accession à sa pure profondeur par des jeux de dilatations et de contractions des phénomènes qui l’entourent. La poésie est le support de ces jeux, qui étend la grandeur de l’imagination.

L'immensité est, pourrait-on dire, une catégorie philosophique de la rêverie.

Sans doute, la rêverie se nourrit de spectacles variés, mais par une sorte d'inclination native, elle contemple la grandeur. Et la contemplation de la grandeur détermine une attitude si spéciale, un état d'âme si particulier que la rêverie met le rêveur en dehors du monde prochain, devant un monde qui porte le signe d'un infini32.

L’homme méditant se plonge dans l’infini silence. Le poète pense le monde en l’écoutant, et effectue un ralentissement des phénomènes pour atteindre un stade réflectif de l’infini. Sous une sorte d’écologie de la pensée, cette poétique du rêve évoque une ontologie de l’invisible de de l’inaudible. Le lecteur se penche sur la source du mouvement à la genèse de sa pensée. Le souffle de Parmiggiani est l’élément fédérateur de l’art qui chez Bachelard, se distingue d’une absence de bruits par un silence ouvert. L’imagination est dynamique, et dans cette quête d’images, le sonore prime sur le visuel. En effet, sa déclaration « voir et entendre, ultra-voir et ultra-entendre, s’entendre voir et s’entendre écouter33 » évoque une finalité transcendante dans l’écoute, soit le but de toute activité poétique.

31 Gaston Bachelard. La poétique de l’espace. 1957. Paris : Les Presses universitaires de France, 3e édition, 1961, 215 pp. Première édition, 1957. Collection : Bibliothèque de philosophie contemporaine.

32 Ibid. « L’immensité intime » (Chapitre VIII). p. 209.

33 Op. cit. Gaston Bachelard. La poétique de l’espace. p. 208

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Il nous amène à interroger l’infiniment grand et l’infiniment petit. Ce monde approfondi demande l’écoute d’un microscopique sonore. Une attention ultime, une finesse d’écoute qui unit la hauteur et la profondeur. En un murmure, le poète nous donne accès à une audition du pré-sentiment, une pré-audition qui nous fait entrer dans « le monde des bruits impossibles34 ».

Le mouvement créatif à la naissance des choses est un chuchotement du conscient. Ce murmure n’est ni silencieux, et certainement pas sonore. Il est à la limite de ce qui est en mouvement, il bruit. C’est dans cette écriture de la contradiction des phénomènes que Barthes évoque ce bruissement de l’art, des choses, des textures, des filtres pour l’intime et le caché35. Le bruissement de la langue interroge en une série de textes cette forme de langage qui bruisse, un chuchotement qui émane du frottement de l’imagination, de l’hésitation, du questionnement. Un son impossible, trop parfait, ou l’idée d’une douceur productive, au cœur de la création. Tout geste de la création se fait dans un bruissement, le son nourrit le silence et réciproquement.

34 Op. cit. Gaston Bachelard. La poétique de l’espace. p. 203.

35 Roland Barthes. Le bruissement de la langue : Essais critiques IV. 1984. Paris, Éditions du Seuil, 2015. pp. 99-102.

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Le frémissement intime It becomes your experience est une exposition créée par James Turrell pour le Musée d’art de Nantes en 2018. L’œuvre Cherry est un espace immersif et autonome que l’on pénètre par un parcours aveugle pour vivre une expérience de la lumière. À l’intérieur, une couleur irradiant l’espace n'apparaît qu’après quelques instants passés dans l’obscurité totale. La lumière nous apparaît de manière floue et hypnotique, sans pouvoir la toucher, l’appréhender, elle semble irréelle. Sommes-nous en train de rêver ? Cette invitation au lâcher prise se réalise par une immersion vibrante depuis un parcours de désorientation vers un nouvel environnement perceptif. Turrell nous propose de nous réapproprier le temps et l’espace par le silence. L’immatérialité et le sensationnel de l’installation donne à investir une expérience spirituelle et méditative par une vibration irradiante, une onde de calme qui nous enveloppe et nous emmène vers notre immensité profonde.

Fig. 21. Turrell, James. Cherry. It becomes your experience, exposition au Musée d’art de Nantes, 2018.

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L’artiste est celui qui écoute ce qu’il interroge. Il va au plus prêt de la sonorité de la matière, d’où surgit l’inconnu. Claude Monet peint des songes entre lumière et matière par une lutte des éléments. La couleur chez Monet possède un rôle actif traduisant ces forces qui s’opposent. Sa sensibilité au violet est significative d’un trait personnel de l’artiste. Cette couleur porte l’expression de cette ultra-vue provenant de l’intimité profonde du peintre. Ses tableaux laissent à voir et à entendre la sonorité de la matière vibrante au contact de la lumière. La musicalité qui en ressort n’est autre que la sollicitation active des éléments sur le peintre. La pratique en extérieur lui imposant une dépendance au temps et aux forces naturelles, il est contraint de donner une grande fugacité à son œuvre, une intuition de l’instant qui donne cette richesse d'impression de continuité. Ces peintures remuantes sont une manifestation vibrante et bienfaitrice de la vie. Comme une seconde œuvre cachée, le frémissement pictural traduit l’invisible pré-sentiment de l’auteur.

L’emploi de la couleur chez l’impressionniste est aussi cette contraction des échelles de l’imagination. Elle matérialise à la fois une substance du songe de l’image, soit la qualité finale de la figuration, articulée au bruissement créatif des touches de l’artiste, traduisant hésitations, erreurs, et émotions internes. Cette technique souligne l’interaction des objets et formes entre eux. Comme le musicien imagine préalablement le son avant de le coucher sur la partition, comme toute œuvre architecturale provient d’abord d’une sensation, d’une sensibilité d’un architecte à un lieu, et à la naissance d’une image primaire, brute et pure, avant de mener au croquis.

Fig. 22. Monet, Claude. Water Lilies. 1915-1926. huile sur toile, 200 x 425,5 cm.

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Cette écriture chuchotante de la touche, nous la retrouvons dans l’architecture d’Ishigami. L’architecte utilise des concepts et dispositifs simples qu’il pose et insère à l’environnement. Attaché à l’art et l’histoire de l’art, le travail de l’architecte japonais s’ancre dans une culture de la sérigraphie et du Yamato-e. Il réalise une étude pointilliste et scientifique de la lumière tachetée : qu’il s’agisse de ses biotopes ou du centre universitaire de Kanagawa, qui nous rappelle d’ailleurs les emplois lumineux de Turrell, ce vocabulaire renvoie aux coups de pinceaux brisés par couleurs complémentaires de l’impressionnisme de Monet. La touche est un élément essentiel du travail d’Ishigami : rapide, comme une succession de virgules, elle apporte une instantanéité au geste architectural.

En 2019, il réalise pour la commune de Tochigi au Japon l’Art Biotop Water Garden. Originairement une prairie de rizières, il décide de faire parler l’histoire du lieu.

Comme à son habitude, il superpose les couches de composition du contexte en structurant une forêt à partir de techniques empruntées au fonctionnement des rizières. Il entrelace des paysages qui ne s’étaient jusqu’alors jamais rencontrés. Avec les éléments déjà présents, il effectue des permutations d’arbres, des écoulements pour remplir de petits étangs curviligne… sans ajout ni suppression de l’existant, il organise et compose un nouvel environnement naturel proche de la forêt.

Il utilise la vitesse d’écoulement du ruisseau à proximité dans les étangs afin de composer des sonorités diverses. Il crée alors une musicalité, un rythme poétique signifiant son intervention dans l’espace, révélant par ondulations son artificialité. La forêt de Tochigi nous marque pourtant par son intemporalité, alors même qu’elle est unique et inédite. Les motifs de lumières qui touchent l’eau depuis la cime des arbres caressant cette négociation nouvelles des éléments naturels.

L’immensité intime proposée par Bachelard ici frémit. La forêt porte en son sein la véritable signification d’expression de notre monde visuel. La lisière est une limite qui se perd : sans savoir où nous allons, nous nous enfonçons dans ce qui nous semble sans limite. Cette observation est applicable à l’esprit, dans une transcendance psychologique au-delà du vivant et du vécu.

Ishigami travaille à faire resurgir les impressions profondes de la forêt par le geste architectural. Il manipule le naturel pour le souligner de sa touche et lui faire accéder à cette immensité spatiale de l’esprit. De la couche de mousse qui tapisse de velours le sol à son voile resserré pour les yeux des feuillages, la forêt propose une intensité d’image de l’esprit tranquille et transcendé. La forêt bruit, sa tranquillité frissonne, animée de milles vies. Un frémissement qui ne peut déranger sa torpeur, « la forêt est un état d’âme36 ». L’intime forêt de l’homme est traversée de rayons, protégée par le sautillement d’ombres, dans une épaisseur qui l’agite et le dévoile. Une distance le sépare du monde, mais ne l’en isole pas. La jeune forêt d’Ishigami n’en est pas une. Sans histoire, elle vit au gré du temps dans le règne de l’imagination.

36

Op. cit. Gaston Bachelard. La poétique de l’espace. p. 213.

49

Fig. 23. Ishigami, Junya + Associates. Art Biotop Water Garden. Tochigi, Japon.

2019. photographie par Nikissimo Inc. 50

Conclusion Nous avons décliné un silence en trois outils d’expression. D’abord absolu, cet emploi s’est révélé manifeste d’un paradoxe ancré dans la philosophie moderne. Adolf Loos mit à l’épreuve ce silence afin d’exprimer un nouvel imaginaire du désir. Nonobstant l’accession à cette nouvelle spiritualité de l’œuvre, l’artiste est en proie à une isolation problématique. Nous nous sommes alors tournés vers le soupir, tissé par des continuités et des interprétations « moins silencieuses ». C’est par la poésie que nous avons ouvert une qualité temporelle du souffle dans le vécu de l’homme et de l’art. Ce souffle est à la frontière de ce que peut offrir l’immobilité. En interrogeant au contraire une certaine mobilité du silence, la forme infinie de l’immensité intime qu’évoque Bachelard s’est constituée. À la frontière du son, le bruissement de l’art est entre la légère vibration et l’extrême tranquillité pour l’âme. Il s’immortalise avec poésie, dans la forêt.

Le silence architectural se décline en cette palette complexe et difficile à définir. L’emploi de ce nuancier constituerait un accès à une phénoménologie silencieuse, à la remise en perspectives de l’expérience vécue du silence spatial.

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c’est un véritable bunker, un blockhaus qui se profile : peinte en kaki, la maison est recouverte de filets de camouflage et protégée par des barbelés et des projecteurs mobiles. Il emploie lui-même un vocabulaire architectural défensif : meurtrière, crypte, tour, mirador… Il décide finalement de mettre fin à tout cela en détruisant la maison, processus qu’il immortalisera par un reportage photographique et une dernière exposition des gravats dans 976 containers chirurgicaux au CAPC de Bordeaux. Véritable pionnier et référence, il inspirera de nombreux artistes et architectes, notamment Superstudio.

Quand j’ai pris conscience, en 1988, qu’elle était réellement terminée, cela a été un choc terrible, comme l’aboutissement d’une recherche, la fin d’une vie. Je n’ai pas voulu accepter que ma relation avec elle prenne fin, aussi, durant quatre ans, j’ai réfléchi sur le sens de cette « oeuvre » qui m’échouait comme si je devais en être le gardien jusqu’à ma mort. J’ai réalisé qu’étant unique elle méritait plus d’audace et d’égard que cette architecture parfaite, figée qu’elle était devenue – ce qui est le propre des objets d’art -, il me fallait lui faire subir un sort exceptionnel, digne d’elle.

Je décidai de la métamorphoser, de l’emporter ailleurs, de lui faire vivre une expérience absolue. Pour cela, elle devait se soumettre à une ultime transformation : la démolition1.

Ce processus long, c’est la recherche de l’esthétique d’un lieu idéal. Cet idéal se traduit par la pureté, qu’il matérialise par cette monochromie des surfaces de faïences. La lumière, la plus homogène possible, efface les volumes, les sommets de chaque objet que seuls les joints noirs qualifient. Ce matériau n’est pas choisit de manière anodine : Ce carrelage, blanc, basique, quinze sur quinze est quelque chose, je crois, qui fait vraiment partie de notre mémoire collective, on ne s’en rend pas compte, mais c’est un matériau que tout le monde connaît au XXe siècle, que tout le monde a rencontré ou rencontrera dans sa vie, simplement pour un séjour dans un hôpital. Et je vais même aller plus loin, sans vouloir être obsédant, mais je suis allé jusqu’à la morgue pour vérifier également qu’il était employé dans ces lieux, comme ça, qui ont besoin d’être nettoyés. Alors, ce matériau, au lieu de me faire peur, au lieu de me raconter des histoires, et tout ça, je me suis mis à l’aimer, à avoir une intimité avec lui, et la plus grande intimité que je pouvais réaliser, c’était de vivre avec2.

Le carrelage blanc immaculé apporte une touche hygiéniste et troublante au lieu. À l’image des hôpitaux, des morgues, ou des tombes des cimetières sud-américains, ce matériau semble contradictoire et inapproprié à un habitat. Une provocation volontaire que Raynaud apprivoise par une familiarisation forcée à la faïence. L’artiste simule sa propre mort, nous dit de passer notre chemin avec une certaine hostilité. Un cercueil de faïence qui permet à l’artiste de libérer toute sa puissance créatrice. Dans ce silence qu’il impose et dans lequel il plonge l’espace intérieur comme extérieur, il laisse toute parole à ses pensées. Les espaces ne semblent alors plus froids et aseptisés, et deviennent le miroir chaleureux de nos réflexions, de notre conscience et de cet idéal artistique.

L’artiste a vécu une marginalité volontaire. Un choix d’isolement procuré par cette architecture, dont la nécessité de pureté absolue traversait son œuvre. L’artiste a consacré 24 ans à cette maison, marquant une relation entre l’homme et ce lieu spécifique, conférant à son domicile une valeur spirituelle, celle d’être. La maison devient un lieu mental : dans sa solitude complète, il se retrouve.

La maison de Jean Pierre Raynaud: Construction Destruction 1969-1993, Michelle Porte Broché, Editions du Regard (6 octobre 2011), Paris 1

2

Ibidem.

Flecture iches de

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Expérience et pauvreté, Walter Benjamin (1933)

Origines, circonstances, morphologie de l’ouvrage L’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933 contraint l’auteur, Walter Benjamin, à s’exiler à Ibiza. Expérience et Pauvreté paraît le 7 décembre dans la revue « Die Welt Im Wort ». Ce texte participe aux thématiques qui animeront le philosophe toute sa vie : l’idée d’une nouvelle barbarie, et celle de la « scène de crime », qui traversa l’Europe et s’étenda sur le monde au XIXe siècle. L’ouvrage rassemble trois textes exprimant la vision d’une époque plongée dans la guerre, entre totalitarismes et industrialisation de masse.

Table des matières

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Résumé personnel du texte Expérience et Pauvreté L’auteur ouvre son essai par un conte, « Le laboureur et ses enfants ». Ce vieux laboureur au seuil de la mort raconte à ses enfants qu’il y aurait un trésor caché dans son vignoble. Sans jamais le trouver, il labourent cependant si bien la terre que les vignes mûrirent en abondance. De ce conte, on retiendra que c’est le fruit du travail et le partage de l’expérience qui sont les véritables trésors.

Pour l’homme moderne, la technique a bouleversé la nature de leurs expériences. « L’expérience a subi une chute de valeur » : conséquence directe de la guerre et de l’industrialisation, les hommes se sont appauvris en « expériences communicables ». Le monde est désormais marqué d’une barbarie. Cette barbarie a de positif de faire table rase, « recommencer depuis le début ». Mais elle déleste avant tout les hommes d’histoires, et de leur histoire. L’homme moderne habite la ville « sans laisser de traces », phénomène qu’il rapproche a l’utilisation du de l’acier et du verre notamment par Le Corbusier et Loos, un matériau « froid et sobre », « dur et lisse » sur lequel « rien ne peut être fixé ». Le philosophe a d’ailleurs en horreur le salon bourgeois et son inhospitalité. « Efface les traces ! » (Bertolt Brecht, Manuel pour habitants des villes) : la bourgeoisie adopte des manières qui ne leurs sont pas propres, et qui artificalisent et suppriment leur passage sur terre.

C’est un déclin, un dépérissement de l’aura, provoqué par l’intervention de la technique et la reproductibilité de l’art. Ce déclin est cependant ambivalent : il donne accès à tous l’opprtunité de recevoir une expérience désacralisée de l’art. L’homme survit à la culture, et se rebelle contre la barbarie.

Mots-clés de l’ouvrage Expérience, pauvreté, industrialisation, capitalisme, déclin de l’aura, communication, traces, bourgeoisie, philosophie, guerre, allemagne nazie, ambivalence, vie, moderne, homme, Benjamin, Walter, traducteur, conteur, histoire, passé, barbarie

Points de l’ouvrage qui concernent votre recherche « Le verre est [...] l’ennemi du secret » : Ce matériau est traversé, et rien ne peut s’y fixer. Le secret est une part d’intimité et une forme de communication privilégiée. Il appartient à l’individu, comme un trésor, qu’il ne partage qu’à un ou quelques élus. Le secret est en l’exigence de sa discrétion un chuchotement, un souffle violent qui peut renverser l’histoire. Or le verre interdit cette intimité d’expérience, cette communication silencieuse qui souhaiterait protéger une expérience, une histoire.

L’homme moderne et contemporain est stimulé de toutes part, dans un brouhaha incessant. De petits chocs qu’il va recevoir par saturation. L’homme est contraint de s’habituer et de subir cette sur-sollicitation, le rendant insensible aux expériences qui pourraient le bousculer réellement. Il se laisse pousser de part en part du monde sans s’interroger, sans se rebeller. Cette barbarie que revendique Benjamin désacralise tout, et plutôt que de répartir la richesse, elle répartit la pauvreté. Les hommes sont pauvres en expérience et ne savent plus raconter, comme ils ne savent plus s’ancrer au récit.

L’art a l’avènement de sa reproductibilité technique, l’ère de la culture des temps modernes ne laissent aucune place au silence, de peur que l’homme se réveille fort de ses expériences, et laisse une trace.

Mots-clés pour la recherche Secret, silence, stimulation, immédiateté, choc, saturation, insensibilité, culture, reproductibilité de l’art, aura, sacralisation, modernité, passages couverts parisiens.

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Automat (Edward Hopper), 1927.

HOPPER Edward, Automat. 1927. Huile sur toile, 71,5 x 91,5cm. Des Moines Art Center, Iowa (Etats-Unis)

Origines, circonstances, morphologie de l’ouvrage Né le 22 juillet 1882 et mort le 15 mai 1967, Edward Hopper s’inscrit comme figure majeure du réalisme américain, ce courant artistique rattaché à une représentation fidèle de la société et du quotidien. Ses tableaux, majoritairement des huiles sur toiles, sont imprégnés de la nostalgie d’une Amérique passée, alors partagée entre racines et modernité. Ces scènes quotidiennes représentent souvent des personnages esseulés et mélancoliques, effaçant les relations humaines.

Inspirant des générations de réalisateurs ou de photograohes, la simplicité des scènes peintes laissent en réalité une grande place au détail et à l’intériorité des personnages, plongés dans des états d’âmes presque métaphysiques.

Hopper aimait comparer ses travaux aux plans et cadrages cinématographiques. En effet, il suggère toujours des cadrages (simplement par la fenêtre ou la porte), qui se révèlent la fragmentation de l’image et donc de la scène ou de la pensée des personnages représentés. Ces représentations suspendent des moments sans résolution, accentuant cette thématique psychologique de son travail, un réalisme non pas conventionnel mais psychologique.

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Analyse de l’oeuvre Notre attention est immédiatement portée sur le personnage féminin, perdue seule dans ses pensées à la table d’un automate. Ces espaces standardisés américains de l’époque moderne faisaient la distribution automatique de boissons et collations, mais étaient aussi des lieux de convenance sociale pour les femmes travailleuses. Le mobilier standard, l’éclairage froid et régulier perçant le sombre monochrome du miroir, participent au silence et au malaise que semble vivre la femme esseulée. Mélancolie, solitude et froid glacial se dégagent du tableau, que seules une coupe de fruits et la chair volontairement éclairée par le peintre de la femme interrompent.

Le monde extérieur nous est dissimulé, nous laissant pleinement attiré par cette femme. Nous cherchons les raisons de sa peine et de son tourment, son histoire, et faisons alors acte de voyeurisme.

Finalement, Hopper brise l’intimité de la scène en laissant cette femme vulnérable dans cet endroit étrange, par ce cadrage qui la dépasse et l’espace public si lumineux qu’il efface même la nuit. Alors, le titre revêt son ambiguïté : parle-t-on toujours du lieu de cette scène, ou la femme serait-elle devenue à son tour automat, le monde moderne lui ayant retiré son intimité, son identité ?

Mots-clés de l’oeuvre Automat, automatique, femme, froid, mélancolie, solitude, introspection, standardiation, moderne, américain, interruption, secret, intimité, identité, fond, miroir, écran, éclairage artificiel, nuit, café, espace public, lieu, cadrage, réalisme, psychologie, vide, quotidien, modernité, tourment, étranger, inhumanité

Points qui concernent votre recherche Dans cette scène, la femme subit le silence qui l’entoure. La solitude dans laquelle elle se trouve est involontaire, et révèle en réalité sa grande vulnérabilité, ne pouvant jamais réellement faire ce silence intérieur. Malgré qu’elle soit plongée dans ses pensées, l’éclairage de sa chair, la typologie du lieu et l’attitude qu’adopte le spectateur - nous - la déshabille et supprime sa faculté de penser, son intimité, de vivre ce silence pleinement et consciemment. Cette expérience ne lui appartient pas, un déclin que les artistes constatent depuis l’angle de la modernité, l’ère industrielle et sa standardisation constante.

Ce constat est celui de l’aliénation urbaine : la ville moderne a etouffé l’identité individuelle au prodit son unification par cette saturation assourdissante, la transparence et la vitesse. Le silence relève de la masse, d’un certain poids opaque et immobile, antonyme des espaces contemporains.

Mots-clés pour la recherche Aliénation urbaine, expérience, opacité, masse, poids, immobilité, antonymie, intimité, secret, intériorité, penser, voyeurisme, volonté, appartenance, suppression, globalisation, unification, identité, saturation, transparence, vitesse.

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Orange and Yellow, Mark Rothko. 1956.

ROTHKO Mark. Huile sur toile, 231,14×180,34 cm. 1956.

Galerie d’art Albright-Knox, Buffalo (EU).

Origines, circonstances, morphologie de l’ouvrage Orange and Yellow est une peinture à l’huile faisant figurer deux aplats de couleurs rectangulaires : un jaune dans le tiers supérieur et un orange sur les deux tiers inférieurs. Le fond est d’un jaune-orange légèrement plus sombre et désaturé, agissant comme une séparation et un cadre, une marge entre les deux aplats. L’oeuvre est de grand format, un trait souvent partagé par les expréssionistes, qui s’adonnent à une représentation de grande échelle comme expression de l’énergie créative interne.

Mark Rothko (1903-1970) est, la première moitié de sa carrière, une figure emblématique de l’expressionnisme abstrait du XXe siècle, bien qu’il en ait toujours refusé l’étiquette. Il développe à la fin des années 1940 sa propre technique. En réaction à l’Action Painting expressionniste, accompagné notamment de Barnett Newman, il défend une pratique du Colorfield Painting, une peinture en champs de couleurs, un style reconnaissable par son utilisation d’aplats de couleurs vives, brutes et unies, créant des plans ininterrompus. Les aplats s’affranchissent de la perspective et se développent uniquement en plan. L’importance est donnée à la constance de forme et du processus et non à la gestualité, à l’action du pintre. La couleur est le sujet, elle n’est plus figurative.

Cette abstraction de la forme, cette exclusion de la figuration amène l’oeuvre à un stade méditatif.

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Analyse de l’oeuvre Orange and Yellow fait partie d’une série d’huiles sur toiles majeures et de très grand format.

Ici, Rothko inonde la toile de pigments purs, faisant subtilement varier les saturations et les intensités de couleurs pour provoquer des flots d’émotions et d’effets esthétiques. L’oeuvre semble irradiée d’une lumière chaude et douce : les surfaces fonctionnent en transparences sur ce fond plus terne, lumineuses.

Mots-clés de l’oeuvre Expressionisme, abstraction, couleur, orange, jaune, aplat, pigment, lumière, transparence, figuration, sujet, méditation, champs de couleurs, constance, processus, action painting, indéfinition, huile sur toile, grande échelle, format, énergie, saturation, intensités.

Points qui concernent votre recherche Par cette abstraction extrême, la couleur devient le sujet, l’épurant de toute forme. Rothko effectue une recherche du dénuement, du dégré zéro de l’expression, ayant pour effet de tendre à la peinture méditative des champs de couleurs. De cette manière, le sujet extérieur à l’oeuvre est appelé à y projeter ses propres émotions, tourments, à effectuer un travail introspectif.

Cette introspection, ce niveau méditatif qu’atteint l’oeuvre par l’abstraction pose un silence. Le silence n’est pas uniquement une production sonore du public, mais l’oeuvre semble donner matière au silence. Ces transparances qui fonctionnent comme une lumière lénifiante, homogène, inonde non seulement l’espace de la toile mais aussi celui de l’exposition par réflexion de la lumière. Silence aussi de la part de l’artiste, qui se met en retrait, par cette technique hostile à la gestuelle. La couleur est débarassée de l’objet et devient l’unique sujet de vision. Il déplace le centre d’intérêt, l’oeuvre est dé-personifiée.

Rothko est très influencé par la philosophie nietzschéenne, freudienne et jungienne, et croit au drame mythologique comme des images autro-réferentes dans l’inconscient collectif. Il donne une place toute particulière à la métaphysique, l’inconscient, la solitude et le rêve. Son art chercherait à soulager le fardeau du vide spirituel de l’homme moderne. L’expressionisme serait cette libération de l’énergie créatrice, de la création d’images et de symboles dessinant une nouvelle mythologie pour l’homme.

Mots-clés pour la recherche Méditation, métaphysique, épuration, dénument, degré zéro, matière, opacités, transparences, dé-personnification, retenue, retrait, introspection, espace, lumière.

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Ultimate Painting n°6, Ad Reinhardt (1960).

REINHARDT Ad, Ultimate Painting n°6 (Dernière peinture n°6). Huile sur toile, 153x153cm. États-unis, 1960.

Origines, circonstances, morphologie de l’ouvrage Ad Reinhardt (1913-1967) est vu comme le précurseur de l’art conceptuel et minimal.

Hostile à la figuration, il est souvent associé à l’expressionisme abstrait, bien qu’il en soit critique. Il s’affanchi de toute référence figurative, et fait évoluer sa peinture de formes géométriques à ce qui semblent être des monochromes. En fait, il s’agit plutôt de multiples nuances d’une même couleur.

La fin de sa carrière apporte ses oeuvres les plus connues : des peintures qui semblent noires, de même format et valeurs, qui laissent seulement entrevoir le motif ou la nuance. Il s’agit selon lui des « dernières peintures que l’on peut peindre ». Il donne une définition radicale de ses « Ultimate Paintings » : « une peinture pure, abstraite, non objective, atemporelle, sans espace, sans changement, sans référence à autre chose, désintéressée, un objet conscient de lui-même (rien d’inconscient), idéal, transcendant, oublieux de tout ce qui n’est pas l’art… » ( Iris Time , n°7, 10 juin 1963, à l’occasion de l’exposition de sept « Black Paintings » à la galerie Iris Clert, Paris).

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Analyse de l’oeuvre Derrière cette noirceur monochrome, nous peinons à distinguer les nuances qui révèlent la géométrie de l’oeuvre. Ce traitement global du plan vise à simplifier, à épurer toute figuration possible. Cette dernière peinture est celle de l’imperceptible, elle révèle ce que l’on ne voit pas. D’une grande radicalité, l’oeuvre elle-même disparait : l’art n’est plus, l’art en tant qu’art, qui ne laisse qu’une absence (Art-as-Art, Ad Reinhart, publié à l’origine dans Art International, VI, no. 10, Lugano, décembre 1962).

Mots-clés de l’oeuvre Noir, nuance, imperceptible, monochrome, couleur, géométrie, motif, plan, dernière peinture, épurer, pureté, forme, disparition, l’art-en-tant-qu’art, absence, controverse, valeurs, subtilité, composition, absolu, abstraction, expressionnisme, critique, figuration, suggestion, radical, ultime, pure, objective, atemporelle, sans espace, sans changement, immuable, auto-reférencée, désinteressée, self-conscient, idéal, transcendant, oubli

Points qui concernent votre recherche Cette peinture est entre autres, une recherche de l’absolu. Cherchant à faire disparaitre l’oeuvre, cette abstraction géométrique extrêmement radicale pose la retenue du peintre et de l’art lui-même. Le spectateur est donc laissé seul face au « rien » qui lui fait face. Une absence lui laissant l’espace de la toile et le temps de son regard pour trouver son vide intérieur. La peinture permet l’introspection, qui passe par un travail de silence profond. Silence provoqué par la profondeur, la figuration de l’imperceptible, et l’absence que laissent l’oeuvre. Il induit à son tour le méditatif, l’introspectif et l’intime.

D’une certaine manière, le silence prend corps dans l’opacité. Comme pouvait l’exprimer André Gide, mentionné par Walter Benjamin dans expérience et pauvreté : « chaque chose que je veux posséder devient opaque pour moi ». Quand l’on cherche à se représenter le secret, le caché, passé sous silence, l’on a tendance à tendre vers l’opaque, le sombre, la masse d’un mur. C’est un silence désincarné, mais que le visiteur peut posséder volontairement, l’espace et le temps qu’il veut.

Mots-clés pour la recherche Retenue, vide, rien, absent, intérieur, introspection, initimité, méditation, masse, opacité, poids, lourd, silence, secret, caché, sombre, désincarné, posséder, expérience, volonté.

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Fiche comparative Vers une abstraction du conscient : l’expressionnisme comme prise de corps du silence

Edward Hopper peint des scènes quotidiennes effrayantes de réalité. Critique de l’aliénation urbaine que vivent les hommes de son temps, il représente le silence et la solitude auxquels ils sont soumis par une figuration très précise des objets. Les personnages sont désincarnés, dépossédés de leur histoire. Le silence est réduit à la simple définition d’une absence ou d’une angoisse, il est révélateur de problèmes sociétaux de fond propres à la modernité.

L’abstraction expressionniste rend au silence sa valeur méditative, donne au sujet la pleine possession de son introspection par cette retenue de la figuration. Chez Rothko comme chez Reinhardt, cette retenue des sens et cette mise en retrait du peintre lui-même permet à l’imperceptible, à l’émotion de s’exprimer. Ils sont tous deux à la recherche de provocations métaphysiques, d’un réel travail immersif et introspectif.

Cependant, ces deux artistes contemporains l’un de l’autre se répondent en proposant deux visions différentes. Rothko travaille plutôt par des transparences, des aplats lumineux qui irradient la toile et qu’il met en relief par des nuances assez marquées, souvent en fardant un cadre, un fond, un contexte. Il laisse transparaître des compositions, une géométrie retenue mais toujours présente.

Reinhardt peint avec radicalité : les nuances et géométries sont à peine perceptibles, et c’est plutôt par une représentation de la masse, de couches opaques successives qu’il nous laisse rentrer dans la toile. Cette recherche de l’absolu, du degré zéro de l’art, d’une totale désincarnation de « tout » à la recherche du « rien » aura été et est encore très controversé.

Il semble alors que le réalisme pose un constat, tandis que l’abstraction s’installe dans ce constat et offre à l’individu une chance de saisir cette expérience méditative. Hopper anticipe, prévient l’individu de sa condition. Les expressionnistes le tirent de son insensibilité, de son aliénation.

Reinhardt reste cependant critique et non sans cynisme à l’égard de l’expressionnisme, dont il considère que son travail ne fais pas partie. Si l’on reprend les textes de Benjamin ou de Scheerbart à propos de la modernité et de la perte de valeur de l’expérience, il semble que les dispositifs spatiaux et architecturaux modernes ne soient pas propices à ce besoin intime, cette culture du secret, du silence. La « culture du verre » comme la nomme Scheerbart, dépossède l’individu des traces qu’il peut laisser dans l’espace qu’il habite. Cette tendance à l’oubli du maniérisme bourgeois artificiel,

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soumet le sujet à un silence qui n’est pas le sien mais celui des convenances. Le silence se cacherait bien dans la masse des choses, dans leur opacité et leur poids. Ainsi, quand Rothko traite le plan par ces transparences, permet-il au silence de s’installer réellement en l’individu, alors que figurent sur la toile des flots inhibant de couleurs saturées ?

Il s’agit d’étudier alors le contexte de l’œuvre. En effet, Reinhardt restait insatisfait du contexte dans lequel s’installait une œuvre, dans lequel elle pouvait être regardée, car son simple déplacement lui enlevait la majorité de sa valeur artistique. Rothko est exposé dans des salles standardisées, de cette tendance moderne et contemporaine des White Cubes, quatre murs blancs « aseptisés ».

La Chapelle Rothko met en lumière cette relation du contexte à l’œuvre. Réalisée peu après la mort du peintre, elle regroupe les 14 toiles monochromes monumentales que Rothko a réalisé spécifiquement pour ce lieu. On voit un changement significatif dans sa peinture, qui se radicalise vers des tendances ‘Reinhardt’ : un traitement du plan global et opaque, monochrome. Cette chapelle a pour programme une fonction assumée méditative, un lieu de paix intérieure directement lié au culte protestant américain. Ce lieu est donc un lieu de recueillement, et un lieu par définition de silence et d’introspection. Les toiles manifestent la fonction du lieu, et en sont le reflet. Elles communiquent directement avec l’espace d’exposition, qui est à l’origine de la direction qu’a pris l’artiste pour la production des œuvres.

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FICHE DE LECTURE 4’33’’, John Cage (1952)

Origines, circonstances, morphologie de l’ouvrage En 1952, John Cage compose 4’33’’. L’oeuvre qui devait originalement s’appeler « Silent Prayer » est ouverte à n’importe quel instrument, cette composition est une critique des musiques générées industriellement et de la musique d’ambiance alors très répandue et polluante. Ces 4 minutes et 33 secondes évoquent la durée moyenne d’un morceau de musique industrielle de l’époque. Les trois mouvements ne comportent qu’une indication du compositeur : Tacet (il se tait). Au lieu d’une succession assourdissante de rythmes et mélodies, il propose un long silence.

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Analyse de l’oeuvre L’environnement n’est plus un réceptacle passif que l’on peut ignorer. Il devient le matériau des réflexions architecturales et musicales de l’époque de Cage. Le silence est reconsidéré, les auditeurs se plongent dans une écoute active de leur environnement, des relations à leur corps mais aussi de leur rapport aux autres. Ce long silence permet de focaliser l’écoute sur l’invisible, les sons qui ne se remarquent pas, dissimulés dans la cacophonie du quotidien. Les hommes sont immergés dans un monde de sons, qui progresse en un monde de bruit, en constante augmentation, devenant assourdissant.

Cage s’inscrit dans la continuité de Satie et de Shönberg, « My Music is not lovely » : de nombreux praticiens ne recherchent pas le plaisant, mais une réflexion critique sur la production de formes artistiques. Leur art cherche à s’assujettir de la forme et de tout autre paramètre qui le constituerait en dehors de sa nature propre.

C’est une considération de la musique comme un ornement de l’espace architectural qui interroge les modes d’écoute, la place de la musique dans nos quotidiens, et la fonction utilitaire de l’art. Il ne s’agit pas d’être pessimiste sur ces nouveaux paradigmes mais de les observer pour les comprendre, et les saisir à des fins d’exploration. La musique vient souligner, accompagner ou questionner l’espace. Elle porte une fonction utilitaire indépendante du programme architectural. Cage utilise le son comme un véritable matériau musical.

Mots-clés de l’oeuvre Tacet / silence / focalisation d’écoute / environnement / sujet / individu / son / musique / John Cage / Muzak (muzak) / paradigme d’écoute / industrialisation / Adorno / Harendt / 4 minutes et 33 secondes / partition / dodécaphone / Imaginary Landscapes / Silent Prayer / prière ? / sacralisation ? / modernité

Points qui concernent votre recherche Cage s’inscrit dans un décalage : digne successeur d’Erik Satie et de sa Musique d’Ameublement, il pousse humour et subversion pour critiquer son époque. Individualisme et industrialisation de l’art, l’artiste américain propose avec 4’33’’ une expérience qui plonge l’individu dans une expérience tout à fait paradoxale. L’absence de son révèle en réalité le bruit. En fait, l’individu est confronté à son expérience et ses perceptions propre, mais partage aussi cet environnement avec les autres auditeurs. Il est mis face à une forme invisible, l’insaisissable de la vie moderne qui évolue constamment dans le son.

Le silence se place constamment dans cette évolution paradoxale, ce rapport d’ambiguïté et de mise en tension. Visible et invisible, ombre et lumière, John Cage met en lumière ce contraste délaissé des pratiques quotidiennes. Particulièrement dans la ville moderne, marquée par une croissance en ébullition et une course au progrès effrennée, le silence est absent des expériences et des pratiques spatiales.

C’est le laissé place à l’aléatoire, au vide, une totale reconsidération de ce qu’est la musique et ce qu’elle représente. 4’33’’ est multiple : manifeste, tube de l’année, oeuvre prototype ou expérimentale critique, écologique, une performance métaphysique, une prière, une plaisanterie, seulement un bout de papier blanc, n’est rien (0’00’’), est tout (un absolu). Elle est même plagiée : en 2002, le groupe The Planets place la piste A One Minute Silence sur son album Classical Graffiti et mentionne « Batt/Cage » dans les crédits. Les ayants droit de John Cage l’attaquent pour plagiat de 4′33″. L’affaire se conclut à l’amiable.

Mots-clés pour la recherche CAGE (John), Confessions d’un compositeur / A Composer’s Confessions, [A Composer’s Confessions], traduit de l’anglais par Élise Patton, Paris, Allia, [1948, 1992, 2011-2012] 2013.

John Cage, ‘‘4’33’’’’, 1952.

Le silence existe-t-il ? Quelle relation le silence permet-il de percevoir entre l’intériorité et la relation au monde, à l’autre ? Passage obligé par les mots, les gestes et la musique de John Cage, et la résolution d’une contradiction apparente entre l’impossibilité et la nécessité du silence.

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École Nationale Supérieure d'Architecture de Marseille Séminaire Architecture Art Philosophie : Des dispositifs géosensibles Christian Leclerc, Emmanuel Breton

BONNIN MANON

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FICHE DE LECTURE

Klavierstücke (Karlheinz Stockhausen)

STOCKHAUSEN Karlheinz, Klavierstüvk XI, partition pour piano. 1956.

Origines, circonstances, morphologie de l’ouvrage Les Klvierstücke («Mocreaux de Piano») sont un groupe de 19 pièces musicales du compositeur Karlheinz Stockhausen, écrites entre 1952 et 2003. D’abord destinées au piano, à partir de la XV, les compositions évoluent pour le synthétiseur ou d’autres pratiques électro-acoustiques.

Les durées des compositions sont variables : d’une demi-minute pour Klavierstück III à près d’une demi-heure pour les morceaux VI, X, XIII et XIX. Stockhausen a composé les morceaux par groupe. Le Klavierstück XI marque un tournant dans la série de l’auteur par sa structure mobile, polyvalente. Le compositeur définit un système d’écriture et une représentation graphique unique, sur une simple page, de 19 «fragments». Véritable labyrinthe pour le performeur, la composition obéit à un ensemble de règles qui rendent son interprétation unique en termes de durée, de rythmes, de hauteurs, de dynamiques, de marquage du tempo...

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Analyse de l’oeuvre Stockhausen, comme de nombreux praticiens, ne recherche pas le plaisant mais une réflexion critique sur la production de formes artistiques. Arnold Schönberg pestait à Hollywood, « My music is not lovely » : son art cherche à s’assujettir de la forme et de tout autre paramètre qui le constituerait en dehors de sa nature propre. Le compositeur cherche ici non pas à proposer du plaisant, il dépasse l’esthétique musicale de son temps marquée par un avènement des techniques d’enregistrement et de la musique populaire. Karlheinz Stockhausen propose ici des structures composées depuis des techniques sérielles, accompagnées d’un savoir théorique très précis.

En fait, l’auteur relie les pièces par une attention fine portée à la grande et à la petite échelle. Il recherche ‘le plus grand’ équilibre structurel. Il focalise par sa musique de l’intuition et ses techniques sérielles les éléments, les fragments de chaque pièce, de manière à ce que chacun puisse être écouté indépendemment ou tout à la fois, comme un ensemble d’environnements musicaux, une constellations.

Mots-clés de l’oeuvre Klavierstücke, morceaux de piano, structures, sériel, fragments, écoute, focaliser, échelles, intuition, réflexion critique, production de formes, musique, électro-acoustique, environnements, constallation, éléments, équilibre, groupe, variable, polyvalence, mobile, systèmes graphiques

Points qui concernent votre recherche Les Klavierstücke mettent en oeuvre des structures complexes aux sonorités riches. Dans les Klavierstücke XII à XIX, il propose une composition de formule de Licht, un cycle d’opéra. En plus de la mélodie de base, Stockhausen interromp les formules musicales par des intervalles figuratives et ornementales, des bruits doux qu’il nomme « silences colorés ». En superposant ces intervalles, il forme une « toile contrapuntique ». Stockhausen superpose au son du piano, la mélodie principale, une écoute du silence, duquel il fabrique sa propre mélodie. Il anime ce silence par des jeux de glissandi ou des accentuations de notes. Il crée l’emphase par des juxtapositions entre fragments polyphoniques, que l’on pourrait qualifier de torrents de bruits, et de ces « silences colorés ». Au cours de la composition XIII, le compositeur pousse ses « superformules » et engage un processus de compressions extrêmes qui détruisent la forme au point qu’elle ne soit plus perceptible afin de provoquer le silence et le son immobile.

Ainsi, par une saturation de son, ou une déformation poussée à l’utltime, Karlheinz Stockhausen inverse l’écoute. Il recherche ce degré zéro du son, le néant et le vide pourtant au sein d’une composition musicale très dense et riche, polyphonique. Il nous fait retenir notre souffle, une retenue des sens, une neutralisation de l’écoute.

Mots-clés pour la recherche Néant, vide, silence, saturation, compression, mélodie, juxtaposition, accentuation, animer, silence coloré, contrepoints, intervalles, segments, polyphonie, bruits, destruction, degré zéro, neutralisation, retenue, anéantissement, écoute, perceptibilité, inversion, immobilité, écriture musicale, système graphique, représentation, interprétation, formule

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Jean-Pierre Raynaud : de l’idéal à la solitude 1969-1993 : La maison à La Celle-Saint-Cloud, construction et destruction, vingt-quatre ans de recherche sur l’espace.

En 1969, Jean-Pierre Raynaud opère des changements radicaux : à peine propriétaire d’une maison dans la ville de La Celle-Saint-Cloud, il divorce de sa femme mais garde la propriété pour en faire son centre d’art dédié privé. Disant rejeter la vie moderne classique, sa routine de stimulations insensibles et son bruit constant, il s’enterre et s’isole pour se « réapproprier le sens de [son] corps ». Progressivement, il carrelle l’ensemble de la maison, du sol au plafond, chaque mur, le mobilier même, de faïences carrées blanches de 15x15cm. L’ensemble de la maison est recouverte de ce matériau unique et omniprésent, l’espace est dénudé, unifié.

Il y développe son art avec profusion, et y invite des amis pour témoigner de son travail. Pourtant, le 1er septembre 1988, il s’enferme définitivement et refuse la visite de quiconque. Cet isolement, qui dura 6 ans, fut pour lui une révélation et une expérience unique et inédite d’introspection et de création. Seul lui pouvait être spectateur du parcours de la lumière sur les parois. Cette décision accompagnait aussi le désir d’une protection des agressions du monde extérieur. Finalement,

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c’est un véritable bunker, un blockhaus qui se profile : peinte en kaki, la maison est recouverte de filets de camouflage et protégée par des barbelés et des projecteurs mobiles. Il emploie lui-même un vocabulaire architectural défensif : meurtrière, crypte, tour, mirador… Il décide finalement de mettre fin à tout cela en détruisant la maison, processus qu’il immortalisera par un reportage photographique et une dernière exposition des gravats dans 976 containers chirurgicaux au CAPC de Bordeaux. Véritable pionnier et référence, il inspirera de nombreux artistes et architectes, notamment Superstudio.

Quand j’ai pris conscience, en 1988, qu’elle était réellement terminée, cela a été un choc terrible, comme l’aboutissement d’une recherche, la fin d’une vie. Je n’ai pas voulu accepter que ma relation avec elle prenne fin, aussi, durant quatre ans, j’ai réfléchi sur le sens de cette « oeuvre » qui m’échouait comme si je devais en être le gardien jusqu’à ma mort. J’ai réalisé qu’étant unique elle méritait plus d’audace et d’égard que cette architecture parfaite, figée qu’elle était devenue – ce qui est le propre des objets d’art -, il me fallait lui faire subir un sort exceptionnel, digne d’elle.

Je décidai de la métamorphoser, de l’emporter ailleurs, de lui faire vivre une expérience absolue. Pour cela, elle devait se soumettre à une ultime transformation : la démolition1.

Ce processus long, c’est la recherche de l’esthétique d’un lieu idéal. Cet idéal se traduit par la pureté, qu’il matérialise par cette monochromie des surfaces de faïences. La lumière, la plus homogène possible, efface les volumes, les sommets de chaque objet que seuls les joints noirs qualifient. Ce matériau n’est pas choisit de manière anodine : Ce carrelage, blanc, basique, quinze sur quinze est quelque chose, je crois, qui fait vraiment partie de notre mémoire collective, on ne s’en rend pas compte, mais c’est un matériau que tout le monde connaît au XXe siècle, que tout le monde a rencontré ou rencontrera dans sa vie, simplement pour un séjour dans un hôpital. Et je vais même aller plus loin, sans vouloir être obsédant, mais je suis allé jusqu’à la morgue pour vérifier également qu’il était employé dans ces lieux, comme ça, qui ont besoin d’être nettoyés. Alors, ce matériau, au lieu de me faire peur, au lieu de me raconter des histoires, et tout ça, je me suis mis à l’aimer, à avoir une intimité avec lui, et la plus grande intimité que je pouvais réaliser, c’était de vivre avec2.

Le carrelage blanc immaculé apporte une touche hygiéniste et troublante au lieu. À l’image des hôpitaux, des morgues, ou des tombes des cimetières sud-américains, ce matériau semble contradictoire et inapproprié à un habitat. Une provocation volontaire que Raynaud apprivoise par une familiarisation forcée à la faïence. L’artiste simule sa propre mort, nous dit de passer notre chemin avec une certaine hostilité. Un cercueil de faïence qui permet à l’artiste de libérer toute sa puissance créatrice. Dans ce silence qu’il impose et dans lequel il plonge l’espace intérieur comme extérieur, il laisse toute parole à ses pensées. Les espaces ne semblent alors plus froids et aseptisés, et deviennent le miroir chaleureux de nos réflexions, de notre conscience et de cet idéal artistique.

L’artiste a vécu une marginalité volontaire. Un choix d’isolement procuré par cette architecture, dont la nécessité de pureté absolue traversait son œuvre. L’artiste a consacré 24 ans à cette maison, marquant une relation entre l’homme et ce lieu spécifique, conférant à son domicile une valeur spirituelle, celle d’être. La maison devient un lieu mental : dans sa solitude complète, il se retrouve.

La maison de Jean Pierre Raynaud: Construction Destruction 1969-1993, Michelle Porte Broché, Editions du Regard (6 octobre 2011), Paris 1

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Ibidem.

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Junya Ishigami : imprégner l’espace de silence En 2018 à Paris, la Fondation Cartier pour l’art contemporain donne carte blanche à Junya Ishigami pour réaliser une exposition de ses œuvres architecturales. Dans ce complexe réalisé par Jean Nouvel, l’architecte japonais crée un parcours atypique entre maquettes préparatoires et esquisses picturales. Selon lui, la multitude des points de vue, de liens et de lieux actuels exige de l’architecte une capacité à répondre à une grande diversité de sujets depuis une approche diversifiée et libre. Libérer l’architecture; c’est sur cette réflexion que nait le nom de cette exposition : Freeing Architecture.

L’architecte effectue un travail long, par sédimentations. Une démultiplication des couches, du dessin à la conception, qui permet une insertion plus fine dans l’environnement du projet. Cette sédimentation de longue haleine cherche aussi à capturer le temps qui passe, l’architecte suggère une expérience du temps. Ses espaces sont imprégnés de spiritualité.

Junya Ishigami utilise des concepts et dispositifs simples qu’il pose et insère à l’environnement. C’est une écriture de la touche, que l’on retrouve jusque dans la représentation du projet. Il réalise une étude pointilliste et scientifique de la lumière tachetée : qu’il s’agisse de ses biotopes ou du centre universitaire de Kanagawa, ce vocabulaire rappelle les coups de pinceaux brisés par couleurs complémentaires de l’impressionnisme, de Monet à Seurat. La complémentarité des couleurs et lumières opère le mélange optique nécessaire à l’oeil pour révéler des formes qu’il connait. Cette technique révèle l’interaction des objets et formes entre eux. La touche est un élément essentiel de l’impressionnisme et du travail d’Ishigami : rapide, comme une succession de virgules, elle apporte une instantanéité au geste pictural. L’impressionnisme se passionne du changement des lumières et des couleurs selon les saisons, et recherche une certaine pureté et clarté des formes.

Attaché à l’art et l’histoire de l’art, le travail d’Ishigami s’ancre dans une culture de la sérigraphie japonaise et du Yamato-e. De nombreux impressionnistes ont autrefois loué l’art japonais et le travail de l’estampe. Entre autres, Pissarro en a tiré une grande inspiration, et nous pourrions nous interroger sur une origine japonaise de l’impressionnisme. Il est pourtant avéré que l’impressionnisme nait en Europe d’une réaction au dessin académique, un dessin du trait et d’une certaine négation du banal et du naturel. La civilisation occidentale considère une distinction entre le fait de nature et de culture, autrement dit, entre l’humain et le non humain.

Cette vision naturaliste diffère de la vision plus animiste de l’Asie orientale et des pratiques bouddhiques. Celleci considère que nature et culture forment un tout, une ligne de vie que seule la corporalité physique différencie (Philippe Descola). L’art japonais met en scène ce flot de vie, ces entrelacs en mouvement constant du vivant à en faire vibrer les couleurs et les formes.

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L’idée du cheminement et de la sédimentation, ainsi que la liberté créative de l’enfance s’imposent comme fondements solide de l’identité architecturale d’Ishigami. Il utilise la touche pour appuyer ses intentions. Le son est une perturbation du silence, autrement dit son et silence fonctionnent par complémentarité, comme des pleins et des vides. Alors par analogie, le plein, l’épaisseur, la matière seraient des perturbations du silence.

Junya propose d’inscrire ses projets dans des motifs linéaires, des continuités directes qui ne viennent pas perturber l’environnement du projet. C’est pour cela qu’il opère des interventions « minimale », des propositions fines, légères. Il « pointille » l’environnement de petites touches colorées et organiques.

Souvent très végétalisés, organiques, à l’image du parc ou du jardin, ces endroits sont calmes et invitent à l’introspection, la sérénité. Ces lieux interviennent dans la protection du caché, du secret, et de l’intime. Le paysage végétal fonctionne comme de multiples filtres sonores, qui prennent tout leur sens dans l’espace privé de la maison ou de l’université… d’où la porosité extrême des espaces que dessine Ishigami entre intérieur et extérieur. Le résultat correspond à cette considération du tout comme environnement pour le vivant.

Junya Ishigami crée des expériences à l’aspect méditatif. Afin d’aboutir à ces chemins méditatifs flottants, homogènes et symbiotiques, il prend l’élémentaire et lui fait rejoindre le divin par le mouvement, le défi structurel et la rencontre. D’ailleurs, une porosité radicale, physiquement palpable marque la plupart de ses œuvres.

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Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Marseille Master – Séminaire AAP - 2021 C. Leclerc, E. Breton

Charte de non-plagiat

(à joindre, signée, en annexe du mémoire)

La présente charte a pour but : − de sensibiliser les étudiants à la question du plagiat et à sa définition − de préciser les éventuelles conséquences sur leur parcours universitaire − de garantir la qualité des diplômes délivrés ainsi qu’à permettre leur valorisation.

Article 1 : définition Toutes les œuvres de l’esprit sont protégées par le droit d’auteur conformément à l’article L112-1 du code de la propriété intellectuelle et cela quelle que soit leurs formes (texte, production littéraire, graphique, image, …). Le fait de copier tout au partie du contenu d’une œuvre protégée à des fins d’insertion dans sa production personnelle (mémoire, thèse, devoir,…) ou de documents, de cours ou de mémoires produits par d'autres étudiants, sans mettre entre guillemets les passages empruntés et sans citer l’auteur de l’œuvre (dans le corps du texte ainsi que, le cas échéant, dans la bibliographie) est constitutif d’un plagiat.

Article 2 : Sanctions L’étudiant soupçonné d’avoir réalisé un plagiat peut être déféré devant la section disciplinaire de l’établissement dans lequel les faits qui lui sont reprochés ont été commis conformément règlement des études de l'établissement et au décret n°92-657 du 13 juillet 1992 modifié ainsi qu’aux articles R712-9 à R71246 du code de l’éducation. Les sanctions encourues sont les suivantes : avertissement, blâme, exclusion temporaire ou définitive de l’établissement dans lequel l’étudiant est inscrit, exclusion temporaire ou définitive de tout établissement public d’enseignement supérieur.

Le déferrement devant la section disciplinaire peut être couplé, le cas échéant, de poursuites judiciaires dans le cas où le plagiat serait constitutif d’une contrefaçon conformément aux articles L335-2 et L335-3 du code de la propriété intellectuelle.

Article 3 : Engagement Je soussigné(e), Nom : Bonnin Prénom : Manon Etudiant à l'Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Marseille Année universitaire : Niveau d’études (Licence ou Master) : Master 1 (4ème année) Semestre : S7 Titre du mémoire : Des nuances de silence en architecture − Déclare avoir pris connaissance de la définition du plagiat et des moyens de l’éviter. − Certifie qu’il s’agit d’un travail original et que toutes les sources utilisées ont été indiquées dans leur totalité. − Atteste que je n’ai ni recopié, ni utilisé des idées ou des formulations tirées d’un ouvrage, article ou mémoire, en version imprimée ou électronique, sans mentionner précisément leur origine et que les citations intégrales sont signalées entre guillemets. − Conformément à la loi, le non-respect de ces dispositions me rend passible de poursuites devant la commission disciplinaire et les tribunaux de la République Française.

Fait à Marseille Signature :

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Mer. 05/01/2022

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