
14 minute read
HEADHUNTER
Ces chasseurs sachant chasser
La détection de talents est devenue une gageure sur un marché du travail en constante évolution. La spécificité des profils recherchés oblige les sociétés de recrutement à se sublimer pour répondre à des clients toujours plus exigeants sur un marché parfois tendu.
29,41 %
L’ENTRETIEN VIRTUEL TOUJOURS PLÉBISCITÉ Selon la dernière étude sur les profils de cabinets de recrutement au Grand-Duché, Fr2s (Federation for Recruitment Search & Selection) met en lumière que seulement 29,41 % des entretiens se font encore en physique. Les temps ont changé. « Il y a 20 ans, il su sait d’avoir une bonne tête et de parler anglais », se souvient Annie Burton, manager Financial services chez Badenoch + Clark, une société de recrutement établie sur la Place depuis 2003. « Les candidats qui trouvaient un emploi sautaient de joie », raconte Céline Campi, ancienne DRH aujourd’hui à la tête d’EiviLux, une société créée il y a cinq ans et dont la spécialité est l’accompagnement RH. Les chasseurs de têtes furètent chacun dans leur domaine de compétence, mais le constat est commun : il y a trop de clients et pas assez de candidats. Les clients, ce sont les employeurs qui cherchent à compléter leurs équipes. Les candidats, ce sont les demandeurs d’emploi qui ne viennent plus nécessairement vers le marché, mais qu’il faut désormais séduire.
Cette inversion de mécanisme s’explique par plusieurs raisons. « Les métiers ont évolué et sont devenus plus exigeants. Les produits sont plus complexes. On ne peut plus arriver dans un travail sans une formation préalable, explique Annie Burton. En 2004, j’ai vécu une première vague de pénurie de talents, mais les exigences étaient moins pointues en technicité. On pouvait se permettre d’engager des personnes et de les envoyer en formation. Aujourd’hui, ce n’est plus possible en raison du timing. »
Le reflet d’une société Les employeurs sont pressés et mettent la pression sur les recruteurs. « Un bon candidat ne reste pas longtemps libre sur le marché. Avant, on le voyait et on le faisait revenir trois semaines ou un mois plus tard. Aujourd’hui, il faut être beaucoup plus réactif. En une semaine, tout doit être bouclé », précise Céline Campi.
Mark Simpson abonde dans ce sens. Le CEO de Lancelot, cabinet de recrutement indépendant, opère dans le secteur informatique. « Les pro ls recherchés sont de plus en plus spéci ques. Ils ne sont pas transférables d’un poste à l’autre malgré des CV qui semblent correspondre, détaille-t-il. C’est vrai qu’un caractère d’urgence s’est installé, mais que peuvent faire les employeurs, sinon attendre le pro l précis qu’ils recherchent ? »
La pénurie de talents, c’est aussi le re et d’une société qui change. Le mot « stabilité » s’écrit de plus en plus en pointillé. Pour un oui ou pour un non, un employé claque la porte de son entreprise. Cette dernière s’interroge alors sur la nécessité de former des gens et s’oriente vers du plug and play. « Certaines personnes viennent nous trouver en disant qu’ils ne sont pas challengés. Nous, on essaie de les convaincre de faire un tour complet du propriétaire avec leur employeur pour voir si un autre poste interne ne peut pas leur convenir, déclare Annie Burton. On recrute, mais on coache aussi les gens. »
Pour détecter des pro ls rares, il faut activer ses di érents réseaux. Et donc miser sur l’expérience. « Le carnet d’adresses reste une valeur sûre, continue Mark Simpson. Une connaissance nous présente une connaissance qui nous présente une connaissance. C’est la façon la plus sûre de trouver des pro ls adéquats. » Il faut pourtant faire encore plus. « Les candidats sont tellement sollicités par des employeurs qu’ils ne répondent plus nécessairement à notre o re », poursuit-il.
Céline Campi joue aussi sur son expérience et ses relations. « Je participe à beaucoup d’événements, d’afterworks en ressources humaines pour rester en lien avec ce monde. »
Annie Burton joue, quant à elle, la carte de la réputation. « Notre principal atout, c’est notre présence sur la place depuis 20 ans. Les gens nous connaissent et nous font con ance. Ils savent qu’on ne va pas les pousser vers un job qui ne leur correspond pas. La connaissance du marché est indispensable. On connaît les sociétés en di culté et celles, plus stables, qui peuvent o rir de meilleures perspectives à un chercheur d’emploi. »
Jérôme Carbonnelle est managing partner de la société GoToFreedom, spécialisée en asset management value chain. Il remet, quant à lui, l’humain au centre des débats. « Il faut donner un sens à cette démarche. Oui, il y a des compétences techniques, mais elles sont vite dépassées. Le socle le plus fort doit être constitué par les valeurs humaines, l’envie de travailler, la capacité d’apprendre, d’innover et de se renouveler. Commençons par nous demander quel rôle joue la personne dans la structure. Les gens n’ont pas envie d’être des machines, ils souhaitent donner du sens à leur métier. Le taylorisme doit donc évoluer pour attirer des talents. »
Un travail en profondeur qui correspond à la philosophie de GoToFreedom. « C’est notre cœur de métier. Du gérant à la ntech, détaille le directeur qui explique sa méthode. On passe le marché au peigne n. On en examine la taille, la largeur, la profondeur et on appelle tout le monde. »
L’étranger, cet eldorado Bien souvent, cela ne su t pas. Il faut alors passer les frontières. « Une fois le candidat trouvé, il faut l’attirer. Lui vendre le Luxembourg. Ce n’est pas toujours évident quand on vient de Paris, explique Céline Campi. Le prix des loyers entre alors en scène. Les candidats se rendent compte des coûts occasionnés et renégocient leur salaire. Ou alors ils vont s’installer de l’autre côté de la frontière. » Ou ne viennent pas du tout. « Un comptable italien qui a quatre ans d’expérience ne peut se permettre de payer la garantie pour un appartement. Il doit avoir un an d’économie. D’autres qui travaillent dans de grandes villes peuvent travailler quatre à cinq jours par semaine de CHIFFRES
60 %
Selon une étude menée par la Fr2s, 60 % des cabinets de recrutement ont vu leur effectif augmenter au cours des six derniers mois. Le secteur ne semble plus trop souffrir de la pandémie.
Entre 6 et 10
Toujours selon cette étude, entre les cabinets qui gèrent le moins de mandats et ceux qui en gèrent le plus, on note un coefficient de 10. En effet, 12,5 % des cabinets interrogés affirment traiter entre 6 et 10 missions de recrutement chaque mois, ce qui est également le cas pour les cabinets qui en traitent 60 et plus. Cela peut s’expliquer par les différences de taille et donc de ressources humaines présentes au sein de ces entreprises. Cependant, il est intéressant de préciser que la gestion d’un mandat ne signifie pas forcément le placement d’un candidat.
10 pour 1
Plus de 70 % des cabinets interrogés affirment que pour un entretien planifié, leurs consultants en recrutement traitent une dizaine de candidatures. Certains cabinets ont plutôt un ratio de 20/1. Par traitement de candidatures, on parle de prise de contact directe avec un candidat. chez eux. Pourquoi venir ici ? », résume Annie Burton.
Mark Simpson chasse aussi sur les terres étrangères. « Les candidats sont aujourd’hui plus enclins à faire les démarches pour venir ici. Le gouvernement a facilité les choses et c’est plus facile de recruter un non-Européen. Pour des pro ls rares avec un seuil de rémunération élevé, le permis de travail est délivré automatiquement, poursuit le CEO de Lancelot, principalement actif sur le Vieux Continent. Certaines sociétés ont des contingences linguistiques, ce qui restreint le choix. Il faut un francophone ou un germanophone. Sinon, il y a de bons pro ls à l’Est. Au Maghreb aussi, pour l’Intelligence Development. »
« Ce ne sont pas nécessairement les personnes qui habitent juste de l’autre côté de la frontière qui sont les plus faciles à convaincre. Nous, on se focalise sur des pays où les gens sont prêts à bouger. L’Espagne, l’Italie, la Grèce ou la Lituanie par exemple », détaille Jérôme Carbonnelle. Les négociations sont parfois rudes et le rapport de force a changé avec la tendance du marché. Le candidat se sent tout-puissant et dégaine sa liste de courses, comme au supermarché.
La version classique : le revenu Bien sûr, il y a toujours l’argument massue pour attirer les candidats : le salaire. « Il est faux de croire que les gens ne changent de job que pour les conditions de travail, ou la exibilité, parce que seulement 5 % des gens que je rencontre ne parlent pas de salaire », explique Jérôme Carbonnelle, managing partner de GoToFreedom. Annie Burton nuance. « On a reçu un candidat à qui l’on proposait une augmentation salariale de 40 %. Il a refusé le poste car il n’y avait pas assez de jours de congé dans le package. »
Très vite, le curseur se déplace vers d’autres avantages que peut o rir un employeur comme la exibilité et l’aménagement des horaires, le temps de travail, les formations, les services de crèche ou de conciergerie. Les valeurs de l’entreprise, également, ne sont pas à oublier. Pour les jeunes candidats par exemple, selon une enquête menée par le bureau de recrutement Michael Page, 77 % des 18-34 ans en France considèrent comme important le fait de travailler dans une entreprise éthique.
Mais le maître-mot de ces derniers mois lors de la prospection et du recrutement de candidats, c’est bien sûr le télétravail.
La star, c’est le télétravail Le concept a refait surface avec la pandémie de Covid-19, apparue au printemps 2020 et revenue ensuite par vagues, obligeant le monde du travail à s’adapter. « Je change d’emploi car mon patron n’accepte pas le télétravail. » La phrase a fait orès ces derniers mois et Annie Burton est là pour en témoigner. Les entreprises
d’IT se prêtent bien à la pratique, mais Mark Simpson s’est rendu compte que « beaucoup d’entreprises n’avaient pas mis en place cette politique alors que d’autres y étaient carrément réfractaires ».
Jérôme Carbonnelle, lui, refuse d’en faire une généralité. « C’est la bouteille à l’encre. Des gens adorent aussi être au bureau. Les résidents et les non-résidents n’ont pas les mêmes contraintes en termes de télétravail. Nos États prennent de bonnes décisions pour faciliter la chose. La limite demeure cependant les principes de base décidés au niveau européen, tant en termes de scalité que de sécurité sociale des travailleurs, précise celui qui dirige une petite entreprise d’une dizaine de personnes qui s’est adaptée à la situation. On travaille désormais quatre jours et demi. Les vendredis aprèsmidi sont o et les matinées se font de la maison. Nous restons cependant disponibles pour nos clients et pour tenir des rendez-vous avec eux. Nous encourageons en effet les rendez-vous physiques. Il est temps de revoir les gens. Les rendez-vous virtuels peuvent créer des incompréhensions ou certains modes de communication peuvent créer des tensions. »
Il y aura vraisemblablement un avant et un après-Covid, car le retour à la normale semble impensable dans de nombreuses entreprises et les foyers. Après le régime de télétravail illimité qui ne sera plus en application au 1er juillet 2022, on imagine les employeurs permettre à leur personnel un jour et demi à deux jours de télétravail par semaine.
Pour peu que le régime scal l’autorise, car il ne faudrait pas que l’employeur se mette à payer la sécurité sociale dans le pays de résidence de ses employés. « Mais on peut
UNE FÉDÉRATION POUR L’ÉTHIQUE
L’éthique n’est pas un vain mot sur la planète recrutement. Fr2s (Federation for Recruitment Search & Selection), dont Nathalie Delebois (DO Recruitment Advisors) et Gwladys Costant (GoToFreedom) sont les deux coprésidentes, promeut la déontologie à travers un code. Les agences qui souhaitent rejoindre cette fédération signent une charte. Un cabinet d’audit externe se charge de la garantie de ces conditions. Un outil nécessaire, car une autorisation pour ouvrir une agence su it. Pas besoin d’une licence. Une facilité qui prête le flanc à certaines pratiques peu fair-play. Cela fâche les professionnels et les encourage à se regrouper pour former un socle plus solide et pour échanger aussi avec des fédérations d’autres pays. Ce qui se faisait au niveau du travail temporaire existe désormais pour le recrutement permanent. Le Registre du commerce liste environ 300 agences au Luxembourg, mais il y a parmi elles des boîtes aux lettres de cabinets ayant pignon sur rue en Irlande, en Angleterre ou en Europe de l’Est. Réellement, on en dénombre une cinquantaine sur la Place luxembourgeoise.
« La connaissance du marché est indispensable. On connaît les sociétés en difficulté et celles, plus stables, qui peuvent offrir de meilleures perspectives à un chercheur d’emploi. »
ANNIE BURTON Manager Financial services Badenoch + Clark
légitimement se demander quelle posture vont adopter les salariés lorsqu’ils reviendront de vacances », poursuit Céline Campi.
« Cette crise a créé un individualisme exacerbé qui s’est traduit dans les rapports de force. Les augmentations salariales ont rythmé le quotidien des DRH, explique Jérôme Carbonnelle. La courbe de salaire des jeunes est très pentue. On se demande tous comment on va gérer leurs frustrations d’ici quelques années, car les arbres ne montent pas jusqu’au ciel. Il y a la guerre, l’in ation et les taux d’intérêt qui grimpent. Je ne sais pas si les candidats vont rester aussi déraisonnables. Attention au retour de amme. »
De la place pour tout le monde La jeune génération, elle, a compris très rapidement l’avantage d’un tel système. « Et neuf o res d’emploi sur dix concernent des gens qui ont moins de dix ans d’expérience, rappelle Jérôme Carbonnelle. Les plus anciens doivent pouvoir convaincre le patron qu’ils apportent une valeur ajoutée tangible. »
Âges di érents, mœurs di érentes. La exibilité, la volonté de rentrer à la maison à 18 heures, de pouvoir faire du sport à midi, de disposer de plus de jours de congé... Le spectre est large et le champ des discussions in ni. « Quant à l’âge, je n’en fais pas un critère absolu, explique Annie Burton, dont la société ne se penche que sur des pro ls expérimentés. L’âge, c’est très relatif. Certaines personnes sortent d’un long cycle d’études, d’autres s’engagent très rapidement, d’autres encore s’interrompent puis reprennent. En fait, ce sont les candidats qui se trouvent trop vieux. »
Il faut, pour les cabinets de recrutement, faire preuve d’une sacrée dose de résilience pour aller au bout de la démarche. « On nous paie avant, ça aide à nir le travail. On n’abandonne jamais, indique Jérôme Carbonnelle. Nous avons une montée d’adrénaline quand un client nous mandate. Et encore une quand une chouette liste de candidats se présente à nous. Elle est toujours là quand on réussit à les avoir en interview et quand le candidat est bon à présenter. Alors, imaginez le niveau d’adrénaline quand il signe à la n. » La chaîne est longue et chaque maillon compte. « Il arrive que l’on franchisse les étapes les unes après les autres et que, au dernier moment, le candidat refuse de s’engager parce qu’il veut rester proche des siens », dit Céline Campi.
On pourrait penser que, dans un environnement aussi concurrentiel, les acteurs du recrutement jouent des coudes. « Mais pas tant que ça », disent en chœur les cabinets que nous avons sollicités. « Il y a de la place pour tout le monde. La preuve ? Certains cabinets étrangers placent des candidats dans des entreprises luxembourgeoises. Cela signi e qu’il y a certains vides que nous ne pouvons pas combler », précise Mark Simpson.
« Les sociétés basées à l’étranger sont plus agressives, mais cela n’empêche pas les cabinets basés sur la Place de bien travailler », explique Céline Campi. « Ici, les gens sont courtois. Tout le monde connaît tout le monde. On sait qui travaille bien et un climat de confiance s’est installé », poursuit Annie Burton. « Et puis le Luxembourg reste un pôle d’attractivité pour les entreprises », ponctue Jérôme Carbonnelle.
Badenoch & Clark Photo
- Unique au Luxembourg - Bac +5 en 9 mois - Diplôme certifié FEDE
HR Academy Luxembourg Photo

L’Unique Mastère (Bac +5) exclusivement adressé aux professionnels RH au Luxembourg
Créé en 2014, la HR Academy, l’école RH de référence au Luxembourg développe de nombreuses formations qualifiantes et diplômantes afin de former les futurs RH. Mais elle ne s’arrête pas là, grâce à son Mastère Professionnel, l’école se veut un tremplin pour les RH déjà en activité souhaitant booster leur carrière.
Développer et consolider ses compétences professionnelles en étant complétement cumulable avec une vie professionnelle, voici l’énorme défi relevé par la HR Academy avec cette formation.
Le Mastère Pro RH, par ses 2 jours de cours par mois, vous permet de vous ouvrir de nouvelles portes, construire un réseau professionnel solide, obtenir un diplôme Bac+5 certifié FEDE en seulement 9 mois et à 500m de la gare de Luxembourg.
C’est l’unique Mastère luxembourgeois adressé aux professionnels avec une promotion composée exclusivement des RH de Luxembourg.
Mais pas que ! Le Mastère pro RH est aussi éligible au cofinancement de la formation avec possibilité de demander un CIF (congé individuel de formation) afin d’effectuer ses cours, propose des cours et cas pratiques avec des DRH de la place luxembourgeoise, offre un HR Mentorship program, ainsi qu’une hotline juridique à la disposition de la société pendant la formation.
«Ce cursus en 1 an permet d’obtenir un diplôme supérieur de façon rapide tout en continuant son activité professionnelle en parallèle. Grâce à sa formule en alternance, cette formation permet d’allier pratique et théorie en RH et en droit du travail luxembourgeois». Muriel Griso, Diplômée en Mastère Pro RH 2021
Cette formation recouvre donc une multitude de domaines RH grâce aux professionnels qui travaillent sur ce programme. tels que : la formation, la gestion des compétences, le recrutement, les relations internes, les langues étrangères, la paie, droit du travail et droit européen, l’application des nouvelles législations du Luxembourg. En somme, un programme bien complet vous attend dans ce Mastère Pro RH.
POUR EN SAVOIR PLUS SCANNEZ LE QR CODE OU CONTACTEZ NOTRE DIRECTEUR SALES Stéphan RABRET t. + 352 691 26 29 57 srabret@rhexpert.com