Généalogie Spatiale du Silence, L'émotion architecturée comme pensée tacite

SÉMINAIRE MURMURATION ARCHITECTURE, ART, PHILOSOPHIE SEMESTRE 2 • ENSA MARSEILLE • PRINTEMPS 2022

GÉNÉALOGIE SPATIALE D U S I L E N CE L’ÉMOTION ARCHITECTURÉE COMME PENSÉE TACITE

MANON BONNIN Sous la direction de Christian Leclerc et Emmanuel Breton

SÉMINAIRE MURMURATION ARCHITECTURE, ART, PHILOSOPHIE SEMESTRE 2 • ENSA MARSEILLE • PRINTEMPS 2022

GÉNÉALOGIE SPATIALE D U S I L E N CE L’ÉMOTION ARCHITECTURÉE COMME PENSÉE TACITE

MANON BONNIN Sous la direction de Christian Leclerc et Emmanuel Breton

REMERCIEMENTS À Christian Leclerc, ainsi qu’Emmanuel Breton, qui ont su accompagner et motiver mon travail par leur érudition et leur bienveillance. Je remercie aussi mes camarades de séminaire, particulièrement Aurore Kwasniak, avec qui partager nos doutes fut bénéfique.

SOMMAIRE 9

9 11

16 17 24 32

34 35 42 58

60

INTRODUCTION UNE PENSÉE TACITE LE TRÉSOR DE L’OMBRE

I « UN HOMME AVEC UN LIVRE VA VERS LA LUMIÈRE » DÉSIR D’APPRENDRE LE BÂTIMENT PAYSAGE OUVRIR LE SILENCE

II « J’AIME LES COMMENCEMENTS » DÉSIR DE VIVRE LE JARDIN TRANQUILLE INSUFFLER LE REPOS

III « LE SILENCE N’EST PAS TRÈS, TRÈS CALME »

61 68 76

DÉSIR D’ÉDIFIER GÉOLOGIE DU SILENCE ARCHÉOLOGIE DU TROUBLE

80

CONCLUSION

80

GLOSSAIRE

87

BIBLIOGRAPHIE

87

GLOSSAIRE ET ANNEXES

87

CHARTE DE NON PLAGIAT

INTRODUCTION UNE PENSÉE TACITE Le silence dans sa nature physique n’est jamais vraiment perceptible : seul le vide sidéral en permettrait l’expérience; or aucun être vivant ne peut s’y exposer. Il n’est ni représentable, ni saisissable. Objet d’angoisse pour certains, de paix pour d’autres, le silence façonne un imaginaire du mystère et du sacré, tantôt vénéré, tantôt chassé.

Dans nos sociétés contemporaines, sa préciosité est reconsidérée, en contrepoint du son incessant de nos villes. Ce contrepoint est essentiel à sa définition. Dans un rapport antagoniste constant, il s’inscrit dans un jeu d’intervalles, d’entre-deux du son.

L’espace n’est pas qu’une organisation de pleins habités, mais aussi de vides. L’architecture résulte de l’expérience contradictoire du plein et du vide, de la lumière et de l’ombre, du son et du silence.

Les silences architecturaux entretiennent une relation paradoxale à l’expression entre retenue et puissance. Interroger le silence dans sa spatialité, c’est en interroger le potentiel expressif dans ses qualités propres, mais surtout en révéler les relations.

Celles-ci sont-elles constitutives d’une émotion particulière, signifiante à l’Art, à l’œuvre d’Architecture ? Les expressions spatiales que prennent le silence ne sont-elles pas aussi une manifestation d’un processus de création lui-même silencieux ? Dans quelle mesure l’expression du silence est-elle source d’émotion pour l’architecture ?

Le silence a pour étymologie latine silere, la lettre S étant la notation même du silence. Sa prononciation sifflée tend à sa discrétion totale, et se rapporterait à l’absolu, une affirmation du silence en soi dans une référence à la tranquillité, l’absence de mouvement et de bruit. Le S se combine à T et le verbe devient tacere, une intimité du silence, renvoyant à un silence relatif d’une absence de son, notamment de parole. En musique, son emploi amènera paradoxalement. à la notation du tacet, indication maximale du silence musical. Il est aujourd’hui employé sous la forme de « taciturne », synonyme de silence, mais renvoyant principalement à une retenue du langage.

Taciturne se décline alors en tacite : ce qui n’est pas formellement exprimé, sous-entendu, tenant d’un rapport entre deux parties - un accord ou un renoncement.

9

Tout moment de création demande à un moment donné un arrêt, un temps de silence posé à un bureau à s’interroger. Une prise de conscience et une manifestation de l’intellect qui ne peut se faire que dans la retenue. Cette double réflexion entre une traduction littérale d’un silence dans l’œuvre architecturale et de comment ce silence est aussi à l’œuvre dans le processus de création porte finalement sur une forme de généalogie, un développement successif, une filiation du silence.

Afin de donner corps à notre réflexion, nous irons interroger l’Œuvre de l’architecte Louis Kahn, dont l’ouvrage Silence et Lumière fut éclairant et constitutif d’un ensemble de principes élémentaires à notre propos. La relation qu’entretiennent silence et lumière sera à l’œuvre pour définir un corpus fondamental d’analyses.

Par l’étude préalable de trois des œuvres de Kahn, nous essayerons d’aborder synthétiquement le cœur de la pensée taciturne kahnienne, de trouver les points de rencontres du silence et de la lumière qui fabriquent l’aura de l’œuvre. Si faire silence au sein de la Bibliothèque Exeter semble de mise, il semble que l’Assemblée Nationale de Dacca, qui est, par définition, un lieu de parole, aura plus de mal à signifier une certaine quiétude. De même, que signifierait le silence dans un bâtiment tel que l’habitat individuel et familial de la Fisher House alors même que Le Corbusier, un contemporain de Kahn, parle de la « machine à habiter » ?

Ces analyses permettront d’identifier trois expressions éminentes du silence dans l’œuvre, triptyque qui fabriquera le déroulement du développement. Pour se confirmer, s’infirmer et se compléter, il devra être confronté à un corpus plus ou moins contemporain. Par exemple, les carelles de la Bibliothèque Exeter seront le sujet évocateur d’une véritable personnification architecturale dans la formulation spatiale. C’est cette attention singulière qui nous ramènera à la proposition plus contemporaine mais remarquable du duo japonais SANAA à l’École Polytechnique de Lausanne pour le Rolex Learning Center. Sur une même méthode, nous mêleront au projet de la Fisher House le travail mené à la Casa Barragan par son architecte mexicain Luis Barragan, de même que l’analyse de l’Assemblée de Dhaka nous amènera aux thermes géologiques de l’architecte suisse Peter Zumthor.

10

LE TRÉSOR DE L’OMBRE L’architecte Louis Kahn fabriqua sa pensée et sa pratique autour d’une dichotomie, d’une relation de silence à l’espace, qui façonna chez lui la recherche d’une forme essentielle de l’expression. L’ouvrage Silence et lumière est explicitement engagé sur cette thématique, son architecture étant l’application directe de son ouvrage théorique.

Né en 1901, Louis Kahn, d’origine juive et estonien, est naturalisé américain en 1905. Il s’installe à Philadelphie et obtient son diplôme d’architecture à l’université de Pennsylvanie dans les années 1920. Doué en dessin et en musique, il admire Le Corbusier, et reçoit l’enseignement de grands personnages de l’architecture classique comme Auguste Choisy. Il réalise un voyage d’un an en Europe, qui marquera et guidera sa future carrière. Il acquiert une notoriété importante après la Seconde Guerre mondiale notamment grâce à ses réalisations du Salk Institute for Biological Studies en Californie et la bibliothèque Exeter au New Hampshire. Le prix de Rome lui est décerné en 1951 et devient membre éminent de l’Académie américaine des arts et des lettres en 1971. Il fonde aussi un groupe de recherche sur les problèmes d’urbanisation et de logement social en Philadelphie en même temps qu’il devient enseignant à Yale. Il enseigne à l’université de Pennsylvanie jusqu’à sa mort en 1974.

Grand théoricien, il est reconnu comme un des fondateurs du Modernisme avec Mies Van Der Rohe et Le Corbusier. Il dépasse pourtant même son propre courant par le fonctionnalisme marqué de ses édifices et sa dichotomie conceptuelle du servant et du servi. Il établit aussi la notion d’architecture creuse et est un adepte de l’emploi de formes géométriques très rationnelles dans l’influence de son apprentissage classique.

11

12

On prête à ses œuvres des qualités monumentales, spirituelles, massives, dont le choix de l’expression de la matière en une forme de vérité est capitale. Par ce travail sensible voire personnifié du matériau, il sera considéré comme le précurseur du brutalisme par ses jeux de contrastes géométriques et d’honnêteté matérielle. Mais ce qui distinguera l’œuvre de Kahn est son amour et sa maîtrise de la lumière qui seront la clé de la monumentalité et de la reconnaissance de ses réalisations. Entre philosophie, poésie et mise en œuvre technique d’une symbiose matérielle et spatiale, sa tendance à la personnification des choses et des objets l’amena à considérer l’ensemble des composants du monde matériel comme de la lumière.

Silence et lumière est publié à titre posthume en 1996. Il s’agit d’un assemblage de textes, de conférences données ou d’échanges dont les questionnements fondamentaux parcoururent l’ensemble de l’œuvre de Kahn : qu’est-ce-que le projet ? Comment lier les différentes parties d’une œuvre ? Quelle est la substance et le rôle de l’espace ?

Quels rapports unissent la forme, la structure, la lumière et la matière ? « La lumière et le matériau appartiennent l’un à l’autre1 ». Le matériau, la matière est de la lumière, une énergie dépensée : Spent, utilisé dans la phrase material is spent light. Ce postulat s’appuie sur les théories physiques non-euclidiennes de son temps et la réversibilité potentielle du phénomène. Le matériau n’existe que dans la lumière qu’il reflète et colore ; le matériau est la non-lumière, expression qui évoque un continuum entre l’espace lumière et l’espace solide, l’épaisseur matérielle, le poché noir du plan.

FIG. 1. LOUIS I. KAHN PRIS PAR NATHANIEL KAHN, 1970. FORT WAYNE, ÉTATS-UNIS. PHOTOGRAPHIE ARGENTIQUE. FORMAT INCONNU.

Kahn considère que l’architecture est à l’origine d’une tentative des hommes d’exprimer leur ancrage au monde. Cet ancrage se traduit par l’édification d’institutions. Pour arriver à l’institution, l’homme doit exprimer un désir : celui d’être, de vivre, qui découle des besoins naturels. Le principe formel (form) idéalisé est l’organisation d’une chose. L’organisation formelle décrit la nature d’une chose au-delà des variations circonstancielles de sa réalisation matérielle. Une école c’est avant tout le désir d’apprendre, ce qui est différent du type et du projet, design qui en anglais désigne une réalisation circonstancielle, le comment. L’ordre (order), c’est le quoi. La réalisation matérielle d’un objet est régie par les lois de la Nature qui, elle, est le pourquoi : l’arc appartient à l’ordre de la brique, il s’agit de trouver pour chaque objet ou matériau son intégrité fondamentale2.

Enfin il parle de l’Inspiration ou aspiration, ce souffle créateur qui 1 Mathilde Bellaigue et Christian Devillers (traducteurs) dans Louis I. Kahn, Silence et lumière. éditions du Linteau, Paris, 1996. p. 16.

2 Louis I. Kahn, ibid. pp.133-134.

13

anime toute chose. Du Grec pneuma, est dans un contexte religieux de l’âme, la vie insufflée. Ce vocabulaire est primordial au silence architectural dans ce jeu de respirations qui en formule l’expression, notion que nous aurons l’occasion de développer.

Dans le chapitre éponyme à l’ouvrage, Kahn donne une conférence donnée à l’École d’architecture de l’École polytechnique fédérale de Zurich le 12 février 1969 à l’occasion de l’inauguration de l’exposition de ses œuvres. Il dit : J’écris, Silence et Lumière. Le Silence n’est pas très, très calme. C’est quelque chose qu’on peut dire non lumineux ; non obscur. Tout cela, ce sont des mots que j’invente. Non obscur, ce mot n’existe pas, mais pourquoi pas ? Non lumineux ; non obscur. Désir d’être ; désir d’exprimer. On peut dire que c’est l’ambiance de l’âme, si on revient au-delà et que l’on pense à quelque chose où la lumière et le silence étaient ensemble, et le sont peut-être encore, séparés seulement par la commodité du discours3.

Kahn exprime là une première entrée vers cette dichotomie qui convoque l’exprimable et l’inexprimable, et de ce qui est mesurable ou non. Il s’interroge sur les seuils que la pensée traverse en silence et lumière, desquels la simple intuition est une inspiration. L’inspiration c’est aussi la recherche d’un langage primaire, inexprimable, une promesse d’expression avant le français, l’anglais ou l’allemand.

Il s’agit de l’Art. C’est le royaume du non-mesurable, le royaume de l’ombre. Le mesurable est au service du non-mesurable. L’espace naît de l’expression d’un désir d’être et d’un désir d’exprimer.

Le silence sous-tend l’ensemble de son œuvre théorique et architecturale, il n’est que très peu au premier plan dans l’ensemble de l’ouvrage. En effet, si la lumière est cette dimension physique, visible, mesurable de l’expression, le silence c’est le caché, ce qui se tapis en profondeur dans l’esprit et ce qui n’est pas mesurable : l’émotion.

La rencontre de ces deux pôles d’expression fait naître le désir et fait naître l’aura, faiseur de présences, c’est le sanctuaire de l’art, et l’art est le langage de l’âme. Le sanctuaire de l’Art, c’est le point de rencontre entre les seuils multiples et singuliers qui se meuvent entre silence et lumière. Il s’agit de l’impulsion, du désir dirigée vers les moyens d’expression.

Kahn distingue l’architecture de l’œuvre d’architecture qu’il considère comme une offrande à l’histoire, il divinise la discipline. Pour lui, le silence architectural à une dimension universaliste par la raison qu’elle supplante. À l’expérience d’un espace qui nous dépasse, qui nous bouleverse, les mots, la raison, l’explication nous échappe.

3 Ibidem. p.164.

14

La réalisation dépasse l’imaginaire de l’inspiration, alors l’architecture suit un cycle : avant sa concrétisation formelle, lorsqu’elle n’est qu’à l’étape d’une idée, elle est non-mesurable, inspirante. Elle nous anime. Chaque trait sur le papier diminue l’imaginaire, l’émotion.

Elle retombe dans le mesurable jusqu’à sa livraison, lorsque la technique de la construction prends le pas sur l’émotion. Pourtant, elle retombe dans l’inexprimable dès lors qu’elle retourne à un état de ruines, dès lors qu’elle est abandonné, qu’elle passe l’épreuve de la patine du temps. Ses fonctions mesurables, ses intentions se brouillent et l’espace revêt alors un caractère mystique, que l’on n’explique pas.

Du Silence à la Lumière, et de la Lumière au Silence. La matière est animée, insufflée d’une force expressive sans langage qui mise en lumière, fait naître ce qui est plus grand que nous : l’émotion dans l’Art. Afin de bien cerner le propos de l’architecte et surtout d’identifier une véritable application pratique, notre travail va se poursuivre sur l’analyse croisée de trois de ses réalisations, que je souhaite volontairement différentes dans leur nature et contexte afin d’interroger l’applicabilité et la variété des résultats obtenus grâce à sa méthode.

Il s’agira de la Fisher House réalisée entre 1960 et 1967 en Pennsylvanie, de l’Assemblée Nationale du Bangladesh finalisée en 1982 à Dhaka qui est par définition un lieu de prise de parole, ainsi que la Bibliothèque Exeter, un lieu de concentration en plein milieu d’un campus universitaire du New Hampshire.

15

« UN HOMME AVEC UN LIVRE VA VERS LA LUMIÈRE » DÉSIR D’APPRENDRE

FIG. 2. L’ATRIUM CENTRAL DE LA BIBLIOTHÈQUE DE LA PHILIP EXETER ACADEMY. PHOTOGRAPHIE NUMÉRIQUE PAR XAVIER DE JAURÉGUIBERRY PRISE EN 2011.

Située au New Hampshire dans la ville d’Exeter aux États-Unis, les collections de la Bibliothèque de la Philip Exeter Academy font d’elle, et ce depuis 1905, l’une des plus importantes au monde. Historiquement, le bâtiment de style néo-géorgien (comme l’ensemble des bâtiments du campus universitaire) accueillait des tables rondes d’étudiants qui s’organisaient pour lire et discuter. En 1965, le volume d’acquisitions grandissant, l’université se voit contrainte de commander un nouveau bâtiment. Les exigences de la commande sont partagées entre l’envie d’un projet classique à l’allure néo-géorgienne pour se fondre avec les bâtiments environnants, et l’envie d’une réponse moderne, renouvelant complètement le vocabulaire du campus. Le projet de cette nouvelle bibliothèque est finalement confié à Louis Kahn en partie pour sa renommée grandissante, mais aussi pour sa capacité à réinventer un paysage par une écriture entre le traditionnel et la modernité. Le projet débute en 1965, et sera inauguré douze ans plus tard en octobre 1972.

Le projet final est un cube d’une surface plane de 33,83 m2 s’élevant sur neuf niveaux, sous-sols inclus, à 26,06 m de hauteur. créant un atrium éclairé par la lumière naturelle provenant du haut. Une première enveloppe de brique rouge arbore des séries d’arcades et d’ouvertures qui rythment avec une grande rigueur les façades extérieures. Coupées dans les angles et interrompues à leur cime par des baies sans fenêtres, Kahn reste dans une écriture de la ruine, qu’il emploiera dans de nombreux projets à la suite de ses voyages en Europe, notamment à Rome ou à Carcassonne. Cette première épaisseur abrite majoritairement les espaces de lecture, individuels ou collectifs, exposés à la lumière naturelle.

L’entrée n’est signalée d’aucune manière, aucun traitement n’est pratiqué sur la façade l’annonçant. La coursive périphérique extérieure 17

créée par les arcades de briques en rez-de-chaussée la dissimule, avant de mettre en scène un escalier de marbre monumental débouchant au premier étage, au pied de l’atrium central. Cet atrium, monumental, est baigné de lumière naturelle d’une part grâce aux percées du premier étage, mais surtout par les baies en sommet de l’atrium, qu’une immense croix de béton couronne. Ses quatre côtés sont percés d’immenses cercles qui donnent à voir les rayonnages, protégés par des balustrades en chêne clair. Les espaces de services et les étagères de stockage des collections se nichent au sein de cette seconde enveloppe en béton brut. Les espaces s’organisent de manière concentrique autour de cet atrium.

Les circulations verticales, qui sont en coins, sont plongées dans une pénombre singulière qu’une maigre faille verticale éclaire légèrement. L’éclairage majoritaire est électrique, l’escalier est en béton brut, les rampes en acier froid. Kahn met à l’épreuve quiconque souhaiterait se frotter à l’ombre. Lieu de la fugacité, la procession presque mortuaire qui nous mène aux étages est un intermédiaire hostile. Marquée par l’absence du livre, cet espace servant met à l’épreuve notre désir d’exprimer dans une suspension de la lumière.

La lumière est un matériau structurant, Kahn en exploite tout le potentiel pour dissocier non seulement des usages spécifiques, mais surtout pour qualifier des expériences justement réglées par leurs interactions. La lumière creuse, ouvre le silence, va le chercher. Quand l’architecte demande à la brique ce qu’elle veut être, Louis Kahn s’interroge sur ce qu’une bibliothèque doit être.

Ces espaces débouchent sur les rayonnages des étages, autour desquels se développent des coursives ouvertes sur l’atrium. Le parcours fait contraster l’obscurité des cages d’escaliers à l’immensité lumineuse de l’atrium et de l’éclairage des balcons en chêne. En un éblouissant clair-obscur, les espaces sont mis en interaction constante par des jeux en aller-retours, le regard est en contact continu avec l’atrium central. Kahn fait se succéder des épaisseurs qui font s’alterner les espaces « servis » et les espaces « servants ».

L’atrium est l’espace où les hommes se rencontrent en présence, c’est là qu’ils cherchent à accéder à la lumière ensemble. C’est une forme de cour intérieure. C’est une invitation pour laquelle nous éprouvons un sentiment d’appartenance à distance. Lieu de rencontre physique mais aussi de l’esprit, cette association en esprit est encore plus forte que notre association physique à l’espace4.

Le toit s’ouvre en une coursive ouverte de terrasses. Les gardes-corps 4 « La cour est le lieu de rencontre pour l’esprit, tout comme elle est le lieu de rencontre physique. Même si vous la traversez sous la pluie, le fait de lui être associé en esprit est plus fort que votre association réelle ». Ibidem. p. 84.

18

OUIS AHN

ANCHE ECTURE 6/6

CHAFAQI Zaïd - BONNIN Manon MAILLARD Jérémy - ALTESI Alexandre

FIG. 3. COUPE DÉTAIL D’UNE CARELLE DE LA ENSA BIBLIO-MARSEILLE RENDU THÈQUE. PRODUCTION PER- 13.05.2020 SONNELLE DE L’AUTEUR, MARSEILLE, 2020.

Détail - carrel, échelle : 1/10ème

s’arrêtent au niveau du regard, l’environnement du campus nous est caché. Seuls le passage des nuages, l’évolution de la lumière et les aléas climatiques nous sont dévoilés. Cette privation du contexte au profit d’un dégagement du ciel sert la singularité que crée l’architecte avec ce bâtiment. « Un monde dans un monde » : l’architecte construit de seuils en seuils ce cosmos détaché de l’expérience du monde des hommes, 1 mètre il bascule le réel dans un imaginaire propre. La toiture est une des nombreuses fenêtres sur l’infinie étendue de ce monde construit.

Les espaces de lecture personnels des carelles sont des meubles à échelle du corps taillés dans un chêne clair, à la teinte orangée. Kahn investit l’espace de la colonne, qu’il qualifie de lumière, pour y loger l’expérience de la plus fine et profonde intimité avec laquelle l’être s’installe pour aller à la rencontre du livre. Il creuse le silence de la matière pour l’ouvrir à la lumière du cadre de la fenêtre.

Un homme avec un livre va vers la lumière. Ainsi commence une bibliothèque. Il ne s’éloignera pas de 15m pour se mettre sous la lumière électrique. Le cabinet de lecture est la niche qui pourrait être le commencement de l’ordre de l’espace et sa structure. Dans une bibliothèque la colonne commence toujours dans la lumière.

Sans être nommé, l’espace créé par la structure de la colonne évoque son usage comme cabinet de lecture. Celui qui lit lors d’un séminaire cherche la lumière, mais la lumière est en quelque sorte secondaire. La salle de lecture est impersonnelle. C’est la rencontre des lecteurs et de leurs livres dans le silence5.

La carelle est la quintessence d’une histoire d’amour pour le savoir et l’intimité d’une activité de la pensée. Composée de son étymologie grecque « φιλεῖν » [philos], « aimer » et 5 Ibidem. p. 36.

19

20

« σοφία » [sophia], le savoir ou la sagesse, la carelle construit un véritable lieu philosophique. Conduit par cet amour du livre et de l’érudition, Kahn transpose à la lumière une qualité chaleureuse qui enlace la matière. Plus qu’une bibliothèque fonctionnelle, l’architecte dessine un sanctuaire.

FIG. 4. LA CARRELLE, LIEU PHILOSOPHIQUE. PHOTO PAR A+T RESEARCH GROUP. 2014.

FIG. 5. EN LEVANT LES YEUX. PHOTOGRAPHIE NUMÉRIQUE PAR XAVIER DE JAURÉGUIBERRY PRISE EN 2011.

L’inspiration d’apprendre est la raison de vivre de l’homme. Cette raison motive en lui un désir d’exprimer. Quand Kahn considère une dichotomie entre l’existence de l’homme et celle de la nature, il considère que l’inspiration de l’homme pour vivre sera toujours plus forte que celle de la nature, et c’est pour cela qu’il rêve constamment à plus. L’inspiration d’apprendre c’est le silence, une énergie tue mais non-mesurable en nous, qui donne naissance à l’institution. Le bâtiment de la bibliothèque est la lumière, l’inspiration est ce qui anime le désir d’être, de s’exprimer du lecteur, de l’étudiant. C’est le but de toute institution. Le bâtiment pour apprendre doit en exprimer les fondements. L’apprentissage est un échange, une rencontre d’un enseignant à un enseigné. Ils sont tous deux mus du désir d’être/d’exprimer, d’un silence qui les anime pour rejoindre la lumière : le savoir. C’est au seuil, à la rencontre de ce désir d’apprendre et du désir d’enseigner, du désir d’être et du désir d’exprimer, que se cache l’émotion. Apprendre est un art qui s’effectue dans la rencontre. Le parcours d’un étudiant, au sens de celui qui désir apprendre, sa procession du silence vers la lumière est le canevas du projet. Si l’envie silencieuse d’apprendre est le début d’une histoire, la carelle est la conclusion poétique de la lumière.

La bibliothèque d’aujourd’hui a changé d’apparence. Aujourd’hui, elle s’étend dans l’infinie accessibilité du savoir, en perpétuel mouvement. Comment interpréter un tel programme dans une des plus éminentes institutions académiques du monde contemporain ? Depuis le prisme fonctionnel de la bibliothèque, comment choisir un bâtiment auquel les architectes ont appliqué au moins l’intuition d’une expérience du silence par le biais de l’espace ? S’il est intéressant d’opposer à Louis Kahn une époque, il l’est aussi d’une culture.

Or c’est en Asie orientale, plus particulièrement au Japon, qu’une philosophie architecturale en apparences diamétralement opposée à l’occident prospère. Une philosophie animiste, qui se pose dans un rapport intrinsèque à l’environnement et au banal dans l’expérience du zen. L’homme n’est plus le centre qui passe du silence à la lumière et s’isole dans un monde. L’homme est la partie d’un tout. Une mise en abîme que l’agence SANAA, poursuivant son œuvre théorique, a tenté d’accompagner.

21

22

23

LE BÂTIMENT PAYSAGE En 2004, l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne lance le concours pour la construction d’une nouvelle bibliothèque centrale à l’institution. Plus qu’un enjeu d’agrandissement, l’EPFL cherche à ouvrir les sciences techniques et créer une véritable interface entre les scientifiques et le grand public.

Depuis le tournant du millénaire, le campus de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne se cherchait un cœur.

Un lieu favorisant les contacts entre étudiants, enseignants et chercheurs, qui remplirait également la fonction de bibliothèque et serait aussi un forum de rencontre, la ‘‘ place publique ’’ de cette véritable petite ville qui est devenu l’institution6.

FIG. 6. LE BÂTIMENT PAYSAGE. SANAA / KAZUYO SEJIMA + RYUE NISHIZAWA, ROLEX LEARNING CENTRE À L’ÉCOLE POLYTECHNIQUE FÉDÉRALE DE LAUSANNE. PHOTOGRAPHIE NUMÉRIQUE PAR SIMONE BOSSI, 2017.

Ce concours de Learning Center rassemble douze équipes candidates comptant parmi les architectes les plus prestigieux de leur temps. Entre les propositions de Zaha Hadid, OMA, Herzog et de Meuron, Valerio Olgiati ou encore Jean Nouvel ; c’est le projet présenté par Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa, le duo japonais de l’agence SANAA, qui remporte les faveurs unanimes du jury le 24 novembre 2004. L’inauguration du projet en 2009 marque l’aboutissement d’une pensée architecturale depuis leurs projets à Toledo ou à Kanazawa. En 2010, le Prix Pritzker de l’Architecture leur est décerné.

Depuis sa fondation en 1995, SANAA a su se frayer un chemin parmi les protagonistes majeurs de la scène architecturale contemporaine.

Défenseurs d’une architecture de la simplicité et de la clarté conceptuelle, leur travail recherche la construction d’une expérience, d’une atmosphère qui est selon eux « l’esprit même de l’architecture7 ».

Dans leurs projets, ils tendent à privilégier la lecture horizontale de l’espace, une architecture de la sédimentation. Ils interrogent aussi la relation du bâtiment et de l’homme à son environnement, souvent par le tissage d’un jeu continu et fluide des seuils.

6 Della Casa, F. D., E., Eugène, dans Rolex Learning Center, Maltz, Della Casa, F. D., E., Eugène, E., Suzuki, H., Niedermayr, W., & SANAA Ltd. Presses polytechniques et universitaires romandes, EPFL Press. Suisse, 2010. p. 37.

7 Ibidem. p. 105.

25

Pour le Learning Center, les architectes avaient pour dilemme de privilégier l’accueil et l’accessibilité ou les vues sur le lac, ils devaient choisir entre la plaque étendue à l’horizontale ou la tour qui s’élève.

Ils décidèrent de tirer profit des deux solutions, et de faire osciller une plaque pour obtenir l’addition de leurs avantages. Ainsi, ils disposent sur un plan l’ensemble des exigences programmatiques tout en offrant une grande variété de vues sur l’environnement par de grandes percées formant des patios. Cette configuration permet à des usages de dialoguer à la fois latéralement et dans la hauteur.

Le bâtiment final est une exploration de la plasticité de l’irrationnel. Prouesse d’ingénierie constructive et technologique, le projet commence d’abord par la formulation d’un rêve : celui d’une vaste étendue du savoir faisant paysage. Si le terrain du site est un plan monotone, une approche territoriale nous ramène aux ondulations des collines environnantes du Jura. La vague minérale du centre se jette dans l’étendue liquide du lac Léman. Le changement de focal nous procure deux perceptions du bâtiment : à ses abords, nous sommes face à un objet sculptural organique; qui une fois le recul nécessaire pris, fait paysage.

Explorant l’horizontale, la bibliothèque chuchote sa présence aux autres bâtiments du campus. Pour s’y engager, il faut se laisser écraser par la courbe massive, un franchissement par le dessous qui marque de manière franche le passage du monde physique à celui du rêve.

L’air y est différent : les coques habitent des micro-climats. À l’intérieur, aucun élément n’obstrue la visibilité de part en part du bâtiment. L’absence de murs ne nous laisse pour rythmer le regard que les alternances de pentes entre montées et descentes. Le dedans est un dehors qui s’ignore, celui du jeu ludique d’un parc. L’air circule librement dans cet espace sobre, léger, mais infini, grâce à l’oscillation simultanée du sol et du plafond. Cela permet de bloquer la propagation du son, couplée à des épaisseurs d’isolants importants et de matériaux absorbants.

Le sol du Learning Center est couvert d’une moquette grise : chaleureuse et confortable, elle perpétue l’effort de douceur du dessin. Ce matériau traduit une volonté de feutrer l’espace. Cette association a pour effet de permettre une liberté de la visibilité de l’ensemble de la bibliothèque, mais d’isoler une intimité d’expérience. L’atmosphère y est homogène et apaisante : la lumière reflétée massivement par le blanc des cloisons, celle pourvue par l’orientation traversante et celle que fournissent les patios résultent en une lumière uniforme d’une blancheur éclatante et enveloppante, couplée au feutre des matériaux absorbants qui flouent sa définition.

Le silence semble se manifester dans la douceur. SANAA relativise l’angle sur l’ensemble des formes produites. Le centre est contraint

FIG. 7. EPFL’S ROLEX LEARNING CENTER. PHOTOGRAPHIQUE NUMÉRIQUE AÉRIENNE PAR IWAN BAAN, AVRIL 2020, LAUSANNE, SUISSE. 5,472 × 3,648 PIXELS.

26

27

28

par un programme propice au calme et à la concentration. Ce besoin d’isolation, phonique mais aussi d’usage, a abouti à ces emplois de matériaux absorbants et du dessin de la pente, dans laquelle s’installe la personne en quête de silence. La lumière s’y dépose en épousant les courbes. La pause se manifeste par une synergie des formes spatiales et d’usage de ces formes. L’esprit suit l’immersion totale destinée au calme et à l’intimité qu’il lui est proposé. Les architectes mettent en scène des filtres et des porosités qui construisent des nuanciers spatiaux. Le silence naît des vides, issus d’un vocabulaire de l’atténuation et de l’absorption.

FIG. 8. LE SILENCE DANS LA DOUCEUR. SANAA / KAZUYO SEJIMA + RYUE NISHIZAWA, ROLEX LEARNING CENTRE À L’ÉCOLE POLYTECHNIQUE FÉDÉRALE DE LAUSANNE. PHOTOGRAPHIE NUMÉRIQUE PAR SIMONE BOSSI, 2017.

FIG. 9. OUVRIR LE SILENCE. SANAA / KAZUYO SEJIMA + RYUE NISHIZAWA, ROLEX LEARNING CENTRE À L’ÉCOLE POLYTECHNIQUE FÉDÉRALE DE LAUSANNE. PHOTOGRAPHIE NUMÉRIQUE PAR SIMONE BOSSI, 2017.

L’inconstance des vues et de la topographie créent un nouveau paysage aussi intérieur. L’entrelacement de ces deux parcours aboutit à une plénitude d’expérience en rapport continu à son contexte.

L’homme n’est plus extrait, il est bercé et accompagné par le souffle créateur et la douceur des formes. Une expérience sensible haptique, géographique, acoustique et thermique. Une telle simultanéité efface les limites entre le proche et le lointain, le commun et l’exceptionnel, entre intérieur et extérieur. Le vide est amplifié, ouvert et dégagé pour y loger le silence. La bibliothèque crée un ensemble de bulles du monde augmenté. Le langage à l’œuvre pour l’épuration maximale de l’espace est à disposition d’une mise en réseau de l’esprit, où le silence n’est plus celui de l’isolement, mais de son épanouissement au monde avec et par les autres. Cette pensée intervient en cohérence avec l’évolution qu’a connu l’accès au savoir et la posture des étudiants qui découle. La bibliothèque n’est plus une institution linéaire et physique, elle est dématérialisée et infinie. L’accessibilité a remplacé l’universalité du livre, la bibliothèque est contrainte de se renouveler et proposer un lieu de vie et de rencontre qui fait sens.

Ceci participe à une philosophie du Mâ oriental : une contraction spatio-temporelle dans laquelle se niche l’expérience de l’événement, caractérisée par l’émotion. Cette mobilité interne du signe intéresse un lexique de l’intervalle, l’espacement, la vibration et le fragment.

Pour la tradition japonaise, l’environnement et le quotidien sont les lieux de l’art. L’architecture est vécue comme une incidence, un épanouissement de l’espace et du temps comme un art de l’assemblage par une composition libre et ouverte. Le satori (悟り), signe de l’évènement zen durable, est l’expérience spirituelle de l’éveil qui naît d’un vacillement de la connaissance, un vide de parole. Au Learning Center, le plein matériel vallonné offre la constance de sa lumière au paysage, dans lequel s’insère des évènements de silence par l’ouverture de vides habités qui nous mènent au degré le plus profond de la sagesse du satori : le daigo-tettei (大悟徹底)8.

8 Notion du zen bouddhique japonais, en contrepoint du kenshō et du shōgo. Leighton, Taigen Dan ; Okumura, Shohaku ; Dôgen (1996). Normes pures de Dogen pour la communauté Zen, une traduction de l’Eihei Shingi. Presse de l’Université de New York (état).

29

30

31

OUVRIR LE SILENCE Louis Kahn définit une architecture composite, dans laquelle chaque matériau possède une volonté propre à l’origine d’une expression constructive et fonctionnelle. Le béton laissé à l’état brut donne à voir les traces des attaches de coffrage. Le bois est utilisé pour subdiviser l’espace des carelles intimes ou former les garde-corps des balustrades des étages contre l’atrium, ainsi qu’à l’endroit des mezzanines entre les rayons de livres et les espaces de consultation avec un espace double hauteur. Le bois intervient plutôt dans une expérience tactile de l’espace par un caractère chaleureux et doux. Le marbre de l’escalier majestueux donne de l’importance à l’entrée par un matériau noble, aux formes organiques, pour nous mener avec grandeur à l’espace central. Même l’aluminium, qui qualifie la tuyauterie mécanique, est laissée volontairement apparente pour la lecture claire du fonctionnement du bâtiment et le rôle servant assumé de ces éléments qui sont intégrés au projet dès le début de la conception. Les tuyaux verticaux sont intégrés aux vides entre la structure en brique et celle en béton; les tuyaux horizontaux sont intégrés dans la dalle en béton qui s’amincit pour leur laisser une place et permettre à l’aluminium et au béton de coexister.

Pour Antoine Picon, l’architecture effectue une mise en ordre de la matière9. Elle est une tentative ultime d’expression : une tentative de s’adresser à l’homme par les proportions et la structure notamment qui, chez Kahn, résonne comme l’ordre. La matière résiste au langage des hommes par son silence inhérent. Son opiniâtreté n’est une contrainte que pour celui qui ne sait pas écouter. La brique semble parler un langage que nous ne comprenons pas en dehors de la discipline architecturale : le langage de la Nature, une volonté supérieure qui nous dépasse dans sa masse et son ordre physico-chimique. Ce langage supérieur, lorsqu’il est écouté, fait éclore un affect singulier.

L’œuvre est irréductible au discours : l’idéal d’une pleine présence orale d’un langage de la matière est impossible du fait de cette opi9 Picon, Antoine. La matérialité de l’architecture. Éditions Parenthèses, Marseille, 2018.

32

niâtreté même des matériaux de l’architecture. C’est une distance, une absence, qui travaille la présence première et indiscutable de la production finale. Les textes les plus longs ou les plus précis ne sauraient capter ce qui fait la substance de l’architecture.

La mise en ordre des principes naturels de la matière en masses différenciées est la tentative historique de la transmission de ce pur silence. À Exeter, Kahn est pour ainsi dire dans un mode d’expression « classique » de haut en bas, dans des masses différenciées et singulières que la lumière ordonne. Elle qualifie l’espace et lui donne sens par la matière qu’elle touche. Le Corbusier et son système Dom-ino visait à affiner et rendre presque transparente la masse par l’utilisation d’une nouvelle grammaire architecturale, une nouvelle expression. Or, la recherche d’épuration, quand la matière est pliée à une volonté technique contre ses propriétés naturelles, permet-elle toujours à ce langage supérieur d’être transmis ? Quand au Rolex Learning Center les formes courbes du béton se détachent du sol, la blancheur « dématérialise » la matière et la lumière est homogénéisée, ce langage nous est-il transmis ?

Aboutir au silence, c’est trouver une forme juste d’expression. Ni trop, Frank Gehry en fut coupable; ni trop peu pour ne pas sortir de l’architecture, ce pourquoi Le Corbusier fut en partie critiqué. Ces extrêmes abolissent la distance entre parole et silence, aucune émotion n’est finalement transmise. Less Is More : dans la retenue grandit le désir. Adolf Loos, par la pureté du revêtement, construisait une architecture contre le dérobé de l’ornement vécu comme une surcharge, une surenchère qui « émousse » l’architecture, la falsifie au regard et brouille son discours. L’ornement est le pur système symbolique qui dénature l’architecture au lieu d’être un détachement de libération.

Les japonais SANAA offrent néanmoins une architecture paysage : sa matérialité dépasse l’architecture même, elle ouvre un dialogue différent. Le rapport est moins frontal, il est continu et se veut une offrande à la nature, tandis que Kahn s’inscrit dans les pratiques classiques de la masse offerte au trésor de l’ombre de l’Architecture.

Il semble que le seul élément qui relie les projets de SANAA et de Kahn soit d’ordre fonctionnel, séparés par des époques et cultures opposées. Pourtant, leur exploration conjointe identifie deux propositions d’un silence de l’ouverture, d’un cheminement vers la lumière par le creusement de la matière. Malgré deux pratiques différentes, qui interrogent une scission philosophique profonde entre deux mondes, les deux projets font naître le silence de l’interstice, de l’intervalle, un creusement du vide pour ouvrir un espace de silence, une épaisseur, un corps pénétré qui aboutit à l’espace, le vide occupé, dilaté par le silence. C’est le silence d’un entre-deux, d’un espacement.

33

« J ‘AIME LES COMMENCEMENTS » DÉSIR DE VIVRE Le 23 Août 1960, Dr. Norman Fisher et son épouse Doris Fisher signent avec Louis Kahn le contrat qui marque le début de la conception d’une nouvelle résidence principale pour le couple au bord de la rivière Penny Creek sur Mille Road à Hatboro en Pennsylvanie.

FIG. 10. SILENCES HABITÉS. LOUIS I.KAHN HOUSES, TOTO SHUPPAN, P. 88 - P. 161 ISBN: 978-488706-228-3. DATE ET AUTEUR INCONNUS.

Les Fisher présentèrent à l’architecte un budget de $45 000, ce qui poussa Kahn à apporter au cahier des charges et au programme des modifications importantes sur sa première esquisse. L’argument financier motiva une recherche pour l’essentiel. Le programme fut réduit à ses éléments fondamentaux, libéré des ses besoins circonstanciels. Il essaya là d’exprimer la Nature, le quoi de la Maison. La famille ayant déjà une résidence principale, ils ne furent pas exigeants sur le temps de conception, au contraire, ils comprenaient et participaient au travail de longue haleine de Kahn. L’architecte recommençait souvent de zéro le projet, ne voulant compromettre l’intégrité globale du projet par des erreurs de détail. Le projet aboutit finalement 7 ans plus tard en 1967, et la famille y déménagea. Au même moment, l’architecte était aussi commandité sur l’assemblée nationale du Bangladesh et le Salk Institute.

La Fisher House se compose de deux volumes à l’apparence cubique : l’un pour les parties communes, les espaces de jour, et l’autre pour les parties privées, les espaces de nuit. Un angle de 45° sépare les deux volumes qui se relient en un maigre pincement à l’angle sudest du premier et la façade nord du second. Le dessin commence par une mise en ordre de la matière pour servir les besoins primordiaux du bâtiment. La maison s’élève sur des cadres en bois à meneaux sur lesquels les poutres sont posées pour accueillir les étages supérieurs.

La charpente de la maison ainsi que le revêtement extérieur sont donc entièrement en bois.

35

Pour s’insérer sur le terrain en pente, Kahn oppose à cette écriture en bois un socle en maçonnerie de pierres qui deviendra le sous-sol pour un atelier et un accès direct au jardin. Il érigea dans cette même matérialité un pilier semi-circulaire au cœur du salon en tant que foyer.

Le socle en pierre n’est pratiquement pas visible côté rue et devient un étage à part entière du côté de la rivière.

FIG. 11. CONSTRUIRE LE MYTHE. PHOTOGRAPHIE NUMÉRIQUE PAR DON FREEMAN. DATE ET LIEU INCONNUS.

En construisant le volume de l’atelier dans la pierre, Kahn a peutêtre cherché à commémorer l’espace à travers la perspective de créer une ruine ; bien que la structure en bois restante puisse éventuellement céder à la nature, la maçonnerie resterait, s’élevant à jamais du paysage pour fournir des indices sur le passé.

La monumentalité en architecture peut être définie comme une qualité, une qualité spirituelle inhérente à une structure qui donne le sentiment de son éternité, qu’elle ne peut être ajoutée ou modifiée10.

Kahn ne cherchait pas à rendre ses œuvres hors du temps. Bien au contraire, il se préoccupait du commun et du traditionnel pour toucher directement à l’espace de la psyché. Pour lui, cet espace non-mesurable est celui de la sensation et de la pensée11.

La matière est de la lumière dépensée : couplée à un budget restreint, l’expression de la maison est réduite à son minimum, une humilité matérielle. La retenue résultante révèle le potentiel en puissance du parcours du silence vers la lumière, comme une retenue de l’espace face à l’expression puissante générée par le dialogue de ces deux éléments : c’est là que Kahn puise sa définition du monumental.

La maison abrite le mythe. Le foyer, qui nous évoque l’origine de l’architecture attribuée à Vitruve, est et signifie une présence tectonique mystérieuse. Construit comme le noyau chauffant, le cœur battant de la maison, la cheminée évoque par une poésie archaïque le caractère vivant de la maison. L’élément à la limite du pittoresque insuffle la vie à l’habitat.

Le traité de l’âme d’Aristote12 interroge la capacité de l’âme à animer les êtres et les choses par un souffle, du grec pneuma, employé dans un contexte religieux. Depuis le mythe d’Amphion bâtissant les murs de Thèbes au son de lyre, repris par Goethe, une puissance 10 Louis I. Kahn cité dans, Robert Twombly & Louis I. Kahn. “Monumentality (1944)”, Louis Kahn Essen︎al Texts. Boston: W. W. Norton & Company, 2003, pp. 21-31. Traduction de l’auteur.

11 « Un bon bâtiment doit [...] commencer par le non-mesurable, passer par des moyens mesurables au moment du projet et, à la fin, être non mesurable ». Louis I. Kahn. Op. cit.

Silence et Lumière. p. 50.

12 Aristote. De l’âme. Parution 1994, éditions Gallimard, collection tel.

36

37

38

FIG. 12. FISSURE ET CONNEXION. PHOTOGRAPHIE NUMÉRIQUE PAR DON FREEMAN. DATE ET LIEU INCONNUS.

FIG. 13. FISSURE ET CONNEXION.EXTRAIT DE PLAN R+1 PAR LOUIS KAHN.

FIG. 14. À L’AURÉE DU BOIS. PHOTOGRAPHIE NUMÉRIQUE PAR DON FREEMAN. DATE ET LIEU INCONNUS.

transcendante semble être à l’origine du phénomène d’édifier, un souffle créateur. Cette idée d’une puissance divine comme source de vie de la matière s’identifie notamment dans les ordres classiques des colonnes, qui, du dorique au ionique, font figurer la courbe fluide féminine ou la stature rigoureuse du masculin.

Cette masse d’ombre dialogue avec un élément de lumière vers lequel l’architecte nous attire irrémédiablement. La fenêtre double hauteur fascine par sa surface, la large vue qu’elle procure sur le paysage et l’abondante lumière qu’elle apporte. L’assise qui y est creusée englobe le mur dans la chaleur d’un meuble. Assis en son sein, le silence nous gagne. Dans l’intimité, les sens convergent encadrés par la petite ouverture du nord et s’arrêtent dans l’eau vibrante de la rivière.

Focalisés, nous acceptons d’arrêter le temps, de prendre une pause, et de nous laisser dominer par le silence. Une fois de plus, Kahn ouvre le silence par un creusement de la matière pour s’y accomplir. L’assise accompagne la suspension du temps et de l’espace.

Fissure et connexion : l’intersection des cubes renforce l’expression d’une architecture d’unité mais de dualité soutenue par un dispositif géo-sensible particulier. Les deux volumes sont mis en tension, la jonction du couloir introduit une rencontre de plusieurs espaces, et de plusieurs attitudes. Pierre et bois, servis et servant, épaisseur et ouverture, silence et lumière. Sur les plans, Kahn signifie d’un hachuré gris les séparations entre les pièces par la direction du plancher en bois. Cependant, la texture n’est représentée qu’aux seuils délimitant les fonctions de la maison, particulièrement au niveau de la jonction des deux volumes.

La nature de la maison est une séquence de multiples rencontres.

Elle induit pour l’architecte son principe formel et l’ensemble des dispositifs architecturaux qui seront mis en place. Là où la lumière s’installe, le silence règne. C’est au seuil de leur rencontre, que subsiste l’émotion.

39

LE JARDIN TRANQUILLE Luis Barragan, né en 1902 à Guadalajara au Mexique a été élevé dans une riche famille de propriétaires agricoles de l’État de Jalisco. Il grandit dans l’hacienda traditionnelle familiale, entourée de la nature agricole et tropicale du climat mexicain. Il est ensuite diplômé de l’École Libre d’Ingénierie de Guadalajara à 23 ans puis part dans divers pays d’Europe à la découverte de l’histoire de l’architecture. En France, il éprouve une grande admiration pour les jardins simples et sobres de Ferdinand Bac qu’il découvre à une exposition des Arts Décoratifs à Paris. Il revient en 1927 dans sa ville natale afin d’exercer comme architecte. Il s’établit en 1936 à Mexico où il tisse des liens notamment avec le peintre Chucho Reyes et le sculpteur Mathias Goeritz qui auront une influence importante sur son style.

Le Pritzker Price lui est décerné en 1980, 8 ans avant de succomber chez lui de la maladie. Luis Barragan meurt le 22 Novembre 1988.

L’HUMILITÉ AUSTÈRE. PHOTOGRAPHIE PAR YUKIO FUTUGAWA DANS LUIS BARRAGÁN, BARRAGÁN HOUSE, MEXITO CITY, MEXICO, 1947-48. A. D. A. EDITA TOKYO CO., LTD. 3-12-14 SENDAGAYA, SHIBUYA-KU, TOKYO 151-0051, JAPON. COLLECTION RESIDENTIAL MASTERPIECES, N°02. 2009.

P. 9.

FIG.

15.

Sa culture Tapatios s’ancre dans des traditions architecturales andalouses : la forme du patio, les corredores, fuentes, vérandas et fontaines constituent un vocabulaire dans lequel Barragan puisera abondamment. Issu de région rurale, il est imprégné d’une certaine austérité humaine et paysagère, passionné par le monde équestre, il entretient aussi une profonde foi catholique de morale franciscaine fondée sur le principe de sobriété comme révélateur de beauté. Le jardin est le lieu du plaisir magique de la méditation et de la flânerie.

L’Alhambra et ses alliances riches de pierres, d’une végétation domestiquée et de l’eau participe à l’imaginaire qu’il convoque, fasciné par le travail de l’auteur Ferdinand Bac et de ses mondes de jardins sur un esprit méditerranéen13.

13 Yoshio Futugawa dans Luis Barragán, Barragán House, Mexito City, Mexico, 1947-48.

A. D. A. EDITA Tokyo Co., Ltd. 3-12-14 Sendagaya, Shibuya-ku, Tokyo 151-0051, Japon.

Collection Residential Masterpieces, n°02. 2009. pp. 6-15.

43

Cette recherche d’intimité accompagne un infléchissement vers le paysage considéré comme le territoire de l’âme, où l’artifice se met au service de lointaines visions et vise la révélation de la beauté de la création divine. Il est en recherche de simplicité formelle et d’un renouvellement fonctionnel. Il aspire ainsi au dépouillement des excès ornementaux de l’architecture en accord avec le Bauhaus mais reste critique de l’idéal moderniste.

Il décide de s’affranchir de clientèle pour devenir son propre commanditaire et construire une série de villas. En 1939 à Tubayaca, Luis acquiert un terrain dans l’étroite et tranquille Rue General Francisco Ramirez d’un quartier ouvrier de la ville de Mexico pour y construire sa maison-atelier personnelle. Il commence la construction en 1947, mais apportera au bâtiment des modifications toute sa vie.

Le bâtiment depuis la rue est austère, simple, afin de se fondre dans son environnement modeste. Seuls la tour blanche qui s’élève du toit et un éclat d’orange du mur de la terrasse montrent timidement à la rue leur expression singulière. L’enduit rugueux finit d’une peinture grisâtre la façade qui est marquée par des ouvertures simplement découpées : les portes d’entrées, le garage, la fenêtre striée du salon, et quelques autres. Leur expression est humble et les grilles ne laissent pas pénétrer le regard à l’intérieur, elles sont d’une certaine opacité, laissant paraître soit une rationalité liée à l’usage, soit à une volonté esthétique de l’artiste. L’expression est minimale, dénudée, marquant une volonté de contraster fortement entre un humble extérieur et un intérieur florissant et enchanteresse. L’habitant pénètre dans un univers isolé du monde : un monde de sérénité et de solitude, par un humble vestibule sombre, pavé de pierre volcanique dont la texture absorbe en quantité la lumière. Un banc en bois massif est en porteà-faux en assise basse, la lumière du soleil frappe la fenêtre en coin supérieur de la porte et se répercute en un ton plein jaune sur le mur blanc. L’air condensé par les portes brûlées au soleil apporte une atmosphère singulière en rupture avec l’extérieur.

FIG. 16. IBIDEM. P. 16.

FIG. 17. IBIDEM. PP. 18-

19.

Quelques marches conduisent à une porte qui s’ouvre sur un espace diamétralement opposé : lumineux et spacieux, un rose éclatant fait face à l’œil. Il s’agit du hall central de la maison qui connecte les différents espaces de la maison. L’espace offre une grande complétude entre l’escalier de pierres volcaniques sans garde-corps, la fenêtre en hauteur baignant la pièce de lumière réfléchie sur les pans de murs blancs et roses, un mobilier simple : une chaise et un secrétaire, sur lequel repose un téléphone. Enfin, une toile peinte d’or est accrochée au mur surplombant l’escalier : les sens sont éblouis de toutes parts, mais chaque élément fonctionne comme un guide sensible de l’espace.

44

45

48

Le salon et la librairie en double-hauteur sont plus des espaces privés pour l’architecte que des espaces de réception. Sans laisser voir l’extérieur, ces espaces de contemplation sont des refuges de nostalgie pour l’hacienda familiale par les poutres en bois massif apparentes qui se succèdent par de courts intervalles. Des cloisons en mi-hauteur partitionnent les deux espaces et les différencient, sans les séparer : ils sont en présence l’un de l’autre. Une grande attention est apportée au mobilier qui dégage confort, nostalgie et écriture du design moderne. La moquette jaune qui recouvre le sol de la librairie apporte une touche plus douce et chaleureuse à cet espace qui est feutré par sa qualité d’absorption acoustique. Couleur propice à la concentration, on projette l’architecte piochant un livre dans l’étagère murale et s’y plongeant des heures. La large fenêtre cubique en mi-hauteur, teintée et montée d’une grille de blanc diffuse une lumière homogène, donne une texture particulière au lieu et fait flotter l’escalier en pin. En porte-à-faux contre le mur blanc, libéré de la gravité, il est aérien, mû d’une présence abstraite.

FIG. 18. IBIDEM. P. 48.

49

FIG. 19. IBIDEM. P. 50.

FIG. 20. IBIDEM. P. 51.

Le salon fait face au jardin luxuriant qui occupe tout l’ouest de la parcelle. Dans la même proportion que le bâtiment, il est entouré de hauts murs qui le protègent des regards et des bruits extérieurs, jonché d’une végétation laissée abondante et sauvage. Comme une petite forêt, un bosquet, l’espace fait office de peinture grandeur-nature pour la baie vitrée. Il est mis en scène par cette fenêtre en double hauteur marquée d’une menuiserie en forme de croix centrale. L’ouverture est un cadre pour les sens, qui se plongent dans une contemplation profonde du milieu et du temps. Le frémissement des feuilles, la vibration de l’eau stimulent la sensation. La barrière entre intérieur et extérieur tombe, le blanc des murs arbore le motif des feuilles en mouvement, le salon est organique et enchanteresse, c’est le jardin.

Le silence bruisse.

Silence. Dans les jardins et les maisons que j’ai conçus, je me suis toujours efforcé de laisser entendre le calme murmure intérieur du silence, et dans mes fontaines, le silence chante14.

Des cloisons au nord découpent un patio comme un véritable microcosme tranquille, entre l’eau dormante du bassin, le lierre grimpant ou les poteries traditionnelles de terre cuite qui gisent en coin. Les chambres et autres espaces d’intimité ainsi que les pièces du repas sont en contraste bien plus petites, introverties et statiques : un rappel aux espaces du quotidien de la religion catholique, le monastère. Cette dévotion religieuse imprègne aussi le mobilier qui orne les humbles chambres, minimales en surface, aux ouvertures majestueuses pour donner à la lumière son caractère divin. Une poudre d’or céleste qui, dans le maigre corridor, descend du plafond pour éclairer les sculptures liturgiques. Les fenêtres sont équipées de pans mobiles pour diriger la lumière entrante. Ces détails permettent à l’usager de s’approprier et d’ajuster son expérience de l’espace pour libérer sereinement sa foi dans la solitude.

Solitude. Ce n’est que dans une communion intime avec la solitude que l’homme peut se trouver. La solitude est une bonne compagnie et mon architecture n’est pas pour ceux qui la craignent ou la fuient15.

FIG. 21. IBIDEM. P. 29.

Les escaliers du hall desservent enfin la toiture terrasse, un espace ouvert, très exposé, composé d’une tour et de murs. Ces murs sont suffisamment hauts pour bloquer la vue alentour, et arborent chacun des couleurs vibrantes, éclatantes, qui segmentent le lieu et intègrent le ciel à une mosaïque surréaliste. Avec la couleur, Luis souligne les stimulations de l’espace sur celui qui l’habite. Il met en scène une 14 Luis Barragán, Discours d’Acceptation du Lauréat pour le Prix Pritzker 1980. Transcription anglais. Dumbarton Oaks, Wahington, États-Unis. 1980. Traduction de l’auteur.

15 Ibidem.

52

53

54

véritable jouissance visuelle par les présences successives et conduites du violet, du rose, du jaune puis du orange.

Sérénité. La sérénité est le grand et véritable antidote contre l’angoisse et la peur, et aujourd’hui plus que jamais, il est du devoir de l’architecte d’en faire un invité permanent dans la maison, aussi somptueuse qu’humble soit-elle. Tout au long de mon travail, je me suis toujours efforcé d’atteindre la sérénité, mais il faut veiller à ne pas la détruire par l’utilisation d’une palette in-discriminée16.

FIG. 22. IBIDEM. P. 84.

La maison-atelier s’offre à nous comme une entité unifiée pour laquelle les seuils intérieurs-extérieurs sont fortement marqués. Ces seuils sont une allégorie simple d’une dualité complémentaire entre corps et esprit, ontologie héritée du naturalisme occidental. Du bâtiment-corps au jardin-esprit, on peut considérer deux jardins : l’un de pleine terre accueille arbres et oiseaux, le second, un patio en terrasse, accueille le vent et les nuages. Ils sont de véritables micro-environnements différenciés qui qualifient l’introspection. C’est une mise en scène, une scénographie de l’esprit par les différents seuils, les jeux d’intérieurs et d’extérieurs mais toujours comme des paysages intérieurs aux diverses qualités.

L’humilité de la façade sur la rue, un volume peu dégagé excepté la tour blanche que l’on peut apercevoir surmontant le pan orange participe en discrétion à cette mise en scène : les seuils successifs retardent l’entrée, entre le jeu du caché et du dévoilé, l’opacité du mur contraste avec la baie transparente qui laissent la lumière, l’ombre et l’eau être découpées différemment. L’inter-qualification, la symbiose des éléments de composition est un vecteur de sérénité.

FIG. 23. IBIDEM. PP. 70-

71.

La fragmentation de son architecture, entre tradition et modernité, confirme la constante dualité avec laquelle Barragan joue. Simplicité, densité, parcours. L’espace est un terrain ludique où la lumière, une expression spirituelle supérieure, est magnifiée, entourée d’une nature laissée proliférante pour se ressourcer.

La construction est en perpétuelle dégradation, on observe une patine, cyclique, le bâtiment se reconstruit en mémoire. Elle dépasse les nécessités quotidiennes au bénéfice d’un programme d’impératifs métaphysiques, vers une redécouverte de la solitude et de l’introspection. Luis Barragan met en scène la mémoire, il la séquence. Une telle oeuvre autobiographique cristallise la recherche personnelle de l’aboutissement d’une exploration spatiale, le lieu d’une quête de l’enchantement qui ne semble jamais terminée.

16 Ibidem.

55

56

57

INSUFFLER LE REPOS Joie. Comment oublier la joie ? Je crois qu’une œuvre d’art atteint la perfection lorsqu’elle transmet une joie silencieuse et sereine17.

Le lieu de la maison est compris par les deux architectes comme un lieu de l’intimité, de la sérénité sédentaire et de l’épanouissement tranquille. Ils sont tous deux motivés par cet entrelacement de la modernité et des traditions pour créer une architecture ancrée au réel mais fondée sur un imaginaire du mythe. Kahn ne cherchait pas à rendre ses œuvres hors du temps. Bien au contraire, il se préoccupait du commun et du traditionnel pour toucher directement à l’espace de la psyché. Pour lui, cet espace non-mesurable est celui de la sensation et de la pensée. Il rejoint en cela le travail de Barragan dans sa maison aux qualités méditatives, son travail de la couleur ou des seuils pour appeler nos sensations, interroger notre propre présence.

Sa maison n’est pas simplement une maison mais la Maison elle-même. Tout le monde pouvait se sentir chez soi. Son matériau est traditionnel ; son caractère éternel. Nous parlions des traditions comme s’il s’agissait de monticules de la poussière dorée de la nature de l’homme et à partir desquels les circonstances étaient distillées. Au fur et à mesure que l’homme suit son chemin à travers l’expérience, il apprend à connaître l’homme. L’apprentissage tombe sous forme de poussière dorée qui, si elle est touchée, donne le pouvoir d’anticipation. L’artiste a ce pouvoir et connaît le monde avant même qu’il ne commence. Il s’exprime en termes de validités physiologiques18.

17 Ibidem.

18 Kahn, Louis I. “LIK Lectures 1969 [sic]” folder, Box LIK 53, Kahn Collection, The Architectural Archives, University of Pennsylvania. From, Robert Twombly and Louis I. Kahn. “Silence and Light (1968, 1969): Silence and Light I.” Louis Kahn Essential Texts.

Boston: W. W. Norton & Company, 2003, 235.

58

Véritable mise en scène du quotidien, Barragan convoque le parcours routinier du corps et de l’esprit pour fabriquer une scénographie introspective. Sa foi religieuse n’est pas sans lien à cette mise en scène. En effet, si les édifices de l’idéal religieux cistercien sont des lieux de recueillement, de méditation propices à la prière, cette occupation n’est pas exclusive au quotidien monastique. Les moines effectuent un ensemble de tâches qu’ils tendent à sacraliser par l’absence de langage : chaque geste, chaque son et mot est raréfié et libéré par le chant, une sublimation du son par la contemplation du silence.

L’idéal spatial cistercien porté par l’Abbaye du Thoronet, est un désert de silence inondé de lumière. Le lieu est plus que le réceptacle de la méditation, chaque espace détient une part utile à la convergence mystique. Toute la maison de Tubayaca est imprégnée de cette teinte monastique, marquée par une humilité totale. Elle permet de donner toute place à l’esprit, qui n’est pas distrait dans un monde ramené à l’essentiel par l’amplification des respirations spatiales.

Cette quête de l’essentiel, Kahn la mêne plus rationnellement dans la Fisher House. Ce sont d’abord des impératifs financiers qui se mêlent au besoin d’exprimer la Nature élémentaire des choses. Si Barragan séquence par le seuil et la couleur un quotidien du silence, Kahn utilise l’ordre de la structure et du principe formel pour organiser des rencontres entre ombre et lumière. Il couronne, orne l’espace de mythe, par cette cheminée monumentale, qui marque d’une présence forte presque supérieure la pièce. Finalement, les deux concepteurs projètent par la fragmentation deux mises en scène particulières à leurs besoins programmatiques et contextuels. Il abordent cependant tous deux la dualité sous divers aspects : une dualité paysagère, une dualité de l’intérieur et de l’extérieur, du corps et de l’esprit.

La maison est le lieu mental du silence. Elle est personnifiée et cristallise un quotidien de l’individu. Elle exprime par cet usage du traditionnel, sans en faire une interprétation pittoresque et pastiche, mêlée à une écriture moderne, une mémoire du lieu entretenue par le mythe, le sacré, à la frontière de la parole.

Chez l’un comme l’autre, l’ouverture est animée par l’habiter dans toutes ses significations : dans le plan vertical traversé réciproquement de l’intérieur et de l’extérieur, dans son épaisseur que définit le cadre et qui se transforme en meuble… La fenêtre est un monde habité. Ce monde habité s’épanouit dans le silence creusé de l’ouverture, et vibre des relations qui s’y manifestent. Du dehors au dedans, du regard au paysage, de l’ombre à la lumière, la fenêtre est un plan animé insufflé de rencontres. Ainsi, la fenêtre nous dépasse, nous met au-delà de nous, dans un état de contemplation profonde. L’être se laisse emporter dans l’état contemplatif du silence. Kahn et Barragan ordonnent un quotidien des sens pour nous y acheminer, le parcours spatial s’enfonce progressivement dans le silence de la pause, de l’arrêt méditatif.

59

« LE SILENCE N’EST PAS TRÈS, TRÈS CALME » DÉSIR D’ÉDIFIER Le silence est charnière des espaces programmatiquement silencieux. Les cimetières, les églises… ces lieux du silence accompagnent des moments au-delà de l’homme dans leur accomplissement spirituel, leur lien à la mort et à leurs croyances. Il est au cœur d’une expérience spatiale supérieure. Mais l’expérience sacrée du silence n’est-elle possible que dans les lieux de recueillement du silence, là où la nature même du lieu nous impose la quiétude ?

FIG. 24. EN PRÉSENCE. PHOTOGRAPHIE (SUPPORT ET FORMAT INCONNUS) PAR FLICKR ABRINSKY (CC BY-NC-SA).

DHAKA, BANGLADESH. DATE INCONNUE.

L’Homme est un être sociable, qui s’organise en société pour prospérer. La cité, polis en grec, est le lieu de rassemblement des hommes.

Ainsi, la politique grecque n’est autre que la volonté première de faire cité par le biais du langage. Le parlement est l’institution qui héberge la vie politique, le débat parlementaire à l’origine des décisions prises pour la vie des citoyens et de la cité. Un lieu que Louis Kahn considère hautement comme noble et grand. Si pour lui l’architecture est le médium d’expression de l’ancrage de l’homme à son monde, le lieu politique est l’institution inspirée de sa volonté de faire société.

C’est ainsi que le gouvernement du Bangladesh le commande en 1962 de réaliser le Parlement National de Dhaka, sa capitale. Mégapole en expansion et à la croissance rapide, ce lieu ferait office de symbole de prospérité du pays. Complexe législatif, il s’étend sur près de 800 000 m2, comporte des espaces verts, des lacs artificiels et des résidences pour les députés. Le bâtiment principal, le Bhaban, culmine à une hauteur de 155 m, et se compose de neufs blocs individuels accueillant la place principale, la place Sud et la place présidentielle. Les espaces alternent en huit cours de lumière et d’air, mis en relations par des coursives verticales et horizontales dans un jeu complexe de composition, tous organisés de manière concentrique autour de la Chambre du Parlement qui occupe la place principale, une assemblée à la capacité d’accueil de 354 membres et d’une hau61

teur de 117 m. L’espace est inondé d’une lumière zénithale apportée par la coquille parabolique du toit reflétée par les murs et le tambour octogonal du centre.

Dans l’assemblage, j’ai introduit un élément lumineux à l’intérieur du plan. Si vous voyez une série de colonnes, vous pouvez dire que le choix des colonnes est un choix de lumière. Les colonnes en tant que solides encadrent les espaces de lumière. Maintenant, pensez-y juste à l’envers et pensez que les colonnes sont creuses et beaucoup plus grandes et que leurs murs peuvent eux-mêmes donner de la lumière, alors les vides sont des pièces, et la colonne est le fabricant de lumière et peut prendre des formes complexes et être le support des espaces et donner de la lumière aux espaces. Je travaille à développer l’élément jusqu’à ce qu’il devienne une entité poétique qui a sa propre beauté en dehors de sa place dans la composition. De cette façon, il devient analogue à la colonne solide dont j’ai parlé au-dessus comme dispensateur de lumière. Ce n’était pas une croyance, pas un projet, pas un modèle, mais l’essence à partir de laquelle une institution pourrait émerger19…

Afin d’ancrer le bâtiment dans l’héritage de la construction vernaculaire Bengale, Kahn emploie un vocabulaire matériel traditionnel de cette culture, qu’il harmonise avec l’écriture moderne de grandes formes géométriques ouvertes dans les parois de béton et par les arches de brique rouge. La coursive intérieure circulaire laisse en présence constante la cour intérieure que forme le parlement. La colonne qu’il investit comme un monde propre de lumière dont on étend l’épaisseur, fait alterner lumière et non-lumière vers cette cour de lumière intérieure.

L’eau du lac est dormante, animée de la tranquille vibration produite par les caresses de l’air. Elle respire des mouvements fluides du courant. Son rôle est aussi isolant et refroidissant. Sa présence est particulière à l’échelle du territoire, par sa préciosité dans la région aride du Bangladesh. Le plan horizontal donne une impression d’infini, duplique la présence horizontale et verticale du bâtiment, lui conférant la double perception d’un en-dessus et en-dessous de l’homme, une transcendance totale, une immersion absolue. L’eau confirme la présence mystique du parlement.

FIG. 25. JATIYA SANGSAD BHABAN. PHOTOGRAPHIES NUMÉRIQUES PAR CEMAL EMDEN. DHAKA, BANGLADESH. 2018.

19 Louis I. Kahn. Op. cit. Silence & Lumière. p. 85.

62

63

64

L’architecte réinvente le monument par l’ouverture et la composition de la façade. De son origine latine monere, le monument porte en lui la mémoire du silence des civilisations passées20. Le souffle poétique émerge des traces laissées par l’histoire, et la matière, par sa résistance au langage, porte ce potentiel puissant en retenue. Kahn réinvente le terme par la composition des façades et des ouvertures, réinvestit la nature matérielle de la brique dont il renouvelle l’expression en arche. Le marbre inscrit en noblesse le motif traditionnel de composition des façades, incrusté dans le béton brut coulé sur place.

Les formes simples et pures dans un rapport d’échelle imposant contribuent à la présence monumentale universaliste du complexe.

Pourtant, il appartient au lieu et à son histoire de par le respect avec lequel Kahn met en œuvre la matière.

Les hauts lieux de silence occidentaux ramènent traditionnellement l’homme à la prise de conscience de sa propre finitude, de son insignifiance, par l’écrasement lourd de la masse et de l’atmosphère.

Ici, l’homme est mis en garde avec bienveillance : son inspiration à faire société doit être le fruit de grandes et belles choses, pourvu qu’il médite en lui son rapport au monde, et son rapport aux autres. Le bâtiment évoque l’insaisissabilité temporelle de l’histoire. Les rapports d’échelles, les halos de lumière et les jeux d’alternances duelles entre le caché et le dégagé interrogent la sensation d’une présence supérieure. La fissure et la connexion revient comme archétype du dualisme kahnien. La rupture spatiale visuelle nous achemine à la lumière de notre existence plurielle et simultanée, une réponse dans le silence d’une poésie des ruines.

FIG. 26. JATIYA SANGSAD BHABAN. PHOTOGRAPHIES NUMÉRIQUES PAR CEMAL EMDEN. DHAKA, BANGLADESH. 2018.

Le plan prend les contours du Râga : cadre mélodique pour la musique classique indienne, ce dispositif exprime des thèmes musicaux sur la passion, les couleurs ou les saisons. Liés chacun à un sentiment et un temps de l’année, il s’agit d’un ensemble de règles qui dictent la construction mélodique traditionnelle. Il spécifie des règles de mouvements ascendants et descendants, les notes à utiliser en nombre ou celles à utiliser avec parcimonie, à éviter… Un bourdon harmonique accompagne la mélodie de tête, permettant au soliste de se libérer dans l’exploration du mode. Le râga est difficilement transmis à l’écrit tant il en existe de variations. Elle nécessite donc un enseignement oral qui passe par une longue relation entre un maître guru et un élève. Le râga est ainsi un genre vivant, qui varie extrêmement suivant l’interprète, la région ou la tradition. C’est un art musical de la transmission orale21. Ces variations infinies du langage sont transmises par les choix multiples que possède le visiteur. Il est toujours ramené, appelé à ce noyau central de l’assemblée. Chaque 20 Françoise Choay, L’Allégorie du patrimoine. Éditions du Seuil, Paris, 1996.

21 Auboux François, L’Art du raga. La musique classique de l’Inde du Nord, Paris. « Musique Ouverte », Minerve, 2003.

65

colonne de lumière, chaque espace est en relation aux autres mais possède sa propre teinte, sa propre présence. Un monde dans un monde, c’est dans cette construction d’une société de pièces que Kahn se place en guru de son propre râga, qu’il transmet aux citoyens de Dhaka par le langage tacite de l’espace.

Véritable symbole de fierté pour le pays, l’action ancestrale de la parole est vénérée. Tout est acheminé vers cet espace de parole. C’est à sa rencontre que le silence scintille de toute l’évocation monumentale du lieu, là où est libéré le désir de vivre de l’homme.

L’évocation tacite du temps émane de l’œuvre monumentale, c’est l’expérience transcendante d’une archéologie des lieux et de notre existence qui nous gagne. Ce silence du trouble interroge une contraction paradoxale de la sensation immédiate inscrite dans un temps étiré. La parole succède à l’émotion de ce trouble. Par l’expérience immergée du lieu, nous entrevoyons les prémices d’une discipline qui marquera la pensée d’un architecte contemporain éminent : la phénoménologie.

FIG. 27. JATIYA SANGSAD BHABAN. PHOTOGRAPHIES NUMÉRIQUES PAR CEMAL EMDEN. DHAKA, BANGLADESH. 2018.

66

67

68

GÉOLOGIE DU SILENCE Revenons à un projet que l’on n’oserait plus présenter : les Thermes de Vals, réalisées par Peter Zumthor pour la ville de Vals en Suisse.

Ce projet, exploré sous toutes ses coutures depuis l’inauguration en 1996, est une des œuvres majeures qui marquera un tournant pour l’architecture contemporaine. La caverne d’eau mystérieuse implantée dans le cadre féérique des montagnes a séduit la scène architecturale internationale. Si ce projet fut le coup d’envoi d’une renommée mondiale pour l’architecte, il permit aussi d’éclairer un apport théorique important d’une architecture poétique et sensible au lieu.

FIG. 28. THERMES DE VALS, SUISSE, 1996. PHOTOGRAPHIE NUMÉRIQUE PAR HÉLÈNE BINET. VALS, SUISSE. 2006.

L’expérience du monde, le contact avec le monde précède toute pensée sur le monde22. La sensation lui est primordiale. Selon lui, peu importe l’endroit que nous rencontrons, nous en savons déjà beaucoup sur lui de part notre propre perception du lieu. Sa propre compréhension de l’esprit d’un lieu passe inconsciemment par un procédé phénoménologique qu’il entretient : le regard précède la parole23.

Pour lui, regarder un lieu n’est pas qu’un enjeu de la vue, il faut le sentir, l’éprouver dans ce qu’il a à nous dire. Ce dialogue muet nous met en présence du génie du lieu. Alors seulement, nous sommes capables de libérer le discours et de l’interpréter. En somme, l’esprit d’un lieu résulte d’un échange silencieux par un langage intime et imprescriptible, celui de l’émotion. L’Art est un préalable de la pensée.

Gaston Bachelard pensait qu’il existe deux formes d’imagination : « une imagination formelle et une imagination matérielle24 ». Pour Zumthor, son imagination est celle des choses réelles, concrètes et 22 Maurice Merleau-Ponty, Sens et Non-sens (1948). Éditions Gallimard, Collection Bibliothèque de Philosophie, 1996.

23 Peter Zumthor dans Peter Zumthor : Different Kinds of Silence, interview biographique par Marc-Christoph Wagner, Haldenstein, Suisse, (2015). Louisiana Channel, Louisiana Museum of Modern Art, 2015.

24 Bachelard, Gaston, 1983, L’ eau et les rêves : un essai sur l’imaginaire de la matière , trad. Edith R. Farrell (Dallas : Pegasus Foundation [1942 en français]). p. 1.

69

des relations factuelles25. L’eau, l’ombre et la lumière sont autant de matériaux concrets que la pierre et l’acier. Finalement, il dessine les thermes comme une pure masse opaque d’ombre au milieu d’un paysage pittoresque, dans lequel il glisse des touches de lumières, des infiltrations de son et de mouvement. L’architecte ne part cette foisci pas de l’image mentale adaptée aux circonstances du projet, mais répond à des enjeux de fond concernant l’ouvrage à bâtir sur ce lieu et ses matériaux.

Ensuite seulement […] sont apparus des structures et volumes qui nous ont surpris nous-mêmes et que je crois animés du potentiel d’une force élémentaire qui va au-delà d’un arrangement de forme stylistiquement prédéfinies. S’occuper […] des lois propres qui régissent les choses concrètes, telles la montagne, la roche ou l’eau, offre la possibilité d’appréhender un peu de l’essence originelle, et pour ainsi dire vierge de toute influence civilisatrice, de ces éléments, de leur donner une expression et de créer une architecture qui part des choses et revient aux choses26.

Le complexe thermal hôtelier est semi-enterré, surmonté d’un toit végétal dans une volonté de dissimulation, d’humilité face au paysage fort. L’entrée se fait par un long corridor noir sous-terrain, un tunnel intrigant fabriquant une déambulation entre les blocs de pierre, à l’image de la carrière abandonnée par des blocs extraits mais pas usinés. Arrivés au centre de la caverne, seule la lumière artificielle des éclairages en hauteur des murs nous oriente dans notre parcours. Il opère la rencontre par une typologie du creux et de la masse, de l’ouverture et de la compacité, du rythme, de la répétition et de la variation. Le plan qui en résulte est une succession rythmée de pleins et de vides. Il habite la masse pour abriter des cavernes intimes et introverties, arborant des colorimétries et des thématiques différentes, afin d’exprimer des états d’âmes divers : le bain de feu aux murs rouges, le bain de fleurs aux parois noires et aux senteurs de lavandes... servent l’expérience d’immersion et de suspension.

Nous habitons l’épaisseur d’une sculpture des couches du temps et de la nature. La pierre de Gneiss est usinée, taillée en longues lames polies et découpées en trois épaisseurs différentes dont la somme fait 15 cm. L’appareillage se décline dans les marches, et se poursuivent dans l’eau, sur les murs, les sols, les plafonds… Expression d’une architecture sédimentaire, stratifiée, le corps est pris dans la masse, il n’est jamais extrait du milieu de la montagne, il en fait partie.

FIG. 29. THERMES DE VALS, SUISSE, 1996. PHOTOGRAPHIE NUMÉRIQUE PAR HÉLÈNE BINET. VALS, SUISSE. 2006.

25 Peter Zumthor. Penser l’architecture. Springer Science & Business Media, 2008.

26 Ibidem. p. 31.

70

71

72

Par l’ouverture, Zumthor nous met face à la puissance de la nature dans tout son potentiel. Le cadre dépasse le corps, qui est englobé dans la scène de ce dialogue géologique. Se plaçant à la fin du parcours, Zumthor nous achemine vers une contemplation de la lumière.

L’eau est à la fois le liant et le cœur de cette architecture. Sa nature vibrante et fluctuante met en résonance les éléments du lieu. Elle accompagne la relation du corps au milieu minéral : entre la solidité impassible de la pierre et la fragilité fluide du corps, l’eau agite ce mélange singulier. Le corps est forcé d’y ralentir son mouvement, c’est dans la lenteur flottante qu’il doit se déplacer. Par le trouble de l’eau, qui est constamment brassée, les emmarchements de pierres s’estompent. C’est comme si la pierre était fusionnée vers un état liquide. Le gneiss est aussi recouvert d’une fine pellicule d’eau, fabricant un miroir fragile.

FIG. 30. THERMES DE VALS, SUISSE, 1996. PHOTOGRAPHIE NUMÉRIQUE PAR HÉLÈNE BINET. VALS, SUISSE. 2006.

Le contact froid de la rampe en bronze se réchauffe en accompagnant l’immersion du corps dans les bassins. Le corps nu présente une surface épidermique maximal au métal, accentuant la sensation. Les dispositifs en bronze colorent d’une teinte bien marquée les espaces de contact du corps à l’espace dans son cheminement, et plus largement des points de mouvements et de son. La tranquillité perturbée par le mouvement du corps et le jaillissement de l’eau est caractérisée par cette matière scintillante et très distincte. Le bronze est l’instrument, le cuivre d’où provient le souffle fluctuant de la vie qui se déverse sur la matière figée. La masse inerte prend vie à ce contact, un échange, une cohabitation tacite entre le déjà-là passé, présent, et le fluctuant et imprévisible futur.

Peter Zumthor produit une architecture sédimentée des innombrables couches du temps. Sanctuaire d’une histoire contenue dans la masse inerte de la roche, Zumthor tente d’obtenir les clés de compréhension de ce langage, sans prétendre le saisir dans son intégralité, par la sensation. C’est par le biais de la sensation décryptée qu’il tente de transmettre le plus synthétiquement possible ces fragments archéologiques. L’histoire n’est cependant pas figée, et doit être intégrée dans une compréhension présente du monde.

C’est ainsi que le bâtiment se complait dans le repos, nous évoquant à la fois sa forme révolue et son mouvement.

FIG. 31. OUTDOOR BATH IN FREEZING COLD. PHOTOGRAPHIE NUMÉRIQUE PAR FERNANDO GUERRA. VALS, SUISSE. 2004.

Lorsque nous regardons des objets ou des ouvrages bâtis qui semblent en eux-mêmes se reposer, notre perception devient d’une façon particulièrement calme et émoussé. L’objet que nous percevons ne cherche pas à s’imposer par un message, il est simplement là. Notre perception se fait tranquille, libre de toute prévention et de toute volonté d’accaparement.

Elle se situe au-delà des signes et des symboles. Elle est ouverte est vide. C’est comme si l’on voyait quelque chose qui ne se laisse pas placé au cœur de la conscience. Alors, dans ce vide de la perception, il peut remonter à la mémoire de celui qui regarde un souvenir semblant surgir du fond des temps. Voir l’objet, c’est aussi pressentir le monde dans sa totalité; car rien n’est là qui ne soit destiné à être compris27.

27 Ibidem. p. 17.

73

74

75

ARCHÉOLOGIE DU TROUBLE « Le silence n’est pas très, très calme28 ».

Le bâtiment de Dhaka est capital dans notre recherche de ce que le silence pourrait affirmer comme potentiel, une puissance littérale des formes épousant une puissance retenue par ce langage tacite. Le parlement, lieu de sacralisation de la parole, se joue du symbole et des empreintes historiques d’un tel lieu pour instaurer un dialogue en contraste, dans la dualité déjà observée de l’architecte. Si dans l’opacité et la démesure, Kahn apporte un silence de l’outre-passement de l’homme, c’est aussi par la forme pure et l’image qu’il s’installe.

Le projet de Dhaka s’installe au sein d’une mégapole, marquée par le vacarme incessant du grouillement insensible de la technique. Ce monde de bruits n’est pas, pour Peter Zumthor, une entrave à la création. Bien que l’architecte suisse aime travailler à l’écart du monde, loin des considérations externes de ses confrères. Situé dans la petite ville d’Haldenstein, son atelier est un lieu à part, voué à son travail qu’il qualifie comme celui d’un auteur. Pourtant, il dit pouvoir s’absorber de la même manière dans le son anonyme de la ville, si il lui est possible de trouver le calme intérieur, comme dans un océan de sons protecteurs. Pour lui, le silence est relatif et pluriel : son travail passe par un silence mental influencé par son environnement29, une faculté de concentration inhérente à la qualité de ses productions.

Le projet des thermes de Vals, corrélée à une pensée ancrée à son architecte, interroge un rapport phénoménologique au silence architectural. Dans l’expérience des choses avant tout, le silence se complaît. La sensation prime sur la pensée et la parole, une sublimation de l’émotion que nous transmet un lieu.

28 Louis I. Kahn. Op. cit. Silence & Lumière. p. 164.

29 Peter Zumthor. Op. cit. Different Kinds of Silence.

76

L’eau est, pour les deux projets, en présence. Elle souligne un rapport duel de la pensée moderne et contemporaine. Là où chez Kahn, elle exprime une force dormante et hégémonique qui donne sa puissance au bâtiment dans une contemplation du reflet et du courant par une construction artificielle et symbolique, chez Zumthor, elle est l’invitation du corps à s’immerger dans la montagne impassible. C’est le joint de l’appareillage, la cohabitation du milieu et le compromis du corps à la nature.

La poésie des éléments est utilisée dans un but commun, mais dont l’interprétation diffère. Ces deux réalisations nous interrogent sur l’idée que reçue du monumental. Kahn semble, de prime abord, l’interpréter par le biais d’une définition répandue au 19e siècle, qui qualifie de monument tout objet donnant une impression grandiose par sa taille, ses proportions imposantes. Or, sa signification originale renvoie avant tout à la mémoire portée par le patrimoine d’une civilisation. Bien qu’il s’inscrive dans des traditions matérielles endémiques, l’architecte les détourne en partie et se les approprie afin de dépasser la tradition, hostile au pittoresque de la figuration, préfère travailler dans l’abstraction de la forme.

Peter Zumthor revient à la genèse de ce qui forge le monumental. Sa posture est cohabitante au lieu, ne se met pas hors du temps mais s’y insère. L’intemporalité du lieu resurgit de l’expression minérale de l’eau et du gneiss, qui s’accorde à la contemporanéité des techniques constructives et de l’évolution des perceptions aesthétiques.

Le monumental est duel : le langage monumental doit-il s’abstraire pour que son mystère s’impose aux hommes qui, dans la vénération du secret, l’élèvent à plus haut qu’eux ? ou le monumental est-il avant tout la construction pour et par les hommes d’un langage tacite perpétué et transmis, donc l’expression n’est pas faite pour s’imposer à eu mais pour révéler la mémoire, les traces de leur histoire et s’y inscrire par un rapport cohabitant à la présence sédimentaire du lieu ? Avec ou au-dessus du monde, les deux pensées se rejoignent dans l’intuition de rendre leur bâtiment signifiant aux hommes dans leur ancrage au monde.

Un jeune architecte vint me parler. ‘’ Je rêve d’espaces pleins de merveilleux [...] Quand je trace sur le papier la première ligne pour capturer mon rêve, le rêve s’affadit’’. [...] C’est la question du non-mesurable et du mesurable. La Nature, la nature physique est mesurable. Le sentiment et le rêve n’ont pas de mesure, pas de langage, et le rêve de chacun est singulier30.

30 Louis I. Kahn. Op. cit. Silence et Lumière, Principe formel et projet, p. 41.

77

Louis Kahn effectue une phénoménologie du silence avant l’heure.

Tout l’enjeu de son travail est de parvenir à capturer ce qui fait l’essence, l’émotion d’un espace pour le retransmettre aux hommes.

L’architecte américain, inscrit dans le courant moderne, est néanmoins imprégné d’un rapport naturaliste au monde, qui oppose les faits de nature aux faits de culture, ceux de l’homme.

Cependant tout ce qui est fait obéit aux lois de la nature.

L’homme est toujours plus grand que ses œuvres parce qu’il n’arrive jamais à exprimer pleinement ses aspirations. Car s’exprimer en musique ou en architecture se fait par les moyens mesurables de la composition ou du projet. La première ligne sur le papier est déjà une mesure de ce qu’on ne peut exprimer pleinement. La première ligne sur le papier, c’est moins31.

Nous avons là une majeure divergence entre le travail de l’architecte suisse et de son prédécesseur moderne. En effet, Kahn instaure un rapport de force, de démonstration dominante face à la Nature, qui sert finalement de cadre, reste en arrière-plan d’une conception sensible de ce qui fait pour lui l’émotion d’un lieu. Il construit l’émotion de toute pièce, pliant à sa volonté le site et les usages. Or Zumthor s’inscrit dans une démarche opposée. En effet, il évite la fabrication d’images détachées du lieu du projet. Il effectue un travail de relevé de ses sensations sur place, dans la nature présente et passée du site, et en tire des relations concrètes et tangibles qu’il souhaitera organiser et révéler. C’est ainsi que la montagne le touche de sa minéralité, de sa topographie accrue et de sa nappe de brouillard due à la condensation. C’est un cheminement de la sensation qui l’amène à construire l’image concrète, et non l’inverse.

C’est ainsi que Zumthor résout la problématique de Kahn du rêve qui s’affadit à la première ligne tracée. Il fait de la sensation éprouvée, et non imagée, la matière première de la construction du rêve. Ainsi, il n’estompe pas le langage tacite avec lequel le lieu lui a d’abord parlé. Il le capture, l’immortalise dans la matière de la manière dont la nature l’a « voulu », et l’amplifie. D’un ensemble de sensations, il construit l’émotion. Le première ligne sur le papier, c’est plus. Le silence est moins silencieux.

31 Ibidem. p. 41.

78

FIG. 32. PHOTO PAR A+T RESEARCH GROUP. 2014.

FIG. 35. PHOTOGRAPHIE NUMÉRIQUE PAR IWAN BAAN. LAUSANNE, SUISSE. DATE INCONNUE.

FIG. 33. LOUIS I.KAHN HOUSES, TOTO SHUPPAN, P88-P161 . AUTEUR, DATE ET SUPPORT INCONNUS. FIG. 36. PHOTOGRAPHIE OP. CIT. YUKIO FUTUGAWA PP. 34-35.

FIG. 34. JATIYA SANGSAD BHABAN. PHOTOGRAPHIES NUMÉRIQUES PAR CEMAL EMDEN. DHAKA, BANGLADESH. 2018.

FIG. 37. THERMES DE VALS, SUISSE, 1996. PHOTOGRAPHIE NUMÉRIQUE PAR HÉLÈNE BINET. VALS, SUISSE. 2006.

81

CONCLUSION

OUVERTURE, PAUSE, TROUBLE Qu’est-ce-que le silence ? Comment parvenir à le matérialiser, à lui donner une physicalité alors même qu’il est ce qu’il y a de plus insaisissable par sa définition physique même ? Existe-t-il une architecture du silence, et plus encore un silence architectural, voire plusieurs ? Les expressions spatiales que prennent le silence ne sont-elles pas aussi une manifestation d’un processus de création lui-même silencieux ? Comment le silence est-il le siège libérateur de la création et de l’expression et de quelle manière cela se manifeste en architecture ? Un ensemble de questionnements m’a amené à synthétiser une réflexion à double entrée, une double réflexion entre une traduction littérale d’un silence dans l’œuvre architecturale et de comment ce silence est aussi à l’œuvre dans le processus de création. Dans quelle mesure l’expression du silence est-elle source d’émotion pour l’architecture ?

Ce travail a abordé une sorte de généalogie de la pensée de Louis I. Kahn. Écrire, c’est pour lui penser profondément, c’est se rendre silencieux face à la force de l’idée. Son ouvrage Silence & Lumière a construit la base théorique de notre travail, consolidant un ensemble de concepts et de cheminements essentiels à nos analyses. Il m’a en effet permis de dégager trois notions clés pour cette mise en espace du silence que sont l’ordre, la lumière dépensée comme matériau et l’inspiration.

Silence et Lumière ré-interroge les prémisses de l’architecture dans une forme primitive des géométries premières inscrites dans une nuit des temps. L’idéal silencieux de l’espace est la quête d’une essence fondamentale de l’émotion, la noble et vaste quête de ce qui fait Art, ce qui fait Architecture. Notre méthode s’est appuyé sur une généalogie, voir une archéologie du silence. L’arkhè, c’est l’origine absolue, la cause première de toute chose, le premier moteur ou principe qui commande et commence.

Véritable démonstration théorique, nous avions à en vérifier l’applicabilité à l’Œuvre architecturale du maître. Par l’analyse de trois des œuvres de Kahn, nous avons donc essayé de trouver les points d’applicabilité du silence en rencontre de la lumière qui fabriquent l’aura de l’œuvre, à travers les concepts précédemment soulignés. Ces ouvrages en partie choisis depuis un angle fonctionnel, il s’agissait aussi de mettre le silence en jeu dans sa variabilité de potentiel. Cette déclinaison de potentiel, nous l’avons alors confronté à un autre trip83

tyque, plus ou moins contemporain, mais aussi riche en propositions architecturales et interprétations théoriques.

Nous sommes donc entrés en matière avec un premier diptyque, celui de la Bibliothèque Universitaire d’Exeter et du Rolex Learning Center de l’Ecole Polytechnique de Lausanne par SANAA. Si la démonstration fonctionnelle d’une relation des lieux au silence fut évidente, c’est sur la composition spatiale de cette expérience que nous nous arrêtâmes. Les carelles de la Bibliothèque Exeter relève d’une attention chaleureuse et douce au détail par le travail du bois, et nous évoquent d’abord l’amour que Kahn portait à l’apprentissage et à la lecture, et de fait sa tendance à la personnification des choses et des lieux, une véritable transposition de son être dans le dispositif spatial et la matière. Cadre, mise en scène et relation singulière à la nature de ce qu’est la bibliothèque : c’est dans l’ouverture du silence, dans ce creusement de la matière pour amplifier le vide et y installer le silence que Kahn et Sanaa s’accordent. Leur exploration comparative révèle cependant une dualité significative : quand Kahn dessine une architecture composite, à la limite de l’objet architectural, Sanaa définit son bâtiment comme un paysage continu et homogène. L’abstraction des formes y est divergente, et c’est dans le langage opiniâtre de la matière que se joue l’émanation émotionnelle de l’œuvre.

Par la suite, nous nous sommes questionnés sur une application de silence à la maison protectrice, hôte d’un monde rythmé et animé du quotidien ? Le travail de Luis Barragan se retrouve dans une moindre mesure dans l’interprétation de la domus pour la famille Fisher. L’œuvre d’un architecte aussi éminent que Kahn pour l’architecture moderne soulève des questionnements quant aux contextes théoriques et philosophiques rattachés à ces interprétations. L’étroite relation d’amitié qu’il entretenait avec Luis Barragan était révélatrice d’une volonté de dépasser les dogmes modernes. Ils y opposent une architecture humaine de l’intime, profondément sensible et ajustée par une attention du meuble, de l’intégration et de l’interconnexion aux choses. Ils créent tous deux des cosmogonies uniques à chaque être, aussi par une mise en abîme du corps et de sa présence matérielle et immatérielle au monde. Barragan, imprégné d’une foi exemplaire et d’une sensibilité spatiale et picturale ancrée dans ses origines mexicaines, construit son sanctuaire. Il sublime, cristallise une vie de dévotion au silence, et nous achemine de pauses en pauses, dans le repos et la sérénité. Ce silence tranquille, c’est par son attention toute particulière au cadre et au meuble, et sa propre exploration du mythe que Kahn l’offre à l’habitat. La contemplation est mise en scène au sein d’un parcours spirituel : la maison est le lieu mental du silence, le silence s’accomplit dans la rencontre.

Enfin, nous sommes partis au Bangladesh, là où l’Assemblée Nationale de Dacca nous a marqué de son symbole pour la ville, et de 84

l’impossibilité pour une telle institution de parole d’être aussi celle du silence. Son émanation monumentale nous questionna sur ses motivations. Confrontée à l’interprétation de la caverne par Zumthor, la nature de son impression imposante et sublime nous ramène à la notion même de monument. L’eau s’est montrée être l’élément d’enjeu de cette qualification. La contraction des masses, de l’épaisseur, le dialogue tacite des milieux niche un silence particulier. Celui qui accompagne l’expérience supérieure de la révélation d’un ancrage intemporel de l’homme au monde, l’expérience du trouble.

Par un travail essentiellement architectural, qui soulève des sujets philosophiques et artistiques, nous avons tenté de regarder le silence architectural au plus précis de sa source.

• Le silence architectural touche à la définition même que nous nous faisons de l’architecture. Elle est dans son ensemble comme irriguée par une forme de sérénité, un potentiel en puissance. Le silence s’adapte aux inspirations de l’homme, il se décline dans un nuancier de désirs essentiels qui l’amène à rêver. Louis Kahn a tenté toute sa vie de trouver un silence ultime, d’accompagner dans le silence la vie de l’homme dans un art d’édifier. Une architecture généreuse de l’émotion, dont les fruits marquent et marqueront encore l’aspiration des hommes à construire leurs rêves.

Quand Zumthor ou Sanaa s’inscrivent dans une certaine ontologie32, ils s’interrogent en réalité sur l’être même dans son rapport au monde. Cette présence silencieuse de l’espace questionne notre rapport au monde, l’expérience immédiate et diffuse que nous en faisons. Cet être au monde, Martin Heidegger le qualifie de Da Sein dans l’ouvrage Être et temps. Il y problématise le retrait de l’être au monde dans une intériorité et la lecture des choses. Le silence est vécu comme un matériau de philosophie33.

Ce n’est pas sur un autre fondement existential que repose une deuxième possibilité essentielle du parler, le faire-silence. Celui qui fait-silence dans l’être-l’un-avec-l’autre peut « donner » plus véritablement à « comprendre » [...]. Pour pouvoir faire-silence, le Dasein doit avoir quelque chose à dire, c’est-à-dire disposer d’une résolution authentique et riche de lui-même. C’est alors que le silence manifeste, et 32 Ontologie est composé de ses racines grecques to on (l’être) et logie de logos (langage) : onto-logie qualifie littéralement la parole de l’âme.

33 Martin Heidegger, Être et Temps (1927). Édition Numérique Hors Commerce, 1985.

Traduction d’Emmanuel Martineau.

85

brise le « bavardage ». Le silence en tant que mode du parler articule si originairement la compréhensivité du Dasein que c’est de lui que provient le véritable pouvoir-entendre et l’être-l’un-avec-l’autre translucide34.

La métaphysique, c’est étymologiquement l’idée d’aller au-delà de la nature. Il rattache le faire-silence à un état méditatif d’une accession métaphysique de l’être. L’incidence du silence est indirecte et se niche dans l’événement de l’expérience. Or la méditation permet d’en allonger l’étendue. Nous pourrions ainsi analyser des pratiques méditatives de l’espace, quand la vie est dévolue à l’acte du faire-silence, ce que nous avons amorcé chez Barragan.

Tournez-vous vers l’Intuition (l’âme) et détournez-vous de la pensée (l’ordre avec volonté), mégarde sinon vous ne ferez rien35. Toute création trouve son fondement dans l’intuition. Le rêve est le désir d’exprimer sa volonté d’exister. La Pensée et l’Intuition sont inséparables.

De quelle manière la Pensée peut-elle pénétrer la création afin que cette volonté psychique puisse être plus exactement exprimée ? Car si l’on veut l’exprimer, donc la saisir, est-ce toujours de l’intuition, ou déjà de l’ordre ? Une manifestation matérielle de la volonté se confronte inévitablement à la barrière du logos. L’intuition nait des choses qui ne sont justement pas exprimées. L’idée est la fusion de l’âme et de l’intuition au plus intime de la relation de l’esprit et de l’âme, source même de ce qu’une chose veut être.

J’aimerais parvenir, ou du moins essayer, à saisir et représenter par une production essentiellement graphique ou en maquette, ces multiples silences, leurs références et les archétypes qu’ils prennent.

• précédentes, il semblerait que Si l’on s’en tient à nos conclusions l’ensemble des espaces architecturaux, réalisés ou non, soient imprégnés de différentes teintes de silences, depuis leur concepteur et son processus même jusqu’à leur ruine immémoriale. Il faudrait interroger la définition même de l’espace architectural dans l’idée que peu importe la nature d’un lieu, de son usage le plus commun à l’édifice le plus sacré, le silence y est maître.

La pertinence cependant de cette démarche serait elle aussi questionnante. En effet, le silence qui se place comme intervalle, que l’on fait naître avec la plus grande délicatesse et attention, qui se maintient dans un équilibre fragile avec la lumière, peut et doit-il être réduit à cette universalisation qualitative ? Quand Kahn ou Barragan le ma34 Ibidem. p. 141.

35 Louis I. Kahn. Op. cit. Silence & Lumière. p. 40.

86

gnifient, c’est en effet par le biais de l’unique et du singulier, d’une existence profondément ancrée dans la rareté du mythe et du sacré.

C’est la recherche esthétique d’une sublimation du sens.

Le cursus de master est une véritable clé d’entrée pour définir et développer une pratique et une identité architecturale propre. Aussi, je ressens comment ce travail de recherche m’a amené à re-considérer ma pratique, dans sa lenteur et sa quiétude. Le travail long et fastidieux de la représentation à la réflexion du projet, le processus en amont se fait dans un silence fort aux qualités méditatives. Les heures passées au dessin, à l’écriture ou à la maquette sont insufflées de cet élan spiritualisant de la pratique, et j’en ai saisi très vite le sens.

Cependant, la prise de ces outils dans une traduction spatiale du silence est plus délicate. Le silence travaille en aval de la définition du projet, a posteriori de l’organisation de la lumière et de la matière.

Cela provient probablement d’une expérience encore naïve de la discipline, qui se confronte encore aux démarches, aux enseignements critiques et techniques de la construction. Malgré cela, je m’efforce dans la sensibilité du projet, d’interroger cet outil : par l’idée du filtre ou du cadre, de la mise en rapport frontaux ou continus à des paysages, des paysages intérieurs, et à en créer de nouveaux. Le silence s’installe dans le projet comme l’outil d’identification et de qualification de rapports entretenus par les êtres et les choses. Tenus par la matière, ces mondes évoluent dans l’infini royaume du silence.

Le travail même de ce séminaire, la recherche exaltante d’indices est une quête absorbante qui représente une pause, une suspension dans le mouvement effréné du monde. L’écriture pousse à une solitude que nous ne fuyons pas, comme Barragan nous avertissait, mais nous embrassons. Je suis convaincue que se retirer du monde, c’est s’en rapprocher.

87

GLOSSAIRE •

silence : 1. Absence de son 2. Fait de se taire, faire silence (silere). Moment de silence, recueillement, observation et contemplation, interruption et absence de la parole. 3. Fait de retenir ses émotions, ses mots, ses sentiments. - Fait d’exprimer, par sous-entendu (tacite), de fortes émotions. / Étymologie : état de celui qui s’abstient de parler. Le silence a pour étymologie latine silere, la lettre S étant la notation même du silence. Sa prononciation sifflée tend à sa discrétion totale, et se rapporterait à l’absolu, une affirmation du silence en soi dans une référence à la tranquillité, l’absence de mouvement et de bruit.

•

tacite : Étmologie : le S se combine à T et le verbe devient tacere, une intimité du silence, renvoyant à un silence relatif d’une absence de son, notamment de parole. En musique, son emploi amènera paradoxalement. à la notation du tacet, indication maximale du silence musical. Il est aujourd’hui employé sous la forme de « taciturne », synonyme de silence, mais renvoyant principalement à une retenue du langage. Taciturne se décline alors en tacite : ce qui n’est pas formellement exprimé, sous-entendu, tenant d’un rapport entre deux parties - un accord ou un renoncement. / 1. Sous-entendu, retenue, qui n’est pas formellement exprimé entre plusieurs parties.

•

généalogie : 1. Dénombrement par filiation des ancêtres d’un individu - rapporté à la biologie, filiation d’espèces. / Étymologie : genealogia (γ ε ν ε α λ ο γ ι ́ α de même sens) gene (génétique, origine biologique) et logia (savoir, logique, science).

•

émotion : Étymologie : latin movere (ébranler, mettre en mouvement) / 1. Mouvement vif, fugace. 2. Conduite réactive, réflexe, involontaire vécue simultanément par le corps de manière plus ou moins intense et affectivement sur le mode du plaisir ou de la douleur. Éprouver, ressentir. Bouleversement qui rompt la tranquilité. 2. Qualité de ce qui fait Art. Lyrisme, Sensible, Provocation.

•

expression : 1. Action d’exprimer ou de s’exprimer. Rendre manifeste par les possibilités du langage (pas seulement oral ou écrit), ce que l’on pense ou ressent. Moyen, possibilité, puissance, volonté d’exprimer. 2. Façon détournée de définir une chose dans sa forme, son contenu, son caractère, etc. Ensemble de signifiants expressifs (substance artistique).

•

pensée : Étymologie : latin pensare (peser) / 1. Principe de la vie psychique et intellectuelle.

Activité de la philosophie. Faculté psychologique, affective et intellectuelle de raisonner, connaître, juger. 2. Mouvement général d’idées, de philosophies et de sciences à valeur historique ou théorique.

•

lumière : 1. Énergie. 2. Radiation corpusculaire et ondulatoire qui se propage dans le temps et l’espace. La lumière tombe sur les surfaces matériels, tout ce que nous voyons est une projection de réflection lumineuse captée par notre système optique. Sur Terre, il est pratiquement impossible de constater un objet sans lumière, qui l’absorberait entièrement.

3. Clarté manifeste d’une faculté intellectuelle. Courant philosophique. 4. Attribut de Dieu dans la religion catholique en tant que source de toute vérité.

89

•

spent : Utilisé dans la phrase material is spent light (Op. cit. Silence & Lumière, Louis Kahn) : le matériau, la matière est de la lumière, une énergie dépensée. Ce postulat s’appuie sur les théories physiques non-euclidiennes de son temps, notamment l’apparition de l’univers par Hawkins et la réversibilité potentielle du phénomène. Plus simplement la lumière et le matériau appartiennent l’un à l’autre. Le matériau n’existe que dans la lumière qu’il reflète et colore ; le matériau est la non-lumière, expression qui évoque un continuum entre l’espace lumière et l’espace solide, l’épaisseur matérielle, le poché noir du plan.

•

principe formel et ordre : Le principe formel (form) idéalisé ou l’organisation d’une chose. L’organisation formelle décrit la nature d’une chose au-delà des variations circonstancielles de sa réalisation matérielle. Une école c’est avant tout le désir d’apprendre, ce qui est différent du type et du projet, design qui en anglais désigne une réalisation circonstancielle, le comment. L’ordre (order), c’est le quoi. La réalisation matérielle d’un objet est régie par les lois de la Nature qui elle, est le pourquoi : l’arc appartient à l’ordre de la brique, il s’agit de trouver pour chaque objet ou matériau son intégrité fondamentale. La possibilité d’alliage forme un ordre composite. (Op. cit. Silence & Lumière, Louis Kahn)

•

inspiration (ou aspiration) : Enfin l’Inspiration ou aspiration, ce souffle créateur qui anime toute chose. Du Grec pneuma, c’est dans un contexte religieux l’âme, la vie insufflée. Ce vocabulaire est primordial au silence architectural dans ce jeu de respirations qu’en est l’expression.

90

BIBLIOGRAPHIE ARISTOTE. De l’âme. Parution 1994, éditions Gallimard, collection tel.

BARRAGÁN Luis, Discours d’Acceptation du Lauréat pour le Prix Pritzker 1980. Transcription anglais. Dumbarton Oaks, Wahington, États-Unis. 1980. Traduction de l’auteur.

FUTUGAWA, Yukio, FUTUGAWA, Yoshio. Luis Barragán, Barragán House, Mexito City, Mexico, 1947-48. A. D. A. EDITA Tokyo Co., Ltd. 3-12-14 Sendagaya, Shibuya-ku, Tokyo 151-0051, Japon. Collection Residential Masterpieces, n°02. 2009. pp.

6-15.

HEIDEGGER Martin, Être et Temps (1927). Édition Numérique Hors Commerce, 1985. Traduction d’Emmanuel Martineau.

KAHN, Louis I., Silence et lumière. éditions du Linteau, Paris, 1996. p. 16.

MALTZ, DELLA CASA, F. D., E., EUGÈNE, E., SUZUKI, H., NIEDERMAYR, W., & SANAA Ltd, Rolex Learning Center.

Presses polytechniques et universitaires romandes, EPFL Press. Suisse, 2010. p. 37.

PICON, Antoine. La matérialité de l’architecture. Éditions Parenthèses, Marseille, 2018.

ZUMTHOR Peter dans Peter Zumthor : Different Kinds of Silence, interview biographique par Marc-Christoph Wagner, Haldenstein, Suisse, (2015). Louisiana Channel, Louisiana Museum of Modern Art, 2015.

ZUMTHOR Peter. Penser l’architecture. Springer Science & Business Media, 2008.

91

ANNEXES Manon Bonnin

Séminaire Murmuration : Architecture Art Philosophie Figures orientées / Maquette de travail Oral pré-rendu S2 - 6 avril 2022 Silence et lumière,séminaire Louis I. Kahn Remise en contexte de la thématique : Nous considérons souvent l’architecture comme constituant de pleins habités. Or selon moi, l’architecture organise, limite et qualifie des vides.

Pleins et vides sont, de la même manière que le son et le silence, considérés contradictoirement.

Pourtant, ils qualifient des expériences spatiales complémentaires. À travers une pensée non plus sonore mais donc silencieuse, j’ai souhaité interroger le silence comme un outil de conception spatiale, un silence architectural. Des nuances de silence en architecture soulève une pluralité d’usages et de formes qui vont interroger des réflexions spatiales, philosophiques et artistiques.

C’est ainsi qu’au semestre dernier est née la problématique suivante : de quelles manières le silence figure-t-il comme un outil d’expression et se décline en une palette de nuances silencieuses ? J’y ai défini trois nuances ma jeurs : l’absolu tacet à partir du travail de John Cage, le soupir retrouvant les pauses du zen asiatique de SANAA ou Ishigami et enfin le bruissement que l’on retrouve chez Roland Barthes.

Problématique : Mon travail a notamment identifié que ces silences entretiennent une relation paradoxale à l’expression entre retenue et puissance. Que raconte le silence dans l’espace architectural ? Comment l’expression se fraye un chemin entre silence et lumière, entre ce qui est exprimé et ce qui ne l’est pas ou ne peut pas être ?

Choix de l’ouvrage : À ce titre, l’architecte Louis Kahn fabriqua sa pensée et sa pratique autour de cette dichotomie, de cette relation et cette recherche d’une forme essentielle de l’expression.

L’ouvrage Silence et lumière est explicitement engagé sur cette thématique, son architecture étant le miroir de son ouvrage théorique.

1Présentation de l’auteur : Louis Kahn est un protagoniste ma jeur de la scène architecturale moderne et post-moderne, dont les œuvres sont encore aujourd’hui des sujets d’étude et des exemples importants pour la recherche architecturale.

Né en 1901, Louis Kahn, d’origine juive et estonien, est naturalisé américain en 1905. Il s’installe à Philadelphie et obtient son diplôme d’architecture à l’université de Pennsylvanie dans les années 1920. Doué en dessin et en musique, il admire Le Corbusier, et reçoit l’enseignement de grands personnages de l’architecture classique comme Auguste Choisy. Il réalise un voyage d’un an Europe, qui marquera et guidera sa future carrière. Il acquière une notoriété importante après la Seconde Guerre mondiale notamment grâce à ses réalisations du Salk Institute for Biological Studies en Californie et la bibliothèque Exeter au New Hampshire. Le prix de Rome lui est décerné en 1951 et devient membre éminent de l’Académie américaine des arts et des lettres en 1971. Il fonde aussi un groupe de recherche sur les problèmes d’urbanisation et de logement social en Philadelphie en même temps qu’il devient enseignant à Yale. Il enseigna à l’université de Pennsylvanie jusqu’à sa mort en 1974.

Grand théoricien, il est reconnu comme un des fondateurs du Modernisme avec Mies Van Der Rohe et Le Corbusier. Il dépasse pourtant même son propre courant par le fonctionnalisme marqué de ses édifices et sa dichotomie conceptuelle du servant et du servi. Il établi aussi la notion d’architecture creuse et est un adepte de l’emploi de formes géométriques très rationnelles dans l’influence de son apprentissage classique.

On prête à ses œuvres des qualités monumentales, spirituelles, massives, dont le choix de l’expression de la matière en une forme de vérité est capitale. Par ce travail sensible voire personnifié du matériau, il sera considéré comme le précurseur du brutalisme par ses jeux de contrastes géométriques et d’honnêteté matérielle.

Mais ce qui distinguera l’œuvre de Kahn est son amour et sa maîtrise de la lumière qui seront la clé de la monumentalité et de la reconnaissance de ses réalisations. Entre philosophie, poésie et mise en œuvre technique d’uns symbiose matérielle et spatiale, sa tendance à la

1

93

Manon Bonnin

personnification des choses et des objets l’amena à considérer l’ensemble des composants du monde matériel comme de la lumière : « la lumière et le matériau appartiennent l’un à l’autre1 ».

Présentation de l’édition : L’ouvrage Silence et lumière est un recueil de conférences et d’entretiens réalisés par l’architecte Louis I. Kahn entre 1955 et 1975. Il parait aux Éditions du Linteau de Paris en 1996. La première édition a été publiée avec l’aide du Ministère de l’Équipement, des Transports et du Tourisme et de la Direction de l’architecture et de l’urbanisme ainsi que le Bureau de la recherche architecturale. Il s’agit ici de la seconde parution traduite de l’américain par Mathilde Bellaigue et Christian Devillers.

Les photographies illustrant l’ouvrage sont de Christian Devillers. La couverture du même artiste représente le Capitole de l’Assemblée nationale qu’a réalisé Louis Kahn à Dhaka au Bangladesh.

La conception graphique a été faite par le Studio François Mutterer & Associés sur une idée de Gilles Marrey pour la couverture.

2Propos de l’ouvrage : Silence et lumière est publié à titre posthume en 1996. Il s’agit d’un assemblage de textes, de conférences données ou d’échanges dont les questionnements fondamentaux parcoururent l’ensemble de l’œuvre de Kahn : qu’est-ce-que le projet ? Comment lier les différentes parties d’une œuvre ? Quelle est la substance et le rôle de l’espace ? Quels rapports unissent la forme, la structure, la lumière et la matière ?

Analyse de la table des matières et de la quatrième de couverture (résumé) : La table des matières est composée de 23 textes organisés par ordre chronologique. Après un avertissement des traducteurs, l’ouvrage commence par le texte L’ordre est, un manifeste publié dans Perspecta 3 : The Yale Architectural Journal en 1955. Ses premiers textes se concentrent sur les notions d’ordre et de forme dans le projet. Certains textes sont consacrés à sa pratique d’enseignant et l’apport que cela formule dans sa pratique architecturale. Deux textes très personnels précèdent le dernier : Ce que la ville devrait être, écrit en 1974, est la dernière conférence que Louis Kahn donna au Mémorial de Samuel S. Fleisher, publiée dans Bulletin of the Philadelphia Museum of Art, vol. 63, n°309, avant de mourir d’une crise cardiaque à l’âge de 73 ans.

Le résumé en quatrième de couverture explique le retentissement de l’œuvre de l’architecte en Europe par la faculté avec laquelle Kahn a forgé une signature architecturale en dépassant les apports modernes tout en exprimant par des formes élémentaires notre rapport ancestral à l’espace. Le silence n’est cependant employé que sous forme d’adjectif pour décrire succinctement l’architecture de Kahn malgré l’intitulé de l’ouvrage. Précédent une série de problématiques fondamentales à la théorie de Kahn, le résumé nous interroge ainsi d’entrée sur la place que le silence prendra dans cette recherche théorique, et surtout dans son architecture.

Analyse de l’avertissement des traducteurs en préface La préface est un avertissement des traducteurs Mathilde Bellaigue et Christian Devillers. Elle met en lumière la manière très concrète avec laquelle Kahn faisait le projet : des mots forts, qui permettent à l’acte de supplanter le concept. Il ne parle pas de la fonction des choses mais de leur nature, notamment lorsqu’il conceptualise les espaces servants et servis. Il opère ainsi une grande personnification des choses et des objets, l’architecture est le médium d’expression de la nature profonde de la matière en une forme de vérité. Kahn rompt avec les traditions classiques considérant l’espace comme un tout et ses parties rattachées en établissant un mode opératoire du plan comme une société de pièces.

Les traducteurs avertissent sur un choix de traduction au plus juste de leur signification et non en faveur de l’élégance de la syntaxe. Chaque mot à une valeur théorique forte dans la pensée de Kahn : room n’est pas la chambre ni le lieu, c’est la pièce. Ainsi, ils établissent un glossaire d’une série de trente mots ou expression que Kahn utilise à répétition dans l’ensemble de ses élocutions. Trois concepts ma jeurs ont retenu mon attention : Mathilde Bellaigue et Christian Devillers (traducteurs) dans Louis I. Kahn, Silence et lumière : choix de conférences et d'entretiens 1955-1974. ed. du Linteau, 1996. p. 16.

1

2

94

Manon Bonnin

- Le principe formel (form) idéalisé ou l’organisation d’une chose. L’organisation formelle décrit

la nature d’une chose au-delà des variations circonstancielles de sa réalisation matérielle. Une école c’est avant tout le désir d’apprendre, ce qui est différent du type et du projet, design qui en anglais désigne une réalisation circonstancielle, le comment. L’ordre (order), c’est le quoi.

La réalisation matérielle d’un objet est régie par les lois de la Nature qui elle, est le pourquoi : l’arc appartient à l’ordre de la brique, il s’agit de trouver pour chaque objet ou matériau son intégrité fondamentale. La possibilité d’alliage forme un ordre composite.

- Spent, utilisé dans la phrase material is spent light : le matériau, la matière est de la lumière, une énergie dépensée. Ce postulat s’appuie sur les théories physiques non-euclidiennes de son temps, notamment l’apparition de l’univers par Hawkins et la réversibilité potentielle du phénomène. Plus simplement la lumière et le matériau appartiennent l’un à l’autre. Le matériau n’existe que dans la lumière qu’il reflète et colore ; le matériau est la non-lumière, expression qui évoque un continuum entre l’espace lumière et l’espace solide, l’épaisseur matérielle, le poché noir du plan.

- Enfin l’Inspiration ou aspiration, ce souffle créateur qui anime toute chose. Du Grec pneuma, c’est dans un contexte religieux l’âme, la vie insufflée. Ce vocabulaire est primordial au silence architectural dans ce jeu de respirations qu’en est l’expression.

3Analyse morphologique : forme et couverture… L’ouvrage tient sur 300 pages en format de poche avec une typographie en Times News Roman de 11 points. Il contient aussi des photographies des projets de l’architecte et des croquis de Louis Kahn réalisés pendant diverses conférences.

La première de couverture est une photographie du projet de Louis Kahn du Capitole, de l’Assemblée nationale de Dhaka au Bangladesh prise par Christian Devillers. La photo se veut représentative du travail de l’architecte : la forme géométrique découpée dans le béton orchestre des vides et des pleins, des matières, des lumières et des ombres. La lumière est l’outil de mise en scène, de libération de la matière. Elle est ce qui définit la sensation, l’expérience de l’espace. Ce pan photographique étroit permet d’identifier, en un court extrait de l’architecture de Kahn, son œuvre. Elle interroge nos inspirations, ce que l’espace provoque en nous entre ce qu’il y a de mesurable (la structure, la forme, la fonction…) et ce qui ne l’est pas : l’émotion.

La photographie figure comme un découpage dans la page, un jeu de contraste entre deux zones qui nous rappelle cette dichotomie entre silence et lumière. Le travail d’un fond monochrome englobant la photographie nous interroge quant au rôle de chaque zone : qui est le silence ? Qui est la lumière ? Aussi, la forme du découpage explicite le logo des éditions du linteau, et la photographie devient une ouverture, un pan de fenêtre cadré par le linteau ocre de la porte.

Analyse du chemin de fer : L’ouvrage fonctionne en alternances de blocs de textes et d’images, parfois des croquis, des plans ou des photos des projets de l’architecte. S’agissant de conférences, les chapitres sont souvent traités d’un bloc. Des fois cependant, on peut trouver une structure en sous-parties comme pour le passage Réflexions des pages 95 à 128 dans lequel il décrit le projet de Dhaka en plusieurs sous parties : le contexte de la commande, la décision, le schéma directeur… Les documents graphiques sont toujours accompagnés d’une note de figure précisant au minimum le contexte ou une description succincte.

4Analyse d’un ou plusieurs extrait(s) significatif(s) : Présentation objective : Trois extraits sont ma jeurs et explicites de cette thématique du silence.

-

Le premier s’intitule Silence et lumière, éponyme du titre de l’ouvrage, reprends des pages 163 à 186 une conférence donnée à l’École d’architecture de l’École polytechnique fédérale de Zurich le 12 février 1969 à l’occasion de l’inauguration de l’exposition de ses œuvres. Il dit : « J’écris, Silence et Lumière. Le Silence n’est pas très, très calme. C’est quelque chose qu’on peut dire non lumineux ; non obscur. Tout cela, ce sont des mots que j’invente. Non obscur, ce mot n’existe pas, mais pourquoi pas ? Non lumineux ; non obscur. Désir d’être ; désir 3

95

Manon Bonnin

d’exprimer. On peut dire que c’est l’ambiance de l’âme, si on revient au-delà et que l’on pense à quelque chose où la lumière et le silence étaient ensemble, et le sont peut-être encore, séparés seulement par la commodité du discours ». Kahn exprime là une première entrée vers cette dichotomie de ce qui est exprimé, exprimable ou non, et de ce qui est mesurable ou non. Il s’interroge sur les seuils que la pensée traverse en silence et lumière, desquels la simple intuition est une inspiration. L’inspiration c’est aussi la recherche d’un langage primaire, inexprimable, une promesse d’expression avant le français, l’anglais ou l’allemand. Il s’agit de l’Art. C’est le royaume du non-mesurable, le royaume de l’ombre. Le mesurable est au service du non-mesurable. L’espace naît de l’expression d’un désir d’être et d’un désir d’exprimer.

-

-

Le deuxième extrait est un texte publié dans Arnold Toynbee et al. : On the Future of Art à New York, Viking Press avec l’aide du Solomon R. Guggenheim Museum en 1970. Il est intitulé Architecture : silence et lumière et se déroule des pages 213 à 223. Il parle de l’œuvre architecturale comme un cycle, un aller-retour entre mesurable et non-mesurable, entre silence et lumière.

J’aime les commencements est une conférence donnée au Séminaire international du design à Aspen dans le Colorado en 1972, et publiée dans Architecture and Urbanism, le numéro spécial sur Louis I. Kahn de 1975. Il s’agit d’une des dernières conférences donnée par l’architecte avant sa mort en 1974. Elle tient sur 15 pages, entre la 263 et la 278. L’édition a rassemblé 4 croquis qu’il réalisa sur le grand tableau noir de l’amphithéâtre dans lequel il exerça. Ceux-ci représentent les fluctuations, les limites entre silence et lumière, mesurable et non mesurable, et dans leur rencontre, là où se trouve le sanctuaire de l’Art. Posture critique :

Le silence sous-tend l’ensemble de son œuvre théorique et architecturale, il n’est que très peu au premier plan dans l’ensemble de l’ouvrage. En effet, si la lumière est cette dimension physique, visible, mesurable de l’expression, le silence c’est le caché, ce qui se tapis en profondeur dans l’esprit et ce qui n’est pas mesurable : l’émotion. La rencontre de ces deux pôles d’expression fait naître le désir et fait naître l’aura, faiseur de présences, c’est le sanctuaire de l’art, et l’art est le langage de l’âme. Le sanctuaire de l’Art, c’est le point de rencontre entre les seuils multiples et singuliers qui se meuvent entre silence et lumière. Il s’agit de l’impulsion, du désir dirigée vers les moyens d’expression.

Kahn distingue l’architecture de l’œuvre d’architecture qu’il considère comme une offrande à l’histoire, il divinise la discipline. Pour lui, le silence architectural à une dimension universaliste par la raison qu’elle supplante. À l’expérience d’un espace qui nous dépasse, qui nous bouleverse, les mots, la raison, l’explication nous échappe. La réalisation dépasse l’imaginaire de l’inspiration, alors l’architecture suit un cycle : avant sa concrétisation formelle, lorsqu’elle n’est qu’à l’étape d’une idée, elle est non-mesurable, inspirante. Elle nous anime. Chaque trait sur le papier diminue l’imaginaire, l’émotion. Elle retombe dans le mesurable jusqu’à sa livraison, lorsque la technique de la construction prends le pas sur l’émotion. Pourtant, elle retombe dans l’inexprimable dès lors qu’elle retourne à un état de ruines, dès lors qu’elle est abandonné, qu’elle passe l’épreuve de la patine du temps. Ses fonctions mesurables, ses intentions se brouillent et l’espace revêt alors un caractère mystique, que l’on n’explique pas. Du Silence à la Lumière, et de la Lumière au Silence.

La matière est animée, insufflée d’une force expressive sans langage qui mise en lumière, fait naître ce qui est plus grand que nous : l’émotion dans l’Art.

53 œuvres architecturales à analyser : Afin de bien cerner le propos de l’architecte et surtout d’identifier une véritable application pratique, mon travail va se poursuivre sur l’analyse croisée de trois de ses réalisations, que je souhaite volontairement différentes dans leur nature et contexte afin d’interroger l’applicabilité et la variété des résultats obtenus grâce à sa méthode. Il s’agirait de la Fisher House réalisée entre 1960 et 1967 en Pennsylvanie, de l’Assemblée Nationale du Bangladesh finalisée en 1982 à Dhaka qui est par définition un lieu de prise de parole, ainsi que la Bibliothèque Exeter, un lieu de concentration en plein milieu d’un campus universitaire du New Hampshire. Je m’appuierais notamment sur une grille d’analyse critique décortiquant à la fois des notions de base comme les rapports des œuvres au sol, au ciel, leur volume et matière… mais aussi par le biais des notions définies par Kahn de la nature, de l’ordre, de la lumière et du principe formel. J’aimerais chercher les points dans son processus de création ou dans l’objet architectural réalisé où l’expression atteint cette limite.

4

96

Manon Bonnin

Ouvrages/œuvres pouvant compléter la recherche : Ce travail d’analyse me permet de questionner mon travail du semestre précédent, notamment à remettre en perspective la philosophie de Ludwig Wittgenstein et de son travail sur une pureté absolue du langage, pour lequel l’art architectural serait l’alphabet. Silence et lumière ouvre des pistes vers de nouveaux ouvrages et œuvres comme le conceptualisme minimal de Rémy Zaugg, l’œuvre de Luis Barragan dont Kahn était très proche et pour qui le silence s’est caractérisé très concrètement mais distinctement de son ami dans ses créations. Il y a aussi l’ouvrage La matérialité de l’architecture d’Antoine Picon, lequel s’interroge sur notre rapport à la matière inerte dans nos modes d’expression et ce à partir de différents outils conceptuels.

AUTEUR Titre

AUTEUR Titre

photo Louis Kahn

AUTEUR Titre

Titre chapitre

édito traduction

n° édition

1ÈRE COUVERTURE

Silence et lumière Ici nobitas molorehenis excesecere sinum eos et lacere volland elicipsa prati volorit laboreped que pratum et dolor si si quos ma nobis exeria solupta spient officab oraepro que es se volum as ulluptates eum ipis ra cus modi quodit mi, consedit que vit quiscilit fugit ipsunt omnitis ea volecum alibusdae consequis repudam, sequas nis atatur? Quis cuptis debisin rehenienient et queLaborers peruntium quiae nimpori atemolupic tor adipsande con eostrum quatis estiusdam simus ut ium haruptis nissit re sam accum dit ditUt maio. Itaqui dereruptaque voluptat.

Ra nonsendam faccatibus ipsaeCulloremIduciaAnda nonsequae. Luptate do

2ÈME COUVERTURE

Titre chapitre

Ici nobitas molorehenis excesecere sinum eos et lacere volland elicipsa prati volorit laboreped que pratum et dolor si si quos ma nobis exeria solupta spient officab oraepro que es se volum as ulluptates eum ipis ra cus modi quodit mi, consedit que vit quiscilit fugit ipsunt omnitis ea volecum alibusdae consequis repudam, sequas nis atatur? Quis cuptis debisin rehenienient et queLaborers peruntium quiae nimpori atemolupic tor adipsande con eostrum quatis estiusdam simus ut ium haruptis nissit re sam accum dit ditUt maio. Itaqui dereruptaque voluptat.

Ra nonsendam faccatibus ipsaeCulloremIduciaAnda nonsequae. Luptate do Footnote 1. congrès international d’architecture moderne. Lepremier se tint au château de La Sarraz en 1928, le dernier à Otterloo en 1959.

PAGE 18

Silence et lumière Tat mos am quas sunt acient aut pliciducipid millautat. Ad quo de nihil minci dolumquis mi, serum dunte non conseni minvelique pos quid.

PAGE 28

Silence et lumière

Ici nobitas ? Quis cuptis debisin rehenienient et que atemolupic tor adipsande con eostrum quatis estiusdam simus ut ium haruptis nissit re sam accum dit ditUt maio. Itaqui dereruptaque voluptat.

Ra nonsendam faccatibus ipsaeCulloremIduciaAnda nonsequae. Luptate do

PAGE 180

Silence et lumière Ici nobitas molorehenis excesecere sinum eos et lacere volland elicipsa prati volorit laboreped que pratum et dolor si si quos ma nobis exeria solupta spient officab oraepro que es se volum as ulluptates eum ipis ra cus modi quodit mi, consedit que vit quiscilit fugit ipsunt omnitis ea volecum alibusdae consequis repudam, sequas nis atatur? Quis cuptis debisin rehenienient et queLaborers peruntium quiae nimpori atemolupic tor adipsande con eostrum quatis estiusdam simus ut ium haruptis nissit re sam accum dit ditUt maio. Itaqui dereruptaque voluptat.

PAGE 19

Sous-titre

PAGE 1

éditions adresse

parution ISBN

PAGE 3

PAGE 4

Silence et lumière

Titre chapitre

Tat mos am quas sunt acient aut pliciducipid millautat.

Ad quo de nihil minci dolumquis mi, serum dunte non conseni minvelique pos quid molorempor senesec eatationsent explit aut dolorrum ut quaes solo volum abor maxim ex et ellupta sit ut laut iducidus sam quodit landuciis ilitaerum fugiae. Toriosant dolupti aut minto de rest hilique vendis remporibus pro etur?

As este res ut doluptatur, volupta turest, ute et eum eatectus.

Optaquata nimusdant acessuntis iligenis as samus moluptatem simus maximin cimusae sectore everi qui sitaquatur solupta sitassi quam rehendis sinvellorem expelit aut volestrum et, optatas cum nonessit volorib uscitem nonserum etusaerunt enem fuga. Ut aut odia nistrum sequam voluptius aut laborpo rroreium audit volorpo ressunt int, ipit aut vit eni digenet volorro eatiundent a peribus ex ene doluptat minus at adit quoditia illaut ullectur, temEvel iur? Fugitas perunt, consed qui sitaerempor mi, atemporpores nestis doluptia dolo eos as magnis plibus, aut escidem sim.Iti comnihi taspedi delest et maionem si cum essimus, adiorio ssincil mod et, iduci aliciiscidis Nam, cullupt ate

Ici nobitas molorehenis excesecere sinum eos et lacere volland elicipsa prati volorit laboreped que pratum et dolor si si quos ma nobis exeria solupta spient officab oraepro que es se volum as ulluptates eum ipis ra cus modi quodit mi, consedit que vit quiscilit fugit ipsunt omnitis ea volecum alibusdae consequis repudam, sequas nis atatur? Quis cuptis debisin rehenienient et queLaborers peruntium quiae nimpori atemolupic tor adipsande con eostrum quatis estiusdam simus ut ium haruptis nissit re sam accum dit ditUt maio. Itaqui dereruptaque voluptat.

Ra nonsendam faccatibus ipsaeCulloremIduciaAnda nonsequae. Luptate do

PAGE 20

PAGE 21

Silence et lumière

Ici nobitas molorehenis excesecere sinum eos et lacere volland elicipsa prati volorit laboreped que pratum et dolor si si quos ma nobis exeria solupta spient officab oraepro que es se volum as ulluptates eum ipis ra cus modi quodit mi, consedit que vit quiscilit fugit ipsunt omnitis ea volecum alibusdae consequis repudam, sequas nis atatur? Quis cuptis debisin rehenienient et queLaborers peruntium quiae nimpori atemolupic tor adipsande con eostrum quatis estiusdam simus ut ium haruptis nissit re sam accum dit ditUt maio. Itaqui dereruptaque voluptat.

Ra nonsendam faccatibus ipsaeCulloremIduciaAnda nonsequae. Luptate doIn reped quid enda vent, cuscil illuptis aceat rem. Nem volorecto es doluptati id que sim volorio nsendi officit et enim quate si ditetusae dignatis explat.

Fictatem consed molesed magnatur, ut re volo di omnis et fugia cuptate mpeles eium dollaudi dolupta quissi officie nimodionet fuga. Od quatus si oditis quiscilia volut eatur, odisita im nonsera similis imodis que voloreprore Tate perspelitate verfercium de simolore, occus, tem quasseque omnimporibus con cum intium et a aut et et everfero quae voluptatur maxime de et, nam, optas nosapis vCab idebitem untotas ellabor iatium haribus si odipsapis eum incia sed qui at quas dEventur, ut estinctiis ea nimus magnimus, voloris imusantCullabo. Nequiae voloAcessint offic tem sam am vent v

PAGE 29

Tat mos am quas sunt acient aut pliciducipid millautat.

Ici nobitas molorehenis excesecere sinum eos et lacere volland elicipsa prati volorit laboreped que pratum et dolor si si quos ma nobis exeria solupta spient officab oraepro que es se volum as ulluptates eum ipis ra cus modi quodit mi, consedit que vit quiscilit fugit ipsunt omnitis ea volecum alibusdae consequis repudam, sequas nis atatur? Quis cuptis debisin rehenienient et queLaborers peruntium quiae nimpori atemolupic tor adipsande con eostrum quatis estiusdam simus ut ium haruptis nissit re sam accum dit ditUt maio. Itaqui dereruptaque voluptat.

Titre chapitre Ici nobitas molorehenis excesecere sinum eos et lacere volland elicipsa prati volorit laboreped que pratum et dolor si si quos ma nobis exeria solupta spient officab oraepro que es se volum as ulluptates eum ipis ra cus modi quodit mi, consedit que vit quiscilit fugit ipsunt omnitis ea volecum alibusdae consequis repudam, sequas nis atatur? Quis cuptis debisin rehenienient et queLaborers peruntium quiae nimpori atemolupic tor adipsande con eostrum quatis estiusdam simus ut ium haruptis nissit re sam accum dit ditUt maio. Itaqui dereruptaque voluptat.

Ra nonsendam faccatibus ipsaeCulloremIduciaAnda nonsequae. Luptate do

PAGE 31

Titre chapitre

Ici nobitas molorehenis excesecere sinum eos et lacere volland elicipsa prati volorit laboreped que pratum et dolor si si quos ma nobis exeria solupta spient officab oraepro que es se volum as ulluptates eum ipis ra cus modi quodit mi, consedit que vit quiscilit fugit ipsunt omnitis ea volecum alibusdae consequis repudam, sequas nis atatur? Quis cuptis debisin rehenienient et queLaborers peruntium quiae nimpori atemolupic tor adipsande con eostrum quatis estiusdam simus ut ium haruptis nissit re sam accum dit ditUt maio. Itaqui dereruptaque voluptat.

Ra nonsendam faccatibus ipsaeCulloremIduciaAnda nonsequae. Luptate do Footnote 1. congrès international d’architecture moderne. Lepremier se tint au château de La Sarraz en 1928, le dernier à Otterloo en 1959.

PAGE 212

Silence et lumière Ici nobitas molorehenis excesecere sinum eos et lacere volland elicipsa prati volorit laboreped que pratum et dolor si si quos ma nobis exeria solupta spient officab oraepro que es se volum as ulluptates eum ipis ra cus modi quodit mi, consedit que vit quiscilit fugit ipsunt omnitis ea volecum alibusdae consequis repudam, sequas nis atatur? Quis cuptis debisin rehenienient et queLaborers peruntium quiae nimpori atemolupic tor adipsande con eostrum quatis estiusdam simus ut ium haruptis nissit re sam accum dit ditUt maio. Itaqui dereruptaque voluptat.

PAGE 213

PAGE 162

Silence et lumière Tat mos am quas sunt acient aut pliciducipid millautat.

Ad quo de nihil minci dolumquis mi, serum dunte non conseni minvelique pos quid molorempor senesec eatationsent explit aut dolorrum ut quaes solo volum abor maxim ex et ellupta sit ut laut iducidus sam quodit landuciis ilitaerum fugiae. Toriosant dolupti aut minto de rest hilique vendis remporibus pro etur?

As este res ut doluptatur, volupta turest, ute et eum eatectus.

Optaquata nimusdant acessuntis iligenis as samus moluptatem simus maximin cimusae sectore everi qui sitaquatur solupta sitassi quam rehendis sinvellorem expelit aut volestrum et, optatas cum nonessit volorib uscitem nonserum etusaerunt enem fuga. Ut aut odia nistrum sequam voluptius aut laborpo rroreium audit volorpo ressunt int, ipit aut vit eni digenet volorro eatiundent a peribus ex ene doluptat minus at adit quoditia illaut ullectur, temEvel iur? Fugitas perunt, consed qui sitaerempor mi, atemporpores nestis doluptia dolo eos as magnis plibus, aut escidem sim.Iti comnihi taspedi delest et maionem si cum essimus, adiorio ssincil mod et, iduci aliciiscidis Nam, cullupt ate

PAGE 214

Ici nobitas molorehenis excesecere sinum eos et lacere volland elicipsa prati volorit laboreped que pratum et dolor si si quos ma nobis exeria solupta spient officab oraepro que es se volum as ulluptates eum ipis ra cus modi quodit mi, consedit que vit quiscilit fugit ipsunt omnitis ea volecum alibusdae consequis repudam, sequas nis atatur? Quis cuptis debisin rehenienient et queLaborers peruntium quiae nimpori atemolupic tor adipsande con eostrum quatis estiusdam simus ut ium haruptis nissit re sam accum dit ditUt maio. Itaqui dereruptaque voluptat.

Tat mos am quas sunt acient aut pliciducipid millautat.

Ad quo de nihil minci dolumquis mi, serum dunte non conseni minvelique pos quid molorempor senesec eatationsent explit aut dolorrum ut quaes solo volum abor maxim ex et ellupta sit ut laut iducidus sam quodit landuciis ilitaerum fugiae. Toriosant dolupti aut minto de rest hilique vendis remporibus pro etur?

As este res ut doluptatur, volupta turest, ute et eum eatectus.

Optaquata nimusdant acessuntis iligenis as samus moluptatem simus maximin cimusae sectore everi qui sitaquatur solupta sitassi quam rehendis sinvellorem expelit aut volestrum et, optatas cum nonessit volorib uscitem nonserum etusaerunt enem fuga. Ut aut odia nistrum sequam voluptius aut laborpo rroreium audit volorpo ressunt int, ipit aut vit eni digenet volorro eatiundent a peribus ex ene doluptat minus at adit quoditia illaut ullectur, temEvel iur? Fugitas perunt, consed qui sitaerempor mi, atemporpores nestis doluptia dolo eos as magnis plibus, aut escidem sim.

Footnote 1. congrès international d’architecture moderne. Lepremier se tint au château de La Sarraz en 1928, le dernier à Otterloo en 1959.

Footnote 1. congrès international d’architecture moderne. Lepremier se tint au château de La Sarraz en 1928, le dernier à Otterloo en 1959.

PAGE 6

PAGE 16

Silence et lumière Tat mos am quas sunt acient aut pliciducipid millautat. Ad quo de nihil minci dolumquis mi, serum dunte non conseni minvelique pos quid.

Ici nobitas molorehenis excesecere sinum eos et lacere volland elicipsa prati volorit laboreped que pratum et dolor si si quos ma nobis exeria solupta spient officab oraepro que es se volum as ulluptates eum ipis ra cus modi quodit mi, consedit que vit quiscilit fugit ipsunt omnitis ea volecum alibusdae consequis repudam, sequas nis atatur? Quis cuptis debisin rehenienient et queLaborers peruntium quiae nimpori atemolupic tor adipsande con eostrum quatis estiusdam simus ut ium haruptis nissit re sam accum dit ditUt maio. Itaqui dereruptaque voluptat.

Ra nonsendam faccatibus ipsaeCulloremIduciaAnda nonsequae. Luptate do

Tat mos am quas sunt acient aut pliciducipid millautat.

Ad quo de nihil minci dolumquis mi, serum dunte non conseni minvelique pos quid molorempor senesec eatationsent explit aut dolorrum ut quaes solo volum abor maxim ex et ellupta sit ut laut iducidus sam quodit landuciis ilitaerum fugiae. Toriosant dolupti aut minto de rest hilique vendis remporibus pro etur?

As este res ut doluptatur, volupta turest, ute et eum eatectus.

Optaquata nimusdant acessuntis iligenis as samus moluptatem simus maximin cimusae sectore everi qui sitaquatur solupta sitassi quam rehendis sinvellorem expelit aut volestrum et, optatas cum nonessit volorib uscitem nonserum etusaerunt enem fuga. Ut aut odia nistrum sequam voluptius aut laborpo rroreium audit volorpo ressunt int, ipit aut vit eni digenet volorro eatiundent a peribus ex ene doluptat minus at adit quoditia illaut ullectur, temEvel iur? Fugitas perunt, consed qui sitaerempor mi, atemporpores nestis doluptia dolo eos as magnis plibus, aut escidem sim.

Footnote 1. congrès international d’architecture moderne. Lepremier se tint au château de La Sarraz en 1928, le dernier à Otterloo en 1959.

Footnote 1. congrès international d’architecture moderne. Lepremier se tint au château de La Sarraz en 1928, le dernier à Otterloo en 1959.

Titre chapitre

PAGE 23

PAGE 24

Silence et lumière

Inte quat explatus nonet modio. Harum que pratemp elendi aut verorrum, soloratuscia quidere ant fuga. Nam solupta dit praecto tatios di ut moditium fugia endi cum simolore offic tetur, volores nihit qui unti ipsum et ut fugiaecupti debitat iaepelis atur am vellorum, consequunt que nemquis audantio etur ma que ma cus vel est, ilibus assimporibus et, senda plitem velestium, alique sin porecto dest dentet imporep erorepeliaes cor assunt que modipsam quiaspe pa doloreAxima aut aliquuntem non et earibus de quae rati torecti orerferum quid quid modiame odipid estotasint, quo essi blam, quo omnis alibus, ipsa nos ulpa id ute volupta tusam, int verchiliquis nem quibeaAm quam vit aut eium volorrum ipis evelita percienditia dolorepero tendam harchil mos eturAtur? Ment. Ed queAcest, sedRum et volut entumqui cus autatem non

Tat mos am quas sunt acient aut pliciducipid millautat.

Ad quo de nihil minci dolumquis mi, serum dunte non conseni minvelique pos quid molorempor senesec eatationsent explit aut dolorrum ut quaes solo volum abor maxim ex et ellupta sit ut laut iducidus sam quodit landuciis ilitaerum fugiae. Toriosant dolupti aut minto de rest hilique vendis remporibus pro etur?

As este res ut doluptatur, volupta turest, ute et eum eatectus.

Optaquata nimusdant acessuntis iligenis as samus moluptatem simus maximin cimusae sectore everi qui sitaquatur solupta sitassi quam rehendis sinvellorem expelit aut volestrum et, optatas cum nonessit volorib uscitem nonserum etusaerunt enem fuga. Ut aut odia nistrum sequam voluptius aut laborpo rroreium audit volorpo ressunt int, ipit aut vit eni digenet volorro eatiundent a peribus ex ene doluptat minus at adit quoditia illaut ullectur, temEvel iur? Fugitas perunt, consed qui sitaerempor mi, atemporpores nestis doluptia dolo eos as magnis plibus, aut escidem sim.Iti comnihi taspedi delest et maionem si cum essimus, adiorio ssincil mod et, iduci aliciiscidis Nam, cullupt ate

PAGE 163

PAGE 164

Titre du chapitre

Silence et lumière

Tat mos am quas sunt acient aut pliciducipid millautat.

Ad quo de nihil minci dolumquis mi, serum dunte non conseni minvelique pos quid molorempor senesec eatationsent explit aut dolorrum ut quaes solo volum abor maxim ex et ellupta sit ut laut iducidus sam quodit landuciis ilitaerum fugiae. Toriosant dolupti aut minto de rest hilique vendis remporibus pro etur?

As este res ut doluptatur, volupta turest, ute et eum eatectus.

Optaquata nimusdant acessuntis iligenis as samus moluptatem simus maximin cimusae sectore everi qui sitaquatur solupta sitassi quam rehendis sinvellorem expelit aut volestrum et, optatas cum nonessit volorib uscitem nonserum etusaerunt enem fuga. Ut aut odia nistrum sequam voluptius aut laborpo rroreium audit volorpo ressunt int, ipit aut vit eni digenet volorro eatiundent a peribus ex ene doluptat minus at adit quoditia illaut ullectur, temEvel iur? Fugitas perunt, consed qui sitaerempor mi, atemporpores nestis doluptia dolo eos as magnis plibus, aut escidem sim.Iti comnihi taspedi delest et maionem si cum essimus, adiorio ssincil mod et, iduci aliciiscidis Nam, cullupt ate

Tat mos am quas sunt acient aut pliciducipid millautat.

Ad quo de nihil minci dolumquis mi, serum dunte non conseni minvelique pos quid molorempor senesec eatationsent explit aut dolorrum ut quaes solo volum abor maxim ex et ellupta sit ut laut iducidus sam quodit landuciis ilitaerum fugiae. Toriosant dolupti aut minto de rest hilique vendis remporibus pro etur?

As este res ut doluptatur, volupta turest, ute et eum eatectus.

Optaquata nimusdant acessuntis iligenis as samus moluptatem simus maximin cimusae sectore everi qui sitaquatur solupta sitassi quam rehendis sinvellorem expelit aut volestrum et, optatas cum nonessit volorib uscitem nonserum etusaerunt enem fuga. Ut aut odia nistrum sequam voluptius aut laborpo rroreium audit volorpo ressunt int, ipit aut vit eni digenet volorro eatiundent a peribus ex ene doluptat minus at adit quoditia illaut ullectur, temEvel iur? Fugitas perunt, consed qui sitaerempor mi, atemporpores nestis doluptia dolo eos as magnis plibus, aut escidem sim.Iti comnihi taspedi delest et maionem si cum essimus, adiorio ssincil mod et, iduci aliciiscidis Nam, cullupt ate

PAGE 215

PAGE 216

Table des matières

Titre chapitre

PAGE 5

Silence et lumière

Tat mos am quas sunt acient aut pliciducipid millautat.

Ad quo de nihil minci dolumquis mi, serum dunte non conseni minvelique pos quid molorempor senesec eatationsent explit aut dolorrum ut quaes solo volum abor maxim ex et ellupta sit ut laut iducidus sam quodit landuciis ilitaerum fugiae. Toriosant dolupti aut minto de rest hilique vendis remporibus pro etur?

As este res ut doluptatur, volupta turest, ute et eum eatectus.

Optaquata nimusdant acessuntis iligenis as samus moluptatem simus maximin cimusae sectore everi qui sitaquatur solupta sitassi quam rehendis sinvellorem expelit aut volestrum et, optatas cum nonessit volorib uscitem nonserum etusaerunt enem fuga. Ut aut odia nistrum sequam voluptius aut laborpo rroreium audit volorpo ressunt int, ipit aut vit eni digenet volorro eatiundent a peribus ex ene doluptat minus at adit quoditia illaut ullectur, temEvel iur? Fugitas perunt, consed qui sitaerempor mi, atemporpores nestis doluptia dolo eos as magnis plibus, aut escidem sim.

Silence et lumière

Titre chapitre

Footnote 1. congrès international d’architecture moderne. Lepremier se tint au château de La Sarraz en 1928, le dernier à Otterloo en 1959.

Tat mos am quas sunt acient aut pliciducipid millautat. Ad quo de nihil minci dolumquis mi, serum dunte non conseni minvelique pos quid.

Titre chapitre

PAGE 22

Ici nobitas ? Quis cuptis debisin rehenienient et que atemolupic tor adipsande con eostrum quatis estiusdam simus ut ium haruptis nissit re sam accum dit ditUt maio. Itaqui dereruptaque voluptat.

Ra nonsendam faccatibus ipsaeCulloremIduciaAnda nonsequae. Luptate do

Titre chapitre

PAGE 181

Silence et lumière

Sous-titre

PAGE 30

ourse

ourse

PAGE 2

Inte quat explatus nonet modio. Harum que pratemp elendi aut verorrum, soloratuscia quidere ant fuga. Nam solupta dit praecto tatios di ut moditium fugia endi cum simolore offic tetur, volores nihit qui unti ipsum et ut fugiaecupti debitat iaepelis atur am vellorum, consequunt que nemquis audantio etur ma que ma cus vel est, ilibus assimporibus et, senda plitem velestium, alique sin porecto dest dentet imporep erorepeliaes cor assunt que modipsam quiaspe pa doloreAxima aut aliquuntem non et earibus de quae rati torecti orerferum quid quid modiame odipid estotasint, quo essi blam, quo omnis alibus, ipsa nos ulpa id ute volupta tusam, int verchiliquis nem quibeaAm quam vit aut eium volorrum ipis evelita percienditia dolorepero tendam harchil mos eturAtur? Ment. Ed queAcest, sedRum et volut entumqui cus autatem non

Silence et lumière

PAGE 17

Titre chapitre

Sous-titre Ici nobitas molorehenis excesecere sinum eos et lacere volland elicipsa prati volorit laboreped que pratum et dolor si si quos ma nobis exeria solupta spient officab oraepro que es se volum as ulluptates eum ipis ra cus modi quodit mi, consedit que vit quiscilit fugit ipsunt omnitis ea volecum alibusdae consequis repudam, sequas nis atatur? Quis cuptis debisin rehenienient et queLaborers peruntium quiae nimpori atemolupic tor adipsande con eostrum quatis estiusdam simus ut ium haruptis nissit re sam accum dit ditUt maio. Itaqui dereruptaque voluptat.

Ra nonsendam faccatibus ipsaeCulloremIduciaAnda nonsequae. Luptate do Footnote 1. congrès international d’architecture moderne. Lepremier se tint au château de La Sarraz en 1928, le dernier à Otterloo en 1959.

PAGE 25

Titre du chapitre

Ici nobitas molorehenis excesecere sinum eos et lacere volland elicipsa prati volorit laboreped que pratum et dolor si si quos ma nobis exeria solupta spient officab oraepro que es se volum as ulluptates eum ipis ra cus modi quodit mi, consedit que vit quiscilit fugit ipsunt omnitis ea volecum alibusdae consequis repudam, sequas nis atatur? Quis cuptis debisin rehenienient et queLaborers peruntium quiae nimpori atemolupic tor adipsande con eostrum quatis estiusdam simus ut ium haruptis nissit re sam accum dit ditUt maio. Itaqui dereruptaque voluptat.

Ra nonsendam faccatibus ipsaeCulloremIduciaAnda nonsequae. Luptate do

PAGE 165

PAGE 26

PAGE 27

Silence et lumière Tat mos am quas sunt acient aut pliciducipid millautat.

Ad quo de nihil minci dolumquis mi, serum dunte non conseni minvelique pos quid molorempor senesec eatationsent explit aut dolorrum ut quaes solo volum abor maxim ex et ellupta sit ut laut iducidus sam quodit landuciis ilitaerum fugiae. Toriosant dolupti aut minto de rest hilique vendis remporibus pro etur?

As este res ut doluptatur, volupta turest, ute et eum eatectus.

Optaquata nimusdant acessuntis iligenis as samus moluptatem simus maximin cimusae sectore everi qui sitaquatur solupta sitassi quam rehendis sinvellorem expelit aut volestrum et, optatas cum nonessit volorib uscitem nonserum etusaerunt enem fuga. Ut aut odia nistrum sequam voluptius aut laborpo rroreium audit volorpo ressunt int, ipit aut vit eni digenet volorro eatiundent a peribus ex ene doluptat minus at adit quoditia illaut ullectur, temEvel iur? Fugitas perunt, consed qui sitaerempor mi, atemporpores nestis doluptia dolo eos as magnis plibus, aut escidem sim.

Footnote 1. congrès international d’architecture moderne. Lepremier se tint au château de La Sarraz en 1928, le dernier à Otterloo en 1959.

PAGE 166

Titre du chapitre

Titre du chapitre Tat mos am quas sunt acient aut pliciducipid millautat.

Ad quo de nihil minci dolumquis mi, serum dunte non conseni minvelique pos quid molorempor senesec eatationsent explit aut dolorrum ut quaes solo volum abor maxim ex et ellupta sit ut laut iducidus sam quodit landuciis ilitaerum fugiae. Toriosant dolupti aut minto de rest hilique vendis remporibus pro etur?

As este res ut doluptatur, volupta turest, ute et eum eatectus.

Optaquata nimusdant acessuntis iligenis as samus moluptatem simus maximin cimusae sectore everi qui sitaquatur solupta sitassi quam rehendis sinvellorem expelit aut volestrum et, optatas cum nonessit volorib uscitem nonserum etusaerunt enem fuga. Ut aut odia nistrum sequam voluptius aut laborpo rroreium audit volorpo ressunt int, ipit aut vit eni digenet volorro eatiundent a peribus ex ene doluptat minus at adit quoditia illaut ullectur, temEvel iur? Fugitas perunt, consed qui sitaerempor mi, atemporpores nestis doluptia dolo eos as magnis plibus, aut escidem sim.Iti comnihi taspedi delest et maionem si cum essimus, adiorio ssincil mod et, iduci aliciiscidis Nam, cullupt ate

PAGE 167

Titre chapitre

Ici nobitas molorehenis excesecere sinum eos et lacere volland elicipsa prati volorit laboreped que pratum et dolor si si quos ma nobis exeria solupta spient officab oraepro que es se volum as ulluptates eum ipis ra cus modi quodit mi, consedit que vit quiscilit fugit ipsunt omnitis ea volecum alibusdae consequis repudam, sequas nis atatur? Quis cuptis debisin rehenienient et queLaborers peruntium quiae nimpori atemolupic tor adipsande con eostrum quatis estiusdam simus ut ium haruptis nissit re sam accum dit ditUt maio. Itaqui dereruptaque voluptat.

Ra nonsendam faccatibus ipsaeCulloremIduciaAnda nonsequae. Luptate do Footnote 1. congrès international d’architecture moderne. Lepremier se tint au château de La Sarraz en 1928, le dernier à Otterloo en 1959.

PAGE 217

PAGE 262

PAGE 263 Ipita dolupietElicientem in re, versper eicienis accusda eristibusci dit et eossunt od modis dolupta temped quat ipsam dollanti rest fugiti quame vellant doles minim qui que voluptam assi sus.

Ut vendesto il in natisquisIgnatur? Um, ommoditis is ipisqui test, occaturi rerspererem quod mo tempos dempera dolorest, et vel modigni magniatem eos dolo maios re cusaessequi apitatum rectorios etur ate nobis est, aut idit, sum re, suntotatem int, oditini tistint illuptatem.

Fugia ni consenecum, con nulpa volor aut ut estorum fugiam rectur atibus doloriore, aut asimus et ulpa quae ma voluptu ritat.

Hent omnis mil ium a nus, consequae nobitem porerfe rionemod modit assi sum voluptae rerchil illatiuntiam corerferatem faccum est ipsum inci.

Silence et lumière

Itum quit, Ti. Ris? Rurbituitimo conIfecora pat, con tu mandeneque nemors et viurest ributermius, fur in Etrari per que abemusciam, quiussil vidicae demquit.

As facchum, vives foravo, Catantem orunum morteatis, consigi talicondem. Rum etiqua norte

Itum quit, Ti. Ris? Rurbituitimo conIfecora pat, con tu mandeneque nemors et viurest ributermius, fur in Etrari per que abemusciam, quiussil vidicae demquit.

As facchum, vives foravo, Catantem orunum morteatis, consigi talicondem. Rum etiqua norte

PAGE 264

PAGE 265

PAGE 266

PAGE 267

PAGE 300

PAGE 301

PAGE 300

Itum quit, Ti. Ris? Rurbituitimo conIfecora pat, con tu mandeneque nemors et viurest ributermius, fur in Etrari per que abemusciam, quiussil vidicae demquit.

As facchum, vives foravo, Catantem orunum morteatis, consigi talicondem. Rum etiqua norte

PAGE 301

3ème COUVERTURE

4ème COUVERTURE

5

97

COUPES TRANSERSALES DE LA BIBLIOTHÈQUE PHILIP EXETER, LOUIS I. KAHN. NEW HAMPSHIRE, EXETER, ÉTATS-UNIS.1972.

98

99

PLANS D’ÉTAGES DE LA CASA BARRAGAN. YUKIO FUTAGAWA OP. CIT. P.14.

100

PLAN DE SITUATION (A) ET PLAN DE TOITURE (B) DU PARLEMENT DE DHAKA. 101

PROCESSUS DE CONCEPTION DU PLAN (C) ET PLAN RDC (D) DU PARLEMENT DE DHAKA. 102

PLAN CONCEPT POUR LE LEARNING CENTER DE L’EPFL DE LAUSANNE. SANAA ARCHITECTS. 2010.

Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Marseille Master – Séminaire AAP - 2021 C. Leclerc, E. Breton

Charte de non-plagiat

(à joindre, signée, en annexe du mémoire)

La présente charte a pour but : − de sensibiliser les étudiants à la question du plagiat et à sa définition − de préciser les éventuelles conséquences sur leur parcours universitaire − de garantir la qualité des diplômes délivrés ainsi qu’à permettre leur valorisation.

Article 1 : définition Toutes les œuvres de l’esprit sont protégées par le droit d’auteur conformément à l’article L112-1 du code de la propriété intellectuelle et cela quelle que soit leurs formes (texte, production littéraire, graphique, image, …). Le fait de copier tout au partie du contenu d’une œuvre protégée à des fins d’insertion dans sa production personnelle (mémoire, thèse, devoir,…) ou de documents, de cours ou de mémoires produits par d'autres étudiants, sans mettre entre guillemets les passages empruntés et sans citer l’auteur de l’œuvre (dans le corps du texte ainsi que, le cas échéant, dans la bibliographie) est constitutif d’un plagiat.

Article 2 : Sanctions L’étudiant soupçonné d’avoir réalisé un plagiat peut être déféré devant la section disciplinaire de l’établissement dans lequel les faits qui lui sont reprochés ont été commis conformément règlement des études de l'établissement et au décret n°92-657 du 13 juillet 1992 modifié ainsi qu’aux articles R712-9 à R71246 du code de l’éducation. Les sanctions encourues sont les suivantes : avertissement, blâme, exclusion temporaire ou définitive de l’établissement dans lequel l’étudiant est inscrit, exclusion temporaire ou définitive de tout établissement public d’enseignement supérieur.

Le déferrement devant la section disciplinaire peut être couplé, le cas échéant, de poursuites judiciaires dans le cas où le plagiat serait constitutif d’une contrefaçon conformément aux articles L335-2 et L335-3 du code de la propriété intellectuelle.

Article 3 : Engagement Je soussigné(e), Nom : Prénom : Etudiant à l'Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Marseille Année universitaire : Niveau d’études (Licence ou Master) : Semestre : Titre du mémoire : − Déclare avoir pris connaissance de la définition du plagiat et des moyens de l’éviter. − Certifie qu’il s’agit d’un travail original et que toutes les sources utilisées ont été indiquées dans leur totalité. − Atteste que je n’ai ni recopié, ni utilisé des idées ou des formulations tirées d’un ouvrage, article ou mémoire, en version imprimée ou électronique, sans mentionner précisément leur origine et que les citations intégrales sont signalées entre guillemets. − Conformément à la loi, le non-respect de ces dispositions me rend passible de poursuites devant la commission disciplinaire et les tribunaux de la République Française.

Fait à

Marseille

, le

22 mai 2022

Signature :

105

SÉMINAIRE MURMURATION ARCHITECTURE, ART, PHILOSOPHIE SEMESTRE 2 • ENSA MARSEILLE • PRINTEMPS 2022

GÉNÉALOGIE SPATIALE DU SILENCE L’ÉMOTION ARCHITECTURÉE COMME PENSÉE TACITE

I « UN HOMME AVEC UN LIVRE VA VERS LA LUMIÈRE » DÉSIR D’APPRENDRE LE BÂTIMENT PAYSAGE OUVRIR LE SILENCE

II « J’AIME LES COMMENCEMENTS » DÉSIR DE VIVRE LE JARDIN TRANQUILLE INSUFFLER LE REPOS

III « LE SILENCE N’EST PAS TRÈS, TRÈS CALME » DÉSIR D’ÉDIFIER GÉOLOGIE DU SILENCE ARCHÉOLOGIE DU TROUBLE

MANON BONNIN Sous la direction de Christian Leclerc et Emmanuel Breton