Paperjam juillet 2021

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4 Sur le terrain

Comment, concrĂštement, les entreprises qui reçoivent des financements d’impact jonglent-elles avec les impĂ©ratifs de rentabilitĂ© et d’impact ? Microlux donne une idĂ©e de la maniĂšre dont ces impĂ©ratifs peuvent se conjuguer sur le terrain.

Alors que le Luxembourg est un pays Ă  la pointe sur le crĂ©neau de la microfinance, il n’existait jusqu’en 2016 aucune institution en dĂ©clinant les bienfaits. Jusqu’à ce que Microlux soit fondĂ©e par un consortium regroupant BGL BNP Paribas, la Banque europĂ©enne d’investissement et Ada (Aide au dĂ©veloppement autonome), rejoints plus tard par le groupe Foyer. Avec un objectif : favoriser l’inclusion sociale et Ă©conomique en accompagnant financiĂšrement et opĂ©rationnellement des porteurs de projets de crĂ©ation d’entreprise qui n’ont pas accĂšs aux financements traditionnels, et amĂ©liorer les conditions de vie de ces personnes. Pourquoi une banque comme BGL BNP Paribas ne pourrait-elle pas faire cela directement ? Principalement parce que l’activitĂ© de microcrĂ©dit pour financer les entreprises demande un accompagnement spĂ©cifique, au plus prĂšs, pour assister une population qui reste Ă  risque. Un accompagnement pour lequel les banques ne sont pas Ă©quipĂ©es. Mais ignorer ces personnes serait une erreur : en Europe, 30 % des crĂ©ations de PME ou de microentreprises sont le fait de chĂŽmeurs. Il y a donc un potentiel Ă  les aider Ă  se dĂ©velopper. À la question de dĂ©finir ce qu’est pour Microlux la finance d’impact, Samuel Paulus, senior manager, rĂ©pond directement : « La porte s’ouvre chez nous quand, devant la banque, elle se ferme. Nous soutenons les entrepreneurs et porteurs de projets qui n’ont pas accĂšs au financement bancaire classique. C’est lorsque les banques refusent le crĂ©dit que l’on commence Ă  travailler. » Le secteur d’activitĂ© n’a aucune importance. Ce qui compte, c’est l’impact, insiste Samuel Paulus. « Nos dĂ©cisions de financer ou non un projet prennent en compte l’aspect social. Est-ce qu’on peut aider la personne Ă  s’en sortir, Ă  remettre un pied dans la sociĂ©té ? » 76

JUILLET 2021

L’exemple Microlux

Pourquoi privilĂ©gier un crĂ©dit plutĂŽt qu’un financement bancaire « classique » ? « Nous restons sur l’activitĂ© de crĂ©dit parce qu’avec les trĂšs petits entrepreneurs, cela reste compliquĂ© de faire un suivi exact sur le chiffre d’affaires ou sur les bĂ©nĂ©fices. Nous avons rĂ©flĂ©chi Ă  un modĂšle grĂące auquel nous pourrions investir dans ces sociĂ©tĂ©s, mais, au final, le crĂ©dit reste l’outil le plus adaptĂ© pour les soutenir. » Impact et rentabilitĂ© L’impact et sa mesure sont un dĂ©fi pour le secteur en gĂ©nĂ©ral. Comment celui-ci se mesuret-il chez Microlux ? La sociĂ©tĂ© a bouclĂ© sa premiĂšre grande Ă©tude sur le sujet en dĂ©but d’annĂ©e. Les rĂ©sultats seront finalisĂ©s d’ici la fin de l’annĂ©e et communiquĂ©s en dĂ©tail lors de la cĂ©lĂ©bration du cinquiĂšme anniversaire de l’institution. « Si l’on parle d’impact, on parle de changement par rapport Ă  un but. Et si l’on ne sait pas clairement ce que l’on veut atteindre, on ne peut rien mesurer. Avec le recul, nous avons clairement redĂ©fini notre mission, et Ă  partir de lĂ , nous avons mis en place des indicateurs qualitatifs, comme l’évolution de la situation professionnelle ou l’estime de soi, qui permet de rebondir dans la sociĂ©tĂ©, l’intĂ©gration dans celleci – un critĂšre important, car on soutient beaucoup de rĂ©fugiĂ©s –, ou encore l’équilibre vie familiale-vie professionnelle, qui est trĂšs important chez les femmes, notamment aprĂšs un chan-

446.400 EUROS

C’est le montant des prĂȘts accordĂ©s par Microlux en 2020. Depuis le lancement de ses opĂ©rations en 2017, l’institution de microfinance a prĂȘtĂ© pour 1,167 million d’euros et a soutenu 121 entrepreneurs. Le montant moyen d’un prĂȘt est de 13.800 euros. Le taux d’impayĂ©s s’élĂšve Ă  17 %.

gement professionnel ou un divorce, et qui ont choisi la voie de l’entrepreneuriat afin de devenir indĂ©pendantes. » Pour Samuel Paulus, les premiers rĂ©sultats sont trĂšs positifs. « Nous avons vu qu’il y avait un vrai impact qualitatif dans la vie des personnes soutenues. Si l’on regarde la situation des personnes avant qu’elles viennent nous voir, 50 % d’entre elles Ă©taient inactives ou au chĂŽmage. Un chiffre tombĂ© Ă  8 %. Nous avons rĂ©ussi Ă  les sortir de cette inactivitĂ©. Et d’un point de vue quantitatif, 75 % de nos clients disent que leur condition professionnelle est meilleure qu’avant et qu’ils sont fiers de ce qu’ils ont accompli. Et mĂȘme pour ceux dont l’entreprise n’a pas marchĂ©, ils veulent rĂ©essayer, cela leur a donnĂ© un Ă©lan, ils restent dans une dynamique. En leur donnant de l’argent, on leur donne de la confiance, la sensation de reprendre leur vie en main, qu’ils ne sont pas lĂ  que pour recevoir des aides. C’est quelque chose de trĂšs fort.  Cela prouve Ă  tous ceux qui nous ont soutenus la raison d’ĂȘtre de Microlux, et que son impact est tangible. » Comme Microlux ne fait pas de bĂ©nĂ©fices, elle doit miser sur son seul impact. Ce qui illustre que la question du monitoring est la clĂ© du futur de l’impact investing. Et qu’en estil, justement, du volet rentabilité ? Les seuls revenus de Microlux sont les intĂ©rĂȘts perçus par les crĂ©dits, ainsi que les subventions de la Chambre de commerce et des ministĂšres de l’Économie et des Classes moyennes. « Pour l’instant, cela ne couvre pas nos coĂ»ts. » Et ce, d’autant plus qu’avec la crise du Covid, la dĂ©cision a Ă©tĂ© prise d’accorder des moratoires aux clients et de baisser les taux. « À 4 %, on ne couvre que le coĂ»t du risque. » Une hausse des taux, ou encore une augmentation de capital, est Ă  l’étude. Mais rien n’est encore tranchĂ©. Pour les actionnaires, le volet impact prime sur celui du rendement. « Nous n’avons pas un objectif de rentabilitĂ©, mais un objectif d’autonomie. TrĂšs clairement, nos actionnaires ne sont pas lĂ  pour gagner de l’argent, l’objectif d’impact prime pour eux. AprĂšs, ils ne voudraient pas trop dĂ©penser rĂ©guliĂšrement. » En attendant, l’activitĂ© est lĂ . En cinq ans, Microlux a dĂ©livrĂ© 150 microcrĂ©dits. Depuis le dĂ©but de l’annĂ©e, l’activitĂ© explose. « Fin mai, on a fait le double de dossiers par rapport Ă  ce que l’on faisait les annĂ©es d’avant. » Les raisons de ce rebond sont multiples : une meilleure visibilitĂ© –  « le bouche-Ă -oreille joue beaucoup – et aussi un effet ‘fin de crise’. Nous sentons que les gens ont envie de se lancer. » Auteur MARC FASSONE


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